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ANCIENNE & NOUVELLE
DISCIPLINE DE L'ÉGLISE
TOME PREMIER
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Cet ouvrage, par les corrections el les additions considérables qui y ont été opérées, est devenu ^
la propriété de l'Editeur, qui se réserve tous ses droits. Toute contrefaçon ou imitation , quelle que
soit la forme sous laquelle elle se présente, sera poursuivie rigoureusement, conformément aux lois
Présentée to the
LIBRARY ofthe
UNTVERSITY OF TORONfTO
by
WALTEB GOFFART
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/anciennenouvelle01thom
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C 3ERTIN Edil'
Paris.SrS'Suloire
Bar-lfDuc
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ANCIENNE & NOUVELLE
I)I8( 'Jl'LINlî TiE L'ÉGLISE
Al! Lt1^î,S^LUMASSIX
Prêtre 'de' WJratoire "^^,
NOIVEIM: KltlTION. UEVIK. i:(mRIi.ÉK ET Ali.MENTÉE
PAR M. ANDRÉ
Curé de Vaucluse, (lorieur en ilioit canociiiuo , membre de plnsieiirs sociélés savantes
TOME PREMIER
VIE DL P. THOMASSIN. — Dl FKEMIER ET DL SECOND UKDRE DES CLERCS
<^«
BÔR-LE-DUC
LOUIS OIÉRLN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR, RUE DE LA ROCHELLE, 49-51
l'AItlS. — MÈ.Mt; MAISON, GtUEt: PAR H. LAG.NV. IJllHAlHb;
rue de Grenelie-Saiot-Germ^in , II.
M DCCC LXIV
AVERTISSEMENT
SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION.
Au moment où le Droit Canon, si tristement négligé en France , depuis près
d'un siècle , commence à refleurir , lorsque le clergé et même les laïques qui
s'occupent de jurisprudence, recherchent avidement les livres dans lesquels ils
espèrent trouver ces matières bien traitées, il m'a semblé opportun de publier
là-dessus, comme je le fais pour l'histoire et la théologie, non pas un de ces
abrégés, copiés les uns sur les autres, où l'on cite sans vérifier, où l'on donne
la science de deuxième ou de troisième main, mais un traité puisé aux sources.
Il ne m'appartenait pas de faire moi-même un choix en matière aussi grave.
J'ai consulté un des hommes les plus savants de Rome et lui ai demandé quel était
celui des canonistes classiques qui serait le plus utile au clergé pour sa science
et ses principes. — Rééditez V Ancienne et nouvelle Discipline de V Eglise du Père
Thoraassin, m'a-t-il répondu, tout est là. D'un autre côté, l'homme si compétent,
à qui j'ai proposé de revoir et de continuer cet ouvrage, m'a dit : « Vous ne
pouvez mieux choisir : c'est le commentaire le plus complet du Droit Canon ,
qui, nulle part ailleurs, n'est aussi bien expliqué. »
« De ce grand nombre d'ouvrages qu'a laissés le P. Thomassin, celui qui
sans comparaison fait le plus d'honneur à la mémoire de ce savant et laborieux
auteur, est son ample et docte Traité de la Discipline de l'Eglise ; il le composa
en français, et le fit imprimer en trois vol. in-fol., l'an 1679; ensuite, pour
obéir au pape Innocent XI , qui témoigna désirer qu'un ouvrage qui pouvait
être utile à l'Eglise, se répandît partout par une traduction latine, le P. Tho-
massin l'entreprit et l'acheva en dix-huit mois » {Mémoires de Trévoux, octo-
bre 1717).
Cet auteur, à la fois érudit et judicieux, pour décider chaque question sans
Th. — ToM. I. a
j, AVERTISSEMENT
parti pris, parcourt tous les siècles, y ramasse une multitude presque infinie
de faits, de lois, de canons, de décrets, de témoignages des Pères : il les inter-
prète , il les compai-e , il cherche la vérité avec le zèle le plus scrupuleux , et
quand il croit l'avoir trouvée il la montre sans l'imposer (1). C'est un de ces
rares savants à qui l'on peut se fier, pai'ce qu'ils ne se forment jamais une opi-
nion qu'avec de solides motifs, et qu'ils vous mettent toujours à même de juger
vous-mêmes, en vous remettant les pièces avec sincérité. Le P. Thomassin nous
introduit dans les divers âges de l'Eglise, et nous y fait voir les maximes éter-
nelles qui ne varient jamais , et celles qui , pour la plus grande gloire de Dieu ,
changent selon les besoins de l'humanité et les exigences des temps et des heux.
Aux quatre âges qu'il nous fait connaître, il fallait en ajouter un cinquième :
c'est celui où nous vivons depuis la Révolution française, et pour lequel l'EgUse
a dû modifier sa discipline. C'est cette discipline actuelle qu'il nous importe sur-
tout de connaître, puisqu'elle est d'une application journahère. M. l'abbé J.-F.
André, docteur en droit canonique, s'est chargé de ce travail. A qui pouvais-je
mieux m'adresser qu'à un homme qui a passé sa \ie, depuis près de trente ans,
à approfondir l'étude du droit ecclésiastique ; que W^ Berardi , archevêque de
Nicée, substitut du secrétaire d'Etat à Rome, dans une lettre publiée dans les
journaux, a proclamé maître consommé dans le droit canonique; qui s'est fait un
nom au sein du clergé par son savant et courageux livre : Les Lois de l'Eglise
sur la nomination, la mutation et la révocation des curés. — Situation anormale de
l'Eglise de France; qui, enfin, jurisconsulte éclairé, donne chaque jour des con-
sultations à ses confrères dans un recueil ecclésiastique.
J'ai choisi l'édition française, parce que, objet de plus de soins de la part du
P. Thomassin , le style en est meilleur ; mais on y a introduit l'ordre et les
augmentations de l'édition latine; dans l'édition française, le P. Thomassin avait
adopté l'ordre des temps, de sorte que pour voir la suite d'une même question il
fallait passer d'un volume à un autre et la poursuivre avec beaucoup de difficul-
tés. L'édition latine, au contraire, est faite selon l'ordre des matières. Une fois
qu'il a abordé un sujet , il le suit à travers les diverses époques et ne le quitte
qu'après l'avoir épuisé. M. André, se conformant à cet ordre, prend la question
oïl l'a laissée Thomassin et la conduit jusqu'à nos temps. Les grandes divisions
sont donc logiques et les subdivisions chronologiques.
{i) Il faul bien remarquer que toutes les citations sont en latin; de sorte que cet ouvrage peut être considéré comme un cours
de Droit Canon en latin avec un coinmentaire français.
SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION. m
L'éditeur de 1725 a cherché à donner à certaines phrases du P. Thomassin
plus de clarté , tantôt en substituant à des termes vieillis d'autres termes plus
récents et plus usités, tantôt en coupant des phrases qui, par leur longueur
excessive, fatiguaient et même troublaient l'esprit du lecteur. On l'a imité dans
cette nouvelle édition, mais avee une grande réserve.
Il serait superflu , croyons-nous , de montrer l'immense utilité de Thomassin
pour le clergé paroissial. Eloigné en général des grandes bibliothèques, man-
quant de livres, le prêtre employé dans le ministère sait à peine où se trou-
vent les sources du droit canonique. Thomassin, en commentant tout le droit
avec tant de science, dispense de tout autre auteur. Là, en effet, se trouvent
traités à fond les droits et les devoirs des évoques, des chanoines, des curés et
de tous les bénéficiers. Chaque article est un traité complet. Quelle vaste éru-
dition, par exemple, lorsqu'il commente le Titre I", si important, du Livre III
du Droit de vita et honestate clericorum .' Avec l'édition que j'offre au clergé,
augmentée des modifications que les révolutions modernes ont introduites dans
la législation ecclésiastique , tout prêtre studieux pourra étudier à fond le droit
canonique.
Cette publication, comme toutes mes autres, se recommande par des avan-
tages , qui , s'ils m'occasionnent des frais énormes , m'attirent de précieuses et
universelles sympathies. On y trouvera le portrait, la biographie de l'auteur;
une analyse raisonnée avant chaque chapitre ; des tables très-complètes ; un
papier d'excellente fabrication ; une impression bien soignée. Il y aura 7 vol.
in-8° à deux colonnes : même format , même caractère que Bossuet , Chryso-
stome, Augustin, etc. Les volumes paraîtront de trois mois en trois mois.
L. GUERIN
Imprimeur-Editeur, à Bar-le-Duc [Meuse).
AVERTISSEMEM DE L'ÉDITIOA' DE 1725.
L'estime particulière que les savants font de cet ou-vrage, dispense de prévenir le public sur
son mérite et sur son utilité. C'est pour cette raison qu'on se renferme ici à faire connaître que
cette nouvelle édition est beaucoup plus correcte, moins défectueuse, et d'un usage beaucoup
plus facile que n'ont été les précédentes.
L'auteur donna d'abord cet ouvrage en français , distribué en trois volumes , par ordre des
temps, de sorte que les mêmes matières se trouvaient traitées dans le premier, dans le second et
dans le troisième : ce qui en rendait l'usage très-incommode, puisque sur un même sujet
on était obligé de consulter successivement ce qui était répandu dans les trois tomes sur la
matière qu'on étudiait.
On ne fut pas longtemps sans s'apercevoir de l'embarras que causait un tel arrangement , et
combien il est incommode de ne pouvoir trouver la suite d'une même question, qu'en passant
d'un volume à un autre. L'auteur même, n'en pouvant disconvenir, publia quelques années
après ce même ouvrage en langue latine, et le distribua en trois tomes, mais dans un autre
ordre que l'on trouva plus convenable : au lieu de suivre, comme il avait fait dans l'édition
française, l'ordre des temps, il en lit un des matières dans l'édition latine, de sorte qu'il
expliqua dans chaque volume des sujets tout différents, et les traita sans interruption aux
endroits où il avait jugé à propos de les placer. Par ce moyen il épargna aux lecteurs la
fatigante peine de passer d'un volume à un autre sur un même sujet.
On ne peut pas nier que son style latin ne soit bon; mais il faut aussi demeurer d'accord qu'il
est un peu dur et en même temps trop ampoulé, pour être à la portée de tout le monde. C'est
une des raisons qui ont déterminé à donner cet ouvrage en français plutôt qu'en latin. 11 y
en a encore une autre, qui ne peut pas échapper à ceux qui ont négligé d'acquérir la connais-
sance de la langue latine, ou qui s'y étant adonnés pendant quelque temps , ont depuis cessé
de la cultiver.
Enfin, une autre raison, qui ne regarde pas moins les savants que les autres, c'est que les
noms latins des villes étant pour la plupart inconnus à ceux même qui sont dans l'usage de la
langue latine, on est obligé de consulter les dictionnaires pour s'en instruire; et ces noms
de villes ou de pays qui sont très-fréquents dans cet ouvrage, se trouvent en français dans cette
réimpression.
Mais si l'on a jugé à propos de donner cette nouvelle édition de la Discipline de l'Eglise en
VI AVERTISSEMENT DE L'ÉDITION DE 1725.
français, on a en même temps compris qu'il était d'une nécessité absolue de suivre l'ordre qui
se trouve dans l'édition latine, afin d'éviter l'embarras dans lequel jetait celui qu'on avait suivi
dans rédition française.
L'auteur, en rédigeant son ouvrage en langue latine, y a fait plusieurs additions. On a pris un
très-grand soin de les traduire toutes en français, et de les placer aux endroits où l'auteur les
avait lui-même insérées dans son édition latine.
On a eu aussi toute l'attention possible à donner à sa diction plus de clarté, et à substituer à
quantité de termes qui sont aujourd'hui hors d'usage , ceux qui sont plus convenables et plus
récents. On a même coupé une inflnité de phrases, qui par leur longueur excessive fatiguaient
beaucoup l'esprit du lecteur.
Pour ne rien omettre de ce qui peut contribuer à rendre un ouvrage utile, on a fait à chaque
volume des tables à l'aide desquelles il sera facile de trouver les endroits dont on pourra avoir
besoin.
Enfin, comme la beauté des caractères et du papier ne laisse pas d'entrer pour quelque chose
dans le mérite d'un livre, aussi bien que la correction , on n'a rien épargné pour que le public
fût pleinement satisfait à cet égard.
VIE
DU
PERE LOUIS THOMASSIN
PRETRE DE L'ORATOIRE.
Quoique les vies des savants ne soient pas or-
dinairement remplies de cette variété et de cette
multiplicité de faits qui font rechercher les autres
histoires, toutefois l'intérêt qu'où prend à leurs
ouvrages, fait qu'on recueille leurs vies avec soin,
et qu'on les lit avec empressement. Plus leur mé-
rite a éclaté, plus on est curieux de connaître leur
caractère, d'apprendre jusques aux moindres cir-
constances de leur vie, et de savoir par quelle
route ils sont parvenus à ce haut degré de con-
naissance que nous admirons en eux et les motifs
ou les occasions qui les ont engagés à composer
leurs divers ouvrages. Occupé dans la retraite, ou
à composer ou à prier, le père Thomassin ne
nous fournit pas plus de faits que les autres : mais
le rang distingué qu'il tient parmi les savants, les
services qu'il a rendus à l'Eglise, sa vaste éru-
dition, le grand nombre de ses ouvrages, et la vie
édifiante qu'il a menée, sont des motifs suffisants
pour faire souhaiter de nous un détail circonstan-
cié des actions de ce grand homme; c'est ce que
nous allons tâcher d'exécuter.
Les mémoires conservés dans la famille des
Thomassin, nous font connaître qu'elle est ori-
ginaire du comté de Bourgogne, d'où elle s'est
répandue dans diverses provinces du royaume. 11
n'est pas de mon dessein de la suivre dans ses
différents établissements. Il me suffira de dire que
Jean Thomassin quitta Vesoul sa patrie pour suivre
en Provence, René, roi de Sicile, auquel il s'était
attaché pendant que ce prince était détenu pri-
sonnier par le duc de Bourgogne, dans le château
de Blacon. 11 eut même quelque paît à sa déli-
vrance, comme il conste par deux actes passés à
ce sujet, les 16 novembre et -22 décembre de l'an
1436, auxquels il a signé comme témoin. Comblé
de biens et d'honneurs par ce prince, il s'arrêta en
Provence, où l'on vit sa famille se distinguer dans
l'Eglise et dans les armées, et produire un nombre
si considérable de magistrats, qu'il y a peu de fa-
milles dans le royaume qui puissent en compter
autant. En effet, il y a eu dans la cour des comptes,
des aides et finances d'Aix, des maîtres rationaux,
des conseillers et quatre avocats généraux de ce
nom , tous recommandables par leur probité et
par leur savoir : et dans le parlement de la même
province, seize avocats généraux, conseillers, ou
présidents. Un historien de Provence relève le
savoir et la probité de Jean-André Thomassin ,
conseiller au parlement. Etienne Thomassin
exerça pendant trente ans la charge d'avocat gé-
néral avec une très-grande réputation. François
Thomassin son fils, qui fut pourvu d'une charge
de conseiller, marcha dignement sur les traces de
son père pendant trente-huit ans. Alexandre Tho-
massin, aussi conseiller au même parlement,
soutint pendant quarante ans la gloire de sa
famille et sut, comme ses ancêtres , joindre un
profond savoir à une plus grande intégrité. Je ne
finirais point si je voulais parler de tous les autres.
J'ajouterai seulement que cette famille, qui remplit
encore aujourd'hui les principales charges de ce
même parlement, n'est pas moins connue par les
savants qu'elle a produits, que par les grands ser-
vices qu'elle a rendus à la république des lettres.
Car outre les savauts magistrats dont j'ai parlé,
Louis Thomassin, mort évê ]iie de Sisteron, que
l'illustre M. Godeau avait choisi pour son coadju-
teur à Venre, a laissé au public des preuves de
son savoir. Claude Thomassin, théologal de Fréjus
nous a donné des paraphrases sur Tobie et sur
Job. Louis Thomassin Mazaugues, conseiller au
parlement, mort en 1712, et Henri-Joseph Tho-
massin Mazaugues, son fils, président aux enquê-
VIII
VIE DU PÈRE THOMASSIN.
tes, sont très-connus des savants. On n'oubliera
jamais que c'est à la générosité du premier qu'on
est redevable de l'excellent ouvrage du père
Antoine Pagi, surBaronius. Le second a non-seu-
lement hérité des vertus de son père et de son
amour pour les lettres, mais il marche encore sur
les traces du célèbre M. de Peiresc son parent, qui
a été regardé avec raison comme le Mécène de
son siècle.
C'est d'une famille si féconde en grands hom-
mes que le père Louis Thomassin, dont je donne
la vie, tira son origine. 11 naquit à Aix en Pro-
vence, le vingt-huit du mois d'août de l'an mil six
cent dix-neuf et fut le quatrième fils de Joseph
Thomassin, seigneur de Taillas, de la Garde et du
Loubel, avocat général en la cour des comptes,
aides et fmances de Provence ; et de Jeanne Latil,
des seigneurs d'Entraigues et de Vilosc. On con-
nut dès son enfance tout ce qu'il devait être un
jour. A un génie élevé et fort au-dessus de son
âge, il joignait une sagesse prématurée et un heu-
reux penchant à la vertu : en sorte qu'on peut dire
de lui qu'il fut dès sa jeunesse le même qu'il a été
pendant toute sa vie ; je veux dire que l'on a
admiré en lui, dans tous les temps de sa vie, sa sa-
gesse, son inclination pour l'étude, l'étendue de
ses connaissances, et cette égalité d'àme que rien
ne fut capable de troubler.
Dès l'Age de dix ans on l'envoya en pension
chez les prêtres de l'Oratoire de Marseille. Son père
crut ne pouvoir confier plus sûrement son éduca-
tion. Charmés de son bon naturel, ces pères s'ap-
pliquèrent à le cultiver et à faire profiter ses heu-
reux talents. Us en recueillirent bientôt les fruits :
car il n'avait pas encore quatorze ans qu'il de-
manda avec instance d'entrer dans leur congréga-
tion. Son père, qui l'aimait beaucoup, n'hésita pas
néanmoms à faire ce sacrifice au Seigneur. 11 fut
lui-même le présenter au père Jacques de Rez,
supérieur de l'institution d'\ix. Ce père, qui con-
naissait le mérite de ce jeune enfant, le reçut avec
plaisir et l'admit dans l'Oratoire à la fin du mois
de septembre de l'an Kiiti. Le jeune Thomassin
fil sous la direction du père de Rez de si grands
progrès dans la piété, qu'on a toujours reconnu
depuis et admiré en lui les vertus de ce pieux et
zélé directeur.
Après avoir jeté d'aussi solides fondements il
retourna à Marseille pour y étudier en rhétorique
sous le (lère de Souvigiiy, si connu depuis à Rome
eleii France; et ensuite en philosophie sous le
père Uertliad, l'un des plus habiles philosophes et
théologiens (ju'ait produits la congrégation (1036).
De Marseille, le jeune Thomassin lut envoyé à
Saumur pour y faire sa théologie (1638). Au sortir
de Saumur, il alla enseigner la grammaire et les
liumauilés à Pézenas, et de là à Vendôme, et la rhé-
torique à Troyes et à .Marseille. H s'acquitta paitout
de ces diflérents emplois avec beaucoup de dis-
tinction : car étant exliémenient réglé et exact, il
trouvait encore du temps après le devoir ordinaire
pour donner à ses écoliers une teinture du blason,
de la géographie et de l'histoire , et pour leur
apprendre les premiers principes des langues ita-
lienne et espagnole. C'est ainsi qu'en mettant à
profit jusqu'aux moindres moments il formait
d'excellents écoliers.
Dans le temps qu'il enseignait la rhétorique à
Marseille, ses supérieurs l'envoyèrent à Aix pour
y recevoir la pièlrise; et le vingt et un décembre
1643 il alla célébrer sa première messe dans la
chapelle de Notre-Uanie des Anges, située dans
un désert entre Aix et Marseille , persuadé que ce
serait dans la solitude que le Seigneur lui commu-
niquerait plus abondamment ses grâces. Il ne se
trompait pas, la retraite qu'il y fit ne servit qu'à
l'alVermir davantage dans la pratique de toutes les
vertus.
Après avoir employé plusieurs années à l'ins-
truction des autres , il était temps que le père
Thomassin songeât à s'instruire lui-même ; il
demanda donc à ses supérieurs la permission de
se reposer une année à Lyon, ce qu'ils lui accor-
dèrent avec plaisir. Il l'employa toul entière à se
préparer à la philosophie et à la théologie ; et tous
ses moments se trouvant ainsi remplis, on ne peut
croire quelle provision de science il fit pour
l'avenir. En 164o, il enseigna à Pézenas la philo-
sophie avec tant de succès et de réputation, que
plusieurs professeurs très-habiles de diflérents
ordres se firent honneur de dicter publiquement
ses écrits. Il s'était surtout attaché à la philosophie
de Platon, qu'il regardait avec justice comme
devant servir d'introduction à la théologie des
Pères; et quoiqu'il possédât à fond les systèmes
de Descaries et de Gassendi, il ne voulut adopter
des opinions de ces nouveaux philosophes que
celles qui lui paraissaient s'accorder avec les sen-
timents des meilleurs auteurs ecclésiastiques, par-
ticulièrement de saint Augustin ; et il était si per-
suadé de la bonté de sa méthode, qu'il ne cessait
depuis de la conseiller à ses meilleurs amis.
Son érudition était si connue, qu'après lui avoir
fait dicter un nouveau cours de philosophie à
Lyon, on l'envoya enseigner les mathématiiiues à
Juilly, et l'année suivante professer la théologie
à Saumur, qui élail alors l'école la plus célèbre de
l'Oratoire. 11 y fut le collègue du père Berlhad,
dont il avait été (juelques années auparavant le
disciple. Rien ne marque mieux la grande opi-
niim et l'estime que l'on avait conçues de lui dans
son corps, puisque n'étant pas encore âgé de
trente ans, on lui donnait un emploi qui deman-
dait, pour ainsi dire, une érudition consommée,
et qu'on le préférait à un grand nombre d'excel-
lents théologiens, dont la congrégation de l'Ora-
toire était dès lors suffisamment pourvue.
Un homme moins laborieux ou plutôt moins
savant que le père Thomassin, se serait borné à
sa classe de théologie; mais ce grand homme, qui
ne ménageait point ses forces lorsqu'il s'agissait
de l'utilité du prochain et de la gloire de Dieu el
VIE DU PÈRE TIIOMASSIN.
m
de l'Eglise, ne crut pas devoir s'en tenir là : il en-
treprit donc d'y faire toutes les semaines, outre
ses leçons ordinaires de théologie scolastique,
plusieurs conférences de théologie positive; et
soit l'importance des matières qui y étaient trai-
tées, soit la profondeur et la nouveauté de la mé-
thode , ces conférences lui altirèrenl un grand
nombre d'auditeurs, tant catholiques que protes-
tants.
La théologie scolastique avait tellement pris le
dessus depuis Pierre Lombard et saint Thomas,
que la lecture des Pères était presque négligée.
Le savant |)ère Pétau, jésuite, et le père Morin,
prêtre de l'Oratoire, furent les premiers qui, dans
le dernier siècle, osèrent reprendre la méthode de
la théologie positive; le premier dans ses dogmes
théologiques, le second dans ses traités de la pé-
nitence et des ordinations sacrées. Les trois pre-
miers volumes des dogmes théologiques étaient
imprimés dès 1614, le quatrième, aussi bien que
les ouvrages du père .Morin, étaient sur le point
de paraître. Soit donc que la lecture du premier
ouvrage, soit que les avis et les conseils de l'au-
teur des seconds eussent déterminé le père Tho-
massin à quitter l'élude sèche de la scolastique
pour apprendre la religion dans ses sources, je
veux dire l'Ecriture, les Pères et les conciles, il
parait qu'il fut le premier qui entreprit de traiter
cette théologie dans des conférences publiques.
Mais ce qui me porterait à croire que les conseils
domestiquesdu père Morin l'avaient engagé à celte
étude, c'est qu'en la même année 1649, on or-
donna des conférences de positive à Saint-Ma-
gloire, lesquelles y ont toujours continué depuis,
et s'y font encore avec beaucoup de succès (1).
Quoi qu'il en soit, il continua pendant quelques
années ses conférences de posiiive à Saumur. 11 y
traitait les matu'îres théolopiques d'une manière
savante; et les dégageant des subtilités de l'école,
il appuyait tous les points qu'il se proposait d'éta-
blir sur le témoignage de l'Ecriture, des Pères et
des conciles. 11 fut secondé dans cette pénible
carrière par quelques-uns de ses confrères; ce
qui leur acquit une si grande réputation, que le
célèbre r.\mirault, ministre à Saumur, disait que la
maison de Xotre-Dame des Ardil tiers des prêtres de
l'Oratoire était un fort que rEylise romaine oj)j)os(u( à
la place d'armes que les protestants avaient établie dans
cette ville. En effet, cette théologie mettait seule
en état de répondre aux arguments des hérétiques,
qui voulant, disaient-ils, s'en tenir à la pure doc-
trine enseignée durant les quatre premiers siècles
de l'Eglise, rejetaient avec mépris toutes les opi-
nions de l'école. Aussi a-t-elle été depuis em-
ployée contre eux avec beaucoup de succès par
nos plus habiles controversistes. C'est cette nou-
velle méthode qui a produit tant d'excellents ou-
vrages qui ont fait le triomphe de l'Eglise et la
honte des nouveaux sectaires.
(1) Baral et Bordes, m Vila Lad. Thom.
Tant d'occupations demandaient qu'il procurât
à son esprit quelque lehiche. Le père Thomassin
n'en voulait employer d'autres que ceux (jui étaient
joints à quelipie utilité. Il se ménagea donc un
jardin qu'il planta lui-même d'arbustes et de
plantes médicinales, dont il connai.ssail la vertu
et les propriétés. C'est ainsi que les grands hommes
savent mettre à profit jusqu'à leur loisir, et qu'ils
se délassent agréablement par la variété de leurs
exercices.
Il quitta cette maison avec regret environ l'an
I6.b4, lorsque le père Bourgoin, son général, le ht
venir à Paris, au séminaire de Saint-Magloire, que
MM. de Gondy , archevêques de Paris , avaient
attaché à notre congrégation. Ce fut là que son
mérite parut dans tout son jour. On ne peut croire
avec quels applaudissements il y continua les
conférences de positive qu'il avait commencées à
Saumur. C'était un théâtre trop borné ; la capitale
de la France était seule digne de lui. .\ peine y
fut-il arrivé qu'on vil accourir de toutes parts un
graud nombre d'ecclésiastiques, que le désir de
profiter de ses leçons y attirait. Les personnes
même que leur mérite a élevées aux premières
charges de l'Eglise et de l'Etat, ont souvent avoué
que rien n'était plus propre que ses maximes pour
former un jeune homme au gouvernement ecclé-
siastique.
Le fameux père Senault, alors supérieur du sé-
minaire, reconnut en lui tant de taienls pour l'élo-
quence, qu'il dit qu'il aurait pu devenir un des
plus excellents prédicateurs du royaume, s'il avait
voulu donner de ce côté-là. Et le père Jules Mas-
caron, prédicateur du roi, mort en 1703, évêque
d'Agen, avouait lui devoir les plus beaux endroits
de ses sermons. Ce dernier avait fait espérer un
ouvrage sur la meilleure manière de prêcher la
parole de Dieu, qui devait être le fruit de ses fré-
quents entretiens avec ce savant homme. Il con-
tinua ses conférences depuis environ l'an 1654
jusques en I66S. Sa joie fut complète loi-squ'il vit
qu'elles étaient d'un grand secours pour les con-
troverses contre les hérétiques.
Les deux dernières années il parut deux ou-
vrages de lui, l'un sur les conciles, et l'autre sur
la grâce, qui firent beaucoup de bruit, et dont je
ne saurais me dis|)enser de parler ici avec quel-
que détail. Le premier fut intitulé : Dissertations mir
les conciles généraux et particuliers. Elles étaient au
nombre de vingt, et furent imprimées in -4°, à Pa-
ris, chez Dezailler, l'an 1667, et dédiées à M. de
Péréfixe, archevêque de Paris. Ses principes paru-
rent si opposés aux maximes de France, qu'on en
arrêta les exemplaires; l'ouvrage fut même déféré
au clergé de France. On ne sera pas fâché de
trouver ici deux lettres, l'une du père Seuault, gé-
néral de l'Oratoire à M. l'archevêque de Paris, et
l'autre du père Thomassin au père de Sainte-
Marthe. Elles Héritent d'avoir place dans cet ou-
vrage, d'autant plus qu'elles n'ont jamais été im-
primées; on verra dans la première les sentiments
VIE DU PÈRE THOMASSIN.
de sa congrégation sur les points que trailail le
père Tliomassin, et la sage conduite que tint a'ors
le père Senault, comme on remar{iuera avec plai-
sir dans la seconde, la docilité, la sagesse, la mo-
dération du père Tliomassin, et ce grand amour
de la paix demi il a donné pendant toute sa vie tant
de preuves admirables : l'une et l'autre nous four-
nissent un détail exact de cette afTaire. Voici celle
du père Senault (1670) :
c< Monseigneur, je n'eusse jamais pensé que
notre congrégation eiît été obligée de se détendre
devant l'assemblée du clergé contre les calomnies
(ju'on y a l'ait voir depuis peu sous le nom de
factum, ou plutôt de libelle difTamatoire. Car vous
savez. Monseigneur, que notre congrégation est
née dans la France, instituée par un cardinal fran-
çais, qui a eu l'honneur d'entrer souvent dans le
conseil de nos rois, et d'être employé dans les
an'aires les plus importantes du royaume; compo-
sée de seuls Français, et qui par conséquent ne
peut avoir d'autres intérêts que ceux de la France.
Vous savez aussi. Monseigneur, qu'elle fait une pro-
fession particulière de dépendre de MM. les arche-
vêques et évéques, qu'elle n'a point d'autres privi-
lèges et d'autres emplois que ceux qu'elle reçoit
d'eux dans leurs diocèses. Cependant, à entendre
parler quelques régents sous le nom de l'Université,
il semble que celte congrégation ait perdu le respect
et la fidélité envers les rois, la soumission et l'o-
béissance envers MM. les prélats. El parce qu'ils
fondent leur calomnie sur un livre composé par
le père Tliomassin et supprimé par mon ordre,
permettez-moi de vous rendre compte, et en votre
personne à toute l'assemblée du clergé, de ma
conduite en cette allaire. Il y a trois ou quatre
ans qu(; le père Tliomassin ayant fait quelques
dissertations sur les conciles généraux et particu-
liers, et les voulant donner au public, il les (it
voir à des docteurs de la Faculté de théologie qui
les approuvèrent. Sur leur approbation , M. le
chancelier donna le privilège, et ensuite je don-
nai la permission au libraire de les imprimer :
mais comme je sus qu'il y avait dans ce livre quel-
ques propositions qui pouvaient choquer les droits
et les libertés de l'Eglise Gallicane, j'ordonnai au
père Thomassin de les faire voir encore à d'autres
docteurs pour adoucir ou expliquer tout ce qui
pourrait troubler la paix, qui m'a toujours été en
singulière recommandation. Ces docteurs y chan-
gèrent plusieurs choses. On refit jusqu'à trente-
six cartons, ce qui me faisait espérer ipi'il pour-
rait revoir le jour, et être utile au luiblic. Mais
ayant appris qu'avec toutes ces correclions il res-
tait encore des propositions qui renouvelaient les
disputes qu'on avait essayé d'étouffer avec tant
de prudence dans la Faculté de théologie, je le sup-
primai de mon propre mouvement, et de l'avis de
nos assistants, sans en avoir reçu aucun ordre ni
du conseil du roi ni du parlement. J'empêchai
qu'il ne fiit ni vendu ni débité, et si l'on en a vu
quelques exemplaires, ce sont ceux qui avaient été
mis entre les mains des approbateurs, ou qui ont
été donnés à quelques prélats qui les ont deman-
dés, et à qui on n'a pu les refuser. Cependant,
Monseigneur, nonobstant tontes ces précautions,
(pielques particuliers de l'Université ont déterré l'e
livre, et en ont inséré quelques propositions dans
leur libelle, qu'ils ont répandu avec malignité
dans Paris et par toutes les provinces, non-seule-
ment pour nous rendre odieux, mais encore pour
diviser la Faculté de théologie, et pour exciter des
orages qu'elle avait essayé de calmer. On voit par
là de quel esprit sont poussés ces messieurs, et
combien l'intérêt du collège que M. rarchevô(pie
de Sens nous a offert (t) les aveugle. J'ai cherché
la paix et lui ai sacrifié un livre qui la pouvait
troubler. J'en ai prévenu la censure par une sup-
pression, et j'ai fait connaître atout le monde que
nous n'avons point d'autres intérêts que ceux de
l'I'lglise et de l'Etat, ni d'autres sentiments que
ceux de MM. les évéques. Je vous supplie de
prendre la peine de leur représenter toutes ces
vérités, avec cette éloquence qui a tant de fois
triomphé dans rassemblée du clergé , d'ajouter
cette nouvelle faveur à toutes celles que j'ai reçues
de vous, et de croire que je suis, etc. »
Le père Senault eut toute la satisfaction qu'il
avait lieu d'attendre. Mais les bruits s'élant renou-
velés six ans après, le père Thomassin écrivit
au père de Sainte-Marthe son général, la lettre
suivante :
« Mon très-révérend père , aussitôt que j'eus
appris de mon cousin de Mazaugues, conseiller au
parlement d'Aix, que M. le cardinal Grimaldi
avait porté à Rome le livre de mes Dissertations
sur les conciles , et que Son Eminence lui avait
écrit qu'on y aurait dessein de l'y faire réimpri-
mer si nous y consentions: je vous en donnai
avis, et vous assurai en même temps que mon
cousin avait écrit à Son Eminence selon mes pré-
tentions, que le plus grand déplaisir qu'il pourrait
me faire , c'était de souffrir que ce livre s'impri-
mât à Rome, puisque cela ne se pourrait sans nous
attirer un orage. Depuis que ce cardinal a été de
retour en Provence , et que mon cousin a appris
que Son Eminence a laissé le livre à M. Suarez,
évêque de Vaison , avec assurance de sa part de
ne le faire jamais imprimer sans notre consente-
ment , mon cousin a témoigné que ce serait nous
faire un extrême tort que de penser à celle im-
pression. Je lui ai écrit de ne point donner de
repos à M. le cardinal Grimaldi, qu'il n'eût fait
revenir le livriî de Rome. M^'' l'évêque de Vence (2)
a écrit à Son Eminence pour cela même. Je vous
conjure, mou très-révérend père, de lui en écrire
vous-même ; et au cas que Dieu dispose de Son
Eminence, comme le bruit de sa mort a couru
depuis peu , d'écrire à M. le cardinal d'Estrées
(1) C'est celui de Provins, qui fut uni à l'Oratoire cette mémo an-
née 16T0.
(•J) Louis Thomassin, évèque de Vence, était son neveu; il est mort
évcque de Sisteron.
VIE DU PÈRE THOMASSIN.
XI
à Rome, afin qu'il retire ce livre d'entre les mains
de >16' l'évêqne de Vaison ; car quoique ce livre
n'ait été imprimé qu'après avoir été lu par
M. Grandin, et que le privilège y ait élé accordé
après que M. le procureur général et M. le Pelle-
tier, prévôt des marchands, eurent assuré à M. le
Chancelier qu'ils l'avaient l'ail lire à M. Faure,
docteur deSorhoune, et lui eurent montré tous les
cartons que M. Faure avait désiré qu'en y mit ;
néanmoins l'amour et l'intérêt que nous avons de
conserver la paix et de ne déplaire à personne ,
me porte moi-même à désirer que ce livre soit
supprimé. Le chemin le plus court pour cela est
d'écrire à M. le cardinal d'Eslrées. J'espère, mon
tiès-révérend père, que vous prendrez ce parti»
etc. »
Cette lettre fut écrite de la maison de l'institu-
tion de Paiis le 24 janvier 1676.
Pour achever l'histoire de cet ouvrage, je dois
ajoulerque le cardinal Cibo, minislred'lnnocentXI,
l'ayaut demandé avec instance au père le Blanc,
prêtre de l'Oratoire de France qui résidait alors à
Rome, dans l'état qu'il était parti de la main de
l'auteur, en l'assurant de mettre à couvert sa
congrégation , ce père lui répondit que la chose
n'était pas possible. Néanmoins il en écrivit de
Rome au père de Sainte-Marthe le 27 juillet et le
16 novembre de l'an 167S, et la réponse de celui-ci
fut conforme à celle qu'il avait faite lui-même.
Cet ouvrage fut sous la clef avec beaucoup d'exac-
titude pendant plus de vingt-cinq ans. Après ce
temps , une personne en vendit plusieurs exem-
plaires qu'elle avait eu le moyen d'enlever secrète-
ment. M. de Harlai, archevêque de Paris (que
quelques-uns soupçonnèrent alors, mais sans au-
cun légitime fondement, d'avoir laissé passer
sourdement le livre, soit, disaient-ils, qu'il vou-
lût par là se concilier la bienveillance de la cour
de Rome, soit par complaisance pour celui qui le
débitait , homme qui lui était entièrement dévoué
et zélé disciple du père Thomassin) sur les plain-
tes qu'eu fit M. le premier président de Harlai, or-
donna aux prêtres de l'Oratoire de remettre sous
la clef les exemplaires qui restaient, ce qui fut
exécuté. Cet ouvrage, quoique fait en faveur de la
cour romaine, ne fut pas tout à fait de son goût,
à cause de certains principes fort opposés à ceux
de Bellarmin et de Baronius (1).
Passons à son traité de la grâce, que nous avons
dit avoir paru peu de temps après celui des con-
ciles, et qui eut presque le même sort. 11 était
intitulé : Mémoires sur la Grâce. Il avait dicté cet
ouvrage à Saint-Magloire en 1668. M. le chan-
celier Séguier, à qui on déféra ce livre, voulut
l'arrêter, de peur qu'il ne renouvelât les vieilles
querelles. 11 y enseigne que la délectation victo-
rieuse dont parle saint Augustin est la grâce habi-
tuelle. La grâce efficace, selon lui, n'est point une
grâce actuelle , prédéterminante, invincible ; mais
(1) Voyez les Mémoires d'Amelotdela Houssaye, tom. n, p. 119.
un assemblage de plusieurs secours par lesquels
Dieu opère infailliblcmenl la conversion des pé-
cheurs, et la persévérance des justes, ((u'il a gia-
tuilemenl prédestinés à la gloire (I). La même
année deux docteurs de Sorlionne lireiil imprimer
ces mémoires en français à Louvain, en 3 vol. in-12,
mais il les redonna lui-même à Paris en 2 vol.
in^" en 1682. L'n des plus savants hommes de
son temps en entreprit la réfutation. La vérité
m'oblige d'ajouter que si le père Thomassin n'eût
jamais donné que ces deux ouvrages , il n'eût
pas méiité cette grande réputation dont il est si
digne. Il lui ai'riva ce qui arrive d'ordinaire aux
conciliateurs; en voulant réunir les différents sen-
timents, il ne contenta personne.
Cependant le père de Sainte-Marthe voulut l'avoir
auprès de lui. 11 l'attira dans la maison de Saiiil-
Honoré, où il lui faisait espérer plus de loisir et
de commodité pour travailler; mais trois jours
après il en sortit, ne trouvant point dans cette
maison de jardin pour se promener régulièrement
à certaines heures du jour selon sa coutume. On
l'envoya à la maison de l'institution, où il demeura
depuis le mois de décembre 1673 jusques envi-
ron l'an 1690. 11 n'y fut pas plutôt retiré qu'il
enrichit le public de plusieurs ouvrages aux-
quels de grands prélats et ses supérieurs l'avaient
engagé.
Sa Discipline ecclésiastique ancienne et moderne
commença à paraître en 1679, et fut achevée en
1684. Elle comprend 3 vol. in-fol. Quelque ména-
gement que le père Thomassin eût gardé pour les
opinions ultramontaines, leurs défenseurs ne
laissèrent pas d'y trouver à redire. Le cardinal
Casanata lui envoya un mémoire des endroits qui
avaient été jugés répréhensibles. Le père Thomas-
sin fit imprimer dans la suite ces difficultés avec
ses réponses. On n'y voit rien qui fasse honneur
aux auteurs de ces observations. C'est là que pour
se justifier dans l'espiit des ultraraontains, il dit
que depuis vingt ans il s'est rendu odieux en
France, comme si, en voulant soutenir les droits
du pape, il les avait poussés au delà de leurs
justes boraes. Quelquefois il adoucit ses expres-
sions pour ménager la délicatesse de ses censeurs;
d'autre fois il soutient fortement son sentiment, et
c'est lorsqu'il croit que la vérité exige cela de lui.
Il soutient entre autres que les papes ne sont que
les dispensateurs des biens de l'Eglise, et les exé-
cuteurs des canons : partout il proleste qu'il a la
vénération la plus profonde pour le chef de l'Eglise.
C'est la seule critique de ses ouvrages à laquelle
il ait répondu : il tenait pour maxime qu'il ne faut
pas détourner le public de la recherche de la
vérité, par des disputes personnelles auxquelles
conduisent ordinairement ces réponses (2).
On a prétendu qu'il n'avait pas donné assez
(1) Vie du P. Thom. à la tète de l'Abrégé de sa Discipl. par M. •••
avocat en Pari. C'est M. d'Héricourt, auteur des Lois Ecclés., et l'on
des auteurs du Journal des Savants.
(2) M. — avocat ut svp. 12. Journal des Savants de 1688.
XII
VIE DU PÈRE THOMASSIN.
d'élendue au titre de son ouvrage : car non-scu1e-
menl il traite de l'ancienne et nouvelle discipline
de l'Eglise touclianlles bénéficeset lesbénéficicrs;
mais encore de tous les ordres, fonctions, devoirs,
dignités, droits, et prérogatives des ecclésiastiques
et des moines ; des biens de l'Eglise et de l'usage
qu'on en doit faire , et des variations de la disci-
pline en diflérenis temps. Ce livre a mérité les
éloges de presque tous les auteurs ecclésiastiques;
aussi en est-il peu d'un plus grand usage, qui soit
cité davantage dans les livres, dans les écoles,
dans le barreau, et dont on ait relire une plus
grande utilité.
Tout ce qu'on pourrait y souhaiter, dit M. Du
Pin H], ce serait plus d'ordre et plus de méthode;
c'est à quoi il a remédié dans sa traduction latine
sur laquelle on a réformé cette troisième édition
française. Le même auteur souhaiterait encore plus
de principes et de raisonnements. Mais ne nous
doune-t-il pas ceux des saints Pères? 11 n'eût pu
que répéter les mêmes choses en en usant autre-
ment. On se plaint aussi qu'il a laissé un grand
nombre de questions indécises; mais. M. Basnage(-2)
le loue au contraire de ne s'être pas déterminé
lorsqu'il n'a pas vu clairement la vérité, et d'avoir
pris un juste milieu entre la sévérité et le relâche-
ment. On lui reproche : que ses principes ne sont
ni certains ni uniformes ; mais la discipline est-elle
invariable, et l'Eglise la change-t-elle sans fon-
dement'? qu'il s'écarte quelquefois pour traiter des
questions étrangères; mais étant utiles, et en quel-
que sorte de la dépendance du sujet, nous ne pou-
vons que lui en savoir gré, bien loin de l'en blâ-
mer ; qu'il aurait du s'étendre davantage sur la
discipline présente de l'Eglise, surtout par rapport
à celle de France. Mais l'usage ne la fait-il pas
suflisammenl connaître? Personne n'est censé
l'ignorer. Cela n'empêche pas, dit M. Du Pin, que
ce ne soient d'excellents recueils, très-instruclits,
et très-utiles à ceux qui voudront tiavailler sur les
mêmes matières. M. Du Pin parle avec trop d'in-
différence d'un si excellent ouvrage, en le traitant
de simple recueil. Quoi qu'il en soit, on y trouve
un assemblage étonnant de passages des Pères,
des historiens ecclésiastiques, etc. Le père Tho-
niassin a lait comme les abeilles , qui vont sucer
une infinité de fleurs pour en composer leur miel.
Cet ouvrage sera toujours une démonstration de
ses vastes et profondes lectures ; on y trouvera un
précieux assemblage de tout ce que l'antiquité
ecclésiastique a jamais produit de meilleur; le tout
écrit d'un style si modeste, qu'on ne sait ce qu'on
doit y estimer davantage, ou le profond savoir, ou
l'humble simplicité de l'auteur.
Le cardinal Cibo, à qui le père Le Blanc fit pré-
sent de ce livre au nom du père de Sainte-Marthe
cl du père fliomassin, le reçut avec plaisir et lui
eu témoigna beaucoup de reconnaissance : cette
(1) NouT. Biblioth. des auteurs Ecclésiast. du dii-seplième siècle,
4 TOl.
(2) Hist. des Ouviag. des Savants, mai 1688.
Emincnce promit ensuite au père le Rlanc sa pro-
tection pour la congrégation en général et pour
l'auteur en particulier, ajoutant qu'elle empêche-
rait bien qu'on ne put lui nuire (1). Ce cardinal
procura ensuite au père Le Blanc une audience
d'Innocent XI, auquel il présenta aussi le même
ouvrage. Sa Sainteté le reçut très-gracieusement,
et parla de l'auteur et du livre avec beaucoup d'es-
time; elle ajouta qu'elle le lirait avec plaisir, qu'il
était fait pour elle aussi bien que pour les autres;
qu'elle souhaitait que tous les bénéficiers en lissent
leur profit. En etfet, ce pape en fit tant de cas,
qu'il voulut s'en servir dans le gouvernement de
l'Eglise : pour cela, il tâcha d'attirer l'auteur à
Rome, afin de profiter de ses lumières. Le cardi-
nal Cibo, son ministre, en écrivit à l'auteur, au
père de Sainte-.Martlie , alors général de l'Oratoire,
et à M. de Harlai, archevêque de Paris, pour l'en-
gager à obtenir de Sa Majesté qu'elle consentit au
départ de ce père. Le cardinal Casanata, bibliothé-
caire du Vatican , qui lui destinait un emploi de
sous-bibliothécaire, lui offrit un logement dans
son palais. Le père Thomassin l'en remercia : il
ne consentait de se retirer à Rome qu'à condition
qu'il lui serait permis de loger dans un séminaire.
Sur la proposition qui en fut faite au roi, par
M. l'archevêque de Paris, de la paît du cardinal
Cibo, la réponse de Sa Majesté fut qu'on ne devait
point enlever à la France un sujet qui lui faisait
tant d'honneur. Cette réponse qui retenait en France
le ]ière Thomassin simple particulier, lui donna
une des plus grandes joies qu'il ait eues de sa
vie; et assurément si le pape l'eût fait cardinal^
comme on assure qu'il en avait eu plusieurs fois le
dessein, sa modestie eût eu beaucoup à souffrir, et il
est presque hors de doute qu'on eût eu beaucoup de
peine à lui faire accepter cet honneur, car la vie
privée et retirée faisait toutes ses délices. Le refus
que Sa Majesté fit de laisser sortir le père Thomas-
sin du royaume fut três-sensible à Sa Sainteté et
au cardinal ministre qui avaient conçu l'un et
l'autre une grande estime pour le père Thomassin,
comme il parait par les lettres du dernier; car le
père de Sainte-Marthe lui ayant écrit que la mau-
vaise santé du père Thomassin ne lui permettait
pas d'entreprendre un tel voyage, encore moins
de changer d'air dans un âge déjà avancé, le car-
dinal lui récrit (2), qu'il est sensiblement alfligé
d'apprendre que ce père soit indisposé, et qu'il
n'y ait plus d'espérance de le voir à Rome, et de
l'y recevoir avec les marques de distiuction dues
à son éminente piété et à sa profonde érudition.
(1) Lettres MS. du P. Le Blanc au P. de Sainte-Marthe, du 27 juil-
let 1678.
(2) Nous avons cru devoir rapporter ici les propres termes dont se
servit cette Eroinence dans fa lettre au P. de SaiDle-Manhe, du 19
mai 16S0. Ad Pnlrem Thomnssimm qiiod prrlinel, hoc meiim gau-
dium tion Im molestin aspmil nunlius incomviodn «se valelurline,
ncc ^p'm n/fulijere ii,sum Bnmœ vulendi. et rimiinlissime, ut tnsiqJlis
viri pielas et ertidilio postulat, amplectendi. Quod superest, Deum
precamiir ut eum gui, quocumque tandem loco degat, prœclarts lu-
cubrntionibus suis Ecclesiœ prodesse plurimum polerit, lœtum algue
inrolumem diu servet.
VIK DU PÈRE THOMASSIN.
XIII
Au reste, ajoule-t-il, je ne cesserai de prier le
Seigneur qu'il conserve longtemps en santé un
homme qui, en quelque lieu qu'il soit, peut ren-
dre des services très-considérables à l'Eglise par
ses savantes productions. Noire savant auteur
n'ayant pu donner cette satisfaction au pape, il lui
en donna une autre en traduisant son livre en
latin, ce qu'il exécuta en dix-huit mois. Sa tra-
duction parut en trois volumes in-folio. Cette édi-
tion est préférable aux deux premières éditions
françaises pour ce qui regarde l'ordre et l'arran-
gement des matières; car quoiqu'il partage toujours
le temps en quatre âges, il rapporte sur chaque
matière, en propres termes , ce qu'on en trouve
dans les conciles, dans les Pères, dans le droit
canon, dans riiistoire, dans les lois, dans les or-
donnances et dans les monuments ecclésiastiques
anciens et modernes. 11 met sous les yeux des
lecteurs une infinité d'autorités qu'on ne trouve-
rait qu'après des recherches infinies. Les passages
sont suivis ou précédés de réflexions, pour faire
connaître l'application qu'on en peut faire. « Sans
doute, dit Basnage (i), le plus rude travail n'épou-
vante point le père Thomassin, puisqu'après tant
d'ouvrages qu'il nous a donnés et qui demandent
une prodigieuse lecture, il ne s'est point rebuté
par la fatigue de traduire son traité de la Disci-
pline ecclésiastique. Mais la solidité des choses
qui y sont renfermées, et deux éditions françaises
qui en ont été faites, ont pu exciter son courage,
et l'assurer que son livre méritait bien d'être mis
dans la langue des habiles gens, afin que toute
l'Europe savante en ressentit l'ulililé. »
Sa Discipline fut suivie de ses Dogmes théolo-
giques. Il les avait commencés trente ans aupa-
ravant par ordre du père Bourgoin son général ; et
le savant ouvrage du père Pétau qui parut sur cette
matière, non-seulement ne lui fit pas abandonner
son des.sein, mais encore le fortifia à le poursuivre.
11 en doit être, dit-il dans une de ses préfaces, de
la théologie des Pères, comme de celle de l'école.
La Somme de saint Thomas n'a point arrêté la
plume de plusieurs scolastiques qui ont suivi la
môme méthode que cet illustre docteur de l'Eglise.
Quelqu'un même a dit que le père Thomassin avait
cru honorer la mémoire du père Pétau en suivant ses
traces (2). « Ce savant jésuite, dit M. Perrault (3),
a eu la gloire d'avoir traité cette matière impor-
tante en excellent historien, et le père Thomassin
d'avoir pénétré heureusement dans ce que les uiys-
tères ont de plus caché et de plus relevé; surtout
à l'égard de l'Incarnation, où l'on ne peut voir
sans être ébloui, les rapports, les convenances, les
desseins, les vues et les autres merveilles qu'il y
découvre. J'appelle souvent à témoin le savant
père Thomassin, pour ce qui concerne la science
du Verbe incarné, dit un autre auteur, parce que
l'ouvrage qu'il en a composé renferme tout ce
(1) Hist. des Oavrag. des Savants, mai 1688.
(2, M. Cousin 19. Journ. des Savants de 16S9.
(3) Perrault, Hommes itlust, tom. i.
que h's saints Pères ont dit de plus beau sur les
mystères d(! riiicarnalion et sur ses dépendances,
(|u'il y explique d'une manière fort lumineuse, et
d'un style noble et digne de la majesté du sujet. »
M. Arnauld (l), parlant des images de Dieu : « Il y a
peu d'auteurs nouveaux, dil-il, qui aient traité cette
matière avec plus d'exactitude que le père Tho-
massin, à la fin de son volume du Verbe incarné;
il rapporte tout ce qu'il a cru se pouvoir dire de
part et d'autre pour improuver ou approuver les
images de Dieu (2). » « C'est dans ses dogmes, dit
-M. Bayle, que le père Thomassin tâche de réduire
les principes de cette divine science, à ceux de la
plus sublime philosophie, et il prétend que les
Pères se sont tellement servis de celte méthode,
([u'on ne peut les bien entendre sans avoir quelque
teinture de la philosophie de Platon et des mathé-
matiques. » J'iijoulerai enfin, avec .M. Perrault [3),
« que Ton voit le père Thomassin remonter avec une
force et une pénétration incroyable dans tout ce
que la philosophie des platoniciens a de plus su-
blime, lorsque le suiet qu'il traite le lui permet. »
Ses Dogmes théologiques ont paru, non selon
l'ordre le plus naturel pour les matières, mais selon
qu'ils ont été achevés. Us composent trois volumes
in-folio; le second volume qui comprend le traité
de l'Incarnation, parut le premier en IGSO. Quatre
ans après, l'auteur publia le traité de Dieu et des
attributs qui composent le premier volume. Le
troisième et dernier parut en 1689, et renferme les
prolégomènes de la théologie, qui sont suivis des
traités de la Trinité et de la Grâce; il raisonne
toujours suivant les pensées des Pères Grecs et
Latins dont il rapporte les autorités fort au long.
Partout oii il parle de quelque matière qui a du
rapport à la Grâce, il suit son nouveau système,
c'est-à-dire le même qui avait déjà paru dans ses
mémoires sur la Grâce. Je dis son nouveau sys-
tème, car le père Thomassin nous apprend lui-
même qu'il avait été dans d'autres sentiments :
non par aucun esprit de parti, mais parce que je )i avais
pas eu, dit-il, tout le temps de m'éclaircir sur ces
points, en conférant les divers écrits des sairits Pères
sur cette matière (4). C'est ce qu'il fit depuis à la
persuasion de quelques personnes pour lesquelles
il avait beaucoup de déférence. En effet on le trouve
cité dans plusieurs écrits de ces temps-là comme
un des plus zélés disciples de saint Augustin, et
les écrivains postérieurs ou le louent ou le blâ-
ment d'avoir changé de sentimeut, selon qu'ils
sont eux-mêmes ditleremment affectés (3).
Dans le même temps que le père Thomassin
faisait paraître sa Discipline et ses Dogmes théo-
logiques, il publiait d'autres ouvrages aussi très-
importants. Tels sont les Méthodes d'étudier et
(1) Difficultés propos, à M. Steyaert. ixe part. p. 271.
(2) Nouv. de la Républ. des Lettres, avril 1684.
(3} Perrault, ut sup.
(4) lu Prœfat. tom. l. Dog. T/ieol.
(5) Défense de l'Histoire des cinq Propos. Mém. de Trévoux, etc.
MM. Ârnauld et Nicole Grâce générale. L' auteur de la Paix de Clé-
ment IX.
XIV
VIE DU PÈRE THOMASSIN,
d'enseigner clirélionnement les sciences humaines,
qu'il n'entreprit que par ordre de ses supérieurs.
H lui fallut relire tous les auteurs profanes, ayant
Li'ùlé tout ce qu'il en avait colliiîé autrefois. Ce
dessein a quelque chose de prand. Aussi dès qu'il
commença à paraître (1081) le père de Sainte-
Marthe écrivit une lettre circulaire pour exhorter
tous les professeurs de sa congrégation à se ré-
gler dans leurs études sur de si excellents prin-
cipes. La première qui parut fut la Méthode
d'étudier et d'enseigner chrétiennement et soli-
dement les poètes, par rapport aux divines Ecri-
tures et aux lettres saintes, c'est-à-dire aux con-
naissances que nous acquérons dans la lecluio
des Pères et des auteurs ecclésiastiques. Elle fut
divisée en 3 vol. qui furent imprimés à Paiis. Le
premier en 1681, et les deux autres l'année sui-
vante. « Le but du Père Thomassin, dit M. Bail-
let (I), était de montrer dans ce bel ouvrage que
l'Eglise a regardé dans les siècles même do la
plus grande ferveur la liberté de faire enseigner
les poètes par des professeurs chrétiens, comme
un des points les plus importants de sa discipline
et de sa morale : ce qu'il prouve par l'utilité que
ces professeurs en retiraient autrefois contre le
paganisme. Il ajoute qu'il est même utile et né-
cessaire, pour les avantages de la religion et de
la morale cliiélienne, qu'on ne laisse point perdre
la mémoire de tant d'ennemis que nos ancêtres
ont terrassés, de tant de fausses divinités qui
avaient imposé au momie, de tant de vices où la
créance de ces divinités avait précipité l'univers ;
enfin do tant de poètes et de tant d'écrivains qui
n'ont pu défendre une si mauvaise cause sans la
trahir et sans combattre la vérité. »
Cet ouvrage regarde moins les règles de l'art
poétique (|ue l'usage que l'on doit faire de la lec-
ture des poètes. 11 nous suggère les précautions
qu'il faut prendre et les règles qu'il faut garder
dans celte lecture, afin qu'elle soit utile; c'est ce
qui est contenu dans le premier livre. Les avan-
tages qu'on peut retirer des poètes par rapport à
l'Ecrituie sainte sont le sujet du second, où l'on
trouve aussi la censure que quelques-uns des an-
ciens philosophes et des Pères de l'Eglise ont
faite d'Homère et des fables. Dans le troisième il
ti'alle des personnes illustres de l'Ancien Testa-
ment dont les païens ont fait leurs divinités, et
des fausses divinités dont il est parlé dans les
livres saints. Il parle dans le quatrième des dieux
naturels, ou du culte de la nature ; des dieux his-
toriipies, ou des béros. La religion des poètes fait
le sujet du cinquième; et leur morale celui du
sixième et dernier livre. Après que M. Baillel nous
a donné cette idée de l'ouvrage, il ajoute : « que la
corruption de notre temps et de nos mœurs n'a
pas peu contribué à gâter les fruits que toute la
France et l'Europe même devaient recueillir d'un
ouvrage si laborieux pour sou auteur, et si utile
(1) Jug. des Sav., lom. IV, l"-' part.
pour le public. Il n'a point été facile jusqu'ici,
continue-t-il, de persuader aux libertins, aux dé-
bauchés et aux esprits volages qu'ils doivent lire
les poètes pour y apprendre la morale et la ré-
forme de leurs inclinations; et pour autre chose,
en un mot, que pour se divertir et satisfaire leurs
passions. »
Le but du père Thomassin n'est pas de persua-
der aux libertins de chercher à s'édifier dans les
poètes, comme M. Baillet semble le croire, mais
de montrer comment un esprit solide et chrétien
peut tourner à son profit et à celui de la religion
les lectures qui en paraissent les plus éloignées ,
telles que sont celles des poètes profanes. « Ils se
contentent, poursuit M. Baillel, de louer l'érudi-
tion profonde de notre auteur, et comme s'ils
craignaient de devenir honnêtes gens par la lec-
ture de cet ouvrage, ils tâchent de se défaire de
ses charmes et de ses attraits, en nous alléguant
que notre religion nous met d'autres livres en
main pour réformer nos mœurs ; voilà peut-être
une des principales raisons de la froideur et de
l'aversion que quelques esprits chagrins ont té-
moignées pour un ouvrage qu'on ne saurait trop
estimer. »
Des poètes il passa aux philosophes. Sa Mé-
thode d'étudier chrétiennement et solidement la
philosophie, par rapport à la religion chrétienne
et aux Ecritures, parut en 1683, à Paris, in-S". Il
y a dans cet ouvrage tant de rechercht^s, et des
réfiexions si solides sur les autorités qu'il cite,
que rien n'est plus propre à donner à notre esprit
beaucoup de grandeur et d'étendue. Il faudrait le
transcrire tout entier si nous voulions rap|)orter
ce qu'il dit de l'origine de la philosophie, de ses
sectes, des difl'érenls sentiments des philosophes.
Ce (ju'il y a de plus surprenant, c'est de voir dans
les œuvres de Platon et de quelques autres tant
de notions vives du mystère de la Trinité, que le
père Thomassin rapporte amplement avec des re-
marques qui les éclaircissent. Il n'oublie pas leur
politique et leur morale. Il fait voir qu'ils ont
connu que Dieu est le premier principe et la der-
nière fin de notre être et de toutes nos actions ;
que sa vérité et sa charité sont la règle de toutes
nos vertus ; et que l'origine des vertus est dans
st>nVerlie, d'où elles descendent dans lésâmes.
11 répète souvent ce grand principe : que la même
Saijcase éternelle qui a dicté l'Evangile avait déjà
écrit la loi naturelle dans le fond des âmes raison-
nables. Il découvre enfin plusieurs grandes vérités
dans les anciens philosophes , en développant
leurs raisonnements. Son exemple peut servir
beaucoup aux lecteurs pour leur enseigner l'art
de lire, qui est une chose peu connue. Le père
Thomassin fait voir, en finissant, que les ora-
teurs ont pris des philosophes ce qu'ils ont de
jilus beau.
Je parlerai plus bas de sa Méthode pour ensei-
gner la grammaire. Je passe maintenant à celle
qui regarde les historiens profanes. Cette méthode
VIE DU l^ERE THOMASSIN.
XV
fut imprimée en 2 vol. in-S», en 1G93, et divisée
eu (i livres, précédés d'une préface qui sert do
suiiplémcnl à la préface générale imprimée au
connnuncement de la première métliode sur les
poêles. L'établissement des grands empires du
monde, la religion et la morale des liistoriens
profanes, par rapport à la religion chrétienne,
font la matière du premier volume. La politique
de ces historiens, les réflexions sages et édifiantes
que les Pères de l'Eglise et les historiens eux-
mêmes ont faites sur la conduite des Etats et des
empires du monde ; enfin les riches.ses, la magni-
ficence des bâtiments et des monuments les plus
superbes, la vanité et la fragilité de toutes ces
beautés passagères sont traitées solidement dans
le second. Le tout est rempli de pensées chré-
tiennes et d'une érudition infinie. Après cela on
ne peut qu'être surpris d'entendre M. Huet nous
dire gravement que le père Thomassin aurait
mieux fait s'il se fût borné à écrire sur la Disci-
pline ecclHiiistique, en quoi consistait son talent, que
d'écrire sur les belles-lettres dont il n'avait qu'une légère
teinture. (1) Ou se flatte que ce jugement ne fera
impression sur l'esprit de personne. En effet,
M. Bayle (2), critique plus équitable en ce point,
dit que « le père Thomassin était non-seulement
un liomme très-savant dans l'Iiisloire ecclésias-
tique, dans les Pères et dans la lliêulogie , mais
qu'il possédait à fond les humanités; ce qu'il a
fait voir, dit-il , dans les 3 vol. in-S" qu'il a don-
nés au public sur la manière d'étudier les sciences
humaines. Dans un autre endroit, parlant de sa
méthode d'étudier la philoso[)hie, il dit qu'il y
avait longtemps qu'on n'avait fait un livre où il y
eût tant de savoir et des choses si curieuses et si
relevées (3). »
Il s'est encore trouvé depuis un auteur (4) d'un
mérite fort inférieur à M. Huet qui s'est avisé de
porter un jugement encore plus extraordinaire
sur le père Thomassin : c'est, dit-il avec cet air
méprisant qui parait dans tout ce qu'il écrit, un
compilateur, un homme de passages, non de raisonne -
inent, qui lisait par lui-même et qui méditait par au-
trui : rapporter ce jugement, c'est en faire voir
toule la fausseté et la malignité. L'équitable pos-
térité comparera un jour les ouvrages de cet au-
teur avec ceux du père Thomassin, et iie sera
guère en peine de décider qui des deux aura le
plus contribué à l'inslruction des membres de
l'Eglise; ce qui doit être tout le but des études
ecclésiastiques.
Il est teuips de parler de ses Traités historiques
et dogmatiques, dont la plupart ont précédé ses
méthodes, mais que la nécessité de mettie quelque
ordre dans celle vie nous a fait renvoyer ici.
(1) Oplime sime cûnsuhisset fnmœsiiœ, si intra hnrum liiternrum
in quibus regnahat eontvtuûiset inyenium SHum^ nec ad humnnarum
prœierea disciptinnrum laudent ita ùspirosset , ut eariim prœcepta
effunderet in vtityns, guas l'i-r primoribus tabris degustasset,
(2) Nouv. de la Répabl. des Lettres, avril 1681.
(3) Mars 1686.
(4) L'auteur de la Méthode pour étudier l'histoire.
Ces traités sont sur le jeûne, sur les fêles, sur
riiiiié do l'Eglise, sur la vérité et le mensonge,
sur les jurements et les parjures, sur l'office di-
vin, sur l'auun'me; tous in-S". (juelques-uns n'ont
paru qu'aju-ès sa mort; coiiime le traité sur le
négoce et l'usure, iii-8", publié par le père Bordes
en 1697, ainsi que le traité dogmatique et histo-
rique des édits et des autres moyens temporels et
spirituels dont on s'est servi dans tous les temps
pour rétablir et pour maintenir l'unilé de l'Eglise
catholique ; celui-ci est divisé en deux parties : la
première contient depuis le premier siècle jusques
au neuvième; la seconde depuis le neuvième jus-
ques au dernier. Le père Bordes, pré Ire de l'Ora-
toire, y a ajouté un supplément qui comprend les
huit derniers règnes de nos rois, dans lequel il
répond à divers écrits séditieux, et particulière-
ment à l'histoire de l'édit de Nantes. Ce sont
3 vol. imprimés au Louvre en 1703. M. Benoit, ci-
devanl ministre d'Alençon et ensuite de Délit, et
auteur de l'histoire del'Edil de Nantes, fit insérer
dans les journaux de Hollande un mémoire contre
ces deux auteurs : il avait tort de s'en prendre au
père Thomassin qui n'avait jamais pensé à l'atta-
quer, qui n'était plus en état de se défendre quand
il publia la première partie de son histoire, et qui
était mort lorsque les autres volumes lurent don-
nés au public. Celui contre qui ce ministre dé-
charge davantage sa bile, est le père Bordes, qui
lui a répondu par une petite brochure imprimée au
Louvre en 170ii. M. Basnage (1) faisant l'analyse de
la première édition qui avait paru sous le titre de
Traité Dogmatique et Historique de l'Unité de V Eglise,
dit que Cl le père Thomassin a fait paraître une
grande connaissance des Pères et une profonde
lecture : il le compare à saint Grégoire de Nazianze,
qu'on appelait un fleuve de paroles. Parlant ail-
leurs (2) de la seconde édition du môme ouvrage
il ajoute : ([ue le style du continuateur est bien
moins soutenu et plus aigre que celui du père
Thomassin. » Tous ces traités sont excellents et
pleins de recherches curieuses sacrées et profanes.
Aussi M. BaiUet (3) ne fait pas difficulté de placer
le Père Thomassin entre les savants de ce dernier
temps à qui l'on est redevable des plus grands
services, et parmi les hommes laborieux que Dieu
semble avoir suscités pour délivrer la vérité de la
servitude des ignorants. Le cardinal Noris, dom
Mabillon, dom Thierry Ruinart, le père Honoré de
Sainte Marie, et plusieurs autres savants, ne par-
lent jamais de lui qu'avec des éloges infinis. Le
premier (4) relève son génie, l'ulililé de ses pro-
ductions, et l'appelle un auteur d'un très-grand
nom. Le plus considérable M S. qu'il ail laissé, est
celui qui a pour tilie : Remari/ues sur les Conciles,
avec des tables très-amples et des noies margina-
les, 3. vol. in-fol. Le baron de Hohendorf en avait
(1) Hist. des Ouvrag. des Savants, oclob. 1687, pag. 181.
(2) Wcra, juillet lïuô, pag. 310.
(3) Préf. de la Vie des Saints.
(4) Aoris. Âpol. MonacU. Scythiœ vind, 50, 52, 60, 67.
XVI
VIE DU PÈRE THOMASSIN.
une copie qui est à présent dans la bibliothèque de
l'Empereur.
On ne peut qu'être surpris quand on considère
la quantité de livres que le père Thomassin a été
obligé délire, et la viisle érudition qu'on y trouve.
Il écrivait, soit en latin soit en français, avec plus
de facilité que d'élégance. Tant d'ouvrages, qui
semblent rendre un compte si exact au public et
de son loisir et de ses études, ne l'avaient pas
empêché de trouver du temps pour apprendre les
langues savantes, et surtout l'hébraïque : il l'avait
étudiée depuis son enfance: et pendant plus de
trente ans, il s'était attaché au texte hébreu qu'il
avait lu tout entier chaque année ; il avait ensuite
cru voir une correspondance entière des mots
grecs et latins avec les mots hébreux. Scaliger,
Casaubon et Vossius, sont demeurés d'accord de
cette dérivation. Il suivit ces modèles , et nous
donna en 16'.i0 la Méthode d'étudier et d'enseigner
la grammaire elles langues par rapport à l'Ecriture
sainte et à la langue hébraïque. Sa méthode con-
tient deux in-8°. Le premier tome est divisé en
quatre livres, dont le premier comprend la pré-
face et un plan général de tout l'ouvrage. Le secoud
prouve que toutes les langues du monde sont
émanées de la langue hébraïque. Il prétend dans
le troisième que les colonies des enfants de Noé,
des Babyloniens, ou des Assyriens, des Phéniciens,
et par conséquent des Hébreux qui ont peuplé
toute la terre, ont répandu partout la langue hébraï-
que. On trouve trois glossaires dans le quatrième.
Le glossaire de la langue Runique ou ancienne
Danoise; de la Saxonne, d'où semblent être sorties
toutes les langues de l'Europe vers le xNord ; enfin
de la langue .Malaye qu'on dit être la langue des
savants de l'Orient. Dans le deuxième tome il n'y
a précisément que deux glossaires, l'un de la lan-
gue grecque et l'autre de la latine. Le père
Thomassin réduit tous ces glossaires à l'hébreu.
Je ne dois pas taire que dans les corrections et
additions qui sont à la fin du premier volume il
confesse ingénument avoir souvent varié sur ce
point, si le syriaque et le chaldaïque ont emprunté
du latin et du grec, ou si les termes grecs et latins
ne sont point dérivés eux-mêmes du syriaque et
du chaldaïque. Il a donné dans la première opinion
dans cet ouvrage, soit en y travaillant, soit pen-
dant l'impression ; mais il a cru ensuite devoir
embrasser la seconde. Il convient même que de-
puis la captivité le grec el le latin n'ont guère
emprunté de l'hébreu que par la médiation des
langues syriaque et chaldaï'iue. 11 s'excuse après
de ces variations, el se flatte qu'on les lui pardon-
nera, sur ce qu'il n'a pu commencer cet ouvrage
plus jeune, ni le finir plus âgé ; et qu'il ne peut
mieux se justifier, qu'en disant avec saint Augus-
tin, proficienter scribo : je tâche de profiter moi-
même en écrivant pour les autres. Il était telle-
ment prévenu de son système que toutes les lan-
gues venaient de la langue hébraïque, qu'il entre-
prit sur la même malière un grand ouvrage, ou
pour mieux dire qu'il traduisit en latin ses diflé-
rents glossaires, et en composa un in-fol. que
M. le chancelier de Pontchartrain fit imprimer au
Louvre l'an 1697, sous le litre de Glossarnim itriiver-
sale Hebrukum, quo ad Eebraicœ linguœ fontes linguœ
et Diaiccti pêne om7ies revocantur. Le père Bordes de
l'Oratoire, el M. Barat, de l'Académie des belles-
lettres el qui avait été disciple du père Thomassin,
prirent soin de l'édition après sa mort, et mirent
à la tête, outre sa vie, une préface divisée en quatre
parties, où ils expliquent son système. Ce glossaire
épuisa tellement les forces du père Thomassin,
qu'il se vit obligé de renoncer à toute sorle d'étude
tant soit peu pénible. Il fil à Dieu un sacrifice de
cet état, qui édifia encore plus le séminaire de
Saint-Magloire, où il était retourné depuis 1690,que
tous ses travaux et toutes ses veilles. Il disait sou-
vent alors qu'on l'avait plus aimé et plus consi-
déré qu'il ne méritait, et que c'était un effet de la
divine bonté qu'il fût humilié avant sa mort el re-
connu inutile à toutes choses (t). Son épuisement
alla toujours en augmentant durant près de trois
ans. Il perdit même l'usage de la parole les quinze
derniers jours, et cessa de vivre le vingt-quatrième
jour de décembre 1695, étant âgé de 76 ans et quatre
mois, dont il avait passé 63 dans la Congrégation.
Sa vie avait toujours été extrêmement réglée; et il
suffisait de l'avoir étudié un jour pour savoir
quelle serait à l'avenir sa conduite. Après avoir
consacré à Dieu les premières heures de la jour-
née par les exercices de piété, il employait le malin
quatre heures à l'élude, et trois l'après-midi. 11
n'étudiait jamais la nuit, ni immédiatement après
les repas; il faisait ses prières toujours aux mêmes
heures; et nulle visite, sans un pressant besoin,
ne dérangeait ses exercices. Le reste de son temps
se passait ou en entretiens familiers avec ses amis,
sur les sciences, sur l'histoire, sur la géographie,
ou enfin à cultiver quelques arbres; car il avait
un goût particulier pour l'agricullure (2). Sa con-
versation était douce, agréable, et innocente : il
évitait celle des femmes, et l'on regardait comme
une chose extraordinaire de le voir avec elles.
Une dame d'une haute naissance, et qui était visi-
tée par les savants du premier ordre, par les per-
sonnes les plus distinguées de l'Etat, et par les
princes du sang, le fit prier de l'aller voir, mais
en vain; elle fut obligée d'employer l'autorité de
certaines personnes à qui il ne pouvait rien re-
fuser. Il fallut se rendre, mais ce fui à condition
qu'il ne ferait qu'une seule visite. La dame, qui
était charmée de son entretien, sachant qu'il ne
s'était engagé qu'à une seule visite, fil durer la
conversation le plus longtemps qu'elle put, mais
cela ne servit qu'à le lui faire goûter davantage;
en sorle que le voyant près de partir : Quoi, mon
Père I dit-elle, sera-ce donc la seule fois que j'au-
rai le bonheur de jouir de voire entretien ? Oui,
Madame, lui répondit-il en souriant; et quelque
(1) Le Brun, Journal des Sav., mars 1696.
(2) Perrault, Hom illust.; Le Brun, M. *", etc.
VIE DU PÈRE TIIOMASSIN.
XVII
cliose qu'elle put faire ensuite, il lui tint exacte-
ment parole (1). Il était si modeste et si pacifique,
qu'il se faisait aimer de tout le monde. S'il s'est
trompé en voulant prendre le milieu entre les dif-
férents sentiments , un ne doit l'attriluier qu'à son
amour pour la paix, qui n'avait point d'autre prin-
cipe que son humilité et sa modestie. 11 n'était
point de ces savants qui veulent l'emporter sur
les autres, qui méprisent ceux qui ne pensent pas
comme eux. Il se contentait de proposer sou avis,
et les raisons qu'il avait de le soutenir, sans vou-
loir tyranniser les esprits. C'était sur les questions
libres de la théologie qu'il voulait qu'on suivit
ses maximes. L'EyIisc, disait-il, toujours attachée à
ses décrets ne déaairprouve point les différentes Ecotes et
leurs opinions opposées ; ayons entre nous la même mo-
dération. 11 ajoutait que comme les homtnes ont la
raison en partage, et que crailleurs ils ont leur faible ,
il faut prendre une partie de leur système et retrancher
ce qu'il y a de défectueux de part et d'autre, et que par
là on découvre facilement la vérité; c'est ce qu'il éta-
blit dans la préface de ses Mémoires ; préface que
dom .Mabillon (2) conseille de lire. On admirait en
lui tout à la fois, la simplicité d'un enfant, et l'éru-
dition la plus profonde : on ne voit guère dans le
même sujet tant de vertu et tant de savoir. L'inno-
cence de sa vie ne lui laissait voir, disent ceux
qui ont composé son éloge (3), que le bien dans
les livres, dans les auteurs, dans les personnes,
dans les Communautés. Pénétré de sa religion, il
l'aimait souverainement, il la trouvait et la faisait
trouver partout ; les pensées les plus chrétiennes
naissaient naturellement dans ses entretiens, ainsi
que sous sa plume. Ce qu'il y avait de plus profane
dans les auteurs prenait un sens édifiant en pas-
sant ou par sa bouche ou par sa plume. Tout
marquait qu'il portait J.-C. dans le cœur, et qu'il
ne cherchait que la gloire de son Eglise. Ln tour
d'esprit élevé joint à une profondeur de science
presque sans bornes faisait le caractère particulier
de cet excellent homme, .\joutons que quoiqu'il
fût si estimé dans le monde, il avait de si bas
sentiments de lui-même, qu'on lui a ouï dire plus
d'une fois qu'il aurait souhaité qu'on lui eût per-
mis d'être toute sa vie au rang des frères (4), et
comme dit le père Bordes, « qu'il ambitionnait
sérieusement la condition d'un sacristain. Celte
humilité lui faisait trouver uu singulier plaisir à
converser avec les petits plutùt qu'avec les grands
et les personnes de distinction. Aussi pendant les
seize années qu'il a passées à l'institution, charmé
de se mêler avec la jeunesse simple et modeste
qui habite cette maison, il ne se prêtait qu'à re-
gret aux visites que sa réputation et l'étendue de
ses connaissances lui attiraient. « Il laut avouer
toutefois qu'il y avait en cela un peu de tempéra-
ment joint à un grand fonds de modestie et d'hu-
(1) Bord, et Borat, in vit, Lud. Thùrtx.
(2) Etud. iMonast.
(.1) Le Brun, Perrault, etc.
(4) Cloyseault, Vie MS. du P. Thomassin.
milité; étant naturellement si timide, ([ii'il n'a
jamais pu se résoudre à chanter une antienne,
encore moins à chanter la messe (l). J'ai même
ouï dire à plusieurs de ceux qui l'ont connu, que
quand il faisait les Conférences à Saint-Magloire,
on n'avait pu venir à bout d'arrêter l'elfroi qui le
saisissait et lui ôtait prescjue la parole, i|u'en
m(!ttant une espèce de rideau entre ses auditeurs
et lui.
Il avait tant de respect et d'estime pour tout le
monde , qu'il ne pouvait souffrir qu'on dit en sa
présence le moindre mot désavantageux de qui
que ce fût : la délicatesse de sa conscience sur ce
point ne peut s'exprimer , surtout lorsqu'on
parlait des prélats et des pasteurs de l'Eglise (2).
Quoiqu'il fût naturellement propre, il aimait la
pauvreté dans ses habits, dans ses meubles, dans
sa chambre , sur sa personne ; il ne pouvait rien
souffrir en tout cela qui ressentît tant soit peu le
monde et la vanité. Rien de curieux , rien de su-
perflu ; c'était sa grande maxime. Il était aussi
généreux pour les autres qu'il l'était peu pour
lui-même. Aussi donnait-il presque tout ce qu'il
avait aux pauvres , jusque-là qu'il avait recom-
mandé à celui qui avait soin de sa bourse de ne
faire aucune difficulté de leur donner même à son
insu tout ce qu'il voudrait ; et qu'une partie de son
argent était le plus souvent entre leurs mains
avant que d'avoir passé par les siennes.
Ses amis particuliers, outre les PP. de Monchy
et Mascaron, furent M.\l. Du Hame! et Du Cange,
célèbres par leurs ouvrages. Le premier avait été
pendant plusieurs années dans la congrégation de
l'oratoire, et fut le compagnon de ses études. Il n'y
avait guère de savants dont il ne fût connu.
MM. le Tellier, chancelier de France, le Pelletier,
ministre d'Etat, De Lamoignon , premier président
au parlement de Paris , et Jérôme Uignon , avocat
général , l'ont souvent consulté. MM. de Péréfixe,
de Marca, de Harlai, du Bousquet, etOodeau, tous
les prélats distingués par leur profonde érudition,
avaient pour lui une estime particulière. Les non-
ces même l'allaient visiter de la part du jiape. Enfin
sa gaieté et le caractère de son esprit lui attiraient,
autant que sa science , l'affection et la confiance
des personnes illustres.
M. le curé de Saint- Jacques , du Haut-Pas, pro-
che Saint-Magloire, fit son éloge au prône le len-
demain de sa mort jour de Noël, et déclara, ce
qu'il avait été obligé de tenir caché, que le père
Thomassin lui avait donné tous les ans pour les
pauvres la moitié de la pension de 1,000 livres qu'il
recevait du clergé. Le père Le Brun, prêtre de l'Ora-
? toire, fit imprimer son éloge dans le Journal des
Savants du mois de mars 1696, et M. Perrault l'a
mis avec justice au nombre des hommes illustres
du dernier siècle. Outre la vie latine que le père
Bordes et M. Barat ajoutèrent à son glossaire uni-
versel, on mit un petit éloge à la tète de son
(1) Cloyseault, etc.
(2) Bordes, Cloyseault.
Th. — Tome I.
xvii, VIE DU PÈRE THOMASSIN.
Traité sur l'Usure; et M. d'Héricourt en inséra un gloire la nombreuse et belle bibliothèque qu'il
autre dans l'Abrégé de sa Discipline ecclésias- avait ramassée pendant plus de quarante ans ; que
tique qu'il donna au public en 1717. Le père Cloy- le père de Sainte-Marthe, général de la congré-
seault, prêtre de l'Oratoire, faisant les vies des galion, pour lui marquer sa reconnaissance, a fait
illustres de sa congrégation, n'a pas oublié placer son buste dans la bibliothèque de ce sémi-
celle du père Thomassin. Ce sonl-là les sources où naire;et que le cardinal Casanata, qui l'avait
j'ai puisé les principaux faits qui composent cet désigné vice-bibliothécaire du Vatican , demanda
éloge. avec instance son portrait pour être mis dans cette
Avant que de finir, je dois remarquer que le fameuse bibliothèque,
père Thomassin a légué à la maison de Saint-Ma-
CATALOGUE DES OUVRAGES
DU PERE THOMASSIN.
Dissertationum in concilia rjeneralia et partkulan'n.Tom.
I. 10-4", Parisiis. Dezallier, 1GC7. Ce traité est composé de
20 dissertations. Il n'a donné que ce volume.
Mémoires sur la GrJce en français. Louvain, Dupral. in-12,
3 vol.
Les mêmes, où il représente les sentiments de saint Augustin
et des autres Pères grecs et latins; de saint Thomas, et de
presque tous les théologiens jusques au concile de Trente; et
depuis ce concile ceux des plus célèbres docteurs des univer-
sités de l'Europe, deuxième édition, Paris IC82, in-'i».
Ancienne et nouvelle Discipline de l'Eglise touchant les béné-
fices et les bénéficiers, etc. Paris, Muguet. 3 vol. in-fol. le
premier en 1G78, le deuxième en 11179 et le Iroisième en IGSl.
Deuxième édition, Paris. Muguet. 16S2.
Troisième édition, selon l'ordre de la latine. .V Paris, chez
Montalant 1723.
Table générale ou concorde des trois tomes ou des quatre par-
ties de la Discipline de l'Eglise touchant les bénéliciers, avec
laquelle on pourra lire chaque matière de suite. Paris, Muguet,
1681, 10-4°.
Velus el nova Ecclesiœ Disciplina circa bénéficia et
beneficiarios , disiributa in très partes sive tomos , quœ et
ipse in très libros singulœ distributœ sunt. Pai's prima ,
sive tomus prinms ; ubi agitur L. l : De primo Cleri or-
dine. L. 2: De seciindn Cltri ordine. L. 3 : De Clericonim
et Monachorum conyrcyalionibus , (jtiœslionibus sinyulis ex
ordine tempormn ub exordio Ecclesiœ ad Clodovw.um, inde
ad Carolum Magnum, rursus inde ad Hugonem Capetium ,'
denique ad liœc usque tempora pertrnctatis^ nvsquarn tamen
interrupto earum contextu. Opus ex SS. Patribus, ex Con-
ciliis, ex quorumque temjiorum historicis decerpium. Edi-
tio latina post duas Gallicanas auctior et emendatior.
Parisiis, Muguet 1688, 3. iu-fol.
Ediiio secundo, Tgpis Posuel et Anisson, Lugduni, 1706.
Ancienne et nouvelle Discipline de l'Eglise touchant les
bénéfices et les bénéliciers , extraite de la Discipline de l'Eglise
du père Thomassin , prêtre de l'Oratoire , par le père Julien
Loriot de la même congrégation. ( U ne s'est attaché dans son
extrait qu'à la Morale.) In-i", 1702.
Abrégé de la nouvelle et de l'ancienne Discipline de l'Eglise
touchant les bénéfices et les bénéficiers, par M"*, avocat au
parlement de Paris, 1717,in-4°. Cet abrégé, qui est tait par un
habile homme (M. d'Héricourt), comprend un extrait exact de
tout ce qui est dans la Discipline du père Thomassin , soit sur
la morale, soit sur la discipline ecclésiastique, soit sur Tbisloire
de l'Eglise.
Dugtnatum Theologicorum pars prior prodil de Verbi
Dei Incarnat., tomus unicus iu-fol. Pans, Muguet. Cet ouvrage
est dédié au clergé de France. Quoiqu'il ait paru le premier,
il n'est cependant que le second de ses Dogmes théologiques
dans les éditions postérieures.
Dogmalum thrologicarum, de Deo, Deique prnprietatibus.
Muguet, 1684, tom. 1. in-fol.
DiKjmutum theologicorum tom. \\\ et ultimiis, quo reliqui
tractatus theologici continentur. Muguet, 1689, in-fol.
La Méthode d'étudier et d'enseigner chrétiennement et soli-
dement les poètes , par rapport aux leltres divines , et aux
Ecritures saintes. A Paris, in-8", 3 vol., le l<" en 1681, le 2»
et le S' en 1682.
La Méthode d'enseigner chrétiennement la philosophie.
16S.J, in-8».
La Méthode d'étudier et d'enseigner cbréliennemonl la gram-
maire et les langues par rapport il l'Ecriture sainte et à la lan-
gue hébraïque, avec cinq glossaires. Le 1" de la langue runique
ou ancienne danoise; le2» de la langue malaye, qui est la lan-
gue des savants de l'Oiient; le 3= de la saxonne, d'où sont sor-
ties les langues de l'Europe vers le Nord; le i<= de la langue
grecque; le :>' de la langue latine. A Paris chez RouUand, in-S°,
2 vol., 1690.
La Méthode d'enseigner chrélienncmcnt et solidement les
historiens profanes par rapport à la religion , et aux Ecritures
saintes. A Paris chez Roulland, 1694, 2 vol. in-8".
Traités historiques et dogmatiques sur divers points de la
Discipline de l'Eglise et de la morale chrétienne : tom l'-"'' conte-
nant un traité des jeunes de l'Eglise , divisé en deux parties. A
Paris, chez Muguet, 1680, in-8''. Tom. ii des fêles de l'Eglise,
divisé en trois parties : des fêtes eu général, des fêtes en parti-
culier, et de la manière de les célébrer saintement. A Paris
chez Muguet, 1083.
Traité de l'Office Divin pour les ecclésiastiques et les laïques,
divisé en deux parties ; la première, de la liaison avec l'oraisou
mentale et d'autres prières vocales, avec la lecture des Ecri-
tures, des Pères, des Vies des Saints. La seconde, de ses ori-
gines et des changements qui s'y sont faits dans la révolution
des siècles. A Paris, chez Muguet, 1686, in-8°.
Traité de la Vérité et du Mensonge, des juremenis et des
parjures, divisé en deux parties. A Paris, chez Roulland, 1693,
iu-8°.
Traité de l'Unité de l'Eglise et des moyens que les princes
chrétiens ont employé pour y faire rentrer ceux qui en étaient
séparés : divisé en deux parties. La première contient les lois
du code Théodosien, les conciles et les Pères anciens qui les
ont soutenues , et une digression sur la réunion des sectes
orientales : ou trouve dans la deuxième la doctrine des autres
Pères et des conciles, à laquelle Justinien s'est conformé dans
les lois de son code sur ce sujet, et une digression sur la
communion sous les deux espèces. A Paris, chez Muguet,
1686, in-8».
XX
CATALOGUE DES OLTRÂGES DU PÈRE THOMASSIN.
Traité de l'Antnône et du bon nsage des biens temporels,
tant pour les laïques que pour les ecclésiastiques. A Paris,
chez Roulland, 1695, in-S".
Traité du Négoce et de l'Usure, divisé en deus parties. A
Paris, chez Roulland, 1697, in-8».
Glossarium universale Hebraicum , guo ad JJebraicœ
linguœ fontes, linguœ et dialecii pêne omnes revocanlur.
Parisiis, e ti/pof/rajjliia rerjia, 1G97, in-fûl.
Traité des Edits et des autres moyens spirituels et tempo-
rels dont on s'est servi dans tous les temps pour rétablir et
pour maintenir l'uuité de l'Eglise catholique : divisé en deux
parties. La première, depuis le commencement de l'Eglise jus-
ques au ix= siècle ; la deuxième, depuis le ix« siècle jusques
au dernier, par le feu père Thomassiu , avec un supplément
par un prêtre de la même congrégation (le père Bordes) pour
répondre à divers écrits séditieux, et particulièrement à l'His-
toire de l'Edit de Nantes , qui comprend les huit derniers
règnes de nos rois. A Paris , de l'imprimerie royale, 1703,
3 vol. in-4''.
M. Benoit, ancien ministre d'Alençon, ayant fait imprimer
un .Mémoire dans les journaux de Hollande, le père Bordes lui
répondit en 1706. Sa réponse est une brochure de onze pages
in^", d'impression du Louvre.
Jugement du père Thomassin sur la Dissertation de dom Jean
Mabillon de Azymo ac Fermentato, tom. !<■■■ des Œuvres
posthumes de dom Jean Mabillon, pag. 204 et suiv.
M5S. Remarques sur les Conciles avec des tables amples et
des notes marginales, 3 vol. in-fol.
Remarques sur les Décrétâtes de Grégoire IX.
Traité des Libertés de l'Eglise Gallicane.
<f»^
ÉLOGES OU JUGEMENTS
QUE PLUSIEURS AUTEURS ONT PORTÉS DU PÈRE THOMASSIN k DE SES OUVRAGES.
Le R. P. de Sainte-Mailhe, Lettres à l'abbé de lu Trappe,
pag. 122, l'appelle Le samnt père Thomassin.
L'auteur de V Apologie de l'abbé de la Trappe, qu'on
croit être M. Tliiers, pag. 497, lui donne le même litre , aussi
bien que le R. P. dom Tliuillier, pag. 21 de la Préface des
Œuvres posthumes de dom Mabillon.
L'excellent ouvrage du feu père Thomassin, de la Discipline
de l'Eglise... est trop connu et trop généralement estimé pour
qu'il soit nécessaire d'en faire ici l'éloge. {Mémoires de Tré-
voux, août 1702, pag. 142. Edit. de Hollande.)
Le père Thomassin, aussi humble que savant, etc. (pag. 88
du v« tom. des Mémoires de Trévoux, Edit. de Hollande.)
Le R. P. Lamy, Entretiens sur les sciences. Entretien vu,
pag. 334 : Avant que d'entreprendre de puiser dan^' les grandes
sources des Pères, il sera à propos de choisir les auteurs qui
ont rapporté les sentiments de ces maîtres de la théologie sur
chacun des articles de notre foi, comme a fait le père Pétau
dans ses Dogmes Théologiques, où l'on voit avec étendue toutes
les disputes que l'Eglise a eues avec les hérétiques au sujet de
la Trinité et de l'Incarnation. Le père Thomassin a aussi ramassé
avec un travail prodigieux les sentiments des Pères.
Ibid. pag. 338 : Pour ce qui regarde la Discipline, les livres
du père Thomassin suffisent. Outre les trois gros volumes
qu'il en a composés , il en a fait plusieurs autres où l'on voit
à fond de quelle manière l'Eglise s'est conduite. On voit, par
exemple, dans son ouvrage du Jeûne, tout ce qui s'est pratiqué
pour le jeune ; comme dans celui des Fêtes tout ce qui s'est
fait et pensé au sujet des fêtes.
Pag. 365 ; Le cardinal du Perron, le père Sirmond, le père
Morin, le père Pétau, M. de Marca, le père Thomassin sont
d'excellents modèles.
Le père Thomassin, si zélé pour l'ordre et la subordina-
tion hiérarchique. (L'auteur des Droits des Evéques sur les
exempts, pag. 20.)
M. Arnaud, dans sa neuvième partie des Difficultés propo-
sées à M. Steijaert, pag. 271, dit : Il y a peu d'auteurs
nouveaux qui aient traité cette matière (des images de Dieu)
avec plus d'exactitude que le père Thomassin, à la fin de
son volume de Verbo incarnato.
Et pag. 274, il l'appelle un savant auteur... sa savante
dissertation, etc.
M. Huet, évêque d'Avranches, in Commentariis vitœ suœ,
pag. 206, dit : Tune Lutetiœ hospiiio utebar San-Maglo-
riano Oratorianœ congrerjationis , in quod me invitaverat
Ludovicus Thomassinus, per quem multum accessit decoris
sodalitio hiiic, lueulento et perutili opère, quo Disciplina;
Ecclesiastica; ritiis, ex bonorum autorum et priscorum mo-
numentorum fide descripsit : atque optime sane consuluis~
set famœ suœ si intra harum litterarum, in quibus regna-
bat, fines continuisset ingenium suwn ; nec ad humanarum
pnrterea disciplinarum laudem ita aspirasset, ut earum
etiam prœcepta effiundere in vulgus, quas vix primoribus
labris dcgustasset. Glossarium vero illud Ebraicum uni-
versale, uti prœ se fert titulus, post ejus mortem editum,
quod nobis velut Orientalis omnis litteraturœ ditissimum
penu obtrusum est, si eruditi admoveanlur oculi, ad pri-
mum intuitum fœtus apparebit non novato et iterato exor-
tus agro, sed semel tantum et leniter arato. Frustra au-
tem commendationem quœsivit Thomassinus scriptionibus
suis nb elegantia dictionis cnm res omnem respuentes orna-
tum et simplici cultu ac levi scriptura tradendas , pingui
et operosa oratione convesiiret.
L'Eminentissime cardinal Noris, Apologiœ Monachorum Scy-
thiœ vindicatœ , pag. 50: En tibi duo prœstantissimi...
Scriptores qui Theologiam Dngmnticam nullo unquam œvo
interiltiris voluminibus in Gallia illustrarunt, Petavius...
et Ludovicus Thnmassi?ms, tôt editis de rébus Ecclesiasticis ,
itemque Dogmaticis libris celeberrimus.
Ibid. pag. 52, il l'appelle ucutissimi ingenii virum...
recita testimotiium viri doctissimi... Thomassinus magni
nominù scriptor.
Pag. 57 : Theologi gravissimi et er-uditissimi Petavius et
Thomassinus.
Page 60: Verum cum viri illi prœstaiitissimi (Vasquez
Petavius, et Thomassinus) in universo litterario orbe optime
audiant.
La même, page 67 : 11 ajoute ob hujtts {antiquitatis) noti-
tiam Petavius et Thomassinus , de Dogmatica Theologia
bene meriti.
M. Dupin, dans soniv tom. de la Bibliothèque des Ecrivains
eccle'siastiquesdu^vw siècle, après avoir parlé assez au Ion» du
père Thomassin et de ses ouvrages, finit ainsi : Ce grand nom-
bre d'ouvrages, donnés en moins de 25 ans, font voir combien
il était laborieux. Us sont remplis de tant de passages et de
matières si différentes, qu'on ne peut les lire sans être surpris
de sa grande lecture, et que l'on admire l'étendue de son éru-
dition. Tout ce qu'on pourrait y désirer serait plus d'ordre,
plus de méthode , plus de principes et de raisonnement. Cela
n'empêche pas que ce ne soient d'excelleuts recueils, très-
instructifs et très-utiles à ceux qui voudront travailler sur les
mêmes matières. 11 écrit avec plus de faciUté que d'élégance,
tant en français qu'en latin.
M. Simon, dans sa Bibliothèque des Auteurs de Droit, mee
292, dit que la Discipline ecclésiastique du père Thomassin est
un des meilleurs livres qui ait été fait en ce siècle.
Le sieur de Rocoles, dans son Introduction à l'Histoire
XXII
ELOGES OU JUGEMENTS DE PLUSIEURS AUTEURS SUR THOMASSLN.
tome II, page 344, parlant du père Thomassin, dit que c'est un
personn3};e consommé en !a scolastique , la positive, l'histoire
ecclésiastique, et autres sciences sacrées.
M. liaillet, page 133 de son Discours sur IHistoire de la
Vie des Saitils : Depuis que les lumières de la critique ont
ramené le bon goût avec la connaissance de la vérité ... on a
rétabli la connaissance des temps , celle des lieux , celle des
mœurs et des usages de chaque siècle.
Et dans sa note : Entre les savants de ces derniers temps
à qui l'on est redevable de tant de services rendus principa-
lement depui.* le milieu du xvii« siècle, outreM.de Tillemont...
il faut comiiier.... le père Thomassin, etc.
Le père Honoré de Sainte-.Marie , carme déchaussé, dans ses
R'iflexiuns sur les règles et l'usage de la Critique, tomei,
page 43 : On ne Tait pas moins de cas du Lexicon Penlaghtton,
des concordances hébraïques de Buxtorf, des grecques de Ro-
bert Etienne.... aussi bien que de la méthode d'étudier et
d'enseigner la grammaire ou les langues par rapport à l'Ecriture
sainte, en les réduisant toutes à l'hébreu, par le père Tho-
massin, 2 vol. in-8". Paris, 1690. Tous ces ouvrages paraissent
très-utiles pour ceux qui veulent s'instruire dans les langues
savantes, etc.
Là-même, pag. 62. Il ajoute : c'est suivant ces règles que la
critique a fait naitre dans le siècle passé plusieurs ouvrages
dogmatiques, où la théologie positive parait avec éclat. Le pre-
mier qui se présente est le Traité des Lieux Ihéologiqucs, de
Melchior Canus. On peut y ajouter les cinq volumes des Dogmes
Tbéologiques du savaut père Pétau; aussi bien que ses Dis.^er-
tations Ecclésiastiques... On peut y ajouter les Dogmes Théolo-
giques du père Thomassin, les trois volumes de sa Discipline
Ecclésiastique, ses Mémoires sur la Grâce, et divers Traités Dog-
matiques et Historiques des jeûnes, des tètes, de l'unité de l'E-
glise... et un grand nombre de semblables ouvrages, qui ne
peuvent être que le fruit d'une critique très-judicieuse.
Ihid., pag. 1Ô5 : Le père Thomassin... ce savant critique.
lijid., pag. 267 : On peut établir ce double principe... sur
une excellente réflexion du savant père Thomassin.
Mémoires de Trévoux, octobre 1717, art. 122, pag. 1392 :
De ce grand nombre d'ouvrages qu'a laissés le père Thomassin,
celui qui sans comparaison fait le plus d'honneur à la mémoire
de ce savant et laborieux auteur, est sou ample et docte Traité
de la Discipline de l'Eglise. Il le composa en français, et le fit
imprimer en trois volumes in-folio, l'an 1679. Ensuite, pour
obéir au pape Innocent XI, qui témoigna désirer qu'un ouvrage
qui pouvait être utile à l'Eglise se répandit partout par une tra-
duction latine , le père Thomassin l'entreprit et l'acheva en
dii-huit mois, temps qui semble à peine suffisant pour le dé-
crire, etc.
Thnmassinus , doctissinms vir, c'est ainsi que l'appelle
M. Rasnage (Jacques) dans la troisième de ses lettres imprimées
à la fin de l'édition de la Lettre de saint Jean Chrysostome à
Césaire.
Le père Lombard, jésuite, dans la Préface du livre qu'il a
fait imprimer chez Louis Coignard, en 1715, sous le titre de
Méthode courte et facile pour discerner la véritable religion
chrétienne, dit que le père Thomassin, .M. l'abbé d'ArgenIré,
sans parler de quantité d'autres, ont soutenu et prouvé avec
force la religion chrétienne.
Dom Jean iMabillon, dans sa Réponse aux chanoines réguliers
sur la préséance au£ Etats de Bourgogne, pag. 106 du deuxième
tome de ses Œuvres posthumes, publiées par dom Thuillier,
après avoir cité un passage du père Thomassin, ajoute : Un au-
teur si sage et si modéré ne parlerait pas d'une manière si dé-
cisive, s'il n'en était convaincu.
Pag. 10 de la Préface du premier volume des Annales de l'or-
dre de saint Benoit : Ludovicus Thomassinus, Oratorii Galli-
cani eruditus presbyter.
Pag. 44 de ce même volume : Eruditissiinus Thomassinus.
Et pag. 247 : Vir cximiœ cruditionis et pictatis Thomas-
sinus prœclare subdil, etc.
Pag. 181 de son Trailé des Etudes monastiques, in-4'', il ren-
voie ceux qui veulent apprendre la discipline de l'Eglise à l'ou-
vrage du père Thomassin, et conseille généralement la lecture
des autres ouvrages de ce Père dans la suite de ce traité. (Voyez
les pag. 187, 196, 216, 258, 349, 359, 429, 4i3, et 444.)
Dom Tliicrri Ruiuart, dans sa Préface sur Grégoire de Tours,
art. 106 : Vadem hujus rei apud omnes ob summum erudi-
iionem et sinceru/n unimi cnndorem nuiximi ponderis, pro-
féra Ludovicum Thomassinum. Voyez les différents jugements
que les savants ont portés, tant de l'auteur que de ses ouvrages,
cités au long dans sa vie : nous ne croyons pas devoir les ré-
péter ici.
PRÉFACE
DU PÈRE THOMASSIN.
Le seul titre de ce livre est la condamnation de son auteur. Il y a trop peu de proportion entre
l'un et l'autre, et j'en suis moi-même très-persuadé. J'avouerai de plus que je ne mérite nulle
excuse, puisque connaissant comme je fais la médiocrité de mon esprit, je ne devais pas
entreprendre un aussi grand travail. Je puis dire néanmoins avec vérité, moins pour me justifier
que pour satisfaire le lecteur, qu'à le bien prendre, je ne suis pas l'auteur de ce titre, et que je
ne me suis jamais proposé un si grand dessein, quoique j'y aie travaillé longtemps.
J'avais donné à cet ouvrage un titre très-simple, l'intitulant Traité des Bénéfices; et je m'étais
prescrit des bornes assez étroites, afin que si mon livre ne pouvait avoir d'autres agréments, il
eût au moins celui de la brièveté. J'avais fait dessein de traiter par les conciles, les Pères et les
historiens de chaque siècle, une partie des grandes matières qui y sont contenues ; mais ne
voyant ces choses que de loin, je n'en concevais pas l'étendue, et je croyais pouvoir les renfenner
dans un volume assez médiocre.
Ce titre et ce projet ne me semblaient pas surpasser les forces d'un homme qui a d'assez longues
éludes et assez de loisir. Dans la suite de l'ouvrage la grandeur des matières que je traite s'est
développée et je me suis trouvé engagé dans une infinité de questions, ou absolument néces-
saires, ou au moins très-utiles : ainsi m'étant embarqué d'abord sur une petite rivière, je me
suis laissé emporter bien avant dans la grande mer; mais on doit attribuer cet événement au
hasard ou à la Providence, plutôt qu'au dessein que j'avais formé.
La multitude des matières qui sont liées les unes aux autres m'a mené plus loin que je ne
pensais : c'est un torrent rapide qui m'a entraîné ; je n'ai plus été maître après cela ni de mon
temps, ni de mon travail ; il m'a occupé plus d'années que je n'y avais destiné de mois. Quand
il m'a fallu ensuite rendre compte de mes veilles au très-illustre prélat auquel les lois de l'Eglise
m'ont assujetti, et au Père charitable à qui ma vocation particulière m'a soumis, ils n'ont rien
tant désapprouvé que le frontispice de l'ouvrage ; et il a fallu, pour leur obéir, en substituer un
autre plus étendu, et qui expliquât mieux la riche abondance et la grande diversité des matières
qui y sont renfermées.
Ainsi je puis assurer qu'étant l'auteur de ce livre, je ne le suis ni du titre, ni du livre même.
XXIV PRÉFACE DU PÈRE THOMASSIN.
C'est la richesse et l'abondance de tant de matières importantes qui m"a forcé de l'étendre au
delà des bornes que j'avais marquées;. et c'est l'autorité des puissances que je suis obligé de
révérer qui y a fait mettre une inscription qui répondît mieux à leur zèle et à leur désir. La
même Providence qui m'a poussé plus loin que je ne prétendais aller, en suscitera peut-être
d'autres qui fourniront cette carrière, et qui ayant autant de jiouvoir que j'ai eu de bonne
volonté, donneront la dernière main à un ouvraf^e que la mienne n'a fait qu'ébaucher.
Cette ébauche néanmoins, quelque légère qu'elle soit, a des traits assez étendus. Mais pouvais-
je me résoudre k développer tant de questions également curieuses et importantes, autrement
que par l'autorité des conciles et des Pères, dont les oracles souvent un peu obscurs ont besoin,
pour être éclaircis, de la lumière de l'histoire et de la recherche exacte des choses qui se sont
passées de leur temps.
Cette manière d'écrire est un peu longue, mais il n'y en a pas d'autre qui soit solide, et qui
réponde dignement à la grandeur du sujet. De deux inconvénients qui étaient à craindre, j'ai
évité ce me semble le plus grand ; et j'ai mieux aimé courir le ris([ue d'être (juelquefois un peu
ennuyeux que de paraître trop superficiel. Je ne sais même si les savants ne me blâmeront point
d'avoir passé trop légèrement beaucoup de choses ; mais je les prie de considérer que je n'aurais
pas assez de respect pour leur science, si je pensais écrire pour eux ; que j'aimerais bien mieux
profiter de leurs lumières, que leur communiquer les miennes.
J'eusse pu trailcr chaiiue question plus à fond, si je n'eu avais pas entrepris un si grand
nombre ; un corps entier ne laisse pas d'avoir sa beauté, quoique toutes les parties n'en soient
pas finies. Je n'ai pas dessein de faire un ouvrage savant, cela surpasse mes forces; mais
un ouvrage utile et édifiant, ce (jui convient mieux à mon état et à la profession que j'ai
embrassée.
C'est le sort de ceux qui écrivent d'être souvent obligés de satisfaire à des plaintes tout
opposées. Les uns ne sont pas contents, quelque foule de preuves qu'on entasse ; les autres en
trouvent toujours trop, quelque soin que l'on prenne d'en retrancher. Les uns veulent qu'on
s'attache à une matière, et qu'on l'épuisé entièrement ; les autres voudraient au contraire
qu'on en embrassât plusieurs à la fois, dût-on ne faire que les effleurer. Peut-on satisfaire par
un ouvrage à des goûts si opposés? Pour plaire aux uns, il faut être court; pour contenter les
autres, il faut être long. Où trouvera-t-on ce juste tempérament, entre la brièveté et la longueur,
pour satisfaire tout le monde? Je ne sache rien de plus embarrassant pour un homme qui
voudrait i)laire à tout le monde, ou qui voudrait au moins ne déplaire à personne.
Cei)endant ceux qui forment ces plaintes, départ et d'autre, pourraient aisément se satisfaire,
et se rendre justice eux-mêmes ; il ne faut pour cela qu'avoir pour autrui ces justes égards
que la prudence, la justice et la charité semblent prescrire. Car comment auraient-ils tant d'em-
pressement pour exiger de nous ce qu'ils désirent voyant que tant d'autres ont la même ardeur
pour exiger de nous tout le contraire? Chacun met la justice et la raison de son côté : mais fut-
il jamais rien de moins juste ni de moins raisonnable que de croire être le seul qui soit doué
de la justice et de la raison? On doit modérer ses sentiments et régler ses désirs par le balance-
PRÉFACE DU PÈRE THOMASSIN. xxv
ment des désirs contraires des autres , et faire consister sa force et sa victoire, plus à céder et à
s'accommoder aux faibles, qu'à les faire plier sous ses volontés.
J'ai encore bien plus d'intérêt à demander cette retenue et cette modération d'esprit, pour
faire goûter la manière dont je traite les questions. La plupart des gens aiment un air décisif,
qui donne des résolutions précises sur toutes les choses qu'on propose, sans (ju'il reste aucun
doute dans l'esprit. Ils veulent que l'on parle en maître et avec une entière certitude de ce
qu'on avance. Ce n'est pas pourtant la manière dont il faut s'y prendre pour pénétrer bien avant
dans la connaissance de l'ancienne discipline. Comme c'est un pays éloigné du nôtre et assez
rempli de ténèbres, il faut y aller pas à pas et avec beaucoup de précaution. Il faut écarter tous
les préjugés des usages de notre siècle, et surtout cette fausse préoccupation qui s'est saisie de
tous les esprits, que les maximes de la police ecclésiastique des derniers siècles sont, ou toutes
les mêmes, ou toutes différentes de celles des siècles précédents. Enfin, il faut supposer, comme
un premier principe de cette science, que l'étude de la discipline universelle est si difficile, que
quelque parfaite connaissance qu'on en puisse avoir, on ne saurait lever tous les doutes, ni dis-
siper toute l'ignorance. 11 faut donc se convaincre qu'on ignore beaucoup de choses, lors même
qu'on croit les savoir; que souvent même on a raison de douter de celles qui paraissent indu-
bitables, tant cette matière est vaste et comme infinie.
Etant aussi convaincu que je l'étais de la vérité de cette maxime, j'ai toujours tâché de me
tenir sur mes gardes pour éviter les surprises, ou des préjugés de mon esprit, ou des pentes
secrètes de ma volonté. J'ai assez souvent commencé par rapporter et examiner les canons des
conciles, et les autorités des Papes et des Pères sur les questions que j'ai proposées ; je les ai
confrontées et comparées les unes aux autres; j'y ai fait diverses réflexions, et lorsque la vérité
que je cherchais ne s'est pas découverte avec clarté, j'ai suspendu mon jugement, aimant mieux
demeurer dans l'irrésolution que de prendre une résolution téméraire.
Je n'ai jamais pris de parti dans les questions douteuses que lorsque la force des preuves m'y
a contraint ; je n'ai rien déterminé que lorsque la multitude et l'évidence des décisions cano-
niques ont elles-mêmes déterminé mon esprit; enfin, ma règle inviolable a toujours été de ne
prévenir point la raison, mais de la suivre, et de ne rien conclure sans preuves.
Je vois bien que cette méthode ne plaira pas aux amateurs de cet air affirmatif qui commence
par avancer une proposition, qui en recherche ensuite les preuves, qui ne manque jamais d'en
trouver dans une foule innombrable de lois et d'exemples dont tous les siècles sont remplis, quj
prévient le jour et qui le fait naître où. il lui plaît; et qui, enfin, se forme à plaisir des idées
claires et distinctes d'un pays inconnu avant que d'y avoir été.
Cette méthode est courte et décisive, et elle plaît naturellement à tout le monde, parce qu'elle
flatte cette précipitation et cette impatience naturelle que nous avons tous. Mais, parlant géné-
ralement, rien ne me paraît plus dangereux dans la recherche des sciences que cette ardeur
précipitée qui ne craint point de s'égarer pourvu qu'elle avance, et le danger de se tromper et
de tromper ensuite les autres me paraît plus grand dans les études dont nous parlons, qui ne
consistent souvent que dans la connaissance des faits et des lois toutes positives.
XXVI PKÉFACE DU PÉUE IHOMASSiN.
Ceux qui feront autant de réflexion qu'il faut sur la discipline de tant de siècles différents, et
qui concevront la peine qu'il y a à accorder tant de lois souvent contraires les unes aux autres, à
en éclaircir tant qui sont obscures, à en développer tant d'autres qui sont embrouillées, n'au-
ront pas de peine à nie pardonner les fautes que j'aurai faites en me tirant de cet embarras.
On trouvera dans mon ouvrage des résolutions quelquefois flottantes, des répétitions peut-
être ennuyeuses, des délibérations réitérées, et des manquements d'ordre, de méthode, de suite
et de liaison. Je n'ai pas toujours eu soin de les éviter, pour m'attacher à une maxime dont je
me suis fait une loi, qui est de suivre les choses et de m'accorder avec elles, plutôt que de les
dominer et de vouloir les entraîner comme par force jjour les assujettir à mes desseins. Il ne
s'agit pas dans l'étude que je fais de raisonner ni d'inventer, il s'agit de chercher et de décou-
vrir, ce qui ne se peut faire qu'en suivant les traces de la vérité avec une entière indifférence,
(|uelque part qu'elles nous conduisent.
C'est la méthode que j'ai suivie avec une grande exactitude : et cette conduite m'ayant réussi
comme je le crois, j'ai cru aussi que je devais conduire mes lecteurs par les mêmes routes, afin
que suivant pas à pas les mêmes traces^ ils aient aussi les mêmes lumières pour découvrir la
vérité.
Cette manière d'étudier et de raisonner paraît d'abord peu méthodique et quelquefois même
un peu embarrassée : elle est sujette à des redites et à des contradictions apparentes, et la lon-
gueur y est inévitable. Un homme qui cherche avec empressement une chose qu'il n'a pas pré-
sente, garde souvent peu d'ordre dans cette recherche : il va, il vient, il avance, il recule, il
fouille souvent au même endroit. Cela ne se fait i)as sans quelque trouble; mais c'est ainsi que
l'on cherche ce qu'on veut trouver.
Dans l'étude de la discipline, comme l'éloignement des temps la cache <à nos yeux et qu'on
n'en ]ieul découvrir distinctement les règles anciennes que par une recherche très-exacte, il
faut nécessairement s'arrêter beaucoup, lire et relire les mêmes canons, repasser souvent les
yeux sur une même histoire, examiner plusieurs fois un même fait, et suivre enfin sans se lasser
les vestiges de la vérité, quoiqu'ils soient à demi effacés ; ce qui ne se peut faire sans quelque
désordre et sans quelque espèce de confusion.
Il peut quelquefois arriver qu'on découvre les dogmes d'une autre manière, à cause de l'en-
chaînement qu'ils ont les uns avec les autres, qui fait (ju'ils se suivent naturellement. Mais les
points de discipline varient de telle sorte, et ils sont si différents entre eux, selon la différence
des lieux et des temps, qu'il faut de longues suspensions d'esprit et une attention infatigable
pour les débrouiller.
C'est ce qui rend absolument nécessaire à un ouvrage de cette nature celte multitude presque
infinie de faits, de lois, de canons, de décrets et de témoignages des saints Pères dont il ne con-
tient ([ue le résultat. Car ce n'est pas moi qui dois décider, ce sont les conciles, les papes et les
saints docteurs. Je ne dois être que leur interprète; mais si leurs oracles sont longs, s'ils sont en
grand nombre, je ne puis, sans être infidèle, ni les taire ni les abréger; ainsi la longueur est
chose (lue je n'ai pu éviter.
l'RÉFAŒ DU PÈRE THOMASSIN. xxvii
Les vérités spéculaiives sont simples, et toujours les mêmes ; on peut les proposer, et les prou-
ver avec beaucoup de brièveté, parce que leur Inmière paraît aussitôt, et (ju'elle s'insinue
d'abord dans l'esprit. Mais les vérités de pratique et les points de discipline étant, comme je l'ai
déjà dit, d'une nature variable et dans une révoluîion continuelle, on ne peut ni les établir, ni
leur donner de la certitude et de la clarté que par une foule de preuves et de témoignages qu'il
faut recueillir de toutes paris, en justifiant même tous leurs changements par une autre foule
de preuves et d'autorités. -
11 est aisé de juger de là qu'il est difficile à un homme qui fait tant de citations, et qui entasse
tint de témoignages, de ne se méprendre jamais, quelque soin i[u'il prenne d'être sur ses
gardes. Dans la révision que j"ai faite de mon ouvrage après l'avoir achevé, j'en ai remarqué
moi-même un grand nombre que j'ai corrigées; j'y ai aussi trouvé des manquements de
mémoire, des redites, des choses touchées trop légèrement. Je ne doute point que les savants
n'y en découvrent encore davantage, et qu'ils n'y trouvent un juste sujet d'y exercer leur
critique, s'ils n'aiment mieux, comme je les en conjure, y exercer leur charité.
Je les prie de croire que la seule faute dont par la grâce de Dieu je suis presque incapable ,
est celle de croire que je puisse être exempt de faute, et que je suis prêt à corriger toutes celles
qu'ils me feront la grâce de me découvrir. Ils doivent considérer qu'il sera et plus glorieux pour
eux et plus édifiant pour le public, de m'aider à me relever de mes chutes en me donnant la
main par des avis pleins de charité, qu'en exerçant sur mon ouvrage une censure im-
pitoyable.
Je ne laisserais pas néanmoins de profiter de leur critique, quelque rigoureuse qu'elle pût
être, et de corriger les fautes qu'ils m'auraient fait reconnaître. Mais ne serait-il pas plus avan-
tageux et pour eux et pour moi de concourir unanimement à édifier le public, de traiter avec
une charité réciproque les mystères de la vérité, de ne mettre ni fiel ni aigreur dans les correc-
tions que l'on veut faire, et de recevoir avec une douce humilité celles dautrui; d'avoir une
indulgence réciproque pour les fautes qui nous échappent; enfin de bannir loin de nous cet
orgueil qui fait que l'on se croit incapable de tomber dans les défauts que l'on remarque dans
les autres, et qui nous empêche de rendre justice à leurs talents? Si ces talents nous manquent,
n'avons-nous pas la consolation de les retrouver dans nos frères, qui nous les communiquent
par leurs productions?
Je crois avoir quelque sujet d'espérer un traitement favorable, ne m'étant jamais déclaré
contre personne. J'ai quelquefois loué les auteurs modernes quand j'ai suivi leurs traces, mais je ne
les ai jamais nommés quand j'ai rejeté leurs sentiments. Ne pouvant pas suivre leurs pensées ,
j'ai respecté leurs personnes et épargné leur réputation. J'ai toujours cru que l'animosité des
sentiments et des personnes est un des plus grands obstacles qu'on puisse trouver dans la
recherche de la vérité.
Mais le point, à mon avis, où il est le plus dangereux de se partialiser, ou de se prévenir d'un
sentiment particulier, est celui qui regarde la manière de traiter les points contestés, soit sur la
juridiction des dignités ecclésiastiques, soit sur la réformation de tous les ordres qui sont dans
xxvm PREFACE DU PÉKE THOMAbSliN.
l'Eglise. Peu de personnes gardent un juste inilieu; toutes passent presque aux extrémités, et
même à des extrémités tout opposées.
Les uns voudraient qu'on leur fît voir la police des premiers siècles entièrement semblable à
celle de nos jours, et les autres ne peuvent souffrir qu'on y remarque ressemblance. Ceux-ci
sont les admirateurs éternels de l'antiquité et les censeurs inexorables du dernier âge de
l'Eglise, et ceux-là, par des scrupules mal fondés, ou par un amour excessif du temps où ils
vivent, et peut-être même des relâchements qui s'y sont glissés, ne peuvent se persuader que la
discipline de l'Eglise ait pu se relâcher en quelques points, comme elle a pu en d'autres se for-
tifier et se rendre plus parfaite.
Lu modération est toujours louable ; mais elle ne fut jamais plus nécessaire que dans cette
comparaison délicate que l'on fait de la police ancienne de l'Eglise avec la nouvelle. L'Eghse,
qui est l'épouse du divin Agneau, est toujours la même. La foi ne change point, et elle est la
même durant tous les siècles ; mais sa discipline change assez souvent, et elle éprouve dans la
suite des années des révolutions continuelles.
La police de l'Eglise a donc sa jeunesse et sa vieillesse , le temps de ses progrès et celui de ses
pertes. Sa jeunesse a eu plus de vigueur, mais elle a eu bien des défauts. On y remédia dans les
âges qui suivirent; mais en lui acquérant de nouvelles perfections, on lui laissa perdre l'éclat
des anciennes. La ^^eillesse est plus languissante, comme il paraît par les condescendances que
l'on croit nécessaires en ce temps; mais si l'on prend la balance en main, et {]ue l'on pèse
juste toutes choses, l'on trouvera que sa vieillesse, comme sa jeunesse, a ses avantages et ses
manquements.
Les conciles, les papes et les Pères ont corrigé ce qui manquait à la discipline primitive et
tant de règles du dernier concile , et tant de belles ordonnances de plusieurs prélats qui par
leur doctrine et leur piété brillent comme des astres dans l'Eglise, ont remédié et remédient
encore tous les jours à ce qu'il y a d'imparfait dans la discipline de ces derniers temps.
Ces considérations m'ont porté à prendre, autant que j'ai pu, de justes mesures pour louer les
avan'agcs de la discipline des premiers siècles, sans flétrir la gloire de celle qu'on suit aujour-
d'hui ; à relever les beautés de l'Eglise primitive, de manière que je fisse voir en même temps
(lu'il lui en manquait d'autres, qu'elle n"a acquises que par la suite des temps, et enfin à
rechercher dans la plus ancienne police, les vestiges obscurs et cachés des changements qu'elle
a soufferts jusqu'à notre temps.
Car pour peu qu'on ait d'intelligence de la police et de la morale de l'Eglise , l'on sait
(lu'il faut distinguer deux sortes de maximes dans sa discipline. Les unes sont des règles
immuables de la vérité éternelle, qui est la loi première et originelle dont il n'est jamais permis
de se dispenser. On ne peut prescrire contre ces maximes ; ni la différence des pays, ni la diver-
sité des mœurs, ni la succession des temps, ne les peuvent jamais altérer. Les autres ne sont que
des pratiques indifférentes en elles-mêmes , qui sont plus autorisées, plus utiles, ou plus néces-
saires en un temps et en un lieu, qu'en un autre tem|)s et en un autre lieu, parce qu'elles n'ont
été établies que pour faciliter l'observation de ces lois premières qui sont éternelles. Ainsi laPro-
PRÉFACE DU PÈRE TIIOMASSIN.
XXIX
videncc, qui a fait succéder l'Eglise à la Synagogue, qui forme ses âges et qui règle tous ses
changements, ménage avec beaucoup de sagesse et de charité ce trésor de pratiques différentes,
selon qu'elle le juge plus utile pour conduire par ces changements la divine épouse de son Fils
à un état immuable de gloire et de sainteté.
C'est de cette dernière sorte de maximes (jue j'ai dit qu'il faut regarder tous les changements
qui s'en font dans l'Eglise avec beaucoup de modération et de retenue. Les uns semblent à la
vérité plus propres que les autres à faire observer exactement les devoirs indispensables des lois
éternelles : il se peut faire néanmoins qu'elles y soient moins propres dans une nouvelle con-
joncture de temps, de lieux, et de personnes. -
L'exactitude et la rigueur du droit, généralement parlant, sont préférables aux condescen-
dances et aux relâchements ; néanmoins il y a des occasions où cette rigueur si exacte pourrait
nuire, et où une condescendance charitable est nécessaire pour ne rien gâter. Nous apprendrons
des saints Pères dans la suite de ce livre, que J.-C. qui est le fondateur, et les apôtres, qui sont
les architectes de l'Eglise, en ont jeté les fondements sur des dispenses salutaires. L'établisse-
ment ou le rétablissement du chef de FEglise dans sa dignité après sa chute ne fut-il pas l'effet
d'une dispense qui peut servir d'exemple à tous les siècles ?
Il n'est jamais pardonnable à des particuliers de se relâcher des pratiques saintes de l'Eglise :
mais quand l'Eglise même autorise quelque adoucissement pour une utilité évidente , ou pour
quelque nécessité pressante des Qdèles, ces accommodements, quoique contraires en apparence à
la lettre des canons, sont effectivement conformes à leur esprit : et bien loin d'être opposés aux
maximes toutes pures de la loi éternelle, ils sont des oracles et des ordonnances de la Charité qui
est elle-même la loi éternelle.
C'est encore de cette sorte de pratiques, libres et indifférentes en elles-mêmes, et unique-
ment introduites pour rendre plus facile l'observation de la loi éternelle, que nous nous sommes
proposé de rechercher, non-seulement le premier établissement, mais encore les traces presque
imperceptibles des changements qui s'y sont faits dans la longue durée des siècles : ce qui paraît
surtout dans l'exeixice de la juridiction ecclésiastique, où ces changements ont été très-fré-
quents.
La principale autorité passa d'abord de J.-C. à saint Pierre et aux apôtres; des apôtres aux
évèques ; et ensuite des évoques aux conciles; des conciles elle retomba entre les mains des
évèques ; et enfin une grande partie de cette autorité a passé des évèques au fiape. Il serait peut-
être inutile, ou du moins il n'est pas nécessaire d'examiner laquelle de ces polices différentes est
la plus naturelle et la plus avantageuse à l'Eglise. Quelque parti que nous prenions, il n'en sera
rien autre chose que ce qu'il a plu à Dieu d'en ordonner par sa providence pleine de sagesse.
C'est Lui qui a fait ces changements, ou qui du moins les a permis ; et puisqu'il ne fait ni ne
permet rien que pour la plus grande gloire de son nom et pour le salut de ses élus nous devons
agréer ce qu'il agrée, et nous soumettre avec respect à toutes ses sages dispositions.
Il importe bien moins d'examiner par quelles mains la juridiction principale de l'Eglise est
administrée, que de savoir par quelles règles et avec quelle conformité à la loi éternelle elle est
XXX PRÉFACE DU PÈRE THOiMASSIN.
exercée. Que ce soient les évoques, ou les conciles, ou les papes qui l'exercent , ce sont toujours
les vicaii'cs de J.-C, les successeurs des apôtres, les dépositaires de l'autorité apostolique, qui
sont assis au gouvernail et qui exercent sur toute l'Eglise un Empire céleste et divin. L'im-
portance est qu'ils l'exercent selon les règles de la vérité et de la charité, qui sont les deux lois
éternelles, ou plutôt la loi unique qui subsiste éternellement. Soit qu'ils usent des rigueurs du
droit, soit qu'ils en adoucissent la sévérité , il faut nécessairement qu'ils n'aient point d'autre
vue que d'édifler l'Eglise et de l'assister selon ses besoins.
C'est ce saint usage de l'autorité qui est d'une nécessité indispensable. Mais quant à ceux qui
sont les dépositaires et les ministres d'une si sainte autorité, suivant les ordres de la Providence
dans chaque âge et dans chaque siècle, il est bon de travailler toujours à aCfermir leur trône et
de faire remarquer quelques rayons de la puissance qu'ils ont exercée dans les siècles les jilus
purs, les plus reculés et pour cela même les plus révérés.
Il ne me reste presque plus qu'à rendre compte au lecteur de la distinction d'âges que j'ai
faite, pour régler les matières que je dois traiter. Je distingue quatre âges de l'Eglise, depuis sa
naissance au temps des apôtres jusqu'à notre temps.
Je finis le premier au commencement de l'empire de Clovis.
Le second à celui de Charlemagne.
Le troisième à Hugues Capet.
Et le quatrième au temps où nous sommes.
Quand la gloire de la France ne m'eût i)oint engagé dans ce partage, pouvais-jc me fixer à des
époques plus illustres et plus mémorables que celles (jui se prennent des trois augustes races
de nos rois ? Clovisse trouve le seul monar({ue catholique environ Fan 500, ce qui le rend bien
digne de paraître à la tète du second âge de l'Eglise.
On peut ajouter à cela que l'empire d'Occident ayant été en même temps démembré en i)hi-
sieurs Etats, la police de l'Eglise changea aussi de face , par la sympathie comme naturelle
qu'elle paraît avoir avec l'empire. Pépin et Charlemagne, qui parurent au huitième siècle, ne
relevèrent pas seulement l'Etat, mais aussi l'Eglise, qui était comme enveloppée dans la même
ruine. Leurs ca|)itulaircs donnèrent une nouvelle face à sa discipline, et la firent refleurir avec
une beauté nouvelle.
Saint Grégoire a dit des rois de l'auguste famille de Clovis, qu'ils étaient autant élevés au-
dessus des autres rois du monde, que les rois le sont au-dessus des autres hommes. Mais on peut
dire que du sang et du trône impérial de Charlemagne sortirent des rois qui dominèrent l'Eu-
rope presque entière, et qui exercèrent un empire tout ecclésiastique. La décadence de cette
auguste famille entraîna l'Eglise et l'Etat dans une horrible désolation. Enfin Hugues Capet et
ses illustres descendants recueillirent les débris de ce double naufrage, et donnèrent à l'Eglise et
à l'Etat ce nouveau jour et ce sage tempérament (jui a fait l'esjiril et le caractère du droit nou-
veau.
Il est donc certain que l'Eglise et notre monarchie ont eu les mêmes révolutions, les mêmes
défaillances et les mêmes ressources, pour reprendre leur ancien lusti-e. Ainsi nous n'avons pu
PR^':FACE nu père THOMASSIN. XXXI
prendre de plus insignes époques des trois derniers âges de 1 1 discipline ecclésiastique. Pour le
premier nous ne pouvions ignorer que l'époux et l'épouse ne faisant qu'une même personne, la
naissance du Sauveur du monde avait été celle de l'Eglise même. C'est donc le Roi éternel, né
dans le temps, qui a commencé le premier âge de l'Eglise; et ce sont trois de nos rois, ses plus
vives images, qui ont marqué les commencements des trois âges suivants (1).
(1) Le P. Thomasbin, au début de cette préface, a écrit ces prophétiques paroles : « La même Providence qui m'a poussé plus
« loin que je ne prétendais aller, en suscitera peut-être d'autres qui fourniront cette carrière, et qui, ayant autant de pouvoir
« que j'ai eu de bonne volonté, domieront la dernière main à un ouvrage que la mienne n'a fait qu'ébaucher. » 11 pressentait
qu'un temps viendrait où son œuvre, quoique parfaite, aurait besoin d'un supplément pour pouvoir être utile.
Une tâche, bien rude sous deus rapports, nous a été départie par cette même Providence qui poussait Thomassin. La pre-,
mière difficulté se trouvait pour nous dans l'acte même de continuer l'œuvre d'un homme tel que le P. Thomassin. Mais notre
bonne volonté et l'absence chez nous de toute prétention nous ont fait passer outre. La seconde difficulté n'était pas moins
grande. Il nous incombait d'exposer la discipline de l'Eglise dans le cinquième âge, celui qui s'est écoulé depuis Thomassin jus-
qu'en 1864, âge fatal que nous appelons, avec raison, l'âge des révolutions et des pertes éprouvées par l'Eglise. Quelle distance
nous sépare de Thomassin! Quand ce grand canoniste écrivait, l'Eglise était partout constituée légalement avec ses droits, ses pri-
vilèges, ses prérogatives, ses exemptions; sa hiérarchie était partout acceptée, ses couvents, ses biens légalement reconnus et
protégés; ses tribunaux fonctionnaient ; sa législation, connue sous le nom de droit canonique, étendait partout sa salutaire in-
fluence ; l'immunité couvrait ses personnes et ses propriétés ; les personnes ecclésiastiques jouissaient des privilèges Fori et Ca-
nonis; le cathohcisme était la religion d'Etat de tous les pays catholiques ; l'Eglise était indépendante, libre dans ses actions, co lé-
gislatrice, puisque le clergé, dans les états généraux, était le premier corps de l'Etat. Mais aujoMd'hui, hélas! que resle-t-il de
tant de puissance?
Depuis Thomassin ont surgi les fatales et destructives lois joséphines en .Allemagne et en Toscane, suivies du schismatique con-
grès d'Ems, tenu en 1785 par les principaux archevêques d'.\llemagne pour déclarer que l'Eglise serait nationale, et que désor-
mais l'empereur en serait te chef; puis la révolution française qui détruisit tout en Europe, et mit la déesse Raison sur l'autel
du Rédempteur des hommes; puis la révolution d'Espagne en 1833, qui bouleversa de fond en comble l'Eglise dans cette
cathohque nation; puis la révolution d'itahe qui, en trois ans, a mis l'Eglise dans le triste état où nous la voyons en ISCl, cou-
vents changés en casernes, évèques proscrits ou emprisonnés, clergé fidèle persécuté.
Et ce sont les changements survenus dans la discipline à la suite de ces catastrophes néfastes que nous avons à faire connaître.
Heureux Thomas-in!
Il est vrai qu'en 1801 est survenu le Concordat français pour empêcher la religion de disparaître complètement de dessus la
face de l'Europe. .Mais la joie qu'en resseulirent le pape et tous les catholiques fut empoisonnée par l'addition obreptice et subreptice
des tristes articles organiques, fruits de l'EgUse constitutionnelle, qui navrèrent de douleur Pie VU et jetèrent l'Eglise esclave dans les
mains de la bureaucratie civile. Voici ce qu'en dit dans ses Mémoires, publiés en 1864, le grand cardinal Consalvi, nommé légat
pour la conclusion du Concordat : « On ne comprenait pas les raisons de ce mystérieux retard, mais on en eut bientôt la clef
« quand, à Pâques de l'année suivante, on vit apparaître un gros volume portant pour litre : Concordat. La première et la
« seconde page contenaient seules le véritable texte du traité, en dix-sept articles, si j'ai bonne mémoire. Les lois organiques
« fabriquées par le gouvernement français remplissaient tout le volume. Pour persuader aux lecteurs superficiels et vulgaires que
« ces articles organiques avaient été acceptés par le pape, on les avait frauduleusement placés sous le titre et sous la date du
« Concordat. Et cependant ils étaient postérieurs au moins d'un an à ce traité. Je renonce à dépeindre le chagrin que ces articles
« organiques causèrent au pape. Il comprenait que le Concordat était bouleversé et anéanti au moment même de sa publication, et
« qu'on portait ainsi un immense préjudice à la reUgion et aux règles essentielles de l'Eghse. Il ne restait à Pie VII d'autre moyen
« de protester quo de déclarer hautement, en face du monde, dans une allocution consistoriale, imprimée à l'heure même où le
« Concordat paraissait à Rome, que ces lois organiques lui étaient absolument inconnues, qu'il n'y avait pris aucune part, qu'elles
« lui infligeaient la plus vive peine, et qu'il allait présenter au premier consul ses plus pressantes réclamations, — ce qu'il fit. »
(Tome II, page 377.)
Nous ferons comme Thomassin, nous marcherons dans notre travail avec les documents authentiques et les témoignages les plus
irrécusables. Les choses d'opinion douteuse et libre, nous les laisserons telles. Mais nous ne transigerons jamais sur ce (\m\.\exAà l'essence
de la discipline immuable. On peut voir par là que les ai'ticles organiques, qui ont aviU et anéanti le ministère pastoral en France,
nous les traiterons pour ce qu'ils valent. Cependant nous nous empressons de rendre justice au gouvernement sur un point fon-
damental. Bien convaincu que le ministère pastoral finirait par périr s'il était ce que semblent le faire les articles organiques, en le
rendant révocable sans raison, il se hàla d'abandonner ces principes funestes, et par deux décrets impériaux de 1811 et de 1813,
il déclara et reconnut inamovibles tous les curés ruraux dits improprement desservants. Dans notre livre Les lois de l'Eglise sur
la nomination, la mutation et la révocation des curés. — Situation anormale de FE/jHse de France, nous avons demandé
respectueusement pourquoi les sommités ecclésiastiques et préfectorales ont constamment tenu un voile épais sur ces deux provi-
dentiels décrets, et nous avons montré comment, à travers les plis amoncelés de ce voile, ils se sont constamment tendus une
main amicale poar opérer une infinité de changements qui n'avaient pas leur raison canonique, qui étaient une violation des dé-
crets impériaux de 1811 et 1813 et des lois du concile de Trente. Nous avons indiqué le remède à ce mal.
En terminant cette addition nécessaire à la préface de Thomassin, nous croyons devoir ajouter, en nous inclinant humblement
devant Celui qui est la voie, la vérité et la vie : Da, Domine, sedium tuarum assislricem sapieniiam, ut mecum sit et
mecum laborel. (D' André.)
m • •
ANCIENNE Eï NOUVELLE * • ■
DISCIPLINE DE L'ÉGLISE
TOUCHANT LES BÉNÉFICES ET LES BÉNÉFICIERS.
- PREMIERE PARTIE.
Qn TRAITE : 1° DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — 2" DU SECOND ORDRE.
— 3° DES CONGRÉGATIONS MONASTIQUES.
LIVRE PREMIER.
Où il est traité du premier ordre des Clercs, c'est-à-dire, des Evêques, de leur origine,
progrès, droits, privilèges, fonctions, obligations, etc., etc.
CHAPITRE PREMIER.
DE l'ÉPISCOP.\T en GÉNÉR.\L, yil EST L.\ PLÉNITUDE ET LA S01VER.\1NETÉ SPIRITUELLE DU SACERDOCE
I. Le Fils de Dieu est la loi vivante, et le pontife éternel V prêtrise d'une manière incomparablement plus noble, et il en
de son Eglise. exerce d'autres.
II. Allant exercer son sacerdoce dans le ciel, il a laissé ses- XII. Autrefois les prèlres n'exerçaient les fonctions de la
substituts e! ses minis'res sur la terre. prêtrise même, qu'en l'absence de l'évêque.
III. Ce sont les apôtres, et les évèques successeurs des . XIII. L'évêque seul peut communiquer le sacerdoce, parce,
apùtres. qu'il en a la plénitude.
IV. Auxquels il a communiqué la plénitude et la souverai- XIV. J.-C. institue, l'évêque communique, le prêtre exerce
neté de son sacerdoce, ainsi qu'il élait dlune, et de lui, et le sacerdoce.
d'eux. XV. L'évêque a non-seulement la fécondité du sacerdoce,
V L'épiscopat n'est donc pas une simple extension de la mais aussi le pouvoir de communiquer cette fécondité.
prêtrise, si l'on considère comment J.-C. l'a possédé et l'a ^
communiqué à ses apôtres. I. Le Fils de Dieu éfaiit venu sur la ferre.
VI. Saint Paul et saiul Jérôme insinueut seulement que l'E- v établit une uouvelle loi. et en même temps UIl
glise, daus tes commencement?, n'avait que des évêques, et , .. i » -x i •
avait besoin que tous les prèires fussent évêques. nouveau sacenioce ; il Voulut être lui-même
vil. Ceux qui donnèrent naissance aux Eglises étaient tous notre SUi)rèliie lei , et notre Souverain I»iiiitife.
des hommes apostoliques. \\ ^.Jt la \ér:té éternelle , et en cette uiialile il
' VIII. La prédication, la propagation des Eglises, la conveN , ii-i xi'-ii ij ii
sion et la conduite des grandes villes demandaient des évêques.' ^st notre loi et notre législateur tout ensemble.
IX. On connaît mieux la nature de l'épiscopat dans sa source. Sa charité éternelle La porté à se revêtir de
en J.-C. et daus les apôtres. notre cliair dans le temps, et en ce sens il est
X. Un prêtre qu'on fait évêque reçoit la plénitude et la , , ,, i i ■ .• ,
souveraineté du sacerdoce qu',1 n'avait pas. 'le^t^n" le prêtre et la Victime de son nouveau
XI. Etant fait évêque, il exerce les fonctions mêmes de la Sacerdoce.
Th. — Tome I. • . 1
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE PREMIER.
Une loi nouvelle demandait un sacerdoce
nouveau, selon le raisonnement de saint Paul
(Heb. VII, 11); un pontife accompli devait
être lui-même la loi vivante de son peuple :
enfin la loi d'un peuple et d'un Etat qui ne doit
jamais finir ne pouvait être autre que la loi
et la vérité éternelle.
H. 11 est aussi le pontife éternel de la Jérusa-
lem céleste, selon le même apôtre, oîi il s'offre
et offre tout ensemble toute l'Eglise bienheu-
reuse du cielj comme un holocauste éternel à
la gloire de son Père. Mais en s'élevant dans le
ciel, il n'a pas abandonné la terre, il est de-
meuré en la personne de ceux qu'il y a associés,
et qu'il y associe perpétuellement à son divin
sacerdoce ; et dans la victime éternelle qu'il
leur a ordonné dimmoler. Resserrons- nous
dans notre sujet, qui n'est déjà que trop vaste
I)our nous, et revenons au sacerdoce qu'il a
lui-même exercé et qu'il exerce encore par ses
ministres sur la terre.
III. Car il est certain que le Verbe incarné
possédait sur la terre la plénitude du sacerdoce,
et qu'étant résolu de se retirer dans le ciel, il
l'a comnumiquée à ses apôtres , pour la trans-
mettre à leurs successeurs, et la l'épandre dans
rEj,4ise juscju'à la fin des siècles. L'apostolat,
ou l'épiscopat institué par le Fils de Dieu, était
donc la plénitude même du sacerdoce, et il en
contenait avec éminence tous les degrés, tous
les ordres et toutes les jterfections.
IV. Les apôtres n'ont point été ordonnés par
le Fils de Dieu en la même manière (]ue le
sont à présent ceux qui depuis les moindres
ordres montent successivement et comme jiar
degrés jusqu'aux plus hauts, et arrivent enfin
au comble du sacerdoce. La dignité des apôtres,
et encore bien plus l'incomiiréhensible ma-
jesté du Verbe incarné, demandait une manière
plus noble , plus riche et plus divine , de rece-
voir et de donner l'auguste (jualité de Pères et
de souverains ' prêtres de l'Eglise. Tous les
hommes reçoivent l'être par ces faibles com-
mencements, et par ces accroissements lents et
pénibhss (jui les avertissent de leur bassesse.
Mais celui que Dieu créa pour être le premier
et le commun père de tout le genre humain,
reçut en ini instant toute la perfection de sa
nature et de sa dignité, de la main toute-puis-
sante de ce divin Ouvrier qui ne peut rien
jiroduire que de pariait, et (jui ne peut com-
uicnccT- SCS ouvrages sans les achever. Le ImIs
de Dieu formant son Eglise comme un inonde
nouveau, et voulant que ses apôtres fussent les
pères de tous les peuples qu'il y appellerait ,
il leur donna en même temps, par la toute-
])uissance de sa [larole et de son es]irit, la plé-
nitude entière et tous les avantages du sacer-
doce divin, qui devait donner naissance à
tous les enfants de Dieu dans la suite des
siècles.
V. Ceux qui ont considéré le sacerdoce en la
manière (pie nous y parvenons, en montant
depuis les ])lus bas degrés jusqu'aux plus émi-
nents, se sont trouvés embarrassés k expliquer
ce que l'épiscopat ajoutait à l'ordre et au carac-
tère de la prêtrise. Car, les deux iiouvoirs admi-
rables de consacrer le corps du Fils de Dieu
et de remettre les péchés ayant été accordés
aux prêtres, (|ue peut-on attribuer de |«lus re-
levé et de plus divin à l'épiscopat? De là il est
arrivé que plusieurs théologiens célèbres dans
l'école, et quelipics-uns même de ceux qui
se sont avec plus de soin applitiués à la lecture
des Pères et des conciles, ont pensé que l'épis-
copat n'était (ju'une extension du caractère de
la prêtrise ; et ce qu'on ne peut dire sans quel-
iiue étonnement, ils ont même avancé que ce
n'était qu'une extension morale. Il était diffi-
cile de rien imaginer qui rabaissât et qui obs-
curcît davantage le i)lus haut et le plus
éclatant de tous les ordres et de tous les
divins ministères que J.-C. a établis dans son
Eglise.
VI. Il est vrai que ce n'a pas été le dessein
de ces théologiens de rien diminuer de l'éclat
et des avantages de l'épiscopat, et que leur but
n'a été (|ue de donner (jnelque éclaircissement
aux paroles de saint Jérôme et de tant d'autres
écrivains ecclésiastiques, qui semblent dire
{|u'au temps des apôtres et dans les i)remiers
siècles les évoques et les prêtres ont été les
mêmes , et que c'est pour cela que saint Paul
les a souvent confondus. Mais , sans blesser le
respect qui est dû à des théologiens si savants,
ne peut-on pas croire que les termes de saint
Paul , et par conséquent ceux de saint Jérôme
et des autres écrivains sur le même sujet, ne
signifient autre chose si ce n'est que dans ces
premiei-s commencements de l'Eglise on imi-
tait de plus jirès l'exemple que le Fils de Dieu
avait donné : et comme il avait tout d'un coup
tlouné à ses apôtres la dignité et les pouvoirs
de la prêtrise et de réi)iscopat, les apôtres en
usaient ou pres(]ue toujours, ou souvent de
même, et donnaient l'épiscopat à tous ceux à
DE L'ÉPISCOPAT EN GENERAL.
qui ils conféraient l'ordre et le rang de prêtres
et de sacriliealeurs I .
Vil. La même raison nui avait porté le Fils de
Dieu à ne pas séparer la communication de
ces deux digiiit(''s, aussi relevées en sainteté
qu'en puissance, obligea aussi les apôtres à les
conférer, ou toujours, ou presque toujours en-
semble, et aux mêmes personnes, qu'ils éle-
vaient aussi en quelque façon au rang d'apô-
tres ou d'hommes apostoliques. Nous verrons
dans la suite que ces premiers évoques , sacrés
par la main des apôtres, furent honorés non-
seulement du nom dhommes apostoliques,
mais aussi de celui d'apôtres. Ils n'en avaient
le nom que parce qu'ils avaient aussi part
au même esprit , au même zèle , et au même
pouvoir. Qu'on ne s'étonne donc plus si leur
ordination avait aussi beaucoup de ressem-
blance avec celle des apôtres.
VIll. Comme leur zèle et leur charité n'avaient
point de bornes, leur puissance et leur juridic-
tion n'en devaient point avoir .On les ordonnait,
non pas simplement pour sacrifier ou pour
guérir les plaies que le péché fait aux âmes,
mais principalement pour annoncer Jésus-
Christ, pour |iublier lEvangile où il n'avait
jamais été entendu, pour augmenter le nombre
des fidèles, enfin pour exercer les fonctions
apostoliques. On ne les consacrait que pour
aller ou convertir, ou gouverner les meilleures
villes et les cités de chaque province , afin que
de là la foi se répandît dans tous les moindres
lieux du voisinage. Car il n'est nullement pro-
bable que la foi s'étendît d'al)ord dans les vil-
lages avant les villes. Les apôtres donnèrent
l'exemple, en se jetant sur les plus importantes
villes de l'empire. Le prince des apôtres entre-
prit la conquête des trois principales , et qui
étaient comme les reines des trois parties du
monde, Rome, Alexandrie, Antioche. Les autres
apôtres attaquèrent à son exemple les plus fa-
meuses d'entre les autres villes. Saint Jean se
rendit maître de ces sept illustres cités dont
il parle dans son Apocalypse. Saint Paul ne
s'arrêta que dans des villes considérables ; et
ce n'est qu'à elles qu'il adressa ses divines
Epitres. Ni eux ni leurs premiers disciples
n'eussent jamais pu fournir à un nombre in-
nombrable de petits lieux ou de villages. Enfin
(1) Il parât, ea 1810 , un ouvrage obscur et qui est resté tel, inti-
tulé : Du Bespotùme en matière de religion , qui , abusant étrange-
ment du passage, allégué, de saint Jérôme, s'efforçait de prouver que
révéque n'était, parmi les prêtres, que primus inter pares. Ce livre
n'eut pas même les honneurs d'une réfutation, tant cette proposition
parut condamnable aux yeux de tout le monde. (Dr André.)
ces divins conquérants , en gagnant les princi-
pales villes à J.-C. , prenaient le plus court
et plus assuri'î moyen de donner en peu de
temps beaucoup d'étendue à son empire.
Aussi saint Paul commaudiiil à son disciple
lAd Titum, c. I.) d'ordonner des prêtres dans
les cités (Ut constituas per ci vitales Presbi/-
tei'os) .Ces prêtres, qui subjuguaient des cités à
J.-C. ou qui les gardaient en son nom, ne
pouvaient être que des évêques, dont ça tou-
jours été depuis les premiers siècles, et dont
c'est encore l'avantage propre et particulier,
de gouverner les Eglises des cités et des villes
considérables, en laissant aux prêtres la con-
duite des moindres lieux. Nous n'en dirons pas
davantage présentement sur ce sujet, mais
après avoir éclairci les paroles de rAjiôtre et la
doctrine de saint Jérôme.
IX. Revenons à l'êpiscopat, ([ui est et l'ordre
et le bénéfice le plus ancien et le plus éminent
de l'Eglise, comme étant la véritable source et
la divine origine de tous les ordres et de toutes
les puissances ecclésiastiques. La première
origine et la plénitude de l'êpiscopat s'est
trouvée en J.-C. que l'Apôtre appelle avec
justice l'Evêque de nos âmes : Episcopiim
animarum vestrarum. Cette plénitude s'est pre-
mièrement communiquée aux apôtres, et par
le ministère des apôtres à ces premiers
hommes apostolitiues . avec une abondance
proportionnée à l'éminence de leurs vertus,
aussi bien que leurs fonctions. C'est dans cette
admirable source (lu'il faut considérer l'êpis-
copat, pour en connaître la nature, pour en
comprendre la grandeur, pour en admirer les
droits et les iiouvoirs.
Quand le Fils de Dieu donnaàses apôtres cet
ordre et ce ministère divin, et par eux aux
évêques qui sont leurs successeurs, il leur
donna la plénitude de tout le sacerdoce, et non
pas une simple extension de l'ordre des prê-
tres : il leur donna la souveraine autorité, et la
puissance en queUiue façon infinie de toutes
les fonctions sacerdotales et de tout le gouver-
nement de son Eglise. De cette divine fontaine
émanèrent ces admirables ruisseaux, je veux
dire tous les ordres et toutes les dignités ec-
clésiastiques au-dessous de l'êpiscopat. 11 n'est
donc pas même vraisemblable que l'êpiscopat
ne soit qu'une extension de l'ordre et du carac-
tère des prêtres : mais il est au contraire très-
véritable que l'êpiscopat est la source et la
liléniiiidf de tous les ordres sacrés, de tous les
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE PREMIER.
ministères ecclésiastiques, de tous les droits et
de tous les pouvoirs attachés au sacerdoce; et
que tous les ordres inférieurs, sans en excepter
la prêtrise, ne sont que les écoulements et
comme des ruisseaux émanés de cette riche et
abondante plénitude.
X. Ainsi, lors même qu'un prêtre reçoit la con-
sécration de l'épiscopat. il faut concevoir quil
reçoit la plénitudedu sacerdoce, dont il n'avait
au|iaravaiil qu'un écoulement, et qu'il devient
connue le tronc de cet arbre divin dont il
• n'était auparavant qu'une branche. Il pouvait
engendrer des enfants à Dieu par le baptême,
mais il ne pouvait pas leur donner la |)erfection
et la vigueur du christianisme. II pouvait re-
mettre les péchés, mais il n'avait pour cela
qu'un pouvoir borné en autant de manières
qu'il plaisait à l'évêquede le limiter. Il pouvait
saci'ifier, mais ce n'était qu'en l'absence et au
défaut de l'évêque, ou par ses ordres, et avec
imeextrème dépendancede lui pour les temples,
pour les autels, et ])Our les vases nécessaires à
ce divin ministère. Enfin il pouvait annoncer
l'Evangile, mais par commission de l'évoque,
qui lui en donnait la charge , et lui en mar-
quait le temps et le lieu. Le prêtre avait donc
ces pouvoirs, mais fort limités, et comme par
emprunt et avec dépendance de l'évêque. Enfin
il avait ces pouvoirs, mais il ne pouvait pas
les coniiuuniipicr à d'autres : son abondance
lui suffisait, mais elle ne |)ouvait pas se ré-
pandre au dehors ; sa dignité était grande, mais
stérile.
XI . Lorsque ce prêtre sera élevé à l'épiscopat,
il recevra la souveraineté, l'indépendance, la
plénitude et la fécondité de ces divins pou-
voirs. Il sera le véritable époux de l'Eglise, et
lui engendrera des enfants par le baptême qu'il
donnera alors avec une plénitude d'autorité,
et y ajoutera le sacrement de confirmation,
sans kMpiel le baptême ne |)roduit (juc des
chretiensimparfaits.il réconciliera les | écheurs
à Dieu par une plénitude de puissance qui ne
souffrira aucunes limites. II immolera sur les
autefs (|u'il aura lui-même consacrés. Il pu-
bliera la parole de Dieu, connue en étant le
seul dispensateur souverain et indépendant.
Enfin non-seulement il exercera tous ces pou-
voirs, mais il les conununi(|uera aux autres; sa
puissance sera féconde, ses richesses seront
inépuisables, et sa plénitude se répandra sans
lin et sans diniiniitiou.
• Xll. Dans les premiers siècles de l'Eglise,
toutes ces vérités étaient encore plus incontes-
tables. Car les canons des plus anciens conciles,
et les autres monuments qui nous sont restés
de ces siècles d'or, nous font connaître que
les prêtres ne prêchaient, ne baptisaient, ne
réconciliaient les pénitents et ne célébraient
l'auguste sacrifice qu'en l'absence ou par le
commandement de l'évêque, qui remplissait
ordinairement lui-même toutes ces divines
fonctions. Confessons donc que la consécration
épiscopale donne la propriété, la souveraineté,
l'indépendance et la plénitude du sacerdoce.
En sorte que, lors même que révêc[ue célèbre
les mêmes sacrements qu'il célébrait aupara-
vant comme prêtre, il le fait d'une manière
tout autre et incomparablement plus auguste
et plus excellente. Ce sont les mêmes eaux
dans la fontaine et dans les ruisseaux , ce sont
les mêmes rayons de lumière dans l'air et dans
le soleil, mais il ne laisse pas d'y avoir une dif-
férence extrême ; ce sont les mêmes fonctions
qu'un roi et ses lieutenants exercent, mais
quand il plaît à un monarque de s'y appliquer
lui-même, on a toutes les raisons du monde
de penser et dédire que ce n'est plus la même
chose.
XIII. De là vient aussi que révê(]ue seul
peut donner ces sublimes pouvoirs par l'ordi-
nation. Car, en ayant lui-même la propriété,
l'indépendance, la souveraineté et la plénitude,
il en a aussi la fécondité. Un prêtre ne ])eut
donner le sacerdoce , j)arce qu'il ne le possède
lui-même qu'avec dépendance et avec une
mesure si médiocre, (ju'elle lui suffit à peine,
bien loin d'en pouvoir faire part aux autres.
Mais l'évêque, en l'épandant le sacerdoce sur
tous ceux qu'il en juge dignes, nous apprend
manifestement (ju'il en |)ossède la source, la
plénitude et fa souveraineté. Ainsi quand saint
Jérôme dit : Qlie fait l'évêque que le prêtre ne
fasse, exceptét'oriliiiatiou? if n'ôte rien à l'évê-
que, quoiqu'il semble lui laisser peu de chose.
Car de laisser à l'évêque seul le pouvoir d'or-
donner, c'est confesser ()u'il possède lui seul le
sacerdoce avec cette riche piénitude et avec
cette souveraineté qui sont nécessaires pour le
répandre dans toute l'Eglise et dans les siècles
à venir.
XIV. Le Fils de Dieu a baptisé, a remis les
péchés, a célébré son divin sacrifice, a annoncé
son Evangile, mais il l'a fait d'une manière
(pii fui est toute ]iro|)re et particulière, et avec
une exceilence et une souveraineté qui ne
L'ÉPISr.OPAT EST I A PTÉNITIDE DU SACERDOCE.
pouvaienf convenir (|u'à lui seul, llu'empruntait
cette puissance céleste tpie de lui-même, il en
était la source primitive de laquelle émanaient
non pas des ruisseaux, mais d'autres sources
qui devaient faire couler des eaux pures et vives
jusqu'à la fin des siècles, et jusqu'aux extrémi-
tés de la terre. 11 a institué, il a exercé, il a
communiqué sou sacerdoce : et nous pouvons
dire, ce me semble avec raison, qu'il s'est ré-
servé à lui seul l'avantage de l'instituer, qui
est sans doute le plus haut et le plus divin. 11 a
donné aux apôtres seuls et aux évèques qui
leur succèdent le pouvoir de le communiquer:
et enfin il a fait part à tous les prêtres du pou-
voir de l'exercer. Or il est visible que ceux qui
ont le droit, non-seulement d'exercer, mais
aussi de communiquer le sacerdoce, ont in-
comparablement plus de part à cette plénitude
avec laquelle le Fils de Dieu le possède. Car il ne
l'a institué qu'une fois, et cette excellente pré-
rogative lui était réservée à lui seul. Mais il le
faut communiquer autant de fois qu'il faut or-
donner des prêtres et des diacres ; et c'est cette
riche fécondité et cette abondante plénitude
(|u'il a réservées aux évè(iues.
XV. Disons enfin que les évèques participent
non-seulement à la fécondité du Pontife éter-
nel en donnant le ])ouvoir d'exercer le sacer-
doce et en ordonnant des prêtres et des diacres,
mais aussi en ordonnant d'autres évèques,
connue autant de nouveaux apùfres, et leur
communiquant le pouvoir d'ordonner eux-
mêmes des prêtres et d'autres évèques. On ne
peut douter que ce ne soit posséder le sacer-
doce avec une abondance et une plénitude in-
concevables, que d'avoir non-seulement la fé-
condité de le communicpier, mais aussi le
pouvoir de communiquer cette fécondité. Qui
doute qu'un soleil qui en pourrait produire
d'autres, et qui pourrait même communiquer
cette même fécondité à ceux qu'il aurait pro-
duits, ne fût dune nature tout autre et in-
comparablement plus excellente que celui qui
roule dans les cieux , et qui semble donner à
tant d'autres natures une fécondité qu'il n'a
pas lui-même dans la sienne?
CHAPITRE DEUXIEME.
ON JISTIFIE. P\R LES SAINTS PÈRES, QUE l'ÉP1SC0P.\T EST hX PLÉNITUDE
ET LA SOUV^R.\INETÉ SPIRITUELLE DU SACERDOCE.
I. Preuves tirées de saint Epiphane. Réfutation d'Aërins qai^
égalait les prêtres aux évèques. L'évèque seul engendre des
Pères à l'Eglise.
II. Des constitutions apostoliques. L'évèque seul a la royauté
du sacerdoce de J.-C.
UI. De saint Ignace. L'évèque tient la place du Père éternel
dans l'Eglise, on de J.-C. parmi ses apôtres.
IV. De saint Denis. L'évèque seul possède et donne la su-
prême perfection du sacerdoce.
V. De Siméon, archevêque de Thessalonique. L'évèque re-
présente dans le clergé le Père éternel dans la Trinité sainte
où il est le .principe sans principe.
VI. Saint Jérôme même, réservant aux évèques le pouvoir de
confirmer et d'ordonner, établit nettement leor excellence sin-
gulière.
Vil. Ces deux sacrements sont des sacrements de perfection
et de plénitude du Saint- Espril.
VUI. Saint Hilaire et Optât donnent à l'évèque la souverai-
neté universelle du sacerdoce.
IX. Saint Pacien adjuge aux évèques la succession entière de
la plénitude de puissance des apôtres.
X. Enéas, évêque de Paris, découvre comment l'épiscopal
contient éminemment tous les autres ordres.
XI. Geoffroy, abbé de Vendôme, dit que J.-C. a consacré ses
apôtres comme ses vicaires et les dépositaires de son excel-
lence et de sa toute-puissance sacerdotales.
XII. Guillaume, évêque de Paris, donne aux évèques une
prérogative de souveraineté dans l'administration de tous les
sacrements.
XIII. Et par conséquent la collation de toutes les dignités ec-
clésiastiques et de tous les bénéfices.
XIV. Pêtrus Aurelios a recueilli et confirmé toutes ces
maximes.
XV. Raisons générales qui montrent le consentement nnanime
des saints Pères.
I. Saint Epiphane nous apprend que l'héré-
siarque Aërius avait autrefois voulu égaler les
prêtres aux évèques, parce qu'ils administrent
les mêmes sacrements et jouissent des mêmes
honneurs.» Nullum inter utrumque discrimen
est. Est enini amborum unus ordo, par et idem
ordo ac dignitns. Manus imponit episcopus,
imponitet presbyter ; baptizat episcopus. idem
facit et presbyter. OEconomiam latri» admini-
strât episcopus, non minus id facit et presbyter;
episcopus in îhrono sedet, sedet et presbyter.»
Saint Epiphane, réfutant cette erreur, fait voir
que la différence essentielle de ces deux ordres
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DEUXIÈME.
divins consiste en ce que l'évèque seul engen-
dre il l'Eglise non pas des enfants, mais des
Pères et des sacrificateurs. « Siquidem ordo
cpiscoporum ad proponendos Patres prœ-
cipue pcrtinet. Hujus enim est Patrum in
Ecclesia propagatio. Presb^ier cum Patres
non possit, filios Ecciesiœ regencrationis lo-
tione producit, non tamen Patres aut magi-
stros (Epiphan. haer. lxxv, n. 3). » Le prêtre
n'est donc que comme un ruisseau qui ne
peut ])as même produire d'autres ruisseaux
(]ui lui soient semblables ; au lieu que l'évèque
est une fontaine inépuisable qui donne nais-
sance non-seulement à une infinité de ruis-
seaux, mais aussi à d'autres fontaines qui au-
ront la même abondance et la même fécondité.
II. L'auteur des constitutions apostoliques a
compris tous les avantages de l'épiscopat en un
mot, quand il a dit que le sacerdoce appartient
au prêtre, Ti tt; Uçamn; ; mais que la royauté du
sacerdoce appartient à l'évèque, Ta tx; àpy.iEOMTjvr.ç :
Enfin, que J.-C. est par sa propre nature le
premier prêtre, roi et souverain, ■TvpâTo;, Tf; owti
ip/.t£:='j; (Const. apost. L. vui. c. 40). Qui peut
douter qu'il n'y ait une différence infinie entre
J.-C. administrant ou la parole divine, ou le
baptême, ou (juelqu'autre sacrement, et un des
prêtres de son Eglise exerçant la même fonction
sacerdotale, puisque J.-C. avait la royauté du sa-
cerdoce, dont les jirêtres n'ont que le ministère?
Or, c'est cette royaulédu sacerdoce qu'il a com-
muniquée à ses apôtres et aux évoques, qui sont
les héritiers et les dépositaires de l'autorité
ajiostolique. Autantqu'il y a donc de différence
entre la dignité royale et les autres dignités
qui en relèvent, autant il en faut reconnaître
entre l'ordre des évoques et celui des prêtres ;
et encore avec cet avantage singulier, que les
dignités humaines ne sont (jue des ornements
extérieurs qui ne pénètrent pas jusqu'au fond
de l'âme , au lieu que ces ordres sacrés impri-
ment dans le plus profond de l'âme des carac-
tères brillants qui ne pourront jamais être
efl'acés.
III. Saint Ignace nous a quelquefois repré-
senté révê(iue comme la personne proju'e du
Père éternel. « Omnes e[tisco])um se(Hiiinini,
ut J. C. Patrem. » Car comme foule la divi-
nilé est dans le Père comme dans sa pre-
mière source, d'où elle se connnunitiue aux
autres i)crsonnes divines, ainsi la divinité i)ar-
ticip(''e du sacerdoce est tout entière dans
l'évèque connue dans son origine, d'où elle
s'écoule dans tous les autres ministres de l'au-
tel. Aussi cet homme apostolique ajoute au
même endroit que les fonctions sacerdotales
ne doivent jamais se faire sans la présence ou
sans l'autorité de l'évèque. « Ubi utique apparet
episcopus, illic multitudo sit, quemadmodnm
utique ubi estC. J. illic catholica Ecclesia. Noa
licitum est sine episcopo neque baptizare, ne-
que agapenfacere (Ignatii epist. ad Smyrn.). »
J. C. disait aussi que son Père faisait en lui tout
ce qu'il faisait : « Pater in me manens, ipse facil
opéra. » La gloire des opérations sublimes ap-
partient à celui qui en est la première origine en
communiquant la vertu divine de les opérer.
Dans une autre de ses lettres, saint Ignace dit
qu'en obéissant à l'évèque on obéit au Père
de J. C. comme à celui qui est l'Evêque uni-
versel. « Consentientes ipsi, non ipsi autem,
sed Patri J. C. omnium episcopo, tw nriTpi Iykioù
XpKrroû, TW irâvTuv èiriTOOTVM (Epist. ad Magucs.) » Et un
peu plus bas : « Quemadmodum igitur Dominus
sine Pâtre nihil fecit, unitus existens, sic nec
nos sine episcopo, nec presbyter, nec diaconus.»
En d'autres endroits, il nous fait considérer
l'évèque comme revêtu de la propre personne
et de l'autorité de J. C, et dans cette vue il veut
bien que l'on regarde les prêtres comme les
apôtres, éclairés de la présence et tout rayon-
nants de l'éclat de la majesté de J.-C. « Reve-
reantur omnes episcopum, ut J. C. existentem
Filium Patris ; presbyteros autem , ut conci-
lium Dei et conjunctionem apostolorum (Epist.
ad Traites). » Voila la plus haute élévation où
l'on pouvait porter les prêtres ; cependant ils
ne peuvent pas s'y égaler à lévêque , non plus
que les apôtres à J.-C. dans la dispensation
même des mêmes sacrements. Et dans sa lettre
à ceux de Smyrne : « Omnes episcopum sequi-
mini, ut Christus Patrem; et presbyterorum'
coUegium, ut apostolos. Sine episcopo nemo
quidquam faciat eorum , quaî ad Ecclesiam
spectant, et honora Deuin , ut omnium auto-
rem et Dominum : episcopum vero , ut princi-
pem sacerdofum , imaginem Dei referentem :
Dei inquam propter iirincipatum, Christi vero
propter sacerdotium. »
IV. Ces conq)araisons affectées de l'évèque
avec le Père éternel et avec J.-C. montrent
êvjdununenl ([ue les anciens Pères ont reconiui
celle primauté, cette principauté, cette pléni-
tude originale et primitive du sacerdoce et de
toutes les prérogatives pontificales, qui est
essentielle à l'épiscopat, et qui est absolument
L'EPISCOPAT EST LA PLÉNITUDE DU SACERDOCE.
inimitable et inaccessililc à tous les ordres infé-
rieurs. Saint Denis donne aux diaeres le pou-
voir d'expier, aux prêtres celui d'éclairer , mais
aux évèipies celui de donner la suprême per-
fection tDiGnysius,Eccles. Hier. ci). Cetauteur
même représente que rillumination que le
prêtre donne par le baptême ne se peut faire
sans le chrême quel'évêque a consacré; l'autel
ou il célèbre doit avoir aussi été consacré par
l'évèque ; il doit lui-même avoir reçu l'ordina-
tion de l'évèque : ce sont autant de marques
d'un pouvoir limité et dépendant dans les prê-
tres, et d'une puissance indépendante et sans
limites dans les évêques, lors même qu'ils exer-
cent les mêmes fonctions sacerdotales.
V. Siméon , archevêque de Thessalonique. a
si heureusement expliqué la doctrine de saint
Denis, et il y a si clairement renfermé presque
toutes les considérations qui ont été touchées
dans le chapitre précédent, que je ne puis
m'empêcher de rapporter ici un peu au long
ses paroles. On croit que cet auteur écrivait au
temps que les Français possédaient l'empire de
Constanfinople ; ainsi il semble nous assurer
que jusqu'à son tenqis l'Eglise i;recque avait
conservé l'inviolable tradition de la doctrine
que nous avançons: «Nam gratiam comnumi-
calivam non habet presbyter, neque ali(|uid
aliud perfectivum,vel illuminativumproducere
potest, sed baptisma solum et mysteria perll-
cere : verum eiiiscopus illuminandi viin habet
60 (pioil Patrem luminum imitatur, ipsiusque
virtutem abunde possidet, et per ipsum onmis
ordo, omne mysterium, omne sacramentum.
Ipscenim ordinatione suaet baptizare valet, si-
mul et sacrum unguentum conticere.et cpuï ad
ministerium et perfectiouem et illuminatio-
nem perlinert ; perficere. etc. Omnia deni(iue
per gratiam Christi prœstare. Onmia enim ec-
clesiastica ab ipso veluti luminis fonte perli-
ciuntur (Simeon, Thessalon. Desacris ordinal.
c. I). » Ce savant prélat a ûdèlemenl ex|irimé
les sentiments de saint Ignace et de saint Denis,
quand il nous a mis devant les yeux l'évêtiue
comme une image achevée, dans l'Eglise de la
terre , de Celui qui dans la Trinité sainte porte
seul le nom de Père, comme étant le premier
principe sans principe, et la source féconde des
autres personnes et de toutes les perfections
divines. Il dit encore un peu plus bas que l'é-
vèque communique le sacerdoce connue Celui
qui n'a point de principe dans la divinité, et
qui pour ce sujet est appelé Père , et peut être
aussi fort justement appelé Evèque, communi-
que la di^inité au Fils et au Saint-Esprit.
« Etsi enim una est episco])atus gratia, et virtus
et ordo, ex Deo primo, et solo Pâtre, et episcopo
emanans. »
VI. Passons aux Pères de l'Eglise latine, entre
lesquels saint Jérôme même reconnaît que l'é-
vêtiue seul donne le sacrement de laconlirma-
tion, qui contient la plénitude du Saint-Esprit,
parce qu'il a reçu lui seul la suprême pléni-
tude du même Saint-Esprit en recevant la plé-
nitude du sacerdoce. « In Ecclesia baptizatusnisi
])er manus episcopi non accipit Spirihnn san-
ctum(Hieronym.adver. LuciL). » Il dit (lue cela
a été ainsi ordonné plutôt pour honorer le
sacerdoce que par aucune nécessité de la loi
diAÙne. « Ad honorem potius sacerdotii, quam
ad legis necessitatem. » C'est-à-dire que cela a
été réglé de la sorte pour honorer cette pléni-
tude du sacerdoce qui ne se trouve que dans
l'évèque, et dont les prêtres et les diacres n'ont
qu'une participation. Il ajoute que le salut de
l'Eglise dépend de cette souveraine plénitude
de la puissance sacerdotale qui réside dans
révêt[ue seul comme dans le chef, qui fait sen-
tir sou abondance et son empire sur tous les
membres qui lui demeurent unis par les sacrés
liens de leur dépendance, et par les influences
qu'ils reçoivent de lui. « Ecclesiœsalusinsummi
sacerdotis dignitate pendet.cui si non exors
quidam et eminens datur j>olestas , lot in
Ecclesiis efflciuntur schismata , quot sacer-
dotes. »
Ml. L'excellence de l'épiscopat sur les prêtres
ne pouvait se mieux établir qu'en réservant
aux évêques celte plénitude du Saint-Es[irit et
de la puissance sacerdotale, qui leur donne le
pouvoir de donner eux seuls la ])erfection du
baptême par la confirmation à tous les fidèles,
et la participation du sacerdoce par l'ordination
à tous les ministres de l'autel. C'est là le double
lien indissoluble qui lie et unit d'un côté tous
les fidèles, et de l'autre tous les ecclésiastiques
à leur évêque , comme au divin chef de qui ils
tiennent toute la perfection de la vie chrétienne
et du sacerdoce. Que si le même saint Jérôme
dit ailleurs ({ue le seul pouvoir de conférer les
ordres distingue les évê(|ues d'avec les |irê-
tres, «Quid enim facit excepta ordinatione epi-
scopus, quod non faciat presbyter (Epist. ad
Evagri.) ?» il a peut-être considéré dans cette
rencontre la pratique de quelques Eglises grec-
ques où les prêtres avaient commencé de
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DEUXIÈME.
donner la confirmation; mais dans ces Eglises
mêmes, les {irètres ne la pouvaient donner
qu'en se servant du chrême que l'évêque avait
consacré^ et auquel il avait en quelque manière
communiqué cette divine verlu de répandre le
Saint-Esprit dans l'àme en mèine temps qu'il
était répandu sur le corps. Au reste, nous avons
assez montré ipie le seul pouvoir d'engendrer
à l'Eglise des Pères et des prêtres est une
preuve évidente d'une abondance très-singu-
lière de toute la grâce et de toute l'autorité
pontificales.
Quand saint Jérôme dit ailleurs qu'Hilaire ,
chef des schismatiques lucifériens, n'étant que
diacre n'a pu former une Eglise, parce qu'il n'a
pu ordonner des clercs, ettiu'une Eglise ne peut
subsister sans sacrificateurs : « Cum liomine
secta interiit, (juia post se nullum clericum
diacoiuis potuit ordinare. Ecclesia autem non
est , quœ non habet sacerdotem (Adversus Lu-
cifer.) ; » ce père nous montre comment l'Eglise
ne subsiste que par la fécondité et la puissance
qu'ont les évêques d'ordonner. Enfin saint
Jérôme reconnaît (|ue les évêques sont tous
successeurs des apôtres : « Caîterum omnes apo-
stolorum successores sunt (Epist. ad Marcellam.
Adv. Mot.).» Or les apôtres avaient reçu la plé-
nitude du sacerdoce dans sa source, et non pas
par des ruisseaux assemblés. Et en un autre
endroit : « .\i)ud nos apostolorum locum epi-
scopi tenent. »
VIII. Ililaire, ou l'auteur des commentaires
sur sailli Paul (]ui ont été altrilniés a saint
Ambroise, confesse que l'épiscopat contient
tous 1(!S ordres, parce que c'est l'origine et la
plénitude de tout le sacerdoce : « In e|>iscopo
onines ordines sunt, quia jirinuis sacerdos est,
id'est, princeps sacerdotum, et proplieta, et
evangelista, et caetera adimi)lenda officia Eccle-
siae in ministerio fidelium. (In epist. ad Ephes.
c. i). » Optât reconnaît dans l'évêque celte sou-
veraine principauté du sacerdoce : « Quid dia-
conos commemorem in tertio, quid presbyteros
in secundo sacerdotio constitutos? Ipsi apices
et i)rincipes omnium episcopi, etc. »
IX. Saint Pacien, évêque de Barcelone, recon-
naît dans les évèijues toute la puissance des
apôtres, et dans les uns et dans les autres toute
la plénitude du sacerdoce de J.-C, qui leur a
communiipié son nom d'évê(iue et de past(!ur,
et a voulu cpie ce nom fût accompagné d'une
vertu toute-puissante. « Totuin ad nos ex apo-
stolorum forma et potestate deductum est. Et
episcopi apostoli nominantur , sicut de ei)a-
plirodito Paulus edisserit; fratrem et comniili-
tonem, incpiit, ineum, vestrum autem aposto-
lum, etc. Deus illud nobis, ut apostolorum
cathedram, non negabit, qui episcopis etiam
unici sui nomen induisit. Nemo episeopum
hominis contemplatione despiciat. Recorde-
inur quod Petrus apostolus Dominum episco-
liiiin nominarit. Sed conversi, inquit, modo
ad episco[)um et jjastorem animarum nostra-
rum. Quid episcopo negabitur, in quo Dei
nomen operatur? (Epist. 1.) » Voilà comme le
nom auguste de J.-C, évêque et pasteur éternel
de nos âmes, ne pouvant être séparé de son
divin et infini pouvoir, les apôtres et les évê-
(pies ont reçu de lui l'un et l'autre : « Nos epi-
scopi, quia et apostolorum nomen accepimus,
et Christi appellatione signamur (Epist. 3).»
Ainsi, selon ce Père, douter du pouvoir des
évêques, c'est révoquer en doute celui de J. C.
qui réside en eux dans sa plénitude, et qui
opère par euxdanssatoute-puÎFsance : « Quare
sive ba|)tizamus, sivead (lœnitentiam cogimus,
sive veniam pœnitentibus relaxamus, Christo
id autorc tractamus. Tibi videndum est, an
Cluistus lioepossit. » La plénitude de puissance
que J.-C. donna aux apôtres s'est pleinement
répandue et se répand continuellement dans les
évêques de. tous les siècles : « Vides qua>cum-
que Ecclesi;e nascenti dicta sunt, ad plenitudi-
nem Ecclesiœ pertinere. »
X. Enéas, évêtpie de Paris, répondant aux
objections des Grecs contre l'Eglise latine ,
qu'ils accusaient d'ordonner des évêques qui
n'avaient jamais reçu la prêtrise , s'etîbrce
de montrer cpie ceux qui se sont laissé aller
à des ordinations si contraires aux canons ne
l'ont i>u faire (pie dans la créance que l'épisco-
pat contient en éminence la perfection et les
pouvoirs de tous les ordres inférieurs; de
même (juc la royauté embrasse très-avanta-
geusement toute la gloire et la juridiction des
dignités subalternes : « Quia cpii benedictione
pontificali perfungitur, benedictionum reliciua-
rum honore decoratur. Sicut enim in terrarum
régi diversai dignitates ascribuntur, etc. (Spici-
leg. Tom. VII. p. 1 li. etc. Edit. 172.'j. tom. i,
fol. 113.) » Enéas même n'approuvait pas cette
pratique, et néanmoins il approuvait apparem-
ment la maxime ipi'il avançait, pour la rendre
plus pardonnable s'il eût été possible.
XI. Ceotl'roy, abbé de Vendôme, parlant de
l'ordination des évêques, déclare que J.-C.
L'ÉPISCOPAT EST LA PLENITUDE DI' SACERDOCE.
en .1 été le premier consécrateur, lorsqu" ayant
élu les apôtres il les consacra lui-même,
et donna l'exemple à ses vicaires à l'avenir,
c'est-à-dire aux apôtres et aux évêques, de
ce qu'ils devaient faire : « Christus i)rimus
et elegit apostolos, et consecravit, etc. Hoc
sanctum sacramentum , electionem videlicet
et consecrationom apostolonim. Cliristus pri-
mus omniimi fecit, per quod cœtcra tîerint sa-
cramenta, etc. Hœc prius per seipsum Cliristus
fecit, deinde vicarii ejus, etc. (Opuscule n) »
XII. Le savant Guillaume, évèque de Paris,
a excellemment expliqué comment l'épiscopat
ajoute à la prêtrise une éminence ineffable, et
une abondance de toute la sainteté et de tous
les pouvoirs qui peuvent être compris dans la
plus vaste idée du sacerdoce. « Et quia in solis
episcopis plénitude potestatis et istorum offl-
ciorum perfectio est, manifestum est episco|)a-
tum plénum et perfectum esse sacerdotium.
Ofûcium enim sacramentandi plénum atque
perfectum minores sacerdotes non liabent. quia
nec sacramentum couflrniationis, nec sacros
ordines, nec majora sacramentalia impendere
possunt. Similiter autoritatem docendi, seu
magistros instituendi modicam habent. (Guil-
lelm. Parisien, p. .5-23).» Il montre ensuite que
les évêques seuls ont recueilli Ibéritage et la
succession tout entière de la pleine puissance
des apôtres : «Quidquidenim apostoliscomniis-
sum fuit, commissum fuit et episcopis. Inde
et in sedibus, in quibus sederunt apostoli,
sedent, tanquam pleni juris successores. taii-
quam loco apostolica" potestatis. » Il dit ensuite
qu'on consacre les évêques pour les remplir de
toute la plénitude de la grâce et de la puis-
sance pontificales : « Consecrantur ad complen-
dum et perficiendum, atque ad summum per-
ducendum ipsos. non solum offlcii plenitudine
et amplitmline potestatis, sed efiam ad cumu-
landum gratia et pinguedine sanctitatis. » Ce
style, tout barbare qu'il est, ne laisse pas
d'avoir ses grâces, et d'exprimer heureuse-
ment de grandes choses.
XIII. Il remaniue ensuite que s'il y a
divers degrés d'archevêques, de primats et de
patriarches, ce n'est toujours que le même
épiscopat : Que le pape même n'a que le même
ordre qui lui est commun avec les autres
évêques. (luoiqu'il ait une juridiction plus
étendue. Enfui, que J.-C. tient lui-même le
premier rang dans l'ordre des évêques : « Ipse
Dominus J. C. non plusquam episcopus est in
dignitatibus ecclesiasticis secundum quod
homo. » U'où il conclut (pie c'est aux évêques
qu'appartient originellement la disposition de
toutes les dignités ecclésiastiques et de tous les
bénéfices , comme aux successeurs des apôtres
qui avaient reçu ce pouvoir du Fils de Dieu,
de qui le ciel et la terre relèvent : « Scire autem
debes ad episcopos, tanquam apostolorum suc-
cessores, et tanquam ad apostolica- dignifatis
pertinere ministres ex ipso episcepali officie,
institutienes clericerum in Ecclesiispra'benda-
riis, et sacerdotum in capellis et parochiis :
institutionem inquam plenam, quantum est de
jure communi : licet ex speciali coUatiene
episcoporum, nonnuUis jura patronorum con-
cessasint. » Voilà ce qui nous a fait commencer
ce traité des bénéfices par l'exiilication de
l'excellence de l'épiscopat , qui est le plus
ancien et le plus éminent de tous les autres,
qui les comprend tous , d'où ils émanent tous
dans leur origine, et d'où ils relèvent tous
dans leur disposition.
XIV. Je finirai ce chapitre par le témoignage
d'un célèbre théologien de nos jours, qui
semble avoir le plus approfondi cette matière.
On y trouvera comme le sommaire de tout ce
qui a été dit ci-dessus. L'évèque étant l'image
et le vicaire de Jésus-Christ sur la terre, il
possède la plénitude et la perfection du sacer-
doce même dont le Fils de Dieu est revêtu par
son Père, u Clu-islum refert episcopus, et vicem
ejus in terris gerit : ut saepe décent sancti
Patres. Sicut ergo Christi sacerdotium vim
oninem sacerdotalem perfectamque pascendi
gregis potestatem complectitur, ita ut varias
in ea plenitudine et perfectione conclusas pote-
states distinguere quidem discernereque liceat ;
dissociare vero et inter se quodanimodo dis-
cindere, sit piaculum ; non secus ac divinitatis
ij)sius dotes |)erfectionesque ita distinguimus,
ut non dividanius : sic episcepatus plenitu-
dinein sacerdotii, et pastoralis muneris per-
feclionem natura sua continet, etc. Christus
enim perfectionem sacerdotii a Pâtre accepit,
quando ab illomissusest. Perfectionem deinde
sacerdotii , sive episcopalem utramque pote-
statem simili dédit apostolis, quando misif eos,
sicut ipse a Pâtre missusfuerat. Eaindemdeui-
que perfectionem ipsi tradiderunt episcopis,
mitteutes eos, sicut ipsi missi fuerant a Christo
(Petrus Aurelius, Toni. ii, pag 87). » D'où il
conclut que les évêques sont Pères par la
plus noble participation de la paternité divine
10
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DEUXIÈME.
sur la terre. « Ut vera sit Pauli vox, a quo omnis
paternitas in cœlo et in terra nominatur. Nulla
enini major in terris paternitas quam apo-
stolica et episcopalis : quam sibi Paulus idem
sumpsit, cumdiceret, seduon multos Patres. »
Il en conclut aussi que l'épiscopat seul est
ime royauté divine et une souveraineté spiri-
tuelle : ce qui paraît évidemment en ce qu'on
n'a jamais consacré et on ne consacrera jamais
d'évêque à. qui on ne donne en même temps
un diocèse, comme lui petit royaume, à gou-
verner ou à conquérir.
On fait et on a toujours fait des prêtres et
des diacres auxquels on n'a point d'abord
donné de sujets, ni de juridiction : Mais l'évê-
que embrassant toute la plénitude du sacer-
doce royal de J.-C, étant son lieutenant en
terre , étant même revêtu de l'autorité et de
la personne de Celui qui est le premier principe
dans la Divinité, il ne peut recevoir la consé-
cration qui le fait évêque sans recevoir en
même temps la juridiction et la souveraineté
qui est inséparable de son caractère. « Atque
ha-c est eminentia difj;nitatis e])iscoi)alis supra
sacerdotalem , quod sacerdotalis nullam per se
jurisdictionem nec includat, nec exigat, ut-
jiote imperfectior et cpiscopali subjecta, cujus
nutu régi, et ad o])erationes admoveri , non
ipse prosilirc débet ; ut canones jampridem
sanxcrunt. At episcojjalis dignitas, ut sunmia,
et in suo génère perfecla , jurisdictionem ne-
cessario complectatur, nec sine ea consistât,
non magis (piam regia dignitas , cui sancli
Patres episcopalem dignilatem passim compa-
rant, sine imperio concijii nequit. « 11 en con-
clut encore, avec la même évidence , que
(juant aux sacrements mêmes que les prêtres
peuvent administrer, ils ne peuveid jamais les
administrer avec cette souveraine puissance
et avec cette autorité royale, que J.-C. a
accordée aux évêcpies seuls , comme aux sou-
verains pontifes de son royal sacerdoce. « Sum-
ma illa potestas episcopis propria , quœ non ad
sacramentum solum ordinis, sed ad cœlera
etiam onuiia iicrtinet, rêvera suppleri non
potcst a presbyteris, qui quandiu presbyteri
manent, summam illam ordinis potostatem,
seu sununum iliud sacei'dotiiuu asse(|ui ne-
(iu(!unt, ita ut summi sacerdotes etficiantnr,
quales sunt episcopi sensu Patrnm, (juales
Christus iusiituit. » En effet, l'Evangile nous
montre (pie c'est au\ a])ôtres , dont les évê(]ues
sont les successeurs , à qui J. - .C a donné
le pouvoir d'administrer les sacrements; d'oii
il s'ensuit que si les évêques font part de ce
pouvoir aux prêtres, ils s'en réservent toujours
la souveraineté : Ainsi le caractère de l'épis-
copat ne renferme pas seulement le pouvoir
d'ordonner, mais aussi la suprême jui'idiction
et la royauté spirituelle de l'Eglise, et outre
cela une souveraine éminence dans l'adminis-
tration de tous les sacrements et dans toutes
les fonctions hiérarchiques. « Pra?ter consecra-
tionemsacerdotum episcopalis ordo est potestas
summa in sacramenta omnia, et in omnes
actiones hierarchicas, quœ ab eo omnes, ut a
capite et fonte in Ecclesiis particularibus fluere
ac manare debent, ex Christi lege, sicut ab
universali episcopo in tolam Ecclesiœ univer-
salis amplitudinem. Quod perspicue docuerunt
concilia et Patres, dmu nihil a presbyteris aut
diaconis sine nutu episcopi agendum esse dé-
clarant (Pag. 99, 109). »
Enfin il conclut que cette excellence singu-
lière et royale de l'épiscopat est absolument
incommunicable à tous les autres ordres infé-
rieurs. «Atque hoîc est excellentia ordinis epi-
scopalis , cuilibet ministrorum inferiorum
incommunicabilis. Quod nimirum sit amplis-
simus quidam fons onniis sacerdotalis func-
tionis, in (|uaque Ecclesiasingulariconstitutus,
a qua omnem aliam in eadeni Ecclesia pote-
statem et operationem hierarchicam necessario
scaturire oporteat. »
XV. Après cela nous pouvons dire tpie tous
les Pères et tous les conciles des premiers
siècles ont établi celte vérité constante en
établissant ces maximes générales, sur les-
quelles elle est fondée, i. Que les évêques ont re-
cueilli la succession entière de la puissance apos-
tolique, ce qu'on ne peut dire lû des prêtres ni
des diacres, i. Qu'ils sont les souverains [irêtres.
« Summi sacerdotes, summi antistites. »3. Qu'ils
peuvent seuls administrer la confirmation et
l'ordination, ijui sont les deux sacrements où
la plénitude du Saint-Esprit est plus particu-
lièrement conférée. 4. Qu'ils confèrent tous les
autres sacrements de leur propre autorité, au
lieu que le prêtre ne les peut administrer
qu'avec dépendance ; et autrefois même il ne
les conférait (pi'en leur absence, tî. Qu'on ne
IHMit consacrer un évêcpie, non jikis ([n'établir
un roi, sans lui désigner un royaume, (i. Que
l'Eglise ne peut subsister sans évêque, non
]ilns (pi'im corjis sans âme et sans un chef qui
liossède la plénitude de la vie, et qui vivifie
DES TITIIES DE METROPOLITAIN, n'ARCIIEVÉQUE , ETC.
11
tous les membres par ses influences conli-
nuelies. «Non enim Ecclesiaesse sine e()isco[)0
potest , » disait autrefois saint Chrysoslome ,
(1) NoD-seulemeut 1 evêque a toutes ces prérogatives émincntes,
mais notre grand canoniste oublie de mentionner son incontestable
pouvoir judiciaire fur tous les prêtres de son troupeau. Nous traite-
rons cette question tout au long dans Tarticle que nous consacrerons
aux ofËcialités. Dans le corps du Droit nous voyons tous les différents
noms donnés à lëvéque, et qui tous expriment ses prérogatives :
Episcopijs^ qui signifie Speculatùr ou Superintendens, voir le cha-
pitre Cleros de la dist. 21 ; ailleurs Summus Sacerdos dans le chapitre
J)eus ergo^ quest. I ; il est appelé Prœsul parce qu'il préside l'assem-
blée, dans le chapitre Translationem du titre de Tempori ordinal. ;
AntisteSy comme ayant la prééminence sur tout, ainsi qu'on le voit
dans un grand nombre de chapitres du Droit ; PontifeXy des deux
verbes posse et facere^ dont l'un exprime la souveraine puissance du
sacerdoce et l'autre, selon Âiciat} l'action du sacrifice ; quelquefois
exhortant ses confidents niêmesd'olxîirà l'évè-
que ([ui reniiilirait sa [)lace après son injuste
condamnation (I).
Legatus Christi, commis à la direction des âmes, selon la Clémen-
tine 1, chapitre Nec super, du litre de Pœnis ; mais surtout il est
appelé Pastor dans une infinité de textes, à cause de son obligation
de nourrir ses ouailles du pain de la parole de Dieu et des grâces des
sacrements ; Prœco^ pour dénoncer au peuple ses péchés dans le
chapitre Sit rector de la dislinction 43»; ; la distinction lie, chapitre
Disciplin'ty l'appelle Medicus pour adoucir le vin par l'huile dans la
guéridon des maladies morales ; ailleurs encore il reçoit ses beaux
titres de Lucenia^ pour répandre au loin les rayons de la \Taie sagesse
et de la vertu ; Sal terrœ, pour préserver de la corruption par de salu-
taires enseignements ; Angélus, pour annoncer la bonne nouvelle de
l'Evangile -, la Clémentine susmentionnée, chapitre Nec super, l'appelle
Sanctissimus pour sanctifier les autres et se sanctifier soi-même.
(Dr André.)
CHAPITRE TROISIEME.
DES TITRES DE MÉTROPOLITAIN", d'ARCHE\"ÊQUE, d'EXARQIE DE DIOCÈSE. DE PATRIARCHE ET DE PAPE.
- I. Tous ces litres sont compris dans l'épiscopat. Le titre de
métropolitain est le plus ancien de tous.
II. Saint Pierre et les autres apôtres commencèrent à annon-
cer la foi dans les grandes métropoles de l'empire.
m. Ainsi les Eglises de ces grandes villes furent les mères et
les supérieures des autres. Preuves tirées de l'Ecriture.
IV. Les plus anciens canons ne donnent que le titre de mé-
Iropolilain aux évèques mêmes des sièges apostoliques.
V. Explication du canon vi de Nicée, qui confirme ce qui a
été dit, et distingue les trois grands métropolitains des autres
qui n'avaient chacun qu'une province.
VI. Pourquoi les trois grands métropolitains ordonnaient les
évèques de plusieurs provinces.
VII. L'èvèque d'Alexandrie commence d'être appelé arche-
vêque. Pourquoi ?
VIU. Le concile de Nicée laissait terminer toutes les affaires
dans le concile provincial. On commença à recourir à l'empe-
reur pour celles qui ne pouvaient pas s'y décider. Le concile
d'Antioche remédie à ce désordre en appelant les évèques
voisins au concile provincial.
IX. Le concile d; Sardique, en permettant de recourir au
pape.
X. Le titre d'archevêque était encore rare.
XI. Les évèques d'Afrique le censurèrent. Il ne laissa pas
d'être communiqué aux grands métropolitains dans le concile
d'Ephèse.
XII. Les exarques des diocèses, ou primats, furent établis
dans le concile i^' de Constantinople, pour les différents qui ne
pouvaient se décider dans le concile provincial.
XIII. Le concile de Calcédoine commença à mettre en usage
le titre de patriarche.
XIV. Origine de ce titre.
I. Nous avons dit que l'épiscopat, dont il a été
parlé dans les deux chapitres précédents, com-
prenait les métropolitains, les archevêques,
les patriarches ou primats, et le pape; car enfin
ce n'est que le même ordre qui leur est com-
mun à tous, et dans lequel ils sont tous égaux,
la seule inégalité de la juridiction ayant causé
toute cette diversité de dignités et de trônes (jui
composent la suprême hiérarchie de TEdise.
Le titre de métropolitain fut le premier qu'on
ajouta à celui d'évèque. comme étant le plus
simple et le plus modeste pour désigner
l'évêque de la ville qui était la métropole et la
première de la province, selon la disposition
ciAile réglée par les empereurs : car la métro-
pole civile fut aussi honorée d'une pareille
primauté dans la police ecclésiastique, à cause
de la plus grande facilité qu'il y avait pour les
évèques de la province de s'assembler, et de
conférer souvent avec celui qui était comme
leur chef et supérieur.
IL 11 est aussi extrêmement probable que
les apôtres et les hommes apostoliques com-
meucèrentà annoncer l'Evangile dans les villes
les plus célèbres de Lempire romain, et dans
les capitales de chaque province : c'était la
gloire et l'avantage de l'Eglise d'attaquer et de
renverser l'idolâtrie dans les lieux mêmes où
elle régnait plus insolemment : il n'était pas
difficile après cela de l'abattre dans les moin-
dres places. La lumière de la vérité se répandait
facilement des villes capitales dans le reste de
chaque province : ce fut ce qui porta saint
Pierre à aller établir la prééminence de son
trône dans les trois plus grandes villes du
monde, Rome, Alexandrie etAntioche. Saint
12
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TROISIÈME.
Paul n'adressa ses lettres, et par conséquent
n'avait plus particulièrement donné ses soins
qu'aux villes les plus considérables de chaque
province ou de tout l'empire. Saint Jean, dans
son Ai)ucalypse, ne s'adresse aussi qu'à des
villes importantes ; il fit lui-même son séjour
le plus ordinaire à Ephèse, qui dominait sur
toute l'Asie mineure.
11 résulte de là que si les métropoles civiles
sont devenues aussi les métropoles ecclésiasti-
ques, c'est principalement parce que l'Eglise
de la ville métropole a été etfectivement la
mère et la fondatrice de toutes les autres Egli-
ses de la province, de même que l'église ca-
thédrale de chaque cité a donné naissance à
toutes les autres églises des villages voisins, et
s'est acquis par là un juste titre d'une domina-
tion paternelle.
111. Ce sont donc les afrôtres et les premiers
prédicateurs apostoliijues (jui ont d'abord fait
le choix des plus importantes villes de l'em-
pire, non par des vues liumaines, mais par le
même esprit qui fit choisir au Fils de Dieu la
ville de Jérusalem pour y publier sa doctrine ,
et pour l'y sceller de son sang. Saint Pierre
écrit aux fidèles du Pont, de la Bilhynie, de la
Galatie,de l'Asie et de la Cappadace (Epist. i,
ci]. Ephèse était la capitale de l'Asie, Césarée
de la Cappadoce, Nicomédie de la Bithynie,
Amasée du Pont : et on sait que toutes ces villes
ont été de célèbres métropoles dans l'Eglise
même des premiers siècles. Saint Paul écrivit
aux Corinthiens et aux Galates, dont Ancyre
était la capitale ; Corinthe et Ancyre eurent im
rang fort considérable dans l'Eglise.
Le même apôtre laissa Tite à Crète, pour
établir des prêtres, c'est-à-dire, des évêques
dans les cités. 11 montre bien l'union de la pro-
vince entière avec sa métro[)ole ecclésiastique,
quand, écrivant aux Corinthiens et aux Thessa-
loniciens. il déclare (jue son discours s'adresse
aussi à tous ceux de la province, c'est-à-dire, de
l'xVchaïe qui relevait de Corinthe et de la Macé-
doine, dont Thessaloniquc était le chef : « Qui
sunt in Acliaia fratres, etc. (II Cor. ij.Etcœteros
(]ui sunt in Macedonia T Tliess. iv). » S'il écrit
aussi aux Pliilippiens, cest que la ville de Phi-
lilipes partageait aussi avec Thessaionique la
gloire d'être caiiitale de la Macédoine. Tout
cela se peut confirmer par Tertullieu, lorsque,
pour ne point s'égarer des traditions apostoli-
ques, il veut (ju'on ait recours aux Eglises qui
ont été fondées par les apôtres ; « Proxime est
tibi Acliaia, halies Corinthuni. Si non longe a
Macedonia, habes Philippos, habes Tliessaloni-
censes. Si potes in Asiam tendere, habes Ephe-
sum. Si autem Italiœ adjaces, habes Romam
(L. de PrtTscript, c. 36'. »
IV. Le canon apostohque ne désigne le mé-
tropolitain que par la qualité de premier et de
chef dans la province : « Episcopos uniuscu-
jusque gentis nosse oportet eum, qui in eis est
primus, et existimare, ut caput, ^iûtov, râ; Mçax-r.v
^Can. xxxm).Le concile d'Antioche , renouve-
lant ce canon, donne le nom de métropolitain au
premier évêque de chaque province : « Per sin-
gulas proviucias episcopos convenit nosse eum,
qui inmetropoli prœest episcopum. » xx6' h.iarr,y
ÈKapxtav TC.V i; u.r-}'.-ù.v. È-'.rac-cv. (Cau. ix). Parmi les
Latins on le nommait avec la même simplicité
l'évêque du premier siège. Le concile d'Elvire
lui attribue la principale autorité pour donner
les lettres de communion : « Maxime in eo loco
inquo prima cathedra constituta estepiscopa-
tus. etc. (Can. Lvni . » Le concile de Laodicée
nomme le métropolitain comme président aux
élections des évêques (Can. xn).
Le concile de Nicée confirme tous les pou-
voirs des métropolitains, leur attribue ce même
nom, et ne nomme aucun titre d'une dignité
supérieure, quoiqu'il parle des évêques de
Rome, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusa-
lem. C'est une marque assez évidente que ceux
qu'on appela depuis, ou archevêques, ou exar-
ques, ou iiatriarches, n'étaient encore nommés
que métropolitains , quoique leur juridiction
fût beaucoup plus étendue que celle des autres
métropolitains de chaque province : « Firmitas
eorum qua> per imamquanique provinciam
geruntur , metropolitano tribuatur episcopo
( Can. IV, vi). »
Y. Si ce concile confirme à l'évêque d'Alexan-
drie le pouvoir ancien qu'il avait , et qui lui
était alors contesté par les Méléciens, d'ordonner
tous les évoques d'Egypte, de la Libye et de la
Pentapole, quoicjue chacune de ces trois pro-
vinces eût apparemment son métropolitain
particulier ; et si un semblable pouvoir d'or-
donner les évêques de iilusienrs provinces qui
conqiosaient l'Orient, estaussi confirméà l'évê-
que d'Antioche, parce que l'évêque de Rome
était aussi dans mie possession incontestable
d'ordonner les évêques de plusieurs pro-
vinces, savoir de toute l'Italie, et des îles voi-
sines; c'est une preuve assez évidente qu'on
peut tirer de ce canon du concile de Nicée
DES TITRES DE MÉTKOPOLITAIN, D'ARCHEVÊQUE, ETC.
(Can. VI ), (jue ces trois grands évèiiues étaient
les trois grands métropolitains de l'Egiisi! pri-
mitive, et (|u'ils avaient élé originairement les
seuls métro()olitains de tontes ces provinces
ipii lenr étaient soumises. Car d'où aurait pris
eonnnencenient celte coutume, ipn; révè<|ue
d'Alexandrie onionnùl les évèijues de ces trois
provinces, et que l'évéque d'Antioclie ordon-
nât les évèqnes des quinze provinces (jui
étaient renl'erniées dans l'Orient proiirement
dit, si ce n'est que les évoques de ces deux
grandes villes où l'Eglise avait pris d'abord de
très-grands accroissements^ avaient conmumi-
qué la lumière de la vérité et donné des évè-
ques à toutes les villes de leur ressort, et en
avaient été les métropolitains immédiats. Il est
sans doute que, selon les règles canoniques, le
droit d'ordonner les évêques de chaque pro-
vince appartient au métropolitain.
La coutume de ces deux grands évêques
ne provenait donc que de l'étendue ancienne
et prodigieuse de leur métropole , et de ce
qu'ayant depuis consenti à la création des
métropolitains jtarticuliers de chaque i>ro-
vince, ils s'étaient toujours réservé leur ancien
pouvoir pour l'ordination de tous les évêi|ues.
La chose est encore jdns évidente pour le
pape ; car il est certain que lors du concile de
Nicée, il n'y avait point encore d'autre métro-
politain que lui dans toute, ou presque toute
l'Italie, dans la Sicile et la Sardaigne. Aussi le
concile de Nicée propose l'Eglise de Rome pour
exemple; car n'y ayant point d'autre métropo-
litain dans tontes ces provinces, il était clair
que le pape seul devait en ordonner les évê-
ques; ainsi la première de toutes les Eglises du
monde fournissait ime preuve constante qu'un
métropolitain pouvait ordonner les évêques
d'un grand nombre de provinces. Que si dans
celte vaste métropole de Rome il n'y avait
point d'autre métropolitain que le pape, quoi-
que les évêques d'Antioche et d'Alexandrie
eussent laissé créer des métropolitains dans le
vaste ressort de leur ancienne mélro])ole , cela
avait pu se faire par diverses raisons qui ne
pouvaient point préjudicier au droit de ces
deux évêques de se réserver les ordinations de
tous les prélats de leur ancien ressort.
Voila à mon avis le sens du fameux canon
de Nicée (Can. vi) : « Antiqua consuetudo ser-
vetur per .-Egyptum, Lihyam, et Pentapolim,
ila ut Alexandrinus ei)iscopus liorum omnium
babeat potestatem. Quia et urbis Romœ epi-
scoi)0 parilis mos est. Simililer autem et apud
Antiochiam c;i;teras(|ue provincias suis privi-
légia serventur Ecclesiis. Illiid aulem genera-
liler claruniest, (|uodsi cpiis prielersentenfiam
metropolitani fuerit faclns ejjiscopus , hinic
magna synodus delinivit episco|]uni esse ntwi
oportere. »
VI. Les métroiiolitains de ces provinces par-
ticulières de la Libye et de la Pentapole pré-
tendaient à l'ordination des évêques de leur
province, à l'exemple de tous les autres mé-
tropolitains, à qui ce droit était acquis dans
leur province : mais il y avait cette dillérence
que les autres métropoles n'étaient pas les dé-
membrements d'une plus grande et plus an-
cienne métropole qui se fût réservé ces droits.
Il n'est pas même hors d'apparence que les
évêques de quantité de provinces voisines se
faisaient ordonner à Rome , à Antioche et à
Alexandrie, parce que les affaires civiles et
ecclésiastiques se traitaient plus ordinaire-
ment dans ces villes royales ; comme la suite
de l'histoire ne fait que trop voir, combien il
est ordinaire et en quel<iue façon inévitable,
qu'un grand nombre d'évêques se trouvent
dans les villes capitales de chaque Etat , et
que plusieurs d'entr'eux y reçoivent leur consé-
cration.
VII. Comme ce furent les évêques d'Alexan-
drie, dont les pouvoirs furent le plus contestés
par les métropolitains de lem- ressort, ou par
les évêques de chaque province qui voulaient
avoir un métropolitain particulier , ils afîec-
tèrent aussi les premiers de se distinguer
d'avec les autres métropolitains, en prenant le
titre à' archevêque. Saint Epiiihane donne cette
(jualité à Alexandre, évêque d'Alexandrie, et
même au bienheureux martyr Pierre qui l'avait
précédé.
II remarque au même endroit les provinces
([ui relevaient de cet archevêque : « Hic enim
mos est Alexandrinorum archiepiscoporum ,
ut per totam /Egyptum ac Thebaidem, Mareo-
tidem, Libyam, Ammonitideni ac Pentapolim,
ecclesiasfica negotia administrent ( Epiphan,
heresi. Lxxvui,n.2,7). » Mais il faut remanjuer
([ue saint Epiphane donne aussi le nom d'ar-
clievèque k Mélèce, métropolitain de la Thé-
baïde et somnis à l'archevêque d'Alexandrie :
M Meletius Thebaidis in ^^Lgy|)to archiepiscopus,
et Alexandro subjectus, rem omnem ad archie-
piscoi)i Alexandri aures detulit. »
Il ne laisse pas d'être douteux, si ce nom
44
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TROISIÈME.
d'archevêque était déjà en usage au temps des
évèques d'Alexandrie, Pierre et Alexandre; ou
si c'est saint f^iipliane qui le leur a donné,
l'ayant emprunte de l'usage de son temps.
Saint Epiphane rapporte lui-même une lettre
d'Arius et de ses impies partisans à Alexandre,
où ils ne lui donnent cpie la qualité de pape et
d'évèque, et nullement celle d'archevêque. Le
concile d'Antioche ne nomme que des métro-
politains, non plus (jue celui de Nicée : étant
même comme nécessité de reconnaître ou d'é-
tahlir quel(iue tribunal supérieur à celui du
concile provincial, afin d"y terminer les af-
faires que le concile provincial n'aurait pu
décider, il ne nomme point darchevcque . ni
d'exanjuc , ni de patriarche pour assembler
m\ concile jilus universel que celui de la
province.
VIll. Car il faut savoir que jusqu'au concile
de Nicée, toutes les affaires ecclésiastiques s'é-
taient terminées dans les conciles de chaiiue
province, et il n'y avait eu que très-peu de ren.
contres où il eût été nécessaire de convoquer
une assemblée de plusieurs provinces. Le con-
cile de Nicée même ne parle que des conciles
proAinciaux, et veut que toutes choses s'y ré-
solvent.
Les restes de la première ferveur du chris-
tianisme, et la difficulté de faire de grandes
assemblées parmi les orages des persécutions,
avaient été les véritables causes de cette police
si modeste et si pacifique. Mais depuis il arriva
souvent que les dissensions et le partage des
voix dans les conciles provinciaux, les démêlés
de plusieurs métroi)olitains, ou de plusieurs
provinces entr'elles, découvrirent l'impossibilité
qu'il y avait de finir tous les différends par la
seule autorité des conciles de la province. On
eut souvent recours aux empereurs chrétiens,
(jui convoquèrent des conciles ou universels,
ou au moins jilus amples que les provinciaux
pour y juger ces causes communes à plusieurs
provinces : Mais les évèques mêmes qui avaient
ainsi fait intervenir l'autorité impériale dans
les causes ecclésiastiques et spirituelles, s'aper-
çurent des suites dangereuses que cette police
pourrait avoir. Ils s'efforcèrent donc d'établir
une nouvelle jurisprudence pour empêcher
que les causes ecclésiastiques fussent portées
au tribunal séculier (1).
Le concile d'Antioche et celui de Sardique,
qui furent tenus presque en même temps, l'un
dans l'Orient, l'autre dans l'Occident, s'y pri-
rent d'une manière bien différente, ne tendant
néanmoins qu'à un même but. Le concile d'An-
tioche ordonna que les évèques, les prêtres et
les diacres, qui auraient été condamnés par le
concile de la ])rovince. pourraient recourir à
ini plus grand concile d'évêques : « Oportet
ad inajus episcoporum converti concilium , et
(piod pu laver inthabere jus ad plures episcopos
referre ; eorumque examinationem et judicium
suscipere (Can. xn) : » mais que s'ils portaient
leurs plaintes à l'empereur, ils ne pourraient
jamais être rétabhsdans leur dignité « : Si mo-
lesti fuerint imperatori, hos nuUa venia dignos
esse. »
Ce même concile découvre quel sera ce con-
cile plus nombreux qui fera la révision d'une
affaire déjà jugée, ou qui n'aura pu être jugée
dans le concile provincial , quand il dit que si
dans la cause criminelle d'un évc(|ue, les évè-
ques du concile provincial se trouvent parta-
gés, le métropolitain appellera ijuelques évê-
(pios des provinces voisines pour terminer
1 allaire avec les prélats de la même province.
« Metropolitanus ex propinqua provincia alios
evocetjudicaturos, etcontroversiam decisuros :
et cum provincialibus quod i)robatum fuerit
confirmet(Can. xiv). » Enfin ce concile veut que
si un évêque est condamné par tous les évè-
ques du concile provincial, sans qu'il y ait
l\) Il V a un grand nombre de textes dans le Droit qui repoussent
cnergiquement les ingérences laïques dans le domaine spirituel.
Nous ne ferons qu'indiquer le chapitre Benique, 3, de la Hislinc-
(l'on 90 ; Denique hi, q'iilus tanlum humanis rébus et non ditiinis
prccessê pervMsum est, quomodo de his, per quos divina ministran-
turjudicare prœsumant, penilus ignoramus. Le ïl« canon Si impe-
ratOT de la même distinction n'est pas moins précis. Il dit, entre
autres choses : jVen a potestatibus sœculi, sed a pontifidbus et sa-
cerdoiibus omnipotens Deus christianœ religionis clericos et sacer-
dotes voluit ordinari. disnitique et recipi. Nous ne faisons qu'indi-
quer les canons x» de Constitutionibus, xvne de Judiciis, ne, ixe
et ni': de l'on competatti, ne de Foro eompetenti in sexto.
Nos révolutions modernes ont profondément modifié la discipline
de l'Eglise sur la tenue des conciles. Les gouvernements se sont
généralement arrogé le droit de permettre ou de défendre la tenue
des conciles provinciaux. En ce qui concerne la France, l'article 4
des organiques, ajoute subrepticement au concordat à l'insu du pape,
dit : 0 Aucun concile national ou métropolitain , aucun synode dio-
Q césain, aucune assemblée délibérante ne peut avoir lieu sans la
n permission expresse du gouvernement, n Nous comprendrions cela
pour les temps où les conciles traitaient les affaires de l'Etal ainsi
que celles de l'Eglise, mais aujourd'hui, qu'ils se bornent au domaine
purement spirituel , la seule chose que l'Etat puisse exiger, c'est
d'être prévenu de répoque et du lieu de leur tenue, afin de prendre
les mesures de police nécessaires. L'article 3 des mêmes organiques
défend de publier en France les décrets des synodes étrangers, fus-
sent-ils même généraux, et de les faire mettre à exécution avant que
le gouvernement en ait examiné la forme, leur confoimité avec les
lois, droits et franchises de la France. De la rigoureuse observation
de cet article il s'en sui\Tait que la religion catholique n'aurait d'autre
liberté en France que celle que le pouvoir civil voudrait lui laisser.
Mais cette conséquence est contraire à l'article 1er du Concordat
de 1801, au principe de la liberté des cultes et à la Constitution.
(Dr André.)
DES TITRES DE MÉTnOl'OLITAliN. D'ARCIIEVKQl'E, KIC
enlr'oux aucun partage do voix, il ne iMiuna
l»lus recourir à un plus grand concile (Can.xv).
IX. Il faut confesser de bonne foi (]ue celte
police a\ait l)caueou|) de confornulc'; avec ce
i|ui s'était pratii[ué dans les premiers siècles
d'obscurité et de perséeulion : car c'était de la
même manière que s'asseiublaient les conciles
.extraordinaires, tels que furent ceux d'Anfio-
che, contre Paul de Saniosate, évèiiue de cette
grande ville. C'étaient les métropolitains et les
évoques du voisinage qui s'assemblaient avec
ceux de la province où s'était allumé le feu
d'une grande dissension.
Le concile de Sardii[ue, poussé du même dé-
sir de rompre le cours de la coutume (jui s'in-
troduisait, d'avoir recours à l'empereur pour
le jugement des causes spirituelles de l'Eglise,
s'avisa d'un antre moyen qui n'était pas moins
conforme à la pratique des siècles précédents,
qui avait outre cela beaucoup de fondement
dans les divines Ecritures. Car J.-C. ayant
donné la primauté et la qualité de chef
à saint Pierre, au-dessus des autres apôtres, et
ayant donné des successeurs tant aux apôtres,
savoir tous les évoques, qu'à saint Pierre, sa-
voir les pontifes romains ; enfin ayant voulu
que son Eglise demeurât éternellement une
par l'union de tous les évoques avec leur chef,
il est visible que si les évoques d'une province
ne pouvaient s'accorder dans leur concile pro-
vincial, et si les évêciues de plusieurs provinces
avaient des démêlés entre eux, la voie la plus
naturelle de finir ces différends était de faire
intervenir l'autorité du chef et de celui (\ne
J.-C. a établi [>our centre d'unité de son Eglise
universelle.
Ce fut cet ex])édient que le concile de Sar-
dique embrassa pour honorer la mémoire de
saint Pierre : a Sancti Pétri memoriam hono-
remus, etc. (Can. ni, iv, vu) ; » et pour suivre
les ouvertures que la Providence divine avait
faites elle-même par le recours de Cocilien,
archevêque de Carthage, et de saint Athanase,
archevêque d'Alexandrie à Rome, ni l'un ni
l'autre n'ayant pu espérer, ni chez les évê(|ues
voisins, ni ailleurs qu'à Rome, aucun asile
contre l'injustice des faux conciles qui les
avaient condamnés.
X. Cependant , ni le concile de Sardique,
ni celui d'Antioche ne faisant encore men-
tion que des métropolitains, il faut confesser
qu'il n'y avait point encore de titre pins magni-
fique dans l'usage ordinaire de l'Eglise. Marc,
diacre, (jui a écrit la \ie de saint Porphyre,
évêque de Gaze, y donne souvent le nom d'ar-
chovê(|uo à saiid Chrysoslome, évê(pie do Con-
slaiitinople; et à .lean, melropolilain de Césa-
réo en Palestine.
On pourrait peut-être conclure do là (|iie le
nom <rarchevêque commoiuail à se rendre
plus conmnin, et que c'est ce qui donna occa-
sion au troisième concile de Carthage, où saint
Augustin se trouva, do juger que ce nouveau
titre d'archevêque ou de prince dos évêcjues et
do souverain prêtre, ressentait plus le faste et
la domination du siècle que l'humilité et la
modestie ecclésiastique : ainsi ce concile no
laissa au métropolitain que le titre ancien d'é-
vêque du premier siège. « Ut primœ sedis epi-
scopus non appelletur prince|is sacerdoluni : aut
summus sacerdos, sed tantum primto sedis
episcopus (Can. xxvi). »
XI. Comme ce n'est que la nouveauté qui
fait naître les fâcheuses interprétations des
noms, l'idée de faste et de domination qu'on
avait attachée au nom d'archevêque se dissipa
bientôt, et on fit réflexion que tous ces termes
d'archevêque, de prince des prêtres et de sou-
verain prêtre, n'avaient effectivement qu'une
même signification et la même que le terme
d'évêque du prenuer siège : car enfin tous ces
termes divers n'expriment que la primauté ou
le premier rang : de même que les noms d'ar-
chiprêtre et d'arcliidiacre ne signifient rien
moins qu'une donnnation tyrannique sur les
autres prêtres ou diacres.
11 fallut néanmoins un assez long espace de
temps pour etfacer les défiances qu'on avait
conçues contre le nom d'archevêque, et ce ne
fut que dans le concile I" d'Ephèse qu'il fut at-
tribué aux trois inomiers évoques du monde.
Saint Cyrille y prend quelquefois cette qualité
d'arcliovêtiue, et elle lui est très-souvent attri-
buée : le concile même la lui donne dans sa
lettre à l'empereur sur la déposition de Nesto-
rius. Saint Cyrille y donne la même qualité
au pape Célestin, à qui elle y fut aussi donnée
on plusieurs autres rencontres (An. 430. Cône.
E])hes. Act. i).
Le même nom est donné à Jean d'Antioche
dans les actes du faux concile qui se tenait en
même temps à Ephèse par les amis de Nesto-
rius. Enfin ce nom y est aussi attribué à
Jlemnon, évoque d'Ephèse ; ainsi il n'est ac-
cordé qu'aux primats, exarques ou chefs des
diocèses.
16
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS.
XII. On appelait déjà exarques de diocèse^,
dans l'Orient, les grand? métropolitains qui
avaient sous leur juridiction yihisieurs moin-
dres métropolitains, et plusieurs provinces
dont l'assemblage sous un même chef s'appe-
lait diocèse.
Pour distinguer le diocèse particulier ilu
chaque évêque d'avec cette diocèse des exarques
qui comprenait plusieurs provinces, nous par-
lerons toujours de celle-ci au genre féminin. L;i
disposition civile de Constantin, ou de quel-
que autre empereur, avait établi ces grandes
diocèsesdans les provinces de l'empire. L'Eglise
n'y eut nul égard, ni dans le concile de Nicée,
ni dans celui d'Antioche, comme il a assez
paru par ce que nous en avons dit.
Ce fut le premier concile de Constantinople
qui les établit, ou les supposa établies dans la
police ecclésiastique. En voici le canon : « Epi-
scopi qui extra diœcesini sunt ad Ecclesias, (lUiu
extra terminos eorum sunt, non accédant, ne-
que confundant et permisceant Ecclesias. Sed
secundum régulas constitutas, Alexandria; qui-
dem episcopus ea qiuc sunt in .^ilgypto tantnni
gubernet. Orientisautemepiscopi. soliusOrien-
tis curam gérant, servatis honoribus prima-
tus Ecclcsiiu Antiocliena', qui in regulis Nica;-
nœ synodiconfinentur. Sed et xVsian» diœcesis
episcopi ea (|n:e sunt in Asia, et qu;e ad Asia-
nam tantunimodo Ecclesiam pertinent, guber-
nent. Pontici auiem episco[ii Ponticie tantum
diœcesis liabeant cnram ; Thraciœ veroipsius
tantummodo Thraciœ (An. 386. Can. n).»
Voilà trois diocèses anciennes, celles de
Rome, d'Alexandrie et d'Antioche; et trois
nouvelles, celles de l'Asie, du Pont et de la
Thrace. Celle de Romeest assez marquée parla
citation du canon de Nicée ; et elle est ex])ressé-
ment nommée dans le canon suivant, lorsqu'on
donne à l'Eglise de Constantinople la préséance
snr les autres, après celle de l'ancienne Rome
(Can. ui). Suciate dit que les patriarches furent
institués dans ce concile I" de Constantino|)le.
Il faut l'entendre ou de ces exarques, ou decjuel-
(jues évèciues qu'on nomma comme pour être
les chefs de la coninuuiion catholique. Ce
titre leur donna peut-être quelque rang au-
dessus d(!S autres évoques.
Saint Crégoire de Nysse, qui en était un, est
mis entre les métropolitains dans le concile de
Nectarius, lors(|u'il jugea la cause des cvèques
d'Arabie. Mais ce privilège d'être chefs de la
conuuunion fui pmunient personnel.
Revenons aux exarques : le concile de Calcé-
doine ordonna que si un ecclésiastique ou un
évèque même avait quelque différend avec son
métropolitain, il pourrait le faire juger àl'exar-
quedudiocèse, «Petatexarchumdiœceseos,» ou
à l'évèque de Constantinople fCan. ix, xxvn).
Dans ce concile le nom d'exarque est aussi donné
à l'évèque d'Antioche. Le nom d'exarque de die--
cèse avait été employé dans le concile de Be-
rith, qui fut lu dans-l'action x du concile de
Calcédoine.
XIII. Enfin ce fut dans ce même concile de
Calcédoine qu'on commença de donner le titre
de patriarche. L'empereur Théodose, dans sa
lettre à l'empereur Valentinien, et dans celle
qu'il écrivit à Galla Placidia, donna la qualité
de patriarche au pape Léon. Dans l'action ni
du concile même de Calcédoine, les quatre re-
quêtes d'un prêtre, de deux diacres et d'un
laïque contre Dioscore, furent adressées au
pape Léon, avec le titre d'archevêque univer-
sel et de patriarche, ou de patriarche œcumé-
nique (Concil. Chai. part, i, c. 29, 30). Les re-
quêtes hirent lues dans le concile auquel elles
étaient adressées. Le nom de patriarche fut
encore donné à ce pape dans les acclamations
du concile, et ne fut donné (|u'à lui seul. « Leonis
multi anni, patriarcha^ miilti anni , îrjTvâpxou
•:;ox~Aà -k ï-rr,. n On ne peut nier néanmoins
que dans l'action u de ce concile les ma-
gistrats qui y assistaient n'aient nommé les
autres exarques, patriarches des diocèses.
XIV. 11 y a donc bien de l'apparence que
comme le nom d'archevêque avait commencé
par les évêques d'Alexandrie, puisqu'on lit ce
terme même dans saint Athauase (Athan. Apol.
2. p. 612. édit. Commet) ; aussi le nom de pa-
triache commença jiar le pape, et se communi-
qua ensuite à tous les exarques ou primats ;
en sorte qu'avant la fin du cinquième siècle il
fut commun aux cinq premiers évêques de
l'Eglise.
Je compte pour rien l'attribution qui fut faite
du patriarche œcuménique à Dioscore dans le
faux concile d'Ephèse (In subscript. Olympii
Ejtisc. evazorum).
Il ny a nulle apparence au reste que l'Eglise
ait emprunté ce nom de pahiarche des pa-
triarches des Juifs, et encore moins de ceux des
Montanistes dont paiie saint Jérôme. (Hier.
Ep. ai. Socrat. 1. v, c. 8 . Socrate avait donné
la qualité de patriarches aux exarques des
diocèses ou aux chefs de la communion établis
DES TITRES DE PAPE. DAPOTIŒ, ETC.
dans lo (.oiicile iK; (iouslaiitiuoiile. Naziaiizcn.
orat. 30, il, 1-2). Saint Grégoire de Nazianze et
saint Gréiroire de Nysse avaient aj)i)elé patriar-
eiies les plus illustres évèques de leur teni[)s
connue les com[>arant aux patriarches du Vieux
Testament dont ils faisaient revivre les vertus
Nyssen. orat. de niagno Episc.). 11 y a (luelcjue
loudenienl de croire (jue c'est plutôt de la (jue
l'usage de ce terme est entré dans l'Eglise.
Ouant au titie de i*ape, nous en [larlerons ci-
dessous dans le chapitre suivant, qui compren-
dra le temps où il commença d'être uni(iue-
ment afi'ectti au chef de l'Eglise universelle.
CHAPITRE QUATRIÈME.
OIE LES TITRES GLORrErX DE PAPE , d'aPÔTRE , DE PRÉLAT APOSTOLIQUE , DE SIÈGE APOSTOLIQUE ,
ONT ÉTÉ AUTREFOIS COMMUNS A TOUS LES ÉVÈQUES, ET QU'iLS ONT ÉTÉ NÉANMOINS SINGULIÈRE-
MENT ATTRIBUÉS AU PONTIFE UO.MAIN.
I. Ces titres marquent une puissance toute céleste et une
sainteté toute divine.
II. Tous les évèques de France nommés papes, et leurs évè-
cliés sièges apostoliques.
m. On y distingue pourtant les singulières prééminences du
siège romain.
IV. Nos évêques s'appellent serviteurs des serviteurs de
Dieu, et les rois même leur donnent le nom d'apostoliques.
V. En Espagne les niètropolilains passent pour sièges apos-
toliques, sans rien diminuer de la supériorité du pape.
VI. Les papes reconnaissent l'unité et l'égalité de l'épis-
copat par rapport à l'adorable Trinité, sans blesser la subordi-
nation.
VII. En Afrique le litre d'apostolique donné à l'évèque de
Carthage.
VIII. Le pape précède te patriarche de Constantiaople, dans
Constantinople même.
IX. Cette préséance reconnue dans les conciles.
X. Du nom de pape, et quand il fut affecté au pontife ro-
main.
I. Il faut d'abord confesser que le nom de
pape, d'apôtre, de prélat apostoli([ue, de siège
apostolique, a été encore commun à tous les
évèques, même durant ces trois siècles qui se
sont écoulés depuis le règne de Clovis jusqu'à
l'empire de Charlemagne ; quoique ces titres
éclatants de gloire et de sainteté aient été et
idus souvent et plus particulièrement attri-
bués aux successeurs de Pierre dans le siège
romain, et aux vicaires de Jésus-Christ en
terre.
Ce sont les deux points importants i[ue nous
tâcherons d'établir dans ce chapitre, pour la
gloire de l'épiscopat universel et pour la préé-
minence du chef et du centre de l'épiscopat.
Car ces noms augustes ne sont pas comme ces
titres vains et superficiels dont l'orgueil des
hommes se repaît ; ce sont des marques solides
Th. — TO.ME 1.
d'une puissance toute céleste, et d'une sainteté
toute divine.
IF. Fortunat, qui fut depuis évèque de Poi-
tiers, écrivant à Euphronius, évèque de Tours,
le traite de sainteté, d'apostoli([ue, de pape :
<i Domino sancto et meritis apostolico domino
Euplironio papœ, etc. Apostolice et peculiaris
Domine et Pater, etc. Apostolatui vestro me
commendans, etc. Sanctitati vestr» me com-
mendans, etc. (L. ni, Poemat. et Opusc.) » Et
écrivant à Félix, évèque de Nantes : « Domino
sancto et apostolica sede dignissimo Patri, Fe-
lici papfe iL. iv). » Et dans celle qu'il écrit à Avi-
tus, évèque de Clermont: « Domino sancto et
ai»ostolicisactibusprœconando (Gregor. Turon.
1. IX, c. 42). » Et dans celle à Syagrius, évèque
d'Autun : « Domino sancto et apostolica sede di-
gnissimo.» Et la reine sainte Radegonde dans
sa lettre aux évèques : « Dominis sanctis et apo-
stolica sede dignissimis Patribus (Baron. An.
190, n. 29). »
m. Saint Avit, évèque de Vienne, donne à
révêque de Jérusalem ces titres avantageux de
pape, d'apôtre et de prince dans l'Eglise uni-
verselle : « Papœ Hierosolymitano. Exei'cet apo-
stolatus vester concessos a divinitate primatus,
et quod principem locum in universali Eccle-
sia teneat, non privilegiis solum studet mon-
strare, sed meritis 'Epist. xxiii . »
Mais ce savant prélat sait bien faire la diffé-
rence du pape et des autres évèques de l'Eglise,
lorsiiue dans une autre lettre, il l'appelle sim-
plement le pape : « De his quœ papie dicebantur
objecta (Epist. xxxi) ; » il ne veut pas que les
2
18
DU PREMIER UKDKE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRIÈME.
Romains soient nioin? passionnés pour lu |iri-
mauté ecclésiastique du siège de Pierre, que
pour l'empire de Rome sur tout le monde :
«Nec minus diligatis in Ecclesia vestra sedeni
Pétri, quani in civitale apicem mundi. »
Enfin il juge qu'en la personne du pape
l'on attaque ou l'on défend, non pas un évèqiie,
mais lépiscopat universel: « At si papa lu'bis
Aocatur in dubium, episcopatus jani videbi-
tur, non episcopus vacillare. » Aussi il pro-
l(!ste (jne le jiaiie Synnnaque devait être jugé
par le juge et le pasteur éternel, qui lui avait
confié toute son Eglise : «Reddet rationem qui
ovili Dominico pr;eest, qua conunissam sibi
agnorum euram administratione dispenset.
Caeteruni non est gregis propriuni pastorem
terrere, sed judicis, etc. Qua ratione vel Icge
ab intérioribus judicetur. »
Le synode romain était entré dans ces mêmes
sentiments, lorsqu'il avait renvoyé à Dieu le
jugement de la cause de Symmaciue : « (^au-
samquam pêne temere susceperat in(]uirentlani
divine potius servavit examini. » Après cela on
jugera bien en ([uel sens il faut pi-endre ce
(|ue le même Avitus écrit au |iatriarclie de
Constantinople, « papœ Constantinopolitano, »
(jue le pape et lui sont comme les deux princes
des ajjntres, et comme les deux astres Inillants
du ciel de l'Eglise : « Velut geminos a|iostol(>-
rum principes, etc. Velut in cœlo positum reli-
gionis signuin, ])ro gemino sidère (Epist. vu). »
Ce Père sa\ail bien qu'entre les asires il n'y
en a (pi'im (|ui soit le dispensateur du jour et
le père de l'univers, et ciu'entre les aitôlres
Pierre siuil ètiùt le chef, comme le prince des
princes de l'Eglise : « Sic (|uondam Petrus
apostolornm caput, id est, principum prin-
ceps (In fragment. i)ag. -ir)')). »
IV. Didier, évèque de Cahors, ne prenait
dans ses lettres que la qualité humble et sain-
tement glorieuse de serviteur des serviteurs de
Dieu, « servus servorum Dei, » qualité émanée
du roi de gloire, (jui est vAui servir ses esclaves,
« non venit minislrari, sed ministrare (Malth.
XX, 2S) : Ego in medio vestrum sum, sicut (pii
ministrat(Luc. xxu, ±1): » aussi est-elle enfin
demeurée à celui qui est plus particulièrement
i|uc les aulres son vicaiic dans loule la Ici le,
l'tqui doit èlre aussi singidierement rimilateur
de son liumilité, (pi'il est le dépositaire de sa
puissance.
Miiis ci^t évèque donne à ses confrères les
mêmes lilics d'honneur dont nous parlons.
« Aposlolico patri, Dadoni papœ (Biblioth. Pair,
lom m. p. 413, etc). » Et à un autre évèque :
« Rogo aiiostolicam dignafionem vestram (E-
pist. X, xij.» Il les reçoit aussi d'eux: «Aposto-
lica sede dignissimo patri, et papae (Ibid. Ep. i,
ni, vi).» Les rois même honoraient les èvêques
de ces éniinentes qualités : « Apostolica sede
dignissimo patri paj)» Desiderio, Sigebertus
rex. Domino sancto et apostolico in Christo
patri Desiderio Sigebertus rex. (Ibid. Ep. ix,
xvM.) )) Ce sont les mêmes termes dont se servit
le roi Childebert, écrivant au pai)e : « Domino
sancto et apostolica sede colendo in Christo
])atri, Joanni ejjiscopo Childebertus rex (Quer-
cet. Hisl. Franc, tom. i, p. 803).»
Le grand Clovis écrivant aux évêques de son
royaume , en 308, usa de mêmes termes :
« Orale pro me , domini sancti, et apostolica
sede dignissimi papae.» Charles, maire du palais,
rend le même honneur à tous les évê(]ues, en
leur reconniKuidanl le légat du pajie saint Bo-
niface : « Dominis sanctis et apostolicis in
Christo patribiis episcopi, etc. (Bonifacii Mari,
et Archiep. Epist. xxxu). «Mais les conciles III.
IV et V d'Orléans, et le II de Clermont ne don-
nent la qualilé de siège apostolique qu'àFEglise
de Rome.
V. Isidore, évèque de Sèville, place tous les
jiatriarches et tous les archevêques dans le
trône apostolicjue : « Patriarcha grœca lingua
sumnnis paier, (|iiia primum, id esl, apostoli-
cum iclinet locum. Archieiiiscopus gnecc,
sumnms episcoporum, tenet enim vicem apo-
stolicam (Origen. lib. vu, c. 2). »
Et en un autre endroit il fait monter tous les
évêques sur des sièges apostoli(pies : « Si qui-
dem et cieteri apostolornm Petro par consor-
tium honoris et iiufestatis acceperunt, ipii
etiam in loto orbe dispersi Evangelium pnedi-
caverunt; quibusque decedentibus successe-
runt episcopi, (\m sunt constituti per totuni
iiumdîim in sedibus apostolorum (De offic.
Eccl. 1. n, c. 5). »
Mais ce pieux prélat n'a pas ignoré la prèfé-
icnce que ,I.-C. a donnée à saint Pierre sur les
aulres apôtres, en le substituant en sa propre
place (Ibid.) : «Innove Testamcnto, post Chri-
stum, sacerdotalisordo a Pedro apostolocœpit,
ipsienim primusdatus esl poidificalus in Eccle-
sia Christi. Sic enim ad eum Dominus : Tibi dabo
claves regni cœlorum (Epist. ad Eugen. Episc.
Tolet. pag. ()97). « Et dans un autre endroit :
«Quod vt^rodc pari litateagitur apostolorum, Pe-
DES TITUES UE l'Al'E, D'APOTKE, ETC.
1!)
truspr,TomiiiPtcri'l('ris,(|iiial)()iiiin();uKlireiiu'-
niit : Tu os l'clnis, clr. l'ascc ajiiios iiu'os, elc.
Ilonorein pontificaliis in Cliris-li Ecclesia pri-
mas susccpil. Ciijiis difiiiitas polcsiaiis etsi ad
oimies catliolicdfiini cpiscopos est transfusa,
specialius tainen Roniano antisliti, singnlari
(|uodan] privilejiio, velut capiti, ca^leris nuin-
Ijiis colsior pernianet in a>terniun. Quid igitur
debitani ci non exliibet reveri'nterobi'dientiam,
a capite sejnnctus, acci)lialornni sciiisniati se
reddit olmoxiuni (Si)icil. i, p. 313. Edit. 1723,
t. ni p. 31()\ » Idalus, évt'uue de P.aieelene,
écrivant a l'archevêque de Tolède : « Juliano
Toletanœ primce sedis apostolo. »
VI. Le pape Symniatiue exprime admirable-
ment cette égalité et cette unité de l'épiscopat
et de l'apostolat, entre le pape et tous les évè-
ijues, sans blesser le moins du monde l'obli-
gation indispensable qu'ont les inférieurs d'o-
béir aux ordres de leurs supérieurs, par
l'exemple de l'adorable Trinité des personnes
divines, où légalité subsiste nonobstant les
origines, les émanations, et les missions incom-
prébensibles, et où l'unité règne dans l'ordn; :
« Nam dum ad Trinitatis instar, cujiis una est,
atque iudividua potestas ,unum sit per diversos
antistites sacerdotiuni : quemadmodum prio-
rum statuta a sequentibus convenit violari '?
(Epist. I Symmachi). »
Le pape Hormisde prescrivit, et tous les
évêques de l'Orient souscrivirent après le pa-
triarche Jean de Constantinople, un fornni-
laire de foi et de communion catholique, où
entre autres articles remarquables celui - ci
était digne d'une particulière attention ; que
comme toutes les Eglises ne font qu'une Eglise,
aussi tous les trônes de l'apostolat et tous les
sièges de l'épiscopat ré[)andus par toute la terre
ne font qu'un seul siège apostolique, insépa-
rable du siège de Pierre : « Sanctissimas Dei
Ecclesias, id est, superioris vestne, et novelUc
istius Roma' unam esse accipio : illani sedem
apostoli Pétri et istius augustœ civitatis unam
esse definio ( Inter Epist. Hormisdœ post
epist. XL). Le diacre Rustique, dans sa dispute
contre les acéphales, dit que cette confession
fut souscrite par deux mille cinq cents prélats
de l'Orient.
VII. L'Eglise d'Afrique, quoiqu'opprimée en
ce temps par la domination des Vandales .
nous fournit des exemples de cette pratique.
Voici le commencement d'une requête présen-
tée à Boniface, évêque de Carthage, |)ar les reli-
gieux et lenrabiié dans un concile de Carthage
tenu en .')-2.") : « Uogaïuus, beatissime l't ajioslo-
lica dignitate pra'dite, Christi venerandi' |ii>iili-
fex, etc. Tui apostolatus oi'alionibus nos com-
niendainus, etc. (Spicilegii, toni. vi, p. 2, 3,<i.
Edit. 17-23, tom.i, p. 482).»
il esl fort probable qu'on avait égar<i à l'au-
torité de l'évèque de Carthage sur tous les évê-
ques de toute rAfri(iue : « Ut tant<e sedis quit
|)rimatum totius Ecclesiœ Africœ tenere cogno-
scitur defensione muniti, etc. » Aussi ces reli-
gieux, s'élant mis sous la protection derévèipie
de Carthage, s'exemptaient de la juridiction des
évètjues diocésains, connue nous le dirons dans
la suite.
Vlll. Mais 011 sait que dans cette égalité et
cette unité de l'apostolat et du siège de Pierre,
dont tous les évè([ues ont une portion, ils cé-
daient tous à celui de Rome, comme au suc-
cesseur particulier de Pierre, et comme au chef
de tous les évêques. Aussi saint Fulgence, évo-
que de Rus[)e en Afrique, reconnut l'Eglise de
Rome comme le chef de toutes les autres, parce
qu'(;lle avait recueilli la succession tout entière
de Pierre et de Paul : « Duoruni niagnoruin
luminarium Pétri et Pauli verbis, tanquam
splendentibus radiis illustrata, eorumque de-
corata corporibus, Romana, quœ niundi caput
est, Ecclesia (L. de Incarn. et Gratia). » Et
Possesseur, évèque d'Afrique, écrivant au pape
Hormisde, le reconnaît comme le principal
successeur de saint Pierre : « Quis majorem
circa subjectos sollicitudineni gerit, aut a quo
magis nutantis fidei stabilitas expecfanda, quam
ab ejus sedis prœside, cujus primus a Cliristo '*'
rector audivit : Tu es Petrus, et super banc
petram, etc. (Inter Epist. Hormisdae ). »
Quand à l'Orient, le pape Jean , successeur
d'Hormisde, étant allé à Constaiitinoi)le, et y
ayant rencontré dans le siège patriarchal Epi-
phane, successeur de Jean, il prit toujours le
dessus dans Constantinople même : « Joannes
Byzantium veniens et invitatus ab Epiplianio
patriarcha, nonconsensit, usquequo Epiplianio
praesideret, utpote papa Romanus ». Voila ce
qu'en dit Anastase, bibliothécaire, dans son his-
toire, après Théophane dans sa chronogra-
pllie, £t y.aT£^£^c-TO, £w; »vC=xx6iC£v 'E'TTiîpaViûu o *PoJar,ç.
Le comte Marcellin lui donne la droite :
« dexler dexteroEcclesiœseditsolio. » Le même
Théophane dit un peu plus bas, que le nom du
patriarche de Constantinople Menas, qui était
le premier dans les dyptiiiues sacrées de Cous-
■20
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUIÈME.
laiitiii(i|il(\ fut rc'cul('' jifiur faire place à celui tlu
|ia|)e \ iiiile, qui y fut (''crit et récité le premier.
JX. Dans le sixième concile le nom de pape
semble être réservé au pontife romain, avec
(les manjues évidentes de préférence sur l'évè-
(jue de (k)nstantinople, (pii y est appelé pa-
triarche, et sur celui d'Antioche, qu'on nomme
archevêque : « Agathoni orthodoxo papte, mul-
tos annos, etc. Georgio orthodoxo patriarchic,
multos annos. etc. Audiens Macarius archiepi-
scopus Antiochœ, etc. (Act. 8). » Ces mêmes
distinctions s'y [)euvent souA'ent observer.
La lettre synodale au pape porte cette ins-
cription : M S. E. Papœ senioris Romœ, etc. »
11 est vrai (jue les inseri|)tions des cint] exem-
plaires des actes du concile, envoyés aux ciu(i
premiers sièges de l'Eglise, donnent la qualité
de siège ajiosfolique à celui de ConstantinopK',
et à celui d'Alexandrie, aussi bien qu'à celui
de Rome ; mais il n'y a que celui de Rome qui
soit apfielé le siège de Pierre, comme celui
d'Alexandrie le siège de Marc : « Ajiostolicie
sedi saneti et principis apostolorum Pétri, sive
Agathonis papœ, etc. » Aussi ce concile aban-
donna à la volonté et à la disposition du pape,
Maeaire, jiatriarche d'Antiodie, et les autres
sur ([ui leur opiniâtreté dans l'hérésie avait
attiré une sentence de déposition : « Probationi
sanctissinii papa' tratlili sunt. »
Quelc|ue égalité que les évè(jues du sNiJode
m Triillo aient voulu établir entre le pape
et le patriarche de Constantinople : « œ(jualia
pri\ ilegia, » ïsmv -T^izai-iiio», ils ont reconnu eux-mê-
mes que celui de Constantinople n'était que le
second : « utqui sif secunduspost ilium ^Synodi
Trullanae, c. 3(1). » Aussi les évèques de Cons-
tantinople n'en avaient jamais eux-mêmes pré-
liiKhi davantage, ni dans le premier concile
de Constantinople, ni dans celui de Calcédoine.
X. Pour dire encore quel(|ue chose du nom
de pape, outre ce que nous venons d'en dire,
nous pouvons remarquer que le nom de i)ape
qui avait été commun à tous les évêques, de-
uieura affecté au pontife romain vers le com-
mencement du sixième siècle. Libéral l'appelle
bien ([uelquefois l'èvêque de Rome ou le pape
de Rome. Mais depuis le pape Agapet, il lui
donne simplement le nom de jiape. « Aga-
petus papa cu'ilinatur, etc. (C. 18). Papa Con-
stantinopolin profectus est, etc. (C. 21). Augusta
papœ minas intentante, in hoc papa pcrsti-
tit, etc. Tune papa Menam urdinavit {C. 2-2). »
Quand il raconte l'exil du pape Sylvestre à
Patare, il fait parler l'èvêque de Patare même
a l'empereur eu ces termes : Qu'il y a plu-
sieurs rois dans le monde, mais qu'il n'y a
qu'un pape : «Multos esse diccns in hoc mundo
reges, et non esse inium sicut ille papa est su-
per Ecclesiam totius mundi. »
Le concile sixième, ]>arlant à l'empereur, ap-
pelle Agathon le père counnun et le souverain
[lape : « Sanctissimi patris nostri, et summi
pap;c (Actio. 18). » La lettre synodale est aussi
adressée au pape de l'ancienne Rome. « Papic
senioris Rom», n Le même empereur écrivant
au pape Léon II l'appelle archevêque île Rome
et « pape œcuménique. »
En voila assez pour faire connaître (|ue l'u-
sage avait déjà réservé au pape seul le titre de
pape dans l'Orient et dans l'Occident; en sorte
que si l'on trouve encore îles exemples con-
traires après cela, ce n'est que parce que l'u-
sage n'établit les choses qu'avec lenteur, et
qu'à peine peut-on trouver un usage si univer-
sellement reçu, ([u'il n'y ait encore (pielques
exceptions contraires : comme dans le concile \'I
Cyrus d'Alexandrie est encore appelé pape (Ci-
après, 1. I, c. 50, n. 14).
>
CHAPITRE CINQUIÈME.
L'iNION et la COIUtESPOXDANCE DES PAPES AVEC LES EMPEUEtltS , LES ROIS ET LES ÉVÈQLES DE
france, également glorieuse et avantageise aux l'ns et al x al tres, pendant le règne de
ciiarlemagm: lt de ses descendants.
I. La grandeur de l'Eglise romaine et la majesté de la
inonarohie française ont des correspondances mutuelles et des
liaisons Irès-éiroites.
II. Nonienoy, duc de Bretagne, ne put s'élever contre nos rois,
saus armer coutre lui loute l'autorité des évéques et du
pape.
III. Le roi Charles le Chauve maintenu contre les desseins
ambitieux du roi son frère par les évêques et le pape.
IV. La religion affermit les trônes, en affermissant les sujets
dans l'obéissance.
V. Les évéques ont quelquefois besoin d'être soutenus de
l'autorité du pape.
L'IINION DES PAF'F.S AVEr. I.KS EMPRUElIiS. KTC.
21
VI. Hinciiiar éprouva et confessa qu'il était avantageux
pour la sûreté des évèqucs, de ne pouvoir être cnticrcnienl
déposés, sans l'inlenentioa du pape.
VII. .\utrcs exemples dans l'Occident et dans l'Orient, que le
Siège apostolique est raffermissement de tous les évèques dans
leurs trùnes.
VIII. Le pape était le lien de la paix et le médiateur des
alliances entre les deu.\ empires.
IX. Hincmar confesse que l'Eglise romaine est la Jérusalem
du Nouveau Testament, qu'il faut consulter dans les questions
douteuses.
X. Il fait voir la nécessité que les grandes questions qui
naissent dans les royaumes particuliers se traitent en commun
sous le chef de toute l'Eglise.
XI. Il croit que le pape peut dispenser et faire grâce après
que les évèques ont jugé selon la rigueur des canons.
XII. Suite des sentiments de Hincmar sur la majesté et l'élé-
vation du Saint -Siège.
XIII. Sentiments de Foulques, son successeur, et d'Alcuin.
XIV. Réflcsions sur la créance qu'on donna par le monde à
la prétendue donation de Constantin, qui revêtait les papes des
rayons de la majesté impériale.
XV. Charlemagne consulte les papes dans les doutes impor-
tants de la religion. Il eût été utile aux empereurs de l'Orient
d'être ses imitateurs.
XVI. Du schisme de la .Maison Impériale sous Louis le Dé-
bonnaire, qui partagea aussi les évèques.
i. Il semble ([ue la Providence divine n'ait
élevé à l'empire la royale famille de Charlema-
gne au même temps qu'elle voulait purter au
comble de la gloire le trône a|)ostolique de son
Eglise, qu'afin de faire connaître par une rencon-
tre sisinguliereet si éclatante, que la grandeur
de l'Eglise romaine et l'élévation de la monar-
chie française ont des liaisons très-étroites et
des correspondances mutuelles.
On ne doute pas que la puissance temporelle
des papes ne soit un effet de la libéralité et de
la lii'otection toute-i)uissante de nos rois : mais
j'espère de faire voir dans la suite de ce traité,
([ue c'a été aussi par leur piété vraiment chré-
tienne, par leurs lois et par leurs religieuses
déférences que l'autorité spirituelle du Saint-
Siège a été plus glorieusement maintenue, et
plus profondément respectée qu'elle n'avait
jamais été.
11 nest pas facile de renfermer dans un
cliai)itre un si riche sujet, qui demanderait un
livre tout entier. Mais comme nous n'avons
pas pu l'omettre tout à fait, aussi nous n'avons
pas di'i nous y étendre davantage; puisque
quelque vaste que soit cette matière, ce n'est
qu'une partie de celle que nous nous sommes
proposés d'éclaircir.
11. Nomenoy, duc de P.retagne, s' étant en
même temps révolté contre deux puissances
dont il jugeait les droits et les intérêts insépa-
rables : celle du saint Siège, et celle de la cou-
roime de France, les évèques du IV concile de
Tours lui écrivirent ([u'en refusant de recevoir
les lettres et les légats du Saint-Siège il avait
otl'ensé toute la chrétienté, dont il avait méprisé
le chef, et avait attiré sur lui l'itidignation de
tous les évèques, les(]uels étant les successeurs
des apôtres, èt^iieiit aussi intéressés dans la
cause et dans l'offense du prince des apôtres:
« Omnem hesisti Christianitatem ; dum vica-
riuiu H. Pétri aimstolicnui, cui dédit l»eus
primatum in omni orbe terrarum, sprevisti,
etc. Ne litteras (juidetn ipsas recejjisti. In eo
igitur hesisti a])Ost(ilos , quorum est princeps
Petrus ; hesisli episcopos, qui jam cum Ueo
régnant in cielis et miraculis coruscaut in
terris: hesisti et nos, ijui etsi non habemus
eorum merituiu, idem tamen divina gratia
possidemus officium.» Ces lettres du pape ten-
daient à faire rentrer ce rebelle dans son
devoir et dans l'obéissance de nos rois (Au.
Christ. 349;.
III. Les évèques du concile de Crècy rendi-
rent inutiles les sollicitations de Louis, roi
d'Allemagne, (jui tâchait de les débaucher de
l'obéissance du roi Charles le Chauve , son
frère, en lui représentant que le roi Charles le
Chauve avait été sacré par les évècjues, et re-
connu par les lettres du Saint-Siège : « Cum
illis archiepiscopis et episcopis, qui consensu
et voluntale populi regni istius doinnum
nostrnni fratrem vestrum unxerunt in regem,
sacro chrismate , divina traditione : quemque
sancta Sedes apostolica mater nostra lilteris
apostolicis ut regem honorare studuit, et con-
flrmare (Ann. 858). »
IV. Ces deux exemples nous découvrent la
vérité de ce que le pape Nicolas I" écrivit au
même roi, Charles le Chauve, que les avan-
tages du Siège apostoliiiue sont le soutien et
ratfermissement ., non-seulement de toutes les
autres Eglises, mais de toutes les grandeurs et
de toutes les puissances de la terre ; parce que
la religion qui les fait regarder comme divine-
ment établies, les fait aussi iiirmiment plus
res[)ecter que la force et la terreur des armes :
« Privilégia namque Romauœ Ecclesiœ, totius
sunt Christi, ut ita dicamus, remédia Ecclesia^
catholicaî. Privilégia, inquam. Pétri arma sunt
contra omnes impetus pravitatum, et niuni-
mentaatquc documenta Uominisacerdolum, et
omnium prorsusqui in sublimitaleconsistunf,
imo cunctorum qui ab eisdem potestatibus
diversis afliciuntur incommodis Epist. xxx;. »
y »
UU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAl'lTliE CINQUIÈME.
C'est néaninoins bien iilus souvent aux puis-
sances ecclésiastiques que la protection du
Saint-Siège est nécessaire.
V. Lesévèques du concile II de Troyes con-
jurèrent le pape Jean Vlll, avec les termes les
plus liumbles et les plus respectueux, de sou-
tenir de sa souveraine autorité la sentence
dexconnnunication qu'ils étaient prêts de
lancer sur les usurpateurs des biens de l'E-
glise, dont l'audace effrénée ne pouvait être
réprimée par le seul pouvoir des évêques :
« Nos famuli ac discipuli vestrœ autorilatis,
etc. Vcsfra antoritate nobis subveniri cum
onnii mentis liuniilitate deposcimus, ut cen-
sura apostolicœ Sedis muniti, robustiores et
promptiores deinceps contra ecclesiasticarum
reruni raptorcs sacrique niinisterii episcopalis
conteniptores, nos successoresque nostri jier
sistere valeamus (Ann. 878). »
: VI. Nous parlerons ailleurs de l'assistance
que les têtes couronnées ont (jnelquefois été
obligées de demander au vicaire de J.-C. sur
la terre, afin de soutenir leur trône chancelant.
Je m'airèterai ici à considérer comment les plus
grands évêcjues di; l'Eglise n'ont pas cru |iou-
Toir mieux affermir leur auguste dignité ,
qu'en conjurant les papes de maintenir leurs
anciens ])riviléges , en ne permettant point
qu'on pût les déposer, sans la partici|ialioii du
Siège apostoli(iue. llincmar , arclievêipie de
Reims, (jue l'empereur Lothaire avait autre-
fois tâché de di'trôner, afin de rétablir Elibon
en sa place, écrivit lui-même en cette sorte au
pape Nicolas, avec cinq autres métropolitains
et plusieurs évêcjues français du concile de
Troyes : « Summiss;c devotionis obsetiuio
♦• vestri apostolatus exoramus magnificam beati-
tudinem, ut more pra'decessoruni vestrorum,
(pia" de statu sacri |)ontificalis ordinis ab eis
statuta et imprœvaricabili autoritate lirmata
sunt, ut iinmota deea'tero maneant : nmcrone
a|iostolico quorumcuuKiue metropolilaninuin
temeraria prœsumptione suppressa, etc. lia ut
nec vestris, ncc f'uturis temporibus, pra-ter
consultum Romani pontilieis de gradu suo
(luilibet episcoporum dejiciatur, sicut corum-
dem antecessorum vestrorum multiplicibus
decretis et numerosis jirivilegiis slabililum
modis mirificis extat. Videlicet ne ali(|ua Aa-
riotate et vilitate sumnuis ordo diaboli adnii-
nistratione nutare,aul irregulariter labefactari
sinalur (Ann. 8(17). »
Ces évêques avaient reconnu par leur jtropre
expérience, (pie leur dignité serait aussi incer-
taine et aussi flottante que la faveur des
princes, si elle n'était appuyée sur l'immo-
bilité de la pierre, et si elle n'était protégée
par celui pour (jui les souverains ont bien
d'autres égards que pour les évêques qui sont
leurs sujets.
Le roi (liiarles le Chauve ne disconvenait jias
de cette vérité, lorsqu'ensuite du même con-
cile de Troyes il écrivit au pape Nicolas, que
l'empereur Louis le Débonnaire n'avait pu
(iriver Ebbon de l'archevêché de Reims, sans
le consentement du pape Grégoire, a cpii il en
écrivit, et dont il n'est pas vraisemblable qu'il
ait obtenu le consentement, puis(]u'il ne donna
point de successeur à Ebbon ; ce qui facilita le
rétablissement d'Ebbon après la mort de Louis
le Débonnaire : « Domnus imperator Gregorio
pap» dirigit, ejus assensum, si fieri posset, in
deposilione Ebbonis expostulans, etc. Credi-
nms, quia si in abjectionem Ebbonis domnus
imperator ])r;rdecessorem vestrum fautorem
habuisset, continuo vacanti Ecclesiœ illi alium
pontificem subrogasset. »
Vil. Aussi le pape Nicolas remontrait aux
évêques qu'ils étaient les plus intéressés de
tous à défendre les prééminences du Siège
apostolicpie, dans lesquelles ils trouvaient leur
propre défense ; et sans lesquelles ils avaient à
appréhender les mêmes attaipies ipii avaient
renversé l'évèciue Rothald : « Privilégia Sedis
aiiostolica' legmina sunt, ut ita diraniu? , to-
tiusEcclesia' catholicœ. Privilégia, inqnam, hu-
jus Ecclesia' munimina sunt contra onines im-
petus pravitatmn. Nam quod liothaldo liodie
contigit, unde scitis, quod cras cuilibet non
eveniat vestrum (Ep. xxxu) ? «
Ce grand jvape ajouta (ju'il était prêt de
verser son sang povu' la défense de ces privi-
lèges, et il rendit un illustre témoignage de
cette magnanimité vraiment apostolique .
(]uand il déposa Pliotius, usurpateru- du trône
pafriarchal de Constantinople rétablit Ignace,
sépara de la communion le sénat et l'empe-
reur (pu avaient conspiré contre leur pa-
triarche, et envoya ces lettres à tons les pa-
triarches orientaux, comme autant de trophées
d'ime générosité incomparabl(> dans une su-
pivuie autorité : « Pliotium tyranuum pro-
uuntiat et deponit, asseclas illius, ipsumi|uc
imperatorem cum senatu ejus onmi, per litte-
ras à cœiu fidelium excludit. Qu:v Nieolaus
cum di\ino zelo inflammatus egisset, aMjuissi-
-"W
L'UNION DES PAPES A\TC LES EMPEREIlîS, ETC
23
iiKUii judicii siii sonii'iiti.iin ad Ori(Milis|)atriar-
chas traiisiiiisit iNicolas in \ila l^natii . »
VUE Cette autorité souveraine n'éclatait pas
moins dans les respects et les déférences . ipie
les rois et les empereurs de la terre faisaient
paraître envers le Saint-Siège dans les occa-
sions importantes. Le pape Grégoire III , ré-
pondant avec une fermeté toute sainte aux
insultes violentes et aux menaces de Tem-
pereur Léon, qui fut le premier ennemi des
saintes images, il lui déclara d'abord , que si
les rois d'Occident avaient encore quelques
sentiments de respect pour l'empereur de
Onistantinople, pour ses lettres et pour ses
images, ce n'était que par la complaisance
((u'ils avaient pour le Siège apostolique; que
les pontifes romains avaient toujours été les
médiateurs de la paix et de la bonne intelli-
gence entre l'Orient et l'Occident; enfin (juc
tous les souverains d'Occident regardaient
saint Pierre dans la personne de ses succes-
seurs, avec la même vénération que si c'était
un Dieu sur la terre.
« Testis est Deus, quascumque ad nos misisti
epistolas auribus cordibuscpie regum Occiden-
lis obtuliuuis. pacem illorum tibi ac benevo-
lentiam conciliantes, teque laudantes ac miri-
fice etVerentes. Idcirco etiam laureaii tua re-
ceperunt, etc. Scire debes pontifices qui pro
temjtore Rom;e luerunt, conciiianda? pacis
causa, sedere tanquam parietem intergerinum,
seplunKjue medianum Orientis et Occidentis,
ac pacis arbitros et moderatores esse, etc.
Sanctum Petrum omnia Occidentis régna velut
Deum terrestrem habent, etc. Totus Occidens
sancto principi apostoloriun fuie fructus
offert ;ln anteactis Nicœn;e secund;e synodi;.»
La vérité de ces propositions parut avec encore
bien plus d'éclat, lorsque Charlemagne par la
pureté de sa foi, et par sa bonne intelligence
avec les pontifes romains, attira le secours
tout-puissant du ciel, ([ui le combla de tant de
victoires et soumit à son obéissance presque
tout l'Occident.
Le pape Adrien fit espérer l'amitié de ce
prince à l'empereur de Constantinople Cons-
tantin, lils d'Irène, s'il voulait rétablir dans
l'Orient l'ancien culte des saintes images :
(' Sicut Carolus, rex Francorum et Longobar-
dorimi et iiatricius Ilomanorum, nostris ob-
temperans monitis atque adimpkns in omni-
bus voluntates. omnis Hesperia> Occidua'([ue
partis barbaras nationes sub suis prosternens
conculcavif pcdibus. (inuiipntriii.-ilnut ilNiruiii
domans, et suo subjiciensregno adunaxit (AcI.
■■2. Xicani. syn.2). »
Anastase , bibliotbécaire , raconte ipi'il fut
en même tenqisenvoyé àC.onstantinople counni!
ambassadeur de l'empereur Louis, et connue
légal du pape Adri<'n II. pour trailiT du ma-
riage entre le fils de Louis et la fille de l'em-
pereur Basile de Constantinople. Il assun;
que la médiation du pape était absolument
nécessaire pour conclure une atfaire,si néces-
saire et si avantageuse à la paix des deux em-
pires, et à la liberté de l'Eglise universelle:
« In tam pio enim negotio, et quod ad utrius-
que imperii unitatem, imo totius Christi Ec-
desia; libertatem pertinere proculdubio crede-
batur, praîcipue summi pontificis veslri quœ-
rebatur assensus fin pratfat. Act. synodi). »
IX. Le savant Hincmar, archevêque de Reims,
nous apjirendra encore mieux quels ont été les
sentiments des plus grands et des plus habiles
]>rélats touchant les prérogatives de LEglise
romaine pendant ces deux ou trois siècles.
Hincmar reconnaît lui-même (]ue l'Eglise ro-
maine jouit des mêmes prééminences parmi
les lldèles. dont Jérusalem jouissait parmi les
Juifs :« Privilegium quod Jérusalem propler
infidelitatem et negationem Filii Dei pcrdidit.
bac confessione beatri Pétri jjromeruit, et non
ab homine. neque per hominem. sed per Jesum
Christum, sicut Petrus et Paulus aposlolalum.
itaet ha?c sanctaSedes onmium civitatum mc-
ruit principatum Tom. i, p. loO). »
Or. comme toutes les difficultés inqiortanles,
soit pour la doctrine orthodoxe, soil pour les
uKinirs, devaient être raiiportèes. selon la loi
de Moïse, au jugement du souverain pontife
et du suprême tribunal de Jérusalem, ainsi
Hincmar assure que c'est du Siège de saint
Pierre que l'on doit attendre la résolution de
toutes les questions semblables dans l'Eglise,
surtout dans les provinces occidentales qui
lui sont redevables de la pureté de leur foi et
de la sainteté de leur discipline.
« De omnibus dubiis ac obscuris. quœ ad
rcctœ fidei tenorem vel ad pictatis dogmata
pertinent, sancta Romana Ecclesia, ut omnium
Ecclesiarum mater et magistra. nutrix ac do-
ctrix, est consulenda, et ejus salubria monita
sunt tenenda, maxime ab bis qui in illisregioni-
bus habitant, in rpiibus divina gratia per ejus
pra'dicatiouem omnes in fide genuit, et catho-
licolacte nutrivit, etc. (Tom. i, p. TiGI). »
24
Dt" PREMIER ORLIRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUIÈME.
X. C'est par où Hincin;ir coinriience son
traité du divorce du roi Lotliaire et de la reine
Tetberge. Et comme quelques-uns mettaient
en avant que cette atfaire devait être terminée
par lesévcijueset les métrojiolitains du royaume
de Lothaire, sans que les autres évoques s'en
mêlassent, Hincmar leur montre admirable-
ment , que tous les royaumes de la Chré-
tienté ne composent (ju'un seul royaume du
Roi des rois, et ne font qu'une seule Eglise où
toutes les grandes causes sont communes, et
où après les assemblées particulières elles
doivent être traitées dans des conciles géné-
raux, et devant le Saint-Siège, qui y préside, et
où se fait la révision et la ratification de
tout ce qui a été concerté dans les autres
Eglises.
al'num regnum, una Christi columba, vide-
licet saucta Ecclesia^ unlus christianitatis lege,
regni unius et unius Ecclesia?, quanquam per
I)lures regni principes et Ecclesiarum pra^su-
les gubernacula moderentur. Sed et ba'c de
qua agitur, lalis est causa, quœ generaliter ad
omnes christiano nominc insignitos pertineie
noscatur. De rege enim et regina, de lege coii-
jugii ratio versatur, etc. Quapropter sic eam
necesse est definiri, vel definitam a cunctis
agnosci, sicut débet ab omnibus observari
(Pag. (183. etc.). » Et un iiou jilus bas, après
avoir allégué les conciles d'Afrique : « Uuibus
omnibus dcmonstratur, quia synodus com|)ro-
vincialium episcoiiorum judicia, generalis
autein synodus comprovincialium dijudica-
tiones, sive dissensiones, vel probet vel corri-
gat; a|)oslolica vero Sedes comprovincialium
et generalium rctractet, refricet vel conflrmet
judicia (Pag. 086]. »
XI. Hincmar donna lui-même im illustre
exem|)le de cette soumission au Saint-Siège,
lorsciu'ayant déposé Rothald, évcque de Sois-
sons, dans un concile, il confessa après cela
que le pape avait pu exannnor le jugement de
ce concile, et même rétablir ou faire grâce à
Rothald, par cette clémence (jui est si ordinaire
et si convenable à la })uissance suprême.
« Xullani habere possumus verecundiam de
restitutione illius, si foret facta a vestri summi
pontiflcatus pietate, (juia onnies senes cum
junioribns scimus nostras Ecclesias subditas
esse liumana^ Ecclesia' , et nos episcopos in
primatu R. Pétri subjectos esse Romano pon-
lifici, et ob iil salva fide, (pur in Ecclesia sem-
per viguit, et Domino coopérante llorebit,
nobisest vestrœ apostolica; autoritati obedien-
dum iTom. n, p. ■2.jO;. »
Et après avoir dit que J.-C. a fondé son
Eglise sur la pierre, et l'a singulièrement con-
fiée à saint Pierre et à ses successeurs : » Supra
fundamentum apostolicœ Petrœ suam fun-
davit Ecclesiam, cjuam et ante passionem, et
post resurrectionem suam speciali cura et sin-
gulari privilégie B. Petro, et in illo suis com-
misit vicariis Pag. 251, -2). » 11 proteste ([u'en-
suite de cette incontestable primauté les
grands de la terre et lesévèques se soumettent
avec d'autant plus de respect aux ordonnances
du Siège apostolique, qu'ils sont persuadés que
leurs projires sujets leur en seront d'autant plus
soumis, et (jue leur souveraineté sur la terre
demeurera plus ferme et plus inébranlable,
par leur soumission aux ordres du ciel : « Et
(inioumque viderit vel audierit, ([uod rex et
episcopi apostolicœ Sedis sumnmm pontiflcem
prompte obaudiunt et honorant, et promptius
et humilius ei subjecti sui obedient. »
En parlant plus bas du rétablissement de
révê(jue Rothald : « Si vestrœ pietati ])lacuerit
illum reslituere, ut primœ sedis ac matris et
magistra' onunum Ecclesiarum pontificis, cun-
ctorumquc episcoporum Patris at(iue magistri
regulare judicium ferre convenit, œquo animo
feram. » Et encore plus bas : « Si judicium no-
strum pro quacumque causa forte rationabi-
liore et adhuc nobis incognita vestrae suinnue
autoritati, tpiam multa nobis occulta non
transeunt, placuerii refragari, ([uia meum est,
mea vobis obediendo committere et non
vestra judicia discutere, sustinebo et non re-
calcitrabo. »
Enfin il ne se peut rien dire de plus respec-
tueux ({ue ce ([u'il ajoute, (|ue c'est au ]tape à
examiner les jugements (ju'il doit rendre, mais
que les autres évoques en particulier les doi-
vent considérer comme émanés de la bouche
de Dieu même, dont il est le vicaire et l'organe.
« Vos videbitis quid inde facto melius erit, et
nobis in judicio vestro videndum est, (juid
Deus velit , (pioniam injusta esse non poterunt
divina judicia, quœ a soliditate coiifessionis
apostolicLC Petraî, adversus quam inferi portœ,
id est suggestiones vel operationes pravœ non
|M\evalebunt, dictante justitia proferentur. »
Ce sont là les paroles et les sentiments noii-
seulemeid du plus savant évêque de son siècle,
mais du plus zélé défenseur des libertés de
1 Eglise gallicane et des droits de lépiscopat.
LIMON ni:S I>A1>ES AVEC LES EMI'Eni.lUS, ETC.
g-i
■ Vdici on iraiitrcs reucdiiti'os les terinos dont il
su sert [lonrlénioiiînersa souniissionau souve-
rain pontife. «Non ciuotl veslris apostolicis jus-
sionil)ns vel (IcIiniliiHiibu? l'esultare modo ,
(|uolibet in inodico velini, (jui siont Domino
fimuilus et Patrifilius in onmibus i'actis facere
et parère aposlolicœ vestrœ autoritati desidero
(Ibid. p. 301). »
11 dit ailleurs que c'est Dieu même qui dis-
pense du trône apostolique, qui est le sien, les
grâces pour les uns, les justes rigueur pour
les autres, selon les règles d'une équité et d'une
cliarité admirables. « Quoniam in eadem sede
Dominus velut in throno sno prœsidens alio-
runi facta examinât , et cuncla mirabili-
ter ut videlicct de sede sua dispensât ( pag.
i05).»
Il déclare ailleurs aux évoques d'une pro-
vince qu'ils doivent et leurs prières et leur
obéissance à leur métropolitain, après le pape.
« Jussnm esse per|ienditur . ut papa Romano
pra^lato, ei a vobis orationis devotio et obedi-
lionis dilectio expcndatur (pag. 435). »
Xil. Hincmar ne doutait pas que ce ne fût le
pape Sylvestre ({ui eût présidé au concile de
Nicée par ses légats : « Cui ad viceni Sylvestri
pr;usederuntOsiusCordubensisepiscopus,Vicfor
et Vincentius prœsbyteri urbis Roniœ. « Que
Jules et Sylvestre n'eussent confirmé le concile
de Nicée :<(Julins Niciraam synodum apostolic;e
Sedis autorilate per se, sicut praedecessor illius
Sylvester per legatos suos ûrmavit ipag. 400). »
Enfin il ne doutait pas que les jugements et les
sentiments de tous les évoques de l'Eglise ne
fussent en queUiue manière les jugements elles
sentiments du siège apostolique de Pierre, du-
quel, comme d'une vive source, sont émanées
tant de lois et tant de règles des jugements ec-
clésiastiques.
«Quique catliolici episcopi secundum sacres
canones et décréta Sedis apostolicac pontificum,
qua'qne decernimus et judicanuis, apostolica
sedes et catholica Ecclesia,in nobis pro aposto-
lis creatis episcopis,ut in ordinandis coordinat,
ita et in decernendis canonice comlecernit. et
in judicandis conjudicat. Nos autem qui sacros
canones et décréta sedis Romana; pontificum
snb ipsius apostolica' Petrœ judicio exe(iuiniur,
nihil aliud quam juste judicantium fautores,
et justorum jndiciorum executores, obedicn-
tiam sancto Spiritui, qui per eos locutus est,
et Sedi apostolica', a qua rivus religionis, et
ecclesiasticœ ordinationis, atque canonicœ ju-
(licationis prolluxil . di pendcnles cvisfinms
ipag. i(i:2). »
Il est difficile de se former uni' idi'c plus
magnili(pie de la majesté et île la grandeni' du
Siège apostoli(pie, (pfen concexaiit avec ce sa-
vant prélat l'origine d'ofi la religion s'est ré-
|)andue dans les royaumes di\ers de rOccideiit,
d'oii les évè(ines ont été ordonnes cl envoyés
dans les Eglises pour les gouverner ;(roii enfin
tant de lois du gouvernement et des jugements
sont écoulées : en sorte que dans tous ces ruis-
seaux divers on reconnaisse la piu-eté, la lé-
condité et la majesté dé la divine source d'où
ils sont émanés, et d'où ils émanent continuel-
lement.
XIII. Le célèbre et savant Foul([ues, qui suc-
céda à Hincmar dans l'archevêché de Reims,
ne témoigna pas moins de vénération et de dé-
pendance pour le Saint-Siège. Flodoard nous
a conservé le sommaire de ses lettres et de ses
consultations sur toutes les rencontres im|)or-
tântes.
Sou profond respect paraît particulièrement
dans la qualité ([u'il prenait de sujet du Saint-
Siège, le pape llionorant au contraire de celle
de frère : « Stephano gratiarum actiones referre
curavit, quia fratris eum et amici vocabulo vo-
luerit honorare, quod ipse tamen nolit aii|(e-
lere . sed magis servus subjectus existere
(Flodoard. 1. iv, c. 1). »
Ce n'est pas sans beaucoup de fondement
qu'on se persuade ([ue le savant et pieux Akuin.
écrivant àCharlemagne même, luiexprime leurs
communs sentiments sur le rang des person-
nes que la Providence a établies sur le condile
des trois plus éminentes dignités : ce sont le
pape, l'empereur de Conslautinople , et le roi
Charlemagne.
« Nam très i)erson;B in nuuido altissimœ
usque hue fuerunl : apostolica sublimitas, qu;e
R. Pétri principis aiiostolorum sedem vicario
numere regere solet. Alia est imperialis digni-
las, et secundse Romae sœcularis potentia. Ter-
tia est regalis dignitas, in qua vos Christi
disi)eiisatio rectorem populi christiani dispo-
suit (Epist. xi). »
XIV. Il semble qu'Alcuin fasse allusion dans
cette lettre à la créance, qui s'était alors répan-
due dans tout l'Occident aussi bien que dans
rOrient, de la donation de l'empereur Cons-
tantin en faveur de l'Eglise romaine. Il n'est
pas de mon sujet de traiter de la vérité de celle
donation; cette discussion a déjà été faite i>ar
26
nr PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUIÈME.
(le iilup savantes phinips que la mienne. Il me
sullit (jue cette |)ièce ait passé pour certaine
pendant ces deux ou trois siècles. Car de là il
résulte évidemment que la splendeur, la ma-
jesté et la puissance des papes, était alors mon-
tée à un si haut degré, qu'elle donnait au
moins quelque couleur et quelque yraisem-
l)lance aux articles contenus dans cette dona-
tion. Enée,évêque de Paris, en a fait un abrégé
dans son ouvrage contre les Grecs. Il assure
(jue (Constantin céda à l'empire céleste et sacer-
dotal des papes la ville impériale du monde :
et afin que deux empereurs, comme deux so-
leils, ne s'obscurcissent pas l'un l'autre . il se
relira à (Constantinoiile.
u Conslantiuus imi)eralor, pro Dei amore et
principisapostolorum honore, sua sponto thro-
num Roman;e urbis reliipiit, dicens non esse
competens, duos imperalores in una civitate
simul traclare commune imperium, cum alter
foret terra", aller EcclesiïP princeps , etc.
l'.yzautium adiit. Constaniino[iolim scdem re-
giani fecit, Romanam ditionem apostolicœ Sedi
subjugavit, necnon etiam maximam partcm
div(^rsarum pro\iiK-iarum cidem subjccit, etc.
Ut ai>icem omnis principatus Romanus papa
super omuem Ecclesiam, cjusque jiontitices
perenniter vehitjure regio retineret Spicilegii,
lom. vu, p. 1 1 1). »
II ajoute (pie les exemplaires de cette dona-
tion étaient dans les bibliothèques do France :
" Cujus (•\('nq)laril>us Kcclcsiarum in ('.allia
consistentium ariuariaex integro |K)tiuntui'. »
Ce savant évèque de Paris n'eiit pas employé
cette j)ièce contre les (irecs, s'il n'eût été assuré
i|iiCll(' axait autant de cours et autant de cré-
dit (liez eux. (pie parmi les Latins. Balsamon
en sera encore un bon garant. Car il l'a insérée
tout entii're dans ses commentaires sur le
.Nomocanon de Photius. Constantin y élève les
jiapes au-dessus des empereurs en honneur
et en puissance : « l"t sicut sanctus Petriis est
l>('i in terris vicarius, ita etiam episcopi, suc-
ccssores principis apostolorum, principalem
in terra habcanl i)ot('stateni, am]iliiis (|iiam
nostnc gloria' imperatoria majestas. Et sicut
imperatoria nostra polcstas in terra honoratur
cl colitur. ita etiam (ieceniimus coli et hono-
rari sanctam liomanam Ecclesiam : et pliis(piam
imiierium nostrum, terrenam sedem , sancli
Pétri calhedram gloria affici et extolli (Nonio-
can. Tit. vm, c. 1). »
11 leur accorde ensuite tous les ornements
pompeux de la majesté impériale, comme des
suites nécessaires de la suprême élévation, où
il venait de les porter : «PraMerea etiam diade-
ma. seu coroiiam capitis nostri. simul etiain
lonmi, et sii|ierlinmerale, ([uod imperatoriuni
collum circumdat, et purpuream clamydem,
etc. » Il déclare qu'il a fait l'office d'écuyer au
])ape. tenant les rênes de son cheval : « Tcnen-
tes equi fra-num ejus, propter reverentiam
sancti Pétri, stratoris officio functi sumiis. »
Enfin il témoigne qu'il a transféré en (Prient
le siège de son empire, parce qu'il n'a pas cru
que les souverains de la terre dussent exercer
aucun pouvoir dans la ville où le monarcpio
du ciel a établi le premier trône de son royal
sacerdoce : <( Qnod ubi est principale sacerdo-
tiuni et caput christiana^ religionis datum a
Rege cœlorum, non est a'(pium ut terreuusim-
perator illic liabeat potestatem. »
La supposition apparente de cette pièce n'af-
faiblit aucunement la force de notre raison-
nement. On n'eût pas donné créance à cette
donation, si l'état présent des choses ne l'eût
rendue Maiscmblable. Mais voyant que les
pa|)es jouissaient ell'cctivement de toutes ces
prééminences d'honneur, ou au moins d'une
grande partie, on se laissa facilement persua-
der ipie Constantin les avait accordées; et on
se mit peu en peine de découvrir précisément,
et au vrai le temps et l'origine d'une |niissance,
(pi'on avait vu éclater depuis longtemps dans
le monde, et dont on n'avait ]ias reinaniué
d'autre commencement.
Les Latins étaient intéressés à soutenir un si
grand avantage et une si haute i)r(''fi''rence de
l'Eglise occidentale sur l'oiicutale; et ils ne se
défiaient pas d'une donation, ipii ne donnait
au pape (pie les choses dont ils le voyaient
depuis longtemps en possession. Les (Irccs
eussent eu idus de sujet de former opposition
contn^ cet acte, s'ils n'eussent espéré de faire
découler une partie de ces avantages sur le pa-
triarche de Constantinople, à qui le concile I
de (Constantinople avait communiqué les privi-
lèges de l'ancienne Rome après elle ; ou s'ils
n'eussent pensé (ju'il leur était avantageux de
rapjiorter les principales prérogatives de la
primauté du pape à la libéralité de Constantin,
au lieu (|ue nous remontions jusipi'à la [ire-
mière origine de l'établissement de sa pri-
mauté, par J.-C. même (Ibidem).
Il est vrai que cette pièce fait perdre aux
empereurs grecs toute l'espérance de recouvrer
LI'NION DES PAPES AVEC LES EMPEREIRS. ET<:
les [iroviiicos occidculak's : mais coininc elle
n'a été apparcnimeiit fabri(iuée qu'après ([iic
Pépin et Cliarlenuifine eurent fait au pape
toutes ces gratitications, les Grecs ne ?e sont
pas mis en peine de contester sur les titres,
n'ayant pas eu. ou le courage, ou les forces de
disputer les retranclieinents eflectii's de toutes
ces grandes provinces (Ibidem).
Hincmar et Adon ont reconnu cette donation,
le pape Adrien 1 y faisait allusion dans une de
ses lettres à Cliarlemagne, (jui se trouve dans
les li^Tes Carolins (Hincmar. tom. n, pag. fiiHi).
Au reste, ce n'a été que la puissance spirituelle
du pape, que nous avons tâché d'ébaucher dans
ce chapitre, où il a assez paru que la domi-
nation temporelle n'en a été que comme ime
suite, par la piété et les libéralités des princes
chrétiens (1).
Le pape Nicolas I a été celui de tous les
papes qui a témoigné plus de zèle et plus de
vigueur à faire observer la rigueur des lois
ecclésiasti(jues aux personnes les plus émi-
nentes de l'Eglise. Les annales de Metz disent
(juil commandait aux rois et aux souverains
de la terre . comme s'il eût été le maître de
l'univers ; mais ce n'était que pour faire
observer les lois évangéliques : car autant qu'il
était redoutable aux impies, autant il témoi-
gnait de douceur et d'humilité envers les
fidèles observateurs de la loi divine. C'est ce
qui a fait dire avec vérité, qu'il n'y en a point
eu qui ait suivi déplus près l'humble modestie,
et en même temps l'inébranlable fermeté du
grand saint Grégoire.
« Denique post beatum Gregorium usque in
praesens, nullus prœsul in Romana urbe illi
videtur sequiparandus. Regibus ac tyrannis
imperavit, eisqueacsidominus orbis terrariuu
autoritate prœfuit. Religiosis ac mandata
domini observantibus humiiis. blandus. pins.
mansuelus a|)paruit ; irreligiosis et a recto
traniite exorbitantibus terribitis atque austeri-
talc pleiuis extitit. Annales Metenses. Duclies-
ne liist. l'rancor. toin. m, png. 310]. »
XV. Cliarlemagne avait fait la leçon à sa
royale jiostérité. en consultant le Siège aposto-
liqne dans toutes les importantes atVaires. et
en recevant ses réponses ou ses paternelles
remontrances avec cette sounn"ssion si par-
faite qui parait dans ses ca|iitiilaires. Il fail
gloire lui-même de s'être corrigé, et d'avoir
corrigé un ancien abus sur les remontrances
du pape et des évêques de son royaume, en ne
])ermettant plus aux ecclésiastitjuesde prendre
emploi dans les armées.
« Apostolicœ Sedis hortatu. o!uniunii|ue fide-
lium nostrorum et maxime episcoporum, ac
relifjuorum sacerdotum consultu , servis Dei
ai innturam portare aut pugnare prohibenuis,
elc. Seconda vice propter nmpliorem obser-
vantiam , apostolica autoritate et multorum
sanctorum episcoporuni admonitione instructi,
nosmelipsos corrigentes posteris(iue nostris
exemplum dantes volumus . !it nullus sacerdos
in hostem pergat, etc. (Capitular. L. v, c. 33.
31. An. 800, conc. (Jall.. tom. u. pag '235;. »
Il consulta le pape Léon lli sur la manière
de juger les prêtres qui étaient suspects, mais
(ju'on ne pouvait convaincre d'un infâme com-
merce avec les fenunes. ilbid. pag. :237, i'.iH.)
Il consulta ce même pape sur la question des
chorévêques, pour se conformer aux canons,
qui rapportent au souverain pontife toutes les
causes d'une extraordinaire importance : «Pla-
cuit nobiscx hoc apostolicam Sedem consulere,
jubente canonica autoritate atque dicente ,
si majores causas inmedio fuerint devolutcç, ad
Sedem apostolicam. utsancta syuodus statuil,
et beata consuetudo exigit, incunclanter refe-
ratur (Pag. âSa). » La résolution du Saint-Siège
Le grand historien Troya, mort récemment, après avoir apporté
tant de lumière et de certitude à la science historique, dans son ira-
mortel Codice diplomatico Longobardo, a démontré victorieusement
que le Sénat romain, seul légitime dépositaire du pouvoir, même
sous les empereurs qui n'étaient que ses ^landataires , a continué,
après la translation à Byzance, de posséder le pouvoir ; telle était du
moins, dit-il, la conviction générale des peuples. L'exercice de ce
pouvoir fut restreint, il est vrai, par l'invasion des Barbares qui dé-
membrèrent l'empire et lui enlevèrent les plus grandes provinces ,
même une partie de l'Italie. Mais le droit du Sénat resta tou-
jours ferme et solide. Or, dans le vine siècle , le Sénat romain ne
fil que constater la déchéance de l'empereur byzantin sur les pro-
vinces de ritalie, qu'il ne pouvait ou ne voulait plus défendre contre les
Lombards, abdiquant sa propre autorité, transféra aux papes la sou-
veraineté de Rome, de Ravenne et de la Pentapole, c'est-à-dire les
Marches et l'Emilie ; il y ajouta l'Orahrie, le Patnmoine et les provinces
maritimes. Cette démonstration scientifique a, comme on le voit,
une grande importance pour l'incontestable légitimité du pouvoir
temporel du Saint-Siége. Pépin ne donna pas, il ne fit que recon-
naître et protéger ce qui existait déjà contre les Lombards. 11 recon-
quit sur eux les domaines de l'Eglise pour les restituer à son légitime
prince.
Ce fut pour implorer le secours des Francs contre les usurpations
lombardes, que le pape Etienne II passa les Alpes et conclut, en 751,
avec Pépin le célèbre traité de Qiiiersy, qui con'euait la promesse
formelle de rendre au pape toutes ses possessions territoriales après
l'expulsion des Lombards. Après les éclatantes victoires de Pépin sur
Astolphe, survint le traité définitif de Pavie en 756, qui restituait
au Pontife la pleine souveraineté de l'Exarcat et de la Pentapole.
Dans l'ouvrage susmentionné, le savant Troya a cité le diplôme
original où sont mentionnées toutes les provinces restituées à
Etienne II. Elles sont bien plus nombreuses que celles que la révo-
lution de 1860 a enlevées au Saint-Siége, car on y voit la Vcnétie,
rislrie, la Corse, Vérone, Mantoue etc. Ces notions, incontestable-
ment démontrées par la science moderne, ne sont pas superflues en
une époque oii l'on a tant écrit de mensonges contre la principauté
temporelle du Saint Siège. (Dr ANDRÉ.)
J8
UU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUIÈME.
l'iit suivie avec respect. « l'tquidquitl super liis
ileliiiiemium esset aposlolica autoritatc , a
nostris episcofiis re^'ularitcr sopiretur (Ibid.
jiag. 2i0, et Capitul. L. vu, c. 187). »
II est vTai que nos prélats apportèrent quelque
ailducissement aux peines décernées par le
pupe contre les chorévèques, mais ce fut avec
sa permission : « Ista permittente eodem aposto-
lico milius tractantes, etc.»
Le moine (rAngoulême raconte dans la vie
ilr cet inii)ereur qu'il envoya deux évèques et
un abbé vers le |)ape Léon, pour le consulter
sur la procession du Saint-Esprit que les Grecs
continuaient d'attribuer au Père seul (An. 809,
Duchesne tom. u, |)ag. 84). Ce fut vraisembla-
blement le Saiiil-Siége qu'il consulta sur la
fête de r.\ssomplion de la sainte Vierge : « De
Assum[itione D. Mariœ interrogandum relin-
(juinuis. » Et il en reçut une réponse favo-
rable, puisque cette fête se trouve depuis so-
lennisée dans les capitulaires et dans les ordon-
nances d'Hérard, archevêciue de Tours (Capitid.
1. I, c. to8; 1. n, c. 35; 1. vi, c. 180. Hérard,
c. 01). Mais rien n'est plus capable de nous
convaincre de la i)arfaite correspondance et
(le l'union inviolable du Saint-Siège et de la
monarcbie française, (jue ce que nous dirons
vers la lin de ce premier livre des archichape-
lains de nos rois, ijui étaient en même temps
les apoci'isaires ou les nonces du Saint-Siège
dans leur [lalais. Nos rois choisissaient un de
leurs prélats pour être leur arcliicliapelain,
sur leipiel ils se reposaient des affaires ecclé-
siastiques; et les papes honoraient ensuite ce
même prélat de leur confidence, lui donnant
la même créance et la même nonciature, que
leurs apocrisaires avaient eue autrefois dans le
palais de Constantinople.
Si les empereurs d'Orient eussent eu b^s
mêmes déférences pour le premier siège de
l'Eglise, remi)ereur Constantin n'y eût pas fait
contirmcr dans un synode la répudiation de sa
fenune légitime et son mariage avec une se-
conde, du vivant de la première.
Le savant et généreux Théodore Stutlite en
écrivit de la part de tous les saints n^ligieux
persécutés au pa|>e Léon, conmie au Chef de
l'Eglise et au seul médecin de tant de grands
maux : » Ad Petrum uliqne vel cjus successo-
rem, quidquid in Ecclesia calbolica per eos
imiovatur, (jui a veritate aberrant, necesse est
rd'erri (Apud Raron.an. 8(l'.t, n. 1-4, etc.).» U le
conjure ensuite de remédier par un concile
général aux désordres d'un faux concile, qu'on
ne pouvait pas même assembler sans ses
ordres.
Lorsque les enq)ereurs suivants renouve-
lèrent les anciennes persécutions contre les
défenseurs des saintes images, le même Théo-
dore Studite écri\it de toutes parts que selon
les Ecritures et les canons il fallait recourir au
trône de saint Pierre, et c'est la protestation
solennelle (ju'il en fit aux empereurs mêmes
'An. .417).
« Qiiod si quid est hujusmodi, de quo ambigat
aut diffidat divina magnificcntia vestra, a pa-
triarcha posse dissolvi, jubeat ad conmumem
utilitatem a vetere Roma suscipi declaratio-
nem ; prout olim et ab initio paternatraditione
transmissiis mos fuit ; luec enini suprema est
Ecclesiarum Dei, in qua Petrus sedem primus
tenuit, ad quem Dominusdixit : Tu es Petrus,
et suiter banc petram œdiflcabo Ecclesiani
meam, et portaî inferinon pncvalebunf adver-
sus eam (An. 8^1. Baron, n. 38). »
XVI. 11 n'y eut qu'une rencontre fâcheuse,
où l'empire pensa se brouiller avec le sacer-
doce, pendant le temps de l'auguste famille de
Charlemagne, mais ce ne fut (jne i)arce que
l'enqjire était troublé et divisé contre lui-
même. Lorsque les enfants de Louis le Débon-
naire s'élevèrent et prirent les armes contre
leur père, les évê(iues se trouvèrent aussi i)ar-
tagés ; et quelques-uns d'entr'eux furent op-
posés à l'empereur Louis, parce qu'ils étaient,
ou étroitement attachés aux intérêts, ou mal-
heureusement entraînés par la violence de
celui de ses enfants (|u'il avait lui-même élevé
à l'empire.
La plus déplorable rencontre fut lorscjuc
l'empereur Lothaire enleva, pour ainsi dire,
le pape Crégoire IV, et l'opposa aux évêques
français (|ui étaient demeurés inflexibles dans
la fidélité due à lenqiereur Louis. Paschase
Ratbert était alors dans le camp de Lothaire,
avec Wala, abbé de Corbie, et il raconte lui-
même dans la vie de ce saint abliê, ([ue quel-
([ue violents et injustes que fussent les desseins
de renq)ereiu' Lothaire et de ses frères, le pape
ne les avait suivis (pie dans l'espérance de
rétablir la paix entre eux et l'empereur leur
père. « Miltitur sanctuset summus pontifex in-
tercessor, vicarius R. Petr. (S;rculum bene-
dict. IV, p. 514). » Le pai)e protesta lui-même à
r(!mpereur Louis qu'il n'était venu que pour
l)rocurer une paix et une concorde inviolable
L'UNION DES PAPES AVEC LES EMPEREURS, ETC.
29
eiiUe lui et ses enfants ; que rien netait jiliis
convenable à son ministère; ([ue si elle n'était
pas acce|>téc, il ne premlrait |ioint d'anlre parli
que de se retirer en paix , et de demander a
Uieu ce qu'il u'aurait pu obtenir des honunes
(An. 821).
« Nos bene venisse scias, quia pro pace veni-
raus et concordia, quam salutis Autor nobis
reliquit, et milii priedicanda universis com-
missa est et proferenda omnibus. Idcirco .
imperator, si nos et pacem Christi digne sus-
ceperis, reciuiescet in vobis ipsa, necnon in
reyno vestro : sin autem, pa\ Cliristi ad nos
revertetur , ut legistis in Evangelio , et nobis-
cum erit. »
L'auteur de la vie de l'empereur Louis tlit
que le pape menaça dexcomnmnication les
évèques du parti de l'empereur, et que ces
évèques firent de leur part les mêmes menaces.
«Si excommunicaturus adveniret, exconununi-
catus abiret. » C'était une double guerre des
pères coutre leurs enfants, mais il est visible
([ue la dissension tlu [lape et des évtnpies ne
provenait que de l'attache extrême qu'ils avaient
de part et d'autre aux intérêts, à la gloire et à
la paix des i)rinces de la famille impériale,
entre lesquels ils se partageaieut, parce qu'ils
les trouvaient divisés enlr'eux.
Ces princes n'avaient pas un moindre at-
tacbement aux pontifes de J.-C. dans la chaleur
même de leurs divisions. L'empereur Louis
faisait un crime à ses enfants de lui avoir en-
levé la personne du pape, dont il était lui seul
chargé de la défense, par le droit et les obliga-
tions de l'empire. «Scire vos oportet quia longe
diu defensionem Sedis apostolicie devotissiiae
suscepi ; quaravis nunc indebite usurpetis con-
tra me illud, ut excludatis me ab bujusmodi
oificio ; quod quandiu advixero, pnetermittere
non queo iPascbasius ubi supra pag. 513).»
Lothaire répondit à l'empereur son père, qu'en
lui faisant l'honneur de l'associer à l'empire
il l'avait aussi associé à la charge de la défense
de l'Eglise ; qu'au reste il n'avait amené le
pape que comme le plus digne médiateur de la
paix. «^-Eque me pra-stantissima inChristo pro-
videntia vestra suscipere fecit banc curam, et
defensionem ipsius permaxime, coeterarumque
Ecclesiarum , quando me confortem totius
imperii celsitudo vestra constituit, etc., utessem
socius et consors non minus sanctificatione
quam potestate et nomine, etc. Pro pace et
concordia conduxi vicarium beati Pétri ad ves-
tri reconciliandam serenissiniam animi pie-
tatem. »
.\gobard nous a consi>rvé la lettre du pape
(iregoire IV aux évè(iues jjartisans de renqie-
reur Louis, ou plutôt la réponse à leur lettre.
Elle nous apprend ijue les évè([ues l'avaient
menacé (jue, s'il ne venait pour entrer dans
leur iKirti et dans leurs intérêts, il ne trouverait
personne dans leurs diocèses qui déférât à ses
ordres ou à ses sentences. « Subjungitis, (piia
nisi secundum voluntatem vestram venero,
non liabeo Ecclesias vestras consentancas, sed
in tantum contrarias, ut niliil milii in vestris
l)arochiis agere vel disponere liceat, necquem-
quam exconimunicare, vobis obsistentibus. » Le
pape leur répliqua qu'il ne travaillait (|ue pour
la paix, qu'au reste lesévè(iues ne pouvaient sé-
parer les Eglises de leur chef. « Legatione fun-
gimur pacis, etc. Noveritis vos non posse divi-
dere Ecclesiam Gallicanam et Germanicam ab
unitate tunicaî quicsubjacet capitio. » Le pape
leur fit assez voir qu'il ne resiiirait que la i)aix,
puisque voyant les invincibles obstacles qu'on
y apportait, il ne se retira entièrement, et ne
prit point de part à l'exécrable attentat des en-
fants qui déposèrent l'eniitereur leur jièrc.
Ouant à la menace des évèques et la réplique
du pape, si nous les examinons sans prévention,
nous reconnaîtrons facilement : 1°. Qu'hors de
ces aventures funestes, la bonne intelligence
qui règne entre les évèques et le Saint-Siège
laisse toujours au pape l'exercice libre d'une
juridiction immédiate dans leurs diocèses.
2° Que lors même de ces dissensions, quoi-
([ue l'on use de menaces et de réjiliques, on
n'en vient que très-rarement aux effets, et l'on
cède de part ou d'autre, pour ne pas rompre
l'union indissoluble du sacerdoce.
3° Que quoique le pape Grégoire n'oublia
pas d'alléguer ce qui pouvait servir à la défense
de son autorité , il se retira néanmoins sans
rien entrei>rendre sur les diocèses de ces
évèques, parce qu'il savait que ([uelque grande
t|ue soit l'autorité du Saint-Siège, sa modé-
ration et sa sagesse ne sont pas moindres, et elle
règle toujours l'usage de sa puissance par les
vues de la charité et de l'édification.
Enfin nous finirons par cette dernière ré-
flexion , qu'il était comme inévitable que
l'empereur Louis le Débonnaire ayant élevé
son fils Lothaire à la qualité d'empereur et de
défenseur des Eglises, ets'étant ensuite brouillé
avec lui, les évèques ne se trouvassent aussi
"/
m DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SIXIÈME.
parta;,'és entre eux deux , ])uisque les devoirs cerdoce et l'empire. Mais ce fut une dissension
connnuns de la naissance et de la religion les dans Tenipire même et dans la famille ini-
altacluiient à leurs jirinces. Ainsi on ne peut [lériale, (]ui partagea le sacerdoce,
(lin' que c'ait été une dissension entre le sa-
CHAPITRE SIXIÈME.
SI, APRÈS LE DIXIÈME SIÈCLE DE l' ÉGLISE . LE PAPE A EXERCÉ LNE JURIDICTION IMMÉDIATE DANS
TOIS LES DIOCÈSES PARTICULIERS DE l'ÈGLISE UNIVERSELLE, SANS LE CONSENTEME>T DES ÉVÈyUES
DIOCÉSAINS.
I. Maxime générale, que ces tiuestions imporlanles se iloi-
veiil plutôt traiter par l'usage de cliaque siècle, réglé par les
lois de la charité, par les besoins publics de l'Eglise, et par la
bonne intelligence des évèques avec leur chef, que par une
discussion exacte des limites du pouvoir, de laipielle aussi
nous nous abstiendrons entièrement, ne nous altacliant qu'aux
faits et il l'usage.
II. Preuve tirée de la dédicace de l'église de lieaulieu, faile,
selon Glaber, par un légat du pape, nonobstant les oppositions
de l'archevêque de Touis.
m. La vérité de cette histoire tirée des chartes de cette
église, contre la fausse narration (|ue Glaber en a faite.
IV. Tout s'y passa dans une parfaite correspondance et une
inuluelle déférence, entre le pape et l'archevêque de Tours.
V. Exemples des excommunications fulminées par les évè-
ques, et respectées par le pape, selon le concile de Limoges.
VI. Contestation entre Léon IX et l'archevêque de Mayence.
Entre Urbain H et l'archevêque de Sens.
VII. L'envoi des légats par toute la terre est une marque de
juridiction, quoique la concorde du sacerdoce et de l'empire
ait rendu le consenlement des rois nécessaire.
VIII. La fuhninalion, ou la révocation des censures en est
une autre marque.
IX. Les indulgences, les absolutions des crimes, la réserva-
tion des cas au Saint-Siège en sont il'autres marques.
X. Autre preuve tirée des privilèges que les papes n'accor-
daient que du consenlement des évèques, et qu'ils ne com-
mencèrent à accorder d'une autre manière que lorsque le dé-
bordement de la simonie entre les évèques les y contraignit.
XI. Dans les courses que les papes ont faites dans les
royaumes de la Chrétienté, les évèques ne leur ont point dis-
puté l'exercice libre de leur autorité, surtout dans leur voyage
il Constantinople et en î'rance.
XII. Des ordinations faites par les papes.
XIII. Des privilèges demandés par saint Louis et par les rois
suivants.
XIV. Le sentiment de Gerson est que les papes ont ce
pouvoir, mais que l'usage en est limité aux nécessités et à
l'unité de l'Eglise.
XV. Sentiments de saint Bernard et de Pierre, ahhé de
Cluny.
XVI. Réponse à des exemples contraires.
XVII. Sentiments de Pierre Bertrand, cardinal et évêque
d'Anton, qui fut l'oracle de l'Eglise gallicane.
XVIII. tiéiluclion plus étendue des sentiments de Gerson.
XIX. Sentiments d'Alraahin, de Major, et de Pierre d'Ailly.
XX. Sentiments de saint ïboiuas.
XXL Quels ont été les sentiments de saint Grégoire le
Grand .
XXII. Les archevêques de Cantorbèry prétendaient avoir
une juridiction immédiate dans toute l'étendue deleurpriinatie.
XXIII Saint Anselme l'a prétendu lui-même.
I . Comme cette question est également impor-
tante et difficile, nous n'avons garde d'entre-
prendre d'en traiter par nos pro])res lumières,
ou par nos f;iibles raisonnements. Nous en
chercherons l'éclaircisseinent dans lesexemples
les plus mémorables des siècles passés, où ces
contestations se sont élevées, et où elles ont été
terminées avec cet esprit de charité et de paix
qui règne toujours dans le royal sacerdoce de
l'Eglise, et qui doit régner dans le cœur et dans
l'esprit de tous ceux qui examinent ces sortes
de questions. Car la maxime la plus constante
(jue je puis proposer par avance, et qui se pour-
laitensuitejuslifier par une infinité d'exemples,
est que les pnpes et les évèques n'ont jamais
guère contesté sur les limites de leur pou-
voir et de leur juridiction, mais sur le saint
usage de ce pouvoir et de cette juridiction.
Les évèques ont toujours prévenu les papes,
et de leur propre mouvement ils leur ont ré-
servé les pouvoirs qu'ilsavaienttoujours exercés
eux-mêmes ; les papes n'ont entrepris dans les
diocèses, ou sur les diocésains de leur confrères
(|ue ce qu'ils ont cru leur devoir être non-
seulement utile, mais aussi agréable. L'esprit
de concorde et de charité et l'amour du bien
public de l'Eglise ont réglé tous leurs sen-
timents, et toute leur conduite de part et d'au-
tre. Ils ont bien plus considéré ce qui se devait,
que ce qui se pouvait. Us ont cru que dans un
empire de paiv et de charité, où l'institution
liiimilive des dignités ecclésiastiques, où la
bonne intelligence de ceux cpii les possèdent,
SI LE PAPE A EXERCÉ UNE JIKIDICTION DANS LES DIOCÈSES.
31
rendait et tout le j)uuvoir et tout l'exercice ilu
pouvoir légitime, lorstiu'il ne teudail qu'à
rédiûcation de l'Ei^lise, et a rattViinisseuient
de la religion.
Si dans quelque rencontre on s'est emporté
au delà de ces bornes, c'est ce qu'il est bon de
laisser dans l'oubli et dans le silence, et dont
on ne pourra jamais tirer des règles de con-
duite pour les siècles à venir.
11. Je commencerai la justification de cette
maxime par la fameuse histoire de la dédicace
de l'abbaye et de l'église bàlies près de Loches
par Foulques, comte d'Anjou. L'archevêque de
Tours, Hugues, ayant rétusé de consacrer celte
église, jusqu'à ce que ce comte eût restitué
quelques terres qu'il avait usurpées sur son
Eglise de Tours, le coiute s'en alla lui-même à
Rome, et lit une si douce et si forte violence
au pape Jean XVIII par ses présents, qu'il en
obtint tout ce qu'il désira, et le cardinal Pierre
fut envoyé en France pour faire cette célèbre
consécration.
Le moine Glaber, ijui conte cette histoire,
assure que les évêques de France désapprou-
vèrent cette conduite, comme irrégulière et
intéressée : « Quod utique audientes (ialiiarum
(juique prasules, prœsumptionem sacrilegam
cognoverunt ex cseca cupiditate processisse
I Glaber. 1. v. 24); » qu'ils détestèrent un viole-
meut si manifeste des canons, qui défendent
aux évêques de rien entreprendre dans les
diocèses de leurs confrères, sans leur agrément;
Fautorité du Siège apostolique ne leur parais-
sant établie que pour maintenir la sainteté
des canons, et pour en venger les injures :
« Univers! etiam pari 1er détestantes, quoniam
nimium indecens videbatur, ut is qui apostoli-
licam regebat Sedem a[)Ostolicum prinuis ac
cauonicum trcnsgrederetur tenorem. Cum
insuper multiplici sit anti(iuitus autoritate
roboratuni, ut non quisquam episco[)orum in
alterius istud diœcesi praesumat exercere, nisi
prœsule, cujus fuerit, compellente, seu per-
mittente.»
Cet écrivain ne doute pas que le pape ne
doive observer les canons aussi religieusement
que les autres évêques, qui sont les véritables
époux de leurs Eglises, et les dépositaires de
toute Fautorité de J.-C. dans toute l'étendue
de leurs diocèses: « Licet namque pontifex
Ecclesitp Romanae ob dignitatem apostolicœ
Sedis ca'teris in orbe conslitutis reverentior
habeatur, non lainen ci licet transgredi in
alit|uo canonici moderaminis tenorem. Sicut
enini unus(iuisque orthodoxcC Ecclesiœ poii-
tiléx ac spoiisus in'oju'i;e sedis , uniformiter
speciem gerit Sahaloris; ita generaliler nuUi
convenit, quidpiam in alterius procaciter
patrare diœcesi. »
Enlin, [lar la chute miraculeuse de celte
église, aussitôt ai)rès sa consécration, le ciel
sembla se déclarer pour Farclievêque contre
le pape, si nous en croyons cet auteur.
III. On pourra juger de la sincérité de ce
récit de Glaber, par le cartulaire de la même
abbaye de Beaulieu, dont nous parlons. M. de
Marca, archevêque de Paris, témoigne en avoir
vu les chartes, et y avoir remarqué que le pape
Jean XVIII reçut sous la protection du Saint-
Siège ce monastère bâti par le comte d'Anjou
en l'honneur de la sainte Trinité, des chéru-
bins et des séraphins, et interdit à tous les
évê([ues d'y exercer aucune juridiclion (Marca,
de Concord. I. iv, c. 8, .
Hugues, archevêque de Toiu's eut de la peine
à digérer une exemption si étendue , parce
qu'il n'y en avait point encore d'exemple. Il se
rendit à Rome, et conjura le pape Serge IV,
(}ui avait succédé à Jean, de lui laisser consa-
crer cette église, selon les canons et les lois de
Juslinien. Le pipe lui persuada qu'il avait été
libre au comte de donner à l'Eglise romaine
une église etune abbaye qu'il avait fondées sur
son propre domaine ; qu'au reste la consécra-
tion était une suite nécessaire de la propriété :
« Quia cujus est hœreditas, ipsius et conse-
cralio AnnoChristi iOlO).» Alors Farchevèque
voulut bien remettre entre les mainsdupape, et
céder à l'Eglise romaine tous ses droits sur
cette nouvelle abbaye, qui fut ensuite con-
sacrée par l'evêque Pierre, envoyé pour cela
de Rome.
IV. Tous les esprits raisonnables donneront
assurément plus de créance aux originaux et
aux chartes authentiques, qu'au récit de
Glaber. Ainsi on ne pourra douter que la con-
sécration de l'église de Beaulieu n'ait été faite
avec le consentement de l'archevêque de Tours.
Les plaintes des autres évêques de France
n'eussent pas été mieux fondées que celles de
l'archevêque de Tours.
Il y a donc bien de l'apparence que toute
cette narration de Glaber a été envenimée par
de faux rapports, et que la chute subite de
l'église de Beaulieu est aussi fabuleuse dans
le récit qu'il en fait, iiue les preuves de sa
32
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SIXIÈME.
méprise sont constantes et manifestes. Enfin
la suite de ce traité nons fera voir que les
Pères et les grands hommes de l'Eglise qui ont
été les moins favorables aux exemptions, n ont
|)U néanmoins désapprouver celles qui ont pris
leur naissance dans la fondation même des
Eglises, et dans la volonté [)ropre des fon-
dateurs.
Ce fut avec raison que l'archevêque Hugues
en demeura d'accord, et qu'il renonça à toutes
ses prétentions en faveur de l'Eglise romaine.
Tous les autres évèques de France en eussent
fait autant, .\insi ils n'avaient garde d'en mur-
iiun-i;r, quoi qu'en dise Glaber.
« Repulsus fuit Hugo hac exceptione, quod
Kulconi libennn fuerit in fundo suo, pro-
jiriaque lucredilate monasterium construenti,
monasterium ipsiusque consecrationem Ko-
manm Ecclesiic conferre. Quia cujus est
Ih-ereditas, ipsius et consecratio. Quare Hugo
jus onme quod sibi competebat, in Romanam
Ecclesiam transtulit. Sergius vero Petrum
cpiscopuin in (iallias direxit, monasterium
illud sua vice consecraturum.» Voilà ce qu'en
dit M. lie Marca, sur l'autorité des chartes pro-
pres de l'abbaye de Beaulieu.
Si l'on veut inférer de ce fait ainsi redressé,
(|u'au moins le pape demeurait d'accord qu'il
n'eût i)u entreprendre la consécration de l'église
de Beaulieu dans le diocèse de Tours, si elle ne
lui eût été particulièrement appropriée par le
fondateur : nous nous contenterons de répondre
(prefîectivement il ne l'eût pas entreprise, et
(pien ce temps-là on ne porta pas la contes-
talion jusqu'à l'examen du droit, et à la discus-
sion des bornes de la puissance.
V. Cela se jieut conlirmer par la réponse du
l>ape Benoît XI à l'évèque de Clermont Estienne,
([ui s'était plaint de lui à lui-même, pour avoir
levé l'excommunication dont Ponce, comte
d'Auvergne , avait été lié par tous les évè(iues
de la province. Ce pape protesta qu'il avait
ignoré l'excommunication lancée contre le
comte ; que s'il en eût été informé, il l'eût cer-
tainement coniirmée ; enfin qu'il révoquait
absolument la grâce et l'absolution, qu'il
n'avait accordée que par surprise.
« Proliteor onuûbus consacerdolibus meis,
ubiquc terrarum adjutorem me potius et con-
solatorem esse, quam contradictorem. Absit
enim schisma a me et coepiscopis niuis. Itaque
illam pœnitentiam et al)Solutionem, quam tuo
cxconmmnicato ignoranter dederam, et ille
fraudulenter accepit, irritam facio et cassam
lu Concil. Lemov. An. 1031). »
Les évèiiucs du concile de Limoges, où cette
lettre du pape fut lue, se reconnurent eux-
mêmes coupables de n'avoir pas informé le pape
du nom et de la cause de ceux (ju'ils avaient
excommuniés. Etant entièrement persuadés,
comme ils devaient l'être, que le Saint-Siège
confirmerait toujours plutôt leurs justes réso-
lutions ([u'il ne les casserait : et que le divin
chef de l'Eglise ne contristerait jamais ses plus
illustres membres : « Sic apostolici Romani
episco[iorum omniimi sentenfiam confinnare,
non dissolvere debent (juia sicut membra ca-
put suum sequi, ita caput membra" sua non
necesse est contristare (Ibidem). »
VI. Les choses se passaient (juelquefois avec
un peu i)lus de chaleur, quand le pape se
trouvait présent avec des évèipies , ou des
archevêques , dans leurs Eglises. L'abbé d'Lls-
perg raconte comment le pape Léon IX et
l'empereur célébrèrent les fêtes de Noël à
Worms. Le pape y fit l'office le premier jour;
le lendemain fut assigné à l'archevêque de
Mayence. comme au métropolitain de la pro-
vince. Pendant qu'il célébrait le divin sacri-
fice, l'immodestie d'un de ses diacres qui chan-
tait la leçon , obligea le pape de le dégrader.
L'archevêque pressa le pape de lui rendre son
diacre, et pour vaincre la résistance que le
pape faisait, il i)rotesta (jue i)ersonne n'achè-
verait ce jour-là le divin mystère, que son
diacre n'eût été rétabli en son rang : « Con-
testans, nec se, nec alium quempiam com-
plelurum illud officium, nisi reci[)eret pro-
cessionis suœ ministrum. » Le pape céda à
la fermeté de l'archevêque, en réhabilitant
et lui rendant son diacre. (An. 1052.)
Cette action est une preuve certaine que
dans ces sortes de différends il n'y a pas beau-
coup de lieu de se promettre des décisions
exactes et rigoureuses, mais que les choses se
ménagent sagement avec des avantages réci-
proques de part et d'autre. Le pape céda à
l'archevê(iue, mais l'archevêque lui avait cédé
l'office du premier jour, et il reconnaissait que
le jtape avait pu dégrader un de ses diacres en
sa présence et dans sa propre Eglise, contre sa
volonté, et que ce diacre dégradé de la sorte
ne ]Miu\ait être revêtu de ses ornements et de
son premier pouvoir que par le pape même.
Enfin, l'abbé d'Usperg, qui juge que le
jtape avait dû céder à l'archevêque dans sa
SI LK PAPE A KXERCÉ UNE .IlUiniCTION DANS LES DIOCÈSES.
■y.i
|)io\iiice, se iléclaro lui-nièine radiiiiralL'ur l't
de la fermeté de l'archevc(|ue et de l'humililé
(lu p'ipe : « Qiia in iv et iiontifif is aiiloritas,
et aposloliei coiisideramla est liuiiiililas, (liiiu
et ille officii siii dignitatem defendere conleii-
d(_l)at, et iste licet majoris dii;'iiitalis. nu fropo-
litaiio taiiien in sua diœcesi CL-deaduni perpeu-
debat. »
Le dilîcrend entre l'archevêque de Sens et
le pape l'rliain 11 ne se termina pas avec la
même facilité. Geoffroy, évèque de Chartres,
s'étant demis de son évèché entre les mains de
ce pape, Yves fut élu en sa j)lace, et, comme
rarchevèi|ue de Sens usait de délais artificieux
pour différer sa consécration, il s'en alla à
Rome, où le pape le consacra lui-même. L'ar-
chevêque convoqua un concile à Etampes.
où, ayant pris les avis des évéques de Paris, de
Meaux et de Troyes, il était prêt de déclarer
nulle la consécration d'Yves et de rétablir
révèque Geoffroy, lorsqu'Yves conjura cette
tempête et en arrêta le progrès par un appel
au Saint-Siège (Ann. t092, 1093).
Voici ce que le même Yves de Chartres en
écrivit au pape (Yvo. Epist. xiij : «Me inordinate
satis accusavit archiepiscopus, dicens me in
inajestatem regiam offendisse , quia a Sede
apostolica consécrationem praesumpseram ac-
cepisse. Cum itaque conarentur Gaufredum
deposituni contra decretum vestrum in statum
pristinuin reformare, et in me depositionis
sentenliampro ferre, Sedem apostolicam appel-
lavi, etc. »
L'archevêque eut bien de la peine à déférer
là cet appel, et ce ne fut que la longueur du
temps et l'embarras d'autres grandes affaires
qui le raccommodèrent avec Yves. Mais passons
à des considérations plus générales.
VIL La possession où les papes se sont main-
tenus pendant tant de siècles, d'envoyer des
légats a latere dans toutes les provinces et
dans tous les royaumes de l'Eglise, est encore
une marque assez évidente de la juridiction
immédiate qu'ils y exerçaient, ou qu'ils faisaient
exercer par leurs délégués.
Henri, roi d'Angleterre, obtint cette grâce du
pape , qu'il n enverrait point de légat en
Angleterre qu'a sa demande, lorsi|u'il s'élève-
rait quelque dilticulté que les évèques du
royaume ne pourraient résoudre : « Rex a papa
impetrat, ut neminem aliquando legati offlcio
in Anglia fuiigi permilteret, si non ipse, aliqua
prœcipua querela exigente, quae ab episcopis
Th. — Tome I.
sui rcgni lerminari non |io-set, lioc tieri a
papa postularet (Rogerius, an. 1119).»
Plusieurs autre-; royaumes oïd depuis obtenu
le même ani'anchissement. Mais ce consente-
ment des princes, ([ui est devenu nécessaire
pour l'envoi des légats a latine, n'est pas ce
tiui leur donne juridiction : (junique ce soit
unecondition sans laquelle ils ne l'exerceraient
pas, et un sage tempérament pour conserver
l'inviolable concorde du sacerdoce et de
l'empire (1).
VIII. Les interdits, les suspensions, les ex-
communications et les autres sentences juri-
diques, (jue les papes ont ou révoquées ou
eux-mêmes prononcées dans tous les royaumes
particuliers, ne font pas voir moins clairement
l'exercice de la même juridiction immédiate
du Saint-Siège , avec l'agrément des évéques
qui n'y ont jamais résisté.
Gerbert, archevêque de Reims, fit tous ses
efforts pour persuader à l'archevêque de Sens,
et aux autres évéques qui avaient déposé
Arnulphe.dans le concile de Reims, de ne pas
garder l'interdit au(|uel le pape les avait
soumis. Il tâchait de leur faire appréhender
les suites dangereuses d'une juridiction aussi
étendue que toute l'Eglise, et néanmoins su-
jette aux égarements de l'ignorance, aux illu-
sions de la faveur, et aux intérêts d'une cu|ji-
dité insatiable : « Non est dandaoccasio nostris
itmulis, ut sacerdotiiun quod ubiijue unum
est, sicut Ecclesia Catholica una est, ita uni
subjici videatur, ut eo pecunia, gratia, nietu,
vel ignorantia correpto, nemo sacerdos esse
possit, nisi quem sibi hœ virtutes connnen-
darint (An. 993). »
Néanmoins le même Gerbert fut obligé lui-
même de se soumettre à l'excommunication
qui lui fut signifiée de la part du pape après le
concile de Mouzon. Ce fut l'archevêque de
Trêves qui arrêta pour lors la pente qu'il avait
à une désobéissance si scandaleuse. « Ne occa-
sionem scandali suis œmulis daret, quasi
(1) Les ancieûs parlements avaient bien limité la juridiction des
légats. Mais le droit nouveau, inauguré par la révolution, est allé plus
loin encore. Le deuxième des articles organiques est ainsi formulé :
(1 Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apos-
tolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans
l'autorisation du gouvernement, exercer sur le sol français m ailleurs,
aucune fonction relative aux affaires de l'Eglise gallicane, o
Lorsque le cardinal Caprara fut envoyé en France comme légat a
latere , un arrêté (■onsu!a;ro du itî germinal an X l"autor:sa a t:xercer
en France les facultés que lui octroyait la bulle qui l'instituait à cette
haute fonction, et lui imposa les obligations suivantes :
10 De se conformer entièrement aux règles et usages conservés en
France en pareil cas ;
20 De jurer et promettre, suivant la formule usitée, de se confor-
3i
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE SIXIÈME.
jussionibus apostolici Donini resultare vellet. »
Saint Fulbert, évèque de Chartres, pria le pape
Jean d excommunier et de ranger au devoir
le comte Rodolphe, révolté contre son cvê(}ue
et son roi. « Te rogamus, cui totius Ecclesiaî
cura commissa est (Epist. xxii, lxii). »
Le pape Grégoire V, dans un concile romain,
suspendit de la communion Archimbaut, ar-
chevêque de Tours, et les autres évêques qui
avaient autorisé par leur présence les noces
incestueuses du roi Robert avec Berthe. sa
parente. 11 y décerna aussi une pénitence de
sept ans au roi Robert et à Bcrlhe (An. 998).
Ces évèques allèrent recevoir leur absolution
à Rome, comme nous l'apprenons d'une lettre
du pape Léon IX écrite au roi Henri, fds de Ro-
bert, et rapportée par Yves de Chartres. (Decre-
lum Ivonis. pa. 9, c. 8 .
IX. La multitude de ceux qui allaient à
Rome pour y obtenir ]ilutôt rabsolulion et
l'indulgence que la pénitence de leurs pé-
chés, obligea enfin les conciles provinciaux
d'interdire ces voyages aux fidèles, si ce n'était
avec la permission de leurs évèques, et après
avoir reçu la pénitence de leurs crimes de
leurs propres cui-és.
Voici lecanonducouciledeSeligenstadtsur ce
sujet 'Au. l()-2-2): « Quia uiulli tanta mentis sua;
l'allunlur stultilia, ut in aliquo inculpati cri-
mine capitali, |)œnitentiam a sacerdotibussuis
accipcre nolint, iu lioc maxime confisi, ut Ro-
mani euntibus, Apostolicus ouinia sibi dimitlat
peccata, sancto visum est concilio, ul talis
indulg(>ntia illis non prosit, sed prius juxta
modiuu delicti pœniteiitiam sibi datani a suis
sacerdotibus adiuipleant, et tune Romam ire
si velint, ab ejiiscopo proprio licentiam et
litteras ad Ai)ostolicum iisdem de rébus de-
ferendas accipiant (Can. xvi, xvni). »
C'est aux surprises et aux artifices des cri-
minels impénitents, et non pas à toute l'éten-
due de l'autorilé du pape (|ue ce concile s'op-
posait, aussi bien «jue celui de Limoges, dont
les évèques confessèrent qu'ils étaient eux-
mer aux lois de l'Etat et aux libertés de l'Eglise gallicane, et de
cesser ses ronctio)^ quand il en serait averti par le premier consul de
la République ;
30 De ne rendre public aucun acte de la légation, ni mettre à
exécution, sans la permission du gouvernement ;
4o De n» commettre ni déléguer personne sans la même permis-
sion t
50 De tenir ou faire tenir registre des actes de la légation ;
60 De remettre à la fin de sa légation le registre et le sceau de sa
légation au conseiller d'Etat cliargé de toutes les affaires concernant
'es cultes, lequel les déposerait au secrétariat du conseil d'Etat;
70 De ne pouvoir, à la fin de sa légation, exercer directement ou
indirectement, soit en France, soit hors de France, aucun acte relatif
mêmes coupables, s'ils n'avertissaient le pape
de ceux qu'ils ne voulaient pas qu'on récon-
cilicât à Rome, après avoir été excommuniés
dans leurs diocèses : ' Potius nos culpabiles
sumus, nisi litteris nostris ei notum facimus,
de quibus nolumus ut absolvantur (An. 1032). »
Ce mêiue concile déclare ces absolutions
nulles, non pas par défaut de puissance en
celui qui les accordait, mais par rimpénitence
de ceux qui s'opiniâtraient à ne pas satisfaire
leur propre évèque, et qui surprenaient le
])ape par leurs déguisements : « Cum ergo
taies deceperint Apostolicum, ut fraudulenter
absolvantur ab eo. irrita est eis illa absolutio,
ideoque nec ab eo, nec a nobis confirmanda. »
Dans les occasions où les intérêts de la piété
et de la religion n'ont point été blessés, les
évèques n'ont jamais trouvé mauvais que les
pénitents eussent recours à Rome, et y reçus-
sent le pardon et en même temps le remède de
leurs fautes.
Henri, évèque de Liège, ayant témoigné de
l'aigreur et ayant usé de paroles piquantes
dans sa lettre au pape Grégoire VII sur l'absolu-
tion qu'il avait donnée à un de ses diocésains ,
ce pape lui apprit par sa réponse que les suc-
cesseurs de saint Pierre avaient reçu du Fils
de Dieu la puissance de lier et de délier sans
aucunes limites, ni des temps, ni des lieux,
ni des matières : et que c'était l'ancienne
erreur des Orientaux, d'avoir blâmé le pape
.Iules de ce qu'il avait absous l'archevêque
Athanase sans leur consentement (An. 1078;
1. VI, Ep. iv).
« Mirati sumus, non ea te qua decuit, ad
aposlolicam Sedem reverentia scripsisse, sed
nos absolutione illius parochiani tui. qui olim
ad nos venit, mordaci invectione reprehendisse
tanijuam a|)ostolica' Sedis non essct autori-
tas, quoscumque et ubicumque vult ligare et
absolvere (Synodicum I^arisiense, p. 8,33). »
.le laisse la réservation des cas, ou des crimes
les plus énormes, dont l'absolution est réservée
au Saint-Siège. Je laisse la destination des
à l'Eglise gallicane. Dans son discours au premier consul et dans
une promesse lue et signée par lui, le légat prit l'engagement de
n'exercer qu'autant de temps qu'il plairait au premier consul, de ne
rien se permettre qui fut contraire aux droits du gouvernement et de
la nation, et de laisser en se retirant les actes de sa légation. Le car-
dinal Caprara exerça sa légation jusqu'au 30 mars 1808, époque à la-
quelle il annonça au gouvernement la cessation de ses pouvoirs. Por-
tails, dansson rapport sur les articles organiques, ne craint pas d'émet-
tre la pensée que les légats n'exercent leur pouvoir que par la per-
mission et l'autorité du souverain temporel. Chacun comprendra que
le délégué exerce par la permission et sous l'autorité de celui dont il
lient ses pouvoirs et qu'il représente. (Dr A.ndrê.}
SI LE PAPE A EXERCÉ l'NE JlKIltlCTIOX |>ANS LES DIOCÈSES.
3r>
confcssein's privilof^àés, ([iii ticnnciil leur juri-
diction du pape, (juoiiiirils n'en puissent user
qu'en la nianiiMe (jue les pajies et les évèques
mêmes du concile de Trente leur ont prescrite.
En effet, les théolo^nens et les canonistes
conviennent que le Fils de Dieu ayant rendu
ses apôtres dépositaires de sa plénitude de
puissance spirituelle, il s'ensuit de là que leur
juridiction n'avait point d'autres limites ipie
celles de la terre. Les évèques ont bien succédé
aux apôtres, mais ils n'ont pas recueilli l'héri-
tage entier de cette puissance universelle. C'est
le seul Siège apostolitiue de Pierre (|ui a reçu
avec le nom d'apostolique, toute la succession
de la puissance universelle des apôtres, et sur-
tout de saint Pierre qui la possédait avec des
avantages tout particuliers.
C'est ce que le pape Grégoire VII a voulu in-
sinuer en ces termes : « Tanquam apostolicœ
Sedis non esset autoritas , ([uoscumque et
ubicumque ^^ilt ligare et absolvere. »
X. Si nous jetons les yeux sur l'état déplo-
rable de l'Eglise universelle pendant le ponti-
ficat de ce pape, il ne nous paraîtra que trop
combien il fut nécessaire qu'il déployât celte
autorité universelle, qui a été commise au suc-
cesseur de Pierre, pour rétablir la tliscipline
qui était entièrement renversée, et pour pur-
ger l'Eglise par la déposition de tant de prélats
et tant de clercs, ou incontinents, ou simonia-
ques. L'universalité d'une maladie si conta-
gieuse demandait un médecin dont la puis-
sance et l'autorité fût générale pour retrancher
tant de membres pourris dans le clergé de
toutes les contrées de l'Eglise.
Il est vrai que les papes n'avaient encore
exempté les religieux de la juridiction des
évèques que du consentement des évèques
mêmes. Mais ce fut à l'occasion de ce débor-
dement effroyable de l'incontinence et de
la simonie dans tout le corps du clergé, qu'ils
se crurent obligés d'en user quelquefois au-
trement, et de donner ces exem[)tions sans
attendre l'agrément des évèques. Les évèques
firent quelquefois éclater leur ressentiment sur
une innovation qui semblait si préjudiciable à
l'honneur de leur caractère.
Le concile tenu dans l'église de Saint-Romain
où se trouvèrent les archevêques de Lyon, de
Vienne et de Tarantaise, avec plusieurs évè-
ques, rejeta un semblable privilège accordé à
l'abbaye de Cluny, conmie entièrement op-
posé aux canons du concile de Calcédoine, qui
sounu't les moines aux evèqeus, et défend aux
évèques de rien entreprendre dans les diocèses
les uns des antres: «Deci'everunt chaitam non
esse ratam, (juiecanonieis non soluni non con-
cordaret, sed etiam contrairetsententiis.» Mais
enfin toute l'Eglise a déféré à ces privilèges, et
les évèques s'y sont rendus, n'ayant pas cru
pouvoir s'opposer à un changement (|ui se
faisait alors pour l'utilité évidente et |iour
les pressantes nécessités de l'Eglise Coucilium
Ansanum. An. tO-2oj.
II s'agissait effectivement dans ce concile
d'une ordination faite par l'archevêque de
Vienne dans l'abbaye de Cluny , dont labbé
eût dû recourir pour cela à l'èvèque diocésain,
qui est celui de Màcon, si, par un privilège du
pape, il ne lui eût été permis d'appeler pour
les ordinations de ses religieux tel èvêque
qu'il lui plairait : « Quemcumque vellent, vel
de qualibet regione adducerent episcopum,
qui faceret ordinationes, vel consecrationes in
eorum Ecclesia. » Or le Saint-Siège ne com-
mença d'accorder ces sortes de privilèges
aux abbayes qu'en un temps où une grande
partie des évèques étaient devenus simonia-
ques, et. par une infâme prostitution des choses
saintes, ne voulaient plus conférer les ordres
(ju'en la manière qu'ils les avaient reçus eux-
mêmes, en vendant à prix d'argent le don
inappréciable du Saint-Esprit. C'est ce que
nous ferons voir dans la suite de ce traité
(Ibidem) .
XI. L'exemple suivant nous apprendra en-
core plus clairement la déférence que les rois
et les évèques avaient pour le Saint-Siège dans
de semblables conjonctures. Le pape Léon IX
ayant résolu de venir célébrer un concile à
Reims, et y faire la dédicace de l'abbaye de
Saint-Remy , les prélats qui n'étaient pas en-
trés dans l'Eglise par la porte d'une vocation
canonique, et qui appréhrndaient avec raison
d'être déposés dans ce concile, persuadèrent au
roi de les emmener tous à une expédition mi-
litaire et d'écrire au pape pour le prier de re-
mettre le concile en un autre temps plus
conunode pour les affaires du coyaume. Le
pape ne laissa pas de venir à Reims, d'y as-
sembler le concile, d'y faire la dédicace de
Saint-Remy, assisté des archevêques de Reims
et de Trêves, d'y faire le procès aux prélats
simoniaques, et d'y faire voir, par toutes ces
marques d'autorité, la vérité de ce qui y fut
déclaré en termes formels, que le pa|)e est lui
36
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SIXIÈME.
seul le premier et apostolique pontife derEglise
universelle : « Quod solus Romanac Sedis pon-
tifex, universalis Ecclesiae primus esset et
apostolicus (An. 1049). »
On j)eut remarquer que ce pape et ceux
qui l'ont suivi dans le même siècle et dans les
siècles suivants, ayant été forcés de faire
diverses courses dans l'Italie, dans la France
et dans l'Allemagne, il n'est jamais arrivé
qu'aucun évèque ou archevêque ait prétendu
les pouvoir précéder dans son propre diocèse,
ou avoir le premier rang d'autorité en leur
présence, ou les obliger de n'exercer les fonc-
tions pontificales que de leur consentement.
Il paraît au contraire dans toutes les histoires
du temps, que les pontifes romains ont été
reçus dans chaque Eglise comme les évè(|ues
propres du lieu, et comme les pasteurs sou-
verains à qui la bergerie entière de J.-C. a
été immédiatement confiée. Quand les papes
Jean, Agapet, Vigile et Constantin traversèrent
autrefois la Grèce pour se rendre à Constan-
tinople, ils furent reçus partout, comme la
personne propre de saint Pierre, et on ])eut
juger par les respects que les empereurs
mêmes leur rendirent, de ce que les évêques
pouvaient leur contester.
Nos rois n'ayant pas rendu de moindres té-
moignages de leur vénération sincère pour le
Siège apostolijjue, quand les jiapes sont venus
en France, il y a sujet de croire qu(! nos prélats
se conformaient avec joie à l'exemple du
prince.
Si quelque évêque a témoigné de la jalousie
dans quelque cas pareil, les papes n'ont
pas refusé de leur donner tout l'éclaircisse-
ment nécessaire, et de leur offrir de faire juger
ce différend par la rigueur des lois et des
canons. C'est ainsi que le pape Urbain II en usa
à l'égard de Farchevêque de Saleriie, qui avait
peine de lui céder la dédicace d'iuie église
exempte. L'archevê(|ue, ayant plus mûrement
délibéré sur cette affaire, ne voulut jamais
comparaître en jugement.
« Nobis dis|)onerifilius basilicaiu illius loci
dedicare, archiepiscopus su;e Eccicsiaj minui
juraclamitahaf. Cui nos ex abundanti salisfac-
tioiiem juris obtulinius. 111e aufem cum ad
postidatum et acceiitatum actionis tenuinum
pervenisset, actionem aggredi refutavit (Ur-
ban.Il. Epist. x).»
XII. Nous confirmerons dans la siiile de cet
ouvrage ce (pii a été déjà prouvé par la prati-
que des siècles précédents, que le pape était
en droit et en possession d'ordonner et d'at-
tacher au service de l'Eglise de Rome les diocé-
sains et les clercs de linéique diocèse que ce
|)uisse être.
C'est une de ces maximes générales qu'on
attribue au pape Grégoire VII, et qu'on appelle
« Dictatuspapae. » En voici les termes: « Quod
de omni Ecclesia quemcumque voluerit, cleri-
cuni valeat ordinare (Gregor. VII. I. u. Epist
Lxxvi). » C'était une preuve de son autorité
innnédiate sur tous les diocésains particuliers
des autres diocèses.
Ce même pape ordonna à Rome l'évèque de
Màcon, et écris it à l'archevêque de Lyon, qui
aurait dû l'ordonner, qu'il ne l'avait fait que
pour des causes justes et imporlaides' « Inter-
venientibus quibusdam rationabilibus causis. »
L'histoire ne nous apprend pas cjue cet arche-
vê(|ue ait été dans cette rencontre d'aussi mau-
vaise hiuueiu' iiue fid depuis l'archevêque de
Sens, lorsque le pape Urbain II consacra à
Rome Yves, évêque de Chartres, comme nous
l'avons dit ci-dessus.
XIII. Lorsque saint Louis obtint du pape
Innocent IV un privilège qui suspendait l'au-
torité de tous les archevêques et évêques, pour
ne pouvoir interdire le royaume sans un
ordre particulier du pape (Innoc. IV. Ep. xviu);
et (juand les autres rois ont impétré de sem-
blables concessions, ne sont-ce pas là autant
de marques certaines que tous les diocèses et
tous les diocésains particuliers sont les diocèses
et les diocésains inunédiats du pape, quand
l'utilité et le besoin de l'Eglise le demandent
de la sorte : « Intervenientibus rationabilibus
« causis. »
XIV. Et c'est peut-être la voie d'accommode-
ment qu'il faut prendre pour accorder les dif-
féi'cnts sentiments qui ord jiartagé les esprits
sur cette matière. Savoir, que les souvei^ains
pontifes exercent une juridiction immédiate
dans les diocèses et sur les diocésains particu-
liers de toute l'Eglise, mais dans les occur-
rences justes et importantes, pour le salut et
pour l'avantage de l'Eglise. C'est la doctrine
de Gerson, qui nous propose et condanme
en même tem|)S deux erreurs opposées entre
elles et également éloignées de la vérité.
L'une, que le pape n'est pas le pasteur immé-
diat (le chaque fidèle ; l'autre, (lu'il est telle-
ment le pasteur innnédiat de tous les diocèses,
qu'il peut sans nécessité et sans aucune utilité
SI LE PAPE A EXERCÉ l'NE JURinK.TFON DANS IJ'.S DIOCÈSES.
37
y exercer toutes les fonctions des évèqiies
particuliers.
« Qnod papa non est iinmediatus prfclatns
omnium fideliimi. nec sponsus Ecdesiœ uni-
versalis, sed solius Homan»; alioiiuiiicjuiclibet
Ecclesia cathedralis hal)eret duos sponsos, pa-
pam et episcopum. Qiidd papa est sic inmie-
diatus pnclatus onmium lidelium, quod potest
pro libito per se vel alios commissos omnia
exerccre licite, quœ potest qnicumque praelatus,
vel curatus inferior, etiam ubi non subcst né-
cessitas , propter defectum inferiorum, neijue
rationabilis utilitas (Gerson. tom. i, pag.
337). »
11 ne serait donc pas licite, licite, pour nous
servir des termes de Gerson. que sans nécessité
et sans utilité, le pnntilicat du Siège aposto-
lique attirât à lui toute la juritliction des évê-
ques particuliers. Mais lorsqu'il a été ou utile,
ou nécessaire pour l'avantage de l'Eglise, que
ce suprême Chef lit lui-même immédiatement
la fonction de quelques-uns de ses plus excel-
lents membres , on n'a jamais contesté qu'il
n'en eût le pouvoir.
XV. Je confesse que dans des conjonctures
singulières il arrive queUpiefois que le pape et
les évêques jugent diversement de ce qui est
nécessaire ou utile pour le salut de l'Eglise.
Mais dansées rencontres fâcheuses les évèijues
ne laissent pas de céder ordinairement à l'au-
torité supérieure de leur chef, dont ils n ap-
prouvent ou ne comprennent pas alors la
conduite. Cela parait admirablement dans les
lettres ijue saint Bernard écrivit à l'occasion
de l'interdit que l'archevêque de Sens et ses
suffragants avaient fulminé, pour contraindre
le roi Louis le Jeune de cesser les violences
qu'il exerçait contre l'Eglise. Le pape leur en-
joignit de le^e^ l'interdit, ce qui était comme
soustraire les terres du roi et ses officiers à
leur juridiction. Us obéirent, et ce ne fut pas
sans se plaindre que c'était exposer l'épiscopat
au mépris et mettre en proie tous les biens de
l'Eglise : « Soluto ad vestrum imperium epi-
scopi justo interdicto, etc., intérim facti sumus
opprobrium vicinis nostris, etc. (Bernard, Ep.
XLVn. XLVIU, XLIX). »
Quand il arriverait que dans quelque ren-
contre on s'affermît de part et d'autre dans
des sentiments contraires, il faut croire que
celui qui aurait le plus de charité plierait tou-
jours le premier, quoique ce fût peut-être lui-
même qui eût une plus grande autorité. Car
rien ne sied mieux à l'autorité suprême que la
parfaite charité.
On sait (pi'au temps de saint Bernard il était
libre à tous les particuliers, par un usage alors
reçu, de porter imméiliatenient toutes leurs
causes au Saint-Siège, de quelque nature
qu'elles pussent être. Ce savant et intréj)ide
défenseur de la plus |)ure discipliiîe de l'E-
glise ne désapprouva jamais celte police ,
pourvu que les intérêts de la justice, de la
piété et de la compassion pour les niisérabtes
y fussent conservés.
« Venlum est ad commune refngium; illo
confugiinus, ubi conlidinuis liberari. Tantuni
adsit pietas, nam facultas non deest. Et qui-
deni ex privilegio Sedis a|iostolicfe constat ,
sununam reruin ad vestram putissimum res-
picere summam autorilatem et plenariam
poteslalem (Epist. cxcviu). »
Voilà ce qu'il écrit au pape Innocent II. Ecri-
v<int au pape Eugène lll, il l'appelle l'évêque
de toute l'Eglise : « Hœc digna sunt vestro
apostolatu , décent pline orbis episcopum. »
Parlant à ceux de Tolède, il les exhorte de n'é-
couter point d'autres prédicateurs que ceux qui
auront la mission du pape, ou la permission de
leur évèque : « N'uilum prœdicatorem recipia-
tis, nifi qui missus a summo, seu a vestro per-
missus pontifice prœdicaverit. (Epist. ccxli). »
Le même saint Bernard écrivant au pape
Eugène 111, dans la plus grande ardeur et dans
la plus sainte liberté de son zèle, confesse que
le successeur de Pierre est généralement le
propre pasteur de toutes les brebis de J.-C.
« Potestate Petrus , unctione Christus , etc.
Sutit et alii gregum jjastores , etc. Habent illi
sibi assignâtes grèges, singuli singulos, tibi
universi crediti. uni unus. Non mudo ovium,
sed et pastorum , tu unus omnium pustor.
Pasce oves meas , inquit. Quas? lllius, vel il-
lius populos civitatis, aut regionis, aut certi
regni ? Cui non planum est, non désignasse
ali(|uas, sed assignasse omnes? Nihil excipitur,
ubi dislinguitur nihil. Et forte prfesentes cœ-
teri condiscipuli erant, cum committens uni
unitatem, omnibus commendaret. Inde est
quod alii singuli slngulas sortit! sunt plèbes,
scientes sacramentum. Denique Jacobus, qui
videbatur columna Ecclesiae, contentus est Je-
rosolyma, Petro universitatem cedens (L. ir. de
Consid). »
Quand il parle ensuite des appels et des
exemptions , il montre bien que l'exercice de
38
Dr PREMIER ORDRE DES CLERCS.
CHAPITRE SIXIEME.
cette puissance avait une étendue universelle.
Car (pioiiiu'il dcsapiJrouve les appellations
avant la sentence , (lui soumettaient innnédia-
tement au jugement du ])ape toutes sortes de
causes, il reconnaît néanmoins qu'on n'en
peut blâmer que l'abus qu'en faisaient les mé-
chants; que le pape seul peut remédier à ces
abus; enlin que le pouvoir en serait reconnu
sans peine, si l'on espérait qu'il lût ménagé
avec justice.
Ce grand honnne n"a pas plus de complai-
sance j>our les exemptions; mais lise réduit
enfm à souhaiter que la puissance se laisse
régler par la raison, et que les dispenses ne
s'accordent qu'à l'utilité publique et aux né-
cessités de l'Eglise : « Quomodo non indecens
tibi, voluntatu pro lege uti; et quia non est ad
quein appelleris, poteslatem exercere, negli-
gei-e ralionem? Ubi nécessitas urget, excusa-
bilis dispensalio est. Ubi nécessitas provocat,
dispensalio laudabilis est. Utilitas dico com-
munis, non propria (L. ni. ibid). »
Enfin ce sage et inexorable censeur juge que
ces marques d'une suprême puissance peuvent
être licites, mais qu'elles ne sont pas toujours
avantageuses, et peut-être même qu'elles ne
sont pas licites, puisque l'autorité des aidres
évèques est aussi fondée sur le droit divin , et
que par conséquent il n'est pas juste d'en in-
terrompre le cours et l'usage réglé : « Omnia
mihi licent, sed non onmia expediunl? Quid
si forte nec licel? Erras, si ut suinmam, ita et
solam institulam a Deo vestram aposlolicam
poteslatem exislimas. »
Pierre le Vénérable, abbé de Cluny , n'avait
garde de s'éloigner de ces sentiments. Voici
comme il parle de ce pouvoir universel et im-
médiat du pape dans toute l'Eglise : « Licet
majorem aliis Ecdesiai Patribus Romani ponti-
fices, hoc est, etsi |)er omnem Ecclesiam I^etri
autoritatem habeant, etc. sicut Romani pra'su-
les onun, et sicnl alii |)ontitices singulis Eccle-
siis prœsunt, etc., (Bibl. Cluniac. pag. 689). »
Voici ce (|ue .iean de Salisbury en a écrit :
« Ronianum poiitilicem non anibiginms priii-
cipis apostolorum esse vicarium , qui sicut
rector clavo navem, ita sigilii sui moderamine
Ecclesiam régit, coiaigit, et dirigit imivcrsam.
(Epist. Lxxxni). »
XVI. Ce n'est donc pas au pouvoir du Saint-
Siège, mais au mauvais usage d'un légitime
jtouvoir, et aux suites dangereuses cpii en jinu-
vaient naître, que (luehjues vigoureux prélats
ont fait une généreuse résistance. Galon, évèque
de Metz, ayant reçu du pape Jean VIII l'usage
du iiallium, sans rien diminuer de la sounds-
sion qu'il devait a son métropolitain : « Salva
in omnibus metropolitani subjectione : » Rer-
tolfe, archevêque de Trêves, qui était son mé-
tropolitain, lui défendit de i)orter le i)allium
sans sa permission, quoique Calon lui repré-
sentât qu'il était le cinquième évêque de Metz
à (jui celte grâce avait été accordée par le Sainl-
Siége. Ilincmar, arclievèciue de Reims, accom-
moda enfin ce différend entre deux prélats,
dont lim était soutenu de l'autorité du ])ape,
et l'autre soutenait courageusement les droits
des métropolitains : » Cum Walo apostolicam
autoritatem prœtenderet, archiepiscopus me-
tnipolitanoium jura defeuderet : » Mais ce fut
en persuadant à Galon de se soumettre de
boime grâce aux lois de l'obéissance qu'il de-
vait à sou métropolitain : « Ad metropolitani
sui eam instruxit obedientiam , et sic restituit
concordiam. »
L'histoire de Trêves, d'où est tiré ce récit,
assure que le même Rertolfe fit paraître en
])lusieurs rencontres une inflexible fermeté
])our la iléfense de ses droits, et refusa même
de recevoir les lettres du pape, lorsque les
sulfragants les avaient obtenues contre sa vo-
lonté : « Nam lifteras Romani pontificis pro
eadem Walonis pricsumptione, vel episcopi
Vinlunensis contra suam voluntatem sibi
transnussas suscipere noiuit (Spicileg. tom.
XII, pag. 'âio ; preuves des Libert. Gallic.
pag. -4GS).
Hugues, évêque de Die et légat du Saint-
Siège, ayant entrepris de consacrer un évèque
à Meaux, Richer, archevêque de Sens, ne put
soullVir ([u'on eût ordonné un de ses sullra-
gants sans son consentement ; il excommunia
ce nouveau prélat, et en substitua un autre
en sa place (Monacli. Altisiod. in Chronol.
an. 1031). »
Il y a bien de ra|)parence que ce légat avait
excédé les pouvoirs de sa commission. Ainsi
on ne peut blâmer le zèle de l'archevêque
liicher. Mais (|uant a la fermeté de Rertolfe,
dont nous venons de parler, elle ne jieut être
considérée (|ue dans le sens et les termes que
saint Rernaitl même nous fournit, en parlant
de ceux (pii ne (hjféraient jjas toujours aux
ap|iellations, (|ueli|ue légitimes qu'elles fus-
st'iii en général : « Plures sua amiticrc non
ferentes, appellaliones minus op|)ortunas et
SI LE PAPE A EXERCÉ UNE .IL'RIDICTION DANS LES DIOCÈSES.
39
celsa nomina, importunius contenipsenml
(L. iii.deConsid.:. » Il l'aut pourtant croire iiiic
c'était bien moins la jalousie <ie son propre
pouvoir ([ue le zèle vif>oureu\ de la discipline
(jui animait cet arcbevè(iue.
XVII. Pierre Bertrandi, évèque d Autun, et
depuis cardinal, ([ui défendit avec tant de
succès la cause du clergé de France et de la
juridiction ecclésiasti(|ue, sous le roi Philippe
de Valois, nous a appris, dans le traité (ju'il
dressa, quels étaient alors les sentiments de la
France sur cette matière. Car il était français,
et il prétendait expliquer les sentiments du
clergé de France dans cette rencontre. 11 y
établit celte maxime, comme empruntée de
saint Léon et des saints Pères, que J.-C. a
donné la puissance des clefs à saint Pierre
et à ses successeurs, de qui il s'en fait une
effusion sur les autres : « Origo hujus pote-
statis etluit a Deo inunediate. videlicet a Christo
tradente eam certœ personœ, scilicet Petro, pro
se et suis successoribus, a (|uibus in alios deri-
vatur (Bibliotb. Patr. toni. iv, part. I.) »
II ajoute que cette autorité imiverscUe em-
brasse tous les lieux et toutes les personnes, et
que tous les fidèles doivent obéir comme les
fidèles de chaque diocèse doivent obéir à leur
évéque : « Cuin pnedictam jurisdictionem
habeat papa, sine limitatione loci et per-
sonarum ; ideo omnes christiani uhicum(|ue
sint , debent ei obedire. Ca'teris vcro prse-
latis, episcopis, archiepiscopis et patriarchis,
in territoriis seu diœcesibus sibi commissis,
lenentur obedire omnes christiani nianenles
ineis (Qusest. 3). »
Enfin ce prélat conclut que le Fils de Dieu,
étant la sagesse éternelle, a donné au chef visi-
ble de son Eglise tout le pouvoir qui était né-
cessaire jtour le salut et pour lavantage de son
Eglise. « Christus commisit Petro regimeu Ec-
clesi» tantum , quantum necessarium erat et
expediebat cum regimine Ecclesiœ. » Voilà la
raison fondamentale pourquoi les évèques n'ont
pas cru devoir contester avec le pape sur Té-
tendue du pouvoir : mais ils ont eu (luelque-
fois des démêlés sur ce qui était avantageux
ou préjudiciable à la pureté de la discipline.
XVIU. 11 ne sera pas inutile de faire voir
que la docti'ine de ce cardinal , qui paraissait
alors à la tète de toute l'Eglise gallicane . et de
tout le clergé dont il soutenait si glorieuse-
ment les intérêts, fut ensuite défendue par
Gerson . par le cardinal Pierre d'.Villy, par
Alniahin , par Major, et par tous ces célèbres
docteurs, (pii sont les moins suspects d'a-
voir donné tro|) d'étendue à la puissance des
papes.
Gerson établit iiremièrement cette proposi-
tion, que la plénitude do la puissance et de la
juridiction ecclésiasti(|ues se peut étendre sur
tous les particuliers de l'Eglise, et que si cette
autorité s'emportait à des excès dangereux, ce
serait à l'Eglise assemblée d'y apporter les re-
mèdes convenables.
11 ajoute à cela que cette plénitude de puis-
sance réside dans le pape, ce qui fait que
l'Eglise est une véritalile monarchie : non que
le pape puisse sans raison et sans nécessité
s'ingérer dans les fonctions de chaque évèque
particulier, mais il use de ce pouvoir innné-
diat quand il y est convié , ou par le défaut et
la négligence des pasteurs immédiats, ou ])ar
le besoin et l'utilité évidente de l'Eglise, qui
sont aussi les cas où les évèques exercent par
eux-mêmes la charge des curés.
« Plenitudo potestatis ecclesiasticae comple-
ctitur in se plenitudinem duplicis potestatis,
scilicet ordinis et jurisdictionis, tam in foro
interiori, quam exteriori, quœ circa quemlibet
de Ecdesia potest immédiate et absque limita-
tione exerceri, clave non errante. Sed si errât,
potest per Ecclesiam synodaliter congregatam
error judicialiter corrigi, etc. Gerson. tom. i,
pag. 11,^, l-2r), 120^. » Voila la première pro-
position.
Voici la seconde, (jui n'est ni moins claire,
ni moins décisi-ve: a Plenitudo potestatis Eccle-
siœ sic proprie sumpta, non potest esse de lege
ordinata, nisi in unico summo pontiCce. AJio-
quin ecclesiasticum regimeu non esse monar-
chicum, etc. Nec tamen plenitudo potestatis
papalis sic intelligenda est immédiate super
omnes christianos, quod pro libito possit juris-
dictionem in omnes per se, vel alios extraordi-
narios [lassim exercere. Sic enim pra?judicaret
ordinariis, qui jus habent immediatum, imo
inunediatissimum super plèbes eis commissas
actushierarchicos exercendi.Extenditur igitur
plenitudo potestatis papœ super omnes inferio-
res, solum dum subest nécessitas, ex defectu
ordinariorum inferiorum ; vel dum apparet
evidens utiiitas Ecclesice. Qu^madmodum dici>
potest de episcojjis respectu plebanorum, vel
propriorum sacerdutum, ([uorum possunt sup-
plere defectus. »
Cette comparaison de Gerson ne doit pas
40
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SIXIEME.
être passée trop Irgèrement. Il était persuadé
que la dignité des curés etiiil aussi de droit
divin. Cela a'einpècliait pas qu'il ne crût que
les évèques pouvaient remplir immédiatement
par eux-mêmes les fouclious des curés, quand
rulililé de l'Eglise le demandait. 11 fornje le
même jugement du pape à l'égard des évéques.
L'elat nioiiareliiipie et essentiellement monar-
chique de l'Eglise, selon ses sentiments et ses
expressions, ne doit pas être moins considéré.
Car (ierson en infère qu'on ne peut pas dire
sans erreur que chaque évêque est pape dans
son diocèse.
« Nullam aliam rolitiam instituit Christus
immutaljililer monarcliicam, et (piodam modo
regalem, nisi Ecclesiam; et oppositum sen-
tientes de Ecclesia , quod fas est esse plures
papas, aut quod ([uilibet eijiscopus est in sua
diœcesi papa, vel jiastor suprenuis, lequalis
papsB Romano, orrani in lide et unitate Eccle-
siœ, contra illuiii aiticulum : Et in unam
sanctam, etc. (Ibidem, p. lo8). »
Cet auteur ajoute que si les évêques se
voyaient léduits trop à l'étroit par le pape dans
l'exercice de leurs pouvoirs essentiels : « in
suis juribus essentialibus, » soit dans l'exemp-
tion accordée à leurs sujets, soit dans la réser-
vation des cas ou des bénéfices, et que cela se
fit trop communément et sans un plus grand
avantage pour l'Eglise : « passim, communiter
absiiueutilitatemajori Ecclesite (Ibidem. ])ag.
190, 290), » alors ils pourraient en porter
leurs plaintes, non-seulement au pape même
et au concile, ce qui est le remède le plus con-
venable : « <|U(id estconvenientissimumreme-
dium, 1) mais aussi aux princes temporels, en
implorant leur secours.
Il conclut aussi ailleurs que le pape ne peut
pas changer la disposition générale de l'Eglise,
ni empêcher qu'il y ait des évêques, des curés
et des cardinaux, en tant que les cardinaux
reiiresentent les apôtres, qui étaient comme
les conseillers et les assesseurs de saint Pierre.
XIX. Le docteur Almahin marchait sur les
pas de Gcrson. 11 reconnaissait que par ces
paroles : « Pasce oves meas , » le Fils de
Dieu avait dorme à saint Pierre le pouvoir de
distribu( r les iliguités ecclésiastiques, les évê-
' chés et les cures : « Fuit Petro data potestas,
etiam iiistituendi ministros, ad pascendum, et
instituendum et distribui-ndum caeteras digni-
tates eccle-iasticas, episcopatus, curas (Ibidem,
pag. 751, 70."), 708). »
Comme on lui opposait qu'il pourrait y avoir
plusieurs papes, comme il y a eu quelquefois
|)lusieurs évêques en un évêché, et plusieurs
cures en une cure, puisque le pape est comme
le curé universel de toute l'Eglise : « Quoniam
papa niliil aliud est, quam curatus universalis
Ecciesiae:» il répond que la comparaison n'en
est pas juste, parce que ce n'est qu'un point
de |)olice humaine ou ecclésiastique (ju'un
évêché soit gouverné par un seul évêque;
mais c'est une loi divine et immuable à notre
égard, (|ue toute la chrétienté soit régie par
un seul grand prêtre : « Quod sit aliciuis, ([ui
habeat regere totam christianitatein, est ex
iiislitutioneChristi; et ([uod aliquis regat hune
episcoiiatum, estex institutione humaiia : idée
potest committi duobus ex œquo : alia vero
quœ est ex institutione Christi, non potest. »
Le docteur Major ne disconvient pas des
mêmes principes, que le pape peut exercer les
mêmes droits dans chaque Eglise et sur tous
les fidèles en particulier, que chaque évêque
exerce dans son diocèse et sur ses diocésains,
pourvu qu'on n'étende pas ce même ])ouvoir
sur tout le corps de l'Eglise assemblée (Ibidem,
pag. 887, 888).
Pierre d'Ailly, dans Pexcellent traité (|u'il
écrivit de l'Autorité de l'Eglise, pendant la
tenue du concile de Constance, dit cpie d'abord
le Fils de Dieu communiqua à tous les apôtres
la même infinie étendue de la puissance sacer-
dotale; mais ipie prévoyant la confusion qui
en naîtiait infailliblement, si tous les succes-
seurs des apôtres, c'est-à-dire, si tous les évê-
(jucs en usaient de même, il donna à Pierre et
à ses successeurs la conduite générale de toute
sa bergerie, et le pouvoir de partager les dio-
cèses et l'exercice de cette divine juridiction
entre les autres évêques.
« Quia ex hoc confusio sequi poterat, ideo
Doniimis hoc prœvidens contulit Petro pro se
et suis successoribus auloritatem dis|)onendi
ministros Ecclesiœ, et determinandi jurisdic-
tionem, dicens : Pasce oves meas, id est, sis
[)astor generalis, ad quem pertinet dispositio
et regimen générale ovium etovilis, etc. Et ita
in Petro fuit isia pieniludo potestatis, quam
taiiien postea divisim aliis dédit, vocans eos
in parlem solliciludinis (Ibid. pag. 898). »
On se (lersuadera sans peine que les autres
théologiens de l'Eglise étaient alors dans des
seiiliments aussi favorables aux intérêts du
pa])e. On n'aura lias plus de peine à croire que
SI LE PAPE A EXERCÉ UNE JURIDICTION DANS LES DIOCÈSES.
41
la pratiiiue reçue en ce temps-là dans lonte
l'Eglise était le [nincipal toiitieniint de la doc-
trine lie ces tliéoloi;iens.Cai' on sait bien qu'ils
n'étaient pascanonistes de profession, et qu'ils
ne faisaient jias leur principale occupation de
l'étude des canons et des conciles anciens, et
de la discqiline des premiers siècles de TEglise.
C'était donc sur la disposition présente de
l'Eglise, et sur les usages reçus de leur tenq)s,
qu'ils appuyaient leurs raisonnements. Si leurs
discours semblent faire croire qu'ils faisaient
aussi remonter jusqu'aux premiers siècles de
l'Eglise les raisonnements et les conclusions
qu'ils tiraient de la discipliiie de leur temps,
il faut ajouter, pour leur justification, qu'ils se
fondaient aussi sur la primauté du Saint-Siège,
et sur les paroles propres du Verbe incarné,
qui en est l'instituteur. Or il faut confesser de
bonne foi que tous les avantages et tous les
pouvoirs de cette primauté instituée par J.-C.
qui ne se sont développés, pour l'utilité de
l'Eglise, que les uns après les autres dans la
longue suite de tant de siècles, y étaient tous
en quelque façon contenus dès sa première
origine. Ainsi ces excellents théologiens ne
laissaient pas de raisonner fort solidement,
lorsqu'ils étalaient les droits singuliers de cette
primauté dans sa source et dans sa primitive
institution, puisqu'ils y étaient effectivement
renfermés , quoique les premiers siècles n'aient
pas vu germer toutes les fleurs et tous les
fruits de cette divine semence.
L'exercice de cette prééminence du Siège
apostolique n'a pas été le même dans tous les
siècles; mais il est toujours vrai de dire, selon
le raisonnement de ces théologiens, que J.-C.
a donné à saint Pierre toutes les grandeurs et
toutes les prérogatives qui ne se sont décou-
vertes et qui ne se découvriront que dans la
longue succession des siècles. Le même Verbe
éternel, qui a parlé dans sa chair, parle et
opère incessamment dans son Eglise, pour y ac-
complir avec autant de fidélité que de puis-
sance toutes ses divines promesses : et quoi-
qu'on ne puisse pas dire que ces pouvoirs, qui
n'ont éclaté qu'après plusieurs siècles, soient
proprement et immédiatement de di'oit divin,
on ne peut néanmoins nier qu'ils ne soient
très-convenables et comme naturels à une pri-
mauté qui est immédiatement établie sur le
droit divin.
C'est en ce sens qu'il faut entendre les pa-
roles de saint Bernard, dans sa lettre à ceux de
.Milan : « Plenitudo potestatis super universas
orbis Ecck'sias singulari prîerogativa aposto-
lica' Sedi donala est. Qui igitur huic potesfati
résistif, Dei ordinationi resistit. Potest, si utile
judicaverit, novos ordinare episco|)atus; potest
eos qui siint , alios dcprimere, alios subli-
mare, etc., potest a finibus terra; sublimes quas-
cumque personas ecclesiasticas evocare et
cogère ad suam pra?sentiam, non semel et bis,
sed quoties expedire videbit, etc. i Ejjist. cxxxi^ . »
Cette plénitude de pouvoir a toujours été la
même en elle-même, mais l'usage en a été réglé
par ime sage et charitable dispensation pour
l'utilité ou pour les nécessités de l'Eglise, en
autant de différentes manières qu'il y a eu de
diversités dans la discipline et dans la révolu-
tion de tant de siècles, et dans un si grand
nombre de royaumes qui composent l'Eglise
catholique.
XX. 11 Y a beaucoup d'apparence que dès la
naissance des Eglises particulières, les apôtres,
qui en étaient les pères et les fondateurs, ne se
dépouillaient pas lorsqu'ils y établissaient des
évèques, du droit qu'ils s'étaient acquis sur
chaque fidèle, par la régénération spirituelle.
Or, c'est le seul Siège apostolique qui a recueilli
la succession de ces pouvoirs apostoliques dans
leur universalité.
C'est ce que saint Thomas a fort ingénieuse-
ment conclu de ces paroles de l'apôtre saint
Paul, dont le pape est aussi le seul successeur.
M In omni loco ipsoruin et nostro. » Car voici
comme il explique ces paroles: « In omni loco
ipsorum , id est , eoruni juri^dictioni subjecto.
Et nostro : quia per hoc quod subjiciebantur
episcopo civitatis, non eximebantur a potestate
apostoli. Quiiiimo magis erant ipsi apostolo
subjecti, quam his, quibus ipse eos subjecerat
(In Epist. I ad Corinth. c. i). »
Tous ces théologiens considéraient avec les
yeux d'une foi éclairée le Fils de Dieu même,
comme le chef invisible , résidant très-singu-
lièrement dans le chef visible de son Eglise, et
déployant successivement dans la révolution
des siècles les pouvoirs célestes de son sacer-
doce, à mesure que, suivant sa divine sagesse
et son incompréhensible charité , il le jugeait
avantageux à la formation, au progrès, et à la
consommation de son corps mystique.
C'était sans doute le sentiment de Pierre de
Cluny, quand il parlait en ces termes au pape
Innocent II : « Niliil nos a pastore, nihil a
Petro, nihil a Christo, quae oninia in te uno
42
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS.
CHAPITRE SIXIÈME,
habcmus , separare {loterit (Epist. lib. i,
E|)ist.i;.» Et quand il écrivait presque en mêmes
termes au pape Célestin : « Ipsos apostolorum
siiniinns Petruni et Paulum. imo ipsum Chri-
sliim in vobis solo se habere gloriabitur orbis
terrarum L. iv. Ep. xviii). »
Au reste, si j'ai rapporté et étendu les senti-
ments de tous ces tbéologiens, ce n'a point été
pour donner une décision d'une question spé-
culative qu'on traitait alors, et où je ne veux
]ioint entrer ; mais pour faire comprendre
quelle était dans la pratique la déférence des
ôvêques pour le pape, lorsqu'ils étaient dans
* les sentiments de ces docteurs, et combien
étaient éloignées, même de leur pensée, les
contestations spéculatives sur les bornes de
leurs pouvoirs et des pouvoirs du Saint-
Siège.
XXI. Il résulte de tout ce qui a été dit sur
cette matière, que l'Esprit-Saint , qui préside
au collège épiscopal et à l'unité des pasteurs
de l'Eglise universelle, n'a jamais pei-mis (|u'on
y ait contesté au chef la plénitude de ses pou-
voirs apostolitiues : et ([ue si dans (juelques
conjectures particulières, on lui a fait de la ré-
sistance , ce n'a été que pour en faire modérer
l'usage, selon qu'il était convenable pour l'ob-
servance des canons, pour la paix des Eglises,
et pour la vigueur de la discipline.
On peut dire que lorsque saint Grégoire le
Grand faisait de si sanglantes invectives contre
la qualité de patriarche œcnméni(|ue, et pro-
testait (jue les pontifes romains n'avaient ja-
mais pris le titre d'évèque universel, il n'avait
en vue que les abus (|ui pouvaient être palliés
■• et connue autorisés par celte universalité de
puissance. Et il était juste d'entrer facilement
dans cette appréhension, lorsque cette (|ualité
était encore nouvelle, et qu'elle pouvait servir
de voile à une ambition dont on n'avait déjà
(pie trop senti la violence.
Après tout, on peut dire (|ue jamais aucun
pape n'a porté si loin la plénitude et l'univer-
salité de la puissance a])ostoliipie (pie lui; mais
il faut l'econnaîli'e en même l('mps(piejamaison
n'en a usé ni plus saintement, ni plus hum-
blement, ni plus purement jaiur les seuls avan-
tages (le l'Eglise. Ainsi il faut expliquer les
paroles de ce saint pape par ses actions, et con-
clure de ses paroles et de ses actions que la
idénitude et l'universalité de la puissance ai)0S-
tdliipie n'csl pas une aifection démesiu'ée de
puissance et de doniiualion, mais une eilusion
de charité, qui ne peut souffrir de limites, et à
laquelle rien n'est impossible, pendant qu'elle
ne travaille qu'a l'édification de l'Eglise, et à
l'observance inviolable des lois de la justice et
de la piété.
XXII. Eadmer raconte comment le pape Ca-
lixte H, dans le concile de Reims, en l'an 1119.
se disposant à consacrer Turstan, archevêque
d'York, Jean , archidiacre de Cantorbéry , pro-
testa que ce droit appartenait à l'archevêque
de Cantorbéry, dont il ne jiouvait sans injus-
tice être dépouillé; et par conséquent il ne pou-
vait en être dépouillé par le pape, qui faisait
justice à tout le monde. « Nec ipsum, licet
ofticio papœ fungeretur , jure posse Ecclesiae
Cantuariensi jus suum pra'ripere; cum con-
staret eum nulli quod juste debebat, eo usque
denegasse (Histor. uov. lib. v). » Le pai)e ne
laissa [)as de passer outre, et enfin l'accommo-
dement se lit.
On eût pu opposer à cet archidiacre les pré-
tentions et les droits mêmes de rai'chevcque
de Cantorbéry dans les diocèses des autres
évèques d'Angleterre. Car l'évêque de Salisbury
prétendant que c'était à lui à faire la cérémonie
du mariage du roi , parce qu'elle devait se
faire dans la chapelle du château de Windsor,
(jui était de son diocèse, l'archevêque de Can-
torbéry , Radulphe, l'emporta hautement sur
lui, non-seulement parcette première raison que
le roi et la reine étaient ses paroissiens, quel-
que part qu'ils fussent, mais aussi par cette
seconde, qui mérite bien plus d'attention, et
qui entraîne après soi bien d'autres consé-
quences : c'est que toute l'étendue de la pri-
matie de Cantorbéry était en même temjjs
l'étendue de son diocèse, tous les autres évo-
ques d'Angleterre ne tenant leurs diocèses que
de l'archevêque de Cantorbéry.
« CumepiscopusSerberiensis, quiacastrum
ipsum in diœcesi sua consisfit, officiuni i|)sius
copula' niteretiu' adniinistrare, contradictum
et comprobatum ab aliis est, magis ad archie-
piscopum Cantuariensem id perfinerc, ea ra-
lione (piod rcx et rcgina s])eciales ae domestici
pariochaui sunt ipsius; nec diœcesim cnjusvis
episco|)i ei possit prœripere, quod sui juris
dignoscilur esse: cum tota terra lege primatus
(^antuariœ parochia sua sit, et onmes e|)isco|>i
tolius insula- parochias quas habent, nonnisi
ab ipso, et per ipsmn liabeant. Sedata igiturin
]n< cdiihoversia est (Ibid. Idi. vi;. »
XXIU. Je vois bien que celle dernière rai-
DES PATRIAIICHES ANCIENS, ETC.
i:i
son , (|iioiqiie proposée en ternies jiénénuix,
est néanmoins ici déterminée aux seules per-
sonnes lin roi et de la reine, q\ii sont toujours
les paroissiens de l'archevêque de Cantorbéry.
Mais outre que nous aurions en cela même un
exemple de ce que nous clierclions, il laut con-
fesser que saint Anselme même, c'est-à-dire un
des plus modestes et des plus saints prélats, a
poussé bien plus loin ses prétentions étant ar-
chevêque de Cantorbéry, selon le même Ead-
mer. Car il déclara hautement que le droit lui
permettait aussi bien qu'à ses prédécesseurs,
de faire les fonctions épiscopales par toute l'An-
gleterre : « Antecessorum meorumjuris fuit,
et mei est, indifferenter per Angliam, ubicum-
que voluntas tulit, episcopale oflicium admi-
nistrare (Ibid. lib. iv.) »
Nous traiterons plus au long de ce pouvoir
ci-dessous, en parlant de la iirimatie de Can-
torbéry. Mais il liiul ajoiili'i- ici ([uc la sagesse
de saint .\iiselme |>rotcsta aussitôt après ijuil
nuscrait de ce |)ouvoJr ([ue dans les conjonc-
tures où la coutume reçue l'aurait affermi, en
le rcmlanl ai^n'able aux évèiiucs. « llicocoiisue-
tudinis illud non esse, etc. Hoc unile agilur,
quamvis si tieret, non esset lidei contrarium ;
fieri tamen ex consuefudine non débet, eo
(jucd non nimis inconveniens esset. » C'est
ainsi qu'autrefois les archevêques de Carthage
ont usé du droit des ordinations ; c'est ainsi (|uc
les i)apes ont toujoiu's usé de ce pouvoir uni-
versel, selon la co^^<«»^e universellement agréée
des évcques de leur siècle, et sans s'exposer
jamais au plus ^randde tous: les incoiivén/'ents,
qui est la division et le schisme dans l'épis-
copat. Cet exemple des archevêques de Can-
torbéry nous conduit à parler des patriarches
et des primats.
CHAPITRE SEPTIEME.
DES P.4TR1.\RCHES ANCIENS EN GENERAL PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES DE L EGLISE.
I. Nécessité des exarques el des patriarches pour juger dans
* les conciles de leur ressort les diOérends qu'on ne pouvait
terminer dans les conciles provinciaus.
II. Subordination de divers degrés dans l'épiscopat, expliquée
par saint Léon.
III. Il n'y a que la primauté du pape , et celle de cliaque
évèque dans son diocèse, qui soient vraiment de droit divin.
IV. Quoique le droit des métropoles et des exarchats ap-
proche beaucoup du droit divin.
V. Tous les termes des dignités ecclésiastiques n'ont rien de
fastueux ou de dominant dans leur véritable idée.
VI. Si l'Eglise a été quelque temps gouvernée par les pa-
triarches seuls, sans évêques.
VII. Les trois évèques de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche
ont possédé une prééminence singulière sur les autres dès la
naissance de l'Eglise. Preuves tirées des conciles.
VIII. Preuves tirées des papes Innocent, Léon et Pelage.
IX Ce n'est point la grandeur naturelle de ces villes qui
leur a donné tant de considération dans l'Eglise.
X. Autres preuves tirées des saints Pères; d'Eusèbe. Com-
ment on a considéré la puissance temporelle de ces trois
villes.
XI. Fondation de ces trois Eglises par saint Pierre, selon
Eusèbe.
XII. Saint Epiphane, saint Grégoire de Nazianze, saint Théo-
doret.
XUI. La tradition très-ancienne de l'Eglise grecque même,
que saint Pierre fonda ces trois Eglises.
I. On a pn remarquer, dans le chapitre pré-
cèdent, qu'après diverses tentatives, on na pu
s'empêcher de reconnaître des exarques , ou
des patriarches au-dessus des métropolitains,
aûn de terminer dans leur concile diocésain ou
national les différends qu'on n'avait pu finir
dans les conciles provinciaux, soit a cause du
partage des voix entre les évêques de la pro-
vince, soit a cause des diftérends qu'on avait
avec le métropolitain, soit enfin jjour décider
les procès qui survenaient entre diverses pro-
vinces.
Ce fut ce qui porta les évêques du concile I
de Constantinople à établir ou à affermir les
grandes diocèses , à l'imitation des diocèses
civiles, et les chefs de chaque diocèse, qu'ils
a|)pelaient exar(|ues, et enfin les conciles dio-
césains, où s'assemblaient les métropolitains
et les députés de toutes les provinces d'une
diocèse. Mais ni le concile d'Antioche, qui
avait tenté une autre voie pour éviter le recours
aux empereurs pour les jugements des causes
spirituelles, ni celui de Constantinople, qui
autorisa cet autre moyen, ne purent éviter la
nécessité de recourir a un chef ([ui fût au-dessus
44
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS.
CHAPITRE SEPTIÈME.
des exarques, comme les exarques étaient au-
dessus des métropolitains. Car les évoques et
les métropolitains pouvaient aussi avoir des
démêlés avec l'exarque. 11 pouvait survenir
des ditlérends entre les exarques ouïes mélro-
polit<iins, ou les évêques de diverses diocèses.
Ces causes ne iioiivaient être terminées que
par un juge, et dans un concile qui fût au-
dessus des exarques et des conciles diocésains.
Si les Grecs avaient pu établir des exanjues
au-dessus des métropolitains, sans violer le
canon de Nicée, qui semblait n'avoir point re-
connu d'autre tribunal, ni d'autre concile par-
ticulier quecelui des métropolitains, le concile
de Sardique n'avait-il pas aussi pu reconnaître
le successeur de saint Pierre comme un primat
élevé par J.-C. même, pour vider les diflerends
qui n'auraient pu se décider dans les conciles
des provinces et des diocèses, et pour lesquels
l'Eglise ne jugerait pas toujours à projios
d'assembler un concile œcuménique ? En cela
on ne blessait ni l'autorité ni les canons du
concile de Nicée, mais on suivait son esprit et
on suppléait à son silence, en appli(iuant aux
nouveaux besoins de l'Eglise des remèdes nou-
veaux à la vérité, mais conformes à ceux que
ce concile avait appliqués aux maladies de son
temps.
Enfin on ne peut pas dire que le concile de
Nicée eût renfermé tous les jugements ecdc-
siasticiues dans les seuls conciles provinciaux,
puisqu'il avait confirmé l'autorité des trois
grands métroiiolitains ([u'on appela dei)uis
arclievèques et patriarcbes, dont cbaciui or-
donnait les évêques et réglait la police de plu-
sieurs ])rovinccs.
11. Le grand saint Léon a fort bien représenté
cette disposition des puissances et des tribu-
naux ecclésiastiques et la nécessité inévitable
de monter par degrés jusqu'ià un cbef, confor-
mément à l'ordre que J.-C. même avait établi
entre les apôtres (]ui étaient tous égaux dans
l'ordre de l'apostolat, et (jui avaient néanmoins
un cbef (|ui présidait à leur auguste collège.
« Connexio totiuscorporis unam sanitatem,
unani(|ue pukbritudinem facit. Et hœc con-
nexio totius quiiiein corporis unaniniitaltMU
reiiuirit, sed pranipueexigitconcordianisacer-
dotum. Quibus etsi dignitasnonsitcommunis,
est tanien onio generalis. Quoniani et inter
beatissiinos ajjostolos in similitudine bonoris
fuit ipuedam discretio potestatis ; et cuui
omnium par esset electio. uni tamen datuni
est, ut cseteris prœemineret. De qua forma
episcoporum quoque est orta dislinctio, et
magna dispositione provisum est , ne omnes
omnia sibi vendicareut, sed essent in singidis
provinciis singuli, quorum inter fratres liabe-
retur prima sententia; et rursus quidam in
majoribus in-Mbus constitidi. sollicitudinem
suseiperent anipliorem; per quos ad unam
Pétri Sedem universalis Ecclesice cura con-
flueret, et nibil usquam a suo capite dissideret
lEpist. Lxxxiv, c. ult.). »
111. Dans cette subordination de puissances
ecclésiastiques, il faut reconnaître que la pri-
mauté des évêques dans leur diocèse et celle
du pape sur les évêques sont de droit divin;
au lieu que la supériorité des métropolitains
et des exarques, ou des patriarcbes, est d'insti-
tution ecclésiastique. Carie Fils de Dieu même
institua le sacré collège des apôtres, leur donna
pour cbef saint Pierre comme son vicaire; et
par la toute-puissance de sa divine parole,
comme il doiuia une stabilité et une durée
éternelle à son Eglise, il s'engagea aussi à don-
ner une suite éternelle de successeurs à ses
apôtres et à leur auguste cbef.
C'est ce que le même saint Léon a encore re-
manpié dans une autre kttre, oii il montre
excellemment comment le Fils de Dieu s'est en
quelque manière associé saint Pierre dans la
qualité de cbef de son Eglise. « Hujus mimeris
sacramentum ita Dominus voluil ad omnium
apostolorum officium pertinere , ut in beatis-
simo Petro apostolorum onmiumsummoprin-
cip:diter coUocaret; ut ab ipso quasi quodam
capite dona sua velut in corpus omne diffun-
deret: ut exortem se mysterii intelligeret esse
divini, qui ausus fuisset a Pétri soliditate re-
cedere. Hune enim in consortium individuœ
unitatis assumptum, id quod ipse erat, voluit
noniinari, diceudo: Tu es Petrus, et super
banc petrani œdificaboEcclesiam meam{Epist.
XXX ix). »
IV. Si j'ai dit que l'iustitution des métropo-
litains et des patriarcbes n'était que d'un droit
ecclésiastique , je n'ai pas prétendu rien dé-
truire de ce qui a été dit ci-dessus des Eglises
métropolitaines et patri.ircliales fondées parles
apôtres mêmes et autorisées par les témoin
gnages de l'Ecriture qui ont été allégués. Mais
il faut avouer que cet établissement, qui est
jiresque aussi ancien que l'Eglise, est comme
une émanation immédiate du droit divin; c'est
une institution apostolique, c'est une imitation
DES PATRIARCHES ANCIENS, ETC.
(le la disposition du coll(''};x> ai)ostoli(iue, et de
la supériorité que le Fils de Ui. u.niéuie a\ait
donnée à saint Pierre sur les antres apôtres.
V. Au reste , (inoiqne nous ayons attaché
des idées de grandeur et de domination à ces
titres d'exarque, d'arclievèque et de patriar-
che, ou de pape , il n'y a rien de plus modeste,
ni de plus proportionné à l'humilité chrétienne
(|uc le [jreniier usage et la première institulion
de ces noms dans l'Eglise. Le mot de pape
signifie un père, et il fut d'abord commun à
tous les évêques. Voiiiscus a rajiporté une let-
tre de l'emptreur Adrien, où il est parlé des
prêtres et des évoques des chrétiens dans l'E-
gypte, et même d'un jiatriarche: « 111e ipse
patriarcha cum .4''gyptum venerit, ab aliis co-
gitur Christum , ab aliis Serapideni adorare
(Tn vita Saturnini''. » M. de Marca a eu raison
de l'entendre du i>atriarche des Juifs, puisque
ce terme a été inconnu à l'Eglise même durant
deux ou trois siècles après cela.
Saint Jérôme fait souvent mention des pa-
triarches des Juifs et de leurs richesses, expli-
quant ces paroles d'Isaïe : «Etfaeniinatidoniina-
buntur eis; » il les rapporte à ces patriarches,
qui ne se faisaient pas moins remar(|uer par
leur luxe que par leur souveraine autorité dans
les jugements : « Consideremus patriarchas
Hebrîporum effanuinatos , ae deliciis affliieu-
tes, et impletam esse |)rophetiam cernemus. »
Mais quand nous eussions emprunté deux le
titre de patriarche , ce qui n'est pas probable,
ce n'aurait pu être (pie dans la vue qn'origi-
nairenient ce terme vient des patriarches, c'est-
à-dire des saints Pères du Vieux Testament.
Les évèques trouvent leur nom dans l'Ecri-
ture même, aussi bien que l'établissement de
leur empire charitable et paternel qui est si-
gnifié parce nom. Les qualités d'archevêque et
d'exarque ne maniuent que la primauté ou le
premier rang qu'il a été nécessaire d'établir
pour mettre l'ordre dans l'ordre le plus émi-
nent de tous.
Enfin nul de ces titres magnifiques n'a été
pris ni affecté par les évêques, mais c'a été ou
la piélé et la vénération des particuliers qui les
leur ont donnés, ou l'usage qui les a insensi-
blement introduits , et ils ne se les ont jamais
attribués à eux-mêmes pendant que leur nou-
veauté pouvait les rendre suspects d'une osten-
tation affectée. Il y a de l'apparence que les
évêques d'Afri(]ue comprirent enfin eux-mêmes
(jue ces termes primiis, princeps, '\^-fat, signi-
fient la même chose, et ainsi rexanjue ou
l'ai'clievéque n'est (|uele premier évê(iue d'un(! v
province ou d'une diocf'se.
VI. Je ne sais s'il faut tout à fait ajoiiter foi
à ce (jui est raconté par le patiiarche d'Alexan-
drie lùitychius, dans la chroTii(pie de son
Eglise, que jusqu'à Démétrius, onzième évê(|ue
d'Alexandrie, après saint Marc, il n'y avait
point en d'autre évêtiueque celui d'Alexandrie
dans toute l'Egypte ; que Démétrius y en or-
donna trois, etHéraclas,son successeur, vingt:
« Ab Auania ([uem constifuit Marcus évange-
lisla patriarciiam Alexandriic, us(iue ad tem-
])ora Demetrii, undecimi ibidem |iatriarcli;c,
mdlus in .-Egypti provinciisfuitepiscopus, uec
ante eum patriarchse crearunt ejiiscopos. Ille
autem faclus patriarcha, très constituit epi-
sco[)os, et primus hic fuit patriarcha Alexan-
drinus, qui episeopos fecit. Mortuo Demetrio
sulfectusest Heraclas jtatriarcha Alexandrinus,
qui episeopos constituit viginti. »
Il y a très-|)eu d'ap|)arence que l'Egypte ait
été si longtemps sans évêques. Mais sur ce ré-
cit d'Eutyclùus, nous pourrons trouver un
assez solide fondement pour les réflexions sui-
vantes : 1. Que les évêques doivent effective-
ment leur création aux évêques des grandes
Eglises et des sièges apostoliques oii la foi a été
premièrement annoncée. ■2. Que rien n'est plus
juste que de retenir dans la dépendance des
|)atriarches anciens ceux qui leur doivent
leur naissance. 3. Que les métro])olitains ne
doivent pas moins leur établissement aux pon-
tifes des Eglises patriarchales, comme à ceux
qui sont encore plus particulièrement les suc-
cesseurs des apôtres qui ont été les fondateius
des Eglises. 4. Que les patriarches d'Alexan-
drie, aussi bien que ceux de Rome et d'An-
tioche, ont pu se réserver l'ordination, non-
seulement des métropolitains, mais aussi des
évê(|ues de leur ressort. Et ce fut ce droit qui
fut confirmé à l'évêque d'Alexandrie par le
canon VI de Nicée, contre les entreprises de
Mélétius, qui les lui avait contestées dans la
province dont il était métropolitain. 5. Conmie
les autres apôtres avaient aussi fondé des Egli-
ses, les trois Eglises patiiarchales foiulées par
saint Pierre ne purent pas prendre le même
empire sur elles. 6. Tout cet empire était un
empire de charité, et une domination paternelle
fondée sur la naissance que les Eglises avaient
données les unes aux autres. 7. Il a bien pu se
faire que les évèques des grandes métropoles
46
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEPTIÈME.
de l'empire, Rome, Alexandrie, Antioche, Car-
tilage, aient gouverné pendant quelque espace
de temps les provinces, et peut-être même les
grands diocèses de leur ressort, sans métropo-
litains, puisqu'on a écrit que celui d'Alexan-
drie avait gouverné son diocèse sans évèques.
L'évêque deCarthage n'est appelé que métro-
politain dans le concile d'Ephèse. Ilavait sans
doute alors des primats, comme on les appe-
lait en Afrique, c'est-à-dire, des métropolitains
sous lui : mais quoiqu'au temps de saint Cy-
prien on voie bien des conciles fort nombreux
assemblés à Cartbage, je ne sais si l'on pourrait
remaniucr d'autre jjrimat ou d'autre métro-
politain que l'évêque de Cartliage. Dans le con-
ciliabule des Nestoriens à Ephèse on mit celte
diirérence entre Jean d'Antioclie et les autres
métroi>olitains, qu'on l'appela l'archevêque
de la métropole d'Antioche, et on nomma les
autres simplement évèques chacun de leur
métropole.
VII. Mais si nous considérons la puissance
plutôt que les noms, il est indubitable (jue les
trois évèques de Rome, d'Alexandrie et d'An-
tioche, ont toujours possédé une autorité et
une prééminence fort singulières depuis les
premiers siècles, et on a toujours cru que cela
venait de ce (jue c'était par la présence ou par
l'autorité pai'ticulière de saint Pierre que ces
trois Eglises avaient été fondées ; ce qui avait
fait couler sur elles ou la plénitude, ou une
participation singulière de cette primauté dont
J.-C. avait honoré saint Pierre. Le canon du
concile de Nicée distingue ces trois évèques de
tous les autres, et leur donne une étendue de
juridiction sur plusieurs provinces, bornant
tous les autres métropolitains dans leur i)ro-
vince (Can. vi). Celui de Sardique renvoya au
jugement du pape l'appel ou la révision du
procès des évèques déposés, afln d'honorer la
mémoire de saint Pierre.
Le concile I. de Constantinople ajouta trois
autres exarques de diocèse a celui d'Alexandrie
et d'Antioche ; et voulant élever l'évêque de
Constantinople au comble des honneurs . il
lui décerna la préséance sur tous les autres
évèques après celui de Rome (Can. u, ui).
Comme ces évèiiues préféraient, aussi bien
que les empereurs, la nouvelle Rome, c'est-à-
dire Constantinoi)le , à l'ancienne, comme
étant présentement ce que l'autre avait été,
ils eussent apjiarenmient tenté d'y transférer
tout à fait la primauté de l'Eglise, s'ils n'eussent
été persuadés que c'était par une institution
divine qu'elle avait été affectée immuablement
à saint Pierre et à ses successeurs.
Vlll.Le pape Innocent I" expliquant, le canon
VI deXicéedans sa lettre à Alexandre, évêque
d'Antioche , montre clairement que ce concile
a reconnu et confirmé l'autorité et l'empire de
l'évêque d'.\ntioche, non pas sur une province,
mais sur une diocèse ; que cet avantage ne lui
vient pas tant de ce que la ville d'Antioche
avait été la capitale de l'empire grec dans la
Syrie, que de ce que c'avait été le premier
siège de saint Pierre, et qu'elle ne cédait à
l'Eglise de Rome qu'en ce qu'elle n'avait
possédé que pour un peu de temps et en pas-
saut ce divin apôtre, que l'Eglise de Rome
avait possédé jusqu'à sa consommation par le
martyre, et qu'elle posséderait jusiju'à la con-
sommation des siècles.
« Revolventes autoritatem Nicaenœ synodi,
quœ una omnium per orbem terrarum ex-
plicat mentem sacerdotum, de .\.ntiochena
Ecclesia, etc. Super diœcesim suam, non super
aliquam provinciam, praedictam Ecclesiaui
recognoscinms constitutani. Unde adverlimus
non tam pro civitatis magnificentia hoc eidem
attributum , quam quod prima primi apo-
stoli Sedes esse monstretur, ubi et nomen ac-
cepit reliijio christiana, et qua; conventum
apostolorum apud se fieri celeberrimum me-
ruit, qUiTque urbis Romœ Sedi non cederet,
nisi quod illa in transitu meruit, susceiitum
ista apud se consummatumque gauderet (Epist.
xni, c. 4.) »
Saint Léon, pape, reprochait à Anatolius.
évêque de Constantinople, d'avoir voulu profiter
de la déposition de Dioscore, évêque d'Alexan-
drie, et de l'embarras où se trouvait l'évê-
que d'Antioche lors du concile de Calcédoine,
pour s'y faire attribuer une autorité et une
préséance qui le mît au-dessus du second et
du troisième trône de l'Eglise, ce (|ui ne se
pouvait sans renverser l'ordre établi, ou plu-
tôt conQrmé par le concile de Nicée : « Tan-
quam op|)orfune se tibi hoc tempus obtule-
ril, quo secundi honoris privilegium sedes
Alexandriua perdiderit, et Antiochena Ecclesia
proprietatem tertiœ dignitatis amiserit, etc.
Tanquam illa Nicaniorum canonum per san-
etum vere Spiritum ordinata conditio, in ali(|ua
sit unquam parte solubilis (Epist. lui). »
Les prééminences de ces sièges furent, selon
ce pape, reconnues par le concile de Nicée,
DES I>ATUIAUC11ES ANCIENS, ETC.
Al
émanôes do la inimaiilo de saint l'ierro, (jiii
avait fondé par lui-inraK^ l'Kj^iisc d'Aiiti()cli(\
et par son disciple Marc, celle d'Alexandrie :
« Xiliil Alexandrina- scdi. cjtis (piain \K'r saii-
ctiini Maicuni cvanticlistain It. l'etri discipuluni
meriiit, pereat diy^nitatis : nec Uioscoro inipie-
tatis sua; pertinacia corruenle, si)londor tanta;
Ecclesiœ teiiebris obsciiretiir alienis. Antio-
cliena (pioque Ecclesia in (|iia prinnim piNudi-
cante apostolo Petro Cbristiannni nonieii e\or-
turn est, in paternEe constitutionis online
perseveret , et in ^radii tertio collocata nun-
quam se fiât inferior. Aliud euim sunt sedes,
aliiid praîsidentes. »
C'a été non pas les trois \illes royales de
l'empire romain , de l'empire des Grecs en
Egypte et en Syrie, mais la primauté de
la pierre fondamentale de l'Eglise (]ui a
élevé ces trois Eglises au-dessus de toutes les
autres : « Alla ratio est rerum sœcularium,
alla divinarum. Nec prœter illam Petram
quam Doniinus in fundamento posuit ; stabilis
erit uUa constructio (Epist. liv, lxu). » La pré-
sence de la majesté impéiiale pouvait faire un
séjour royal, mais elle ne i)ouvait pas faire un
Siège apostolicjue : « Non dedignetur regiam
civitatem, quamapostolicam non potest facere
Sedem. »
On ne pouvait donner un sens plus naturel
à la vieille coutume dont parle le concile de
Nicée : « Antiqua consuetudo servetur àf/.ai»
Eôr,, » qu'en disant qu'elle était fondée sur la
disposition môme de ces trois sièges éminents
dès le temps des apôtres ; et sur l'application
qui y avait été faite de l'autorité de coUii
d'entre les apôtres que i.-C. leur avait donné
pour chef (Can. vi). Le pape Gélase déclara
cette unité et cette effusion du Siège a[)ostoli-
que dans les troi.; premières Eglises du inonde,
dans le concile romain del'an i94.
« Quamvis universic per orbem catholicam
Ecclesiœ unus thalamus Cbristi sit, sancta tamen
Romana Ecclesia nullis synodicisconstitutiscœ-
teris Ecclesiis prœlala est, sed evangelica voce
Domini et Salvaloris nostri, primatum ob-
tinuit : Tn es Petrus, et super, etc. Est ergo
prinla Pétri apostoli seJes Romana Ecclesia.
Secunda autem sedes apud Alexandriam R.
Pétri nomiue a Marco ejus discipulo et evan-
gelista consecrata est, ipseque a Petro apo-
stolo in .Egyptum directus verbum veritatis
pnedicavit, et gloriosum consunmiavil mar-
iyrium. Tertia vero sedes apud Antiocbiam
ejusdem R. apostoli Pétri nomine habetnr
bonoiaiiilis, eo (|uoil illic prinsipiani Romani
vcnissct, babitavit, et illic ])rinunn nomen
cliiistiaiiorun) novellai genlis exortum est. »
IX. Cl! même pape, pour réprimei' la har-
diesse d'Acacius, (jui |iensait élever l'autorilèet
la gloire de son Eglise de Coiistantinople sur
celles d'Alexandrie et d'Antioche, lui représenta
i]ue tant d'autres villes où les emiuM-eurs
avaient fait longtemps leur séjour, étaient de-
meurées dans le même rang oii elles étaient
auparavant, au moins quant à la dis|iosilion
des <lignitus ecclésiastiques : « Risinuis, cpiod
prœrogativam volunt Acacio comparari, (juia
efiiscopus fnerit regiœ civitatis. Numquid apud
Ravennam, apud Mediolauum, apud Syniiium,
a[)ud Treviros, multis temporibus non eonstitit
imperator? Numquid harum urbinm sacer-
doles ultra mensuram sibimet anliquitus de-
l)Utatam, quidpiam suis dignitatibus usurpa-
runt ? 1 Epist. xui). »
Ces exemples de Ravenne, de Milan, de Syr-
mich, de Trêves, dont les évêques n'ont jjoint
acquis de nouvelle élévation par le séjour tiue
les empereurs y ont fait, peuvent servir non-
seulement pour rabattre les vaines prétentions
de l'évèque de Constantinople , mais aussi
pour nous [)ersuader entièrement que ce n'a
point été l'éclat de la majesté royale ou im-
périale qui a fait alTecler aux trois premières
villes du monde la prééminence de leurs Egli-
ses sur les antres Ey,lises du monde : car les
I)remieis siècles de lEgiise ne furent pas plus
disposés que les suivants à se laisser éblouir
par le vain lustre des grandeurs passagères du
siècle.
X. Les Pères de l'Eglise ont été persuadés de
ces mêmes sentiments touchant la |irimauté de
ces trois premières Eglises du montle, et tou-
chant l'écoulement de leur primauté, de cette
l)rimauté originale et primitive dont J.-C. avait
lionoré saint Pierre. Eusèbe fait excellemment
remarquer la toute-puissance de la vérité de la
religion chrétienne par les trophées quelle
avait érigés dans les trois villes royales du
inonde, c'est à-dire sur les trois superbes
trônes de l'idolâtrie, n'ein|)loyant que des pé-
cheurs pour soumettre à la croix de J.-C. tout
ce (lu'il y avait de plus éminent dans tous les
empires du monde.
« Dum pofeniiam verbi respicio, ut ab agre-
stibus Jesu iliscipulis numerosissimœ Ecclesiœ
constitula:' siut, non in quibusdam obscuris lo-
iS
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEPTIÈME.
cis, sed in clarissimis civitatibiis, in ipsa. in-
quam, aiiarnni iirbium regina Romana urbe,
in Ak'Nandrina, in Antiocbensi, cogor fatcri
non aliter amlax adeo facinus ipsos obtinuisse,
quam diviniore qiiadam longeque humana
superante potentia ejus qui dixerat : Docete
omnes gentes, etc. Ecce ego vobiscnm sum
omnibus diebus usque, etc. ! Praeparat. Evan-
gel. lib. 111, p. 138). »
Voilà la noble idée qu'il faut se former de
cette \érité, que les grands trônes de l'Eglise
ont été affectés aux grandes \illes de l'empire
grec et romain, afin de faire triomiilier la croix,
rhumilité, lapauvretéet la vérité de.l.-C. dans
les plus triomphantes places de l'orgueil et de
l'impiété du siècle
XI. Le même Eusèbe assure dans son his-
toire ecclésiastique, que ce fut pour cela que
Dieu appela à Rome le plus généreux des apô-
tres : « Clementissima Dei providentia fortissi-
mum ac maximum inter apostolos Petium, et
virtutis merito reliquorum omnium primum
ac patronum, Romam perducit. (Hist. Eccl.
1. u, c. li, \r>, Ki) : » Qu'ikn écrivit une lettre
(ju'il data de Babylone, et où il lit mention
de son fils saint Marc, par ces paroles : « Salutat
vos lîabyionis Ecclesia. a Deo perinde ac vos
electa, et Marcus lilius meus. »
Cet historien dit aussi que la tradition cons-
tante était (|ue saint Marc était allé de Rome
<à Alexandrie jiour y fonder ce siège aposto-
lique, en y publiant l'Evangile qu'il avait écrit
et que saint Piei-re avait confirmé : « Librum
illum sua autoritate confirmasse Petrus dici-
tur, etc. Ilunc Marcum in ^-Ëgyptum i^rofectum,
Evangelium quod conscripserat, primum prœ-
dicasse perhibent, et in ipsa urbe xMexaiidrina
Ecclesiam constituisse. » Enfin ce savant histo-
rien a pris un soin tout particulier de remar-
(|uer dans son histoire la succession conti-
nuelle des évè(|ues de ces trois villes également
éclatantes dans l'enqjire el dans l'Eglise.
XII. Saint p;pi|iliane nous a apj)ris ci-dessus
(|ue rarchevè(iue d'Alexandrie dominait sur
cin(| ou six provinces, et c'est pour cela que
l'archevêque IMerre avait pris le mi'tropo-
litain Mélèce pour son aide el son coadjuteur
(Iheres. i,xviii,c. I). Saint (Jrégoirede Nazianze
faisant l'éloge de saint Athanase dit que celui
par une élection très-canoni(|ue (|u"il monta
sui' le trône de saint Marc : «Aposlolico ac spi-
ritali modo ad Marci thronuni evehitur (Oi\it.
XXI ). »
Saint Chrysostome, étant encore prêtre d'An-
tioche, reconnaît que la prééminence de cette
Eglise était écoulée de la primauté de saint
Pierre qu'elle avait possédée, mais qu'elle avait
enfin cédée à Rome : « Hiïc est ima nostrœ ci-
vitatis prtTrogativa dignitalis, quod principem
apostolorum ab iuitio doclorem acceperit.
iEquumenini erat, utea quœ nomine christia-
norum ante universum orbem terrarum or-
iiata hiit, primum apostolorum pastoremacci-
peret. Sed cum eum doclorem accepissemus.
non in pcrpetuum retinuimus, sed regiœ civi-
tati Roma' i!liunconcessinuis(Tom. i, Hom. -W;
Tom.v, p. 180). »
Entre les lettres (]ui se trouvent à la fin
de la seconde partie du concile premier d'E-
phèse on trouve celle du prêtre Alyi)e à saint
Cyrille, archevêque d'Alexandrie, où il tâche de
l'égaler à saint Athanase, qui avait porté à un
si haut point de gloire le trône de saint Afarc :
« Orthodoxiam denuo erexit, ac sancti Marci
evangelistae sedem in sublime extulit. »
Le saint et savant Théodoret, écrivant à l'é-
vèque de Constantinople, Flavien, et se plai-
gnant des insolentes entreprises de l'impie
Dioscore, archevêque d'Alexandrie, dit que
violant en même temps les canons du concile
de Nicée et de celui de Constantinople, qui ont
renfermé les pouvoirs des exarques dans les li-
mites de leur diocèse, il prétendait autoriser
ses attentats violents par l'ostentation du siège
de saint Marc, ne considérant i)as que l'Eglise
d'Antioche avait été le trône de saint Pierre,
dont saint Marc n'était cjuele disciple.
« lu regia tua urbe congregati beati Patres,
cum lis qui apud Nicœam convenerant, conspi-
rantes, diœcesesdistinxerunt, et suaunicuique
diœcesi adsignarimt, aperte interdicentes ex
altéra quosquam diœcesi alteram invadere : sed
AlexandriiT? episcopum .-Egypti tantummodo
res administrare, et sua singulas diœceses. Hic
vero legibus istis aciiuiescere non viilt, sed
siu'sum ac deorsum 15. Marci sedem obfendit,
i(l(]ue cum lic|uido intelligat Megalopolim An-
tiocham magni Pétri sedem habere, qui B.
Marci magister erat, choriciue apostolorum
princeps ac coryjdiœus (Kpist. lxxxvi).»
XIII. On ne peut donc plus douter que cen'ait
été la tradition de l'Eglise, et même de l'Eglise
grecipie, que depuis la naissance de l'Eglise ces
trois grands sièges ont eu la primauté de l'é-
piscopat, et (jue cette primauté n'a été autre
(jue celle de saint Pierre, sans que ni les Pères,
DES TROIS l'ATlUARCHES ANCIENS, ETC.
49
ni les papes, ni les conciles, aient parlé de la
grandeur temporelle de ces \illes que dans le
sens que nous avons remarqué, comme d'une
matière ])lus éclatante pour faire triompher la
croix et l'humilité de J.-C.
Il est encore hon d'observer dans cette lettre
de Théodoret comment les canons sont d'accord
avec ceux de Nicée sur ce sujet des exarques et
des diocèses, quoiqu'en apparence il semble y
avoir (pielipie conti-ariété : car, bien ipie le con-
cile ilu Nicée sendilàl toulliniiter dans les pro-
vinces et les métropoles, reconnaissant néan-
moins trois f,'rands évèques qui avaient chacun
plusieurs provinces dans leur dépendance, il
donnait un légitime toudement aux grandes dio-
cèses et aux exarchats (pi'on établit, ou (ju'on
confirma depuis dans le concile de Constanti-
nople.
CHAPITRE HUITIÈME.
%
DES TROIS PATRIARCHES ANCIENS EN PARTICULIER : SAVOIR, DE ROME, d'aLEXANDRIE ET d'ANTIOCHE,
PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES DE L'ÉGLISE.
1. Du patriarcat d'Antioche fondé par saint Pierre.
n. Anlioche élait la métropole de l'Orient proprement dit,
mais sa primauté ecclésiastique ne provenait que de saint
Pierre.
m. Elle a été défendue par les papes contre les vastes pré-
tentions des évèques de Cnnstantinople.
IV. Son ressort contenait quinze provinces et la Palestine
même.
V. Du patriarcat d'Alexandrie. Diverses autorités de son éta-
blissement, de son étendue, de ses pouvoirs.
VI. 11 en résulte que' cette Eglise fut fondée par saint Marc
au nom de saint Pierre, que c'est de là qu'elle a tiré sa pri-
mauté. Pourquoi elle a eu rang avec celle d'Antioche, fondée
immédiatement par saint Pierre. Sentiment de ceux qui croient
que saint Pierre fut à Alexandrie avant que d'aller à Anlioche,
et que Babjlone, d'où il date sa lettre, est celle qui est sur
l'Euphrate, ou celle d'Egypte même.
VII. Du patriarcat de Rome dont l'Eglise fut fondée par
saint Pierre et saint Paul.
VlU. La Providence conduit k la protection du Saint-Siège
Cccilien, évèque de Carthage, Denis, évèque d'Alexandrie.
IX. Saint Athanase, évèque d'Alexandrie.
X. Saint Cbrysostonie, évèque de Conslantinople.
XI. Trois évèques d'Antioche en même temps s'autorisent de
la communion du preuiier siège.
XII. Nestorius de Conslantinople , et Dioscore d'Alexandrie,
sont déposés par l'autorité du premier siège.
XIU. Autres exemples de patriarches déposés par le premier
siège.
XIV. Double avantage du premier siège sur les autres patriar-
ches. Pourquoi le pape n'ordonnait pas tous les évèques de son
patriarcat.
1. C'est indubitablement des plus anciens
monuments de l'Eglise qu'Eusèbe (in Chro-
uol.) avait tiré ce qu'il dit, qu'en l'an de
J.-C. 39 saint Pierre fonda l'Eghse d'Antioche,
et alla ensuite fonder celle de Rome : « Petrus
apostolus Antiochenam Ecclesiam fundavit,
ibique cathedram adeptus sedit. » Et ailleurs :
« Cum primum Antiochenam fundasset Eccle-
Th. — Tome I.
siam, Romam profectus est (Raron. An. .39,
n. 9, 19). »
La même chronique d'Eusèbe, le livre ancien
de la vie des papes, et le pape saint Grégoire
dans sa lettre à Euloge, évèque d'Alexandrie,
font foi qu'il gouverna l'espace de sept ans
l'Eglise d'Antioche. Voici les paroles du der-
nier : « Ipse firmavit sedem in qua septem
annis, qnamvis discessiirus, sedit. »
Saint Cbrysostonie fit merveilleusement valoir
cette prérogative de l'Eglise d'Antioche, qui l'é-
galait en quelque façon à toute l'Eglise du
reste de l'univers : « Petrus cui clavcs regni
cœlorum dédit, cujus arbitrio et potestati cuncta
permisit, hune longo hic tenipore jussit coni-
morari. Quamobrem universo orbi ex altéra
parte civitas nostra respondet. d
II. Eusèbe dit bien qu'Antioche était la mé-
tropole de tout l'Orient, àvaTox.xr,- ;«Tfo-ci-A£Mî (De
vila Constant. 1. m, c. 50). Mais le pape Inno-
cent I" nous a déjà avertis dans le chapitre pré-
cédent que la supériorité ecclésiastique de
cette Eglise ne provenait pas tant de la magni-
ficence de celte ville, que de ce qu'elle avait
été le premier siège du premier des apôtres :
« Non tam pro civilatis magniflcentia hoc
eidem attributum, quam quod prima primi
apostoli sedes esse monstretur (Ejtist. xvni). »
Le concile de Nicée, qui avait nommé les di-
verses provinces qui relevaient de l'évèque
d'Alexandrie, s'était contenté d'insinuer que les
Eglises de Rome et d'Antioche en avaient aussi
4
jO
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE HUITIÈME.
plusieurs dans leur sujétion. Mais ce pape dit
en termes formels que leconcile.de Nicée
avait soumis à l'autorité de l'évèijue d'Antioche
non pas une province seulement, mais un dio-
cèse de plusieurs provinces.
Enfin ce pape ayant réuni plus étroitement
en son temps l'Eglise d'Anlioclie à celle de
Rome, après la réunion de plusieurs partis de
catholiques (]ui avaient partagé cette Eglise, il
assure que la mésintelligence n'avait pu être
longue entre deux Eglises qui étaient comme
deux sœurs, dont saint Pierre était le saint et
illustre père : « Ecclesia Antiochena, quam
priusquam ad urbem perveniret Romani li.
apostolusPetrus suaprœsentia illustra\it, velut
germana Romanae Ecclesiae, diu se ab eadem
alienam esse passa non est (Episl. xxu). »
III. Les évèques de Constantinople eurent de
vastes prétentions pour s'assujettir les évê(iues
d'Antioche. Acacius, évêque de Constantinople,
persuada de son temjis à l'empereur Zéiion (|ue
les troubles de l'Eglise d'Antioche ne pouvaient
alors se calmer qu'en ordonnant à Constanti-
nople un nouvel é\èque d'Antioche. Il l'y or-
doiuia en effet lui-même. Le pape Sinqilicius
en fit ses plaintes à Zenon et a Acacius, et ne
se rendit qu'à l'assurance qu'ils lui donnèrent
que la chose serait sans conséquence (Raron.
An. 479, n. T), 10).
Anatolius avait autrefois usurpé le même
droit; le pape saint Léon s'en plaignit à l'em-
pereur Marcien (Epist. i.ivj. Le pajie Félix III,
qui succéda àSimplice, déposa dans un synode
romain l'impie Pierre le Foullon, usurpateur
du siège (i'Anlioche, et écrivit en ces ternies à
l'empereur Zenon : « Pelrus primogenitus et
diaboli filius, qui sancta> Antiochenir Ecclesia»
indignissime se ingessit, saiictanique sedeni
pontilicatus Ignatii martyris j)olluit, qui Pétri
dextera episcopus ordinatus est (E|)ist. l). »
Maxime, évêque d'Antioche, protesta dans le
concile de Calcédoine que son siège était le
siège de saint Pier-re. tov Tfo'vcv Avtioxémv fi.t-ja.icm-
Xew;, TOV «û àfiou HETfou. (CoHC. Clialce. Act. 7).
IV. Quant à l'èfendiie du |iatriaicat d'An-
tioche, il est certain (pi'il comprenait la diocèse
particulière d'Orient, (|ui était composée de
ipiinze iirovinces où étaient comprises les trois
l'alestiiies. Saint Jérôme le dit clairement dans
sa lettre à Pamniachius, où il se plaint de ce
i|ue Jean , évêque de Jérusalem, étant chargé
d'accusations en Orient , allait se justilier à
Alexandrie. Il lui montre <pie selon les canons
de Nicée, Césarée étant la métroj)ole de la Pa-
lestine, et Antioche étant la capitale de tout
l'Orient, il devait donner des |)reuvesjuridiques
de son innocence ou à Césarée, ou à Antioche,
c'est-à-dire ou au métropolitain, ou au patriar-
che dont il relevait.
« Tu qui régulas quaeris Ecclesiasticas, et
Nicseni concilii canonibus uteris, responde
milii. Ad Alexandrinum episcopum Palestina
([uid |iertinet? Ni lallor, hoc ibi decernitur, ut
Palestina» metropolis Cœsarea sit , et totius
Orienlis Antiochia. Aut igitur ad Cœsariensem
episcopum relérre debueras; aul si procul ex-
l)eteiKliim judicium erat, Aiitiochiam potius
litter» dirigendie (Epist. lx).» Où il paraît que
les patriarches ne portaient encore que le nom
de métropolitains.
V. Quant a Alexandrie, outre ce qui en a été
dit dans le chapitre précédent, saint Jérôme
demem-e d'accord que Rome est la Dabylone
d'où saint Pierre écrivait sa lettre, où il parle
de son disci|)le saint Marc; que ce divin apôtre
envoya Marc pour jeter les fondements de l'E-
glise d'Alexandrie, et (pie les chrétiensd'Alexan-
drie furent regardés comme les discijdes de
saint Pierre : il croit même que ce fut cette
Eglise florissante d'Alexandrie à laquelle Phi-
Ion, (ju'on disait avoir connu saint Pierre à
Rome, donna tant de louanges sous le nom
des Esséniens. « Meminit hujus Marci, et Pe-
trus in cpistola prima sua, nomine Rabylonis
figuraliter Romam signilicans (Hieronym. de
Scriptor. EccL). » Et parlant de Pliilon en un
autre endroit : «Aiunt hune sub Caïo Caligula
Ronue periclitatum , (juo legatus gentis suœ
missus fuerat; cum secunda vice venisset ad
Claudium, in eadem urbe locufum esse cum
Petro a|)ostolo, ejusdemque habuisse amicitias
et ob hanc causam, etiain Marci discipuli Pétri
apud Alexandriam sectatores, ornasse laudibus
suis (In Marco. In Philon.). »
Eiisèhe a donné la suite des successeurs de
saint Marc à Alexandrie, ou dans sa chronique,
ou dans son histoire, quoiqu'il n'ait pu donner
celle de (anl d'aulres Eglises où les apôtres
avaient ])résidè. Nous avons déjà dit que saint
Epiphane avait donné plusieurs provinces, et
même l'évêque Mèlèce pour coadjuteur à l'ar-
chevé(|ue Pierre d'Alexandrie, pour le soulager
dans l'exercice d'une si vaste juridiction.
II y en a même (]ui croient que saint Epi-
jiliane a donné à Mélèce même quelque part
la (pialitè d'archevêque, quoiqu'il ne fût d'ail-
DES TROIS PATIUAUCHES ANCIENS, ETC.
51
leurs qu'un simple métropolitain : « Videbaliir
Meletiiis pra'emuiere iiiter episcopos ^-Efiyiiti,
ut i|ui secundum locum habebat |>ost Petrum in
arcliiepiscopatu, velut adjuvandi ^rratia sub
ipso existons, et siib ipso Ecclesiastica curans
(Epiph. hacr. Lxvml.»
Alexandre, évêque d'Alexandrie, assembla
près de cent évèques d'Efrypte et de Libye,
dans son concile de Tan 318. où il condamna
Arius et farianisme : « Nos cum aliis fere cen-
tum /Egypti et Libyae episcopis in unum con-
\enientes, anatbema denuntiavimus Baron.
An. 318, n. 63). » Ce qui rend encore moins
probable ce que nous avons raconté ci-dessus
de la chronique d'Alexandrie, que l'évèque d'A-
lexandrie avait longtemps gouverné l'Egypte,
en étant le seul évêque. Un si grand nombre
d'évéques n'aurait pu s'y former en ce peu de
temps qui s'écoula depuis jusqu'à -Mexandrie,
quand même on limiterait ce que dit la chro-
nique à la seule province d'Egypte.
Le savant évêque de CyTène, Synésius, attri-
buait à Théophile, archevêque d'Alexandrie,
l'éminence de la succession évangélique, fai-
sant allusion à l'évangéliste saint Marc, aùBsvTîav
TTÎ; Eùa^fiXtxr;; hoL^/j.; « Autoritateiu cvangelicaB
successionis (Epist. lxvij. » La seconde ville et
la seconde Eglise du monde n'eussent pas tant
fait de montre de l'autorité de saint Marc, si où
ne l'eût considérée comme une effusion et un
rejaillissement de celle de saint Pierre. Aussi
saint Jérôme témoigne que les évèques
d'Alexandrie avaient une attache et une défé-
rence toute particulière pour les inclinations
et pour les sentiments de l'Eglise romaine.
« Tu scito nihil nobis esse antiquius quani
meminisse Romanam fldem apostolico ore
laudatam, cujus se esse participem Alexan-
drina Ecclesia gloriatur (Epist. lxvui, 78). »
Et ailleurs exhortant le pape à confirmer la
sentence de l'évèciue d'Alexandrie contre les
Origénistes : « Prœdicationem cathedrfe Marci
evangelista;, cathedra Pétri apostoli sua praedi-
catione confirme! lEpist. lxxxh. »
Saint Léon , pape , ayant été consulté par
Dioscore, archevêque d'Alexandrie, sur quel-
ques points de discipline, il lui répondit
d'abord que saint Pierre ayant été le chef et le
fondateur de l'Eglise de Rome, et ensuite saint
Marc de celle d'Alexandrie, il était malaisé de
croire qu'il n'y eût beaucoup de convenance et
d'uniformité dans la police de ces deux Eglises,
puisque ce n'avait été qu'un même esprit divin
i|ui avait animé le maître et le disciple. « Cum
l'etrus apostolicum a Itoinino acceperit princi-
patum, et Romana Ecclesia in ejus permaneat
instilutis , nefas est crcdere quod saiiclus dis-
ciiiulus ejus Marcus, (jui Alexandrinam primas
Ecclesiam gubernavit, aliis regulis traditio-
num suaruni décréta formaverit, cum sine
dubio de eodem fonte gratiœ unus spiritus
fuerit et discipuli, et magistri (Epist. lxxxi). »
Ce fut ce même Dioscore qui présida peu de
temps après au faux concile d'Ephèse, ayant eu
ordre de l'empereur de s'y rendre pour cela
avec dix d'entre les métropolitains de son
ressort, et autant d'autres évèques. a Sumptis
tecum decem metropolitanis episcopis qui sub
tua degunt diœcesi, et aliis similiter decem
episcopis (Baron. An. 449, n. 24). » Dans le
concile de Calcédoine, le diacre Isquyriou se
plaignit dans sa supplique au pape Léon de la
conduite scandaleuse de Dioscore, qui avait
honteusemeut profané le trône évangélique.
«Non sicut jdecebat episcopum, et maxime
tanta; civitafis et evangelicœ illius sedis prse-
sulem constitutum (Act. 3). »
Après la déposition de Dioscore dans ce con-
cile, tous les évèques de la diocèse d'Egypte
écrivirent à l'empereur pour l'assurer de leur
immuable fermeté dans la foi de l'évangéliste
saint Marc, et de ses illustres successeurs Pierre,
Athanase , Cyrille (Act. 4). Quelque instance
que ce concile eût faite à ces prélats de sous-
crire à la lettre de saint Léon, pape, à laquelle
tout le concile avait souscrit, ils refusèrent
opiniâtrement de le faire, quoiqu'ils fissent
gloire de suivre la même foi. Leur raison
était que c'était la coutume du patriarcat
d'Alexandrie que les évèques ne fissent rien
sans l'ordre et le mandement de l'archevêque.
Le concile se rendit par une prudente condes-
cendance à cette raison, qui marquait une
autorité fort éminente dans les archevêques
d'Alexandrie (Act. 15. Can. xrs).
Enlin ce fut dans ce concile qu'Anatolius,
ayant voulu se faire attribuer la seconde place
de l'Eglise après le pape , ce qui ne se pouvait
faire sans reculer les archevêques d'Alexandrie,
qui l'avaient jusqu'alors occupée , le pape saint
Léon prit la défense de l'Eglise d'.\lexandrie,
qui était alors vacante par la déposition de
Dioscore, et força Anatolius de désavouer et
de relâcher ses poursuites ambitieuses(Conc.
Chalced. Par. m, c. 3, 6,7).
VI. Cette foule confuse d'autorités montre
52
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE HUITIÈME.
assez clairement que le patriarcat d'Alexan-
drie a été reconnu dès les premiers siècles de
l'Eglise^ qu'il a toujours eu le second rang,
que c'a moins été la grandeur temporelle qui
lui donnait la seconde place après Rome, que
le nom de saint Marc, disciple de saint Pierre,
qui lui a donné cette jjréémineuce, selon le
sentiment uniforme des anciens Pères ; enfin
que cette excellente iirimauté, qui a élevé cette
Eglise au-dessus de tant d'autres Eglises fon-
dées par d'autres Apôtres, a été selon les Pères
une émanation de la primauté de saint Pierre.
11 y a une difficulté qui n'est pas facile à
résoudre sur ce sujet : pourquoi le second rang
n'a pas été plutôt donné à Antioche, dont l'E-
glise avait été fondée et gouvernée pendant un
temps considérable par saint Pierre même, au
lieu que celle d'Alexandrie n'était que l'ou-
vrage de son disciple.
Ceux qui ont cru que saint Pierre, après
avoir prêché aux Juifs de la Palestine, alla an-
noncer la même vérité de l'Evangile à ceux de la
dispersion auxquels il adressa sa lettre cano-
nique, et (}u'il conuuença par ceux d'Alexan-
drie; qu'après y avoir établi saint Marc pour
évéque en sa place, il |)assa de là à Antioche ;
ceux, dis-je, i|ui sont dans ce sentiment, et qui
croient qu'après cela il alla à Babylone sur
TEuphrate, d'où il data sa lettre, se démêlent
sans peine decettodifticulté. Mais il faut avouer
que les anciens Pères ont communément es-
timé que celte ville de Babylone n'est autre
(|ue Rome. Sans s'opiniàtrer à ce qui regarde
Babylone, on peut encore se laisser persuader
(|ue ce fervent apôtre, ayant écrit et indu-
bitablement prêché aux Juifs hellénistes de
la dispersion , n'avait jias négligé la ville
d'Alexandrie, où il est certain que les Juifs
étaient en plus grand nombre et en plus grande
juiissance que dans aucune autre ville du
monde. Saint Luc n'en a point parlé, parce
qu'il s'était particulièrement attaché à nous
(lonner l'histoire de saint Paul, aux courses du-
(pul il avait eu tant de part.
D'autres pensent que la ville d'Alexandrie
étant la seconde ville de l'empire romain, elle
avait eu la préséance sur Antioche, même
dans la disposition ecclésiasti(]ue. (|uoi()ue
d'ailleurs les dignités ecclésiastiques aient été
dispensées par rapport aux rangs que le Fils de
l>ieu même avait donnés à ses apôtres.
Nil. UuanI au patriarcat de Rome, il lu;
serait presque pas besoin d'en parler, puisqu'il a
déjà paru que les deux autres n'étaient que des
écoulements et des participations de la divine
primauté de saint Pierre. Aussi le concile de
Nicée confirme un droit contesté au patriarche
d'Alexandrie, par l'exemple de l'Eglise de
Rome à qui ce droit n'était pas contesté. Et le
concile I" de Coustantiuople régla tous les
autres patriarcats, sans parler de celui de
Rome. Et désirant porter l'évêque de Conslan-
tinople au plus haut degré d'honneur, il le
plaça immédiatement au-dessous du pape.
Connue le Fils de Dieu avait donné à saint Paul
ime éminence extraordinaire sur les autres
apôtres, Eusèbe et les autres anciens écrivains
ont reconnu que son admirable providence
l'avait aussi conduit à Rome, pour concourir
avec saint Pierre à fonder cette Eglise, qui de-
vait être la première et la plus éclatante de
toutes les autres.
TertuUien , montrant comme avec le doigt
les Eglises apostoliques qui étaient comme les
sources vives de la plus pure doctrine , re-
]irésente celle de Rome comme possédant le
corps et l'esprit des deux princes des Apôtres.
« Habes Romam, unde nobis quoque autoritas
[irœsfo est. Statu felix Ecclesia, cui toiam do-
cfrinam apostoli cum sanguine suo profude-
runt (Tertull. de Prœscript., c. xxxvi). »
. Saint Irénée désigna aussi l'Eglise de Rome
comme celle dont la fondation par les apôtres,
et la succession non interrompue des évèques,
était la plus incontestable : « Maxiinas et anti-
quissimse et omnibus cognitœ, a gloriosissimis
(iuobus ay)ostolis Petro et Paulo fundatte et
constituta; EcdesicC, eam quam habet ab apo-
stolis tradilionem, et anuuntiatam hominibus
fidem, per snccessiones episcoporum perve-
nientem usqueadnos indicantes, etc. Ad hanc
enim Ecclesiam propter potentiorem principa-
litatem necesse est omnem convenire Ecclesiam
(Iren. 1. ni, c. 3). »
La raillerie sanglante de TertuUien contre le
pape Zéphyrin (Tertull. 1. de Pudicitia, c. i)
ne laisse pas d'être une preuve que ce pape,
qui fut un illustre martyr de J.-C, usait d'une
fort grande autorité dans les choses ecclésias-
tiques, puisqu'on lui donnait les qualités de
grand pontife et d'évêque des évoques, « pon-
tifex maxinuis, episcopus episcoporum dicit
(Baron. An. 216, n. 4). »
Saint Cy])rien faisait aussi un tacite reproche
de ces glorieuses ([ualités au pape Etienne,
quand il parlait en ces termes aux évèques de
DES TROIS PATRIARCHES ANCIENS, ETC.
33
son concile : Nul de nous ne prétend être
l'évêqne des évèqiies, nul de nous ne prétend
faire violence à ses confrères pour les points de
discipline : « Neque enini quisquam nostnnn
episcopum se episcoporuni constituit, aut
tjTannico terrore ad observandi necessilatem
collegas suos adigit (Conc. (^arthag. sub Cy-
priano. Baron. An. 238, n. i2). »
C'était sous le pape Zépbyrin que le savant
Origène était venu à Rome, pour avoir la satis-
faction d'avoir vu la plus ancienne et la pre-
mière de toutes les Eglises. « Cum ipsi in votis
esset, sicut ipsemet alicubi dicit, Romanam
Ecclesiam omnium antiquissimam coram vi-
dere : tt.v iy/x-.'.-i-rr.i h./:i:i.o:n.'> (L. VI, c. -44). C'cst
ainsi qu'en parle Eusèbe.
VllI. La providence du divin Epoux de l'E-
glise a si sagement disposé les faits divers
et les révolutions qui composent son bistoire,
qu'ils ont servi à développer et à faire écla-
ter les plus importantes vérités dont il est
nécessaire que nous soyons instruits, et entre
autres celles de la supériorité du premier des
patriarcbes au-dessus de tous les autres. Céci-
lien, arcbevèque de Cartbage. ne put éviter
l'orage dont le menaçait une troupe perni-
cieuse d'évèques schismatiques, qu'en se retirant
dans le port de l'Eglise apostolique de Rome.
Il y trouva une retraite assurée et son réta-
blissement. Voici comme en parle saint Augus-
tin : « Posset non curare conspirantem multi-
tudinem inimicorum . cum se videret et
Romanse Ecclesia;. in qua semper apostolicœ
catbedrœ viguit principatus, et cœteris terris,
uude Evangelium ad ipsam Africam venit, per
tommunicalorias litteras esse conjunctum
Epist. CLXu). »
Denis, évêque d'Alexandrie, avait déjà aupa-
ravant été accusé devant le pape Denis, comme
ennemi de la consubstantiabté du Fils. Le pape
assembla, un concile à Rome; Denis se justifia
(levant ce pape par un grand nombre d'excel-
lentes apologies. Voici ce qu'en dit saint
Athanase dans son \\sx& des Synodes : a Cum
ipiidam Alexandrinum episcopum apud Roma-
num accusantes, etc. Synodus Roma:' coacta in-
digne tulit, et Romanus ad cognominem sibi
episcopum onmium sententiam perscripsit ; et
jam inde ille se ad defensionem parans libello
suo litulum refutationis et apologiœ indi-
dil et in ha?c verba ad Romanum scripsit
lAn. 263). »
IX. Les évêques de Carthage et d'Alexandrie
confessaient donc par leur propre conduite
qu'il y avait un siège singulièrement et unique-
ment apostolique, élevé au-dessus de tous les
autres sièges des apôtres. C'est ce qu'Optât,
évèque d'Afrique, montre admirablementdans
sa défense de l'Eglise et de'Cécilien contre les
(lonatistes ses ennemis. « Negare non potes
scire te in urbe Roma Petro primo catbedram
episcopalem esse collatam, in qua sederit
omnium apostolorum caput Petrus ; in qua
uua catbedra unitas ab omnibus servaretur,
nec ca>teri apostoli caeteras sibi quisque defen-
deret (Optât. lib. u). »
Saint Athanase ne put éditer les poursuites
des ariens qu'en se jetant entre les bras
de l'Eglise romaine. Constance , empereur,
ne jugea pas qu'Atbanase fût terrassé par la
conspiration d'une infinité d'autres évêques
contre lui. pendant que le premier des évêques
du monde serait déclaré pour sa défense.
Ammien Marcellin est témoin que ce cruel
empereur n'avait point de passion plus ardente
que de faire consentir le pape Libère à la con-
damnation d'Atbanase. « Athanasium synodus
removit. etc. id princepslicet sciretimpletum,
tamen autoritate qua potiuntur feterna:' urbis
episcopi, firmari desiderio nitebatur ardenti
Baron. An. 353, n. 39). »
Socrate dit que le pape Jules avait d'abord
rétabli Athanase et les autres évêques déposés
par les ariens, et qu'en cela il avait usé du
privilège de son Eglise. « Quoniam Ecclesia
Romana prcPter caeteras privilégia obtinebat,
in Orientem litteras mittit, quo etsuus cuique
locus restitueretur, et eos, qui illos temere ab-
dicaverant, graviter reprebenderet. Illi dece-
dunt Roma, litterisque Julii episcopi confisi ad
suas ipsorum Ecclesias redeunt Socrat. 1. i
c. 2 . »
Les ennemis de l'Eglise ne déférèrent pas à
celte sentence du pape Jules, maisles catholiques
y déférèrent, saint Athanase y déféra, le concile
de Sardique la confirma, et fit un règlement gé-
néral pour laisser juger de nouveau au pape les
causes criminelles des évêques dé})Osés; enfin
les Orientaux mêmes se soumirent à ce décret
du concile de Sardique. Théodoret dit que le
pape Jules, suivant la loi de l'Eglise, avait cité à
Rome les évêques orientaux, accusateurs d'A-
tlianase. « Canonem Ecclesisesecutus,jussiteos
Romam convenire : t<> tt; iwAr.sîaç k-r.'.'x'.v.-, voVu
;Tbeodoret. I. u, c. 4). » Sozomène assure que le
pape Jules rétablit Athanase et tous les autres
54
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE HUITIÈME.
défenseurs de la foi dans leurs Eglises, parce
que la supériorité de son siège lui donnait cette
autorité. « Cum propter sedis dignitatcm cura
omnium ad ipsum spectaret, singulis suam
Ecclesiaui restituit. oi». tt.s iravTwv ■/.t.i-Miixi iùtû
•!tpGOT,xoO<rT.;, Sia tt.v aÇ'iav T.\t ôpovou. (SoZOm. 1. UI,
C. 7). »
X. Lorsque saint Chrysostome eut été déposé
par ses adversaires, il implora aussi le secours
du Siège apostolique, et le pape Innocent, con-
damnant la condamnation d'un si saint prélat,
le rétablit dès lors dans le droit de sa dignité,
et travailla à ly rétablir en effet, en faisant
assembler un concile œcuménique. C'est ce
qu'en dit le même Sozomène : « Innocentius
(jute acta erant adversus .loannem indigne tu-
lit; utque ea damnavit, ita œcumcnicuni con-
cilium convocare sluduit (L. viu, c. 26,28). »
Palladius dit nettement que ce pape cassa
le jugement que Théophile, évèque d'x\lexan-
drie, avait rendu contre saint Chrysostome :
oJudicium Tlieophili cassum atque irritum
esse decrevit (In Vita Chrysost.). » L'Eglise de
Constantinople députa aussi à Rome, et Cas-
sien, diacre de saint Chrysostome, fut un des
députés. L'empereur Honorius travailla aussi
à la convocation d'un concile général. L'opi-
niàlreté invincible d'Arcadius et la mort de
saint Chrysostome rendirent tous ces etiorts
inutiles. (Baroiiius. An. 404, n. 36, 73, 74,78;
Ann. 403, 408, n. 42).
Mais Théodore! témoigne que ni le pape ni
les évêques d'Occident ne rendirent point
leur conuuimion aux évêques d'Egy])te ,
d'Orient, de Bosphore et de Thrace, ni aux
évêques de Constaiilinople, qu'après qu'ils eu-
rent rétabli Chrysostome sur son trône , en
la manière (ju'on le [lonvait faire a])rès sa
mort, en faisant revivre sa mémoire et remet-
tant son nom dans les sacrés dyptiques (Théo-
doret. 1. V, c. 34).
XI. Le siège d'Antioche s'était aussi trouvé
dans des conjonctures où le secours du j)re-
mier siège lui fut nécessaire. 11 y avait trois
évêques et trois différents partis dans cette
ville ; ils se vantaient tous d'être catholiques,
et se disaient tous participants de la connnu-
nion de l'Eglise romaine. Saint .lèrùuie, (jui
était alors dans l'Orient, et qui était en peine
avec lequel de ces trois évêques il devait com-
municpier, étant d'ailleurs bien persuadé qu'il
ne devait entrer dans la connuiuiion (|ue de
celui qui jouissait de la communion indivisible
du siège de Pierre , écrivit sur ce sujet au
pape Damase pour apprendre de lui lequel
de ces trois évêques était de sa communion
(Hieron. Epist. lvu). « Ego clamito, si quisca-
thednc Pétri jungitur, meus est. Meletius, Vi-
talis, Paulinus tibi hœrere se dicunt. Possem
credere, si hoc unus assereret. Nunc aut duo
menliuntur, aut omnes. Idcirco obtestor beati-
tudinem tuam, ut mihi litteris fuis apudquem
in Syria debeani communicare signifiées (Ba-
ron. An. 372, n. 48). »
Ce savant Père ne voulait reconnaître, de ces
trois évêques d.Vntioche, que le seul (jui était
lié de communion avec le centre de l'unité
catholique, puisque des trois il n'y en pouvait
avoir qu'un qui jouît vraiment de cet avan-
tage. Et ce savant honnne n'était pas moins
persuadé que ce privilège du premier patriar-
che au-dessus des autres était fondé, non pas
sur le faste et la gloire de la ville capitale de
l'empire, mais sur la primauté (|ue J.-C. a
donnée de sa divine bouche à saint Pierre, et
qu'il conserve à ses successeurs dans cette
longue révolution de siècles par sa même di-
vine toute-puissance. « Facessat invidia Ro-
mani culminis, recédât anibitio, cum succes-
sore piscatoris et discipulo crucis loquor, ego
nullum prinuMu nisi (Jn-istum sequens, bea-
titudini tuae, id est cathedrœ Pétri, commu-
nione consocior ; super illam petram œdifica-
tam Ecclesiam scio. »
XII. Lorsque saint Cyrille entreprit de faire
le procès à Nestorius, il s'autorisa toujours des
ordres et du pouvoir qu'il avait reçus du Saint-
Siège. Hors de là un archevêque de Constanti-
nople n'eût pas été justiciable de l'archevêque
d'Alexandrie , puisque les canons défendaient
aux exarques e( ;iu\ |ialri;irclies même , aussi
bien qu'aux métropolitains, de rien entrepren-
dre hors de leur ressort (Nicaen. cap. vi. Con-
stant, c. II, ni). Il t cris il a Nestorius même en
ces termes : « Cceiestino jubenle, investigare
cogor, etc. » Le ]iape le revêtit de son autorité,
et lui manda de ne donner que dix jours de
terme à Nestorius. « Nostrœ sedis autoritate
ascita, etc. nisi deceindierum intervallo nefa-
riain doctrinamanalhematizet (Baron. An. 429,
n.2i); An. 430, n. 2.5, 52; 431, n. 39, 104).»
Enfin le concile d'Ephèse prononça la sentence
de déposition contre Nestorius, comme y étant
forcé par les canons et par la lettre du pape
Cèlestin. « Coacti per sacros canones et episto-
lam sanctissimi Patris nostri et comministri
DES TROIS PATKIARCIIES ANCIE.N'S, ETC.
55
Cœlestini, ad Inpubrem hanc sententiam ne-
cessario veiiinius (Coiic. Eplies. Act. I). »
Le concik' de Calcédoine déposa Uioscore,
archevêque d'Alexandrie de la même manière,
en mettant la sentence de déposition dans la
bouche nicnu' du pape Léon, qui n'y assistait
que par ses légats. «Unde S. et B. archiepisco-
pus magnse et senioris Romœ Léo, per nos et pcr
prœsentem sanctam synodum, nudavit euni
episcopatus dignitate. (Conc. Chalced.Act. 3). »
Quatre ans auparavant le même pape Léon avait
déposé Bassien, usurpateur du siège primatial
ou patriarcal d'Ephèse. C'est ce qui fut lu
dans le concile de Calcédoine même. « Hodie
quatuor anni sunt, et Romanus episcopus eum
deposuit. (Act. 2!. » Dioscore avait déposé Fla-
vien, archevêque de Constantinople, dans le
faux concile d'Ephèse, et Flavien en avait appelé
au Siège a[)Ostolique, au rapport de Libérât.
«Flavianus, contra se prolata sententia, per
ejus legatos Sedem apostolicam appellavit li-
bello. n Valentinien écrivant à Tliéodose le
jeune, dit que cet appel avait été fait selon les
lois des conciles : « Secundum solemnitatem
conciliorum, et Constantinopolitanus episcopus
eum per libelles appellavit [Cap. xu . »
XIII. L'interposition de l'autorité du pre-
mier siège fut encore bien plus souvent néces-
saire dans ces temps malheureux qui suivirent
la fin du concile de Calcédoine. Protérius,
qu'on avait donné pour successeur à Dioscore
sur le siège d'Alexandrie, ayant été martyrisé,
Timothée Flure , qu'il avait excommunié
connue partisan de l'impiété de Dioscore, fut
mis sur son trône , ayant encore les mains
toutes dégouttantes de son sang". Libérât dit
que depuis ce temps-la il y eut deux évèiiuesà
Alexandrie : « .\b isto Timotheo duo episcopi
AlexandricE esse cœperunt (Cnp. xv). » 11 est
visible que pour soutenir l'orthodoxe contre
l'eutychien la protection du premier siège
fut souvent demandée.
Jean Talaïa, ayant été chassé du siège de saint
Marc par l'impie Pierre Moggus, se retira à
Antioche, d'où, par le conseil du patriarche Ca-
lendion, lien appela au pape Simplice, comme
avait fait autrefois saint Athanase. selon les
termes propres de Libérât. « Sumptis a Calen-
dione patriarchaAntiocheno intercessionis lit-
teris, Romanum pontificem Simplicium appel-
lavit, sicul beatus fecit Athanasius. i.\nno.
483 , cap. xvui]. » Félix ayant succédé à
Simplice, donna l'évêché de Noie à Jean Ta-
la'ia. « Joannes Talaia habens episcopi dignita-
tem Roma^ roniansit, cui papa Nolanam dédit
Lcck'siam Epist. xvn;. » La lettre de Sim[)lice
à .\cacius. [lalriarche de Constantinople, fait
foi que le synode d'Egypte lui avait de-
mandé la confirmation de Jean Tala'ia, dès
qu'il eut été élu : u Ut quod catholicus in de-
functi ministerium succcssisset autistes, apo-
stolicœ quoque moderatioais assensu votivam
sumeret firmitatem. » Le pape Félix témoigne
dans une de ses lettres qu'il n'avait pu refu-
ser l'appel de Jean Talaïa, qui s'autorisait de
l'exemple de son prédécesseur Athanase : « Li-
bellum nobis, quemdecessorinostro paraverat,
ingessit. Quem morem majoris sui beatae me-
mori;T? .\tlianasii exomplo, et priorum nostro-
rum, non potuimus refufare ^Baron. An. 48-2,
n. U ; 483, n. 46). »
Ce fut ce vigoureux pape qui prononça la
même année une sentence de déposition contre
Pierre le Foullon, ce détestable profanateur
du siège d'Antioche, et qui l'année d'après
frappa de même le lâche patriarche de Cons-
tantinople Acacius, lequel, par une même cri-
minelle complaisance, avait secrètement favo-
risé et même admis à sa communion tous les
sacrilèges usurpateurs des Eghses patriarcales
de rOrient.
Le pape Gélase réforma dans une de ses let-
tres, en l'an 493. toutes ces dèiiositions des
patriarches orientaux, et quelques autres que
nous avons omises : « In hac ipsa causa Ti-
molheus .\lexandrinus. et Petrus Antiochenus,
Petrus, Paulus et Joannes, etcaeteri, non solum
uaus, sed plures utique nomen sacerdotii prae-
ferentes, sola Sedis apostolicœ sunt autoritate
dejecti. Ciijns rei testis etiani ipse docetur Aca-
cius, qui praeceptioiiis hujus exslitit executor.
Hoc igitur modo recidens in consortium dam-
natorum est danuiatus .\cacius, etc. »
Les défenseurs d'.\cacius prétendant que les
papes n'avaient pu le condamner que dans un
synode, c'est-à-dire, dans un concile général ,
le même pape Gélase leur fit voir que le Saint-
Siège avait rétabli Athanase d'Alexandrie, Chry-
sostome et Flavien de Constantinople, par le
seul refus ([u'il avait faitde consentir au synode
qui les avait déposés : « Sedes apostolica sola,
quia non consensit, absolvit (Epist. xiii). »
XIV. Il résulte de ce qui a été dit que la pré-
rogative du premier patriarche sur les autres
ne consiste pas seulement dans l'étendue de
son ressort, avant eu tout l'Occident dans sa dé-
56
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE NEUVIÈME.
pendance, au lieu que l'Orient était partagé en
cini] diocèses et en autant de patriarcats.
D'où vient que le concile d'Arles écrivait au
pape Sylvestre, en 314: « Tu qui majores diœ-
ceses tenes. » Mais qu'elle consiste principale-
ment dans la juridiction qu'il a toujours exer-
cée sur les autres patriarches, par la seule
nécessité d'édifier et de secourir l'Eglise dans
ses besoins, selon les diverses conjonctures que
la Providence faisait naître. J'ajouterai ici au
sujet de cette vaste étendue du patriarcat de
Rome, que ce fut vraisemblablement cette
multitude de grandes diocèses qui y étaient
comprises, qui fit que les papes se réservaient
seulement les ordinations desévêques de l'Italie
et des îles voisines; c'est ce que Ruffm a[)-
(1) Dans Vannuaire romain de 1864, on lit ce qui suit au chapitre
de !a hiérarchie catholique ; u Rome, — dont l'évéque est — vicaire
<i de Jésus-Chnst, — successeur du prince des apôtres, — souverain
" pontife de TKglise universelle, — Patriarche de t'Occidejit^ —
•1 primat d'Italie, archevêque et métropolitain de la province ro-
pelle les provinces suburbicaires ; au lieu que
les patriarches d'Alexandrie et d'Antioche or-
donnaient tous les évèques et tous les métro-
politains de leur ressort. Chacun de ces deux
patriarches n'avait qu'un diocèse ; le pape en
avait lui seul plusieurs ; et si le diocèse d'Orient
comprenait quinze provinces , ces provinces
n'étaient nullement comparables en étendue
à celles qui composaient le patriarcat de
Rome. Ainsi il était comme impossible ([ue
pendant les premiers siècles de persécution,
avant le concile de Nicée, les ordinations de
tous les métropolitains et de tous les évè-
ques d'Afrique, d'Espagne, des Gaules, et des
autres diocèses éloignées eussent été réservées
au pape(l).
Il maine, — souverain des domaines temporels de la sainte Eglise
u romaine. " Ce document officiel nous montre que le titre de pa-
iriarche de l'Occident n'est pas du tout tombé en dcsuétuile.
(Dr ANDRE.)
CHAPITRE NEUVIÈME.
DES PATRIARCHES ANCIENS DE ROME , d' ALEXANDRIE , d'ANTIOCHE , DE JÉRUSALEM ET DE CONSTAN-
TINOPLE. LES POUVOIRS ET LES PRIVILÈGES DES PATRIARCHES AUX SIX, SEPT ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Les trois patriarches anciens, selon saint Grégoire, étaient
assis sur un seul tn'me apostolique, comme successeurs du
siège de saint Pierre.
IL Les trois sièges n'en faisaient qu'un, et les trois patriar-
ches n'étaient qu'un seul patriarche avec saint Pierre, et avec
Jésus-Christ.
m. -IV. Cela se peut dire en quelque sens de tous les évè-
ques, et de là on voit quelle sujétion ce pape pouvait exiger
d'eux.
V. -VI. -VII. Conciliations admirables, selon ce pape, de l'éga-
lité qui est entre les hommes, et de la supériorité des puissances
diviufmput établies.
VIII. -IX. -X. Pouvoirs et privilèges communs à tous les pa-
triarches. L'unité de l'Eglise. Lettres de communion. Diptyques.
XL Les importantes alTaircs leur étaient réservées.
XII. Ils ordimnaicnt les métropolitains, quelquefois les évo-
ques mêmes de leur ressort.
XIII. Ils jugeaient les métropoUtains. Le titre d'oecuménique
ne lut dooné que dans ces occasions.
XIV.-XV. Ils assemblaient les conciles, et donnaient des pri-
vilèges aux moines.
I. Les patriarches anciens furent toujours
considérés i)ar le saint pape Grégoire comme
les successeurs du Siège de Pierre, comme
assis dans le Siège apostolique, et connue pos-
sédant un même trône avec celui qui est le
principal héritier de la plénitude d'autorité et
de puissance que J.-C. communiqua à saint
Pierre. Les sièges de Rome et d'Alexandrie, de
Pierre et de Marc, du Maître et du disciple, ne
sont qu'un seul siège apostolique , comme ce
grand pape écrit à Euloge, évoque d'Alexan-
drie, y Sicut omnibus liquet, ([uod beatus
evangelista Marcus a sancto Petro apostolo
magistro suo Alexandriam sit transmissus, sic
luijus nos magistri et disci|)uli unitate con-
stiingimur; ut et ego sedi discipuli prœsidere
videar propter magistrum, et vos sedi magistri
propter tliscipulum (Liv. v, ep. lx). »
II. Le Fils de Dieu, établissant son Eglise
dans l'unité, lui donna un chef, et par une
admirable disposition de son ineffable sagesse,
il voulut que ce chef présidât aux sièges des
trois villes royales du monde , et qu'il consa-
crât plus particulièrement par un plus long
séjour, et par sa propre mort, le siège épis-
copal de la capitale de l'empire, afin <|ue ces
trois sièges fussent liés par une unité indisso-
luble, et conservassent toutes les Eglises dans
DES PATRIARCHES DE ROME, D'ALEX., D'ANT.. DE JÉRUS. ET DE CONST.
une union étroite avec leur chef divinement
établi, pour être le centre de leur unité. Ce
sont les sentiments de ce même pape, écrivant
au même Euloge, qui l'avait entretenu des
éniinences du siège de Pierre à Rome. Ce pape
fait entrer les autres patriarches dans la parti-
cipation de cette suprême dignité de la chaire
de saint Pierre, afin que les trois sièges n'en
soient qu'un, les trois patriarches ne fassent
qu'un patriarche, les trois héritiers de Pierre
ne soient qu'un même pasteur souverain avec
Pierre et avec J.-C.
« Ille milii de Pelri cathedra locutus est. qui
Pétri cathedram tenet. Petro dicitur : Tibi
daho claves regni cœlorum ; confirma fratres
tuos , pasce oves meas. Itaque cum multi sint
apostoli, jtro ipso tamen principatu, sola apo-
stolorum principis sedes in autoritate convaluit,
qutC in tribus locis unius est. Ipse enim siibli-
mavit sedœ in qua etiam quiescere. et prœsen-
tem vitam flnire dignatus est. Ipse decoravit
sedem in qua evangelistam discipulum mi-
sit. Ipse flrmavit sedem , in ijua septem annis
quasi discessurus sedit. Cum ergo unius, at-
que una sit sedes, cui ex autoritate divina très
nunc episcopi praesident : quid ego de vobis
boniaudio, hoc mihi imputo. Si quid de me
boni creditis, hoc vestris meritisimputate, quia
in illo unum sumus, qui ait : Ut omnes unum
sint sicut et tu Pater in me , et ego in te , ut et
ipsi ia nobis uuum sint (Lib. vi, ep. xxxvu ;
lib. vin, ep. xxxv, xlii) (1). »
111. On peut bien juger après cela quelle
sujétion ce pape pouvait exiger des autres
patriarches, qu'il regardait comme assis dans
son même trône, et ses cohéritiers dans la suc-
cession de Pierre. Aussi il ne put endurer
qu'Euloge d'Alexandrie l'appelât pape uni-
versel, ni qu'il crût avoir reçu de lui quelque
commandement : protestant que sa primauté,
qui lui donnait droit d'avertir ses frères, ne lui
permettait pas de leur commander : « Quod
verbum jussionis peto a meo auditu removete,
quia scio quis sum, qui estis. Loco enim mihi
fratres estis, moribus Patres. Non ergo jussi,
sedquœutiliavisasunt, indicare curavi (L. vu.
ep. xxx). »
IV. Ce saint et humble pape en usa de la
même manière avec tous les évèques, qu'il re-
garda comme ses égaux, pendant que leur con-
duite était irréprochable, et à qui il ne fit sentir
le poiils de son autorité que dans les rencontres
où leurs iautes les soumirent aux justes répri-
mandes de leur supérieur. «Nam quod se dicit
Bizacenus primas apostolicœ Sedi subjici. si
qua culpa in episcoi)is inveaitur, nescio quis
ei episcopus subjectus non sit. Cum vero culpa
non exigit, omnes secundum rationem humi-
litatis œquales sunt [L. vu, ep. lxv). »
V. Jean Diacre, qui a composé la vie de ce
grand pape, remarque excellemment que cette
humble modestie de saint Grégoire, et cette
modeste égalité dont il a fait gloire avec tous
les évèques, au lieu d'avilir sa suprême auto-
rité, l'a au contraire rehaussée. « Autoritateai
([uorumlibet summorum pontificumGregorius
autoritatis sueb magnitudine nuUo modo nii-
nebat, quin potins multipliciter roborabat. Et
quamvis inter culpabiles autoritatem sui jirio-
ratus agnosceret , tamen inter iusontes epi-
scopos se praebebat prorsus aequalem i^L. iv,
c. 29). »
L'humilité, la modestie, l'égalité, la douceur,
sont la gloire et le véritable affermissement
dun empire légitime, comme les vices con-
traires en sont la ruine après en avoir été le
déshonneur. Les fautes des inférieurs ne font
pas naître une nouvelle juridiction dans leur
supérieur. Mais elles font éclater celle ijui y
était, et forcent la justice de l'emporter sur la
modestie.
VI. Ce même auteur prouve admirable-
ment par le même saint Grégoire que cette
règle embrasse également tous les empires et
toutes les juridictions des hommes sur les
autres hommes, c'est-à-dire sur leurs ég^aux.
Car cette inégalité qui distingue si étrangement
les hommes, et qui élève les uns si fort au-
dessus des autres, ne vient pas de la natuie. qui
la est même, mais de l'institution divine et de la
(1) C'est comme preuve matérielle de cette idée qu'il y a à Rome
ce qu'on appelle les églises patriarcales avec une ptéémijjence bore
ligne et des privilèges particuliers. Elles ne furent d'abord que trois,
savoir, saint Jean de Latran, pour le patriarche d'Occident, l'évéque
de Rome ; saint Paul, pour le patriarche d'Alexandrie ; sainte Marie
Majeure, pour celui d'Antioche, qui étaient les trois églises fondées
par saint Pierre. Au ive siècle la basilique de Saint-Pierre devint la
patriarcale du patriarche de Constanlioople, et Saint-Laurent-hors-
des-Murs celle du patriarche de Jérusalem. Elles portent encore
aujourd'hui le titre et les honneurs de patriarcales. Le cardinal
Rasponi dans son savant ouvrage de basiUea et patriarchio Latera-
nensi, nous donne la raison de ces titres : Ita fiebat ^ dit-U, ut quo-
ties hos patriarchas, vel ad generalia concilia , vel ad alla chri-
stianœ religionis seu propriarum Ecclesiarum negotia obeunda ad
Vrbeni se cùnferre^ in eaque morari contingeret, suas quisque œdes
suamque ecclesiam^ quasi propriam sedeni^ ac in sua quodammodo
provincia positam haberet; qua ex re incredibite dictu est quantum
dignitatis atque ornamenti ad Romanam Ecclesiam pervenirety quœ
speciem ea ratione vere gubernantis omnia, et orbi chrisliano uni-
verso prcesidentis pulcherrimim referebat. (Dr André.)
38
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE NEUVIÈME.
miséricordieuse providence du médecin céleste,
qui s'en sert pour faire régner sajustice toute-
puissante sur la terre, et pour remédier aux
désordres du péché. Ainsi ce n'est que le péché
qui doit faire éclater les marques de la supé-
riorité, qui a été divinement établie pour ré-
parer ses désordres.
«IdemGregorius, inlibro regulaepastoralis :
liquet, inquit, quod omnes homines natura
aequalesgenuit,scd, variante meritorumordine,
alios aliis culpa postjHHiif. Ipsa autcm diversi-
tas, quae accessit ex Nitio, diviiio judicio dis-
pensatur ; ut quia onmis homo a^(iue stare non
valet, aller regatur ab altero. Unde omnes (jui
prœsimt, non in se dchent pofestalem ordinis,
sed aequalitatem pensare conditionis : nec
prœesse sehominihusgaudeant, sed prodesse.»
Et dans la suite : " Quia contra naturam super-
bire est, ab aMpiali velle tinieri. El tamen
necesse est ut rectores h subditis timeanlur,
(juando ab eis Deum minime timeri depreiien-
dunt (Ibidem). »
Si saint Pierre, qui ne put souffrir les hon-
neurs que lui faisait Corneille, donna des mar-
(jucs etlroyables de sa puissance à Ananias et à
Saphire, c'est que celui-là était innocent, et
ceux-ci étaient coupables. « Summum se intra
Ecclesiain contra ])eccata recoluit, quod coram
bene agcntibus fralribus non agnovit. Illic
quippe conununionem cpqualitatis meruit san-
ctitas aciionis, liic zelus ultionis jus aperuit
potestalis. »
Enfin saint Paul nous assure que la loi n'est
pas pour les justes, qui sont eux-mêmes leur
loi, parce qu'ils la portent écrite dans le [ilus
profond de leur cœur. M.iis cette loi divine et
humaine prépare et fait déjà quelquefois sentir
aux niéciiants les sanglantes marques de l'au-
torité suiMènic (pii règne dans l'univers.
VII. Voilà la vraie idée et le vrai caractère
de l'empire et de la Juridiction ecclésiasticpie,
qui n'a jamais brillé avec plus de gloire ni
avec plus d'étendue que dans le pontificat du
pape Grégoire, |)arce qu'elle n'a jamais été
accompagnée d'une modestie plus sincère, ni
d'une humilité plus proldiide. Disons main-
tenant quelque chose des pouvoirs et des obli-
gations, ou des fonctions des patriarches.
VIII. Outre l'unité de l'Eglise, dont leur con-
corde était connue le fondement, ainsi que
nous venons de voir, leur conspiration pour la
doctrine orthodoxe était sans dout<' un grand
allermissement l'our la foi de l'Eglise univer-
selle. Ce qui fait dire à Justinien : « In sacro-
sancta Ecclesia communicare, in qua omnes
beatissiniipatriarchœunaconspiratione et con-
cordia fidem rectissimam praedicant (Novell,
cxv, c. 3,§4). »
IX. Ils s'entr'écrivaient des lettres de commu-
nion les uns aux autres, aussitôt après leur
])ron)otion. C'est ce (}ue nous apprend saint
(irégoire : « Hinc est enim, ut quoties in (jua-
luor prœcipuis sedibus antistites ordinantur,
synodales sibi epistolas vicissim mittant, in
quihus se sanctam Chalcedonensem synodum
cum aliis geueralibus synodis custodire fateau-
tur (L. vu, epist. liv). »
X. Ils récitaient réciproquement leurs noms
dans les diptyques sacrés , pendant qu'ils
étaient unis par les liens d'une même foi
et d'une même communion. ,Iean Diacre le
fait voir jiar les lettres de saint Grégoire, et il
ajoute que de son temps les patriarches orien-
taux nommaient dans leurs dijityques les
patriarches précédents des autres sièges, quoi-
que déjà morts , jusqu'à ce qu'ils eussent reçu
de leurs successeurs les lettres de communion
avec une confession de foi. « lia orientales
praccipue relinent usque jjactenus sedes, ut in
suis di[)tychis nullius jiontificis notnen descri-
bant, quousque synodicam ipsius suscipiant ;
et taudiu dcfunctum pontificem inter viventes
annumerent, quandiu successor iilius suas
lifteras studuerit destinare (L. iv, c. 23). » C'a
été le sujet d'une infinité de contestations dans
les Eglises, où on a ôté et remis dans les dipty-
ques les noms des patriarches,
XI. Toutes les importantes affaires de l'Eglise
ne ])Ouvaient se terminer (ju'ils n'y concou-
russent, suilout dans les conciles œcuméni-
(pics, où ils étaient toujours ap|)elés, et oh ils
se trouvaient au moins |)ar leurs légats. Ce
sont les suites naturelles de la qualité de siège
apostolicpie qui leur appartient, au moins aux
trois anciens patriarches. Celui de Jérusalem a
été |)remièrcnH'nt honoré de la persoiuie d'un
apôtre. Il n'y a que celui de Constantinople,
auijuel toute la majesté de l'empire n'a pu
donner ce divin éclat que les autres ont reçu
de la personne de ces célestes pêcheurs, au
tombeau desquels les empereurs mêmes ont
tenu à honneur de se prosterner. Le pape Léon
le disait de fort bonne grâce à l'empereur
Marcien : « Non dedignetur Anatolius regiam
civitatem, (juam apostolicam non i)otest facere
sedem (Epist. liv). »
DES PATRIARCHES DE ROME. D'ALEX.. DANT.. DE JÉRUS. ET DE CONST. :,'.)
Les évèques du concile de Calcédoine, dans
leur lettre synodale au même pape Léon,
l'avaient conjuré avec toutes les instances pos-
sibles d'agréer le pouvoir patriarcal qu'ils
avaient accordé à l'évêque de Constanlino[)k'
sur les trois grandes diocèses et sur les métro-
politains d'Asie, de Pont et de Tbrace; et de
répandre sur ce siège de la ville royale un
rayon de la plénilutle de l'apostolat, qui réside
comme dans son origine dans le siège romain.
« Confidentes quia lucente apud vos apostolico
radio , et usque ad Constantinopolitanorum
Ecclesiam illum sfiargentes, huncsa?piusexpan-
distis. eo quod absque invidia consueveritis
vestrorum bonorum parlicipatioue ditare do-
mesticos. » Les papes suivants accordèrent ce
que le pape Léon refusa, et il a bien paru que
saint Grégoire était déjà accoutumé de traiter
révêque de Constantinople de la même manière
que les autres patriarches.
XII. Revenons aux pouvoirs des patriarches,
et disons qu'ils ordonnaient ou par eux-mêmes,
ou par leurs délégués, tous les métropolitains
de leur ressort. Le concile de Nicée nous ap-
prend que l'évêque d'Alexandrie ordonnait
même tous les évèques de son patriarcat.
Celui de Constantinople extorqua enfin des
papes un consentement tacite de jouir du droit
que le concile de Calcédoine lui avait donné,
d'ordonner les métropolitains des diocèses
d'Asie, de Pont et de Tbrace. Ce même concile
lui avait permis de donner aussi des évèques
aux barbares nouvellement convertis au nord
de Constantmople, c'est-à-dire, aux Alains et
aux Russes, comme l'explique R.dsamon. Le
patriarche d'Antioclie, celui de Jérusalem et le
pape, ordonnaient aussi pkuieurs évèques,
outre ceux de leur métropole, comme l'histoire
ecclésiastique le fait voir, et comme nous avons
déjà dit ci-devant. Xous en parlerons encore
plus bas, quand nous traiterons de l'ordination
et de la confirmalion des évèques élus par leurs
métropolitains, primats et patriarches.
XUI. Les métropolitains ne pouvaient être
jugés que par les patriarches ou primats :
les évèques appelaient du jugement des métro-
politains à celui des i)riniatsou des patriarches :
les prêtres même et les simples clercs pouvaient
porter leur cause ou leur appel jusqu'au
patriarche, comme il est aisé de voir dans la
Novelle de Justinien et dans l'histoire de
l'Eglise (Novell, cxxni, c. 10, 2:3 . Ilya de l'ap-
parence qu'on conmienya de donner le titre
de j)atriarche « œcuméni(|ue » à Dioscore
d'Alexandrie. lorsi[u'il jugea Flavien.i)atriarche
de Constantinople ; an pape Léon, lorsqu'il dé-
posa Dioscore dans le concile de Calcédoine ;
au pape Agajiet, quand il détrôna Antime du
siège de Constantinople ; à Jean et à .Menas de
Constantinople, quand, de l'aveu tacite des
papes, ils usèrent du pouvoir de juger les
primats ou les petits patriarches de l'Asie, de
la Thrace et du Pont ; enfin à Jean le Jeûneur,
quand il jugea la cause de Grégoire, patriarche
d'Antioche. Car dans toutes ces rencontres, un
patriarche devenant le juge des autres pa-
triarches semblait s'élever au-dessus de la
qualité de patriarche particulier, et mériter un
titre qui eût rapport à l'autorité universelle
qu'il exerçait. .Mais comme il n'y a eu que le
[)ape qui ait exercé cette autorité sur les pa-
triarches, et sur tous les patriarches avec un
droit incontestable , on peut aussi dire qu'on
n'a pu donner qu'à lui la qualité « d'oecumé-
nique. » Saint Grégoire nous montre dans ses
lettres que Jean, prêtre de Calcédoine, qui
avait été condamné comme hérétique par les
juges que le patriarche de Constantinople avait
commis pour cela, en ayant appelé au Saint-
Siège, il jugea lui-même de cet appel dans un
concile romain, cassa la sentence donnée contre
ce prêtre et le déclara catholique (L. v, epist.
CLVui, 16. 24).
XIV. Les patriarches assemblaient des con-
ciles de toute l'étendue de leur ressort, y
jugeaient les grandes causes, et y faisaient des
statuts et des lois. Le Droit Oriental donné au
public par Leunclavius nous fait voir une in-
finité de ces lois ; et toute l'histoire ecclésias-
tique fournit un grand nombre d'exemples de
conciles assemblés par les patriarches.
XV. Je pourrais encore parler du droit des
patriarches sur les monastères de leur vaste
ressort ; mais il vaut mieux le réserver, aussi
bien que quelques autres, à des lieux plus
propres, dans la suite de cet ouvrage, où nous
donnerons aussi un peu plus de jour et plus
d'étendue à ce que nous n'avons ici touché
(juen passant.
60
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
CHAPITRE DIXIÈME.
DU PATRIARCHE DE CONSTANTINOPLE PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES.
I. Accroissement prodigieux de l'évêque de Constantinople
ilopuis la Iranslation du siège de l'empire à CoDStmliiiople.
il. Le concile l" de Constantinople lui donne le premier
rang après le pape. Ce décret ne fut point reçu dans l'Occi-
dent.
III. Les évê(iucs de Constanlinople étendirent ce privilège
iniléterrainé à tout ce qu'ils voulurent.
IV. Esemples des entreprises de Nectarius, évêque de Cons-
tanlinople, sur les autres exarques.
V. iraint Chrysostome continue les mômes entreprises par un
principe de charité et dans la nécessité de secourir l'Eglise.
Les évèqucs recouraient de tous cùtés à l'empereur, qui ren-
voyait leurs causes à l'évêque de Constantinople.
VI. Entreprises d'Atticus.
VU. De Sisinnius et de Proclus.
VIII. La plupart de ces entreprises se faisaient sur les exar-
ques de Thrace, d'Asie et do Pont, comme plus voisins et plus
faibles.
IX. Entreprises de Flavien sur le patriarche d'Antioche.
X. Entreprises d'Anatoluis sur le même patriarche.
XI. Entreprises plus ordinaires sur la diocèse d'Ephèse.
XU. Etat des choses disposé pour faire réussir l'ambition des
èvèqnes de Constantinople dans le concile de Calcédoine.
Deux canons lui donnent l'alternative ou la prévention dans les
autres exarchats.
XIII. Le canon xxviii de ce concile lui soumet les trois
petits patriarcats.
XIV. Les légats du Saint-Siège s'y opposent.
XV. Le concile en demande la confirination au pape.
XVI. 11 la refuse. Ses raisons.
XVII. L'empereur et le patriarche de Constantinople cèdent
aux raisons du pape.
XVIII. Preuves que les évêques de Constantinople se sont
abstenus ensuite des avantages usurpés dans le concile de Cal-
cédoine.
XIX. Ils en conservèrent néanmoins quelques-uns fort consi-
dérables,
XX. On ne s'est plus opposé à leur titre de patriarche, mais
leur droit même sur les trois petits exarchats lui a été con-
testé.
I. L'évêque de Byzancc ou de Consfantinoiile
n'avait été originairement qu'un suilrajAant dti
métropolitain d'HéracIée, en Thrace, comme le
|i,i|h; C.élase le reprochait fortjustemenl à l'om-
liilieux Acacius : « An Sedem a])ostoiicam con-
;;ruehat, Parœciœ Heracliensis Ecclesiœ, id est
Constantinopolitani pontilicis judicium ex-
peclure (Epist. xm). » La translation du siège
impérial et la (jualilé de la nouvelle Rome
dimnèrent à cette ville et à FEj^lise même de
(■.ciiislaniiiiople une considération et une émi-
nence toutes particulières. Le concile I" de
(Constantinople donna au prélat de la ville
impériale le premier rang après l'évêque
de l'ancienne Rome (Can. ni) : « Conslan-
tiuopolitanus episcopus habeat primatus hono-
rem, Ta -ptafiEix TTi; Tiu.Tiî, post Romauum episco-
pum, eo quod sit nova Ronia. » Le concile de
Nicée avait donné à l'évêque de Jérusalem le
même privilège, i)resque en mêmes termes,
sans le soustraire de la juridiction du niétro-
])olitain de Césarée : « Habeat consequentiam
honoris, salva metropolis propria dignitale,
£/_=T(u — f.v ày.'/(w6iav rf.i z:ij.r,ç (Can. VU). »
Ce ne fut donc aussi qu'un rang et une |)ré-
séance honorable que le concile de Constanti-
nople attribua k Tévêiiue de la ville impériale,
sans lui doiuier même la qualité de métropo-
litain, bien loin de le placer entre les exarques
ou les patriarches. Car, dans tous les monu-
ments publics, l'évêque d'HéracIée parait tou-
jours depuis avec sa qualité de métropolitain.
Et (juant à l'institution des exarques, le même
concile de Constantinople avait partagé tout
l'Orient en cinq grandes diocèses dans
un canon précédent, et les avait assignées à
cin(| exarques ou i)atriarches. Ces diocèses
étaitiit l'Egypte, l'Orient, l'Asie, le Pont, la
Thrace ; les exarques étaient les évêques
d'Alexandrie, d'Antioche, d'Ephèse, de Césarée
en Cappadoce, et d'HéracIée.
IL Je ne m'amuserai pas à distinguer non-
seulement deux assemblées, mais deux conciles
de Constantinople tenus en deux années con-
sécutives, dont l'un ait été un concile général,
et l'autre n'ait été qu'une assemblée particu-
lière de laquelle ce canon soit émané. Il est
constant que ce concile n'a été absolmueiit
(ju'inie assemblée des évêques de l'Orieul, sans
aucune participation des Occidentaux ; et ce
n'a été (|ue le consenlenient postérieurdu (lape
et des Occidentaux, (|ui lui a donné le rang et
le crédit d'un concile oecuménique, (|uant
aux décisions de la foi ; car les canons (|ui y
furent faits ne furent point reçus dans l'Occi-
dent. Le ]iape saint Grégoire le dit en termes
formels : « Romaua Ecclesia eosdem canones
vel gesta illius synodi hactenusnon habet, nec
Dr l'AÏKlAHCIIE \)E CONSTANTINOPLK
(-.1
açcipit. In hoc autt>ni eaindem syiiodiini aicc-
pit, (luod per eaiii contra .Maccdoniuni detini-
tum (Grcgor. 1. vi, cpist. xlxi). » Ce canon ne
pouvait donc passer que pour un règlement
d'un concile particulier, (jui est sans doute de
quelque autorité, mais (jui ne peut clianger le
rang et la situation des membres principaux
de l'Eglise universelle.
III. La suite de l'iiistoire et la conduite des
évèques de Constautiuople ont bien l'ait voir
néanmoins depuis ce temps-là, que ces prélats
avaient donné aux termes de ce canon un sens
bien plus étendu et bien plus favorable ou
aux entreprises de leur vaste ambition, ou au
zèle excusable de leur charité. Car, quoique
rien ne soit effectivement et au fond plus con -
traire à la cupidité que la charité, celle-ci étant
toujours humble et modeste, celle-là toujours
ambitieuse et entreprenante, néanmoins il n'y
a rien de si semblable et de si uniforme eu ap-
parence que leur conduite. La préséance d'hon-
neur n'était pas le seul avantage à quoi les
évèques de Constantinople limitèrent l'intelli-
gence de ce canon : ils se donnèrent en di-
verses rencontres une juridiction plus ample
non-seulement que celle des métropolitains,
mais aussi que celle des exarques, en se met-
tant au-dessus d'eux tous et jugeant des
causes de toutes leurs diocèses particulières.
IV. Nectarius, qui lut fait évéque de Constan-
tinople dans ce concile même, estimant bien
plus et faisant bien i)lus valoir les suites de
cette qualité d'évèque de la nouvelle Rome
que la préséance et le rang qu'on lui avait dé-
cerné, jugea dans iin concile de Constanti-
nople, en 394, le différend entre Agapins et
Gabadius, compétiteurs de l'évèché de Bostre,
en Arabie, du patriarcat d'Antioche, prenant
la première place au-dessus de Théophile d'A-
lexandrie, de Flavien d'Antioche, de Helladiùs
de Césarée , et de plusieurs autres évèques qui
assistèrent à ce concile. Balsamon nous en a
conservé les actes. Saint Ambroise écrivit au
même Nectarius de déposer Géroutius, évéque
de Nicomédie, qui avait été autrefois clerc de
l'Eglise de Milan, et dont la conduite scandali-
sait alors toute l'Eglise. Nicomédie était de la
l)ro\ince de Bithynie, et de la diocèse du Pont.
(]ela est rapporté par Sozomène iLiv. vui, c. S).
V'. Saint Chrysostome succéda à Nectarius,
et le respect que nous devons à une sainteté et
à un mérite si extraordinaires, nous oblige de
regarder comme autant de démarches d'une
charité aiiostoli(|ue ce (]ui ne passerait |peut-
èlre que jiour des entreprises et des innova-
tions audacieuses en d'autres évèques. Ce saint
prélat étant allé en .\sic y déposa non-seule-
nieut Gérontius, ce que Nectarius n'avait pu
faire, mais encore seize autres évèques de la dio-
cèse d'Asie, si nous eu croyons Théophile, ar-
chevêque d'Alexandrie, dans les accusations
qu'il forma contre ce saint, et qui sont rappoi--
tées par Palladius. Palladius ditqu'il n'en avait
déposé que six, Sozomène en compte huit.
L'ordination de ces prélats avait été simonia-
que. C'est le crime dont on les chargeait.
On fit aussi un crime à saint Chrysostome
d'avoir usurpé la juridiction des autres évè-
ques et d'avoir ordonné des évèques hors de
son territoire. « Quod aliorum invadat provin-
cias, ordinetque ibidem episcopos (Baron. An.
403, n. 19; Phot. cod. lix). » Mais ce saint pré-
lat pouvait alléguer pour sa justification que
vingt-deux évèques des trois diocèses de l'Asie,
du Pont et de la Thrace, s'étant trouvés à
Constantinople pour leurs affaires particulières,
et y assistant au concile où il présidait, l'un
d'eux lui avait présenté une requête contre
l'évêque d'Ephèse. auteur de toutes ces ordi-
nations simoniaques ; qu'il avait député trois
évèques pour aller faire des informations ;
([ue. l'évêque d'Ephèse étant mort en même
temps, les évèques de la province et le clergé
de la ville d'Ephèse avaient député vers lui,
pour le conjurer de venir relever leiu' Eglise
de la désolation dont elle était menacée ; enfin
qu il u'avait rien fait que dans un concile des
évèques des provinces voisines; et que lui-
même avait pu être appelé au secours par ceux
d'Ephèse, au moins comme un évéque voisin de
quelque autorité, selon l'usage reçu dans les
premiers siècles, et autorisé par les canons.
Conmie ces raisons peuvent paraître suffi-
santes pour justifier la conduite de saint Chry-
sostome, aussi il faut avouer qu'elles ne peu-
vent donner aucun solide fondement pour
attribuer a l'évêque de Constantinople une juri-
diction semblable dans les autres diocèses. En
effet, Palladius confesse lui-même que tous les
évêi[ues nouveaux que saint Chrysostome avait
ordonnés à la place des autres furent depuis
déposés. Mais ce qu'il y a de plus certain est
que la police et la jurisprudence des Orientaux
n'était pas encore tout à fait parfaite dans les
jugements ecclésiastiques. Car il est bien vrai
qu'ayant établi des exarques au-dessus des mé-
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
Iropolitains, ils avaient désifiné un tribunal où
l'on pouvait citer les métropolitains, avec les-
quels on était en diiïérencl, et où les causes
nées entre diverses provinces pouvaient se vi-
der. Mais s'il survenait un différend de diverses
diocèses entre elles, ou des évêques et des mé-
tropolitains contre leur exarque, il n'y avait
point de juge réglé par leurs canons. Us re-
tournaient encore aux empereurs, qui les ren-
voyaient ordinairement à l'évèque de Constan-
tinople et à l'assemblée des évêques qui se
rencontraient à Constantinopie, dont il était
le président né.
Ce tribunal extraordinaire était fondé sur la
nécessité inévitable de décider au moins par
cette voie des procès, qui autrement auraient
été interminables. Mais n'étant établi sur au-
cune loi canonique, il n'était pas encore si
bien appuyé sur un long usage qu'on ne crût
jiouvoir s'en plaindre, quand on n'y avait pas
reçu de satisfaction. Les évêques de Constanti-
nopie se flattaient volontiers de cette pensée,
([ue la préséance et la qualité d'évêque de la
nouvelle Rome, qui leur avait été donnée dans
le concile de Constantinopie, convenait assez
bien avec cette juridiction extraordinaire seu-
lement, mais universelle. En elfet, ce concile
ayant expressément limité les évêques de cha-
que exarchat dans leur exarchat même, il sem-
blait avoir laissé à penser que la juridiction
extraordinaire qui s'élèverait au-dessus des
exan|ues, ou qui envelopperait plusieurs exar-
chats, serait commise à quehiue autre.
VI. Soerate nous ajiprend ([u'Atticus, évêquc
de Constantinopie, arracha une loi a la facilité
dujeune Théodose, par laquelle il était défendu
d'ordonner des évêques sans l'agrément de l'é-
vê(|ue de Constantinopie. « Lege qua» jubet, ne
quis episcopus designetur , absque sententia et
autoritate episcopi Constantinopolitani (Liv.
VII, c. 28, :JG). » Que ce prélat (jui avait suc-
cédé à Arsacius , successeur de saint Chryso-
stome, donna l'évôché de Philippopolis, dans la
Thrace, à Sylvain, lecjuel. trois ans après, il
transféra dans l'évêché de Troade en Phrygie,
les habitants de Troade étant venus à Constan-
tinopie lui demander un évêque.
On trouve dans le code Théodosien une autre
loi par la(iuelle llUyrique est soumise à l'évê-
(jue de Constantinopie, parce que Constanti-
nopie est la nouvelle Rome : « Romac veteris
pncrogativa hetalur (Cod. Tlieod. de Episc. et
Cler. Liv. xlvi). » C'étaient autant de surprises
(|u"on faisait aux empereurs: à quoi il faut
ajouter que l'on manquait souvent de per-
sonnes capables dans les provinces, et que, ve-
nant chercher des évêques à Constantinopie
on n'était pas fâché de faire sa cour au patriar-
che et à l'emijercur.
VII. Je laisse les autres exemples des usur-
pations fartes par Atticus sur les exarques voi-
sins.Sisinnius, quiluisuccéda. ayant appris que
l'Eglise de Cysiiiue était vacante, nomma Pro-
clus pourévéque. Ceux de Cysique croyant, ou
faisant semblant de croire que la loi de Théo-
dose n'était qu'un privilège personnel pour At-
ticus, avaient déjà élu et fait ordonner le moine
Dalmatius : « Legem propterea neglexerunt,
quod Atlico soli, ut illi putabant, nominatim
autoritatem illam concederet (Socrat. 1. vu,
c. 28, -i"). » A Sisinnius succéda Nestorius; à
Nestorius Maximiuien, et à Maximinien le
même Proclus, dont nous venons de parler.
Soerate raconte que ceux de Césarée en Cap-
padoce étant venus à Constantino[)le chercher
un évêque , Proclus , ayant considéré tous les
sénaleuis (]ui assistaient à l'office de l'Eglise
un samedi , imposa les mains à l'un d'eux ,
qui ne s'attendait à rien moins que cela, et
l'ordonna évêque. C'était Thalassius, gouver-
neur de l'Illyrique, qui avait déjà reçu ordre
de l'empereur de quitter ce gouvernement, et
daller prendre C(;lui d'Orient.
VIII. Avant (|ue de passer outre, il est bon
de remarquer que la plus grande partie de ces
invasions n'a été faite que dans les diocèses
des exarques du Pont, de l'Asie et de la Thrace,
comme plus faibles et plus voisines. L'ambi-
tion de ces prélats semblait marcher sur les
pas du grand saint Chrysostome, qui n'avait
l)Ourtant été conduit (lue par un esprit de
charité et jiar un zèle très-ardent de la pureté
dé la discipline. Nous ne pouvons pas en
désirer un témoin plus irréprochable que
Théodoret, qui assure que ce divin pasteur
applitiua particulièrement ses soins à réformer
les pasteurs et les évêques mêmes ; ce qu'il lit
dans la diocèse de Thrace, qui avait six métro-
poles, dans celle d'Asie, qui en avait onze, et
dans celle du Pont, qui en avait autant (L. v,
c. 28). « ,\t(|ue hoc modo prospexit non illi
solum civilati, verum etiam toli Thraciœ, qure
est in sex prœfecluras divisa, et cunctae Asiae,
(pue imdecim habet , et Ponticam Ecclesiam,
(|ua' totidem habet, iisdem adornavit legibus
(Raron. An. i30, n. 75). » Palladius nomme
DU PATRIARCIIK DE CONSTANTINOPLE.
C3
es évêqiies de ces trois niriiics dioci'ses, en
y)arlaiit (lu concile de Coiislanlinople ou saint
Chrysostome présida en l'an iOO.
IX. Mais outre rexeni|)Ie (jui a été raiiporté
de l'entrepiise de Xectarius sur les di'oits du
patriarche d'Antioclie dans le diiïérend tou-
chant l'évèché de Bostre en Arabie, en voici
un autre qui nest pas moins évident. Les
clercs d'ibas, évèque d'Edesse en Syrie, étant
mal édifiés de sa conduile, eurent d'abord des-
sein de le déférer au tribunal de Domnus, ar-
chevècjue d'Antioche, qui était son supérieur
légitime, mais changeant de résolution ils vin-
rent l'accuser à Constantinople. Flavien, qui
en était archevêque, délégua les trois métro-
politains de Tyr, de Béryth, et d'Hymère. Us en
connurent dans le synode de Béryth, dont les
actes furent lus dans la session x du concile
de Calcédoine. On y déclara nettement (jue
c'était par les ordres de l'archevêque Flavien,
et de l'empereur, que ce ditférend se jugeait
dans ce synode : « Archie(iiscopo Flaviano de-
cernente, piissimo imperatore disponente.» Ce
style, quoique déguisé, fait encore assez voir
que l'empereur avait renvoyé cette cause à
Flavien, et Flavien l'avait ensuite déléguée à
ces trois métropolitains. Cela parait encore
plus clairement dans les actes mêmes de ce
jugement qu'on relut dans les ix et x sessions
du concile de Calcédoine.
X. Comme Flavien avait succédé à Proclus ,
aussi Anatolius succéda à Flavien , l'un et
l'autre marchant toujours sur les mêmes traces,
et imitant ou la charité, ou la cupidité de
•eurs prédécesseurs. Béryth ayant été érigée
en métropole de la Phénicie par une pragma-
tique impériale, outre Tyr qui l'était déjà,
révèque de Béryth prétendit tirer cela en con-
séquence pour s'ériger aussi en métropolitain.
L'ancien métrofuditain de Tyr s'y opposant , la
cause fut jugée dans un concile de Constanti-
nople où Anatolius présidait, et dont il pro-
nonça la sentence. Il l'envoya même signer à
Maxime, archevê(iue d'Antioche, qui était alors
à Constantinople, et qui n'avait pas assisté au
concile. 11 n'osa le refuser, comme il avoua
lui-même dans la session v du concile de Cal-
cédoine, quoique ce fût de lui que la Phénicie
relevait.
XL Lorsque l'archevêché d'Ephèse avait été
disputé par plusieurs compétiteurs, les grands
archevêques de l'Eglise s'en mêlaient bien
plus souvent, soit que les deux partis s'ef-
forçassent de s'accréditer par leur faveur, soit
que l'amoin- de la paix et de l'uniti'; les y poussât
eux-mêmes. Mais celui de Constantinople y
intervenait toujours le premier, soit par le
droit de voisinage, soit par les ordres de l'em-
pereur , soit par ses propres intérêts. Bassien,
évoque prétendu d'Ephèse, assura, dans le con-
cile de Calcédoine , ([u'il était venu à Ephèse
avec des lettres synodales de Proclus, évêque
de Constantinople, adressées à la ville d'Ephèse,
aux évê(|ues et au clergé. Etienne , son rival ,
protesta au contraire (lue n'étant qu'iui usur-
pateur il avait été chassé de cet évêclié par le
pape Léon, par Flavien de Constantinople , par
les archevêques d'Alexandrie et il'Antioche.
Ces deux évêques ayant été déposes dans le
concile de Calcédoine, les évêques de la diocèse
d'Ephèse prétendirent que l'élection d'un nou-
vel évêque devait se faire à Ephèse même. L'un
d'eux protesta que depuis saint Timothée jus-
qu'au temps présent vingt-sept évêques avaient
été consacrés à Ephèse. Au contraire le clergé
de Constantinople assura <iue saint Jean Chry-
sostome avait déposé quinze évê(|ues de la
diocèse d'Asie , et en avait ordonné d'autres ;
que Memnon et Castin avaient été ordonnés à
Constantinople ; que Héraclide et d'autres
avaient été ordonnés avec le consentement de
rarchevêi|ue de Constantinople ; que Proclus
avait ordonné Basile. Les évêques demandant
à haute voix que les canons fussent observés,
canones ohlineant, les clercs de Constantinople
s'écrièrent qu'il fallait observer les décrets du
concile l" de Constantinople , et respecter les
privilèges de la ville impériale : « Ea (juœ san-
ctoi'um Patrum centuin quinquaginta sunt,
teneant ; privilégia Constantinopolis ne depe-
reant. »
Voilà sans doute une preuve constante que
le clergé et les évêques de Constantinople fon-
ilaient ces vastes prétentions d'autorité et de
juridiction, dont nous venons de rapporter tant
d'exemples, sur le canon du concile de Constan-
tinople, et sur ce second rang, après l'ancienne
Rome , qui n'exprimait rien en particulier, et
([ui pouvait servir à colorer toutes sortes d'en-
treprises.
XII. Les choses s'étaient passées de la sorte
depuis le temps du premier concile de Cons-
tantinople justju'à celui de Calcédoine; et le
concile de Calcédoine ayant déposé le patriar-
che d'Alexandrie, Dioscore, sans oser en créer
un nouveau; les deux compétiteurs de l'évèché
i6É
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
d'Ephèse y ayant été déposés; l'archevêque
d'Antioche se trouvant embarrassé dans de
fâcheuses affaires; Juvénal de Jérusalem ayant
aussi de grandes prétentions à faire réussir , il
n'est pas surprenant que rarchevèque de Cons-
tantinople Auatolius ait extorqué de ce concile
des privilèges singuliers, dont ses prédéces-
seurs n'avaient joui que rarement, par adresse,
ou à la dérobée. Le canon ix de ce concile
ordonna que si un évèque ou un ecclésiasti-
que était en procès avec son métropolitain, il
lui serait libre de le faire juger ou par l'exar-
que de la diocèse, ou par l'archevêque de Cons-
tantinople. « Si adversus metropolitanum epi-
scopus vel clericus habet querelam, pctat aut
primatem diœceseos , aut sedem regiœ urbis
Constantinopolitana;, et apud ipsam judicelur
(Conc. Chalced. act. 11). » La même alternative
est accordée dans le canon xvn. C'était donner
un droit de juridiction universelle à l'évèque
de Constantinople dans les causes des métro-
politains dans tous les cinq diocèses qui com-
posaient l'empire oriental.
Le pape jouissait de ce même avantage dans
l'Occident, et il y avait un rescrit de l'em-
pereur Gratien en faveur du pape Daniase, (pii
se trouve dans l'appendix du code Théodosien,
donné par le père Sirmond. Aussi les légats
du pape , qui présidaient au concile de Calcé-
doine, ne firent nulle opposition à ces deux
canons. Les évoques de Constantinople avaient
déjà quelquefois usé de ce droit de prévention
au gré des i)artics ; nous en avons allégué des
exemples : le concile de Calcédoine n'y trouva
rien à redire. Aussi ces deux canons furent in-
sérés dans la compilation des canons par Denis
le Petit.
XIII. Mais ce fut le canon xsviii du même
concile ([ui établit formellement le patriarcat
de Constantinople. On y allégua que l'ancienne
Home avait eu des privilèges, parce que c'était
la capitale de l'empire : « Eo quod urbs illa
iniperaret. » Ce ([ui ne se peut entendre avec
vérité qu'au sens que nous avons dit , que ce
fut la raison qui convia saint Pierre d'y établir
sa chaire et sa primauté divinement instituée,
afin que personne ne i)ùt ignorer les célestes
vérités que Rome avait apprises, comme le dit
excellemment le grand saint Léon: « Petrus
princeps apostolici ordinis ad arccm Romani
destinatur imperii, ut lux veritatis (pue in om-
nium gentium revelabatur salutem , efficacius
se ab ipso capite per totum mundi corpus effun-
deret. Cujus autem nationis homines in hac
tune urbe non essent, aut qua; usquam gentes
ignorarent, quod Romadidicisset (Leo.M.Serm.
I. in Natali Apost.). »
Le canon de Calcédoine ajoute que les Pères
du concile I de Constantinople touchés de la
même raison, avaient décerné des privilèges à
l'Eglise de Constantinople, comme étant la
nouvelle Rome ; lui donnant le pouvoir d'or-
donner les métropolitains des trois petites dio-
cèses du Pont , de la Thrace et de l'Asie, après
avoir examiné et confirmé leur élection, et lais-
sant aux métropolitains l'ordination libre de
leurs suffragants. C'était faire un droit , et un
droit ordinaire, de ce qui n'avait été qu'une
suite d'entreprises extraordinaires. Enfin ce
canon donna à l'évèque de Constantinople le
pouvoir d'ordonner les évèques des nations
barbares. Saint Chrysostome avait donné des
évèques aux Goths.
XIV. Les légats du Saint-Siège n'avaient pas
^é présents quand ce dernier canon fut fait.
Ils demandèrent qu'il fût lu dans la session xv.
On le lut : ils s'y opposèrent et protestèrent
que le règlement allégué du concile I" de Cons-
tantinople, ne se trouvait point dans le code
des canons ; que si les évèques de Constantino-
ple avaient joui de ces avantages à la faveur
d'un semblable canon, il n'avait pas été besoin
de faire un autre canon sur le même sujet ;
([ue s'ils n'en avaient pas joui, il ne fallait rien
innover. « Si his temporibus hoc beneficio usi
sunt, quid nunc requirunt? si nunquam usi
sunt, quare requirunt?» Ils produisirent un
mandement exprès du pape de s'opposer à
toutes les innovations qui se pourraient faire
à l'avantage de quelque autre Eglise, et au dé-
savantage du Siège apostolique. Enfin comme
les légats étaient persuadés que les évèques
n'avaient souscrit à ce canon que par violence,
les juges impériaux ordonnèrent aux évèques
du Pont et de l'Asie de déclarer s'ils avaient
été forcés. Ils assurèrent qu'ils avaient souscrit
très - volontairement ; plusieurs dirent qu'ils
avaient été faits évèques par l'archevêque de
Constantinople, qu'il en était de même de leurs
prédécesseurs ; que c'était la coutume , que
c'étaient les canons ; enfin qu'ils étaient très-re-
devables à l'évèque de Constantinople pour la
]irotection continuelle qu'ils recevaient de lui;
l'évèque de Dorylée protesta même qu'il avait
lu ce canon lui-même au pape à Rome, en pré-
sence de quelques clercs de Constantinople, et
'9
DU PATHIARCIIE DE CONSTAMINOPLE.
65
qu'il l'avait agréé. Les juges proïKnicèn'iit en-
suite en faveur de l'cvèque de Constautinniilt',
nonobstant l'opposition des légats du pape. Il
ne fut point parlé de la diocèse de Thnice .
parce que lévèque de Constantinople ayant
droit d'assister à ses conciles et par conséquent
d'y présider, en suite du canon du concile de
Constantinople, il l'avait déjà entièrement
soumise à la puissance.
XV. La lettre du concile au pape fut la plus
obligeante et la plus respectueuse du monde.
On l'y nomma le chef de l'Eglise et du concile:
« Tu sicut membris caput pra^eras. «On le pria
de répandre un rayon de sa primauté sur l'E-
glise de Constantinople : « Lucente ainid vos
apostolico radio, et uscjue ad Constantinopoli-
tanam Ecclesiam ilkim spargentes . eo quod
absque invidia consueveritis vestroriuu bono-
rum participatione ditare domesticos. » On
l'assura qu'à l'égard de l'évêque de Constanti-
nople on n'avait fait ([ue confirmer la coutume
et la possession , où il était depuis longtemps.
Ce qui était fort véritable, mais il y avait de
fréquentes et de justes résistances qu'on faisait
à cette possession , qui n'était au fond qu'une
usurpation. « Eam namque consuetudinem ,
qUcB ex longo jam tempore permansit. ad ordi-
nandum metro{)olifanos diœceseon, tam A: ian;p
quam Ponticae et Thracite. » Enfin que celait
moins l'avantage de lévèque de ConsUmlino-
ple. que celui des provinces mêmes, où ces
ordinations ne pouvaient se faire sans beau-
coup de trouble et de confusion. « Non tani
sedi ConstantinopolitanfB aliquid prœstantes ,
quam metropolitanis urbibus. etc. »
Ce sont là les principales raisons du concile
pour obtenir du pape la confirmation de ce
canon; car à peine pouvait-on douter que
pour faire un changement si considérable dans
la disposition générale des membres les plus
éminents de l'Eglise , l'autorité et l'agrément
du chef ne fût nécessaire. « Rogamus tuis de-
cretis nostrum honora judicium ; et sicut nos
capiti in bonis adjecimus consonantiam. sic
et summitas tua filiis , quod decet , adim-
pleat. »
XVI. Jamais le Saint-Siège ne reçut de si
grands honneurs et de si profonds respects
que dans le concile de Calcédoine. Et néan-
moins ce saint pape prévoyant les funestes
excès où se pourrait un jour porter l'archevê-
que de Constantmople . contre le fondement
inébranlable de l'unité ecclésiastique, il écrivit
Th. — Tome I.
à l'empereur Marcien et à l'archevêque .^na-
tolius qu'il ne souffrirait jamais qu'on ren-
versât la disposition des trois grands sièges ,
autorisée par le concile de Nicée , ni qu'A-
lexandrie perdit son second rang, etAntioche le
troisième : que le canon de Constantinople,
qu'on alléguait, n'avait jamais été comnnuii(|ué
au Saint-Siège, et qu'il ne pouvait avoir main-
tenant de vigueur, n'en ayant point eu dans ses
commencements : « Persuasioni tuœ in nullo
penitus suilragatur quorumdam episcoporum
ante sexaginta, ut jactas, annos faclasubscriptio,
nunquam a prœdecessoribus tuis ad apostolica"
Sedis transniissa notitiam ; cui ab initio sui
caduc» , dudumque coUapsa- . sera nunc et
inutilia subjicere fulcimenta voluisti (Léo. Ep.
LUI, LVIl). »
XVII. L'empereur et Anatolius se rendirent
aux oppositions vigoureuses du pape, et relâ-
chèrent tout ce qu'ils avaient prétendu. Ana-
tolius assura que ce n'avait été qu'un empor-
tement du clergé de Constantinople , où il
n'avait point eu de part. L'empereur se rendit
garant de la vérité de ce que disait Anatolius.
Le pa[)e Léon raconte lui-même tout cela dans
sa réponse à Anatolius, où il fait mention des
lettres et des assurances qu'il a^ait reçues de
lui et de l'empereur sur cette matière : « lllam
autem culpam. quam de augcnda potestate
aliéna , ut asseris , adhortatione contraxeras,
efficaciusatque sincerius tuacharitasdiluisset,
si quod tentari sine tua voluntate non potuit,
non ad sola clericorum consilia translulisses.
Sed gratum mihi est , quod dilectio tua profi-
tetur sibi displicere, quod tune etiam placere
non debuit. Sufficit in grafiœ commuuis re-
gressu, professio dilectionis tuœ, et attestatio
princ'ipisChristiani. NecviJeturtardacorrectio,
cui iani venerabilis asserlor accessit ^Epist.
Lxxi;. »
De même saint Léon remercia l'empereur de
ce (lu'il avait approuvé la vigueur de son zèle,
et qu'il voulait que toutes les Eglises conser-
vassent leurs anciennes jjrérogatives : « Pro-
basse vos observantiam meam de custodia
canonum paternorum pietatis vestrœ affatibus
indicastis . etc.. ut fides Xica-na suam teneat
firniitatem, et |)rivilegia Ecclesiarum illibata
permaneant Epist. lixI. » Le pape Gèlase fait
mention de ce désaveu d'Anatolius et de Mar-
cien dans sa lettre aux évêques de Dardanie :
« Audiant Marcianum sancta? memori:c papam
Leonem suramis laudibus prosecutum , quod
66
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
canonum régulas iilla fiierit ratione perpessiis.
Audianl Aiiatoliuin, clerum Constaiitiiio|ioli-
tanum potius quam se talia tentasse confiten-
teni. atque iii apostolici pivTesulis iotuni ili-
cenfum positum potestate (Episl. xiii). » Hols-
ténius a publié dans sa collection romaine la
lettre et le désaveu d'Anatolius, dont les pajtcs
Léon et Gélase font mention.
XVIII. En etlet, l'histoire ne fournit pas
d'exemples qu'on ait apiielé des autres exar-
ques, ou de leurs évèques, ou de leurs métro-
l)olitainp, ou qu'on ait porté en première ins-
tance les causes de leurs métropolitains à
l'archevêque de Constantinople après le concile
de Calcédoine. Au contraire l'empereur Justi-
nien se conformant à l'usage reçu lit diverses
constitutions pour ordonner (jue les évèques
ne seraient jugés que par leurs propres métro-
politains, et les métropolitains par rexaripie
propre : o Si contra episcopum fiât aditio
[iropter quamlibet causam, apud metropolitam
ejus secundum sacros canones et nostras leges
causa judicetur. Et si quis jvidicatis contra-
dixerit, ad archiepiscopum, seu patriarcham
diœceseos illius causa referatur. Si vero contra
metropolitanum lalis fiât aditio al) episcopo,
aul clero, aut alla quacumque persona, diœce-
seos illius patriarcha simili modo causam ju-
dicet (iNovel. cxxui, c. 2'2; Novel. cxxxvu, c. .")).»
Il est donc assez probable cpie si les légats
du Saint-Siège ne firent point de résistance aux
canons ix et xvu du concile de Calcédoine,
qui donnaient la prévention àlévèiiue de Cons-
tantinople, et si ces canons se trouvent dans les
collections de Denys le Petit, et de Cresconius ,
c'est, outre ce qui en a été dit, parce que ces
canons contenaient d'autres articles incontes-
tables, suivant le sentiment d'Hincmar, qui
dit que ces privilèges et ces canons, quanta
l'innovation (ju'ils faisaient, furent sans ellèt,
par la résistance du pa|)e Léon (Opuscul. L. v).
La loi Satichnus du code dit encore fort net-
tement (ju'on n'aiiiieile point des [)afriarclies,
et que de la sentence des métropolitains on ne
peut app(!ler qu'à leur propre patriarche. C'est
le sens véritable de cette loi , selon le texte
grec, peu fidèlement traduit en latin, et par ce
moyen rendu, sans y penser, favorable à l'è-
vêque de Constantinople.
XIX. Il faut néanmoins avouer qu'après le
concile de Calcédoine les évèques de Constan-
tinople ont continué de jouir d(! (piel(|ues
a\antages fort considérables , sans (jue les
papes fissent paraître aucune opposition. Us
ont toujours conservé la préséance au-dessus
des patriarches même d'Alexandrie et d'An-
tioche. Paschasin, légat du pape, se plaignit
au concile de Calcédoine de ce «pie dans le faux
concile d'Ephèse on n'avait donné que la
cin(]uième place à Flavien , archevêque de
Constantinople, au lieu que la première lui
était due, ajirès les légats du Saint-Siège,
comme eflèctivement Anatolius la remplissait
dans le concile de Calcédoine, et on ne peut
douter après cela que ses successeurs ne l'aient
renqilie après lui. « Paschasinus dixit : Ecce
nos, Deo volente , dominuni Auatolium pri-
miun habemus, lii quintnm posueruntbeatum
Flavianum (Act. 1. conc. Chalced.). » Usent
toujoiu-s exercé une très-grande juridiction
dans les trois petits exarchats d'Asie, du Pont
et de Thrace. Les légats du Saint-Siège souf-
frirent sans peine qu'Anatolius prononçât le
premier la sentence de déposition contre les
deux prétendus évèques d'Ephèse , et ils ne
firent que confirmer ce qu'il en avait jugé.
Connue ces trois exarchats n'avaient été éta-,
blis que dans le concile de Constantinople,
dont le Saint-Siège prétendait ignorer les dé-
crets, le pape se mettait peu en peine de les
voir ou rabaissés ou étoutfés. Saint Léon,
dans ses lettres ci-dessus alléguées, et le pape
Gélase, ne font gloire que de maintenir les ca-
nons du concile de Nicée , où il n'est fait nulle
mention de ces trois exarques, et de conserver
dans leur ancien rang d'autorité et de juri-
diction les sièges apostoliques d'Alexandrie et
d'Autioche.
C'est peut-être aussi une des raisons qui re-
tint dans le silence les légats du pape , quand
ils virent [iromulguer les canons ix et xvn de
Calcédoine, |)ersuadès qu'ils étaient que, sui-
vant la coutume, cela aurait seulement lieu
dans ces trois petites diocèses. Enfin il est pro-
bable (pae dans les lois mêmes de .lustinien que
nous avons touchées, ces trois petits exarques
ne sont pas mis au rang des patriarches dont
on ne peut appeler, et qu'on peut éviter en re-
courant par prévention à celui de Constant!
nople.
Quant aux autres grands patriarches, quoi-
que de droit l'archevêque de Constantinople ne
pût rien entreprendre sur leur juridiction, il
est certain néanmoins qu'ils l'ont fait en quel-
ques rencontres. Acacius fit cent entreprises
siu- les droits des Eglises d'Alexandrie et d'An-
DU PATRIAUCIIE DE CONSTANTINOPLE.
07
tioclie; le pape Simplico lui eu délégua ([iit-l-
qucfois le pouvoir, mais il passa bien an di'la :
il consacra un ùvcque d'Anliodie ; le mémo
pape le toléra parce que l'empereur l'avait
ainsi jugé nécessaire pour conserver la pai\
(Sinipl. Ep. xv;. Le pape Gélase se plaignit
aussi fort souvent de celte violation des canons
(Gelas. Ep. xnij. H y a de l'apparence quelle
fut encore plus fréquente pendant le schisme
d'Acacius et de ses successeurs.
On sait (jue Jean le Jeûneur, évêque de Cons-
tantinople, au teraf)s du grand saint Grégoire,
entreprit de juger le patriarche d'Antioche
Grégoire. Il ne s'était rien fait de si hardi de-
puis le concile de Calcédoine; car le patriarche
Jean, qui mit fin au schisme d'Acacius en effa--
eant des tables sacrées et en sacrifiant à la paix
tant de noms de ses prédécesseurs, patriarches
de Constantinople, étant sollicité d'ordonner à
Constantinople un prêtre de son Eglise, qui y
avait été élu patriarche d'Antioche , refusa
absolument de le faire pour ne pas désobéir au
pape Hormisde. comme il paraît par la relation
du diacre Dioscore à ce pape 'Post. Epist. lxv.
Horm.].
C'est néanmoins ce patriarche Jean, à qui
notre saint et éloquent Avitus, évêque de Vienne,
avait écrit une lettre de congratulation au su-
jet de la paix et de l'unité qu'il avait rendues à
l'Eglise en se soumettant au pape Hormisde;
ce qui obligeait les amateurs de la paix et de
l'Eglise de les regarder, le pape et lui, comme
les deux princes des apôtres : u Concordiam vos
habere, et velut geminos apostolorum princi-
pes mimdo vos adsignare convenit (Avitus
Epist. vu); » et comme les deux astres les plus
majestueux et les plus brillants du ciel et de
l'Eglise : « Quis catholicus de talium ac tanta-
rum Ecclesiarum pace non gaudeat. quas velut
in cœlo positum religionis signum, pro gemino
sidère mundus exspectat? »
XX. Quoique les conciles, les lois, et presque
tous les monuments ecclésiastiques donnent la
ijualité de patriarche à l'évèiiue de Constanti-
nople deiiuis le concile de ('aleédoine, aussi
bien (jue celle d'archevêque, (jui était alors la
même, en sorte que saint Grégoire le Grand,
dont on connaît assez la d('!licatesse sur cette
matière, ne la lui a pu refuser, en conq)tant
quatre patriarches, sans y comprendre le pape;
et ([uoique le droit, patriarcal de ce prélat
s'étendit particulièrement sur les trois petits
diocèses , ce droit néanmoins n'a pas laissé
d'être quelquefois fort ébranlé [I^. i, ep. v, liv.)
L'empereur ou plutôt le tyran Basilic, pour
faire déplaisir à Acacius, rétablit le patriarcat
d'Ephèse, comme nous le dirons plus expressé-
ment dans un chapitre suivant, après avoir
parlé du patriarcat de Jérusalem (Evagr. lib.
lu, c. U].
Dans tous les conciles qui ont suivi celui de
Calcédoine, et dans celui de Calcédoine même,
ces trois exarques continuèrent toujours à se
distinguer des autres métropolilains, soit dans
le rang, soit dans les souscriptions, prenant le
milieu entre les grands patriarches et les au-
tres métropolitains et se qualifiant toujours
exarques de diocèses. Il est vrai que Zenon re-
prenant l'empire après eu avoir chassé Basilic,
rétablit le patriarche de Constantinople dans
tous ses anciens droits, mais il ne parla qu'en
termes généraux, sans expliquer quels étaient
les villes, les provinces, ou les diocèses soumis
au patriarche Acacius Cod. de sacros. Eccl.
1. \\i\ C'est apparemment ce qu'Acacius ju-
geait plus avantageux pour lui, de s'expliquer
peu et de faire beaucoup, sachant bien que le
pouvoir impérial, et le besoin où tous les pré-
lats étaient de son entremise auprès des empe-
reurs lui feraient naître assez d'occasions d'é-
tendre son autorité, et de l'autoriser par des
termes généraux des lois et des canons 1).
(I) Aujourd'hui encore, parmi les hauts dignitaires de la cour de
Rome, il y a trois prélats qui sont revêtus des titres patriarcaux des
anciennes grandes Eglises, Constantinople, Alexandrie, Anlioche. Le
patriarche de Constantinople est toujours vice-gérant de Rome, c'est-
à-dire vicaire du cardinal-vicaire qui rempht les fonctions et la ju-
ridiction d'ordinaire pour le diocèse de Rome. Le vice-gérant fait les
ordinations et autres fonctions qui compétent à l'ordinaire.
Pour clore ici tout ce qui concerne la dignité de patriarche, nous
dirons que ce n'est plus qu'un titre honorifique, même daus ceux
chez lesquels U pourrait être effectif comme étant à la tète d'un
diocèse patriarcal. En 605, le clergé d'Aquilée s'étant divisé en deux
partis, à la mort du patriarche Sévère, il y eut deux élections. L'un
des élus se retira dans lUe de .Grado, qui était une dépendance du
diocèse. 11 en résulta plus tard qu'il y eut un patriarche d'Aquilée
et un patriarche de Grado. En 1450 , le pape Nicolas V éteignit ce
dernier titre et le transféra à l'évéque de Venise qui, depuis lors ,
s'est appelé patriarche de Venise , mais sans plus de juridiction que
celle des métropolitains ordinaires. Enfin, en 1755, Benoit XIV étei-
gnit pareillement le titre de patriarche d'.^quilée , et diNisa ce vaste
diocèse en deux archevêchés, celui d'Udine , dans le Frioul, et celui
de Goritz, dans la Carniole autrichienne. Dans le siècle dernier, Lis-
bonne fut aussi érigé en patriarcat. Le grand-aumônier de la cour
d'Espagne porte aussi le titre de Patriarche des Indes.
Innocent IIÎ , dans le quatrième concile général de Latran , avait
ainsi, par le cinquième canon , établi le rang des grands patriarches :
Constituit ut post Romnnam Ecclfisiam , qutp ^ disponente Domino ^
super omnes alias ordinariœ potestatis habet priiicipatum, utpote
mater unwersorurn Christi fidelium et magistra, Constantinopoïitana^
primum^ Alcxandrina serundum^ Autiockena tertium, Hierosoly-
mitana quartum locum obtineat, servata cuilibet propria dignitate.
Le seul de tous ces patriarches qui aient conservé une juridiction
un peu plus étendue que celle des métropolitains ordinaires, c'est ce-
lui de Jérusalem, dont le titre a été rendu effectif dans la personne
de Mgr Joseph Valerga, par le pape Pie DC. Désormais le patriarche
Dr PREMIER ORDRE DES CLERCS.
CHAPITRE ONZIÈME.
CHAPITRE ONZIÈME.
DE IX CONTEST.iTION OU S ELEV.t SIR LE TITRE DE PATRI.4RCHE (ÏCIMEMOI E E>TRE LE PAPE
SAINT GRÉGOIRE ET JEAN LE JEUNEUR, ÉVÈQUE DE CONST.\NTINOPLE.
l.-ll. Le litre de patriarche œcuménique donné au pape
Léon I" dans le concile de Calcédoine, sans que le concile s'y
oppose.
III.-IV.-V. 11 fut encore donné à quelques autres papes en-
suite, et à quelques évèques de Constantinople, sans aucune
opposition de la part des papes.
VU Raisons de n'en rien appréhender alors.
VU. Jean le Jeûneur, patriarche de Constantinople, prend ce
titre dans un concile, où il entreprend de faire le procès au
patriarche d'Anlioche. Les papes Pelage 11 et saint Grégoire en
conçoivent une juste indignation.
v'ill.-IX II était très-dangereux que Jean prit le titre de
patriarche universel, en même temps qu'il usurpait une autorité
universelle, ce que ses prédécesseuns n'avaient pas fait.
X. XI. Eu quel sens saint Grégoire dit que le titre d'œcumé-
nique a été olîert au pape par le concile de Calcédoine, et que
c'est un titre profane et tiès-périlleu.x. Deux sens de ce nom
d'évèque œcuménique, comme chef des évéques, et comme
seul évèque.
XII XIII. Pourquoi saint Grégoire prend le titre d'évèque
œcuménique us'irpé par Jean, au plus mauvais sens qu'il se
puisse prendre. Combien ce pape était éloigné du laste et dune
basse jalousie.
XIV. Cinq raisons pourquoi ce pape devait tout appréhender,
et tout interpréter très-rigoureusemeiit dans cette rencontre.
XV. Humilité prodigieuse de saint (irégoire.
XVI. Il commence de prendre le titre de serviteur des servi-
teurs de Dieu.
XVII. Le titre de patriarche œcuménique avait déjà été
donné à Dioscore dans le faux concile d'Ephèse.
XVIII Les patriarches de Constantinople continuèrent de
prendre ce titre.
XIX. Maximes des saints Pères pour accorder la sainteté de
Jean le Jeûneur, avec les sanglantes invectives de saint Gré-
goire contre lui. Les saints se font quelquefois la guerre les uns
aux autres, comme les anges et les Israélites, par un motif égal
de piété.
I. Le différend qui s'éleva entre le grand
saint Grégoire, pape, et Jean le Jeûneur, pa-
Iriarclie de Constantinople, sur le titre de [la-
triarche œcuménique , ou universel, mérite
bien que nous y fassions quelques réflexions ;
moins pour justifier la conduite et le zèle de
ce grand pape, dont le seul nom est capable de
dissiper les [ikis noires calonuiies, que pour
éclaircir les divers changements et les bizarres
aventures de ce titre glorieux *Vo;cummi(pte.
II. On avait présenté et on avait lu au con-
cile de Calcédoine plusieurs requêtes de qucl-
dc Jérosalem résidera dans son siège et n'aura plus comme aupara-
vant un titre in pariibus infitiflium comme les autres.
Parmi les prélats catholiques qui sont revêtus de cette haute dignité
chei les nations orientales, nous trouvons le patriarche de Babylone
ques ecclésiastiques d'Alexandrie, adressées au
pape Léon, qui lui donnaient la qualité de
patriaicbe œcuménique. Ce concile de six
cent trente évéques ne fit .aucune opposition
à ce titre nouveau; et bien loin d'en conce-
voir de la jalousie, il traita le pape Léon, dans
la lettre synodale qu'il lui écrivit, comme le
Père et le Chef de toute l'Eglise, et comme
celui auquel J.-C. avait confié sa vigne. Le
prêtre et les deux diacres d'Alexandrie, qui
avaient adressé ces requêtes « au patriarche
œcuménique Léon, et au synode œcuménique »
de Calcédoine , faisaient assez connaître quelle
étendue ils donnaient à ce titre d'œcumé-
nique.
m. Ce titre d'œcuménique porta donc d'a-
bord les marques d'une supériorité universelle
sur tous les évéques de l'Eglise; et c'est encore
en ce sens que les archimandrites de la seconde
Syrie le donnèrent au pape Horinisde dans la
relation qu'ils lui adressèrent, comme au dé-
fenseur universel de la foi et de la communion
catholique, persécutée et presque anéantie dans
tout l'Orient. « Universœ orbis terra- Patriar-
ch;e Horinisd;c, supplicatio archimandritaruni
vestrae secunda3 Syriae , etc. Nam caput estis
omnium, etc. Vobis occurrit grex cognoscere
suuin pastorem, etc. (Post. Epist. xxn, Horm.). »
Tous ces termes marquent clairement une au-
torité universelle dans toute l'Eglise.
IV. Dans le concile de Constantinople, sous
Agapet et Menas, en lut une supplique des ar-
chimandrites de Constantinople, de Jérusalem
et lie l'Orient, adressée au pape Agapet, Pa-
triarche œcuménique (.\ct. 1). La même qua-
lité a été donnée plusieurs fois à Menas même,
patriarche de Constantinople, dans les actes
de ce concile (Act. 2, 3, 4); mais si le secrétaire
la lui donne, il ne la prend pas lui-même dans
les souscriptions, et il fait gloire dans ces actes
pour les Chaldéens résidant dans ta Mésopotamie; le patriarche
d'Antioche des Grecs Melchiles ; le patriarche d'Antioche des Maro-
nites ; le patriarche d'Antioche des Syriens; le patriarche de Cilicie
des Arméniens. (Dr André.)
DE LA CONTESTATION SUR LE TITRE DE PATRIARCHE OECUMÉNIQUE.
69
de sa soumission au Saint-Siège : « Nos enim
apostolicam Sedein sequiniur, et obedimus, et
i|)sius coiiuiiunicatores, comniunicatores ha-
benius; et condemnatos ab ipsa, et nos con-
demnanius (Act. 4). »
V. Il est vrai (|ue dans la session v de ce
même concile on lut une relation du concile
tenu dix-huit ans auparavant par les évè(|ues
qui s'étaient rencontrés à Conslantino[)le ,
adressée au patriarche Jean, qui avait fait la
réunion des Eglises grecques avec le pape
Horniisde , où ce patriarche est plusieurs fois
nonuné œcuménique. Les moines et le se-
crétaire des actes de ce concile lui donnent
souvent la même qualité îlbidein. Act. 3). iMais
cette réunion de l'Eglise de Constautinople et
de toutes les Eglises orientales se faisait avec
tant de marques évidentes de leur sujétion à
l'Eglise de Rome, que ni Horniisde, ni Agapet,
ni Vigile ne purent raisonnablement entrer
dans aucune juste défiance que ce titre spé-
cieux à'œcuménique pût jamais servir de pré-
texte ou d'occasion pour faire sortir les patriar-
ches Jean et Menas des bornes légitimes de
leur ancienne autorité. Ainsi ces pa[iesdissinai-
lèrent sagement ces innovations, et souffrirent
volontiers que les évèques de Constautinople
repussent leur vanité d'un titre glorieux, pen-
dant que leur siège était étrangement humilié
par la condamnation de tant de patriarches,
prédécesseurs de Jean , et par la déposition
d'Anlhime, à qui Menas succéda.
\'I. En effet, le patriarche Menas montra bien
que cette qualité d'œcuméni(iue n'avait pro-
duit en lui aucune vanité dangereuse et capa-
ble de le porter à de nouvelles entre[)cises,
lorsqu'étant forcé par l'empereur Justinien de
souscrire à la condamnation des trois Chapitres,
il ne le fit qu'après qu'on lui eut juré de lui
rendre sa parole et sa signature si le jiape ne
l'approuvait pas, sans l'autorité duquel il avait
promis de ne faire aucune démarche. C'est ce
que nous apprenons de Facundus, évèque d'Her-
miane en Afrique: « De quibus se nihil actu-
rum sine apostolica Sede promiserat, etc. Snb
ea se condilione cessisse, et juratum sibi fuisse
respondit, quod chirograplium suuni recipe-
ret, si haec Romanus episcopus non probaret
(Lib. IV, c. 4). »
Les autres patriarches ne croyaient pas non
plus que ce nom A'œcuménique relevât ou
étendit davantage le pouvoir de l'évèque de
Constantinople. Puisque dans la même occur-
rence, Zoile, évê(|ue d'Alexandrie, envoya faire
ses excuses au pape- d'avoir cédé à la force en
souscrivant, et(|ue tous les autres évèques mi-
rent entre les mains d'Etienne, diacre et nonce
de ce même i)ape, leurs iirote^tations contre
les violences de lévéque de Constautinople
pour arracher de leurs mains ces lâches sous-
crii)tions: « C;eieri episcoi>i, post subscriplio-
neni Ste[)hano romnno diacono libellos dede-
rint, Sedi apostolicae transmittendos, confifentes
in eis, quod a Conslantinopolitano episcopo
coacti subscriberent. »
VII. Mais lorsque Jean le Jeûneur, évèque de
Constantinople ,• assembla un concile à Cons-
tautinople et y jugea la cause de Grégoire, pa-
triarche d'Antioche, le nom iju'il y prit de pa-
triarche œcuynéniqtte, jetta le pape Pelage II et
saint Grégoire le Grand, son successeui', dans
des défiances très-justes, et dans la nécessité
d'en prévenir toutes les funestes conséquences.
Car ce n'était plus comme auparavant un nom
glorieux qui servît à adoucir des hiunilialions
effectives : c'était un titre qu'on voulait rendre
permanent, pour autoriser un attentat sur l'au-
torité du premier siège et inie juridiction
usurpée sur les autres patriarches.
Ce concile, que Jean assembla, devait être
estimé général, puisqu'on devait y décider la
cause dun patriarche. .Mais un concile général
ne de\ait être ni convoqué, ni tenu sans lau-
forilè dippape. Un patriarche ne pouvait être
ni absous, ni condamné sans l'aveu du pre-
mier siège de l'Eglise. Ces grandes causes qui
regardent la disposition de l'Eglise universelle,
ne jieuvent se terminer sans l'intervention du
chef. Le patriarche de Constantinople ne pou-
vait étendre sa juridiction hors du ressort de
son patriarcat; bien moins sur la personne
d'un patriarche, dont l'autorité était sans com-
paraison, et plus ancienne, et mieux fondée
que la sienne. Lors donc tiue ce patriarche
and)itieiix affecta de prendre une qualité qui
sendilait marquer une autorité universelle sur
toute l'Eglise, dans une occasion où il en exer-
çait même la juridiction , ne donnait-il pas un
juste fondement de croire qu'il prétendait s'é-
lever au-dessus de tous les autres patriarches,
et au-dessus de tous les autres sièges de l'E-
glise ?
VIII. Pelage et Grégoire ne pouvaient donc
plus user de cette sage condescendance dont
Hormisde et Vigile avaient autrefois usé, en
laissant prendre ou donner le titre d'œcumé-
TO
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE ONZIÈME.
nique à .leaii et à Menas. Car alors le siège de
Coiistantiiioj)k' était humilié jiar la condam-
nation de plusieurs de ses patriarches précé-
dents, et par la déposition récente d'Anthime.
Ici Jean le Jeûneur se rendait lui-même le
juge des autres patriarches ; là le premier
siège exerçait son autorité légitime, à laquelle
tout rOrient et tout l'Occident et les évo-
ques môme de Constantinople se soumettaient;
ici l'évoque de Constantinople usurpait une
autorité nouvelle sur un autre patriarche ; là,
le concile était assemt)lé du gré du pape, et le
ditlérend qui intéressait toute l'Eglise était
vidé avec le -consentement de tous les grands
sièges de l'Eglise qui y concouraient; ici le
seul patriarche de Constantinople convoquait
et tenait un concile général ; au moins il y
terminait une cause qui demandait l'interven-
tion, ou du clief, on de l'Eglise universelle.
IX. Voilà les raisons qui animèrent d'une
juste indignation le pape Pelage 11, (|ui cassa
tous les actes de ce concile de Constantinople,
excepté l'ahsolution de Crégoire, évèque d'An-
tioilie, et déclara que ni ces sortes de conciles
ne pcuv<'nl être assemblés sans la participation
du chef de l'Eglise : « Delatum est ad aposto-
licam Sedem, Joannem Constnntinopolitanum
episcopnm imiversalem se scribere, et syno-
dnm convocare generalem, cum generalium
synodornm convocandi auctoritas, apostolica?
Sedi heati Pétri singulari privilcgio sit tradita :
'et nulla tm(iuam synodus rata legatnr, qua^
apostolica auctoritatc non fuerit t'nlta (Epist.
vni Pelagii 11); » ni aucun évèque ne peut se
mettre, jrar le titre A' universel , au-dessus de
tons les autres évè(|ues, si ce n'est Jésus-Christ
ou celui (ju'il a établi lui-même pour être son
vicaire sur la terre, et le chef visible de tonte
son Eglise. « Qui jejuniis occnpatus videhatur,
jactantiam tantam snmpsit, ita nt univorsa
sibi tentet adscribere, et omnia qn;e soli mii
capili coluTrent, videlicet Christo, i)er ele-
ctionein pompatici sermonis, ejusdem Christi
sibi sindeat membra subjugare. » Et un peu
plus bas : « Oratc ne Roniana Sedes, qure iivsti-
tnente Domino, caput est (unnium Ecclesia-
rum, privilegiis suis unquam carcal, aut ex-
spolietur. »
X. Le pape saint Crégoin; le Crand, dans ses
lettres à Euloge, patriarche d'Alexandrie, et
Anastase d'Anliochc, remarquent que Jean de
Constantinople n'avait pas seulement souffert
(pi'iiii lui ddunàl commi' (inchincs-uns de ses
prédécesseurs, mais avait aussi affecté de pren-
dre lui-même le titre A' universel , ce que ni
ses prédécesseurs ni les autres patriarches, ni
les pontifes romains même n'avaient jamais
fait. « Ex alla causa occasionem quœrens syno-
dnm fecit, in (jua se imiversalem appellare
conatus est. (Liv. iv, epist. xxxvi).
Ce pape ajoute que le concile de Calcédoine
avait offert ce titre glorieux iV universel au
pape Léon, mais que ni lui, ni aucun de ses
successeurs n'en avait usé ; parce qu'un pa-
triarche ne peut être appelé universel, ou
œcuménique, qu'en dépouillant tous les autres
patriarches du nom et des pouvoirs de cette
éminente dignité. « Uni per sanctani Calcedo-
nensem synodnni pontifici Sedisaiiostolic;r, hoc
universitatis nomen oblatum est. Sed nuUns
imquam decessorum meorum hoc tam pro-
fano vocaliulo uti consensit. Quia videlicet
si unus patriarcha universalis dicitur, patriar-
charum nomen cœteris derogatur. »
XI. Si le concile de Calcédoine avait offert
au pape la qualité d'universel, comment ce
saint et savant pape peut-il appeler ce nom
profane? et conunont peut-il avancer que ce
titre attribué à im patriarche renverse les sièges
et l'autorité de tous les autres? Le concile de
Calcédoine pôuxait-il otfrir au pape Léon ime
qualité profane et outrageuse à tous les au-
tres patriarches? Cette difficulté mérite bien
quelque éclaircissement.
Le concile de Calcédoine autorisa au moins
par son silence la qualité A'cvcunwniqiu; ^\\n
fut donnée aii pape Léon dans plusieurs re-
quêtes qu'on y lut. Ainsi saint Grégoire a pu
dire avec xérité ((ue ce concile avait olTert au
pape le nom (Vuniversel. Le sens de ce terme
dans ces requêtes ne contenait rien de pro-
fane ou d'injmieux aux antres patriarches ,
jiarce (ju'il n'était pas attribué au pape Léon
connue patriarche, mais comme pape et chef
de l'Eglise universelle. Car encore qu'on le
nonnuât en termes formels patriarche œcu-
ménique, il faut concevoir, ou que le terme
d'œcuménique était comme une différence
qui déterminait I(! terme générique de pa-
triarche : ou plutôt que le titre de patriarche
n'ayant connnencé à être mis en usage que
dans c(! concile, on en honora premièrement le
pape, avant (]ue de le connnuniiiuer aux autres
grands archevê(|ucs, et on en honoi'a premiè-
rement le pai)e, comme pape et comme chef
de l'Eglise. En cette qualité il est unique et
DE LA CONTESTATION SUR LE TITIIE DE I>ATRL\RCHE OECrMENIQL*E.
:i
universel, étant lui seul vicaire de J.-C. et chef
(le l'Eglise universelle. Ainsi eett!M|iiali(é (l'uni-
versel n'est nullement préjudiciable aux autres
patriarches, parce que le pape, comme pa-
triarche, n'est pas universel, n'tfant patriarche
nue (Je son ressort dans l'Occident, et laissant
aux autres patriarches la pleine jouissance de
leurs patriarcats dans les vastes régions de
l'Orient. La qualité d'iin/versef on d'œcumé-
nique a (ionc pu être légitimement donnée au
pape, comme pape, dans le concile de Calcé-
doine : et elle n'a pu être donnée au patriarche
de Constantinople, ni au pape même, comme
patriarche, sans une profanation et sans un
renversement général des autres patriarcats.
Car, comme l'Eglise est universelle, catholique
et œcuménique, parce qu'elle est une et seule,
et embrasse toute la terre; comme le concile
général est universel et œcuinéni(iue, parce
qu'il est uni(iue, et qu'il comprend toute l'au-
torité de l'Eglise assemblée dans la personne
de ses pasteurs ; comme le pape est imiversel
et œcuménique, parce qu'il est unique chef
de l'Eglise universelle : aussi le patriarche de
Constantinople pourrait être appelé œcumé-
nique , s'il était seul patriarche de toute
l'Eglise.
Rien n'est donc si juste et si exact (jue le
raisonnement de saint Grégoire, qui prévoyait
bien que toutes les démarches de l'évéque de
Constantinople tendaient à renverser l'ordre
établi par J.-C; et au lieu de Pierre, et du
successeur de Pierre, qu'il a donné pour chef
à son Eglise, par la seule toute-puissance de
sa grâce, victorieuse de toutes les forces et de
toutes les attaques de l'empire romain , établir
un autre chef dans l'Eglise par la seule auto-
rité impériale, et par les seules forces de l'am-
bition et de la vanité des hommes.
XII. Ce pape semble passer outre, et pré-
tendre que l'ambitieuse innovation de Jean de
Constantinople allait à détrôner non-seulement
les autres patriarches, mais à faire descendre
de leurs sièges tous les évèques de l'Eglise.
« Si hoc dici libenter permittitur, honor pa-
triarcharum omnium negatur. Etcum fortasse
is in errore périt, qui universalis dicitur,
nullus jam episcopns l'emansisse in statu veri-
tatis invenitur ilbid.). » Et en une autre
lettre : « Nullus apostolicne Sedis antistitum
hoc temerarium nomen arripuit, ne si sibi in
pontiflcatus gradu gloriam singularitatis arri-
peret, banc omnibus fratribus denegasse vide-
retur (Liv. iv, epist. xxxvui). » Et ailleurs :
« Si unus e|)isco|)us vocatur imiversalis , uni-
versa Ecclesia corruit Liv. vi, epist. xxiVj. «
Et dans sa réponse à Euloge, évèque d'Alexan-
drie, (|ui l'avait traité de pa|)e universel, il
proteste (jne cette qualité ne peut lui con-
venir à lui-même, sans détruire le nom et
l'autorité de tous les autres évèques de la
terre.
« Vobis subtrahitur, quod alteri plus (piam
ratio exigit pr;ebefur. Ego enim non verbis
(puero prosperari, sed moribus; nec honorem
esse depulo. in tpio fratres meos honorem
suuni perdere cognosco. Meus namque honor
est honor universalis Ecclesiae. Meus honor
est fratrum meorum solidus vigor. Tune ergo
vere honoratus sum, cum singulis (|uibusque
honor debitus non negatur. Si enim imiversa-
lem me papam vestra sanctitas dicit, negat se
hoc esse, quod me fatetur universum (L. vu,
epist. xxxl. »
XIII. Les dernières paroles de ce saint pape
nous font voir (}ue ce n'était pas une basse ja-
lousie qui le faisait agir, mais un zèle très-pur
et un amour très-ardent de la modestie, de
l'humilité et de la charité qui doit régner entre
les évèques. Il ne voulait pas souffrir qu'aucun
évèque prit le nom fastueux à' universel , et il
ne le i)renait pas lui-même, quoiqu'il put le
faire sans faste. Il voulait que les évèques fis-
sent consister leur honneur, non pas en des
noms magnifiques, mais en une conduite sainte •
et modeste. Il ne pouvait permettre qu'aucun
évèque s'élevât en rabaissant les autres, et lui-
même, qui était élevé au-dessus de tous les au-
tres, mettait sa grandeur à soutenir la leur, et
sa gloire à ne pas les laisser déshonorer. Non-
seulement il ne voulait pas prendre, mais il ne
pouvait souffrir qu'on lui attribuât le nom
A\miversel , de peur qu'on n'ôtàt aux autres
évèques ce qu'on lui donnait, et qu'en le re-
haussant on n'abaissât ses frères.
XIV. Car qui doute que ce terme d'évêque,
ou de pape , ou de patriarche universel ne
puisse avoir ce sens dangereux d'un évèque
seul, et qui donne l'exclusion à tous les autres;
de même cpie le terme de concile universel ou
œcuménique, et celui d'Eglise universelle ne
permet pas (pi'il y ait en même temps d'autre
concile ou d'autre Eglise dans toute la terre?
Il est donc vrai (jue saint Grégoire pouvait , et
même qu'il devait donner ce mauvais sens au
litre ambitieux d'œcuménique que l'évéque
7î
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE ONZIÈME.
de Constanfinople commençait dusurper.
i. Parce (\ue celte innovation était odieuse,
et méritait ([u'on en prévînt l'établissement ou
les périlleuses suites. Et pour cela il était im-
portant de découvrir tous les mauvais sens, et
les pernicieux artifices qui pouvaient y être ca-
cliés.
2. Celui qui commença à faire cette tentative,
usurpait en même temps une juridiction effec-
tivement universelle ([ui ne pouvait lui a|)par-
tenir, d'assendder un concile général et d'y
juger lui seul un patriarche, sans avoir appelé
les autres palriarciies et sans l'aveu du pape.
On pouvait foii l'aisonnablement présumer (|ue
cette fastueuse (jualité et cette insolente usur-
palion concourant, ensendjle, avaient du rap-
|)Ort l'une avec l'autre, et que les pensées et les
paroles n'étaient pas moins ambitieuses que les
actions.
3. Jean de Constanfinople marchait sur les
pas de sesi)rédécesseurs,(iui avaient tenté, dans
le concile de Constantinople, et ensuite dans
celui de Calcédoine, de s'élever au-dessus des
autres patriarches , et (pii s'étaient maintenus
dans leurs usurpations i)ar l'autorité impériale ;
car, quoiqu'Anatolius eût semblé désavouer le
l)a])e Léon et renoncer à ce (jue le concile de
Calcédoine a\ait innové pour satisfaire à son
ambition , Libérât nous apprend que ce décret
injuste subsistait toujours en quelque manière
par la faveur des enq)ereurs, malgré les oppo-
sitions du Siège apostolique : « Et licet apo-
stolica Sedes nunc us(iue conlradicat, (luod a
synodo (irmatuin est, inqteratorio patrocinio
permanet quodannnodo (Liber, in Breviar. c.
xiu). B Si Jean le Jeûneur poussait toujours plus
loin les entreprises de ses prédécesseurs, il était
bien juste que i'élage et saint Grégoire fussent
aussi les inntaleurs du zèle du grand saint
Léon à s'opposer à toutes les nouveautés (lui
menaçaient l'unité, et (|ui détruisaient l'hiuni-
lité qui est la conservaliice de l'unité de l'E-
glise : « Hocabunitate atque humilitate Eccle-
slte nialuni supi'rbia' et coiifusionis anioveat
Deus. Ôblesfor ut constaiiter ac sine |ira'juilitio
servetis, sicut accepistis Ecclesias (L. iv, epist.
xxxvi), )) disait saint Crégoire, écrivant à Euloge
ti'Alexandrie.
A. Ce grand pa|)e n'ignorait pas combien les
évè(iues de Constantinople, soutenus de la
puissance imjjériale, avaient excité d'orages
dans l'Eglise par les (urems nouvelles dont
ils avaient été ou les auteurs, ouïes {lartisans.
C'est ce i|ue saint Grégoire écrivit à l'évèque
d'AntiocheAnastase : aScitis, quanti non solum
haerelici, sed etiam hceresiarchoe de Constanti-
iiop(ditana Ecclesia sint egressi (L. vi , e|)ist.
XXIV). »
5. L'événement justifia la sage conduite de
ce grand \)i\\w. Car peu de temps ajtrès sa
mort l'empereur Phocas , piqué d'ailleurs
contre Cyriaque, évêque de Constantinople, (|ui
avec le titre d'œcuménique prétendait ouver-
tement a la première place de l'Eglise , le fit
rentrer dans son rang, et atfermit par un décret
solennel la primauté du Siège romain :
« Bonilacius III papa obtinuit a|)ud Phocam
princi|)eni , ut Sedes apostolica beati Pétri
apostoli Caput esset omnium Ecclesiarum : id
est Ecclesia Romana; ([uia Ecclesia Constanti-
nopolitana jirimam se omnium Ecclesiarum
scribebat (Paul. Diac. L. iv. degest. Longob.
Anastas. Biblioth. Ado anno 604). »
L'ambition des évoques de Constantinople
fut alors arrêtée par cet obstacle que la Provi-
dence lui opposa ; mais elle éclata plus auda-
cieusement dans les siècles suivants, et en dé-
chirant l'unité de l'Eglise universelle , elle fit
reconnaître combien on avait justement appré-
hendé les suites funestes de ce titre d'unicersel.
XV. Saint Grégoire n'avait pas donné un
moindre témoignage de cette humble magna-
nimité, ou de cette humilité magnanime, qui
fait le caractère des souverains jiasleurs de
l'Eglise, en tempérant la majesté et la gloire du
premier siège , qu'en prescrivant aux sièges
inférieurs la même modestie. Bien loin de se
dire évèque universel, il n'avait reconnu ni
saint Pierre, ni aucun de ses successeurs , que
comme le premier entre les membres de l'E-
glise universelle , comme chacun îles autres
apôtres et des évèques qui leur ont succédé
est le premier des membres des Eglises parti-
culières : M Certe Petrus apostolus primum
membrum sanclœ et universalis Ecclesiae est.
Paulus, Andréas, Joannes, quid aliud, quam
singularum sunt plebium ca|iita? Et tamen
sub uno cai>ite onmes meinbra sunt Ecclesiae
(L. IV, epist. xviii). »
XVI. Jean Diacre (L. ii, c. t), remanpie dans
la vie de ce saint pape (pi'il commença de
s'aiipeler le serviteur des serviteurs de Dieu,
au commencement de ses lettres, pour laisser à
ses successeurs l'héritage glorieux de cette hu-
milité vraiment apostolique , ()ui est la seule
\ oie de rehausser le plus haut troue de l'Eglise,
DE LA CONTESTATION SIR LE TITRE DE PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE.
73
et pour confondre l'orgueil des inférieurs ]iar
la modestie de ceux que J.-C. a placés dans le
premier siège : « Universalis vocabulum rc-
futavit, et prinuis omnium se in princijjio
epistolarum suaruin servum servoriuu Dei
scribi satis humiliter defmivit ; cunclisiiue
suis successoribus documentum suœ humili-
tatis liaireditarium relii[uit :L. iv. c. 08'. »
Ce grand et humble pape était bien persuadé,
et il tâchait de persuader à toute la terre (pie
la vraie grandeur des évèques était l'humilité,
et que l'épiscopat n'était qu'une divine servi-
tude, qui rendait les évéques les serviteurs de
tous ceux dont ils semblaient devenir les
maîtres : « Ego (jui per episcopatus onera
servus sum omnium factus. »
Il est vrai qu'avant saint Grégoire . saint
Augustin avait pris la qualité de serviteur des
serviteurs de Dieu dans quelques-uues de ses
lettres; et qu'après lui quelques évéques de
France, saint Boniface, évèque de Mayence. et
plusieurs autres évéques particuliers l'ont aussi
prise. Mais cela n'empêche pas que Jean Diacre
n'ait dit avec vérité que saint Grégoire laissa
ce titre héréditaire à tous ses successeurs ,
comme un titre de la suprême gloire du pre-
mier siège , <iui ne se peut rehausser ([ue [)ar
son hiunililé, a l'exemple du prince des pas-
teurs, dont la croix a été l'exaltation : a Ego si
exaltatus fuero a terra , omnia traham ad
meipsum. »
XVII. II est vrai aussi que le titre de pa-
triarche œcuménique avait été la première
fois donné à Dioscore, évêque d'Alexandrie,
par Olymjiius, évèque d'Evasé, dans le second
concile d'Ephèse , et que ce faux concile fut
relu dans le concile de Calcédoine, sans que ce
titre orgueilleux y fût nommément condamné.
Mais Olympius ne coula ce mot qu'une fois
en passant , et le concile second d'Eiihèse ne
peut que servir de flétrissure à celui qui y a été
honoré, comme il a relevé la gloire de ceux qui
y ont été flétris ou même martyrisés : l'on ne
peut dire aussi que le concile de Calcédoine ait
entendu la lecture de ce terme sans opposition,
puisqu'il a condamné et tout ce faux concile
d'Ephèse, et tous les infâmes monuments de
l'ambition de Dioscore. et la personne de Dios-
core même , et sa présidence à un concile gé-
néral, qui semblait avoir donné occasion à ce
prétendu nom d'universel. Car c'est apparem-
ment conune au président d'un concile pré-
tendu œcuménique, et comme à un patriarche
<|ui avait juridiction sur les autres patriarches,
etquientreprenaitladépositiondeceluideCons-
tantinoplo , que ce titre fut donné à Dioscore.
Voici les ternies d'Olympius , évè(|ue d'Evasé :
« Présente universali concilio, cui Prœsul est et
primus. ^anctissimus pater noster et univer-
salis episcopus Dioscorus (Act. 1 . Conc. Chal-
ced). »
II est donc vrai que même dans cette fausse
et injuste attribution du nom A' universel à
Dioscore ce nom signifiait un évoque -sTaiment
universel, président-né des conciles œcumé-
ni(]ues, soutenu d'une légitime autorité pour
la déposition des patriarches . comme Pelage
et Grégoire l'entendirent. Et il est aussi faux
que le concile de Calcédoine n'ait pas désap-
prouvé l'insolente attribution de ce nom à
Dioscore, comme il est faux qu'il n'ait pas con-
damné le brigandage d'Ephèse et tous les pou-
voirs qui y avaient été usurpés , et tous les
attentats qui y avaient été commis par Dioscore,
qui avait même porté son insolence jusqu'au
comble, en prononçant une sentence d'excom-
munication contre le pape, tant il se |irétendait
être devenu vraiment universel par l'appui de
l'autorité impériale. Et au contraire ce nom
d'universel fut donné au pape Léon dans le
plus nombreux et le plus solennel des conciles
vraiment œcuméniques, dans quatre requêtes
vues par l'empereur Marcien, renvoyées et pré-
sentées au concile, non-seulement sans oppo-
sition du concile, mais avec l'applaudissement
de tout le concile , non pas au nom , mais à
l'actuel exercice de tous les suprêmes pouvoirs
contenus en ce nom de président-né des con-
ciles œcuméniques , de juge des patriarches,
de chef de l'Eglise universelle.
XVIII. Les évéques de Constantinople ne lais-
sèrent pas de se donner dans les siècles suivants
la qualité d'universel. Sergius la prend dans
les pièces qui furent lues dans le concile
romain, tenu sous le pape Martin. Mais on
peut dire que toutes ces usurpations furent en
quelque façon désavouées dans le sixième con-
cile œciunénique , où les trois légats du pape
nomment dans leurs souscriptions le pape
Agathon /j^7/je œcuménique, et où George, dans
la sienne , se nomme simplement évêque de
Constantinople, la nouvelle Rome : ce qui est
encore observé dans les souscriptions de la ha-
rangue , ou de la remontrance faite à l'em-
pereur (Act. 18).
XIX. Au reste , si le patriarche de Constan-
74
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DOUZIÈME.
tinople, Jean le Jeûneur, a été aussi relevé en
sainteté (|ue les histoires grecques semblent
nous fain; croire , il ne faut pas pour cela être
surpris des saints emportements de saint Gré-
goire contre lui ; car c'est plutôt contre cette
action qu'il s'est emporté , que contre sa per-
sonne : et on sait bien que les plus grands
saints n'ont i)U s'empêcher de faire voir en quel-
([ues rencontres qu'ils étaient hommes; et que
s'ils étaient les soleils de l'Eglise de la terre,
ils n'étaient ni sans éclipse, ni sans tache.
Si Jean de Constantinople a poussé les pré-
tentions de son siège plus loin qu'il ne devait,
il considérait peut-être moins ses intérêts
propres que ceux de son Eglise, et il ne pré-
voyait pas les effroyables excès où se porteraient
en suite de cela les successeurs de sa dignité,
<|ui ne seraient pas en même temps les imita-
teurs de sa piété. Si saint Grégoire s'est pris à
la piété même de Jean , (ju'il a cru jilus appa-
rente que solide, ce ne peut être qu'un amour
excessif de l'humilité et de la modestie, qui l'a
transporté contre tout ce cpii en chocjuait même
les apparences. Ses invectives contre Jean ont
été justes et même nécessaires; parce i|u'il
était nécessaire de combattre , non-seulement
les intentions (|u'il avait , mais aussi celles
([u'il pouvait avoir, et celles que ses successeurs
n'ont que trop fait éclater à la ruine de leur
Eglise.
L'ignorance où les |)lus saints hommes sont
de leurs intentions réciproques cause souvent
entre eux des différends et des contestations,
où l'amour de dillérenles vertus semble à la
vérité se combattre lui-même , mais où il se
fortifie et se jmrifie liù-uiême par ces inno-
cents combats , qui n'en veulent qu'aux vices
et non pas aux hommes. Ce sont de ces divins
combats et de ces saintes animosités qui |)ar-
tagent quelquefois les anges , au rapport de
Daniel, et qui s'allumèrent autrefois entre les
Israélites, également zélés de part et d'autre
poiu- le culte du vrai Dieu, selon la même
Ecriture,
« Vides igiturquod proeademreligione, qua
recte colitur Deus , non soliuii dissenlire a se
invicem , veriuu etiani laudabiliter pugnare
adversum se religiosi ac rectissimi possunt,
dum eos non ratio divini cultus , sed alterius
alterum latet intentio; » ce sont les paroles du
savant Facundus, évêque d'Hermiane, à l'em-
jicreur Justinien (L. vu, c. (i). 11 ajoute qu'il y
avait des prophètes parmi les Israélites qui
étaient prêts de faire la guerre à la tribu de
Cad, prenant pour une violation de la religion
ce qui en devait être un monument éternel.
Au reste, que les évêques ne doivent pas péné-
trer dans le cœur des hommes plus avant que
les prophètes. Enfin . que le concile premier
d'Ejjhèse d'un côté, et Jean d'Antioche à la tête
de dix provinces de l'autre, conte fièrent autre-
fois de la même manière avec beaucoup de
chaleur, par une simple et innocente mé|)rise,
n'en voulant de part et d'autre qu'à l'erreur ;
mais ne pénétrant pas les replis des cœurs, où
ils la croyaient cachée : « Quare intentionem,
et inventes utramque partem pro divino cultu
fuisse soUicitam. Quœre ignorantiam, et neu-
tram invenies, qu* ad divinum cultum perti-
nent, sed alteram partem alterius intentionem
ignorasse. »
CHAPITRE DOUZIÈME.
nu PATHIARCIIE DE JEIIUSALEM, PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES.
I. Les grands avantages de l'Egliso de Jérusalcin.
II. Ils ne lui furent pas conservés après que cette ville eût
été détruite par Adrien, qui reb;Uit A'M proche de là.
III. Ce ne lut qu'au tcuips de Constantin qu'.I'.lia redevint Jé-
rusalem.
IV. Avant l'euipire de Conslajilni, on respectait toujours beau-
coup l'évèquc d'.Elia et des lieux saints.
V. Le concile de Nicée lui donna un rang et une préséance
d'honneur, sans le soustraire à la juridiction du métropolitain
(le Césarée.
VI. Ce n'était pas la seule qualité de protolrône ou Je pre-
mier sulTragant qu'on lui donna.
Vil. Cette préséance d'honneur lit revivre les prétentions de
siège apostolique.
Vlll. Juvénal trouva une conjoncture favorable dans le con-
cile d'Kphèse pour établir son patriarcat sur le démembrement
de celui d'Antioche. Saint Cyrille lui résiste.
l\. Juvénal ne laisse pas de se maintenir par des rescrits de
l'empereur Théodose.
X. Il fait un concordat avec le patriarche d'Antioche, le con-
DU PATRIARCHE DE JÉRISALEM.
cile de Calcédoine le confirme et lui adjuge les trois Palestines.
XI. Pourquoi le pape y résista faiblement, ayant résisté si
vijjourcuseinenl à l'évèque de Constantinople.
XII. .\ffennissenienl de ce nouveau patriarcat.
XIII. Le concile V le confirme et l'augmente.
XIV. Ce qu'il faut croire des rescrils de l'empereur dont il
a été parlé ;
XV. Et de ces poursuites des patriarches pour leur agrandis-
sement propre.
l. Comme ce fut dans le concile de Calcé-
doine que fut établi le patriarcat de Jérusalem,
aussi bien que celui de Constantinople , et que
ce fut le ein([uiéme et le dernier des grands
patriarcats, j'ai jugé plus à propos d'eu traiter
immédiatement après, quoique la matière où
nous étions engagés nous conviât de parler
des trois petits exarchats qui furent entin ab-
sorbés dans celui de Constantinople.
11 est d'abord surprenant comment, entre les
Eglises patriarcales, celle de Jérusalem n'a eu
que la dernière place, puisque l'empereur Jus-
tin écrivit avec tant de vérité au pape Hor-
misde que cette Eglise était la mère du nom
chrétien, et qu'on n'eût osé s'en séparer :
« Ilierosolymitanœ Ecclesifc omnes favent, cum
sit mater Christiani nominis ; ut nemo audoat
ab ea sese discernere Post. Epist. lxxiv. Hor-
misd.). » Et puisque saint Epiphane ne dit pas
moins véritablement que saint Jacques en fut
le [iremier évéque, y remplissant le trône de
J.-C. même sur la terre : « Primus ille episco-
palem cathedram cepit, cum ei ante ca'teros
omnes siuim in terris thrommi Dominus tra-
didisset , w Tz-mii-vy/^ '.Jfc; tov Sw/ov aÙTC'j i—\ tt,; -ff;
K5<iTcv. (Havres, lxxviii, n. 7),
II. L'étonnement cessera sans doute, si l'on
considère que la ville de Jérusalem ne garda
pas après sa désolation le même rang qu'elle
avait eu auparavant : mais ayant été détruite
par les Romains , et la nouvelle ville d'.^^lia
n'ayant été bâtie et nommée par Adrien que
quelques années après, dans une place diffé-
rente, quoique proche de l'ancienne Jérusalem,
ce ne fut plus ni la même ville ni le même
évèché. Le concile de Nicée ne lui donne point
d'autre nom que celui d'évèque d'.Elia. Saint
Hilaire, saint Athanase, saint Grégoire de Na-
zianze, disent que de leur temps Jérusalem
n'était plus. Saint Jérôme se flattait un peu,
quand il la prenait pour la même, comme si
JElia avait été bâtie des ruines de Jérusalem (In
Epitapliio Paulœ;. Il a peut-être jtarlé plus
exactement ailleurs, eu appelant ce nouvel
éyêché : « i4îliense territorium, » et disant,
comme par raillerie, que Jean, qui en était
évoque, se vantait d'avoir un siège aposto-
lique : M Apostolicam cathedram haberese jac-
tans (Epist. a<i Tlieopliil. cont. error Joan.
Hieros.) ; » enfin (juand il dit ([ue l'évèque de
Jérusalem relevait de la métropole de Césarée
et de l'exarque d'Antioche : a Palestina; metro-
polisCaesarea : Orienlis Antiocliia. .\ut igitur ad
Cffsariensem episcopum referre debueras , aut
ad Antiochenum (Epist. ad Pammac. cont. er-
ror. Joan. Hierosol. . » Ce sont là les su])érieurs
auxquels il renvoie lévéque de Jérusalem.
m. En efïet, cette prétention de siège apos-
tolique n'entra dans l'esprit des évoques d'^'f^lia
qu'après ([ue la piété de Constantin et d'Hélène
y eut bâti les plus superbes temples du monde
au nom de J.-C. .+>lia redevînt Jérusalem dans
restime et finclination des fidèles. Eusebe dit
que Constantin, élevant ces temples magni-
fiques, rebâtit en quelque façon une Jérusalem
nouvelle, vis-à-vis de l'ancienne, qui avait été
détruite : « In ipso Servatoris nostri martyrio,
fabricata est nova Jérusalem, ex adverse veteris
illius celeberrimœ , qua> post nefariam Domini
ca'dein, ultimam vastitatem experta est L. iii.
de vita Constant., c. 33;. »
C'est en ce sens qu'il faut entendre Eusèbe,
(p.iand il dit que le siège apostolique s'y était
conservé : a Hermon apostolicam cathedram,
quœ illic etiamnunc servatur, obtinuit (L. vu.
Hist.^ c. ult.>. » 11 parle selon le langage nou-
veau, après Constantin, et selon les prétentions
des évêques de cette nouvelle Jérusalem, qui
après un si long naufrage se trouvèrent si re-
culées qu'on ne put les faire réussir que cent
vingt ans après dans le concile de Calcédoine.
Et quant à ce que saint Epiphane dit du trône
de J.-C. sur la terre. Pierre de Uamien répond
excellemment que J.-C. n'est pas l'évèque
d'une Eglise en particulier, mais de toutes les
Eglises : qu'ainsi la primauté des patriarches
ne vient que de la primauté de saint Pierre :
« Constat Uominum Salvatorem non uni cuili-
bet cathedrœ speciali jure pra;esse, sed cunclis
unumpastoremuniversalilerprfesidere. Liquet
ergo Ecclesiarum ordinem esse dispositum
juxta privilegium Pétri, non secundum incom-
parabilem exccUentiam majestatis Opusculo
33, c. 4). » A quoi on [leut ajouter que le Fils
de Dieu ayant prédit en termes si formels la
ruine entière de Jérusalem, il ne pouvait pas y
fixer le premier trône de son Eglise, surtout si
l'un considère ses desseins éternels et incom-
1&
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DOUZIÈME.
préhensibles, d'abandonner les Juifs qui l'a-
vaient si souvent et si cruellement abandonné,
et d'établir l'empire de son Eglise dans la geu-
tilité.
IV. Quoique ces vérités soient constantes, il
ne laisse pas d'être véritable que les fidèles et
les écrivains des trois ou quatre premiers siècles
ont eu une vénération toute particulière pour
l'éminence et la sainteté de l'Eglise de .lérusa-
lem. Clément d'Alexandrie, cité par Eusèbe,
dit ((ue Pierre, Jacques et Jean ne contestèrent
point sur le droit de la primauté, mais qu'ils
cédèrent tous l'épiscopat de Jérusalem à saint
Jacques : a Quamvis ip?os Doniinus ca'teris
prfetulisset , non idcirco de primo bonoris
gradu inter se coiitendisse, sed Jacobum co-
gnomine justum llierosolymorum episcopum
elegisse (Eusèb. I. ii, c. i). »
Eusèbe dit qu'après la mort de saint Jacques
on croyait que les a|)àlres s'étaient assemblés,
et lui avaient donné j)0ur successeur Siméoii,
«[ui était aussi des parents de J.-C. selon la
chair iL. iii, c. H) ; qu'il y eut quinze évèques
à Jérusalem avant la désolaliim qui en lut laite
par l'empereur Adrien; qu'ils furent tous de
la circoncision; qu'a|)rès cela ce furent des
gentils convertis (L. iv, c. .V. Il dit (ju'au con-
cile de Palestine, pour la |)àque, sous le pape
Victor, les évèques de Césarée et de Jérusalem
présidèrent (L. v, c. 12, i^>'<. Il nomme l'évèijue
de Césarée avant celui de Jérusalem dans l'or-
dination d'Origène (L. vi, c. 8) ; mais il nonnne
aussi celui de Jérusalem avant celui de Césaiée,
en parlant du concile d'Anlioclie contre Paul
de Saniosate : a llymenœus, qui Ecclesiam
Hierosolymitanam regebaf, et Tlieotecnus. (]ui
Ca'sariensem illi linitimam adniinistrabal L.
vu, c. 28). M II s'est appliqué avec soin à don-
ner la suite non interrompue des évèques de
Jérusalem aussi bien que des autres Eglises
a[)osloli(iiies. Et (|uoiiiu'il eût intérêt, comme
métropolitain de Césarée, de se précautionner
contre la puissance excessive de l'un des sullra-
gants, non-seulement il traite Jérusalem de
siège aposlolicpie, ct)mnie nous avons vu, mais
après avoir rapporté lason)ptuositédestem|)les
<pie Constantin et Ib'lèiie y tirent bâtir, etavoir
dit que ce fut une. nouvelle Jérusalem (jii'ils
fondèrent vis-à-vis de l'ancienne, il ajoute ijuc
c'élait là peut-être cette nouvelle Jérusalem,
dont le propbcte avait relevé les avantages jus-
qu'au ciel. « At(pie liœc forsitan fuerit recens
illa ac nova Jérusalem, propbetarum vaticiniis
praedicata, etc. (De vita Const. L. m, c. 33). »
V. Si Eusèbe suivait en cela les inclinations
de Constantin, il faut croire que toute l'Eglise
s'y était accommodée. Sozomène dit que de
toutes les Eglises du monde on accourut pour
célébrer durant huit jours la dédicace des
églises magnifiques que ce pieux empereur
avait élevées dans Jérusalem (L. u, c. 23.) Le
concile de Nicée ne put refuser un rang d'hon-
neur tout particulier à l'évêque de cette Jéru-
salem nouvelle, en la laissant néanmoins sous
la juridiction de la métropole de Césarée, à
laquelle elle avait été sujette depuis la ruine
de l'ancienne Jérusalem sous Adrien , et la
translation de ce siège épiscopal des évèques
circoncis aux ])rélats convertis de la gentilité.
Car, il est fort apparent que les quinze pre-
miers évèques de l'Eglise juda'isante de Jéru-
salem avaient dominé sur toutes les Eglises
voisines. Après la dernière désolation de Jé-
rusalem sous -i^lius Adrianus, qui en fit une
nouvelle ville qu'on appela .Elia, ces évèques
furent soumis au métropolitain de Césarée , et
il y a néanmoins quelque sujet de croire (|u'ils
conservi'rent toujours quelque rang, sinon de
juridiction, au moins d'honneur et de pré-
séance sur les autres évèques , par une défé-
rence respectueuse et volontaire de leur part
envers les prélats d'im lieu si respcclé par
tous les fidèles, qui y accouraient de toute la
terre pour baiser les adorables traces du Sau-
veur du monde. Cela est expressément marqué
dans le canon vu du concile de Nicée , qui
confirme seulement la coulume et l'ancienne
tradition de donner une honorable préséance à
l'évêque d'.ïlia. « Quia consuetudo obtinuit,
et antiqua traditio, ut .iliœ episcopus hono-
retur, babeat consequentiam bonoris, I/.é™
-r.-é à«>.o'j(iiav T-r.î.Tt(i.-ii; ; salva mctropoli propria
dignitate. »
\l. Comme c'était en quchpie manière, et
que ce n'était pas en rigueur l'ancienne Jéru-
salem, aussi on lui laisse les honneurs des
anciens èvêciues de Jérusalem, mais on ne lui
en donne point la juridiction. Quelques-uns
ont cru que par ce canon on donnait seule-
ment à l'évêque d'.4<^lia la qualité de prototrône,
c'est-à-dire, de premier sullragant sous le mé-
fidl>olilain de Césarée. Mais cela s'accorde mal
a\ec tout ce qui a été dit des avantages et des
prétentions à la (jualitè de siège apostolique
dont on a flatté ces évèques. Cela s'accorde
encore moins bien avec ce qui nous reste à dire.
nr PATRIARCHE DE JERISAI.EM.
V'
77
Le concile de Constantinoplc, qui <l('clar;i les
ciiiii exarchats de l'empire de l'Ej^lise de l'O-
rient, ne donna point de place dans cet énii-
nent collège à l'évêque de Jérusalem, parce
qu'il n'en avait pas la juridiction. Mais dans sa
lettre synodale au pape Damase, et aux Occi-
dentaux, il leur propose Cyrille, comme évêque
de l'Eglise de Jérusalem, mère de toutes les
autres Eglises. « Ecclesise Hierosolymitanae ,
quœ est aliarum omnium mater, Cyrillum
episcopum vobis ostendimus (Theodoret. lib.
V, c. 9.) »
Theodoret, qui a inséré cette lettre dans son
histoire , rapporte ailleurs les contestations
scandaleuses qui s'allumèrent entre Acacius,
métropolitain de Césarée, et Cyrille, évèque de
Jérusalem, sur la primauté, ws?!. ^pwTsiMv. .\cace
déposa Cyrille , dont la déposition fut encore
confirmée dans le concile de Séleucie, au rap-
port de Sozomène , parce qu'il ne voulait pas
se soumettre à son métropolitain, prétendant
être évèque d'un siège apostolique. « Uuod
cum episcopus Hierosolymorura constitutus
essef, de jure metropolitico altercaretur cum
episcopo CaesarctE , velut apostolicœ sedis
antisteS, i^epi [iriTpowoXtTtxwv Jiy.a((i)v îieçs'paTOjâ; àîrcsTS-
Xixcii ejcvoj T.vwu.=vo;. (Sozoui. lib. U, C. 24).
VII. Cyrille tirait apparemment à consé-
(juence la préséance d honneur qui lui avait
été donnée par le concile de Nicée. Et comme
elle ne pouvait avoir eu d'autre fondement que
la succession continuée depuis saint Jacques
jusqu'à lui , il tirait de ce principe des conclu-
sions un peu plus étendues que celles du con-
cile de Nicée. Jean, évèque de Jérusalem, avec
qui saint Jérôme fut si longtemps brouillé .
flattait aussi son ambition de l'idée maguilique
d'un siège apostolique, mais ce n'était qu'une
idée en l'air : car l'évêque de Césarée présida
effectivement au concile de Diospolis, où Pelage
fut examiné, quoi([ue l'évêque de Jérusalem fût
présent. Saint Porphyre, évèque de Gaze, au
rapport de Marc, diacre, avait bien été ordonné
jirêtre par Prailius, évèque de Jérusalem ; mais
ce fut Jean, métropolitain de Césarée, ([ui le fit
évêque, et qui l'ordonna.
VIII. On s'accoutuma enfin à confondre l'an-
cienne et la nouvelle Jérusalem, comme tant
d'autres villes sont demeurées les mêmes après
des révolutions, des chutes et des changements
tout semblables, et cjue le titre d'apostolii[ue
ne pouvait être refusé à ce prélat par cette
foule innombrable de pieux pèlerins qui allaient
à Jérusalem : d'où vient que Ruffin faisant
rénumération des èvèques des premiers sièges
de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche, leur joint
Je, m de Ji'rusalem, avec le nom d'a|)Ostolique :
M In urbe Roma post Damasum Syricius, etc.
Apud Alexandriam Timolheus, in Hierosoly-
mis post Cyrillum Joannes apostolicas repara-
vit sedes : apud Antiochiam defuncto Meletio
substituitur Flavianus(L. ii, c.ai).» Sozomène
fait la même énumération de ces quatre pré-
lats ensemble.
Ce fut sans doute ce qui encouragea Juvènal,
évèque de Jérusalem, dans le concile iireuùcr
d'Ephèse. Il y fit éclater ses prétentions sur la
Palestine, et il les appuya par des manifestes
artificieux. Saint Cyrille, évêque d'Alexandrie,
qui présidait à ce concile, et qui avait.à api)ré-
liender que si présentement Juvènal démem-
brait le patriarcat de Jérusalem, ou lui-même
ou (jnelqu'un de ses successeurs n'entrepris-
sent lui jour sur celui d'Alexandrie, résista
vigoureusement à cette entreprise et en écrivit
à Rome.
C'est saint Léon, pape, qui nous a appris cette
histoire dans sa lettre a Maxime, évêque d'An-
tioche : « Subrependi occasiones non pra^ter-
mittit ambitio, et quoties ob intercurrentes
causas generalis sacerdotum facta fuerit con-
gregatio, difficile est utcupiditas improborum
non aliquid supra mensuram suam nioliatur
api)etere. Sicut etiam inEphesinasynodo, quae
impium Nestorium perculit, Juvenalis episco-
pus ad obtinendum Palestina; provinciœ jirin-
cipatum crcdidit se posse sufficere, et insolen-
tes ausus per conmientitia scripta probare.
Quod sanctœ mémorise Cyrillus Alexandrinus
episcopus merito perhorrescens, scriptis suis
milù, quod prœdicta cupiditas ausa sit, indica-
vit, et sollicita prece multum poposcit, ut nulla
sollicitis conatibus prceberelur assensio lEpist.
Lxm. »
Juvéual avait sans doute voulu profiter de
l'occasion favorable à ses projets, pendant (jue
Jean, évêque d'.\ntioche, paraissait à la tête
du faux concile qui se tenait en même temps
dans Ephèse pour la défense de la personne,
plutôt tjue des erreurs de Nestorius ; il eût bien
mente d'ètie sévèrement châtié d'une si auda-
cieuse partialité, si la peine eût été linùtée à sa
personne, sans blesser les droits de son Eglise.
Le pape Léon ne monta que longtemps après
sur le Siège apostolique, mais il gouvernait
déjà eu partie l'Eglise romaine en ([ualité
78
DU PREiMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DOUZIÈME.
d'archidiacre. C'est pour cela que saint Cyrille
lui écrivit, pour empêcher que Juvénal ne
fît quelque surprise au pape pour se faire
adjuger le patriarcat de la Palestine.
IX. Juvénal ne se rebuta pas de ce mauTais
succès. Il crut quil pourrait être, et il fut effec-
tivenient plus heureux dans le concile de
Calcédoine. On pourrait néanmoins douter
si dans le concile dEphèse même il avait
cédé aux résistances de saint Cyrille : car
il y fit cette déclaration surprenante, que
l'évè(jue d'Antioche devait être ju^é |)ar ce-
lui de Jérusalem : « Oportebat Joannem An-
tiochiœ episcopum, obedientiam déferre apo-
slolico Ihrono HierosolymorumEcclesia!,apud
qucm niaxinii' mos est ex a|)ostolico online et
traditione, ut ipsa sedes Anliocliena dirigalur.
etapud eum judicetur Con. Ephes. Act. -i). »
( les paroles sont étrangement surprenantes, et
je ne vois pas en quel sens on peut les prendre ,
si ce n'est que les deux archevêques dAntioche
et de Constantinople. Jean et Nestonus, étant
ré\oltés contre le concile, et tenant une as-
semblée schismatique à part, Cyrille seul pré-
sidait aji concile au nom du pape et au sien ;
le premier évêque a[irès lui était celui de Jéru-
salem, lequel, étant d'ailleurs voisin de l'arche-
vêque d'Antioche devait aussi avoir un des
|)remiers rangs entre ses juges, selon la cou-
tume des temps a|)ostoliques, (jue pour le
jugement des grandes causes on appelait les
plus illustres des évê(]ues voisins. Ainsi ce rang
ne [)Ouvait être disputé à l'évêque de Jérusa-
lem, qui se vantait avec quelque fondement
de posséder un siège apostolique, à (jui le
concile de Nicée avait donné une préséance
extraordinaire, et qui par la révolte de Jean cl
de Nestorius se trouvait le premier en rang
après l'évêque d'Alexandrie.
Juvénal, nonobstant le refus de saint Cyrille,
suivi apparemment de celui du siège romain.
ne laissa pas de demander et d'obtenir un
rescrit impérial, par lequel Thèodose lui sou-
mellaitk's trois Palestines, les deux Pliènicies,
et l'Arabie. L'archevêque d'Antioche obtint des
rescrils contraires. La contestation fut lon-
gue. Théodose ayant indi(iué le concile II
d'Ephèse, il enjoignit par des rescrits parti-
culiers à Dioscore. archevêque d'Alexandrie, et
à Juvénal, archevêque de Jérusalem, de s'y
lrou\er. Ce titre d'archevêque ne se donnail
alors (|u'aux cxanpies et aux patriarches.
X. Enlin le ixmcile de Calcédoine termina
le différend qui partageait depuis si longtemps
toute l'Eglise entre ces deux archevêques, en
confirmant le concordat qu'ils avaient fait, par
lequel les deux Phènicies et l'Arabie revenaient
au patriarche d'Antioche, et les trois Pales-
tines demeuraient à celui de Jérusalem. Les
légats du Saint-Siège y consentirent pour le
bien de la paix : « pro bono pacis, » c'est-à-
dire, pour finir les longs diffèrenilsde ces deux
Eglises (Conc. Calced. act. ,7).
Le pape Léon se contenta de protester en gé-
néral (ju'il (h'sapprouvait tout ce qui avait été
fait au concile de Calcédoine contre les canons
de Nicée, sans rien exprimer en particulier de
ce nouvel agrandissement de l'évêque de Jéru-
salem. Il écrivit queliiue temps après à Juvénal
de Jérusiilem , sans lui témoigner en façon
aucime que cette innovation lui déplût (Epist.
Lxxii). Il agit avec tant de force contrôles usur-
pations de l'archevêque de Constantinople, qaoi-
qu'autorisées dans le même concile de Calcé-
doine, qu'il l'obligea de les relâcher. Mais il se
mit peu en peine de l'entreprise de l'évêque de
Jérusalem. 11 est vrai que Maxime, évêque
d'Antioche, lui ayant écrit pour tâcher de ren-
trer dans ses droits, il lui fit réponse ([u'il con-
damnait toutes les contraventions faites au
concile de Nicée, etqu'ilne confirmerait jamais
ce que ses légats pourraient avoir fait dans le
concile, horsde lamatière de la foi (Epist. lxu);
mais il ne s'expliqua pas davantage, ni il ne
poussa jtasla chose plus loin.
XL Ce pape avait certainement des raisons
et de justes intérêts pour garder ce tempéra-
ment, et pour prendre d'autres mesures avec
l'évêque de Constantinople, qu'avec celui de
Jérusalem. Ce ne fut qu'une partie du concile
qui lit le xxvm canon, si favorable a l'évêque de
Constantinople ; les légats du Saint-Siège con-
firmèrent le concordat, et ils s'o])posèrent for-
mellement au canon. Le concordat était néces-
saire pour terminer un procès interminable,
l'un et l'autre de ces deux prélats étant munis
de rescrits impériaux ; il n'en était pas de
même de l'archevêque de Constantinople et
des trois petits exarcjues.
On ne pouvait presque plus nier que Jérusa-
lem ne fût un siège apostoliiiue, puisque dans
ces sortes de choses, qui dépendent de l'estime
et de la volonté des hommes, il était vrai que la
nouvelle Jérusalem était la même que l'an-
cienne, comme tant d'autres villes sont les
mêmes après leur rétablissement (ju'elles ont
DF PATRIARCHE DK JÉRUSALEM.
»'t
79
été avant leurchutc; et elles peuvent redevenir
ce quelles étaient p;ir leur pro^irés , connue
elles avaient pu n'être plus ce qu'elles avaient
été, par leur décadence. Enfin les événements
n'ont que trop justifié les trois appréliensions
de sainl Léon à l'égard des accroissements
excessifs de l'archevêque de Constantinople, et
son inditlérence pour ceux de l'évêque de Jéru-
salem, puisque ce sont ces prodigieux progrés
de l'archevêque de Constantinople ijui ont
divisé l'Eglise, et qui l'ont séparé lui-même de
cette divine et si nécessaire unité, qui conserve
tous ceux qui la i^ardeut.
XII. Depuis ce temps-là tous les monuments
ecclésiastiques nous font voir l'archevêque de
Jérusalem comme métropolitain de la première
Palestine, et patriarche du diocèse qui les em-
brassait tous les trois. Avitus, évêque de Vienne,
écrivant à l'évêque de Jérusalem, lui donne de
l'apostolat en termes fort magnifiques : « Exer-
cet apostolatus vester concessos a divinitate
primatus, et quod principem locumin Ecclesia
uuiversali teneat, non privilegiis soluni studet
monstrare, sed meritis (Epist. xxuf. »
On donna depuis toujours rang aux cinq
patriarches avant tous les autres évêques du
monde ; Constantinople était le second, Jéru-
salem le cinquième. Dans les séances des
conciles généraux, dans les souscriptions, dans
les lois de Justinien, dans les lettres du grand
saint Grégoire, ces cinq patriarches paraissent
toujours dans une grande élévation au-dessus
de tous les autres prélats (Act. 5, Conc. Con-
stantin, sub Mena; . L'évêque de Jérusalem prési-
da au concile des trois Palestines tenu en 518,
et à plusieurs autres.
XIII. Guillaume de Tyr a cru que le patriar-
cal de Jérusalem n'avait été établi qu'au
concile V général (Vuillel. Tyrius, 1. xiv,c. 12).
Il pourrait avoir eu égard au canon xxxvi du
concile in Trid/o, qui veut que le patriarche
de Constantinople ait le premier rang après le
pape, et qu'il soit suivi de ceux d'Alexandrie,
d'Antioche et de Jérusalem ; on sait que les
canons de ce concile furent attribués aussi au
ciiKiuième concile; ou bien il a eu en vue une
augmentation du patriarcat de Jérusalem,
qui fut faite dans le concile cinquième, en lui
attribuant quelques nouvelles métropoles dans
la Syrie et la Phénicie, comme Béryth et Ruba.
XIV. 11 ne nous reste plus que doux remar-
ques à faire. La première est que si l'empereur
avait donné divers rescrils pour démembrer
le patriarcat d'Antioche et en attribuer une
partie à l'évêque de Jérusalem, il avait été sur-
pris par les artifices de Jnvénal. Aussi le pa-
triarche d'Antioche obtint ensuite des rescrits
contraires, et c'était cette contrariété de res-
crits qui donnait matière à ce procès.
Jnvénal avait lâché auparavant d'impétrer
ce privilège du concile d'Ephèse, sachant bien
que c'était à l'Eglise (jue ce pouvoir a|)par-
tenait. Le concile de Calcédoine respecta néan-
moins la majesté de l'empire, et ne se mêla
point de révoquer ou de casser ces rescrits.
Ce furent les magistrats de l'empire qui le
firent, en ayant obtenu le pouvoir de l'em-
pereur Marcien : « Cessantibus secunduni
jussionem divinissimi et piissinii principis
omnibus iiragmaticis, et quocumque modo
sacris ab utraque parte litteris impetratis, in-
super et mulctatione, quse in eis hujus rei
causa noscitur contineri (Con. Chalced. Act. 7). »
XV. La seconde remarque est que les
efforts des évêques de Jérusalem pour rétablir
leur Eglise dans l'éminence d'un siège aposto-
lique, dont elle était déchue, ont été fort par-
donnables, et peutrètre même louables, s'ils
ont eu plus d'ardeur pour les intérêts et l'agran-
dissement de leur Eglise que de leur per-
sonne. Après tout, ces fautes peuvent avoir
été légères, puisque les a[)ôtrcs disputaient
encore entre eux de la primauté, lors même
(jue J.-C. leur rendit ce témoignage avanta-
geux , qu'ils étaient purs et justes. Il s'en faut
beaucoup que les justes soient sans péché.
• ,.•'11
80
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
CHAPITRE TREIZIEME.
DES PATBI.\RCHES A>CIENS, SEI,0> LES SEMIMEMTS DES GRECS Dl MOyE> AGE.
I. Balsaœon , quoiqn'ennemi déclaré des Latins, reconnaît la
préémioence du pape sur les antres patriarches. De la mitre
envoyée à saint Cyrille d'Alexandrie pour présider au concile
général d'Eplièse.
II. Sentiment des Grecs sur le densième canon du concile de
Constantiuople, et sur l'appel de la sentence des patriarches.
III Balsa;non croit que si l'on n'appelle point du pape, du
patriarche de Constantinople et du concile général, c'est par la
concession des empereurs. Extravagance de ce sentiment.
IV. Il rencontre mieux ailleurs, quand il dit que les patriarches
sontles successeurs des apùlres, et qu'ils sont tous primitive-
ment émanés du siège de Saint-Pierre.
V. Balsaœon croit que les cinq patriarches sont les cinq chefs
de l'Eglise qui n'en font qu'un.
VI. Les Grecs mêmes ont reconnu que le patriarche de Cons-
tantinople avait un territoire limité, quoiqu'il se dit œcuménique;
et que le concile était œcuménique , si le pape y présidait,
quoique les autres patriarches ne pussent s'y trouver.
VII. Longtemps avant Balsamon, les Grecs avaient commencé
d'attribuer à l'union et à la conspiration des cinq patriarches les
victoires de l'Eglise sur ses ennemis. Diverses preuves de cela.
VIII. Prérogatives des patriarches.
IX. Des conciles des patriarches.
I. Les patriarches anciens sont les premiers
L't les plus cininents de tous les membres de
ce divin corps, dont le j>ape est le chef. Ce sont
les termes de la donation de Constantin, dont
l'auteur n'était pas un Grec, puistju'il donne
le dernier rang au [j.itriarche de Constan-
tinople : « Et sit caput (iiiafiior sedium, sedis
Alexandrinœ, Antiochense. Hierosolymitana».
et Constantinoiiolitana', et ut semel dicaiii
omnium totius orbis Ecclesiarura (In Nonio-
can. Tit. viii, c. 1). »
J'ai déjï dit iju'en conséquence de ce que le
concile premier de Constantinople avait ac-
cordé aux évèques de cette ville impériale les
privilèges de l'ancienne Rome, queltjues pa-
triarches de Constantinople avaient préteudii
s'attribuer tous les avauUiges que cette dona-
tion accorde au pape; mais Balsamon remar-
que que leurs efforts avaient été inutiles. « Sed
eis non recte cessit. »
Le même Balsamon racont(> au même en-
droit ([ue l'évêque d'Alexandrie portait encore
dans les cérémonies solennelles la mitre pré-
cieuse que le pape Célestin avait autrefois en-
voyée à saint Cyrille, comme une manpie ho-
norable de la commission dont il l'honorait, de
présider en son nom au concile général d'Ephèst;
et d'y condamner l'hérésie et la personne de
Xestorius. évèque de Constantinople. « Cum
non posset Cœlestinus adesse Ephesi, et judi-
care Nestorium : visum est, ut sancto Cyrillo
a Cœlestino permitteretur huic synodo pi'cEsi-
dere. Ut itaque constaret eum habere jus et
auforitatem papae, sedit cum Phry^o, et con-
deninavit Nestorium. Ab eo ergo tempore cum
eodem Phrygio sacrificant, et procedunt Pa-
triarchaî Alexandrini , et non verentur re-
prehendi. »
On peut évidemment conclure de là les
différences que les Grecs mêmes mettaient
entre les papes et les autres patriarches, non-
seulement au temps de Balsamon, mais dans
les siècles précédents, et même dans les pre-
miers siècles, puisqu'ils croyaient qu'il n'ap-
partenait qu'au pape de présider à un concile
a^cimiiniquc, et d'y faire le procès aux autres
]iatriarches, et que les patriarches d'AIe.xau-
drie s'étaient cru si honorés d'avoir une fois
été revêtus de la personne et de l'autorité du
pape par une commission extraordinaire, qu'ils
en avaient transmis les marques d'honneur à
leurs successeurs, pour en éterniser la gloire
dans leur Eglise patriarcale.
II. Eu effet, quoique Balsamon fût lui-même
patriarche d'Autioche , et qu'il ait répandu
dans tous ses écrits le venin d'une aversion et
d'une inimitié mortelle contre l'Eglise latine
et contre les papes, la lumière et la force de la
vérité n'a pas laissé de le contraindre de se
déclarer en cent endroits pour la piiniauté du
siège romain, -i 7Ts■(Jg£;^ -rf,; T-ar;. En explicpiant le
canon ii du concile de Constantinople, qui ad.
juge à l'évêque de Constantinople la jiréséance
d'iionneur après celui de Rome, il se rit, aussi
bien que Zonare, de ceux qui ne faisaient con-
sister le sens de ce terme après, que dans le
temps, et non pas dans la différence du rang,
et qui soutenaient leur sentiment par le
canon xviii du concile de Calcédoine, qui at-
tribue à celui de Constantinople les mêmes
avantages qu'au pape , -k \<i% irfEaj^Eîa.
Il est vrai qu'il ne veut pas qu'on puisse
DES PATllI ARCHES ANCIENS.
SI
appeler de la sentence des patriarches au [lajie
ou à l'euipeceur. Mais il ne dissimule i>as lui-
même qu'il avait peu de partisans dans cette
opinion. Car les uns croyaient qu'on pouvait
appeler de celui d'Antioclie à Alexandrie, et
ainsi des autres selon leur ranf; ; « et sic dein-
ceps secundum majorem uniuscujusque ordi-
nem (In Can. xii. Synodi Anlioch.): » c'est-à-
dire de celui d'Alexandrie à Constantinople,
et de Constantinople à Home.
D'autres estimaient en général que les sen-
tences des ])atriarches étaient absolinncnt su-
jettes à rap|)el, puisque les lois n'en exemptent
que celles des préfets du prétoire, et que la
Novellc de Justinien, qui a été mise dans les
basiliques, comme n'ayant rien perdu de sa
vigueur par le long cours des années , rend le
patriarche comptable à l'empereur, qui le
corrigera, s'il excède dans ses ordinations le
nombre des clercs déterminé i)ar les lois :
« Novella tertia Justiniani decernit : Patriar-
cham imperatori ratiouem reddere, et ah im-
])eralore corrigi, si Clericum ultra numerum
ordinarit. »
Quelques-uns permettaient l'appel aux laï-
([nes, mais non pas aux ecclésiastiques, ni aux
religieux, dont les différends avaient été déci-
dés par une sentence des patriarches. D'autres
réservaient l'appel aux causes pécuniaires, et
ne le permettaient pas à celles qui sont s[)iri-
tuelles ou ecclésiastiques. Enûn , il y en avait
qui ne soumettaient à l'appellatiou les sentences
du patriarche, que lorsqu'il jugeait par déléga-
tion de l'empereur avec d'autres juges, ou avec
son propre synode. D'autres, au contraire^ ne
l'exemptaient de l'appellation que lorsqu'il
terminait une cause qui n'avait été portée à
son tribunal que par appellation.
III. Dans cette variété d'opinions, Balsamon
dit que si les lois n'ont pas donné aux patriar-
ches le privilège des préfets du prétoire, c'est
parce que ces lois ont été faites avant rétablis-
sement des patriarches. Si Justinien semble
n'en avoir pas parlé dans ses Novelles , c'est
parce qu'il n'a pas cru que l'impudence pût
monter jusqu'à ce point, et il s'est contenté de
recommander qu'on respectât les résolutions
des patriarches. Au reste, que Constantin ayant
accordé dans sa donation tous les droits impé-
riaux au pa])e, et le second concile de Constan-
tinople ayant rendu participant l'évêque de
Constantinople des prééminences du pape , il
s'ensuit de là que ce sont là les trois seuls
Th. — Tome I.
tribunaux dont il n'y a point d'a])i)el , en y
ajoutant les statuts des synodes généraux, puis-
qu'on les publie connue des ordonnances im-
périales. « Projiterea enim ut est consenlaneum,
et synodalia edicta instar privilegiorum rega-
linm edictorum emiltuiilur. » Et ]ilus bus :
« A synodo non cadit appellatio, ut a papa et
a patriarcha Couslantinoi>olitano (Ibidem et in
Can. XV. Ant.). »
Voilà les ténèbres épaisses dont le schisme a
couvert ces grandes lumières de l'Orient. Us
sont ol)liyés de mendier et d'enqirunter de la
])uissance séculière les principaux avantages
de l'Eglise et du sacerdoce, au lieu de recourir
au Roi des rois, qui a prévenu son épouse dans
l'abondance de ses célestes bénédictions. Il
faut au moins retirer ce fruit des égarements
de Ralsamon, que l'usage était tel en son temjjs
et dans les siècles qui l'avaient inunédiatement
précédé, que les seules sentences du concile
général, du pape et du patriarche de Constan-
tinople étaient exemiites d'appel, et i|ue la pré-
rogative du patriarche de Constantinople, de
l'aveu même des grecs schismatiques, n'était
qu'un écoulement et une prétendue communi-
cation de celle du pape.
IV. Balsamon (In Supplem. pag. iHi) s'était
ailleurs lui-même moqué de cette communi-
cation imaginaire , comme nous l'avons déjà
dit, et, dans la profonde obscurité du schisme,
il n'a pas laissé d'entrevoir ailleurs qu'il y
a d'autres plus légitimes origines de ces émi-
nences patriarcales , que celles qu'on veut
faire couler d'une fabuleuse donation. Il a re-
connu que les patriarches sont encore plus
particulièrement que les autres évê(|ues suc-
cesseurs des apôtres, et héritiers de leur puis-
sance : a Apostolorum successores, eos qui
nunc sunt patriarchae, appellat (Balsamon in
Epist. Dion. pag. 1109). » Cette succession de
l'autorité souveraine des apôtres était un titre
bien plus authentique et plus glorieux qu'une
prétendue concession de Constantin. Mais quel
moyen de donner au patriarche de Constanti-
nople la succession des apôtres, i)uisqu'il
avoue lui même que Bxzance n'était qu'un
simple évêché sous la métropole d'Héraclée, et
que le zèle qu'il fait gloire d'avoir pour la ville
impériale, dont il était citoyen, ne l'a pas empê-
ché de confesser que le patriarche de Constan-
tinople était encore sacré par le métropolitain
d'Héraclée, parce qu'il avait été autrefois son
sutfragant. L'exemple du contraire qu'il rap-
6
H-2
UU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
porte d'Etienne, frère de l'empereur Léon le
Sa^'^i;, qui tut sacré par Ttiéopliane, métropo-
litain de Césarée, était sinfrulier et contraire à
la rè^^le générale (In Su|>plem. pag. lli-i).
Mais le nième Balsamon confesse sans dégui-
sement, dans un autre traité (jui se trouve dans
le droit oriental, que lorigine primitive et tous
les privilèges des Eglises patriarcales ne sont
qu'un rejaillissement de la primauté céleste
dont J.-C. honora saint Pierre, qui ordonna
ensuite Evodius à Antioche, Marc son disciple
à Alexandrie, Jacques à Jérusalem, André en
Tlirace (Juris (Jrient. 1. vu, pag. 442). 11 ajoute
que les cinq patriarches sont égaux entre eux,
parce qu'ils sont comme les cinq sens qui com-
posent, à son avis, le divin chef de l'Eglise sur
la terre : « Cuni instar quinque sensuum ca-
])itis unius (qui lot esse numéro dicuntur, nec
dividuntur tamen in partes) apud poi)ulum
cliristianum hal)uantur, dignitate nihilominus
pares sunt m onmihus; et cuni capila sancla-
rum per universum orbem Ecclesiarum Dei
juredicanlur, locum in eis discrimenabhomi-
nihus statutum liabere non potest. » Cette éga-
lité et cette unité mystérieuse que Balsamon
tâche détahlir entre les patriarches n'empêche
pas qu'il n'y mette lui-même une grande ddlé-
rence, quand il n'accorde qu'au pape et au
patriarche de Constantinople de prononcer
sans appel.
V. (À; savant écrivain, dont il s'en faut pour-
tant bien (pie nous approuvions tous les sen-
timents, prétend (pie l'Eglise universelle a
premièrement été jiarlagée, confiée et soumise
aux cinc] patriarches, en sorte (pie comme tous
ces déparlements divers ne sont qu'une seule
Eglis(;, aussi ces cin(j chefs n'en composent
qu'un. D'oii vient (pi'on les nomme conjointe-
ment dans les dyptiques de toutes les Eglises :
« Qnamohrem statntum est. ut in quavis Kc-
clesia Dei sive ad Eupiiratem, sive ad Tigrin,
sive ad ipsuni perlingal Oceanum, conjuiictim
eorum iiomina referantur. Acccperunt enim,
uli scripluiii legimus, regiones gentium, et
eorum throni sunt instar luna3 perfecta) , ac
solis instar coram me sunt. »
De là vient encore (pion ne laisse jias de
créer toujours des patriarches d'Aiitioclie et
de Jérusalem, quoique ces villes aient été oc-
ciii>ées par les infidèles ; parce que la désola-
lion de leurs villes et de leurs Eglises n'a pu
ell'acer la gloire de leur immortelle dignité :
« Uuamvis enim gloria thronorum pervim
exciderunt, tamen siiiritalis gratia non exole-
scel. «
De là vient aussi que, quoique l'on ail singu-
lièrement allècté le nom de pape au pontife ro-
main, celui d'archevêque à Constantino|)le, à
Alexandrie et à Jérusalem, celui de patriarche
à .\nlioche , le nom de patriarche ne laisse pas
d'être communiqué aux quatre autres, parce
que l'unité indissoluble de ces cinq chefs des
Eglises leur rend tous leurs avantages com-
muns, afin qu'ils se réunissent tous en un seul
chef: « Omninosithoc propter idenlitatem ho-
noris, et quod hi quiiKiue [jatriarchœ vicem
unius capilis univers! corporis oblineanl, san-
clarum videlicet Ecclesiarum Dei. » Les noms
de pai)e, de patriarche et d'archevêque n'ont
(pi'une iiK'me signification de père ; aussi ils
s'appellent tous patriarches, et le titre même
de pape fut communiqué aux patriarches d'A-
lexandrie, depuis que le pape Célestin revêtit
saint Cyrille de sa personne et de sa dignité
dans le concile d'Ephèse : « Et Alexandrinus
vocatus-fuit papa, quod sanclus ille Cyrillus in
terlia synodo privilégia pap;e Romani, Cœle-
stini scilicet acceperit. »
Nous avons rapporté ci-dessus ce (pie dit
Balsamon sur ce sujet. Voyons ce que d'autres
en ont dit.
VI. Anastase, bibliothécaire, étant à Constan-
tinople, apprit de la pro])re bouche des Grecs,
que s'ils donnaient le litre de patriarche œcu-
ménique ou universel à leur évêque, ce n'était
pas (pi'ils le crussent patriarche de toute la
terre, mais |)arce qu'il en dominait une partie,
le terme grec ùy-ay-Wr. signifiant non-seulement
la terre universelle, mais aussi un seul pays
habité : " Quod non idco œcumenicum dice-
reiit patriaicham, quod universi oibis leneat
prœsulatum, sed quod cuidam prœsit orbis
parti, (luœ a christianis inhabilalur. NaiiKiuod
Grœci œcumenen vocaiil , a Latinis non soluni
orbis, veriim etiam habitatio vel locus liabita-
bilis nuncupalur (Pncfal. in vu. Synod.). »
Les trois patriarches orientaux d'Alexandrie,
d'Antiocheetde Jérusalem, n'ayant pu se trou-
ver au Vil concile général, non plus qu'au VI
à cause de la domination des princes infidèles,
sous hupielle ils gémissaient, ni y envoyer au-
cun de leurs évè(pies, écrivirent (pie leur
absence ne pouvait préjudicier à l'aulorité du
concile, surtout puisque le pape y assistait par
ses légats : « N'uUum ex hoc sancta; synodo
adluEsil prœjudicium, prœcipue cum sanctissi-
DES PATillAKCllES ANCIEiNS.
83
mus et apostolit'iis papa Roniaiius concDnla-
verit, et iu ca imciilus sit per apociisarios
suos ( Act. 3 Synodi 7). »
De ces reinaiiiues il ]taiaîl clairement ([lie
les patriarches (irientaux n'aspiraient pas eux-
mêmes à une égalité entière avecle pape, puis-
(|u'ils reconnaissent que leurressortestliniilé,
et que leur présence n'est pas aussi nécessaire
à un concile universel, qui est la représenta-
tion et comme l'abrégé de toute l'Eglise, (|ue
celle du pape. Car, (luant a l'imagination de
Balsamon, ([ui prétend que l'imité de l'Eglise
dépend de l'union des cinq patriarches, connue
de son centre, elle se détruit assez d'elle-même.
Il ne croit pas que l'hérésie ou le schisme puisse
rompre cette union ou cette unité des cinq
chefs de l'Eglise : ce qui est la plus manifeste
et tout ensemble la |)lus grande de toutes les
extravagances. 11 confesse que ui Jérusalem, ni
Constantinople n'ont pas joui de cette suprême
dignité avant le I, le II et le IV concile œcumé-
niques. Le chef et l'unité de l'Eglise auraient
donc après cela pris une autre nature.
Enfin il n'y arien de solide dans toute la doc-
trine de Balsamon sur ce sujet, que lorsqu'il
donne à Alexandrie et à Antioche une partici-
pation singulière et extraordinairement abon-
dante de la grandeur et des prérogatives du
Siège apostolique de Pierre. Cela suffisait, si la
passion ne lui avait bandé les yeux, pour aper-
cevoir un véritalde centre d'unité dans l'Eglise
universelle, fondé sur les Ecritures, reconnu
dans la police des premiers siècles de l'Eglise,
et absolument nécessaire pour l'union même
des Eglises patriarcales. Cela étant présup-
posé, il a pu dire, connue il a fait, que J.-C. a
premièrement donne la terre universelle et l'é-
tendue infinie de son Eglise aux trônes aposto-
liques des patriarches , qui ne sont au vrai que
le seul trône de saint Pierre.
VII. Il est certain que les Grecs avaient com-
mencé, longtemits avant Balsamon, d'attribuer
la gloire des principaux avantages et des plus
importantes victoires de l'Eglise sur ses adver-
saires, à la conspiration unanime des cinq )ia-
triarches, ou au moins du plus grand nombre
d'entre eux, contre les autres ijui viendraient
à s'égarer de la règle de la vérité. Le syncelle
de l'évêcjue de .lérusalem , qui tenait sa jilace
dans le Vlll concile général, était assurément
dans cette pensée, cpiand il y parla de la sorte :
« Nostis ([uia Siiiritus sanctus, ([ui locutus est
in prophetis, ipse in apostolis etfatus oimiia, etc.
Ideo iiatriarchalia cajiita in mundo |)<isuil Spi-
rilus sanctus , ul in Ecclesia Dei puUulanlia
scandala i)er ea exterminentur, etc. (Act. 1
Sxnodi Vlll). » D'où il conclut ([ue le pape
ayant condamné l'hotius , et les trois autres
patriarches ne l'ayant pas reçu , il n'était pas
seulement besoin de lui faire son procès. « Cum
pra'sidens et piu'cedeiis senioris Homœ Sedes
iiequa(iuam receperit Photium , nec etiam
Orientis très throni , non erat opus vocare
illiiiu ad examinationem. » Photius se trouva
alors bien loin de son compte et de ses folles
prétentions , pour se faire reconnaître patriar-
che des patriarches , « Patriarcha patriarcha-
rum (Ibid. Act. 2). »
Jlétrophane, métropolitain de Smyrne, com-
para les cinq patriarcats à ces flambeaux im-
mortels que Dieu a allumés dans le ciel pour
éclairer la terre, et qu'il a distingués des moin-
dres étoiles par une lumière et une chaleur
incomparablement plus grandes : " Tanquam
quœdani luminaria magna, videlicet quinque
patriarchalia capita in illuminationem totius
lerrœ quo prœsint diei et nocli, et séparent
inter lucem et tenebras. » L'empereur Basile
sembla entrer dans cette pensée, a Protectione
veri Dei nostri quinque patriarchia orbis terra-
rum recta sentiunt, et non est lœsio fldei (Ibid.
Act. 6). »
Le patrice Bahanes en forma un argument
contre Photius et ses partisans : « Ostendite
hac hora,(|uia sive hseresis mota est, sive sclii-
sma emersit in qualibet parte, et sensit aliquis
extra quatuor patriarchia et salvatus est ; et
autlio vos. Hodie quatuor i)atriarchia, imo vero
quinque condcmnant vos, quid vobis videtur
ad haec? Est qui adjuvet vos (Act. 7) ? »
Il poussa cet argument bien plus loin dans
la suite, quand il dit (jue les cinq patriarcats
n'étaient jamais tombes dans l'erreur tous en-
semble , mais que la providence de l'éternel
Epoux de l'Eglise lui en avait toujours conservé
au moins un sur la pierre immobile de la
vérité, pour relever tous les autres. « Posuit
Deus Ecclesiam suam in quinque patriarchis,
et defini\it in Evangeliis suis, ut nunquam
aliquando penitus décidant, eo quod capita
Ecclesiœ sunt. Etenini illud quod dicitur : Et
]iorta' inferi non pra'valebunt adversus eam,
hoc denuntiat : Quando duo ceciderint, cur-
runt ad tria , cum tria ceciderint , currunt ad
duo ; cum vero quatuor forte ceciderint, tune
unum quod perinanel in omnium capite Christo
84
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
Deo nostro , revocat iterum reliquum corpus
Ecclesiae. »
Je ne m'arrêterai pas à découvrir ce qu'il
pouvait y avoir de malin et d'artificieux dans ce
raisonnement. Je remarquerai seulement que
de quelque déguisement que les Grecs aient
usé, et quelque é^-^alité qu'ils aient affecté d'é-
tablir entre les cinq patriarches. l'expérience
de tant de siècles , qui est la plus forte leçon
que la Providence nous jmisse faire et la plus
certaine interprétation de ses Ecritures ; cette
longue expérience, dis-je, ne nous a que trop
fait connaître combien le premier de ces cin(i
patriarches a retiré souvent les autres de
l'abîme de diverses erreurs, sans (ju'il ait
eu besoin d'une semblable assistance des au-
tres.
Enfin quoiqu'on n'ait ]m arrêter toutes les
saillies de la vanité grecque, il est certain néan-
moins que dans ce VIII concile général, on mit
jiartout tant de différence, et dans les acclama-
tions même qui se faisaient à la fin des sessions
entre le pape et les autres patriarches, qu'il ne
faut point d'autres arguments pour demeurer
entièrement convaincu de l'excellence incon-
testable de sa singulière primauté. Daronius a
inséré dans ses Annales une lettre du saint et
savant Théodore Studite, où il confirme admi-
rablement ces vérités : « Qua^cumque ligave-
ritis super terrani, eruntligata et incœlis, etc.
fRaron. Anno 8-23, n. 11). »
VIII. Au reste, pour ce qui regarde les jiré-
rogatives de la dignité patriarcale, ou elles ont
été touchées ci-dessus en passant, comme d'être
le centre d'unité , sinon dans l'Eglise univer-
selle, au moins dans un très-grand ressort qui
dépend de leur juridiction; d'avoir les pre-
mières places dans les diptyques sacrés de
toutes les Eglises, d'entretenir entre eux une
communion plus particulière par les lettres
ecclésiastiques, d'assis'er aux conciles géné-
raux avec les marques d'une autorité très-énii-
iiente, de recevoir les appels et qu'on n'appelât
])oint d'eux dans leur ressort: ou elles seront
expliquées i)lus au long dans la suite de ce
traité, quand nous parlerons de la croix, du
feu, du pallium qui leur était propre, et de
la puissance extraordinaire qu'ils avaient de
fonder et de dominer sur des monastères hors
de leur diocèse dans toute l'étendue de leur pa-
triarcat (Synod. VIII, Ad. 3).
IX. Je me contenterai de rapporter ici un
canon du VIII concile général , qui renouvelle
les deux plus considérables excellences du pa-
triarcat, savoir, d'investir les métropolitains de
leur ressort, soit en les ordonnant, soit en leur
envoyant le pallium. et de les convoquer à un
concile universel de toute l'étendue du pa-
triarcat, avec autorité d'examiner leur con-
duite et de leur faire leur procès : « Ita ut uni-
versorum nietropolitanorum qui ab ipsis
])romoventur, etsive per manus impositionem,
sive per pallii donationem episco[ialis digni-
tatis firmitatera accipiunt, habeant potestatem,
videlicet ad convocandum eos, urgente neces-
sitate, ad synodalem conventum, vel etiam ad
coercendum illos et corrigendum, cum fama
eos super quibusdam delictis forsitan accu-
saverit 'Can. xvu). »
Les métropolitains s'excusaient sur les com-
mandements des souverains de la terre, qui ne
leur permettaient pas de sortir de leurs Etats,
ou sur lobligation de se trouver à leurs deux
conciles provinciaux chaque année. Mais ce con-
cile condamne tous ces faux prétextes, parce
cpie la police des empereurs chrétiens ne
doit jamais êtie contraire à la sainteté de la
discipline édifiante de l'Eglise, et que les con-
ciles provinciaux doivent être postposés à ceux
des ]ialriarches, qui sont d'autant plus utiles
et plus nécessaires à la conservation du corps
de l'Eglise, qu'ils sont plus universels et qu'on
y traite de matières plus importantes. « A me-
troiiolita quippe unius quidem provincia? dis-
l)ositio efficitur:a patriarcha vero sœpe totius
causa diœccseos dispensatur; ac jier hoc com-
nmnis utilitas providetur. Propter quod et
spéciale lucrum propter générale bonum post-
])one convenit. » Nous parlerons plus à loisir
de ces assemblées patriarcales dans son propre
lieu ; et nous découvrirons les justes raisons
ijuc peuvent avoir les souverains dans des
conjonctures périlleuses , de ne pas laisser
sortir de leurs Etats les évêques de leur obéis-
sance (1).
(1) L'article 4 des organiques prescrivant qu'aucun concile national
ou métropolitain, aucun synode diocésain ne pourra avoir lieu saus
la permission du gouvernement, a dépassé de beaucoup les limites
raisonnables du droit public ancien. Aujourd'hui les traditions de
l'Eglise sur la nécessité de la fréqueute tenue des conciles, ses inté-
rêts les plus légitimes, quelquefois même ses besoins les plus impé-
rieux sont méconnus et subordonnés aux caprices variables de ta
politique. On comprend en effet qu'en prohibant tout concile, dont
l'unique mission est de s'occuper de tout ce qui se rattache à la foi,
à la doclrme, aux sacrements, à la discipline, l'Etat se rend maître
de l'Eglise. Nous croyons donc que les évêques, en se concertant,
pourraient obteiur du gouvernement l'abrogation de cet article qui,
DES PATRIARCHES ANClEiNS.
85
CHAPITRE QUATORZIÈME.
DES ANCIENS PATRIARCHES. SELON LES SENTIMENTS DES LATINS Dl MOYEN-AGE.
I. Senlimenls du jiape Nicolas I'"'' sur l'orifine des trois an-
ciens patriarches, et sur la nouveauté de celui de Constanti-
nople et de Jérusalem.
il. La primauté des patriarches émanée , selon ce pape, de
celle de saint Pierre.
III. Selon le pape Jean VIII, les grands luminaires de l'Eglise
ne sont point les cinq patriarches, mais saint Pierre et saint
Paul, qui ont transféré dans l'Occident rOrieut himineui de
l'Eglise.
IV. Hincmar regarde toute la supcriorilé des patriarches, des
primats et des métropolitains sur les autres évèques, comme
une imitation, ou un rayonnement de celle que J.-C. donna à
saint Pierre sur les apùlres.
V. Comment la juridiction des évéques est de droit divin,
ce qu'on ne peut dire de celle des patriarches et des métropo-
litains.
VI. PoHrquoi, selon Hincmar, Alexandrie est le second siège
patriarcal, Antioche le troisième.
VII. Pourquoi, selon Ralram, la primauté divinement établie
par J -C. s'est attachée au.x trois premières villes du monde,
quoiqu'elle n'ait établi son trône qu'à Rome.
VIII. Les plus éclairés des Grecs convenaient de ces vérités.
I. Après avoir examiné dans le chapitre pré-
cédent les sentiments des Grecs touctiant les pa-
triarches, il faut rapporter ici ce que les Latins
en ont pensé. Le pape Nicolas l", répondant
aux consultations des Bulgares sur ce sujet,
leur déclare que les Eglises patriarcales ne
peuvent être que celles oii les apôtres ont étahli
leur siège. Or, il n'y a eu que Rome, Alexan-
drie et Antioche, où saint Pierre ait singulière-
ment présidé, soit par lui-même, soit par son
plus fidèle disciple. Quoique les autres apôtres
aient fondé diverses Eglises, il n'y a eu que
celles où saint Pierre a présidé, qui aient ac-
([uis un rang d'honneur et de puissance au-
dessus des autres.
La vigilance amoureuse du divin Fondateur
de l'Eglise ayant ainsi disposé le cours et le
outre qu'il est fatal à l'Eglise, est peu conforme aux dispositions
géDérales de notre droit public actuel, puisque tous les corps légale-
ineot reconnus peuvent s'assembler pénodiquement ou non périodi-
quement sans autorisation du eouvemement.
Nous croyons que le pouvoir, mieux inspiré, finira par comprendre
que les conciles lui sont aussi profitables qu'à l'Eglise elle-même, et
qu'il laissera tomber dans l'oubU des prohibitions tout au moins
tyranoiques et contraires à la liberté des cultes proclamée dans la
Constitution. Dans les Etats-Unis, les évéques catholiques, eu vertu
même de la Constitution, se réunissent périodiquement en concile;
pourquoi donc nos évéques seraient-ils moins libres en France pour
l'exercice de cet acte important de leur ministère ? On saa que
l'Eglise a toujours recommandé de la manière la plus formelle ta
tenue régulière des conciles provinciaux, qui sont la vie de la dis-
cipline. De cette proscription des conciles il est résulté les plus
déplorables conséquences. Plus d'unité dans les administrations
diocésaines, l'arbitraire, le vague, un peu partout, l'absolutisme indi-
])rogrcs de l'Evangile, aliu ([iie toute la suite
des siècles reconnût pour unique chef celui
(|iril avait lui-même honoré de cette auguste
(luaiitè, lorsqu'il formait son Eglise, et que
dans ses premiers commencements il traçait
l'image et les règles de tous les siècles à venir.
« Desideratis nosse , (luotquot sint veraciter
patriarchœ? Veraciter illi habendi sunt pa-
triarche, qui sedes apostolicas per succes-
siones pontiticum oblinent, id est, qui illis
prœsuntEcclesiis, quasapostoli instituisse pro-
bantur, Romanam, Alexandrinam, Antioche-
nam. » Il ajoute que le concile de Nicée a
distingué ces trois sièges de tous les autres,
mais que celui de Constantinople n'y était pas
seulement nommé, comme n'ayant possédé la
qualité de patriarche que fort tard, et par la
seule faveur des princes. « Favore potius prin-
cipum quam ratione, patriarcha pontifex ejus
nominatur. fAd Consult. Bulg. c. xcii). »
L'éAèque de Jérusalem obtint au concile de
Nicée une préséance d'honneur, mais ce fut
sans rien diminuer de la dépendance et de la
soumission qu'il devait au metroiiolitain de Cé-
sarée. En effet, la véritable Jérusalem n'est plus
que dans le ciel, celle de la ferre ayant été
entièrement détruite par l'empereur Adrien.
Aussi le concile de Nicée ne donna que le
nom d'évèque d'.^Llia à ce patriarche , parce
qu'Adrien bâtit la nouvelle .Elia dans une
autre place voisine de l'ancienne Jérusalem.
Ce n'est donc plus le siège de Jérusalem, mais
celui d'.Elia.
II. Voilà la doctrine solide des Latins, établie
viduel mis à la place des canons, l'avilissement progressif du minis-
tère pastoral abandonné à la merci des maires de village. Nous ren-
voyons à la deuxième partie de notre livre : Lps lois de V Etflise sxtf
ta nomination, ta mutation et ta révocntion des curés. — Situation
anormale de t'Egli^e de France, pour apprécier ce triste é'at des
choses qui met réellement la religion en danger.
A la suite de la révolution de 1818, le gouvernement permit pro-
visoirement la tenue des conciles provinciaux. C'était quelque chose,
mais ce n'était pas assez. Il aurait fallu un retrait absolu de prohibi-
tions anti-libérales et anti-canoniques. Néanmoins les conciles pro-
vinciaux qui se tinrent alors par suite de celte permission produisi-
rent un grand bien, dont le principal sans contredit, et qui produira
les plus heureux fruits, fut la résurrection du droit canonique et un
rapprochement vers Rome. Le clergé depuis lors a appris qu'il y
avait à Rome un souverain juge qui révisait en dernier ressort toutes
les sentences portées en dehors ou en dessus du droit.
(Dr ASDRÉ.)
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATORZIÈME.
sur les fondements inébranlables de l'Ecriture,
et sur les expériences incontestables de tant de
siècles, qui ont vérifié par tant de merveilleux
événements la vérité des promesses et des pré-
dictions de la Vérité même, lorsqu'elle parlait
à saint Pierre, comme à une pierre immobile,
sur laquelle il fonderait son Eglise.
Ce qui fait dire ailleurs à ce même pape :
a Prœsertim cum Ecclesiaî Romanœ privilégia,
Christi ore in beato Petro firmata in Ecclesia
ipsadisposita, antiquitus observata, et a san-
ctis universalibussynodiscelebrata, nullatenus
possint minui, nullatenus infringi, quoniam
fundamentum quod Deus posuit, bumanus
non valet amovere conatus. Privilégia, inquani,
istius sedis vel Ecclesiœ perpétua sunt, divi-
nitus radicata, atque plantata sunt; impingi
possunt, transferri non possunt, trabi possunt,
avelli non possunt Epist. vui). »
Ce sont là des fondements et des sentiments
dignes de l'Eglise, et proportionnés à la divine
toute-puissance de son céleste fondateur, bien
différents des ridicules imaginations des Grecs,
sur la prétendue donation de Cbarlemagne. Il
n'est que trop visible que c'a été l'artifice des
évèques de Constantinople, ou de leurs flat-
teurs, de rendre les prérogatives des autres
Eglises aussi nouvelles, et aussi dépendantes
de rautorité des princes, que celles de Cons-
tantinople.
III. Le pape Jean Vlll, écrivant au roi des
Bulgares et tâchant de l'incorporer à l'Eglise
romaine plutôt qu'à celle de Constantinople,
lui avança une vérité, qui n'a pas été moins
confirmée par les événements uniformes de
tant de siècles. Au lieu que les Grecs se van-
taient de la conspiration unanime et de la cor-
respondance réciproque des cinq Eglises j)a-
triarcales, qui s'enlre-secouraient et se rele-
vaient réciproquement les unes les autres de
leurs cbutes, ce pa[)e lui fait remarquer au
contraire que les quatre autres Eglises patriar-
cales, et surtout celle de Constantinople, se sont
assez souvent laissé aller aux illusions du
mensonge, de Ibérésie ou du scbisme; mais
([ue l'Eglise romaine , qui les en a toujours
retirées, ne s'est jamais vue engagée dans le
même malheur ou dans le même besoin.
« Credimus quod jam vos non lateat nuii-
quam apostolicam B. Pétri sedem ab aliis
sedibus reiirehensam , cum i|isa alias omncs.
et pr;ecipue Constantinoiiolitanam sa>pissiinr
reprebendens, aut ab errore liberaverit, ant
certe in bis qui resipiscere noluerunt, sententiœ
suœ judicio condemnaverit. Noli ergo sequi
Grsecos, etc. (Epist. lxxv). »
Le funeste succès de la séparation de la
Bulgarie et des autres Eglises orientales d'avec
le siège de Pierre, n'a que trop vérifié les pro-
positions avancées par ces deux papes , et sur-
tout celle de Nicolas I", que les grands lumi-
naires du firmament de l'Eglise n'étaient nulle-
ment les cinq sièges des patriarches, comme les
Grecs prétendaient, mais que c'étaient les deux
fondateurs de l'Eglise occidentale et du siège
romain, Pierre et Paul, dont les vives et pures
lumières avaient, pour ainsi parler, transféré
dans l'Occident l'Orient lumineux et resplen-
dissant de l'Eglise. « Ili ergo tanciuam duo
luminaria magna cœli in Ecclesia Romana
divinitus constituti, totum orbem splendore
fulgoris sui mirabiliter illusfrarunt, et Occi-
dens eorum prœsentia, veluli rutilante sole,
factus est Oriens (Epist. xxs). »
IV. Hiocmar pourrait nous servir de garant
du consentement de toute l'Eglise occidentale,
et surtout de celle de France, (}uand il écrit
que dans le privilège dont J.-C. releva saint
Pierre au-dessus des autres apôtres, sont com-
pris tous les privilèges des patriarches, des
primats et des métropolitains de l'Eglise. Car
tous ces privilèges ne consistent qu'en une su-
périorité de (juelques èvêques sur d'autres évè-
ques. Or J.-C. ne donna qu'à saint Pierre la
supériorité sur les autres apôtres. Il résulte
donc de là que toute la supériorité des èvêques
les uns sur les autres, est une imitation et un
rayonnement de cette éclatante prérogative de
saint Pierre. Car J.-C. formait et réglait tous
les siècles à venir, quand il disposait et mettait
en ordre les divins membres de son Eglise; et
connue il établissait l'autorité divine des èvê-
ques sur les peuples, quand il parlait à Pierre,
comme représentant l'universalité de tout l'é-
piscopat, aussi il posait le fondement de toutes
les métropoles et de tous les patriarcats, quand
il donnait à Pierre la primauté et la supériorité
sur les autres apôtres.
Voici les paroles de Hincmar touchant les
])alriarcbes, car nous parlerons plus bas des
primais et des métropolitains: o In ilHus pri-
niatu ipse B. Petrus cuuctorum oncra portât,
cujus princi]>atus autoritate Mediator Dei et
Immimun iiomo Christus Jésus sedem Roma-
nam super onmes sedes sublimavit, Alexan-
drinam decoravit, Antiochenam confirmavit
DES PATRIARCHES ANCIENS.
87
et per capteras provincias privilégia suis Ecclc-
siis conservari ac corroboiari(]ecrevit(Toni. ii,
p. -402). »
Il est clair dans ces paroles que Hincmar re-
prend l'origine des trois patriarcats et des
métropoles de rétablissement de J.-C. même.
Mais il n'est pas moins évident ([uc c'est jiarce
qu'il renferme tous ces privilèges dans la pri-
mauté de saint Pierre, comiue dans runii[ue
sujiériorité que J.-C. ait établie sur lesapôties,
c'est-à-dire, sur les évèques.
V. Il ne s'ensuit pas de là que l'auloiifé
des patriarebes soit inuiiédiatement d'un droit
divin, aussi bieu que celle des évèques. Parce
que J.-C. n'a pas seulement fondé l'épiscopat
dans la personne de saint Pierre, mais aussi
dans celle de tous les autres apôtres, dont les
évèques ont recueilli la succession. Mais la su-
périorité et la primauté sur les apôtres et leurs
successeurs n'a été donnée par le même Fils
de Dieu qu'à Pierre et à ses successeurs. Ainsi
ce doit être par un écoulement ou par une imi-
tation de cette puissance, que les patriarches
et les métropolitains en soient participants.
Voilà la manière de faire remonter les ruisseaux
à leur source, et de ramener à une céleste ori-
gine et au droit divin ce qui ne paraissait
d'abord que d'une institution ecclésiastique.
VI. Hincmar a traité cette matière bien plus
au long en un autre endroit, où il dit que les
autres apôtres ont bien donné naissance à plu-
sieurs Eglises, oij ils ont ensuite établi leurs
sièges, comme saint Jactpies à Jérusalem, saint
Jean à Ephèse, oùTimotbée lui succéda; mais
que les seules Eglises qui ont été plus particu-
lièrement le siège de saint Pierre ont été pa-
triarcales; parce que Pierre seul, connne clief
divinement établi sur les apôtres, pouvait trans-
mettre à ses successeurs une supériorité suré-
minente sur les autres évoques, qui ne jiou-
vaient tenir des autres apôtres que leur juri-
diction sur les (leuples (Ibid. p. i32).
« Sedes Ecdesiarum Romanœ, Alexandrinse,
atque Antiocbente, idcirco specialiter legimus
sedes dici, cum idurimœ sedes, etapostolorum,
sicut Jacobi Hierosolymœ, et Joaunis apud
Ephesum, in qna sedit Timotheus, B. Pauli
discipulus, et multa^ alia^ principalinm civi-
tatum ; quoniam sedes sunt, quin potins una
sedes sunt magni Pétri apostolorum princi-
pis. n
Il ajoute (lu'Alexandrie est le second siège,
parce que Marc mérita ce privilège pour avoir
été comme le secrétaire de saint Pierre , en
écrivant son évangile : « Et licet B. Petrus
aniea in Aniiocbia sederit quam Bomam ve-
nerit, unde Marcum Alexandriam misit ; non
tamen ideo .Vntiocltia secunda sed lertia sedes;
et .Vlcvandrina Erclesia secunda sedi's dicitur
propter ])ri\ilegium Evangelii, quod sanctus
Mardis evangelista ore Pétri excepit, atque
con-cripsit. »
Antioclie reçut saint Ignace de la main pro-
pre de saint Pierre, (piand il (juitta cette Eglise
pour aller fonder celle de Rome. Tout cela
n'est ici rapporté que jiour nKJulrer le ditfè-
rent génie qui dominait alors dans l'Orient et
dans l'Occident. Car autant que les Grecs re-
cherchaient des sources terrestres dans les
volontés humaines, pour donner commence-
ment aux }iuissances ecclésiastiques, autant les
Latins étaient jaloux de les faire naître d'une
céleste fontaine.
VII. Le moine Ratram, écrivant contre les
Grecs, et s'apercevant que tous leurs vains
efforts pour élever les |)atriarches orientaux
ne tendaient à d'autre but qu'à égaler le pa-
triarche de Constantinople a.u pape, ou même
de le préférer : il montre par les Ecritures, par
les conciles, par la suite et les révolutions de
tant de siècles, que la primauté n'a été donnée
qu'à Pierre . à qui la Providence a fait ser-
vir et a enfin assujetti la ville de Rome, qui
était la maîtresse du monde, afin que la royauté
du sacerdoce éclatât avec plus de 'gloire dans
la ville impériale, et répandît avec plus de
facilité les rayons de la vérité sur tout l'uni-
vers.
Ce n'est donc pas la ])rééminence temporelle
de ces trois villes (jui a formé ces trois pa-
triarcats. Mais la iirèèminence établie par
J.-C. dans son Eglise, en la personne de saint
Pierre, a été conduite connue par la main de
la Providence, et a été fixée dans les trois plus
grandes villes du monde, afin qu'elles lui ser-
vissent de trône, d'oii comme d'un théâtre
élevé, elle se fit voir, et attirât le respect de
toute la terre. Aussi Rome a toujours été de-
puis le propre trône de la primauté divinement
instituée. Alexandrie et Antioche, nonobstant
le rabaissement et la désolation de ces villes,
ont toujours conservé sur les autres Eglises
une prééminence qu'elles ne peuvent avoir
empruntée que de saint Pierre.
« Quosambos, Petruni et Paulum^id Ecclesiée
principntum a Christo positos , et Roma? dire-
88-
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUINZIÈME.
dos. tum Ecclesiastica verilas. tum ipsius pas-
sionis monstrat autoritas. Illuc narnque anibo
principes sunt directi, ubi principatus emine-
baf munfli;, (juatenus Romana civitas sicut
iiiiperiali potentia tolumsibisubjeceratorbem,
sic religionis culmine et apostolatus dignitate,
fotius mundi regnis pra^sideret. Et sicut voluit
Salvafor Hierosolymam nativitatesua. doctrina,
niiracuiis, morte, sepultura. resurrectione red-
dere sublimem ; sic eiiam delegit Romanam
urbem apostolorum princi|>um sanguine, sé-
pulcre, iiiemoria. doctrina reddere gloriosam ;
ut quoniam Christns Hierusaiem cœlcstis in
dextera Patris confidens, Rex et Dominus ho-
noratur, angelorum et snnctorum omnium
lamulatu : sic Pelrus et Paulus Hierusaiem
peregrinantes obtineant principatum, subjectis
sibi per totius orbis latifudinem Cliri;;ti Eccle-
siis (Ratram. contra ojiposila Cra'c. 1. iv,
c. 8). »
VIll. Les plus sincères et les ])lus éclairés
d'entre les Crées demeuraient facilement
d'accord de ces vérités. Témoin l'illustre martyr
Etienne, qui rejeta le faux concile œcumé-
ni(jue des Iconoclastes, par cet argument in-
Ainrible, qu'il ne pouvait passer pour tel .
n'ayant point été approuvé ni par le pape, sans
lequel on ne peut terminer les grandes affaires
de l'Eglise, ni par les autres trois Patriarches.
« Qui œcumenicum istud conciliima vocari
(]ueal ; quodnec Romanus antistes, cilracujus
autoritatem nullomodo fieri potest , ut res
Ecclesiastica' ad normam dirigantur; gratum
habuit. nec Alexandrinus comprobavit, nec
Antiochenus. nec Hierosolymitanus (Vita ejus
apud Surium die 28 Novem. c. 10). »
Taraise, patriarche deConstantinople, parlait
dans le même sens, et sur le même sujet, (juand
il prolestait, avant que d'accepter cette sublime
dignité, qu'il nimerait mieux être enseveli tout
vivant que d'être frappé de l'anathème des
quatre autres patriarches. « Recuso esse pastor
cœfus Iippretici et stalui pntius baliitare sepul-
crum, quam esse obnoxius anathemalibus sacrsc
quaternionis sedium apostolicarum. » En effet,
il procura la tenue d'un vrai concile œcumé-
nique, où le pape présida, et où la vraie foi fut
rétablie. Le grand Théodore Studite, qui a été
cité dans le chapitre pi'écédenf, convenait de
ces vérités (t).
(I) Les plus grands caoonistes et les plus accrédités des tliéolo-
piens, tels que Barbosa, Cano, saint Anlonio, Pellarmino, sont una-
nimes à déclarer que la primaulé de l'Eglise est inhérente de DROIT
r:)!VlN à la ville de Home. Quoique les papes aient résidé pendant
soiianlc-dix ans à Avignon, cependant le Sainl-Siêge était toujours
inhérent à l'évéché de Home; et les sept papes qui, pendant le xive
siècle, se succédèrent dans Avignon, s'appelaient toujours les pontifes
romainSt comme les vrais et légitimes succsseurs de saint Pierre.
De là l'adage éminemment vrai ubi Papa ibi lioma. Mais il ne faut
pas qu'on perde de vue que le pape est avant tout évéque de Home,
et qu'il n'est souverain pontife, vicaire de Jésus-Christ et chef de
l'Eglise que parce qu'il est évêquc de Rome. Par là on comprendra
aisément la folie d'une brochure écrite de nos jours par un ecclé-
siastique, qui donnait pour solution aux redoutables questions qui
agitent le monde, de transférer pour toujours le pape à Jérusalem, et
d'abandonner Rome aux chances de l'avenir. Mais Rome, grande ville,
ne pourrait se passer d'un évéque, et le lendemain de l'arrivée du
pape à Jérusalem, le nouvel évéque de Rome serait par son titre
même chef de l'Eglise, et dès lors voilà le schisme établi peut-être
pour toujours. Avant d'émettre de telles utopies sur cette redoutable
question, il serait bon d'étudier à fond l'histoire, le droit divin, le
droit canonique, le droit des gens, la nature humaine, la théologie,
l'organisation de l'Eglise, les besoins de l'Europe et mille autres
choses encore. (Dr André.)
CHAPITRE QUINZIEME.
nrs IVVTRUHCIIES (iUECS EN (iKNEUAL DEPl'IS LAN MIL.
I. Le patriarche de Conslanlinoplo lAohe d'obtenir du Paint-
Siége la qualité d'œcuméniquc.
II. Cette tiniversalilé n'aiiparticnt qu'au Saint-Siège, duquel
les autres patriarcats sont (•manés.
III. Celte émanation est très-avantageuse aux quatre autres
patriarcats, qui en empruntent en quelque façon une origine
(lirine.
IV. L'ambition particulière des prélats n'est pas capable de
détourner le cours et les elTets de la Providence, qui veille sur
l'Kglise.
V. La discorde se renouvelle entre l'Eglise latine et l'Eglise
grecque. Sentiments remarquables d'Olhon, évéque de Freisingcn,
sur la primauté de l'Eglise romaine.
VI. Les deux Eglises demeurèrent néanmoins presque toujours
dans l'unité de la foi et de la communion, nonobstant les
inésintellieonccs assez fréquentes entre les papes et les pa-
triarches de Constantinople. Preuves.
VII. Autres preuves de saint Bernard et de Pierre de
CUiny.
VIII. Preuves tirées des Grecs mêmes. Raison des emporte-
ments de lîalsamon.
IX. Nouvelles preuves.
DES PATRIARCHES GRECS EN (iENERAL.
m
X. Preuves des conciles de Lalrau et de Lyon.
XI. El de celui de Florence.
Xil. D°s célèbres ciinférences tenues Ji Constantinople, au
lenips de remjiercur I.olhaire II.
XIII. Nouvelle preuve tirée de nos croisades, où nous trai-
tâmes avec les Grecs, comme avec de vrais membres de l'Eglise
catliolique.
XIV. Sentimenis d'Othon de Freisingen sur les quatre pa-
triarches d'Orient.
I. Le patriarclie de Consfanfinople, soutomi
(le la laveur de renipereur Basile, tâcha de
surprendre par ses ambassadeurs et par ses
présents le pape Jean X\, afin qu'il lui accor-
dât la qualité de patriarche universel dans
l'Orient, comme le pape possède cette qualité
d'évèque universel dans toute l'Eglise. « Qiia-
fenus cum conseusu Romani pontilicis, liceret
P^cclesiam Constantiuopolitanam in suo orbe,
sicut Roma in universo universalem dici et
iiaberi (Anno 10'2i. Glaber., lib. iv, c. I). »
(daber, de qui ceci est tiré, dit (jue l'avarice
qui domine dans foule la terre, mais qui sem-
ble avoir établi son trône dans Rome: « Licet
philargyria mundi regina queat appellari : in
Romanis inexplebilecubile locavit; » l'avarice,
dis-je, commençait à flétrir l'esprit des Ro-
mains, lorsque toute l'Italie se souleva contre
une nouveauté si dangereuse, et la France
même fit connaître à ce pape sa juste indigna-
tion, par l'organe de Guillaume, abbé de Saint-
Bénigne. Ce pieux et savant abbé écrivit au
pape que la seule pensée de cet attentat avait
scandalisé tous les gens de bien : qu'au reste
la monarchie romaine avait bien pu se jiarta-
ger entre plusieurs souverains, mais que l'or-
dre invariable du ciel n'avait commis qu'au
siège de Pierre la puissance universelle des
clefs, et que le pa[)e, qui en était chargé, de-
vait en faire ressentir les effets par la réfor-
mation universelle de l'Eglise.
« Est fama rei , de qua qui audiens non scanda-
lizatur, noverit se longe ab amore stipernodis-
parari. Quoniam licet potestas Romani imperii,
(\u,v olini in orbe terraruni monarchez vjguit,
nunc per divcrsa terraruni innumcris regatur
sceptris; ligandi solvendique in ferra et in
cœlo potestas, dono inviolabili incumbit ma-
gisterio Pétri. De cœtero optamus, ut univer-
salem decel antistitem, vos acrius in corre-
cfione ac disciplina sancto' et apostolicae Ec-
clesise vigere.»
Voilà quelle était alors non-seulement la
créance, mais aussi l'ardeur et le zèle de la
France pour l'universalité des droits du Saint-
Siège sur les Eglises patriarcales de l'Orient.
La lettre (jue les chartreux en corps écrivirent
(ineI(|U(^ temps ajirès au pape Innocent 11, et
(jui fut lue dans le concile de Reims, n'en est
pas un témoignage moins illuslie.
En voici les [)aroles sur le même sujet : « Non
enitn pars una, sed potius lotus orbisest vestra
diœcesis. Nam sicut Deus est unus , Mediator
luius, inundus unus, sol unus; et ut minora
inseramus, in aiiimalibus cunctiscaput unuiu :
Ita beati Pétri vicarius, id est, papa non potest
esse nisi unus. Universo itaque mundo rigo-
rem disciplina?, rectifudinem justitiœ, lumen
doctrinœ, et ipsius quam nomine quoque pnc-
fertls, incomprehcnsibilis debetis exemplar
esse innoccnliœ (An. ll.'îl). » Tous ces sainis
hommes conspirent à reconnaître et à affermir
cette plénitude de puissance spirituelle, pour\ u
quelle serve à éfaldir ou à rétablir par touf(!
la terri! la pureté de la plus sainte discipline.
11. Or, c'est de cette unité et de cette pléni-
tude tout ensemble de l'autorité et de la juri-
diction spirituelle dans sa source et dans sou
chef di\inement établi, ([ue le Fils de Dieu a
voulu faire découler dans la succession des
siècles toutes les dignités les plus éminentes
de l'Eglise, dont nous allons parler, c'est-à-
dire les dignités des primats et des patriar-
ches.
Gerson l'a fort bien compris, quand il parle
en cette sorte des différents états de la dignité
pastorale: « Fuerunt priinitns velut in quodam
seniinario vivifico, [lositi in Ecdesia per Ghri-
stimi, et posfmodum crescente Ecclesia, discre-
fio talium magis innotuit; velut si stipes vi-
neoî se in folia, et flores, et ramos explicuerif
(Gerson. tom. i, pag. 137). »
C'est ainsi qu'il faut entendre l'Extrava-
gante de Benoît XI, que l'Eglise romaine a
inslifné les quatre autres Eglises patriarcales,
et leur a donné le rangd'honneur et de dignité
qu'elles possèdent : « Sancta Romana Ecclesia
((uatnor patriarcales sedes instituit , ipsasque
nuiltis pnerogativis et honoribus ac privilegiis
decoravit (E.xtravag. Comm. Lib. i, Tit. ni,
c. .'i). » A quoi se peut aussi rapporter la lettre
du pape Innocent III et l'explication (|u'il
donne à ces quatre animaux mystérieux de
l'Apocalypse, qui environnaient le siège de
l'Agneau céleste, qui n'est autre chose que le
Siège apostolique. » In medio sedis, et in cir-
cuitu sedis erant quatuor auimalia, plena oc»i-
lis, etc. sedes ista Romana Ecclesia intelligitur
90
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUINZIÈME.
quap séries apostolica nunciipatur. Utique se-
des Agni, sedes Viventis in ssecula saeculorum.
In medio cnjus quasi filife in gremio résident,
et in circuitu adstant quasi famulpp in obse-
quio quatuor patriarchales Ecclesia?, etc. (Inno-
cent, m. Reg. XV, epist. cuv). »
III. Ces expressions, qui semblent d'abord si
avantageuses au Saint-Siège, le sont encore da-
vantage au.\ autres anciens patriarches, qui
en peuvent se donner l'ombre ou l'image
d'une divine origine que par leur très-étroite
union, et par leur mélange avec le trône de
Pierre, qui est le trône même visible de J.-C.
C'est ce que les anciens papes et les plus sa-
vants hommes de l'antiquité nous ont admi-
rablement expliqué dans les différentes parties
de cet ouvrage ; et c'est ce que nous pouvons
encore édaircir par la pensée de Siméon, ar-
chevê(|ue de Tbessalonique, dans le livre (ju'il
écrivait des Ordinations sacrées, au temps que
les Français dominaient encore dans la Grèce.
Ce savant prélat, parlant des divers degrés
du sacerdoce dans les patriarches, les arche-
vêques et les évêques, a cru pouvoir les com-
parer aux effusions incompréhensibles, et aux
commimicalions inetfablcs d'une même divi-
nité dans l'adorable Trinité des personnes di-
vines. Le Père est le principe sans principe,
ducpiel émanent les autres personnes dans une
parfaite égalité. « Etsi enim una est episcopa-
tus gralia, et virtus, et ordo, ex Deo primo et
solo Pâtre et Episcopo emanans: Patriaslamen
habet lihationes, et gratias dilîerentes, ut unus-
quif(|ue ordo postulat, cum Pater et Filius et
S|iiritus sanclus una sint in Trinitate divinitas
et natiira iCap. 7;. « L'ap[)lication en est bien
plus juste et |ilus glorieuse aux autres quatre
patriarches à l'égard du Saint-Siège, dans le-
(jnel ils rencontrent une naissance foule divine
en devenant comme des écoulements et des
ruisseaux de cette source de plénitude et de
perfection sacerdotale, que J.-C. renferma
dans saint Pierre, et (|u'il ne cesse de déployer
et de manifester dans la révolution successive
des siècles.
IV. On n'ignore pas les efforts et les artifices
de l'ambition des hommes, ])Our l'elablisse-
menl ou pour l'agrandissement de quelques-
uns de ces y)alriarcats. Saint Pierre n'avait
peut-être pas toujours été exempt des atteintes
de l'ambition, non plus que les autres apôtres,
dans leurs premiers conuuencenients. Mais la
sage et toute-puissante i)rovidence de Celui
qui ne permet le mal que pour en tirer du
bien, et pour faire servir le mal même au pro-
grès miraculeux du bien , ne laissa pas de
donner une primauté admirable sur foute la
terre à tons ses apôtres, et une suréminente
primauté à saint Pierre sur tous ses collègues;
elle n'a pas aussi laissé de faire couler comme
quatre grands fleuves dans les quatre Eglises
patriarcales, qui sont comme autant de riches
effusions de la plénitude du divin Chef de l'E-
glise, sans jamais souffrir que la vanité ou la
malice des houunes puisse arrêter le cours de
ses bontés sur son Eglise.
V. Le pape Léon IX, répondant aux consul-
tations de Pierre, [)atriarche d'Antioche, « ab
apostolica tua sede apostolicam nostram Se-
dem consulendo , » l'exhorte de maintenir les
droits de son siège apostolique, ijui avait été le
siège de Pierre, avant qu'il vînt établir la pri-
mauté éternelle de l'Eglise à Rome, où il pré-
side encore et y attend la bienheureuse résur-
rection : « Quatenus principalis dignitafis et
totius Ecclesiasticae disciplina; venerabilis apex
ibi prœfulgeat et prœcellat, ubi ipse vertex et
cardo apostolorum Petrus, carnis sua^ resurre-
clionem in novissimo die expectat (.\nno 1053.
Léo IX. Ep. v). B Au reste, il l'avertit que ce
ne doit pas être une ambitieuse jalousie de sa
propre grandeur, mais un zèle religieux de
l'honneur ancien de son Eglise, qui le doit
animer à cette défense : « Tertiam a Romana
Ecclesia dignitatem te defendere summopere
monemus , non tuœ gloria; causa , sed pro
sedis, cui ad tempus prœsides, antiqua hono-
rificentia. »
Le patriarche de Constantinople, Michel, n'a-
vait pas cette humble et respectueuse déférence
pour les rangs que la Providence et l'Esprit-
Saint qui gouverne l'Eglise y avait établis dès
le conunencement, puisqu'il tâchait de sou-
mettre à sa puissance les patriarches d'Alexan-
drie et d'Antioche, comme nous apprenons de
la lettre (pie ce même pajjc lui écrivit : « Nova
anibitione Alexandrinum et Antiochenum pa-
triarcas antiquis dignitatis sute privilegiis pri-
vare contendens, contra omne fas et jus tuo
doniinio subjugare conaris (Epist. vij. » Cet
empire tyrannique du patriarche de Constan-
tinople n'était donc pas encore bien établi ,
(judicpTil continuât toujours de prendre la
qualité de patriarche œcuménique; de quoi ce
pape lui fait un juste reproche, lui représen-
tant que ni saint Pierre, ni aucim de ses suc-
DES PATRIARCHES GRECS EN GÉNÉRAL.
01
cessenrs n'avaient jamais pris un titre d'une si
monstrueuse ambition : a Nullus tam prodi-
jrioso prœnomine consensit penitus appellari. »
Comme le patriarciie de Coiistantiiiople pré-
tendait que la primauté et l'universalité de
l'Eglise romaine n'avait pour fondement que
la majesté et l'autorité de l'emiiire et de la ville
de Rome sur le reste du monde ; et (ju'il se
flattait par conséquent d'une prééminence, ou
égale, ou fort approchante, parce que Constan-
tinople était la nouvelle Rome, et que Tempire
y avait été transféré , j'estime à propos de rap-
porter ici les sentiments et les paroles d'im
savant et illustre prélat. C'est Othon,évêque de
Freisingen, qui dit que Dieu n'ayant formé l'u-
nivers que pour sa gloire et pour son Eglise, et
étant le souverain distributeur des empires, si
l'on demande pourquoi il a plutôt donné le
plus durable des empires à la ville de Rome
qu'à tant d'autres qu'il aurait pu en honorer,
on ne saurait peut-être faire une réponse plus
raisonnable ([u'en disant que c'est parce qu'il
voulait un jour y établir le premier trône de
son Eglise.
« Non ergo fortuitis casibus , nec falsorum
deorum cultui, sed Deo vero, formanti lucem,
et creanti tenebras adscribendum reor, quod
ad tantum fastigium princi|)atusque monar-
chiam, ex liuiniliac ])aupere statu Romanorum
respublica crevit. Quare autem illi populo, vel
illi urbi, hanc potius gratiam, qiiam aliis coii-
tulerit, discutere non possumus, nisi forte ex
Principis Apostoloruni raeritis, quem ibi ses-
surum pncvidit, su[)er quem Ecclesiam suam
etiani se fundaturum promisit, faclum dicam.
Ut videlicet locus qui propter iirincipis apusto-
lorum cathedram super universam principa-
turus erat Ecclesiam, genlium quoque, unde
fldeles congregandi erant, ante perfîceret nio-
narciiiam. Pulclire igitur eadem urbs, antea
fuit caput mundi , qutc postmodum futura fuit
caput Ecclesia; (Chronic. 1. ni, in prologol. «
Ce savant et saint évèque était oncle de l'em-
pereur Frédéric Barberousse, et frère utérin de
Conrad III. Il fut fort employé dans les affaires
d'Etat, et cependant il était persuadé ([ue le
monde est fait pour l'Eglise, que tous les em-
pires sont dispensés pour l'empire de.I.-C., que
la grandeur temporelle de Rome avait |)our but
rétablissement plus facile de l'Eglise et de la
première de toutes les Eglises. Ceux qui ne
sont pas accoutumés comme ce prélat à consi-
dérer les ressorts secrets de la Providence, cjui
causent tous ces mouvements visibles dans l'u-
nivers, et qui font servir le temps à l'éternité,
auront de la peine à entrer dans ses sentiments.
Mais il faut revenir aux jjatriarches de Cons-
taiilinopli!.
VI. Ce fut l'ambition de ce patriarche Michel,
qui sépara alors entièrement l'Eglise grec(]ue
de l'Eglise romaine ( Anno I KKJ. Baron, u. 17 ).
L'empereur Manuel se fiit résolu de réunir
parfaitement et de soumettre tout l'empire
oriental au pape Alexandre III, si ce i)ape, (jui
était alors cruellement persécuté par l'empe-
reur d'Allemagne, Frédéric Barberousse, eût
voulu rendre l'empire d'Occident aux empe-
reurs de Constantinople, aux(iuels il avait au-
trefois appartenu. Manuel [irétendait se servir
de cette occasion favorable, pour faire servir la
religion à ses intérêts : « Ut sub uno Ecclesia?
capite uterque populus et clerus, Latinus et
Graîcus, perpétua unitate subsistèrent ; petebat
ut Romani coroiia imperii a Sede apostolica
redderetur , ([uod non ad Friderici , sed ad
suum jus assereret pertinere (Anno 1170.
Baron, n. .54). »
Cette tentative fut souvent réitérée , mais
inutilement , parce que le pape ne jugea pas
qu'un intérêt d'ambition pût être un solide
fondement de paix dans l'Eglise. C'était peut-
être dans ces mêmes vues basses et intéressées,
(|ue les empereurs de Constantinople s'étaient
associés aux religieux de Cluny, par une parti-
cipation de prières, et qu'ils leur avaient donné
une Eglise dans Constantinople même, comme
il paraît par les lettres de Pierre, abbé de Cluny.
VII. Ce n'est pas néanmoins sans dessein (|ue
j'ai dit que l'empereur Manuel olïrit de réunir
parfaitement l'Eglise orientale à l'Eglise ro-
maine, si le pape le faisait rentrer dans l'an-
cienne possession de l'empire d'Occident, parce
qu'effectivement c'était plutôt une longue mé-
sintelligence, qu'une entière séparation, qui
avait désuni les Grecs des Latins. Saint Bernard
en parle en ce sens, comme si c'était plutôt une
diversité de police que de créance, qui causât
cette division : « Addo et de pertinacia Graeco-
rum, (jui nobiscum sunt,et nobiscum non
sunt : juncli fuie, pace divisi. Quanquam et in
tide ipsa claudicaverint à semitis rectis { De
Consid. 1. ni). » Ces dernières paroles ne signi-
fient pas que les Grecs fussent dans l'erreur,
mais qu'ils y [lenchaient. Autrement il n'aurait
pas dit, (ju'ils nous étaient unis par le lien de
la foi, fide juncti.
92
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUINZIÈME.
Pierre le Vénérable, abbé de Cluny , et
toute sa congrégaiion , entretenait un com-
merce de prières et d'amitié avec les empereurs
de Constantinople, qui aurait été également
contraire à la pureté de sa loi et de sa vertu,
s'il les eût considérés comme des gens engagés
dans le schisme ou dans l'hérésie. Au temps
même de Michel Cérulaire , patriarche de
(Jonstantinople, les patriarches de Jérusalem,
d'Alexandrie et d'Antioche récitaient le nom
du {lape dans les diptyques sacrés, comme il
paraît par la lettre même du patriarche Michel
(Baron. Anno lO.^i, n. .')2).
VIII. Il n'en faut donc pas croire Balsamon,
patriarche grec d'.Vntioche, quand il dit que le
pape était en horreur parmi les Grecs, et que les
Eglises orientales mettaient les Latins au rang
des hérétiques. Les Crées même se sont o|)-
posés à ces impostures de Ralsamon, et entre
autres Démétrius Chomatérus, archevêque de
Bulgarie, dans ses réponses à Constantin Caha-
silas, archevê(iue deDurazzo, qui confesse <|ue
Balsamon a parlé avec trop de dureté et trop
d'aigreur des Latins, puisqu'ils n'ont jamais
été rejetés dans aucun synode parmi les Grecs,
ni condamnés |iubli(iuemcnt comme héré-
tiques, et que les deux nations conservaient
encore entre elles une conununion publi(iue,
non -seulement de civilité , mais aussi de
prières.
« Huic responso Balsamonis prœclari mulli
viri tune non sunt suffragafi, ut cpiod nnilfum
duriliei et acerbitalis haheret : nec convenienlis
reprehensionis Latinicarum formarum et nio-
rum. Et (piod , inquiunt, h.ec synodaliter dé-
créta non sint, ne(jue ipsiut lurrclici, publiée
rejecti fuerint, scd et simul nobiscum cibum
sumant, et precentur. » Démétrius ajoute ipie
le savant archevêque de Bulgarie Théophylacte
était dans le même sentiment, contraire à celui
de Balsamon ( .Unis Orient. )). ;ti>l, 322, .'iâ:!).
II n'est pas difficile de deviner les causes qui
avaient aigri l'esprit et envenimé la jilume de
Balsamon contre les Latins. Il était patriarche
d'Antioche i)our les Grecs. Mais il y avait un
patriarche latin, qui y résidait avec une auto-
rite souveraine , comme nous dirons dans la
suite, et qui ne lui permettait seulement pas
il'en approcher. Il n'a pu s'en taire hii-même,
(^t il a exprimé sa douleur avec son emporte-
ment ordinaire, en disant (jne les Grecs avaient
été bannis par les Sarrasins de Jérusalem ,
d'Antioche par les Latins , et par les Armé-
niens de Tarse (In Can. xvi. Antioch. Synodi].
IX. Au reste, nous n'opposons pas seulement
à Balsamon le témoignage de ces deux savants
archevêques grecs, mais la pratique générale
de tous les Grecs, qui entraient et offraient
leurs vœux dans toutes les églises latines
d'Italie, et surtout dans celles de Rome, et
dans celle de Saint-Pierre même , et (jui ne
refusaient pas la communion aux catholiques
latins dans les églises grecques, quand ils se
présentaient pour participer aux divins mys-
tères (Jus Orient. 1. i, p. 321, 32-2).
Je laisse les lettres du ])ape Adrien IV à
l'archevêque de Thessalonique Basilique, et la
réponse de cet archevêque, ra|i|)ortée dans le
même volume du droit oriental , où il paraît
que, quoique le pajie se plaignit du schisme de
l'Eglise de (;onstantino])le , l'archevêque lui
témoigna que les deux Eglises étaient liées du
lien indissoluble de la même doclrine : « Eadem
tccum praîdicamus et docemus, ego iique omnes
qui ad magnam apostolicamque Sedem Con-
stantinopolitanam pertinemus: » et des mêmes
sacrements : «l'niis in idrisqueEcclesiis perso-
nat sermo fldei, idemquesacrificatur Agnus ; »
Et que s'il y avait quelque petite matière de
division, c'était à sa sainteté de l'ôter, à cause
de la prééminence de son siège, à (juoi l'empe-
reur Manuel était disjiosé de contribuer de tous
ses soins et de toute son autorité (P. 30,'), 307).
Cette remarque m'a paru nécessaire , pour
faire voir que c'a été avec aidant de fausseté
i|ue (le malice, que Balsamon assurait qu'on
(levait refuser la communion aux Latins dans
les Eglises grecques, parce (]ue depuis long-
temps l'Eglise (le Rome était séparée de la
communion des autres (piaire patriarches :
« Quoniam ante annos multos Occidentalis
Ecclesia>, Romaiia in(piam celebris conventus
divisus est ab aliorum quatuor sanctorum
patriarcharum spiritali communione ( Ibid.
pag. 37(t). » C'est à (juoi il a été bon de faire
voir que les avdres savants prélats de l'Eglise
grec(]ue se sont unanimement opposés, recon-
naissant (]ue les mésintelligences, qui se renou-
velaient souvent entre Rome et Constanti-
noi)le , n'étaient pas capables île détruire
entièrement l'ancienne unité des cinq patriar-
cats, qui étaient comme les cin(| chefs d(î
l'Eglise, qui n'en faisaient qu'un, parce qu'ils
ne composaient tous ensemble qu'un même
siège de Pierre , d'où ils étaient tous émanés,
selon le langage des anciens Pères (Anno 12iri.
DES PATRIARCHES GRECS EN GÉNÉRAL.
93
Abbas l'sperg. Conc. Gen. toni, xi, par. i. pag.
15.3, 2:W, 2;36).
De là vient que les patrianlies grecs as-
sistèrent, ou en personne, ou par leurs députi's
au concile IV de Lalran , sous Innocent 111 ,
et voulurent en avoir les décrets en langue
grecque , comme il parait dans la dernière
édition des conciles à Paris.
X. Aussi ce concile ne se plaint (jne du peu
d'obéissance que les Grecs avaient rendu au
Saint-Siège depuis quelque temps, et de l'aver-
sion extravagante que quelques-ims d'entre eux
avaient témoignée des cérémonies latines.
Enfin après leur avoir ordonné de se con-
former à la discipline de leur chef comme
des enfants d'obéissance : « Conformantes se,
tanquam obedientiœ fllii, sacrosanctœ Roman;e
Ecclesiœ matri suae, ut situnum ovile et unus
Pastor (Can. iv, v), » ce concile confirme le rang
et l'ordre des patriarches , mettant par une
sage condescendance Constantinople avant
Alexandrie , Antioche et Jérusalem , et les
obligeant tous de recevoir le pallium du pape,
afin de le pouvoir donner ensuite à leurs suf-
fragants, de qui ils exigeront en même temps
un serment d'obéissance , pour eux et |)our le
pajjc, auquel ils l'auront prêté eux-mêmes,
comme un devoir inséparable du pallium.
On peut lire dans les éditions des conciles et
dans les Annales ecclésiastiques toutes les réu-
nions qui se sont faites depuis entre les deux
Eglises, et surtout celle du concile II de Lyon,
qui est appelée la treizième par les auteurs du
temps. La principale difficulté y a toujours été
de faire plier l'orgueil du patriarche de Cons-
tantinople, sous la primauté du Saint-Siège.
Cette soumission était devenue d'autant plus
nécessaire, que la foi même des deux Eglises
commençait à n'être plus la même , parce
que la multiplicité ou la longue mésintel-
ligence des chefs produit aussi infaillible-
ment la diversité des sentiments. (Anno 1-274.
Conc. Général, tom. n, pag. 460, 61-2, 9'2S.
939, 958, 9G(>, 994, 103-2, etc.)
XI. Pour juger équitablement de toutes ces
désunions et réunions avec le Saint-Siège, il
faut remarquer que tous les èvêques et tous
les patriarches Grecs furent reçus et reconnus
dans le concile de Florence, avec les mêmes
honneurs que dans les anciens conciles des
deux Eglises , comme des èvêques et des pa-
triarches catholiques ; et la conclusion de la
paix qui se renoua à la fin de ce concile, sup-
posa (pie tous les Grecs jusqu'alors avaient été
dans la même créance (pie les Latins, touchant
la procession même du Saint-Esprit; les divi-
sions des Grecs et des Latins n'étant jirovenues
(jue de la diversité des termes, dont les uns et
les autres exposaient leur conunune créance
(Anno 1439).
XII. On vient de nous donner les dialogues
admirables que révê(jue d'Havelberg, Anselme,
composa par ordre du jiape Eugène 111, et
qu'il lui dédia pour instruire l'Eglise latine
des conférences qu'il avait eues autrefois avec
les plus savants des Grecs à Constantinople,
lorsqu'il y était ambassadeur pour l'empereur
Lothaire IL Ce sage et savant ijrélat avoue bien
que l'on disait que les Grecs ne croyaient pas
que le Saint-Esprit procédât du Fils : Uicuntur
non credere^ mais il ne dit pas cela que fût (Spi-
cilegii tom. xni, pag. 1-20, I7C, 187, 190, 194,
-209, -211, -25-2).
Au contraire Nécliite, archevêque de Nico-
médiCf qui disputait avec lui dans ces confé-
rences publi(iues, proteste que les Grecs n'ont
jamais dit que le Saint-Esprit ne procédait point
du Fils, mais ils se sont abstenus seulement de
dire qu'il en procédât, parce qu'ils ne l'avaient
lias lu en termes formels dans l'Ecriture ; que
si l'on s'était quelquefois échappé de le dire,
ce n'avait été (|ue dans la chaleur de la dis-
pute, pour repousser l'inconsidération et les
emportements de ([uelques Latins qu'on avait
envoyés à Constantinople: « Si (piidem majores
nostri hujus processionis Verbum aftirmati vum
procedit a Filio, humiliterhactenus vitaverunt
ignorantes quidem rei verilatem, et caventes
vocis temeritatem. Verbum vero negalivum,
non procedit a Filio, etiam nunquam dixerunt
metuentes errorem, et fugientes offensionem
Scripturas, neutrum manifeste dicentis : Nisi
forte irritati, et aliquorum Latinorum hoc
temere affirmantium improbitate comnioti ;
qui in supercilio suo ad nos venientes, scien-
tiolam suam voluerunt ostendere, et conati
sunt faslu superbia; magnam Grœcorum sa-
pientiam opprimere, etc. »
11 paraît de là que ce n'avait été que la
jalousie et l'animosité entre ces deux grandes
nations, qui avait causé la plupart de leurs
mésintelligences. Aussi quand l'évèque An-
selme eut exposé notre créance avec la modes-
tie et l'humilité que demande toujours la cause
de la religion et de la piété, l'archevêque de
Nicomédie confessa que rien n'était plus catho-
94
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUINZIÈME.
lique, parce que rien n'était plus éloigné du
faste de ceux d'entre les Latins qui avaient
Jusqu'alors traité avec les Grecs: «Viileor niihi
invenisse honiineni Latinum vere calliolicum.
Utinani taies Latiui islis temporibus ad nos
venirent. IN'ani si aliqui veniunt, ambulant in
nia^qiisetin nuiabilibus super se, et nuutiuani
talia, nec latn catholica, nec tam humilia, sed
superba et intolerabilia nobis loquuntur. »
Enfin Tarcbevèquc grec, après avoir ouï
exposer notre créance avec la sagesse et la mo-
dération d'un théologien humble et égale-
ment éclairé dans les sentiments des Pères
anciens de l'une et de l'autre Eglise, ne put
s'emiiècher de reconnaître que les Grecs et les
Latins de son temps étant aussi attachés qu'ils
l'étaient aux Pères de leurs Eglises, étaient
sans doute dans les mêmes sentiments aussi
bien que ces Pères mêmes, quoiqu'ils ne s'ex-
primassent pas en mêmes termes : « Nechites
archiepiscopus Nicomediœ dixit : Satis videnmr
jam posse convenire, quia et nostri et vestri
doctoresnon inveniuntiu' usquequa(iue in hac
sententia discrepare; si tameu eorum scripta
recte intelligantur, qui vel apud nos, vel apud
vos de hac quœstione diligentius scripsisse
inveniunlur. »
Ce n'était pas moins la sagesse et l'humilité
d'Anselme qui avaient touché l'archevêque grec
(jue la force de ses raisonnements. L'archevê-
que même ne le dissimula pas : « Tuam iiumili-
talem, frater charissime, amplector, nequa-
(juam possum non conmioveri te lofjuente,
ass{!ntio etiam omnibus (|ua> dixisti, et accedo
loto auimo, et toto cor|)ore. » L'évêijue An-
selme passa de la dispute de la procession du
Saint-Esprit à celles qui regardent les autres
points contestés ; il s'étendit beaucoup sur ce
qui concerne le pajie et l'archevêque, demeura
d'accord de tous les points ([ui sont de (juelque
importance, témoignant même de désirer la
tenue d'un concile général, pour mettre l'uni-
formfté jus(|ue dans les moindres choses entre
les deux Eglises : « Quia vero non in niagnis,
sed in minimis ali(|ualenus discrepare vide-
mur, ([uœ licet sahitem animarum non impe-
diant, tamen charitatem non œdilicant; sum-
mo studio elahorandum esset ut concilium
générale lieret, etc. »
Le cardinal Ressarion, au tenais du concile
de Florence, entra dans la même conduite, et
fut animé du même esprit dune sainte adresse
de l'evêque Anselme, et consomma par ce
moyen lunion parfaite des deux Eglises, en
leur faisant voir qu'elles n'avaient jamais été
entièrement désunies. Otlion de Freisingen dit
qu'Anselme étant de retour reçut de l'empe-
reur l'archevêché de Ravenne et le gouverne-
ment de la même province, pour réconqtense
de son heureuse ambassade : « Laboris sui ma-
gnificam recompensationem a principe accepit
(L. 11. De gest. Frid., c. 20, 21). »
Xlll. iXous pourrions ajouter un autre point
important, savoir, que lors de nos croisades et
de nos conquêtes dans l'Orient, nous traitâmes
toujours les Eglises et les évêipies des Grecs
comme vraiment catholiques, et comme d'une
même créance et d'iuie même communion
avec nous. Les Grecs eurent alors les mêmes
sentiments de nos Croisés, et les regardèrent
dans les commencements connue leurs libéra-
teurs.
L'archevêque ou l'évèque de Dol , Baldéric,
dans son Histoire de Jérusalem ^L. ni), parlant
du siège et de la prise d' Antioche par nos Croisés,
dit que cette ville contenait trois cent quarante
églises, et avait un patriarche duquel relevaient
cent cinquante-trois évéques. Albert, chanoine
d'Aix, qui écrivit aussi l'histoire de nos croisa-
des (L. n), raconte connue l'empereur de Cons-
tantinopleadopta Godefroy de Bouillon pour son
fils, et Godefroy se déclara vassal de l'empe-
reur, en lui faisant hommage avec les princi-
paux seigneurs de l'armée. Ils n'en eussent j)as
usé de la sorte de part et d'autre, s'ils se fus-
sent considérés comme de diverse religion,
en une occasion sm-touf oi'i l'on allait combat-
tre pour la religion. Cet auteu r dit plus bas (L.v),
qu'api'ès que nous eûmes pris Antioche, nous
rétablîmes les Grecs et le patriarche grec même
dans leurs églises, comme étant catholiques.
« Cultores catholicos in excquendis ibidem
divinis mysteriis restituentes , in omni clero
tam Grœcorum, (juam Latinorum, patriar-
cham, quem Turci dum adhuc christianorum
ohsidionc circumdarentur, sœpius ad mœnia
funibussus|)enderant, decenter in cathedra sua
relocaverunt. »
Après la prise de Jérusalem, nos Croisés élu-
rent un nouveau patriarche, parce que, suivant
le même Albert, le patriarche grec était mort
pendant le siège, dans l'île de Chypre, où il
s'était retiré pour éviter les insultes des Turcs.
Au reste, jiendant toute la durée dusiége, ce
bon [)atriarche envoya à nos croisés toutes
sortes de présents, de fruits et de rafraîchisse-
DES PATRIARCHES GRECS EN GENERAL.
9r>
iiienls, L'spéniul du itiitrtii' (huis son siège
((iiaïKl la ville serait prise. « Speraiis sub iis-
ilem |)rinci|piljus Eeclesia i-eslaiirata paeifice
servire, aUiuc i)iu'esse (L. vi). » Mais il passa à
la Jérusalem céleste avant la lin du siège, et
DOiis mit dans la nèecssitè de rem[)Iir le trône
liatriarcal |)ar une nouvelle élection : « Sieciue
Eeclesia suc pastore viduataremansit. Quapro-
pter, etc. »
Guillaume de Tyr fait [)arler le patriarche
Siméou de Jérusalem à Pierre l'Ermite, ce gé-
néreux prêtre qui fut depuis le promoteur de
la première croisade, connue si lespérance des
chrétiens grecs de la Palestine n'eût été ap-
puyée que sur les armes et les prières des ca-
tholiques de l'Eglise latine. « Si vester vere Dei
cultor populus, prœsentibus fraterna pietate
compati vellet (L. i, c. M). » Ce patriarche
écrivit en même temps des lettres au pape et
aux princes de l'Occident, (lour les animer à
la guerre sainte, et il fut assez heureux pour
la leur persuader.
Le pape Urbain II, dans le concile de Cler-
mout, publiant la première croisade, exhorta
tous les fidèles à aller secourir leurs frères et
leurs propres membres, les fidèles Grecs de la
Palestine : « Ut fralribus vestris et cœlestis re-
gni cohœredibus, omnes enim sumus invicem
membra, qui in Hierosolymis et in finibus ejus
habitant, compatientes, etc. (Ibidem, c. xv). »
Le même Guillaume de Tyr parle du patriar-
che d'Antioche au temps que nous enlevâmes
cette ville aux intideles, comme d'un prélat
catholique, auquel il soumet vingt provinces,
liartagèes entre quatorzes métropolitains, et
deux primats ou exarques, qui avaient sous
leur juridiction les six autres provinces: « Vi-
ginti provincias in sua jurisdictione ejusdem
Ueo amabilis civitatis dicitur habere patriar-
clia, quarum quatuordecim singulos habent
metropolitas cum suis sufTraganeis ; sex vero
rcdiquaî sub duobus primatibus, qui vulgari
appellatione dicuntur catholici, quorum aller
est Aniensis. aller vero Hirinopolitanus, quiest
Baldacensis, cum eorum sutVraganeis dispo-
nuntur. Quœ omnes Oriens videlicet nuncu-
pantur, etc, (Ibid. L. iv, c. 9). »
Cet historien ajoute que le patriarche grec
avait beaucoui> soutlèrl delà part des infidèles,
pendant que nous assiégions Antioche, et avait
fait paraître la constance invincible d'un vrai
confesseur de J.-C. « Taïuiuam verus Christi
contessor (L. vi , c. 23). » Aussi dès le moment
que la \ille fut prise, nous le relablimes sur
son trône; et nous n'eûmes pas seulement la
pensée de créer un autre patriarche pendant
sa vie, juscju'a ce que lui-même, jugeaut deux
ans a|)rès, qu'étant Grec il n'était pas tout à
fait pidpre à gouverner les Latins, il se retira à
Couslauliiio|)le, et nous élûmes alors un pa-
triarche latin d'.\ntioehe. « In sede propria cum
multo lionoreeum locaverunt. Nostrie vero La-
tinitatis patriarcham, eoviventequi pridem ibi
ordinatus fuerat, eligere vel consecrare non
pnesumpserunt. Sed postmodum vix evoluto
bieunio videus ipse quod non satis uliliter iirœ-
esset Graicus Latinis, urbe cedensConstantino-
polim abiit. Postcujusdiscessum convenicntes
civitatis clerus et populus sibi pnrfecerunt pa-
triarcham (L. VI, c. -23). M
Il est manifeste, par ce récit, que les Grecs
et les Latins se considéraient alors comme les
enfants et les membres d'une même Eglise ca-
tholi(iue. Aussi lorsque nos armées approchè-
rentd'.\ntioche et de Jérusalem L. ii, c. 27), une
infinité de Grecs ou de Syriens furent assommés
parles infidèles, qui leur reprochaient de nous
avoir appelés à leur secours, a Multos occide-
runt, suspectes eos habeutes, quod Occidentales
princijjes litteris et nuntiis evocassent ^L. xxu,
c. 10). » Ce fut ce qui fit que la ville de Jéru-
salem se trouva si étrangement dépeuplée après
que nous l'eûmes conciuise , et ce qui obligea
le roi Baudouin d'y appeler des Syriens d'assez
loin pour la repeupler.
Ce n'est qu'après la mort de l'empereur Manuel
et sous la minorité de son fils et son successeur
Alexis, que Guillaume de Tyr confesse que les
Grecs, pour se venger de la préférence que les
Latins avaient toujours eue auprès de l'empe-
reur Manuel au-dessus d'eux, commencèrent
à nous traiter d'hérétiques à cause de la diver-
sité des cérémonies des deux Eglises : « Odio-
rum fomitem nûriistrante sacran)ent(5rum
inter nos et eos differentia. Arrogantes supra
modum et a Romana Eeclesia separati pér in-
solentiam, hœreticum omnem eum reputant,
qui eorum frivolas non sequitur traditiones. »
Mais ce ne fut qu'un renouvellement de mé-
sintelligence qui ne fut pas de longue durée,
comme il a déjà paru par le récit de ce qui se
passa sous le pontificat d'Innocent 111.
Nous [fourrions confirmer une partie de ce
que (iuillaume de Tyr vient de nous dire par
l'histoire de Jérusalem, écrite jiar Jacques de
Vitry. 11 y ajoute que le métropolitain latin de
96
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUINZIÈME.
Pétra ou de Crac, dans l'Arabie, a pour sullra-
gant l'évèque grec du Mont deSinaï, qui est en
même temps abbé du célèbre monastère de
Sainte-Catherine, où il réside (Cap. 56, 7-4). »
11 dit un peu plus bas que les Syriens et les
Grecs traitaient quelquefois les Latins comme
des excommunies; mais il montre clairement
que ce n'était qu'un effet de leur ignorance,
que les plus sages d'entre eux ne niaient point
que le Saint-Esprit procède aussi du Fils, quoi-
(|u'ils ne l'expriniasscnt point, parce que cela
ne se trouve point exiirimé dans leurs confes-
sions de foi : « Sicut omnes Latini Spirilum
sancfum a Filio procedere confitentur, ita (}ui
sapienfioressunt inter Grœcos camdemsenten-
tiam non negant, licet formam verborum non
recipiant, eo quod nusquam apud se talem
verborum formam reyieriant. »
Enfin ce prélat ne dit jamais que les Latins
missent les Grecs au rang des hérétiques, parce
que les Latins étaient assez éclairés poiir mettre
une différence entre les aversions réciproijues
des nations ou les diversités de la discipline, et
les points essentiels de la foi.
Arnold, alilié de Lubeck, parlant du pèleri-
nage du duc de Saxe dans la Terre sainte, et
de la dispute de ses ]irélats avec les Grecs à
Constantinople sur la procession du Saint-
Esprit, montr(^ rpTiis tinitèrent toujours les
Grecs en catli(ili(|ues : « i\unc erratis catholici
ctreligiosi viri (L. ni, c. ;>). »
XIV. Le même Otbon de Freisingen, qui a
jKU'u avoir ci-dessus des sentiments si nobles
du siège romain, et qui a cru que l'empire
temporel même n'avait été donné à la ville de
Itome (]ue iiour faciliter et pour mieux affer-
mir la primauté spirituelle du souverain pon-
tife de l'Eglise , dit ensuite que les villes qui
suivaient Rome de jikis près, et qui avaient
été les capitales de l'empire grec, Alexandrie
et Anlioche, eurent aussi des Eglises patriar-
cales dès les premiers siècles de la fondation
(l) Ceux qui voudront approfondir davantage tout ce qui concerne
les quatre grands patriarcats de rOrieot, leur histoire. la succession
chronologique de leurs prélats, trouveront dans le grand ouvrage des
BoUandistes l'histoire des patriarches de Jérusalem par le P. Pape-
broch, des patriarches d'Ale:ïandrie du P. Soller, de ceux d'An-
tioche par le P. Boscbi, et de ceux de Coostantirtople du P. Cuper.
Rcnaudot a également publié UiKtoria putriarchuTum Alexandri-
norum. Mais celui qui a traité cette matière avec le plus d'ampleur,
c'est sans contredit le savant dominicain Lequien. qui a publié VOrietis
l'hrisîianus in quatuor palriarchalus diyeslus^ en trois volumes
in-folio. Cet ouvrage, fait sur le modèle de la Gatlia Christiatta,
renferme toutes les Eglises orientales, sous les quatre grands patriar-
des Eglises ; Constantinople et Jérusalem en
curent plus 'ard, celle-là à cause du siège de
]'em|»ire, celle-ci à cause du sépulcre du Fils
de Dieu : « Unde liœ duœ civitates processu
temporis cum Ecclesia a priniitivis Patribus
secundum distributionem gentiiim ordinare-
tur, tantiuam post Romanam urbem dignissi-
m;e. ad instar i|isiiis urbis solœ patriarchales
sedes habere meruere. Constantinopolitana si-
quidem et Hierosolymitana postmodum cres-
cente Ecclesia, altéra ob imperii sedem, altéra
ob sanctum sepulcrum et antiquum illud ,
ac toti orbi venerabile Domini templum Pa-
triarchales sedes permissione Patrum sortitae
sunt. »
Ainsi cet auteur semble accorder, des trois
dignités patriarcales d'Alexandrie, d'Autioche
et de Constantinople, ce (jue nous ne pouvons
nier des primatiales et des métropolitaines;
(jue l'Eglise les a placées dans les plus puis-
santes villes de l'empire, ou des royaumes, ou
des provinces, atin de donner plus de facilité à
l'exercice de la juridiction s]>iriluelle, par cet
accommodement à la grandeur et aux commo-
dités tem])orelles des villes. Ainsi on aurait
moins de peine à deviner pourquoi l'Eglise
d'Alexandrie a eu la préséance avant celle
d'Antiocbe (1).
Nous ne doutons jias que l'épiscopat ne soit
d'institution divine ; et néanmoins l'Eglise a
sagement ordonné qu'on n'établît aucun siège
épiscojial (lue dans des villes considérables. La
foi nous apprend ([ue la primauté du chef visi-
ble de toute l'Eglise est de droit divin. La Pro-
vidence a néanmoins jugé à proi)OS d'établir
son trône dans la capitale du monde. A plus
forte raison nous jugerons que les autres digni-
tés des iiatriarches, des primats et des métro-
politains ont dû être placées dans les plus ini-
poi tantes villes de leur ressort, quoique leur
éminence soit toute sainte et tout ecclésias-
tique.
cats de Constantinople, d'Alexandrie, d'Antiocbe , de Jérusalem.
L'auteur y donne la dei^cription géographique de chaque diocèse. Il
rapporte l'origine et l'établissement des Eglises, leur étendue, leur
juridiction, leurs droits, leurs prérogatives, leurs prétentions, la
succession et la suite de leurs évéques, le gouvernement politique,
les changements qui y sont arrivés.
Nous répétons encore q»ie, dans la discipline actuelle de l'Eglise,
tout ce qui concerne les patriarches n'est plus que de l'histoire et
n'a plus d'application dans la réalité. Le schismatique patriarche de
Constantinople a seul conservé dans l'Orient la suprématie sur toute
l'Eglise grecque, frappée de stérilité depuis qu'elle est séparée du
tronc immortel dont la sève est à Rome. (Dr ANDRÉ.]
DES PATRIAKOIES (UiECS EN PAHTICIIJEH.
CHAPITRE SEIZIÈME.
DES PATRIARCHES GRECS EN PARTICULIER DEPLIS L AN MIL.
I. Le patriarche de Constantioople avait des monastères qui
relevaient immédiatement de lui dans tout l'Orieut.
II. Il était mailrc de l'électmn des abbés par la collusion des
moines qui en élisaient deux alin qu'il en choisit uu, ou qu'il en
diinnât un autre.
III. Il envoyait des légats a lalere avec les mêmes pouvoirs
ù proportion que ceuï du pape.
IV. Le concile IV de Latran, où les patriarches grecs assis-
tèrent, régla les droits des patriarches, tant pour les Grecs que
pour les Latins.
V. Le patriarche latin de Constantinople , après que nous
l'eûmes conquise , voulait marcher sur les pas du patriarche
grec.
VI. La vaste étendue du patriarcat d'Alexandrie , de l'Eglise
de Carihage, de celle de Thessalonique.
Vil. De l'Eglise d'Antioche.
VIII. L'état présent de ces Eglises.
IX. Les Grecs, les Melquites et les Syriens, sont les mêmes.
X. Combien tous ces patriarches sont disposés à leur parfaite
réunion avec l'Eglise romaine.
I. Un des plus considérables avantages du
patriarche de Constantinople sur les autres
patriarches d'Orient, était le pouvoir et l'inten-
dance qu'il avait sur plusieurs monastères ré-
pandus dans toute l'étendue de l'empire. La
colère de l'empereur Michel Paléologue con-
tre le patriarche Jean Yeccus éclata particu-
lièrement dans la Novelle qu'il publia pour
soumettre aux évéques diocésains tous les mo-
nastères qui se trouvaient dans leur ressort,
quoiqu'ils eussent été jusqu'alors dans la dé"
pendance du patriarche seul de Constantinople.
« Prodiit Novella imperatoris, ut quœ ubicum-
que loca vel monasteria patriarchœ uni sub-
jecta eatenus censebantur , ea deinceps epi-
scopis, quorum ilte propriœ diœceses essent,
jure ordinario subjacerent (Pachymeres, 1. vi,
c. 11). »
Les évèques avaient jus([u"alors soutlért avec
peine cette juridiction extraordinaire de l'évê-
que de Constantinople hors des bornes de son
diocèse : « Episcopos multos olïendebant istœ
in propriis diœcesibus exceptiones locorum
subtractorum ordinariœ ipsorum potestati, ac
patriarcbœ autorilati subjectoruin. » Ils ne
déguisaient plus leur véritable sentiment, que
le patriarche n'avait pas plus d'autorité dans
leurs diocèses qu'il leur en donnait dans le
sien, a Passim conteudebanl non plus juris
Th. — Tome I. . .
Constantinopolitano in aliénas diœceses, quam
cuiqueipsoruni inConstantinopolitanam esse. »
Mais cependant ils ne prenaient pas garde que
c'était anéantir ce titre magnifique d'œcumé-
nique, dont ilsflattaient leur patriarche. «Quod
qui dicebat, non iiitelligebat eripere se pa-
triarcha' titulum OEcumenici, quijipe quem
circumcluderet urbe Constantinopoli. » C'était
donc renfermer l'œcuménicat du patriarche
de Constantinople dans la seule ville et le
diocèse de Constantinople, au jugement de
Pacliymère, qui fait cette narration, que de lui
ôter l'autorité qu'il s'était donnée dans tous les
autres évéchés de l'empire oriental, en y fai-
sant dépendre immédiatement de lui un grand
nombre de monastères.
11. Comme ce n'était qu'une rencontre parti-
culière qui avait animé cet empereur contre
le patriarche et qui lui avait arraché des mains
cette déclaration, il y a aussi fort peu d'appa-
rence qu'elle ait été longtemps eu vigueur. 11
était bien plus ordinaire (|ue l'empereur s'in-
téressât pour l'augmentation du pouvoir et
des droits de son patriarche, parce qu'il y
avait lui-même beaucoup de jiart. En voici un
exemple, oi^i nous apprendrons le mal et le
remède tout ensemble.
Le pape Célestin condamne l'abus introduit
dans tiuel([ues chapitres ou dans quelques
monastères, ([ui au lieu de faire l'élection ca-
nonique d'un prélat, pour remplir leur Eglise
vacante , en nonunaient secrètement deux au
patriarche ou au prince , afin qu'il en choisît
un, ou qu'il en nommât un autre à son gré :
« Conventus duas personas nominal, latenter
auribus patriarchœ vel principis exprimendas,
ut sic alterius eligendœ, vel totius electionis
potius irritand;c, idem patriarcha vel princeps
plenariam habeat facultatem (C. Cum terra.
Extra, de Electione). » Où l'on peut remarquer
une secrète collusion des électeurs avec le pa-
triarche, à qui il appartenait de confirmer l'é-
lection, ou de nommer lui-même, si la personne
élue était incapable de remplir cette place, lis
08
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEIZIÈME.
élisaient des personnes indij,^nes et iasiifti-
santes, afin que l'autorité d'élire retombât entre
les main? du |)atriarche ou du prince, (jui ne
s'entendaient (jue trop dans ces conjonctures,
et dcminaient par ce moyen dans les élections.
III. Nous parlerons, dans un chapitre parti-
culier, des patriarches latins dans les Eglises
patriarcales de l'Orient; mais nous dirons icj
par avance qu'il se pourrait bien faire (jue
les usurpations exorbitantes du patriarche latin
de Constantinople , après que nous l'eûmes
conijuise, les usurpations, dis-je, que le pajic
Honoré III tâcha de réprimer, ne fussent que
les prééminences dont le patriarche grec de
Constantinople s'était mis depuis longtemps
en i)Ossession. On peut tout comprendre et
tout dire , en disant qu'il faisait le pape dans
l'Orient. Car il envoyait dans toute l'étendue
de son patriarcat des légats a latere , avec la
même plénitude de puissance que les légats
a latere du jiape.
Ces légats jugeaient toutes sortes de causes
en première instance, aussi bien que par appel,
excomrmmiaient les diocésains des autres é\è-
ques à leur insu , déliaient les excommuniés ,
exemptaient les évèques de la sujétion de leurs
méti'opolitains , ne souffraient point qu'on
appelât de leur sentence au Saint-Siège, absol-
vaient ceux qui avaient encouru l'excommuni-
cation par des violences sacrilèges contre la
personne des clercs ; enfin ils conféraient à leur
gré les bénéfices, sans se vouloir asservir aux
règles prescrites i)ar le concile de Latran (Rai-
nald. An. 1218, n. 2C, 27).
Voilà la fidèle énumération des usurpations
du j)atriarche latin de Constantinople, qu'il ne
pouvait colorer que du prétexte ap])arent
d'avoir succédé aux pouvoirs et aux usages du
siège de Constantinople, et que le pape au con-
traire lui d('c]are être autant d'attentats contre
les droits du Siège apostolique, ou autant d'en-
treprises sur les autres évèques.
IV. Le concile de Latran, sous le pape Inno-
cent 111 (Anno 12t">), donna bien au ]iatriarclie
de Constantino|)le un rang honorable avant
tous les auties patriarches, et voulut même
assurer t[nv cet ordre était ancien : « Aiiti-
qua patriarcalium sedium privilégia rénovan-
tes, etc., » mais il ne lui donna aucune auloriié
sur eux. Au contiaire, il rendit tous ces privi-
lèges connnuns à tous les patriarches, avec
ime parfaite égalité. Ces privilèges consistent, 1"
à recevoir le pallium immédiatement du Saint-
Siège, et lui faire en même temps serment de
fidélité et d'obéissance : « Praestito sibi fideli-
tatis et obedientiœ sacramento. » 2° A donner
ensuite le pallium à leurs sutfragants, en rece-
vant d'eux pour eux et pour le pape une pro-
fession canonique d'obéissance : « Et ipsi
suffraganeis suis pallium largianturrecipientes
pro se professionem canonicam, et pro Ecclesia
Romana sponsionem obedientiix; ab iisdem. »
3" A faire porter devant eux la croix partout,
excepté dans Rome, et dans les lieux où se
trouve présent le pape, ou un de ses légats a
latere. 4" A recevoir les appels dans tout le
ressort de leur patriarcat, sauf les appels au
Saint-Siège.
V. Le patriarche latin de Constantinople,
dont le pape Honoré III tâcha d'arrêter les
entreprises, était donc bien loin de son compte
de vouloir marcher sur les pas de l'ancien
patriarche grec , puisqu'au contraire le pape
Innocent III , dans le concile de Latran, avait
marqué des limites si étroites aux patriarches
grecs mêmes, les resserrant presque dans les
])riviléges des métropolitains ou des primats.
C'étaient effectivement les justes mesures que
l'antitiuité leur avaient prescrites. Les pa-
triarches grecs ayant assisté à ce concile de
Latran, on ne i)eut mettre en doute que l'in-
tention du concile ne fût de les comprendre
dans son décret.
Si les Grecs eussent pu briser leur orgueil,
et réduire leurs vastes prétentions à ce juste
tempérament, en s'assujettissant au pape et se
renfermant dans le sein de l'Eglise romaine,
ils eussent trouvé dans l'universalité de sa paix
et de sa communion plus de fermeté, plus de
liberté et plus d'étendue qu'ils n'en ont pu
rencontrer dans une petite partie du corps
qu'ils ont osé déchirer. C'est ce déplorable
dV'sordre que le concile de Latran tâcha de
|irévenir, c'est à quoi celui de Lyon et celui
de Florence tâchèrent de remédier, mais inutile-
ment.
Le moine Matthieu Dlastares, ([ui composa
en 1335 sa compilation alphabétique des canons
et (les lois, dit (]ue l'empereiu' et le patriarche
sont Icsdeux personnestjui soutiennent l'Eglise,
(juc le patriarche de Constantinople a été dé-
claré le iiremier des ]»atriarches orientaux par
les conciles , à cause du siège de l'empire ; et
que l'empereur renvoie au patriarche de Cons-
tantinople le jugement de toutes les causes qui
lui sont rapportées de tous les autres patriar-
DES PATRIARCHES GRECS EN PARTICILIER.
90
cats : « l'iide imperatorum sanctiones , lites
in aliis sedibus si qiiro oriantiir, ad iiiijiisce
sedis cofjnitionem et jiuiicium rd'erri julu'ut.»
Il ajoute à cela les autres pouvoirs dont jouis-
sait le patriarche de Constantinople, après que
les Grecs eurent repris cette ville sur nous, et
dont il jouissait même dans les autres patriar-
cats de l'Orient. « Prfesuli vero Constantino-
politano licet etiam in aiiornni flironorum di-
strictu stauroi)egia lar^'iri ubi necduin sunt
templa dedicata ; et lites quse in aliis provin-
ciis movenlur, observare et moderari, et penitus
determinare. Ipse pariter et pœnitentise atque
conversionis a delictis, ac hœresibus. et quideni
solus constituitur exactor et explorator. » C'est-
à-dire qu'on lui réservait et la concession des
indulgences , et l'absolution des plus grands
crimes , surtout de l'hérésie , et le pouvoir de
donner des privilèges aux réguliers, et le juge-
ment des grandes causes. Toute cette imitation
des privilèges du Saint-Siège n'était fondée que
sur la faveur des empereurs, que les Grecs
mettaient , comme Blastares même le con-
fesse en plusieurs endroits, au-dessus des con-
ciles.
C'est ici le lieu propre pour dire un mot de
l'archevêque, ou de l'exarque deThessalonique.
Il s'y établit un petit royaume lorsque les La-
tinseurent pris Constantinople au temps du pape
Innocent 111. Ce pape écrivit une lettre fort sa-
vante à l'arcbevêque latin de Thessalonique ,
où, après avoir exposé la grande étendue des
anciens pouvoirs des archevêques de Thessalo-
nique, au temps qu'ils étaient légats-nés et vi-
caires perpétuels du Siège apostolique, et qu'ils
avaient rang dans les conciles après les quatre
patriarches, il confirma ou renouvela cette an-
cienne légation du Saint-Siège.
Ce pape nous apprend dans cette même let-
tre quel jugement il faut faire des dissensions
précédentes entre les Eglises orientales et le
Saint-Siège. Il ne dit pas qu'elles fussent sépa-
rées de la communion ou de la foi du Siège
apostolique , mais seulement de la dévotion
qu'elles devaient avoir pour lui, et de la fami-
liarité qu'elles devaient entretenir avec les
papes : ajoutant (ju'enfin, par la prise de Cons-
tantinople , elles étaient revenues à leur an-
cienne dévotion pour le Saint-Siège. « Etsi
pra'fata Thessalonicensis Ecclesia a devotione
ac familiaritate Sedis apostolicœ se subduxerit
per schisma illud diutinum, quo Ecclesia Grae-
corum a via veritatis ad erroris invium decli-
navit;(|uia (amen hoc tempore per Dei grafiam
ad devotioneiu iiristinani est reversa: et ipsam
in eadem, te studiosius opérante , credinms
permansuram i Regesto. xv,e|)ist. xvin). »
Cette bonne intelligence ainsi renouvelée
duia autant de temps cpie Constantinople,
Thessalonique et la Grèce demeurèrent dans
l'obéissance des princes latins. Si ce pape parle
de schisme, d'égarement et d'erreur, c'est
parce que ces longues mésintelligences se ter-
minent enfin à des malheurs semblables et en
sont déjà les commencements et comme les
avant-coureurs, .\ussi ce pape n'a pas toujours
parlé du schisme des Grecs avec la même mo-
dération (Regest. XVI, epist. cv).
Enfin ce pape renouvela l'ancienne primatie
de Trinone dans le royaume des Bulgares
Gesta Innoc. ui. pag. oi . ayant fait établir
par son légat deux métro|ioles nouvelles dans
ce royaume, et les ayant soumises au primat ,
à qui il envoya une mitre, un anneau et le
pallium , et en reçut le serment de fidélité et
d'obéissance. Nous reprendrons au chapi-
tre xviii l'origine et le progrès de l'exarchat
de Thessalonique.
VI. Je passe au patriarche d'Alexandrie, au-
quel il semble que le concile de Nicée n'ait
assujetti que l'Egypte, la Libye et la Pentapole
(Can. VI) : mais c'est apparemment que c'é-
taient alors les seules provinces qui eussent
été éclairées des rayons de la foi dans son voi-
sinage. Les canons arabiques de ce concile, qui
ont été grossis de plusieurs additions dans les
siècles postérieurs , et les relations de ces der-
niers temps, nous apprennent «pie les vastes
contrées des Ethiopiens et toutes les Eglises
qui y ont été répandues en grand nombre ont
autrefois relevé de ce patriarche.
L'itinéraire éthiopique d'Alvarès nous ensei-
gne (pie l'abuna des Abyssins, (c'est le nom qu'ils
doiment à leur primat ou patriarche^ devait
être confirmé et ordonné par l'évêque d'Alexan-
drie ^Cap. xcviiii. 11 ajoute que deux empereurs
d'Ethiopie s'étant résolus de ne point recevoir
d'abuna qui ne fût confirmé par le pape, sans
avoir recours au patriarche d'Alexandrie ,
lise ])assa vingt -trois ans sans que le siège
de l'abunat pût être rempli. Et comme c'est
lui seul qui ordonne des clercs dans tout ce
grand empire, les Eglises se trouvèrent pour
la plupart destituées de pasteurs. L'empereur
fut donc obligé de changer de résolution et de
demander un abuna au patriarche d'Alexan-
V-
100
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEIZIÈME.
(Irie, qui en eriToya deux, à condition que
l'un succéderait à l'autre. Alvarès assure les
avoir vus tous deux (Morin. Exer. Eccl. l.i,c. 5).
Il faut néanmoins confesser que les six pro-
vinces d'Afrique, qui relevaient de Carthage, ne
reconnurent jamais le patriarche d'Alexandrie.
Comme elles étaient beaucoup plus proches de
Romeque d'Alexandrie, et que la langueromaine
yétaitenusageàcausedecevoisinageetdcsfré-
(juentes colonies romaines, et qu'elles n'avaient
jamais été sounu'ses h l'empire des Grecs, d'où
vient que la langue grecque y était inconnue,
l'Evangile ne put y être annoncé que par les
pasteurs envoyés de Rome. Le pape Innocent 1"
en fait foi dans une de ses lettres. Il s'ensuit
de là que ces six provinces relevèrent du pa-
triarche de Rome plutôt que de celui d'Alexan-
drie.
L'archevêque de Carthage semble bien y
avoir eu beaucoup de crédit, mais ce ne peut
avoir été qu'en qualité de primat ou d'exarque,
et non pas de patriarche , puisque toute l'anti-
quité lui a refusé ce titre.
Cette (pialité même de jirimat lui fut dispu-
tée peu avant l'an \*).>'A par l'évêque de Gommi.
Il en porta ses plaintes au pape Léon IX en
cette année, et ce pape écrivit quelques lettres
en Afri(iue pour maintenir cet archevêque dans
son ancienne dignité, quoique la ville de Car-
thage fût alors ruinée, sm- quoi l'évêque de
Gonnui fondait ses prétentions. Ce ]>ape y dé-
plore le malheur de l'Eglise de Carthage, ipii
avait eu autrefois plus de deux cents évêfjues
dans sa dépendance et qui n'en avait plus alors
quccinq : encore ne lui étaient-ils guère soumis.
Ces lettres du pape Léon IX sont rapportées
par Haronius en 10r»3 (Num. 4.1, i2). Il en rap-
porte d'autres du pape Grégoire Vil en l'an
1073 (Num. 64, Ori) adressées au clergé et au
peuple de Carthage , qui avaient accusé leur
projjre archevêque Cyria(pie devant le prince
des Arabes, et l'avaient exposé a une cruelle
persécution. Ce pape écrivit d'autres lettres à
l'archevêque même |)our louer et pour alfermir
encore davantage son courage et sa vertu dans
une conjoncture si fâcheuse. • ' .'
Ceux d'Hippone ayant élu pour leur arche-
vè(iue un nonnué Servandus, ils l'envoyèrent
aupape GrégoireVII en107(J pour être consacré
à Rome. Le roi des Arabes, qui commandait
dans la province de Silili , envoya en même
temps à ce pape des lettres et des présents. Ce
qui montre ([u'il ne mettait point d'obstacle
à la liberté des Eglises de son Etat. Mais le long
silence des siècles suivants ne nous montre (lue
trop clairement l'entière désolation de cette
Eglise (Num. 71, 72).
VII. Le patriarche d'Antioche semblait aussi
n'avoir d'abord étendu son autorité que sur les
quinze petites provinces qiii composaient l'O-
rient proitrement dit, et qui environnaient de
plus près Antioche. Mais il est difficile de ne
]tas reconnaître que dans les siècles suivants le
reste de l'Asie était aussi en (pjelque façon dans
sa dépendance.
Les paroles de saint Jérôme le témoignent
assez clairement : « .\d Alexandrinum episco-
pum Palestina quid pertinet? Ni fallor, hoc in
Nicsenis canonibus decernitur, ut PalestinsB
metropolis Ctcsareasit, et totius Orientis An-
tiochia. »
Antioche était effectivement la capitale de
toute l'Asie, et non pas seulement du pays où
élnient les cpiinze petites provinces de l'Orient.
Elle avait été longtemps le séjour de l'empire
grec en Asie, comme Alexandrie l'était dans
l'Afrique. On sait que la police ecclésiastique,
([uant au partage des juridictions, s'accommoda
aux dispositions civiles ; à quoi il faut ajouter
(pie ce furent vraisemblablement les patriar-
ches d'Alexandrie etd'.Vntiochequi envoyèrent
des prédicateurs et qui communiquèrent les
célestes lumières de l'Evangile aux contrées
les plus éloignées de l'Afrique et de l'Asie.
Ainsi ils conservèrent avec justice une inten-
dance et une juridiction pastorales sur toutes
ces conquêtes.
En voici encore ime preuve conAaincante,
tirée des canons arabi(iues (Can. xxxin, xxxiv,
xxxv), qui font dépendre le catholique, c'est-à-
dire le ])rimat de Séleucie, aussi itien que tous
les archevêques qui relèvent de lui du patriar-
che d'Antioche. Jacques de Vitryen fait dépen-
dre le catholique de Bagdad (Hist. Orient.,
c. 32), qui est ap|taremment le même que
celui de Séleucie, et le catholique de Perse ou
de Romagyre , qui est aussi fort probable-
ment celui des Arméniens. Ces deux catholiques
ou primats dominent sur un grand nombre
d'archevêques et d'évêques , dont les Eglises
sont réiiandues par toute l'Asie et au delà du
Gange même. Il faut donc confesser qu'au
moins depuis le temps des canons arabiques,
c'est-à-dire dejiuis huit ou neuf cents ans, le
patriarche d'Antioche a été respecté comme le
chef de toutes les Eglises de l'Asie, consi-
DES PATRIARCHES GRECS EN PARTICILIER.
Kil
dérée dans la sijinilication la plus étendue.
Vlll. Quant a l'étal jiréseut de ces Eglises.
Léo AUatius nous a[)|irend (De perpet. consens.
1. 1, c. 2i , sur la foi d'un auteur grec nommé
Nilus Doxopatrius, que dans le onzième siècle
le jiatriarche de Constantino|ile dominait en-
core sur soixante -cinq métropolitains et sur
plus de six cents évêques , outre trente-quatre
archevêques indépendants du métropolitain, et
eux-mêmes aussi sans sullragauts.
Ce patriarche se vantait alors, selon cet au-
teur, de la primatie de saint André qui avait
été le premier appelé à lapostolat et avait été
le premier évéque de Constantinople. 11 domi-
nait ensuite sur toutes les Eglises (|ue l'empereur
de Constantinople avait prises ou retenues de-
puis l'érection de l'empire français dans l'Occi-
dent, ou la désolation de l'Orient par les Sarra-
sins. Mais depuis, les papes d'une part, avec le
secours des Français, ayant recouvré leur ju-
ridiction sur la Calabre et sur la Sicile , que
les évêques de Constantinople avaient usurpée,
et les nations barbares ayant continué de déso-
ler une partie des villes et Eglises de l'Orient ,
ce patriarche n'a plus sous sa puissance qu'en-
viron cent cinquante évêques, sur lesquels
trente-cinq de métropolitains, selon Christo-
phorus Angélus , auteur grec assez nouveau ,
traduit en latin par George Flavius, lutliérien .
et imprimé à l'nmciort eu tO-'id. Les evèches
de son obéissance sont répandus dans l'Asie
Mineure, les îles de l'Archipel, la Tlirace, la
Grèce, la Valachie, la Moldavie, la Servie, la
Mingrélie et la Circassie.
Le patriarche d'.\lexaudrie réside maintenant
au Grand-Caire, celui d Antioche à Damas, celui
de Jérusalem réside dans Jérusalem même. Les
chapitres suivants montreront combien leur
juridiction est raccourcie par un grand nombre
de patriarcats qui se sont élevés, et qui ont
vengé leur révolte contre le chef de l'Eglise et
le centre de l'unité par une semblable révolte
contre eux.
IX. Les Eutychieus, dont nous parlerons dans
le chapitre xxiv, donnèrent le nom de Melchi-
tes, c'est-à-dire im|)érialistes, aux sectateurs du
concile de Calcédoine, comme si la seule auto-
rité de l'empereur Marcien les eût arrêtés dans
la foi du concile de Calcédoine. Ce sont les
chrétiens grecs des j)alriarcats d'Antioche, de
Jérusalem et d'Alexandrie, à qui ce nom est
demeuré. Quoique quelt|ues-uns distinguent les
Syriens des Melchites, il est néanmoins bien
])lus probable que c'étaient les mêmes , et
qu'ainsi les Grecs, les Melchites et les Syriens
étaient les mêmes, distingués par divers noms
en divers royaumes. Jacques de Vitry ne laisse
pas lieu d'en douter, il est néanmoins depuis
arrivé qu'on a donné le nom de Syriens aux
Jacobites de Syrie , et c'est l'usage présent
(Cap. Lxxiv .
X. Au reste, quoique ces patriarches grecs
nous paraissent tlaiis un grand éloignement de
l'Eglise romaine, il est certain néanmoins qu'ils
s'en approchent quelquefois de fort près, et
que si la tyrannique domination du Turc n'em-
pêchait leur réunion avec le pape , nous pour-
rions espérer la consommation d'une paix dont
on n'a encore vu que des essais. L'an 158-2 , le
patriarche Jerémie de Constantinople, après
avoir condamné tout ce que les hérétiques
derniers avaient insolemment innové contre
la foi de FEglise , accepta la réformation du
calendrier Spondan. An. 158-2, n. 18i. faite
par le pape Grégoire Xlll. et promit de la faire
accepter aux Ruthéniens et aiLX Grecs. Le Grand
Seigneur entra en jalousie de sa trop bonne
intelligence avec le pape ; et il l'eût lait mou-
rir , si l'intervention de l'ambassadeur de
France, sollicité [lar le pajie, n'eût fait changer
la peine de mort en un exil. Le pape était ré-
solu de faire ce patriarche cardinal, s'il eût i)U
l'avoir en sa disposition.
Cyrille Lucar, calviniste, s'étant élevé par son
adresse au patriarcat d'Alexandrie (lG2"i,puis à
celui de Constantinople.il y publia une confes-
sion de foi conforme aux erreurs des calvinistes.
Les Grecs le déposèrent et élurent après lui
Cyrille de Béroée, qui assembla un concile, où
se trouvèrent les patriarches d'Alexandrie et de
Jérusalem, avec vingt-trois évêques d'Orient.
Ce concile anathematisa la confession calvi-
nienne de Cyrille Lucar. Ce qui a fait dire aux
calvinistes que Cyrille de Béroée. patriarche
de Coustautinople, était uni avec lEghse ro-
maine. : XM!
=^
103
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.
&
DES TROIS EXARQIES d'ÉPHÈSE , d'HÉRACLÉE ET DE CÉSARÉE , PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Si ces trois exarques étaient déjà connus au temps du
concile de Nicée. Si ce fut celui de Conslanlinople qui institua
les patriarcats.
II. Quelles étaient les provinces de ces trois exarchats :
Leur autorité prit son établissement ou son affermissement
entre le concile d'AnliOflie, et celui de Conslanlinople.
III. Quand on commença à parler de diocèses civils. Com-
ment insensiblement le mélropolitain de la capitale d'un dio-
cèse civil, devint l'exarque et le supérieur des autres métropo-
litains.
IV. Raisons particulières pour l'exarchat d'Ephèse.
V. tt pour celui de Césarée en Cappadoce.
VI. Déroute de ces trois exarques dans le concile de Calcé-
doine. Rélablissement et seconde déroute de celui d'Ephèse.
Ils ne conservèrent depuis que le rang et le titre.
1. Le canon du concile de Nicée, qui parle
nommément des trois grands métropolitains
ou archevêques de l'Eglise, qu'on appela de-
puis i)atriarches , ne dit rien expressément de
ces trois dont nous traitons dans ce chapitre ;
mais il pourrait bien, sans les nommer, les
avoir insinués dans ces paroles : « Similiter,
iw^',„K , aptid Antiochiam et ca'teras iirovincias
privilégia ser\entur Ecclesiis, xi ^pEafiti*. » Ce
qui semble dire qu'il y avait d'autres prélats
qui avaient aussi bien que celui d'Antioche
plusieurs provinces sous leur juridiction.
Mais il faut avouer que ce n'est qu'une con-
jecture.
Le concile 1" de Constantinople nomma ex-
pressément ces trois exarques après ceux d'A-
lexandrie et d'Antioclie, mais ce ne fut que
pour empêcher qu'ils n'étendissent leur juridic-
tion au delà des bornes de leurs diocèses, dont
chacune contenait plusieurs provinces. II ne pa-
raît donc pas clairement ([ue ce concile ait ins-
titué ces trois exarchats : au contraire il est vrai-
semblable qu'il les a seulement confirmés.
Socrate s'est trom])é ([uand il a dit que les
patriarcats furent institués dans ce concile
(Socrat. 1. V, c. «). Son erreur est venue de ce
([ue remi)erein- Théodose concertant avec le
concile les moyens les plus efficaces de réta-
blir la paix et la jun-eté de la foi et de la
conmimiidii callioliiiue dans l'empire oriental,
il désigna (|U(l(|iies évêcpies d'une doctrine et
d'iuie saiulclé éprouvée pour être les chefs de
la coiumunion catholique, en sorte que les
évêiiucs ne pussent plus passer pour calholi-
(jucs s'ils n'étaient admis à la communion de
ceux qu'on avait désignés dans chacun des
cinq exarchats, ou des cinq grands diocèses
qui composaient l'empire d'Orient.
Sozomènc l'a expliqué de la sorte (Sozom.
1. vu, c. 7), et il l'a mieux pris que Socrate,
comme il paraît par la loi même que le grand
Théodose publia sur ce sujet et qu'on lit encore
dans son code (Cod. Théod. de FideCathol.,
1. ni). On pourrait excuser Socrate, en disant
qu'il a seulement prétendu qu'on distingua les
ressorts des cinq patriarches en termes plus
clairs et plus formels qu'on n'avait encore
jamais fait , qu'on nomma les grands diocèses
de suite, et qu'on enjoignit aux exarques d'y
renfermer tout l'exercice de leur juridiction.
II. Dans la notice de l'empire, le diocèse
d'Asie contenait dix provinces , l'exarchat
ecclésiastique en contenait onze. Le diocèse
ponli(pie en contenait aussi dix dans le gouver-
nement civil , l'exarque de l'Eglise en avait
onze. Cela venait des divers changements qui
se faisaient dans la police civile, et qui n'étaient
pas toujours imités dans la disposition ecclé-
siastique. Le diocèse de Thrace en comprenait
six. Théodore! nous a assuré ci-dessus de ce
nombre. Les exarques résidaient à Ephèse, à
Césarée en Cappadoce , et à Héraclée , qui
étaient les capitales civiles de ces diocèses, et où
les gouverneurs par conséquent faisaient leur
résidence.
Nous avons déjà reitiarqué ci-devant que les
canons du concile d'Antioche semblent faire
connaître <]ue la police des diocèses et des
exarques n'était pas encore établie dans les ju-
gements ecclésiastiques, puisque ce concile ne
donne point d'autre recours qu'aux évêques
voisins, (piand une affaire importante ne pourra
se terminer dans le concile de chaque [)rovince.
C'est donc ce qu'il y a de plus probable , que
lautorité de ces trois exarques dont nous par-
lons ne fut étaljie, ou au moins qu'elle ne fut
DES EXARQUES DÉPHÈSE, D HÉKACLEE ET DE CÉSARÉE.
103
bien afTerniie que dans l'intervalle qui s'écoula
entre le concile li'Antioche et celui 'le Constan-
tinople. C'est ce qui pourrait encore servir à
excuser Socrate , puisque le concile de Cons-
tantinople a été etlectivenient le premier de
tous les conciles où le rang et l'empire de ces
trois petits patriarches soit autiientiquement
reconnu et affermi. Car on ne peut l'excuser
d'avoir confondu la désignation des chefs de la
communion catholique avec celle des patriar-
ches.
III. On avait commencé à parler des diocèses
civils dès l'empire de Constantin. Cet empereur
nomme lui-même les diocèses de Pont et d'Asie
dans une lettre qu'il écrivit aux Eglises après
le concile de Nicée, chez Eusèhe et Théodoret
(Eusebius, de vitaConst. 1. lu, c. 18). Le grand
Théodose en fait aussi mention, et y ajoute
aussi la Thrace chez le même Théodore! (Theo-
doret. lib. i. c. 20). Cicéron même, longtemps
auparavant, avait fait mention des diocèses de
ce pays. Voici comme il en parle : « Cum ergo
iter ita fecerim, ut me omnium illarum diœ-
cesium quae cis Taurum sunt, omnium civi-
talum earum magistratus legalionesque conve-
niunt Cicero Epistol. fam. lib. i, epist. vui). »
Cet auteur dit dans un autre endroit : « Si (piid
habebit cum aliquo Hellespontio controverfiœ,
ut in illam .ïr.UT.awrejicias i^Lib. xui, epist. lui .»
11 finit enfin par ces termes : « Ex provincia
mea Ciliciensi, cui scisTâ; Sioxr.aEi; Asiaticas esse
aitribulas iLib. xui , epist. lxvu). » 11 y avait
donc du temps de Cicéron des diocèses dans
l'Asie, mais il n'en marque pas le nombre. Au
surplus une preuve qu'ils étaient petits, c'est
que l'on en attribue trois à la province seule
de Cilicie.
Aussi on pert croire avec quelque vraisem-
blance que dès le temps de Constantin les dio-
cèses civils étant établis, les métropohtains de
la capitale de chaque diocèse commencèrent
aussi il être plus considérés que les autres.
Leurs Eglises étaient plus grandes et plus puis-
santes à proportion des villes ; les aflaires ci-
viles y attiraient les évêciues et les métropoli-
tains de tout le diocèse; ils y étaient soutenus
et protégés par les métropolitains du lieu, et
cette protection était comme un doux engage-
ment à les lui assujettir. Les conciles s y te-
naient plus souvent; les métropolitains elles
évèques de tout le diocèse qui s'y rencon-
traient pour leurs affaires particulières assis-
Uiient à ces conciles, et saccoulumaieut iuseu-
siiilement à composer un concile diocésain ou
national, dont le niétro|iolitain de la ville ca-
pitale était le président-né.
Voilà une partie des occasions et des cir-
constances ([ui élevaient insensiblement C(!
métropolitain de la capitale de tout un diocèse
à la dignité d'exarque par les intérêts propres
de ceux qui s'assujettissaient à lui. Depuis
leinpire de Constantin, qu'on commença a
parler de diocèses civils, jusqu'au temps du
concile d'Antioche, la chose n'avait pu en-
core mûrir ; elle se trouva dans sa parfaite
maturité au temps du concile I" de Constanti-
nople.
IV. Outre ces raisons générales, les villes
(rE[ihèse, de Césaréeetd'Héraclée, avaient en-
core quelques avantages particuliers qui leur
donnaient de la considération. Eusèbe dit t|ue
l'Asie était échue à saint Jean, apôtre, qu'il y
avait fait un fort long séjour, et (ju'il était
mort à Ephèse. « Joanni Asiaobvenit, qui jilu-
rinuun lemporis in ea commoratus, Ephesi
tandem diem obiit (L. ni, c. 1, i). » Il dit que
l'illustre disciple de saint Paul, Timothée, en
fut le premier évèque. « Timotlieus Ephesinœ
Ecclesiœ episcopatuni, primus accepisse dici-
tur. » 11 cite saint Irénée, évèciue de Lyon,
qui assure que l'Eglise d'Ephèse ayant été
fondée par saint Paul et gouvernée par saint
Jean jusqu'au temps de Trajan, pouvait être
un irréprochable témoin des traditions aposto-
liques, a Sed et Ephesina Ecclesia, qute a
Paulo quidem fundata est, Joanuem vero us-
que ad Trajani tempora habuit pra'sidentem,
testis locupletissima est apostolica; traditio-
nis (Cap. xxui). »
Le concile d'Ephèse tira avantage du long
séjour de la divine mère du Sauveur et de
saint Jean dans cette ville lAct. i. in Epist. ad
Cler. Constantin.). Saint Chrysostome dit ijue
saint Paul confia presque toute l'Asie à Timo-
thée, quand il le fit évèque d'Ephèse. « Ephe-
sina Ecclesia crédita fuit Timotheo. imo gens
fere tota Asiatica ^In epist. i. ad Timot, Eu-
sèbe I. V. epist. .31). » Eusèbe raconte comment
Polycrate , évèque d'E|)hèse , présidait les
évêques d'Asie au temps du pape Victor, selon
les ordres duquel il assembla un concile pour
terminer la question de la Pàque. Il n'en faut
pas davantage pour faire voir que l'exarcliat
de cette Eglise ne fut pas fondé sur des consi-
dérations iiurement humaines.
V. Il ne nous est pas resté de si éclatants
104
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-HUITIÈME.
vestiges de l'excellence des deux autres Eglises
de Césarée en Cappadoce, et dHéraclée en
Thrace. La longue et violente résistance que
Firniilicn, évèque de Césarée en Cajjpadoce,
fit au pape Etienne, et la grande suite d'évê-
ques qu'il avait attirés à son sentiment de la
rebaptisation des hérétiques, est une fâcheuse
preuve du grand crédit quil avait dans les
provinces voisines. Ce n'en est peut-être pas
une moins forte que le roi et le royaume
d'Arménie s'étant convertis à la religion chré-
tienne, Grégoire, leur évèque, fut envoyé à
Léonce, évèque de Césarée, afln qu'il l'ordon-
nât, et ce célèbre ajjôtre des Arméniens com-
manda à tous ses successeurs de se faire or-
donner par les successeurs de celui de qui il
tenait lui-même l'épiscopat (Baron. An. 311.
n. 24).
Si les monuments de la fondation des Egli-
ses nous avaient été conservés, nous y trou-
verions vraisemblablement des marques aussi
illustres de l'éminence de l'Eglise d'Héraclée,
et on dirait peut-être du fondateur de cette
Eglise, qu'il aurait été le père de toutes les
Eglises des provinces voisines, comme saint
Jérôme dit de saint Jean, qu'il avait fondé et
gouverné toutes les Eglises d'Asie, « Totas
Asi;p fiuidavit rexitque Ecclesias (De script.
Eccles.). »
VI. Je ne répéterai pas ici ce qui a été dit
ci-dessus des combats que l'archevêque de
Constanlinopli- donna à ces trois exarques, et
de la victoire (piil remporta enfin sur eux
dans le concile de Calcédoine, les faisant en
quelque manière consentir à leur propre
extinction. Ces exarques se contentèrent de-
puis delà qualité d'exarque de diocèse, qu'ils
ajoutaient toujours à celle de métropolitain
dans leurs souscriptions à la fin des conciles,
où ils avaient aussi une place honorable
après les cinq grands patriarches. Mais c'était
tout : car il ne parait aucun vestige certain
qu'il leur soit demeuré quelques restes de ju-
ridiction.
Justinien nomme quelquefois les cinq pa-
triarches, mais il ne met jamais en rang ces
trois exarques. Il adresse ses lois aux grands
patriarches, et leur ordonne de les communi-
quer à leurs métropolitains. 11 ne met au-des-
sus des évèques que les métropolitains, et au-
dessus des métropolitains les grands patriar-
ches. Enfin dans tout le corps de ses Novelles
on découvre partout des marques de cette
entière suiipression. Nous avons dit que le
patriarcat d'Ephèse fut comme ressuscité pour
un moment, par l'éditdu tyran Basilisque, mais
que Zenon le replongea dans l'oubli et dans
le silence par ledit qui rétablit l'archevêque
de Constant! nople dans la possession de ses
premiers privilèges. (Evagr. 1. in, c. G.) Ainsi
ces trois exarchats commencèrent bien tard,
finirent bientôt, remplirent à peine un siècle,
et pendant qu'ils subsistèrent avec le plus de
gloire, c'est-a-dire, depuis le concile de Cons-
tantinople jusqu'à celui de Calcédoine, ils fu-
rent si souvent attaqués et ébranlés par l'ar-
chevêque de Constantinople, qu'il leur fut
enfin en (juebiue manière plus avantageux de
céder à la nécessité, et de se soumettre à une
puissance à laquelle ils ne pouvaient p!us ré-
sister.
CHAPITRE DIX-HUITIÈME.
DES EXARQUES OU PRIMATS DE CHYPRE ET DE THESSALONIQIE . PE>DA>T LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
1. L'ile de Chypre était du diocèse d'Orient. Les évêques de
Chypre se rendent indépendants des exarques d'Antiochc, à
cause de l'arianisme et du long schisme d'Antioche. Le schisme
fini, l'exarque d'Antioche les redemande, et Innocent I" les lui
adjuge.
IL Le Concile 1" d'Ephèse confirme leur indépendance.
III. Diverses réflexions sur ces résolutions contraires.
IV. L'indépendance de Chypre attaquée par Pierre le Foulon,
et miraculeusement soutenue.
• V. Le métropolitain de Ch\-pre était donc un exarque on
primai d'un ordre inférieur, comme ne relevant d'aucun exarque.
VI. L'exarque de Thessalonique dominait dans le diocèse de
l'Illyrique orientale, comme vicaire du pape.
vil. Les commencements et les progrès de cet exarchat ou
vicariat apostolique.
VIII. Pourquoi le patriarche d'Occident nommait nn vicaire
apostolique dans un diocèse de l'empire oriental.
I.\. Pouvoirs et prééminences de l'archevêque de Thessalo-
nique. Sa décadence.
y
DES EXARQUES DE CHYPRE ET DE THESSALONIQUE.
105
I. Ce chapitre fera voir avec combien de jus-
tice nous mettons au nombre des exanjucs les
métropolitains de Chypre et de Tliessaloniiine.
Et pour commencer par celui ([ui a plus de
rapport aux patriarciies orientaux, dont nous
venoiisde parler, le métropolitain de ConsUmtia.
dans l'île de Chypre, eut de lon^^s démêlés avec
le patriarche d'Antioche, duquel il prétendait
être indépendant, se faisant ordonner par les
évêques de son île, et les ordonnant aussi sans
aucune participation de l'évèque d'Antioche.
Alexandre, archevè<iue d'Antioche, s'en plai-
gnit au pape Innocent 1" : «CypriosolimArian»
impietatis polentia fatigatos , non retulisse
Nicaenos canones in ordinandis sihi einscopis,
et usque adhuc habere praesumptum , ut suo
arbitratu ordinent. » Selon ces paroles, la cause
ou le prétexte de l'indépendance prétendue jtar
le métropolitain et les évèquesde Chypre, était
la longue domination des ariens dans l'Eglise
d'Antioche , qui avait été suivie d'un schisme
de quarante-huit ans. jiendant lesciuels il y
avait deux ou trois évêques dans cette Eglise,
entre lesquels l'Orient et l'Occident s'étaient
partagés, l'Orient communiquant avec l'mi, et
l'Occident avec l'autre de ces évêques. Pendant
ce temps-là, l'Eglise de Chypre prit le parti de
la neutralité qui lui parut le ])kis sûr, et pré-
tendit ensuite avoir protestécontre son ancienne
dépendancederarchevè(iue d'Antioche. Alexan-
dre, archevêque d'Antioche, ayant mis fin à
cette longue division , et ayant réuni en sa per-
sonne l'amitié et la communion de l'Orient et
de l'Occident, se plaignit au pape Innocent 1"
de la révolte des évêques de Chypre contre
l'autorité de son siège. Le pape, dans sa réponse,
condamna ces évêques à rentrer dans l'ancienne
obéissance qu'ils devaient au siège apostolique
d'Antioche : « Persuademus eis, ut curent
juxta canonum lidem catholicam sapere, atque
unum cnm caeteris sentire provinciis, ut ap-
pareat, sancti Spiritus gratia, ipsos ([uoque, ut
omnes Ecclesias gubernari Epist. xvui, c. 2). »
Ces paroles tendent à soumettre de nouveau
les évêques de Chypre à l'exarchat d'Antioche ,
afin qu'ils soient par là conformes aux autres
Eglises, tant pour le dogme que pour la disci-
pline.
II. Mais les évêques de Chypre n'acceptè-
rent pas cet exposé d'Alexandre, évêque d'An-
tioche, lorsqu'ils se présentèrent au concile
d'Ephèse, pour être maintenus dans leur
ancienne liberté. Us protestèrent au contraire
que c'était contre les canons apostoliiiues ,
contre les décrets du concile de Nicée, contre
la coutuine, (|ue l'archcvêciue d'Antioche pré-
tendait pouvt)ir ordonner leur mèli'opolitain et
les autres pièlats de l'île : « Contra apostolicos
canones et delimfioiies Nicieiue synodi, ordi-
nandijus ad serapere attentat, prœter canones
et consueludmem , (|uic jam olim invahiil
(K|ilies. Synod. .\ct. 7;. » Ils assurèrent que
depuis le temps des apôtres jamais l'archevêque
d'Antioche n'avait fait des ordinations dans
leur île, ce pouvoir ayant été réservé au seul
concile de la [irovince « A sanctis apostolis
nuuquam possunt osteudere , (juod adfueril
Antiochenus et ordinaverit , etc. Sed svnodus
nostne provinciie congregatio constituehat me-
tropolitanum.»
Sur ces allégations, le concile d'Ephèse pro-
nonça qu'on avait pu user de l'autorité du ma-
gistrat impérial pour violenter les évêques de
Chypre contre les canons ; que si l'èvêque
d'Antioche n'avait point jusqu'alors ordonné
les èvêijues de Chypre, il ne devait point y
prétendre à l'avenir, mais qu'il fallait laisser
chaipie Eglise dans la liberté sainte (jne J.-C.
nous a ac(iuise par son sang ; enfin que dans
tous les diocèses et dans toutes les provinces
on garderait cette loi inviolable, de ne rien
entreprendre hors de son propre ressort.
« Si non est vêtus mos, quod episcopus An-
tiochenus ordinet in Cypro , sicnt docuerunl
religiosissimi viri qui ad synodum accesserunt,
habebunt jus suum intaclum et inviolatum.
qui sanctis in Cypro prœsunt Ecclesiis, secun-
duni canones et veterem consuctudinem. Illud
in aliis diœcesibus et provinciis servelur, ut
nuUus episcoporum aliam provinciam occu-
pet.etc. Xeve sub praetextu sacerdotii mun-
danie potestatis fastus irrepat , etc. Ne clam
paulatim libertas amittatur, (juam nobis dona-
vit sanguine suo Dominus noster Jésus Chri-
stus. »
III. Voilà deux résolutions bien contraires ,
et néanmoins bien conformes à la justice et
aux canons, selon les diirérents exposés qu'on
avait faits de part et d'autre. Il en coûta cher à
Jean , archevêque d'Antioche , de s'être élevé
avec Nestorius contre saint Cyrille et le vrai
concile d'Ejjhèse, et d'avoir formé un concile
schismatique à part. Ceux de Chypre ménagè-
rent cette occasion, et Jean n'ayant point pro-
duit de défenses, ils gagnèrent leur cause sans
peine.
106
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-HUITIÈME.
De cette narration , il parait assez cvidem-
nient : 1° (jue toutes ces sortes de contestations
sont toujours décidées par la coutume et par
la possession ; H" que la conservation des cou-
tumes anciennes de cliaiiue Eglise est ce qu'on
appelle la liberté des Ejjlises et la liberté même
qu'on regarde connue étant ac(]uise par le sang
de J.-C. ; 3° que, (juoi (ju'il en soit du fait par-
ticulier de l'Eglise de Chypre , il résulte tou-
jours clairement de la résolution du concile
d'Ephèse qu'il pouvait y avoir des provinces
indépendantes des grands patriarches ; 4" que
c'est le sens des canons de Nicée, selon le con-
cile d'Ephèse, que les exarques des diocèses
gouverneront leurs diocèses selon la coutume,
et (jue les provinces qui ne sont point renfer-
mées dans ces diocèses, ni sujettes à leurs exar-
ques, se gouverneront elles-mêmes; 5" cpTil
n'est pas véritable que les anciens patriarches
comprissent toutes les provinces dans leur
juridiction ; 6° ces provinces indépendantes
avaient des métropolitains, qui étaient élus et
ordonnés par le synode de la province, sans
demander la confirmation d'aucun su])érieur ;
7" ce n'est pas sans raison qu'on contestait sur
le droit des ordinations, parce que la maxime
constante du droit canoni(iiie était t|ue celui
(jui ordonne a juridiction sur ceux qu'il a
ordonnés.
Nous dirons dans la seconde partie de cet
ouvrage, et nous justifierons i)ar toute la tra-
dition , ([ue c'était l'ordination (}ui assujet-
tissait et liait aux évèques tous les ecclésiasti-
ques.
IV. Quoique la résolution du concile d'Ephèse
fùtconditionnelle, «Si non est velus mos, etc. »
Si la coutume et la possession était telle qu'on
l'avait alléguée , l'histoire néanmoins nous
apprend qu'elle eut lieu , et que les Eglises de
Chypre demeurèrent «ÙTOMc^aXol , c'est-à-dire
libres et indépendantes , n'ayant point d'autre
chef que leur proi)re métropolitain. Car l'iei le
le Foulon , cet infâme profanateur du siège
d'Antioche , eut recours à l'empereur Zenon
pour être rétabli dans ses droits anciens sur
l'île de Chypre. Anthyme, métropolitain de
Constantia, en Chypre, était si peu agréable à
la cour, (ju'il désespérait du succès de sa cause,
Iorsi]ue saint Barnabe, (jui avait autrefois porté
les premiers rayons de la foi dans cette île, lui
a|iparul en songe et lui découvrit son corps et
l'Evangile de saint Mattliien,(ju'il avait éciit de
sa |)ropre main , lui enjoignant de défendre
courageusement les droits de son Eglise comme
étant vraiment aj)Ostolique. L'empereur Zenon
fut touché de cet agréable prodige et imposa
silence à Pierre le Foulon, dont la perfidie et
l'attache aux erreurs d'Eutychès ne contribua
pas peu à faire agréer à toute l'Eglise et à alîer-
mir cetlc immunité des évèques de Chypre.
C'est Cédrénus qui raconte cette histoire, dont
il résulte que cette indépendance de Chypre,
maintenue par le concile d'Ejdièse , fut en vi-
gueur jusqu'à l'emiiire de Zenon où elle fut
encore vigoureusement défendue.
V. Il résulte encore de là que le métropoli-
tain de Chypre était véritablement un exarque
ou un primat d'un ordre inférieur, puisque,
bien qu'il n'eût point de métropolitains sous sa
juridiction il avait aussi cette gloire de n'être
sujet a la juridiction d'auciui primat. Le con-
cile de Nicée suppose assez clairement ces pro-
vinces exemptes. « Similiter et privilégia scr-
ventur Ecclesiis in aliis provinciis. »
On pourrait dire que ce fut cette partie du
canon de Nicée (Can. vi) qui fut développée
dans le canon du concile de Constantinoi)le
qui ajouta les trois petits exarques à ceux
d'Alexandrie et d'Antioche, et leur désigna à
chacun leur diocèse particulier (Can. ui). Mais
la décision du concile d'Ephèse montre claire-
ment par l'exemple de l'île de Chypre qu'il y a
toujours eu des provinces ecclésiastiques exemp-
tes de l'autorité des exarques , soit que cette
inuuunité leur fût naturelle depuis leur pre-
mière naissance, soit qu'elles l'eussent acquise
et prescrite par des conjonctures et des révolu-
tions favorables. Connue en effet il n'est pas
hors d'apparence que l'Eglise de Chypre, ayant
été d'abord la fille de celle d'Antioche, elle
prit occasion de s'en séparer et de prescrire
contre elle, premièrement lors de la tyrannie
que les Ariens y exercèrent; ensuite lors du
long schisme (jui s'y forma entre les évèques
calholiiiues mêmes; enfin dans l'union dange-
reuse du patriarche Jean avec Nestorius , et de
plusieurs de sessuccesseurs avec les Eutychiens.
C'était ce patriarche Jean, qui avait eni]iloyé le
comte Denys, duc du diocèse oriental , pour
rétablir son autorité dans l'élection et l'ordina-
tion (lu méti'opolitain de Constantia, ou de
Salamine en Chypre. Ce patriarche estimait
(lue l'île de Chypre étant du diocèse oriental
civil, elle devait aussi relever du patriarche
d'Orient. Mais il ruina son droit |)ar ses em|)or-
tements dans le concile d'Ephèse. Je couti-
•«»
DES EXARQUES DE CHYPRE ET DE THESSALONIQUE.
107
nuerai dans les chapitres suivants l'histoire de
cette primauté de l'ile de Chyine.
VI. Passons de l'Orient en Occident, et com-
mençons par l'exarchat de Thessalonique tiiii,
étant compris dans l'empire de l'Orient ne lais-
sait pas d'être du patriarcat occidental, qui
est celui du pape. Pour mieux comprendre la
raison de cela, il faut savoir que l'empereur
Constantin ayant divisé l'empire en t|uatre pré-
fectures du prétoire , savoir celle des Gaules .
de l'Illyrique, de l'Italie et de l'Orient, l'illy-
rique fut attribuée à l'empire d'Occident, et
Sirmich en fut la capitale. On divisa depuis
l'Illyrique en deux, savoir l'Illyrique orien-
tale et l'occidentale. L'orientale ([ui compre-
nait les deux .Macédoines , les deux Epires , la
Thessalie etl'Achaïe, avait Thessalonique pour
sa capitale ; le préfet du prétoire de l'Illyricjue
y résidait, et elle fut une partie de l'empire
d'Orient. La Pannonie, la Norique, et quelques
autres provinces voisines de l'Italie , demeu-
rèrent unies à l'emjiire d'Occident sous le
préfet du prétoire d'Italie , dont un vicaire
résidait à Sirmich. Il eût donc fallu que l'Illy-
rique orientale , faisant partie de l'empire
oriental , eût été soumise à (}ueUiue exarque
de l'Eglise orientale ; et néanmoins elle a tou-
jours été sous l'obéissance du pape, comme
faisant partie du patriarcat d'Occident et étant
l'un de ces grands diocèses que le concile
d'Arles reconnaissait être immédiatement sou-
mis au pape (Marca dePrimatu Lugdun., n. 31
et 36).
La raison de cette irrégularité est fort claire
après ce qui a été dit, (]ue l'Illyriiiue avait été
d'abord tout entière sous l'empire de l'Occi-
dent. M. de Marca a fait voir que ce ne fut
que l'empereu- .\rcadius qui usurpa l'Illy-
rique orientale sur Hoiiorius, son frère. Les his-
toriens qu'il cite le disent assez clairement. Il
n'était pas juste que cette augmentation de
l'empire oriental fût une diminution du pa-
triarcat du pape. Puis donc que les papes
avaient déjà commencé d'établir à Thessalo-
nique un vicaire apostolique, avec une auto-
rité d'exarque sur les métropolitains de tout
son diocèse, rien n'était plus raisonnable que
de ne point discontinuer de le faire après
qu'Arcadius et ses successeurs à Constanti-
nople eurent réuni pour jamais ce diocèse à
l'empire oriental.
VII. Car on ne peut douter que dès le
temps du pape Damase il n'y eût des vicaires
apostoliques à Thessalonique. Dans le synode
romain qu'llolsténius vient de nous donner, le
pape Boniface III, qui y présidait et qui y vou-
lait autoriser ses droits sur rillyri(]ue et sur
Thessaloni(jue contre les nouvelles usurpations
de révè(|ue de Constantinople, ce pape, dis-je,
y fit lire toutes les lettres de ses prédécesseurs
qui [louvaient justifier cette délégation ou ce
vicariat donné au métropolitain de Thessalo-
niipie ]iar les anciens papes.
H conunence par Damase et Sirice, (|ui com-
mettent etlectivement l'évèque de Thessalo-
nique pour l'inspection de quelques causes. 11
vient ensuite aux lettres d'Innocent, qui dit que
conuue saint Paul a\ait commis Tite et Timo-
tliee pour gouverner l'ile de Candie et r.\sie,
il jugeait aussi à propos de commettre l'évèque
de Thessalonique pour le gouvernement s[iiri-
tuel des dix provinces qu'il nomme, imitant en
cela Damase et Sirice qui avaient donné la
même délégation à .\cholius et .\nisius, évè-
ques de Thessalonique. LeslettresdePioniface I"
donnent ensuite à RutTus, évêque de Thessalo-
nique, le vicariat du Saint-Siège, Vices Sedis
apostolicœ , et lui soumettent nommément les
mêmes provinces. Ainsi il paraît que Damase
et Sirice avaient comme jeté les premiers fon-
dements de ce vicariat apostolique ; Innocent
y mit le comble vers le même temps que
l'Illyrique orientale fut séparée de l'occidentale
et usurpée par les empereurs d'Orient. Boni-
face 1", Léon I", et les papes suivants, le con-
firmèrent et raffermirent de plus en plus.
On lut ensuite dans ce synode romain la
lettre d'Honorius à Théodose le Jeune pour lui
demander la conservation des droits du pape
sur l'Illyrique, que cet empereur de Constanti-
nople venait de blesser par un édit qui or-
donnait que les appels du synode national ou
diocésainde rillyriquese relevassent par devant
l'archevêque de Constantinople. Théodose ju-
geait peut-être que c'était une flétrissure de la
majesté de l'empire d'Orient, si les appels des
provinces de l'Orient se relevaient et se ju-
geaient dans l'Occident ; et que le Saint-Siège
ne perdrait rien de ses avantages, si l'évèque
de Constantinople en jugeait, puisqu'il pouvait
passer pour un délégué du Siège apostolique,
la nouvelle Rome ayant reçu des conciles la
communication des privilèges de l'ancienne
Rome. Le ])ape ne goûta pas ces raisons.
Tliéodose même demeura persuadé des re-
montrances de son frère, à qui il écrivit une
108
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-HUITIÈME.
lettre qui fut lue dans ce mcnie synode romain^
et où il conlusse qu'il a reconnu la surprise
dont on avait usé en son endroit; qu'il y a re-
médié, et qu'il a écrit auprélet du prétoire de
rillyriciue, pour remettre sous la juridiction
du pa|)e tout ce qui lui avait appartenu. Sui-
vent les lettres des papes Célestin, Sixte, Léon,
toutes contirmalives du vicariat de Tliessaloni-
(jue. Celle de Léon, où il rabat les prétentions
d'Anatolius, évèque de Conslanlinople, pous-
sées Iroj) loin dans le concile même de Calcé-
doine ; et celle d'Anatolius, où il se désiste de
ses prétentions audjitieuses.
VIII. Il y en a qui ont cru que pour satisfaire
en ([ueliiue manière au désir des empereurs
de Constanlinoplcj (jui soutiraient avec peine
que les causes des provinces de l'empire orien-
tal fussent juirlées en Occident, les papes éta-
blirent un vicaire apostolique à Tliessalonique,
qui les jugeait presque toutes eu dernier res-
sort, de la même manière que les archevêques
et évoques de Trauce constituent des olliciaux
et des grands vicaires dillerents dans les villes
de leur diocèse ou de leur province qui ressor-
tissent à divers parlements. Mais le vicariat de
Tliessalonique semble être un peu trop ancien
pour cela. 11 y a, ce semble, plus d'apparence
que la grande distance et la diversité des lan-
gues a été la cause de cette disposition. Nous
allons voir ensuite bien d'autres vicariats qui
n'ont point eu d'autre fondement que cette dis-
tance et la conunodité des i)ays à (jui on les
accordait.
IX. J'ai dit à dessein que l'archevêque de
Tliessaloniquejugeait pres(iiie toutes les causes
qui se présentaient en dernier ressort, parce
que les plus importantes, au moins par appel,
pouvaient être portées à Rome. Il confirmait
l'élection des évêques et des métropolitains, et
les faisait ensuite ordonner. Les papes Sirice
et Damase lui avaient réservé la consécration
de tous les évê(|ues. Le pape Léon écouta les
l)laintes des métropolitains et leur laissa la con-
sécration de leurs suffraganis, ne réservant au
vicaire apostolique que la consécration îles
métropolitains, comme il se voit par les lettres
qu'Ilolsténius a publiées.
Cet archevêque présidait au concile de toutes
les provinces de son diocèse, il y jugeait tousles
dillérends, renvoyant seulement au pape ceux
qu'il ne pouvait terminer. 11 eut séance et
souscrivit aux IIL, IV"^ et Vf conciles œcumé-
niques après les patriaixhes , et quelquefois
même avant l'exarque de Césarée en Cappa-
doce. Son pouvoir fut beaucoup diminué par
le retranchement que lit Justinien de quel-
ques-unes de ses provinces, pour en faire le
département de la première Juslinienne. Mais
il fut tout à fait éteint, lorsijue l'empereur
Léon d'Isaurie, irrité de la constance invin-
cible des papes Grégoii'e II et III pour la dé-
fense des saintes images, sépara du patriarcat
de Rome l'IUyrique, la Sicile et la Calabre,
et les attribua à l'évêque de Conslanlinople, ne
laissant à l'évêque de Thessalonique que la
seule province de Macédoine, dont il demeura
métropolitain. Cet empereur ne démembra ces
provinces du patriarcat d'Occident que j)our
les sé|)arer tout ensemble de la foi et de la
créance romaine.
11 lui coûta à lui-même la perte de tout ce
que l'Empire possédait encore dans l'Occident.
Tant il est vrai que c'est ruiner l'enqnre que
de vouloir l'accroître aux dépens de la religion.
Au reste, si Thessalonique l'cdevint une simple
métro|iole, il faut savoir qu'étant dans le même
état au temps du concile de Sardique, son
Eglise ne laissait pas d'être grande et très-
considérée, connue il parait par un canon de
ce concile (Can. xx).
C'est ce ([ui fait que l'exarchat de Thessa-
loni(iue s'est lui-même relevé de sa décadence
par le moyen des guerres excitées pour la re-
ligion entre les Latins et les Grecs, et qu'il y
est retombé peu de temps après, connue nous
l'avons ci-dessus remarqué chapitre xvi.
DES EXARQUES D'ACRIDE, DE SIKMICH, ETC.
109
CHAPITRE DIX-NEUVIEME.
DES ARCHEVÊQUES OU EX-iRQL"ES, Olî PRIMAT-; D ACRIDE, DE SIRMICH. DE THESSALOMyLE, ETC.
AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET 111 ITIÈME SIÈCLES.
I. Le nom d'archevêqne ne se donna autrefois qu'anx trois
grands palriarcbes, puis aux exarques, qui dominaient sur plu-
sieurs métropolitains.
II-III. Des archevêques de la première Justinienne et de Thes-
saloniqae. dataient des vicariats du Saint-Siège, et ils ressor-
tissaient de Rome.
IV. De la nouvelle Justinienne en Cbypre, son indépendance.
V. Des évêqnes titulaires.
I. Il faut passer aux titres et aux pouvoirs
des archevêques, des exarques et des primats.
Nous avons di'jà dit que la qualité d'archevêque
commença, vers le temps du concile de Nicée,
d'être donnée aux trois premiers évoques du
monde, et que ce ne fut g^uère qu'à eux qu'elle
fut donnée, et seulement dans l'Orient. Ils
n'ont point de titre plus éminent dans le pre-
mier concile d'Ephese, où il est néanmoins
communiqué à l'évêque d'Ephèse, à qui l'em-
pereur Théodose le donne aussi, aussi bien
qu'à celui de Césarée en Cappadoce, dans sa
lettre de convocation du II' concile d'Ephèse.
Mais on sait que les évêques d'Ephèse et de
Césarée étaient aussi exarques de leurs diocèses
(Athanas. Apol. ii).
Cependant depuis qu'on affecta la iiualité plus
auguste de patriarche , le nom d'archevètjue
fut donné aux métropolitains qui avaient
d'autres métropolitains dans leur ressort (Epiph.
haeres. lxviii, lxix). C'étaient ceux (jue les
Grecs appelaient aussi exarques, et que les Lati ns
nommèrent primats au .Moyen \se. Isidore .
évêque de Séville, le dit clairement. Car ayant
donné le nom de patriarche aux seuls évèques
de Rome , d'Alexandrie et d'Antioche , il ne
laissa au-dessous deux et au-dessus des métro-
politains que Je titre d'archevêque : « Archie-
piscopus ^œce dicitur summus episcoporum;
tenet enim vicem apostolicam, et prœsidet tam
metropolitanis, quam episcopis creteris, metro-
politani autem singuli provinciis pncminent
(Orig. 1. VII, c. 12). » L'empereur Justinien
voulut que l'évêque de la première Justinienne,
sa patrie , ne fut pas seulement métropolitain
d'une province, mais aussi archevêque de plu-
sieurs ])rovinces : « Ut prima? Justiniana? patriœ
nostrae antistes, non solum metropolitanus, sed
etiam archiepiscopus fiât, et ca-terse provinci;p
sub ejus sint autorilate Novel. xi'. »
Saint Boniface. apôtre d'Allemagne, prit la
même qualité d'archevêque . et on peut s'ima-
giner (jue c'était à cause du pouvoir extraor-
dinaire et universel que la légation du Siège
apostolique lui donnait sur tous les métropo-
litains d'Allemagne : « Universalis Ecclesia?
legatus Germanicus, servus Sedis apostolica^,
sine prœrogativa meritorum nominatus archie-
piscopus 'Epist. vi). » Béda donne le nom
d'archevêque à Augustin, apôtre d'Angleterre,
et à Laurent, son successeur Histor. .\ngl.
1. II. c. 3, i, 7). Et c'est vraisemblablement
pour la même raison . parce ([ue les papes
avaient donné à Augustin et à ses successeurs
une légation universelle en .Angleterre , non-
seulement pour y présider sur les métropoli-
tains, mais aussi pour y en établir.
Le concile premier de Màcon, tenu en 581,
où présida Priscus , défend à l'archevêque de
dire la messe sans avoir son pallium : « Ut
archiepiscopus sine pallio missas dicere non
prœsumat iCan. vi). » En ce temps-là. tous les
métropolitains de la France n'avaient pas
encore le pallium. Les papes ne l'envoyaient
ordinairement qu'à l'archevêque d'Arles, qui
était légat ou vicaire apostolique sur plusieurs
métropoles des Gaules, .\insi il est bien vrai-
semblable que ce terme d'archevêque regarde
la même personne de Priscus , qui était aussi
appelé patriarche , et à qui Contran pouvait
avoir obtenu le pallium. pour le mettre à la
tête de tous les évêques de son royaume.
11. Revenons à l'archevêque de la première
Justinienne. patrie de l'empereur Justinien,
qu'on appelait auparavant Acride, et qui était
soumise à l'archevêque de Thessalonique. Cet
empereur l'érigea et la fit ériger par le pape
110
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-NEUVIÈME.
Vigile en archevêché ou en exarchat, lui sou-
mettant une partie des provinces que ce pape
démembra de Thessalonique, en lui donnant
un vicariat du Siège apostolique, tout semblable
à celui dont avait joui depuis si longtemps
l'évèque de Thessalonique. C'est ce qu'en dit
Justinien même dans une de ses Novelles : car
après avoir nommé les cinq ou six provinces
dont cet archevêque doit ordonner les évêques,
il ajoute : « Ipsum vero a pioprio ordinari con-
cilio. et in suhjectis sibi provinciis locum obti-
nerc Sedisapostolic» Roma^, secundum ea(|ua>
definita sunt a sanctissimo papa Vigilio (Novel.
cxxxi, c. 3). »
Cet emjK'reur raconte dans une autre Novelle
que cette souveraine juridiction, tant civile
qu'ecclésiastique, avait été autrefois dans la
I ville de Syrmium en Illyrique. Mais que cette
ville ayant été ruinée par Attila, ceux (jui en
étaient gouverneurs se retirèrent à Thessalo-
nique, et l'évèque de Thessalonique prit de là
occasion de s'apfiroprier les provinces (jui en
avaient dépendu. Mais qu'à présent ayant re-
couvré et rétabli ces provinces, il jugeait à
propos d'en commettre le gouvernement à ce
nouvel archevè(|ue.
111. Anunien appelle Syrmium la mère des
villes, Malrem rtrhium, parce que c'était la
niitnipole de toute l'IUyriciue : « Caput lllyrici
nonnisi eivilas Syrmium, « dit l'évèque de la
même ville dans le synode d'Aquilée, en 381.
L'lllyii(|U(' ayant depuis été divisée en deux,
l'occidentak' demeura soumis à Syrmium , et
l'orientale à Thessalonique , qui ne laissa pas
d'api)artenir au pape, comme patriarche d'Oc-
cident. Mais queliiue prétention que pût avoir
eue Justinien de pouvoirlui seul transférer la ju-
ridiction ecclésiastique de Syrmich à Acride, il
reconnut hii-nième (juil fallait pour cela re-
courir au pape Vigile, comme il vient de la-
vouer. de même que l'empereur Théodose le
Jeune tâcha en vain d'empêcher que les causes
et les jugements des synodes de rill\ri(|ue
orientale fussent enfin portés au pape dans
l'Occident, (^ar l'ordonnance qu'il fit pour cela
([u'on les j)ortàt en dernier ressort à révê(|ue
de Constantinople, connue tenant la place du
pape, dont les privilèges lui avaient été en qucl-
i|ue façon ((iinuiuniquèsdans le concile [jcemifr
de Constantinople ^Cod.Theod. deE[iisc. l. \i.\ r,
cette ordonnance, dis-je,n'eutpoint de vigueur.
Cela parait par les lettres du pape Léon à
l'ésèiiue de Tliessaloni(jue, où il ne lui soumet
pas moins la Macédoine et le reste de l'Hly-
rique orientale , que l'occidentale ; et par le
canon xxvui du concile de Calcédoine, où le
ressort de Constantinople est étendu sur les
giands diocèses du Pont, d'Asie et de Thrace,
mais non pas sur la Macédoine et sur Illlyrique.
D'oii il faut conclure que le pouvoir impérial
ne s'étendait pas jusqu'à ériger de nouveaux
archevêchés ou exarchats , ou à transférer la
juridiction des uns aux autres , si l'autoritédes
souverains pontifes n'y concourait.
Saint Grégoire, pape, écrivant à Jean, évê-
que de la première Justinienne, et lui envoyant
le pallium, lui confirme en même temps ou
lui renouvelle la légation ou le vicariat
dn Siège apostolique : « Pallium ex more
transmisimus, et vices vos apostolicae Sedis
agere, iterata innovatione decernimus (L. iv,
epist. m). » Cet èvêque Jean avait eu un prédé-
cesseur de même nom, à qui le même saint
Grégoire interdit de célébrer l'auguste sacrifice
et cassa le jugement qu'il avait rendu contre
l'évèque de Thèbes (L. n, epist. vi). Et cela
suffit pour demeurer convaincu que cet arche-
vêcpie demeura soumis au pape de la même
manière que celui de Thessalonique, quelque
instance que les empereurs eussent fait pour
l'empêcher.
L'empereur Justinien donna le nom de Jus-
tinienne à la ville de Carthage en Afrique, et
lui accorda les mêmes privilèges qu'à la pre-
mière Justinienne sa patrie (Novel. cxisiiCi).
Mais ce ne fut (jue renouveler les pouvoirs
des archevêques de Carthage , qui étaient
les plus anciens de tous ceux de ce rang, et
très-ètendus, comme il paraît par les canons
des conciles d'Afrique, que nous avons ci-
devant touchés.
IV. Le même empereur Justinien donna son
nom à Constantia , métropole de lîle de Chy-
pre, et voulut (ju'on la nommât la nouvelle
Justinienne, Justinlanopnlis nova. Ce ne fut
alors (]u'un changement de nom, plutôt qu'une
augmentation de puissance. Mais les Sarrasins
s'ètant quelque temps après rendus maîtres de
cette île, Jean, (jui en était métropolitain,
se retira dans ITlellespont avec ime partie des
habitants de Chypre. Le concile de Constan-
tinople, (|u'on appelle in Tnillo, fit deux
décrets à SOU avantage, en étant sollicité par
l'empereur. Le premier fut de lui conserver
la primatie ou l'autocèphalie; c'est-à-dire
l'entière indépendance du patriarche d'An-
DE i;ar(,iikvéquk de cartiiage.
III
lioclie, ([ui lui avait tHé ou donnée ou conservée
par le concile d'Eplièse. Le second fut de lui
assujettir tous les évoques et le métropolitain
même de la province d'ilellespont, dont le siéf^e
était à Cyzique.
Le premier de ces privilèges lui fut con-
servé jusqu'à la fin du neuvième siècle, car la
collection des canons arabiques, ipii fut faite
en ce temi)s-là, le soumet au patriarche d'An-
tioche ; au lieu que la notice faite sous Tem-
péreur Léon le Philosophe l'en faisait encore
indépendant (Can. xxxvu).
Le second fut purement personnel, et ce fut
comme un patriarcat limité à la vie d'un
évèque, qui n'avait néanmoins été accordé
qu'à l'instance de l'empereur et par l'autorité
du concile. L'empereur voulut gratifier cet évè-
que, (jui avait témoigné tant de zèle pour n'être
soumis qu'à l'empire romain : « Ut christianis-
simœpotenti» sceptrispuresubjicerentur, etc.»
Et le concile déclara que Jnstinianople devait
jouir des mêmes avantages que Constantinople,
c'est-à-dire que l'ancienne Constantia de Chy-
pre que le concile d"E|)hèse avait déclarée, ou
reconnue exemjite du pouvoir et de la sujétion
du patriarche d'Antioche; ou si on l'entend de
la ville impériale de Constantinople, cette
égalité ne consistera que dans ces deux avan-
tages remarqués par le concile (Synod. Trul.
Can. xxsix). C'est apparemment ce Jean, évé-
(|U(' lie Jll^lillian(l|lle, (|ui souscrit à ce même
concile, après les (jualre grands patriarches,
avant les autres petits patriarches ou exarques.
V. Ce ipie nous avons remanpjé des évèques
de Chypre, ti-ansportés dans l'Hellespont, nous
fait encore faire cette rètlexion, (pu; ce fut une
manière admirable de conserver à l'Egline les
grands sièges et les titres des grandes Eglises,
après tjue les nations infidèles en eurent sub-
jugué les villes. Le même concile in Trullo fil
un canon au sujet de ces évèques, (ju'on or-
donnait pour des villes où ils ne pouvaient
jamais se faire recevoir.
Ce canon lem- conserve toute leur autorité
pour les ordinations et pour tout l'exercice de
leur juridiction dans le lieu de leur résidence:
« Ut et diversorum clericorum ordinationes
canonice faciant et jiontilicafus autoritate in
proprio termino utantur, et sit firma ac lé-
gitima qua?cunique sub ea proceditadministra-
tio (Can. xxxv).
Ces termes se peuvent entendre en deux fa-
çons, ou que ces évèques exerceront leur juri-
diction dans quelque endroit de leur diocèse,
puisqu'ils n'ont pu se faire recevoir dans la
ville capitale, ou bien qu'on leur assignera
ailleurs quelque lieu, connue à celui de Cons-
tantia en Chypre. Nous parlerons plus au long
dans la suite des évèipies titulaires.
CHAPITRE VINGTIÈME.
DE L ARCHEVEQUE DE CARTIIAGE, DES POUVOIRS DES PATRIARCHES, EXARQUES,
ou ARCHEVÊQUES, DANS LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Origine de l'exarchat de Cartilage. La foi y a été portée
de Rûcae.
II. Ce ne fut pourtant pas un vicariat du Siège a,uistolique.
Diverses preuves.
III. Pourquoi saint Cyprien n'a pas bien connu la subordina-
tion des tribunaux ecclésiastiques.
IV. Cartliace ne fut d'abord qu'une métropole ecclésiastique
pour toute l'Afrique.
V Quand on lit la division des six provinces d'Afrique, qui
eurent chacune leurs primats ou métropohlaius, qui étaient
tous soumis à celui de Carthage.
VI. Pourquoi les métropolitains d'Afrique s'appelaient pri-
mats, et n'étaienljantres que les plus anciens évèques de chaque
province, sans avoir égard à la métropole civile.
VIL Raisons de douter.
VIII. L'archevêque de Carthage avait l'intendance sur toute
l'Afrique, ordonnait des évèques pour toutes les Eglises.
IX. Il donnait les grandes dispenses.
X. II convoquait le concile universel, et y présidait.
XL 11 conservait toujours une particulière liaison avec le
pape. ■ ,•
XII. Sommaire des privilèges et des pouvoirs des patriarches
en général.
11-2
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGTIÈME.
I. Autant (ju il est difficile de trouver les
premiers commencements de leminente au-
torité des archevêques de Cartilage, autant
est-il indubitable (jumelle a été et très-ancienne,
et d'une très-grande étendue. Tertidlien dit
bien que l'Afrique regardait Rome comme la
première origine d'où elle avait reçu les pre-
mières instructions de la foi : « Si Italiae adja-
ces, habesRomam, unde nobisquoque autori-
tas pra?sto est (L. de Prœscript.). » On sait que
Cartilage était la capitale de rAfricpie, (pii
était une des grandes parties du montle, et
(ju'elle dominait sur plusieurs grandes pro-
vinces. La mer la séparait de Rome, mais la
distance en était fort jietite, et en très-peu de
journées on se rendait de l'une à l'autre. Ainsi
il était impossible (pic la lumière de la reli-
gion ne passât de l'une à l'autre.
Le pajie Innocent 1" assure que l'Afrique,
aussi bien que la Sicile, l'Espagne, les Gaules
et l'Italie, n'ont \>n recevoir d'autres prédica-
teurs évangéliques que ceux qui y ont été en-
voyés par saint Pierre, ou par ses successeurs.
«Cumsit manifestum in Africam, etc., nnlliim
instituisse Ecclesias, nisi quos Petrus aut ejus
snccessores constituerintsacerdotes (Epist. i). »
Saint .\iigustin semble être du même senti-
ment (|uand il dit que Cécilien, évêque de
(Cartilage, aurait pu mépriser les conspirations
séditieuses d'une foule d'évêques donalisics,
(Haut uni de coinimiiiion avec le Siège a[iosto-
liipie, et avec les autres Eglises qui ont com-
niuiii(iué les célestes rayons de la foi à celle
d'Aliiiiuc. " Posset non curare consiiiranteiu
multiludiuem inimicorum, cum se vidcret, et
Romanœ Ecclesiœ, in qua seinper apostolicœ
Catlicdrip viguit |iiinci|iatiis, et cunctis terris,
unde Evangeliuni ad ijjsani Africam venit, per
communicatorias litteras esse conjunctum. l'bi
parafus esset suam caiisam dicere, si advcrsa-
rii ejus ab eo illas Ecclesias alienare conareii-
tiir (Epist. cLXii). » ., ,,, ,,
M. Mais si la liiiincrede l'Evangile a passé di'
l'Italie et de l'iouu! en Atri(pie et a Carlliagc, il
ne s'ensuit pas de là que l'autorité si ancienne
et si étendue des arclievê(pies de Cartliagc n'ait
été qu'un vicariat du Saint-Siège, comme (|u<'l-
(|ues-uns l'ont iirètendii. Les preuves convain-
cantes (jui ont été rapportées dans le cliapiire
précèdent, du vicariat a|)ostolique de Tliessa-
lonique, peuvent servir à nous persuader (ju'il
nous en resterait encore (pielques-unes, au
moins de semblables ou d'a|iprocliaiites, du
vicariat apostolique de Carthage, s'il avait ja-
mais été établi ou reconnu dans l'anticiuité.
Saint Cyprien ne se serait pas plaint au pape
Corneille même de ce que quelques clercs et
un èvèque hérétique, qu'il avait retranchés de
la communion, avaient été reçus à Rome, et
qu'on y avait douté si on ne les admettrait pas
aussi à la communion, s'il s'était regardé
comme un délégué et un vicaire du Saint-Siège :
« Postista navigare audent ad Pétri cathe-
drain, etc. Oportet eos quibus pra-sumus, non
circumcursare, nec episcoporum concordiam
coha'rentem sua subdola et fallaci temeritate
collidere, etc. Nisi si minor videtur esse au-
toritas episcoporum in Africa constituto-
ruin, etc.»
La longue et opiniâtre résistance que saint
Cyprien lit au pape Etienne sur la matière du
liaptême des hérétiques, montre fort claire-
ment qu'il s'en fallait beaucoup qu'il ne crût
être un vicaire du Saint-Siège. Saint Augustin
même qui, traitant souvent de cette contesta-
tion, a reconnu la prééminence du Siège apos-
toli(|ue sur l'èpiscopal et sur cha(|ue évêque
particulier, n'a pourtant jamais dit ni même
insinué que l'archevêque de Ciiihage, tenant
son autorité comme une commission ou un
vicariat du Saint-Siège, devait obéir à ses or-
dres. Enfin, saint Cyprien protesta au commen-
cement de son concile de Carlhage (\i\e, comme
il ne prétendait pas imiioser nécessité aux
autres évêi|ues d'imiter sa conduite, il ne pen-
sait pas aussi qu'on pût le contraindre de s'ac-
commoder à la conduite des autres, chaque
èvèque étant libre et comptable à Dieu de sa
conduite.
« Non enim (piisquam nostrum episcopum
esse episcoporum constituit, aut tyrannico ter-
rore ad obsequendi necessitatem collegas sucs
adigit ; i|iiando habeat omiiis episco|)us pro
licentia libertatis et potestatis suœ arbitrium
proprium, tanciuamjudicariabalio non possit,
cum nec ipsc possit alteium jiidicare. Sed ex-
licclemus luiiversi juiiicium Cliristi, qui unus
et solus habet potestatem, et prœponendi nos
in Ecclesia^ suœ gubernalione, et de actu no-
slro judicandi. »
III. Je ne sais si saintCyprien serait demeuré
d'accord de toutes ces maximes, si (jnelqu'un
de ses sulfragants se fût élevé audacieusement
contre lui et contre son concile provincial,
|)rcleiidant ne relever que de Dieu et n'être
comptable (lu'à lui seul. Mais cet excès est plus
DE L'ARCHEVÊQUE DE CARTHAGE.
113
panloimable eu uu siècle où la police de
l'EijIise n'était pas encore si éclairée, et où la
violeiicf des persécutions n'avait pas encore
l)eruns de marquer exactement les bornes de
tous les tribvuiaux ecclésiastiques.
Saint Aui^ustiii vient de nous dire que Céci-
lien. archevêque deCarlbaj^e, avait pu se sous-
traire au jugement des évêques d'Afrique, et
réserver le jugement de sa cause aux évêques
d'outre mer et au Siège apostolique. Cécilien
montre assez par sa conduite qu'il l'avait cru
de la sorte.
Saint Cyprien aurait suivi l'exemple de Céci-
lien, et le sentiment de saint Augustin, s'il
s'était trouvé dans une conjoncture semblable ;
mais les occasions ne s'étaient pas encore pré-
sentées pour faire agréer cette subordination
de tribunaux et de juges ecclésiastiques. Eu
cela même nous avons une preuve certaine qu'il
n'y avait pas encore nulle part de vicaire apos-
tolique, bien moins à Cartbage qu'ailleurs,
puisque saint Cyprien en était si peu per-
suade.
IV. Il faut donc reconnaître que Carthage
n'a été d'abord qu'une simple métropole, sem-
blable à Rome, à Alexandrie, à .\ntiocbe. ou
approchante, et ayant sous elle plusieurs pro-
vinces, où il n'y avait que des évêques qui
étaient suffragants du métropolitain de Car-
thage. Saint Cyprien, parlant de son prédéces-
seur Agrippin. qui avait le premier réitéré le
baptême des hérétiques quarante ans avant
lui. dit qu'il avait pris cette résolution avec les
évêques de la province d'Afrique et de Numi-
die assemblés en uu concile : « Agrippinus
cum coepiscopis suis, qui in illo tempore in
provincia Africa et Xumidia Ecclesiam Domini
gubernabant, statuit, etc. ^Cypr. ad Quiri-
num). B
Le concile de Carthage, où saint Cyprien
présida pour le même sujet du baptême des
hérétiques, était composé des évêques d'Afri-
que, de Numidie, de Mauritanie. « Cum epi-
scopi plurimi convenisseut ex provincia Africa,
Numidia et Mauritania (Epist. xlv). » Saint Cy-
prien insinue peut-être lui-même que sa pro-
vince d'Afrique comprenait la Numidie et les
deux Mauritanies : « Quoniam latins fusa est
provincia nostra. habet etiam Numidiam, et
Mauritanias duas sibi cohaerentes. » Ces deux
Mauritanies étaient la Tingitane et la Césa-
rienne. Les députés de ces trois mêmes pro-
vinces assistèrent au concile d'Arles. On par-
Th. — Tome I.
tagea néannioius sous l'empire même de Cons-
tantin l'Atrique en six provinces, savoir l'Afri-
que pi'iiconsiilaire oii était Cnrtliage, la
Ryzacène, la Tripulitaine, la Numidie. la .Mau-
ritiuûe, qu'on divisait en deux, savoir :
« Sitisensis et Ca-sariensis, » la province Tin-
gitane ayant été jointe à l'Espagne.
V. C'est donc peut-être vers le temps de cette
division, sous Constantin, qui ordonna à Abla-
vius d'envoyer des évêques au concile
d'Arles, que ces six provinces d'Afrique com-
mencèrent à avoir chacune leur métropolitain,
l'évcque de Carthage ayant jusqu'alors été le
seul qui eût eu la supériorité de métropolitain
sur tous les évêques d'Afrique. Il était appa-
remment de ces évêques semblables à celui
d'Antioche, a qui le concile deNicée avait con-
lirmé de semblables privilèges dans leurs pro-
vinces. Après les trois reines du monde. Rome,
.Vlexandrie et Antioche, il n'y avait point de
ville ni d'Eglise qui pût aussi justement j)rè-
tendre de dominer sur plusieurs provinces
comme Carthage. Elle avait été la capitale d'un
empire qui n'avait été guère moins étendu ni
moins formidable que celui des Romains et
des Grecs.
Les éxêques de toutes ces provinces se trou-
vèrent au concile général de Carthage sous
l'évêque de Carthage Gratus. en l'an 3 iil. L'évê-
que d'Adrumète , qui était de la province
Byzacène, y proposa un décret du concile de
sa province, qui défendait l'usure aux clercs,
et demanda qu'il fût confirmé par le concile de
Carthage et par Gratus : « In nostro concilio
statutum est, ut non liceat clericis fœnerari.
Quod si et sanctitati tuœ et praesenti concilio
vidcatur. pra?senti placito designetur. »
Voilà un concile provincial dont on de-
mande que le décret soit confirmé par le con-
cile universel. C'est une preuve que toutes ces
provinces avaient leur chef, qui présidait à
leurs conciles particuliers, et qu'elles rele-
vaient encore de l'archevêque de Carthage et
du concile de tout le diocèse d'Afrique, dont il
était le président et l'exarque. Au temps
d'Agrippin, de saint Cyprien et de Cécilien,
on ne xoit point de conciles particuliers qui
ressortissent à un concile universel. Il a assez
paru ci-dessus que saint Cyprien n'avait pas la
moindre idée de cette police, qui ne parut au
monde que quelque temps après sa mort.
VI. C'est encore probablement la raison pour
laquelle les métropolitains des provinces par-
8
Ili
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGTIÈME.
ticulières d'Afrique ne prirent point le nom
de métropolitains, m.iis de primats; et ce ne
fut point l'évè(|ue(le la mélropolecivile, mais le
plus ancien d'ordination de chaque province.
qui eut la qualité et l'autorité de primat. Car-
tliaji-e avait toujours t-té connue la seule mé-
tropolede toute I Afri(|ue; ainsi revé(|uedeCar-
tliafje avait été le seul métropolitain de toute
l'Afrique.
Le concile de Nicée ayant trouvé bon que
chaque province eiït un métropolitain, et vers
le mèmeten)|)S, Constantin ayant divisé l'Afri-
que en |)lusieurs provinces, les évètiues d'Afri-
que continuèrent à vivre dans la même dépen-
dance, où ils avaient été jusiju'alors. de l'évèque
de Cartilage ; mais ils commencèrent d'assem-
bler leurs conciles particuliers dans chaque
province, y faisant présider le plus ancien des
évêques, ou par un respect i)lus jiarticulier
])our les anciens, qui ont aussi d'ordinaire plus
d'expérience; ou parce qu'il n'y avait pas dans
chaque ])rovince une métropole ijui se distin-
guât des autres villes par sa grandeur et par
le concours extraordinaire des hommes, attirés
par la commodité ou par la nécessité de leurs
affaires. Car nous dirons en son lieu que c'est
ime des raisons (|ui a fait fixer le père des évê-
ques d'une province dans la mélro|)ole civile.
Le concile de Nicée ayant ordonné (jue les con-
ciles provinciaux se tinssent deux fois chaque
année, il était nièuie bien diflicile que le con-
cile de toute l'Afrique se tînt une fois l'an à
Cartilage. Il fallut donc nécessairement établir
les conciles prosinciaux et leurs présidents.
Le concile III de Carthage ordonna t|ue le con-
cile universel s'assemblât une fois tous les ans,
au(iuel toutes les |)rovinces qui avaient des
primats enverraient trois députés. « Provincite
qua; primas sedes babent, ternos legatos mit-
tant (Can. m).»
Il y avait donc des provinces qui n'avaient
point de primats, c'est-à-dire de métropoli-
tains, même à la lin du iV siècle. La province
Tingitane n'en avait point, ses déput(;s ne pa-
raissent jamais dans les conciles universels
d'Afri(|ue ; mais connue elle se joignait au
concile de la Mauritanie, ses évêques pou-
vaient en être députés. On peut donc bien
s'imaginer aussi que les autres provinces de
l'Afi ique avaient l'Ié aussi autrefois sans pri-
mats; Cdinuic on ne peut douter (|ue toute ou
presque toute l'Italie, et les îles voisines
n'aient été fort longtemps sans autre métropo-
litain tjue le pape.
Vil. Ce ne sont là an fond que des conjec-
tures; car quoii|u'il ne paraisse (]ue peu ou
point du tout de traces de métropolitains par-
ticuliers de cbacjue province durant les trois
premiers siècles, et que l'arclievèque de Car-
tilage |)araisse en exercer seul toutes les fonc-
tions, surtout dans les conciles, il se pouvait
faire néanmoins qu'il y en eût. En effet, dans
le concile de Cirte, tenu en ;jo;j, on voit pré-
sider Secundus, primat de Numiilie : « Epi-
scoinis i)rimie catbedraî. » Il est vrai aussi
qu'on n'a point de preuve certaine du temps
précis où se lit la division des provinces d'A-
frique. Quoique ce (jue nous avons dit ne soit
pas d'une entière certitude, on ne laisse pas
d'en tirer des connaissances assez utiles de
l'Eglise d'Afrique.
VIII. II faut maintenant dire un mot des
privilèges de l'archevêque de Carthage sur
toutes les provinces d'Afrique. Le concile IIP
de Carthage reconnut que révê(|ue de Car-
thage |)Ouvait demander et prendre quelque -
ecclésiastique que ce fût dans l'Afrique , pour
l'ordonner évêque de la ville qui l'aurait de-
mandé. Un évêque y assura que l'évêque de
Carthage avait toujours eu ce pouvoir : a Fuit
semper hœc licentia liuic sedi, unde vellct et
de cujiis nomine fuisset conventus, pro desi-
derio cujusque Ecclesiœ ordinareepiscopum.»
Un autre dit à Aurèle, évêque de Carthage,
(lu'ayanl à soutenir toutes les Eglises d'Afri-
(]ue, ce pouvoir lui était absolument néces-
saire; que le concile ne lui donnait pas cette
autorité, mais qu'il reconnaissait qu'il l'avait
toujours eue : « Necesse habes tu onines Ec-
clesias sutfulcire. Unde tibi non potestatem
damus.sed tuam agnoscimus, utliceat,etc.
(Can. xi.v). » Aurélius se confessa lui-même
être chargé du soin de toutes les Eglises d'A-
frique : « Ego cunctarum Ecclesiarum, digna-
tione Dei, ut scitis, fratres, soUicitudinem su-
stineo. »
Cet usage de toutes les Eglises d'Afrique de
demander des évoques à l'archevêque de Car-
thage, et cet ancien (louvoir de l'archevêque
de leur en donner, après les avoir enlevés à
quelque Eglise et quelque évêque que ce fût
dans l'Afrique, vient assez vraisemblablement
(lune ancienne autorité qu'il exerçait comme
métropolitain universel de l'Afrique; caries
canons donnent au métropolitain la princi-
.1
DE L AKCHEVÉUIE M: CAinHAGE.
li;
pale autorité dans les élections des évèques.
IX. Les dispenses importantes se deman-
daient à l'arclievèque de Cartilage. Possidius
raconte (]ne Valérius, évèque d'Hippone, vou-
lant faire saint Augustin son coadjuteur dans
son évèclié et son successeur, il en demanda
et en obtint la permission du primat de Car-
tilage Aurélius : « Egit secretis litleris apud
priniateni episcopuni sedis Carthaginensis , ut
Hipponensi Ecclesia' ordinaretur episcopus ,
(jui suic cathedrœ non jam suecederet, sed ac-
cederet. Quw igitur beatus Yalerius o[ita\it et
rogavit, satagens rescripto impetravit.
Cette dispense, selon les canons, devait en-
core être accordée par le métropolitain et dans
le concile provincial. C'est donc aussi une
marque que le primat de Carthage avait été
autrefois le seul primat ou métropolitain d'A-
frique.
X. C'était encore un des droits les plus im-
portants de l'archevêque de Cartbage de con-
voquer le concile universel ou diocésain, d'y
présider, et d'y juger toutes les grandes causes
qui n'avaient pu se terminer dans les conciles
particuliers des provinces, ou qui regardaient
le bien universel de toute l'Afrique. Nous di-
rons en parlant des conciles dans la seconde
partie, que les conciles provinciaux furent les
premiers qu'on célébra; que les conciles uni-
versels furent rares et extraordinaires seule-
ment; que les évèques d'Afrique les rendirent
ordinaires et annuels, mais iju'ensuite ils ré-
solurent de ne les plus assembler que dans les
nécessités générales de l'Afrique ; et c'était
encore l'archevêque de Carthage qui les con-
voquait alors.
XL Mais quoique nous ayons dit que l'exar-
chat de Carthage ne fut pas un vicariat du
Saint-Siège, non plus que ceux d'Ephèse, de
Césarée et dHéraclée, il ne laisse pas d'être
très-véritable que les archevêques de Carthage
ont toujours fait paraître une union plus étroite
et Luie dépendance plus exacte du Saint-Siège,
que tous les autres patriarches de l'Eglise,
comme reconnaissant que rAfiii|ue entière
était comprise dans les limites du jiatriarcat
d'Occident, (jui était celui du pape.
L'histoire de Cécilien et de saint Cyprien
même, tout ce qui se passii dans le siècle de
saint Augustin, soit pour la condaumation des
Pelagiens, soit pour celle du prêtre Apiarius,
les démêlés mêmes de l'Afrique avec Rome,
montrent clairement l'étroite corresiiondance
qui était entre Rome et Carthage. Durant le
plus grand embrasement de la persécution des
Vandales, l'êvêque de Carthage refusa d'entrer
en dispute avec les ariens, sans ra\eu du pa[)e
et de l'Eglise romaine, qui est le chef de toutes
les Eglises.
XII. Je ne dirai rien davantage des droits
des autres patriarches, ou archevêques et exar-
ques, parce que ce sont les mêmes que ceux
que nous avons touchés en parlant des arche-
vêques de Thessalonique et de (Carthage. Ils or-
donnaient les métropolitains, et quelquefois
même tous les évèques de leur ressort. Ils ac-
quéraient par là un droit de les juger. Ils rece-
vaient les appels des métropolitains, et les
jugeaient dans le concile diocésain ou univer-
sel qu'ils convoquaient, et y présidaient. Ils
entretenaient par leurs lettres rècipro(iues et
]iar leur bonne intelligence entre eux la paix et
l'unité de l'Eglise; on récitait leiu's noms dans
les diptyques sacrés; toutes les grandes causes
devaient leur être rapportées; leur présence
était nécessaire aux conciles œcuméniques; ils
y précédaient tous les autres évèques ; ils étaient
considérés comme les successeurs des a|iùtres,
encore plus particulièrement que les autres
évèques. On a yu ci-dessus les preuves de tout
cela.
II fi
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE VINGT-L'NIÈME.
J CHAPITRE VINGT-UNIEME.
DES EXARQl'ES, PRIMATS OL PETITS PATRURCHES, d'HÉRACLKE, d'ÉPHÉSE , DE CÉSARÉE, DE CARTHAGE ,
d'aqiilée, de grade, des goths, des lombards, des français, etc., des catholiques, des
JACOUITES, des 1^EST0R1E^S, DES COPHTES, ETC., AIX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Des exarques d'Héraclée, d'Ephèse et de Césarée.
II. Du primat de Caithage,
III. Même après qu'elle eut été reprise par Jusiinien sur les
Vandales.
IV. Les Vandales ariens d'Afrique eurent un patriarche.
V. Du catholique de Perse. Du patriarche des jacobitcs.
\'l. Du patriarche des maronites.
VII. Des catholiques, ou patriarches des eulychiens, des
nestoriens, des cophtes et des abyssins.
VIII. Du patriarche d'Aquilée, né du schisme des trois cha-
pitres.
IX. Du patriarche de Grade catholique, opposé par les empe-
reurs de ConstantinopICj à celui d'Aquilée qui avait abandonné
la foi catholique.
X. Les Goths, les Lombards et les Français donnèrent le
titre de patriarche à leur premier métropolilaiu.
■ XI. Du patriarche de Lyon et de Bourges.
I. Je ne (lirai rien des exarques, ou des jiri-
inals ([u'on pourrait a|i|ieler les petits patriar-
ches d'Héraclée en Tbrace, de Césarée de Cap-
padoee dans le Pont, et d'Ephèse dans l'.Vsie ;
tant parce qu'ils avaient déjà été ahsorbés dans
le seul patriarcat de Coiislantiiuiple, avant
l'an r>00, que parce qu'ils étaient a peu prés
de même nature i|ue les anciens patriarches
dont nous venons de parler, ne relevant d'au-
cun patriarche, et ayant sous eux plusieurs
métropolitains.
II. Je ne dirai rien non plus de celui de Car-
thafie, [)arce qu'il ne subsista que très-peu de
temps dans l'âge dont nous traitons à présent.
Justinien reprit Carlharre sur les Vandales et y
retaltlit la majesté de l'Eglise, en même temps
(jue celle de l'empire; mais les Sarrasins peu
d'années après, comme un torrent de barbarie
et d'imiiiété. inondèrent toutes ces belles pro-
vinces et n'y ont depuis laissé (jue les tristes
débris d'un effroyable ntiufrage.
III. Apres ()ue l'empereur .lustinien eut re-
conquis l'Afrique à J.-C. et à l'empire^ tous les
évêques d'Afritiue assemblés à Cartilage, avec
Uéparatus (jni en était évêque, s'adressèrent au
pape Jean 11 i)oiir se conformer à teins ancê-
tres, et api)rendre du Siège apostolic|ue la règle
de la discipline. « Convenire charitati credidi-
mus, ut quid habeat sensus noster in publicam
notitiam nemo pcrduceret, nisi prius vel con-
suetudo nobis, vel definilio Romanœ Ecclesiae
proderetur (Inter epist. Joan II. papa;). » Nous
avons déjà dit comment saint Grégoire prit
soin de celte Eglise désolée , et exerça sur elle
une autorité vraiment paternelle.
IV. Les évê(}ues ariens de l'Afrique sous
l'empire des Vandales avaient un ]iatriarche.
Et dans la conférence qu'ils eurent avec les
évêques catholiques, Cyrola qui portait cette
qualité ne put répondre au\ nôtres cjui lui de-
mandaient quel en était le fondement, qu'en
les faisant cruellement tourmenter (Victor, de
persécut. Afri.). Enellèt, l'état ecclésiasticiue et
royal de ces ariens n'était fondé que sur la vio-
lence et la tyrannie. Mais cet exemple nous fait
voir (pie les grandes sectes des hérétiques se
donnèrent des patriarches, après (|ue cette qua-
lité de jiatriarche eut été mise en usage et re-
vêtue d'une autorité éclatante dans le concile
de Calcédoine et dans les siècles suivants de
l'Eglise. Saint Jérôme écrivant à Marcelle con-
tre Montan dit que les montanistes avaient des
patriarches jiour chefs de leur secte impie,
« Habent primos tle Pepuza Phrygiac patriar-
chas. » Le même saint Jérôme parle souvent
des patriarches des Juifs en son temps.
V. Les chrétiens de Perse se contentèrent de
donner le nom de catholique à leur évêque,
comme nous l'apprend Procope (L. ii. De bcllo
Persicoj. Cette ([ualité approche de celle A'unl-
versel. Sozomène donne le nom A" archevêque à
celui qui ])résidait aux villes royales de la
Per.'ie, Séleucie et Ctésiphon,et partant qui
dominait sur tous les évêques de ce grand
royaume (L. ii, c. 9). Théophane parle en
(piehiue endroit de son histoire du patriarche
des jacobites, qui s'était séparé de la foi et de
la communion catholique.
VI. Il y a de l'apparence que ce fut vers ce
DES EXARQUES. l'IilMAlS (»[' PETITS l'ATRIAKCIIES.
"I
117
Tii^me tomps que riiéré^ianiiie Maron doniui
iKiissaiicc à la secte et aux [latiaarclîes des ma-
ronites, qui suivirent les erreurs dcsinonotlié-
lites . et no rentrèrent dans la connnnnion
romaine et dans la foi orthodoxe (ju'au temps
de nos guerres saintes dans la Palestine. (>"est
le sentiment de (".uillanme, archevêque de Tyr
(L. xxn, c. H\
VU. Les nestoriens eurent aussi leur [)a-
Iriarche (|u'ils appelaient catholique , et à (jui
obéissait un grand nombre de métropolitains
et d'évê(iues répandus dans la Mésopotamie et
dans tout l'Orient , comme nous rapprend
Anastase le Sinaïte. Cet auteur parle aussi des
jacobites qui étaient eutychiens, et qui avaient
un patriarche dans l'Orient, et un autre dans
l'Egypte qui gouvernait les cophtes ; et de ce
dernier relevaient les patriarches et les évo-
ques des abyssins , infectés de la même erreur
(In cSt,-jô>, c. 4). Tous ces patriarches ou catho-
liques ont pris commencement après le troi-
sième, quatrième et sixième concile (ocnmé-
nique, et subsistent encore avec un pouvoir
fort étendu dans les mêmes régions. Il y en a
eu quelques-uns qui se sontde temps en temps
réunis à l'Eglise romaine ; mais toutes ces
unions, excepté celle des maronites, ont été
ordinairement ou peu sincères, ou peu fermes.
VllI. Le patriarche d'Aquiléo , dans l'Italie.
doit aussi sa naissance ou son établissement
au schisme qui se fonnaà l'occasion de la con-
ilnmnation dos trois chapitres dans le V" concile
œcuménicpie. Les rois Goths d'Italie donnaient
le nom de patriarche aux métropolitains de
leur Etat, comme il paraît par la lettre d'Ata-
laric au pape Jean (Cassiod. 1. ix, ep. xv\ Les
Lombards ne furent pas moins jaloux d'ho-
norer leurs évoques. Ces évêques, étant depuis
tombés dans le schisme, trouvèrent que ce
nom de patriarche était propre à fortifier leur
rébellion et l'indépendance où ils étaient en-
trés. On peut ajouter à cela qu'après la ruine
de Sirmicli, Aquilée semblait être devenue le
chef de l'illyrique occidentale ; et dans tout
l'empire oriental les grands diocèses , qui
étaient composés de plusieurs provinces .
avaient dans la principale métropole des
chefs qui se distinguaient des autres métro-
politains par la qualité d'exarque ou de pa-
triarche.
Ainsi, soit que l'on considère la grandeur
de l'illyrique occidentale, soit (pie l'on ait
égard à l'intérêt des rois Goths , et après eux
dos Lombards, qui ayant démembré leur Etat
de l'empire, étaient bien aises d'établir aussi
une |ietitc souveraineté dans leurs Eglises;
soit enfin ([uc l'on regarde le schisme, on
trouvera que toutes ces causes ont ajiparem-
menf concouru pour faire (pie ce titre do pa-
triarche ait été donné au métropolitain d'A-
(pjilée, et que d'un honneur purement titulaire
et superficiel, puisque cv patriarche n'avait
aucun métropolitain sous lui, il ail passé a
un rang effectif, qui le met au-dessus de tous
les autres métropolitains, et même au-dessus
des primats.
IX. Paul Diacre, qui a écrit l'histoire de sa
nation, c'est-tà-dire des Lombards, dit qu'au
temps du pape Benoît Paulin, patriarche d'A-
quilée, appréhendant la fureur des Lombards,
se retira d'.Vquilée à Grade et y emporta le
trésor de son Eglise : « Aquileiensi civitati
ejusquo populis Paulinus patriarcha prierai,
qui Longobardorum barbariem metuens ex
Aquileia ad Gradi insulam confugif, secumque
omnem Ecclesiff sua? thesaurum deportavit
(L. H, c. 8). » A Paulin succéda Elie, et à Elle
Sévère, qui fut enlevé avec trois autres évê-
ques de l'ilo de Grade à Ravenne par l'exaniue
(le Ravenne Smaragde, et là il fut contraint de
renoncer au schisme des trois chapitres.
Cette abjuration forcée demeura sans effet.
Plusieurs de ces évoques schismatiques se las-
sèrent néanmoins de leurs égarements et ren-
trèrent dans l'unité catholique; savoir les
évêques d'Atino , de Trente , de Vérone , de
Vicence, de Trévjse, de Feltre, de Relkm, de
Polo et ipielques autres 'L. ni, c. 12. Il n'y en
eut que trois ou (piatre qui s'attachèrent au
patriarche relaps. Après la mort de Sévère,
l'abbé Jean fut ordonné patriarche à .Vquilée,
même avec l'agrément du roi Agilulphe; et en
même temps à Grade on ordonna Candidien,
Ie(iuel étant mort peu de temps après , les
évêques qui étaient de l'obéissance des empe-
reurs romains et de la connnnnion de l'Eglise
romaine, lui substituèrent a Grade le patriar-
che Epiphane, qui avait été officier du palais
impérial : « Defuncto Severo patriarcha ordi-
natus est loco ejus Joannes . abbas , |iatriarcha
in Aquileia vetere cum consensu régis Agi-
lulphi. In Grado (junque ordinatus Romanus
Candidianus autistes. Candidiano quoque de-
functo apud Gradum, ordinatus est patriarcha
Epiphanius, qui fuerat primicerius notaric-
rum , ab episcopis qui erant sub Romanis. Et
118
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-UNIÈME.
ex illo tempore cœperunt duo esse patriarclui'
(L. IV, c. 10). »
Voilà comment par degrés les patriarches
schismaiiques d'Aquilée sous les Goths se reti-
rèrent à Grade pour éviter les insultes des
Lombards ; ils y firent un assez long séjour, et
après qu'ils furent revenus à Aquilée par la
permission des rois lombards, on créa premiè-
rement un évèque, puis un patriarche à Grade,
pour les evècjues qui avaient quitté le schisme
ou qui avaient toujours été de la communion
romaine, ou enfin (jui obéissaient à rem|)ire,
non lies Lombards , mais des empereurs de
Constiuilinople, qui avaient repris Grade et plu-
sieurs autres places. Ce fut là l'occasion de divi-
ser ce patriarcat en deux. Car il était bien juste
que les évê(iues de la conuuunion catlioliipie
et de l'obéissance romaine eussent un métropo-
litain, honoré d'un titre aussi éminent que ceux
(|ui obéissaient aux Londwrds, ou qui s'opiniâ-
traient encore a leur schisme.
Le pape Grégoire II écrivant à Sérénus, évê-
qut; d'Acjuilée, et au patriarche de Grade
Donat, apiielle effectivement celui-ci patriarche,
et non pas le premier. Mais en permettant à
celui d'A(|uilée de dominer dans tout l'enijjire
des Lombards : « Necamplius cjuam in linibus
gentis Longobardorum existenlibus, gressum
tendere pru'sumas, » et protestant qu'on ne le
reçut qu'à condition de ne rien prétendre sur
les droits du patriarche de Grade : « Ei con-
sensumad hancconditionem esse sciatis (Episl.
XV, xvi) , » il reconnaît en effet la dignité ,
dont il a jieine de lui donner le nom, parce
(pi'il n'y avait pas longtemps qu'il était rentré
dans l'unité de l'Eglise.
\. En même tenqis (jue les Golhs et les
Lombards llatl^iient leur métropolitain de la
qualité de i)atriarche, nosévêques de France y
prirent (|uel(|ue goût. Priscus,évè(juedeLyon,
est appelé paliiarche dans le concile IT de
Mâcon, tenu en 585. Il est pourtant appelé
méfropiilitain dans le dernier canon de ce con-
cile. Et cela nous montre que ce nom de pa-
triarche ne donnait pas des pouvoirs plus
amples que celui de métropolitain. Grégoire
de Tours avait aussi donné le nom de patriarche
à Nicélius, évèque de Lyon. « Quod cum rex
Gunlramnus comperisset, congregari synodum
ajiud urbem Lugdunensem jussil. Conjuncti-
que e|iisco()i cum patriarcha Nicetiobealo,etc.
(L. v, c. 20). »
Le concile 11' de Màcon fut aussi assemblé
par ordre du même roi Contran. On pourrait
conjecturer de là, avec assez d'ai)parence, (pie
cette qualité de patriarche était donnée avec
(jueUpie affectation au principal métropolitain
de toute la domination d'un roi. Car on sait
que les rois de la lignée de Clovis partageaient
entre eux le royaume. Le métropolitain de
Lyon, Priscus, j)résida au concile de Mâcon,
où se trouvèrent après lui, outre les évêques,
cinq autres métropolitains de Vienne, de Rouen,
de Bordeaux, de Sens et de Bourges. Enfin ce
concile, qui était comme national, ordonna
qu'on en tiendrait un semblable tous les trois
ans, et que l'évèiiue métropolitain de Lyon
l'indiquerait, après avoir concerté avec le roi-
le lieu de l'assemblée. Ce titre , cette prési-
dence, ce pouvoir, cette conspiration avec le
roi, et enfin le nom de concile universel, qui
se lit au dernier canon, sont des preuves assez
probables de notre conjecture.
XL Mais connue le roi Contran n'eut point
de fils, et que les partages de l'empire français
changèrent très-souvent dans les temps de la
première et de la seconde race, ce nom de
|)atriarclie et les pouvoirs qui commençaient
à s'y attacher n'eurent point de suite, et ne
passèrent pas aux successeurs de Priscus et de
Nicétius. Il se pourrait faire que les principaux
metroiMililains des provinces d'un autre nom
avaient trop de peine à se soumettre à celui de
Lyon ; et c'est peut-être ce qui porta Didier,
évèque de Cahors, à donner la qualité de pa-
triarche à Sulpice de Bourges son métropoli-
tain, et chef de la première aquitanique.
DES PATRiAKCIlKS NUI VEAl \ LATINS.
11 '.t
CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.
DES PATRIARCHES NOUVEAUX DES L.VT1.>S AUX IH ITIÈ5IE, NEUVIÈME ET DIXIÈME SIÈCLES.
I. Ces patriarcats n'ont clé que des titres d'haaoear, le plus
souvent même sans droit de préséance. Exemples des patriar-
ches de Grade et d'Aquilée.
II. Diverses révolutions de ces deux petits patriarcats, qui
n'avaient point de métropoles subalternes.
III. Les Bulgares demandant un patriarche , le pape Nico-
las l" leur lit connaître que ce patriarche ne serait autre chose
qu'un métropolitain ,
IV. Et qu'ils ne pouvaient l'attendre que du Saint-Siège.
V. Le patriarcal de Bourges ne fut non plus d'abord qu'une
métropole.
VI. Mais quand Charlemagne érigea le royaume d'Aquitaine,
Bourges, qui en était la capitale, devint un patriarcat, ou une
primalie, qui eut sous sa juridiction les métropoles de Bor-
deaux, d'Auch et de Narbonne.
VII. L'extinction du royaume d'Aquitaine et l'érection des
dachés de Narbonne et de Guienne rumèrent la primatie de
Bourges.
I. Les patriarches nouveaux des siècles moyens
n'ont efTectivement possédé que des titres
d'honneur, sans aucune prérogative considé-
rable, et peut être même sans avoir le pas ou
la i)réséance sur ks autres métropolitains.
L'empereur Charlemagne , dans sa lettre à
Elipand et aux autres évèques d'Espagne ,
nomme l'archevêque de Milan avant le pa-
triarche d'A(]uilée ou de Frioul. « Sacerdotes
Ilaliœ cum l'etro Mediolanensi archiepiscopo et
Paulino Foi'ojulianensi, vel Aquiiiaacnsi pa-
Iriarcha, viris in Domino venerabilibus Conc.
Gallic. tom ii, p. 185 ; ibid p. 284 ; epist. cxii,
cxiii). »
Le pape Adrien envoya au même Charle-
magne une lettre du patriarche de Grade dans
le concile de Pavie, tenu en 833; le patriarche
André n'est nonnué qu'après l'archevêque An-
gilhert. Alcuin donne toujours la qualité de
patriarche a Paulin, dans les lettres qu'il lui
écrit. Le moine de saint Gai montre bien (jiie
ce n'est qu'un nom magnifique, qui netait
soutenu d'aucune juridiction extraoïdinaire,
quand il dit que Charlemagne alla visiter l'évê-
que de Frioul, que les modernes appelaient
patriarche. « Episcopus civitatis illitis, aut
ut modernorum loquar consuetiidiiie , jm-
Iriarcha, etc. (L. ii. 2ij. .\nno 831). » Eginbard,
dans ses annales, donne le titre de patriarche a
l'évéque de Crade Forlunat.
IL Nous avons remarqué ailleurs que les
rois d'Italie donnaient la qualité de patriarche
à leurs mélro|)olitains ; ipie cette qualité fut
encore pluso|iiniàtrénient affectée par les évè-
ques d'Aiiuilée. Elie et ses successeurs, pour
donner plus de couleur et un éclat imaginaire
au schisme des trois chapitres, dans leiiuel ils
s'étaient jetés.
Quand les empereurs de Constantinople eu-
rent reconquis cette contrée, ils donnèrent la
([uahté de patriarche de la nouvelle Aquilée à
l'évéque Candidien de la conununion catho-
lique, et le firent résider dans l'île de Crade,
où les évèques schismati(iuesd'A(|uilée avaient
aussi ijuelquefois résidé et lui avaient donné le
nom de nouvelle Aquilée. Ainsi cette métropole,
sous le titre de patriarche, fut coupée en deux ;
les Lombards appuyèrent toujours le pa-
triarche schismatique, comme les papes et les
exarques prirent la défense du catholi([ue.
Le patriarche d'Aquilée renonça enfin au
schisme, et retint sa qualité en transférant son
siège premièrement au village de Cormans,
puis à la ville de Frioul, au rajiport de Paul
Diacre dans son histoire des Lombards, qui dit
iiue ce dernier changement arriva sous le roi
Luitprand. Depuis les mêmes prirent le nom
de patriarches d'Aquilée et de Frioul. Voilà
donc deux titres de patriarches catholiques,
Aquilée et Grade, sans aucun privilège sur les
autres métropolitains , jusqu'au temps de
Léon VIII. pape, en l'an 980, qui leur donna la
préséance au-dessus de tous les autres métro-
politains d'Italie. Ce qui ne fut encore (juune
préséance d'honneur sans aucune juridiction
sur d'autres métropolitains. Enfin le pape
Léon, en 10.30, fit un nouveau partage entre
ces deux patriarclios, dont celui de Crade fut
transféré à Venise.
m. Pour faire mieux connaître que ces pa-
triarcats n'étaient cjue de simples métropoles,
il faut appeler l'attention sur la lettre du pape
Nicolas L% qui fut sa réponse aux consultations
des Bulgares. Car ces peuples lui avaient de-
1-20
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS, — CHAPITRE YINGT-DEI'XIÈME.
mandé s'il leur était permis de créer un pa-
triarclie : « Requisislis, si liceat in vobis patriar-
cham ordinari Cap. 7-2]. » Ce titre sjiécieux de
patriarche tlattait apparenunent l'ambition du
roi et de la nation des Bulgares, pour suivre
de prés les empereurs de Constantinople. dont
l'empire était rehaussé par les Eglises patriar-
cales. Le pape leur répondit qu'il fallait pre-
mièrement leur donner des évêques, au-dessus
desquels ou établirait avec le temps sinon un
patriarche, au moins un archevêque : « Qui si
non patriarcha, certe archiepiscopus appellan-
dus sit.»
IV. Les Bulgares ayant ensuite demandé
qui est-ce qui leur devait ordonner uu patriar-
che : « A quo sit patriarcha ordinandus, inter-
rogatis, » le pape leur répondit ([u'iin nouveau
patriarcat ou archevêché ne pouvait être créé
que par une puissance ecclésiasticiue supé-
rieure : « Scitote (|uia in loco, ubi nunquam
patriarcha vel arcliiepiscopus coustitutus est,
a majori est penitus instituendus (Cap. 73). »
Enfin, ce pape répond qu'ils ne doivent atten-
dre leur patriarche, ou leur archevêque, (jue
du siège de saint Pierre, qui est comme le
sommet de l'épiscopat et de l'apostolat : « Vos
sive patriarcham, sive archiepiscupiuu, sive
eijiscopum vobis ordinari postuletis, a nemiue
uunc velle congruentius, ([uam a pontifice se-
dis beali Pétri, a quo et ejiiscopatus et apitsto-
latus sumpsit initium, hune ordinari vale-
tis, etc. »
V. Le titre patriarcal de Bourges est tout
semblable à ceux dont nous venons de parler.
Le pape Adrien 1" accorda aux prières de
Charlemagne le pallium qu'il avait demandé
pour Ermembert, archevêque de Bourges (An.
78G). Ce i)ape apprélienda d'abord (|ue ce pré-
lat ne fut lui-même soumis à quelque autre
métropolitain, mais enfin Ermembert lui ayant
fait connaître qu'il ne rele\ail d'aucun autre
métropolitain : « Confessus est, ut sub nuUius
archiepiscopi jurisdictione videretur esse, » il
satisfit à ses désirs, et eu lui donnant le pallium
le déclara archevêciue et métropolitain de
Bourges : « Archiepiscopo constituto in metro-
politanam civitutem, qux lïiturica cognomi-
natur; sicut dudum mos extitit; sub jure
sanctic Romana; Ecclesiœ degenti, usum |)allii
concessimus,etc. (Conc.Gallic.tom. m, \). llS).»
Si cet archevècjue eût dès lors prétendu (jud-
que droit sur d'autres métroi)oles, il l'eût sans
doute fait valoir dans une occasion si favorable,
et il en eût demandé la confirmation au Saint-
Siège.
VI. Mais le même Charlemagne ayant érigé
le royaume d'A(iuitaine en faveur de son fils
Louis le Débonnaire, et lui ayant soumis les
trois Aquitaines, Bourges, Bordeaux et Eause
ou Auch, qui s'éleva eu la place d'Eause, après
(|u'elle eut été désolée, Bourges, qui était la
capitale de la première Aquitaine, devenant
aussi la capitale de ce nouveau royaume, et
commençant d'exercer une nouvelle juridiction
sur Bordeaux et sur Auch, et même sur Nar-
bonne (jui n'était pas comprise dans les Aqui-
taines, mais qui se trouvait renfermée dans les
bornes de ce nouveau royaume ; la qualité de
patriarche fut apparemment donnée au prélat
de cette nouvelle primatie, comme très-conve-
nable au premier métropolitain d'un royaume
entier. Nous avons fait remarquer ailleurs plu-
sieurs exemples semblables du titre patriarcal
attribué au premier archevêque d'un royaume.
Cratien a inséré dans son décret une partie
de la lettre du pape Nicolas I" à Rodolphe, ar-
chevêque de Bourges, où ce pape lui fait sa-
voir qu'il a reçu les plaintes de Sigebod, ar-
chevêque de Narbonne, sur les entreprises
(ju'il a faites dans son diocèse, comme si son
|)atriarcat lui avait acquis ce droit : Quasi jure
liatriarchatus lui disponas i9. i\. ;i, c.Conques-
tus;. » Et comme il n'avait aucim juste fonde-
ment d'exercer cette juridiction inuuédiate
sur un autre diocèse que le sien, il lui ordonne
de se contenter de recevoir et de juger les ap-
pel? qui seront iiortés devant lui comme de-
vant lui patriarche, qui a cette sorte de juri-
diction sur les métropoles de son ressort. « Nisi
forte i)ro causis (]ua? a|nid se terminari non
possunt, ad te quasi ad patriarcham suum pro-
vocaverint per appellationes, vel si episcopus
suus decesserit, res Ecclesiœ sua' judicio tuo
dispensare voluerit (Conc. Callic. tom. lu,
p. -235). »
VII. Si cette lettre du pape Nicolas \" est bien
avérée, elle confirme sans doute le patriarcat,
c'est-à-dire la ])rimatie de Bourges sur Nar-
bonne même. Car rarchevêipie de Narbonne
n'avait formé de plaintes (jue sur la juridiction
iuunédiate que le primat exerçait dans son
diocèse, et le pape ne blâme que cet exercice
inuuédiat de juridiction, autorisant d'ailleurs
les ;ip])els i|ui se feront au primat, comme un
droit fondé sur l'antiquité. « Primates enim
vel palriarchasniliilprivilegii habereprae caete-
1>ES l'ATRlAHGHES DE (".RA1>E, DE VENISE, ETC.
I t.i
121
ris episcopis, nisi quantum sacri canonrs con- (".uifiine ayant ('té dissipé, la (lucliù de Nav-
cediint, et prisca constietiulo illis anticiuiliis Iioiuil' cl cfllo do ("iiiionnc furent enfin érigées,
eontiilit, dolininius. » Ives de (Miarlres avait ce (nii fit (pie Xarluinne et Kordeaux «econc-
eité cette lettre avant Ciratien. Nous dirons ci- renl le jonu de la priinatie de Bourges,
après (chap. xxxv), comment le royaume de
CHAPITRE VINGT-TROISIEME.
■/.i
•». . i
DES PATRIARCHES PE CRAnE. VF. VENISE. n'AQVII.ÉE ET DES BULGARES APRÈS l'AN MU.. ' "
I. Le corps de saint Marc, retrouvé à Venise, semblait y pré-
sager la dignité patriarcale.
II. Quand et comment le patriarcat de Grade y fut transféré.
III. Etendue du patriarcat de Grade.
IV. Sa différence avec celui d'Aqnilée.
V. EléTulion de ces deux patriarches au-dessus des patriar-
ches anciens.
VI. .ancienne grandeur de Grade et d'.^quilée.
VII. Du patriarcat ou priinalie des Bulgares, à Trinove, qui
est l'ancienne Justinicnne.
VIII. De la priniatie de Thessalonique. '
I. Le corps du bienheureux saint Marc, évan-
géliste, ayant été retrouvé à Venise (Anno 1094),
on y célébra une solennité «pii semblait pré-
sager à celte puissante ville la dignité patriar-
cale qui y fut transférée de l'île de (irade,
comme nous Talions voir. Pierre Daniien avait
comme auguré cet accroissement de dignité,
lorsque, parlant de cette découverte, il disait
([ue cette Eglise montait en quelque façon au
rang des Eglises apostoliques . en possédant
le corps d'un prélat apostolique, et qu'elle s'ap-
Itrochait de plus près du siège suréminent de
Pierre en devenant elle-même le trône de son
cher disciple. « Dum in tuo gremio virum apo-
stolicœ gratiae suscepisti , et ipsa quodammodo
sedes apostolica fieri meruisti. Quamobreiu
sicut mater urbium Roma super omnia régna
terrarum sublimatur in Petro , sic et tu velut
ejus insignis fllia , per Marcum gloriaris in
Cliristo iBaron. Anno Hmi.num. 3.S, 36, Tf'. »
II. Si ce ([ue Dandule a écrit est véritable ,
que Léon IX transféra le siège patriarcal de
(".rade àVenise dans le concile romain en loriO,
et que dans celui de Mantoue, sous Alexandre II,
la même chose fut confirmée ; il faut croire
qu'on ne se rendit pas à ces décrets, ou que
l'obéissance ne fut pas longue. J'ai peine d'en
croire Dandule sur sa parole. Ce fut le pape
Nicolas V qui transféra la dignité patriarcale
de (irade à Venise (Baron. An. tO.'iO, n. 3). vou-
lant honorer de cette éminente qualité la vertu
éminente de saint Laurent Juslinien, qui en
était déjà évèque. Ce pape fit cette démarche,
sans en avoir pris l'avis du duc et du sénat,
parce qu'il n'en voulait pas avoir le refus, sa-
chant bien (|ue son prédécesseur Eugène IV
avait inutilement tenté de les y faire consentir
(Anno 14o0, Rainald. ad eum annum, n. 19).
Le nouveau patriarche ayant appris que le
sénat se disposait à traverser son élévation,
dans la crainte que ce nouveau degré d'auto-
rit('' donnât de la fierté aux évcques, avec les-
quels il ne s'était déjà que trop souvent brouillé,
pensa à ménager cette occasion favorable non-
seulement pour éviter cette augmentation de
dignitt'. mais pour se faire entièrement dé-
charger de l'épiscopat, qui lui avait toujours
été à charge. Mais comme ce saint homme
ppnsait à faire servir à son rabaissement les
efforts que le pape faisait pour son exalta-
tion, le duc et le sénat au contraire jugè-
rent qu'une humilité et une modestie si
extraordinaires méritaient aussi un rehaus-
sement dont la gloire rejaillirait sur toute
la république. « Sic quod invidiosum fuerat
iii (lignitate, ex mausuetissimis saneti ^iri mo-
ribus gratissimum factum est.» dit fauteur
de la vie de ce saint et humble patriarche
Rolland. Vita B. Laur. Justin, die K Januaris,
cap. s .
III. Ce ne fut effectivement qu'une transla-
tion du siège patriarcal de Crade h Venise. Car
le patriarche de Grade avait déjà une étendue
1-2-2
DU l'IîEMIEli Or.DIŒ DKS CLtKCS. — CIIAPITHE VINGT-TUOISIÈME.
fort vaste d'autorité, selon que l'Etat des Véni-
tiens portait toujours i)ius loin les limites de
son em|)ire. ]>e pape Alexandre IV écrivant au
patriarche de Grade, ne se contenta pas de con-
firmer les anciens privilèges accordés à son
Efflise [lar tous les papes précédents, en remon-
tant juscjua Urbain 11 et Léon IX, mais il lui
donna ou confirma aussi la supériorité sur
rarclit'vê(|ue de Zara et sur tous ses suffraj^anls,
avec pouvoir de le consacrer, à cette condition
néanmoins (pi'il ne pourrait recevoir le pal-
liuui (jne du jiape : « Romano quidem ponti-
fici tradilioiie pallii reser\ala (Kainal<l. aniio
1240, n. 40). » Cette autorité du patriarche
de Grade sur le métropolitain de Zara était
plus ancienne, puisque Innocent III écrivit
aux Vénitiens que le Siège apostoliciue avait
érigé Zara en métropole, afin cju'ils pussent
avoir un vrai patriarche, qui eût des mé-
tropolitains sous lui : « Ut Ecclesia vestra non
solo nomine , sed pleno jure patriarchalem di-
gnitatem haheret, cum ei subjecta foret melro-
jiolis Jadertina (Gesta Innoc. III, pag. ll'i. Et
Regist. I, epist. Dxxxvn). »
Les mêmes actes de ce pape font néanmoins
voir (jiie le métropolitain de Zara ne pouvait
recevoir le pallium ([ue du pape. En (juoi ces
petits patriarches étaient distingués des vrais
palriarches de l'Orient, qui donnaient le pal-
lium a leurs métro[iolitnins. Enfin, connue
nous le dirons plus amplement ailleurs (chaii.
2'.») , ce pape donna au |iatriarche de Grade la
charge et la conduite de tous les sujets de la
républi(iue répandus dans les Etats de l'em-
])ire de Gonstantinople, avec pouvoir d'y éta-
blir des évèiiues dans tous les lieux où les Vé-
nitiens posséderaient plusieurs Eglises.
Après cela il faut avouer que la qualité de
patriarche de Grade et de Venise était appuyée
d'une puissance assez grande et assez étendue,
puis(|u'elle dominait sur des archevêques et
(prdle s'èlendait en quelque façon aussi loin
(|ue l'empire de Gonstantinople. Le pouvoir
même de créer de nouveaux évéchès pour ceux
de la naliou n'est pas un avantage peu consi-
diMahle.
IV. Les empereurs de Gonstantinople s'étant
autrefois saisis des contrées maritimes des |vro-
vinces d'Istrieet de Venise,le patriarcat d'Aijui-
lée futdivis(' en deux, dont le patriarche d'A(iui-
lée , (ju'on appela aussi de Friouli , parce qu'il
transféra son siège à Frioul , gouverna les
Eglises sujettes à l'empire grec : et le patriar-
che de Grade prit la conduite du reste de l'is-
trie, qui demeiu'ait sous les Vénitiens et était
plus étroitement attaché à la comnmnion ro-
maine. Aussi on appela le patriarche de Grade
patriarche du pays de Venise et d'Istrie. On lui
donna aussi le nom de patriarche de la nou-
velle A(iuilèe, parce que Grade même fui nom-
mée la nouvelle Aquilèe comme étant un dé-
membrement du italriarcat d'A(|uilée.
G est ajiiiarenunent de ce jialriarcatd'Aquilèe
qu'il faut entendre Luitprand, quand il dit que
saint Pierre, ayant établi le trône de ra|)()stoiat
a Rome, envoya son disciple Marc forider l'Eglise
d'Alexandrie, mais que saint Marc en passant
fonda auparavant l'Eglise d'A(]uiIée. « Ita ut
A(]uileiensemipse primo institueret(Luitprand.
ilist. 1. IV, c. 3). » C'était un bruit (|ui avait
cours en ce temps-là. L'an 1044 le pape Be-
noit IX se laissa surprendre par Popon, patriar-
che d'.\(|uilèe. et lui donna un privilège de su-
périorité sur Grade, mais il le révoijua après la
mort de Popon, aux instances du duc de Venise
(Baron, ad An. 1044, n. 3).
Le pape Léon IX ordonna par une de ses iet-'
très aux évêques du pays de Venise et d'Istrie de
rendre obéissance au patriarche de Grade, au-
quel il donne toutes ces qualités que nous ve-
nons de rapporter : « Relectis privilegiis a
sancta et aposlolica Sede sibi concessis, judicio
tolius synodi hoc definiUun fuit, ut nova Acjui-
leia totius Venetiaj et Istriic caput et metropolis
perpetuo haberetur,clc. Cum Gradensis, id est,
nov;e Aquileiic patriarcha, etc. (Léo IX, e|). u,
Anno lO'iO). » Le même concile romain , ([ui
ri'gla le ressort du patriarche de Grade, resserra
le patriarcat d'Aiiuilèe dans la seule Lombardie,
suivant l'ancien règlement du pape Grégoire II
confirmé ])ar Grégoire III : « Forojuliensis vero
aniistes tantunnnodo flnibus Longobardorum
csset conlentus, juxta privilegium Gregorii II
et retractationem m. »
Ce pape se plaint au même endroit des fré-
(|iieiites désobéissances du patriarche de Frioul,
(pii avait relusé quatre diverses fois d'assister
au synode romain où il avait été convié, au lieu
(pie celui de Grade s'y était trouvé cinq fois
sans y être appelé. Il est probable que le pa-
triarche de Friouli conservait ses anciennes
iiilelligences avec l'empereur et le patriarche
de Gonstantinople, qui eut alors et qui avait
fort souvent des démêlés avec l'Eglise romaine.
Après cela il n'est pas surprenant (|ue l'Eglise
de tirade ait emporté de grands avantages.
DES PATUIAHCHES 1>K (.KAIH:. HK VKMSK. KTC.
i-13
Le patriarche Domiiiujue de Grade, en la-
veur duquel Léon IX écrivit cette lettre, fut
envoyé lui-niènic a (loiistanlinopie vers IVin-
pereur Michel par le pape (.ré^'oire VU pour
rétahlir la bonne intellitîence entre les deux
E^dises, et il nous a api)ris lui-niênie dans sa
lettre a Pierre, patriarclie d'Antioche, ipie sou
Ej<lise se vantait d'avoir pour fondateur l'évan-
î^éliste saint Marc, d'être la seule patriarcale
d'Italie, et ijue dans les conciles roniauis elle
avait l'honneur de prendre séance à la (Irt)ite
du pape. Le patriarche d'Antioche lui répliqua
qu'il ne reconnaissait que ciiKj patriarclics,
que la qualité même de patriarche était pro-
prement affectée à celui d'.\ntioche, parce (jue
les pontifes de Rome et d'Alexandrie ont pris le
titre de pape, ceux de Constantinople et de Jé-
rusalem ont reçu celui d'archevêques ; mais
que l'évéque de Grade se dit peut-êlre patriar-
che de la même manière que les prélats orien-
taux, qui ont séance dans les conciles inuue-
diatement après les patriarches, sont appelés
prototrônes, exarques et procdres (Marca de
Primatu Lugdun.j.
V. Le patriarche de Grade ne prétendait pas
lui-même s'élever au rang des anciens patriar-
ches, lui qui ne pouvait pas même avoir joui
depuis fort longtemps de cette séance d'hon-
neur à la droite du pape. Car nous apprenons
d'une lettre du pape Clément 11 (jue tlans un
concile romain, après une longue contestation
sur ce sujet entre les archevêques de Ravenue
et de Milan et le patriarche d'Aquilée, il avait
enfin été résolu que la droite du pape serait
occupée par l'empereur, s'il était présent, et
par l'archevêque de Ravemie en son absence.
Le pape Grégoire Ml fut obligé de faire res-
souvenir le duc et le peuple de Venise que
leur pays était honoré de la dignité de pa-
triarche : « Scitis qiioniam pra' multis terra-
rum partibus divina dispensatio terram ve-
stram patriarchalus honore sublimavit (Ann.
i0i6. Concil. tom. ix, pag. 12oii : » et qu'il était
houleux qu'ils eussent laissé tomber une di-
gnité si relevée dans une si extrême pauvreté,
que le patriarche Dominique, prédécesseur
immédiat de celui en faveur duquel il écrivait,
avait été en résolution d'abandonner son
siège.
Un patriarche si peu respecté parmi les siens
n'avait garde de s'en faire accroire ailleurs.
Mais il est vrai que le Saint-Siège a toujours
pris sa défense. Le pape Adrien lY confirma la
dignité patriarcale de l'évéque de Grade, cl sa
supériorité sur l'archevêque de Zara (Conc.
tom. X. .\drian. iv, epist. xxxvu, xxxvui).
l>ans le concile l" de Lyon on dres.si d'abord
trois sièges plus éminenis (pic les autres vis-a-
vis de celui du jiape, iioiir les palriaiclies de
Corislautiuople, d .\iitioclie et d'.Vtpiilee. Les
[trélals s'opposèrent à cette préférence du pa-
triarche d'.\quilée, et son trône fut renversé ;
mais le pape le fit rétablir (Aiiuo I:2i5. Concil.
tom. u, part, i, p. 6:^^). Et pour le temporel, le
pape Eugène IV ayant transféré de l'évêchè
de Florence au patriarcat d'Aquilée, le vénitien
Louis , il écrivit au duc de Venise de remet-
tre entre les mains de ce patriarche vénitien
la province de Frioul que les Vénitiens avaient
usur[iéc sur son prédécesseur qui la possédait
comme le patrimoine de son Eglise ; ce qui
avait porté le concile de Bàle à lancer sur eux
les foudres de rexcommuiiication. Enfin, ce
pape proteste (jue si le duc refuse une restitu-
tion si juste, il donnera la conduite d'une
autre Eglise au patriarche Louis, et que la no-
mination du patriarche d'Aquilée tombera
entre les mains de l'empereur, qui se gardera
bien d'y nommer un vénitien, parce que c'est
un poste important et une des premières di-
gnités de l'empire : « Cum sit ex principaliori-
bus regni dignitatibus (Rainald. An. 440, n.
11). 1)
Il y a apparence que les empereurs y avaient
ordinairement pourvu, jinisque le i)a[)e assure
au même endroit qu'il n'y avait jamais eu de
|iatriarche vénitien. iNous avons vu cette con-
t( station renaitre eu nos jours entre le pape et
l'empereur, le pape Urbain VIll y ayant nommé
un vénitien, et l'emiieieur lui en ayant fait
faire des protestations pour la défense de ses
droits (Spondanus. Anno 1628).
VI. 11 n'est pas étrange que la ville d'Acjuilée
qui était une seconde Rome pendant la puis-
sance des romains, qui a été si signalée entre
les Eglises Occidentales pendant les premiers
et les plus florissants siècles de l'Eglise, qui
a tenu un si gTand rang pendant l'empire des
Goths dans l'Italie, et qui a peut-être dès lors
pris la qualité de patriarche, comme prédomi-
nante dans l'empiredes Goths en Italie, comme
plusieurs autres Eglises se donnèrent le même
titre par une raison toute semblable: il n'est
pas étrange, dis-je, que même après tant de
désolations qu'on peut lire dans l'histoire, elle
se soit encore conservée dans ses anciennes
1-21
Dr PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VlNGT-TROISlÉME.
prérogatives; puisque dans les siècles moyens
se trouvant sur les frontières des deux empires,
et des <leux Eglises de Rome et de Constan-
tinople. elle a pu se ménager en sorte ([ue les
pa])es, les patriarches de Constantinojjle et les
empereurs, ont travaillé comme par émulation
à l'agrandir et à la joindre à leurs intérêts par
les siens propres.
Paul Diacre assure lui-même ([uavant la
descente des Loml)ards en Italie, Paul, évêque
dAcjuilée, prenait la qualité de patriarche ; et
que ce fut p<Mn- éviter les insultes de ces l)ar-
hares (pi'il transféra son siège dAquilée en lîle
de Grade: « Paulus patriarcha, Longobardorum
barhariem mcluens. ex Aquileia ad Cradi in-
sulain confugit, secumquc omnem thesaurum
Ecclesiœ suae portavit (Anno 568, Paulus Dia-
con. 1. u, c. 7 et 1. iv. c. 3i, et I. vi. c. RI). »
Sigonius ajoute que Cisulfe, duc lombard de
Frionli, s'élant converti, fit élire un patriar-
che à Aquilée, qui présida aux conquêtes des
I.omliards dans le continent Anno m^,, Sigo-
nius L. II de regno Ital.). Ceux de Grade con-
tinuèrent d'élire un patriarche, ta qui les côtes
delà mer et tous les paysdistrie, qui obéissent
encore aux empereurs de Constantinople fturnt
soumis. Paul Diacre dit la même chose, et
assure qu(! dès lors il y eut deux patriarches :
« Ex illo tempore duo cfpperunt esse patrinr-
chic. 11 Les courses des ennemis Ibrcéreril les
patriarches d'Aquilée de se retirer dans la
]ihue forte de Ciutatde Frinuli. onFnnimJiih'i.
d'où ils jiassèrent encore à Udin. l'thnim. Ce
(|ui fiiit donner tant de ditt'érents noms à ce
patriarche di' l'ancienne Aquilée.
VIL II est temps de passer à rarchevèque
des Bulgares, à qui le pape .Nicolas I" donna
je titre de patriarche, en la manière que cette
auguste (piaiité était limitée, et réduite à un
(■tat fort médiocre quand on rattril)uait a
d'autres qu'aux quatre anciens patriarches
(Epist. ad consulta Rulgar.). La métropole des
Rulgares était celle qu'on avait autrefois aj)-
peléc la première .lustinienne, l'ouvrage de
l'empereur Justinien. (pii lui avait procuré
tous les avantages possibles, et entre autres le
vicariat du Saint-Siège, c'est-à-dire la qualité
de primat. On n'y parla point alors du nom
de patriarche. Mais après que Nicolas I" eut
comnumiqué ce titre de patriarche à rarche-
vèque des Bulgares qui avait alors établi
son séjour dans .\cride ou dans la Justinienne
première, le [lape Innocent 111 ne lit nulle dif-
ficulté de le lui confirmer ai)rès (ju'il eut trans-
féré son siège dans Trinove. ville de la Vala-
chie, qu'on nommait alors Blachie.
Voici les termes du pape Innocent à l'arche-
vê<|ue de Trinove : « Te quoque in regno Bul-
gai'oiiun et Rlacchorum priniatem statuimus,
nt et tu et successores tui. ([ui tilii in apostolicîe
Sedis devotione successerint , cfeteros mefro-
jiolitanos lîulgaris et Blacchiip pnecellatis ra-
fione primatia?; et ipsi tibi, et eisjuxta formam
canonicam, reverentiam primati debitam exhi-
beant et honorem (Rainald. an l-JOi. n. 'M,
;{S;. » Ce savant pape ajoute cet article consi-
dérable pour faire estimer la gi'àce qu'il accor.
(lait au roi et au palriarche des Rulgares , que
la qualité de primat est la même que celle de
patriarche : « Fraternitatem tuam scire volentes,
quod ha-c duo noniina apud nos , primas et
patriarcha pêne periitus idem sonant , cum
])atriarch;r et primates unam formam teneant,
licet eorum nomina sint diversa. » Enfin ce
pa[ie ordonne ([ue les métropolitains qui relè-
veront de ce patriarche reçoivent de lui leur
confirmation et leur consécration , mais qu'ils
envoient demander le pallium au pape, qui
ne le leur refusera pas. non plus (pi'à leur pa-
triarche, quand il sera nouvellement élu.
NicéphorusGrégorasfL. n) raconte comment
l'empereur Basile cliassa les Rulgares de la
Macédoine, et par conséquent de la,Instinienne
première, qui s'appelait aussi Acride, et les
obligea de se retirer dansIaMysie. sur le Danube.
C'est où les Rulgares érigi-rent Trinoveenarche-
vêché, l'ayant fait exempter de la dépendance
on elle avait toujours été de la première Justi-
nieiuie, au temps qu'ils firent épouser la fille
de leur roi à Théodore Lascaris , fils de l'em-
jiereur des Grecs : « Tune Ternobi episcopus
libertatem periieluam impeirat . cum ad id
us(iue tempus priniic .lustiniantr archiepiseopo,
propter veterem illius gentis cognationem pa-
ruisset. » Le pape Innocent III se renditd'autant
])lns facile à accorder la couronne royale au
prince des Bulgares, et la qualité de patriarche
à leur nouvel archevêque, que par les liens de
tant de bienfaits il attachait plus étroitement
ci'tlc nation belliqueuse au parti des Latins,
(pii doiuinait alors dans l'enqjire de Cons-
tantinople.
VIII. Ce même pape rétablit aussi l'ancrenne
dignité des archevêques deThessalonique, dont
l'ancien vicariat apostolique méritait avec tant
de justice le titre de patriarcat; il est hors de
DES PRIMATS DE L'ASIE DES SIECLES MOYENS.
12."
doule que culte nouvelle disposilion dura au reut l'iMn|iirr de C(iuslanliiui|ile > liimie. liL
moins tout le temps que les Latins occupe- Hegest. \v. Epist. xviiii. , i , ,m!
I' M' - ''
1 i h .1 ' 1 ; I : i I : j
. t
CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME.
DES PATRrARCHES CATHOLIQUES, Ol PRIMATS I)F. L ASIE, Ql 1 SE SONT ELEVES DANS LES SIECLES MOYENS,
PAR LE DÉMEMBREMENT DES PATRIARCATS d'aNTIOCIIE ET DE JKIUSALKM. '
I. Da patriarche el de l'Eglise des maronites. .
II. Du palriarclie et de l'Eglise des jacobites.
III. Des calhnliqiies et des Eglises des .arméniens.
IV. Du titre de calholiquc.
V. Distinction de deux catholiques. , , . .
VI. Des Franes-.\rménien?.
VU. Des nesloriens.
VIII. Du prêtre Jean, patriarche des nesloriens, et empereur
dans l'.\sie.
IX. Divers patriarches des nestoriens, et leurs réunions avec
l'Eglise romaine.
X. Des géorgiens.
XI. Divers accommodements de ces sectes avec le pape.
XII Les eulychiens ne tiennent plus la confusion qu'Eulychès
niRtlait des deux natures en J.-C.
! . <';; 1 ,!/' i
I. Comme ces patriarcats ou priraaties n'ont
été ijue des démembrements des anciens |ia-
triarcats, et que nous n'avons pu traiter de
l'état présent de ceux-ci , sans touclier leur
origine, il sera bon d'en parler ici lui peu plus
au long , avant que de parler des patriarches
latins qui ont occupé les anciennes Eglises [ta-
triarcales de l'Orient , ou qui en retiennent
encore le titre.
Nous commencerons par les maronites qui
ont tiré leur nom, non pas de la ville de Maronia,
qui n'était pas loin d'Antioche , selon saint
Jérôme iln vita Malchi. c. xvi), ni du saint
religieux et prêtre Maron, dont parle Théodoret
dans son histoire religieuse, et dont le monas-
tère paraît avoir été si célèbre dans le concile
de Const;intinople sous Menas ; mais de l'héré-
sianpie Maron, qui donna vogue aux erreurs
des monothélites parmi les peuples du Mont-
Liban.
C'est ce que nous en a appris Guillaume ,
archevêque de Tyr. qui en était proche, et qui
dit que de son temps, c'est-à-dire cinq cents
ans après le sixième concile général, oii les
monothélites avaient été condamnés, les ma-
ronites se réunirent à la foi de l'Eglise catho-
lique avec leur patriarche et leurs évêques, et
tirent abjuration de leurs erreurs enti'e les
mains d'Aimeric,([ui l'ut le troisième patriarche
latin d'Antioche : Ad Ecclesiam rediere Catho-
licam una cum patriarcha suo , et episcopis
nonnullis (L. xxii. c. 8). »
Jacques de Viti-y, qui fut évèque d'Acre en
Syrie, raconte la même chose et ajoute que les
maronites en même temi>s s'attachèrent très-
religieusement à toutes les coutumes et aux
cérémonies saintes de l'Eglise romaine ; enfin
que leur patriarche assista au concile général
de Latian, sous le pape Innocent 111 (Anno t IS"2).
11 est vrai que les maronites présents se don-
nèrent la gloire de descendre du saint prêtre
Maron, dont nous avons parlé, et de son illustre
monastère, et que dans leurs prières ils en font
mémoire. Mais quelle est la nation du monde
qui ne se tlatte uu peu, et qui ne fasse un peu
de violence à l'histoire pour se donner de plus
nobles aïeux?
Les maronites étant ensuite tombés dans
(|uel(]ues erreurs, ou dans quelipie refoidisse-
ment pour l'Eglise romaine, l'an liirj, Eu-
gène IV envoya en Chypre André, archevêque
de Coloce, en Hongrie, et reçut d'eux une con-
fession de foi orthodoxe (Uainald. An t.Mt,
n. ST et seq). L'an tittfl, Paul II envoya au
patriarche des maronites une instruction
e.vacte de la foi, comme il la lui avait demandée.
Enfin le pape Léon X leur envoya des mis-
sionnaires apostoliques de l'ordre de saint
François, qui trouvèrent dans leur esprit toute
la docilité possible, et une déférence incroyable
pour le Saint-Siège (Rainald. An tfilfi, n. 79).
Aussi les envoyés de leur patriarche compa-
126 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME.
nirent deux ans après au concile de Latran, et
y lirent profession de la foi de l'Eglise romaine.
Le pape n'y approuva pas la qualité de patriar-
che d'Antioche que leur patriarche se donnait,
parce ([u'il y avait déjà un autre patriarche
dAutioche (Spondan. An to77, \iM) . Le pape
Clément VU écrivit au patriarche des maro-
nites, l'exhortant a demeurer ferme et imnioliile
dans l'union de l'Eglise romaine, que ses |>ré-
décesseurs avaient embrassée sous les pa|)es
Innocent III et Eugène IV. Cette union fut
enfin consommée sous les papes Grégoire Mil
et Clément VIII.
On leur a permis de faire les officesde l'Eglise
eu langue chaldaïque, c'est-à-dire syria(iue.
Quoique leurscérémonies soient les jdus apjiro-
chantes des romaines , elles ne laissent pas
d'avoir des différences fort considérables et de
tenir beaucoup des pratiiiues des Grecs. Ils
donnent la communion aux petits enfants, ils
la donnent sous les deux espèces, ils ne jeûnent
point le samedi, leurs prêtres et leurs diacres
ne sont pas obligés au célibat, jjourvu qu'ils
aient été mariés avant leur ordination. Ils ne
séparent pas le sacrement de confirmation du
baptême. Ils ne disent qu'une messe par jour
dans une Eglise et sur un même autel, si une
[ircssante nécessité ne les force de la réitérer.
Le i)ape Paul V permit a leur patriarche de
donner une indulgence pleniere a son peu|)le
une fois en sa vie.
An reste, quoi(pi'()n ait écrit (pie ce iieuple
habite le Monl-liban, au nombre d'environ
([uarante mille : il ne laisse pas d'y avoir en-
core des maronites à Alep, à Damas, et à |)lu-
sienrs autres endroits de Syrie. Leur patriarche
fait sa résidence ordinaire dans Cauobin. (|ui
est un monastère bâti dans le roc. Ils ont un
arcbevèi|ue ipii fait son séjour dans la ville de
Heden. Us ont aussi des évèques (Vie de M. de
Chastu. c. 15).
II. Passons aux jacobites, qui ont tiré leur
nom de Jacques, syrien, qui se signala sous
l'empire d'Anastase par son ardeur à répan-
dre tlans toute la Syrie la secte malheureuse
d'Eulychès, ensorbMjuedèsle temps d'Anastase
le Sinaïte, patriarche d'Antioche , (|ui vivait
avant la fin de vi'' siècle, leseutychiens de Syrie
portaient déjà le nom de J.acobites Anast.
Syna. in iSr,-^û). Cette secte s'étendit dans
toute l'Asie et l'Afrique sous l'emiiirc des Sar-
rasins. Jacques de Vitry assure (jue le bruit
commun était qu'elle avai infecté du venin
contagieux de sa doctrine plus de quarante
royaumes (Hist. Hierosolym. 1. i, c. 75 . Mais
nous ne [tarions ici que de ceux de l'Asie, dont le
patriarche prend aussi la qualité de patriarche
d'.\ntioche. du(|uel relèvent jibisieurs métro-
politains ou archevêques, dont les |>rinci|)aux
sont ceux de Jérusalem, deMossoul, de Damas,
d'Edesse et de Chypre. Le patriarche résidait
autrefois dans le monastère de Safran, il s'estde-
puis établi dans la ville de Caraniit i,Spond. an.
5771. Il y a aussi à Alep un évêque jacobilc,
(jui picnd le nom de patriarche. Leurs Eglises
sont répandues dans l'Asie, l'Assyrie, le Diar-
bek et la Mésoi)otamie. Sous le pape Gré-
goire XIII, le patriarche des jacobites Néémen
était soumis au Saint-Siège ; la persécution des
Turcs en fit un apostat, mais enfin il vint à
Rome faire lui-même l'abjuration de ses er-
reurs et recevoir l'absolution de son apostasie.
111. Les Arméniens doivent aussi passer pour
disciples des anciens eutychiens, ou demi-
eutychiens. Photius en fait foi dans une de
ses lettres (Epist. u). A quoi il faut ajouter la
célèbre dispute du prêtre Théorianus, que
l'empereur Manuel Comnène avait envoyé pour
réduire leur catholique et leurs évêquesa la con-
fession des deux natures en J.-C. ; de quoi ils
ne voulurent jamais convenir (An. 1170). Il
est donc certain que ceux qui les ont con-
fondus avec les ncstoriens, ou qui ont cru que
leur erreur était semblable, se sont eux-mêmes
trompés. Guillaume de Tyr raconte qu'il assista
lui-même au concile de Jérusalem, où le
catholiijue, c'est-à-dire le patriarche des ar-
méniens ayant conféré avec les évèques latins,
promit de corriger beaucoup d'articles de leur
ancienne doctrine.
Voici les termes de cet historien : « Interfuit
maximus Armeniorum pontifex, imo omnium
episcoporum Cappadociœ, Mcdiœ et Persidis, et
utrius(}ue Armenia-princepseldoctor eximius,
qui calholicus dicitur. Cuni hoc etiam de fidei
articuhs, in (piibus a nobis dissentire videlur
po[)ulus ejus habitus est tractatus, et ex parte
ejus promissa est in multis correctio (An. tH7,
1. XV, c. IH). »
Deux ans après les députés de toute la nation
des Ariuéniens furent envoyés en Italie, où ils
se réunirent et se soumirent entièrement au
pape Eugène 111 et à l'Eglise catholique
lAn. 1145). Othon, évéque de Freisingen, s'y
trouva alors présent, et c'est lui qui nous
apprend que le patriarche ou le métropolitain
DES PRIMATS DE L'ASIE DES SIllCLES MOYENS.
1-27
(les Arméniens était appelé catlioliiiiie ou nni-
versel, |)arce (lu'il avait plus de mille évèiiues
sous sa juridiction. « Ea tem|)('siate Icj^ati
Arrnenoruni cpiscoporum, eoruuKpie uictro-
politani. (|ut'm ipsi catholicum, id est, univer-
sak'ui. pidpicr inlinituiu, id est aniplins(piain
mille e|»isL(ipoiiun, subse halientcn numciuni,
vocant, le^ati ab uliimo pêne oriente , sum-
mum pontilicom Viterlui, lahoriosum iter \nv
annum , et se\ menses com|)lentes, adeunl
(L. vu, c. 'Ai). »
(^ette union fut depuis renouvelée ou conlir-
mée sous le pape C-élestin 111, lorsque le cardi-
nal arclievè(iue de Mayence couronna le roi
des Arméniens au nom du pape et de l'empe-
reur Henri V (An. 1107. Baronius ad eum
ann). Le catlioliciue Grégoire en écrivit des
lettres de remerciment à Innocent 111, succes-
seur de Célestin, et y ajouta de nouvelles pro-
testations de FOU obéissance. L'an 1-238 le pape
Grégoire IX envoya deux archevêques au [la-
triarche d'Arménie, pour l'empêcher de se
soustraire à l'obéissance du patriarche d'An-
tioche. Clément IV s'entretint toujours en
bonne intelligence avec Haiton , roi d'Ar-
ménie.
Lan 1318 le roi d'Arménie, Offinius, renou-
vela l'ancienne alliance avec le pape Jean Xll,
qui examina la loi des ambassadeurs et entre
autres d'un évêque, et la trouva orthodoxe.
Benoît Xll, en I3U, et Clément VI, en I3.'il,
ayant conçu quelques soupçons de la foi des
Arméniens, le l'oi et le patriarche d'Arménie
se justifièrent parfaitement par des lettres ([u'ou
peut lire dans Raiualdus, de qui tout ceci est
tiré. Enfin les Arméniens firent une nouvelle
union de leur Eglise avec la romaine sous le
pape Eugène IV dans le concile de Florence,
où les ambassadeurs ain-ivèrent après l'union
conclue avec les Grecs. On doute si cette réu-
nion fut acceptée de tous les Arméniens.
IV. Au reste, Procope nous apprend ((ue le
titre de catholitiue était déjà en usage avant
son temps ; (juand il dit que les chrétiens de
Perse étaient soumis à un seul prélat qu'ils
appelaient catholique , qui est un terme grec,
xaOoAtxbv )ca).&'Jîi T7Î 'KâXtiVwv çuvyi, (L. U , de bello
Persico). Les canons arabiques donnent ce
même nom au pontife de Séleucie, que nous
y voyons avoir relevé du patriarche d'xVn-
tioche et s'en être enfin rendu indépen-
dant à cause de la trop grande distance des
lieux. Ils firent premièrement consentir le pa-
triarche d'Antioche à laisser à l'avenir ordon-
ner les archevêques par le catholique de
Séleucie ; ce (|ui était lui eominuuicpier les
piiviiéges du patriarcat. « DelH'at apprllari
nonuuc catholici , et jiossit ordinai'tt arcliic-
piscoi>os, sicut faciunt palriarcha', ut Orienta-
les non |)atiantur damnuni. e\|i('etando pa-
triarcham.Antiocliia', aut eundoad eum. In hoc
non lit injuria |iatriarclue .Vntiocheno. Si(|ui-
dem ipse consensit, postquam hoc ab eo syno-
dus petivit, etc.
V. Cesdeuxcatholiques, l'un de Perse, l'autre
de Séleucie, sont distingués par Jacques de
Vitry, et néanmoins égalemenl assujettis à la
juridiction du patriarche d'Antioche: « Habet
sub se viginti provincias Antiochenus patriar-
cha, (luarmn (|uatuordecini metropolitanos ha-
bebant, eum sibi sulTraganeis e|)iscopis; sexvero
reli(|Uce sub dictis primatibus, seu catholicis
duobus continentur (Orient, hist. c. xxui). «
(l'est avec heaucoiq) de raison iiue Jacques de
Vitry traduit le litre de catholi(jue [lar celui de
primat. La convenance ne peut être plus justi'.
Car les primats des siècles moyens dans Idcci-
(leiit avaient cela de conmiun avec les eatho-
liipies orientaux dont nous ])arlons, que les mis
et les aidres relevaient inunediatement du pa-
triarche et tenaient plusieurs archevêques dans
leur dépendance.
11 est (lifticile de résoudre si ces deux catho-
liques ont été (luelquefois confondus en un
seul, ou si au contraire cette dignité, après
avoir été conunise à un seul, a été ensuite par-
tagée en deux. Ce tiue nous venons de dire
sendile en supposer deux. Au contraire, Othon
de Freisingen ne nous en a représenté qu'un
(L. n, c. (>). Marc Paul de Venise n'en insinue
pas davantage dans son itinéraire. U est cer-
tain qu'à présent ils en ont deux. U peut y être
arrivé de la variété dans la longue révolution
des siècles. Us occupent présentement plusieurs
Eglises dans tout l'Orient, dans la Mésopotamie,
la Perse, la Caramanie, et dans les deux Ar-
niénies.
Le siège de l'un de ces catholiques est à
Arard, ville d'Arménie, quoiciue le lieu ordi-
naire de sa résidence soit un monastère nonnué
Ermeazin. Le séjour de l'autre est à Cis, ville
de Caramanie. Ce nombre excessif de mille
évêiiues, quOthon de Freisingen attribuait
au catholique d'Arménie, n'a peut-être jamais
été si grand. On croit (|ue celui d'Ermeazin
a présentement sous lui environ deux cents
128
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME.
évêqiies. et que celui de Cis n"ea a que cin-
(juante.
II s'en faut beaucoup que ces catlioli([ues
relèvent présentement du i)atriarcbe d'Anlio-
clie, puisque Tévèque armcuieu , qui réside
à (^onstantinople et qui prend aussi la qualité
de patriarche, est sujet lui-niènieau patriarche
d'Ermcazin; comme les Arméniens de Jéru-
salem et dAlep relèvent du patriarche de
Cis.
.Vu reste, comme les Arméniens se sont dé-
clarés depuis plusieurs siècles pour la secte et
les erreurs dEutychès, aussi hien (jue les jaco-
bites, et qu'ils y sont toujours retombés, no-
nobstant les fréquentes unions ([uils ont de
temps en temps renouvelées avec l'Eglise ro-
maine, on ne peut presque pas douter que le
patriarche d'.Vntioclie. dont ils ont si lonfilemps
relevé, ne soit celui des jacobites dont nous
avons parlé ci-devant. Ils s'en sont encore
néanmoins séparés, tant en se réunissant si
souvent à l'Eglise d'Occident, (jue par une at-
tache j)assionnée à des maximes et à des jira-
ti(iues particulières qu'on peut lire tlans les
amiales de l'Eglise.
V'I. Les Francs-Arméniens ont été bien |ilus
fermes dans la foi des Francs, c'est-à-dire des
chrétiens occidentaux, dont ils ont emprunté
ce nom, depuis (jue le Père Pionaventure le
Petit, (le Tordre des Dominicains, y fut ei'.voyé
jmr le Sainl-Siégeavec la qualité d'archevêque,
y fonda plusieurs églises et même plusieurs
monastères de son ordre (Spond. An. 1318). Ce
n'ont été que ces saintes colonies qui ont af-
fermi cette province dans la foi catholique par
leur bonne intelligence et par leur connmmi-
cation continuelle avec le corps des Domi-
nicains. L'archevêque Bonaventure mourut
l'an 1.(18. Près de deux cents ans après, l'ar-
chevêque de Naxiva, Grégoire, du même ordre,
vint à Rome demander la confirmation du
choix, qu'on avait fait de sa personne (An. 1.M2).
Naxiva ou Naixeran est la ville où réside l'ar-
(■lievê(|ue de cette nation, à qui on donne aussi
(|itel(|uefoi9 le nom de catholique et de pa-
triarche. Enfin, l'archevêque Nicolas, du même
ordre, vint encore a Rome sous le jiape (Iré-
goirc XIII, où on apprit de lui (pie sa juridic-
tion ne s'étendait ([tie sur treize villages (pu
suivaient la foi et les cérémonies des Latins
(Anno t.n77). .
VIL Les nestorîens se multiplièrent dans
l'Asie hien autn'ineni que les eulychieus. Ils
s'étendirent jusque dans les Indes. la Perse et
la Tartarie. Jacciues de Vitry dit qu'on croyait
(jue leur secte, jointe à celle des jacobites, était
plus nombreuse que l'Eglise latine et la
grec(jue, « Qui cum Jacobitis plures esse di-
cuntur, quain Latini et Grseci (Hist. Hierosol.
1. u, c. 7ti). » Marc Paul de Venise, (jui avait
passé dix-sept ans dans la Tartarie, et à qui
l'empereur des Tartares avait quelquefois donné
des commissions importantes, assure que les
nestorîens avaient plusieurs Eglises dans la
Tartarie, dans le pays des Mogols, et dans la
(^hine; ([u'ils en avaient même à Quinsay, ca-
jiitale de la Chine, et que leur patriarche,
dont la résidence était à Mossoul sur le Tigre,
envoyait des archevê(iues et des évèques dans
la province de Babylone et dans toutes les
Indes, comme le pape dans tout l'Occident.
Massée, Ozorius et les autres écrivains de
nos dernières navigations dans les Indes as-
surent (pie tous les évè(iues et tous les chré-
tiens que les Portugais trouvèrent dans les
Indes Orientales étaient nestoriens et rele-
vaientdu patriai'che de Babylone ou de Mossoul.
Pierre Strozza, secrétaire du pape Paul V, à
(jui le {latriar^he des nestoriens envoya des
ambassadeurs , rend le même témoignage.
« Patriarchae Nestorianorum amplissima est
autoritas, eaque in Indiam sese evtendit. Nam
Chakhei ([uiGo;r, Cochini, Angamalœ at(|ue in
insula sancti Thomae, ante adventum Patrum
societatis Jcsu reperiebantur, omnes pariter
professione Nestoriani, obediebanl patriarcluc
Babylonis (Bzovius ad an. 1330). »
VIII. Othon, évêque de Freisingen, raconte
ce ([u'il avait appris lui-même de l'évèque, (jue
les peuples et les prélats d'-^rménie avaient dé-
pulé vers le pape. Savoir, que peu d'années
auparavant, un prêtre nestorien, appelé Jean,
et (pi'on appelait aussi le prêtre Jean, ayant
remporté une très-sanglante victoire sur les
rois des Perses, des Mèdes et des Assyriens,
s'était aussi rendu maître de leurs Etats, et
d'Echatane qui en était la capitale (L. vu, c. 33;
an. c. 1143). Le pape Alexandre III ayant ap-
]pris (|ue ce grand prince désirait se réunir à
la communion et à la créance de l'Eglise ro-
maine, lui écrivit une lettre qui est rapportée
par Roger, où ce pape lui donne le titre qu'on
lui donnait communément : « Indorum régi
sacerdotum sanctissimo (Rogerius. Baron,
ann. 1177, n. .32; an. 1187). » Peu de temps
après les Tartares secouèrent le joug de ce roi
DES PRIMATS DE L'ASIE DES SIÈCLES MOYENS.
129
prêtre, leur j^rincc Chinjiis le tlélît en bataille,
e( subju^aialoiilc riade à lenipire des Tartares.
Ce u'a été i|uune bévue des Portujjais d'avoir
donué le nom de Prètre-Jean au roi des Abys-
sins, en Airi<iue, lorsqu'ils le découvrirent
quelcjues siècles après.
IX. De ce récit il paraît assez clairement que
le patriarcbe de Mossoul est le même que celui
de Babyloue ou de Séleucie, car on croit (jue
Séleucie succéda à la diguité de l'ancienne
Babyloue, et peut-être que Mossoul ou Musai est
la même ville que Séleucie, quoique d'autres,
selon Paul Strozza, croient qu'elle est bâtie sur
les ruines de l'ancienne Ninive. Et par consé-
quent ce qui a été dit ci-dessus sur la foi de
quelques auteurs du ])atriarche de Bagdad ou
de Séleucie, doit peut-être être corrigé et appli-
qué au patriarcbe des nestoriens, au lieu (jue
ces auteurs lattriltuaient à la secte des armé-
niens, qui leur est aussi opposée que l'erreur
d'Eutycbès est contraire à celle de \estorius.
L'Asie est assez vaste pour y distinguer ces
deux grandes sectes si étendues des arméniens,
ou eutychiens et des nestoriens, avec la nuil-
titude incroyable de leurs églises. Mais il n'y a
presque pas lieu de douter que les catlioli(iues
ou i)atriarcbes d'Ermeazin et de Cis ne soient
arméniens, celui de Caramit jacobite, les uns
et les autres eutycliiens. enfin celui de Mossoul
nestorieu, et tous ensemble démembrés du
patriarche ancien d'Antiocbe. Entre toutes ces
sectes, la nestorienne l'emporte apparemment
pour la multitude, au moins dans l'Asie, car
nous parlerons dans le chapitre suivant des
eutychiens d'Afrique. On croit qu'il y a jusqu'à
trois cent mille familles de chrétiens nestoriens,
que l'on appelle aussi Chaldéens dans l'Orient.
Il n'y en a que quatre-^ingt mille de jaco-
bites. Les chrétiens mêmes du Malabar, qu'on
appelait de saint Thomas, vivaient dans la dé-
pendance du patriarche des nestoriens, avant
que nos missionnaires apostoliques les eussent
fait rentrer dans l'obéissance du pape et dans
l'unité de la loi orthodoxe.
Le premier de ces patriarches de Mossoul ou
de Séleucie, ([ui se réunit à l'Eglise romaine,
fut Simon Sulacha de l'ordre de saint Pacôme,
qui vint abjurer ses erreurs à Rome et rece-
voir sa contumation et le palliiuu du i)ape
Jules 111. Son successeur Abdiésu, qui était
aussi religieux du même ordre, après avoir
reçu sa conOrmalion du pape Pie IV, aïsista en
personne au concile de Trente. Ces deux pa-
Tu. — Tome I.
triarches n'avaient été élus, et ne furent suivis
dans leur retour a l'Eglise ((ue [lar une partie
des nestoriens ou chaldéens , et leur résidence
fut à Amod ou Cliaremed , l'ancien patriarche
des autres nestoiiens faisant toujours son sé-
jour dans la ville et le monastère de Mossoul.
Ainsi le patriarcat de Mossoul se trouva partagé
entre deux prélats, dont celui (pii s'était réimi
à nous ne laissait pas d'ordonner im grand
nombre d'archevêques et d'évêques. Les suc-
cesseurs d'Abdiésu ne succédèrent [)as à son
zèle ni à sa suflisance: ils transiiortèrent leur
siège à Zeinalbcc, sur les frontières de la Perse,
cédant lâchement au patriarche nestorieu de
Babyloue. tjui reconnuença dès lors à dominer
paisiblement sur tout son ancien troupeau.
Le pape Clément VIII ordonna un jésuite
archevêque d'Angamala, et lui commit la con-
duite des nestoriens ou chaldéens convertis.
Elle, patriarche de Mossoul , envoya deux am-
bassades au pape Paul V ; la première n'eut pas
de succès, paixe que ce patriarche prétendait
bien se soumettre au pape, et faisait même
gloire de dire que le siège patriarcal de Baby-
loue avait été fondé par saint Pierre, et par les
pontifes romains, mais il tâchait de justifier la
doctrine nestorienne de sa nation, comme n'é-
tant dilférente de celle de l'Eglise romaine que
dans les manières de s'expli(|uer. La seconde
lui réussit mieirv, parce qu'il envoya son archi-
diacre rarchiniandrite Adam, avec ordre non-
seulement de faire une iirofession solennelle
d'obéissance au pape, mais aussi de soumettre
à son examen et à sa censure toute sa confes-
sion de foi.
Voici quelques termes de la lettre d'Elie au
pape (.Vn. 1610) : « Ex prœcepto papae, et ex
concilio Ecclesia; Romanœ, erecta est sedes
Babylonis, et ita invenitur scriptum apud nos
in annalibus ; quod videlicet Patres orientales
Rouue ordinabantur. Propter hoc vocata est
sedes Babylonis quinta, etc. » Ou cela se doit
entendre du siège d'Antiocbe, dont ce patriar-
cat de Babylone n'a été qu'im démembrement,
ou il faut confesser que ces monuments d'an-
tiiiuité ont été absorbés dans le naufrage de
tant de siècles. Ce que nous avons dit dans ces
deux dernières sections est tiré de Paul Strozza.
secrétaire de Paid V, dont Bzo\ins a inséré les
commentaires et les pièces originales mêmes
dans ses annales en l'an 1330.
X. Bzovius parle ensuite au même endroit
des Géorgiens, qui est une nation fort belli-
9
130 nu PREMIER ORDRE ItES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME.
queusc; aussi elle tire son nom ilo saint
Ceoffie, qu'elle in\t)que dans les combats. Ils
imitent la discipline des Grecs et en suivent la
doctrine, (inoiqu'ils aient im archevêque indé-
pendant, (jni a sous lui dix-liuit évècjues, selon
Chytrœus, auteur luthérien. Cet auteur a appa-
remment suivi Vincent de Beauvais, qui vivait
au tenq)S qu'on frét|uentait le plus ces nations
orientales, et qui dit (jue les Géorgiens, ne pou-
vant plus avoir de comnuinication avec le pa-
triaiclie d'Antioche, à cause des guerres conti-
nuelles entre les nations voisines, obtinrent de
lui le jjouvoir de créer un catholique, à qui
dix -huit archevêques ou évèques rendaient
obéissance (Vinc. Bell. Specul. hist. 1. xxx,
c. 96). L'an I Wfi, Constantin, roi des Géor-
giens, députa un moine de saint Basile pour
prêter obéissance au pape Alexandre VI, et poui'
renouveler l'ancienne réunion laite dans le
concile de Florence (Rainai, an. l-Wli, n. :21).
XL .le n'ai jias parlé rie l'archevêque nesto-
rien de Nisibc, qui désira de se réunir à l'E-
glise romaine l'an 1247, et envoya sa confession
de foi au paj)e 'Rainai, n. i3); ni de Timothée,
métropolitain des nestoriens de l'île de Chy-
pre, (jui vint taire profession de la loi ortho-
doxe à Rome peu de temps après le concile de
Floi'cnce, lorstjue h; pape Eugène semblait y
continuer encore (pielques sessions de ce con-
cile (Rainai. I ii."), n. 22); ni de l'établissement
d'un archevêque des jacobites ou syriens de la
communion du pajie dans Alep. ipii s'est faite
depuis |(eu, connue on le peut voir dans les re-
lations manuscrites des Carmes déchaussés,
(|u'on garde dans leur couvent du faubourg
Saint (iermain. La raison en est que ce ne sont
que des réunions particulières, qui ne regar-
dent ni la personne des patriarches ni toute la
nation.
Jl y a bien plus de raison de ne pas omettre
la réunion des deux autres patriaixhes des Ar-
mi'niens et des Giccs, dont on voit les attesta-
tions (tans les mêmes relations manuscrites.
Xll. Au reste, si j'ai si souvent appelé euty-
chiens ou demi-eutychiens les jacobites, les
arméniens, les co|)lites et les abyssins dans
ce clia|iitre et dans le suivant, je n'ai pas pré-
tendu les accuser des imaginations exhorbi-
tantes de l'hérésiarque Eulychès et de ses pre-
miers jiartisans. Les relations modernes nous
apprennent que les jacobites sont très-éloignés
de croire que la nature divine ait pu se mêler
et se confondre avec celle de l'homme, et que
leur pensée est seulement de croire ([ue la di-
vinité et l'humanité font une nature en J.-C.
aussi bien qu'une personne, en la même ma-
nière (pie l'âme et le coi'ps ne font (ju'une na-
ture et une personne dans chacun de nous,
sans qu'il se fasse aucune confusion de la na-
ture spii'ituelle et de la cor|)orelle. Dès le siècle
même d'Eutychès, ceux ([ne Facundus et d'au-
tres appelèrent demi-eutycliiens condamnèrent
Eutychès, et se retranchèrent à ce tempéra-
ment.
Cela parut dans la conférence tenue à Cons-
tantinople entre les sévériens et les catho-
liques. Cela |)arut encore mieux dans la con-
fession de foi (lue le patriarche d'Arménie
envoya à l'empereiu- Manuel, et (|ui donna
matière aux conférences avec le prêtre Théorien.
Mais il faut aussi demeurer d'accord que non-
seulement il est dangereux de se servir d'autres
termes que de ceux de l'Eglise, et (jue la diver-
sité des termes produit insensiblement dans la
suite du temps une contrariété elfective de
sentiments ; mais aussi que c'est ime doctrine
contraire à la vérité de la foi catholique, (pi'il
se fasse une nature de Dieu et de l'homme,
comme il s'en fait une de l'âme et du corps,
la dispi-oportion inconqiréhensible qui est
entre l>i('u et l'honnne rendant cette unité de
nature impossible, au lieu qu'elle contribue à
l'unité de personne.
i-)j. i
DES l'ATKlAUClŒS LATIiNS EiN OHIENT.
131
CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME,
DES AUTRES PATRIARCHES DE L ECROPE ET DE L AFRInlE QUI ONT DEMEMBRE LES PATRIARCATS
DE COXSTANTINOPI.E ET d'aLEXANDKIE.
I. Du patriarche des cophtes en Egypte.
II. Du patriarche des abyssins.
III. Réflexions sur les fréquentes réunions de ces patriarches
du second ordre, non pas avec les anciens patriarches, dont ils
s'étaient séparés, mais avec le pape, qui est le centre de
l'unité de l'Eglise universelle.
IV. Du patriarche des moscovites.
V. Des litres honorifiques des prélats grecs dans les siècles
moyens.
VI. Nouvelles réflexions sur les diverses réunions de toutes
les sectes orientales avec l'Eglise romaine.
VII. Des réunions des moscovites et des russes avec le
Saint-Siège.
I. Los cophtes sont les chrétiens eutychieus
du patriarcat d'Alexandrie. On leur a aussi
quelquefois donné le nom de jacobites. La
chronique arabique d*.\lexandrie , qui fut
écrite il y a quatre cents ans par un jacobite,
ne met au rang des patriarches d'Alexandrie,
après Dioscore, que les eutychieus. Il y est parh;
d'un patriarche qui abrogea la confession en
•1207 et donna grand cours à la circoncision.
Le patriarche des cophtes se dit ]iatriarclie
d'.Vlexandrie. Le nom de cophtes vient ou île
la ville de Coptes, dont Strabon, Pline et Ptolé-
mée parlent, et qui était selon Strabon lecentre
du commerce de tout l'Orient, à cause qu'elle
était fort proche du golfe Arabif[ue, ou bien
du nom même d'Egypte, en retranchant la
première syllabe.
Aussi les anciens donnaient quelquefois le
nom de Gyptii aux Egyptiens. L'an liil, Jean,
patriarche copthe, ou jacobite d'Alexandrie, se
soumit au pape Eugène et embrassa la foi des
Latins dans les dernières sessions du concile de
Florence qui furent tenues après le départ des
Grecs, comme il parait par la bulle du même
Eugène IV et par les autres actes originaux
tirés du Vatican, et insérés dans la dernière
édition des conciles (Conc. t. xiii, p. 1201, etc).
Les éditions précédentes du concile de Flo-
rence n'ayant été tirées que du grec, ne con-
tiennent jias ce qui se passa après le départ des
Grecs.
L'an iri90, Gabriel, patriarche dos cophtes
d'xVlexandrie, envoya son archidiacre et deux
de ses religieux au pape Clément VIII avec
ordre de rendre obéissance au |)apeetde se sou-
mettre à toute la créance de l'Eglise romaine.
Le cardinal Baronius en a inséré les actes dans
le sixième tome de ses annales. 11 est vrai que
Mélétius, patriarche grec d'.\lexanilrie, désa-
voua cette légation, et quelques-uns se sont
ensuite persuadés qu'elle avait été supposée ou
imaginaire; mais Léo .\llatius a fait voir la
méprise de ces crititjnes qui n'ont pas connu,
ou n'ont pas considéré la ditlerence des deux
patriarches d'Alexamlrie, l'un de la conunu-
nion grecque, l'autre de celle des jacobites ou
cophtes.
En effet, Matthieu, patriarche des cophtes
sous le pontificat d'I'rbain VIII. envoya des
lettres h. ce pape, dans lesquelles il lait mention
du patriarche Gabriel (Allât, de perp. consens,
liv. III, c. 8 . A une lieue du grand Caire il y a
une clia()elle oi'i les cophtes et les religieux
latins célèbrent la messe sur deux différents
autels, quelquefois en même temps (La Terre
sainte d'Eugène Roger). Ceux qui ont cru que
le patriarche cophte d'Alexandrie est plus an-
cien que celui des grecs, et qu'il est le vrai
successeur de saint Athanase et de saint Cyrille,
se sont indubitablement trompés. Car il est
très-certain qu'après la déposition de Dioscore
dans le concile de Calcédoine, Protériusfutélu
en sa place, et c'est à lui qu'ont succédé depuis
les patriarches grecs et catholiques jusqu'au
IV concile de Latran (I21.j).
Ce sont la les vrais et les anciens patriarches
d'Alexandrie qui ont été présents, ou en per-
sonne ou par leurs légats à tous les grands
conciles des deux Eglises, et qui ont joui de la
communion de l'Eglise universelle et du pape,
ce qu'on ne peut dire des patriarches cophtes.
II. C'est du patriarche cophte d'.Mexandrie
que dépend labuna ou patriarche des abys-
132
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME.
sins, qui occupent toute l'Ethiopie, laquelle
comprend, selon Clivtneus, jus(iu'à quarante
royaumes. Il s'en faut beaucoup que quehiues
écrivains plus modernes lui donnent cette [)ro-
digieuse étendue. La chronique arabique d'A-
lexandrie nous cnseij,^ne que dès l'an 841 les
Abyssins recevaient leur patriarche des mains
du patriarche d'Alexandrie.
Le roi d'Ethiopie ayant appris que le calife
d'Effypte avait enqirisonné le patriarche d'A-
lexandrie, mit sur pied une armée de cent
mille chevaux et de cent mille chameaux, pour
le venir délivrer. Le calife ne manqua pas de
prévenir la ruine de ses Etats en mettant en
liberté le patriarche (Anno 9ii). Les Portugais
nous ont ajjpris que le patriarche d'Ethiopie
doit être élu par les religieux abyssins qui
demeurent à Jérusalem. Le i)alriarche cophte,
qui réside au Caire, confirme cette élection, et
consacre l'élu, qui doit être d'Alexandrie, et
religieux de saint Antoine (Damian. Goes. de
Moribus .Elhiop.).
L'an liil les cophtes d'Egypte et les abys-
sins envoyèrent rendre obéissance au pape
Eugène, qui leur envoya le formulaire de foi,
dressé après le concile de Florence. L'an 1482
les Ethiopiens envoyèrent une autre ambassade
à Sixte IV (Kainal.). L'an K).» Alvarès, aumô-
nier du roi Jean de Portugal, revint d'Ethiopie
à Rome avec la (jualité d'ambassadeur de l'em-
pereur d'Etiiiopie auprès du pape, auquel il
rendit les lettres de ce prince avec des protes-
tations d'obéissance et une profession de foi
conforme à celle de Rome. L'an ir;-2l David,
roi d'Efhio[iie, renouvela cette union avec le
pape Clément VII par des lettres (}ui ne furent
rendues qu'en l.'iiia. L"an 15.55, l'empereur
David étant mort, l'Ethiopie se rejilongea dans
les erreurs des jacobites et rentra dans sa pre-
mière communion avec les patriarches d'.\-
lexandrie (Synodi amio 15:24, n. 13; 1533, n. I;
1555, n. L5;.
Le pape Paul IV, sollicité par le roi Jean de
Portugal, y envoya un [latriarche ef deux evè-
ques, tirés de la Conqiagnie de Jésus dont le
zèle et la constance n'eurent pas le succès
(lu'on espérait. Mais après leur mort Dieu fit
germer les sueurs et les travaux de ces pieux
prélats, car l'an 1000 l'enq^ereur d'Ethiopie
Seltan rentra et fit rentrer dans la bergerie de
l'Eglise ealliiili(|ne iiresipie tous ses Etats, ce
(pii ne se consomma néanmoins que sons le
pontificat d'Urbain VllI (Spond. |)ost an. 1000).
III. Avant d'aller plus loin, nous ferons une
réflexion générale sur tout ce qui a été dit
dans les chapitres précédents, et dans celui-ci
où la providence et la sagesse toute-puissante
du divin Epoux de l'Eglise nous fait remarquer
l'admirable accomplissement de ses divines
promesses. 11 a fondé toute son Eglise sur
Pierre, et il l'a établi, lui et ses successeurs,
comme les centres immobiles de l'unité et de
l'universalité de son Eglise. Tous les grands
sièges ont été connue des effusions du siège de
saint Pierre; ils en ont produit d'autres comme
de secondes reproductions : la longue succession
des siècles a causé des altérations, des mésin-
telligences et des désunions entre ces sièges;
mais enfin la secrète et invisible main de la
vérité les force de revenir et de se rejoindre
tous à leur première origine.
Les canons arabiques nous font remarquer
que ces patriarches du second ordre, dont nous
venons de parler, n'étaient attachés aux pa-
triarches primitifs d'Alexandrie et d'Antioche
que parce que c'était comme une chaîne qui
les liait au siège romain connue au centre d'u-
nité. Le canon xxxiv donne au patriarche de
Séleucie ou de Rabylone, dans les conciles de
la Grèce, un rang honorable au-dessus de tous
les évèques grecs, en lui assignant la sixième
l)lace après le patriarche de Jérusalem. « Si-
({uidem ipse tenet locuiu [latriarchœ in Oriente,
et sedes ejus in concilio débet esse sexta, post
episcopum Hierosolymitanum. » Le canon
xxxvi destine la septième place au patriarche
d'Ethiopie, après celui de Séleucie « Sit loco
patriarchœ, et appelletur calholicus. etc. Quod
si concilium in Gr;ccia habeatur, habeat septi-
mum locum hic prœlatus.-Ethiopum, postprae-
latum Seleuciie. »
Il est donc évident cjue l'on y suppose tou-
jours que le Pontife romain y présidera et
ajirès lui les quatre autres anciens patriarches,
aiirèslescjuels la sixième et septième place sont
réservées à ces deux catholiques. 11 ne faut
donc pas s'étonner si, lors([ue les anciens pa-
triaiches se sont désunis d'avec le centre pri-
mitif de l'unité, leurs patriarches subalternes
se sont aussi séparés peu à peu de leur dépen-
dance, et s'ils cherchent enfin à se réunir im-
médiatement à la première source de l'unité.
IV. Il ne nous reste [ilus à parler que du
primai ou du patriarche de Moscovie, qui re-
levé de celui de Constantinople et reçoit sa
confirmation de lui , vigueur du canon xxviii
DES PATRIARCHES D'ECROPE ET D'AFRIQUE.
133
du concile de Calcédoine, qui sounicltait au
patriarclie de Constantinople toutes les nou-
velles Eglises qui s'établiraient dans les con-
trées du Nord. 11 a sous lui deux métropoli-
tains, de Rostou et de Novogard, outre quel-
ques archevêques et jilusieurs évoques. C'est
ce qu'en dit Possevin. (Possevin in Moscov.).
Mais Olcarius, qui est plus récent, soumet à
ce patriarche quatre métropolitains, sept ar-
chevêques et un seul évê(]ue, assurant ({u'en
toute la Moscovie il n'y a qu'un évêqiie. Leur
religion est la même que celle des Grecs, de
qui ils la reçurent sous l'empire de Basile ,
avant la fin du neuvième siècle. Il y a d'autant
plus de sujet d'espérer la réunion parfaite de
tous les ruthéniens ou moscovites, et de leur
patriarche même avec le pape, que ce patriar-
che est maintenant nommé par le prince, n'at-
tend plus sa conflrniation de celui de Constan-
tinople, et ne conserve que de fort légères
marques de la dépendance qu'il en a eue. Ces
petits ruisseaux séparés les uns des autres ne
pourront se conserver longtemps sans reculer
vers leur première source, comme nous l'a-
vons vu dans les patriarches subalternes de
l'Asie et de l'Afrique, qui ont plutôt recherché
de se rejoindre au successeur de Pierre, qu'aux
sièges d'Antioche ou d'Alexandrie , dont ils
ont tiré autrefois leur origine immédiate. 11 y
aurait même (juehiue lieu de douter si c'est
du siège de Constantinople que les premiers
rayons de la foi se sont autrefois répandus sur
la Russie, puisqu'entre les souscriptions du
concile d'Antioche, sous Jovien, on trouve celle
d'Antipatre, évêque des Rosses ou Rhos, qui
est leur ancien nom t\u\ se lit même dans l'E-
criture. Or, l'Eglise de Constantinople sous
Jovien n'avait pas encore acquis ni l'autorité,
ni l'étendue qui semble nécessaire pour des
conquêtes si lointaines.
V. Avant que de passer outre il ne sera ni
inutile, ni hors de notre sujet de dire un mot
des titres honorifiques dont quelques métro-
politains des derniers siècles ont été honorés
dans l'empire grec. Andronic l'Ancien , qui
commença de régner l'an 1283, donna com-
mencement à j)lusieurs sortes de titres magni-
fiques entre les iirélats de l'Eglise orientale.
ï. Le métropolitain de Césarée en Cappadoce
fut ap[ielé y-sGTiu.c; Twv ù-£fTi|iMv, X7.i Èli?//^; -ràcrcç
àvaTo>.-nç. « Honoratissimorum honoratissinuis ,
et totius orientis primas. » 2. Le métropolitain
d'Ephèse lut nommé ■jitifTiu.c; xai ât«.p-/.oç lîetOT.sAaiac
« llonoratissimus , et totius Asiœ primas. »
3. Celui d Ileraehîe, irpoE^poî tùv ÛTrepTiaiov, mi E^ap/oç
■Kinr,; IpixT,; zai a^xESovia;, « Ilouoratissimorum |)ra!-
sul, et totius ThraciîP ac Macedonia' [irimas. »
4. Il y avait trente-deux métropolitains (pi'on
nommait OT:EpTi[Acu;,xai È;âp///j;,« Ilonorntissimos et
primates. » 5. Les autres métroitolilains étaient
simplement ùit£pTi[j.oi « Honoratissimi. » 6. Les
archevêques qui n'avaient point d'évêques en
leur dépendance, mais qui ne relevaient aussi
d'aucun métropolitain, et jouissaient de tous
les autres avantages des métropolitains, étaient
appelés i-.;cT7.T0i , « Sanctissimi (An. i27i. Conc.
tom. II, par. i, p. 009, 1 12.^). »
On peut remarquer une partie de ces titres
dans une lettre des évê(}ues grecs qui écri-
virent au pape Grégoire X après le IP concile,
de Lyon, pour témoigner leur soumission au
Saint-Siège, et aux résolutions de ce concile,
touchant la paix des deux Eglises. On les voit
encore dans le concile de Constantinople tenu
sur le même sujet, sous le patriarche Jean
Veccus (Anno 1280).
Si ces titres d'honneur eussent été en effet des
marques de la haute vertu de tous ces prélats,
ou des témoignages publics des plus profonds
respects et de la vénération religieuse des
laïques et des princes mêmes pour leur sacré
ministère, nous aurioiisun juste sujet de relever
la |)iété des empereurs qui tirent cette ordon-
nance. Mais si ce n'ont été que des effets d'une
vaine ostentation, il faudra reconnaître que la
vanité se trouve enfin elle-même ridicule dans
les personnes dont la gloire principale consiste
dans la modestie et dans riiumilité. Aussi nul
de ces titres ne paraît plus ni dans les sous-
criptions du concile de Florence, ni dans celles
du concile tenu peu après dans le temple de
Sainte-Sophie à Constantinojjle (Anno 1450.
Conc. tom. xiii, p. 1372). 11 y a donc de l'appa-
rence que ces titres honorifiques étaient déjà
abolis.
Il n'en a pas été de même de la qualité
d'archevêque accordée à quelques évêques sans
suffra gants. Sous l'empire de Léon le philosophe
il y en avait déjà trente-neuf, outre quatre-
vingt-une métroi)oles dans le seul patriarcat de
Constantinople, comme il paraît par la notice
qui nous en est restée, et par le livre du droit
oriental (L. m). Ces archevêiiiies, (]ui ne te-
naient ce titre de grandeur que de la libéralité
des empereurs, étaient encore assujettis à la
juridiction des métropolitains. Mais Alexis
134
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME.
Coinnènelcs on affranchit environ l'an 1081,
etk'stilflt'iicniIreiinniéiliutL'nu'ntdu [latriarche
de Constaniino|ilc (nii les ordonnait.
C'est ce (jue Ralsamon nous en apprend :
« Ecclesias edicto regio honoratas a tlirono
Conslantinopolitano in posterum electionem
accepturas, vT.v-îetieai ; nec in eas, qui antea metro-
politœ erant, quidquam juris sibi vindicaturos
(Ralsamon in Can. xxxvui. Truli). On distingue
aussi dans la Russie les arcbevèquesdesmétro-
})olitains. Au contraire l'abuna ou patriarche
des abyssins ne souffre ni archevêques, ni nié-
lroi)oUtains, n'ayant sous sa juridiction que
des évêques.
C'est ce qui lui est ordonné par le xxxvi'^
canon arabique : « Non jus habeat constituendi
archiepiscopos, ut habet patriarcha : siiiuidem
non habet patriarchœhonorem et potestateni. »
IjC i)afriarche d'Alexandrie parut en cela j)lus
jaloux de son autorité que celui d'Antioche,
|)uis(iue le xxxui'' canon arabique permet au
catholiciue Ap Séleucie d'ordonner des arche-
vêques : « Possit is ordinare archiepiscopos,
sicut faciunt patriarchœ ; ut orientales non jia-
tiantur damnum , expectando patriarcham
Anfiochiic (Marea de Primat. Lug. n. 2S). »
VI. .l'aurais ])ii grossir ces deux chapitres
d'un plus grand dénombrement de réunions
faites i>ar diverses sectes chrétiennes avec
l'Eglise romaine. Mais ce que j'en ai dit m'a
paru suffisant pour le sujet que je traite. Je
n'ajouterai i)lus que cette réflexion qui m'a
semiile être de (iuelqueconsé(iuence: C'est (|uc
toutes ces Eglises chrétiennes, excepté l'Eglise
grecque, ont |iaru extrêmement disposées à re-
connailre la primauté du Saint-Siège, à relever
d'elle et à préférer sa disci|>line et même sa
doctrine à la leur, foules les fois (ju'elles y
ont été le moins du monde excitées par les
ambassades du \)^\te, ou par queli|ue autre
rencontre. (>etle facilité extrême à se réunir
au centre de l'unité et à la plus pure source de
la religion, lors(juc l'occasion s'en présenie,
jieut servir il nous persuader (jue l'interruption
fréquente de la communion de ces Eglises avec
l'Eglise romaine jirovieiit peut-être moins
d'un esjiril scliismaliijue que de l'éloignement
des lieux, de la diversité des empires, de la
différence des langues, et de rim|iossibililé
d'enlreteiiir un commerce ordinaire. De la il
est libii! à chacun de tirer les conséquences les
plus modérées et les plus jiidieieuses sur l'élat
de ces sectes devant le tribunal de la vérité
éternelle, qui pénétre dans le fond des cœurs
et dans les replis les j^lus cachés île la cons-
cience.
.l'ai excepté les Grecs à cause de la résistance
trop visible qu'ils ont faite en corps ; car plu-
sieurs évêques particuliers et les peuples
même ont assez souvent témoigné la même
facilité. L'ignorance où sont enfin tombés les
peuples et les ecclésiastiques même de la plu-
part de toutes ces sectes est encore digne de
quelque considération. Car ne sachant en quoi
consiste leur différence d'avec l'Eglise romaine,
et ayant pour elle une extrême vénération et
une promptitude incroyable à se rendre à ses
exhortations, on peut penser que leur schisme
est plutôt le malheur de leur naissance que la
dépravation de leur esprit ou l'endurcissement
de leur volonté. Aussi les relations modernes
font foi que les peuples de la Grèce même
viennent indifféremment recevoir les sacre-
ments dans les Eglises des religieux latins, soit
à Constantinople, soit dans les îles et les jiro-
vinces voisines.
VIL 11 y a quelque sujet de s'étonner com-
ment les moscovites, étant par leur situation
les plus proches de l'Italie et de Rome, ont été
néanmoins les plus éloignés de se réunir avec
elle. La [)rincipale raison en est sans doute
qu'étant unis de plus près à l'Eglise de Cons-
taiitino])le, ils ont aussi le plus participé à son
aversion pour l'Eglise romaine. On pourrait
dire encore que par une loi d'Etat ayant re-
noncé à tout commerce avec les autres nations,
ils ont en même temps fermé la porte à la
lumière d'une plus pure religion. Si néan-
moins nous jirenons la peine de parcourir les
annales de l'Eglise, nous y trouverons au
moins (jnelques tentatives de cette réunion si
nécessaire. Car dès que la ville et l'Etat de
Constantinople furent tombés sous la |)uissance
du Turc, l'Eglise de Moscovic commença aussi
à rompre les liens étroits de son ancienne dé-
IK'ndaiice du patriarche de Conslantinople,
surtout depuis (jue ce patriarcat commença
d'être en la disposition, et comme à la nomi-
nation de cet empereur mahométan (Rainai.
An. li(il, n. 24).
Peu de temps après le grand -duc Basile
envoya une ambassade à Rome, ])our demander
en mariage la lille de Thomas despote du
Peloponèse, héritière de l'empire de Cons-
tantinople, (|ui s'était jetée entre les Ijras du
pape avec les misérables débris du la famille
DES PATIUAUCHES D'KIHOPE ET DAFRIQLE.
135
des Palé()loj;ues ,Aii. 1 ITU, u. '.i^. Cv. ^^u\ lui l'ut
accordé dans lespérance que ce puissant prince
tournerail ses armes contre Tenneini conumin
de la cliretieuté. Sixte IV reçut ces ambassa-
deurs avec une bonté extraordinaire, loua les
moscovites de s'être détacliés de l'obéissance
du iiatriarche de Constantinople, depuis qu'il
était devenu lui-même l'esclave d'un prince
infidèle, et de s'être soiunis au concile de Flo-
rence. Entin après avoir reçu d'eux les protes-
tations de respect ou d'obéissance, il fit célé-
brer les fiançailles dans l'Eglise de Saint-Pierre
à Rome lAn. 147:2, n. I8j. Jean Basile renoua
un autre traité avec le même Sixte IV pour
obtenir de lui le titre de roi ou d'empereur
(An. 1 iSi. n. 2(5). Le roi de Pologne traversa
ce dessein; le pape lui promit d'avoir égard à
ses intérêts, mais la mort prévint les grands et
pieux desseins de ce pape.
Le grand-duc se proposait de grands avan-
tages par sa rejonction avec l'Eglise romaine,
puisqu'il n'y allait de rien moins que de se
rendre avec le temps maître des deux empires.
Ce fut aussi peut-être ce qui inspira des senti-
ments plus modérés au patriarche de Constan-
tinople iNiplion, (|ui, répondant à une lettre de
Jose|)b, métropolitain de Kiovie « et de toute
la Russie, » lui conseilla d'embrasser la foi et
la communion de l'Eglise latine en conservant
les cérémonies grecques, l'assurant que le con-
cile de Florence avait été véritablement œcu-
ménique et que tous les grands prélats de la
Grèce s'y étaient sincèrement réimisaux latins,
mais que l'iuiiou avait été interrompue par le
clergé du second ordre, ce qui les avait enfin
précipités dans la servitude où ils gémissaient
sous le Turc. Enfin, Niplion protesta qu'il avait
lui-même ordonné à tous les grecs qui étaient
sujets de la république de Venise de vivre
dans une jiarfaite communion avec les latins,
en gardant leurs cérémonies particulières, et
qu'il avait écrit à tous les princes et aux prélats
de la Russie et de la Litliuanie de rendre tou-
jours les mêmes respects et la même soumis-
sion au métropolitain de Kiovie (Ibid. an. 1 i<S(),
n. 6-21.
Il faut néanmoins confesser que toutes ces
tentatives n'avaient pas produit une union par-
faite et permanente. Le pape Léon X envoya
1 (NiHlue de Cardie en ambassade vers le même
grand-duc Basile, pour le faire entrer tout en-
semble, et dans l'unitt' de l'Eglise, et dans la
ligue contre le Turc. Cet ellort ne réussit pas
non plus (An. loI9, n. 60). Adrien IV et Clé-
ment Vil travaillèrent à renouer ce traité
(An. l.'>-2't, n. 71, 72). Le grand-duc envoyaune
ambassade à Clément Vil, ijui lui avait fait
espérer le titre de roi, s'il s'unissait à la com-
munion romaine et à la ligue contre le Turc
(An. lo2o, n. 67, 68, 73). Le grand-duc prenait
la qualité « d'empereur de toute la Russie ; »
le pape eût fait difficulté de luidonnerce titre,
pour ne pas se commettre avec l'empereur
d'Allemagne.
Ce furent peut-être ces intérêts humains i|ui
mirent obstacle à la consommation d'un dessein
si religieux , quoique le grand-duc s'en fût
remis au pape Clément Vil des conditions de
l'union. Car voici comment ce pa|ie en écrit au
roi de Pologne : « llle enim non modo uobis
rescripsit, sed suum nobis hominem cum suis
litteris ad nos destinavit, ad bujus sancta^ sedis
nos invitans unionem modum autem et viam
rei conficiendœ nobis totam relinquens. »
Le progrès et les troubles du luthéranisme
rompirent alors la trame d'une entreprise si
avantageuse à l'Etat et à la religion. Cependant
en considérant simplement cette facilité si
merveilleuse de tous ces membres diOérents à
se réunir à leur chef et au corjis de l'Eglise
catholique, on peut dire que les désirs et les
projets de l'union faisaient déjà une union et
une société assez forte pour être opposée aux
luthériens, comme en effet Elkius l'opposa au
petit nombre des luthériens : « >'ondum sunt
illa tempora, quibus hareditas Christi, (juam
accejnt a Pâtre suo in illasangustias redigatur.
Supersunt adhuc chrisliani in Italia, Callia,
Hispania, Anglia, Scotia, Polonia, Hungaria,
Cneeia, Ji^thiopia, India et Armenia Jîainal.
An. I.j2.S, n.33 . »
Quant à ce tjui regarde la Russie blanche,
dont nous venons de parler , il ne faut pas dé-
sespérer qu'elle ne rentre un jour dans la par-
faite unité de l'Eglise catholicjue et qu'elle n'y
persévère, comme on y vit rejoindre la Russie
noire, sujette au Polonais, sous le pape Clé-
ment Vlll (Spondan. An. lo'Jo. n. U).
lâl.
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
DES PATRIARCHES LATINS Eîi ORIENT.
I. Histoire de nos patriarches latins de Jérusalem et d'An-
tioche, après que nos croisés eurent conquis la Palestine.
II. -III Suite de la même histoire jusqu'au temps que Saladin
reprit Jérusalem sur nous.
IV. Suite des patriarches latins de Jérusalem, après que nous
l'eûmes perdue.
V. Prise de Constantinople par les Latins, et les patriarclies
latins de Constantinople.
VI. Contniualion des patriarches latins de Constantinople,
après que les Grecs eurent repris cette ville sur nous.
VII. Réflexions importantes sur toute celte histoire, pour !a
justification de l'Eglise latine, où l'on a donné des évèques
lalins aux Eglises qui avaient déjà des évèques grecs : et où
l'on a continué de nommer des évèques pour des villes que les
Grecs ou les princes infidèles nous avaient enlevées.
VIII. Suite de la création des patriarches latins.
IX. On traite dans le concile de Florence de réunir ces titres
avec ceux des patriarches grecs. Il n'en tint qu'aux Grecs que
celle réunion ne se fit, ou ne s'afTermit.
X. Le cardinal liessarion, nommé par le pape patriarche de
Constantinople, travailla k reprendre celte ville sur les infidèles,
quoique sans succès.
XI. Réllexions sur les événements historiques de tant de
siècles, qui sont l'accomplissement et la justification meneil-
leuse des paroles et des promesses de J.-C. k saint Pierre dans
son Evangile.
XII. ijucls pouvoirs les papes avaient laissés à ces patriar-
ches latins d'Orient. Raisons d'en user de la sorte.
XIII. Réponse à nne difficulté.
XIV. Quels pourraient être les pouvoirs des patriarches qu'on
s'imagine quelquefois pouvoir être créés de nouveau.
XV. Les pouvoirs de toutes les dignités ecclésiastiques doivent
être mesurés sur les besoins de l'Eglise, parce que les évèques
mêmes ne sont pas évèques pour eux, mais pour l'Eglise.
I. Nous nous étendrons un peu plus qu'à
l'ordinaire sur cette matière et nous larejiren-
dions dans sa source, parce qu'il s'y agit de
justifier toute l'Eglise dans l'établissement
qu'elle fit des patriarches latins dans les sièges
où il y avait déjà des patriarches grecs, contre
les anciens canons (pii ne souffraient pas que
deux évèques occupassent un même siège.
Ce ne fut qu'à la lin du onzième siècle que
les Latins t oiKinirent la Palestine, et que les
princes et prélats ijni se trouvèrent à Jérusalem
y élurent pour patriarche Théobert, archevê-
que de Pisf et légal du Saint-Siège, après en
avoir ciiassé un iidàine usurpateur, nommé
Arnuliihe, qui était de la suite du duc de Nor-
mandie. Bernard fut en même temps élu pa-
triarche d'Anlioche (An. 1(199).
Les princes Godefroy de Jérusalem et Bohé-
mond d'Antioche reçurent de ces nouveaux pa-
triarches l'investiture de leurs principautés.
Mais le prince Godefroy n'ayant d'abord ac-
cordé au patriarche que ce que les Turcs avaient
laissé au patriarche précédent, et le patriarche
prétendant avec raison la succession entière
des anciens jiatriarches avec le démembrement
que les Turcs en avaient fait, ce fut là le sujet
d'une très-dangereuse contestation. Le pieux
Godefroy rendit enfin au patriarche tous les
droits de l'Eglise , et le domaine de la ville
même de Jérusalem avec toutes ses apparte-
nances, devenant lui-même le vassal de l'Eglise
et du saint sépulcre (Vuillelm. Tyrius. L. x,
c. i). Mais Baudouin, frère de Godefroy, s'étant
fait créer, après la mort de son frère, premier
roi de Jérusalem, ne crut pas pouvoir soutenir
la gloire de cette nouvelle royauté s'il ne re-
prenait sur l'Eglise ce que Godefroy lui avait
cédé (An. 1000). Théobert ou Daibert chassé de
son siège, eut recours au pajjc, qui examina sa
cause, prononça en sa faveur, et le renvoya
pour reprendre possession de son siège, sur
lequel Baudouin avait déjà fait monter Ebre-
mar [\n. 110 4). Daibert mourut à Messine, en
Sicile, en retournant à Jérusalem, après qua-
tre ans de siège et trois ans d'exil (An. di07).
Ebremar, informé de la sentence prononcée
à Rome, mais non pas de la mort de Daibert ,
vint aussi à Rome pour s'y justifier. Le pape le
renvoya avec un légat a latere, pour être jugé
dans un concile sur les lieux mêmes. Ce fut
Gibelin, archevêque d'Arles, qui fut chargé de
cette légation. Le concile déclara Ebremar in-
trus et le dè])osa. Le légat, néanmoins, instruit
d'ailleurs de sa i)iété, de sa simplicité et de sa
candeur admirable, le transféra à l'Eglise de
Césarée, tpii était vacante. Le peuple et le clergé
éliH-ent enfin Gibelin même pour leur jiatriar-
che.
Le pape Pascal, écrivant au roi Baudouin et
au nouveau patriarche, fit ce sage et salutaire
règlement, (pie puisque le débordement et le
long domaine des nations infidèles avaient con-
DES PATRIARCHES LATINS EN ORIENT.
137
fond» les bornes des anciens ('vôclins ou arche-
vêchés, toutes les villes episcoiiales ([ue le roi
Baudouin pourrait con(|uérir seraient soumises
au |iontife de Jérusalem, comme à leur j>a-
triarehe ou comme à leur métropolitain. « Pa-
triarcliali, sivemetropolitanojure (Epist. xvui,
xix). »
II. Le patriarche d'Antioche, Bernard, s'étant
plaint de ce règlement qui semblait al)andon-
ner les évèchés de sa dépendance au patriarche
de Jérusalem, le même pape déclara par les
lettres qu'il écrivit au roi Baudouin et à lui,
que son décret ne reganlait que les villes dont
la longueur du temps et la confusion des
guerres avaient rendu les droits incertains;
mais ([u'il ordonnait ([ue les villes et les églises
dont l'ancien ressort serait certain, rentrassent
aussi dans leur ancienne dépendance, par quel-
que prince qu'elles pussent être subjuguées.
« Non enim volumus, aut propter principnm
potentiam, Ecclesiasticam minui dignitatem :
aut pro Ecclesiaslica dignitate, princi[)um po-
tentiam mutilari ( Ei)ist. xx, xxvui, xxix). »
Ainsi les évêchés (jui avaient relevé du patriar-
che d'Antioche, même sous l'empire des Sar-
rasins, lui furent rendus, quoique le roi de
Jérusalem les eût soumis à sa puissance.
Guillaume, archevêque de Tyr, de qui toute
cette narration est tirée, jtarle de l'érection
faite de l'évêché de Bethléem par le légat du
pape, conmie de la création d'une nouvelle
dignité. Ce fut le roi Baudouin qui le dota
(An. 1110).
Cependant, Gibelin étant mort, l'archidiacre
Arnulphe, auteur de toutes les dissensions que
nous avons touchées, fut élu en sa place
(An. 1112). L'énormité de ses autres crimes
obligea le pape Pascal d'envoyer Tévêque
d'Orange en qualité de légat en Palestine. Un
concile assemblé de tous les évèques du
royaume examina sa vie débordée et le déposa,
11 vint à Rome où ses artifices et ses présents
corrom])irent les juges. Il fut rétalili et se replon-
gea dans sa vie licencieuse (An. Ill.'>. Vuillel.
Tyr. I. XI, C.26).
(iuarimond, qui était aussi Français, lui suc-
céda (An. 1118), et ce fut durant son pontificat
que, la ville de Tyr ayant été recon(piise,
Guillaume, anglais de nation et prieur du
saint sépulcre, en fut élu archevè(pie. Guari-
mond l'ordonna, mais il fallut venir à Borne
|iour recevoir le pallium. Le pape Honoré 11 le
lui donna et envoya avec lui un légat a latere^
|tour obliger le patriarelie d'Antioche de lui
rendre tous les évè(li('>s d(; l'ancienne nieiio-
jiole de Tyr. Le successeur de Guarimond lut
Etienne, auparavant abbé de Saint-Jean de
Chartres (An. 1127, 1I2S).
Ce prélat, aussi zélé pour la défense des droits
de son Eglise que pour toutes les autres fonc-
tions de la sollicitude pastorale, entra aussitôt
en différend avec le roi Baudouin, prétendant
que la ville de Jaffa appartenait à son Eglise,
et que la sainte cité même lui appartiendrait
dès que la ville d'Ascalon aurait été rejjrise
sur les infidèles iVuillel. Tyr. 1. xiu, c. 2:>).
Une mort précipitée arrêta ses poursuites;
quehiues-uns crurent (pfil avait été em|)oi-
sonné, et il crut lui-mènie cpie le roi Baudouin
n'en était pas innocent. Guillaume, qui était
de Malines eu Brabant, lui succéda (An. II. JO).
111. Le siège patriarcal d'Antioche n'avait
pas été exposé à des agitations si violentes, à
cause de la longue vie et de la sage con-
duite (lu premier patriarche, qui le gouverna
durant l'espace de trente-six ans. Mais après sa
mort cette première tranquillité fut suivie
d'une etTroyable tempête. Rotlolphe llamistan,
originaire du diocèse du Mans, s'en empara
sans l'agrément du clergé, par la seule faction
du peuple qu'il avait gagné par ses présents ;
il eut l'audace de prendre lui-même le pallium
de dessus l'autel de saint Pierre, disant (ju'il
n'était pas nécessaire de l'attendre de Rome,
parce cpie la chaire d'Antioche et celle de
Rome n'étaient qu'une même chaire de saint
Pierre, et que celle d'Antioche devait avoir les
droits d'aînesse : « UtrauKpie esse Pétri cathe-
dram, Antiochenam, (piasi primogenitam iiisi-
gnem pra-rogativa (An. 1030. Vuillel. Tyr^
1. xiv, c. 20, et 1. XV, c. 23). »
Le prince d'Antioche cessant de favoriser
cet intrus schismatique, il fut forcé de se venir
défendre h Rome, oii son archidiacre et quel-
ques autres étaient venus l'accuser. Il y remit
entre les mains des cardinaux le pallium iiu'il
s'était donné lui-même, et en reçut un autre
de la main du premier des cardinaux diacres.
On le renvoya à son Eglise pour y attendre les
légats a lalere, qui iraient examiner sa cause.
Ce ne fut qu'après plusieurs refus de la part
du iirinee et du clergé d'Antioche ([u'il y fut
reçu. L'archevêque de Lyon (jui fut le premier
chargé de cette légation par le pape Inno-
cent Il mourut à Acre, et on croit que ce fut
de poison.
m
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
Le cardinal Albéric. évoque d'Ostie, lui fut
substitué, et il assembla un coucile à Antioche
où le |)atriarche de Jérusalem se trouva avec
les archevêques et évèquesde l'un et de lautre
patriarcat. Le [latriarche d'Antiocbe n'y voulut
jamais comiiaraître ; le légat qui présidait au
concile, soutenu de la faveur du prince d'An-
tiocbe, ne laissa pas de le déposer, de lui ôter
son anneau et sa croi.x, et de le faire enfermer
dans un monastère. Il s'écbappa, vint à Rome,
gagna de nouveau la cour, et se préparait à
son retour, lorsqu'il fut empoisonné par un de
ses domesti(iues (An. 1039).
Le patriarche Guillaume de Jérusalem pensa
aussi se brouiller avec le pai)e Innocent IL Car
Foulque, gascon et abbé d'un monastère de
chanoines réguliers, ayant été élu archevêque
deTyr, et voulant, après que le patriarche l'eût
consacré, venir à Rome |)oiu' y recevoir le pal-
lium à l'exemple de son prédécesseur, le pa-
triarche traversa son voyage par toutes les
malices dont il put s'aviser. Le pape lui lit des
plaintes et des reproches tout ensemble de son
ingratitude envers l'Eglise romaine, qu'il de-
vait reconnaître conmie la libératrice des
Eglises orientales. « Cum Romana Ecdesia pro
liberalione orientalis Ecdesia^ tanto])erc labo-
raverit, filiorum nmltorum sanguinem elfun-
dendo. »
Enfin ce i)ape manda au patriarche de Jéru-
"salem et aux évèques suffragants de Tyr de ren-
dre au mélropolilaiii de Tyr tous K's justes de-
voirs de sa dignité , puisque c'était le Saint-
Siège même qui avait absous ces évèques de la
fidélité (ju'ils avaient jurée au patriarche d'An-
tiocbe pour les remettre dans l'obéissance légi-
tiine de leur ancien métropolitain, o Nos enim
^os et Ecclesias vestras Tyrensi Ecclesiœ, quœ
vestra metrojiolis est, auctoritale apostolica
restiluinuis, et a juramento, vcl fidelitate, (|ua
patriarcba; Anliocheno estis astricti, eodem
modo absoivimus. »
Cependant ceux d'Antiocbe élexèrent sur le
trône Aimeric de Limoges, dont le mérite et
l'appui ne consistaient (ju'en des libéralités qui
devaient lexcliue d'une si sainte dignité
(Ann. Hi:j). Dans la suite du tenq)s il ne laissa
pas d'exercer la légation du Siège apostolique
en Orient, et d'y donner conunencement à
l'ordre des Carmes, en réunissant sur le .Mont-
Carniel tous les Occidentaux qui désiraient de
vivre solitaires dans la Terre sainte (An. IhSI).
Enfin les Sarrasins, sous l'empire de Sidadiu,
reprirent toute la Palestine et Jérusalem même,
où Dositbèe lut élu patriarche, après qu'elle
eut été (juatre-vingt-sept ans en notre puis-
sance (An. M 87).
IV. Ce fut ce patriarche de Jérusalem Dosi-
tbèe que l'empereur Isaac l'Ange voulut trans-
férer à Constantinople, après en avoir chassé
le patriarche Nicétas (An. 1193. — Nicetas Cha-
înâtes). 11 avait fait espérer ce siège œcimiéni-
que à Balsamon, patriarche grec d'Antiocbe,
s'il pouvait faire agréera un concile d'évêques
cette translation. Balsamon y étala tous les ca-
nons et toutes les lois, mais après que le con-
cile eut reconnu que la translation pouvait être
canonique, l'empereur éleva à cette suprême
dignité Dosithée. Les prélats et le clergé, in-
dignés qu'on les eût si honteusement joués,
le chassèrent de son siège ; l'empereur l'y
ayant rétabli, ils l'en détrônèrent une seconde
fois et élurent Xiphilin en sa place. Cependant
on avait élu un autre patriarche à Jérusalem,
et Dosithée se trouva en même temps privé du
siège qu'il avait abandonné, et de celui qu'il
avait recherché.
Ce fut apparemment Héraclius qui succéda
à Dosithée, et après lui le cardinal Soffredus,
légat du Saint-Siège, fut élu, mais quelque ins-
tance que le pape lui fît, il ne voulut jamais
accepter la charge d'une Eglise si désolée. On
lui subrogea l'èvêque de Verceil, qui était aussi
légat du Saint-Siège, et à qui le pape donna le
pallium, écrivant à tous les archevêques et
évè(iues de la Palestine de se soumettre à sa
juridiction (Spondanus an. 1203, n.5. Rainal-
dusan. 1-203, n. 9 et seq. An. 1205. n. 27). D'où
il est évident que nous possédions encore plu-
sieurs places de la Palestine, et que les prélats
latins résidaient encore dans leurs Eglises
épiscopales, et peut-être même dans Jérusa-
lem.
V. Mais si le lustre du patriarche latin de Jé-
rusalem était obscurci [lar l'invasion d'un
l)rince infidèle, la complète ipie les Latins fi-
rent peu d'années après de l'empire et de la ville
de Consiantinoi)le y donna lieu, non-seule-
ment à la création d'un empereur latin, mais
aussi à l'èleelion d'un nouveau patriarche de
la communion latine (An. 1204). Ce fut Tho-
mas Mauroceinis, vénitien. Le mar(}uis de
Jlontlerrat fut fait roi de riiessalie et du Pélo-
ponnèse. Godefroy fut reconnu duc d'Athènes
et prince d'Acluûe, l'un et l'autre relevant de
l>iiudouin,eiuitcreurlulin de Constantinople. Le
DES PATRIARCHES LATINS E\ ORIENT.
139
patriaixlie grec Jean Cauiatcrus se retira a
Nicée, avec l'empereur de sa nation (Rainalil.
ami. 110."), n. lii).
Le pape luuucent ill consacra à Rome le
nouveau patriarche de Consiantinople, lui
donna lepallium comme \?imarqne de la pléni-
tude de puissance pontificale, reçut de lui le
serment de fidélité et d'obéissance, semblable
à celui des primats et des métropolitains ; en-
fin selon les actes de ce pape, dont ce récit est
tiré, le pape lui déclara que l'Eglise de Cons-
iantinople n'ayant pu par elle-même aspirer à
avoir rang entre les sièges apostoliques, l'Eglise
romaine l'y avait fait monter, et l'avait même
préférée, par un privilège particulier, aux
Eglises patriarcales d'Alexandrie, d'Antioche
et de Jérusalem ; ce qui devait l'obliger à une
reconnaissance d'autant plus grande et une
obéissance plus fidèle.
Quoique l'apparence du détail de l'histoire
semble fort contraire à ce discours d'Innocent,
c'est néanmoins au fond une vérité fort cons-
tante, ([ue le droit divin et l'institution propre
de J.-C. n'a établi au-dessus des évèques que
l'autorité de Pierre et de ses successeurs dans
le Siège apostolique ; que par conséqueut les
puissances et les diguités, soit patriarcales,
soit primatiales, soit métropolitaines, que
l'Eglise a depuis instituées entre le pape et les
évèques, sont des imitations ou des émanations
et comme des ruisseaux du privilège divin de
Pierre ; enfin que les anciens patriarcats d'A-
le.xandrie et d'Antioche n'ayant tiré leur gran-
deur i[ue de la personne et du privilège de
Pierre, celui de Consiantinople n'aurait jamais
pu passer pour véritablement canonique, si les
papes, s'accommodant à la nécessité des temps
et à la paix de l'Eglise, n'eussent enfin consenti
il cette exaltation si surprenante d'une Eglise
nouvelle sur toutes les autres Eglises an-
ciennes.
Nous avons déjà dit quelle étendue le même
Innocent III et le concile de Latran donnèrent
aux pouvoirs de ces patriarches, prétendant
que les anciens patriarches avaient été res-
serrés dans les mêmes bornes : « Antiqua pa-
triarchalium sedium privilégia rénovantes
(G. Antiqua. Extra. De purgat. Canonica). »
C'est à savoir que le pape leur donnerait le
pallium, et recevrait d'eux le serment de fidé-
lité et d'obéissance; qu'ils donneraient eux-
mêmes le pallium à leurs sutlragants, et rece-
vraient d'eux la profession canonique et une
protestation d'obèissanee pour le Saint-Siège ;
que de toutes les provinces de leur ressort on
en appellerait à eux, et d'eux-mêmes, aussi bien
que (le tous les autres, au Saint-Siège.
Evrard , qui avait succédé à Thomas sur le
trône de Consiantinople , poussait bien ()his
loin ses prétentions. Car il envoyait dans les
provinces de son obéissance des légats a latere,
avec la même plénitude de ]>uissance que le
pape donnait aux siens, de juger toutes sortes
de causes , même en première instance ,
d'excommunier et d'absoudre les sujets des
autres prélats, sans leur participation, de créer
des archevêques au préjudice des anciens mé-
tropolitains , de ne point déférer aux appels
près du Siège apostolique, d'absoudre ceux qui
étaient tombés dans l'excommunication pour
avoir frappé des clercs , enfin de ne point se
soumettre aux canons du concile de Latran,
dans la collation des bénéfices [Rainald. ad
au. 1217, n. ITj. Ce sont là tous les chefs dont
le pape Honoré III se plaignit dans sa lettre
au patriarche de Consiantinople, qui semblait,
en respirant l'air de Consiantinople, en avoir
aussi conçu le faste et cet ancien esprit de do-
mination et d'indépendance ([ui y avait régné
depuis si longtemps (An. 1218, n. 28 .
Après la mort d'Evrard (Rainald. an. 1221,
n. 27 , le clergé de Consiantinople ne pouvant
s'accorder pour l'élection du patriarche , dé-
puta au pape Honoré III pour lui en demander
un. Ce pape nomma Matthieu, évêque d'Aquila,
au([uel il accorda les anciens privilèges, et
entre autres de sacrer tous les rois de ce nouvel
empire , avec le consentement de l'empereur,
avec ordre d'empêcher qu'on allât en jtroces-
sion au-devant d'eux ou qu'on leur portât le
livre des Evangiles à baiser, s'ils n'avaient été *
auparavant consacrés par l'onction sainte dans
l'église.
Après le décès de Matthieu (An. 122G, n. 29),
le clergé de Consiantinople s'étant encore par-
tagé , et les uns demandant l'èvêciue de Beau-
vais, les autres s'opiniàtrant dans leur opposi-
tion, leurs députés même près du pape Honoré
n'ayant pu s'accorder, ce pape transféra l'arche-
vêque de Besançon à Consiantinople , protes-
tant qu'il le faisait bien moins pour donner une
grande Eglise à ce prélat, que pour donner un
digne prélat à cette éminente Eglise. « Non tam
persouœ in Ecclesia, quam Ecclesiœ in persona
nos consulere arbitrantes.» Ce fut par une sem-
blable translation que Grégoire passa ensuite de
liO
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
rcvêcIiL' de Nantes au patriarcat de Constantino-
j)le. Enfin ce fut le pape Innocent IV qui éleva
à cette dignité Pantaléon Justinien , des plus
illustres familles de Venise , qu'il créa aussi
légat apostolique dans l'Orient (An. 12o-4,
n. 53).
VI. Constantinople fut reprise par les Grecs
sous ce patriarche 'An. 1261), mais comme les
Latins ne perdirent pas l'espérance de se ren-
dre encore une fois les maîtres de cette Eglise et
de cette ville impériale, aussi ne se désistèrent-
ils pas de nommer des patriarches latins. Dix
ou douze ans après l'Eglise grecque se réunit à
l'Eglise latine dans le W concile de Lyon (An.
1274, n. Ki) ; ils s'en séparèrent dix ans ajirès.
Roniface VIII forma de généreux desseins pour
le recouvrement de l'empire de Constantinople
(An. 1284). Renoît XI y poussa avec toutes les
instances possibles Charles de Valois, de la mai-
son de France , qui en avait épousé l'héritière
(An. 1304).
Après cela il y a moins de sujet de s'étonner
si , nonobstant la perte de Constantinople , on
n'a jias cessé d'y nommer des patriarches la-
tins. Les brouilleries ordinaires entre les Véni-
tiens , qui s'étaient comme mis en possession
de ce trône éminent, et les Français qui y pré-
tendaient avec tant de raison, avaient fait tom-
ber entre les mains du pape le droit d'y ]iour-
voir. Le pape Roniface VIII fit une constitution
générale pour les (piatre patriarcats latins de
l'Orient, jiar la(]U(lli' il ri'serva au Saint-Siège
le pouvoir d'y nonuner (juand ils seraient va-
cants (Rainald. an. 1301, n. 24). En effet, les
chapitres à qui l'élection en eût appartenu
étant écartés, et les chanoines si dispersés, à
cause de la désolation des villes et des églises ,
qu'il leur était impossible de s'assembler en
assez grand nombre pour faire une élection
canoni(iue , il n'était plus possible de remplir
autrement ces grandes Eglises que par la no-
mination du Snint-Siége. Les chapitres subsis-
taient donc encore, quoicjue dispersés ; « Ipsa-
runi capitulis , seu conventibus et canonicis
dis|iersis undique extra civitates ipsas, per
alias regiones , seu loca a civilalibus ipsis
remota. » (Extrav. comnuui. 1. i, tom. mi,c. 3.)
Le patriarche latin de Constantinople nonnné
Pierre élanl mort, de tous les chanoines il ne
s'en trouva ([u'un de jirésent, et il lit lui seul
r élection, tous les autres chanoines étant écar-
tés ; ce qui obligea l'élu de remettre ses droits
entre les mains du pape. « Solum per unum
canonicimi fuit de novo pastore elecfio cele-
brata ; aliis canonicis suis agentibus in remo-
tis. Dictus tamen electus , juri , si quod sibi ex
electione hujusmodi competebat , in nostris
manibus sponte ac libère resignavit. »
C'était donc une inévitable nécessité de ré-
server ces nominations au Sainl-Siége. Car y
ayant encore un nombre considérable d'ecclé-
siastiques latins et même d'évêques , qui ont
toujours subsisté depuis, surtout dans les îles;
outre une multitude innombrable de la'iques ,
ou latins, ou de la communion latine, qui oc-
cupent effectivement encore les mêmes îles : il
n'était pas raisonnable de les priver de la con-
solation et de la protection qu'ils devaient jus-
tement attendre d'un patriarche latin de Cons-
tantinople. 11 y a même de l'apparence qu'il
nous demeura (jueliiues églises latines dans
Constantinople même, dont il en subsiste en-
core quelques-unes.
VII. Guillaume deTyr dit en termes formels
que lorsque nous eûmes pris Antioche nous
rétablîmes le patriarche grec sur son trône ,
et qu'il ne nous tomba seulement pas dans la-
jiensée de créer pendant sa vie un autre pa-
triarche latin, parce que les canons ne souffri-
rent jamais deux évê(|ues dans un même siège.
Mais environ deux ans après le patriarche grec
s'étant lui-même jugé peu propre à gouverner
les Latins, il se retira à Constantinople, et nous
fûmes comme en nécessité d'élire mi patriarche
de notre nation. 11 en faut dire autant des au-
tres Eglises épiscopales, (jue nous remplîmes
lorsfjue nous les troux'âmes vacantes.
« Dominum patriarcliam in sede pro])ria
loca^eruntcum nnilto honore : per urbes fini-
fimas , qna? cathedralem consueverant habere
dignitatem , conslitucMites episcopos. Nostrae
vero Latinitatis patriarcliam eo vivente qui
pridem ibi ordinatus fuerat, eligere, vel con-
secrare non pra'smnpserimt , ne duo unum et
eumdem obtinere Ihronum viderentur. Quod
manifeste contra sacros canones et contra san-
ctorum constiiuta Patrum esse dignoscitur. Sed
tamen |)Ostmo(lum vix evoluto biennio vidons
ipse (piod non satis utiliter pneesset gravons
latinis, urbe cedens, Conslantinopolim abiit.
Post eujus discessum convenientes ejiisdem
civitalis clerus et populus sibi praifecerunt pa-
triarcham (L. vu, c. 23).»
Les Grecs ne trouvèrent pas bon (|ue nous
eussions créé un patriarche latin ;i Antioche.
Cinnamus ditijue renn)ercur Manuel Comnène,
DES PATUliVRCUKS LATINS EN OUIENT.
141
(lu'il accompagna toujours clans ses guerres et
dont il a ciiit riiistuire en six livres, lit (iro-
inettre au i)rince d'Antioelie qu'on enverrait
lie Constantinople un patriarche à Antioclie,
selon l'aneienae coutume. « L'I lîyzantiu, [iront
antea lieri consueverat, Autiocliiam pontifex
milteretur (F.iv. iv, c. 18, -20).» Ceux cl'An-
tioche ne purent se résoudre à cela, et en en-
voyèrent faire des remontrances à l'empereur
qui se relàclia sur quelques autres points, mais
demeura intlexible sur celui-ci. « Pontificem
« aliunde quam Byzantio assumi negavit se
« perinissurum. »
La vérité est que l'empereur et les prélats
qui s'étaient trouvés à Constantino[ile avaient
élu un patriarche grec d'Antioelie, nommé
Athanase. C'était la manière ordinaire des
Grecs d'élire alors les évoques. Cinnamus
nomme peu après ce patriarche Athanase avec
les deux autres qui firent la cérémonie du ma-
riage de l'empereur L. v, c. 7, 16). 11 dit plus
bas ([ue le métropolitain de Kiovie qui gouver-
nait toute la Russie, était envoyé de Constanti-
nople. « Episcopus Byzantio missusillicpra'fici
solet. » La princesse Anne Comnène qui a
écrit avec tant de politesse l'histoire de l'em-
pereur Alexis Comnène, sou père, rapporte le
traité entier de pacification entre l'empereur
Alexis,et Bohémond,premierprince laïin d'An-
tioche (iVlexiados. 1. xni). L'un des articles
était le même dont nous venons de parler, ex-
primé en termes encore plus clairs. « Promitto
non futurum Antiochiœ patriarchara exuostro
génère : sed eum quem vestra majestas in
eam dignitatem promoverit, delectum e nu-
méro alunmorum magnaeConstautiuopolitanœ
Ecclesiœ.
Cette condition ne fut nullement observée,
comme il parait par l'histoire abrégée que
nous avons faite des patriarches d'Antioelie.
Mais il faut conclure de là que dans ces ren-
contres il était comme inévitable qu'il y eût
deux évèques d'une même ville, parce (]ue
les Latins qui possédaient et qui peuplaient la
ville étaient sans doute en droit d'avoir un
évèque qui entendît le langage de son troupeau,
et ils ne pouvaient s'en passer. Et les Grecs
étaient aussi en possession de donner des évè-
ques à ces villes, qu'ils croyaient ne leur être
échappées que pour un peu de temps.
Il est donc certain que dans ces conjonctures
on ne pouvait avoir aucun égard aux canons an-
ciens qui ue soutiraient pas deux évèques dans
une même Eglise. Car l" iiuaud nous eûmes
conquis Jérusalem, Antioche et Constantinople,
les patriarches et les évèques grecs n'étaient
pres(iue plus de la conmumion romaine selon
plusieurs. Certainement leurs inésinlelligences
avec les latins étaient lrè>-fié(iiii'nles. 2" Leur
foi même était ou paraissait a (ilusieurs dille-
rente, surtout aux Grecs mêmes. 3" Ces pré-
lats avaient abandonné leurs sièges, et étaient
ailes résider en d'autres lieux, i" Les Latins
faisaient un peuple nouveau et une Eglise dif-
férente de l'Eglise grecque, quoiiiue ce fût
dans les mêmes provinces et dans les mêmes
villes. Ainsi on pourrait diie (pie ce n'étaient
ni les mêmes villes, ni les mêmes Eglises,
puisque ce n'étaient pas les mêmes hommes
ni les mêmes peuples, et que ce sont bien plu-
tôt les peuples que les murailles qui font les Egli-
ses et les villes. 5" Ces années et ces multitudes
innombrables de gens qui composaient les
croisades, et qui allaient établir un domicile
ferme et un séjour permanent dans les provin-
ces orientales, y amenaient avec elles leurs
[lasteurs et leurs évèques mêmes, qui conser-
vaient toujours le droit de les y gouverner.
G" La seule diversité de la disci(iline eût rendu
les évèques grecs iuca[)ables de conduire les
Latins, peu susceptibles de la direction des
Grecs. 7" L'empereur de Constantino|>le, le roi
de Jérusalem, et le prince d'Antioelie étant de
la nation latine, à peine eussent-ils pu confier
leurs Eglises et leurs peuples à des èvê(iues
grecs. 8" Les évèques et les conciles d'Afrique
avaient autrefois accordé aux évèques dona-
tistes qui rentreraient dans le sein de l'Eglise
catholique de conserver leur dignité et leur ju-
ridiction sur leur peuple dans les villes
mêmes où il y avait déjà un évêque catho-
li(|ue. Il est vrai que celui de ces deux évèques
(jui survivait à son confrère devait réunir les
deux troupeaux ; mais entre les donatistes
nouvellement convertis et les anciens catholi-
ques, il ne se trouvait aucune de ces diversités
de loi, ou de discipline, ou de langue, ou
d'empire, qui distinguaient les Grecs des La-
tins, et ([ui rendaient leur commerce mutuel
tres-dilficile.
Et après que les souverainetés temporelles
de ces trois villes patriarcales nous furent
échappées, on jugea encore nécessaire de con-
tinuer à y nommer des patriarches, comme
nous l'avons déjà dit: 1° A cause des clia|)itres
qui subsistaient encore, quoique dissipés;
142
DU PREMIEH ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
2° à cause dos peuples latins qui liabitaiont
encore dans les mêmes \illes ou dans les
diocèses; 3° à cause des métropoles ou des
évêchés, qui étaient encore entre les mains des
latins; -i° parce que l'on conservait encore de
vives espérances, et on faisait diverses tenta-
tives pour reconquérir ces Etats; 5° parce que
les Grecs en usaient de même depuis fort lony-
temps dans les mêmes villes et dans les mêmes
provinces, où ils créaient toujours des évo-
ques, des métropolitains et des patriarches,
quoique toutes ces villes leiu" eussent été en-
levées par les Latins ou par les infidèles. Pen-
dant les soixante années que nous occupâmes
la ville et rempire de Constantinople, on créa
toujours à Nicée des patriarches de Constanti-
nople, qui retournèrent enfin dans leur pre-
mier séjour.
Nous ne manquions pas de raison pour nous
flatter de la même espérance. Nous avons déjà
rapporté ci-dessus les paroles de Ralsamon, pa-
triarche d'Antioche pour les Grecs, au temps
que le jtatriarclie latin y dominait encore.
Ce patriarcat retomba enfin entre les mains
des Grecs. Balsanion dit (jue les Sarrasins
étaient maîtres de la sainte cité de Jérusalem.
Les Grecs ne laissaient pas d'en nommer un
patriarche. Pourquoi les Latins n'en eussent-ils
pas aussi établi un, jiuisqu'il y avait alors
p(!ut-être encore \ûus de Latins que de Grecs.
Il ajoute (jue dans les autres villes épiscopales
du domaine dos Latins et des Sarrasins, il y
avait des évêiiues forces parce qu'on les y souf-
frait. Les Grecs et les Sarrasins pouvaient donc
bien aussi souffrir des évoques latins; 6° enfin.
Balsamon dit que les Grecs ne pouvaient seu-
lement pas entrer dans Tarse, parce que les
Arméniens y occuiiaient toutes les églises.
A cela il faut ajouter ce qui a été dit ci-de-
vant, de tant de patriarches, de tant de catho-
liques ou primats, et de tant d'archevêques de
ditférontes sectes, ([ui faisaient leur résidence
dans les mêmes villes, et tiraient leur titre
des Eglises des évoques grecs , longtemps
même avant que les Latins eussent pensé à
faire des croisades ou des conquêtes dans
l'Orient.
Si toutes ces sectes avaient reconnu par
expérience cotte iirati(iue nécessaire, il faut
croire qu'elle n'était pas moins nécessaire aux
Latins, ot que ce n'était nullement violer les
canons do (If)niior des évô(|uos divers à do di-
vers peuples, renfermés à la vérité dans une
même ville ou dans un mémo pays, mais très-
différents en langage, en mœurs et en commu-
nion.
VIII. II ne nous reste ]ilus qu'à faire quel-
ques réflexions sur l'autorité que les papes ont
exercée sur ces patriarches latins d'Orient. Nous
nous acquitterons de ce devoir après avoir re-
pris le tissu des patriarches d'Antioche, que
nous avons interrompu à la création du nou-
veau patriarche de Constantinople. Cette con-
tinuation est nécessaire même pour nous ins-
truire des devoirs et des assujettissements que
les pontifes romains ont exigés de ces patriar-
ches. Le pape Innocent III se plaignit au pa-
triarche d'Antioche de ce qu'il n'était pas venu
à Rome visiter les tombeaux des apôtres
(Rainald. ad an. 1206, n. 8). Ce siège ayant va-
qué, le pape Honoré III y destina Pierre de Ca-
poue, neveu du cardinal de Saint-Marcel; mais
ayant jugé à propos de l'élever lui-même au
cardinalat, il nonuna à cette dignité le vice-
chancelier de l'Eglise romaine, nommé Rai-
nerius, à la demande de trois chanoines du
chapitre d'Antioche, le consacra lui-même à
Rome, et lui donna le pallium (An. 1210, n. 20,
21).
Enfin, les dissensions des princes chrétiens
exposèrent en proie aux infidèles le reste de
nos conquêtes, et la ville d'Antioche même,
qu'ils prirent et désolèrent, après avoir immolé
sur les autels le patriarche même d'Antioche,
qui était alors un religieux de saint Dominique
(An. 1268, n. 53). Cette ville était déjà tombée
sous la puissance des Tartares qui régnaient
dans la Perse, ot ce fut sur eux que le sultan
la prit. Comme on espérait qu'elle pourrait
être reprise, ou par les Tartares qui entraient
souvent dans notre alliance, ou ])ar les croisades
des chrétiens occidentaux, on continua d'y
nommer des patriarches. L'élection en de-
meura libre aux chanoines jusqu'à ce que
le pape en réserva la nomination au Saint-
Siège par les raisons qui ont été rapportées ci-
dessus.
Quant à Alexandrie, nos croisés l'attaquèrent,
mais ils furent vivement repoussés et ne purent
s'en rendre maîtres. Mais comme nous avions
pris plusieurs autres places dans l'Egypte, et
surtout la ville do Damiotte. ce fut peut-être
alors qu'on commença do nommer un patriar-
che latin d'Alexandrie (An. 1292, n. 3). Peu
d'années après le pape Roniface VIII nomma
Alexandrie entre les Eglises patriarcales dont
DKS i'AriiiAi!(;iii:s latins en orient.
143
il réserva nu Saint-Sir'pc la rinminatiou à caiiso
Au la (Icroiitc (k's Lha|iilres ut du petit uouibrc
des chanoines dispersés (An. i;{U!,u.2'0.Kntre
les cardinaux (jui [)r(''si(!<'renl au concile de
Pise , le paliiaiclie d'Alexandrie prit séance
après le premier cardinal évèque; les patriar-
ches d'Antioche et de Jérusalem se signalèrent
aussi dans ce même concile (Spoudan. an. I i09,
n.9, il, 12).
IX. On traita dans le concile de Florence de
la réunion de ces dignités patriarcales en une
seule personne, et on y convint de part et d'au-
tre, après la réunion faite des deux Eglises,
(pie des deux patriarches de Constantinople,
l'un grec, l'autre latin , celui qui survivrait à
l'autre demeurerait seul possesseur du titre et
de la dignité de patriarche, pour l'une et l'au-
tre nation. En etlèt, le patriarche latin étant
mort le premier, le pape Nicolas V ordonna (jue
Grégoire, patriarche grec de Constantinople,
demeurerait seul et unicjue patriarche (Rainald.
an. llaO, n. 84); et comme Constantinople
était déjà tombée entre les mains des mahomé-
tans, il lui donna en commende l'Eglise de
Négrepont, poiu" en tirer sa subsistance. Apres
la mort du patriarche Grégoire, Pie H pourvut
de cette dignité le célèbre Isidore de Russie,
parce que Grégoire étant décédé à Rome , la
nomination était réservée au pape. « Cuni uul-
lus de illa Ecclesia prœler nos hac vice se in-
tromittere potuerit, sive possit. »
Si les trois autres patriarches eussent alors
reçu les décrets et l'union du concile de Flo-
rence, il y a toutes les apparences possibles
(|u'on eût aussi supprimé avec le temps l'un
des deux titres de chacune de ces Eglises pa-
triarcales. Mais l'archidiacre d'Antioche , qui
fut député quelques années après par ces trois
patriarches, vers le même pape Pie II, confessa
que l'union n'avait pas été alors acceptée dans
ces trois patriarcats ; il l'accepta en leur nom
et soumit toutes ces Eglises au pape (An. 14G0,
n. .55).
Comme les promesses des Orientaux dans ces
sortes de choses ont été ou d'abord même peu
sincères, ou dans la suite peu fidèles, aussi
cette union ne fut pas ferme, et on continua de
nommer des patriarches latins, parce que les
souverains pontifes firent toujours de nouveaux
efforts pour intéresser et pour liguer les souve-
rains de l'Europe pour la délivrance de l'Eglise
orientale. Les Gn^cs ne laissaient pas de nom-
mer des patriarches, quoique les villes patriar-
cales ne fussent plus en leui" puissance ; les
Latins avaient le même droit et la même obli-
gation. Leur droit l'tait UK'ine d'autant mieux
londi' i|u'ilsa\aieul plus di; foi-ces(|ue lestlrecs,
et laisiiient de plus grands etlorls pour le recou-
vrement de leurs anciennes con<iuêtes.
11 est encore vraisemblable (pie les Grecs ne
déférèrent pas à la iKimiiiation ipie fit Pie II
du patriarche Isidore de (ionstantinople, parce
(|ue son prédécesseur était mort m Curia.
Cette règle de notre droit canonique n'était
pas encore accréditée parmi eux. Ainsi ils élu-
rent des patriarches de leur nation , aux(iuels
les papes crurent devoir d'autant moins avoir
égard que ce n'était plus par les voies canoni-
ques que les Grecs y procédaient. Car après la
prise de Constantinople par les Turcs, il n'y
eut (jue quatre patriarches dont l'élection pût
passer pour cauoni([ue (Rainai, an. ti(31, n. 40,
-il). Après cela les Grecs mêmes achetèrent
celte dignité du sultan à prix d'argent, lisse
détrônaient les uns les autres, en donnant de
plus grandes sommes , et forgeant eux-mêmes
les chaînes de la servitude honteuse dans la-
quelle ils se jetaient.
\. Après le décès d'Isidore, cardinal et pa-
triarche de Constantinople, le cardinal Bessa-
rion fut fait patriarche de Constantinople et
archevétjui; d'Eubée. 11 est probable qu'on
nommait des Grecs, afin d'attirer d'autant i)lus
facilement les Gi'ecs à leur obéissance. Enelîet,
Bessarion écrivit aussitôt ime lettre savante et
très-pressante à l'Eglise de Constantinople [lour
la convier à l'unité et à la communion latine
(.\nno 1 4(13, n. 70).
Il est remarquable que dans cette lettre cir-
culaire Bessarion se donne le titre de patriar-
che œcuménique. Il crut vraisemblablement
(jue les Latins n'auraient pas plus de peine à
souffrir cette qualité en sa personne, qu'ils en
avaient eu dans le concile de Florence, où le
patriarche grec Joseph l'avait toujours prise.
11 jugea aussi peut-être qu'il ne fallait pas
donner ce prétexte aux Grecs de se rebuter,
comme si leur Eglise eût été dégradée de ses
anciennes prérogatives en sa personne.
Au reste le cardinal Bessarion nous a fait
voir par des mai'ques illustres de son zèle et
de sa sollicitude pastorale coiuhien il était im-
portant qu'on continuât toujours à Rome de
nonnner des patriarches latins pour les sièges
d'Orient. Car ce savant et généreux cardinal,
à la sollicitation même du pape Sixte IV et du
m
on PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
cardinal de Pavie, entreprit la légation de
France, non pas pour des intérêts Las et Im-
mains, connue (jnelques-uns ont pensé, mais
pour animer le roi Louis XI à exécuter les des-
seins ([ull avait lormés, et à répondre aux espé-
rances qu'il avait données d'armer pour la
délivrance de l'Eglise orientale (Rainald. an.
147-2, n.S).
Les brouilleries de la France rendirent inu-
tile cette léjj;ation, mais le légat qui en mourut
de regret quehjue temps après eut la joie et la
gloire d'avoir sacrifié sa vie pour la liberlé de
son é|)Ouse, et pour apprendre à tous ceux qui
sont nonmiés dans la suite du tem(is à ces pa-
triarcats titulaires, (jnels sont les devoirs et
les sacrés engagements du titre glorieux dont
ils sont revêtus. Le cardinal neveu de Sixte IV,
nommé Riarius , succéda à P>essarion en la
(|ualité de i)atriarclie de Constantinople.
XI. 11 ne sera peut-être pas inutile d'avoir
tant dittéré de faire réflexion sur les pouvoirs
que les papes se sont réservés sur ces patriar-
cats, ajirès les avoir engendrés pour ainsi dire
de nouveau et comme reproduits. Car on ne
doute ]»as (jue les p:i|)es n'aient été les princi-
paux auteurs des croisades et de tous les avan-
tiges ((ue l'E,i;lise orienUde en a retirés. 11 faut
s'élever un piai an-dessus de la considération
des passions humaines, ([tii ont tant de ]iart à
toute la conduite des liommes, i)our considérer
la sagesse et la main invisible de la Providence
(|ui gouverne son Eglise, et pour y découvrir
les voies admirables dont elle se sert, pour
exécuter, dans la longue révolution des siècles,
ce (pTcHtî nous a promis aux jours de sa chair,
et ce (ju'elle nous promet encore tous les jours
dans son Evangile. Elle a fondé son Eglise sur
l'épiscopat, et elle a fondé la primauté et la
prééminence de répisco])at sur Pierre et sur
ses successeurs.
Les sièges cminents de cette Eglise dans le
développement des siècles et dans le dénoue-
ment des grandes affaires du monde se sont
trouvés n'être ((ue des rayonnements et des
conununications de la prérogative du Siège
de Pierre dans leur premier établissements
Et dans b.'ur rétablissemenl aj)rès de longues
éclipses, v'a été encore ce premier Siège de
Pierre cpii en a fait connue ime ettusion
nouvelle, lui cpii n'est jamais tombé dans de
semblables défaillances, selon les immuables
lu'omesses de la vérité. Et enfin quaml ces
sièges éminents par la diversité des sectes se
sont écartés de l'unité de leur source, ils n'ont
guère tardé de retomber dans l'avilissenient et
dans la servitude des nations infidèles. Si l'on se
donne le loisir de faire une sérieuse réflexion
sur les |»romesses de l'Evangile et sur les évé-
nements historiques d'une si longue durée de
siècles, on'demeurera d'accord que nous ne di-
sons rien de trop, et qu'on en pourrait penser
davantage.
Xll. Ce fondement posé, on ne sera plus si
sur])ris que les papes se soient réservés le pou-
voir : V De confirmer ces nouveaux patriarches
après leur élection ; 2° de leur donner le pal-
linm, comme le symbole de la plénitude de
juridiction; 3° d'exiger d'eux un serment de
fidélité et d'obéissance ; 4° de donner le pal-
lium même aux métropolitains de leur dépen-
dance; ri° d'exiger de leurs suffragants une
profession d'obéissance et de soumission au
Saint-Siège. Car je ne dirai rien des a|)pels qui
étaient incontestables au moins depuis le con-
cile de Sardique.
Quand il serait certain que les anciens
patriarches orientaux eussent toujours été
exempts de ces assujeftissemeids, on aurait
encore sujet de louer la sage prévoyance (jui
o])pose de nouveaux remèdes, et même de
nouveaux préservatifs à de nouvelles maladies.
La déroute spirituelle des Eglises orientales,
et peut-être même leur décadence temporelle,
était provenue de leur séparation schisinatique
d'avec leur chef. N'ètait-il pas juste, et n'était-
il pas même nécessaire, dans la formation nou-
\elle de la hiérarchie orientale, de serrer avec
des liens plus étroits les chefs de ces grandes
Eglises avec le chef unique de l'Eglise univer-
selle, afin de rendre cette unité, qui est le
solide fondement de la stabilité des Eglises,
indissoluble et éternelle?
11 est vrai que ces patriarches nouveaux ne
possédèrent jtas longtemps leurs trônes dans
l'Orient. Mais ce fut l'autorité du Saint-Siège
([ui les y maintint durant tout ce temps-là,
même contre les violences des juinces latins
qui dominaient temporellement dans leurs
villes; et ce ne fut (jue par le jieu de bomie
intelligence que ces princes conservèrent entre
eux et avec leurs patriarches, et par le peu
de déférence (|u"ils eurent |iour le Saint-Siège,
(juils laissèrent retomber leurs Etats sous la
puissancedes infidèles. C'est ce que nous avons
justifié par le récit abrégé de leur établisse-
ment et de leur décadence, et ce qu'on peut
DES PATRIARCHES LATINS EN ORIENT.
145
voir plus au lou;^ dans les Annales de l'Eglise,
où les |)a|>cs iiaraisseiit presque toujours oeeu-
pés à réconcilier ces princes entre eux et avec
leurs patriarches.
Xlll. Il nie reste ini doute dont je ne vois pas
bien la solution. Nous avons vu un arclie-
vê(iue de Tyr recourir au pape pour obtenir le
palliuni. après avoir été confirmé et consacré
|)ar le patriarche. Le pape même crut se pou-
voir plaindre avec justice des oppositions que
le patriarche avait laites à cette déférence
rendue au Siéye romain. Et néanmoins le pape
Innocent 111 et le concile de Latran permirent
à ces patriarches de donner le pallium à leurs
sutfragants, ajjrès l'avoir eux-mêmes reçu du
pape. Ne sont-ce pas les métropolitains du res-
sort de chaque patriarche qui sont ici appelés
ses sutTraj^ants?
Le même pape Innocent III renvoya au pa-
triarche de Constantinople, pour recevoir de lui
la conflrmation et le pallium , rarchevêque
élu de Patras, qui était aussi primat d'Achaïe
(Spondanus. An. 120(), n. 3). Il se pourrait
faire que ce pape, comme le plus versé de tous
dans la science du droit canonique, aurait re-
connu que son prédécesseur avait passé les
justes mesures, ou par une entreprise peu
considérée, ou par une excessive facilité d'ac-
corder ce qu'on ne devait pas lui demander.
Ou bien on pourrait croire que le droit des
patriarches de Jérusalem et d'Anlioche sur la
métropole de Tyr n'étant j)as encore bien
éclairci, car l'un et l'autre en prétendait la su-
périorité, le pape et le métropolitain crurent
avec raison qu'en attendant que ce dilTérend
fût terminé, c'était au pape à suppléer et à
faire la fonction du patriarche. En effet, le
pape Innocent III donna une sentence provi-
sionnelle pour soumettre le métropolitain de
Tyr au patriarche de Jérusalem, en attendant
qu'il fût décidé auquel des deux patriarches il
devait appartenir. « Quousque deliberaretur,
utri duoruni patriarcliarum perpetuo cederet
(Vuil. Tyr. 1. xiv, c. 12). »
La meilleure réponse est ))eut-ètre de dire
que le pape Innocent III ne prétendait [toint
se donner l'exclusion à lui-même, quand il
permettait aux patriarches de donner le pallium
à leurs métropolitains. Il le dit formellement
dans la lettre au patriarche de Constantinople,
auijuel il permet de donner la consécration et
le |)allium au métropolitain de Patras : « Licet
de |ileniludine potcîstatis ipsum conseci'ationis
nuuiere ac honore |)allii potuissemus insigni-
tuni remittere, (|uia sic te vocanuis in partem
sollicitudinis, <(4iod nobis relinuimus plenitu-
dinem poteslalis : nec cuiquani laeimus inju-
riam, cum utimur jure nostro. » C'est dans
ses actes que cela se trouve (Cesta Innoc. III).
XIV. Ceux (|ui aiment à s'entretenir de ques-
tions imaginaires, et qui parmi cent autres
discours en l'air mêlent quelquefois celui de la
création d'un nouveau patriarche dans quelque
royaume particulier de la chrétienté, pourront
avoir remarqué dans ces deux chai)itres que
les pouvoirs de ce patriarche ne pourraient
être autres que ceux de ces patriarches renou-
velés dans l'Orient. Car si dans les anciens
trônes apostoliques on n'a donné des patriar-
ches qu'avec ces mesures si justes de pouvoir
et de juridiction, c'est-à-dire avec la même
autorité qu'ont les primats de l'Occident, on
ne pourrait pas, avec la moindre apparence de
justice, en prétendre davantage pour ce pa-
triarche nouveau.
Ce ne serait donc que la création d'iui pri-
mat, tout semblable aux primats dont nous
parlerons dans le chapitre xxx de ce livre. Car
il est certain que si l'on examine de près
l'étendue qu'on avait donnée aux droits et aux
pouvoirs des patriarches latins en Orient, on
découvrira évidenunent qu'ils ne différaient en
rien des primats de l'Occident.
XV. Et il ne faut pas accuser ces patriarches
latins de Jérusalem, d'Antioche et de Constan-
tinople d'avoir mal soutenu les intérêts de la
dignité dont ils étaient honorés, et de s'être
laissés réduire trop à l'étroit, car ces sages
prélats se réglaient sur celte excellente ma-
xime de saint Augustin, qui doit aussi être la
règle de nos raisonnements, que ce n'est pas
pour leur satisfaction ou pour leur gloire par-
ticulière que les évê(iues sont évêques,
mais pour celle de l'Eglise. Ainsi ils doivent
se contenter de la juste mesure de pouvoir et
de juridiction que l'usage de leiu" siècle leur
accorde selon les besoins et les avantages de
l'Eglise, qui étend ou resserre diversement en
divers siècles ces bornes de juridiction, selon
(ju'il est convenable pour conserver et ])Our
alTerniir une i)aix inviolable et une unité indis-
soluble.
Tu. — Tome I.
10
uc
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SEPTIÈME.
CHAPITRE VINGT-SEPTIÈME.
DES ÉVÊQUES TITULAIRES.
I. Textes du droit canonique nouveau pour les évèques titu-
laires.
Il Sentiments et décrets rigoureux du concile de Vienne
contre eux.
* III. Et de quelques autres conciles.
' rv. On souffrit néanmoins encore deux sortes d'évêques titu-
laires.
V. Réflexions sur ces évèques titulaires.
VI. Décrets du concile V de Latran et de celui de Trente sur
ce sujet.
Vil. Diverses remarques de Fagnan sur l'état de ces évèques
après le concile de Trente.
VIII. Les évèques titulaires plus anciens et très-nécessaires
dans l'Espagne, quand les Maures l'eurent conquise.
IX. La prise d'Oran en Afrique par le cardinal Ximénès
donne lieu aux prétentions d'un évèque titulaire.
X. Obligations des titulaires envers leurs Eglises.
" XI. Des évèques titulaires d'Irlande.
XII. Réponse à une objection. Sentiments de Gerson.
I. Ayant employé une partie du chapitre
précéilL'iit à justifier les patriarches titulaires
de l'Orient, nous nous trouvons comme enga-
gés à parler ensuite des autres évèques titu-
laires, avant que d'en venir au traité des pri-
mats et (les niétroi)olilains.
Pour la défense des évèques titulaires, les
canonistes allèguent le chapitre Pastoral/s (VII
(\. \ , c. iij, tiré du grand saint Grégoire. Maisce
londenieul n'est j)as solide, parce que saint
Grégoire y parle d'un évèque dont la ville
venait d'être surprise par les ennemis; il le
transfère à un autre évèché, et l'oblige néan-
moins de retourner dans sa première Eglise,
si on vient à la recouvrer. Le concile d'An-
lioche (D. 19, c. .">) est allégué un peu jjIus à
proi)OS, lorsqu'il parle de l'évèque qui n'a pu
se faire recevoir dans sa ville à cause de
l'aversion que le peuple a de sa personne, ou
pour quelque autre raison. Mais cet évèque
n'avait été ordonné que dans l'espérance iiu'il
se mettrait en possession de son Eglise. Ainsi
ces deux décrets ne regardent pas nos évèques
titulaires.
II. Voici un décret du pape Clément V depuis
le concile de Vienne ([ui les regarde, mais
c'est |)our les ct)n(laiiHier et poiu' en abolir
l'ordination, après en avoir représenté les con-
séquences dangereuses. Car ce pape remarque
que ces Eglises n'ayant plus ni peuple, ni
clergé, ni revenus, ce n'étaient que des moines
qui s'en faisaient pourvoir, et qui, pour satis-
faire leur ambition, exposaient l'honneur de
la dignité la plus sainte et la plus sublime du
monde à une honteuse mendicité et aux bas-
sesses d'une vie vagabonde. « Qui nec ut expe-
diret, prodesse; nec ut deceret, praeesse va-
lentes, instabilitate vagationis et mendicitatis
opprobrio, serenitatem pontificalis obnubilant
dignitatis (C. In plerisque in Clementinis). »
Ainsi ce pape défend à l'avenir d'ordonner de
ces évèques titulaires sans la permission ex-
presse du Siège apostolique : « Nisi speciali
super hoc autoritate Sedis apostolicœ. » Et il
inflige des peines aux religieux qui se laisse-
ront emporter au vent d'une cupidité si con-
traire à la profession religieuse.
III. Le IP concile de Ravenne ne fut pas plus
favorable aux évèques vagabonds, inconnus,
ignorants de la langue du pays, et qui enfin
par leur conduite rendaient leur ordination
même fort suspecte. xVussi on y ordonna qu'on
ne leur permettrait l'exercice d'aucune fonc-
tion pontificale qu'après qu'ils auraient donné
des marques certaines de leur ordination et de
leur titre. « Nisi prius metropolitano consti-
terit, de ipsius ordinatione, consecratione et
titulo (An. 1311. Can. xxiv). » Le troisième
concile de Ravenne renouvela ce règlement
avec une expresse défense aux religieux de
faire exercer les fonctions pontificales aux
évèques titulaires d'ontre-mer : « Episcopos
l)eregrinos, vel ignotos, et populum subditum
citra mare non habentes, ne invitent, etc. (An.
t;314, c. iv). »
IV. Ces défenses n'étaient pas si générales ni
si rigoureuses, qu'on ne souffrît encore de
deux sortes d'évêques titulaires. Car, 1° les
patriarcats d'outre-mer étaient toujours donnés
en litre a des prélats latins, à qui on confiait en
même temps d'autres évêchés en commende
DES EVÉQL'ES TITULAIRES.
147
pour y exercer leur charité pastorale et pour y
trouver l'entretien temporel de leur dignité.
:2°Les évèquesou archevêques, qui ne croyaient
pas pouvoir s'appliquer autant qu'il eût été né-
cessaire au gouvernement de leur diocèse, pre-
naient des évèques titulaires, comme de chari-
tables coadjuteurs, pour se décharger sur eux
d'une partie de leur ministère.
Dans le concile de Cologne de l'an 13-22,
l'évêque de Liège nommé Adolphe fit agréer
son absence en faisant assister en sa place un
autre èvèque, qui était son vicaire -général
pour les fonctions pontificales. « Hermannus
Hennensis episcopus vices nostras gerens in
pontilicalibus. » Dans une assemblée de pré-
lats tenue à Paris par l'ordre du roi Charles VI,
à l'occasion du schisme d'Avignon (An. 139i),
on vit présider avant tous nos archevêques les
deux patriarches d'Alexandrie et de Jérusalem,
qui étaient en même temps administrateurs
perpétuels, le premier de Carcassonne, le se-
cond de Saint-Pons-de-Tomières. Après tous
les évêques de France on y nomme celui de
Bethléem.
Dans les règlements que le cardinal Cam-
pège dressa pendant sa légation d'Allemagne
pour la réformation de l'Eglise, il, fut dé-
fendu aux vicaires -généraux des fonctions
pontificales de rien exiger pour la consécra-
tion des Eglises; et ou ordonna en même
temps aux évèques de leur fournir un entretien
honorable, par des pensions créées sur leur
évèché par l'autorité du Saint-Siège (Anno
lo2i, can. xix).
V. Nous apprenons de là, 1° que ces évèques
titulaires étaient fort ordinaires dans l'.Alle-
magne. 2" Qu'on faisait apparemment inter-
venir l'autûrité du Siège apostolique, selon la
Clémentine ci-dessus rapportée. 3° Que c'était
le plus souvent des religieux qu'on appelait à
ce ministère. Ce dernier point se vérifie par le
concile de Salsbourg iCan. xvu), en 1420. Car il
y est défendu aux évèques de se servir de ces
religieux consacrés évêques dans les fonctions
épiscopales de leur diocèse, s'ils ne reprenaient
l'habit de leur ordre qu'ils avaient quitté, et
qu'ils ne pouvaient avoir quitté sans tomber
dans l'excommunication. « Nullus suffraga-
neorum nostrae provinciae in sua diœcesi ad
exercendum ea quœ episcopalis ordinis exis-
tunt , taies titulares , episcopos admittat ,
nisi habitum suae religiouis manifeste défé-
rant, etc. » M.-. ' i , ,!: ■
Le concile de Cologne, en 1536, réforma
plusieurs abus qui s'étaient glissés dans la
discipline (Can. xvu], mais il ne retrancha pas
ces vicaires du ministère pontifical; au con-
traire il en supposa lusage ordinaire, aussi
bien (|ue le synode d'Augsbourg en 1548, et le
concile de Trêves, en 1548, dans la lettre de
convocation ,Act. 2).
VI. 11 faut donc confesser que le concili' de
Lati'an sous Léon X(An. 1514, Sess. 9) n'a fait que
s'accommoder à l'usage reçu, qui n'était qu'un
déplorable relâchement, quand il a permis aux
cardinaux qui avaient des églises cathédrales
en conimende, de les gouverner par l'entremise
des évèques titulaires ou sufiragants. « Onmi
conatu suo provideant inserviri cathedralibus,
dignos et idoneos vicarios, seu suffraganeos,
prout consuetudo fuerit, cum digna et compe-
tenti mercede apponentes. »
Le concile de Trente n'est pas contraire à
celui de Latran, parce qu'il ne parle pas de
ces évêques titulaires, asservis en qualité de
sulfragants -à l'administration de ciuekjue
église cathédrale dont ils n'ont pas le titre.
C'est contre d'autres évèques titulaires que ce
concile parle, quand il blâme leur vie vaga-
bonde : « Glero carentes, et populo christiano,
cum fere vagabundi siut et permanentem
sedem non habeant ^An. 1551. Ses. 14, c. 2); »
et (}u'il condamne les artificieux détours dont
ils se servaient pour ordonner les sujets des
autres évèques, eu s'érigeant un siège èpisco-
pal dans les lieux qu'on dit n'être d'aucun
diocèse, ou dans quelque monastère exempt.
M In legis fraudera et coutem[itum , (juasi
episcopalem catliedram in loco nulhus diœce-
sis sua temeritate erigunt, et quoscumque ad
se venientes promovere prssunumt. »
Ce concile i)asse plus avant, et il condanme
toutes ces ordinations faites par des évèques ti-
tulaires sans la permission de l'évêque diocé-
sain, de quelque privilège qu'ils puissent être
soutenus pour autoriser cesentreprises. «Xemo
episcoporum qui titulares vocantur, etiamsi
in loco nullius diœcesis, efiam exempto, aut
aliquo monasterio cujusvis ordinis resederiut,
autmoramtraxerint, vigore cujusvis privilegii,
sibi de promoveudo quoscumque ad se venien-
tes pro tempore concessi, alterius subditum
absque proprii prœlati expresso consensu ordi-
nare valeat, etc. » L'évêque est suspendu des
fonctions épiscopales pour un an s'il contre-
vient à ce décret, et celui qu'il a tonsuré ou
148i DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SEPTIÈME.
ordonné autant de tem|)s (jiril plaira ;i son
évùqiie diocésain.
VII. Fagnan ajoute : 1° Que depuis le concile
de Trente, Pie V fit un décret pour interdire la
création des évêques titulaires, si ce n'est pour
les Eglises cathédrales commises aux cardi-
naux, et où cette coutume est déjà reçue, avec
pension au moins de deux cents écus, assignée
sur les revenus de l'évèché ; avec liberté aux
évêques de s'en faire p^ycr par eux-mêmes;
enfin avec une défense très-expresse de faire au-
cune fonction épiscopale sans la licence du Siège
apostoli(|ue, si ce n'est dans le diocèse dont ils
sont suffragants (In I. v. Décret, part, n, c. 40,
41, 42). 2" Ce canoniste ajoute encore que la
congrégation des affaires consistoriales com-
muniqua ensuite ce même privilège des cardi-
naux aux évoques qui ne le sont pas, et aug-
menta la pension des évoques titulaires jusqu'à
trois cents écus (1). 3° Que l'archevêque d'Ar-
borée en Corse ayant demandé un évêque titu-
laire à la congrégation du concile, j)arce que
ses fréquentes maladies, et les inimitiés mor-
telles de (]uel(]ues personnes qui avaieut déjà
tâché de lui ravir la vie ])ar le poison, l'obli-
geaient à (le fréquentes et longues absences de
son diocèse, la congrégation ne jugea pas à
propos d'ordonner pour cela un évêque titu-
laire, mais elle iiermit à cet archevêque, s'il en
rencontrait quehju'un déjà ordonné, de l'en-
gager au service de son Eglise ( Anno 1(505).
4° Que lesclievaliers de Saint-Jacques-de-1'Epée
en Espagne, ayant demandé la création d'un
évêque titulaire pour Mérida et quelques autres
lieux qui iv. sont d'aucun diocèse, et qui dé-
pendent de cet ordre, la congrégation des af-
faires consistoriales répondit qu'on ne devait
])lus accorder à ces chevaliers des évêques titu-
laires, et que si Pie V et Grégoire XV leur en
avaient autrefois accordé, c'avait été sans con-
sulter la congrégation (Anno 1649). ri" Le roi
d'Espagne ayant fait faire de nouvelles instan-
ces par ses ambassadeurs, pour faire affecter
l'évèché titulaire de Tunis en Afriijue, pour un
évê(iun sulfragant dans les lieux exempts des
chevaliers de Saint-.lacques, après une nu'ire
délibération la congrégation persista dans le
même refus, parce que la création des évè(|ucs
titulaires est entièrement contraireàl'ancienne
(1) Le P. Thornassia commet ici une erreur. Il n'y eut jamais d'ar-
chcvêclié en Corse. Les cinq cvéchés do celte île étaient suffragants
de la métropole de Gènes. Ce qu'il appelle l'archevêché d'Arborée,
du latin Arliorcnsis, était l'archevêque d'Oristagni, dans l'ile de Sar-
daigne, siège qui existe encore.
(lisci|iline, (]ui ne souffre point d'évêques dans
les lieux qui ne sont pas cités, Civilales, parce
que le concile de Vienne s'est déclaré contre
les évêques titulaires. Le concile de Trente n'en
permet qu'aux cardinaux, et Pie V n'en per-
met qu'aux lieux où la coutume en est déjà
introduite; le concile de Trente (Sess. '23, c. 10)
ne ])ermet jias aux évêques hi partibus de s'é-
riger un siège épiscopal dans les lieux de nul
diocèse, et il défend à ceux qui sont origi-
naires des lieux de nul diocèse de recevoir
les ordres sans la permission et les lettres
diniissoires de l'èvêque dans le diocèse duquel
ils sont situés; enfin parce que le concile de
Trente (Sess. 24, c. 9) ayant soumis à l'èvêtjue
diocésain les lieux qui ne sont de nul diocèse,
et à l'èvêque le plus proche les lieux qui ne
sont dans aucun diocèse, c'est faire injure
à ces évêques que de créer un nouvel évêque
titulaire qui s'attribuera les fonctions pon-
tificales qui leur ont été réservées par le
concile. 6° Enfin ce savant et pieux canoniste
(in 1. II. Décrétai., p. 217, 218) ajoute (|ue la
congrégation du concile a assujetti les pa-
triarches, les archevêques et les évêques ti-
tulaires à rendre au Saint-Siège la visite res-
pectueuse (jue les lois ecclésiastiques leur ont
prescrite en des temps déterminés, pour s'y
aciiuitter non-seulement des deux premiers de-
voirs attachés à ces visites religieuses, savoir :
de rendre leurs vœux aux basiliques des prin-
ces des apôtres, et de renouveler au Chef de
l'Eglise les protestations de leur respect et de
leur obéissance ; mais aussi pour satisfaire à
une troisième obligation qui n'est pas moins
importante. C'est de rendre compte de leur
diocèse à la congrégation du concile, selon la
constitution de Sixte V. 7° Car encore que ces
évêques n'aient ni peuple , ni clergé qui les
reconnaisse, ils ne laissent pas d'être chargés
du soin du diocèse dont on leur a donné le
titre, et d'être obligés de veiller et de faire tous
les efforts possibles pour y rétablir l'empire de
J.-C. et la liberté de la religion. Ils doivent
s'instruire de l'état de ces Eglises désolées,
chercher les moyens d'y porter la lumière de
l'Evangile, iriformer le pape et la congrégation
des efforts qu'ils font, implorer leur assistance
et leur protection. (l'est la réponse (pie la même
congrégation a faite depuis peu d'annt^es aux
patriarches titulaires de Constantinople et d'An-
tioche, dont le premier, qui était arclievê(|uc
de Rary, avait fait faire la visite de l'Eglise de
DES ÉVÊQUES TITILAIRES.
149
Consfantinnple par un sulistitiit et en ;ivait
rendu compte à la congrégation.
VIII. Si nous remontons un peu plus haut,
nous trouverons cpie l'Espa^me avait été depuis
longtemps le triste séjour ci'un grand nombre
d'évèques titulaires. Car après cjue les Maures
eurent soumis à leur barbare domination pres-
(jue toute l'Espagne, on ne laissa pas d'y conti-
nuer les ordinations ordinaires de toutes les
Eglises épiscopales. Roderic , archevêque de
Tolède, remaniue qu'il se trouva de deux sortes
d'évèques à la dédicace de l'Eglise de Saint-
Jacques, les uns possédant leurs Eglises et
leurs villes, les autres n'en n'ayant que le titre,
parce qu'elles gémissaient sous l'empire des
infidèles , ou étaient entièrement ruinées.
«Fuerunt ibi alii episcopi : quorum civitates
aliqusB desertœ, aliquae ab Arabibus tenebantur
(De rébus Hispan. 1. iv, c. 18). » Il en nonnne
neuf de ceux-ci, dont les villes ne furent recou-
vrées que sous le règne d'Alphonse, qui prit
Tolède; et pendant ce long intervalle ces évo-
ques résidaient dans la ville ou dans le diocèse
d'Oviédo, qui en mérita le nom de la Ville-
aux-Evè([ues. « Et eorum episcopi ad Asturias
fugientes, tam in civitate, (juam in diœcesi
Ovetensi, partitis sibi territoriis, ut poterant,
victitabant. Unde in aliquibus libris anti(iuis
Ovetum dicitur Civitas Episcopalis. »
Mariana fait le même récit et renrichil de
([uelques circonstances mémorables. Car il dit
que ces évêques qui ne semblaient l'être que
de nom : « Minuti, scilicet, et paulo amplius
cjuam solo nomine episcopi, » étaient pourtant
évêques, non-seulement parce qu'ils espéraient
recou^Ter au plus tôt leurs Eglises : « Et erat
moribus ea tempestate receptum, ut utrarum-
que urbium episcopi essent : ac earum pra>ser-
tim, quœ vel ereptœ Mauris, paulo post ad
eorum ditionem redierant; vel sperabatur
brevi eripiendas fore, christianique juris futu-
ras ; in eainque spem mortuis sufticiebantur
vivi ; » mais aussi parce que le concile de Com-
postelle ordonna que ces évêques titulaires
exerceraient le ministère épiscopaldans la ville
et dans le diocèse d'Oviédo, où l'on assigna à
chacun d'eux des Eglises et un revenu. «Addi-
lum praeterea, ut episcopi (jui ditione care-
rent, Ovetensi prœsuli vicariam operani exhibè-
rent, cura in multos partita, ejusque reditibus
alerentur. lis aliisque tota ditione episcopis
in Ovetensi urbe et diipcesi, singula> Ecclesiœ
darentur, (piarum reditibus viverent, etc. Inde
certe etiectum est. ut ea tempestate Ovetum
Ei)isco])oruni civitas vulgo diceretur (Anno
87G, 1. vu, c. 18). »
IX. Mais voici une rencontre assez curieuse
dans la même histoire d Espngne, qui pourra
nous instruire et nous divertir en même temps.
Aussitôt que le grand cardinal Ximénès eut
conquis la ville d'Oran en Afrique sur les Mau-
res, un cordelier, nommé Louis Guillaume,
qui avait été déjà ordonné évèque titulaire
d'Auria, prétendit (pie c'était Oran même, et
n'ayant rien pu obtenir du cardinal, qui était
extrêmement jaloux de sa nouvelle conquête et
prétendait l'unir à son Eglise de Tolède, il en
obtint des bulles du pape.
Le cardinal fit examiner les anciennes his-
toires et les notices des évêchés d'Afrique, et
ayant découvert qu'Oran était une ville fort
nouvelle et dépendante de Trémécen, qui n'a-
vait pas été elle-même épiscopale parce qu'elle
n'était pas ancienne, se résolut d'y établir une
Eglise collégiale, avec les dignités et un titre
d'abbé qui aurait séance dans le chapitre de
l'Eglise métropolitaine de Tolède. L'évêque se
pourvut par-devant le roi, et ne se contenta pas
de la dignité dabbé d'Oran que le cardinal
lui offrait. Mais le roi étant venu à mourir, et
le cardinal ayant été appelé au souverain
gouvernement de toute l'Espagne, l'évêque mit
fin à ses poursuites, mais non pas à ses espé-
rances ( Anno lo'âU). Car après la mort du car-
dinal, renouvelant ses instances auprès de son
successeur Fonséca, archevêque de Tolède, il
obtint de lui etaccepta la qualité d'abbé d'Oran,
qu'il avait autrefois refusée. On en demanda
les expéditions à Rome ; comme elles tardaient
à venir, l'évêque s'en alla dans son Eglise d'O-
ran avec la qualité de vicaire de l'archevêque;
ses successeurs portèrent la même qualité, vi-
vant avec les chanoines d'Oran dans une en-
tière dépendance des archevêques de Tolède.
Voilà ce que raconte Gomécius dans la vie du
cardinal Ximénès Libre v).
X. Ces preuves, tirées de l'histoire d'Espagne,
nous apprennent (|u'il y a eu une nécessité
effective de créer des évêques titidaires, dès les
siècles anciens de l'Eglise : (jue c'a été origi-
nairement dans l'espérance de recouvrer leurs
évêchés, que ces espérances n'ont pas été
vaines, et que les villes épiscopales ont été
très-souvent reconquises; que pendant cette
longue viduité les évêques titulaires ont été
occupés à soulager les autres évêques, et que
ISO
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SEPTIÈME.
par conséquent on n'a jamais douté que les
évêiiues titulaires ne lussent véritablement
évèques.
Ce qui a été dit dans le chapitre précédentdu
cardinal Bessarion, et ce que nous venons de
dire du cardinal Ximénès et de l'oliligaliondes
évèques titulaires à rendre compte a Rome des
efforts qu'ils ont faits pour leurs Eglises, enfin
ce que l'on peut penser des évèques d'Espagne,
dont les villes ont été reprises sur les Maures
après queUpies siècles; tout cela, dis-je, montre
évidemment que les espérances, qu'on témoi-
gne avoir dans la création des évèques titulaires,
ne sont ni vaines ni mal fondées.
XI. Il n'est pas facile de deviner de quelle
nature étaient les évèques titulaires d'Irlande,
dont se plaint saint Anselme dans sa lettre à
leur roi. Car on les y ordonnait sans leur des-
tiner aucun lieu propre : « Dicitur episcopos in
terra vestra passim cligi, et sine certo episco-
patus loco constitui ( L. ni, epist. cxlvu). »
Ainsi ils n'étaient pas même titulaires, mais
simplement évèques, comme on ordonne quel-
quefois des prêtres, sans les attaclier à aucune
Eglise.
Saint Anselme représente les inconvénients
étranges de ces ordinations vagues et con-
traires à toutes les lois canoniciues. « Episcopus
namque , nisi certam parocbiam , et popu-
luui cui suiier inlendat, liabeat, constitui se-
cunduni Ueum non polest. Uuia nec in suîcu-
laribus nomen, vel oflicium pastoris habere
valet, ([ui gregem, cpiem pascat, non ha-
bet. Honor (pioque episcopalis non parum vi-
lescit, etc. »
Comme saint Anselme assure que ces évè-
ques n'étaient ordonnés (jue par un seul évo-
que, il y aurait quelque fondement de croire
que c'étaient de ces sortes de cliorévèques dont
il a été parlé ci-devant, qui gouvernaient les pa-
roisses champêtres des diocèses, sous l'autorité
des évèques, qui prenaient quelquefois la con-
duite d'un diocèse \acant, qui n'étaient consa-
crés que par un évèque seul, et a qui les évè-
ques titulaires, qu'on appelle suflragants, ont
succédé.
Xll. Quelque fortes que puissent paraître
les paroles de saint Anselme contre ces évè-
ques titulaires, il ne nie pourtant pas qu'ils ne
fussent évèques. Ceux même qui s'élevèrent
avec tant de force contre le concile de Bàle, et
qui se plaignirent si hautement que le cardinal
d'Arles y précipitait la conclusion des affaires,
sans attendre les suffrages des vrais évèques,
se contentant du consentement des titulaires :
à quoi on ajoute (pi'il fit placer une fois tous
les |)lus célèbres reliquaires de la ville dans les
sièges des évèques absents ; ceux-là, dis-je, ne
nièrent pourtant pas la qualité d'évcque à ces
évè(|ues sans peuple.
Mais Enéas Silvius, dans son livre premier
des Actes de ce concile, nous apprend que les
défenseurs des évèques titulaires mettaient à
leur tète saint Pierre même et les autres apô-
tres, qui n'eurent jamais sous leur puissance
des villes entières ou de grands diocèses. « Dum
istos repelluiit, i|)suni quo(iue Petrum dam-
nant, et apostolos quos diu sine magna plèbe
fuisse constat. Nec unquara aut tota Roma
Petro, aut tota Jerosolyma .lacobo paruit (Rai-
nai, auno 1439, n. 21, 23). » Cela ne se disait
pas sans chaleur.
Concluons avec Gerson que ce sont vraiment
des évèques, mais qu'il ne faut jamais en don-
ner que dans la nécessité : « Status episcopalis
licet esse possit in aliquo, sine plèbe, et sine
usu, vel exercitio ; hoc tieri non convenit : quia
vanum et monstruosum in Ecclesia videretur ;
quoniani frustra est potestas, cui non subest
operatio (Gerson, tom. i, pag. 190). »
11.'' ' K'
i\ : *ill .11
DE LOIIICLNE DES EVEUIES TlirEAUîES.
151
CHAPITRE VINGT-HUITIÈME.
DE L ORIGINE DES EYEQUES TITULAIRES.
I. Les chorévêques furent déclarés n'être pas évèques, parce
que leur ordination se faisait par un évêque seul, et ne leur
donnait aucun évéché propre à gouverner. Réponse à deux ob-
jections.
II. Les évèques titulaires, ou plutôt non titulaires, n'ont
point aussi de titre, quoiqu'on leur en ait assigné un dans leur
ordination.
m. Ordonner un évêque c'est sacrer nn roi, qni ne peut être
sans royaume. Ordinalions des évèques vagabonds condamnées.
IV. Dans l'Orient on permit de retenir tous les antres béné-
fices avec nn évêché in partibus, parce qu'à moins de cela
personne n'en voulait.
V. Il y avait encore espérance de reconqnérir à l'Etat et à
l'Eglise ces évêchés qu'on donnait aux évèques titulaires.
VI. On retenait encore une partie des diocèses, ou des pro-
vinces qu'on donnait à des évèques, ou à des métropolilains
titulaires.
VU. Des patriarches titulaires d'Antioche et de Jérusalem.
VIII. La raison mystérieuse du nombre des cinq patriarches
fut de quelque considération.
IX. Tout le patriarcat n'étant pas occupé par les Barbares, il
fallait nommer des patriarches.
X. La pauvreté inévitable des évèques titulaires n'était point
un obstacle suffisant.
XI. 11 restait toujours du petit peuple catholique, à qui il
fallait donner un pasteur.
XII. Les empereurs jaloux de conserver ces titres comme
des titres de leur droit sur ces pays.
XIII. Les évèques titulaires étaient quelquefois tolérés dans
leurs évêchés.
XIV. Autres évèques titulaires qui avaient renoncé à leurs
Eglises par l'amour excessif d'un lâche repos.
XV. De la défense que fit un concile de Photius aux évèques
d'entrer dans les cloîtres et de se faire moines.
XVI. Evêchés in partifjus donnés en commende à des évè-
ques qm avaient d'autres évêchés.
XVU. XVIII. XIX. XX. Exemples des évèques titulaires, tirés
de l'antiquité la plus reculée, et qui marquent l'origine de ces
sortes d'évèques.
I. Il est temps de parler des évèques et de
commencer par la différence qu'on mit entre
eux et les chorévêques, lorsque Charlemagne
consulta sur ce sujet le Siège apostolique, en-
voyant à Rome l'archevêque Annon , et faisant
en même temps examiner cette matière par les
évèques de sou royaume.
La commune résolution du Siège romain et
de nos prélats fut que les chorévêques ne pou-
vaient être mis qu'au rang des prêtres, et qu'ils
n'avaient pu recevoir le caractère auguste ou
le divin ministère de l'épiscopat, parce qu'ils
n'a^ aient été ordonnés pour aucun siège épis-
copal, et qu'au lieu de trois évèques, qui sont
nécessaires pour la consécration èpiscopale, il
n'y en avait eu qu'un qui leur eût imposé les
mains : « Nam episcopi non erant, qui née ad
quamdam episcopalem sedem litulati erant, nec
canonice a tribus episcopis ordinati ;Conc. Gai.
tom. II, p. 240, 241). » Ainsi les ordinations
qu'ils avaient faites de prêtres, de diacres, et
de sous-diacres furent déclarées nulles, si elles
n'étaient réitérées par un évêque véritable :
« Episcopi namque non fuerunt. qui nec a
tribus episcopis, nec ad aliquam episcopalem
cathedram ordinati fuerunt , et ideo ex his
nihil agere potuerunt. »
Si dans une extrême nécessité l'Eglise a per-
mis et permet encore à uu évêque seul d'en
ordonner un autre, il n'y a rien en cela de
contraire à la prétention de ces évèques français
au temps de Charlemagne. Car ils pouvaient
être dans la même pensée que tant de savants
théologiens, depuis quatre ou cinq cents ans,
qui ont estimé que bien que les prêtres ne
pussent conférer le sacrement de la confirma-
tion, ce pouvoir étant réservé aux évèques,
ils le pouvaient néanmoins avec la permission
du Saint-Siège dans de pressantes nécessités.
Dans l'un et l'autre de ces deux exemples il
s'agit de la validité ou de l'invalidité d'un sa-
crement administré par un évêque . ou par un
prêtre, avec une commission extraordinaire de
l'Eglise ou du pape, ou sans celte commission.
Ainsi ces deux exemples sont assez semblables.
Quant à l'autre raison que ces évèques allé-
guèrent de l'invalidité de l'ordination des cho-
révêques; savoir, qu'on ne leur avait point
assigné de troupeau particulier à conduire, on
peut dire que cela ne fut allégué que comme
une marque du dessein et de l'intention de
l'Eglise, qui n'était point de donner aucune
couunission extraordinaire à l'évèque qui or-
donnait seul un chorévêque, pour lui permet-
tre d'en faire un véritable évêque. L'Eglise ne
donne ces pouvoirs extraordinaires que dans la
m
m: PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-HUITIÈME.
nécessité extrême de seeourir des |>eiiples qui
sont sans pasteur. Ainsi il n'était pas probable
qu'elle voulût les donner pour ordonner un
second pasteur à un diocèse qui en avait déjà
un.
Ceux qui ne pourraient se résoudre de croire
que ces ordinations d'un évê(|ue par un évèque
seul fussent nulles, diraient (jue le pape et les
évêques de France ne les déclarèrent nulles
que quanta l'exercice des fonctions épiscopales
dont ils demeuraient interdits pour toujours.
C'est un sentiment qui a pour partisans de forts
grands théologiens. Mais il est temps de reve-
nir à notre sujet.
U. Ces deux ordinations étaient donc estimées
fort nécessaires pour l'épiscopat. Et comme nous
n'avons encore rien dit de la jiremière, qui est
d'être ordonné pourle titre d'un siège épiscopal,
ce sera une discussion autant utile que curieuse
de savoir s'il y avait dès lors des évêques titu-
laires, qu'il faudrait plutôt appeler non titu-
laires, puisque le défaut de titre donne tout le
fondement qu'on a de les mettre en procès.
Nous les appelons présentement titulaires ,
parce ([u'ils n'ont que le titre des évécbés dont
ils portent le nom. Et autrefois on disait que
ce n'était pas être évêcjue d(! n'avoir pas été
ordonné sous le titre d'un évèciié : « Nec ad
aliquam episcopalem sedem titulati erant. »
L'autre e\[)ression : « Nec ad aliquam episco-
palem catliedram ordinali erant, » nous fait
connaître que (]uand il s'agit des évêques ,
titulare et ordinare, ordonner et donner un
titre , c'est-à-dire donner le gouvernement
d'un évêclié, ce n'est qu'une même chose.
III. L'épiscopat est la royauté du sacerdoce.
Ordonner une royauté, c'est donner un Etat et
des peuples à conduire. On ne jieut sacrer un
roi sans lui assigner des sujets et des pays.
C'est peut-être aussi pour cela que le concile II
de Châlon, (Anno 8l."l. Addil. lib. ni, c. 37),
déclara nulles les ordinations faites par cer-
tains Ecossais ou Irlandais qui se disaient être
évê(|ues. Le concile dit que ces ordinations
étaient le plus souvent simoniaques. Ce défaut
ne provenait apparemment que de la mendi-
cité honteuse de ces prélats qui, n'ayant point
de diocèse, tiraient leiu- entretien de cet infâme
trafic des choses saintes : « Sunt in quibusdam
locis Scoti, (jui se dicunt episco|)()s esse, etc.
Uuorum ordinalionem , quia plerumque in si-
nioniaeam iueresin incidit, et nuiltis errorilius
suhjacel , modis omnibus irrilam lieri debere
omnes uno consensu decrevimus (Can. xi.ui).»
Cette commune concorde des évêques à rejeter
ces ordinations fut jugée nécessaire pour obli-
ger ces prélats douteux, ou de se retirer, ou de
se désister des fonctions épiscopales.
Le concile de Vermery avait déjà cassé les
ordinations de ces évêques vagabonds, c'était,
en termes couverts, déclarer qu'ils n'étaient
pas évêques. «Ut deepiscopisambulantibusper
l^atrias ordinatio bona non fiât : Si autem sunt
illi presbyteri, iterum consecrentur (Anno 752,
Can. XI v). »
Le concile de V'ernon sembla avoir apporté
quelque adoucissement, au moins de ])aroles,
en suspendant tous ceux qui étaient ordonnés
par des évc([ues sans évêchés, jusqu'à ce qu'un
concile plus nombreux eût décidé ce différend :
« De episcopis vagantibus, qui parochias non
habent, nec scimus ordinalionem eorum qua-
liter fuit, placuit juxta instituta sanctorum
l'atrum, ut in alterius parochiaministrare, nec
ullam ordinalionem facere debeant, sine jus-
sionc episcopi, cujus parochia est. Et si hoc
facere praesumpserint, abofflcio suspendantur,
intérim quod ad synodum exinde venerint, et
ibidem secundum cauonicaminstitutionem ac-
cipiant sententiam (Anno 73.S, Can. xiii). »
IV. Mais l'Eglise grecque a été dans une iné-
vitable nécessité de se relâcher bien autrement
sur cet article. On en sera entièrement con-
vaincu après avoir oui le précis d'une ordon-
nance im])ériale d'Alexis Comnène. Cet empe-
reur dit que les abbés, les économes , les
autres officiers des monastères , les moines
même, les officiers et bénéficiers des Eglises
refusaient de donner leur consentement aux
élections qu'on avait faites de leur personne,
pour des évêchés dans l'Orient, (|ui étaient si
éloignés tout ensemble et si désolés, qu'on ne
pouvait y aborder, et quand on y serait arrivé,
il sei'ait impossible d'y subsister.
Comme on ne pouvait se charger de ces
évêchés sans se dépouiller de tous les autres
bénéfices , tout le monde fuyait des dignités
nécessiteuses et ties honneurs si dommagea-
bles. Pour remédier à ce désordre, cet empe-
reur ordonne (ju'avec le nouvel évêché on
coiiliimera île posséder les abbayes, les écono-
mies, les offices, les adminislrations, enfin (ou «
les revenus ecclésiastiques dont on jouissait
auparavant {.luris Orient, tom. i, p. 13!t); ainsi
on n'aura jibis de légitime cause de refuser ces
évêchés, dont on ne désesiière pas encore de
DE L'ORIGINE DES ÉVÉQUES TITULAIRES.
133
]ioiivoir un jour entrer on possession. Voilà
donc lies évèiiues in paitibiis, connue nous les
appelons ; on ne laissait pas de les ordonner,
quoique leiu-s Eglises fussent inaccessibles ,
parce iju'elles étaient tombées depuis long-
temps sous la domination des Barbares : « Ve-
rentes ne sibi necessaria deficiant, cum ilke
Ecclesi;e ad quas electi sunt , in partibus
Orientis sitœ sint ac prorsus inopes, nec adiri
ab eis omnino possint : E/jc/.r.s'.wi iTVMjuv /.al à-fo-
pi™y iuTî; -%i-ùz,; [ Balsamou iu Can. xxxvii.
Conc. Trull.) »
V. Il est -vTai que cet édit su[ipose toujours
qu'il reste quelque rayon d'espérance de re-
couvrer les villes et les Eglises qui gémissent
sous l'empire des profanes : car cet empereur
permet aux nouveaux évêques de jouir du re-
venu de leurs anciens bénéfices, jusqu'à ce
qu'ils reçoivent quelque rafraîchissement de
leurs Eglises reconquises à l'empire : « Donec
levationem aliquam consequantur , et infeli-
cilatem prœsentem. cum Ecclesiarum sibi cre-
ditarura felicitate commutent, quœ nunc ab
eis adiri propterea nequeunt, quod ab hos-
tibus infensissimis detiaeantur. » Mais aussi
il n'y a point de ville épiscopale dont on ne
puisse concevoir les mêmes espérances de la
voir retirer de la puissance de ses impies pro-
fanateurs, si l'on veut se donner la même
liberté de ne mettre point de bornes à ses espé-
rances.
VI. H y a toutes les apparences imaginables
que la coutume de continuer les élections, ou
les nominations et les ordinations des évêques,
dont les villes avaient été prises par les enne-
mis de la religion et de l'empire clirétien, s'est
insensiblement établie sur cette espérance, et
même d'abord sur cette apparence qu'on ne
tarderait pas de les reconquérir à l'Etat et à
l'Eglise. Peut-être même qu'on retenait encore
quelque partie du diocèse ou de la métropole
(Ibid. p. 4ol, 45-2;.
On a repris quelques-unes de ces villes, et
on a fortifié son espérance pour la con(juête
des autres. Cependant, on s'est accoutumé à
ne point se scandaliser de voir des évêques sans
évêchés, comme des rois sans royaume. Le
long retardement n'a pu causer le désespoir,
ou, s'il l'a causé, on l'a dissimulé par une sage
politique, j)our conserver toujours comme un
titre de la juste prétention de l'empire et de
l'Eglise, en nommant toujours des métropoli-
tains et des évêques, et des patriarches même,
à des vinescpi'iui iniMiIre |iarlà nous appartenir
encore.
Vil. .l'ai dit des patriarches même, parce que,
dès le temps de Ralsamon , les patriarches
d'Antioche et de Jérusalem avaient perdu leurs
villes et leurs Eglises, et api-ès cela, pour
comble d'infélicité, ils étaient persécutés parle
zèle indiscret de quekjues esprits emportés (jui
voulaient qu'on les déposât parce qu'ils ne se
mettaient pas en état de rentrer dans leur
siège, au péril même de leur vie. « Auda-
cter prœdicant a dignitate patriarchali remo-
véndos Autioclienum et llierosolymitanum.
Quippe canonibus statutum est, inquiunt,
nequidem inter pontifices recensendos esse,
([iii non vel extremo cum periculo se confé-
rant ad thronos suos a barbaris occupatos,
nec martyrii coronam prœripiant (Ibid.). »
Balsamon tâche d'arrêter cet emportement,
en leur opposant le canon du concile in Triello,
qui, bien loin d'obliger ces prélats de se préci-
piter indiscrètement dans le danger, affermit
au contraire leur dignité, ordonnant que leurs
droits leur soient conservés, aussi bien que le
pouvoir d'ordonner et de maintenir le rang et
tous les honneurs de leurs Eglises. « In hune
niodum ordinatis, et ob hanc causam thro-
nos suos non possidentibus, jus suum absque
prœjudicio sic conservandum decrevinms, ut
et ordinationes diversoruni clericorum juxta
canones instituant, et autoritate prtesidentiœ
secundum modum fruantur, ac deni(jue firma
et rata sit oninis ab ipsis profecta admini-
stratio » (Synod. Trui. c. xxxvu).
Ce concile ajoute que si cette police blesse
quelques-uns des anciens canons, d'un autre
côté rien n'est plus canonique qu'une sage et
charitable dispensation, dans des nécessités
aussi pressantes que celle dont nous parlons.
a Non enim accuratione, per necessitatis tem-
pus circumscripta lex dispeusationis in an-
gustum cogetur. » A cela Balsamon ajoute
la constitution d'Alexis Conniène. dont nous
avons déjà parlé.
VIII. Les raisons mystérieuses du nombre
déterminé des cinq patriarches, qui sont comme
autant de sens et autant de divins organes qui
composent, selon les idées des Grecs, l'admi-
rable chef de l'Eglise, ont encore paru à Balsa-
mon mériter quelque considération , pour ne
|)as diminuer ce nombre sacré et pour ne pas
discimtinuer de remplir en la manière qu'on
le peut ces sièges augustes, que J.-C. revêtira
loi
DU PREMIEIÎ ORDRE DES CLERCS. — CHANTRE VINGT-HUITIÈME.
de leur première gloire au temps qui n'est
connu que île son incompréhensible sagesse.
Cependant au lieu de renouveler à l'Eglise
le fâcheux souvenir et la douleur de ses an-
ciennes pertes, en menaçant tant d'illustres
prélats d'une cruelle dégradation , il est bien
plus raisonnable, au jugement deBalsamon^
de la consoler de cette douce espérance que
son époux tout-puissant triomphera un jour et
la fera triompher de tous ses adversaires, et
rétablira par toute la terre ses trônes abattus.
« Si taie quid usu venerit , et patriarcham pa-
triarchalibus privilegiis, propterea qiiispiam
spoliaverit, quod non degat in provincia sua,
caput ipsum inutile reddet, tanquam surdum,
vel cœcum, et quatuor aiit tribus duntaxat sen-
sibus prœditum. Ob banc ijjsam causani , ceu
credi par est, jam dudum sancitum est, ut
haud dubie per electioneni instituantur ctiara
ii j)atriarcb;e, qui cœteroqui sacros sibi desti-
natos thronos, ob paganorum hostiles incursus
haud possidcnt : Antiochenus, inquam , et
HiiTosolymitanus. Quamvis enim gloria thro-
noruni suorum per vim exciderunt, tamen
?|)iiitualis gratia secundum Davidem non exo-
lescet. Inio potius veniet Deus noster manifesto,
nec silebit, ut colligat omnes sanctos suos, qui
tcstamcntum ipsius disponunt. Itaque com-
plecteudi sunt amanter ii patriarche, qui
sanctissimis Ecclesiis suis spoliati sunt, etc.
[Ibid. pag. 448, 449). »
IX. La raison de remplir le titre d'un pa-
trianiic était encore plus évidente que celle
des autres évêques. La ville patriarcale étant
occupée par les barbares, tout le patriarcat
n'i'tnit pas abîmé dans le même naufrage. 11
fallait donc nommer un patriarche [lour exer-
cer les fonctions de ce souverain ministère sur
les métropoles et sur les évêchés que cette tem-
pête n'avait pas encore absorbés. 11 en est de
même des métropoles dont la province n'avait
pas été enveloppée tout entière dans la même
désolation. Il était donc nécessaire d'élire un
métropolitain pour veiller sur les évêchés qui
étaient échappés de ce naufrage. Enfin , si à
proportion plusieurs paroisses d'un évêcbé
étaient demeurées exemptes de l'orage (lui
avait renversé la capitale, on avait besoin d'un
évè(iuc pour y ordonner des curés, et pour les
autres fonctions de l'épiscopat. De là vient i}ue
Balsamon dit qu'il avait vu le métropolitain de
Cogni,ct plusieiu-s autres métropolitains orien-
taux exercer librement les fonctions pontifica-
les, et conférer les ordres, quoiqu'ils n'eussent
jamais pris possession de leurs Eglises , domi-
nées par les barbares. C'étaient donc principa-
lement les Eglises patriarcales et les métropo-
litaines, pour lesquelles on continuait toujours
d'élire des prélats, qui n'en possédaient jamais
que le titre spécieux et une espérance fort
légère.
X. Le même auteur nous apprend pourtant
ailleurs qu'on ordonnait aussi des évêques
pour les évêchés que la domination des païens
avaient rendus inaccessibles. 11 est vrai que quel-
ques esprits plus passionnés pour l'éclat appa-
rent de l'épiscopat que pour la gloire d'une
solide vertu trouvaient mauvais qu'on ordonnât
des évoques que la pauvreté obligeait daller à
pied, et ainsi d'avilir l'épiscopat. Car si l'épis-
copat est déshonoré selon les canons, lorsqu'on
ordonne un évêque dans un village , n'est-ce
pas un a\ilissement encore plus grand, si un
évêcjue n'a pas même un village dont il puisse
tirer un honnête entretien ? « Hœc decernente
canone, dixerit quispiam ex ejiis intelligentia
conjecturam faciens, quod quoniam ad Dei et
episcopatus vergit dedecus, si episcopusexiguo
populo pra'sit , et ideo contemuatur , nuillo
magis non est ad Dei honorem, si autistes
propter paupertatem eat pedes et privetur ne-
cessariis. Quocirca in Ecclesiis orientalibus, in
quibus non admodum nuilti imeniuntur Chri-
stiani, episcopos eligi, tutuui non est (In. Cau.
Laodic. Lvii). »
XL Voilà donc au contraire dans ces der-
nières paroles une raison de continuer les or-
dinations des évêques m partibus , nonobs-
tant la délicatesse de ces critiques. Les païens
pouvaient bien fondre sur un pays et se l'assu-
jettir, ils pouvaient bien en chasser les prélats,
les ecclésiastiques et toutes les personnes de
qualité ; mais il leur était impossible d'en ban-
nir tout le petit peuple, surtout à la campagne.
Plusieurs siècles se sont toujours écoulés avant
que les anciens habitants d'une province aient
pu oublier leur ancienne religion pour se con-
former à celle des nouveaux conquérants. Il
fallait des pasteurs et des évêques à ces peuples
fidèles, dominés et assiégés de tous côtés par
les infidèles.
XII. Mais voici une autre imagination aussi
mal fondée de ces mêmes censeurs. Comme les
canons défendent d'instituer des évêques ail-
leurs que dans les villes bien peuplées , lors-
que la guerre ou quelque autre calamité avait
DF, LORir.INE PKS EVKQUKS TITULAIRES.
155
beaucoup diminué le peu [)le, le- lustre et les
richesses d'une ville , ces eriti(|ues voulaient
qu'on en transférât le siège épiscopal dans ([ucl-
que autre \ille nouvelle et plus puissante.
« Et adjecerunt, non oportere episcopum eligi
in urbe. qurc a. magna populi frecinentia ad
nihil reducta est ex gentium incursione , vel
aliqua alia perturbatione , sed in iis . quae sunl
populosa» , etiamsi antistites antea non habne-
runt (In Can. Sardi. can. vi]. » C'était encore
obli(|uement attaquer les évèques des villes
orientales, mais l'empereur en prit lui-même
la défense , commandant qu'on leur donnât
toujours des successeurs, leur fournissant lui-
même des revenus suffisants pour leur subsis-
tance, et ne souffrant point ([u'on laissât perdre
des titres si glorieux et des marques si cer-
taines de l'étendue ancienne et des droits éter-
nels de l'empire. « A Deo autem coronatus rex
noster sfepe rogatus, an oporteat Orientales
Ecclesias a Sarracenis detenlas , episcopos
electione sortiri ; et eis quidem eligi episcopos
annuit: et solemnia iis qui eligi debent ad vic-
tus sufficientiam concessit per communem jus-
sionein ; ut jus quod in eis est Ecclesiis, impe-
rio quoque perpetuo scrvetur; utpote cum
non desperent Cbristiani , fore ut ad cas resti-
tuantur. »
XIll. Enfin, Balsamon remarque (|u'il y
avait de deux sortes d'Eglises occupées i)ar les
ennemis; les unes où ni l'entrée, ni l'appro-
che même n'était pas libre aux évèques grecs
qui y avaient été destinés par leur ordination,
comme Jérusalem qui était profanée par les
Sarrasins , le trône d'Antioche qui était occupé
par les Latins, et Tarse par les Arméniens ; les
autres oii les ennemis de l'empire, et même de
la religion, souffraient néanmoins la résidence
et les fonctions des évèques orthodoxes, comme
plusieurs évèchés du patriarcat de Jérusalem,
de celui de Constantinople et de celui d'Antio-
che, où le sultan, les Sarrasins et les Latins
qui en étaient les maîtres, laissaient une entière
liberté aux évèques grecs. « Reliquae autem
Hierosolymorum, Antiochiae et quaedam Orien-
tales ConstantinopolisEcclesi3e,non reputantur
vacare : quia Sultanus. Latini , et reliqui Aga-
reni permittunt antistitibus suas Ecclesias epi-
scopaliter admiuistrare, et Christianorum , qui
illic sunt , curam gerere. Unde et ejusmodi
Ecclesiarum antistites , evocati debent profi-
cisci (In supplem. pag. 1123). » Ces derniers
étaient obligés d'aller résider, quelque fortime
qu'il y eût à courir, [parmi les ennemis. Mais
((uoitiui; les premiers ne pussent résider, on
ne laissait pas de les ordoiuier, bien qu'il y
eût déjà d'autres évèques dans les mêmes
villes.
Car c'est la nouvelle remarque qu'il faut
faire sur cet endroit de Balsamon, que les Latins
et les Arméniens s'étant rendus maîtres de
Jérusalem, d'Antioche, de Tarse, et de quelques
autres villes métropolitaines et épiscopales, et
y ayant par conséquent établi des évèques de
leur nation , les Grecs ne laissaient pas d'en
élire toujours et de continuer la succession de
leur Eglise, soit dans l'esipérance d'y rentrer^
soit pour en conserver au moins le titre. Ainsi
il commença d'y avoir deux patriarches d'une
même ville, l'un grec et l'autre latin, après
que nous eûmes conquis Antioche et Jéru-
salem.
XIV. Zonare n'a pas oublié ces évèques sans
peuple et sans Eglise, mais il nous a encore
représenté d'autres prélats sans évèchés, par
une raison bien différente. C'étaient ceux qui
avaient renoncé à leurs évèchés par un amour
démesuré d'un lâche repos, et qui prétendaient
après cela jouir des honneurs et des avantages
de l'épiscopat. Zonare prétend qu'ils ne peuvent
plus rien prétendre des droits de l'épiscopat.
Car si le concile de Calcédoine déclare nulle
l'ordination des prêtres et des diacres mêmes,
et des autres clercs, si elle ne les attache au ser-
vice d'une Eglise, que fâut-il juger de l'épisco-
pat ? L'évèque a été ordonné nommément pour
une Eglise; s'il la quitte, et s'il y renonce, il
renonce en même temps aux droits de son
ordination , et à tous les pouvoirs qu'elle lui
avait acquis. Comment sera-t-il évêque, c'est-
à-dire , surveillant et censeur, n'ayant plus
personne sur qui il puisse veiller ? Le nom
d'évêque signifie l'action et la vigilance ac-
tuelle. S'il y renonce, il ne peut pas même
porter le nom d'évêque, il en peut encore bien
moins porter les ornements et les marques
sacrés. Quelle part aura-t-il à la hiérarchie,
c'est-à-dire à la royauté sacerdotale , n'ayant
plus ni de clergé, ni de peuple a gouverner.
« Quorum ille speculator erit et custos? Ipsum
enim nomen actionem exercitationemque si-
gnificat; quam qui defugiat, episcopi quoque
nomen amittat, necesse est. Porro in quem
episcopi nomen haud cadit, quo jure is sacer-
dotii dignitate retenta, sacri magistratus privi-
legiis, ac honore perfnietur? Quomodo vero
136
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-HIITIÈME.
hierarcha, qui nec ullum subjectum sibi cle-
runi habet, nec iilla in sacris initiatos homines
autoritate pra-ditus est ? At cui hierarclia;
ai)i)e!latio non convenit, nec actio conveniet :
quique comnninione noniinis excliiditur, re
ipsa multo magis careat necesse est iln can.
xxxvn. Concil. Trull.i. »
Voilà bien assez de raisons pour exclure des
sacrés ornements , du rang et des fonctions de
l'épiscopat ceux qui y ont renoncé par une
fuite lâche du travail, sans renoncer en même
temps à l'amour de la gloire qui n'est due qu'au
traNail.
Ralsamon raconte bien que quelques-uns se
fondaient sur la lettre et la résolution du con-
cile d'Epbèse en faveur d'Eustathius,pour per-
mettre aux évêques de se décharger du poids
de l'épiscopat, en se réservant tous les avanta-
ges et tous les honneurs qui raccompagnent;
mais il proteste (ju'on ne peut tirer à consé-
quence ce qui a été permis à ce métropolitain
de Pamphilie, par une sage et nécessaire dis-
jK'nsation , d'y faire une règle générale d'un
fait qui a des raisons et des circonstances très-
particulières : « Qnod enim a sanctis Patribus
definitum est, ex œconomiœ dispensalionisque
ratione definitum est : et non oportet quod per
œconomiam dispensationemque propter aliquid
utile, introductum est, ad exemplum trahi,
et tantjuam canonem deinceps valere (In Syuo-
dum Ephes.). »
Balsamon ajoute que saint Cyrille qui pré-
sida à ce concile s'est trop déclaré contre ces
résignalions, qui ne partent que d'un cœur
bas, et néanmoins ambitieux, pour croire que
le concile ait été d'un autre sentiment que lui;
([lie le concile de Calcédoine a condanuie toutes
les ordinations vagues ; que l'essence de l'épis-
copat est de gouverner et d'instruire; et de qui
un évèque sera-t-il le gouverneur ou le maî-
tre? Enfin de qui sera-t-il évèque, s'il n'a ni
clergé ni peuple? iroiuv Uféwv Ujapyr,; ovofjLMOriistTi'.,
TIVX? S'.Jâ^îl, irOÎMV T£ Xcà £— ICTXOTréudTEl.
XV. Le concile de Constantinople sous Piio-
tius, dont le même Balsamon a aussi expliqué
les canons, nous apprend une autre espèce
d'évèipies titulaires, fort singulière, et (pii ne
parut i)as alors mériter plus d'apjirobation que
la précédente. C'étaient des évèques qui |)ar un
amour au moins ajjparent de la solitude ou de
la i)iuiilence, enil)rassaient la vie monasli(iue, et
conservaient néanmoins les marques éclatantes
de leur première dignité. Ce concile, qui se
donnait la qualité d'œcuménique, leur dénonça
que cette éclatante dignité était incompatible
avec Ihumilité de la profession religieuse ,
puisque celle-ci fait gloire d'obéir et d'appren-
dre, et celle-là d'enseigner et de conduire.
Ainsi on défend aux évèques de se faire moines,
et s'ils le font, on les dépouille de tous les or-
nements glorieux de lépiscopat.
a Ut si quis episcopus, vel aliquis alius ex
pontiûcali dignitate. voluerit ad vitam mona-
sticam descendere, vel pœnitentiœ locum im-
plere, ne amplius antistitis digniUitem usurpet.
Mauachorum enim professiones , subjectionis
et discendi cupiditatis rationem liabent, non
autem , doctrinœ , vel primatus ; nec alios pas-
cere , sed ijjsos pasci profitentur. Ideo decerni-
mus , ut nemo eorum . qui in cpiscopalem
pastorumque catalogum relatus est , ad eorum
qui pascuntur et agunt pœnitentiajn, locum se
demittat.Si quis autem hoc facere ausus fuerit,
post denuntiationem hujus editœ sententiœ,
ipse qui seipsum episcopali gradu privavit,
non amplius ad priorem, quam factis asperna-
tus est, dignitatem revertetur (Canon, u). »
Balsamon a bien vu que ce règlement sem-
blait mettre quelque incompatibilité entre l'é-
piscopat et la vie pénitente. Mais il a cru parer
à cette ditticulté en disant qu'en défendant
aux évêques d'entrer dans l'état monastique
on n"a pas prétendu décréditer la pénitence,
car ce serait se décréditer soi-même ; mais on
a jugé que ceux qu'on élevait à l'épiscopat
étaient exempts de ces crimes, qui ne s'expient
que par la pénitence rigoureuse; que les tra-
vaux des bons évêques pouvaient passer pour
ime pénitence très-austère ; enfin que les évê-
ques ne doivent ])as paraître en habit de péni-
tents puisque ce sont eux-mêmes ([ui doivent
par leurs prières expier les pénitents. « Si quis
autem fuerit ausus hoc facere, etc. Non prohi-
bentes pœnitenliam , ut rem oïliosam et aver-
tendam, ea enim magna quoque laude digna
est; sed significantes taies esse antistites, et
ita vivere, ut propemodum pa'niteutia non indi-
geant . sed suis et intercessionibus Deum aliis
placent (ibidem). »
La réflexion suivante de Balsamon ne doit
pas être négligée. Les moines j)euvent faire les
fonctions de la prêtrise, mais non pas celles de
l'épiscopat, selon ce canon. La raison est que
l'ordre des prêtres n'est pas essentiellement
un ordre de docteurs, comme celui des évê-
([ues ; et par conséquent il n'est pas incompa-
DE L'ORIGINE DES EVÉQUES TITULAIRES.
ir,7
tible avec le monachisme, qui est un état de
disciples. « Si quis autein de sacerdotibus, (|ui
toniieiitur, ro^averit, (luomodo post tonsiirarn
sacrificant, et non cessant, audiet non esse
sacerdotes doctores et propterea nec canonein
quidem in eis locum habere. »
XVI. Enfin, Bulsamon remarque une autre
manière qu'on avait pratiquée de pourvoir aux
Eglises qui avaient été subjuguées par les infi-
dèles, en les donnant comme en commende à
des prélats qui avaient déjà d'autres évècliés.
Il dit que les conciles en avaient souvent usé
de la sorte, par une nécessaire condescendance,
et (ju'on avait même permis à quelques-uns
de ces |)rélats de prendre séance dans les
trônes de ces secondes épouses. II est certain
qu'au moins ces derniers avaient en même
temps deux évêchés, l'un en titre, l'autre en
commande, ou bien tous deux unis. Car on
pourrait dire, quant aux autres, que ce n'était
qu'une sujétion nouvelle qu'on imposait à ces
Eglises in partibus, en les soumettant à d'au-
tres métropoles. « Quod liceat quidem synodis
ex œconomiœ ratione, alias ecclesias qu;p a
Gentilibus occupantur, aliis ecclesiis concedere,
ex praesenti, ut videtur, canone traditum est.
Jam enim Constantinopolitana synodus metro-
politano Nazianzeno dédit Ecclesiam Ancyrae,
et aliis diversis antistitibus alias diversas
Ecclesias. Quibusdam autem concessnm est,
ut sedeant in ipso throno traditfe Ecclesiic in
sacro tribunal! (In Can. ii. Synod. Const). »
Nous dironsailleurs, comment Balsamon con-
damne cette polygamie spirituelle des évèques.
En voilà assez pour comprendre les sentiments
et les pratiques des Grecs sur la matière pro-
posée. Je n'ai pas toujours prétendu m'engager
à leurs sentiments en les rapportant.
XVII. II est vrai que la première origine de
ces évèques titulaires est venue de ceux qui
après avoir gouverné durant quelque temps les
Eglises pour lesquelles ils avaient été ordonnés
en ont été chassés par les barbares, qui se sont
rendus les maîtres du pays et ne leur ont plus
permis de s'y rétablir. Mais le terme du canon
xxxvir du concile in TruUo , parle évidem-
ment de ceux qui n'ont jamais pu être intro-
nisés dans ces Eglises, et qui par conséquent
n'ont jamais possédé aucune Eglise, quoi(|u'i!s
y eussent été destinés par leur ordination.
(( Propter prœdictam causam in suis tlnonis
non sunt constituti. » Il est bien vrai qu'il y a
toutes les apparences du monde que lorsqu'on
ordonnait ces évèques, on se llattait encore de
qiu'Ujue esjiérance de les y faire recevoir.
Mais, (|uoique ces espérances fussent souvent
trompées, et qu'elles fussent toujours incer-
taines, on ne laissait ])as d'ordonner des évè-
ques sous le titre de ces villesaliénées de l'Em-
pire et de l'Eglise ; la coutume s'introduisit
enfin de conférer ces titres d'évèchés, et de con-
sacrer ceux qui en étaient pourvus.
XVIII. Mais ce même concile nous apprend
une singularité bien plus remarquable (Canon
xxxix). Car les Sarrasins s'étant jetés dans l'île
de Chypre, et en ayant chassé tous les évèques,
l'archevêque Jean se retira dans l'Hellespont
avec ses autres confrères, où non-seulement il
établit son trône et celui des autres évèques de
Chypre dans les principales villes de l'Helles-
pont, mais il obtint une autorité patriarcale,
et pareille à celle du patriarche de Constanti-
nople, sur tous les anciens évèques de l'Helles-
pont ; par la faveur de l'empereur Justinien le
Jeune, et par la concession que lui en fit ce con-
cile : « l't nova Justinianopolis Constantinopolis
jus habeat, et qui in ea constituiturepiscopus,
prœsit omnibus Hellespontiorum provinciae
episcopis, et a suis episcopis eligatur, ex anti-
qua consuetudine. »
XIX. L'évèque d'Isaurie s'étant par une occa-
sion pareille retiré dans f île de Corcyre , ou
de Corfou, avec tout son clergé, avait autrefois
obtenu de l'empereur Maurice un semblable
rescrit pour s'approprier le château de Gorfou,
et en faireson siège. Alcyson, évèquedeCorfou,
le fit débouter de cette prétention par la sen-
tence d'André, métropolitain de Nicopolis, à
(}ui l'empereur avait renvoyé la connaissance
de cette cause ; le pape saint Grégoire confirma
la sentence du métropolitain, et écrivit à son
apocrisiaire à Constantinople, pour faire confir-
mer à l'empereur, et faire exécuter par son
autorité, ce qui avait été jugé par le métropo-
litain et par le Siège apostolique. « Id agere
studeas. ut ciim ejus jussione nostia illic sen-
tentia Iransmittatur , quatenus et serenilali
ipsius, sicut dictum est, réservasse, et rationa-
biliter correxisse, quœ maie pra>sumpta sunt,
videamur. Qua in re omnino danda opéra est,
ut si fieri potest, etiam jussionem suam ipse
tribuat, in qua ea quœ a nobis definita sunt,
servari prœcipiat. Nam hoc facto omnis de
cœtero subreptionis locus obslruitur ^L. xii,
ep. xxi). »
Les canons voulaient que ces évèques chassés
158
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-HUITIÈME.
de leurs Eglises fussent reçus par leurs con-
frères, comme des botes, et non pas comme
des maîtres, et qu'ils se contentassent de la
charité et de l'iiospitalité avec laquelle on les
recevait, sans prétendre aucune juridiction.
H Denique ul contra Ecclesiasticam ordinatio-
nem, contra sacerdotalem modestiam, contra
sacrorum canonum statuta , praedictum ca-
strum de jurisdictione tua abducere, ac suae
molirentur subjicere polestati, ut fièrent quo-
dammodo domini, ubi i)rius suscepti fuerant
peregrini. »
C'est ce que ce pape écrivit àAlcyson, évéque
de Corfou. Or, nonobstiuit que ce rescrit de
l'empereur n'eût été obtenu que par surprise,
qu'il fût également contraire aux lois et aux
canons , et que par conséquent il n'eût pas été
mis à exécution : « Dum imperatori esset su-
breptum ; uecjussio ejus, quippe quae contra
leges et sacros canones data fuerat, babuisset
eiïectum , et indecisa inter parles conlentio re-
mansisset ; » pour le faire révoquer, il fallut
que le métropolitain eût ordre de l'empereur
d'en coimaître, et que sa sentence, confirmée
par le pape, fut encore confirmée par l'empe-
reur, et exécutée par son exprés commande-
ment.
XX. Or, de même que l'ancien évéque de
Corfou lut maintenu contre les usurpations de
son bote, l'évèipie d'isaurie , ainsi Balsamon
remarque que l'archevêque de Cliypre, trans-
féré dans rilellespout , ne jouit pas longtemps
des avantages et de la juridiction exorbitante
(|ue le concile in Tridlo lui avait accordés ^In
Can. Trull. l'.t). Il est à croire que le patriarche
de Constanlinople ne fut pas d'bumeui- à souf-
frir ce retranchement qu'on avait fait a sa ju-
ridiction, et que l'évèque de Cysique secoua
bientôt le joug de la domination de celui qui,
ayant été reçu comme un étranger, était de-
venu le maître.
Le même Balsamon fait aussi connaître
(juc le canon précédent de ce même concile
(Can. xxxvuj, se doit entendre des évèques
(ju'on continuait toujoursd'élire et d'ordonner,
(juoique les villes épiscopales fussent déjà tom-
bées dans la ouissance des inlidèles, et qu'il
restât très-peu, ou point du tout d'espérance
de lesjamals recouvrer.
Nous lisons dans le concile H de Màcon
(Can. xvui), après les souscriptions des évêques
qui y assistèrent, et celles des envoyés de ceux
qui ne purent s'y trouver, les signatures de
trois évêques sans peuple et sans siège. « Item
eorum, qui in ea synodo fuerunt non habentes
sedes. » Si nous remontons plus haut, le con-
cile d'Ancyre donne place entre les prêtres de
leur première Eglise, aux évêques qui n'ont pu
se faire recevoir dans les Eglises pour lesquelles
on les avait ordonnés. Le concile de Nicée
(Can. vui) laissa la liberté aux évêques catho-
liques de donner rang aux évèques novatiens
qui se convertiraient, ou parmi les prêtres de
leur cathédrale, en leur laissant même le nom
d'évêque, ou parmi leurs chorévêques, ou enfin
parmi leurs curés.
Le concile d'Antioche (Can. xvni) voulut que
les évèques qui auraient trouvé des difficultés
insurmontables aux eiîorls qu'ils auraient faits
de se mettre en possession de leurs évéchés
fussent toujours participants des honneurs, des
avantages et des fonctions de l'épiscopat. Le ,
concile de Sardique (Can. xxi) veut qu'on
reçoive avec honneur les évêques, qu'une
longue persécution a fait sortir île leurs
évêcliés. Dans la célèbre conférence de Car-
tilage, Pétilien, donatiste, reprocha à Alype,
évéque de Thagasle, que le parti des catholiques
avait aussi plusieurs évêijues dans des villages,
et quelques-uns même sans peuple. « Sanc et
sine populis habes. »
La relation du concile d'Ephèse au pape
Célestin porte que les partisans de Nestorius,
dans leur conciliabule, avaient plusieurs évê-
(|ues sans évéchés et sans Eglises (Synod. Eph.
Act. 5). Ce concile laissa le nom et les honneurs,
mais non pas les fonctions de l'é|)iscopat à un
vieux métropolitain de Pampliilie qui s'était
démis de sa dignité (Act. 7).
Voilà beaucoup de diverses sortes d'évêques
titulaires sans évéchés, mais ce ne sont que
ceux dont Balsamon nous a parlé qui ont beau-
coup de ressemblance avec les nôtres.
« -M.
iui' II' <;i lit I / /•
DE I.A PH'RALITE DES ÉVÉQUES EN UNE VIM-K
ir;9
CHAPITRE VINGT-NEUVIÈME.
REPONSE A QIELQCES DIFFICULTES SUB LA PLLRALITE DES E\TEQIES EN UNE MEME VILLE , ET SUR
l'ordination DES ÉVÊQIES POUR DES LIEUX PEU HABITÉS. DE LA PLUR.\LITÉ DES CURÉS EN UNE
MÊME PAROISSE.
V. .Il'
I. Comment on remédia à divers inconvénients, qnand il fal-
lut laisser deux évèques en une même ville , ou en un même
diocèse. Règlements d'Innocent 111 et des autres papes. ,
II. Usage de ces règlements dans l'ile de Chypre.
III. Et dans Capha, de la Chersonèse Taurique.
IV. Et dans Pile de Rhodes.
V. Divers règlements des conciles contre la pluralité des curés
dans une cure.
M. Différence entre les évèchés et les cnrés.
VU. Des évèques latins pour les Vénitiens dans les villes qui
ont déjà d'autre? évèques grecs.
Vlll. De l'évèque du faubourg de Cantorbéry.
1. Il m'a semblé nécessaired'éclaircir ces deux
difficultés pour donner plus de lumière et
plus de fermeté à ce qui a été dit dans les doux
chapitres précédents sur les patriarches, arche-
vêques et évèques titulaires.
Quant à la pluralité des évèques en une
même ville et en un même diocèse, comme
nos croi?adi's soumirent à la nation latine pin-
sieurs villes épiscopales , aussi bien que des
patriarches dans l'Orient, il fut difficile de
réunir sous un seul pasteur deux peuples, dont
la langue et la discipline étaient si différentes.
C'était néanmoins mettre le schisme dans
chaque Eglise que d'y établir deux chefs en y
élisant deux évèques.
Le pape Innocent III fit un décret sur ce
sujet dans le concile IV de Latran. qui sembla
remédier à tous ces inconvénients An. 1-21.").
Can. ix). Car il ordonna que lévêque aurait
des officiers différents qui instruiraient et
dirigeraient chacun de ces peuples selon leurs
usages divers : que s'il y avait une néces-
sité inévitable d'ordonner un second évèque,
le pontife principal le choisirait et l'établirait
comme son vicaire, avec une entière subor-
dination à ses ordres. « Prohibemus omnino,
ne una eademque civitas, sive diœcesis diversos
ponlifices habeat, tanquam unum corpus di-
versa capita, quasi monstrum. Sed si urgens
nécessitas postulaverit , pontifex loci calholi-
cum prœsulem nationibus illis conformem,
provida deliberatione constituât sibi vicarium
in prirdictis, qui ei per omnia sit obeiliens et
subjectus. »
II. L'histoire française de l'ile de Chypre ra-
conte comment, aux instances de la reine de
Chypre, Louise, le même pape Innocent III, et
le même concile transférèrent à Nicosie l'ar-
chevêché de Salamine, déjà transféré à Fama-
gouste, à cause de la ruine de Salamine. L'ar-
chevêque latin fut établi à Nicosie, parce que
toute la cour et la noblesse européenne y rési-
daient. Après la mort de l'archevêque grec,
tous les évèques grecs devaient obéira l'arche-
vêque latin. On y érigea quatre évèchés latins,
et on réduisit les quatorze évèchés grecs en
même nombre. Cette relation ne répond pas
aux allégations qu'on fit de part et d'autre ,
lorsque cette contestation s'échauffa l'an 12ti0,
sous le pape .Vlexandre IV, entre les arche-
vêques et évèques des deux nations de l'ile de
Chypre. L'archevêque grec Geriuain disait qu'il
avait été canoniquement élu par ceux de sa
nation, par ordre exprès du pape Innocent, no-
nobstant le décret du concile général, et qu'il
avait été ensuite confirmé par le pape. Les
Latins opposaient le décret du pape Célestin, en
vertu duquel l'archevêque et les quatre évè-
ques de la nation latine devaient dominer dans
toute l'île, et recevoir le serment d'obéissance
des quatre évèques grecs i Conc. Tom. u ,
part. I. p. 237).
Le pape Alexandre IV prononça sur ce diffé-
rend, conformément au décret de Célestin ,
qu'il n'y aurait dans celte île que quatre évè-
ques grecs qui feraient leur séjour dans quatre
places des quatre grands diocèses que les
Latins occuperaient; que chacun d'eux serait
élu par son clergé grec, confirmé par son évè-
que latin, qui lui commettrait la direction des
Grecs habitant dans sa ville épiscopale et dans
son diocèse ; enfin qui le ferait sacrer par des
160
Dr PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-NEUVIÈME.
tv
évêques grecs et recevrait de lui un serment
d'obéissance pour lui , pour le métropolitain
latiu de Nicosie, qui serait métropolitain seul
de toute l'île, et pour le pape. Outre cela l'évè-
que fjrec était obligé de se trouver au synode
de l'évèque latin et d'observer ses constitutions
synodales ; on ne pouvait le contraindre d'as-
sister au concile provincial, et l'évèque latin
pouvait faire la visite des évêques grecs et de
leurs peuples en la même manière que l'arcbe-
vêque pour visiter ses suffragants (Conc. Gen.
tom. II, part, ii, p. -2355).
Voilà les tempéraments qu'Alexandre IV ju-
gea les plus convenables pour pacifier les
esprits de deux nations, dont celle qui était
victorieuse et plus indissolublement attachée au
centre de l'unité, c'est-à-dire à l'Eglise romaine,
devait avoir sans doute l'avantage, moins pour
sa propre gloire (jue pour le salut de ceux sur
qui elle dominait, et à qui sa domination était
si avantageuse pour leur afTermissement dans
la foi et dans la communion catholique. Cette
constitution d'Alexandre IV se trouve dans les
Annales de l'Eglise, et dans les dernières édi-
tions des conciles généraux i^Rainal. an. 1260,
n. 3G et seq.)
Au reste celte constitution est d'autant plus
mémorable, qu'elle a suivi la règle ou a été
elle-même la règle générale de toutes les con-
jonctures pareilles où il y a eu dans une
même ville ou dans un même diocèse deux
nations calholi(iues, dont la diversité de la
police ecclésiastique était comme incompatible
avec l'unité du pasteur, que les canons pres-
crivent. Au fond ce n'était que l'exécution du
décret du concile IV de Lalran sous Innocent III.
Car i" on évitait autant qu'il se pouvait de
donner deux évêques à une Eglise, [lour ne
pas faire un corps à deux têtes, qui ne peut
être que monstrueux. 2° Lorsqu'il y avait une
nécessité indisjjensable, telle qu'est l'incom-
]iatibilitédu rit grec et du latin, ou donnait ditlé-
rent séjour à l'évèque latin et à l'évèque grec,
afin que ce fussent comme deux sièges diflêrents.
.T Ou faisait dominer l'évèque latin sur l'évè-
(jue grec comme sur son vicaire ou sur son coad-
juteur, et celte subordination nécessaire don-
nait la paix et l'unité au corps de l'Eglise,
qui n'avait plus qu'un chef, pui«(]ue de ces
deux chefs l'un était subordonné à l'autre.
4° L'évèque latin devenait comme le métropo-
litain (lu grec par son droit de \isile. .-)" L'évè-
que grec était comme le sufl'ragant du latin, en
la manière que les évêques titulaires, dans le
chapitre précédent, ont été appelés sutfragants,
c'est-à-dire aides et coadjuteurs des évêques
diocésains. Et par toutes ces considérations
on évitait la pluralité d'évèques dans un seul
évêché.
m. Le pape Eugène IV usa de plus de bonté
et d'une plus grande indulgence envers l'évè-
que arménien de Capha, dans la Chersonèse
Taurique, à qui l'évèque latin de la même ville
disputait l'usage de la mitre dans les proces-
sions publiques et le droit de donner la béné-
diction Rainai, an. 1439, n. 17). Ce pape pro-
nonça en faveur de l'évèque arménien, et lui
laissa le pouvoir tout entier de gouverner ses
sujets, sans dépendre de l'évèque latin. Il fallait
épargner des prélats et des peuples qui ve-
naient d'embrasser l'unité et la sujétion de
l'Eglise romaine. Et d'ailleurs il fallait consi-
dérer ces deux peuples dans une ville comme
deux villes et deux diocèses renfermés dans
les mêmes murailles et dans un même pays,
mais tres-diflerents en toute autre chose.
IV. Mais la disposition ecclésiastique de l'île
de Rhodes, après que les chevaliers de Saint-
Jean de Jérusalem l'eurent conquise et y
eurent établi le siège de leur grand maître, fut
bien plusapprochante de celle que nous venons
de représenter dans l'île de Chypre (An. 1310).
II paraît dans les actes et dans les souscriptions
du concile de Florence un grec métropolitain
de Rhodes et un latin archevêque de Colosse.
Ce n'était iju'une ditlérence de noms. Car les
Grecs nouveaux ont appelé Colossiens ceu xde
Rhodes, à cause du prodigieux colosse du
soleil, qui donna autrefois tant de réputation à
cette île. Ces deux métropolitains eurent des
démêlés qui furent enfin pacifiés par une tran-
saction que le pape Sixte IV confirma (Spon-
dan. an. 1438, n. 29).
Les principaux articles étaient que les Grecs
éliraient deux ou trois vertueux ecclésiastiques
de leur nation, dont le grand maître en choi-
sirait un pour métropolitain; que l'archevêque
latin le confirmerait comme délégué du Siège
apostolique, recevrait de lui le serment d'obéis-
sance, et le laisserait ordonner par des évêques
grecs ; que les deux métropolitains se join-
draient pour juger les causes criminelles des
clercs de la nation grecque, et les causes matri-
moniales de leurs laïques ; que le grand maître
nommerait aux bénéfices vacants, mais que
l'archevêque latin instituerait ceux qui auraient
DE L\ PLURALITÉ DES ÉVÈQUES EN UNE VILLE.
Kn
été nommés, et recevrait d'eux le serment
d'obéissance pour le Saint-Siège et pour lui
(Spondan. au. li~i, n. 13).
Le rapport est tout visible avec la disposition
de l'île de Chypre, si ce n'est que dans Chypre,
pour éviter la pluralité d'évêques dans un
même diocèse, on communique aux évè(]ues
latins quelques prérogatives des métropolitains;
et dans Rhodes , pour ne pas laisser deux
métropolitains dans une même province, on
relève l'archevêque latin des avantagesqui sont
propres aux primats, comme vicaires du Siège
apostolique. Si c"est dans cette vue qu'on a
afTecté de donner à l'un le titre de métropolitain
et à l'autre celui d'archevêque, on a suivi
l'usage du sixième et septième siècles, où la
qualité d'archevêque était singulièrement ré-
servée dans rOccident à ceux que nous ap(>e-
lons présentement primats.
V. Ce n'est pas nous éloigner tout à fait de
notre sujet de remarquer qu'on a mis aussi
quelquefois plusieurs curés dans une cure ,
mais que ce n'a aussi jamais été que par une
transgression fâcheuse des canons, qui ont
rendu l'unité du chef comme essentielle, même
aux moindres Eglises. Le concile de Londres,
en 1-237, nous découvrit les intrigues artifi-
cieuses dont on se servait pour couvrir cette
monstrueuse pluralité de têtes en un corps.
Lorsque le droit de patronage était ou par-
tagé ou contesté entre plusieurs, chacun d'eux
nommait, et ainsi une même bergerie était
divisée entre jjlusieurs pasteurs. « Non uni
tantum una datur Ecclesia; sed pluribus, prœ-
textu j plurium patronorum, ut sint plura
capita in eodem corpore, quasi monstrum
(Matth. Paris, an. 1-237). »
Cette multitude de patrons et de curés dans
une même Eglise ayant été condamnée par les
canons, pour éluder les peines d'une sentence
si juste, l'un des curés se fit déclarer par
l'autre vicaire perpétuel de la même Eglise. Par
ce moyen on en fut quitte en changeant seule-
ment les noms, jusqu'à ce que ce même concile
et plusieurs autres ensuite défendirent cette
infâme collision , et interdirent absolument
cette multitude dangereuse de pasteurs dans
une seule Eglise, de quelque nom qu'il leur
plût de se servir. « Statuentes, ut nunquam
deinceps in plures personatus, vel vicarias,
una Ecclesia dividatur flbidemi. »
Nous trouverons ci-dessous un lieu |ilus pro-
pre pour éclaircir les règles elles mesures que
Tu. — Tome I.
l'Eglise prit |)our remédier aux désordres que
causait celte pluralité irrégulière de patrons et
de curés en une menu; paroisse. C(!i)endant il
faut avouer (|u"on n'y put alors lellement re-
médier (|u'il n'en restât encore des exemples
plusieurs siècles a|)rès. Car le concile IV de
Milan, tenu en L%7(i sous le grand saint Charles,
ordonna que pour éviter les dissensions scan-
daleuses qui arrivaient très-souvent entre les
divers curés d'une même église, l'évêque par-
tagerait entre eux la paroisse et en assignerait
à chacun d'eux un département. Ce qui était
faire autant de cures qu'il y avait de curés.
« Ha ut intra suos quisque fines parochialem
curam gerat. »
VI. Le concile de Matines, célébré en 1370,
voulant apaiser les contestations, les jalousies
et les procès inévitables entre les divers curés
d'une même paroisse, donna le choix à l'évê-
que, ou de partager la paroisse, et en assigner
une portion à chaque curé, ou bien d'y établir
un seul curé et lui donner ensuite autant de
vicaires, et comme autant decoadjuteurs qu'il
en serait nécessaire selon les besoins et l'éten-
due du lieu (Titulo de Decanis Christiani-
tatum).
On sait qu'il y a encore dans des villes les
plus fameuses de la chrétienté de ces exemples
de la pluralité des pasteurs dans une même
paroisse ; et de cette pratique originairement si
opposée aux canons et néanmoins comme pres-
crite en tant de lieux, il résulte, pour la gloire
de lépiscopat, que l'unité d'un évèque est bien
autrement nécessaire que celle d'un curé,
puisque la licence de tant de siècles n'a pu
prescrire contre celle-là quoiqu'elle l'ait em-
porté sur celle-ci dans quelques Eglises.
MI. Car ce n'a été que dans les lieux où il y
avait deux peuples divers en une même ville,
et comme deux villes en une seule, qu'on a
cru nécessaire de donner aussi deux évèques.
Cela a déjà paru dans Rhodes et dans Chypre.
Cela paraît encore dans le pouvoir ([ue le pape
Adrien IV donna aux patriarches de Grade
d'ordonner des évêques dans Constantinople
même, et dans toutes les autres villes de l'em-
pire de Constantinople où il y aurait une mul-
titude considérable de Vénitiens, et où ils au-
raient plusieurs Eglises, o Ut in Constantino-
])olitanaurbe,et in aliiscivitatibus, in Constan-
tinopolitano duntaxat imperio constitulis, in
(juiiius Veneti plures habent Ecclesias, ubi vi-
delicet eorum multiludoconsuevitassidue con-
II
ir,f>
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTIÈME.
venire, liceat vobis episcopuin ordinare , et
absqiie alicujus contradictione munus ei con-
secrationis impendere (Epist. xxxix, Couci-
liorum t. x). »
Le pape Innocent III remarque la raison gé-
nérale de cette multiplication de pasteurs : c'est
la diversité des langues et des mœurs entre
divers peuples d'une même ville. « Intra eam-
dem civilatem permixti sunt populidiversarum
linguarum, liabentes sub una fide varios ritus
et mores i^C. Quoniani Extra. De Offlc. Jud.
Ord.).»
Dans les mêmes décrétalcs grégoriennes on
a inséré le canon des conciles d'Afrique, qui
tâchent de conserver l'unité de Tépiscopaldans
les villes où un évèque donatiste demande à
rentrer dans le sein de l'Eglise catholique avec
son peuple , qu'il ramène de leurs communs
égarements. On tâche de partager le diocèse en
deux. S'il n'y a qu'une jilace où l'évèque puisse
faire son séjour, elle appartiendra à celui des
deux ([ue le peuple de cette place demandera.
Si le peuple de cette place est composé de nou-
veaux et d'anciens catholiques, le phis grand
nombre l'emportera. Si les deux partis sont
égaux , le plus ancien évêque sera préféré
(C. Si Episcopus, Extrade parochiisetParoch.!.
On ne ])OU\ait pas user de plus de précaution
pour ne pas laisser deux évêques dans une
même ville.
VIII. Il est porté dans lavie de saint Lanfranc,
archevêque de Cantorbéry, qu'on avait accou-
tumé de créer un évêque dans l'église de Saint-
Martin, qui était dans un faubourg de Cantor-
béry. Lanfranc mit fin à une coutume si pré-
judiciable à son Eglise et si contraire aux
canons : « Sed quia autoriiate canonum con-
stat pra?ceptum, ne in una civitate duo pontiflces
simul habeantur, statuit Lanfrancus, ne ulte-
rius ipsi loco ordinaretur episcopus ( Cap.
xui). »
Nous parlerons en son lieu des monastères
où il y avait des évoques : et cette Eglise de
Cantorbéry pourrait bien avoir été autrefois de
ce nombre, si ce n'était l'évêque resté depuis
les anciens Bretons insulaires, ditïérents des
évêques des Anglais ou Saxons venus d'Alle-
magne. On yjourrait bien y avoir encore con-
sidéré comme une raison canonique d'en ôter
l'évèque, que les canons ne permettent pas
qu'on érige des évêques ailleurs que dans des
villes peuplées.
Le concile de Londres, où le même archevê-
que Lanfranc présida, transféra trois évêchés
d'autant de villages en autant de villes d'An-
gleterre. Ce fut là la création des évêchés de Sa-
lisbury, de Chichester et de Chester (Ibidem, c.
XH, an. 1075. Malmesour, p. :2i4). Cela se fit par
l'autorité du prince et du concile. « Regia mu-
niflcentia et synodi autoritate. » On n'osa pas
en transférer quelques autres qui étaient aussi
dans des villages, parce que le roi Guillaume
le Conquérant était alors en guerre au delà des
mers (Adde Vuillel. Tyri I. vi, c. ult, p. '-21,
nu).
CHAPITRE TRENTIÈME.
DES ARCHE\-ÊQl'ES, OU PRIMATS, OU VICAIRES APOSTOLIQUES d'eSPAOE ET DE FRANCE,
DEPUIS l'an aOO jusqu'en 900.
I. Pourquoi il n'y eut point do primats en Italie.
II. Erection de la i]riraatie de Sévjlle en Espagne pour faire
observer les canons avec exactitude , et sans blesser les droits
des mûlropiililains.
III. Toutes ces primalies n'ont M que des commissions ou
des vicariats du Saint-Siége.
IV. La primalic de Séville transférée à Tolède par les papes
et les rois.
V. Longues contestations en France entre les évêques d'Arles
et de Vienne, sur le droit de métropole.
VI. Suite du uième sujet.
Vil. Erection île la primatie d'Arles.
VIII. Son extinction.
IX. Primatie do Reims.
X. Son extinction.
XI. Savantes remarques de l'annaliste de l'Eglise de France.
DES ARCHEVÊQUES DESPAGNE ET DE FRANCE;
1G3
I. A l'exemple du vicariat apostoliquede Tlies-
saloniqiie,lessouveraiiisi)ontifes en accordèrent
d'autres à l'Espagne, à la France, à l'Allemagne
et à l'Angleterre, l'Italieétantsi voisine de Rome
qu'ils pouvaient bien la gouverner eux-mêmes,
non-seulement comme patriarches, mais aussi
connue exarques, archevêques ou primais. Les
métropolitains d'Italie ne laissaient pas d'être
traités de patriarches parles rois Goths mêmes,
comme l'a remarqué Baronius et comme l'on
voit par les lettres de Cassiodore. Mais ce n'est
qu'un nom et un titre d'honneur. « Vos qui
patriarcharum honore reliquis prœsidetis
Ecclesiis (Baron, an. 333, n. 3G). »
II. Le pape Simplicius fut le premier qui
accorda cette légation apostolique à l'évêque de
Séville en Espagne , moins pour relever la di-
gnité de ce prélat, que pour établir dans l'Es-
pagne un rigoureux observateur des canons, et
un censeur incorruptible des violements qu'on
en pourrait faire : « Congruum duximus.Vica-
ria sedis nostrœ te autoritate fulciri , cujus
vigore munitus, apostoliCiT institutionis décréta
vel sanctorum termines Patrum , nullomodo
transcendi permittas (An. 482, epist. i). »
Le pape Hormisde confirma le même vica-
riat à l'évêque de Séville, dans les provinces
de la Bétique et de la Lusitanie, que nous ap-
pelons Andalousie et Portugal, sans blesser
néanmoins le moins du monde les droits ou
les privilèges des métropolitains : « Salvis pri-
vilegiis, qu;i' metropolitanis episcopis decrevit
antiquitas (Epist. xxvi). » Car le pape pouvait
bien exercer les droits qu'il avait sur les métro-
politains , par l'entremise et la délégation de
quelqu'un d'entre eux , qu'il établissait son vi-
caire sur les autres. Le pape Hormisde avait
donné le vicariat du reste de l'Espagne au mé-
tropolitain de Tarragone, auquel il écrivait
presque en mêmes termes : « Servatis privile-
giis metropolitanorum, vices vobis apostolicœ
Sedis catenus delegamus , ut sive ea quse ad
canones pertinent, sive ca qua; a nobis sunt
nuper mandata serventur (Epist. xxiv). »
Voilà les deux conditions essentielles de tous
ces vicariats, que les droits des métropolitains
fussent inviolablement conservés ; et que tout
ce pouvoir extraordinaire des vicaires apostoli-
ques ne tendît qu'à l'étroite observation des
canons, en punissant les contraventions, ou en
avertissant le pape, qui est le conservateur-
né des canons , et de toutes les lois ecclésiasti-
ques.
III. Saint Léandre, évêque de Séville, ayant
reçu le vicariat de saint (Jrégoire pape , assista
en cette qualité de vicaire ajjostolique au con-
cile 111 de Tolède, comme nous l'apprend saint
Isidore: « Interfuit tune primas ille catholicus
et orthodoxus, Leander Hispalensis archiepi-
scopus, et Romana^ Ecclesia; legatus, sanctitate
et doctrina perspicuus (Chron. 1. ii). » Où il faut
remarquer que les trois noms d'archevêque,
de primat, et de légat du pape, signifient la
même dignité et le même pouvoir de ceux
qui présidaient à plusieurs métropolitains et à
plusieurs provinces dans le [latriarcat du pape.
Car, dans l'Occident, ce n'ont été que des com-
missions ou des légations du pape qui ont
élevé quelques métropolitains au-dessus des
autres, à qui on commença en même temps
d'aflécter aussi le titre de primats. Car jusqu'au
sixième ou septième siècle , ce terme de « Pri-
mas, prinicP Sedis episcopus, » était commun
à tous les métropolitains, et le droit ou le rang
niétropolitique s'appelait Primatus. Les Espa-
gnols commencèrent à approprier ce nom à
ceux que les Grecs appelaient exarques, et
cet usage se glissa ensuite dans tout l'Occi-
dent.
IV. Or la présidence de saint Léandre, dans
le concile III de Tolède , nous fait croire qu'il
était primat de toute l'Espagne, et il faut dire
de même de saint Isidore, évècpie de Séville,
qui présida au IV'' au-dessus des métropolitains
de Narbonne, de Mérida et de Tolède, de Brague
et de Tarragone. Ces deux conciles étaient na-
tionaux, composés de tous les évèques qui re-
levaient de la couronne d'Espagne, tant en Es-
pagne qu'en Gaule. Cette primatie de Séville
fut éteinte dans le concile \1I de Tolède (An.
02I), où les évêques d'Espagne accordèrent au
métropolitain de Tolède d'élire lui seul tous
les évêques d'Espagne, et de remplir à l'avenir
tous les sièges vacants de ceux que le roi nom-
merait pour ces éminentes dignités , à con-
dition que les évêques élus et ordonnés par
l'archevêque de Tolède iraient, en l'esjiace de
trois mois, se présenter à leur métropolitain.
Jamais on n'avait poussé si loin l'autorité
des primats. Mais ce fut le roi qui obtint ce
privilège extraordinaire du pape, au rapport
de Rodcric. « Iste Cindasuinthes rex a Romano
pontifice obtinuit privilegium, ut secundum
beneplacitum pontificum Ilispanorum prinia-
tia^ digTiitas esset Toleli (L. u, c. '2\]. :>
Voilà comme le pape et les évèques d'Espa-
lOi
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTIÈME.
gne concoururent pour établir la primatie
d'Espagne à Tolède ; ce qui demeura si ferme,
que l'évèque de Tolède ayant été déposé dans
le concile XVI de Tolède , celui de Séville fut
transféré à Tolède par l'élection de tout le con-
cile. Mais cette grandeur qui s'était élevée en si
peu de temps, fut aussi abîmée dans les ruines
de la monarchie d'Espagne , dont les Sarrasins
d'Afrique se rendirent les maîtres trente-trois
ans après (Baron, an 636, n. 8).
Je n'ai pas voulu m'arrêter à ce que dit Lucas
de Tuy, que Théodisque, successeur de saint
Isidore dans révèché de Séville , ayant été dé-
posé dans un concile , et s'étant précipité dans
l'abominable secte des mahométans, la prima-
tie de Séville fut transférée à Tolède.
V. Je passe aux archevêques , ou primats de
la France. Car ce nom d'archevêque ne com-
mença d'y être donné aux simples métropoli-
tains qu'au concile de Soissons , tenu sous le
roi Childéric III et Pépin maire du palais (An.
1-li). L'évèque d'Arles disputa longtemps la
qualité de métropolitain avec celui de Vienne,
et il y euldes avantages réciproques remportés
tantôt par l'un de ces prélats, tantôt par l'autre
(An. 744).
Le pape saint Léon en dit la raison, qui est
que ces deux nobles et puissantes villes avaient
eu alternativement avantage Tune sur l'autre
dans l'administration ecclésiastique, parce que
dans l'administration civile elles ne faisaient
qu'une seule métropole. «Ut quarumdam cau-
sarum alte^na ratione , nunc illa in ecclesiasti-
cis privilegiis , nunc ista prœcelleret : cum ta-
men eisdem commune jus quondam fuisse a
gentibus proderctur.»
Mais le jiape Zozime ne se contenta pas de
terminer le diiïérend de la métropole en faveur
de l'évèque d'Arles, et lui donna encore un
très-ample pouvoir sur la province de Vienne,
sur les deux Narbonnaises, colorant ce privilège
de la venue de saint Trophime à Arles , où il
avait été envoyé par le Siège apostolique, et
d'où il avait commencé de travailler à la con-
version des Caules (Au. 1417).
Les papes Roniface I" et Célestin rendirent au
métropolitain de Narbonne le droit d'ordonner
les évéques de sa province (An. 4-22, 4'28,
epist. m). Ce que le pape Léon confirma, et
outre cela réiablit l'évèipie de Vieime dans les
pouvoirs de mélroi)ulitain, i)artageant entre lui
et l'évècjue d'Arles les évêchés contestés, et dé-
clarant que le pape Zozime avait été surpris
par l'évèque d'Arles : « Cum et ipsum quod
Patroclo a sede apostolica temporaliter videba-
tur esse concessum, postmodum sit sententia
meliore sublatum (An. 425, epist. lxxxix). »
Baronius a publié une lettre du pape Zozime
(An. 47, n. 32), où il reconnaît lui-même sa
surprise ; il confesse qu'il avait ignoré le décret
du concile de Turin sur ce différend , auquel
enfin il se rend, et consent que chacune de ces
deux métropoles domine sur les évêchés qui
lui seront plus proches.
VI. Il faut conclure de là, ou que Zozime
n'avait accordé d'abord à l'évèque d'Arles que
la qualité et le titre de métropolitain sur ces
trois provinces, ce que lui-même et ses trois
successeurs ci-devant nommés révoquèrent en-
suite ; ou que ce pape lui ayant donné les pou-
voirs de primat ou d'exarque, ses successeurs,
et surtout le pape Léon en dépouillèrent Palro-
cle et Hilaire ([ui en avaient abusé, en s'attri-
buant aussi les droits, et faisant les fonctions de
métropolitain. Car les droits légitimes de la
primatie ou l'exarchat, ne consistent pas dans
un retranchement des pouvoirs propres aux
métro])olilains, mais dans une effusion libérale,
et une participation innocente des droits du
pape comme patriarche d'Occident sur les mé-
tropolitains.
VII. Quoi qu'il en soit, les disputes entre ces
deux métropolitains s'allumèrent encore sous
le pape Anastase, à l'avantage de celui de
Vienne. Mais Symmaque, successeur d'Anastase,
révoqua les décrets sur ce sujet, comme con-
traires à ceux de ses prédécesseurs , et donna
à Césaire , évêque d'Arles , un vicariat ou
une légation apostolique sur toutes les Gau-
les (An. .300, .314). « Cbaritati tuœ per omnes
Gallicanas regiones utendi pallii concessimus
facultatem (Epist. i, x). » Le pallium ne s'accor-
dait alors qu'avec une légation extraordinaire
du pape. « Quatenus et in ecclesia vestra, et in
supradicta provincia, disciplina bonis actibus
amica servetur (Epist. vi). » Ce terme Provin-
cia se rapporte à ce qu'il avait déjà dit :
« Gallicanas omnes regiones : et in Galliœ pro-
vincia. » Cinquante ans après le pape A'^igile
donna en termes formels son vicariat sur les
Gaules à Aurélien, évoque d'Arles : « Fraterni-
tas tua, ([uem apostolicœ sedis constat per nos
ess:! vicarium , universis t'pisco[iis innotescat,
etc, Vicarium te Sedis nostne dignis operibus
manifestes (Conc. v Univ.). « Il l'avait au-
paravant accordé à Auxanius, dont Aurélien
DES ARCHEVÊQUES D'ESPAGNE ET DE FRANCE.
lUo
fut le succosseur. I.e papo Pelage I" continua la
même i^rfice à Sabaiidus,évè(jne d'Arles : « Jla-
joruni nostronim cupientcs iiiha'rere vestigiis,
charitati tiiœ peruniversam Galliam apostolicœ
Sedis vices irijungimiis (Collât, vn, concGallic.
tom. i). »
Saint Grégoire pape donna les mêmes pou-
voirs à Virgile, évêque d'Arles, sur toutes les
Eglises de l'Etat du roi Childebert : « Opportu-
num perspeximus in Ecclesiis quœ sub regno
pra^cellcntissimi filii nostri Childeberti régis
sunt, secundiini antiquam consuetudinem fra-
tri nostro Virgilio Arelatensi episcopo vices
nostras tribuere (L. iv, epist. l, lu). » Ainsi cette
primatie, quoique personnelle, devint en quel-
que manière perpétuelle^ par la continuation,
ou le renouvellement que les papes en accor-
daient.
VIII. Les lettres de Grégoire VII pape (L. vi,
epist. xxii) et de Nicolas I" (epist. x) font claire-
ment voir que la primatie d'Arles était entière-
ment éteinte de leur temps. Mais il est très-
apparent que la décadence de la maison royale
de Clovis , et les brouilleries de l'Etat pendant
les violentes entreprises de divers maires du
palais, ayant entièrement ruiné cette corres-
pondance des évêques de France entre eux , et
avec l'archevêque d'Arles ; les papes Gré-
goire Il et 111 renouvelèrent et transférèrent ces
mêmes pouvoirs en la personne de Boniface,
apôtre d'Allemagne.
IX. Cependant il ne faut pas omettre la pri-
matie de Reims, qui partagea les Gaules avec
celle d'Arles durant la vie de saint Rémi, qui
fut établi vicaire apostolique dans le royaume
de Clovis par le pape Hormisde. «Vices nostras
per omne regnura, dilecti et spiritalis filii nos-
tri Ludovici, salvis privilegiis, quœ nietropoli-
tanis decrevit antiquitas , tibi commitlimus
(L. I, c. iS). » Flodoard rapporte cette lettre,
et Hincmar assure la même chose. Mais comme
ce prélat, le plus jaloux qui fut jamais de ses
avantages et de ceux de son Eglise , ne dit pas
que cette dignité ait passé aux successeurs de
saint Rémi , il est à croire qu'elle fut purement
personnelle. Enfin comme il témoigne aussi
que la primatie ne fut donnée à saint Rémi que
sur quelques provinces: «Per Belgicas etquas-
damprovincias Gallicanas (Epist. vi, c. 185), »
il faut conclure de là que ni les provinces qui
obéissaient à Alaric, roi des Visigoths, savoir
les trois Aquitaines et la première Narbon-
naise; ni celles qui reconnaissaient Gombaud
roi des Bourgnu'gnons, savoir la Lyonnaise pre-
mière, la Narbonnaise seconde, et |)iepque
toutes les Viennoises, ne relevaient nullement
de la primatie de Reims, à qui il ne restait que
les deux Belgiques, les Lyonnaises ni, iv, v, et
la Germanique.
X. S'il est vrai que les successeurs de saint
Renii dans l'évèché de Reims aient aussi suc-
cédé k la primatie , comme quel(|ues-uns le
concluent du testament de saint Rémi , qui
leur prescrit d'assembler quelquefois trois ou
quatre métropolitains ; du concile de quarante
évêques, assemblé par Sonnatius évêque de
Reims, au temps du roi Childebert ; enQn de
la limitation que saint Grégoire pape mit au
vicariat d'Arles, dans l'Etat seulement du roi
Childebert (Flodoard, 1. ii, c. o), il faudra au
moins demeurer d'accord que cette primatie
prit fin dans les mêmes désordres de l'Etat et
de l'Eglise, durant la défaillance des descen-
dants de Clovis. Car la plupart des évêchés de
France demeurèrent longtemps sans évêques,
et surtout celui de Reims , comme le pape
Adrien I" l'écrivit : « Remensis ecclesia per
multa tempora , et per mullos annos sine epi-
scopo fuit Epist. ad Ttepinum). » Saint Boni-
face parle de même dans sa lettre au papeZacha-
rie, comme nous allons voir dans le chapitre
suivant-, où nous parlerorrs de la primatie de
Mayence accordée au même saint Boniface sur
la France et sur l'Allemagne.
XL Le P. le Cointe nous a ajipris dans ses
savantes Annales de l'Eglise de France : 1" Que
Clovis étant mort en 511, et Symmaque en 514,
il faut que ce soit Symmaque, et non pas son
successeur Hormisde qui ait donné à saint
Rémi la primatie sur tout le royaume de Clo-
vis nouvellement converti : « Fer omne regnum
Chludovici, quem nuper cum intégra gente
convertisti. » 2' Et comme cette nouvelle pri-
matie semblait diminuer l'étendue de celle
d'Arles qui l'avait précédée, le pape Symmaque
donna à l'archevêque d'Arles tout ce que les
Ostrogoths d'Italie , et les Visigoths d'Espagne
possédaient dans les Gaules et en Espagne. « Si
quis de Gallicana vel Ilispana regionibus ad
nos venire compulsus fuerit, cum fraternitatis
tuae notifia iter arrlpiat. »
Cela est tiré de la lettre entière de Symma-
que à saint Césaire, archevêque d'Arles, publiée
par le P. Sirmond. 3° Au reste le pape Vigile
ayant accordé à Auxanius, évêque d'Arles, la
primatie dans tout le royaume de Childebert,
166
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-UNIÈME.
douze ans après la mort de saint Rémi, et le
royaume de Cliildcbert faisant luie bonne par-
tie" de celui de Clovis, c'est une preuve fort ap-
parente que la primatie de Reims finit avec la
vie de saint Rémi. A" Lors du pape Synmiaque
la primatie de Reims domina sur toutes les
Eglises de la domination française, et celle
d'.VrIes sur toides les provinces de la domina-
tion des Golhs dans les Caules et en Espagne.
Mais les Goths ayant été chassés des Gaules , le
pape Vigile donna à Auxanius d'Arles le vica-
riat apostolique dans tous les pays dont il était
métropolitain , et dans toutes les Eglises du
royaume de Childebert , comme les lettres de
ce |)ape le disent formellement. La France était
alors partagée entre Childebert, Clotaire et leur
neveu Théodebert. Childebert seul deman<la et
obtint la primatie pour Arles. îi° Pelage, qui
succéda àVigile, donna la primatie à Sapaudus,
évèque d'Arles , sur toutes les Gaules : « Per
universam Galliam. » Cela contenait les
royaumes de Childebert et de Clotaire.
Il y a peu dajjparence que Narbonne et ce
peu de villes voisines (]ui obéissaient encore
aux Visigotlis d'EsjJagne reconnussent cette
primatie. Pendant le tem|)S du pontificat de
Sapaudus, la France fut diversement partagée
entre deux, trois et (juatre rois, et néanmoins
elle fut toujours soumise tout entière au vica-
riat apostolique de Sapaudus. Saint Grégoire
pape ne donna ce vicariat à Virgile que sur le
royaume de Childebert IL c'est-à-dire sur
l'Austrasie et la Bourgogne, la Neustrie étant
sons Clotaire. 6° Ce vicariat apostolique était
un privilège personnel, et non pas attaché au
siège d'Arles. Les papes en faisaient une con-
cession particulière à chaque évêque, et ils ne
la faisaient qu'après qu'ils l'avaient demandée,
et l'avaient fait demander par les rois. Cela
paraît par les lettres des papes à saint Césaire,
Auxanius, Aurélien, Sapaudus et Virgilius, qui
se succédèrent tous les uns aux autres dans le
siège d'Arles. Licérius qui précéda Virgilius,
ne pontifia que deux ans, et n'eut pas le loisir
d'obtenir ce bienfait (Cointius ad ann. 508,
n. .^8; 53.3, n. 59; 545, n. i; 599, n. 9; G04,
n. 9).
Après Virgilius à qui saint Grégoire pape
donna son vicariat, il n'est plus parlé d'aucun
archevêque d'Arles qui ait joui de cet avan-
tage. 7° Enfin ce savant annaliste a pensé que
si les papes Vigile et Grégoire I" ne voulurent
point envoyer le pallium aux èvêques d'Arles
et le vicariat apostolique qui l'accompagnait
qu'avec le consentement des empereurs, c'est
parce c[ue Justinien avait commencé, et ses
successeurs continuèrent de ne point souffrir
que les papes mêmes montassent sur le trône
apostolique sans leur agrément.
CHAPITRE TRENTE-UNIÈME.
CONTINUATION DES PRIMATS EN FRANCE, EN ALLEMAGNE ET EN ANGLETERRE.
I. l-es primats et les archevêque? furent éteints en France
dans la déroute de la maison de Clovis.
II. Saint Huniface , envoyé par le pape , y rétablit l'état de
l'Ej-'llse, et est lui-inéme fait arclievè(iue primat de Maycncc.
III. 11 rétablit des métropolitains en l-'rancc, et Unir obtenant
le pallium, il en fit autant de primats en un sens nouveau, c'est-
k-dire, des métropolitains exempts du pouvoir de tout autre
primat.
IV. Preuve de cette sorte de primatie.
V. La primatie de saint lioniface sur la France était allacliéc
à sa personne, celle qu'il eut sur l'.Mlemagnc fut attachée à son
siège.
VI. La primatie d'Augustin , en Angleterre, établie par saint
Grégoire.
Vll.-Vlll. Diverses réflexions sur cette primatie, combien toutes
ces primalics étaient utiles aux églises parliculières.
IX. De la primatie de Cantorbéry.
I. Les guerres civiles qui causèrent ou qui
suivirent la décadiîuce de la maison de Clovis
ne furent guère moins funestes à l'Eglise qu'à
l'Etat. Saint Roniface, dans ses lettres au pape
Zacharie, assure que la plupart des èvêchés
furent donnés à des laïques ou à des ecclésias-
tiques dont la vie était encore plus débordée
DES PRIMATS EN FRANCE, EN ALLEMA(;NE ET EN ANGLETERRE.
(jiie ceRc des séculiers; enliii (|u'il y avait
quatre-vingts ans qu'on n'avait vu en France
ni (le concile, ni d'arclieveMiue. 11 y avait alors
plusieurs métropolitains en France. Ce nom
d'archevêque semble donc désigner les primats
d'Arles, et en marquer l'extinction, qui donna
lieu à l'érection de la primatie de Mayence.
«Franci, ut seniores dicunt, plusquam per
tempus octoginta annorum synodum non fece-
runt, nec archiepiscopum habuerunt; nec Ec-
clesiœ canonica jura alicubi fundabant, vel re-
novabant. Modo autem maxima ex parte per
civitates episcopales sedes traditie sunt laicis
cupidis ad possidendum, vel adulteratis cleri-
cis, scortatoribus, et publicanis sœculariter ad
perfruendum. »
Voilà le désordre effroyable des Eglises au-
quel on ne put remédier que par la légation
ou vicariat apostolique que les papes (Gré-
goire 11, Grégoire III et Zacharie donnèrent au
même Boniface. C'est ce qu'en dit Hincmar,
archevêque de Reims : « Gregorius secundus
et terlius, Bonifacium legatum apostolicœ Se-
dis ad reformaudam christianitatis religionem,
primo presbyterum, postea vero e])iscopum
ordinatuni direxerunt. Cui per annos viginti
quinque in eadem prœdicatione sine sede car-
dinali laboranti, prœfatorum successor Zacha-
rias papa formavit ad locum, etc. (Epist. vi^
c. xix).»
II. Ce saint évêque fit donc les fonctions de
missionnaire apostolique et de légat extraor-
dinaire en rétablissant toutes les églises de
France et d'Allemagne, sans être lui-même
fixé à aucun siège, jusqu'à ce qu'après ce long
espace de temps le pape Zacharie le déclara
métropolitain de Mayence et attacha à cette
Eglise le droit de primatie (An. 7ol). Ce fut en
cette qualité que Boniface sacra à Soissons le
roi Pépin , et les archevêques de Mayence
furent depuis considérés comme ayant le pre-
mier rang au-dessous du pape entre les prélats
d'Allemagne.
C'est ce qvi'en dit Marianus Scotus : «Pipinus
in civitate Suessionum^ a sancto Bonifacio ar-
chiepiscopo in regeni unctus, regni honore
sublimatus est ; et oh id deinde post papam se-
cundus habetur Moguntinus archiepiscopus
usque in hodiernum diem (Lib. m). »
III. Ce nouveau primat assembla plusieurs
conciles des évè(|ues de France et d'Allemagne.
Il en reste quelques-uns dans les éditions des
conciles. 11 ordonna des métropolitains à
Rouen, à lîeims et à Sens ; comme il paraît par
les lettres du pape Zacharie et par l'histoire de
Flodoard. II leur obtint le pallium du pape
ZachiU'ie, et par là il les émancipa en ([uelque
manière de la sujétion qu'ils avaient à sa pri-
matie, et les établit eux-mêmes primats d'une
autre sorte moins éclatante, mais qui n'a pas
laissé d'être très-considérée. Car le savant
Hincmar a fort bien remarqué qu'il y a des
primats qui ont juridiction sur plusieurs mé-
tropolitains, et ce sont les primats du premier
rang ; il y en a d'autres qu'on appelle primats
parce que, quoi(iu'ils n'aient aucun métropoli-
tain qui leur soit soumis, ils ne sont aussi eux-
mêmes soumis à aucun métropolitain ou [)ri-
mat, mais ils relèvent iuunédiatement du
pape (Histor. Remens. lib. u , c. xvi. — An.
7li. Bonifac. Epist. i, iv, v).
Voici les paroles d'IIincmar où il découvre
cette seconde sorte de primats. « Quibus cano-
num decretis, et Sedis romanaj sententiis cla-
ret, eosdem metropolitanos primates esse sin-
gulos singularum provinciaruui, (|ui ex anliqua
consuetudine, et apostolica trauitione, et con-
vocare synodos, et ordinare episcopos, et ordi-
nari a provincialibus, sine cujusquain alterius
primatis interrogatione possunt, et disponere
regulariter quœque per suas pj-ovincias queunt,
etc. Illi autem archiepisco[)i, vel metropolitani,
qui hœc sine consultu primatis non possunt
exequi, archiepiscopi tantum, vel metropoli-
tani habentur (Opusc. oo, ce. c. xvi). »
IV. Ce qu'Hincmar vient de dire ne doit pas
passer pour une chose bien imaginée afin de
relever la dignité de son Eglise : c'est une doc-
trine solide et solidement fondée dans l'anti-
quité. Car nous avons fait remar(iuer que tous
les métropolitains étaient appelés primats et
évêi|ues du premier siège durant les quatre ou
cinq premiers siècles : « Primas, primœ sedis
episcopus. »
Dans le cinquième, sixième et septième siè-
cle, on commença dans l'Occident à faire rele-
ver quelques métropolitains des autres métro-
politains qui avaient été élevés à la dignité
d'exarques ou de vicaires apostoliques, et à qui
on tlonna enfin aussi la qualité de primats. Les
métropolitains qui ne furent pas assujettis à
ces nouveaux primats ou vicaires apostoliques,
pouvaient bien se donner aussi la qualité de
primats. 1° Parce qu'ils ne faisaient que se con-
server dans l'ancien usage, i" A leur égard on
n'avait fait aucun changement, ni aucun éta-
108
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-UNIÈME.
blissement de nouveaux primats ; ainsi comme
relevant immédiatement du pape, comme ces
nouveaux primats eu relevaient aussi immé-
diatement, ils devaient jouir de la qualité de
primats. 3° Ces trois archevêques de Rouen, de
Reims et de Sens ayant reçu le pallium du
pape, qui ne se donnait encore alors qu'aux
primats ou vicaires apostoliques, c'était là
comme la confirmation et le sceau de leur
exemption et de leur dignité de primat.
V. Cela nous oblige de reconnaître que si
saint lîoniface avait reçu le vicariat apostolique
et la surintendance spirituelle de la France et
de l'Allemagne, c'était avec cette différence que
quant à l'Allemagne cette dignité devait être
perpétuelle et attachée à son siège, au lieu que
quant à la France elle était purement person-
nelle. Et c'est aussi ce que le pape Zacharie lui
désigna dans sa lettre: «Nonsolum Bojoariam,
sed et omnem Galliarum provinciam, nostra
vice per praedicationem tibl injunctam studeas
reformare (Morin , Exerc. Eccles. 1. i, c. xxvi,
p. 205, Epist. v). »
Comme la primatie d'Arles, quoique person-
nelle, devint perpétuelle par la continuation
du même privilège aux successeurs des pri-
mats décédés ; aussi celle de Mayence, bien ([ue
perpétuelle dans son origine, fut néanmoins
effectivement personnelle, et s'éteignit avec
saint Honiface. Le pape Zacharie écrivit en ces
termes à lioniface : « B. Pétri autoritate sanci-
mus, ut Ecclesia Moguntina perpetuis tempo-
ribus tibi et succossoribus tuis in metropolim
sil coiifirmata, id est, Tingris, Coloniam, Vor-
maciam, Spiratiam, et Trectis, et omnes Ger-
manire génies quas tua fraternitas per suam
pra'dicationem Christi lumen agnoscere lecit
(Gonc. Gai. t. i, p. ,^i8i).»
Si ce décret eût tenu, non-seulement la mé-
troi)ole, mais la primatie de Mayence eût été
perpétuelle. Mais ce (pie nous allons dire dans
le chapitre xli de Cologne et d'Utreclit nous
fera bien voir que cette disposition du pape
Zacharie ne fut pas suivie, on ne le fut pas
longtemps. Les grandes oppositions que Roni-
face trouva donnèrent des bornes plus étroites
à sa métropole et une durée plus courte à sa
primatie, (pie le pape n'avait apparemment
prétendu. A quoi il faut ajouter que saint Bo-
niface, ayant résigné avant sa mort son arche-
vêché de Mayence au prêtre Lulkis, pour aller
chercher la couronne du martyre parmi les
Frisons (Anno 7ri2), et ayant après cela pris la
conduite de l'évêché d'Utrecht vacant, il ne
put laisser à l'Eglise de Mayence son vicariat
apostolique, qui demeurait toujours attaché à
sa personne. Villibald et Olhon , qui ont écrit
la vie de ce saint, font foi de ce que nous ve-
nons de dire.
VI. Il est temps de passer en Angleterre, où
saint Grégoire le Grand envoya de Rome plu-
sieurs de ses religieux, et Augustin à leur tête,
pour y travailler à la conversion des Anglais et
des autres nations dont la Grande-Bretagne
avait été inondée, et qui y avaient presque ré-
duit à néant la religion chrétienne aussi bien
que la domination romaine. Ce pape donna le
pallium à Augustin, avec ordre d'établir son
siège à Londres et d'instituer douze évêchés
qui dépendissent du métropolitain de Londres,
à qui on enverrait toujours de Rome le pallium.
Il lui ordonna en même temps d'envoyer un
évèque à Yorck ; et si Dieu bénissait son tra-
vail, d'y établir aussi une métropole et douze
évêchés qui en relevassent , promettant d'en-
voyer aussi le pallium au métropolitain d'Yorck,
qui devait relever d'Augustin sa vie durant ;
mais après sa mort le siège d'Y'orck ne devait
avoir aucune dépendance de celui de Londres.
«Usum tibi pallii concedimus, itautper loca
singula duocecim episcopos ordines, qui tuse
ditionisubjaceant; quatenus Londoniensis epi-
scopiis civitatis semper in posterum a synodo
propria debeat consecrari, ahpie honoris pal-
lium ab bac apostolica Sede percipiat. Ad Ebo-
racum vero civitatrm te volumus episcopuin
mittere, ut ipse quoque duodecim episcopos
ordinet, ut metropolitani honore perfruatur,
(juia ei quoque ])allium tribuere proponimus,
quem tamen tuœ fraternitalis volumus disj)0si-
tioni subjacere. Post obitum vero tuum ita
episcopis, quos ordinaverit, prœsit, ut Londo-
niensis episcojii nullo modo ditioni subjaceat.
Sit vero inter Londonîœ, et Eboracœ civitatis
ei)iscopos in posterum honoris ista distinctio,
ut i]ise prior habeatur, qui prius fuerit ordina-
tus (L. vu, epist. xv). »
Vil. Ces paroles nous fournisseni la matière
de plusieurs remarques. Car voilà une prima-
lie de la ]iremière espèce, mais personnelle-
ment accordée à Augustin, non pas à son siège
ni à ses successeurs, à cause de son apostolat
dans l'Angleterre, qu'il .soutint de toute la
science et de toute la sainteté que demande cet
excellent et divin ministère. « Fraternitas tua
omnes Britanniœ sacerdotes habeat subjectos.
DES PRIMATS EN FRANCE. EN ALLEMAGNE ET EN ANCLETERRE.
ICO
quatemis e\ vita et lingua tu;e sanctitatis, et
recte crerlendi, et bcnc vivendi formam perci-
piant (Ibidem). » 2° Voilà deux primaties éta-
blies après la mort d'Auj;iistin. à Londres et à
Yorek, dont les métropolitains seront indépen-
dants l'un de l'autre, et pour les séances
d'honneur, l'antiquité seule réglera leurs
rangs. 3° Voilà le pallium envoyé comme une
marque de cette primatie ou indépendance,
que les f.recs appelaient àjTMS'jct/:?. telle que les
historiens et les conciles l'ont quelquefois at-
tribuée à l'île de Chypre. i° Voilà les raisons
justes et saintes de donner la supériorité à
quelques métropolitains sur les autres, quand
l'un est le père des autres, parce qu'il est l'a-
pôtre et le fondateur des Eglises de toute une
nation , comme Rémi parmi les Français, Au-
gustin en Angleterre, Boniface en Allemagne.
5° Voilà l'égalité que les souverains pontifes
tâchent de conserver entre les métropolitains
et la liberté qu'ils maintiennent autant qu'il
leur est possible dans toutes les Eglises; en
n'accordant que les primaties temporelles et
personnelles, lorsque le besoin des Eglises n'en
demande pas d'autres. C'est ainsi qu'après la
mort d'Augustin saint Grégoire remet en li-
berté le métropolitain d'Yorck, et après la
mort de Boniface, Zacharie rend leur an-
cienne exemption aux métropolitains de la
France. (i° Voilà assez de fondement pour
croire que si les papes ont donné des vicariats
perpétuels aux métropolitains de Thessalo-
nique, de Justinienne. d'Arles, de Séville, de
Tolède, de Mayence, c'a été pour des raisons
tirées de l'intérêt propre de ces Eglises, et que
ce n'était nullement leur dessein d'imposer un
nouveau joug aux Eglises ou aux métropoli-
tains, quoiqu'ils commençassent à ne plus
pouvoir ni assembler leur concile, ni ordonner
leurs suCfragants, ni recevoir d'eux la consé-
cration sans l'aveu du vicaire apostolique,
lequel auparavant ne leur était pas néces-
saire.
L'empereur Justinien n'eût pas demandé ce
vicariat perpétuel au pape pour sa nouvelle
Justinienne ; ni le roi Cindesiunthe pour To-
lède, ni les rois de France pour Arles ; ni les
rois Goths ou Lombards n'eussent pas fait
quelque chose de semblable en faveur d'Aqui-
lée, ni les princes Carloman et Pépin pour
Mayence, s'ils eussent pensé que tout cela ne
tendait qu'à établir plus fortement chez eux la
domination du pape , et mettre un joug nou-
veau sur la tête de leurs prélats aux déjieus
de leur ancienne lilu^rlé. Us jugeaient au con-
traire que c'était un nouvel éclat ajouté à leurs
Eglises, dont la gloire rejaillissait même sur
leur Etat : et que la liberté de leurs prélats et
de leurs Eglises serait d'autant plus grande et
d'autant mieux établie que presipie toutes
leurs grandes affaires se termineraient chez
eux par eux-mêmes; c'est-à-dire par leur
propre exarque ou j)atriarche , puisque ces
noms reviennent à celui de primat. Car qui
peut douter qu'un concile national ne soit un
invincible appui poursoutenirleslibertésdune
nation ? Or c'est le premier droit du primat de
l'assembler, et d'y terminer tout ce qui se peut
décider sans aller à Rome.
VIll. Mais il est juste de croire que l'amour
que les papes et les souverains ont eu pour la
conservation ou pour le rétablissement de la
discipline ecclésiastique, ou pour la propaga-
tion de la religion chrétienne, a été le plus or-
dinaire et le plus puissant motif qui les a portés
à instituer ces primats. La religion avait été en-
veloppée dans les ruines de l'Etat, lorsque
Boniface vint la rétablir en France et en Alle-
magne. Elle avait été presqu'anéantie en Angle-
terre quand Augustin y fut envoyé. Les
nations barbares et les Ariens l'avaient réduite
fort à l'étroit dans l'Espagne quand les papes y
créèrent des vicaires apostoliques ; surtout
quand saint Grégoire releva de cette dignité
saint Léandre, évêque de Séville, qui fitrentrer
Récarède, roi d'Espagne, et tous les Visigoths
dans l'unité catbolii[ue, comme saint Rémi,
apôtre des Français dans les Gaules , avait
été un siècle auparavant honoré du même
pouvoir. Saint Léon pape a montré assez claire-
ment, que rillyrique étant aussi éloigné de
Rome qu'il était, il était nécessaire d'y tenir
un légat ou un vicaire du Siège romain.
1\. Au reste, Augustin au lieu de Londres,
établit son séjour et le siège de sa primatie à
Cantorbéry, parce qu'il y trouva une ancienne
église du Sauveur, bâtie par les anciens chré-
tiens romains ou bretons. Le pape Honoré, imi-
tantses prédécesseurs, continua d'envoyer deux
palliums aux évêquesde Cantorbéry et d'Yorck,
les conservant toujours dans cette juste égahté,
que celui qui survivrait à l'autre lui ordonnât
un successeur, sans qu'il fût besoin de recourir
à Rome. « Is qui superest , consors ejusdem
gradus, habeat potestatem alterum ordinandi
in locum ejus qui transierat, sacerdotem, ne
m
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-DEUXIÈME.
sit necesse pro ordinaudo archiepisco|ioadKo-
nianaiii iisqiiu civitatein fatigari, i>er tam pro-
li\a ierrarumet maris spatia (Beda 1. i, c. 33.
1. 11, c. 17-18, etc). »
CHAPITRE TRENTE-DEUXIÈME.
REMARQUES GENERALES SLR LES PRIMATS OL VICAIRES APOSTOLIQUES ET LEURS POUVOIRS.
I. Plusieurs preuves que la priiniitie n'a point été attachée à
la première de ces provinces qui portaient le même nom.
II. Charlemagiie défend aux métropolitains île prendre le nom
de primat.
III. Divers pouvoirs des primats.
IV. L'autorité séculière concourait avec la sacerdotale pour
leur institution.
V. Cette bonne intelligence plus propre à terminer les diffé-
rends que les contestations pointilleuses.
1. 11 est nécessaire de faire ici quelques re-
manjues générales sur les primats, et nous
opposer d'abord à la fausse imagination de
ceux (|ui ont pensé que lorsqu'il y avait iilii-
sienrs [Jiovinces de même nom, le métroi)oli-
tain delà première avait une autorité d'exarque
ou de primat sur les autres. 1. Comme ce par-
tage de provinces se faisait ordinairement parles
empereurs dans le gouvernement civil, auquel
la police de l'Eglise s'accommodait le plus sou-
vent, la première preuve qui se présente, et
qui pourrait suffire quand elle serait seule, est
que le partage étant fait entre deux métropoles
civiles, l'une n'avait aucun droit sur l'autre;
donc les métropoles ecclésiasti(jiies ne dépen-
daient aussi nullement l'une de l'autre. L'em-
pereur Tliéodose le déclara ainsi, lorsque la
PLéuicie fut divisée en deux; et il ne voulut
pas que la nouvelle métropole, Réryth, relevât
de Tyr, qui était l'ancienne. « Utraque dignitate
simili perfruatur (Cod. I. ii, 1. un. de Metrop.
Beryto). »
2. Durant les quatre premiers siècles, tous
1(!S métro])olitains de France ont joui d'une
niéuKîet égale puissance; et il n'y a rien de si
ordinaire dans les conciles et les lettres des
papes de ce temps-là que le renouvellement
de ce décret que tous les mélro|)olitains jouis-
sent librement de leurs avantages; ([u'aucun
d'eux n'entreprît rien sur les autres ; (jue cha-
cun d'eux gouvernât sa province avec son con-
cile provincial , conformément aux canons
apostoliques et aux canons du concile de Nicée.
Si Patrucle, si saint Hilaire d'Arles ont fait
quelques entreprises sur les provinces de leurs
confrères en France, nous avons vu comment
les souverains pontifes ont fait éclater leur zèle
et leur autorité pour les resserrer dans leurs
bornes légitimes, et maintenir tous les évèques
dans l'égalité et la liberté catholiques.
3. Il n'y a eu que les évèques d'Ephèse en
Asie, de Césarée en Cappadoce , d'IIéraclée en
Tlirace, qui ont pris occasion de s'ériger en
exanjues, de ce que leur ville et leur province
était la première d'un grand diocèse civil, com-
posé de plusieurs pro\inces. Mais comme ce
fondement d'une nouvelle dignité n'était pas
ferme, ni conforme à la pureté des lois de
l'Eglise, aussi il n'a pas été de durée et ces
trois petits patriarchats furent bientôt absorbés
dans celui de Constantinople , avec la même
cause ou le même prétexte de bienséance (jue
Constantinople était devenue la capitale de
l'empire.
4. Tous les autres exarchats ou patriarcats
ont eu des fondements jtlus solides, ou sur la
succession particulière de saint Pierre, comme
lioine, Alexandrie et Anlioche ; ou sur le des-
sein de le renouveler, et pour le dire ainsi, de
ressusciter le trône apostoliciue de saint Jacques
et de l'ancienne Jérusalem dans la nouvelle
.Elia; ou sur la nouvelle et inévitable nécessité
de complaire aux empereurs, en accordant un
nouvel éclat au prélat de la ville impériale, et
à celui de la nouvelle Justiniennesa ])atrie ; ou
pour opposer une forte digue aux inondations
des nations étrangères qui renversaient en
même temps et la domination et la religion ro-
REMARQUES GÉNÉRALES S!'R LES PRIMATS.
171
maines; car c'est en cette sorte que les primats
(l'Arles ont défemla l'Etrlisc entre les lioiir^mi-
j,Mi(ins et les Gotlis; ceux de Reims entre les
Français ; ceux de Mayence entre les Allemands ;
ceux de Cantorbéry entre les Anglais et les
Saxons ; ceux de Séville et de Tarragone entre
les Goths, les Alains et les Vandales. Car on
n'établit de ces difTcrcntes sortes de primats
dans rOccident que dans les temps que ces
nations nouvelles se répandirent dans la chré-
tienté, dans le dessein d'y ruiner la religion
avec l'empire ; mais dans l'ordre admirable de
la providence toute-puissante de Dieu , qui
voulait les perdre heureusement elles-mêmes
dans sa sainte religion, et établir par leur
moyen de nouveaux empires qui fussent autant
d'invincibles remparts de son Eglise.
5. Toutes les primaties que les papes ont éri-
gées par les vicariats apostoliques dans l'Occi-
dent n'ont pas été placées dans les premières
de ces provinces de même dénomination ; Lyon,
Rourges, Trêves, Cologne, Londres auraient
mérité cet honneur, sioneùt choisi la première
Lyonnaise, la première Aquitanique, la première
Relgique, la première Germanique, et la capi-
tale d'Angleterre ; mais nous avons montré au
contraire que les vicariats du pape ont été
assignés à d'autres villes.
6. Le pape saint Grégoire nous fait connaître
dans ses lettres le primat de Corinthe, à qui il
envoie le pallium, avec la présidence sur le
Péloponèse, dont il était métropolitain ; et sur
l'Hellade, dont Athènes était la métropole, (jui
fut depuis divisée en deux. Ce pape dit ([u'il
ne fait que suivre l'ancienne coutume. « Dum
hoc sibi et antiquœ consuetudinis ordo defen-
dat ( L. IV, ep. lv, lvi). » Ce primat, qui nous
était presque échappé, fait encore bien voir que
les primaties n'ont pas été données à la province
qui donnait son nom aux autres.
7. Le même saint Grégoire ayant établi deux
provinces et deux métroiioles ecclésiastiques
dans l'Angleterre, il les rendit mutuellement
indépendantes l'une de l'autre, pour se confor-
mer aux lois de l'Eglise, dontce pa[ie était très-
rigoureux observateur. Enfln, Hincmar nous
enseigne que quoique Trêves fût la capitale de
la première Relgicjue, et Reims de la seconde,
c'avait été néanmoins une coutume inviolable,
que celui qui était ordonné le premier tenait
le premier rang entre ces deux métropolitains.
« Ecclesiœ Remensis et Trevensis, comprovin-
ciales atque sorores, ex autoritate et ex anti-
qua ccmsnetndiiif liabenlur : ea conditione ut
qui prior eoinm fueril cpiscopus o['dinatns,
priori'tiani habeatur in s\nodo, et sibi nuituo
consilio et auxilio foveautur, atque fulcianlur
(Flodoart, 1. m, c. 13 et -20;. »
Cette disposition dont parle Hincmar, qui
faisait une si sainte confédération entre ces
deux provinces par leur union dans un même
concile, est fort semblable à celle que le pape
saint Grégoire voulut établir dans r.\ogleterre,
et à celle qui était en usage dans les premiei-s
siècles de l'Eglise, où plusieurs métropolitains
s'assemblaient et composaient des synodes ,
selon que les besoins de l'Eglise et les lois de
la charité fraternelle les y portaient.
II. Au reste, afin que la qualité de primat ne
fût plus usuri)ée par d'autres que par ceux qui
en avaient un droit certain fondé sur la déléga-
tion du pape et sur l'agrément des évêques de
la nation , et que les métropolitains ne préten-
dissent plus user de ce titre, sous le prétexte
spécieux que tous les métropolitains en avaient
autrefois usé , il fallut que Charlemagne en fit
une constitution. Elle se lit dans les Capitu-
laires, et la justice en est fondée sur ce que la
police nouvelle de l'Eglise avait changé la si-
gnification de ce mot, et le nom de primat était
consacré aux vicaires du Siège apostoliquedans
l'Occident. « Ne alii metropolilani appellentur
primates, nisi illi qui primas sedes tenent , et
quos sancti Patres synodali et apostolica auto-
ritate primates esse decreverunt. Reliqui vero
qui alias metropolitanas sedes sunt adepti non
primates, sed metropolilani vocentur i^ L. vu ,
c. 336,. »
III. Quant aux pouvoirs des primats dans
l'étendue de leur ressort, nous les avons assez
fait connaître en diverses rencontres. Le pape
Léon les a presque tous rassemblés dans sa
lettre a .Vnastase, évéque de Thessalonique
lEpist. Lxxxvi, c. 0).
Car il lui apprend que c'est à lui. 1' A confir-
mer les évêques et les métropolitains élus
avant qu'on puisse les ordonner. 2" A terminer
les différends qui n'auront pu être décidés dans
les conciles provinciaux. 3" A convoquer le
concile national de toute sa primatie. 4° A veil-
ler sur toutes les Eglises de leur déparlement,
et V faire exactement observer la sainteté de la
discipline ecclésiastique, avec ordre d'informer
le pape des désordres auxquels ils ne pourront
pas remédier. 5° Enfin c'était aux primats à
donner des lettres formées, ou des lettres de
172
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TREiNTE-DEUXIÈME.
communion aux métropolitains, aux évèques
et aux autres ecclésiastiques qui sortaient de
leurs pays, et s'absentaient de leurs Eglises.
IV. Il ne nous reste plus qu'un point à éclair-
cir sur le sujet des primats ou vicaires apostoli-
ques, c'est le consentement des princes et des
évèques de la nation. Charlemagne vient de
nous dire que les primats sont établis par l'au-
torité des synodes et du pape. « Synodali et
Apostolica autoritate. » Voilà le consentement
des évèques du pays. L'empereur Justinien
obtint lui-même des papes la primatie de la
première Justinienue. Ce furent apparemment
les rois deLombardie qui appuyèrent le primat
ou le patriarche d'Aquilée.
Nous avons dit que Contran étant roi ou tu-
teur des rois ses neveux dans toute la France,
commença apparemment à autoriser la qualité
de patriarche, donnée à l'évêque de Lyon. Le
pallium qui était la marque de cette primatie,
ne fut longtemps donnée par le pape aux évè-
ques, que du consentement des empereurs, et
à la demande des rois. Le pape Pelage, qui
donna la primatie à Arles dans tout le royaume
de Childebert , était sans doute d'intelligence
avec ce roi. Aussi ce ne fut qu'à sa demande
qu'il envoya le pallium avec son vicariat à cet
évêque : « Litteras nostras pra?fato Consacerdoti
nostro Sapaudo, secundum petitionem vestram
direximus, usum pallii pariter concedentes
(Pelag. ep. vu). »
C'est ce que Pelage en écrivit au roi Childe-
bert. Carloman, duc et prince des Français,
établit le légat du pape Boniface dans ses pou-
voirs d'archevêque, avec le concile de Liptines
tenu en 743 : « Per concilium sacerdotum reli-
giosorum et optimatum meorum ordinavimus
per civitates episcopos, et constituimus super
eos archiepiscopum Bonifacium (Con. Lipt.
Can. i). »
.1 .'>
Le pape Zacharie écrivit aux évèques de
France et d'Allemagne touchant le vicariat
qu'il donnait à Boniface pour les fortifier, et
pour travailler avec eux. « Habetis itaque no-
stra vice, ad confirmandam dilectionem ve-
stram, et coUaborandum vobis in Evangelio
Cbristi, Bonifacium archiepiscopum, aposto-
licae Sedis legatum, et nostrum praesentantem
vicem (Conc. Cal. tom. i, p. 349) .» Le pape saint
Grégoire écrivit plusieurs lettres aux rois d'An-
gleterre lorsqu'il y envoya Augustin pour y
rétablir les Eglises. Nous avons montré que ce
fut à la demande du roi Cindesiunthe que le
pape transféra la primatie de Séville à Tolède.
V. 11 est inutile de disputer sur les bornes
du pouvoir, ou des princes ou des papes, ou
des évèques à la rigueur. Ces questions sont
ordinairement aussi bien sans fruit que sans
fin. Il vaut mieux s'arrêter à ce qui s'est fait
avec la satisfaction et lutilitè publique qu'à
ce qui peut se faire : et aux règles de la charité
qui anime tout le corps de l'Eglise qu'aux
prétentions ou ambitieuses ou suspectes, et
contestées de ceux qui dans le gouvernement
sacré ou politique ne recherchent qu'une
fausse gloire et une fausse satisfaction ; parce
qu'elle est détachée du bien public. L'autorité
et les bonnes intentions de ceux qui gouver-
nent l'Eglise demeurent sans effet, si elles ne
sont secondées par les souverains du monde :
et les ordonnances des souverains pasteurs,
quelque justes et saintes qu'elles puissent être,
n'ont pas eu le succès qn'on en devait attendre,
si elles n'ont été ou faites ou reçues avec la
bonne intelligence et la correspondance des
évèques des royaumes particuliers où elles
étaient destinées. Il est donc nécessaire que ces
trois puissances concourent, pour faire heu-
reusement réussir ces entreprises, où elles ont
toutes trois si grande part.
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i.Hij
DES PRIMATS SOUS CHARLEMAGNE.
173
CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
DES PRIMATS OU EX.\RQIES DAKS L OCCIDENT ET DA>'S L ORIENT SOUS L EMPIRE DE CHARLEMAGNE
ET SES SUCCESSEURS.
I. Les primats de l'Occident n'ont été que des vicaires du
Saint-Siège. Depuis le renversement delà primalie d'Arles, saint
Boniface a été le premier honoré de cette dignité qui fut per-
sonnelle.
II. Drogon, archevêque de Metz , et fils de Charlemagne , en
fut honoré par le pape Serge II. Les évèques de France résis-
tèrent vigoureusement à cette nouveauté. Drogou fit admirer sa
modestie en cédant.
III. Anségise , archevêque de Sens, fut honoré du même vi-
cariat apostolique par le pape Jean VIU. Les évèques de France
résistèrent coustamment aux instances du pape et à celles de
l'empereur.
IV. La primalie d'Anségise n'était que personnelle. Diverses
preuves de cela.
V. Du vicariat accordé par le même pape Jean VIII k Ros-
taing, archevêque d'Arles.
VI. Si l'archevêque de Lyon ne se disait point aussi primat.
VII. Capitulaire de Charlemagne qui défend aux simples mé-
tropolitains de s'appeler primats.
VIII. Hinc.mar appelle primats tons les métropolitains, qui re-
lèvent immédiatement du pape. Difficultés contre ce sentiment.
IX. L'archevêque Tilpin de Reims ne fut qu'un simple métro-
politain.
X. Du primat de Cantorbéry.
XI. De celui de Tolède.
XII. Bourges a été la seule primatie véritable sous la race de
Charlemagne.
XIII. Si l'évêque de Pavie a été primat.
XIV. Dans l'Orient toutes les primaties furent aussi purement
titulaires sans exercice de juridiction. ,
1. Les primats ou exarques sont les mêmes
que les patriarches, comme il vient de paraître
par I'e.\emple du patriarche, c'est-à-dire du
primat de Bourges, qui ne prit le titre extraor-
dinaire de patriarche que parce qu'il fut le
primat de tout un royaume. Les capitales des
royaumes d'Orient et d'Egypte , Antioche et
Alexandrie, pour ne pas parler de Rome et de
Coiistantinople, furent aussi les sièges des an-
ciens patriarches.
Mais ces primaties occidentales n'ont été ef-
fectivement que des commissions personnelles
ou perpétuelles, et des vicariats du Siège apos-
tolique, qui est le seul patriarcat de tout l'Oc-
cident. Aussi Honiface, archevêque de Mayence,
après avoir exercé une semblable primatie
l'espace de trente-six ans, ne se donne que la
qualité de légat, écrivant au pape Etienne IL
« Si quid in ista legatione Romana, qua
per XXX et vi annos fungebar, utililatis peregi,
adhuc augere desidero (Tom. ii. conc. Gai.
pag. 7, 74, 73). »
Le pape Adrien I" lui donne la même qua-
lité écrivant à Tilpin, archevèr|ue de Reims.
Mayence était assurément métropole , puis-
qu'elle était chef de la première Germanique ;
et quand Othcn, qui a écrit la vie de saint Boni-
face, semble le nier, il entend seulement parler
de ce temps funeste qui avait presqu'anéanti
toutes les métropoles de la France, comme le
même saint Boniface nous a appris ailleurs.
Ce que nous allons rapporter fera voir assez
clairement que cette dignité primatiale de
Mayence sur Cologne et sur les autres mé-
tropoles d'Allemagne , n'a point passé aux suc-
cesseurs de saint Boniface.
IL Après la mort de saint Boniface (An-
no 844), le premier qui fut honoré du vicariat
apostolique fut Drogon, évèque ou archevêque
de Metz. Car étant oncle de l'empereur Lo-
thaire, et étant allé à Rome par ses ordres, le
pape Serge II crut obliger toute la maison
royale en conférant à ce prince cette légation
sur les Gaules et sur l'Allemagne. Hincmar ne
peut s'empêcher de témoigner sa joie de ce
que durant quatre-vingt-dix ans, qui s'écou-
lèrent entre la mort de saint Boniface et la
nomination du légat Drogon, les métropoli-
tains de France n'avaient relevé d'aucun pri-
mat et avaient gouverné leurs Eglises dans la
seule indépendance du pape et des rois : « Ila-
ctenus provinciae Cisalpina3, temporibus Pipiui
régis et Caroli, ac Ludovici imperatorum, sine
hoc primicerio vel primate a Sede apostolica
delegato, annos circiter nonaginta viginli très
manserunt , metropolitanis singulis suo jure
servato , apostolicse Sedis favore et principum
suorum dispositione (Hincm. tom. i, p. 727).»
Ce courageux prélat après avoir bKàmé l'am-
bition de Drogon, « Fastu regiœ prosapia» sub-
vectus, » nous apprend après cela à admirer la
17i DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
sagesse et la modestie avec laquelle il céda à la
résistance que les métropolitains de France
firent à une dignité qui ne s'élevait qu'en les
rabaissant. « Quod affectu ambiit eifeciu non
lialiuit ; et quod efficacia^usu, nonconsentienti-
bus, (|uibus intererat, obtinere non potuit, pa-
lienlissime, ut eiun decuit,toleravit; ne scanda-
lum fratribus et consacerdotibus generans, schi-
sma in sanctam Ecclesiani introduceret. Quem
tantœ generositalis ac dignitalis virum, quis-
(|ue noslrum imitari debuerat, ne indebite
appeteret, quod non babebat, qui sine conten-
tione non exequi pertulit, quod adeptusfuerat.»
Le pape Serge, dans sa lettre aux évêques de
France, pour l'établissement de cette nouvelle
dignité, avait fait briller à leurs yeux la iiualilé
de flls de Charlemagne , de frère et oncle de
tant d'empereurs et de rois, sans oublier la
sainteté de vie et l'érudition de Drogou. Mais
on peut dire avec vérité que Drogon s'éleva au-
dessus même de tous ces éloges, et au-dessus
même de cette dignité par le mépris qu'il en
fit, en cédant si modestement à une opposition
qu'il eût apparemment bien pu vaincre, étant
soutenu de l'autorité du pape, de l'empereur
et des rois.
Le Concile II de Yernon célébré en 8ii élu-
da d'abord la proposition qu'on lui fit de cette
nouveauté, en confessant que Drogon avait
tout le mérite nécessaire, mais qu'on ne pou-
vait rien résoudre sans une assemblée plus
nombreuse des métropolitains de France et
d'Allemagne, que celte atlaire intéressait :
H Expectandum, quam maximus cogi potest,
Galliic Germanique conventum, et in eo metro-
politanoruui reliquorumciue antistilum inqui-
rendum esse consensum, cui resistere nec
volumus, nec valemus (Can. i). »
Ainsi de part et d'autre on garda toutes les
mesures respectueuses de la civilité et de la
modestie. Drogon se contenta d'avoir une fois
présidé au concile de Metz, et de jouir du pal-
lium <|ue Louis le Débonnaire lui avait obtenu
de Rome, avec les titres d'A])ocrisiairedu pape
et d'arcbichapelain de l'empereur. « Ut una
cuni pnndicto ministerio et imperatoris, et
apostolicœ Sedis, etiam usu pallii poliretur. »
C'est peut-être pour cela qu'il est si souvent
appelé arcbevèque de Metz, quoicjue Metz n'ait
jamais été (ju'un évêclié.
m. Peu d'années après l'empereur Charles
le Chauve paiaissaut lui-même au concile de
Ponlion, tenu eu 870, eu qualité de légat du
pape, avec les autres légats envoyés de Rome,
présenta à ce concile une lettre du pajjc
Jean VIII, par laquelle il donnait la légation ou
le vicariat apostolique sur les Gaules et sur
l'Allemagne au delà du Rhin, à Anségise , ar-
chevêque de Sens. Ce prélat avait peu aupa-
ravant fait le voyage de Rome, où par son
adresse et par ses secrètes négociations il avait
procuré l'empire à Charles le Chauve.
Les pouvoirs de cette primatie consistaient
à assembler des conciles, à y terminer les plus
importantes affaires, faire savoir aux autres
évêques les décrets et les résolutions du Siège
apostolique ; enfin à informer le pape de ce
qui se passe de plus considérable dans les Eglises
de sa légation. « Ut quoties ecclesiastica utilitas
diclaverit, sive in evocanda synodo , sive in
aliis negotiis exercendis, per Gallias et Germa-
nias apostolica vice fruatur, et décréta Sedis
apostolicae per ipsum episcopis manifesta effl-
ciantur; etrursum quœgestafuerint, ejusrela-
tione si necesse fuerit apostolicœ Sedi pandan-
tur, et majora negotia ac dilficiliora quœque
suggestione ipsiusasede apostolica disponenda
et enucleauda quœrantur. »
Les évoques ne purent obtenir de l'empe-
reur qu'il leur laissât lire la lettre du pape
(jui leur était adressée sur ce sujet. Aus^i l'em-
pereur ne juit tirer d'eux autre réponse, si ce
n'est qu'ils obéiraient aux commandements du
pape, sauf les privilèges de leurs métropoles,
conformément aux canons et aux décrets du
Saint-Siège , conformes aux mêmes canons :
a Ut servato singulis metropolitanis jure pri-
vilegii, secundum sacros canoncs, et juxta dé-
créta Ronianœ sedis pontificuni ex eisdem
sacris canonibus promulgata, domni Joannis
papœ apostolicis jussionibus obedirent. »
L'emiiereur fit tous ses efforts pour tirer de
leur bouche une promesse d'obéir absolument
à la volonté du pape; il leur déclara que le
pape l'avait chargé lui-même de la légation du
Saint-Siège dans le concile : « Tune imperator
dixit quod domnus A|)()sloliciis ei vices suas
commisit in synodo. » Mais après tout cela ,
les métropolitains ne relâchèrent rien de leur
invincible fermeté. L'em[)ereur fit mettre vm
siège pliant au-dessus de tous les évêques, et
y fit asseoir Anségise. Mais le généreux Hinc-
mar, archevèijue de Reims, protesta à haute
voix (jue c'était une injure qu'on faisait aux
canons : « Hoc factum sacris regulis obviare. »
11 n'y eut que Frotarius, archevêque de Bor-
DES TRIMATS SdlS CIIARLEMAGNE.
ilcaux, qui promit d'obéir à reiiipureur, par
la faveur duquel il avait passé de l'Eglise de
Bordeaux à celle de Poitiers, et de celle de Poi-
tiers à celle de Bourges.
L'empereur persistant dans sa résolution fit
proposer la même chose dans une autre ses-
sion par le légat Jean , évoque de Toscanelle ,
et par les autres légats du pape, qui lurent sa
lettre ; mais nos évècjues réyiondirent avec la
même constance , qu'ils rendraient au jiape
l'obéissance canonique que leurs prédécesseurs
avaient rendue à ses prédécesseurs : et comme
l'empereur n'était pas présent, cette réponse
fut reçue plus civilement. « Et respondenti-
bus singulis arcliiepiscopis . quod veluti sui
antecessores illius anlecessoribus regulariter
obedierunt, ita ejus decretis vellent obedire :
tune facilius est illorum admissa responsio,
quam fuerat in imperatoris prœsentia. »
Enfin l'empereur et les légats du pape firent
une dernière tentative avec plus de force, et
avec des plaintes concertées contre la dureté
et la désobéissance de nos évèques; mais Ansé-
gise ne se trouva pas plus avancé à la fin qu'au
commencement de son ambitieuse poursuite.
«Tandem in novissimo. quantum etinprincipio
synodi exinde Ansegisus oblinuit. a
Il se trouve néanmoins à la fin des actes de ce
concile une acceptation faite par les évèques
de la primatie d'Anségise. Mais comme il n'y
est point remarqué quels étaient ces évèques,
il y a toutes les apparences du monde que ce
fut cet acte secret des légats dAnségise et
d'Odon, évèque de Beauvais, qu'ils avaient ga-
gnés, dont il est parlé ensuite des termesprécé-
dents : « Post quœ legit Odo Belgivacorum epi-
scopus qusedam capitula ; a legatis apostolicis,
et ab Ansegiso, et eodem Odone sine conscien-
tia synodi inter se dissona, et nuUam utilita-
tem habentia; verum et ratione et utilitate
carentia. Et ideo hic non habentur subjuncta.
(L. y, c. 33). «C'est peut-être pour cela que cet
acte est mis à la fin, comme une pièce hors
d'oeuvre. Aussi il a été omis par Aimon, qui
rapporte fidèlement les décrets de ce concile.
IV. Il y en a néanmoins qui croient que cet
acte même ne donnait qu'une légation person-
nelle à Anségise, et non pas une primatie cons-
tante, qui [lassàt h ses successeurs. En effet, il
n'y est point parlé de ses successeurs, ni de son
siège, mais de sa seule jiersonne. Et la lettre
du pape même, qui accordait à Anségise cette
dignité extraordinaire, déclare formellement
ijuc c'est la récompense du mérite personnel,
de la sagesse, de la piété, et de la fidélité d'Au-
ségise envers le Saint-Siège. « Talem quippe
illuin agnovimus, talem<jue circa Sedem apo-
tolicam devotum et in commisso fidelem repe-
riinus, ut merito ei falia connnitti posse duca-
mus; quin et bis majora conferri debere illi
sine cunctatione credamus, pro sua scilicct
sanctitate et fidei merito, atque divinitus sa-
pientiiïï dono concesso. » Comme ces raisons et
ces avantages n'avaient nul ra[)port au siège et
à l'Eglise d'Anségise, aussi il faut confesser de
bonne foi que la dignité dont il était récompensé,
était uniquement affectée à sa personne.
On pourrait même douter si Anségise ne fut
pas assez malheureux pour perdre en même
temps l'affection et l'estime de ce pape, qui se
plaignit au même empereur de son peu de fi-
délité 'E[)ist. xvii). Au moins il est certiiin
que le même pape Jean VIII ayant tenu le con-
cile II de Troyes deux ans après, Hincmar y
parut et y souscrivit avant Anségise. Le pape
Jean écrivant la même année à cinq archevê-
ques de France, mit Anségise après Hincmar
(Anno 878. Marca de Primatu Lugdun. pag.
143). Flodoard dit que Hincmar résista effica-
cement aux entreprises d'Anségise. « Cui cona-
tui hic venerabilis pra?sul efficaciter obstitit
(L. m. c. f28. Flodoar. Hist. Bemens.) . »
Nous justifierons encore plus clairement que
la primatie d'Anségise était purement person-
nelle, et que ses successeurs n'y eurent aucune
part, en faisant voir une grâce pareille accor-
dée plus de cent ans après à un de ses succes-
seurs, mais accordée comme une grâce toute
nouvelle, à laquelle ni la succession d'Anségise
ni le siège métropolitain de Sens ne lui donnait
aucun droit. Séguin, archevêque de Sens, pré-
sida au concile de Reims en l'an 99-2 comme
légat du pape Jean XV. Arnoul, archevêque de
Reims, y fut déposé malgré les oppositions de
Séguin, légat et président.
Trois ans après (Anno 993) les légats du
pape se plaignant de l'attentat qu'on avait fait
contre les droits du Siège apostolique, en dépo-
sant un évèque sans son aveu, les évèques de
France défendirent leurinnocence, en disantque
Séguin avait présidé à leur concile, comme
ayant renouvelé la légation et le vicariat apos-
tolique dont il avait été investi par le pape
Jean, et dont il exerçait encore les fonctions du
gré de tous les évèques de France. « Certe Se-
guinus venerabilis vita' Seuoneusium archie-
176
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
piscopus, Dominipapa' Joannis vices per Gallias
sibi créditas innovavit, et ita a latere apostoli-
cum decreto privilegii veniens, ejus \ices
usque ad pru'sens , oniiiiuni episcoporum Calliae
consensu proseculus est. In hujus ergo prœ-
sentia Arnulphus se ipsuni sacerdotio exuit. »
Ces paroles montrent clairement (jue le pri-
vilège d'Anségise était absolument éteint avec
sa personne, et que Séguin le renouvela com-
me une nouvelle grâce du pape, non pas comme
la continuation d'une ancienne faveur.
La cbronique d'Auxerre dit que Léotlieric,
successeur de Séguin, obtint aussi la légation
apostoliiiue avec le pallium. En cela elle est a
croire, mais non pas quand elle dit que les ré-
sistances de Hincmar à Anségise furent vaines.
Le moine de Sens Odorant n'est i)as plus à
ci'oire, quand par une partialité toute visible il
fait d'Anségise un secotid pape dans la France,
et fait passer à ses successeurs cette primatie.
Les preuves que nous avons apportées du
contraire sont sans comparaison d'un plus
grand poids. Et la falsification d'Odorant est évi-
dente, quand il ajoute à l'extrait de la lettre du
pape Jean VIII que cette primatie passera aux
successeurs d'Anségise, de quoi la lettre ne dit
pas un seul mot.
V. Les aventures d'Anségise nous font pres-
que douter des lettres du même pape Jean
VIII à l'archevêque d'Arles Rostaing, et aux
évêques des Gaules pour établir, ou plutôt pour
continuer l'ancienne primatie d'Arles (Epist.
xciu, xciv, xcv). Voici les termes delà lettre de
ce pape à l'archevêque : « Uuod juxta antiquum
morem usum [)allii ac vices Sedis apostolicœ
postulasti, et quia cunctis liquet unde in Gal-
liarum regionibus fides sancta prodierit, cum
priscam consuetudinem Sedis apostolicœ vestra
fraternitas repetit, quid aliud quam bona so-
boles ad sinuni matris recurrit? Libenti ergo
aninio postulata concedimus, etc. » (Toni. ui.
Conc. Gai. I. p. 466).
Est-il vraisemblable que ce pape ait voulu
établir en même temps deux primaties incom-
patibles à Sens et à Arles, puisqu'elles embras-
sent également toute la France ? Le succès peu
favorable de la primatie d'Anségise n'eût-il
pasété capable de tem[ièrer l'ardeur de ce pape,
et de le détourner de rien jamais entreprendre
de semblable? Et (juelle apparence y a-til,
qu'ayant donné aux instantes prières de l'em-
pereur cette nouvelle dignité à .\nségise, il
l'ait lui-même aussitôt renversée, en établissant
deux ans après une autre primatie dans les
Gaules ?
Les évêques de France qui avaient si vigou-
reusement résisté à l'empereur, même en sa
présence, et au légat du pape, pour ne pas
souffrir le nouveau joug de la primatie d'Ansé-
gise, qui ne devait être que personnelle, de-
meurèrent-ils nuiets et insensibles à leur inté-
rêt, i]uand on établit celle de Rostaing, qui était
perpétuelle? Le pape vint tenir en France le
concile de Troyes en la même année (An. 878);
comment n'y eùt-il pas mis Rostaing en posses-
sion de ce bienfait? Et comment Rostaing eùt-il
souscrit à ce concile de Troyes, non-seulement
après Hincmar et Anségise, mais aussi après les
archevêques de Lyon et de Narbonne? Selon
ces lettres du pape Jean, ce n'eût été qu'une
continuation de l'ancien vicariat, si longtemps
possédé par les archevêques d'Arles. Or il ne se
peut rien dire de plus contraire à l'histoire. Car
nous avons montré ailleurs, que dans la déroute
de la maison royale de Clovis , l'Eglise de
France fut près de quatre-vingts ans sans arche-
vêques; que saint Boniface fut seul archevêque;
c'est-à-dire, seul vicaii'e apostolique jusqu'à
sa mort; qu'après sa mort jusqu'à la tenta-
tive qu'on fit pour Drogon , archevêque de
Metz, l'Eglise de France avait été gouvernée
l'espace de quatre-vingt-dix ans par ses seuls
métropolitains, sous l'autorité du pape , sans
primat et sans vicaire apostolique. Enfin, la
lettre du pape Nicolas I" àRoland, évêque d'Ar-
les, montre clairement que les évêques d'Arles
ne jouissaient d'aucune primatie [Xnno 364.
Epist Nicol. ad Roland. 10. in Appendic).
Ce n'était donc qu'un titre honoraire que les
archevêques d'Arles ont voulu se conserver, et
qu'Aurclien, archevêque d'Arles, se donnait en-
core dans un concile de Châlon, un peu avant
l'an 900. « Aurelianus primas totius Gallias.
(Anno 894. Conc. Gall. cm, pag. 3;j^.) »
VI. Je ne sais si celui de Lyon ne prétendait
point aussi au même titre de primat, longtemps
avant que Grégoire Vil liû en accordât le pri-
vilège effectif. Car longtemps avant le pontificat
de ce pape, saint Odilon, écrivant la vie de saint
JIayeul,abbé de Cluny, rend ce témoignage
honorable à l'Eglise de Lyon, qu'elle a toujours
été la plus considérée, et comme la capitale de
toutes les Eglises de France : «Deindeapud liane
urbein pbilosoplii;e niafrem atque nutricem^
et quie totius Gallia^ antique ex more et Eccle-
siastico jure non immerito retineret arcem
DES PRIMATS SOUS CHARLEMAGNE.
177
(Bibliot. Clun. pag-. 282). A quoi on peut ajou-
ter que le privilège même de (irégoire Vil
semble plutôt conlirmer rancienne primatie de
Lyon, (|ue d'en établir une nouvelle. « Confir-
mamus primatum super quatuor provincias
Lugdunensi Ecclesiœ tua; et per eam tibi tuis-
que successoribus. »
VII. C'est aussi peut-être ce qui donna lieu
à faire cette ordonnance, qui se lit dans les Ca-
pitulaires de Cliarlemngne, et qui défend aux
métropolitains de prendre la qualité de primats,
s'ils n'en ont reçu le titre et l'autorité par la
concession du Saint-Siège. et par leconsentement
d'un concile. « Nulli alii metropoiitani appel-
lentur primates, uisi illi, qui primas sedes
lenent, etquos sancti Patres, synodali et aposto-
lica autorilate primates esse decreverunt. Re-
liqui vero qui alias metropolitanas sedes sunt
adepti, non primates, sed metropoiitani vo-
centur (L. vu, c. 3i). »
VIII. En efïet, le subtil et savant Hincmar
avait donné une ouverture dont la plupart des
métropolitains de France pouvaient abuser
pour enfler leurs titres de la qualité de primat.
Car il en distingua de deux sortes, dont les uns
étaient primats, parce qu'ils recevaient les ap-
pels de plusieurs provinces et de plusieurs
métropolitains. Les autres n'avaient que leur
province, mais comme ils ne relevaient d'au-
cun autre primat que du pape, c'était une es-
pèce de primatie de ne relever d'aucun pri-
mat.
Voici la description de ces derniers, car les
premiers sont véritables primats, qu'on pour-
rait appeler les petits patriarches : « Quidam
arcbiepiscopi vel metropoiitani, primates pro-
vinciarum multotiesin sacris canonibus inve-
niuntur : illi videlicet (jui sine interrogatione
alterius primatis valent ordinari, et ex anti(iurc
consuetudinis legea Sede apostolica pallii soient
genio insigniri ; et sine consulta vel licentia
[irimatis alterius in sua provincia possunt epi-
scopos ordinare (Opusc. 55, ce. 10, 17). »
Il s'ensuit de là que tous les métropolitains
([ui relèvent immédiatement du pape peuvent
être appelés primats , quoiqu'ils n'exercent
aucune juridiction sur d'autres métropolitains.
« Claret eosdem metropolitanos primates esse
singulos singularimi provinciarum, ([ui ex an-
tiqua consuetudine et apostolica traditione, et
convocare synodos et ordinare episcopos , et
ordinari a provincialibus 'coepiscopis , sine
cujusquam alterius primatis interrogatione
Th. — Tome I.
possunt, et disponere regularilcr quanjuc per
suas provincias (jUBunt. »
Or il est manifeste que selon cette idée de
primatie, tous les métropolitains de France se
pouvaient appeler primats avant la création
du légat Boniface, et ils purent reprendre la
même (|ualité après la mort de saint Boniface.
Car nous avons appris ci-dessus du même
Hincmar, que quatre-vingt-dix ans s'étaient
passés depuis le martyre de saint Boniface
jusqu'à la tentative que fit Drogon pour se faire
reconnaître primat, sans (ju'il y eût aucun pri-
mat ou vicaire ai)ostolique en France ;Hincm.
tom. II, pag. 731,. Et puisque les efforts de
Drogon, d'Anségise et de Rostaing demeurèrent
inutiles, et que leur primatie ne fut jamais re-
connue, il s'ensuivrait que tous les arche-
vêques de France auraient pu être appelés pri-
mats au sens d'Hincmar.
11 est bien vrai que le terme de primat, pri-
?7ias, primœ sedis episcopus, se donnait à tous
les métropolitains pendant les six ou sept pre-
miers siècles, mais ce n'était point un titre
d'une dignité particulière, et distinguée de
celle de métropolitain. C'était au contraire un
nom très-modeste pour exprimer la qualité et
l'ordre des archevêques. Aussi les évêques
d'Afrique affectèrent cette marque singulière
de modestie de ne point prendre la qualité
d'archevêque ou de prince des évêques, mais
seulement celle d'évêque du premier siège
d'une province.
Hincmar eût pu se distinguer des autres
métropolitains si les papes se fussent engagés
envers les archevêques de Reims de les exempter
toujours du pouvoir des légats ou des vicaires
apostoliques ou extraordinaires qu'ils en-
verraient en France , ou qu'ils établiraient.
Mais ce privilège ne parait nulle part, et il n'y
a pas d'apparence que les papes eussent voulu
se lier les mains pour toujours.
Hincmar (Tom ii, p. 258) dit bien que son
Eglise de Reims n'avait jamais eu d'autre pri-
mat que le pape, excepté ce peu de temps
([u'elle avait été vacante, et qu'elle avait été
régie comme en commende , aussi bien que
celle de Trêves, par le saint martyr et légat
Boniface, lorsque Rigobert en l'ut chassé par
violence au temps de Charles Martel : « Quai
nunquam excepto Romano pontitice primatem
babuit, nisi quandiu ejecto sine uUo crimine
ab ea suo pontifice Rigoberto, violentia Milonis
tyranni, tempore priucipis, pastore vacans,
12
178 nr PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
Boiiifacio apostolicac Sedis legrato aliquandiu ,
sicut et Ecclesia Treverensis, commissa fuit. »
Pour justifier la singularité de ce privilège,
il faudrait faire voir que toutes les autres mé-
tropoles de France obéirent autrefois à la pri-
matie d'Arles sous la lignée de Clovis, et que
celle de Reims eu fut exempte. Les lettres des
papes pour le vicariat apostolique d'Arles ne
font aucune exception particulière pour Reims.
Et quand les métropolitains français firent pa-
raître une résistance si vigoureuse et une ré-
solution si inflexible dans les conciles de Pon-
tion et de Troyes contre la nouvelle primatie
d'Anségise de Sens, Hincmar se signala bien
par la grandeur de son courage, mais il ne mit
aucune différence entre son Eglise et les
autres métropoles.
Ainsi il est clair fqu'elles avaient toutes la
même prétention d'Hincmar à une indépen-
dance canonique de tout autre primat que du
pape, et il y a toutes les apparences possibles
que si Anségise l'eût emporté, Hincmar n'eût
pas été moins soumis à ce nouveau primat,
que les autres métropolitains de France. 11
faut faire le même jugement de la primatie de
Drogon, à laquelle Hincmar opposa cette
maxime constante, qu'il était de l'honneur du
pape et des rois de maintenir tous les métropo-
litains dans leurs droits canoniques, sans les
faire dépendre d'aucun légat ou vicaire apos-
tolique, puisiiu'on s'en était bien passé depuis
la mort de saint Boniface. « Metropolitanis sin-
gulis suo jure servato. »
IX. Le i)rivilége donné par Adrien I" à l'ar-
cbevêque Tilpin de Reims, à la prière de Char-
lemagne, n'est en vérité autre chose que le
piiviiége commun de toutes les métropoles,
(pioique le nom de primat y soit compris selon
le style ancien, où primat d'un diocèse n'est
autre que métropolitain d'une province. « Re-
mensem episcopum ctprimafem illiusdiœcesis
etc. In sola subjectione Romani pontificis i>er-
manens, diœcesin et parochiam Remensem
studeas gubernare, etc. (Flodoard, hist. Rem.
1. iij c. 17). » Nous parlerons plus au long de
ces privilèges des métropoles dans la suite.
X. Dans l'Angleterre, saint Dunstan, archevê-
que de Cantorbéry, étant allé à Rome, y reçut
du pape le pallium, la légation apostolique, et
comme parle l'auteur de sa vie, le patriarcat
d'Angleterre. « Magnifiée pontifex illum liono-
ravit, ac slola sui apostolalus, pro qua venerat,
deccntissime decoravit. Sicque delegata ei lega-
tione apostolico:' Sedis genti Anglorum pas-
torem dédit. Itaque vir Dei Roma reversus, et
in patriarchatum primae sedis Brilanniarum
receptus, etc. »
XL Quant à l'Espagne, Alcuin assure qu'Eli-
pand, évèque de Tolède, était élevé en dignité
au-dessus de tous les autres ; mais il y a beau-
coup d'apparence que ce n'était qu'une pré-
séance d'honneur qui lui avait été déférée dans
les derniers conciles de Tolède, et non pas un
droit de recevoir les appels des autres métro-
politains, ce qui semble être la propre marque
des vrais primats, au sens que nous en parlons.
« Elipantum sicut dignitate, ita etiam perfidiœ
malo ]irimum esse in partibus illis agnovi.»
XII. Il résulte de toute cette énumération
que depuis la mort de saint Boniface, archevê-
que de Mayence, durant tout le règne de la
famille de Charlemagne il n'y a point eu de
primatie véritable et certaine dans tout l'Occi-
dent, excepté celle de Rourges ; et s'il y en a
eu quelque autre, celle de Cantorbéry serait la
jilus apparente. Nous verrons ailleurs l'éclair-
cissement de celle-ci, et l'établissement de
toutes les autres qui ont encore quelque lustre
dans le monde.
Je n'ai point parlé de la légation que le pape
Grégoire IV donna à saint Ansgàrius, archevê-
que d'Hambourg, sur les Danois, les Suédois,
et autres peuples septentrionaux, comme elle
avait auparavant été donnée à l'archevêque
de Reims Ebbon, au rapport de saint Remberl,
dans la vie de saint Ansgàrius, dont il fut
successeur. Cette légation fut purement per-
sonnelle, et ne passa point à ses successeurs.
Nous en parlerons plus au long dans la suite.
Il faut seulement remarquer ici en passant,
que lorsque les barbares jusques alors incon-
nus, sortant de leurs pays venaient s'emparer
de quelque province de l'empire, ou s'établir sur
ses confins, la propagation de la foi exigeait
que l'on envoyât de nouveaux ministres pour
les éclairer, et de nouveaux pasteurs pour les
conduire. Ces fonctions ont été le plus souvent
conliées à des vicaires apostoliques que l'on
choisissait à cet effet.
Cela se prouve manifestement par ce que
nous avons dit ci-dessus, lorsque nous avons
fait voir que les principaux archevêques onteu
la légation apostolique pour veiller au salut
(les nations, ou nouvellement converties à la
loi, ou qui donnaient lieu d'espérer une pro-
chaine conversion, comme étaient les Francs
DES PRIMATS SOUS CHARLEMAGNE.
179
dans les Gaules, les Visi-roths dans l'Espagne,
les Goths et les Lombards dans l'Italie, les An-
glais et les Saxons dans la Grande-Bretagne.
XlII. On peut nous opposer une lettre du
pape Jean VIII Epist. cxxxiv, où il ordonne aux
archevêques de Milan et de Ravenne, et à. leurs
suffragants de se rendre au concile, toutes les
fois que l'évêque de Pa\ie ou ses successeurs les
y appelleront, pour y examiner et décider avec
lui les allaires dont le poids demandera ces
sortes de grandes assemblées. « Autoritate
apostolica jubemus, ut quoties vos Joannes
Ticinensis episcopus et post eum sui succes-
sores vos vestrosque vocaverint, pro emergen-
tibus quœstionibus eximendis, continuo beato
Petro apostolo obedientiam exhibentes^ conve-
nire non differatis. »
Cette commission paraît néanmoins d'abord
si extraordinaire, qu'il y a un juste sujet de
douter si ces deux grands archevêques y dé-
férèrent, ou si cène fut point une tentative sans
effet et sans suite, la piété des souverains pon-
tifes cédant à l'opiiosition des parties intéressées,
ou à la crainte du scandale et du schisme,
comme il a paru dans les exemples de Drogon
et d'Anségise.
On pourrait ajouter que cette lettre ne donne
pas tous les droits de la primatie, ni même le
plus essentiel, qui est celui de l'appel , mais le
seul pouvoir de convoquer le concile de la
Lombardie. Il pourrait être arrivé que ces deux
métropolitains ne voulant pas s'entre-déférer
cet honneur, le pape ait nommé pour cela
seulement l'évêque de Pavie. Ce même pape
tint un concile à Pavie, où l'archevêque de
Milan signa avant l'évêque de Pavie. Mais le
concile avait peut-être précédé la lettre et le
privilège.
XIV. Il nous reste peu de chose à dire de
l'Eglise grecque. Balsamondit que la primitive
discipline de l'Eglise était que chaque métro-
politain gouvernât sa province, et fût ordonné
lui-même par ses évêques comprovinciaux
(lu Can. n. Conc. Const.) ; nous avons rapporté
ailleurs les exceptions de cette règle générale.
11 ajoute que le concile de Calcédoine com-
mença de changer cette police, en soumettant
à l'évêque de Constantinople les métropolitains
du Pont, de l'Asie, et de laThrace, et quelques
autres encore, et lui en donnant l'ordination.
Que la Bulgarie avait reçu de Justinien le pri-
vilège dont elle jouissait, comme Chypre avait
reçu le sien du concile général d'Ephèse, et
l'ibérie le sien du concile d'Antioche sous le
patriarche Pierre, qui voulut bien que l'ibérie
fût libre, demeurant néanmoins en quelque
façon sujette à l'évêque d'Antioche. Balsamon
veut dire ijue la Bulgarie, l'ile de Chypre et
ribèrie étaient des primaties dont les chefs
présidaient autrefois à plusieurs métropoli-
tains, et ne laissaient pas de dépendre eux-
mêmes d'un patriarche.
J'ai dit à dessein que ces chefs de diocèses
ou de primaties présidaient autrefois à plu-
sieurs métropolitains, parce que Balsamon
assure ailleurs que ce privilège des primats,
qu'il appelle selon le style des Grecs exarques
de diocèses, n'était plus en usage; que ces exar-
ques n'avaient aucime juridiction sur les mé-
tropolitains de leur ressort, enfin qu'ils n'a-
vaient retenu que le nom d'exarques, en ayant
laissé abolir toute l'autorité.
« Exarchus diœceseos est, ut mihi quidem
videtur. non unius cujusque provinciee metro-
politanus, sed metropolitauus totius diœcesis
autem est, quœmultas subse habetprovincias.
Hoc autem exarchorum privilegium non est
amplius in usu. Etsi enim dicuntur exarchi
quidam ex metropolitanis, sed tamen alios
metropolitanos, qui sunt in diœcesibus. non
habent omnino sibi subjectos. Est ergo veri-
simile, alios fuisse qui timc erant exarchos
diœceseon, vel esse quidem adhuc ipsos, sed
qufe eis data sunt a cauonibus privilégia, exo-
levisse [In Can. ix. Con. Calced.).»
11 assure encore ailleurs que l'exarchat ou la
primatie de Chypre, maintenue par le concile
d'Ephèse, et étendue sur Cyzlcjue et sur les
autres Eglises de l'Hellespont par le concile
in Tndlo, n'avait plus aucun exercice de cette
juridiction ancienne In Can. xxxix. Conc.
Truir. Zonare avait dit le même de son temps.
Il faut donc conclure que les primaties ou
les exarchats n'étaient plus ipie des titres
honoraires dans les Eglises d'Orient et d'Oc-
cident.
J=rw ;;.<..;..
-.i;.
:-"J-
IRO DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-QUATRIÈME.
CHAPITRE TRENTE-QUATRIEME.
DES PRIMATS DEPUIS L'AN MIL Jt'SQUES A PRÉSENT, ET PREMIÈREMENT DE CELUI DE LYON.
I. Grégoire VII érige la primatie de Lyon sur les métropoles
de SeDs, de Tours et de Rouen.
II. Deux de ces métropolitains résistent à cette nouvelle supé-
riorité.
III. Raison d'accorder cette primatie.
IV. L'histoire de la résistance des archevêques de Rouen et
de Sens.
V. L'arclievéque de Sens se soumet.
VI. Il secoue une seconde fois le joug.
VII. Le roi Louis le Gros se déclare pour la liberté de l'Eglise
de Sens , et proteste contre la soumission qu'on avait rendue à
l'insu du roi, des évèques de la province et du clergé.
VUI. La principale raison de ce roi était que Lyon n'était pas
encore retombé dans la domination de nos rois.
IX. 11 y retomba bientôt après, et alors Sens se soumit sans
peine à sa primatie.
X. Pourquoi les archevêques de Tours se soumirent si facile-
ment à la primatie de Lyon.
XI. Le métropolitain de Rouen n'y fut jamais soumis, et le
pape Galliste III l'en déclara enfin exempt.
XII. Sommaire de l'Histoire de cette primatie.
XIII. Le fondement solide en a été l'utilité de l'Eglise.
XIV. De la primatie de Rouen.
XV. De quelle importance est le droit des appels.
I. Puisque la qualité de patriarche s'est enfin
trouvée comme confondue avec celle de primat
il est bien juste de traiter des primats après
avoir parlé des patriarches, et de commencer
l)ar ceux de France, entre lesquels celui de
Lyon se dislingue le plus de tous les autres par
l'exercice libre de ses pouvoirs.
Les métropolitains de l'Eglise gallicane sem-
blaient avoir vécu dans une parfaite égalité
entre eux, et sans aucune subordination des
uns aux autres, pendant l'empire de la maison
de Charlemagne, et le premier siècle du règne
de l'auguste lignée d'Hugues Capet (An. 1079).
Le pape Grégoire Vil fut le premier qui en
l'an lOTOdonnaà Cébuin, archevêque de Lyon,
et à ses successeurs une primatie perpétuelle
sur les quatre provinces lyonnaises: « Confir-
mamus primatum super quatuor provincias
Lugdunensi Ecclesire tua;, et per eam tibi, tuis-
que successoribus. » II écrivit aux archevêques
de Rouen, de Tours et de Sens sur le même
sujet (Lib. vi, epist. 34, 3.")).
H. Il était diflicile (jue trois métropolitains
ne fissent quehjue résistance pour la conserva-
tion de leur indépendance propre, et que les
rois même ne s'intéressassent pour empêcher
que trois provinces ecclésiastiques du royaume
ne tombassent dans la sujétion de l'archevêque
de Lyon, dont la ville et le pays faisaient alors
partie du royaume de Bourgogne. Pour tâcher
de prévenir ces inconvénients, ce pape protesta
(|u'il rétablissait seulement l'ancienne primatie
de Lyon : « Confirmamus. »
111. 11 y a de l'apparence que ce pape se fon-
dait sur la notice des évêchés qui se trouvait
dans les œuvres du faux Isidore, et qui avait
cours sous le nom du pape Anaclet : Tomus
Anacleti. Ce fut aussi peut-être ce qui avait
déjà donné occasion au concile II de Chàlon,
tenu en 894, d'appeler Aurélien, archevêque
de Lyon, primat de toutes les Gaules. Car la
compilation d'Isidore était alors en vogue, et
la province de Lyon y était marquée comme
la première des Lyonnaises. Il n'en fallait pas
davantage en un temps où la tentative, quoi-
qu'inutile, qu'avait faite Anségise, archevêque
de Sens, pour s'élever au-dessus des autres
métropolitains de France, avait allumé la
même passion dans toutes les autres Eglises du
royaume, de rechercher tous les avantages
dont elles pouvaient soutenir ou leur liberté,
ou leur élévation.
Dès l'an 853 et 854, l'empereur Lothaire, qui
avait eu en partage les provinces du royaume
qu'on appela depuis de Bourgogne, et dont une
des principales villes était Lyon, affecta dans ses
ordonnances d'appeler l'Eglise de Lyon la pre-
mière des Eglises des Gaules : « Lugdunensis
sacrœ et prima;' Gallicana; Ecclesia^. » Cette an-
tiquité paraît clairement dans l'Histoire d'Eu-
sèbe (Spicil. tom. xii, p. 113, 114).
Saint Odilon, abb* de Cluny, écrivant la vie
de saint Mayeul, publia hautement la même
prééminence de la ville ef de l'Eglise de Lyon
sur toutes les autres du royaume : « Philoso-
phie nutricem et matrem, etquœ totius Galli;e
ex antiquo more, et ecclesiastico jure non im-
merito teneret arceni. » Etienne deTournay en
dit presque autant : a Prima sedes Galliarum
DU PRIMAT DE LYON.
181
Lugduuensis. etc. primas noster in gloria
« Stephanus Tornacens, ep. xcii). » Ces préjugés
ayant été une fois étal>lis dans les esprits, il
nest pas surprenant que le pape Grégoire Vil
en fut aussi persuadé, et prétendit ensuite ne
faire que confirmer la primauté ancienne de
l'Eglise de Lyon i,xV.n. loiU). »
IV. Rodolphe, archevêque de Tours, se sou-
mit sans peine à cette nouvelle disposition, et
il en reçut uneleltre de complimentde Gébuin,
archevêque de Lyon. Mais l'archevêque de
Sens, Richer, ne put digérer cette humiliation,
se croyant obligé à défendre l'honneur de son
Eglise, qui n'avait pas encore perdu le souvenir
de ses anciennes prétentions sur toutes les
Eglises de France.
II n'y avait encore que cent ans que le con-
cile tenu dans l'abbaye de Saint-Denis avait
vu Séguin, archevêque de Sens, vouloir passer
pour le primat de toute la France ; « Primatuni
Gallige in ea synodo sibi usiirpans , » dit
Âymoin dans la vie de saint Abbon, abbé de
Fleury. Il fut donc nécessaire que, pour abattre
le courage de cet archevêque , le pape Ur-
bain Il confirmât le décret de son prédéces-
seur dans le concile deClermont. L'archevêque
de Sens refusant de s'y soumettre fut privé de
l'usage du pallium, et de la juridiction sur ses
su ffragants jusqu'à ce qu'il mît lui-même fin à sa
désobéissance. La même peine lut décernée
contre l'archevêque de Rouen qui était absent,
si dans trois mois il ne promettait d'obéir. Les
évêques de ces deux provinces qui étaient
présents au concile se soumirent au nouveau
primat.
Le savant évêque de Chartres, Ives, conseilla
à Richer de se soumettre au décret apostohque,
sans préjudice de ses droits, et des privilèges
authentiques qu'il pourrait un jour rencontrer
dans les archives de son Eglise, pour s'exempter
de cette nouvelle sujétion. « Non est consilium
meum, ut contra torrentem brachia dirigatis,
imo Apostolicis sanctionibus intérim acquie-
scatis, atque praejudicio privilegiorum, vel au-
thenticarum Scripturarum, si quando reperiri
poterunt, quae hanc subjectionem ab Ecclesia
vestra removeant, et ejusdem Ecclesiae liberta-
tem défendant (Epist. cxviii). »
Richer ne se rendant pas à un conseil si sage
et si salutaire, Ives se crut obligé de se sous-
traire de son obéissance, et de s'absenter de la
consécration de l'évèque d'Orléans, qu'il entre-
prenait d'ordonner à Chàteau-Landon. « Om-
nino recusavimus propter primatum Lugdu-
nensis Ecclesia^, quem irrationabiliter réfutai
illa sedes , et interdictum Sedis apostolica'
(Epist. Liv, alias cxxin). » Ainsi ce fut Ives et
les autres évêques de la province (jui consa-
crèrent cet évêque d'Orléans dans Orléans
même à la prière du roi.
V. Après la mort de Richer (An. 1096), .
Daimbert ayant été élu en sa place, le primat
de Lyon Hugues, qui était aussi légat du Saint-
Siège, lui défendit de se faire ordonner avant
que de s'être présenté à lui et avoir fait profes-
sion de lui être soumis. On obéit à ce comman-
dement, mais Ives consulta cependant le pape
Urbain 11 pour apprendre ses intentions , lui
protestant que les canons ne donnaient pas ce
droit aux primats. « Eo jubente, propter reve-
rentiam vestram manus ab ejus consecratione
continuimus. Cum de professione a metropoli-
tanis primatibus facienda nihil legamus con-
suetudine lîrmatum, vel Icgibus constitutum ;
ultra quas metas nihil concessum esse primati-
bus testatur papa Nicolaus ( Epist. lviii ,
alias Lx). »
Daimbert s'alla faire sacrer à Rome par le
pape Urbain même ; ,il y revint peu de temps
après pour y assister au concile, oii son affaire
ayant été contradictoirement examinée et la
primauté de Lyon confirmée, il promit de se
rendre en peu de temps auprès de son primat,
pour faire entre ses mains profession d'obéis-
sance canonique. Ce qu'il fit (An. 1099). Tout
ce détail est remarqué dans la lettre du même
pape Urbain au primat de Lyon Hugues, que
M. de Marca a publiée le premier dans son livre
de la primauté de Lyon. D'oii il paraît que le
pape même n'obligea pas les archevêques de
se présenter au primat avant leur ordination
quoique le primat l'eût prétendu ; et que par
conséquent Daimbert ne perdit pas tout à fait
sa cause ; et les savantes lettres qu'Ives évêque
de Chartres écrivit pour sa défense ne furent
pas tout à fait inutiles (Epist. lxv). Il est vrai
qu'il prétendit encore outre cela que les canons
n'avaient jamais obligé les métropolitains à au-
cune profession d'obéissance envers leur pri-
mat , en quoi le pape ne fut pas de son avis.
Mais nous parlerons, dans la suite, de ces pro-
fessions canoniques.
VI. Ce ne fut pas en ce seul point que les ar-
chevêques de Sens arrêtèrent le cours et le
progrès de l'autorité des primats de Lyon. Car
Jean, primat de Lyon, ayant convoqué les évé-
182
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-QUATRIÈME.
ques même de la province de Sens à un con-
cile, oii il devait traiter des investitures , ces
prélats lui écrivirent avec beaucoup de fermeté,
se servant de la plume d'Ives de Cliartres, que
les évèques ne pouvaient jamais, selon les ca-
nons, être appelés à des conciles hors de leur
province, si ce n'est par les ordres du pape, ou
dans les causes d'appel quand quelque Eglise
appelait au primat. « Nusquam reverenda Pa-
trum sanxit autoritas, nusquam hoc servare
consuevit antiquitas, ut primœ sedis episcopus
episcopos extra provinciam proprinm positos
invitaret ad concilium, nisi hoc aut apostolica
Sedes imperaret, aut una de provincialibus Ec-
clesiis pro causis quas intra provinciam termi-
nare non poterat , primiP sedis autoritatem
appellaret (Ivo. Epist. ccxxxvi, alias 238). » Le
légat prétendait bien que les quatre provinces
Lyonnaises ne faisaient qu'une province, dont
ifavait pu convoquer le concile, au moins dont
il avait pu appeler les évèques. pour prendre
leur avis sur des matières épineuses. Mais c'é-
tait ou une défaite, ou une imagination qui
n'avait pas de fondement solide dans les ca-
nons. Aussi ses espérances furent vaines (Ibi-
dem Epist. ccxxxix).
Les archevêques de Sens n'en demeurèrent
pas là. Ils avaient entièrement secoué le joug
de la primatie, lorstpie Ilumbert, archevêque
de Lyon, étant convié par l'abbé Suger, régent
du royaume, pendant l'absence du roi Louis le
Jeune au delà des mers, de se trouver au con-
cile, ou à l'assemblée de Chartres, pour déli-
bérer des affaires de l'Eglise d'outre-mer , il
s'en excusa sur cette révolte de l'archevêque de
Sens (An. llKi . Car il lui eût été honteux de
commettre sa dignité de primat en un lieu où
elle n'était plus reconnue. « Verum quia nos
pro offlcio primatus, ex parte domini régis et
optimatum regni, ad colloquium (jund apud
Carnutum celebrari débet, invitasti, sciât cha-
ntas vestra, quod donec Senonensis archiepi-
scopus in eadcm causa primatus nnbisderogare
non verctur, et apostolicis mandatis contumax
et rebellis existit, pudor nobis est ad illas pro-
gredi partes, ubi domino pap;p contradicitnr,
etLugdunensis Ecclesia debito honore frauda-
lur (Intei-Epist. Sugerii cxxxiv, Du Chesne t. iv,
p. ^35;.» Je ne sais sicc n'est point sur ce défaut
d'obéissance à son primat que saint liernard
lait une douce réprimande à Henry, archevêque
d(! Sens, peu avant la fin de la lettre xi.ii qu'il
lui écrivit. Ce que nous venons de rapporter
des lettres de l'abbé Suger est plus cer-
tain.
VU. M. de Marca en conclut avec quelque
vraisemblance que les deux autres métropoli-
tains de Rouen et de Tours étaient donc alors
dans le devoir (Epist. xui , paulo ante fi-
nenii. Mais je doute que cette conséquence soit
certaine. Car pour excuser l'absence du pri-
mat, il suffisait que l'assemblée eût été indi-
([uée en un lieu où sa primatie ne fût pas re-
connue, soit qu'elle le fût, ou ne le fût pas
ailleurs. Mais il faut remarquer que cette déso-
béissance de l'archevêque de Sens était et plus
longue et plus ancienne qu'on n'aurait pensé.
Car on nous a fait revivre la lettre du roi Louis
le Gros au pape Callixte H, par laquelle ce gé-
néreux prince proteste avec beaucoup de cha-
leur qu'il exposerait plutôt son royaume aux
fnreurs de la guerre, et sa j)rnpre vie aux ha-
sards, que de laisser flétrir la gloire de sa cou-
ronne par une nouvelle servitude. « Sustine-
rem potius regni nostri totius incendium ,
capitis etiam nostri periculum. (juam novae
subjectionis et abjectionis opprobrium (An.
1121, Spicileg. Tom. m, pag. 147); » qu'il
était de son honneur et de son devoir de s'op-
poser à un nouvel avilissement de l'Eglise de
France ; que de quelque antiquité qu'on voulût
colorer la primatie de Lyon, la liberté de l'E-
glise de Sens était encore plus ancienne et plus
avérée. « Videtur ad noslrum respicere con-
temptum, contra nos hoc modo fieri, quod
nuncjuam extitit factum, etc. Si opponitur, quod
veterum institutio Lugdunensi Ecclesiae prima-
tum contulerit, respondetur ex opposito, quod
antiqure libertatis possessio Senonensem Eccle-
siani ab ejussubjectione défendit. »
Il ajoute que le seul de tous les archevêques
de Sens qui avait reconnu la primatie de
Lyon, ne l'avait reconnue ([ue par un acte se-
cret et particulier, sans l'aveu de son clergé,
des évèques de sa province et du roi , de (jui il
était désavoué, et dont l'honneur et l'intérêt
public ne peut être blessé par la lâcheté se-
crète et personnelle d'un prélat particulier.
« Facta est, ut dicitur. furtive et latenter sub-
jectio illa, nesciente scilicet clero Senonensi,
i nconsullis etiam episcopis illius diœcesis, igno-
rante etiam rege, in (piibusomnibus dignilas
pendet Ecclesia^. Et suhjectio taliler facta res-
picere potius videtur ad ignominiam maie ac-
cipientis , quam ad incommodum Ecclesiaî
nescieutis. Res euim conununiscommuni tra-
DU PRIMAT DE LYON.
183
iliinda est coiisilio; non lati'iiti et priva to ter-
ininanda coUoquio. »
Il est à croire ([lie ce roi entendait parler du
voyage de Dainibert à Lyon, où il s'acquitta de
la promesse qu'il avait faite au pape, en pro-
mettant obéissance au primat; mais cette pro-
fession ou reconnaissance de supériorité
n'ayant point été concertée, ni avec son clergé,
ni avec les évêques de sa province, à ce que le
roi assure , quoiqu'L'rbain 11 ait insinué ci-
dessus le contraire quant aux évêques, nienfln
avec le roi ; elle n'avait pu engager ni son
Eglise, ni le royaume clans aucune nouvelle
servitude. Mais ce sage prince réserve pour la
tin de sa lettre ce qui le touchait de plus près :
c'est que la ville de Lyon n'étant pas alors du
royaume de France, c'était une flétrissure com-
mune à l'Etat et à l'Eglise du royaume d'en-
trer dans sa sujétion. « Videat dulcissime
Pater, discretio vestra, nec civitas Ludgunen-
sis, quœ de alieno est regno, de nostro floreat
detrimento ; nec siibjiciatur amicus amico;
quia si decipitur |)ro amico amicus, juste flet
de amico inimicus. »
Vlll. C'est ici qu'il faut débrouiller le fond
de toute cette intrigue. Depuis le fameux et fu-
neste partage des Etats et de l'Empire de Cliar-
lemagne entre les enfants de Louis le Débon-
naire, entre le royaume de France d'un côté,
et l'Empire d'xVllemagne de l'autre, il s'éleva
un Etat considérable qu'on appela le royaume
de Bourgogne, et ensuite le royaume d'Arles.
Les empereurs en demeurèi'ent très-long-
temps les maîtres, et les principaux membres
n'en sont revenus à nos rois que fort tard, et
les uns après les autres. Lyon y était la plus
considérée de toutes les villes. (Uaber raconte
comment l'empereur Henri III donna l'archevê-
ché de Lyon à Adelric en lOiO (L. v, c. 4). Frédé-
ric I" donna àHéraclius, archevêcjue de Lyon,
la ville de Lyon même, et tous les droits tempo-
rels des empereurs sur la ville et sur son terri-
toire en l'an 1158. « Totum corpus civitatis
Lugdunensis, et omnia jura Regalia, qufc in
Lugdunensi episcopatu ad imperium pertinent,
citra Ararim. » On sait qu'encore à présent
tout ce qui est au deçà de la Saône et du Rhône
s'appelle Vulgairement terre du royaume, et ce
qui est au delà terre de l'Empire.
C'est peut-être aussi ce qui avait convié les
papes à créer un légat apostolique, ou un pri-
mat à Lyon, connue dans une ville qui appar-
tenait à l'Eglise ; c'est ce qui les porta à y tenir
les deux fameux conciles de Lyon. La suite de
cet ouvrage nous fera voir que les autres arclie-
vê(|ueset évèciues du même royaume de Bour-
gogne ou d'Arles se rendirent aussi les maî-
tres, et comme les souverains de leurs villes
et (le leurs diocèses, sous la protection néan-
moins, et avec quehjue dépendance des empe-
reurs, de la libéralité, ou de la permission
tacite desipiels ils tenaient ces bienfaits, connue
princes d'empire. C'est donc ce (jui donnait un
juste éloignement à nos rois de la primatie de
Lyon, et ce qui donnait un fondement si rai-
sonnable aux oppositions qu'ils faisaient, pour
ne pas laisser tomber les principales Eglises, et
connue le cœur de leur royaume entre les
mains d'une puissance étrangère.
IX. Mais si l'empire n'avait pu se conserver
la souveraineté de ces villes du royaume de
Bourgogne, les prélats qui en étaient devenus
les seigneurs temporels, par la concession, ou
|)ar la connivence des empereurs, y furent bien
])lus embarrassés. Il s'éleva des ducs, des comtes
et des dauphins , qui leur disputèrent une
proie si riche, et pour me resserrer dans le su-
jet que je traite, les comtes de Forests en vinrent
aux mains avec les archevêques de Lyon ; nos
rois furent obligés de s'en mêler; les habitants
même de Lyon implorèrent le secours du roi
saint Louis contre l'arclievêciue. Ce saint roi
les réconcilia, mais son fils Philippe le Hardi
fut encore obUgé d'y continuer ses soins pour
y consener la concorde.
Philippe le Bel ayant encore été appelé par
le peuple contre l'archevêque, pour mettre fin
à toutes ces dissensions, il s'en rendit lui-même
le maître, et fit rentrer cette puissante ville
dans lancienne obéissance de la France. Si
l'archevêque y perdit le domaine temporel de
la ville, il y affermit aussi l'empire spirituel de
sa primatie, nos rois et nos prélats ne faisant
plus de difficulté de faire dépendre leurs Egli-
ses d'un archevêque et d'un primat français.
Le pape Boniface Vlll se donna beaucoup de
peine pour faire rendre à l'Eglise de Lyon la
seigneurie temporelle de la ville, mais Philippe
le Bel transigea enfin avec l'archevêque et le
chapitre l'an 1312, en sorte que Tautorité sou-
veraine demeura au roi, le comté de la ville
fut laissé aux chanoines, et la primatie de l'ar-
chevêque fut entièrement établie. « Regni pri-
mam sedem inter cœteras Galliarum Ecclesias
obtinere (Marca de Primatu Lugdun. p. 3i8). »
X. H n'est pas facile de dire pourquoi les ar-
184 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAI>1TRE TRENTE-QUATRIÈME.
chcvèqiies d.' Rouen et de Tours ne firent pas
d'aussi vigoureuses résistances a l'établissement
de cette nouvelle primatie , comme celui de
Sens, et pourquoi le roi Louis le Gros ne fit
éclater son ressentiment que pour la défense de
la liberté de l'Eglise de Sens, sans se mettre en
peine des deux autres métropoles, si ce n'est
peut-être que la ville de Rouen et le duché de
Normandie étant en la puissance des Anglais, et
la plus grande partie des suffragants de Tours
élanl dans la Rretagne, qui avait aussi ses ducs,
et qui taisait profession d'une obéissance plus
exacte aux ordres du Saint-Siège, nos rois ne
se crurent particulièrement intéressés que pour
la métropole i)ropre de la France et de Paris
même qui était la capitale du royaume. 11 se
pouvait aussi bien faire que l'archevêque de
Tours étant aux prises avec les évêques de Rre-
tagne, qui prétendaient ne relever que de l'un
d'entre eux, qui se disait archevêque de Dol, et
ne pouvant espérer une pleine victoire que
par l'autorité du Saint-Siège , il se soumettait
volontiers à un supérieur nouveau qui pouvait
le faire obéir par neuf de ses inférieurs révol-
tés. En effet une édition abrégée des Canons du
concile de Clermont, porte en un même ca-
non vu l'alfermissement de la primatie de Lyon
sur Tours, et de la métropole de Tours sur les
évêques de Rretagne. « Turonensi metropoli
citerioris Rrilanni;e reslitutio facta est. Lugdu-
nensi Ecclesia' primatus restitutus est super
Turonensem (Conc. (icn. tom. x, p. 580). »
XI. 11 est bien plus difficile de deviner le
sens de Mathieu Paris, quand il dit que le légat
du pape ayant assemblé un concile à Rourges,
on ne put y prendre les séances comme dans
un concile, à cause que l'archevêque de Lyon
])rétendait la primatie sur Sens , et celui de
Rouen sur Rourges, Auch et Narbonne, ce qui
fit qu'on s'y assit comme au conseil, et non pas
comme au concile (An. t-22G). « Sed quoniam
Lugdunensis archiepiscopus vindicabat sibi
primatum super archiepiscopum Senonensem,
Rothomagensis super Rituricensem, Auxianen-
scm , Narbonensem , timebatur de discordia,
et ideo non fait siissum quasi in concilio, sed ut
in consilio. » 11 y a toute la vraisemblance pos-
sible (pi'il faut corriger ce texte, et le lire ainsi :
<( Oiioniani Ln^duncnsis archiepiscopus vindi-
cabat sibi primatum super archiepiscopum Se-
nonensem et Rolhomagensem, et Rituricensis
sui>er Auxianenscm et Narbonensem. » Car il
esl taux que l'.ouen ait jamais rien prétendu sur
Rourges, Auch et Narbonne ; et il est vrai (]ue
Lyon prétendait la primatie sur Sens et Rouen ;
et Rourges sur Auch et Narbonne.
Au reste ce passage de Mathieu Paris est
d'une grande conséquence, pour nous appren-
dre que l'archevêque de Rouen ne reconnais-
sait point alors, et n'avait peut-être jamais re-
connu la primatie de Lyon. Mais en voici encore
une preuve convaincante. L'archevêque de
Lyon fil de nouveaux efforts en l'an 1 5oS, pour
soumettre à son autorité l'archevêque de Rouen .
Le pape. Callixte III en commit le jugement au
cardinal légat Dominique Capranica.
Le cardinal prononça en faveur de l'arche-
vêque de Rouen : « Post definitivam senten-
tiam Rothomagensem Ecclesiam ejusque suf-
fraganeos, atque suppositos, Romanœ EcclesiéE
immédiate et nuUi al leri primatiali jure sub-
esse, ipsi archiepiscopo Lugdunensi super
prœtenso primatiali jure, perpetuum silentium
im])onendo, pronunciavit. Qua; quidem sen-
tentia nulla saltem légitima proviocatione sus-
pensa, in rem transivit judicatam (Rainald.
An. lio8, n. 37, 38). »
Ce sont les propres termes de la bulle de
Calhxte m (jui confirme la sentence du légat,
et condamne l'audace de quelques avocats de
Lyon qui en avaient appelé comme d'abus. Nice
pape, ni son légat n'auraient pas si facilement
révoqué la constitution de Grégoire VU et
d'Urbain II, confirmée par Pascal II, si elle eût
été affermie par une longue observance (Du
Chesne in not. ad Ribl. Clun. p. Gi). 11 y a
donc toutes les apparences du monde que les
archevêques de Rouen n'y avaient jamais dé-
féré, et (jue les Anglais, qui dominaient dans la
Normandie, n'étaient |)as moins fermes que
nous pour la défense de leurs libertés.
Xll. Concluons donc : 1° Que la primatie de
Lyon n'a été d'abord reconnue que dans la pro-
vince de Tours, par la raison que nous avons
touchée. "2" Que celle de Sens ne s'est rendue
que lors(jue nos rois ont recouvré la souverai-
neté de Lyon, en lui rendant les honneurs de
la primatie. 3° Que celle de Rouen ne s'est ja-
mais soumise à la supériorité du primat de
Lyon, et qu'enfin elle a obtenu une bulle
d'exemption. 4° Que le droit de la prihiatie de
Lyon ne consiste que dans l'appel. Nous avons
vu les autres pouvoirs inutilement tenliis. N'uici
encore une; preuve de l'appel à Lyon, sous le
roi Philipite Auguste, tirée de Guillaume le
Rrelon ^Du Chesue, t. v, p. 252).
DU PRIMAT DE LYON.
is:)
Rt Lii!!duncDsis, qua Gallia tota solehat,
t't fama est, paslore rcgi, causisquc refcrrc
Difficiles, ul libi lis iiltima lilibus esset :
Nec miUcbaliir Hoiiiam lis nlla, nisi quam
Lugiliiiiense forum jier se linire uequissel.
Alix aiipellations ajoutez le liroit de dévolu-
tion, auquel les métropolitains donnent lieu,
soit par leur négligence, soit par leur refus
obstiné d'accorder les confirmations, ou même
les institutions bénéficiales, pour Icsiiuelles on
a d'abord recours à eux et aux primats en cas
de refus de leur part.
XIII. C'est pour cela seulement, et non pas
pourles autres droits des patriarches, que Pierre
le Vénérable, abbé de Gluny, donne le titre de
patriarche à Pierre, archevêque de Lyon, dis-
tingue son patriarcat, c'est-à-dire sa primatie,
de sa province et de son diocèse lEpist. 1. ii,
epist. II, xvni); enfin il rehausse sa dignité, de
ce qu'il n'avait au-dessus de lui (jue le pape
seul. Geotlroy, abbé de Vendôme, écrivant à
Ives de Chartres, lui apprit que l'archevêque
de Sens l'avait désavoué, comme l'auteur de
toutes ses résistances précédentes, lorsqu'il fit
profession d'obéissance au primat de Lyon ; de
quoi le primat lui savait fort mauvais gré(L. m,
epist. xvHi). Nous avons vu néanmoins ci-des-
sus qu'Ives de Chartres avait donné un conseil
fort sage et fort modéré à l'archevêque de
Sens.
H est vrai que ce savant prélat avait fort ju-
dicieusement déclaré que toutes les conjectures
dont on faisait tant de bruit de l'ancienne pri-
matie de Lyon, avant Grégoire VII, n'étaient
fondées ([ue sur les notices des évôcliés, et les
catalogues des villes. « l'rimatum Lugduneusis
Ecclesiie, quem aliquando ex catologis civita-
tuin conjicinms extitisse (Epist. l). » Le pape
l'rbain II employa le même terme : « Et cata-
logorum autoritas, et Sedis apostolic;c idipsum
contestabalur autoritas. »
11 est étonnant que pour la défense de l'E-
glise de Sens on pensa si peu en ce teniiis-là
aux privilèges (|ue le pape Jean VIII lui avait
accordés, sur les vives instances de l'empereur
Charles le Chauve Blondel, de la Primauté,
pag. "Toj. Ce n'est pas qu'il faille sunaginer
que ce soient ces catalogues peu certains, ou
ces bruits aussi incertains qui ont produit l'é-
tablissement de cotte nouvelle primatie.
Le solide fondement de cette primatie a été
le besoin de l'Eglise. On sait qu'en ce tom))s-là
ce ne fut que par le moyen d'une infinité de
légats ff laterc, que le pape Grégoire Vil retira
la plupart des provinces de la chrétienté du
IH'ofond abiinc (h; dé]iravation où la simonie
et l'incontinence des ecclésiastiques les avait
précipitées.
On sait que les primaties n'étaient dans l'Oc-
cident que comme des légations perpétuelles,
ou des vicariats du Saint-Siège. On sait qu'on
ne put remédier à ces ellroyables désordres
dans la France que par un fort grand nombre
de conciles, et par les fréquentes courses que les
papes mêmes y firent. Enfin si les primaties
anciennes d'Arles et de Mayence furent si
avantageuses à l'Eglise Gallicane ; si la iiolice
ecclésiastique de l'Orient n'a pu s'en passer ; si
les empereurs, si divers souverains, si nos rois
même les ont si souvent demandées pour la
réformation des Eglises, et pour l'avantage de
leurs Etats, pourquoi ne jugerons- nous pas
aussi favorablement de rétablissement de celle
de Lyon'? Les archevêques qui résistaient à cet
établissement regardaient avec raison la liberté
de leurs Eglises comme un grand avantage.
Mais ils n'ont pas eu moins de raison, en s'y sou-
mettant, de considérer l'avantage de tout le
royaume, où une infinité de causes se jieu-
vent par ce moyen terminer sans aller à
Rome.
Si les papes Grégoire VII et l'rbain II ont
touché en passant quelques autres convenances
qui ne soient pas à l'épreuve de la censure des
critiques, telles que sont celles ijui sont tirées,
ou de l'ordre et la subordination des pontifes
païens qu'on appelait Fknyiines et Archiflatni-
nes , ou des catalogues anciens et des notices
des cités, ou de quelques lettres supposées des
premiers papes, il ne faut pas croire que par
lessubtiUtés de cette critique on puisse ébran-
ler les véritables et solides fondements de
la i)olice de l'Eglise , qui est la colonne de la
véiité.
Je le dis encore une fois , cette primatie a été
fondée sur l'espérance des avantages que l'E-
glise a toujours retirés de tant d'autres institu-
tions semblables dans tous les siècles passés,
par tous les endroits de la terre. Ce fondement
est inébranlable. Si on y a ajouté quelques
couleurs de bienséance, qui paraissent ensuite
avoir plus d'apparence que de solidité, le pre-
mier et principal fondement du besoin de l'E-
glise, et de la pratique fructueuse de tant de
siècles, ne jierd rien de sa stabilité.
XIV. Quant à la primatie de Rouen, ce ne
186
DU PREMIKR ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE TRENTE-CINQUIÈME.
peut être qu'une exemption d'avoir aucun au-
tre primat au-dessus de lui que le pape. Nous
avons autrefois parlé de cotte sorte de primats,
selon l'ingénieuse explication de Hincmar, ar-
chevêque de Reims. C'est en ce sens qu'il tant
expliquer Ordéricus Vitalis, quand il dit que
l'archevêque de Rouen, Hugues, ayant rendu
des services très-considérables au pape en Italie,
le {>ape voulut reconnaître les obligations que
le Saint-Siège lui avait, en lui donnant la pri-
matie sur plusieurs pontifes. «Hugo Rothoma-
gcnsis archie|)iscopus ipsum summopere adju-
vit, et ab eodem honoratus primatum super
multos pontifices suscepit (An. 113b). »
Cette primatie ne peut être (|ue la (|ualitè
même de métropolitain, et la confirmation de
ses anciens privilèges, de ne dépendre d'aucun
autre primat que du pape. C'est de i|uoi seule-
ment faisait gloire, i)lus de cent ans après ,
l'archevêque de Rouen sous le pape (Jré-
goire IX, qui entreprit aussi sa défense contre
le roi de France pour le maintenir dans son
ancienne liberté, de ne dépendre que du juge-
ment du pape, tant pour le temporel que pour
le spirituel. Voici comme ce pape en écrivit au
roi : « Cum Rolhomagensis archiepiscopus in
spiritualibus et temporalibus nullum post
Deuni [)ra'ler nos judicem habebat, de antiqua
lidliioiiiagensis Ecclesia' lil)ertate, ac ipsiiiscon-
suetudine hactenus obscrvata , etc. (Kainald,
an. 1232, n. 26). » Nous parlerons ailleurs de ce
qui regarde le temporel.
Ceux qui voudraient joindre ce passage
d'Ordericus Vitalis avec celui de Mathieu Paris,
(|ui a été ci-dessus rapporté, et expliquer celte
primatie accordée à l'archevêque de Rouen
dune supériorité qui lui ait été donnée sur
les archevêques de Rourges, Auch et Narbonne ;
ceux-là, dis-je, donneraient sans doute un peu
trop à de simples conjectures, contre les preu-
ves certaines du contraire qui ont été touchées
dans ce chapitre, et qui seront encore étalées
plus au long dans le chapitre suivant, où il
sera traité de la primatie de Rourges.
XV. Au reste si nous avons réduit toute l'au-
torité des primats de Lyon au seul droit de ju-
ger des appels , nous avons suivi non-seule-
ment le témoignage décisif de Cuillaume le
Rreton, dès le temps de Philippe Auguste, mais
aussi l'usage reçu depuis tant de siècles, et qui
doit aussi servir de règle inviolable dans ces
sortes de matières.
Après tout, cet avantage est d'une impor-
tance plus grande qu'on ne juge peut-être d'a-
bord. C:ir, 1° il est d'une grande conséquence
qu'on n'appelle pas des métro|)olitains au pape
immédiatement, mais que les causes se jugent
en seconde instance dans le royaume même.
2° Les anciens canons ont fait consister princi-
palement dans le droit d'appel la supériorité
des grands patriarches et du pape même sur
les autres métropolitains. 3" Cet avantage est si
considérable, qu'entre tous les primats de l'Eu-
rope l'archevêque de Lyon est le seul qui en
jouisse ell'ectivemeut. « Jus idem dirimenda-
rum appellalionum Bituricensi, liurdigalensi,
Narbonensi et Viennensi, licet se primates in-
digitent, exira provincias suas non conipetit,
imo nec ulli alteri priniati in Europa. » Ce sont
les termes de M. de Marca (De Primatu Lug-
duii. n. 121). »
CHAPITRE TRENTE-CINQUIÈME.
IIF, LA PRIMATIE DE BOIRGES; DE CELLES DE BORDEAUX, DE NARBONNE ET DE VIENNE.
I. Erection et démembrement de la primatie de Bourges. mat de nourges jusqu'au pontificat de Clément V, qui l'en af-
II. Comment la miHro]inle de Rordcaux se sépara de cette Iram-liil.
pnmatie. \'- Le roi Charles VII travaille à l'y soumettre de nouveau. —
III. Diverses réflexions sur l'histoire de ces changements. Pour(pmi ?
[• IV. La métropole de Bordeaux, de nouveau soumise au pri- VI. Si Bordeaux a eu quelquefois la primatie?
DES l'KlMATS DE BOURGES, BORDEAUX, etc.
IS"
VII. Du double pouvoir donné au primai de Bourges.
VIII. De la primalie de N'arbonue sur Ai.x.
IX. Et sur Tarragone.
X. De la primalie de Vienne sur sept métropoles, érigée par
f.alli.xle 11.
XI. Pourquoi il se dit primat des primais 1
XII. Déro\ite de ces primaties.
XIII. Primalie de Reims.
XIV. Des droits des primats.
I. L'archevêque de Bourges Ermembert jus-
tifia, quoiqu'avec peine, qu'il était métropoli-
tain, et qu'il ne dépendait d'aucun autre
aiclievèque. Aussitôt le pape Adrien 1" lui ac-
corda le pallium. « Nobis confessus est. ul sub
nullius archiepiscopi jurisdictione esse vide-
retur. (Anno 786). » Mais Charlemagne ayant
environ le même temps érigé la Guienne en
royaume, et ayant déclaré Bourges la capitale ,
il fit aussi ériger cette métropole en primatie ,
à laquelle il soumit les métropoles de Bordeaux,
d'Auch et de Narbonne, sans iiaiier du droit de
couronner les rois d'Aquitaine, qui fut toujours
atfecté au primat de Bourges 'An. 781, Patriar-
chii Bituricens. c. I6i^.
Lacompilationd'Isidore, qui avait alorsgrand
cours par le monde, avait accoutumé les gens
à croire que les métropolitains devaient avoir
au-dessus d'eux des primats ou des patriarches,
et que celle de plusieurs provinces qui ]ior-
taientle même nom, qui était marquée la pre-
mière dans le catalogue des Cités, devait aussi
emporter la primatie sur les autres. .Vinsi il pa-
raissait comme naturel que Bordeaux et Auch ,
(]ui étaient les capitales de la seconde et de la
troisième Aquitanique, cédassent à Bourges,
qui était capitale de la première, et relevassent
de sa primatie An. 864 .
Quanta Narbonne, ce ne peut avoir été que
l'intérêt politique qui la fit relever de Bourges,
afin de lier plus étroitement entre elles toutes
les provinces de ce nouveau royaume. Le pape
Nicolas I-' écrivant à Rodolphe archevêque de
Bourges, lui donne le titre de primat et de pa-
triarche , etétablit son droit déjuger des appels
de l'archevêché de Narbonne, de l'aveu même
de l'archevêque de Narboime.
Cette primatie de Bourges se démembra avec
le royaume d'Aquitaine. Dès qu'on eut érigé le
manjuisat de Gofhie, et le duché de Narbonne,
la métropole de Narbonne se Sépara de la pri-
matie de Bourges, et fit elle-même une prima-
tie à part, après que le pape Urbain II, lui eilt
donné la qualité de priiuat sur l'archevêque
d'Aix (An. 1097).
II. Les ducs de Guienne firent aussi soulever
la métropole d'.Vuch contre le iiriniat de Bour-
ges, aiiipiel il ne resta ])lus (juc sa pro[ire mé-
tropole, et celle de Bordeaux tjui le reconnus-
sent. Pendant le schisme d'Anaclet contre le
pape Innocent II, Gérard évêqiie d'.Vngoulême
s'étantjeté dans le parti de l'antipape, ets'étant
ensuite fait élire archevêque de Bordeaux, les
évêques de cette province eurent recours à
Vulgrin, archevêciue de Bourges, comme à
leur chef et primat, pour obtenir sa protection,
et celle du roi de France, par son moyen, contre
les violents emportements des schismati(iues.
et pour faire publier un anathème contre tous
leurs partisans dans les provinces de Bordeaux
et d'Auch. " Insuper Auxiensi archiepiscopo et
liurdigalensi Ecclesiae et eorum sutlraganeis per
obedientiam prœcipiatis, utomnes illos publiée
excommunicent. qui duci.\quitania' auxilium
impenderint 'Bosquet, Nota ad Innoc. Il, Epist.
p. 202, patriarchii Bitur., c. 62). »
On peut lire les lettres de ces prélats et les
réponses de Vulgrin, primat des Aquitaijies ,
dans le livre intitulé Patrinrchium Bituricense.
Les papes Alexandre 111 An. 1 16 V), Eugène lll,
Luce II (An. 1183), Urbain III An. 1187;,
Clément III (An. H88 , Célestin III (An. 1192),
ne confirmèrent le primat de Bourges quedans
la supériorité qui lui restait sur la province de
Bordeaux. On peut lire la lettre d'Eugène 111
dans les conciles généraux, et dans le Patriar-
chium Biti/ricense (Bibliot. MSS. Labbei tom.
II, p. 93).
Mais après que les rois dWngleterre eurent
acquis le duché de Guienne, ils ne souffrirent
plus que la métropole de Bordeaux relevât de
Bourges. Le roi Philippe Auguste en porta ses
plaintes au pape Innocent lll auquel il repré-
senta que l'Eglise de Bourges, quoique pauvre,
était pourtant la plus noble et la plus considé-
rée des Eglises de son royaume, et qu'il n'était
pas juste que l'archevêque de Bordeaux com-
mençât de refuser au primat de Bourges les
devoirs que ses prédécesseurs lui avaient tou-
jours rendus. « Ecclesia Bituricensis , licet
tenuis in facultatibus, inter alias tamen regni
nostri Ecclesias existit nobilior, cum primatiœ
obtineat dignitatem. Cum igitur Burdigalensis
archiepiscopus, pra^decessorum non sequens
vestigia,seadeoobedientemetdevotum Ecclesiae
Bituricensi exhibere non velit , sicut iidem
prœdecessoressui fecisse noscuntur, etc. (Conc.
Gêner., t. x. p. 1060. Bibliot. MSS. Labbei
tom. u, p. 88. —An. 1211,. »
188 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE TRENTE-CINQUIÈME,
Enfin ce grand roi presse d'autant plus ins-
iamnienl, et d'autant plus justement le pape
de conserver au primat de Rourges ses an-
ciennes prérogatives, que c'est la seule jiri-
iiiatie de tout son royaume. « Cum sola Rituri-
censis Ecclesia in toto regno nostro primatiœ
obtineat dignitalem.
Le pape Innocent III confirma la sentence de
suspension fulminée par l'archevêque de Rour-
ges contre l'archevêque de Bordeaux, pour ne
s'être pas rendu à son concile, et n'y avoir en-
voyé personne; sans néanmoins juger a fond
de la primatie. (Regist. xv, ep. io, 1-28). C'était
néanmoins un grand préjugé. Ce même pape
relâcha ensuite lui-même cette sentence de sus-
pension, obligeant l'archevêque de Bordeaux
de promettre qu'il se rendrait à l'avenir au
concile de Bourges. « Firmam promissionem
recipientes , quod vocatus accedet ad ijisius
Rituricensis concilium , facturus quod de
jure fuerit faciendum ( Regist. xvi , epist.
LXV). »
111. Remarquons ici avant que de passerplus
loin : 1" Une la primatie de Rourges était dans
la pleine jouissance de ses droits sur les pro-
vinces de son ressort au temps que Cré-
goirc Vil et Urbain II établirent la primatie de
Lyon. Ainsi ces papes ne travaillaient qu'à éta-
blir dans les autres provinces de l'Eglise galli-
cane la même police qui avait lieu dans les
trois Aquitaines. •2° Que cette primatie de
i'.durges paraissait avantageuse iiour la gloire
de l'Etat et pour l'union plus étroite des Eglises
et des provinces entre elles , puisque c'était là
probablement le motif qui avait poussé Cliar-
lemagne à son établissement, et qui portait
Philippe Auguste àsa conservation. C'était donc
l'avantage propre des Eglises et des royaumes
(|ui donnait fondement à établir ces nouvelles
dignités. 3° Que si le roi Philipi)e Auguste ne
voulait pas soufl"rir(iue la |>ro\ince de Bordeaux
se retirai de l'obéissance du primat de Rourges,
(]uoiqu'elle fût soumise aux Anglais, il faut
conclure de là que la création de la primatie
de Lyon n'avait rien de contraire, ni aux ca-
nons, ni aux lois, ni i)eut-èlre même aux avan-
tages du royaume de France , puisque les em-
pereurs avaient abandonné aux archevêques de
Lyon toute la temporalité cprils y avaient jws-
sédée, et que la puissance temporelle d'un
archevèciue ou d'un comte de Lyon ne pouvait
rien avoir de formidable pour la France. Il est
vrai que la Cuienue ne laissait jias alors de re-
lever de nos rois, ce qu'il n'est pas aussi facile
de justifier de Lyon.
IV. Le pape Honoré III confirma seulement
en général les privilèges de l'Eglise de Bourges;
aussi le jugement de la primatie fut renouvelé
sous le pape Grégoire IX, qui prononça une
sentence provisionnelle, qui se lit dans les Décré-
tales; «de majoritateet obedientia (An. d223. —
Cap. ultim. et décret. Greg., 1. 1, t. xxxiu.c. 17.
L. II, t. viii, c. i. L. II, t. XIV, C.20. — Patriar-
chii Biluric. t. ii, p. 112, 116, 118. Rainai.— An.
I2r).'>, n. il). » Par cette sentence le primat de
Bourges pouvait visiter la province de Bor-
deaux, pourvu qu'il n'y employât pas plus de
cinquante jours, dans lesquels on ne compren-
drait pas les jours qu'il pourrait être attaqué
de maladie. « Dies quibus infirmari contigerit,
dicimus non esse computandos in numéro quin-
quaginta dierum ; quibus secundum provisio-
nem (Iregorii papœ, licet eidem archiepiscopo,
si voluerit, Rurdigalensem provinciam visi-
ta re. »
Ce même pape donnant un archevêque à
Rourges, lui donna aussi cet éloge : « Ei qu*
inter universas métropoles speciali gaudet pri-
vilégie. » On peut remarquer des preuves sem-
blables dans le Patriarchium Bituricense , jus-
qu'au pontificat de Clément V, Le P. Mabillon
a donne au second tome de ses Analectes le
journal de la visite du primat de Rourges, en
l'an 1284, dans la primatie de Bordeaux.
Ainsi la métropole de Bordeaux a persévéré
plus longtemps que les autres dans la sujétion
de la primatie de Rourges. Car Auch et Nar-
bonne s'étaient déjà mis en liberté l'an I22(i,
comme Mathieu Paris nous l'a appris dans le
chapitre précédent. Enfin Rordeaux en fut
exempté par le pape Clément V qui voulut
peut-être se ressentir de l'excommunication
que le primat de Rourges, pour maintenir sa
primatie, avait lancée contre lui lorsqu'il était
encore archevêque de Bordeaux ; et peut-être
voulut-il simplement affranchir la ville et le
siège d'oii il avait été porté sur le trône aposlo-
li(pie Spondanus ad. an. 1308, n. 7, 8).
Valsinghan l'assure de la sorte : « Primatum
AquitaniiudeBituricensitranstulitad Ecclesiam
Rurdigalensem. » Ces paroles marquent seule-
ment ratlranchissement de Bordeaux, et non pas
qne la primatie lui ait été donnée sur d'autres
Eglises. Après cela la primatie de Rourges a été
réduite danslesbornesde sa propre province, et
il ne lui en est demeuré d'autre avantage que ce.
DES PRIMATS DE DOURGES, BORDEAUX, etc.
1«9
Iiiid'avoir un officiai particulier de la primatio,
auquel on appelle de l'official ordinaire de la
métropole (Anno 1305.— Valsinyh, toin. i, p. 63,
tom. u, p. 108. Chronicon. Triveti.— Anno 1305.
— Spicilegii tom. vui, p. "■2i).
V. Quant à l'exemption accordée à l'arche-
vêque de Bordeaux par le pape Clément V, on
en peut voir la bulle entière dans le premier
tome de la compilation intitulée, Gallia Chris-
tiana. On y remarquera que ce ne fut qu'un
affranchissement de la primatie de Bourges
accordé à Bordeaux, absolument nécessaire
pour finir tant de fâcheuses contestations, que le
pape Grégoire IX n'avait pu terminer par ses
rescrits , auxquels les archevêques de Bor-
deaux n'avaient jamais déféré, comme étant
encore trop désavantageux à leur Eglise.
Il est vrai qu'aprèscela le roi Charles Yll, en
l'an 1461, donna des lettres patentes en faveur
de laprimalie, ou po/m/rcr// de Bourges , par
lesquelles il ordonne que dans toutes les Eglises
A' Aquitaine son autorité soit reconnue , daiis
les causes : élection, confirmation des arche-
vêques, évêques, abbés, et autres causes dévo-
lues par appel, assurant que de toute ancienneté
les provinces de Bordeaux, Toulouse et autres
étant dans l'Aquitaine avaient dépendu de
Bourges ; et que même depuis peu on avait
appeléde l'archevêque de Bordeaux au primat
de Bourges, dans la cause de l'élection de
l'évêque de Saintes (Preuves des lib. de l'Egl.
Gallic. c. XXXVI, n. 19]. Le roi Louis XI ayant
succédé en la même année au roi Charles Vil
commanda que ces lettres fussent exécutées
(Pragmat. Pinssoni, p. 1016).
La conjoncture du temps ne nous laisse
presque pas lieu de douter que ce n'ait été
pour affermir davantage la province de Bor-
deaux dans l'obéissance de la couronne de
France, que le roi Charles Vil tâcha de la re-
mettre dans la sujétion de la primatie de
Bourges. Ce grand roi s'était vu réduit durant
fort longtemps presque à la possession de
la seule ville de Bourges, les Anglais dominant
dans presque tout le reste de la France. 11 re-
couvra enlin son royaume d'entre les mains de
ces injustes usurpateurs, mais la Guyenne fut
la dernière qui rentra dans l'obéissance de son
légitime souverain. Après qu'elle eût été recon-
quise par ce roi victorieux, elle se réunit en-
core une fois entre les mains de ces anciens
ennemis de la couronne, avec la ville de Bor-
deaux. • • . ■ .
Ce grand roi eut à peine le loisir, avant sa
mort, de la reprendre tout entière, et de faire
cette ordonnance, ([u'il crut nécessaire pour la
lier plus étroitement à sa fidélité, en l'assujet-
tissant à une ville qui avait toujours été si
attachée aux intérêts de son Etat et de sa per-
sonne. Mais ou ne voit [>as que cette ordon-
nance ait produit aucun elfet considérable, [)Our
ce qui regarde les droits de la primatie de
Bourges. Au contraire, l'archevêciue de Bor-
deaux a toujours continué de prendre la qualité
déprimât, selon la bulle de Clément V, comme
ne relevantd'aucun autre primat, etde nommer
un officiai de sa primatie, auquel on appelle
des offlciaux de la province de Bordeaux seule-
ment.
VI. 11 faut encore ajouter à cela que l'arche-
vêque de Bordeaux a quelquefois joui des
droits de primatie sur la métropole de Tou-
louse, et que le primat de lîourges, nonobstant
la bulle de Clément V, continua toujours de
faire quelques protestations de ses justes pou-
voirs sur Bordeaux et sur Toulouse. Denys du
Moulin ayant été élu archevêque de Toulouse
en l'an 1421, le chapitre demanda la confirma-
tion de cette élection à Henri, archevêque de
Bordeaux, comme au primat ou patriarche.
Henri fit examiner l'élection par ses commis-
saires, et la confirma en 142-2 (Catel. mémoires
du Languedoc, p. 935.)
Le nouvel archevêque de Toulouse en même
temps donna un acte public, par lequel il dé-
clarait n'avoir nullement prétendu préjudicier
aux droits que l'archevêiiue de Bourges pré-
tendait sur Toulouse, en qualité de primat
d'Aquitaine. Ce nouvel archevêtiue de Tou-
louse, en se faisant confirmer par un primat,
s'affermissait lui-même dans la qualité et dans
les droits de métropolitain. En l'an 1512, le roi
François 1" fit une ordonnance, pour enjoindre
à l'archevêque de Bordeaux de nommer un
officiai particulier, et comme archevê(iue, et
comme primat, pour les évêchés de sa pro-
vince qui sont dans le ressort du parlement de
Paris (Preuves des libert. gallic, c. xxxv,
n. 54.)
Vil. Il reste une 'difficulté à lever sur le
double pouvoir que les papes accordèrent pro-
visionnellement au primat de Bourges. 1" De
visiter la province de Bordeaux, et d'en recevoir
les procurations ordinaires des visites durant
l'espace de cinquante jours. 2" D'obliger les
archevêques de Bordeaux de se trouver à leurs
m) DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-ChNQUIÈME.
conciles, lorsqu'ils y seraient conviés. Le cha-
pitre précédent nous a fait voir que le primat
de Lyon fit à la vérité quelque tentative pour
prendre ces avantages sur la province de Sens ;
mais elle ne lui réussit pas , et les droits de sa
primatie furent réduits aux appels. La réponse
à mon avis la plus vraisemblable est que,
quand les papes en jugèrent de la sorte par pro-
vision, ils trouvaient le primat de Rourges
dans une longue possession de ce double pou-
voir : et la raison en pouvait être que la pri-
matie de Rourges étant plus ancienne que celle
de Lyon de plus de deux cents ans , elle pou-
vait avoir obtenu ce double pouvoir dès sa
première origine.
VIII. Disons un mot de l'archevêque de Nar-
bonne, que nous avons vu assujetti à la pri-
matie de Rourges, et qui dans la suite du temps
s'éleva lui-même au titre et à l'autorité de
primat. Ives de Chartres nous a conservé la
lettre du pape Nicolas I", à Radulphe, arche-
vêque de Rourges, par laquelle ce pape lui fait
savoir les plaintes qu'il avait reçues de la part
de l'archevêque de Narbonne Sigebod , de ce
que le primat de Rourges poussait trop loin les
droits de son patriarcat, attirant à son tribu-
nal les ecclésiastiques de la métropole de Nar-
bonne sans son agrément, les canons ne lui
réservant que les causes d'appel. « Conquestus
est Sigebodus , quod Clericos suos eo invito ad
judicium tuum venire compellas, et de rébus
ad Ecclesiam suam pertinentibus eo inconsulto,
quasi jure patriarchatus tui disponas : cum hoc
nec antiquitas liabeat , et auloritas sacrorum
canonum intcrdicat, nisi forte pro causis, quas
apud se terminare non possunt, ad te quasi ad
patriarcham suum jirovocaverint i^Ivo. Epist.
cxxxiii).» Voilà donc cet archevêque sujet à un
primai. Le voici primat lui-même.
I\. Dès le tcmiis du pape Urbain II, l'arche-
vêque de Narbonne prétendit à la qualité de
primat, témoin ce pape même dans ses lettres
au cardinal légat, qu'il avait envoyé en Esi)a-
gne. Car la ville de Tarragone ayant été re-
prise depuis peu sur les Maures, et ses droits de
métropole n'étant pas encore bien éclaircis,
ce pape ordonna, par provision, qu'elle serait
sujette à la métropole de Narbonne , et à la
primatie de Tolède, jusqu'à ce que l'arche-
vêque de Narbonne eût trouvé les titres de sa
prétendue primatie sur Tarragone. a Tarraco-
nensibus episcopis nostra autoritate prœci-
pito , ut intérim Narbonensi, tanquam proprio
metropolitano obediant, Toletano sicut pri-
mati; donec Narbonensis archiepiscopus se
eorum primatem fuisse certa possil autoritate
monstrare (Conc. Gen. tom. x, pag. ISil).»
11 n'est pas sans apparence qu'au temps que
les marquis de Gotliie formèrent un Etat con-
sidérable , dont Narbonne était la capitale, ces
princes furent bien aises que l'autorité spiri-
tuelle de Narbonne prît la même étendue deçà
et delà les monts, et servît par ce moyen à
l'affermissement de leur puissance temporelle.
Ce fut par ce motif que les archevêques de Nar-
bonne furent soustraits de la dépendance du
primat de Rourges, et tâchèrent de profiter de
la déroute des Eglises de la Catalogne, afin de
s'y ériger une image de primatie. Nous dirons
ci-dessous comment Tarragone recouvra son
droit de métropole, et ne releva plus que du
primat de Tolède. Si Narbonne perdit cet avan-
tage, plutôt prétendu que possédé , elle vit
aussi sa liberté affermie par le pape Martin V,
qui l'affranchit par un décret de toutes les pré-
tentions du primat de Rourges, aussi bien que
de celles de l'archevêque de Vienne, auquel
Callixte II l'avait assujettie, comme nous allons
dire (Rainai. An. 1 il8, n. 33).
X. Ce pajie voulant honorer le siège archié-
piscopal de Vienne , qui lui avait servi de de-
gré pour monter sur le trône des Apôtres,
renouvela tous les anciens privilèges des an-
ciens papes et des empereurs en sa faveur, et
soumit à sa primatie sept métropoles, savoir:
celles de Vienne, de Rourges, de Rordeaux,
dAuch, de Narbonne, d'Aix et d'Embrun,
avec pouvoir d'y assembler des conciles et d'y
terminer les causes ecclésiastiques, en ([ualité
de vicaire du Saint-Siège (.\nno 11-20). «Ut
videlicet super septem provincias primatum
obtineat, et in eis Romani pontificis vices agat,
synodales conventus indicat, et negotia Ec-
clesiastica juste canoniceque definiat (Conc.
tom.x, pag. 8-20).» Rordeaux et Narbonne s'étant
déjà soustraits de la dépendance de Rourges,
et ainsi la primatie de Rourges pouvant passer
pour une simple métropole, ce pape crut pou-
voir mettre ces trois métropoles dans la dé-
pendance de Vienne.
Les Romains ayant établi un sénat à Vienne
pour gouverner les Gaules, elle fut appelée la
ville du sénat, « Urbs Senatoria, » selon Adon,
archevêque de Vienne. Les rois de Rourgogne
y établirent depuis leur séjour, et saint Odilon
rai)pelle avec raison la ville royale : « Vienna
DES PRIMATS DK H l'HCES, BORDEAUX, etc.
l!tl
nobilis sedes regia. » Elle fut dans la même
cousidération dans le renouvL'lltniient du
royaume de Bourgogne, j'^i" 1*^ démembre-
ment des Etats de Cliarlemagne et de Louis le
Débonnaire. Les empereurs d'Allemagne, à qui
ce royaume écbut, firent gloire de lui procu-
rer tous les honneurs et tous les avantages
possibles. L'archevêque de Vienne était archi-
chancelier de l'empire sous Frédéric I", en
l'an lirn (Bibliol. Clun. pag. 350).
Le pape Callixte, qui était de la maison
royale de Bourgogne , voulut mettre le comble
à son élévation en l'honorant d'une si vaste
|)rimatie (Ibidem. Nota, pag. t-il). Quant au
choix de ces sept provinces , ce pape suivit la
notice des villes dont il a déjà été parlé, où la
cité de Vienne a le premier rang au-dessus de
ces six autres villes, de même que Lyon était
au-dessus des autres Lyonnaises. Pierre le Vé-
nérable, ablié de Cluny, parle du patriarcat,
c'est-à-dire de la primatie de Vienne. « Ex quo
Viennensis patriarcha factus est L. vi, ep. xi.»
XI. L'archevêque de Vienne se donna même
la qualité magnifique de « primat des primats, »
comme étant élevé au-dessus de l'archevêque
de Bourges, qui était primat d'Acjuitaine, et
au-dessus de l'archevêque de Narbonne, à qui
Urbain II avait donné la primatie sur l'arche-
vêque d'Aix. Mais cet agrandissement excessif
ne fut pas de tlurée, les primats et les métro-
politains intéressés par cette constitution de
Callixte n'ayant pas seulement été ouïs. Tout
le fruit de la concession de Callixte se termina
eûectivement à mettre les évêchés de Die et de
Viviers sous la métropole de Vienne, ayant été
auparavant soumis à celle d'Arles (Marca de
Primat. Lugdun. n. t-23j.
XII. Nous avons dit que le pape Urbain II
donna, en 109" , à l'archevêque de Narbonne ,
la primatie sur l'archevêque d'Aix. Le pape
Pascal 11 confirma ce privilège : « Primatum
vobis super secundam Narbonensem, id est,
Aquensis metropolis, sicut a nostri prœdeces-
soribus statutum est , confirmamus. (Pascal.
Ep. XLvm). » La même raison apparente y avait
lieu; la province d'Aix était appelée la seconde
Narbonnaise dans les catalogues des villes qui
étaient alors en crédit. Mais comme on ne voit
pas dans l'histoire les effets de cette concession,
il est probable que le principal fruit qui en re-
vint , fut l'affranchissement de la primatie de
Bourges , auquel le métropolitain de Narbonne
aspirait.
Les rescrits d'Alexandre III, en IHH, et
d'Urbain 111 en 1187, ne maintenant la prima-
tie de Bourges que sur Bordeaux, en exemp-
taient tacitement les métropoles de Narbonne
et d'Auch. Ainsi il parait que si quelques mé-
tropoles n'ont pu secouer le joug des primats,
quelque effort (fu'elles aienl pu faire, il y en a
eu un bien plus grand nondire d'autres <iui
s'en sont alfranchies. Les occurrences diverses
des temps rendent quelquefois dangereux ce
qui a été utile , et donnent un très-légitime
fondement à ces différentes révolutions que
nous admirons dans la discipline de l'Eglise.
L'intérêt et la passion se mêlent à la vérité
très-souvent dans les affaires les plus saintes ,
et parmi les personnes les plus religieuses.
Mais si les moindres événements ne peuvent
échapper à la Providence et à la sagesse du
Créateur, il faut croire ([ue ces changements
considérables dans la police de l'Eglise sont
conduits et ménagés du ciel, par des règles et
pour des avantages qu'il nous est quelquefois
plus facile d'admirer que de pénétrer.
Xlll. L'archevêque de Reims disputa de la
primatie avec l'archevêque de Trêves, dans le
concile tenu à Reims par le pape Léon IX, en
l'an loU), se prétendant le primat des Gaules :
« Quod Remensis esset primas in Gallia. » Le
I)ape évita sagement de s'embarrasser d'une
question si embrouillée, et se contenta de faire
ranger les sièges en cercle à l'entour de son
trône. Dans le concile de 1039, où le jeune
roi Philippe fut couronné à Reims, l'arche-
vêque allégua que les papes avaient donné à
son Eglise le droit de couronner les rois, et la
primatie des Gaules : « Et totius (ialliœ prin-
ci[>atum. »
Depuis, cet archevêque, pour ne pas recon-
naître l'autorité de l'évêtine de Die, que le
jiape Grégoire VU avait revêtu de la dignité de
légat a latere, allégua les anciens privilè-
ges de la primatie de son Eglise. Ce pai)e lui
écrivit que ces sortes de privilèges n'étaient en
■vigueur qu'autant de temps et en autant de
lieux que l'utilité ou la nécessité de l'Eglise le
demandait : « Possunt quœdam in privilegiis
pro re, pro persona, pro tempore, pro loco
concedi, quœ iterum pro iisdem, si nécessitas
vel utilitas major exegerit, licentervaleantcom-
nmtari (L. vi, ep. u). » Que toutes ces prérogati-
ves d'honneur et de puissance étaient données
au besoin de l'Eglise, non pas à lambition
des prélats : « Privilégia siquidem non debent
492 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-CINQUIÈME.
sanctorum Patriim autoritatem infringere,
sed tililitati sanctœ Ecclesia^ prospicere. » Que
la priiiialie d'Arles avait été en son temps très-
florissante, qu'après cela elle avait passé à
d'autres Eglises, selon que le Saint-Siège avait
jugé utile pour les besoins pressants de chaque
siècle.
Celle de Reims pouvait bien avoir eu le
même sort , puisque ce pape dit que Reims
avait été même (|uelquefois dans la dépen-
dance d'un jiriinat. a Remensis etiam Ecclesia
quodam tempore primati subjacuit. » Je ne
sais si ce pape fait allusion à l'archevêque
d'Arles, ancien primat, ou à saint Boniface de
Mayence, ou à Anségise de Sens; car toutes
ces explications ont quelque apparence, mais
elles souffrirent de grandes difficultés.
Mais il est bien clair que les archevêques de
Reims tâchaient de rétablir les débris de leur
ancienne gloire, (ierbert, archevêque de
Reims, dit que l'Eglise de Reims est la pre-
mière du royaume , et comme la capitale.
« Quœ quoniam regni Francorum caput est
(Episl. CLix). » Le roi Louis le Gros donne le
même titre d'honneur à la même Eglise.
« Matrem meam et caput regni mei Eccie-
siam (Du Ciiesne, tom. vn, pag. iiri). »
Ives, évéque de Chartres, assure dans une
de ses lettres que la coutume et le privilège
ajjostolique avaient réservé à l'archevêque de
Reims le pouvoir de célébrer les noces des
rois. « Respondi me nuptiis interesse nolle ,
nisi vos carum essetis consecrator et autor,
et coepiscopi vestri assertores et cooperatores,
quoniam id competit juri Ecclesia; vestrœ, ex
Apostolica aulorilate, el antitiua consuelu-
dinc (Epist. xufj. »
L'autre lettre du même Ives, où il montre
(pie les rois n'ont [tas toujours été sacrés à
Reims , et qu'exlraordinairenn'nt ils peuvent
être consacrés en d'autres métropoles (Epist.
i.xx). cette lettre, dis-je, n'empêche pas
qu'il ne soit vrai de dire que cette auguste
cérémonie a été ordinairement réservée à l'ar-
chevê(|ue de Reims , et qu'elle pourrait bien
être un reste de l'ancienne prééminence de
cette Eglise.
Le même Ives en demeure d'accord dans
une autre lettre, quand il déclare au pape
môme que l'Eglise de Reims conserve le dépôt
sacré de la couronne royale, et qu'elle sert de
modèle à toutes les autres Eglises du royaume,
tant pour le relâchement que pour la sévérité
de la discipline. « Novit prudentia vestra, eam-
dem sedeni diadema regni habere, et omnibus
pêne Gallicanis Ecclesiis exemplum ruinœ, vel
resurrectionis existere (Epist. cxvi). »
XIV. Je finirai ces chapitres despriraatiesen
France, par une nouvelle confirmation de ce
qui a été dit ci-dessus, que toute la supériorité
des primats sur les métropolitains ne consis-
tait plus que dans le droit de recevoir et de
juger les appels. L'archevêque et primat de
Lyon, Louis de Marquemont, voulant célébrera
Paris une messe pontificale dans l'Eglise de
Saint-Eustache, en l'an 1019, le curé de Saint-
Eustache donna acte, par lequel il assure que
l'archevêque en avait obtenu permission du
cardinal de Condy, évéque de Paris; qu'il n'a-
vait pris que les ornements ordinaires des
évêques, sans pallium, et sans la croix archié-
piscopale ; enfin (ju'il avait prêché dans la
même église, sans qu'on portât devant lui, ni
sa crosse, ni la croix haute (Fevret de l'Al-
bus. L. ni, c. 3, n. 1 i). L'an 10:28 , M. du
Saussay, officiai de Paris, fit un traité fort
savant pour M. l'évêque de Paris contre
l'archevê(|ue, primat de Lyon, qui |)rétendait
pouvoir faire porter sa croix devant lui dans
tout le ressort de sa primatie (Marca de Pri-
mat. Lugduu. n. 1:27 (1).
(I) La juridiction des primats ayant été éleiDte et n'ayant pas été
rétablie par la bulle du 29 novembre 1301 qui rét.rganisait l'Eglise
de France, nous croyons qu'en l'état actuel de la discipline un appel
du métropolitain au primat ne serait pas valable. L'archevêque de
Lyon porte bien encore le titre de primat des Gaules^ mais c'est un
titre sans juridiction. Il n'en a d'avitre que celle de métropolitain.
La grave question des appels trouve ici sa place naturelle, car il im-
porte grandement de savoir ce que la discipline actuelle de France
comporte en un point d'une si haute importance et qui est la sauve,
gartie contre tous les arbitraires et les injustices. Le gouvernement
ne reconnaît pas d'autres décisions judiciaires que celles qui sont
prises par l'évêque ; il admet qu'on en appelle d'une sentence épis-
copale au métropolitain. Cela ressort de l'article 15 des organiques.
Mais le gouvernement n'allait pas plus loin. Comprenant le but de
ce silence, le cardmal légat, dans la réclamation qu'il adressa contre
les articles organi(iues en août ISÛ3, « demanda nettement à qui l'on
« devait s'adresser si les métropolitains ne faisaient pas justice. »
L'organe du gouvernement, Portails, répondit à cette question : o On
u peut dans ce cas recourir au pape, qui prononce alors dans les
'1 formes fixées par nos usages. » Dans son rapport du 22 septembre
1803, il ajouta : a Le recours au pape n'avait pas besoin d'être ex-
II primé dans une loi particulière à rF.glise de France. Ce recours ap-
■ partient à la discipline générale (pli régit le corps entier de l'Eglise. »
Ainsi donc, le gouvernement reconnaît dans la jurisprudence ecclé-
siastique moderne le droit d'appel de l'évêque au métropolitain, et
de celui-ci au pape. Mais p3r suite d'une prétention que nous consta-
tons, sans la comprendre, le gouvernement, qui reconoait le pouvoir
judiciaire, en tant que personne épi'scopale, refuse ce droit à un offi-
ciai capitulaire agissant seul : il ne le reconnaît qu'aux vicaires capi-
tulaires agissant collectivement. Une ordonnance royale en conseil
d'Etat du 2 novembre 1833 annula et déclara abusive une décision
qu'un vicaire capitulaire d'Aix avait prise seul comme officiai j elle
ne pouvait être valable qu'autant que les vicaires capitiilaires la
prendraient collectivement, Mais qui ne voit ici les inconvénients de
DES PRIMATS D'ANGLETERRE ET D'IRLANDE.
lyj
CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME.
DES PRIMATS D ANGLETERRE ET DIRLANDE.
I La primatie adjugée par les conciles et les papes îi Cunlor-
béry sur York.
II. Fondement de cette primatie soutenue par saint Lanfiaac.
III. Et par saint Anselme.
VI. Suite des contestations entre ces deux archevèqmts.
V. Commencement de la décadence de la primatie de Canlor-
béry.
VI. Pommaire de l'histoire de cette primatie.
VU. Trois saints archevêques de Cantorbéry ayant soutenu
avec zèle et avec chaleur les droits de leur primatie j il y au-
rait de la témérité à mal juger de ces tontestations entre les
prélats. Règles du jugement qu'on en doit faire.
Vill. Saint Maiachie , archevêque d'Armach , va faire confir-
mer à Rome sa piimalie d'Armach.
ÏX. Cette primatie était un démembrement de celle de Can-
torbéry. Rien n'était plus juste. Preuves de cela. Maximes utiles
qu'on peut en tirer.
T. L'ancienne conlesiation entre les archevê-
ques de Ccinlorbéry et d'York en Angleterre,
louchant la primatie , fut terminée en faveur
de Tarchevêque de Cantorbéry dans un concile
dWngleterre, tenu en \01î> par ordre du pape
Alexandre 11 en présence d*un légat a latere
(Matthanis Paris. An. 107-2; Vuillel. iMalmesb.,
I. ni, p. 117, IOr> .
Le roi Guillaume le Conquérant, et les ar-
chevêques Lanfranc de Cantorbéry et Thomas
d'York étaient présents; et il ftit résolu que
l'archevêque d'York reconnaîtrait celui de
Cantorbéry comme son primat, se trouverait à
ses conciles, ou y enverrait, en garderait les
décisions, recevrait de lui la consécration, et
lui ferait la profession canonique avecserment;
néanmoins, à la prière du roi, Lanfranc dispensa
Thomas du st-rment, et se contenUi de recevoir
de lui la profession par écrit, sans préjudicier
néanmoins à ses successeurs qui voudraient
ringérence civile dans le for ecclésiastique? Uoe Eglise n'a qu'uQ
chef, l'évèque ; et à sa mort, un seul officiai capitulaire, dépositaire de
la puissance épiscopale, qui oe peut pas être divisée sur plusieurs
têtes. Ainsi à la place de Tunité qu'a établie TEglise, les intromis-
sions civiles glissent l'anarchie. Une Eglise n'est pas gouvernée par
un sénat de plusieure membres, mais par un seul chef.
Nous allons faire connaître les cas où, dans la discipline actuelle,
l'appel contre une sentence épiscopale n'a qu'un effet dévolulif, c'est-
à-dire que la sentence est exécutable même durant l'appel : lo Sus-
pension d'un prédicateur; 2» révocation de pouvoirs pour administrer
le sacrement de pénitence; 3o décision prise en cours de visite contre
une maison religieuse peu régulière ; 4» ordonnance relative au ser-
vice divin dans les hôpitaux et autres établissements publics. Dans
notre livre -■ Les lois de l'Eglise sur la nomination, la mutation et
la révocation des curej — situation anormale de l'Eglise de France
nous avons victorieusement démontré qu'un curé, dit impropre-
ment desservant, qui ferait appel contre un changement arbitraire,
sans motif canonique, cet appel produirait nécessairement un effet
suspensif, c'est-à-dire que la décision del'évêque ne serait exécutable
qu'après la sentence du juge supérieur, et que l'appelant resterait seul
légitime curé pendant l'appel. Qui ne sait en effet que de funestes
préventions, des pressions incompétentes peuvent quelquefois entraî-
ner les plus saiiits prélats? Ceux qui entourent l'évèque sont-ils tou-
jours des conseillers justes, équitables, sans passion, sans rancune?
L'envie, la jalousie, les honteux mobiles ne se sont-ils jamais glissés
au sein de la milice sacrée?
Pûur compléter cette matière, il est nécessaire que nous disions
quelques mots des appels comme d'abus que s'est réservés le pouvoir
civil. La question n'est pas d'examiner ici la compétence ou l'incom-
pétence d'une telle prétention, mais seulement de faire connaître sa
nature car c'est un fait passé dans notre législation civile. Notre
but est donc de le constater seulement.
Lorsque Léon X, pour assurer l'exécution du Concordat que le
clergé de France refusait d'accepter, nomma, dans la bulle du
IG mai 1518, François l^r et ses successeurs légitimes, les conserva-
teurs et exécuteurs dudit concordat, investit par là même rautorité
séculière du droit d'interveuir dans la mise en pratique des lois ca-
noniques. De là naquit Vappel comme d'abus j c'est-à-dire une voie
Tii. — Tome I.
extraordinaire établie en France pour faire réformer par le roi tout
ce que les évéques et même les conciles provinciaux peuvent faire
de contraire à ce qu'on appelle les libertés de l'Eglise gallicane.
Cette prétention, on le conçoit aisément, soumit complètement l'Eglise
à l'Etat. Aussi le judicieux Fleury lui-même, tout gallican qu'il était,
ne craint pas de dire, dans son Discotirs sur les Libertés, que les
appels comme d'abus ont achevé de ruiner la juridiction ecclésias-
tique. On peut voir passim dans les Mémoires du clergé plusieurs
vigoureuses protestations de la part de l'ordre ecclésiastique tout entier
contre un empiétement qui tendait à rendre l'Etat maître absolu de la
doctrine et de la discipline de l'Eglise. Quoi qu'il en soit, cette situa-
tien, qu'on appelait les libertés de l'Eglise gallicane, subsista jusqu'à la
grande révolution. Le Concordat de 1801, qui reconstruisait l'édifice
de l'Eglise de France, renversé de fond en comble, n'accorda à l'Etat
aucune autorité sur l'Eglise. Mais l'héritage du despotisme des an-
ciens parlements était trop précieux à recueillir pour qu'on i'aban-
dorinât. Aussi avec le Concordat, seule loi légitime, parurent simul,
îanémeot et subrepticement les articles organiques. Cette législation
aniicanonique, à laquelle cependant on est, pour bien des articles,
obligé de se soumettre, puisque la force est là pour les faire exécu-
ter, établit non pas les appels comme d'abus, qui ne pouvaient en
aucune manière découler du nouveau Concordat comme de l'ancien
mais seulement le recours en cas d'abus. C'est moins prétentieux
dans les termes, mais les effets sont les mêmes. Voici donc comme
s'expriment les articles organiques :
Art. 6. 11 y aura recours au conseil d'Etat, dans tous les cas d'abus
de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques. — Les
cas d'abus sont ; l'usurpation ou l'excès de pouvoir, la contravention
aux lois et règlements de la République, l'mfraction aux règles con-
sacrées par les canons reçus en France, l'attentat aux Ubertés fran-
chises ei coutumes de l'Eglise gallicane, et loule entreprise ou tout
procédé qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur
des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre
eux en oppression ou en injure, ou en scandale public.
Art. 7. Il y aura pareillement recours au conseil d'Etat, s'il est
porté atteinte à l'exercice public du culte, et à la liberté que les lois
et règlements garantissent à ses ministres.
Art. 8. Le recours compétera à toute personne intéressée. A dé-
13
i9i
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME,
exiger le serinent avec la [irolession des arche-
vêques d'York.
Guillaume de Malmesbury a rapporté l'acte
ori^Mnal de cette transaction, avec les souscrip-
tions du roi , des deux archevêques et des
autres prélats d'Angleterre. Ainsi ce n'est pas
sans raison quecet auteur appelle l'archevêque
de Cantorbéry primat et patriarche de toute
r Anfjleterre.
Avantceconcile,dèsqueLanfranceut été élevé
sur le siège de Cantorbéry, Thomas avait été
obligé, par le commandement du roi et par le
commun consentement des évèques, de s'ac-
quitter de ce devoir envers son primat; mais
il avait protesté qu'il ne s'engageait pas à
rendre les mêmes respects aux successeurs de
Lanfranc, si on ne lui taisait voir dans un con-
cile les raisons et les preuves de cette obligation .
Ces deux archevêques avaient ensuite allégué
leurs prétentions oi)posêes devant le pape
Alexandre 11 a Rome, où Thomas avait mis en
avant l'ancien règlement du grand saint Gré-
goire, que les deux archevêques vivraient dans
une parfaite égalité, excepté que le plus ancien
d'ordination aurait toujours la préséance : à
<luoi aussi Lanfranc avait répondu que le
grand saint Grégoire avait fait ce décret pour
les Eglises de Londres et d York, non pas pour
celles de Cantorbéry et d'York (Malmesb. de
gestis Pont. Angl.,1. i, p. -200 et seq.i. Le pajie
avait sagement jugé qu'une atTaire d'une
aussi grande conséquence devait être examinée
et décidée dans un concile national d'Angle-
terre, et il avait pour cela envoyé un légat a
latere.
IL Lanfranc informa le pape de ce qui s'était
passé dans le concile, où Ton produisit d'abord
l'histoire de Bède, prêtre d'York et docteur des
faut de plainte particulière, il sera exercé d'office par les préfets. —
Le fonctionnaire public, l'ecclésiastique ou la personne qui voudra
exercer ce recours, adressera un mémoire détaillé et signé au con-
seiller d'Etat chargé de toutes les affaires concernant les cultes, lequel
sera tenu de prendre, dans le plus court délai, tous les renseigne-
ments convenables; et, sin: son rapport, l'alTaire sera suivie et défi-
nitivement terminée dans la forme administrative, ou renvoyée, selon
l'exigence des cas, aux autorités compétentes.
C'est le conseil d'Etat qui est saisi de tous ces griefs, qui sont tel-
lement élastiques, que ce tribunal laie peut devenir, quand il vou-
dra, le synode permanent de l'Eglise de France. Sa plus récente et
peut-être plus mémorable décision est celle du 16 aoiit 18G3, qui
déclara qu'il y avait abus dans le cas de conscience signé, par sept
évèques, relatif à des doutes qu'éprouvaient certains électeurs. Nous
croyons devoir citer ici les considérants du décret impérial, afin de
mieux faire connaître les prétentions du pouvoir civil dans le do-
maine de l'Eglise :
" Considérant que c'est un principe établi de tout temps par le
droit canonique et consacré encore par la bulle et le décret, qui ont
fixé la nouvelle circonscription des diocèses, que les pouvoirs des
évèques sont strictement renfermés dans les limites de cette circon-
scription, et ne pcuven être exercés qu'envers les fidèles de leurs
Anglais, et il y parut que di-puis Augustin ,
premier archevêque de Cantorbéry, jusqu'au
temps que Bède écrivait, c'est-à-dire duiaiit
l'espace de cent quarante ans, les archevêt|ues
de Cantorbéry avaient exercé tous les droits de
primatie sur l'Eglise d'York et sur toute l'An-
gleterre, aussi bien que sur l'Irlande. « Demon-
stratumest antecessores meos super Eboracen-
sem Ecclesiam , totamque insulam , quam
Rritanniam vocant, necnon et Hiberuiam. pri-
matuiii gessisse. curam pastoralein omnibus
im pendisse, in ipsa Eboracensi urbe persœpe
locisque linitimis, ubi eis visum fuit, episco-
pales ordinatiunes atque concilia célébrasse,
Eboracenses antistites ad ipsa concilia vocasse,
et cuin res poposcisset, de suis eos actibus ra-
tioneiii reddere compulisse (Ibid. 207). »
On y produisit les lettres des papes Grégoire,
Boniface, Honoré, Yitalien, Serge, Grégoire,
Léon et Jean (Anno 1072. Ibidem, p. 212). On
lut toutes ces lettres. Lanfranc répondit à l'au-
torité et à la disposition de saint Grégoire te
Grand , qu'elle ne regardait que l'Eglise de
Londres, non pas celle de Cantorbéry ; qu'elle
ne pouvait jamais avoir été exécutée au temps
de saint Grégoire et d'Augustin, puisqu'il n'y
eut pas même alors d'archevêque à Y'ork , et
que le premier archevêque d'York, Paulin, n'y
fut envoyé qu'au temps de Juste, quatrième
archevêque de Cantorbéry : qu'Augustin ayant
établi son siège à Cantorbéry, avait de là comme
d'une vive source répandu la foi dans toute
l'Angleterre, fondé toutes les Eglises et tous les
évéchés , dont par une suite nécessaire lui et
ses successeurs avaient été reconnus les pères
et les supérieurs jiar tous les papes successeurs
de la doctrine et des maximes de saint Gré-
goire. « Jîquum censenl ut oranes Anglorum
diocèses respectifs ; — considérant que les archevêques et évèques ne
peuvent délibérer ensemble et prendre des résolutions communes
sans la permission expresse du gouvernement; — considérant qu'aux
termes de la déclaration de 1682, il est de maxime fondamentale
dans le droit public français, que le chef de l'Eglise et l'Eglise
même n'ont reçu de puissance que sur les choses spirituelles et non
pas sur les choses temporelles civiles ; que, par conséquent, les lettres
pastorales que les évèques peuvent adresser aux fidèles de leur dio-
cèse seulement, ne doivent avoir pour objet que de les instruire de
leurs devoirs rehgieux ; — considérant que l'écrit qui a pour titre :
Réponse de plusieurs éuéques aux consultations gui leur ont été
adresse'es relativement aux élections prochaines, a été adressé par
les archevêques et évèques signataires, non-seulement aux fidèles et
aux prêtres de leurs diocèses respectifs, mais encore aux fidèles et
aux prêtres de tout l'Empire français par la voie des journaux quo-
tidiens et en une brochure répandue dans tous les déparlcmenls; —
considérant que cet écrit est évidemment le résultat d'un concert et
l'œuvre d'une résolution prise en commun ; — considérant qu'il n'a
nullement pour objet d'enseigner aux fidèles leurs devoirs religieux ;
qu'il ne donne réellement que des instructions poUtiques... »
Nous croyons que toute la théorie du droit dit canonico-civil se
trouve dans ce préambule qu'on ne peut discuter. (Dr André.)
DES PRIMATS D'ANCLETERRE ET D'IRLANDE.
195
Ecclfsia^ al) eo loco rmitiicnlm- vivomli disci-
pliiiaiii; aciijus loiTiite i-apuoriii-.l vivcmli thiiii-
iiiaiii. Qiiisuiiiin nesciat.(|iioda(',antia manavit
Cliristi credulilas in Eboracuni. et in ca'teras
An^^liiP Eccicsias (Lanfiancie|). m . »
Voilà k'S solides fondenicnls do l'avantage
qne le piiniat de Canioibéry remporta , et de
re\i)li(ation qu'on donna au décret du pa|ie
saint Grégoire, plus conforme à l'esprit et aux
maximes de ce saint docteur qu'à la lettre de
son décret. Lanfranc soutenu de l'autorité
royale, usa de toute la plénitude de puissance
que [leuvent prétendre les primats ; et im évè-
que d'Angleterre, auquel il avait fait une ré-
primande sévère, mais juste, s'élant plaint
comme s'il portait son pouvoir au delà des
justes limites, il lui apprit que toute l'Angle-
terre était la paroisse ou le diocèse de l'arche-
vêque de Cantorbéry. « Nec sobrius quisquam
putaverit hoc esse in aliéna parochia aliquid
temere prasumere, cum per misericordiam
Dei totam hanc quam vocant Britanniam insu-
lam. nnam unius nostra- Ecclesite constet esse
parochiam Epist. xxni). »
Avant Lanfranc , saint Dunstan, archevêque
de Cantorbéry, avait obtenu du pape Jean la
confirmation de sa primatie, et un vicariat apos-
toli(]ue selon la coutume de ses prédécesseurs.
« Primatum tuum confirmamus, in quo tibiex
more antecessorum tuorum vices apostolicœ
Sedis exercere convenit, sicut Augustinum
ejusque successoreshabuissedignoscitur tEad-
merus, 1. v, Hist. novellari. »
m. Saint Anselme ne succéda pas moins au
zèle de Lanfranc qu'à sa dignité. Guillaume de
Malmesbury raconte, pour la gloire de sa na-
tion, qu'au concile de Bary le pape Urbain II
lui fit des honnêtetés extraordinaires et lui
donna un rang très-honorable auprès de sa jur-
sonne, comme à un autre pape d'un monde
insulaire : « Includamus hune in nosiro orbe,
quasi allerius orbis papam. » Pascal II lui
donna ce privilège de ne pouvoir être jugé
par aucun légat, mais par Sa Sainteté seule-
ment. Le nouvel archevêque d'York, Girard,
refusant de lui faire la profession canonique , le
pape Pascal lui manda de se soumettre à la
sentence donnée contre son prédécesseur ; à
ijuoi Girard avait déjà obéi parles instances du
roi même [Paschalis ep. xli. An. 1108. Mat-
thsBus Paris). Thomas ayant succédé à Girard ,
et faisant le même refus, saint Anselme pro-
nonça contre lui unesentenced'inliidit, itd'ex-
conuuunicalion contre tous les évê(]ues qui
enti'c|irendraient de l'ordoimer avant (|u'ii lui
eût fait la ])rofession canonique (.Malniesbur.
p. -273, 274, Paris).
Le même saint Ansf^lme écrivit an pape Pas-
cal iioiu- le conjurer de ne point envoyer le
pallium à Thomas, pendant qu'il persisterait
dans la désobéissance . |)rotesfant <|u'à moins
de cela il se retirerait lui-même d'Angleterre,
pour n'y être jias le témoin cl le spectateur du
schisme et de la flétrissure de son Eglise. « Ego
nullatenus remanerem in Anglia ; non enim
deberem aut posseni pati , ut me in ea vivcnte,
primatus Ecclesiœnostricdestrueretur(Anselmi
epist., I. m). » Le pape loua son zèle et satisfit
à sa demande Epist. cru, ci.uii.
Il ne faut pas oublier cette circonstance mé-
morable, remarquée par Matthieu Paris, que
lorsque Thomas, l'ancien archevêque d'York,
faisait la cérémonie du sacre de saint Anselme
(An. 1093), comme on eût lu quelques termes
qui portaient que l'Eglise de Cantorbéry était
la métropolitaine de toute l'Angleterre, Tho-
mas s'opi)0?a à cet éloge, et témoigna que ce
serait ôter la qualité de métropolitain à l'arche-
vêque d'York ; enfin que Cantorbéry était le
siège du piimat, mais non pas du métropoli-
tain de toute l'Angleterre (Eadmerus. Hist. no-
vel, 1. I . On jugta qu'il avait raison, et on
changea ce terme captieux.
IV. Aprèslamortde saint Anselme, Thurstan,
élu archevêque d'York, refusant de faire la
profession canonique d'obéissance au nouvel
archevêque de Cantorbéry , Rodolphe, le roi
Henri lui protesta qu'il lui ferait plutôt perdre
son évêché (|ue de souffrir qu'il manquât à ce
devoir An. lll.j. Paris. Eadmer., 1. ivl.En
effet, Thurstan ayant inutilement obtenu des
lettres du pape Pascal H en sa faveur, qui sem-
blaient renouveler le premier décret de saint
Grégoire le Grand, et ensuite s'étant rendu au
concile de Reims, et s'y étant fait sacrer par le
pape Calixle II contre la promesse qu'il avait
faite au roi même, le roi lui interdit l'entrée de
son royaume (An. il 19).
Le pape ne put lui-même fléchir la fermeté
de ce prince, mais après qu'il fut de retour à
Fiome, et qu'il eut commencé de gouverner le
timon de l'Eglise avec une pleine puissance, il
obligea le roi de céder à ses prières ou à ses
menaces, et de laisser l'archevêque Thurstan
dans la libre possession de son Eglise d'York.
Rodolp.he et son successeur Guillaume dans
lOC
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME.
rarchevêché de Caniorbéry, ne néglij;èrent ja-
mais rien dans la iioursuite de leurs droits,
mais Thurstan conser-va sa liberté avec une
fermeté invincible, et mourut très-saintement
dans un prieuré de Cluny, après s'être démis
de son évèché, et avoir fait profession monas-
tique (Malmesb., p. 27o).
Le cardinal Otlion étant envoyé légat en
Angleterre Lan 1 137 et ayant assemblé un con-
cile à Londres, les deux archevêques renou-
velèrent leurs anciennes contestations sur le
point (le la préséance. Le légat tàclia adroite-
ment de les accorder par l'exemple de saint
Pierre et de saint Paul, qui sont représentés
saint Pierre à gauche et sainl Paul à droite, sans
(|ue la paix puisse jamais être troublée. Mais
ces disputes se rallumèrent bien plus dange-
reusement sous l'illustre martyr saint Thomas
de Caniorbéry (Rainaldus, an. I-23(J, n. 42).
Le pape Alexandre 111 accorda pour un tem ps à
l'archevêque d'York la légation sur toute l'An-
gleterre, qui ne s'accordait ordinairement qu'à
l'archevêque de Caniorbéry (Alex. 111. epist.
vin, xiv). Il espérait par celte condescen-
dance adoucir l'esprit irrité du roi , et le
réconcilier avec saint Tliomas. Mais s'aper-
cevant qu'il avait attristé et jeté dans l'abat-
tement ce généreux défenseur des libertés de
l'Eglise, il lui rendit à lui-même la légation
sur toute l'Angleterre , excepté l'archevêché
d'York (Epist. xis. Append. ii. epistolarum
Alex. 111).
Cette réparation pouvait encore paraître pré-
judiciable aux vastes prétentions des primats
de Caniorbéry. Aussi Roger archevê(iue d'York
s'en prévalut, et entreprit de sacier le jeune
roi Henri, du vivant et de la volonté de son
père, nonobstant les oppositions juridiques de
saint Tliomas de Caniorbéry, à la primatie
du(juel ce droit avait toujours été attaché , et
contre les défenses expresses du pape Alexan-
dre III (Matth. Paris. An. 1170. Alexan. III ep.
xxxiii, xxxivj. Le comble de son insolence fut
d'avoir fait ce sacre dans la province de Can-
iorbéry. Le pape le suspendit aussitôt de toutes
les fonctions épiscopales.
Mais cela servit si peu à l'affermissement de la
primatie ébranlée , que peu d'années après , le
légat du pape ayant assemblé un concile à
Westminster l'an 1170, et l'archevêque de
Caniorbéry ayant pris séance à sa droite ,
l'arclievêque d'York voulut l'en arracher par
violence, ce qui attira sur lui un traitement si
outrageux de la part des officiers du primat ,
que l'assemblée fut rompue, elles plaintes réci-
proques en furent portées au roi.
V. Ce sont autant de preuves assez manifestes
que depuis la lettre de Pascal II dont nous
avons parlé, et qui semblait déférer davantage
au décret du grand saint Grégoire qu'à la
transaction faite au temps de Lanfranc , la pri-
matie de Caniorbéry était fort obscurcie, et
peut-être tout à fait éclipsée dans la province
d'York , puisque les archevêques d'Y'ork ne
pouvaient seulement pas se résoudre à céder la
première place à celui de Caniorbéry.
Aussi la même disjjute se renouvela encore
depuis dans un concile de Londres, où l'on se
contenta d'en venir aux protestations, l'arche-
vêque de Caniorbéry conservant la possession
de la droite du légat. Ce fut aussi apparemment
plutôt alors que le légat consola ingénieuse-
ment l'archevêque d'York, en lui disant que
saint Pierre était représenté à la gauche de la
croix, et saint Paul à la droite (Matth. Paris,
an. f-237).
Mais il faut revenir au pape Alexandre III
qui crut pouvoir mettre fin à un ditlérend si
scandaleux, en rendant sa première vigueur au
décret du grand saint Grégoire, et en défen-
dant par conséquent à l'archevêque de Canior-
béry d'exiger aucune profession d'obéissance de
celui d'York, ou d'exercer aucune juridiction
sur lui : « Prohibemus ne ullerius aut Canlua-
riensis ab Eboracensi professionem exigat ,
ne(]ue quod a B. Grcgorio prohibitum est, ullo
modo (^antuariensis Eboracensis jurisdiclioni
subjaceat; » enfin en établissant entre eux une
parfaite égalité, si ce n'est que le plus ancien
d'ordination aurait la préséance. « Sed juxta
Patris ejusdem constitulionem, ista honoris
distinclio in perpetuum conservelur, ut qui
prior ordinatur, prior habeatur ^Append.Conc.
Lateran. III, part, xliv , c. 1,2). » On peut
dire que ce fut là le tombeau de la primatie de
Cantorbêr\, et la fin de tous les grands avan-
tages que le saint et savant Lanfranc avait
acquis à son Eglise.
Le même pape jugea que la paix serait encore
plus ferme s'il permettait aussi à l'archevêque
d'York de faire porter sa croix haute par toute
l'Angleterre, et dans le diocèse même de Can-
iorbéry. Les clercs de cet archevêque protestè-
rent contre celui de Caniorbéry sur les opposi-
tions <iu'il faisait à cet article dans le concile de
Westminster. Le chapitre A niemoria. Extra,
DES PRIMATS D'ANGLETERRE ET D'IRLANDE.
197
Ut lite petidente, nous apprend que ce pape
n'avait accordé ce pouvoir à l'archevèciue
d'York que parce qu'il l'avait assuré que ses
prédécesseurs en avaient usé par la concession
des papeSj et il l'avait révoqué quand l'arche-
vê(jue de Cantorbéry lui eut donné des assu-
rances du contraire. Il est vrai que l'archevêque
d'York se plaignant ensuite de ce que le pape,
avant (jue de juger la chose à fond, le dépouil-
lait d'un droit dont il était en possession, il lui
reiulitce même droit pour en user provisionnel-
lenient, jusqu'à ce qu'on eût jugé si l'Eglise
d'York avait ce droit (Rogerius, Hoveden,
an. 1173).
Peu de temps après un légat cardinal étant
venu en Angleterre, le roi entreprit d'accommo-
der ces deux archevêques sur le droit de porter
la croix, et sur tous les autres points de leur
contestation ; et enfin par les vives instances
du roi, ces deux archevêques prirent pour ar-
bitres et juges de tous leurs différends l'arche-
vêque de Rouen et les autres évéques voisins
de France, prenant ciii(| ans d'intervalle pour
cette négociation, pendant lesquels ils s'abstien-
draient de part et d'autre de toutes sortes
d'entreprises.
Il y a peu d'apparence que l'archevêque de
Rouen et les autres évêques de France aient
prononcé sur ce différend (Rogerius, an. 1 18'.)) ;
j)uisqiie longtemps après ces cinq années écou-
lées, Baudouin, archevè(iue de Cantorbéry, en
présence de l'archevêque de Rouen et de tout
un concile d'Angleterre, l'an 12.3't, protesta
contre l'archevêque d'York élu , s'il se faisait
consacrer par d'autres que par lui, et repro-
duisit en même temps tout ce qui s'était passé
au temps de Lanfranc et de Guillaume le Con-
quérant (An. 1237).
Mais ce n'étaient là que des protestations,
d'où il parait même que l'archevêque d'York
n'y déférait pas. Il ne lui cédait pas même la
première place dans les conciles nationaux
convoqués par les légats du pajie, sans faire
aussi des protestations. Enfin l'archevêque
d'Y'ork Guillaume de Grenefeild , dans ses
constitutions synodales de l'an 1306, se décla-
rant lui-même [>rimat d'Angleterie, et immé-
diatement sujet du Saint-Siège , décerna des
peines et des censiu'es contre tous ceux qui
appelleraient de lui ou de ses offlciaux à
l'archevèciue de Cantorbéry ou à ses officiaux.
<t Cum Eboracensis arcliiepiscopus , Angliie
primas, prieter Romaniun pontificem in spiri-
tualibus superiorem non habeat, ac ipsa maf(!r
Eboracensis Ecclesia honore [irimatiie illustre-
tur, etc. fCon. An. tom. ii, p. 442). » Les ar-
chevêques d'York ont toujours pris dejjuis ce
temps la qualité de jirimats d'Angleterre,
comme il jiaraît par les acb's de Thomas AVol-
sey sous le roi Henri VIII (Preuves des Libert.
Gall., c. XX, n. .33. — An. 1.^27).
VI. II ne nous reste plus qu'à rapporter en
peu de mots le sommaire de toutes ces contes-
tations, et des raisons ou des autorités dont
ces illustres prélats tâchaient de soutenir leur
cau.«e, en la manière qu'elles se trouvent dédui-
tes en abrégé dans l'histoire anglicane de
Guillaume de Neubrige. Cet auteur dit que
saint Grégoire avait ordonné à la vérité que la
primauté fût affectée à celui des deux archevê-
ques qui serait ordonné le premier : « Ipse
prior habeatur, qui prius fuerit ordinatus ; »
mais que l'archevêque de Cantorbéry, que saint
Grégoire nommait archevêque de Londres,
« Cantuariensis episcopus, (|uem Gregorius Lon-
doniensem vocabat, » répondait à cela que les
papes postérieurs avaient abrogé ce décret lors-
(ju'ils avaient envoyé en Angleterre le savant
Théodore pour être archevêque de Cantorbéry,
et pour présider à tous les Evêques d'Angle-
terre en qualité de primat : « Quem pra>fecit
Romanus pontifex universis Angliœ episcopis,
tanquam primatem (L. v, c. 12. de Rébus
Anglicis). » Aussi les successeurs de Théodore
avaient durant plusieurs siècles exercé cette
ample juridiction.
A quoi les archevêques d'Y'ork répliquaient
que le décret de saint Grégoire était comme le
fondement primitif et immuable de la fonda-
tion de ces deux Eglises : que les pontifes ro-
mains avaient pu par une sage dispensation
donner toute la primauté pour un temps à
Théodore et à ses successeurs pour rétablir
dans l'Angleterre la science et la prati(}ue de
la discipline canonique; mais qu'après cela il
avait été nécessaire de faire revivre la |iolice
fondamentale et immuable, que le père et l'a-
pôtre de ces deux Eglises y avait établie : que
si les archevêques d'Y'ork avaient négligé
durant quelque temps les prérogatives de leur
dignité, ils n'avaient ]iu préjudicier aux droits
comme héréditaires et inaliénables de leur
Eglise, comme il était notoire que l'usage du
pallium ayant été négligé depuis l'archevêque
Paulin, il avait été rendu à ses successeurs
après une longue interru[)lion.
l'.)8
DU l'UEMlEK nimilE DKS CLERCS. — CHAPITUE TUENTE-SIVIÈME.
L'arclievêijue fie Cantorbôry f \isait vciir (|iii.'
ceux ilYoïk avaient été soiitnis à la piimatie
de Caotorbéry, même après que le pillium
leur avait été rendu. Mais de la part de l'Eglise
d'York on repartait à cela que la négligence
des prélats peut bien préjudicier à leur per-
sonne, mais non pas à leur Eglise. A quoi cet
auteur ajoute que ces deux compétiteurs pre-
naient de part et d'autre la qualité de primat,
quoique ni l'un ni l'autre n'en exerçât la puis-
sance. « Vanissime uterque illorum se scribit
lotius AngliiE primalem, cum neuter habeat
significataui hoc nomine poteslatem. » Et que
l'archevêque de Cantorbéry, pour se faire re-
connaître dans l'Eglise d'York, avait obtenu
du pape le litre de légat du Siège apostoli(}ue ,
et avait été forcé de supprimer dans cette con-
joncture la qualité de primat. L'Eglise d'York
eût pu alors même lui opposer le privilège
qu'elle avait obtenu de n'être point soumise
aux légats qui seraient envoyés dans l'Angle-
terre : mais l'archevêque d'York aima mieux
gagner l'atîection du légat par cette déférence
volontaire, que d'éprouver les effets de sa
sévérité.
Yll. Cet historien a fait dans un autre endroit
de son histoire une censure hardie de ces
contestiitions opiniâtres entre les prélats sur
la préénunence de leurs sièges , comme si
c'était l'etlèt d'une ambition damnable et infi-
niment éloignée de celte modestie humble et
déférante que l'Apôtre propose à tous les li-
dfles, (juand il les exhorte de se prévenir les
uns les autres par des respects réciproques.
« Ùuipl'e illa aposlolica régula, honore invi-
( cm iira'venientes, a nostri temporis episcopis
itaestabrogata, ut sollicitudine pastorali post-
posita, episcopi quanto pervicacius , tanto et
vaniiis de excellentia litigent, et onmis fere
episcopalis controversia circa hononmi piie-
rogativas versetur (L. m, c. 1). »
Mais (piand je considère avec quel zèle les plus
saints évêques se sont engagés dans ces con-
testations, et avec quelle chaleur ils ont défendu
le déi)ùt des privilèges de leurs Eglises, peu
s'en faut (lue je ne censure la censure même
de cet historien. Saint Lanfranc, saint Anselme
et saint Thomas de Cantorbéry n'ont pas été
moins ardents à rétablir et à détendre les droits
de la primatie de leur Eglise que tous les
autres archevêques qui ont été nommés ci-
dessus. Or on ne peut sans une audace et une
témérité iusuiiportalde accuser ces saints pré-
lats d'avoir été animés d'une passion vaine et
emportée, de s'élever ambilieusement au-des-
sus di; leurs confrères, au lieu de cette sainte
émulation d'humilité et de déférence mutuelle
que l'Apôtre a recommandée à tous les fldèles.
Ce sera donc peut-être raisonner avec plus
de stgesse et de modestie, si nous disons que
ces grands évêques considéraient leur élévation
et leur puissance, non pas comme une matière
de leur satisfaction particulière , ou de leur
vaine ostentation, mais comme une participa-
tion de ra|)Ostolat, et comme une autorité toute
céleste pour veiller sur les troupeaux et sur les
pasteurs même de l'Eglise ; enfin comme un
sacré dépôt dont ils étaient chargés pour l'é-
dilication de l'Eglise, et qu'ils devaient trans-
mettre à leurs successeurs en la même ma-
nière (ju'ils l'avaient reçu de leurs prédéces-
seurs.
Toute la question est de savoirs! la puissance
d'un èvêque, d'un métropolitain, d'un primat
et d'un patriarche, peut être regardée comme
une autorité toute sainte et toute divine, et
comme émanée de J.-C. pour réprimer les
vices, pour faire régner la vertu, et pour
établir l'empire de J.-C. sur la terre-. Si cette
vérité ne peut pas même être contestée, on
ne peut point non plus douter que ceux qui
sont chargés d'une i)uissance si sainte et si
iiiipoi tante , n'en doivent défendre les inté-
rêts avec une vigueur et une fermeté inflexi-
bles. Quelques prélats particuliers peuvent agir
])ar des motifs d'intérêt et de vanité, ou se lais-
ser emporter au delà des bornes d'une juste
défense ; mais la cause de lEglise est telle que
nous venons de la représenter, et il ne faut pas
douter ([ue les Lanfranc, les Anselme, les Tho-
mas n'aient soutenu la cause de l'Eglise avec
l'esprit même de l'Eglise, c'est-à-dire par un
amour pur et chaste de la piété et de la religion.
VlU. Yoici encore un autre de ces humbles
et généreux primats dont la sainteté ne peut
[las même être suspecte. Saint Malachie était
primat d'Irlande. Le pallium n'avait jamaisété
en usage, ni dans son Eglise, ni dans l'autre
métropole, qui obéissait à sa primatie. Ce saint
homme se résolut d'aller lui-même demander
au pape Innocent 11 cette marque de la pléni-
tude de la jjuissance épiscopale pour les deux
métropoles d'Irlande (Itaron. ad au. 1137).
Je rapporterai les termes |iropres de saint
r.eruard dans la vie qu'il a écrite de ce saint
prélat. « llomani i)roticisci délibérât, maxime
• DES PlUMATS l»'AN(.LETKrU\E ET D'IRIANKE.
l'.Mt
(lUdil 1111 triipoliticii' sedis tlecrat ailluic. cl do-
fuirat ab inilio pallii usus, quod est pleniludo
lioiuiris. Et visum est boniiin in oculis suis, si
Ecclesia, |ii'o qua laiitum laboraverat, (nieiii
hactenus non habuerat, suo acquireret studio
et labore. Erat et altéra melropolilica sedes
(|iiani de novo constituerat Celsus pnedecessor
prini* tameu sedi et illius archiepiscopo siib-
dita taiiqnam primati. Et huic quoqiic optaliat
niiiiluniinus pallium Malachias, contirniari(iue
auloritate Sedisaposlolicaî prœrogativam, (luam
beneticio Ceisi adipisci meruerat. »
Ce passajie mérite quelque réflexion. I" On
y voit le pins biimble et le plus pénitent de tous
les prélats quitter son Eglise, et s'en aller à
Home pour y demander le pallium que ses
prédécesseurs n'avaient jamais eu, et faire con-
firmer sa primatie. Il y aurait autant d'igno-
rance que de malice à concevoir le moindre
soupçon du monde contre la modestie et l'Iui-
milité de saint Malachie. i" Celte primatie d Ir-
lande avait été établie par le prédécesseur de
saint Malaciiie lorsqu'il érigea une seconde
métropole dans l'Irlande. Saint Malacbie même
ne crut pas que cet établissement de primalie
et de métropole pût être solide ni de durée
s'il n'était coiiliriné par le Siège aiiostuli(]ue. 3"
Ainsi Ton voit comme toutes les prééminences
dans l'épiscopal ont été ou dérivées du Saint-
Siège, comme de leur source, ou s'y sont enfin
réunies comme à leur centre. 4° La Providence
a ainsi disposé dans la suite des siècles les
grands prélids de son Eglise à entrer dans une
alliance et une dépendance d'autant plus grande
envers le centre de l'unité, que l'Eglise se
répandait davantage dans les pays les plus éloi-
gnés, afin que l'unité, qui est comme l'àme et
la force imiolablede l'Eglise, se conserNàtplus
facilement dans une si grande étendue de pays.
Et si les attraits du pallium, de l'Iionneur et de
la préséance ont paru connue des attraits hu-
mains à l'égard de quelques prélats cbarnels, il
ne faut pas laisser d'admirer et de bénir la sa-
gesse et la bunlé iuetiable de Celui t|ui fait ser-
vir à l'édifice de son Eglise et au règne de la
religion les passions mêmes elles cupidités des
âmes sensuelles, parla même |>uissance qu'elle
tire le bien du mal et la lumière des ténèbres.
Le pape Eugène 111 envoya quatre palliunis
en Irlande, l'an! loi, ])our quatre métropoles
qu'il y créa, sounieltant cinq é\cques à chaque
métropolitain. Roger dit que ce fut une entre-
prise et contre l'ancienne coutume et contre
les privilèges de l'Eglise de Cantorbéry, dont
le prélat avait accoutumé de consacrer les
è\èques d'Irlande. « Hoc faclum est contra an-
li(|uam coiisuetudinem, el dignitalem Canlua-
riensis Ecclesiœ, a qna solebant episcopi Hiber-
nia^ expetere et accipere consecrationis bene-
dictionem (Hogerius, an. 11.'»!).»
L\. Il s'ensuivait de là que la primatie de
Cantorbéry embrassait autrefois l'Irlande
même. Et il y a bien de l'apparence que la foi
et la prédication évangéli(|ue avaient passé ir.\n-
gleterre en Irlande. Ainsi l'Eglise de Cantor-
béry, qui était la mère des autres Eglises angli-
canes, pouvait bien aussi comiitereelledlrlande
entre ses filles. Il paraît par Eadmer que les
prélats d' Angleterre' prétendaient et protestaient
souvent que la primatie de Cantorbéry s'étendait
aussi sur l'Ecosse, sur l'Irlande el sur les îles
voisines. L'Eglise de Cantorbéry était la mère
de toutes ces Eglises (Eadmer. Hist. Nov., 1. 1,
IV, v, . Mais les mères ne doivent jamais être
plus dans la joie que quand leurs filles imitent
leur fécondité , et deviennent elles - mêmes
mères ou métropoles.
Les dignités de l'Eglise n'ayant pour but que
l'édification et l'ulililé de l'Eglise, comme il
avait été utile que l'Irlande eût chez elle-même
ses métropolitains, l'archevêque de Cantorbéry,
leur ancien métropolitain, ne pouvait s'y oppo-
ser sans paraîlie plus passionné pour ses
propres intérêts que pour ceux de J.-C. Il fut
aussi nécessaire que les métropolitainsd'Irlande,
ayant à conférer souvent ensemble, et à prendre
des mesures el des règles uniformes dans la
conduite de leurs Eglises , eussent rap|)ort à
{[uelqu'un d'entre eux, comme à leur primat.
Les archevêques d'Armagh et de Tuam pré-
tendant que leur Eglise devait être préférée
dans la création de cette nouvelle dignité, le
]tape Alexandre IV jugea en faveur de celui
d'Armagh : lui permettant de se dire piimatde
la province de Tuam, d'y faire porter sa croix
quand il y passerait, d'y faire la visite de cinq en
cinq ans, et d'employer vingt-sept jours à cha-
que visite. « Possint se vocare si voluerint,
primates provincite Toamcnsis, et facere deferri
aille se crucem per totam ipsam provinciam ;
possint etiani dictam provinciam de quiii-
quennio m quinquenuium visitare, el per vi-
genti seplem dies duntaxat visitalionis officio
immorari :Uainal. An l-2.").'i, n. -40,. »
11 est bon de remarquer (|ue ce fut saint .Ma-
lachie, archevêque d'Armagh. qui p;u l'instinct
200
DU PREMIEP. ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SEPTIÈME.
de sa propre piété, vint demaniler à Rome le
palliiini et la confirmation des dcu\ métropoles
d'Irlamle. l.e [iipe Innocent II fnt diTvis (in'il
s'en retournât en Irlande, qu'il y assemblât
un concile de la nation, aux demandes duquel
le pape accorderait l'érection des métropoles
et le pallinm.
L'établissement des quatre métropoles par
Euurèue III fut l'effet de la demande de saint
Malachie et du concile national d'Irlande.
Enfin, ce ne fnt que surla contestation desdeux
archevêques dArmagh et deTuam que le pape
Alexandre IV adjutrea la primatie à l'arclievè-
cbé d Armagh. D'où il résulte que c'est une
main secrète et une sagesse ineffable qui règle
les événements divers, et qui ménage telle-
ment les besoins des Eglises et les inclinations
des particuliers, que l'Eglise va toujours en
s'augmcntant et se fortifiant dans une union
indissoluble avec sou centre d'unité (Ij.
(1) Dans le recueil officiel publié à Rome de tous les patriarcats,
archevêchés et évéchés, intitulé Notizie, nous lisons : Armogh, ar-
rivescooato nelt'Irlanda, sans désignation de primatie, comme on
lit plus bas : Tuam arcivescovato neWIrlanda^ d'oii nous con-
cluons avec raison qu'aujourd'hui le titre de primat donné à l'arche-
vêque d' Armagh ne serait plus qu'honorifique, sans aucune juridiction
particulière. C'est ainsi que le même recueil, en mentionnant Lyon,
dont l'archevêque s'intitule encore Primat des Gaules, dit simple-
ment : Lione in Frnncia arcivescoualo con di piu it titolo di Vitmne.
11 est évident d'après ceci que, selon la discipline actuelle de l'Eglise,
il n'y a plus nulle part de primats avec juridiction supérieure aux
métropolitains. Le primai d'iVrmagh ne ditTére donc pas du primat
des Gaules, et l'un et l'autre n'étendent pas leur juridiction au delà
de leur province. On comprend que dans le Moyen Age. alors que
les voies de communication étaient si difficiles, les distances si éloi-
gnées, les juridictions primatiales avaient leur raison d'être. Les pri-
mats étaient comme les vicaires du pape. Mats aujourd'hui les dis-
tances étant tellement rapprochées, que de partout on touche à Rome,
il n'y a plus d'autres tribunaux que ceux de l'ordinaire, du métro-
politain et du pape. (Dr André.)
CHAPITRE TRENTE-SEPTIEME.
DES PRIM.US d'.\LLEM.\G>E , d' ITALIE, PE DA>EMARK , DE POLOGNE ET DE HONGRIE.
I. De la primatie de Mayence.
II. De celle de Lndea en Danemark, sur le Danemark, la
Suède et la Norivége.
III. De celle de Gnesne en Pologne.
IV. De celle de Gran en Hongrie.
V. De celle de Pise en Italie.
I. Dans le concile de Mayence en 1071, l'ar-
chevêque de Mayence se nomma primat de
l'Eglise de Mayence, et appela son Eglise « Me-
tropolim Oricnlalis Franciîï, principalem voro
pontificii sedem totius Germanise et Gallia? Ci-
salpinip (Conc. Toni. ix , pag. 1206). » Mais ces
termes magnifiques (lui nous font remarquer
l'antiquité et la vaste étendue de cette métro-
jiole, qui était la capitale de la première Ger-
manique, ne peuvent néanmoins établir aiiriin
droit de primatie sur d'autres métropolitains,
ni sur Cologne même , qui est le chef de la se-
conde ('.eriiianique.
L'Histoire de Trêves nous apprend (lu'aii
temps de Callixle II, Adelbert, archevêque de
Mayence , ayant été honoré de la qualité de
légal du Sainl-Siége, [irétciidil faire dépendre
PEglise même de Trêves de la sienne (Spicilegii
tom XII, pag. '24S). Rrunon, archevêque de Trê-
ves, qui avait appris de Hincmar l'indépendance
de son Eglise, alla trouver le pape, qui était
alors à Cluny, et obtint de lui un rescrit qui
déclarait que l'archevêque de Trêves n'était
soumis qu'au pape, et à ses légats a latere.
Aussi les rois de Rohême Oltocare,et Venceslas
son fils, confirmant l'ancien privilège de l'ar-
chevêque de Mayence d'être le seul consécra-
teur des rois de Bohême, ne lui donnent que le
titre de métropolitain : « Consecrationem rega-
lem et diadc-matis impositionem tenemur de
sacro sanctse sedis MoguntintT archiepiscopo,
terra- nostra' inetropolitano,in perpetuum reci-
pere (Rainald. An. 1-2-28, n. 39). »
Il faut donc confesser de bonne foi que la
nrimatie autrefois accordée à saint Boniface,
archevêque de Mayence, fut limitée à sa
personne, ei que les prélats d'Allemagne ont
été moins passionnés pour faire continuer à
leurs Eglises ces titres et ces pouvoirs extiaor-
DES PRIMATS D'AFJ.RMAC.NE, H'ITALIE. f.tc.
201
ilinaires, que ceux de France et d'Esiiai^nc., où
une bonne partie des métropolitains ont cru
relever leurs Eglises par la qualiié spécieuse de
primats.
11. Toutes les Eglises de Danemark relevaient
de la nit'tropnle d'Hambourg. Léon IX fut sol-
licite par le roi de Danemark d'ériger une mé-
tropole dans ses Etats ; ce pape consentit volon-
tiers à celte demande, mais le consentement de
rarcbevéque d'Hambourg y étant nécessaire, cet
arclievèque demanda aussi qu'on lui doimàt la
qualité de primat ou de patriarche. Le crédit
qu'il avait auprès du pape et de l'empereur
eût fait entièrement réussir ses poursuites, si
la mort du pape n'en eût rompu le cours. Le
roi de Danemark voyant que les Eglises ne lais-
seraient pas de dépendre du primat d'Ham-
bourg, se départit alors de sa demande (Baro-
nius, an. 1033, n. 45, 4G).
Les paroles de l'historien Adam méritent
d'être ici rapportées : « .Aletroiiolitanus quod
papam vel caesarem suœvoluntati pronosvide-
ret. multo studio laboravit in Hamburg patriar-
chatum constituere. Ad quam intentionem
primo ductus est ea necessitate,quod rex Dano-
rum, christianitate jam in fines terra^ dilatata,
desideravit in regno suo fieri archiepiscopatum.
Quod tamen ut pertîceretur ex autoritate Sedis
apostolic.e, convenientibus canonum decretis
propesancitum esset, soki expectaliatur senten-
tia nostri pontiflcis. Quam rem ille, si patriar-
chatus sibi honor et Ecclesisp sufe concederetur,
Romanis privilegiis fore ut consentiret, promi-
sit(L. III, c. 34, 35). »
Cet archevêque étant sujet de l'empire, et
très-attaché a l'empereur, le roi de Danemarck
soutirait avec peine que les évêques de son
royaume relevassent de sa métropole. Il était
néanmoins très-juste et très-canoni(iue, que
l'Eglise de Hambourg ou de Brème conservât
son ancienne supériorité sur celles qu'elle avait
engendrées en i.-C Car toutes les Eglises de
Danemark, de Suède, de Norvège, des Orcades
et d'Islande avaient reçu leurs premiers évê-
ques et les premiers éléments de la foi des
archevêques d'Hambourg.
Le même Adam assure que l'archevêque
.\dalbert dont nous parlons, avait lui seul or-
donné vingt évêques pour toutes ces Eglises
nouvelles où il les envoyait. Enfin, outre la
qualité de légat apostolique, ce grand archevê-
que avait reçu du pape une juridiction univer-
selle sur tous les royaumes du Septeulrion ,
avec pouvoir d'ériger tle nouveaux évècliés, et
d'ordonner des évoques, ce qu'il fit quelquefois,
saiisdemandei- le consenlement des princes. « A
lKipameruilhocdignilatisprivilegium,ultotum
jussuumdomnusapostolicusin illum transfun-
derel, siiccessores(iue ejus. Adeo ut ipse per
totum aquiionem, in ipiibus locis oiiportunum
videbatur , s;ï>pe invitis regibus episcopatus
inslitueret, ordinaretque episcopos, (juos ex
capella sua vellet electos (Baronius, an. 1067,
n. 17. — Adam, 1. iv, c. 26). »
Il est donc vrai de dire que l'Eglise d'Ham-
bourg ou de Brème étant la mère de toutes les
villes épiscopales des royaumes du nord, devait
aussi être leur supérieure en qualité de métro-
politaine : et si elles étaient élevées elles-
mêmes au rang de métropoles , elle devait
encore être leur supérieure en qualité de pri-
matiale. Il est vrai aussi que ces changements
de police ne se font pas sans l'agrément des
souverains, comme il paraît par les seuls pro-
jets de la primatie de Brème.
Les rois de l>anemark prirent dans la suite
du temps une occasion plus favorable, et firent
ériger l'Eglise de Luden en métropole de leurs
Etats. Saxon le (Grammairien raconte comment
Eric, roi de Danemark, ayant à jieine évité par
un appel au pape l'excommunication que l'ar-
clievè(iue d'Hambourg allait lancer sur sa tête,
partit en même temps pour aller à Rome de-
mander au pape Urbain 11 l'érection d'une mé-
tropole dans ses Etats. D'abord il n'en remporta
que des promesses et désespérances, mais avec
le temps elles eurent leur effet. Un légat apos-
tolique vint en Danemark . où ayant considéré
les avantages et les commodités de la ville de
Luden, aussi bien (jue les rares vertus de celui
qui en était évêque, il érigea cette Eglise en
métropole, et lui soumit, outre les Eglises de
Danemark , celles de Suède et de Norvège.
« Cum non minorem personarum, quam civi-
tatum respectum egisset, LundicP ob egregios
.\xeni episcopi mores, tum quod ad eam a lini-
timis regionibus terra marique transilus abunde
pateat, hune potissimum honorem deferendum
curavit. Nec solum eam Saxonica dilione erui,
sed etiam Suecia?, Norvegineque religiouis titulo
magislram efTecit. » C'est-à-dire que ce légat
retrancha les évècliés de Suède et de Norvège,
aussi bien que ceux du Danemark, de la métro-
pole de Hambourg, pour les soumettre à la nou-
velle métropole de Luden. Liémar, archevêque
de Hambourg, s'étant alors opiniâtrement alla-
20-2
DU PREMIER ORDRE DES CM RCS. — CHAMTRE TRENTE-SEPTIÈME.
cliô an schisme du roi Henri d'Allemagne con-
tre les papes, méritait bien la division de sa
métropole par celle qu'il voulait mettre dans
l'Eglise. Aussi le pape Grégoire VII avait déjà
pensé à lui soustraire les évèques de Danemark
■^ (Raron., an 1092, n. 13. 1 ï. l.xxir.
Les Suédois ayant aussi obtenu l'érection d'un
métropolitain dans l'Eglise d'Upsal , le pape
Innocent III confirma la primatie accordée par
lu pape xVdrien IV à l'archevêque de Luden en
Danemark, sur la province d'Upsal en Suède :
en sorte que le primat de Luden ayant reçu le
pallium du pape, devait le donner à l'archevê-
que d'Upsal, après avoir exigé de lui un ser-
ment de fidélité et d'obéissance, sans blesser la
fidéliîé due à l'Eglise romaine. « Ipsi et Lun-
dcnsi EcclesiiP, salva fidelitate Romanœ Eccle-
siii', fidelitatcm et obedientiam juramento pro-
mitt;it Innocent III, regist. i, cp. cccoxix). »
Le pape Innocent III assure dans la même
lettre écrite à Absalon, archevêque de Luden,
que les successeurs d'Adrien IV, savoir Alexan-
dre, Lucius, Urbain, Clément et Célestin avaient
soutenu la même primatie de Luden (Rainald.
an. tr.18. n. 7(i).
Voilà de (pielle manière l'Eglise de Brème,
qui avait donné des évêques à tous ces royau-
mes, les vit ensuite monter à la dignité d'ar-
chevêques, et même à celle de primats, lors-
que les accroissements de la foi évangéliijue
dans les provinces septentrionales, et la sépa-
ration de tous ces royaiimts d'avec l'empire
rendirent tous ces changements non-seulenu nt
avantageux, mais aussi nécessaires au bien des
Ei;lises. et à la gloire de J.-C.
III. Ce fut à peu près de la même manière
(pic rp:glise de (Inesne en Pologne devint la
métropolitaine et la primatiale de ce grand Etal,
sans que I Eglise de Mayence,(iui lui avait appa-
remment donné naissance, aussi bien qu'à celle
de Bohême , en pût concevoir de la jalousie ;
liiiisque telle a été la naissance et l'augmenta-
tion de toutes les Eglises, et de Mayence même,
ipielles sont enfin montées au même ra: g
d'honneur et de puissance que celles de qui
elles ont revu les premiers rayons de la foi
(Rainald., ann. 1207, n. 13).
IV. Il y eut l'ius de difficultés dans le royaume
(le Hongrie poiu' accorder les archevêques de
SIrigonie, ou de Cran et de Colocze. Ils avaient
transigé ensemble, en sorte que l'archevêque
de SIrigonie avait renoncé à toute la juridiction
(lu'il avait pu prétendre sur la province de
Colocze, à condition que le droit de consacrer
les rois de Hongrie demeurerait incontestable-
ment à l'archevêque de SIrigonie. Le roi même
avait conjuré le pape de confirmer cette tran-
saction, pour affermir une paix éternelle entre
ces deux archevêques. Mais le pape Innocent 111
ayant en même temps reçu les oppositions du
chapitre de SIrigonie, qui protestait n'avoir
jamais consenti à un traité si préjudiciable aux
avantages de leur Eglise, se contenta de confir-
mer à l'archevêque de SIrigonie le droit de
consacrer les rois, afin de ne pas exposer la
couronne royale et la paix du royaume a des
contestations si difficiles à terminer(Regist. xiv,
ep. cLvi ; Rainald., an. 1203, n. 10; an. 1212,
n. 7; an. 1231, n. 38).
V. La primatie du pape dans l'Italie a été
comme un soleil qui a empêché que les métro-
politains d'Italie n'aient aspiré au lustre et à la
gloire des primats. Le pape Urbain II , après
avoir relevé l'Eglise de Pise de la dignité d'ar-
chevè(|ue, lui donna en même temps la léga-
tion sur l'île de Sardaigne. Grégoire VII lui
avait autrefois donné le vicariat apostolique
sur l'île de Corse (Anno 1092, Greg. vu, lib. vi,
epist. xn). Le pape Alexandre III déclara l'ar-
chevêque de Pise primat de Sardaigne, avec
autorité sur les trois métropolitains de cette
île. Mais cette autorité s'est éclipsée, et il n'est
resté que le nom de primat. Léon d'Ostie dit
que ce fut le pape Gélase II qui érigea Pise en
archevêché (An. I I(î7, Marca, de Primat. Lug-
diin., n. 12 '0-
Le pape Innocent III écrivant à Hubald, arche-
vêque de Pise, fait mention et donne une nou-
velle confirmation de la légation perpétuelle
du Saint-Siège accordée par Urbain II et con-
lirmée par les papes Eugène, Anastase et Céles-
tin. C(! pape donne ou confirme à l'archevêque
lie Pise la jirimatie sur les provinces de Cagliari
et d'Arborée en Sardaigne, avec pouvoir d'api)e-
ler les évêques de ces provinces à son concile,
et d'exercer sur eux l'autorité ordinaire des
])rimals, avec cette limitation, néanmoins, de
ne point convoquer à son concile les métropo-
litains, sans la permission du Saint-Siège.
" lia quidem ut eos ad concilium vocandi ,
excessus eorumcorrigendi,atquecœtera omnia
(|ua' ad jus primatus pertinent, in eos exer-
cendi haheatis liberam facultatem. Verumtamen
duarum supradictaruni provinciarum archie-
|iiscof)05 ad concilium non vocabitis Pisas sine
conscientia l'iuniani poulificis (Lib. i Regist.
DFS PHIiMATS D'KSPACNE.
^20: î
episl. Lvi). » Il lui donnait ou conlirnuiit on porter sa croix dans ionics co.s provinces,
nicine temps une pleine autorité de ï)riniat sur « Cruceni pcr subjectas vobis [)rovincias |)or-
une troisième mélropitle de Sanlai^nie, qui était tandi fl) ». . -
celle de Torre. Knliii, il lui permit de faire . - ; ^
(l) Ici encore nous constatons que toutes ces primaties n'existent
Iilus que dans Thistoire. Mayence n'est plus qu'un simple évèché,
Gnesne, Grau et Pise, àe simples métropoles dont le litre primatial
n'est plus reconnu dans le recueil officiel que nous avons déjà men-
tionné. Cependant la primalie de Gnesne était encore hiérarchique-
ment admise an milieu du xvili* siècle ; car, parmi les encycliques
de Benoit XIV, nous en trouvons une du 2 juin 1751, adressée ad
primatem , arckiejtiscopos et episcopos Poloniœ. Mais aujourd'hui,
nous le répétons encore, nous ne trouvons plus tmlle part de primats
avec juridiction supérieure à rcUc des métropolitains. Cette observa-
tion s'ap()llque au chapitre suivant et les deux primaties de Tolède
et de Urague ne sont plus, d'après le même document officiel, que
de simples archevêchés quant à la juridiction, (Dr André.)
CHAPITRE TRENTE-HUITIEME.
DES PRIMATS D ESPAGNE.
I. La priinatie de Tolède érigée par Urbain H sur toutes les
Espagues.
U. Oppositioa de l'archevêque de Tarragone.
III. Et de celui de Narbonne.
IV. Comuient l'arcbevèque de Narbonne était devenu primat
de la province Tarragonaise.
V. Urbain II avait donné une légation apostolique à l'arche-
vêque de Tolède pour soutenir sa priraatie. Les papes suivants
travaillèrent aussi à la maintenir.
VI. Celle cause fut portée au jugement du concile IV de l.a-
Iran, où le pape Innocent III la laissa indécise.
Vil. Preuves que Tolède n'a jamais eiïeclivement joui de la
primalie.
VIII. Contestations sur le droit de porter la croix prima-
tial e.
IX. Sage modéralion des papes dans la résistance qu'ils trou-
vaient.
X. Suite des contestations sur la croix.
XI. De la primalif de Brague.
XII. L'exemple illustre du saint archevêque de Brague Bar-
thélémy des Martyrs montre que ces couleslalions peuvent
partir d'un zèle fort saint.
XIII. Si l'on avait cédé aux primaties que les papes voulaient
établir, on aurait jugé dans les royaumes une inlinité de causes
qu'on a depuis portées il Rome.
1. Alphonse VI, roi de Castille, ayant repris
la ville (le Tolède sur les Maures, (|ui l'occn-
paient depuis trois cent soixante-huit ans, pria
le pape Urbain 11 de rendre à cette ancienne
métropole d'Espagne les mêmes titres et les
mêmes pouvoirs, dont elle avait joui avant que
de tomber dans la servitude des infidèles. Ce
pa|ie ne put refuser à un roi victorieux une si
juste demande, et il rétablit Tolède dans la
possession de son ancienne priinatie sur toutes
les Espagnes. « Tuis exhorlationibus invitati,
Bernardo Toletanœ urbis prœsuli pallium con-
tradentes, privilegium quoque Toletanae Eccle-
siieantiqua?majestatis indulsimus. Ipsum enim
in lotis Hispaniarimi regnis primatem sfatui-
mus et quidquid Toletana Ecclesia noscitur
anliquitus babuisse, nunc quoque ex aiiosto-
\kx Scdis liberaiitate in posteruin habere cen-
suimus. Tu illum ut patrem cbarissimum
exaudias, et qureque tibi ex Domino nuntia-
verit, obedire curato (An. 1(188. Conc. lom. x,
p. i.%8). » Ce sont les propres termes de la lettre
de ce pape au roi AIi)honse, auquel il donne
un père et un fidèle conseiller en donnant un
primat à toutes les Espagnes. »
Ce même pape écrivit en même temps ta l'ar-
chevêque de Tarragone, qu'il avait donné la
jirimatie à rarchevê([ue de Tolède, sans préju-
dicieraux privilèges des métropolitains : « Salva
apostolicœ Sedis autoritate , et metropolita-
norum privilegiis singnlorum ; » afin qu'étant
fort éloignés de Rome, ils pussent recourir à
leur primai dans les affaires les plus épineuses :
« Si quid igitur inter vos grave contigerit, quia
ab apostolica Sede procul estis. ad cuni velut
ad primatem vestrurn omnium recurretis ,
ejusque jndicio, quœ vobis sunt gravia termi-
nabilis. » S'il se présentait quelque difficulté
qui fût au-dessus des lumières du jirimat
même, alors il faudrait avoir recours au Saint-
Siège. «Quod si forte ipsius quoque judicio ne-
204
DU prp:mier on due des clercs. — chapitre trente-huitième.
qiiiverit definiri , ad aimslolicam Sedein , ut
dignuiii est, vclut sedium oinniiun princiiit'iii
referetur. » Ainsi ce n'était pas seulement par
les voies d'appel qu'on portait les affaires au
primat ou au pape, mais on s'en rapportait à
eux toutes les fois que les prélats inférieurs ne
croyaient pas avoir assez de lumières, de |)éné-
tration ou d'autorité pour débrouiller , ou
pour surmonter les difficultés occurrentes. Ce
pajje ajoute que les évoques qui n'ont point
encore de métropolitain obéiront cependant
au [irimat de Tolède. « Qui vestrum sine iiie-
tropolitanis propriis sunt , i[isi intérim velut
proprio subesse debebunt. »
II. Mais comme si ce pape eût prévu qu'il
lui était bien plus facile de croire et d'avancer
que ce n'était qu'un rétablissement de l'an-
cienne primatie de Tolède, que de le persuader
aux métropolitains intéressés , il témoigna en
même temps à l'archevêque de Tarragone
qu'il ne lui avait donné le palliumà lui-même
(ju a condition d'obéir au primat de Tolède :
a Memineris ita te arcliiepisco])um institutum,
ut lam tu, quam universi jirovinciœ Tarraco-
nensis episcopi Toletano tanquam primati
debeatisessesubjecli.» Enfin, pour accoutumer
ces métropolitains à se soumettre au primat de
Tolède, ce pape le nomma son légat dans toute
l'Esiiagne, et dans la province Narbonnaise.
« iNunc autem multo am|)lius, quia ei nostra;
sollicitudinis vices in Hispania universa, et in
Narbouensi provincia ministrandas injunxi-
uius. »
III. Ce pape ne doutait nullement que les
anciens archevêques de Tolède n'eussent pos-
sédé cette primatie universelle sur toute l'Es-
pagne, puisqu'il en écrivait en termes si formels
à l'archevê()ae Bernard : « Te secundum quod
ejusdem urbis constat extitisse pontitices, in
lotis Hispaniarom regnis primatem privilegii
nostri sanctione staluimus , et primatem te
universi praisules Ilispaniarum respicient, et
ad te, si quid inter eosqua'slionedignum e\or-
tum fuerit, réfèrent (Marca, de Primatu Lug-
dun., n. li^>]. »
Mais rarchevêque de Tarragone , qui était
sous l'obéissance d'un autre roi, etqui n'ignorait
peut-être pas que les anciens évêques de Tolède
n"a\ aient jamais exercé une prin)atie si étendue,
refusa d'oliéir à un prélat castillan , sur un
rescril qu'il prétendait subreptice. L'arche-
xèi)uc lie Narbonne ne dissinuila |>as au pape
même le donunage qu'il [)réleudait avoir reçu
par l'établissement d'un métropolitain de
Tarragone et d'un primat de Tolède, assurant
que depuis quatre cents ans tous les évêques
de la province de Tarragone n'avaient point
reconnu ni d'autre métropolitain , ni d'autre
primat que lui. « Cum eos per annos
quadringentos sine alterius reclamalione Nar-
bonensis metropolis possederit (Conc. tom. x,
p. i.id). » Le pape envoya un légat en
Espagne pour porter les évêques de la pro-
Aince de Tarragone à obéir au métropolitain
de Narbonne, jusqu'à ce que la ville et l'Eglise
de Tarragone fussent réparées. Mais cepen-
dant il nomma le primat de Tolède son légat
a latere, et étendit sa légation même sur la
[irovince de Narbonne, afin d'obliger par cet
innocent artifice les archevêques de Tarragone
et de Narbonne d'obéir au primat de Tolède.
IV. Connue la province de Tarragone avait
gémi près de quatre cents ans sous l'oppression
des Sarrasins, il est fort vraisemblable que la
plu[iart des évêques de cette province se reti-
rèrent dans la province voisine et dans la ville
de Narbonne, qui avait été soumise aux mêmes
rois Cotlis avec toute l'Espagne. Leurs villes
étant ruinées aussi bien que leur métropole, ils
obéissaient sans i)eine au métropolitain de Nar-
bonne, qui acquérait cependant sur eux une
longue supériorité.
V. La légation dont Urbain II honora adroi-
tement son nouveau primat, étant personnelle,
ne pouvait pas faire que ses successeurs fussent
reconnus par les autres métropolitains. Les
papes Adrien et Anastase usèrent de menaces
pour vaincre les résistances des archevêques
de lirague. Pascal II, (Jélase II, Calixte II et
Eugène III, confirmèrent par leurs rescrits la
même primatie universelle de Tolède. Ce der-
nier força enfin l'arclievèque de Hrague de se
soumettre au primat de Tolède. Il en écrivit
aussi des lettres très-pressantes à l'archevêque
de Tarragone (Conc. Gêner, tom x; Ibid. pag.
i(iO, 626, 852, 854, 1036, 1092, et seq. An.
lUb'J.)
La lettre d'Adrien IV à l'archevêque de
Rrague sur ce même sujet montre clairement,
(|ue s'il avait jamais témoigné quelque sujétion
au primat de Tolède , elle n'avait pas été
longue. Innocent III confirma en 1209 la pri-
matie de Tolède sur les Espagnes, « per Hispa-
niarum régna », suivant l'exemple de tous ses
]irédécesseurs, (juil nomme jusqu'au nombre
de dix ou onze Jnnoc. Reg. xui, epist. vj. Mais
DES PRIMATS D'ESPAGNE.
20S
ce même pape témoigna l'année suivante (jue
les droits de celte prinialie étaient fort con-
testés et qu'il ne pouvait encore décider ce
diflérend, à cause de la guerre des Maures dont
on était menacé ; pour ne pas exposer TEs-
pagne à tant de troubles en même temps
(Regist. XIV, ep. lvi).
VI. Dans le IV' Concile de Latran (An. I-2I.V ,
sous le pape Innocent III, on vit comparaître le
savant Koderic, arclievèLiue et primat de Tolède,
pour se plaindre que nonobstant les rescrits
de tant de papes, les archevêques de Brague,
de Compostelle, de Tarragone et de Narbonne
refusaient de le reconnaître. Roderic sembla
triompher contre rarclievêi|ue de Compostelle,
montiaiit cpie la métropole deMérida n'y avait
été transférée que depuis l'an 11-24, et que tout
ce qu'on racontait des voyages de saint Jacques
en Espagne n'avait point de preuve solide
(Conc. Gen. Tom. si, part. 1, pag. -iSo). Enfin,
Mariana assure que l'archevêque de Brague, et
un évèque au nom de l'archevêque de Tarra-
gone, ayant commencé d'étaler les droits et les
preuves de leurs Eglises, et les autres intéres-
sés étant absents, le pape les renvoya sans rien
prononcer, u Lite intégra discessum esse, neu-
tre iucliuatis sententiis Mariana, 1. xii, c. 4 . »
Surita rend le même témoignage, et cela se
confirme par les deux lellies d'Honoié III,
successeur d'Innocent 111, aux archevêques de
Tolède et de Brague. 11 parait par ces lettres
que le procès avait encore été renouvelé de son
temps à Rome, et n'avait pas non plus été dé-
cidé. Au contraire, ce pape, comme pour con-
soler l'archevêque de Tolède , Roderic , lui
donna la prinialie sur la province de Sé\ille.
dont la capitale était encore sous la domination
des Arabes, en sorte que lorsqu'elle serait re-
conquise, celui qui en serait métropolitain re-
lèverait du primat de Tolède (Conc. Tom. xi,
part. 1, pag. -24^). Mariana fait Innocent III
auteur de ce privilège sur Séville Mariana,
1. xu, c. i).
VII. Il faut donc avouer de bonne foi que
quoique Roderic, archevêque de Tolède, ait
tâché de donner non-seulement du lustre et de
l'autorité, mais aussi de l'antiquilé à la pri-
matie de son Eglise, et qu'il ait même remar-
qué pour cela q^ue l'archevêque de Sévdle fut
transféré à Tolède dans le XVI' Concile de
Tolède, comme à un siège supérieur Rodericus,
de Rébus Hispaniae, lib. iv, c. 3) ; il est néan-
moins sans comparaison plus probable, conuue
Mariana le montre fort au long, qu'avant Ur-
bain Il le mélro|)oblaiu de Tolède n'avait
jamais joui d'aucun de ces avantages, qui sont
propies et parliculiors aux primats ( .Mariana,
1. IX, c. 18, l'J).
Dans le concile d'Elvire et dans ceux de
Tolède même, dit Mariana, revê(jue de Tolède
ne souscrit qu'après plusieurs autres. Il est
vrai que dans l'ancienne police des Eglises
d'Espagne, les cim) arciievêques de Tarragone,
de Brague, de Mérida, de Séville et de Tolède
étaient élevés au-dessus des autres évêques,
par la qualité même de mélro[)olitain ou de
primat, qui étaient alors deux termes qui
n'avaient (ju'une même signification : « Diverse
nomine, sententia non alla. » Ce qui venait ou
de l'ancienne division de 1 Espagne sous les
Romains en autant de parties; savoir : la Béti-
(jue, la Lusitanie, la Tarragonaise, la Cartha-
ginoise et la Galice, ou pUitùt des divers Etats
qui s'y formèrent après l'irruption des nations
du nord, les Vandales ayant occupé Séville et
la Betique, les Alains Mérida et la Lusitanie. les
Snèves Braga et la Galice , les Gollis Tolède et
la Carthaginoise, et les Romains s'étant forti-
fiés dans la province Tarragonaise. Comme les
Gotlis subjuguèrent enfin toutes ces autres
nations, aussi leur capitale Tolède ac([uit un
nouvel éclat par la faveur et par la présence
même des rois.
Mais toute la prééminence des archevêques
de Tolède, même après qu'on leur eût confié
l'ulection des évêques, ne consista que dans la
préséance du siège et de la souscription, sans
qu'ils aient jamais exercé sur les autres niétro-
polilains aucun de ces pouvoirs qui sont réser-
vés aux vrais primats ou aux patriarches. « In
subsequeutibus conciliis Toletani praesulis
prima semper autorilas esse, prinmmque se-
dendûsubscribendoquelocum occupare. .Vlque
bis se flnibus Toletani episcopi autorilas cou-
tinuit. Ca-tera primatum jura, qui iidem pa-
Iriarchae sunt, solo nomine discrepautes, ut
Icges ecclesiasticœ docent, haudquaquam obli-
nuit. »
Après la déroute et la caplivité des Eglises
d'Espagne sous la tyrannie des Maures, à peine
y eut-il un évêque à Tolède. Ce fut donc Ber-
nard qui, après la conquête de Tolède par le
roi Alfouse, obtint la prinialie du pape Ur-
bain II, et, en revenant en Espagne, se fit re-
connaître à Toulouse par les évêques de la
province, qu'il avait presque surpris par son
20e DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-HUITIÈME.
adresse et par son éloquence. « Cum in Hispa-
niam rediret, Tolosae vicinorum episcoporum
conventiiin habuit, tacileque homines minime
uialos, inj^enii dexterilate , et Gallica^ lin|j:nae
commercio (jua ab infantia usus erat ut im-
periiim agnoscerent , adegit. » Les métropo-
litains d'Espagne s'opposèrent toujours à cette
nouvelle dignité. Les papes y a])portèrent
quelque tempérament , quoiqu'ils favori-
sassent toujours leur créature. Calixte H
transféra la métropole de Mérida à Conipostelle,
et exempta les provinces de Mérida et de
Rrague de la primatie de Tolède pour les sou-
mettre au primat de Composlelle. Hadrien VI
cassa cette primatie de Conipostelle , et força
l'archevêque de Rrague de reconnaître le pri-
mat de Tolède. Alexandre 111 révoqua l'exemp-
tion que le pape Anastase IV en avait donnée
au métropolitain de Compostelle.
Ce (pii se passa dans le concile de Latran
sous Innocent III a déjà été rapporté, et c'est à
quoi il faut s'en tenir, quoique Mariana sem-
ble se contredire lorsqu'il dit ici que la cause
fut jugée, et que Roderic de Tolède l'eniporla
sur tous les autres métropolitains d'Espagne.
« Lite contestata reliques Hispaniœ metropoli-
lanos vicit iL. ix. c. 10). »
Cette victoire ne peut lui avoir acquis qu'une
préséance d'honneur, puisque Mariana même
assure au même endroit que présentement les
archevêiiues de Tolède n'ont retenu que le
nom de primat, sans en pouvoir exercer la
moindre fonction, soit à juger des appels, soit
à faire des ordonnances. « Ac ne nunc quidem
prêter nomen , ullam ejns potestatis partem
exercent in alias provincias Hispaniie , neque
componendis litibus , neque sontibus plecten-
dis, neque legibus |)romulgandis. »
VIII. La seule marque que le primat de
Tolède croyait ne pouvoir lui être disputée
était de faire jiorter sa croix dans toute l'Espa-
gne. Jean, lils du roi d'Aragon, ayant été créé
archevêque de Tolède, et ayant entrepris de le
fiiire dans Saragosse, l'archevêque de Sai'agosse
le frappa d'anatlième, et mit en interdit
l'Eglise (An. 13201 Le roi Jacques d'Aragon
se laissa d'abord emporter aux ressentiments
d'un ])ère, mais il se laissa toucher ensuite aux
intérêts de son propre royaume (Mariana, I.
XV, c. 17).
Le pape lui fit aussi une réponse pleine de
sagesse et de modération, lui représentant que
bien qu'il eût été a souhaiter (]ue ces iirelals
fussent auparavant convenus entre eux du
droit ou de la coutume de porter leur croix , il
était néanmoins visible (|u'ils n'avaient agi de
part et d'autre que par un zèle louable de cou-
server les droits de leurs Eglises, w Causam
reperies zelum quemdam Ecclesiarum jura
tuendi, et ipsa illibata servandi, etc. Cum tam
ex parte portantis, quam ex parte resistenlium,
zelus conservandi jus Ecclesiarum sibi com-
missarum fuei it , non injuriarn alicui irro-
gauiii. 11 Enfin ce pajie leva lui-même l'excom-
munication , et évoqua à Rome ce différend,
avec défense aux archevêques de Tolède de
faire porter leur croix hors de leurs provinces
avant la fin du procès (Hispan. Illus. Tom. m,
p. 164).
IX. La sage modération avec latiuelle les
papes ont favorisé la primatie de Tolède, depuis
(ju'ils ont reconnu la fermeté des autres mé-
tropolitains à s'y opposer, mérite certainement
un peu d'attention. Car, quoiqu'ils hissent in-
téressés à soutenir les rescrits d'un si grand
nombre de grands papes leurs prédécesseurs,
et que les rois de Castille par la majesté de leur
couronne, et par les victoires qu'ils conti-
n uaient de remporter sur les ennemis de l'Eglise
eussent beaucoup de pouvoir sur leur esprit,
ils ont néanmoins considéré que l'esprit de
l'Eglise n'est rien moins qu'un esprit de domi-
nation ; que l'autorité du Saint-Siège est une
autorité de sagesse et de charité ; que toutes
les dignités de l'Eglise n'ont point d'autre but
(|ue l'utilité, la paix et la concorde de l'Eglise
même, et non pas la satisfaction, ou le faste
des prélats.
Ainsi ce fut le même pape Innocent Ifl qui
avait auparavant conliriné les privilèges du
primat de Tolède sur toute l'Espagne, et ([ui
ensuite dans le concile de Latran, voyant la
résistance constante et unanime des autres
métroiiolitains, prononça secrètement pour
leur liberté, en ne prononçant rien, et en don-
nant seulement à Tolède la primatie sur la
province de Séville. qui était encore ensevelie
dans les ruines, et oii il n'y avait point de mé-
tropolitain, ce qui fut confirmé par son suc-
cesseur. Grégoire IX envoya bien à l'archevê-
(jue de Tolède des copies authentiques des
bulles d'Urbain H et des autres papes en sa
faveur, mais il ne les confirma pas jiar un nou-
veau décret (Rainai., an. 1210, n. 5; an. 121^,
n. I(i; an. 1218, n. (Cf; an. 1239, n. i").
X. Reprenons le fil de notre narration, et du
DES PIUMATS DKSPAGNE.
207
(iifférenri des archevcijiies d'Espafjiie iioiir la
croix. Le pape Martin V \oiilarit égaler les
primats aux patriarches, accorda cet avantage
aii\ archevêques primats de Tolède de prendre
toujours séance au-dessus de tous les iiiélro-
polilains non primats, quoiqu'ordonnés de-
puis Ion<;tem|)s : «Ciun [latriarclue et primates
unuui sint, et solum nomine dill'erant : decla-
ramus Joannem Toletanum, qui Hispaniarum
primas est, archiepiscopos non (iri mates, eliam-
si (X'tate et promotione prioies tuerint. pr;ece-
deie debere. quemadmodum patriarchœ illos
hactenus praicesserunt Mariana, 1. xx,c. lij. »
Comme c'est encore un des privilèges des
patriarches de faire porter leur croix haute
devant eux dans tout le ressort de leur patriar-
cat, les archevêques de Tolède ont aussi usé
de ce droit dans toute 1 Espagne, quoique ce
n'ait pas toujours été sans contradiction de la
part des autres métropolitains, et surtout
de celui de Brague, dont nous allons parler
(An. i42'2:. Gomecius assure que le cardinal
Ximénès la portait librement dans tous les
royaumes d'Espagne, à l'exemple de ses prédé-
cesseurs iLibro 11).
XI. Quant à l'archevêque de Brague, qui est
le seul dont il nous reste à parler, Jean Vasée
nous apprend que pendant le temps que Séville
et Tolède étaient encore sous la domination
des .arabes, les prélats de Brague exerçaient la
primatie dans l'Espagne, que les archives de
Brague en font foi, et que ce fut la juste raison
desvigoureusesoppositions que les archevêques
de Brague lurent au premier établissement de
la primatie de Tolède par Urbain II ^Chronicon
Vasai, c. xii). C'avait été le bonheur et l'avan-
tage de Brague d'avoir été la première de toutes
les métropolitaines qui eût été retirée de la
servitude des Arabes : « Qua? prima inetropoli-
tanarum Ecclesiarum aMahumetistarum tyran-
nide liberala fuit ^Hisp. 111, tom. i, p. (ii-l;. »
Cette primatie prétendue par les archevê-
ques de Brague , me paraît toute semblable à
celles de Narbonne sur la province Tarragon-
naise, dont nous avons parlé ci-dessus. Car
l'une et l'autre n'a jeté ses fondements que
sur la désolation des autres métropoles par les
Sarrasins, et sur 1 intendance que les prélats de
ces deux Eglises avaient cependant exercée sur
elles et sur leurs évêques (Bibl. Man. Labbei,
t. 1, p. 80-2, 803 .
Si l'on considère les bienfaits et les secours
efficaces que ces métropoles ruinées peuvent
avoir re(,-u pendant une si longue désolation,
on y trouvera peut-être un assez solide fonde-
ment pour porter les archevêques de Brague et
de Narbonne à disputer la |)rimatie à Tolède,
(jui ne rem|>ortait que sur le prétexte ima-
ginaire d'une ancienne possession.
11 ne faut pas s'étonner afirès cela si les ar-
chevêques de Brague aspiraient a la primatie
même des Espagnes, et non pas seulement à
s'exempter de celle de Tolède, comme il paraît
même par le chapitre des Décrétales, où il est
parlé de ce différend. C'est en suite de cette
prétention que les archevê(jues de Biague se
disent encore primats d'Espagne, et font porter
la croix primatiale devant eux (L. i. Décret.
Tit. 41,n. 7!.
XII. Le saint et illustre archevê(|ue de Bra-
gue, Barthélémy des Martyrs, sera lui seul une
preuve invincible pour nous persuader qu'on
peut joindre toute la modestie et l'humilité
sincère d'un prélat vraiment apostolique, avec
le zèle ardent et la fermeté inflexible à défendre
ces sortes de droits et de pouvoirs affectés aux
Eglises. L'humilité a été la plus éclatante et la
plus miraculeuse des vertus de ce grand
homme. Et néanmoins le plus ambitieux de
tous les prélats n'aurait pas soutenu avec plus
de chaleur les honneurs de sa primatie. Dès
qu'il fut arrivé à Trente il emporta la préséance
sur le plus ancien archevêque, et par consé-
quent sur tous les archevêques non primats
(Conc. Trid. sess. IGj.
Le pape même, à qui l'atfaire avait été ren-
voyée, l'ordonna de la sorte, quoique les an-
ciens papes n'eussent point rendu de sentence
décisive sur le ditleiend qui était entre les
archevêques de Tolède et de Brague pour la
primatie d'Espagne. Ainsi dom Barthélémy
eut rang après le patriarche de Jérusalem.
Mais les évêques d Espagne étant venus au
concile, et ne pouvant soutlrir que l'on recon-
nût l'archevêque de Brague pour primat d'Es-
pagne, au préjudice de l'archevêque de Tolède,
il s'éleva une nouvelle contestation, dont les
légats ayant renvoyé la décision au jugement
du pape, Sa Sainteté ordonna par un bref que
les patriarches précéderaient les archevêques,
et les archevêques les évêques, sans qu'on eût
aucun égard aux Eglises primatiales, soit
qu'elles le fussent véritablement ou qu'elles
prétendissent l'être.
Cette résolution était très-sage, et on peut
dire qu'elle était absolument nécessaire. Car y
208
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-HtITIÈME.
ayant un aussi j^rand nombre d'Eglises, comme
nous venons de le représenter, dont les prélats
se disent primats, si le concile, pour régler leurs
rangs, eût voulu examiner et terminer leurs
différends , il se fût engagé dans un embarras
qui n'aurait point eu d'issue. L'archevêque de
Braguene laissa pas de soutenir la prééminence
de son Eglise, dont il n'était que le dépositaire,
et qu'il était résolu de laisser à ses successeurs
comme ses prédécesseurs la lui avaient laissée:
enlin sa lérmeté et sa vigueur vraiment aposto-
li(|ue força les légats et le pape même de lui
doimer une déclaration, que cette disposition
de séance dans le concile ne porterait aucun
préjudice à la dignité de son Eglise, qui demeu-
rerait après le concile dans les mêmes avan-
tages qu'elle avait toujours possédés(Vie de doni
Barthélémy des Martyrs, 1. n, c. 0).
Lors<iue Pliilijipe II, roi d'Espagne, prenant
possession du royaume de Portugal (An. l.iSI),
voulut prêter le serment entre ks mains de ce
saint arcbevê([ue de Brague, ce généreux prélat
ne se rendit au lieu de la cérémonie qu'après
que le roi lui eut promis qu'il ferait porter
devant lui sa croix priniatiale dans l'assemblée
des Etats, nonobstant les oppositions des arche-
vêques de Lisbonne et d'Ebora.
Ces deux archevêques ne manquèrent pas en
effet de faire de grandes protestations, disant
que le procès de la primatie avec l'archevêque
de Tolède n'était pas encore jugé, et qu'ainsi
l'archevêque de Brague n'avait nul droit de
faire porter sa croix hors de sa province. Mais
le saint archevêque leur répondit qu'il était en
possession, et qu'il était indispensahlement
obligé de conserver les droits de son Eglise.
Enfin ce saint jirélat ayant fait venir un notaire
apostoliciue, prit acte de tous ces avantages
maintenus à son Eglise (Vie de dom Barthé-
lémy, 1. lu, c. 18).
S'il s'agissait de quehiue autre prélat aussi
vertueux, mais moins éclairé que dom Bai thé-
lemy, on pourrait s'imaginer qu'il y aurait eu
plus de zèle(]uede sagesse dans cette conduite.
Mais comme on doit être persuadé que l'anti-
quité même a eu peu de j)rélats plus versés
que lui dans la science des Ecritures, des con-
ciles et des Pères, et dans l'intelligence des plus
exactes maximes de la morale chrétienne, et
surtout de la sainteté de ré[iifC0]iat ; il faut con-
fesser sincèrement (jue les actions de ce grand
honune (leuvent servir de règle pour redresser
notre jugement, et pour nousemiiêcher de dé-
sapprouver ce qu'il a approuvé et autorisé par
sa conduite.
Ce ne sont donc pas des pensées subtiles et
délicates, mais mal fondées, quand on a dit
ci-dessus que ces contestations entre les prélats
sur les droits de primatie, dans toutes les pro-
vinces de l'Eglise, pouvaient ne venir que d'un
zèle vertueux et louable, et même d'une obliga-
tion religieuse et indispensable, de conserver
l'inviolable dépôt de la dignité de leur Eglise.
Il suffit jiour nolrejuslification d'être soutenus
du jugement et de l'exemple de tant de saints
et savants archevêques. Saint Augustin nous a
apjiris qu'if n'y a rien de si semblable, et en
même temps rien de si dissemblable que la
charité et la convoitise.
Les efforts, tes enqiortements et les excès
sont les mêmes; les fins sont différentes, et
c'est tout. Il fautjuger en la même manière du
zèle religieux et de l'ambition profane ; rien
de plus semblable dans les apparences, rien
de plus différent dans la vérité, ])arce qu'effec-
tivement ce zèle n'est que la charité même, et
cette ambition n'est que la cupidité. Or la cu-
judifé est orgueilleuse, lors même quelle sem-
ble s'abaisser. Et la charité est humble, lors
même (ju'elle s'élève par une véritable magna-
nimité.
Barbosa, qui était portugais, et qui fut fait
enfin évêque d'Ugenfo, ajoute, à l'exemple de
dom Barthélémy des Martyrs, celui de trois
autres de ses successeurs qui portèrent les
manjues de leur primatie, et en reçurent les
honneurs en lt>17, ftilO et en lt)38, devant les
rois catholiques Philippe III et Philippe IVdans
l'archevêché et dans la ville même de Tolède,
et dans le palais même de ces rois. 11 est à
désirer que leur zèle ait été aussi pur que celui
de dom Barihélemy des Martyrs. Ce canoniste
était témoin oculaire de ce qui se passa sous le
dernier de ces archevêques.
XIII. Je n'ai puisqu'une remarque à ajouter
pour conclure ce traité des primaties. C'est
(pie si les rois et les nutroiiolitains eiissent été
d'humeur aies laisscrétablir au temps de Gré-
goire Vil, d'Urbain II et de quelques-uns de
leurs successeurs, on ne serait ]ias tombé dans
linconvénienl, dont ensuite ils se sont plaints
eux-mêmes, de voir porter foutes sortes de
causes à Rome. L'Esprit divin qui anime l'Eglise
poussait ces pa[)es à prévenir ce désordre, et
nous les avons vus établir ces primats, afin
qu'on ne rapportât à Rome que les causes très-
DE LA CRÉATION DES NOUVELLES METROPOLES.
200
embarrassées qu'on n'aiirail pu déuièlcr , ni
dans la cour des arclievèques, ni dans celle des
lirimats. On s'est oiijiosé à tontescesiiriniaties, on
n'a soutlert (jue celle de Lyon en exercice,
encore l'a-t-on réduite au seul iugement des
a[)i)els. Après cela on a\u porter toutes sortes
de causes hors des royaumes : « Inde causa-
rnm examina Romain perlata : (|uo dolend.T
mayis mortuiium vices, (jui nec mala terre
possunt, nec raalorum remédia. »
' %.
CHAPITRE TRENTE-NEUVIEME.
DE LA CRÉATION DES NOITVELLES METROPOLES DANS LES CINQ PREMIERS SIECLES.
1. Pourquoi on remet le traité des vicaires apostoliques.
il. Origine îles métropoles ecclésiastiques.
III. On parlera des métropoles particulières dans le chapitre
suivant. Par quelle autorité les métropoles nouvelles peuvent
être créées"? Comment les empereurs en créèrent.
IV. Valeus créa une métropole nouvelle à Tyane pour dé-
plaire à saint Basile. Le pape Innocent désapprouva cette inno-
vation.
V. Dans le concile de Calcédoine on casse la métropole de
Béryt, érigée par Théodose le Jeune ; l'empereur .Marcien avait
e.Tclté le concile à cela.
VI. Réfle.xions utiles sur les ménagements délicats de l'au-
torité de l'empire et de la liherlé du sacerdoce dans cette
affaire.
VII. Conciliation des canons 12 et 17 du concile de Calcé-
doine sur ce sujet.
VIII. Autres exemples tirés du même concile.
IX. Autres exemples de la déférence des empereurs pour
l'Eglise dans la même matière.
X. Quels étaient les privilèges des métropolitains honoraires?
XI. Dans l'Occident la puissance lemporelle n'a point entre-
pris d'ériger des métropoles ecclésiastiques.
I. Quoiqu'on ait assez fait voir ci-dessus que
l'exarcliat de Carthage n'a point été une déléga-
tion particulière, ni un vicariat du Saint-Siège,
il est néanmoins indubitable que toutes les
autres primaties ou exarchats de l'Occident
n ont été que des commissions et des vicariats
apostoliques. Ce serait ici le lieu d'en parler ;
mais comme la plupart de ces primaties n'ont
pris leur naissance que vers la fin du cinquième
siècle, ou même dans le sixième, et que ce n'a
été que dans les siècles suivants que leur au-
torité a éclaté dans la France, dans l'Angle-
terre, dans l'Allemagne et dans l'Espagne, nous
nous réserverons aussi d'en parler ailleurs.
II. Il faut donc passer au discours des métro-
politains, et il faudrait en recheiclier l'origine,
si nous ne l'avions déjà découverte avec celle
des exarques et des patriarches, dès le premier
siècle, et dans la fondation même des Eglises.
Car i)iii?que les .\cles des apôtres, etlesEpîtres
tant de saint Paul que de saint Pierre, et l'Apo-
calypse de saint Jean nous a[)i)rennent que les
.\pôtres foii'lèrent les premières Eglises dans
les villes caiiilales et métropolitaines des pro-
vinces, on ne peut pas reprendre de plus haut
l'origine des métropoles ecclésiastiques , sur-
tout si l'on considère que les trois grands
sièges de l'Eglise n'ont donné que la qualité
de métropolitain à leurs prélats apostoli(|ues,
durant les trois premiers siècles. Saint Epi-
phane a commencé à donner le nom d'arche-
vêque à Pierre , évèque d'Alexandrie , et à
Mélèce, évèque de la Thébaïde, et coadjuteur
de Pierre î Epiph., hseres. lxviii, lxix!. Mais on ne
sait pas si ces prélats usaient eux-mêmes de ce
titre. Saint Athanase a connu le titre d'arche-
vêque. On ne le donna après lui durant quel-
ques siècles qu'à ceux qu'on appelait aussi
exarques ou patriarches.
III. Nous ne parlerons pas ici non plus des
métropoles en particulier, soit de la France,
soit des autres royaumes de la chrétienté, par-
ce que comine leurs démêlés ont passé jusqu'à
làge suivant sons le règne de la race deClovis,
nous en remettrons aussi la discussion dans le
chapitre suivant. 11 ne nous reste donc ici qu'à
traiter de la création des nouvelles métropoles,
pour découvrir par quelle autorité elle a pu se
faire. Comme les métropoles ecclésiastiques
étaient ordinairement dans les métropoles ci-
viles, dans toutes les provinces de l'Eniplre,
excepté celles d'Afrique . il arrivait de là que
si l'empereur partageait une province en deux.
Th.
Tome I.
14
210 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-NEUVIÈME.
le premier évêque de la seconde province et de
la nouvelle niélropole civile prétendait aussi
avoir été élevé au rang des métropolitains.
Cette prétention avait quelcjuB fondementsur
le droit canonique des temps apostoliciues. Car
les canons apostoliques, le concile de Nicée, et
celui d'Anlioche, avaient ordonné que chaque
province aurait son métropolitain, qu'elle tien-
drait son concile provincial, et qu'elle userait
pour cela des commodités qu'il y a de se rendre
de tous côtés pour toutes sortes d'affaires dans
la métropole de clia<|ue province. Cette com-
modité et ce concours ne se trouvaient plus de
même dans la nouvelle province pour l'an-
cienne métropole civile, elle se trouvait tout
entière pour la métropole nouvelle.
Voici le canon du concile d'Antioclie, où les
canons précédents sont renouvelés, et où celte
considération des commodités de la métropole
civile est plus particulièrement pesée. « Epi-
scopos (jui sunt in unaipiaque provincia scire
oportet, episcopum cpii prieest metropoli, etiam
curam suscipure tolius provincia;. Eo quod in
metropoli m uodequaqueconcurruntomnesqui
habent nejîotia. Unde visum est quoque eum
honore pnecedere ; reliques autem episcopos
nihil magni momenti aggredi sine ipso, ut
vult, qui ab initio obtinuit, Patrum canon
(Can. ix). »
IV. Il est certain néanmoins que l'Eglise n'a
l)as approuvé ces changements, et qu'elle a
maintenu (piand elle l'a pu les anciens métro-
politains dans toute l'étendue de leur première
juridiction, sans avoir égard au nouveau par-
tage que les empereurs pouvaient faire dans
les provinces civiles. Saint Grégoire de Nazianze
raconte comment l'empereur Valens , pour
affaiblir l'autorité de saint I>asile,métr(ipolitain
de Césarée en Cappadoce, divisa cette province
en deux : ce (jui donna occasion à Anthime,
évêque de Tyane, devenue capitale de la se-
conde Cappadoce, de ne plus dépendre de saint
Basile, et d'usurper tous les avantages des mé-
tropolitains (Nazianz. oral. 20).
Le pape Innocent I" semble condannier cette
innovation lors(|u'il éciit à l'évéï^ue d'Anlioche
que quelque changement (jue l'empereur fasse
dans les provinces de l'Einijire, les Eglises
doivent inviolablementconserver leur ancienne
disposition. « Nam (]uo(l sciscitaiis, utruin di-
visis impiiriali judicio [irovinciis, ut duic mé-
tropoles fiant, sic duo metropolitani episcopi
debeant nominari : non vere visum est ad mo-
bilitatem mundanarum necessitatum, Dei Ec-
clesiam commutari, honoresque aut divisiones
perpeli, quas pro suis causis faciendas duxerit
imperator (Innoc. 1. Epist. xvui). »
Il y avait dans la frontière des deux Cappa-
doces une furl petite ville nommée Sasimes.
L'un et l'autre de ces deux mélroi>olitains y
préfendait. Saint Basile prévint Anthime, et
pour se l'assurer, il y institua un évêché, dont
il chargea son bon ami saint Grégoire de Na-
zianze. Antilime ne tarda guère de s'en rendre
le maître à main forte. C'est un échantillon
des périlleuses suites de ces innovations.
V. On vit un bien plus grand nombre de ces
changements bizarres dans le concile de Calcé-
doine, et on y a|(pli(]ua des remè<les bien plus
efficaces. La ville de Tyr avait toujours été la
métropole de toute la Phénicie. Eustathe ,
évêque de Béryl, dans lamème province, obtint
de l'empereur Théodose le Jeune que cette
province fût divisée en deux, et que Béryt fût
déclarée la métropole de la seconde Phénicie.
Il se mit aussitôt en possession d'ordonner et
d'appeler à son concile provincial les évêques
de la seconde Phénicie. Photius , évêque de
Tyr, fut forcé de consentir à cette innovation,
qui lui était si préjudiciable, par une sentence
(jue le concile de Conslantinople, tenu par Ana-
tolius, évêque de la même ville, Maxime, évê-
que d'Anlioche, et autres prélats qui s'étaient
trouvés à Conslantinople, prononça en faveur
d'Euslache.
Le concile de Calcédoine ayant été assemblé
peu de temps après, Photius y eut recours, et
l'empereur ayant fait témoigner au concile
qu'il désirait (jue les affaires ecclésiastiques se
décidassent par les canons, et non pas par les
lois, le concile rétablit Photius dans son an-
cien droit, et déclara conformément au concile
de Nicée, qu'il ne pouvait y avoir qu'un mé-
tropolitain dans une province entière (Concil.
Calced. Act. iv).
VI. On peut faiie des réflexions fort utiles
sur ce récit. 1° L'empereur Théodose n'avait
peut-êtie érigé Béryt en métropole ecclésias-
ti(pte qu'indirectement, car en ayant fait une
niélropole civile, et lui ayant attribué une par-
tie de la Phénicie, il avait donné un prétexte ap-
parent à l'évèipie de Béryt de s'ériger lui-même
en métropolitain, comme étant soutenu des ca-
nons qui ont été cités, ])lulôt que de la prag-
matique impériale (Cod. lxi, c. 21). 2° Eusfa-
thius ne put après tout cela se mettre en
DE LA CRÉATION DES NOUVELLES MÉTROPOLES.
211
possession de sa prétendue dignité qu'après
que le concile de Constanlinople, sous Anato-
lius, eût confirmé celte division de provinces,
et eût forc(; parrexconinuniicaliou révè(|Me de
Tyr d'y souscrire. 3° Le concile de Calcédoine
ne toucha point à un établissement fondé en
quelque façon sur un rescrit impérial que
l'empereur ne s'en fût exi>iiqué. et n'eût té-
moigné agréer qu'on rétablît les choses dans
leur premier état, sans avoir égard aux prag-
mati(|ues contraires aux canons, i" L'empereur
Marcien reconnut de bonne foi que ce n'était
point aux empereurs à augmenter ou diminuer
les provinces ou les métropoles ecclésiasti-
ques, h" Ces déférences mutuelles de Marcien
et du concile sont vraiment admirables et di-
gnes de la majesté et de la sainteté de l'empire
et du sacerdoce. Le concile attend que le prince
le prévienne quand il s'agit de la révocation
ou delà limitation d'un rescrit impérial. Les
Pères du concile s'écrient à haute voix et avec
une pleine liberté que les canons doivent l'em-
porter sur les lois ; que les lois doivent être
sans vigueur quand elles sont contraires aux
canons : « contra régulas pragmaticum nihil
valeat, regulse Patruni teneant; » mais ce ne fut
qu'après que les juges impériaux eurent laissé
le choix au concile de terminer ce différend
selon les canons, ou selon les lois , et eurent
même assuré que le désir de l'empereur était
que tout se décidât par les canons. 0" Ce furent
même les juges ijui prononcèrent la dernière
sentence sur ce sujet, quoique ce fût la résolu-
tion du concile. Les juges refusèrent au con-
traire de prononcer, et voulurent que ce fût le
concile qui le fit, quand on traita ensuite une
question purement spirituelle des ordinations
faites par l'évèque de Tyr dans les évèchés (]ui
lui avaient été enlevés. Le concile prononça,
et les juges confirmèrent la sentence. 7° L'é-
vèque Cécropius demanda aux juges un règle-
ment général qui révoquât toutes les pragma-
tiques contraires aux canons sur la division des
provinces, et les ordinations. Les juges deman-
dèrent au concile s'il ajjprouvait la demande
de Cécropius. Le concile ré|)ondil qu'on ne dé-
sirait rien tant que de yoir révoquer toutes les
lois contraires aux canons , mais qu'il fallait
que ce lussent les juges qui le fissent eux-mê-
mes. « Sancta synodus acclamavit, omnes ea-
dem dicimus : universa pragmatica cessabuut,
regulœ teneant. Et hoc a vobis flat. » Lesjuges
prononcèrent selon le désir du concile, qui s'é-
cria ensuite : « Hoc justnm judicium. Justi
juste judicarunt. » 8° Les juges prirent néan-
moins un tempérament , car ils résolurent
(ju'à ra\enir les évêques (|ui iini»étrerait nt de
send)lables rescrits seraient privés de leurs
évèchés; mais que ceux qui en avaient obtenu
auparavant jouiraient des honneurs des métro-
poiilaiiis. demeurant néanmoins soumis à la
juridiction de l'ancien et véritable métropoli-
tain.
VII. Voila sans doute le modèle le plus achevé
de la concorde du sacerdoce et de l'empire, où
le sacerdoce prévient l'empire par ses plus
humbles déférences, et où l'empire prévient le
sacerdoce par son zèle sacerdotal pour la con-
servation des canons et des libertés de l'Eglise.
Lesjuges proférèrent ces paroles admirables :
M Sacratissimo orbis Domino placuit, non juxta
sacras lifteras aut pragmaticos typos res san-
clissimorum episcoporum procedere. sed juxta
régulas a sanctis Putribus lalas Concil. Calced.
Act. ivj. »
Le canon xii de ce concile ne dit pas que les
empereurs ne puissent ériger de nouvelles mé-
tropoles, mais il dépose les évêques t]ui sur-
prendront des rescrits semblables à l'avenir,
selon que les juges l'avaient prononcé. C'est
parler assez clairement, mais avec respect.
Le canon xvii de ce même concile porte
que si l'empereur bâtit une nouvelle ville, la
distribution des paroisses ecclésiastiques suivra
cette disposition civile. Zonare s'est pirsuadé
(jue ce canon rendait a l'empereur le pouvoir
d'ériger des évèchés ou des métropoles dans
les villes dont il serait comme un nouveau fon-
dateur. Balsamon a voulu que ce canon lui
donnât ce pouvoir généralement pour toutes
sortes de villes.
L'un et l'autre en a jugé par la pratique de
son temps, où les empereurs, bien éloignés de
la piété de Marcien. avaient repris cette auto-
rité. Mais comment ont-ils pu s'imaginer que
ie concile en deux canons se soit jeté dans une
contradiction si manifeste? Et comment aurait-
il donné à l'empereur ce que l'empereur ne
voulait pas? Il faut donc dire que le sens de ce
canon est que, si l'empereur renouvelant ,
agrandissant ou fondant une ville lui attribue des
villages voisins arrachés du territoire de quel-
ques évêques voisins , l'évèque duquel dépen-
dra cette nouvelle ville étendra sa juridiction
sur tous ces nouveaux acquêts, ce qui n'attri-
bue à l'empereur aucun pouvoir d'ériger des
21-2
DU PP.EMIEPi ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-NEUVIÈME.
évcchés ou des métropoles, et ne répugne en
façon quelconiiue au canon xn.
Voici les termes du canon xvii : « Si qua ci-
vitas autoritate itnperiali novata est, aut si pro-
tinus innovetur, civiles dispositiones publicas
et ecclesiaslicarum quoque parochiaruni ordo
subsequatur. » Voilà comment M. de Marca
accorde ces canons, après avoir observé tous ces
ménagements délicats entre les empereurs elles
conciles (DeConc. Sac. et Imp. lu, c. X, sess. xiii) .
VlU. Le même concile de Calcédoine fournit
un autre exemple fort semblable au précédent.
Car il ne laissa que les honneurs supcrliciels
des métropolitains à l'évêque deNicée, quoique
les empereurs lui eussent donné des rescrils
pour ériger la ville en métropole. Le vrai mé-
tropolitain de Nicomédie y fut maintenu dans
toute l'étendue de son ancienne juridiction,
mèuie sur l'évêque de Nicée : les mêmes civi-
lités y furent observées. Les jugesdemandèrent
quel était l'avis du concile, et le concile répon-
dit que l'on d(!vait s'en tenir aux canons: «Gano-
nes teneant, canonicus satisliat. »
Enfin, dans le même concile de Calcédoine,
furent terminés les différends survenus entre
les évê(]ues d'Anlioclie et de Jérusalem, sur ce
que le concile de Nicée n'ayant accordé à l'é-
vêque de Jérusalem qu'un honneur de pré-
séance, et l'ayant laissé dans la sujétion du mé-
tropolitain de Césaréeen Palestine, les rescrils
des empereurs avaient assujetti à son autorité
la Phénicie, l'Arabie, et les trois Palestines.
Ces deux évêques tirent une transaction, la-
quelle, selon le désir de l'empereur, fut con-
firmée, par le concile et |)ar les magistrats im-
périaux qui y assistaient : à savoir (|ne la Phé-
nicie et l'Arabie seraient rendues à l'évêque
d'Antioche, et que les trois Palestines demeu-
reraient sous le gouvernement de celui de Jé-
rusalem. On observa à peu près les mêmes dé-
licatesses dans la confirmation de ce concortlat,
pour ménager ce qui était dû à la majesté de
l'empire et à la liberté de l'Eglise, et pour
conserver leur bonne intelligence.
IX. On remarqua, en parlant de la métropole
de Nicée, que Valens même qui l'avait érigée,
ne lui avait iloimé ()ue le litre de métropole
sans juridiction (Act. 13). Marcien érigea Cal-
cédoine en métropole dans ce menu; concile,
pour honorer le concile même (|ui s'y tenait,
mais il ne lui donna que le raiiget les honneurs
des métropoles, la laissant dans l'obéissance de
l'ancien métropolitain (Act. G).
Justinien réunissant les deux provinces d'Hé-
lénopont et du Pont Polémoniaque en une, y
laissa les deux métropolitains anciens dans
leurs pouvoirs. « Nihil circa sacerdotium illo-
rum innovamus (Novel. xxviu, c. 2). » Il en usa
de même en réunissant la Paphlagonieet l'ilo-
noriade en une province, y laissant les deux
métropolitains que le grand Théodose y avait
établis, quand il sépara l'Honoriade de la Pa-
[ihlagonie, et l'honora du nom de son fds Ho-
norius. Au contraire Justinien, divisant les deux
Arménies en quatre , déclara que c'était sans
rien changer dans la disposition des métro-
poles ; ainsi il n'y eut que deux métropolitains
en quatre provinces. « Qu;e ad sacerdotia spe-
ctant, ea volumus in prislina manere forma
(Novel. XXXI, c. 2; Synod. V. Collât. 5). »
Il est vrai que dans le concile V, Euphrante,
évêque de Tyane, raconte comment l'empereur
Justinien avait érigé en métropole la ville de
Mucissus, lui donnant le nom de Justinianopo-
lis, et lui assujettissant quelques villesdémem-
brées de la métropole de Tyane. Mais comme
cet évétjue ne forme point de plaintes contre
ce changement, où il avait tant d'ititérêt, on
pourrait croire tjue Justinien avait fait inter-
venir l'autorité ecclésiastique , comme il est
indubitable, et comme le persuadent les exem-
ples que nous avons déjà rapportés ci-devant.
X. Les privilèges de ces métropolitains hono-
raires, à qui les Grecs du Moyen Age donnèrent
le titre d'archevêques, et les tlistinguèrent par
là des vrais métropolitains, étaient peu consi-
dérables : 1" Us portaient la qualité de mélro-
politains. 2" Ils étaient les prototrônes chacun
de leur province, c'est-à-dire, qu'ils avaient le
premier rang et la préséance sur tous les évo-
ques de la province. 3" Ils étaient consacrés en
la même manière que les métropolitains. Ainsi
c'était le patriarche de Gonstanlinople qui les
ordonnait dans les trois petits exarchats où le
concile de Calcédoine avait permis à ce pa-
triarche d'ordonner les métropolitains.
XL On pourra en général observer dans ce
que nous avons à dire, et nous pouvons ici re
marquer par avance : r Que comme les pro-
vinces se sont divisées de plus en plus avec la
suite des années, les métropoles se sont aussi
muliipliées. Et c'est une confirmation de ce
que nous avons déjà dit plusieurs fois, que les
métropoles ont été en assez petit nombre dans
les deux ou trois premiers siècles. 2° Que la
France ayant reconnu qu'elle avait reçu les
DES DEVOIRS DES MÉTROPOLITAINS.
ii;t
premières semences de la religion de saint
Pierre ou de ses successeurs, elle a aussi con-
servé une grande correspondance avec eux
pour la disposition de ses métropoles. La lettre
que les évèques de l'Eglise gallicane écrivirent
au pape Léon à l'occasion de sa lettre à Flavien
contre les erreurs d'Eulycliés, montre évidem-
ment ce qu'ils pensaient de leur première ori-
gine, a A])Ostolicae Sedi , unde religionis nos-
tr;e tons et origo manavit. » :i" Or on n"a point
employé rautorité impériale ou royale dans
l'Occident pour ériger de nouvelles métropoles.
La présence du Siège apostolique en a été aj)-
parenuiient la cause, puisque l'évêque d'An-
liochc même recourut au pape Innocent 1"
pour le faire expliquer sur l'érection de la mé-
tropole de Tyane faite par V;dens. A" Le concile
de Turin (Can. i) déclara bien que celle des
deux villes d'Arles et de Vienne qu'on prouve-
rait être la métropole civile serait aussi la mé-
tropole ecclésiastique, mais toutes ces contes-
tations sur les métropoles furent toujours
décidées par les conciles ou les papes, sans que
les empereurs s'en mêlassent.
CHAPITRE QUARANTIEME.
DES POUVOIRS ET DES DEVOIRS DES METROPOLITAINS PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES.
I. Divers pouvoirs ijue les canons apostoliqaes et le concile
de Nicée donnent aux métropalitains , d'avoir la principale
autorité dans toutes les grandes affaires, et d'ordonner les
évèques. De quelle conséquence est le pouvoir d'ordonner.
II. Le concile d'Antioche établit la supériorité du métropoli-
tain dans les affaires importantes, et la suprême autorité des
évêques dans la conduite ordinaire de leur diocèse.
III. Le métropolitain convoque le concile provincial et y
exerce une grande autorité.
IV. Le concile de Conslantinople n'affaiblit pas les métropo-
lilains en instituant les exarques.
V. Tous les métropolitains et quelques évèques sont appelés
au concile d'Eplièse et aux autres conciles généraux.
VI. Le métriipolilaiu juge de ses suffragauts.
VII. Dans l'Eglise latine les conciles d'Elvire et de Sardique
donnent divers pouvoirs au métropolitain pour les lettres
formées.
VIII. Les appels lenr sont aussi donnés.
IX. Le concile de Turin déclare le métropolitain père
maiire des évèques qu'il a consacrés.
X. Il établit aussi le droit de visite du métropolitain dans sa
province.
XJ. Les papes Sirice et Innocent font des métropoles des
sièges apostoliques
XII. Zozime défend aux évèques d'aller à Rome sans les
leltrcs du métropolitain d'Arles.
XIII. Saint Léon ne veut pas que les droits des exarques
diminuent le pouvoir des métropolitains.
XIV. Hilaire ne permet pas aux ecclésiastiques de sortir de
la province sans les lettres du métropolitain. Divers décrets de
ce pape touchant les métropolitains.
XV. Gélase fait dépendre de lui la consécration des Eglises.
XVI Les conciles de France abolissent les lettres formées
pour les évèques.
XVII. Des primats ou métropolitains d'Afrique.
XVIII. Ils créent un nouveau primat.
XIX. Sommaire des pouvoirs des métropolitains.
I. Le canon apostolique ordonne aux évêques
de chaque province, de reconnaître celui d'entre
eux qui est le premier et comme leur chef.
HpûTo;, w; ■/.=ç7."at, de uc ricu faire sans sa jiarti-
cipation que ce qui regarde le gouvernement
particulier de leur diocèse, jiuisque lui-même
ne peut aussi rien entreprendre d'important
qu'avec leur avis. « Nec ille prœter omnium
conscientiaiu aliquid agat(Apost. Can. xxxv.»
Les constitutions apostoliques donnent le prin-
cipal pouvoir de l'élection des évèques au mé-
tropolitain, qui est simplement appelé le prin-
cipal et le premier, -: -îws'.to; -ùi «'.-ôv, zU ™'
-5WTWV i-:ny.',-m (Constit. ApOSt. LVIII , C. i).
Le concile de Laodicée s'expliqua plus parti-
culièrement sur l'élection des évêques, qui ne
lient se faire sans que l'autorité de métropoli-
tain y domine : « Episcopos non oporlet prœter
judiciiiiu metropolitanorum , et finitimorum
episcopornm constitui Can. xu. » Le concile
de Nicée voulut aussi que l'élection des évè-
ques se fit par tous les évèques de la province,
s'il se pouvait, mais que le métropolitain eût
la principale autorité en toutes choses, a Fir-
mitas autem eorum quee geruntur --, >-.i:o; ,
per unamquamque proviuciam metropolitano
tribualur episcopo ^Can. iv). »
214
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTIÈME.
C'est en effet le plus important de tous les
pouvoirs (les ni'-tropolit;iiiis, des exnrques et
des piitriatches, (jiie l'élection des évèques, la
confirniation et la consécration des évê(iues
élus. Car tous les autres degrés d'autorité étaient
fondés sur celui-ci, qui rendait le métropoli-
tain le père, le maître et le juge de tous ses
suflragants. En effet, dans ce fameux canon du
concile de Nicée, où l'ordre des anciens pa-
triarches est déclaré, il ne s'agissait que de l'or-
dination des évèques, parce que Méléce l'avait
usurpée sur les anciens droits des archevêques
d'Alexandrie (Can. vi].
Ce canon qui semble en apparence ne con-
firmer que lu droit ancien des trois premiers
métropolitains du monde à ordonner les évo-
ques de toutes les provinces de leur dépen-
dance, affermit effectivement tous les droits et
tous les pouvoirs des métropolitains , parce
qu'il affermit le fondement sur le(iuel ils sont
tous établis, a Si ([iiis pra;ter sententiam me-
tropolitani fuerit factusepiscopus, hune magna
synodus definiit episcopum esse non oportere. »
Rien n'est plus juste que de fonder le droit
d'une domination sainte et paternelle sur le
droit de génération. Car par l'ordination les
évèques engendrent véritablement, non pas des
enfants, mais des pèresà l'Eglise, comme saint
Epiphane nous a appris ci-dessus.
H. Le concile d'Antioche renouvela le canon
apostolique défendant aux évèques de rien
faire d'important et d'extraordinaire, outre le
gouvernement réglé de leur diocèse, sans le
conseil du métropolitain, qui doit aussi prendre
leuravis dans foules les affaires de conséquence.
« Episcopos qui sunt in unaquacjue i)rovincia,
scire o[)ortet, episcopum qui prœest metropoli,
etiam curam suscipere tolius provinciac ; eo
quod in melropolim undequa(|ue concnrrunt
omnes (jui habent negotia. l'iide visum est
eum quoque honore pr;ecedere, reliquosautem
episcopos nihil magni momenti aggredi, sine
ipso, ut vult, (pii ab inilio obtinnit Patrum ca-
non ; vel sola (iuieaduniuscu,ius(|ue parochiam
conférant, et regiones quse ei snbsunf. Unum-
(|iifm(}ue enim episcopum habere snœ paro-
chiae polestatem, et tolius regionis curam gé-
rera, qnae suœ urbi subest. Ut eti;nn ordinent
presbyteros et diaconos, et unacimeque cnm
judicio tractent , et nihil ultra agere aggre-
(lianlur sine metropolis episcopo, neque ipse
sine reliiiuorum sententia (Can. ix). »
Ce canon établit deux iioints très-importants,
el qui ne sont pas toujours aisés à allier, l'aulo-
rité du métropolitain sur les évèques dans les
affaires de conséipionce et extraordinaires, et
l'autorité suprême des évèques dans le gouver-
nement ordinaire de leurs évèchés particuliers,
avec celte ditférence que le métropolitain
même ne peut pas traiter les affaires de consé-
quence et extraordinaires qu'avec le conseil
de ses sullragants, au lieu que chaque évêque
conduit toutes les affaires communes et ordi-
naires de son diocèse sans être obligé de
])rendre l'avis de son métropolitain.
11'. Le même concile d'Antioche ordonna
que ni un évêque, ni aucun autre ecclésias-
tique ne pourrait aller à la cour de l'empereur
pour quel(|ue aOaire que ce pût être, sans la
permission et les lettres du métropolitain et
des autres évèques de la province. « Si neces-
sarius usus exigat, ut ad imperalorem se con-
terai, id agat cum deliberalione et sententia
metropolilaui provinciœ et episcoporum (Can.
xi). »
Selon ce même concile, le métropolitain doit
exercer une autorité toute particulière dans le
concile provincial (Can. xiv). Outre la convo-
cation et la présidence qu'on lui a donnée en
lui donnant le premier rang d'honneur et de
préséance , si les évèques sont partagés sur le
jugement criminel d'un de leurs confrères,
c'est au métropolitain d'appeler des évèques
des provinces voisines pour se joindre à ceux
de la province. Un évêque qui est sans évêché
ne peut occuper un évêché vacant, si le con-
cile ne l'approuve. Or on appelle un vrai et par-
fait concile lorsque le métropolitain y est pré-
sent. « Perfectum concilium illud est, ubi
interfuerit melropolitanus autistes (Can. xvi). »
Ainsi cette translation d'un évê(|ue ne peut se
faire sans l'autorilé du métropolitain. Le mé-
tropolitain doit convo(]uer tous les évèques de
la province pour l'élection d'un nouvel évêque
(Can. xix). Le concile doit se tenir deux fois
cha(|ue année dans les provinces, et c'est au
métropolitain à avertir les évèques de s'y
rendre. « Metropolitano comprovinciales epi-
scopos admonente. « Et il n'est permis qu'aux
métropolitains d'assembler des conciles. « Nec
ullis liceat synodos per se facere , prœter eos
(jiiiluis credit;e sunt métropoles (Can. xx). »
IV. Le concile de Constantino[)le, après avoir
nommé les grands et les petits exarques, et
avoir dit que chaque grande diocèse doit se gou-
verner elle-même par son concile diocésain.
DES DEVOIRS DES MÉTROPOLITAINS.
215
ajoute (|iie chntimc de ces provinces com-
prises dans les limites de chaque diocèse ue
laisscia pas d'avoir sou concile ['idviucial ,
avec une autorité tout entière de disposer de
toutes les atlaires particulières et ordinaires qui
ne regardent que la province [Cau. n). Ce
concile mettait ou confirmait des exarques sur
tous les métropolitains de l'empire oriental,
mais il le faisait avec cette même sage précau-
tion dont on avait usé pour les évèques à l'é-
gard de leurs métropolitains.
V. Il m'a semblé ((u'on aurait plus de satis-
faction de voir développer les divers degrés de
cette autorité successivement, les uns après les
autres, selon l'ordre des temps et les ditrérenls
progrès de la discipline de l'Eglise, que si on
les avait mis tous ensemble devant les yeux
avec une méthode plus étudiée, mais moins
propre à faire connaître la divine épouse de la
sagesse et de la beauté éternelle, je veux dire
l'Eglise. Tout est beau dans ses ouvrages, mais
rien n'est plus beau que la manière dont elle
les fait et les porte a leur perfection. Les der-
niers conciles ont toujours ajouté quelque trait
qui manquait à la police des conciles précé-
dents.
Il y a encore des avantages considérables des
métropolitains dont nous n'avons encore pu
remarquer les traces. Nous les découvrirons en
suivant la route même qui nous a été frayée
par ce divin Esprit qui préside à ces saintes as-
semblées.
L'empereur Théodose le Jeune ayant convo-
qué le concile général d'Ephèse, il écrivit à
tous les métropolitains de s'y trouver et d"y
amener les évèques de leur province qu'ils
jugeraient les plus propres, en sorte néanmoins
qu'il en restât assez dans la province pour les
besoins des Eglises, c Quos idoneos judicabit ,
episcopos provinciœ suic una secum ducat, ita
ut neque necessarii Ecclesiis provincite desint
(Concil. Ephes. Part, i, c. 32). » Les partisans
de Nestorius dans ce concile écrivirent à l'em-
pereur qu'il eût été bon que chaque métropo-
litain n'eût amené que deux évèques de sa
province ; qu'ils en avaient usé de la sorte,
mais que chaque métropolitain du parti de
Cyrille en avait amené un grand nombre. Ils
semblent même insinuer que l'enifiereur avait
lui-même déterminé. en écrivant aux métropo-
litains , qu'ils n'amèneraient que chacun deux
évèques de leur province. La lettre de l'empe-
reur laissait cela au choix du métropolitain.
Cl Oiiantos idoneos duxerit. » Les métropoli-
tains assistaient donc tons au concile œcumé-
ni(]ue, et ils choisissaient d'entre leurs suflra-
ganls ceux qu'ils jugeaient pouvoir être plus
utiles à souterur l'Eglise universelle dans ces
assemblées importantes.
Le concile de Calcédoine (Can. xxv) soumet
a une (leiiie canonique le metroi)olitain (|ui
refardera plus de trois mois a faire remiilir les
évêchés vacants de sa province. L'emiiereur
Marcien avait aussi indiqué ce concile, et il
avait écrit a tous les métropolitains d'y venir
avec autant d'évêques de leur province qu'ils
jugeraient à propos, pourvu (ju'ils fussent ha-
biles dans les Ecritures et dans la céleste théo-
logie de l'Eglise. « Tua sanctitas cum quantis
approbaverit episcopis sub suo sacerdotio con-
stitutis.experlas liabentibus divinas Scripturas,
et in doctrina orthodox;p tulei eminentibus
advenire festinet (In Anteactis. Concil. Cal-
ced.). »
VI. Saint Basile ayant ajipr;^ que les évèques
de sa province vendaient à prix d'argent les
dons inestimables du Saint-Esprit sous des
a|iparences de piété vaines et trompeuses, leur
enjoignit par une lettre pleine de zèle et de
doctrine de s'en abstenir à l'avenir, sous ])eine
de les priver de sa communion. « Cum noslris
bis altaribus nihil habebit commune (Epist.
Lxxvr, Lxxvn). » Il est vrai qu'il écrivit aussi à
des évèques trop crédules aux calomnies dont
ses ennemis le noircissaient , de vouloir se
rendre eux-mêmes ses juges, après une discus-
sion exacte de tous ces bruits répandus^ et de
le priver de leur communion s'ils le trouvaient
coupable. En cela saint Hasile donnait une
preuve de son innocence et de sa modestie. Car
il est certain que le métropolitain étant le pré-
sident-né du concile provincial, étant l'ordina-
teur des évèques de sa province, et par consé-
quent leur père, il avait sur eux un titre et un
pouvoir déjuge, ([u'ils ne jiouvaient prétendre
sur lui.
C'est une maxime du droit ancien que celui
qui ordonne juge. C'était l'ancienne pratique
(jue le métropolitain n'ordonnât ses suffragants
qu'après les avoir examinés, et leur avoir donné
les instructions nécessaires.
Le pape saint Léon écrivit à l'évèque de
Fréjns qu'il devait avoir demandé l'éclaircis-
sement de ses doutes à son métropolitain, et
s'il ne pouvait le recevoir de lui, recourir alors
avec lui au Saint-Siège. «SoUicitudinisquidem
246
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTIÈME.
tua; is ordo esse debuernt, ut ciim metropoli-
tano liio primilus de eo , qiiod qurprendiim
esse \idebatur,conferres; ac si id qiiod ignora-
bat dilectio tua' cliam ii)se nesciret, instrui
vos pariter posceretis (Epist. lxi). »
Nous rapporterons ailleurs les canons des
conciles de Tolède XI et XII qui veulent que
les métropolitains veillent sur les évêques, et
les évêques sur les autres clercs, pour les ins-
truire, et pour faire qu'ils s'appliquent sérieu-
sement aux études des lettres saintes. Il y est
encore enjoint aux évêques de se présenter à
leur métropolitain trois mois après leur ordi-
nation pour recevoir ses instructions.
VII. Je passe à l'Eglise latine, où le concile
d'Elvire, qui est le plus ancien qui nous soit
demeuré, suppose (ju'il y a partout des métro-
politains, et il leur réserve une autorité parti-
culière pour examiner les lettres de commu-
nion. « Placuit ubique, et maxime in eo loco,
in quo prima cathedra constituta est ejjisco-
patus, ut interrogentur ii, qui communi-
calorias lilleras tradunt, an omiiia recte
habeant, et suo testimonio comprobent (Can.
LVIU). »
Le concile de Sardique ne se contenta pas de
défendre aux évêques d'aller en personne à la
cour de l'empereur s'il ne les y appelait ; mais
il leur oriloima d'adresser le diacre (]u'i!s y
enverraient au métropolitain , afin qu'il exa-
minât l'affaire et le iliacre, et lui donnât ensuite
des lettres de reconuuandation jiour les évêques
voisins de la cour. « Episcopi preces mittant
ad episcopum, ([ui in nietroiioli , ut ille et dia-
conuni ('jus et sup|)licationes destineat,tribuens
comtnendatifias epistolas ad episcopos, qui in
urbibus morantur, in quibus Auguslus rem-
pnblicam gubernat (Can. ix). »
VIII. Nous n'avons point encore remarqué
les apiiels du jugement des évoques à celui du
métropolilain. Le même concile de Sardique
ne les exi)rime jias formellement, mais il sem-
ble les insinuer (juand 11 dit que si un prêtre
ou un diacre se persuade que c'est plutôt par
passion qu'avec justice que son évoque l'a
déposé, il pourra recourir aux évêiiues voisins,
qui rejugeront sa cause, et confirmeront ou
casseront le jugement rendu par révècjue.
« liabel ])otestatein is (]ui abjectus est, ut eiii-
scopos linilimos interpellet, et causa ejus au-
dialur, et diligentissime tractetur, etc. (Can.
xvu). B II y a bien de l'apparence que ces évê-
(jues voisins ne sont autres que ceux de la pro-
vince, assemblés avec le métropolitain au con-
cile provincial.
La version grec(]ue de ce canon lève toute la
difficulté, et exprime nettement l'a|)pel au mé-
tropolitain, ou en son absence, à l'évêque le
plus proche. « Qui ejicitur, potesfalem habeat
confugiendi ad episcopum metropolis ejusdem
Ijrovincisc ; si autem metropolitanus abest ,
ad finitimum concurrendi, et rogandi ut suum
negotium accurate examinetur (Can. xiv). »
On vit aussi dans le concile de Turin, en
;397, un évêque se faire soutenir et autoriser
par tout le concile contre un prêtre insolent et
séditieux qu'il avait privé de la communion.
IX. Mais le même concile de Turin nous
découvre bien plus clairement les pouvoirs et
les droits des métropolitains . lorsqu'il décide
le différend (lui s'était élevé entre les évêques
delaseconde Narbonnaise, et Proculus, évêque
de Marseille, qui prétendait être leur métropo-
lilain, tant parce qu'il les avait tous ordonnés,
que parce que c'était de son Eglise que les ruis-
seaux de la doctrine évangélique avaient coulé
dans leurs évêchés : « Si quidem assereret eas-
dem Ecclesias, vel suas parochias fuisse, vel
episcopos a se in eisdem Ecclesiis ordinatos
(Can.xvii). » Les évêques de la seconde Narbon-
naise prélendaient que, selon les canons, l'évê-
que d'une autre province ne pouvait être leur
inétro[)oIitain. « Sibi alterius provinciœ sacer-
dotem i)ra^esse non debere.»Le concile qui s'é-
tait assemblé à la jirière des évêques des Gaules
pour vider ce procès prononça que, pour le
bien de la paix, « conlemplatione pacis atque
concordiœ, » on déférerait cet honneur, non
pas à la ville, mais à la personne de Proculus;
(pie i)endant sa vieil présiderait comme mélio-
politaiu aux évoques qu'il avait ordonnés, et
dont les évêchés auraient été ses paroisses :
« Tanquam pater liliis honore primatus assisle-
ret, etc. l'tin Ecclesiis, quas vel suas parochias,
vel suos distipulos fuisse ordinatos constiterit,
primatus habeat dignitatem. »
Il est donc bien vrai que l'ordination est
comme une divine généiation (|ui fait que
l'ordonnateur devient le père des prélats qu'il
ordonne, et acquiert sur eux un empire pater-
nel de charité et de religion. Aussi ce concile
ajoute : « Il ii)se Proculus tanquam piuspaler,
consacerdoles suos honoret ut lilios : et me-
morata; provinci;e sacerdotes tantpram boni
filii, eumdcm habeant ut parentem. »
De ces deux lois ecclésiastiques que le con-
DES DEVOIRS DES METROPOLITAINS.
2n
sécrateur soil le père et le supérieur de ceux
(jii'il oriloiine, it ijue les évèques de chaciiie
pro\ince aient un iiiélro|)olilain de la nn'ine
province , on juyea que la première de\ait
l'emporter sur la seconde. Après cela on ne
trouvera pas étrange qu'on ail tant contesté
sur le droit des ordinations , et ([u'on ait fait
consisté le principal avantage des métropoli-
tains , des e.\ar(]ues et dus patriarches , dans le
droit d'ordonner.
\. Ce même concile de Turin prononça aussi
sur le ditTérend qui était né entre les évècpies
d'Arles et de Vienne sur la qualité de métro-
politain. La résolution fut que celle de ces
deux villes qui justifierait qu'elle était la
métropole civile, serait aussi la métropole
ecclésiastique. « Is totins provinciœ honorem
primatus oblineat , et ipse jnxta canonuin
praeceptum ordinationum habeat poteslatem
(Can. Il) ; » ou que chacune de ces deux
Eglises fût reconnue métropole des évéchés
qui lui seraient les plus voisins. « Viciniores
sibi vindicet civilates, atque eas Ecclesias visi-
te!, quas oppidis suis viciuas magis esse consli-
terit. » Voila le droit de visite des métropoli-
tains, même dans leurs provinces, touché en
passant.
XL Le pape Sirice, sous le pontificat duquel
ce concile fut tenu , rend les nietrouulitains
responsables de toutes les ordinations irréguliè-
res ; en sorte qu'ils sont plus coupables, s'ils
n'empêchaient que les personnes ambitieuses
et irrégulières ne s'élèvent à répisco|)at, que
cesévèques même, tout ambitieux et irréguliers
qu'ils sont. « Quod non tautiim illis, qui liœc
immoderata ambitione perverlunt, quantum
métropolitains specialiter pontificibus iiiiputa-
mus, qui dum inhibitis ausibus connivent, Dei
nostri, quantuui in se est, praeceptacontemnunt
(Epist. I, c. 8). »
Ce pape touche la raison dans une autre
lettre pourquoi la charge si éminente, mais
si dangereuse des ordinations , a été confiée
aux métropolitains Ep. iv, c. 1). C'est parce
qu'ils sont encore plus particulièrement que
les autres évéques les successeurs des apôtres,
comme étant ou héritiers ou au moins partici-
pants des sièges apostoliques. Aussi le siège du
métro()Olitain s'a[>pelait encore siège apostoli-
que. En effet, chaque métropolitain possède
une portion de celle supériorité que J.-C. donna
à sainl Pierre sur les autres apùlres, c'est-a-
dire sur les évèques. « Lt extra conscientiam
sedis apostolicrp, hoc est primatis, nemoaudeat
ordinare (Epist. xiii, c. 2). »
Le pape Innocent I" confirma cette autorité
des métropolitains, sans lesquels on ne peut
ordonner les évèques. Mais écrivant à l'évèque
d'Antiochc, il lui manda d'ordonner lui-même
les métropolitains, et de leur laisser ordonner
les évèques avec sa permission. « Sicut metro-
politanos autoritate ordinas singulari , sic et
ca'teros non sine permissu conscientiaque tua
sinas episcopos procreari Epist. xviii). »
XII. Le pape Zozime écrivant à nos prélats
des Gaules, défendit à quelque ecclésiastique
que ce fût d'aller à Rome, ou de sortir du
royaume , sans avoir les lettres formées du
métropolitain d'Arles, qui expriment le rang
qu'ils tiennent dans l'Eglise, de peur que daus
les lieux oii ils sont inconnus ils n'usurpent
les fonctions et les avantages des ordres qu'ils
n'ont jamais reçus . se faisant passer pour
évècjues ou prêtres, quoiqu'ils ne le soient
pas.
« Si quis ex qualibet Galliarum parle sub
quolibet ecclesiastico gradu ad nos Romam
venire conlendit,vel alio terrarum ire disiionit,
non aliter proficiscalur nisimetropolitani Are-
lalensis episcopi formatas acceperit litteras ,
quibus sacerdotiiim suum, vel locum eccle-
siaslicum quem habel, scriptorum ejus astipu-
latione perdoceat. Quia plures episcopi , sive
presbyleri, sive ecclesiastici simulantes, quia
nuUuni documenluiu lurmatariim ext,it,per
quod valeant confutari, in nomen venerationis
irrepunl, et indebitam reverenliam promeren-
tur vEpist. V). »
XIII. Rien n'est si souvent inculqué dans les
lettres de ce pape, et dans celles de Boniface
Boniface, ep. ii; et de Céleslin (Céleslin. ep. m,
c. -i), que la réserve des ordinations épisco-
pales au métropolitain. C'est une marque, ou
qu'on avait de la peine à s'assujettir à une loi
si juste, ou que la distinction des métropoles
n'était pas encore bien allèrmie. Mais le grand
saint Léon nous a particularisé quelques cir-
constances reinanjuables dans sa lettre a l'ar-
chevêque de Thessalonique. Car quoique ce
vicaire apostolique eût une délégation générale
du pape sur toutes les provinces de son diocèse,
ce pape lui déclare néanmoins que c'est sans
blesser le moins du monde les privilèges des
métropolitains. « Melro[iolitanos provinciaruiii
episcopos quibus ex delegalione noflia frater-
uitalis lu;e cura prsetenditur, jus tradilœ sibi
218
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS.
CHAPITRE Ql'AP.ANTIEME.
antiquitiis diirnitatis intemeratum habcre de-
ceruimiis Ep. lxxxiv, c. i,. »
Les élections des évèqiies doivent être libres,
mais si les siiffragres se jiarfaffent. le méfropo-
litain doit nommer celui (lui a le [iliis de mé-
rite et le plus de voix. « Ita ut si in aliam forte
pcrsonam partium se vota diviserint^ metropo-
litani judicio is alteri pneferatur, qui majori-
bus et studiis jiivatur et meritis [Ibid. c. 5, G,
9). » L'exarque doit confirmer les élections des
évèquesetdes métroiiolitains. Le métropolitain
doit obliger les clercs fugitifs qui sont dans sa
province daller résider dans leurs Eglises
auprès de leur évèque. L'e\ar(|ue doit avoir le
même soin dans tout son ressort. «Transfugam
clericum ad suam Ecclesiam metropolitanus
redire compellat. »
XIV. Hermès, métropolitain de N'arbonne ,
ayant abusé de son pouvoir dans l'ordination
-des évêques, le pape Hilaire l'en dépouilla, et
en revêtit révè(|ue d'I'zès, conmie le plu? an-
cien de la province, pendant la vie d'Hermès.
Ce pape commit Léonce, métropolitain d'Arles,
pour assembler le concile de plusieurs provin-
ces, en y appelant tous les métropolitains.
« Metropolitanis pcr lifteras ejus admonitis
(Epist. vui'. » Il défendit aux ecclésiastiques
de sortir de la [irovince sans les lettres du mé-
tropolitain ; que si le métropolitain refusait
injustement ces lettres, les deux métropolitains
voisins seraient les juges de ce ditlérend avec
révê(|ue d'Arles. «Cum duobus metropolitanis
provinciaruin quac contiguœ simt, Arelatensis
episcopus cuncta discutiens, etc. »
Dans une autre lettre (Epist. x) il ordonne
que l'évoque d'Arles assemble un concile an-
nuel de plusieurs provinces. Les évêques de la
province de Tarragone ayant apjirouvé quel-
ques translations d'évêques, le même pape
Hilaire leur écrivit qu'on ne pouvait ni élire,
ni sacrer les évêques sans le métropolitain. 11
écrivit an métrojiolitain Ascanius que c'était à
lui a élire et à consacrer les prélats de sa pro-
vince : « Oiialem te, prai-ciime E'rater Ascani,
o|)orteat eligere, eldeceat consecrare (Epist m.»
Que si ses suffragants s'égaraient ou se relâ-
chaient de l'observation des canons, c'était à lui
à les redresser et à leur apprendre huirs obliga-
tions : « Quia pro loco et honore tibi debito,
cmteri sacerdotes docendi fuernnt, non se-
quendi {E(iist ni). »
XV. La luttre du pape C.élase aux évêques de
la Lucanie, de la Rrutie, (ce sont les provinces
d'Italie qui approchent le plus de la Sicile), et
enfin de la Sicile même, contientun sonnuaire
admirable de toute la disci[)line ancienne de
l'Eglise ; mais il n'y est imint parlé des métro-
jiolitains, parce qu'apparemment il n'y en avait
point encore d'autre dans toutes ces provinces
que le ()ape.
On peut néanmoins rapporter au métropoli-
tain ce qui est compris de la défense faite aux
évè(|ues de faire la dédicace de quelque église
ou de quel(|ue oratoire sans la permission du
siège apostolique , c'est-à-dire du métropoli-
tain. « Quod ahsque prrecepto sedis apostolicœ
nonnulli factas Ecclesias vel oratoria sacrare
prœsumunt (Epist. ix). On pouvait avoir aussi
bien réservé au métropolitain le pouvoir de
permettre la dédicace des églises que l'aliéna-
tion des biens de l'Eglife. Les lettres fréquen-
tes du grand saint C.régoire pour ces dédicaces
d'églises font toujours mention des fonds qu'on
donnait pour les doter.
XVI. Le concile de Riez, en 439, cassa l'ordi-
nation d'Armentarius, évêque d'Embrun, faite
sans l'aveu du métropolitain, sans les lettres
des évoques de la province, et par deux évêques
seulement. « Nec expetitis comprovincialium
litteris, metropolitani quoque voluntate negle-
cta (Can. ii^. » Le concile I de Vaison. en 442,
abolit la coutume d'exiger des lettres formées
des évêques des Gaules qui voyageaient dans
les Gaules mêmes. La raison en était que les
prélats de l'Eglise gallicane étaient assez con-
nus les uns des autres , surtout depuis qu'on
célébrait des conciles nationaux, et qu'il suffi-
sait qu'un évè(jue n'eût pas été fiap|)é d'au-
cune sentence canonique pour être reçu dans
toute l'étendue des Gaules : « Placuit episcopos
de Gallicanis provinciis venientes, intra Gallias
non disculiendos, sed solum sufficere, si nul-
lus communionem alicujus interdixerit. Quia
inter ciicnm habitantes, ac pêne sibi invicem
notes, non lam testimouio indigent probi,
quam denotatione ac denuntiationibus depra-
vati (Can. i). »
Cette remaniue regarde certainement les
métropolitains, puisque c'était à eux qu'appar-
tenait le droit de donner les lettres formées.
Mais en passant on peut encore faire celte ré-
flexion, que ces délicatesses, qu'on avait autre-
fois si religieusement observées , étaient de-
venues en quelque manière superflues, au
moins dans les provinces qui n'étaient pas si
distantes (ju'on ne s'entreconnùt les uns les
nRS DEVOIRS DES MF'TROPOLITAINS.
210
autre?, surtout les évoques (juc leur éinincnle
dignité faisait coiinaitre.
XVII. Nous n'avons encore rien dil dans c(!
chapitre des primais ou métropolitains d'Atri-
que. Le papeHilaire donne laquulitéde primat
au i)lus ancien évèque de la province , « .-Evo
honoris primas esse dicitur ;Ei>ist. vin). » C'est
en ce sens-là que les métropolitains d'Afrique
se pouvaient aussiappeler primats, comme ils le
faisaient, parce que c'était le plus ancien d'or-
dination de chaque province qui en était le
primat. Nous avons dit que cela venait aussi
de ce que le premier nom des métropolitains
de l'Eglise latine avait été, « Episcopus prima?
sedis, episcopus primœ cathedrœ. »
Le concile III de Carthage ordonna que les
évèques d'Afrique ne pourraient passer la mer
sans les lettres formées de leur métropolitain.
« Ut episcopi trans mare non proûciscantur,
nisi consulto prim;e sedis episcopo, sua^ cu-
jusque provinciie ; ut ab eo prœcipue possint
sumere formatam (Can. sxvni'. » Les évèques
d'Africjue ne iiouvaient plus être inconnus les
uns aux autres, ainsi les lettres formées ne leur
étaient plus nécessaires que pour traverser les
mers. On résolut dans un concile que les ar-
chives de la province de Numidie se conserve-
raient en deux endroits, savoir, dans le lieu où
était le primat, et dansConstantine, qui était la
métropole civile. « l't matricula et archiva
Numidiœ, et apud primam sedem sint, et in
metropoli , id est. Constantina (Conc. Afri-
can. LUI). »
XVIII. Un concile d'Africiue ordonna aux
primats de visiter leur province vers le
temps du concile. « Constitutum est in concilio
Hipponensi singulas provincias tempore con-
cilii visitanda". esse ^Cod. can. Eccl. Afri;. » 11
était fort utile de visiter les provinces immé-
diatement avant le concile universel, afin d'y
pouvoir rechercher les remèdes les plus effica-
ces des dérèglements qu'on aurait observés.
Les clercs pouvaient recourir aux primats,
s'ils avaient été condanmés par leurs évèques.
Décréta Nicœna sive inferioris gradus clericos,
siveipsosepiscopos, melropolitanis apertissime
commiserunt (Conc. African. CXXXVIII . »
Saint Augustin recourut au primat de Car-
thage pour faire aholir les excès et les ivro-
gneries qui se faisaient aux fêtes et aux tom-
beaux des martyrs. Il crut que l'exemple seul
de l'Eglise métropolitaine de toute l'Afritiueau-
rait autant de force ([ue le décret d'un concili;
universel. « Tanta pestileiilia est hujus mali,
ut saiiari prorsus, (|uantinn niihi videtur, nisi
conciiii auloritate non possit. Aut si ab uiia
Ecclesia inchoanda est medicina, sicut videtur
audacia> mutare conari qute Carlhaginensis
Ecclesia t^net, sic magnat impudentia- est
velle quae Carlhaginensis Ecclesia correxit
(Ei)ist. Lxiv). »
Il faut finir ce chapitre par un canon impoi-
tant d'un concile universel d'Afrique , (]ui
porte que les primats, c'est-à-dire les métro-
politains d'Afriiiue instituèrent un nouveau
primat dans une des Mauritanies, dont la capi-
tale était la ville de Sitifis. Ce pouvoir n'a point
encore été découvert, que des métropolitains
érigent une nouvelle métropole. Nous aurions
pu rapporter cela au chapitre précédent, mais
il ne convient pas mal à celui-ci. Voici les pa-
roles du canon rapportées par Justel : « De pri-
matu Mauritaniœ Sitifensis. Primatem pro-
prium cum Mauritani;!' Sitifensis episcopi postu-
larent, omne concilium ei)iscoporum Xumidiae,
conseutieulibus omnibus primatibus, vel uni-
versis episcopis provinciarum Africanarum,
propter longi itineris novitatem liaben; per-
missa est. Cum consensu Carlhaginensis Ec-
clesia; factum est (Cod. Can. Eccl. Afric.
c. XVII .«Voilà encore une preuve des pouvoirs
de l'archevêque de Carthage.
XIX. Concluons en disant, selon les preuves
précédentes, que comme les métropolitains ne
perdaient rien de leurs droits par la supério-
rité des exarques, aussi ne diminuaient -ils
point ceux de chaque évèque dans son diocèse;
toutes les grandes allaires devaient se concerter
entre eux et les évèques, surtout dans le con-
cile provincial qu'ils convoquaient et prési-
daient. Ils avaient tous droit d'assister au con-
cile général. Ils étaient les pères, les maîtres et
les juges de leurs suffragants. Ils n'exerçaient
de juridiction sur les sujets de leurs suffra-
gants que par appel, ou dans la visite. Le
siège des métropolitains était comme un siège
apostolique, ils étaient responsables de l'ob-
servation des canons dans leur province. Ils
donnaient des lettres formées. Ils permettaient
les dédicaces des Eglises et l'aliénation des
biens de l'Eglise. Leur droit d'ordonner les
évèques les en rendait pères, et donnait un
juste fondement à tous leurs autres i)ou-
voirs.
-2-21
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CI1.\!>ITRE QUARANTE-UNIÈME.
CHAPITRE QUARANTE-UNIÈME.
DES METROPOLITAINS DE FRANCE, D ANGLETERRE ET D ALLEMAGNE^ Al X SIX, SEPT
ET HLITIÈME SIÈCLES.
I. La plupart des métropoles furent établies avant qu'il y eut
(les princes clirétiens.
Il Elles furent établies clans les métropoles civiles par des
motifs très-purs. Anciennes divisions des Gaules
m. IV. V. VI. Vil. Les prétentions du métropolitain d'Arles
sur Vienne, Embrun, Tarentaise, Narbonne, Aix. Divers règle-
ments sur ce sujet qui rétablissent enfin toutes ces métropoles.
Vlll. IX. Des métropoles de Besançon, Toui-s, Bourges, Sens.
,\. Mayence el Cologne.
XL XII. Les changements de métropoles se sont faits par les
papes avec le consentement des rois.
Xlll. XIV. Des métropoles d'Anglelerre et d'Itali".
XV. Des métropoles qui ont des sulfragauts dans d'autres
Etats.
I. Venons aux mélropolifains du second âge,
c'est-à-dire des VI% VII% VIII'' et siècles, et com-
mençons par reconnaître de bonne foi que la
plupart (les anciennes métropoles ayant été
établies dès Tàf^e des persécutions, le consen-
tement des princes n'y a été nullement néces-
saire, puis(|ue non-seulement toutes les mo-
narchies particulières n'étaient point encore
élevées sur les débris de rem|)ii'e romain,
mais les empereurs romains mêmes n'avaient
point encore soumis leur diadème à la croix
de J.-C.
II. Il faut confesser avec la même sincérité
(pie si l'on excepte l'.Vfrique seule, où le mé-
tn)|)olitain étiiit le plus ancien d'ordination
de chaque province , ce (|ue saint Grégoire
même confirma en excluant seulement les
(lonatistes convertis et élcsés à l'épicopat ; à
l'exception, dis-je, de l'Afri(|uc seule, toutes
les métropoles ecclésiastiques ont été mises
dans les mêmes villes que leur grandeur ,
leurs richesses et leur anli(iuité, avaient fait
honorer de la dignité de métropoles civi-
les (L. I. Epist. Lxxii, Lxxv). Mais nous avons
riîmar(|iié (|ue comme ce furent les apôtres et
les hommes apostoliiiues (pii firent ce choix
durant les trois premiers siècles, ils n'avaient
eu aucun égard au faste et au vain éclat du
siècle ; mais que toule leur vue avait été de ré-
pandre la doctrine de .l.-C, iiremièrement
dans les lieux d'oii elle pouvait ensuite se com-
niuni(]uer plus facilement au reste de la terre.
Pour venir à la France^, on sait que l'empe-
reur Auguste partagea les Gaules en quatre pro-
vinces, la Narbonnaise, l'Aquitaine, la Lyon-
naise et la Belgique. Sous Tibère etsous Néron
la Belgi(iue était divisée en une ou deux Belgi-
ques, et en deux Germaniques. Les trois autres
provinces furent subdivisées dans le III' on
IV*^ siècle. La Narbonnaise se divisa en Narbon-
naise, Viennoise, les Alpes maritimes, et les
Alpes grecques ou pennines. L'Aquitanique se
partagea en deux Aquitaines et la Novempo-
pulanie.Enfindela Lyonnaise on fit deux Lyon-
naises et la Séquanaise, qu'on appela Maximn
Scrjrianorum. .\insi il se trouvait quatorze pro-
vinces dans les Gaules avant l'an Utiri, puis-
qu'elles sont toutes rap|)ortées en même ordre
dans l'abrégé de l'Histoire que Rufus F"estus
dédia à l'empereur Valens en cette année, .le
laisse les autres historiens romains où ces deux
divisions se lisent.
Il se fit enfin une tioisième division en fai-
sant quatre Lyonnaises au lieu de deux, savoir,
Lyon, Rouen, Tours et Sens ; et en séparant de
la Viennoise la seconde Narbonnaise. dont la
capital est Aix. Ces trois provinces nouvelles
étant ajoutées aux quatorze précédentes, il s'en
trouva dix-sept. Le concile d'Aiiuilée, en 381,
et celui de Turin, en -a'.»", font mention de la
seconde Narbonnaise. Ainsi cette troisième di-
vision avait déjà cours. Le concile de Valence,
en 374, parle des cinq provinces et les distin-
gue du reste des Gaules. (les cinc] provinces ne
sont autres que les quatre parties de laiicienne
Narbonnaise ci-dessus rapportées, et la se-
conde Narbonnaise (|u"oii venait d'y ajouter.
Les lettres des jiapes Zoziine et Boniface font
quelquefois mention des sept provinces ,
(|u'(Ili^s distinguent du reste des (laules. Ces
sept provinces sont les deux Naiboiinaises, la
Viennoise, les Alpes maritimes, les deux Aqui-
taniiiues et la Novempopulaine, dont le préfet
DES MÉTROPOLITAINS DE FRANCE, D'ANGLETERRE, etc.
du prétoire des Gaules avait fait alors un corps
séparé. C'est sur ces divisions des provinces et
des métropoks civiles que l'Eglise forma la
distinction des siennes.
III. Les provinces et les métropoles romaines
devinrent donc des provinces et des métropoles
ecclésiastiques. Ce fut aussi le sujet de cette
longue contestation entre les évêques de Vienne
et d'Arles sur le droit de primatie, c'est-à-dire
de métropole ; et le concile de Turin (An. 397)
résolut, selon les régies ordinaires, que celle
de ces deux villes qui serait reconnue métro-
pole civile jouirait aussi des droits de métro-
pole ecclésiastique. Mais comme ces deux
villes avaient des avantages communs dans la
police civile, les papes aussi jugèrent enfin
qu'elles devaient aussi toutes deux avoir rang
entre les métropoles ecclésiasliijues. Voila coin-
ment le pape saint Léon termina enfin ce diffé-
rend i.\n. .i.3U).
IV. Le pape Zozime, surpris par Patrocle,
évèque d'.\rles, lui soumit la première Narbon-
naise. Patrocle entreprit de donner un évèque
à Lodève sans avoir pris l'avis du clergé et du
peuple, et sans l'aveu du métropolitain de Nar-
bonne, Hilaire (An. i2-2 . Le pape Boniface
reçut les plaintes d'Hilaire, et lui rendit le gou-
vernement de sa province pour satisfaire aux
canons de Nicée, qui attribuent a chaque mé-
tropolitain le gouvernement de sa province . et
ne permettent pas qu'un seul évèque métropo-
litain étende sou domaine sur deux provinces.
« NuUi videtur incognita synodi Nicœnai con-
stitutio, quœ ita prœcipit, per unamquamque
provinciam jus metropolitanos siugulos habere
debere, nec cuiquam duas esse subjectas. » Les
papes Célestin et Léon confirmèrent cette or-
donnance de Boniface.
V. Dans la province des Alpes maritimes,
Embrun avait toujoui-s été la métropole. C'est
ce qu'en dit le pa[ie Hilaire en parlant dlngé-
nuus, évèque d'Embrun : « Alpium Maritima-
rum provincia:' metropolitani honore subnixus
semper (An. 436). » Aussi le pape Léon con-
damna toutes les prétentions d'Hilaire, évèque
d'Arles, qui avait déposé Armenlarius, évèque
d'Embrun, dans le concile de Riez, pour avoir
été ordonné évèque par deux évèques seule-
ment, sans l'agrément des évèques de la pro-
vince et du métropolitiiin d'Arles. Le pape
Léon rétablit la règle générale que chaque
province ait son métropolitain. « Ordinationem
sibi singuli metropolitani suarum provincia-
rum défendant. » Et le pape Hilaire défendit
le droit d'Ingénuus d'Embrun contre les en-
treprises d'Auxanius, qu'on croit avoir été évè-
que d'Aix , et métropolitain de la seconde Nar-
bonnaise, et qui avait établi un nouvel évè(iue,
en sorte qu'il y en eut deux à Camélione et à
Nice, ce que ce pape annula, réduisant les
deux évèchés en un.
VI. Dans la province des Alpes grecques et
penniues, Tarentaise était en quelque façon la
métroiiole,puis(iu'elle dominait sur Oc/orfw»;/;.
Le pape Léon la soumit nonobstant cela au
métropolitain d'Arles , comme le métropoli-
tain d'Aix ou de la seconde Narbonnaise a été
longtemps assujetti à l'évèque d'Arles. Dans le
concile de Francfort de l'an 794, Tarentaise fut
absolument délivrée de cette sujétion par le
bienfait du pape, et elle se trouve entre les
métropoles dans le testament de Charlemagne.
VII. Quant à la seconde Narbonnaise, le con-
cile de Turin la soumit à la personne de Pro-
culus, évèque de Marseille : je dis à sa personne
et non pas à sa ville, parce que Marseille était
dans une autre province. Aussi les évêques
de la seconde Narbonnaise s'en plaignirent
hautement : « Qui sibi alterius provinciœ sa-
cerdotem prajesse non debere contendebant. »
Patrocle. évèque d'Arles, obtint par surprise du
pape Zozime l'administration des deux Nar-
bonnaises et de la province de Vienne, faisant
en même temps déposer Proculus, à cause des
avantages qu'il s'était injustement procurés
dans le concile de Turin. Les papes Boniface,
Célestin et Léon remédièrent à la surprise de
Zozime , et rétablirent toutes ces provinces , et
leurs métropolitains dans leurs anciens privi-
lèges. Ainsi le métropolitain d'Aix recommença
de gouverner sa province, mais avec obliga-
tion de se trouver au concile du métropolitain
d'Arles quand il y serait appelé. C'est l'or-
donnance que saint Césaire, évèque d'Arles,
fit renouveler au pape Symmaque An. 514.
Le concile de Francfort témoigne qu'on avait
envoyé au pape pour le prier de terminer les
différends des trois métropoles, Tarentaise,
Embrun et Aix. « Et quidquid per pontificem
Romanœ Ecclesiœ definitum fuerit, hoc tenea-
tur. » L'événement a justifié quelle en fut la
réponse, car l'archevêque d'Aix a toujours de-
puis tenu rang dans les conciles et ailleurs. Il
est vTai qu'Aix ne se trouve pas entre les mé-
tropoles dans le testament de Charlemagne ;
mais il est à croire que c'est parce que la
C)50
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-UNIÈME.
réponse du pape n'avait pas encore été reçue.
VIII. Dans la province Séquanaise, Maxima
Sefjuaîionan , Besançon était la métropole.
Chélidoniiis, qui en était évèque,fut à la vérité
déposé par Hilaire d'Arles, comme mari d'une
veuve, et par conséquent irrégulier. Le pape
saint Léon cassa cette sentence, parce que Cliéli-
doniusse trouva innocent; autiement il déclara
qu'elle eût subsisté , comme étant juste , mais
non pas comme étant émanée d'une autorité
légitime, car ce pape défendit à l'évéque d'Arles
de s'ingérer désormais dans le maniement des
autres provinces : « Suis unacjuœque j)rovincia
sit contenta conciliis, nec ultra Hilariusaudcat
conventus indicere synodales (An. -445).»
Que si le nom de lévèque de Besançon se
trouve quek|uelois fort reculé dans les souscrip-
tions des conciles , on n'en peut tirer aucune
conjecture raisonnable contre sa dignité de
métropolitain : 1" Parce que les copistes ont
fait cent lautes dans les souscriptions. 2" Que
les métropolitains ont souvent souscrit après
les simples évêques qui avaient été ordonnés
avant eux. 3° Enfin, parce que les évèques né-
gligeaient souvent leur rang, ou d'antiquité,
ou de dignité, et souscrivaient au hasard comme
ils se rencontraient.
C'est ce qui obligea le pape saint Grégoire
de leur recommander de garder leur rang :
« Episco()os secundum sua; ordinationis tem-
pus, sive ad considendum in concilio, sive ad
subscribendum , vel in qualibet alia re,sua
atlendere loca decernimus , et suorum sibi
pncrogalivam oi-dinum vindicare (L. vu, ej).
cxiv).» Enfin, l'évéque de Besançon est reconnu
métropolitain et archevêque dans le testament
de Cliailemngne, dans les ca])itulairos, dans les
conciles suivants; et le pape Jean VIII, en lui
écrivant, l'appelle archevêque de Chrysopolis.
IX. Sidonius Aiiollinaire parle de l'évéque
de Sens comme d'un méhopolitain (L. vu,
epist. V). Perpéluus, évêquc de Tours, tint le
concile de Vannes dans le cinquième siècle, en
/ttl.'l, et y ordonna révè{|ue de celle ville, comme
son métropolitain. Voilà les deux Lyonnaises,
seconde et troisième. Le même Sidonius Apol-
linaire dit nettement (jue l'évéque de Bourges,
qu'il venait de faire élire, était métropolitain
aussi bien que celui de Sens, devant lequel il
parlait. « Denique et coram metropolitano verba
faclurus , etc. Snnplicius est queni pro\inci<'e
noslrœ metropolitanum pronuntio, etc. (Lib. i
Poematum , c. lt> ). » Venantius Fortunatus
en dit autant de celui de Bordeaux à qui il
écrit.
Ouiintum inler reliquas capul lioo superextulil urbcs,
Tauluiii pouliûces \incis Louore giailus.
Quant à la troisième Aquitaine, ou Novem-
po[)ulanie, l'évéque d'Eluse (Elusa,Eause) sous-
crit en qualité de métropolitain dans les con-
ciles d'Agde, d'Orléans I, 11,1V, V, l'évéque
d'Auch ne souscrivant qu'entre les évêques
dans les mêmes conciles. La même chose paraît
dans le concile de quarante évêques tenu à
Reims sous rarclievê(iue Sonnatius (Elodoard,
lib. n, c. 5). Il faut donc que ce soit environ
et ajirès ce temps-là que la métropole d'Eause
fut transféiée à Auch.
X. Quant aux Germaniques, Mayence était
la métropole de la première, et Cologne de la
seconde. Mayence avait été fondée par Drusus.
Cologne est appelée métropole par saint Atha-
nase dans sa lettre aux solitaires. Ces villes fu-
rent longtem|)s comme ensevelies dans les
désordres et les calamités de diverses guerres.
Trêves profita de leur calamité. Mais enfin le
pape Zacharie érigea Mayence en métropole,
en "51, pour être le siège ordinaire de son lé-
gat Boniface; il lui soumit même la ville de
Cologne; mais comme il avait déjà auparavant
donné le titre de métropole à Cologne, à la de-
mande des Français (An. 7i"), cette première
disposition subsista quant à la métropole de
Cologne, mais non pas quant au séjour que
Boniface y devait faire. « De civitate illa, qiiœ
Agrippina vocabatur, nunc vero Colonia, jiixta
petitionem Francoruni per nostric autoritatis
prœce[ituni nomini tuo nietropolim conflrma-
vimus iZachar. Ep. xi). On peut lire toutes ces
lettres dans les éditions des conciles, où il
parait que les Français s'étaient en quelque
façon repentis d'avoir désiré que Cologne fût
méiropole.
XL H est évident, par ce que nous venons de
dire, que les métropoles de la France n'ont été
bien réglées que vers la fin du cinquième siè-
cle, et quelques-unes même plus tard, et que
les papes ont été les juges ordinaires de toutes
ces contestations. C'est ce qui a fait dire au
saint et savant Avitus, évêque de Vienne, dans
sa lettre au pape llormisde, (jue si l'Eglise de
Vienne dominait siu- toute la province Vien-
noise, c'était parce qu'elle lui avait été com-
mise |)ar le pape et par ses prédécesseurs.
DES MÉTROPOLITAINS DE FRANCE, D'ANGLETERRE, etc.
2-23
« Totiiis ni()\ii]ci;i' Viennensis noiiiine qu;o
Ecclesiii' ail me iR'itiiu'iiti ;il) irnivcrsis pru'de-
cessoribus vtstris el ub apostolica Sede coni-
niissa est. »
Li?s (lilfcH-iMuls qui s'étaiciil élevés entre les
niélropolilains avaient réduit les choses à cet
état, que les plus anciennes métropoles n'avaient
I)u prendre leur consistance et leur afTerniisse-
Mient, que par les jugements émanés du Siège
apostolique. Quant aux métropoles nouvelles
ou renouvelées, on vient de voir que Zacharie
érigea Mayence et Cologne. Le même envoya
trois palliums à trois archevêques que Boniface
avait ordonnés. Voici les paroles remarquables
de l'auteur ancien de la vie de saint Boniface.
« Bonifacius a principibus Carlomanuo et Pi-
pino Ecclesia^ Mogonciacensi pra'licitur, et ut
ejus dignitas eminentior foret. Decreverunt
iidem principes Ecclesiam Mogonciacensem,
quœ prius alteri subjecta erat , metropolim
omnium Geriflani;c Ecclesiarum efficere, mox-
que legatione facla illud a pra^sule apostolico
impetravere (Le Coiute, an. 740, n. 5). »
XIL II n'est pas moins clair que les change-
ments de métropoles ne se sont faits qu'à la
demande ou avec l'agrément des princes. C'est
ce que le pape Zacharie témoigne lui-même
touchant Mayence , en écrivant à Boniface.
a Obtinere voluisti, ut tibi calhedralem Eccle-
siam, vel successoribus tuis coafirmare debea-
mus , juxta eorumdem Francorum petitio-
nem , etc. Xa. 74i; Zachar. Ep. iv ; Epist.
xiv). B Boniface n'avait demandé trois palliums
pour trois nouveaux archevêques que pour
seconder les désirs des princes français :
« Quod de archiepiscopis et de palliisa Romana
Ecclesia petendis, juxta promissa Francorum,
sanctitati vestrte notum feci, etc. (Epist. iv). »
Pépin, qui était maire du i)alais. ayant as-
semblé le concile de Soissons en 7li, dit la
même chose : « Fer consilium sacerdolum et
optimatum, ordiiiavimus per civitateslegitimos
episcopos, et idcirco constituimus super eos
archiepiscoposAbeletArdobertum(Conc.Suess.
c. ui). » Le même paraît par le concile de Lip-
tines, assemblé par Carlonian, maire du palais :
« Per consilium sacerdotuin , et optimatum
meorum, ordinavimus per civilates episcopos,
et constituunus super eos archiepisco[ium
Bonifacium,qui est missus sancli Pétri (Concil.
Liptin. c. i). »
Le même Boniface proteste que s'il a fait des
constitutions synodales en France , c'a été par
ordre du |iape, et avec l'agrément des princes
fiançais: « Synodiim coiigregandam , et lior-
taiidam jussu poiilificis Romani , et rogatu
principum Francorum et Callorum suscej)!
(Epist. cv). » Mais il ne faut pas omettre ce (]iie
ce même saint évêque écrivit au pape Etienne
touchant l'évêché d'Utrecht (Epist. xcvii).
Carie pape Serge envoya saint Willibronl, ou
Clément, pour prêcher la foi aux Frisons. Ce
saint missionnaire employa cinquante années
à planter et à arroser cette nouvelle Eglise, y
établit son siège épiscopal à Llrecht, et y mou-
rut après avoir déclaré son successeur. Le
prince Carloman pria Boniface de mettre un
évêque dans ce siège (jui vaquait alors. L'évê-
que de Cologne voulut alors se rendre maître
de cet évêché, fondé sur ce que le roi Dagobcrt
avait donné le château d'L'lrecht, à condition
de prêcher la foi aux Frisons, et que Willi-
brord n'avait fait que réparer une Eglise qu'il
y avait trouvée. Boniface conjure donc le pape
Etienne de maintenir l'évêque el l'évêché d'U-
trecht dans l'indépendance où il était, et avait
toujours été des évèques de Cologne, et dans
la sujétion du seul pontife romain , qui avait
envoyé et sacré Willilirord évêque, seul apôtre
des Frisons : « Ut fiai sedes episcopalis subjecta
Romano pontifici, prœdicans génies Frisorum . »
Voila connnent l'autorité du pape et du prince
intervint, pour conserver rétablissement et
l'exemption de ce nouvel évêché.
XIII. Nous avons vu ci-devant, dans les let-
tres de saint Grégoire, comment ce pai)e établit
les deux métropoles d'Angleterre, et le rang
qu'il leur donna. Jean Diaci e dit le même dans
sa vie. « Misit .Vugustino pallium.jubens ulsub
metropoli sua Cantiœ duodecim episcopos ordi-
uaret, ad Londoniam et Eboracam singulos epi-
scopos milteret, qui sub se duodecim nihilomi-
nus episcopos consecrantes, i)allium ab aposto-
lica Sede perciperent, etpost Augustini obitum,
ipse inter eos primus haberi debuisset , qui
prius consecrari debuisset (L. ii, c. 37). » Cet
auteur se trompe quand il dislingue les deux
métropoles de Cantorbéry et de Londres, et
cpi'il leur donne à chacun douze suflragants.
Car ce ne fut qu'une métropole, Cantorbéry
ayant été substituée à Londres, comme nous
avons dit ci-dessus.
XIV. Ce même auteur remarque ailleurs
que Sévère , métropolitain d'A(iuilée , s'étant
opiniâtrement attaché au schisme des trois
chapitres, le Saint-Siège divisa cette métropole
C)-TJ
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-DEUXIÈME.
en deux , en érigeant une nouvelle pour les
cutholi(]iies , qui ne laissa pas de subsister
après la réunion même des schismatiques.
« Romanum pontificem severi vecordia susci-
tavit, adeo ut ab ipso illins obitiis tenipore,
Aquileieusis diœcesis in duos nietropolitanos,
catbolicorum videlicet, schismaticorunique di-
visa sitj neqne poluit postnioduni, licet omnes
generaliter ad unilateni de scbismate repedave-
rint, ad pristinœ conjunclionis unionem usque
Iiactenus reformari L. iv, c. 38). »
XV. Notre savant annaliste de l'Eglise de
France a remarqué que Toulouse et Uzès ne
se trouvant plus entre les évêcbés soumis à
la métropole de Narbonne, dans la division
des évêcbés qui fut faite par le roi Vamba
d'Espagne (An. oU3, n. 3), c'est une manjue
que Clovis, ayant ravi ces deux villes aux Gotbs,
leurs évêques cessèrent enfin de relever d'une
métropole qui ne relevait pas de la couronne
de France (An. 524, n. 5). Les Gotbs en usèrent
de même. Car ayant conquis Rodez, et quel-
ques autres villes de Guyenne, ils les soumirent
à la métropole de Narbonne , qui leur apparte-
nait, au lieu (lu'elles avaient été soumises à
Bourges, qui était du domaine de nos rois (An.
538, n. 9).
Cela paraît par les notices des évêcbés faites
en des temps différents; on y voit cette dimi-
nution ou augmentation des suUragants sous
une métropole selon les vicissitudes des Etals.
Cela parait encore par le concile lit de Tolède,
où assista le métropolitain de Narbonne avec
ses sutïragants les évêques de Béziers, Carcas-
sonne, Agde, Lodève,Maguelone, Nîmes. Toutes
ces villes étaient alors sous la domination des
Gotbs. Dans les conciles tenus en France, on
peut aussi remarquer que les évêques d'une
nation ne se trouvaient point dans les conciles
d'une autre nation, quoique leur métropolitain
y tut compris.
Le concile lll d'Orléans, en 538, ne voulut
l)as que dans les divers partages qui se faisaient
alors de l'empire français les évêques d'un
Etat pussent s'absenter du concile assemblé par
leur métropolitain dans un autre Etat , parce
que ce n'était toujours que la monarcbie fran-
çaise. « Hanc excusationem sibi noverint esse
siiblatam, si absentiani suam divisione sortis
crididerint excusandam ^Can. i). Ces remar-
ques ne sont pas inutiles pour l'intelligence
de Tancienne police sur ces matières.
CHAPITRE QUARANTE-DEUXIÈME.
DES METROPOLITAINS D ESPAGNE, ET DES PAVS ELOIGNES.
I. Métropole de Luge érigée par le concile et par le roi.
II. Métropole de Carlhagèoe transférée à Tolède.
III. Le pape Grégoire II envoie des prédicateurs en Bavière
pour y établir des évêques.
IV. V. Si les provinces éloignées ont été autrefois converties
de même façon par les missionnaires du pape ou par les
évêques des lieux.
VI. On entasse nn grand nombre d'exemples pour montrer
que les évêques se sont toujours maintenus dans la possession
de prêcber aux infidèles de leur voisinage.
I. Il est vrai que dans l'Espagne, Théodomir,
roi des Suèves , ayant asseiublé les évêques de
ses Etats dans le concile de Lugo, leur proposa
la nécessité d'ériger une nouvelle métropole,
et de nouveaux évèchés, afin que les évoques
pussent tous les ans visiter leur diocèse, et que
l'obligation de se trouver au concile provincial
ne les engageât pas à de si longs voyages.
« Cupio, Patres sanctissirai, ut provida utilitate
decernatis in provincia Regni nostri , quia in
tota regioiie GalUeciœ spatiosa; satis diœceses
a paucis episcopis tenentur; adeo ut aliquantaî
Ecclesiœ per singulos annos vix possint a suo
episcopo visilari. Insu()ertantie provincia' unus
taiitummodo episcopus metropolitanus est, et
de extremis (luibusque parocbiis, longuni est
singulis annis ad concilium pervenire (Conc.
Lucense, an. 5(33). »
DES MÉTROPOLITAINS D'ESPAGNE.
22â
Les évêques de ce concile, pour satisfaire ;i la
demande du roi et aux besoins de TEgiise, dé-
clarèrent Lugo métropole, outre Brague qui
l'était déjà, etérigèrent en même temps d'autres
évècliés nouveaux outre les anciens. La raison
qui fit choisir Lugo pour niétroj)ole est la com-
modité du lieu et des assemblées qui s'y pou-
vaient l'aire plus facilement qu'ailleurs : « Uuia
ibi erat terminus de contiuilimis episcopis, et
ad ipsum locum Lucensem grandis semper
erat conjunctio Suevorum. »
Voilà une métro[)ole nouvelle établie sans l'in-
tei vcntion du pape, mais la durée n'en fut pas
longue. Car le roi des Gotbs, Reccesuintlie, fit
casser dans le concile de Mérida (An. 6()C) ce
qui avait été fait dans celui de Lugo, environ
cent ans auparavant, et rendit à l'ancienne mé-
tropole Mérida les évècliés qui en avaient été
détachés pour les attribuer à Lugo , savoir
Coimbre, Viseu, Lamego et Egidetania, dont
l'évêché a été depuis transféré à Gardie (Conc.
Emerit. c. vi). Il y a de l'apparence que ce fut
durant ces cent années que Brague prétendit à
la primatie, comme se flattant de quelque
ombre d'autorité sur la nouvelle métropole
Lugo. Mais ces apparences de primatie furent
aussi courtes qu'elles étaient mal fondées. Les
conquêtes des rois des Suèves donnèrent lieu à
cette création de métropole, qui se détruisit en
même temps qu'elles tombèrent entre les mains
des rois goths.
J'ajouterai ici que l'évêque de Mérida s'étant
plaint au concile XU de Tolède de ce que le
défunt roi Vamba l'avait forcé d'ordonuer un
nouvel évèque dans le monastère d'un village
nonuné Aix, Aqiiœ , ce concile, après avoir
rapporté les anciens canons qui défendent les
érections d'évèchés hors des grandes villes,
cassa ce nouvel evèché, ordonna que ce monas-
tère continuerait d'être gouverné par un abbé
et qu'on donnerait le premier évèché vacant à
celui qui en avait été ordonné évêque par le
commandeu)ent absolu du roi.
II. Cartbagène en Espagne avait été la métro-
pole civile et ecclésiastique de sa province.
Mais cette florissante ville ayant été ruinée par
les Goths et par les Suèves, la métropole ecclé-
siastique fut transférée à Tolède, où les rois
goths avaient établi leur siège. Montan, évèque
de Tolède, est traité de métropolitain dans le
II' concile de Tolède, tenu en o31. Dans le III'
qui fut célébré en 389, il prend la qualité de
métropolitain de Carpetanie, qui était une par-
tie de la province de Cartbagène, où était
située la ville de Tolède. Mais entin le roi Gon-
(leniar, dans un autre concile de Tolède teuuen
lild, déclara (|ue la Carpetanie était la même
(pie la iirovince carthaginoise, et (jue révè(iue
(le Tolède en avait été déclaré métropolitain
l)ar les anciens conciles.
III. 11 faut revenir aux nouvelles colonies de
l'Eglise dans les pays étrangers. Le pape Gré-
goire II envoyant des nnssionnaires aposto-
liques en Bavière, leur donne le pouvoir d'y
établir des évê(]ues et un archevè(jue : « Ut
consideratis locorum siiatiis , juxta gubernatio-
nem uniuscujusque ducis episcopia disponatis,
et si très aut quatuor vel majoris numeri visse
fuerint constitut;e sedes , reservato pi;tcipua'
sedis loco pro archie|)iscopo, adhibito trium
episcorum conventu , etc. ( Capitulare Gre-
gorii II). »
11 est bon de remarquer que ce pape de-
mande qu'il y ait au moins trois évêques sous
un archevêque ou métropolitain, afin que l'un
d'eux étant mort, les trois autres puissent faire
une ordination canonique de son successeur.
C'est à quoi on a eu égard quand on l'a pu ;
car dans la nécessité les canons permettent
d'appeler les évêquesde la province voisine. Dès
l'an .WJ, saint Rupert, évêque de Worms et
métropolitain d'Allemagne, avait prêché dans
la Bavière, et y avait fondé la métropole de Sais-
bourg, selon l'auteur de sa vie.
lY. C'est encore une remarque fort impor-
tante que si les nouveaux établissements
d'Eglises et de métropoles ont été faits dans
l'Angleterre, dans la Frise, dans l'Allemagne,
dans la Bavière, principalement ]iar l'autorité
des papes et par les prélats qu'ils y ont envoyés,
comme nous venons de le justifier , il est
bien vraisemblable que les anciens établisse-
ments de l'Eglise et des métropoles dans les
provinces plus proches de Rome , c'est-à-dire
dans l'Italie, dans les Gaules , dans l'Espagne,
dans l'Afrique , s'étaient faits de la même
manière dans les premiers siècles , par les
évêques et les prédicateurs qui y étaient en-
voyés de Rome, où saint Pierre avait établi le
centre et connue la source de tous ces ruis-
seaux de grâce et de vérité qui se répandirent
de])uis dans tout l'Occident. C'est de quoi nous
assure le pape Innocent dansunede ses lettres.
Mais c'est de quoi la vraisend)lance est si
grande, qu'elle peut presque passer pour une
conviction. Car si, dans les v% vr' et vu' siedcs,
Th. — Tome I.
15
226 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUARANTE-DEUXIEME.
quoiqu'il y eût tant de grands évêques dans
l'Italie, la France et rEs|iaj.'ne, cétiit néan-
moins le seul Siège a|)ustolique qui ajoutait
ordinairement ces ncivn elles conquêtes à
l'Eglise, ou qui les consommait : combien est-
il plus apparent d'en juger de même des pre-
miers siècles? Les premiers papes et niarlyrs
étaient-ils moins zélés qne les derniers? Les
missionnaires évangéliiiues avaient ils moins
de soin de demander secours au premier Siège
de l'Eglise? Enfin on peut dire que les évêques
des lieux étaient assez occupés durant les pre-
miers siècles à défricher leur propre pays, et
en arracher les restes de l'idolâtrie , laissant
au pasteur universel le soin et la sollicitude
d'étendre plus loin l'empire de J.-C. Victor,
évê(|ue de Vite, raconte que quelques fidèles
d'Afrique ayant converti un nombre considé-
rable de Maures dans les déserts reculés, en-
voyèrent a Rome pour obtenir du pape un
prêtre et des pasteurs pour venir cultiver cette
nouvelle Eglise iL. i, c. i). L'histoire des temps
qui nous sont connus nous doit fournir des
conjectures pour les premiers siècles qui sont
demeurés dans l'obscurité . parce qu'on avait
alors plus d'ardeur de bien l'aire (jue d'écrire.
V. Voici encore un exemple du commence-
ment du huitième siècle qui nous donnera lieu
de deviner ce qui se passait dans les premiers.
Saint Corbinien. évê(|ue de Freisingen, fut pre-
mièrement ordonné évèque par le pape Gré-
goire H, et envoyé en Franco et en Allemagne
avec une commission ajjoslolique pour y prê-
cher l'Evangile (An"l(i). «Accepto etiam pallio
cum benediclione et adjutorio beati Pétri a|)0-
stoli. ut ubique iira-dicationisofficium exercere
in tolo orbe posset, etc., per universam (Jalliam
verbum doctrina' illius crevit , etc. » Ce fut
Pépin, maire du palais, ([ui appuya de son cré-
ditée nouvel apôtre JSurius, die s Septemb).
VI. Si l'histoire de la [iremière conversion
de toutes les nations à la foi nous axait été fidè-
lement conservée, nous trouverions sans doute
des etfets miraculeux du zèle ardent de plu-
sieurs ou métropolitains, ou évêques, qui ont
augmenté ou leur province, ou leur diocèse,
par ces glorieuses comiuêtes sur la gentililé.
Le roi des Lazes, c'est peut-être 'a Colcliide, vint
demandera l'empereur Justin, àConslantinople,
qu'il le fit chrétien, et qu'il le nommât emiie-
reur des Lazes. « Ut fieret clirisliauus appella-
returque ab eo Lazorum imperator. » Ce pieux
empereur crut lui-même avoir gagné un n<iu-
vel empire en soumettant cette nation à Pem-
jiire de J.-C. « Profeclus Lazorum imperator a
Justino, porla\it coronam etclilamydem impe-
raloriam albam. » C'est ce qu'en dit Théo[)hane.
Je laisse la conversion des Hérules, des Huns et
de tant d'autres qu'on doit aux soins de Justi-
nien, successeur de Justin, et au zèle de ses
évêques. Saint Rémi, archevêque de Reims, fut
l'apôtre des Français. Saint Eioi, évêque de
Noyon, fut nommé l'apôtre des Flamands (Baro-
nius, an. 522, u. 18; 52", n. 52, 50; .529, n. 18;
530, n. 12; 665, n. 7).
Les Bourguignons elles Français étant venus
subjuguer les Gaules, lurent eu.\-mêmes bien
plus heureusement et plus glorieusement sub-
jugués par les évêques des Gaules, qui ne fu-
rent pas lâchés de devenir évêques français,
pourvu que tous les Français devinssent chré-
tiens. C'était peut-être là l'exercice et la matière
de l'apostolat de nos évêques, ce qui les em-
pêchait de faire ressentir les ardeurs de leur
zèle jusque dans l'Angleterre et dans l'Alle-
magne. Leur zèle eût été peut-être plus brû-
lant, mais il eût été moins sage, s'il eût été
chercher bien loin des peuples infidèles, lors-
que la Providence en conduisait elle-même
dans leur pays, pour y être en même temps et
conijuérants et coiuiuis.
Il faut ajouter à cela que saint Rupert, évè-
que de Worms, avait commencé d'annoncer
l'Evangile aux Bavarois longtemps avant que
le jiape Zacharie y envoyât des prédicateurs
apostoliques Baron. An. 500, n.i2j. Les Fran-
çais avaient donné une reine de leur famille
royale et un évêque avec elle à l'Angleterre
pour commencera y jeter les fondements d'une
Eglise ; quelque temps avant que saint Grégoire
eût formé le dessein d'y aller, saint Amand,
évêque de Tongres, avait prêché la foi aux
Flamands et avait mérité d'être appelé leur
apôtre. Il l'avait aussi prêchée aux EsclaAons,
et il ne les avait quittés que lorsqu'il désespéra
de trouver parmi eux la couronne des mar-
tyrs. Le pape Martin lui avait confirmé et aug-
menté ses pouvoirs apostoliques l'an 050, selon
Baronius (Baron. An. 0.31, 032, 050, 005).
Ainsi on peut dire avec vérité que nos évê-
ques se sont toujours conservé la possession et
le droit d'étendre l'empire de J.-C. par de nou-
velles con(|uêles, (]uoi(|ue très-souvent elles
aient ete consommées par les charitables soins
et les puissants secours du Siège apostolique. Il
est certain même qu'après que le Saint-Siège
DES MÉTROPOLITAINS SOUS CHAHLEMAGNE.
227
eut envoyé ses zélés inissioiinaires en Aof^'le-
terre, les Anglais ne laissèrent pas de deman-
der et de recevoir de grands secours de l'Kglise
d'Irlande. Bédé raconte comment le roi Oswald
demanda aux Hibernois un évêque pour con-
vertir ses peuples.
Le premier évêqne (|ui lut envoyé ne réussit
pas, parce qu'il avait plus de ferveur que de
condescendance. Le saint prélat Aidan fut en-
voyé ensuite, et le roi même lui servant d'in-
terprète, il fit entrer dans le sein de l'Eglise
ime infinie multihide de ses sujets (Baron.
An. ()3i). Saint Wiifrid, archevêque d Y(Mk,
ayant été détrôné par la persécution d'un roi
inhumain, avant que d'aller à Kome alla
prêcher la foi aux Frisons (Baron. An. (J78 ,
n. 48). Conune ce pays était dans le voisinage de
l'Angleterre, ce i^aint prélat crut (]ue son ca-
ractère d'évèque, c'est-à-dire de successeur des
apùircs, lui donnait le droit d'y aller prêcher.
Il le fit contiruier par le Saint-Siège, qui a re-
cueilli la succession entière de l'apostolat. Mais
(|uand saint Kylien voulut aller prêcher l'Evan-
gile dans la Kranconie, lui (|ui était moine en
Hibernie , il commença jiar aller demander
mission au pape Conon (Baron. An. G8G, n. 7;
090, n. 7). (k'ux que saint Egbert envoya en
Allemagne prirent aussi la mission du pape
Serge, selon lièile. Saint Wilbrord était leur
chef. Siint Vulfrau, archevè(|ue de Sens, n'eut
besoin que de la permission du roi et du prince
Pépin pour aller prêcher aux Frisons (Baron.
An. 700, n.-2}.
CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
DES MÉTROPOLITAINS EN GÉNÉRAL, LEUR INSTITUTION, LELRS DROITS ET LEURS DEVOIRS, SOLS L EMPIRE
DE CHARLEMAGNE, ET SES SUCCESSEURS. — DE QUELQUES MÉTROPOLES EN PARTICULIER.
I. Ils doivent convoquer les conciles annuels.
II. Les évt^ques recouraient à leur autorité, et eux à celle Ju
roi, ou (lu concile national.
III. Vigilajice (les métropolitains i observer la vie des évêques
mêmes.
IV. Conduite des métropolitains pour eni|iêcher qu'on ne fit
des évèques indignes de ce liant rang.
V. Déniiuibrenient des droits et des devoirs des métropoli-
tains, selon Hincmar. Exemple mémorable d'un vigoareux mé-
tropolitain.
VI. Hincmar confesse que ce sont des imitations, ou des
émanations de la supériorité de saint Pierre sur les apoties, et
de ses successeurs sur leurs successeurs.
Vil. Quand Pépin et Charlemagne rétablirent les métropoli-
tains, ou recourut au Saint-Siége pour les faire conlirmer.
Divers exemples, surtout des archevêques de Reiuis.
VIII. L'autorité du pape, et le consentement des princes né-
cessaires pour rétablissement ou le rétablissement des métro-
poles. Exemples en France, en Espagne, en Angleterre, en
Allemagne.
IX. i'ourquoi on demandait au pape la concession, ou la con-
firmation du temporel,
X. Pouvoirs exorbitants que les Grecs donnaient à leurs em-
pereurs, par l'érection des métropoles nouvelles, et pour se
dispenser pour tout des canons.
XI. ^uite du même sujet.
XII. En quoi diflèrent les archevêques des métropolilaius.
Remarque d'Uarmeniquile. Les patriarches de Constantmople
érigeaient des métropoles.
I. Des primats il faut passer aux métropoli-
tains, dont l'autorité fut rétablie en France par
le légat Boniface, et par le roi Pépin, apiès les
désordres de la décadence dé()lorable de la
maison de Clovis. Le roi Pépin ayant assemblé
pres(]ue tous les évêques de France dans son
palais de Vernon, eu 7r>o, fit ordonner par ce
concile ([ue chaque cité aurait son évêque, et
que les évêques rendraient à leurs métropoli-
tains une obéi.'^sance canonique : « Secundum
canonicam inslilulionem (Can. i, iv, v, ix),»
que tous les ans on tiendrait deux conciles,
l'un aux calendes de Mars, au lieu indiqué par
le roi et en sa présence; l'autre aux calendes
d'octobre, à Soissons, ou au lieu désigné par
les évêques du premier concile; que les métro-
politains se trouveraient à ces conciles, et fe-
raient assister au second ceux (ju'ils jugeraient
à propos d'entre les évêques, les abbés et les
jirêtres; que les monastères seraient réformés
[)ar les évêques auxquels le métropolitain don-
228 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
lierait secours dans le besoin, qu'après cela on
aurait recours au concile, et enfin au roi
nuine pour substituer d'autres abbés plus
zélés pour la discipline régulière; enlin qu'on
pourrait appeler de lexconimunication fulmi-
née par un évêque au métropolitain, après
quoi les incorrigil)les violateurs des canons
seraient punis d'exil par l'autorité royale : « li
régis judicio, exilio condemnarentur. »
II. Il paraît bien par ces canons qu'il n'y
avait alors aucuns primats en France , puis-
qu'après la sentence de l'évèqne, confirmée
])ar le métropolilain, on ne jjouvait recourir
qu'au roi, qui taisait en (juelque manière la
fonction d'exarque ou de primat. Mais on peut
dire avec vérité que le roi ne paraît que comme
défenseur, et en quelque manière exécuteur de
la sentence des évêques et des métropolitains.
A quoi il faut aussi rapporter le canon du con-
cile de Francfort, oîi les parties qui n'ont pas
acquiescé au jugement du métropolitain, sont
obligées de se présenter au roi , afin (ju'il
prenne connaissance de la cause. « Et si ali-
quid est (|uod l'iiiscopus metropolitanus non
possitcorrigere, vel pacificare, tune tandem ve •
niant accusatores cum accusato cuni lilteris me-
tropolitaiii, ut scianuis verilalemrei (Can. vi). »
Il ne s'agissait cpic de maintenir les sen-
tences des métropolitains. Il est même certain
que ce n'était qu'à la |)ersonne sacrée du
prince, et non |>as a celle de ses officiers ou de
ses ministres, que cet honneur était déféré de
connaître d'une cause jugée par l'évèque, et
ensuite par le métropolitain. Le concile de
Mayence a|iporta encore (jnelque tem])érament
à ce décret, mais qui ne laisse pas d'êtie très-
avantageux à l'autorité du prince dans les
causes ecclésiastiques.
Ce concile ordonne qu'après la sentence du
métropolitain, confirmative de celle de l'évêque
provincial, on se pourvoira par-devant le con-
cile, où l'on jugera s'il faudra recourii' au ju-
gement du roi ou à l'assemblée générale du
clergé. C'est des clercs rebelles dont il s'agit.
« Si nec archiepiscopus eos corrigere valuei'it,
tuncomninosubvinculisconstringantur, usi|ue
ad synodum, ut ibi eis jiulicetiir utrum ad ju-
(lieinm Domini nostri, aut ad istam magniuii
synodum adferantur sub ctistodia publica
(Can xx). »
Ceci nous retrace légèrement une partie de
ce que nous avons dit ci-ilessus avoir été agité
dans les synodes des Grecs; savoir (|ue dans les
causes ecclésiastiques, quelques-uns des plus
opiniâtres appelaient des métropolitains et des
conciles provinciaux à l'empereur, pendant
que les synodes des évêques s'attacliaient à
faire terminer les causes spirituelles dans les
tribunaux ecclésiastiques. A présent chez les
(Irecs et chez les Français l'on appelle des ju-
gements des métropolitains, tantôt aux rois,
tantôt à des synodes supérieurs. On a même,
pour y réussir, établi des primats et des exar-
ques; mais la juridiction des primats n'a pas
duré longtemps chez aucune de ces nations.
III. Cbarlemagne ne travailla pas moins que
le roi Pépin, son père, à rétablir tous les droits
des métropolitains, et la mutuelle correspon-
dance entre eux et leurs sutîragants, en sorte
que toutes choses se fissent de concert entre
eux. « Ut ad metropolitanum episcopum suf-
fraganei respiciant, et nihil novi facere au-
deant in suis (larochiis, sine conscientiaet con-
silio sui metropolitani, nec metropolitanus sine
eorum consilio ;Capitul. Aquisgran. an. 789,
c. 8). »
Il n'était pas difficile aux métropolitains et
aux évêques de concerter entre eux toutes les
atTaires de quelque conséquence , lorsqu'ils
s'assemblaient une ou deux fois tous les ans
dans les conciles provinciaux, comme nous di-
rons ailleurs.
Mais la principale vigilance des métropoli-
tains et des évêques de clia(]ue iirovince était
appli(|uée à observer la vie et la conduite des
évêques mêmes, qui sont comme les flam-
beaux qui doivent éclairer le reste du clergé
et les peuples. C'est ce que nous dit précisé-
ment le concile III de Valence (Can. xix). « Ut
singulis metropolitanis cum suis sutlraganeis
cura sit de vita et opinione non sol uni totius
cleri, sed etiam ipsorum episcoporum, etc. »
IV. Nous parlerons ailleurs du droit que les
métropolitains avaient de confirmer les évê-
ques élus, apiès un examen rigoureux, mais
nous ajouterons ici en passant un autre canon
du même concile III de Valence (Can. vu), où
il est ordonné au métropolitain, si le roi
nomme à un évêché une personne indigne ou
incapable, d'exciter le clergé et le peuple à al-
ler laii'e leurs remontrances au prince, d'y aller
lui-même, s'il en est besoin, avec les évêques
de sa province, afin de ne rien oublier de ce
qui est en son pouvoir afin que l'Eglise ne
soit pas déshonorée par des ministres indi-
gnes. « Si necessarium metropolitanus viderit.
DES MÉTROPOLITAINS SOUS CHARLEMAGNE.
229
ne tantiini miiliim coii,ilur afien\ iil indebito
honorem bonis tantiim debitiim tradat, in-
striiat populiini. informet clenim, potins adiré
cleiiR'ntiam iiiiperialeni et ijise ciiin coepisco-
pis, quibus valiierit modis, ndeat, ut Ecclesiam
Dei gioriosns iniperator di^'iio hoiioret nii-
nistro. »
V. Quand l'arcbevètiue de Reims Hincuiar se
brouilla avec son neveu Hincmar, évèque de
Laon, et qu'il écrivit cette longue apologie de
sa conduite, ou cette longue invective contre
celle de son neveu, il n'y oublia pas toutes les
rencontres où le jeune Hincmar avait manqué
au respect et à l'obéissance régulière (ju'il de-
vait à son métropolitain. 11 l'accuse d'avoir pris
un office dans la maison du roi sans sa partici-
pation, et même contre sa défense, « contra
interdictum meum canonicum ; » de s'être
chargé d'une abbaye liors de son diocèse, sans
sa permission, quoi(]u'elle lui fût nécessaire
selon les canons, afin de pouvoir sortir de son
diocèse : d'être allé plusieurs fois à cette ab-
baye sans sa licence : a Ad (juod monasterium
irregulariter adeptuni in- terlia provincia, sine
mea licentia, quoties tibi placuit, etiam irre-
gulariter perrexisti (Opusc. Lv. Capit. c. 2).»
11 lui montre qu'en résistant à son métropoli-
tain il résistait à la loi divine et à l'Esprit-Sainl
qui avait formé les canons de son Eglise, et qui
avait établi cette sainte subordination entre les
puissances ecclésiastiques : « In quo mihi con-
tra régulas sacras resistis, Dei ordinationi re-
sistis, qui per sacros canones, Spiritu Dei con-
ditos, et totius mundi reverenfla consecratos,
me tibi pr;eposuit, et te milii suj)posuit.» Quel-
que égalité que les évoques pussent prétendre,
il lui fait savoir qu'outre les appels qui ne vont
qu'au métropolitain, c'est aussi lui seul qui
nomme un visiteur aux évêchés vacants, qui
préside à l'élection, qui examine et confirme
l'élu, qui nonune lui-même cflni qui doit être
évèque, si les voix des électeurs se partagent
(Ibid. c. 6). « Si fuerit defunctus episcopus,
ego et non tu visitatorem ipsi vidual.e desi-
gnabo Ecclesiae, eleclionem cum decreto cano-
nico pra>cipiani fieri, et si in partes se eligen-
tium vota diviserint, meum, et non tuum erit
eligere, qui mnjoribus ad ordinandum studiis
juvetur et meritis, et meum est ordinandum
examinare, non tuum. » L'évêque ne peut de-
mander d'autres juges que son métropolitain
et les autres évêques de la même province ;
njais le métropolitain peut appeler les évêques
des provinces voisines, lorsqu'il le juge néces-
saire. « Nec tibi licet ex alia provincia advocare
episcopum cogniton^m, etc. Sed si necesse fue-
rit pro mcu' provinciie ambiguitatis absolu-
tione, ego a vicina provincia judices, si decre-
vero, convocare prœvaleo. » Les évêques dans
leurs doutes, doivent recourir à leur métropo-
litain, et lui au pa|)e. « Si in causis dubiis, vel
obscuris ali(|uid dubitas, me debes inlerro-
gare. Et si ego nesciero, ego apud alios, vel si
necesse fuerit, apud sedem apostolicam debeo
requirere, et tibi absolvere. Tu autem sine me
de causis generalibus, nec etiam ad sedem apo-
stolicam debes requirere, antequam studeas
me inde consulere. » Le métroiiolitain peut
corriger ses suffragants sans attendre la tenue
des conciles nationaux ou provinciaux, lorsque
les fautes connnises sont notoirement condam-
nées par les canons des conciles et par les dé-
crets des saints Pères (Ibid. c. .% et 3.j|. « De bis
ex quibus certas et manifestas sanctorum con-
ciliorum et apostolicae Sedis habemus senten-
tias, si contra eas feceris, non debeo expectare
provinciale vel générale concilium, vel coepi-
scoporum nostrorum cousultum. sive consi-
lium : sed statim secun lum majorum, et or-
thodoxorum Patrnm sententias ea corrigere
debeo, qua? contra eorum definitionem adnii-
seris; quia ut beatus monslrat Gelasius, in his
non novcE constitutionis autor, sed veteris
constiliiti execulor exislam. » Les évêques doi-
vent prier pour le pape et pour leur métroiioli-
tain, qui a prié pour eux en leur imposant les
mains (Ibid. c. lU). « Cum vobis provinciœcoe-
piscopis per primatem ejus, oralionibus et ma-
nus impositione in ordinatione gratia sancti
Spiritus et episcopalis onlo tribuitur, justum
esse per|)enditur, ut, pa|ia Roniano pradato, ei
a vobis oralionis devotio et obeditionis dilectio
rependatur. » Enfin, ce savant archevêque se
idaint de ce que l'évêque de Laon avait en
même temps interdit tous les ministres sacrés
et tous les prêtres de son église, en sorte qu'on
ne pût y administrer aucun sacrement, non
pas même le baptême, ni le viatique, jusqu'à
son retour ou jusqu'à un ordre formel du
Siège apostolique. Cet emportement était aussi
outrageux au métropolitain, que dangereux au
salut des fidèles ;Tom. u, p. 003).
L'autorité d'un métropolitain ne fut jamais
plus vigoureusement soutenue que par Ber-
tolfe, archevêque de Trêves (Histor. Trevir.
Spicileg. XII, pag. 215). Galon avait été fait
230 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
évêqne de Metz après la mort frAdveiitius, et
avait reçu le palliiim du pajte Jean VIII. Ber-
lolfe ayant appris qu'il avait poité le palliiim
aux fêles de Pâques, rajipela à Trêves, et lui lit
des reproeliesde celte entreprise. Galon fit voir
le rescrit du ()ape, qui le lui accordait, ayant
déjà été accordé a quatre de ses prédécesseurs,
sans blesser la soumission qu'il devait à son
métropolitain. « Salva in onmibus metropoli-
tani subjectione. » Le premier de ces quatre
avait été Urbicius, le second Crodegangus, fils
de la sœur du roi Pépin, le troisième Angel-
ran, le quatrième Drogon, fils de Cbarle-
magne. Bertolfe lui opposa les canons, qui dé-
fendent aux pufîragants de rien innover, et de
rien ajouter a leurs ornements et à leurs pou-
voirs, sans la licence de leur métropolitain ;
après quoi il lui défendit par l'obéissance qu'il
lui devait, de jamais user du pallium. « Per
sanclam quam in omnibus ecclesiasticis nego-
tiis sibi debtret obedientiam. »
Galon persistant à se couvrir de l'autorité du
Saint-Siège, et Bertolfe faisant valoir les pou-
voirs canoniques des métropolitains, Hincmar,
archevêque de Reims, calma enfin cet orage
en écrivant une b'ttre pleine de sagesse a Galon,
où il lui persuada de se soumettre à son mé-
tropolitain. « Epistolam Valoni transmisit, sa-
pientiie ac sani consilii sale conditam, per quam
eum ad metropolitani sui instruxit obedien-
tiam, et sic reduxit concordiam. »
Hincmar crut fort sagement tjue bien qu'on
put user des privilèges du Saint-Siège, on n'y
était pas nécessité ; et ce n'était pas peut-être
même l'intention du Saint-Siège qu'on en usât,
quand on ne le pouvait qu'en rompant la bonne
intelligence et la concorde du sacerdoce. En
elfet, le pape n'insista point à faire exécuter
son privilège, et ajirès que Bertolfe eut lait pa-
raître une invincible résistance, il n'en fut
autre chose. Continuons de rapi)orter It-s senti-
ments d'Hincmar sur les droits des métropoli-
tains.
VI. Ce qu'il y a de plus important a remar-
quer dans la doctrine d'Hincmar sur cette ma-
tière, c'est la confession ingèiuie qu'il est obligé
de faire, (lue tous les iiriviléges et les pou\oirs
des métropolitains sur les autres évêques sont
des images ou connue des rayonnements du
privilège de saint Pierre, au(juel Josuj-Christ
donna la primauté sur les autres apôtres pour
être transmise à ses successeurs, sur les évê-
ques successeurs des apôtres. 11 confesse que
la primaulé du Saint-Siège est d'institution di-
vine, et que celle des métropolitains est insti-
tuée par l'Eglise : a Sicut solliciludo et prima-
tus tutius Ecclesiœ Calholicœ , sancUe Sedis
Romanœ ponlifici divinitus est collata, ita et
unicuique melropolitano et primati provinciae
soUicitudo sibi delegalœ provincite, per sacros
canones Si)iritu Dei conditos noscitur esse
commissa (Tom. u, p. OOSi. »
Hincmar entend principalement les canons
de Nicée, (jui ont été les plus favorables aux
métropolitains, parce qu'il n'y avait point en-
core ni de diocèses, c'est-à-dire d'assemblages
de plusieurs provinces sous un seul chef, ni
d'exarques de diocèses , c'est-à-dire de pri-
mats, autres que les trois anciens patriarches,
ni de synodes diocésains ou nationaux. Mais
comme les métropoles étaient plus anciennes
que le concile de Nicée, ce concile peut bien
les avoir atîermies, mais non pas les avoir ins-
tituées. Nous avons fait voir ailleurs qu'elles
sont presque aussi anciennes que l'Eglise, et
ainsi qu'elles ont précédé les conciles mêmes,
qui n'ont commencé qu'avec le troisième
siècle ou peu devant. Et s'il est incontestable
que saint Pierre a fondé les trois plus an-
ciennes métropoles, je veux dire les trois an-
ciens patriarcats qui n'ont porté que le nom
de métropoles jusqu'au temps du concile de
Nicée; pour(iuoi fera-t-on difticulté de croire
que toutes les autres métropoles sont aussi des
écoulements ou des imitations de la puissance
et de l'autorité (jue Jésus-Christ lui avait donnée
pour lui et pour ses successeurs sur les autres
apôtres et sur leurs successeurs?
C'est manifestenientsur ce principe qu'Hinc-
mar de Reims prétend qu'Hincmar de Laon
violait le prnilége du siège apostolique de saint
Pierre, par ses désobéissances et ses révoltes
contre son mèlropoljlain, ijui ]iarlicipait à ce
même |iri\ilège. (Ibid. p. (ji5j. « Tu probaris
apostolicœ Sedis privilegio resultare, qui me-
tr(i]iolitano pii\ilegio obedire deirectasti. » Et
ailleurs il l'ail toujours couler et déjiendre du
|iremier Siège l'autorité et la confirmation de
tous les autres sièges éminents de l'Eglise.
(Pag. ol.Si. « Quicumque igilur itriinates [iro-
vinciarum a Domino constituti et apostolica au-
toritate coniirinati secuiidum canones et dé-
créta Sedis Romana' pontificum judicanius,
a|)ostulica Sedes conjudicat. »
Il (ht ailleurs (|ue lesaiicimis canons lui suf-
fisaient bien avec les décrets du Saint-Siège
DES MÉTHOI'OLITAI.NS SOUS CHAIU.KMAGNK.
231
pour les droits de sa métropole, mais qu'il de-
mandait de nouveaux ])iiviléges an\ nouveaux
papes, parce que les honunes charnels res|iec-
tent ordinairement plus les nouvelles ordon-
nances que les anciennes. (Pa^. ,'ÎIO). « l'rivi-
legia Sedis apostolicii' non ideo petii, ut inilii
non sufficeretj quod sacri canones et décréta
Sedis Romaiia? poiitificuni cuicjiie nietropoli
concedunt, etc. Sed (juia veleres conslitutiones
jain quasi pro \ili apud quosdam habenlur,
carnales homines liis novis decretis lerriti, re-
vereiitius agereut, etc. »
Entin, il confesse nettement que le privilège
de sa métropole est renfermé dans le privilège
du Siège apostoliciue, qui est connue le garde
et le conservateur de tous les privilèges et de
toutes les prééminences de l'Eglise (Pag. 259).
« Quod et ego pro modulo meo servanduniesse
volui et volo, favente Domino in liacdevotione
manebo, sciens privilegium metropolitanœ Se-
dis Remorum in snmmo privilegio sanctœ Se-
dis Romanœ mauere, et privilegium esse Sedis
Romana?, si sua autoritate privilegium sibi
subjectae Sedis fecerit vigere, et studuerit con-
firmare (Pag. A3S). » 11 rapporte ailleurs les
paroles de la lettre de saint Grégoire à Augustin
d'Angleterre, par lacjuelle il soustrait aux pou-
voirs de sa légation les évè(|ues de France,
parce qu'il les a déjà soumis à l'arclievèque
d'Arles, se conformant en cela à la coutume de
ses predécesstiurs.
VU. Aussi dans le rétablissement des évê-
chés par Pépin et par Charlemagne, les arche-
vêques recherchèient avec empressement de
faire confirmer leur métropole par un nouveau
privilège des papes. Le pape xVdrien 1" l'ac-
corda à Tilpin, archevêque de Reims. (Tom. ii,
Conc. Gall. p. 7-4, 73. Tom. ni, p. 21fi). « Pe-
tisti a nobis tibi et Ecelesi;e tuie (ieri privi-
legium ex autoritate beati Pétri priucipis
apostùlorum, et sauctaî Sedis Romanae ac nos-
ira, etc. » Le jiape Nicolas I"coutirnia le même
privilège à Hincmar : « Jus secundum eccle-
siaslicas conslitutiones, prinialui Ecclesiae, et
tibi debilum et secundum caiiones et décréta
Romanoruni pontificum, ex antiqua consuelu-
dine traditum et conslitutum. »
Le pape Adrien 1'' releva la méiropole de
Vienne, en 788, déclarant que l'anarchie des
métropoles pendant soixante ou quatre-vingts
ans, ne pouvait préjudicier à leurs droits. Ba-
ronius a rai)portè cette lettre d'Adrien 1" à
Derleric , archevêque de Vienne. Le pLq)e
Jean XIII ('crixil au\ é\êques de Rretagne
pour les ramènera l'obéissance de l'archevêque
de Tours, au(|uel les souverains pontifes avaient
donné les droits de niétroiiolc (ibid. p. 596) :
« ArduinnsTuronensis Ecclcsi;earcbi( piscopus,
veniens ad apostolurum limina Romain ora-
lum, interpellavit nos, quod jura sui arcbie-
piscopatus, (jua' ab anticjuis tempiMibus|ier dé-
créta sanctorurn pontificum sanctu' Romanic
matris Ecclesiœ suis praedecessoribus concessa
et conlirmata luerunt, a vestro arcbie[iiscopo
sublata vident ur. »
Eu effet, rarclievccbé (jue les évèques de
Rretagne avaient lâché d'ériger à Dol, pour
ro|)poserà celui de Tours, a été enfin aboli par
le jugement des papes. Si nous avions l'histoire
ancienne de toutes les métropoles, comme Flo-
doard nous a conservé celle de Reims, nous y
trouverions apparemment d'aussi fréquentes
contirmalions de leurs privilèges parles papes.
Hincmar en obtint un du ]ia|ie Benoît, avant
celui de Nicolas : « Piivilegium autoritate
beati Pétri, etajjostolica} ipsius Sedis huic prœ-
suii llincmaro conluUt; ne quilibet luijus diœ-
ceseos regulis subjeclus, eo contempto impune
auderet seu valeret aliéna evpetere aut expe-
ctare judicia (Flodoard. 1. lu, c. 11). »
Foulques, digne successeur du grand Hinc-
mar, obtint la mênie grâce du pape Marin :
a Gui eliam lilteras misit \>vo concedendo de-
bito Reiuensis KccUsia' privilegio iL. iv, c. 1).»
El Adrien ayant succède à Marin, Foubjues lui
envoya les privilèges accordés à l'Eglise de
Reims par les pa|ies Léon, Benoît et Nicolas,
})our en obtenir de lui non-seulement la con-
firmation, mais encore raugmentation. «Exem-
liiaria privilegiorum a Leone, Benedicto et
Nicolao pontiflcibLis Romanis Remensi sedi
coiicessoium, buic petit lecilanda , et ab eo
sibi contirmauda et roboranda atque augmen-
landa. «
Ges privilèges étaient dillerenls de ceux que
le même Foulques obtint du Pape pour la con-
servation du temporel de son Eglise, contre la
violence des sacrilèges usurpateuis des terres
de l'Eglise. Le même pajjc donna au même
Foulques la commission d'assembler un con-
cile àWorins, et d'y examiner la cause de deux
archevêques sur les droits de leur métropole,
savoir de Gologne et d'Hambourg ou de Brème
(Ibidem). Il écrivit encore pour retenir dans
son obéissance les évèques de sa province, qui
voulaient s'en soustraire. Etienne ayant suc-
232 DU PREMIER ORDRE DES CI.ERCS. — CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
cédé à Formose fibid. c. 2), Foulques employa
le crédit de l'empereur Charles le Gros, pour
obtenir de ce pape la confirmation des anciens
privilèges de son Eglise. « Scripsit et ad eum-
dem imperatorem pro percipiendo a Sede Ro-
mana pallio, roborandisque datis olim a Ro-
manis pontificibusEcclesise Remensi privilegiis
(Ibid. c. h). »
Il employa une autre fois la faveur de l'em-
pereur Lambert pour le même sujet : « Pro me
quoque postiilo, ut ejus milii benevolentiam
concilietis, quatenus tam de me, quam etiam
de sede Remensi mercedem dignetur habere,
et sua illi privilégia inviolabiliter custodire, si-
cut omnes sancti praedecessores ipsius semper
fecisse noscunlur. » Enfin il est à croire que
tous les archevêques de Reims en usaient
comme Seulphe, qui succéda à Hervé, succes-
seur de Phoniques. Car voici ce qu'en dit le
même Flodoard : « Legatos Romam dirigens
pro consensu papa? Joannis in ordinafione sua,
pallium ab eodem sibi missumcum litterispri-
vilegii hujus sedis suscepit (L. iv, c. f8). »
Vlll. Les premiers siècles de l'Eglise furent
bien [)lus occupes à faire de grandes choses,
qu'à les écrire. Comme on voit plus clair dans
l'histoire des siècles suivants, on y aperçoit
aussi bien mieux comme les métropoles de
l'Occident ne purent être établies que par
l'autorité des papes et le consentement des
princes.
L'auteur de la vie de saint Rembert, arche-
vêque de Brème, dit que le pape qui avait ins-
titué cette métropole en la personne d'Anscha-
rius, à qui saint Rembert succédait, et (pii
n'avait encore pu lui donner des suffraganls
pour l'ordonner, parce que les villes voisines
n'avaient pas encore reçu la lumière, de l'Evan-
gile , laissa à la disposition des empereurs de
faire ordonner cet archevêque par les évêques
qu'il nommerait pour cela. « Porro in litteris
Roman.f Sedis ponlificum , a (|uibus archie|ii-
scopi privilegium illi sedi collatum est, etiam
hoc continetur, ut <|uia propter novellam ejus-
dem Sedis institutionem, et nerdum converses
ad fidem populos, suffraganei non habentur
episcopi, a ([uibus decedente uno alter archic-
j)iscopus ordinetur; Palaliiue intérim provi-
dentire succedentium per tempora pontificum
consecratio sit commissa, donec numerus suf-
fragani'orum episco[)oruin, canonice eum coii-
secrare debentium, ex gentibussuppleatur (Su-
rins die 'i. Febr. c. 0). »
Le chronologisteAdamracontecomment l'em-
pereur Louis le Débonnaire fit ordonner Ans-
garius, premier archevêque d'Hambourg, dans
un concile national, et lui obtint du pape le pal-
lium accompagné des privilèges ordinaires des
métropolitains. « Habito sacerdotum generali
concilio , Pins Cœsar votum parentis impleri
cupiens, Amaburg civitatem Trans-Albiauo-
rum metropolim statuit, eique cathedrae pri-
mum arcbiepiscopum ordinare fecit Ânsga-
riuni, etc. Roborante id Gregorio IVapostolica
aulhoritate, et pallii donatione. Habentur in
Ecclesia Bremensi prœcepta Imperatoris , et
privilégia papae sanclo Ansgario data (An. 832.
— Adam. l. i. c. 10. 27. — Crantz. l. i. c. 20.
— An no 788). »
Charlemagne érigea l'évêché deBrèmecomme
un illustre trophée de ses victoires sur les
Saxons, et le fit confirmer par le pape Adrien
(Adam. 1. i, c. 10, 27). » Le pape Nicolas unit
depuis l'évêché de Brème à l'archevêché
d'Hambourg (.\n. 838). Salomon, roi de la pe-
tite Bretagne, tâcha d'obtenir du pape Nico-
las I" et ensuite d'Adrien H le pallium avec
la dignité de métropole pour l'évêque de Dol ;
ses elîorts furent inutiles, et cette imaginaire
métro]i<de fut enfin anéantie, comme nous le
dirons en son lieu. Le pape Jean Vlll érigea en
archevêché l'église d'Oviédo en Gallice, à la
demande du roi Alphonse : « Et Ecclesiae Ove-
tensi quam vestro consensu, et assidua peti-
tione mctropolitanam constituimus, omnes vos
subdilos esse mandanuis, et concedimus etiam
prœdicta; sedi , ut ea quœ reges seu fidèles
juste obtulerunt, vel in fulurum Domino opu-
lante contulerint, rata, firma et inconcussa ma-
nere in perjjetuum prœcipimus (Anno 882). »
Cette translation actuelle du siège métropo-
litain de Lugo à Oviédo, qui était le séjour des
rois, ne se fit que quelques années après (An.
901). Enfin l'auteur de la vie de saint Suvibert
ne donne point d'autre raison, pounjuoi ayant
été ordonné avant saint Villibrord, il lui avait
néanmoins cédé la préséance et la qualité d'ar-
chevêque d'Utrecht, si ce n'est que saint Villi-
brord avait été ordonné par le pape et destiné
à l'arclievêché de cette nouvelle métropole.
« Et licel sanctus Suvibertus egregius ponti-
fex prœcesseril sanctum Villebrordum tem-
père, tamen sanctus Villebrordus prœcedit
sanctum Suvibertum dignitate, et primus ar-
chiepiscopus Trajeclensis reputatur, eo quod a
sancfo Sergio papa archiepiscopus Frisonum
DES METROPOLITAINS SOUS CHARLEMAC.NE.
2.J3
specialiter consecratiis, et a Sede apostolica ail
eiimdetn |iopnlimi inissus fuerit; atijne qiind
ab ilhisiri iiiiiui|iL' Piiiiiu) et Caroln Maili'llo
civitateni Trajecteiiseni ciim siiisapiieinlicihnSj
pro se, etc ; et suis successoiibus episcopis Tra-
jectensis Ecclesiœ impetraverit. Et ideosanctus
Suvibertus non episcopus Tiajectenfis appella-
tur, sed coepiscopus sancti Villebrordi (Surins
die I. Mart. c. 13). »
Léon ni confirma à Adélard, archevêque de
Cantorbory , le privilège de sou archevêché
dans la même forme que saint Grégoire l'a-
vait autrefois érigé en la personne d'Augustin,
en lui donnant douze suflragants. Adelard était
allé à Rome pour cela, avec les lettres du roi
Kenulplie, qui demandait à ce pape la cassation
de la métropole de Lichefield, que le roi OEfa
avait autrefois fait ériger au pape Adrien 1"
pour démembrer celle de Canlorbéry. Ce que
ce pape accorda, et la chose fut exécutée en un
concile d'Angleterre, en l'an 8ft3. Voici ies pa-
roles du pape Léon III. « Unde et nos veritiite
ipsa reperfa ordinationes seu confirmationes
autoritate apostolica, eas illi in integro , sicut
antiquitus fuerunt, constiluentes reddidimus,
et privilegium confirmationis secundum sa-
crorum canonum censuram Ecclesi;i? suœ ob-
servandum tradidimus (Epist. i ; Malmesb. de
Gest. Reg. I. i, c. 4). »
Le nombre de douze suffragants n'a jamais
été observé pour les métropolitains, non plus
que celui de douze comtes sous un duc, quoi-
qu'en disent les annales du roi Pépin. Le [tape
Nicolas I" répondit aux Rulgares qu'ils de-
vaient recevoir leur métropolitain du siège de
Pierre, en qui Jésus-Christ avait mis la princi-
pauté du sacerdoce : « A quo et episcopalus
et apostolatus sumpsit initium,etc. archiepi-
scopatus privilégia per nos accipiat, etc (Epist.
73). » Le pape Jean Vlll confirma à l'arche-
vêque d'Angleterre le privilège que saint Gré-
goire avait donné à Augustin , c'est-à-dire sa
métropole E|iist. lxvI. « Nos sedis tu;e privile-
gium, quam vice B. Augustini a saneto Grego-
rio, etc., illibatum tibi proculdubio volumus
conservare, etc Epist. ccxcixi.» La lettre seconde
du pape Formose contient un semblable renou-
vellement du même privilège. L'archevêque
de Milan obtint de lui une semblable confir-
mation de son privilège.
La chronique d'Hildeseim rapporte l'érection
des èvêchés de Bohème et de l'archevêché de
Prague par l'empereur Olhon III, avec l'agré-
ment du |iape. « Coadnnata synodo episco-
pia VII disposuit, et G;uidintiuii) fiatrem bcati
.\iialiierli in principali urbo Slavornin Pnig:e
ordiiKU'i feeit archiepiscopum licentia Romani
pontificis. » En 967 le pape Jean XIII érigea
l'archevêché de Magdebourg , à la demande de
l'empereur Othon.dans un concile de Ravenne.
Baroiiius met cette érection en 071 (Du Chesne
Histor. Franc, tom. m, p. bi7). Il est indubi-
table que de quelques termes (jue se soient
servis les historiens, l'autorité pontificale a tou-
jours dominé dans toutes ces érections de mé-
tropoles ecclésiastiques. On les énonçait sou-
vent sous le nom des princes, parce (ju'ils en
étaient souvent les exécuteurs, ou même les
fondateurs.
IX. Nous avons rcmanpiè la raison qui por-
tait les archevêques à demander au pape la
confirmation du temporel même de leurs ar-
chevêchés.C'était pour réjirinier par l'opposi-
tion d'une autorité aussi inviolable et aussi
redoutée que celle du vicaire de Dieu sur la
terre, les mains sacrilèges de ceux qui envahis-
saient alors si insolemment, et pour l'ordinaire
si impunément, les biens de l'Eglise. Cela passa
en coutume, et le pape Sylvestre II en rendant
l'arclievêché de Reims à Arnulphe, qui en avait
été dépouillé i.\driani I epist. xv), usa de ces
termes : « Confirmamus insuper tibi et conce-
dimus archiepiscopatum Remenseni in inte-
grum cum omnibus episcopatibus sibi subje-
ctis, seu cum omnibus monasteriis, plebibus ,
titulis atque capellis, cortibus atque castcllis,
villis, casalibus et cum omnibus rébus ail Ec-
clesiam Remensem pertinentibus (Gerberti ,
Epist. Lv). » Arien I" en avait autant écrit à
Tilpin, archevêque de Reims.
X. Pour ne pas oublier entièrement l'Eglise
grecque et pour ne pas me laisser aller néan-
moins à une longueur ennuyeuse, je me con-
tenterai de faire les remarques suivantes, qui
m'ont parade quelque conséquence. Balsamon
dit (ju'un archevêque qui avait souvent enseigné
et prêché dans les èvêchés de sa province, sans
l'agrément des évêques, justifiait sa conduite,
et repoussait les plaintes qu'on faisait de lui,
en disant que d'enseigner ou de prêcher n'est
pas une fonction épiscopale, et outre cela, que
ces èvêchés étaient de son ressort. Mais le con-
cile n'approuva pas cette réponse. « Quœ qui-
dem magnœ synodo non ]ilacuerunt In Canon
XI V Apost). »
Il confesse ailleurs que les empereurs peu-
■234 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
vent ériger des évêcliés en métropoles , par un
ancien pouvoir qui leur en a été donné (lu Ca-
non xu Conc. Calced.) : « Milii videtur ejus-
modi fleri ab iniperatorihus divi?iones, secun-
do m polestatem illis (»lim dalam (In Canon
xxxviii Conc. TruU.). » Mais il assure aussitôt
ai)rès que ces nouveaux métropolitains ne lais-
seul pas d'être encore soumis à l'ancien, (pii
conserve le pouvoir de les ordonner, de les
juger, et de les contenir dans la sujétion.
« Pra'terquam (|uod episcopatus metropolisMi-
catur, in aliis onniilnis antiquœ metropnli dé-
bet subjici. Ejus cniiii e|iiscopus ab anliquo
jnclropdlilano ordinahitur, et ab ii»so judica-
bitur, et ci onuiino jubjicietiir. « Ainsi ce n'é-
tait qu'un nom et un boiineiir que l'empereur
accordait.
L'emjiercur Alexis Comnène voulut donner
[dus de force et plus d'étendue au privilège
que les canons donnent aux empereurs, « Im-
perium meuni . quod ci a di\iuis canonibus
datum est privilegium : neglectui liaberi non
sinens, etc. » Il ordonna que les évécbés ou
arclievèchés (jue l'empereur aurait mis au
rang des métropoles, ne seraient |)lus soumis à
leur ancien métropolitain, mais relèver.dent
immédiatement du patriarcbe de Conslantinople
(Ibidem). Il est vrai (jn'il a|)|TOrta en même
temps un tempérament tort sage a cette ordon-
nance, car il défendit au patriarche de recevoir
aucun de ces sortes de brevets, s'il ne lui appa-
raissait, ou s'il n'avaita|)[>ris(lc la boucbe |>ropre
de l'empereur qu'il l'avait accordé de son proftre
mouvement et pour des raisons justes et im-
l)orlanl('S, sans sollicitation et sans brigue de
la part des prélats.
« Im|ierator permittit sanctissimopatriarclue,
ne aliter a quovis allalam de cujuscumiiue
Ecclesiœ primatu cartam confirmet, nec ejus
prœsulem inter arcbiepiscopos, vel Melropoli-
tanos recipiat, quarn po^tqnam de ea re ad
imperialem i)oteslatcm retiilerit, et ipiid sacris
cautum sit canonibus docuerit, et intellexerit,
tpiod imperalor proprio motu justa de causa
Ecclesiu' lumc lionoreni largitus est. Tune eiiim
cum admittet , et in connu (jui siib se sunt
antistitum numeruin illnm coojitabit. »
Ralsamon dit ailleins que (juel(iues-uns
étaient si persuadés que ItMopereur n'est nul-
lement asservi aux canons, qu'ils lui allri-
buaient le pouvoii-, non-seuleinenl (i'érig(!r de
nouveaux évéclu's et de nou\ elles méiropoles,
mais aussi de i)crmettre aux évèiiues d'exercer
les fonctions épiscopales dans les autres évé-
cbés, sans la permission des évèques du lieu
(In Canon xvi, Carthag.).
Cet auteur ne désapprouve pas trop ce senti-
ment, juiisqu'il ajoute une cbose encore plus
exorbitante, savoir que l'empereur peut donner
toutes les dispenses qu'un évèque donnerait et
qu'il n'est pas assujetti aux lois canoniques, puis-
qu'il nonune les évèques et les pat riarcbes contre
les défenses des canons qui ne permettent pas
aux princes de se mêler des élections. « Si hoc
jiolest regionis episco[ius, nndto magis impe-
ralor, qui non cogitur sequi canones, qui de-
cernunl e|)iscoporum electiones a provinciali-
bus episcopis lieri, non autem a magistratibus :
ideoque citra electionem episcopos et patriar-
chas provebit imperator. »
XI, Enfin Ralsamon rapporte la constitution
de l'empereur Isaac l'Ange, qui déclare que les
métropoles d'institution impériale recevront
leurs évèques du patriarche de Constantino-
ple, et non pas de leur ancien métropolitain ;
et que par conséquent le patriarche même de
Conslantinople ne sera plus obligé de se faire
ordonner par le méfro|)olifain d'Hêraclée, du-
([uel il relevait autrefois ^Supplem. pag. lli i,.
Les conciles mêmes par une molle et excessive
condescendance donnaient ce pouvoir aux em-
pereurs, de pourvoir aux évêcliés, d'en faire
des métropoles, de les soustraire entièrement
aux anciens métro|)o1itains, afin de n'être liés
par aucune loi canonique.
C'est ce que Ralsamon même confesse en
parlant d'Alexis Comnène : « Promulgata est
imperatoria sententia, prœsente synodo, com-
munique tune suffragio decernente, utimpe-
ratori permissum sit prœsidenlia; thronum
Ecclesiis elargiri.et tam episcopatus, quain
archiepiscopatus in métropoles eligere, quœ-
que peilinent ad electiones in bis faciendas,
ca^teraque recte constituenda pro liibilu suo
(lisponere, citra ullum canonis illius inipidi-
mentum ; qui decernit, ut salva sint metroi)oli
jura sua, quic in episcopatum honore auclum
jampridcm halii'bal Juris. Orient. ]iag. 131). »
trelait le canon xu du concile de Calcédoine
qui conservait à l'ancien métropolitain ses an-
ciens droits sur la nouvelle métro|)ole. Ainsi la
flatterie des Grecs, autorisée même par leurs
conciles dans ces derniers siècles , accordait à
l'empereur le |pou\oir de dis|ien5er des canons
des conciles lecumeniques, et le nieltail au-
dessus de toutes les lois ecclésiastiques. Il n'est
DES METROPOLITAINS SOUS CHARLEMAGNE.
2:i^
pas néanmoins Iiors d'apiiarcnce que c'était
peut-étru une complaisance forcée, qui cédait
à de moindres mauv pour en |)réveiiir de plus
grands. Car le patriarclie Nicolas lit une re-
montrance sur ce sujet au même empereur
Alexis Comncne, à la générosité de laquelle
il ne se peut rien ajouter (Juiis. Orient, pag.
271, us(iue iH\\. Car il lui mit devant les
yeux avec une sainte liberté et avec beau-
coup d'érudition tous les anciens canons et
les lois impériales mêmes, qui désapprouvent
ou qui condamnent ces créations de nouvelles
métropoles fiar les empereurs, sans omettre
les exemples formels de leur révocation, qui
se lisent dans les actes des conciles œcuméni-
ques.
Il rapporte ensuite les lois saintes qui dé-
fendaient ces innovations, à moins qu'il y eût
une nécessité pressante pour l'évidente utilité
de l'Eglise, et qu'alors même on fît intervenir
le consentement du concile et que l'empereur
donnât une juste compensation à l'ancien mé-
tropolitain , dont on diminuait le ressort par
ce démembrement : « Non aliter id asseque-
bantur, nisi public* utililatis id suaderet ratio,
et synodus assenliretur, et metropolitanus re-
munerationes se dignas ex imperatoris manu
consecutus, qua^ gererentur, a|)probaret. »
Après cela le patriarche représente à l'empereur
que les lois impériales contraires aux canons
ne peuvent être d'aucune vigueur; que l'ordon-
nance du prince ne peut pas renverser celle de
l'Eglise ; que la coutume ne peut autoriser des
abus notoires et insupport.ibles. « Nam neque
pragmatica sanclio adversus divinos canones va-
lebit. Constitutum a majestate tua subnotatum
leges et canones evertere non potest,aut verita-
tem succutere. ^!ec longa consuetudo efticiet un-
qnam, ut (]uoil ab initio subsistere non potuit,
locum habeat. » Que quand l'exaltation des
Eglises serait un bienfait des empereurs, ils ne
pourraient révot|uer ces libéralités, puisqu'on
ne peut accuser l'Eglise d'ingratitude ; au con-
traire que les donalions injustes faites par la
facilité des empereurs sont blâmées et révo-
quées par les lois mômes ; ainsi ces nouvelles
grâces ne peuvent subsister, puif(iu'elles font
une injustice à une Eglise pour faire grâce a
une autre. EnQn que la révocation de ces pri-
vilèges n'est pas sans exem|)le : puis(]ue sous
l'empereur romain un tribunal composé de
prélats et de magistrats , où le [latriarcbe pré-
sidait, remit sous l'obéissance de l'ancienne
métropole, un archevêché de cette sorte. Si les
(liées n'ont cédé au torrent impétueux de l'au-
torité impériale (ju'ajjrès des remontraiu;es de
cette force, ils sont [leiit-ètre plus à plaindre
<iu'à blâmer, d'avoir usé de modération dans
des rencontres oii une inflexible fermeté eùl
pu allirer encore de plus grands désoi'dres.
Au reste, ce qui a été rapporté de lialsamon
ci-dessus, et ce que Zonare a écrit sur le xn° ca-
non de Calcédoine et sur le xxxvnr ni Triillo,
font assez connaître que les empereurs ne
déférèrent aucunement à toutes ces remon-
trances.
XII. Il est bon d'apprendre de Balsamon la
ditlérence que les Grecs mettaient entre les
archevêques et les métropolitains (Pag. AM).
Ceux-ci avaient plusieurs évéchés sous leur
juridiction, ceux-là n'en avaient aucun, mais
aussi ils ne relevaient d'aucun inétroi)oiitain.
C'est en ce sens qu'on ai)pelait l'arciievéque de
(iotliie. Ainsi les archevêques étaient comme
dans un milieu entre les métropolitains et les
évêques. En parlant ci-dessous du pallium,
nous dirons que les évêques de Metz et d'Or-
léans, qui obtinrent le pallium, furent appelés
archevêques quoiqu'ils fussent toujours soumis
à leurs métro|)olitains et (ju'ils n'eussent au-
cuns sullragants.
Entre les annotations d'IIarmenopule sur
répitome des canons, on peut remarquer celle-
ci (Pag. Il): Qu'un métropolitain peut bien
célébrer le divin sacrifice dans l'évêché d'un
de ses sutl'ragants, avec sa permission, mais
que dans les diptyques il fera mention du pa-
triarche et non pas de l'évêque du lieu, puis-
qu'il est son inférieur. « Metropolitanus episcopi
quidem sibi subditi concessu, in ejus territorio
sacra peiagat : verum relationem non episcopi,
sed patriarchœ facial. Non enim admitti débet,
et ordini divino refragatur, ut superior rela-
tionem sibi subjecti facial. »
Fmissons ce chapitre par celte dernière re-
marque un peu ])lus importante : que les pa-
triarches de Constantino|)le érigeaient aussi des
métropoles avec l'agrément ou par les ordres
des empereurs. Luitprand raconte que l'empe-
reur Nicéphore Pliocas enjoignit au patriarche
Polyeucte de Constantinople d'ériger en métro-
pole l'Eglise d'Otrante dans l'Italie, de lui don-
ner des sutfragants et d'ordonner que le servic(;
s'y lit à la grecque (Baron. Aniio. 9G.S, n. 8).
Le iiatriarche, obéissant aux ordres de cet em-
pereur, érigea celte melropole et cinq évéchés
236 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-QUATRIÈME.
sous elle, quoique tout ce pays eût été jus-
qu'alors (le la métropole de Rome.
On peut ici remarquer en passant que la
multiplication de tant de métropoles et de
tant d'évêchés dans le royaume de Naples,
vient en partie de l'ambition des Grecs, qui
vouliient attacher par autant de liens toutes
ces lielles et riches provinces à leur Eglise et
à leur Etat.
CHAPITRE QUAR.\NTE-QUATRIEME.
DE QIELQLES AUTRES METROPOLITAINS EN PARTICILIER. DIT RANG DES METROPOLES GRECQUES.
DES ÉVÊQIES PROTOTRONES DANS CHAQUE PROVINCE.
I. Explication du concile de Francfort, tonchanl les métropoles
de Vienne, d'Arles, de Taranlaise, d'Embrun et d'Aix.
II. Suite du luême sujet. Pourquoi les métropoles de Nar-
bonne, d'Eause et d'Aix ne paraissent point dans le testament
de Charlcmagnc.
m. Raisons de l'éclipsé de ces trois métropoles et de celles
de Taranlaise et d'Embrun.
IV. De la métropole prétendue de Dol en Bretagne. Pourquoi
le pape Nicolas !<'' traita de roi le duc de Bretagne.
V. Diverses révolutions des métropoles de Lorch, Laureacum,
et de Salsbourg en Allemagne.
VI. Des métropoles qui avaient le premier rang entre celles
d'un patriarcat.
Vil. L'empereur Léon le Philosophe régla le rang des mé-
tropoles pour toujours.
VIII. Le rang de l'ordination gardé entre les dignités infé-
rieures.
IX. Raisons de cette différente police.
X. Singularité de Trêves et de Reims.
XI. Titres honorifiques de quelques Eglises grecques.
I. 11 nous reste encore quelques remarques
à faire sur les métropoles particulières de la
France, outre celles dont il a été parlé dans le
chapitre précédent.
Le concile de Francfort termina le ditTércnd
qui s'était rallumé entre les métropolitains
de Vienne et d'Arles, et ordonna que selon les
anciens décrets des papes Grégoire, Zozime,
Léon et Symmaque, Vienne se contenterait de
quatre suU'ragants et Arles en aurait neuf (Le
Coint.,an. 7o-2, n. Ui3 ; an. 7oo, n. 81, ISi;
an. 773, n. 39, 40). Quant aux métropoles de
Taranlaise, d'iViiilirun et d'.Vix, dont le droit
était disputé, on s'en rapporterait au jugement
du Siège apostoli(jue. « De Taraiilasia vero, et
Kbroduno, sive ,\quis, legatin fada est ad Se-
deiii aposlolicam, et (juidquid per ]iuntificein
Romante Ecclesia; definitum fuerit, hoc tenea-
tur (Canon. lul. »
Voilà comment ce concile national recourut à
l'origine, ou au modèle des métropoles, pour
décider les contestalions qui pouvaient naître
entre elles. 11 y a fondement de croire que le
jugement du Saint-Siège fut favorable à Taran-
laise et à Embrun, et qu'il fut suspendu pour
Aix, puisque dans l'énimicration (jui est faite
des métropoles; comprises dans l'empire de
Charlcmagne, Taranlaise et Embrun ont rang
parmi les autres, et Aix est omis. {]ette énumé-
ration se lit dan? le testament du même empe-
reur, peu d'années avant sa mort , et les mé-
tropoles montent au nombre de vingt et une.
Rome, Ravenne, Milan, Frioul, Grade, Cologne,
Mayence, Salsbourg, Trêves, Sens, Besançon,
Lyon, Rouen, Reims, Arles, Viennes, Taran-
laise, Embrun, Cordeaux, Tours, Rourges.
Les métropoles d'Aix et de Narbonne y sont
oubliées (Conc. Gallic, tom. iii, pag. 552, 492,
497).
IL Les Sarrasins désolèrent entièrement la
province d'Aix en l'an 739. Cette métropole et
tous ses évêchés suffragants vaquèrent depuis
pendant fort longtemjis , savoir : Gap, Apt,
Riez, Fréjus, .Vntibcs. Les catalogues des évêques
sont vides pendant tout ce temps-là. Le bas Lan-
guedoc avait aussi été envaiii par les mêmes Sar-
rasins , et ce ne fut qu'en 75.'S que le roi Pépin
les repoussa au delà des Pyrénées, après avoir
repris Narbonne. La métropole de Narbonne
fut alors rét,d)lie, et ce brave roi Itii soumit
les trois évêchés de Barcelone , de Gironne et
d'Urgel , qu'il avait conquis sur les Maures au
delà des Pyrénées. Selon que les conquêtes de
DES MÉTKOI'OLITAINS EN PARTICULIER.
237
nos rois s'étendirent ensuite plus loin sur les
Sarrasins en Espagne , les suIVragants de la
métropole de Narbonne se multiplièrent.
Nos rois de la seconde race furent en cela les
imitateurs de ceux de la première. La mètio-
pole de iNarbonne étant autrefois soumise aux
rois Visigoths d'Espagne, et celle de Bourges à
nos rois ; nos rois ajoutaient à la métropole de
Bourges tout ce qu'ils conquéraient sur celle
de Narbonne, et les Visigoths soumettaient à la
métro|)olede Narbonne tout ce qu'ils pouvaient
surprendre de celle de Bourges. Ce furent donc
les Sarrasins qui firent éclipser pour un jieu
de temps la métropole de Narbonne, aussi bien
(jue celle d'Aix. L'archevêque de Narbonne fut
en procès avec l'évêque d'Elne pour le comté
de Razès, où sont situées les villes d'Alel et de
Liinours. Le comté ayant été adjugé à l'arche-
vè(|ue, il prit (iiielquefois le titre d'archevêque
de Narbonne et de Razès. En 793 les Sarrasins
reprirent Narbonne, Barcelone et Gironne (ibi-
dem, an. 791 , n. 15; 795, n. 8). Voilà une seconde
éclipse dans cette illustre métropole. C'est peut-
être pour cela qu'elle est omise dans le catalogue
des métropoles, auxquelles l'empereur Cliarle-
mugne partagea ses trésors, dans le testament
qu'il fit selon Eginhard trois ans avant sa mort,
c'est-à-dii-e en l'an 811. Ce testament ne fait
mention (jue de vingt et une métropoles, quoi-
que cet empereur en eût vingt-quatre dans ses
Etats. Celles de Narbonne , d'Eause et d'.\i\ y
sont omises. Le concile de Francfort ci-dessus
allégué s'intéressa pour Aix et non pas pour
Narbonne, parce que ce concile se tenait en
794 et qu'il n'y avait encore qu'un an que cette
ville était tombée sous la puissance des Sarra-
sins.
On peut aussi dire que nos rois furent bien
aises d'assujettir Narbonne à Bourges, pour
l'afl'ermir et l'assurer davantage à leurs Etats,
en l'assujettissant à une ancienne métropole
de l'empire français , comme ils soutuirent
Eause a Bordeaux. Aix avait été repris sur les
Sarrasins : mais la ville et l'Eglise d'Aix, les
villes et les Eglises de ses sutlragants n'étaient
l)eut-étre pas encore en un état qui lui rendit
sa métropole incontestable. Le concile s'en
rapporta au pape, aussi bien que de celle d'Em-
brun et tle Tarantaise. Et puisijue le testament
de Charlemagne donne rang à Embrun et à
Tarantaise entre les métropoles , sans faire
mention d'Aix, c'est une preuve que la résolu-
tion du pape ne lui fut pas favorable. La ville
d'Eause avait été ruinée i>ar les Vandales, selon
les archives de Lescar, citées par M. l'.aluze
dans ses savantes notes sur les capilulaires
(pag. 1071), etla métropole n'ayant pas si tôt été
ti'ansférée à Auch, tous les sul^|■agant;^ anciens
d'Eause relevèrent pendant ce temps-la de l'ar-
chevêque de Bordeaux, qui fut ensuite appelé
chef de la Novenqjopulanie. La métropole d'Aix
fut plus heureuse, car on la vit enfin revivre.
Dans le concile de Nîmes, qui fut assemblé en
S8(i par l'archevêque de Narbonne Théodard,
l'archevêque d'Aix est nommé entre les arche-
vêques d'Arles et d'Embrun, « Adfuere Rosta-
gnus Arelatensis, Matfridus Aquensis, Ermal-
dus Ebrodunensis, archiepiscopi , et cum eis,
Paulus Aptensis, etc. » Le pape Jean Vlll écri-
vit aux trois archevêques d'Arles, de Narbonne
et d'Aix, a parilms (Epist. cxci). Ainsi la mé-
tro[)ole d'Aix n'était plus contestée. L'archevê-
que d'Aix souscrivit au concile de Mantale l'an
879.
111. Quant à la ville de Tarantaise, elle était
bien métropole dès le tenqjs du pape saint
Léon , connue il paraît par les notices des pro-
vinces, mais n'ayant (ju'un sutfragant, dont le
séjour était Octodunim , le même pape la dé-
clara soumise à la métro[)ole de Vienne (Le
Cointe,an. 749, n. 48), parce qu'il était né-
cessaire qu'il y eût au moins trois suffra-
ganls pour célébrer les ordinations de leur
métropolitain et avec leur métroiiolitain. Le
roi Contran ayant enlevé la ville d'Aoste aux
Lombards, et ayant bâti saint Jean de Mau-
rienne , il en fit des sièges de sutlragants sous
l'archevêque de Tarantaise. Ainsi Tarantaise
ayant trois sutTragants demanda d'être érigée
en métropole parfaite et indépendante , et elle
l'obtint du pape par le moyen du concile de
Francfort.
11 se pourrait aussi faire que pendant que
Narbonne obéissait aux Visigoths d'Espagne ou
aux Sarrasins, les archevêques de Vienne et
d'Arles eussent disputé entre eux la primauté ,
ou la primatie de toute la Gaule Narbonnaise,
et eussent essayé de s'assujettir les trois petites
métropoles d'Embrun, d'Aix et de Tarantaise.
C'était peut-être là le sujet de la contestation
entre ces deux archevêques, dont il est parlé
dans le canon vui' du concile de Francfort.
M. de Marca croit que le pape laissa Aix dans la
sujétion de l'archevêque d'Arles, et qu'ainsi
Charlemagne l'omit dans le dénombrement des
métropoles, parce que c'était l'ancienne dispo-
238 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-QUATRIÈME.
sition du pape Symmaqiie. Mais on lui oppose
que Synimaque avait aussi laissé Tarantaise
sous le métropolilain de Vienne, ce qui n'em-
pêcha pas qu'elle n'en fût affranchie après le
concile de Francfort.
Après tout rien ne me paraît plus probable
(|ue ce que j'ai dit au commencement, que ce
fut la saisie et le renversement de l'Ej^lise et
(le la ville d'Aix par les Sarrasins,qui obscurcit
l)0ur un temps sa glorieuse qualité de métro-
pole. 1° C'est la même raison que celle de la
(lélaillauce de Narbonne. 2° Les catalogues des
évoques manquent |>our cet intervalle de défail-
lance, et ils ne manqueraient |>ass'ilyeùteu des
évéques, quoiqu'ils eussent été soumis à Arles.
3° Cette sujétion de la métropole d'Aix à celle
d'Arlesnel'cùt pas privée deslibéralitésdcCbar-
lemagne. puis(ju'elle était toujours métropole
et avait nombre de suffragants. 4° Les métro-
poles qui relevaient de la primatie de Rourges,
ne laissèrent pas d'être parlicipantes des bien-
faits de cet empereur dans son testament. Pour-
quoi aurait-il donc donné l'exclusion à celle
d'Aix seulement ? .'^>'' La seule primatie de
Bourges a subsisté pendant l'empire de Char-
lemagne. C'est inutilement qu'on en recherche
d'autres.
IV. La contestation fut un peu plus longue
entre les évèques de Rretagne et le métropoli-
tain de Tours, de l'obéissance du(juel ils tâ-
chaient en vain de se soustraire, pour secouer
ainsi plus facilement le joug de la domination
française. Ce concile de Toul tenu en 859 leur
écrivit pour les retirer de cette double perfidie,
contre leur roi et contre leur archevè(|ue :
« Quatenus ad suam metropolim redeant, et
Salomonem conmioneant,ut promissam fidem
glorioso régi Carolo ob>ervet Can. vm).» Il les
pria de se ressouvenir des lettres que les pa|>es
Léon et Benoît avaient autrefois écrites à leur
duc Nomenoy avec menaces d'excommunica-
tion, si l'on ne rendait au métropolitain de
Tours l'ancienne sujétion qu'on lui devait ; en-
fin les légats du concile sont chargés de faire
ressouvenir Salomon , que les anciens Bretons
ont toujours été tributaires du roi de France.
« Consideret gentem Britannorum Francis ab
iiiitio fuis?e subjeclam, et siatntum di'fiendisse
tributuui : ac jier hoc non dedignetur ad nu-
per omissam reverti consuetudinem. »
Le pape Nicolas renouvela ces même? instan-
ces à Salomon An. 8t).')i , au(jui'l il rlonnail la
qualité de roi, l'exhortant à faire rentrer tous
les évoques de son royaume dans l'ancienne
dépendance du métropolitain de Tours. « Ut
omnes episcopos regni tui ad Turonensiimi
archieiijscopiun mittere non detrecles. Ipse est
enim metropolitanus.omnesque episcopi regni
tui ejus sufîraganei sunt, sicut conscriptiones
pr;edecessorum meorum evidenter ostendunt
(Conc. Gall. tom. m, p. 27t>). »
Comme le prince et les évèques de Bretagne
ne se rendirent pis à ces ordres du pape Nico-
las, le concile III de Soissons conjura le pape
d'user de lettres encore plus pressantes et de
remèdes plus efficaces, pour punir la double
révolte des Bretons, qui méprisaient leur mé-
tropolitain légitime, et ses conciles provinciaux,
qui ne se rendaient pas aux conciles généraux
de France, quand le pape les indi(|uait. « Sed
neque ad generalitatis nostra^ synodum , si
quando apostolatus vestri autoritas nostram fra-
ternitatem pro quibuslibet negotiis congregan-
dam decernit An. .'iii(i, ibid. pag. 298). » Et qui
avaient créé à Dol un métropolitain chiméri-
que, « Cui loco se jactitant sedem metropolim
contra fas habere. » Ensuite ce concile pria le
])ape d'employer ses foudres, pour obliger le
prince des Bretons de rendre les mômes sou-
missions, et de payer au roi le même tribut que
ses ancêtres lui ont rendu : « Hactenus indo-
mitam feritalem principali mucrone compri-
mere , Ecclesiœ filiis efficaciter succurrere
dignemini. n
Au reste , si le pape Nicolas donna la qualité
de roi à Salomon de Bretagne , ce ne fut qu'a-
près que le roi Charles le Chauve la lui eiit
accordée , à lui et à ses successeurs qui étaient
déjà nés, en consentant en même temps à l'é-
rection de l'archevêché de Dol, en reconnais-
sance d'un graml secours que ce (irince lui
avait amené au siège d'Angers. C'est ce que le
P. Sirmond a justifié par un papier du monas-
tère de saint Michel, « Salomon ad obsidionem
Andegavensem in auxilium Carolo venit. Hujus
rei gratia Carolus Salomoni régi Brittonum
habere permisit circulum aureum, et purpu-
rani. et archiepiscopalem sedem, et proprium
uumisma, et insuper onmia régi convenientia,
et non solum illi, verum etiam successoribus
suis (k'inceps habenda permisit (Nota in Capi-
tula Caroli Calvi, p. KMi). »
Le même empereur dans le concile de Crécy
en l'an 877 fCapit. Caroli Calvi. p. 42i, -i39)
jiroposa les moyens de recouvrer le royaume
de Bretagne, puisque tous ceux à (jui on l'avait
DES MÉTROPOLITAINS EN PARTICULIER.
2.19
accordé par une nécessité inévitable, étaient
morts. « Uiialiter regiunn (|U()i! ncccssilato
liiiltuiiibus tinoiuiani jiiranieiito condiniatuin
fuerat, quia de illisqnibus tîrmalum est, niil-
lus supcrsies est, a luielibiis nostris reeipiatur. »
En etlet, ni la royauté, ni rarclievéïlié de
Bretagne n'eurent plus de suite après la mort
de Saionion, qui n'eut pour successeurs (jue
des ducs, et non pas des rois.
L'archevêché de Dol se maintint encore quel-
que temps, nonobstant les décrets contraires
des papes Jean VIII et Jean Xlll, Grégoire VII
et Urbain II (Eiiist. Joan. VIII, 221; Epist. ii,
Joan XIII); mais enfin il fut entièrement éteint
par la sentence d'Innocent III qui mit fin à ce
différend. Nomenoy qui avait donné commen-
cement à cette rébellion , n'avait (las cru pou-
voir bien établir sa tyrannie , qu'en chassant
sous de fausses accusations une partie de ses
évèques, qui se retirèrent vers le roi Charles, et
en en substituant d'autres. Mais désespérant d'en
pouvoir obtenir la consécration de l'archevêque
de Tours Du Chesne, Hist. Franc, t. n,p. 107),
il forgea l'imaginaire archevêché de Dol, ajou-
tant trois nouveaux évêchésaux quatre anciens
évêchésde Bretagne, savoir : Dol, Saint-Brieuc,
et un autre. Nous parlerons dans le chapitre
suivant du différend entre rarchevêque de
Tours et l'évêque de Dol.
V. Le pape Eugène ayant été informé par
L'rolphe, archevêque de Lorch, de l'étal de .'^on
Eglise, écrivit aux évêques de Hongrie et de
Moravie en l'an s-24,que l'archevêque de Lorch
avait eu autrefois sept évê(iues sulfragants.
En 524 mourut Théodore, évêque de Lorch.
Ces provinces et ces Eglises furent longtemps
désolées |)ar diverses irruptions des infidèles.
S. Ruper évêque de Worms et métropolitain
des provinces d'Allemagne, étant allé établir
son trône métropolitain à Salsbourg, y finit ses
jours, après avoir mis deux de ses coopérateurs
pour évêques à Lorch et à Passau. Les évêques
de Lorch furent depuis suffragants de la mé-
tropole de Saisbourg jusqu'en CG6. Car Brunon,
évêque de Passau, ayant aussi été fait évêque
de Lorch, et ces deux évêchés ayant été unis,
il se trouva enfin revêtu de la dignité de mé-
tropolitain de Ba\ière, par la mort d'Ansologe,
métropolitain de Saisbourg, et par l'extinction
de sa métropole. Lts évêques de Lorch et de
Passau furent depuis métropolitains de la Ba-
vière jusqu'en 798 que la métropole de Sais-
bourg fut rétablie.
En S-22 il se lit une transaction, jiar lai(uclle
les deux évêclics di' Lfireli et de Passau fnivnt
désunis. Lorch hit démembré de la m^troiiole
de Saisbourg, et érigé en métropole, à bicpiclle
devaient obéir les évêchés de Hongrie, de Mo-
ravie, et des |)rovinces voisines, soit érigés, soit
a ériger.
C'est ainsi que le père le Cointc a démêlé
toutes ces révolutions (Le Cointe, an. 8-24.
n. 20), causées par les inondations des peujdes
barbares, et par l'application infatigable d'une
partie de ces prélats à travailler à la conversion
des infidèles. Ce fut là la cause de l'union (!t de
la désunion de deux évêchés, de la translation
des métropoles d'une ville à une autre , de
l'éclipsé et du rétablissement d'une rnênic mé-
troiiole, enfin de la création d'un métropoli-
tain pour des évêchés à ériger, et pour des
peuples qui n'étaient pas encore convertis.
Le recours d'Urolphe à Home montre que
ces érections de métropoles étaient portées au
Saint-Siège, aussitôt qu'on le pouvait. Car le
pape Eugène ordonne dans ses le.tres qu'on
érige des évêchés dans les lieux où ils ont au-
tretois été et oii ils paraîtront nécessaires au
métropolitain, auquel il confie l'autorité et le
vicariat du Saint-Siège. « Cui vicem nostram
apud vos ecclesiastici regiminis per omnia
conuuisimus. » Je [larlerai des révolutions de la
métropole d'Hambourg et de Brème dans le
chaiiitre lvi.
VI. Il ne sera pas inutile de remanjuer ici,
que nonobstant que le rang et la préséance en-
tre les métropolitains et les évêques d'un pa-
triarcat ou d'une province dépendit du temps
de leur ordination , il y avait néanmoins, assez
souvent, une méti'opole dans cha(iue patriar-
cat et un évèché dans chaque province, à qui
la préséance était affectée, sans avoir nul égard
à l'antiquité de l'ordination. Tel était dans le
patriarcat d'Antioche le métropolitain de Tyr,
qui prit cette qualité de prototrône dans le
concile VllI général, en vertu de laquelle aussi
il gouvernait lui-même le patriarcat pendant
le temps que le siège patriarcal était vacant^ et
remplissait sa place dans ce concile. « Thomas
metropolita Tyri primœ sedis exislens sedis
Antiochiie, qua patriarca privata, ipse locuni
tenet sedis illius, usque dum fiât patriarca in
eadtm sede Act. 1. Synod. \\n\. » Il est aussi
appelé « Protothronus Antiochiœ. » Et dans le
texte grec, irpuTOÔfOyo? xal Èçaf//,; y.ù 70-CTT.fr,7T.; r^;
240 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-QUATRIÈME.
Vil. L'empereur Léon le Sage, usant de ce
vaste pouvoir, que la llatterie de ses lâches
prélats lui laissait prendre, fit une ordonnance
et une disfiosiliun nouvelles où il marqua les
rangs que devaient tenir à l'avenir toutes les
métropoles, les archevêchés et les évêchés,
sans avoir aucun égard au temps de l'ordina-
tion de chaque évèque (Tom. ii. Juris). Ainsi
le rang demeura affecté aux Eglises et aux siè-
ges, et non pas à la personne des [irélals. Cette
disposition se lit dans le Droit oriental deLeun-
clavius (Orient, p. 89, 90, etc. 243. 244, etc.).
Le patriarche et l'empereur marquent encore
en un autre endi'oit le rang que les métropoles
et les archevêchés doivent invariahlement gar-
der, afin de prévenir toutes ces contestations
honteuses, pour un honneur imaginaire entre
des personnes saintes, (jui doivent faire gloire
de fouler aux pieds la gloire du siècle et de ne
rechercher avec passion que les avantages
solides de riuimorlalilé. « .\bsurdum enini vi-
debatur, eos sedis primatum usurpare, et
decoris causa, quod est potius dedecus et infa-
mia , pontificatus dignitalem posthac conlu-
melia aificere, cum solam immortalem gloriam
curare deberemus, quae marcorem non admit-
tit, sed semper effiorescit , et sui studiosos
gloria incoii upta exornat et illustrât. »
Le patriarche Alexis de Constanlinople fut
porté par cette même raison à ordonner aux
évèques de suivre le rang de leurs métro[)oli-
lains, et ne s'engager jamais dans ces disputes
d'honneur qui déshonortait si fort i'épiscopul.
« De sessione e|)iscoporuin sancimus, ut ei>i-
seopi secundiun ordincm suorum nielrojioli-
tanorum sedeant, idque in consessibus saeris ,
et in synodis et in conviviis; neque superiores
sedes et ]irimatus sfudium affectent, indignis
sese modis, inferioruni nietropolium episco|ti :
sed in suos metropolitanos, tanquam in canones
et sancfiones quasdam oculos dirigant, secun-
duni (pios in concessibus, et ubi([ue sese confor-
ment (Ibid. p. 2uS). »
VIII. Ralsamon remarque fort bien . quoi-
(|u'il sui\e toujours le iienchant de la flatterie
grecque, que le canon du concile de Cartilage,
(|ui donnait rang à tous les évêques selon le
temps de leur ordination, a été abrogé par la
corislituUon de Léon le Sage, qui a réglé les
séances et les rangs des trônes et des Eglises,
dont l'original était conservé dans le Carto-
phylace de Constanlinople (In Can. lxxxix.
Carlhagin.). Au reste, que le temps de l'ordi-
nation était observée entre les prêtres, les dia-
cres, et les ordres inférieurs : « Jus autem
prioritatis in clericorum ordinibus locum
habet. Ilonoratur enim unusquisque, prout
prier est tempore. » Ralsamon appelle cette
préséance entre les ecclésiastiques un droit
d'aînesse, 77fc-. = ;£5;a, comme si l'ordination était
une régénération et une seconde naissance,
(]ui donne de nouveaux rangs entre les aînés
et les puînés.
Mais quant aux offices et aux dignités de
l'Eglise, Ti Èx.i'.iY.a'.MTiy.à àpxovTixiœ, DalsamoH assure
qu'il n'y avait autre rang que celui que les
évêques voulaient donner en créant ces offi-
ciers, ce qui lui paraît un juste sujet d'éton-
nement qu'un puîné précédât souvent son
amé. Kat 07'. fj.£Ta*j'£V£ar£foç TTfOTiaàTC.t xoO -Trpo-j'SVÈaTépou
ea6p.aî;M. Ce qui a donné de l'admiration à Balsa-
mou nous donnera peut-être une marque
certaine de la nouveauté de ces dignités, et au
contraire de l'antiquité des véritables dignités,
des ordres sacrés, et des autres ordres ensuite,
dont les fonctions s'exercent dans le sacrifice.
Car l'ancienne règle (]'ii déférait tout à l'aînesse,
s'observe encore dans les ordres, <jui sont les
véritables dignités ; mais ces dignités posté-
rieures déiiendaient île la volonté des évèques
dans leur rang aussi bien que dans leur créa-
tion.
Nos derniers siècles rougiront peut - être
d'être tombés dans l'oubli et peut-être même
dans le mépris des véritables dignités de l'E-
glise, qui ne sont autres que les saints ordres
mêmes, et de courir avec artieur après d'autres
dignités nouvelles qui ont moins de sainteté,
mais plus d'éclat.
IX. Ces deux différentes polices ont leur an-
tiijuité, leurs raisons et leurs avantages. Car
les Eglises patriarcales au-dessous du pape ont
toujours gardé entre elles un ordre invariable,
sans considérer le temps de l'ordination des
|ialriarches. Les métropoles ont toujours aussi
conservé leur supériorité sur les évêchés
de la province, et l'Afrique seule a donné la
dignité et les fonctions de métropolitain au
plus ancien évèque de la province. Entre les
métropoles il y en a eu souvent une, aussi
bien (|u'un évêché entre les suflragants d'une
métropole, à (|ui on a donné le iiremier rang
au-dessus des autres, sans que ranticpiitè d'or-
dination pût rien changer à cette disposition.
On pourrait ajouter, (ju'il est ficiie dans un
royaume, où il n'y a qu'une centaine d'évê-
DE L'ÉRECTION DES NOUVELLES MÉTROPOLES.
241
elles, ou un peu plus, de reconnaître le temps
de l'ordination de chaque évêqae, maisque cela
était presque impossible à Constantinojile, où
les métropolitains et les évêques de tout l'em-
pire se rencontraient souvent en fort grand
nombre. Ainsi le plus court était de régler une
fois pour toutes les séances des églises et des
sièges.
X. Hincmar a remaniué une autre singula-
rité entre les Eglises de Trêves et de Reims. Car
encore que Trêves dût être préférée, à cause
que c'a été le siège de l'empire, et qu'elle est
capitale de la première Belgique , comme
Reims de la seconde ; néanmoins la coutume
avait prescrit que ces deux Eglises vivaient entre
elles comme deux bonnes sœurs, sans aucune
préférence de l'une siu- l'autre, en sorte que
celui des deux métropolitains qui était le pre-
mier ordonné, avait le dessus dans le synode
commim des deux provinces, et que dans l'in-
terrègne l'Eglise vacante était charitablement
secourue par le prélat et par les suffragants de
l'autre.
« Quoniam Ecclesiae Remensis et Treverensis
comprovinciales atque sorores et ex anliquitate
et ex antiqua consuetudine habentur, ea con-
ditione, nt qui prior fueritepiscopusordinatus,
prior etiani habeatur in synodo, et sibi mutiio
consilio etauxilioloveantur (Apud Flodo.,1. ni,
c. 20). » C'était donc ici la personne et non pas
le lieu qu'on considérait dans les préséances; :
a Ut isdem cpiscopus non loci.sed dignitate
ordinis prior secundum sacras régulas ha-
beretur (Hincm., tom. n, |). 258). » Au lieu
qu'ailleurs dans les occurrences semblables on
avait plus d'égard au lieu (ju'aux personnes.
XI. Héraclée était la première de toutes les
métropoles du patriarcat de Conslanlinople,
doii venait son privilège de sacrer le patriar-
clie. Curopalale remarciue que le patriarche
Polyeucte n'ayant pas été ordonné par le mé-
tropolitain d'Héraclèe, fut ensuite de cela
exposé à de grands orages. La notice de Léon
le Sage, et celle d'Isaac l'Ange mettent néan-
moins Cèsarèe en Cappadoce pour prototrône
de Constantinople. Cèsarèe en Palestine était
prototrùne dans le patriarcat de Jérusalem.
Andronic Paléologue l'Ancien, qui commença
de régner l'an 1-283, affecta des titres d'hon-
neur aux èvè([ues des premières Eglises. Il
donna à celui de Cèsarèe en Cappadoce, la
qualité de 0-:;7-.a'.; tûv ût:^:zwm'i, /-.il £;'P"/.^; -iir.i
'k-.y-o.i.;. a Honoratissimorum honoratissimus,
et totius Orientis primas. » A celui d'Ephèse le
titre de ù-i^zw.^; ■/.%': iEap/.o? -iTf.i Asîi;, « Honoratis-
simus et totius Asiae primas.» Acelui d Héraclée
la qualité de KcoiJfc; twv ■j-sfTtu.wv x^x Ctfl.-{iy, -im^
e-Ayr.i zai MaxsScvii;. «Honoratisslmoruni praesul,
Thraciœ totius etMacedoniœ primas. » Entre les
métropolitains il y en eut trente-deux auxquels
il donna le titre de ■j-epr'.u.oi jwl iW^/:-^, « Honora-
tissimi et primates. » Les autres étaient simple-
ment o-cjT'.u.';., « Honoratissimi. » Enfin , les ar-
chevêques qui n'avaient aucun évèque sous
leur juridiction, mais qui relevaient aussi im-
médiatement du patriarche, étaient nommés
i-,.toTiTo. , « sanclissimi. » Une partie de ces
titres honorifiques paraît dans le concile II de
Lyon, outre les notices qui se lisent dansCuro-
palate (Curopalates in Notitia).
CHAPITRE QU.4EANTE-CINQUIE]\IE.
DE l'Érection des nouvelles métropoles, depuis l'an mil jusqu'à présent.
I. Pouvoir des papes à ériger des métropoles nouvelles dans
le besoin des Eglises, avec le consenleoient des princes et des
prélats intéressés.
II. Preuves de cela par les anciennes métropoles d'Angleterre.
III. Des métropoles d'Italie.
IV. La métropole de Prague.
Tu.
Tome L
V. Celle de Moravie.
VI. Les métropoles de Hongrie. *', 'j
vu. Celles de Pologne.
VIII. Celle de Livonie. Que l'érection des métropoles n'a pas
toujours été faite par les papes dans les siècles passés.
IX. Des métropoles de Danemark, de Suède, de Norwége, dé-
16
242 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
metubrées de celle de Hambourg. Qunnd ce déuiembreuient se
peut (aire, malgré l'ancien métropolitain.
X. Les Etats nouvellement convertis ont été quelquefois long-
temps sans niélrnpolitains.
XI. Des métropoles d'Ecosse.
XII. De celle de la principauté de Galles.
XIII. De celles d'Irlande. Jusqu'il quel temps on a créé des
métropoles dans les conciles provinciaux.
XIV. Des métropoles d'Espagne et de Portugal, reconquises
sur les Sarrasins.
XV. De la métropole d'Oviédo, mère cbaritable de toutes les
autres.
XVI. I.a métropole de Toulouse.
XVU. Celle de Paris. Modestie merveilleuse des prélats de cette
grande ville.
XVIII. Des trois métropoles des Pays-Bas.
XIX. Affermissement de la métropole de Tours.
XX. De celle de Carthage.
XXI. Police des Grecs.
I. Je liasse aux métropolitains du nouvel âge
de l'Eglise, et je commence ce discours par un
passage célèbre de saint Bernard, qui donne au
pape le pouvoir de créer de nouvelles métro-
poles, sans exclure néanmoins le consentement
des princes, et des Eglises intéressées dans des
changements si importants.
Voici les paroles de ce grand liomme. soute-
nues a mon avis de la pratique de son siècle,
qu'un usage plus ancien et le tacite consente-
ment de l'Eglise autorisaient, sans qu'il fût né-
cessaire de vérilicr que la même pratique eût
eu cours dans tous les siècles précédents (Epist.
cxxxi). « Plenitudo siquidem potestatis super
universas orbis Ecclesias singulari prairogativa
apostolica' Sedi donata est; qui igiltir Iniic po-
testati resistit , Dei onlinationi resistil. l'otesl,
si utile jndicaverit, novos ordinare episcopatus
ubi iiactemis non fuerunt. Potesteos, qui sunt,
alios dcprimere, alios sublimare, prout ratio
sibi dictaverit; ita ut de episcopis creare archie-
piscoiios liceat, et e converso si necesse visum
fuerit. »
La mesure de cette plénitude de pouvoir est
donc la justice , l'utilité et la nécessité de
l'Eglise : « Ratio, Utile, Necesse. » Il ne reste
donc plus de lieu pour les gratillcations arbi-
traires, et c'est trop donner d'essor à son ima-
gination de dire, avec un abbé du temps du
concile de Vienne, que le pape pourrait, pour
des causes justes et raisonnables, dominer im-
médiatement sur tous les évoques d'un Etat,
après en avoir aboli tous les iiatriarches, les
[irimats et les arclievèques. « Possct lacère ex
certaet rationabili causa, quod in regno, velre-
gione, ubi sunt patriarclifc, primates et arcliiepi-
scopi, non esset primas, necarcliiepiscopus, nec
patriarcha ; ita quod omnes cpiscojii sibi immé-
diate subessent ( Bibl. Cisterc, tom. iv , p.
309). »
C'est se jeter dans une contradiction toute
visible de dire qu'im renversement aussi per-
nicieux peut devenir luie chose juste et raison-
nable, et par conséquent possible à une au-
torité qui n'est réglée que par la justice et
l'utilité de l'Eglise. Ce sont les écueils oîi l'on
se précipite quand on suit d'autres guides que
les Pères et les conciles, qui nous aiiprennent
ou les lois cpii ont été soutenues de l'usage, ou
les usages (jue l'apiirobation des siècles a fait
passer en lois.
II. Je commencerai ce traité par la révocation
d'une métropole où il paraîtra que l'autorité
pontificale et royale conspireront unanimement
pour les avantages communs de l'Eglise. Ossa,
roi des Merciens en Angleterre, jiitiué contre
l'archevêque de Cantorbéry, Lambert, surprit
le ])ape Adrien et fit ériger Liclifleld en arche-
vêché, afin ([ue lesévêciues de son royaume ne
dépendissent plus d'un métropolitain étranger.
« Regnum Merciorum archiepiscopatu insi-
gnire affectans (Matth. Vuestmon., p. :270, 277,
202). » Le pape donna à ce nouvel archevêque
la plus grande partie des évèchés de la métro-
pole de Cantorbéry, qui n'avait garde de con-
sentir à un démembrement si préjudiciable.
Aussi Ivéïmlphe ayant succédé à Ossa, et ayant
été informé par tous les archevêques et évoques
d'Angleterre de l'injustice (pie son prédéces-
seur avait faite à l'archevêque de Cantorbéry,
obtint facilement à Rome, du pape Léon III,
la révocation de ce que son prédécesseur avait
trop fucilement accordé. Celte révocation fut
faite à l'instance du roi et de tous les évêques
ipii n'avaient pas consenti à l'érection de la
nouvelle métroiiole : « Suis et Anglorum om-
nium pontiiicum epistolis. » Guillaume de
Malmesbury rejette cette surprise d'Adrien I"
sur ses grandes occupations : « Sicut occupatis
animis multa illicita sublraiii et subripi pos-
sunt (Guillelmus Malmesbur., p. 30, 31, l'.tS,
19il]. »
III. Le pape Grégoire V passa plus avant, et
cassa une métropole que son prédécesseur avait
érigée sans y être porté par les sollicitations
d'aucun prince, confessant que cette entreprise
avait été injuste et contraire aux canons, parce
qu'elle avait été faite contre la volonté de l'ar-
chevêque de Ravenne dont on avait démembré
la province. « Placentinam Ecclesiam injuste
tibi antecessore ablatam et contra canones sub
DE L'ÉRECTION DES NOUVELLES MÉTROPOLES.
243
nomine arcliiepiscopatus locatam, tibi tiii?ijiie
siiccessoril)iis réfutantes in perpetuuni (Conc,
tom. X, p. 7.52;. »
Mais si nous venons à considérer la création
des nouvelles métropoles , nous y verrons
encore bien plus clairement tracées ces règles
inviolables de la justice à l'égard des princes
et des prélats intéressés, et de la nécessité ou
de l'utilité publique des Eglises. Le pape
Jean XIII érigea en 969 l'évêché de Bénévent en
archevêché à la demande de l'empereur, des
évéques et du clergé de Rome, dans un con-
cile romain, et à la sollicitation du prince de
Capoue et de Bénévent. «Hortatu clementissimi
imperatoris, cum consensu prsesuhim, om-
niumque clericoi'um S. R. E. quiinferius sub-
scripserunt , interveniente Pandulplio Bene-
ventanœ et Capuanse urbium principe, etc.
(An 969. — Conc, tom. ix, p. 1239). »
Le pape Jean accorda aux prières du prince
de Capoue l'exaltation de cette ville en métro-
pole (Léo Ostien., I. n, c. 9; c. iv, c. 66!. « A
principe rogatus archiepiscopatum in eadem
civitate instituit. » Gelase II passant par Pise,
y institua la métropole ( Italia Sacra, tom. ni,
p. i43:. Honoré 11, en H26, rendit à la métro-
pole de Pise les évèchés de l'île de Corse (Tom.
IV. p. IISO), suivant les anciennes concessions
d'I'rbain 11, Gélase II et Callixte II avec pouvoir
de faire porter sa croix dans cette île (Baronius,
an. H32, n. 2 .
Innocent 11 ayant reçu des services très-im-
portants des villes de Pise et de Gênes dans les
persécutions qu'il avait souffertes de la part des
schismatiques , ajouta quelques évèchés de
Corse et de Sardaigne à la métropole de Pise,
et affranchissant Gènes de l'archevêché de
Milan, il en fit un nouvel archevêché.
Ces érections de métropoles se faisaient avec
d'autant plus de facilité que le pape avait été
le métropolitain d'une bonne partie des évé-
ques d'Italie, et ce n'était que du démembre-
ment de sa métropole qu'il avait autrefois érigé
presque toutes les métropoles de l'Italie et des
îles voisines. Ce fut par ce même droit que le
pape Innocent 111 maintint la métropole de
Siponto, et son empire sur l'Eglise du Mont
Gargan, qui prétendait la même dignité (Rai-
nai., an. 1202, n. 12].
IV. Il est certain néanmoins que dans les
autres royaumes chrétiens on ne pouvait se
passer d'une autorité supérieure , qui réglât
toutes ces sortes de différends entre les Eglises.
Le pape Grégoire IX confirma l'archevêque de
Mayence dans la possession où il était comme
métropolitain , de couronner et de consacrer
les rois de Bohême iRainald.,an. 1228, n. 39).
Le roi de Bohème. Oftocare, n'avait pu obtenir
d'Innocent III l'érection de Prague en métro-
pole , parce qu'elle était préjudiciable aux
droits de l'Eglise de Mayence (Rainald., an.
1201, n. .53).
Mais le prélat et le chapitre de cette Eglise
ayant dans la suite du temps mérité par leur
mauvaise conduite l'indignation du Siège
apostolique, et les rois de Bohême faisant de
plus pressantes instances, pour ne plus souffrir
ce reproche honteux, que leur couronne rele-
vait d'un métropolitain étranger, le pape Clé-
ment VI donna enfin le pallium à l'évéque de
Prague et en fit un métropolitain (Rainald., an.
1344, n. 64, 65).
I^ refus que le pape Innocent III avait fait
autrefois d'ériger une métropole à Prague était
fondé sur des raisons canoniques qu'il est néces-
saire que nous apprenions de lui, afin d'appren-
dre en même temps quelles sont les raisons ca-
noniques d'accorder ces grâces. Ce savant pape
écrivit au roi de Bohême, qu'il eût bien sou-
haité rehausser la gloire de son séjour royal,
mais qu'afin de ne rien résoudre qu'avec sa-
gesse et maturité, il fallait auparavant exa-
miner s'il y avait une nécessité pressante, ou
une évidente utilité pour l'Eglise de Prague, si
elle consentait à ce changement, si ses moyens
étaient assez considérables pour soutenir le
poids de cette nouvelle dignité, si l'on pouvait
ériger dans le royaume de Bohême des dio-
cèses qui pussent relever du métropolitain ;
enfin si l'Eglise de Mayence donnait son con-
sentement à une chose où elle avait tant d'in-
térêt « Siqiùdem ostendenda nobis est prius et
urgens nécessitas et utilitas evidens, quœ fleri
hoc exposcat. Facultas et voluntas Ecclesiae, in
in qua sedes metropolitica débet stabiliri; et
utrum in Bohemia diœceses possint statui com-
petenter, statuendae metropoli supponendœ.
Pneterea convenienda et commonenda super
lioc est Ecclesia Moguntina, elc^» (Rainaldus,
an. 1204, n. 33.) *
V. Ce sont là les règles canoniques de ces
nouveaux établissements : quand elles ont été
violées, les évéques n'ont pu s'en taire, et ils
ont fait éclater le juste ressentiment qu'ils
avaient, non pas de leur perte particulière,
mais de la violation publique des lois saintes de
2U DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
l'Eglise. La Moravie avait été autrefois'soumise
à l'évêque de Passau. sulTraj^fant de Salsboiirg.
On y vit d'abord entrer un arcIievcL|ae et trois
évêques nouveaux, se disant envoyés de Rome,
pour y établir leurs sièges.
L'arcbevèque de Salsbourg et lévèque de
Passau avec quelques autres de la même pro-
vince écrivirent une lettre pleine de resjiec-
tueuses plaintes sur ce sujet au pape Jean VUl,
protestant (pi'il n'était jamais émané un res-
crit si injuste du Saint-Siège, ni si contraire
aux canons, que d'ériger un arclievêclié et des
évêcliés dans des lieux déjà possédés par des
archevêques et évêques, dont on n'a pas requis
le consentement. «Ordinaveruntin noslro epi-
scopatu unum archiepiscopum, si in alterius
episcopatu arcbiepiscopus esse potest, et très epi-
scopos ejus sutlraganeos, absque scientia archie-
piscopi et conseusu ei)iscopi, in cujus fuerunt
diœcesi(lnter. Epistol. llincm. Bibl. PP., tom.
XVI, p. (ilO). » Ileslà croire que ce pape satisût
à une si juste demande, puisqu'on n'a point vu
depuis de métropole dans la Moravie.
VI. En Hongrie, le saint roi Henri érigea Stri-
gonie ou Cran en métropole, à hupielle il sou-
mit dix évècliès. Mais il fallut recourir à la
première source des dignités ecclésiastiques,
et faire intervenir le pape à la création d'un
nouvel arcbevècbé. « Misit ad Pétri limina , ut
Pétri successor Strigoniensem Ecclesiam sua
autorilate metropolim constitueret , reliquos
episcopatus sua beni diclioiie nuniiret, ipsum
ducem regio diademale colionestaret (Surius,
die 20 Aug., c. 7, Ki). » Sébastien , premier
archevè(|ue de Strigonie, ayant perdu la vue,
l'évêque de Colocza lui fut substitué par dis-
pense du pape; et par une autre dispense,
Sébastien fut rétal)li dans son même siège
ajjrcs avoir recouvré la vutî, ce qui arriva trois
ans après, et l'èvèiiue de Colocza retourna à sa
première Eglise avec le pallium. Ce fut là pro-
bablement l'occasion de fonder la nièlropole
de Colocza iRainal., an. I-2U3, n. !'.>; an. 1212,
n. 7; an. 1231, n. 38). Ces deux archevêques
ne laissèrent jias d'avoir souvent des démêlés,
surtout pour le droit de couronner les rois de
Hongrie, qui fut aussi conllrmé par de fré-
quents rescrits des [lapes aux arclievècpies de
Strigonie.
VU. Passons à la Pologne , où l'empereur
Olbon m étant venu révérer les reliques du
saint martyr Adalbert, y érigea révècliè en
archevêché, et désigna les évêques qui en dé-
pendraient. « Fecit ibi archiepiscopum , » dit
Itilmart Baronius, an. 999, n. 12].
Le cardinal Raroniiis croit qu'Othon était
accompagné d'un légat du pape , qui autorisait
cette érection de métropole ; quoiqu'il doute
si le pape la confirma, parce que plus de
soixante-dix ans après, le pape Grégoire VII
témoigne qu'il n'y avait point encore d'arche-
vêché en Pologne dans la lettre qu'il en écrivit
au duc Boleslas. Mais la vérité est que Gré-
goire VII ne nie pas qu'il y eût déjà un arche-
vêché en Pologne; mais il dit seulement qu'il
n'avait point encore de siège certain et déter-
miné. « Non habentes certum metropolitanic
sedis locum (L. ii, epist. lxxmi). »
Ce (lue nous avons dit de l'archevêque
d'Hambourg, et ce que nous allons dire de
celui de Riga en Livonie, montre nettement
<|u'il y avait des archevêchés dont le siège
n'était pas sitôt fixé. Celui de Gnesne en fut un
apparemment , même après l'établissement
qu'en avait fait l'empereur Olhon. Au reste, la
bonne intelligence des enqiereurs Othon avec
les papes et la nature des métropoles en ce
temps-là surtout, ne nous permettent pas de
douter que le pa[)e ne confirmât la métropole
de Gnesne , comme M. de Marca l'a très-
bien remaniué (De (^oncortl., l. iv, c. 9, n. (i).
Crantzius a dit en |(lus d'un endroit que la
métropole de Magdebourg avait été fondée par
le grand Othon. On a le niême fondement de
croire (jue l'autorité du Saint-Siège y inter-
vint.
Mais pour ce qui est de la Pologne, nous
avons quehiue chose à cet égard qui est heau-
cou]» jibis certain ; d'autant (jue Longin ou
Dlugosse, qui a écrit l'histoire de Pologne, du
temi)S qu'il était chanoine de l'Eglise de Cra-
co\ie, rapporte que le roi .Miecislas, quia été le
[tremier roi de Pologne, qui ait reçu le baptême,
fonda à l'instant deux métropoles, savoir
l'Eglise de Gnesne et celle de Ciacovie; et aussi
sept évècliès; érection i|ui fut ensuite confir-
mée par le légat du Saint-Siège. Longin a rap-
l)ortè les noms des archevêques de Cracovie
qui ont rempli successivement ce siège jusqu'à
l'année lOiti. Dans cette année, Antoine, fran-
çais de nation et abbé régulier, fut élevé à ce
siège jiar le roi Casimir et fut le dernier des
archevêques de Cracovie, et ses successeurs
cesse'rent de tenir ce siège comme métropole.
Car, soit par leur négligence, ou par le désir
de se faire un mérite auprès de l'archevêque
DE L'ÉnF.CTION DKS NOIVF.LI.KS iMÉTI'.0|>ni.ES.
de Gnesne, ils aimèrent mieux être ses suffra-
gaiils.
Si cependant l'on en croit I,onfj:iii, il aurait
été plus lionorable à I'arciievè(]ue de C.iiesiie
de faite relever de sou siège, en qualité de
primat, l'arehevêciié de Lembourg et celui
de Craco\ie : « Quam excellenliam et di-
gnitatem etsi Ecclesia (^racoviensis jter negli-
gentiam succedentium liuic Aaron pontitîcum
retinere desiif , ju:;tuin tanien est et reipublica'
l'idonorum décorum et necessarium, ut illam
aliquando résumât. Gnesnensi siquidem non
tennis spleudor, sed amplior lionor accederet,
si ])otius non amplius non ad uuins Leopo-
liensis Ecclesiœ arcbiepiscopalis, sed ad dua-
rumvidelicet et Leopoliensisrespectum primas
Yocaretur. »
L'an 1060, Lamper succéda à Aaron, et par
sa négligence à soutenir les droits arcbièpisco-
paux laissa dégénérer son Eglise en simple
cathédrale.
Pour ce qui regarde réreclion de ces métro-
poles et sièges épiscopaux, qui a été faite par
l'autorité du Saint-Siège et du roi, voici com-
ment Longiu s'en explique : « Mieslausprinceps
Polonorum postsacrossusceptibaptismi lalices,
etc., Gnesntr et Cracovia" duas fundat métro-
poles, etc. Pro (juarum honore mctropolico
septem alias Ecclesias voluit esse subjectas, etc.
.-Egidius Tusculanus cardinalis episcopus a
Joanne XX summo ponlilice missus , singulos
episcopatus Poloniœ et duas métropoles con-
fîrmavit , et singulis diœcesibus termines
posuit et dislinxit. »
VIII. Le pape Innocent III prit la défense de
l'archevêque de Gnesne contre le duc de Polo-
gne l'an 1-207 (Rainald., an. 1-20", n. 12). Cette
métropole est donc ancienne.
Celle de Riga , en Livonie , province du
royaume de Suède, est un peu plus récente,
mais elle a aussi cela de mémorable ijue cette
dignité avait été d'abord comme ambulatoire,
celui qui la possédait n'ayant aucun séjour, ni
aucun siège déterminé. Le pajie Innocent IV
lui permit de choisir la première Eglise épis-
copale vacante et de s'y établir. Riga vint à
vaquer. L'archevêque y fixa son siège, et le
pape Alexandre IV l'y conlirma par un rescrit
qui marque cette circonstance. Voilà comment
celui qu'on appelait archevêque de L/ronie,
d'Eaton/e et de Prusse devint archevêque de
Riga (Rainald., an. 1233. n. 64).
Les termes du rescrit de ce pape ne sont pas
moins remarquables quand il dit que le Saint-
Siège ayant été fondé par Jésus-Christ même,
et l'Eglise même ayant été fondée sur cette
pierre inmiobile, c'est aussi de la que les plus
emiiientes dignités de l'Eglise, dans la longue
révolution du siècle, ont reçu quelque partici-
I)ation de cette divine origine, en recevant les
marques de leia- puissance, de celui qui l'a
reçue du Fils de Dieu ; mais qu'après tout cela,
le Saint-Siège ne distribue et ne règle les diffé-
rents degrés de dignité que selon les justes
règles des canons, et avec la satisfaction de
tous ceux qui y ont quelcjuc intérêt.
«Primaliimu calliedras etapicem cujuslibet
ecclesiastica? dignifatis, privilegio sibidivinifus
tradito, Ecclesia Romana constitnit, quam so-
ins ille fundavit. ac supra petram fldei mox
nascentis erexit, qui beato Petro œternœ vitaî
clavigero, terreni simul commisit et cœlestis im-
perii moderamen. Ilinc est quod apud sanctam
Sedem Aposiolicam horum spectatur origo ,
eorum dispeusantur iusignia, de cujus plenifu-
dine omnes accipiunt. ejusque speciali munere,
quod ratio persona', temporis, loci, vel causa
interdum postulat, asset[uimtur. » C'est-à-dire
que les successeurs de saint Pierre sont les dis-
pensateurs et non pas les maîtres de toutes ces
nouvelles dignités dans l'Eglise : ayant eux
seuls la gloire d'être les exécuteurs universels
des canons, et les perpétuels proviseurs des be-
soins de l'Eglise. Aussi cette métropole fut con-
firmée, parce qu'elle avait été faite du consen-
tement de tous les intéressés : « De consensu
omnium, quorum intererat : » et ce pape eut
égard aux prières que lui en firent tous les
sutlVagants : m Tuis et suffraganeorum precibus
inclinati. »
Ce pape ne pouvait point ignorer que dans les
siècles passés iilusieurs métropoles n'eussent été
fondées dans l'Orient et dans l'Occident même
sans la participation du Saint-Siège. Mais ilsuf-
fit, pour vérifier la proposition universelle qu'il
a faite, que la primauté du Saint-Siège soit la
seule qui ait une supériorité divinement insti-
tuée sur les évêques, pour donner de la proba-
bilité à celte proposition générale, que toutes
les dignités établies par l'Eglise sur les évê-
ques sont des imitations et des images , ou
même des participations de celle que Jésus-
Christ a instituée.
11 faut cependant avouer que Longin fait re-
monter à un temps un peu plus reculé l'éta-
blissement de la métropole de Livonie et de ses
216 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
évêchés, lorsqu'il dit qu'en 1001, Meinard,
évêque de Livouie, a commencé a jeter dans
cette province de la Suède les premiers fonde-
ments de la foi. Son frère Bertliolde lui suc-
céda, lequel remporta la palme du martyre et
arrosa de son précieux sang les premières
pierres de cette Eglise naissante. Albert, qui
fut mis en sa place, soumit à la foi de Jésus-
Christ toute la nation et obtint du souverain
pontife qu'on y érigeât de nouveaux évêchés.
« Residuum Livonire ad ûdei puritatem reduxit
Rigensem metropolim et civitatem Gotlhoruni,
etc ; aliquot episcopatus in Livoaia apostolica
autoritate fundat et dotât. »
IX. L'archevèciié de Luden en Danemark ,
aussi bien que celui d'Upsal en Suède, était de
plus ancienne création (Rainald., an. 1198,
n. 76]. Le pape Innocent 111 contirma la pri-
malie de Luden sur la métropole d'Upsal, et
ordonna que les deux archevêques ayant de-
mandé et obtenu le pallium, celui de Luden
le donnerait a celui d'Upsal, en recevant de
lui le serment accoutumé pour l'Eglise ro-
maine.
La Suède avait longtemps auparavant reçu
un archevêque de Pologne, si nous en croyons
Magnus dans l'histoire des Goths. « Jam enini
Suecia archiepiscopum ex Polonia acceperat
(Joan. Magnus, 1. xvui, c. 18 ;1. xix, c. (i ;
1. XVI, c. 28). » Mais ce nouvel archevêque n'a-
vait pu se faire obéir, parce que les Goths ai-
mèrent mieux persévérer dans l'obéissance de
l'archevêque de Brème ^^Conc, tom. x, p. 18-20i.
Le légal du pape ayant assemblé un concile à
Lincopen en Suède, l'an 1148, ne put surmonter
cette résistance, et il s'en retourna à l'ionie,
après avoir laissé au primat de Luden Eschi-
lus un pallium destiné au futur archevêque
d'Upsal. Mais aucun Suédois no voulant se sou-
mettre à la juridiction danoise, la Suède fut
quelque teni|is sans métropole, dit le même
Magnus, jnsi|u'à ce que le pape Alexandre III
honora Upsal de cette dignité, y ajoutant le
pallium que les Suédois n'avaient pas voulu
recevoir des Danois, i)arce qu'ils n'avaient pas
reçu d'eux la foi évangélique.
L'historien et l'archevêque d'Ujisal Magnus
a tro|) donné à son intérêt propre, quand il a
enseveli dans le silence le décret d'imiocent III
qui assujettit sa métroi)ole à la primatie de
Luden. 11 y a peut-être fait allusion quand il
dit que si le primat de Luden a eu ciiiclque
autorité sur Upsal, Nicolas Ravaldi, arche\êque
d'Upsal, la fit abolir dans le concile de Bâie,
par les protestations qu'il y fit.
Nous avons dit ci-dessus , comment en l'an
lOoi, le roi de Danemark, pour ne plus laisser
son royaume dans la dépendance du métropoli-
tain d'Hambourg ou de Brème, avait tâché de
faire ériger une métropole dans ses Etats; mais
que ses efforts avaient été vains, parce que l'ar-
chevêque d'Hambourg prétendait devenir aussi
le primat et le supérieur de cette nouvelle métro-
pole. Mais quelque temps après les archevêques
d'Hambourg s'étant jetés dans le parti des
schismatiques contre les papes Grégoire Vil et
Urbain II (Baronius, au. iOo4, n. 45) ce dernier
pai)e acheva ce que le premier avait commencé.
Il démembra le Danemark de la métropole
d'Hambourg, en créant non-seulement un mé-
tropolitain à Luden, mais aussi un primat,
du(juel il voulut faire dépendre la Suéde et la
Norvège. Le roi de Danemark s'étant brouillé
avec l'archevêque d'Hambourg et appréhen-
dant qu'il ne l'excomiuimiàt, vint à Rome sol-
liciter lui - même cet affranchissement des
Eglises de son royaume (Baronius, an. 109'2^
n. 13). Le légat du pape qui fut envoyé pour
cela, choisit lui-même la ville de Luden,
comme la plus riche et la plus nombreuse, et y
attacha le trône de la primatie, ou au moins de
la métropole avec juridiction même sur des
nations étrangères, ce qui semblait alors de
quelque conséquence pour la domination tem-
porelle.
C'est le récit que nous en a fait Saxon le
Grammairien et les réflexions qu'il nous y a
fait faire. « Non solum Lundiam legatus Saxo-
nica dilione eruit, sed etiam Suecia; Norvegiœ-
que religionis titulo magistram effecit (Saxo
Gramni. 1. 1-2). Nec parum Dania Romanœ beni-
guitati débet, quœ non solum libertatis jus, sed
etiam externarum rerum dominium assecuta
est. »
Crantzius remarque fort bien que la créa-
tion des métropoles de Luden et d'Upsal, et
l'indépendance (]u'ellos atl'ectèrent , ruina la
primatie d'Hambourg, qui ne subsistait que par
la légation ai)osloli(iue. Hambourg perdit même
le titre de métropole, parce qu'il fut transféré
à Brème (Crantzius. Metrop. Liber v, c. 31, et
1. VI, c. 13).
Cet exemple nous a|)prcnd qu'il y a des oc-
currences où l'on fonde de nouvelles métro-
poles sans l'agrément des anciens métro|)oli-
tains dont le ressort est dimiiuié par ce jiartage.
DE L'ÉRECTION DES NOUVELLES MÉTROPOLES.
2t7
Cetie violence peut être juste et raisonuiilile,
parce que le refus des anciens niélro|)olitains
peut être déraisonnable et injuste. Les an-
ciennes métropoles ont été autrefois nouvelles,
et elles n'auraient jamais été formées, si les
anciens métropolitains se fussent laissés préve-
nir d'une pareille opiniâtreté. Les Eglises, qui
de filles sont devenues mères, doivent tenir à
gloire (|ne leurs filles imitent aussi leur fécon-
dité et montent au rang des mères. Ce fut outre
cela une raison particulière de démembrer l'ar-
chevècbé d'Hambourj:, quand les archevêques
s'élevèrent |)ar une faction sclusmatique contre
l'unité de l'Eglise.
Louis le Débonnaire avait donné connneuce-
ment à la métropole d'Hambourg, pour toutes
les nations septentrionales, suivant le conseil
des i)rélats et des princes. « Ha'c est Humbur-
gensis metropolis per ijnperiale decretmn con-
stitutio, de consilio arcbiepiscoporum et prin-
cipum , » dit Cranlzius (Craiitzii Metropol.
lib. I. c. :20). Louis, roi d'Allemagne, lils de
l'empereur Louis, voyant la ville d'Hambourg
ruinée, pourvut l'archevêque Ansgarius de Té-
vèché de Brème (Ibidem c. 3(5; 1. n, c. 21).
Ainsi le titre de l'Eglise de Brème fut comme
supprimé, mais aussi l'archevêque d'Hambourg
entra dans quelque dépendance de Cologne, à
cause de Brème qui en relevait jusqu'au temps
de l'empereur Henri IV, de qui Albert, arche-
vêque d'Hambourg, obtint son affranchissement
à l'égard de l'archevêque de Cologne. .Mais enfin
la soustraction des royaumes septentrionaux,
et la création de leurs nouvelles métropoles
ayant fait perdre à Hambourg la légation du
Siège apostolique, la métropole même lui fut
enfln ôtée et accordée à Brème (L. v, c. 31;
1. VI, c. 131.
L'Eglise de Luden en Danemark, qui s'était
enfin rendue indépendante de celle d'Hambourg
en Saxe etqui avait dominé les Eglises deSuède
et de Norvège , fut obligée elle-même [lar ime
juste et nécessaire vicissitude de consentir a
l'affranchissement, tant de la Suède, par la
création de la métropole d'Lpsal, dont nous
avons parlé, que de la Norvège , par l'érection
de la métropole de Trondon ou de Nidrosie
(RainakL, an. 1-273, n. 19). Cette métropole
était déjà si puissante sous le pape Grégoire X
que l'archevêque prétendait faire relever la
royauté même de son Eglise, comme nous le
dirons plus au long en sou propre lieu.
X. Ce dénombrement que nous venons de
faire des métropoles septentrionales peut être
conlirmé par le témoignage remarquable de
Guillaume de Neubrige, qui confesse ingénu-
ment que les archevêchés anciens, dont les his-
toriens anglais ont voulu relever la gloire de
leur nation, sont fabuleux; qu'avant Augustin,
disciple du grand saint Grégoire, la Grande-
Bretagne n'avait jamais eu d'archevêque (Neu-
brigens protemiuui) : que toutes les nations
barbares du Septentrion, l'Irlande, la Norvège,
le Danemark et la Suède, quoiqu'elles eussent
depuis longtemps reçu la lumière de l'Evan-
gile, n'avaient été conduites que par des évê-
ques; enfin que ce n'était que depuis fortpeu
de temps qu'elles avaient commencé d'avoir
des archevêques, avec le pallium romain.
« Prinuis xV.ugustinus , accepto a Rnmano
pontlQce pallio , archiepiscopus in Britanuia
factus est, barbarœ vero nationes Europa?,etiam
olim ad Christi fldem conversœ, contentce epi-
scopis, de pallii pri-erogativa non curabant. De-
niipie Ilibernienses, Norici, Dani, Gollhi, cum
olim christiani fuisse et episcopos habuisse
noscantur, nostris temporibus archiepiscopos
habere cœpernnt. »
XL C'est ce que nous allons encore justifier
par l'exemple des évêques et du métropolitain
d'Ecosse.
Henri H, roi d'Angleterre, ayant fait venir
au concile de Northampton le roi et les évê-
ques d'Ecosse (An. I ITti), commanda à ces évê-
ques, par le sermentde fidélité qu'ils lui avaient
fait, de rendre la même sujétion à l'Eglise an-
glicane que leurs prédècesseui-s lui avaient
rendue au temps de ses prédécesseurs. Ils ré-
liondirent qu'ils n'avaient jamais été soumis à
aucun prélat d'Angleterre (Rogerius, pag. .j.jO).
Roger, archevêque d'York, montrait des preuves
certaines de leur dépendance de l'Eglise d'York.
L'évêque de Glasgou répliqua que son Eglise
avait toujours été immédiatement soumise à
l'Eglise romaine. « GlascuensisEcclesia specia-
lis filia est Romauœ Ecclesiœ, et ab omni snb-
jectiouG arcbiepiscoporum, sive episcoporum
exempta. »
Comme l'archevêque de Cantorbéry préten-
dait la même supériorité sur les évêchés d'E-
cosse, il persuada au roi de remettre cette af-
faire eu un autre temps, pour ne pas laisser
remporter à son compétiteur un avantage si
considérable. Le roi Guillaume d'Ecosse, pour
alVerniir l'indéiiendance de sa couronne et de
son Eglise, obtint du pape Clément 111 un res-
248 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
crit favorable, par lequel tous les évèchés d'E-
cosse furent mis dans la dépendance immédiate
du Saint-Siéfj^e (An. 1188. Rogerius, pag. 71 i).
« Statuendum duximus, ut Scoticana Ecclesia
Apostolicœ Sedi cujus filia specialius existit,
nullo mediante debeat subjacere. »
Le pape Céleslin III confirma cette exemption
aux instances du même roi (An. 11921, insérant
la même énumération des neuf évèchés du
royaume d'Ecosse , auxquels il eût été bien
plus naturel de donner un métropolitain dans
le royaume même ; mais les archevêques d'An-
gleterre eussent fait plus de difficulté de lui
déférer qu'au pape. Ce fut donc comme un
tempérament de les faire relever du Saint-
Siège seulement durant un long espace de
temps, afin que les archevêques d'Angleterre
souffrissent a[)rès cela sans peine qu'on leur
donnât un métropolitain dans leur Etat même.
Il n'y a rien de surprenant, quand on dit que
ces évoques d'Ecosse ont été un si long espace
de temps sans métropolitain, puisque Cambden
nous a fait remarquer, (julls avaient même été
fort longtemps sans aucun siège déterminé.
0 Scotorum episcopi munera episcopalia, (juo-
cum(}iie fuerant loco, sine discrimine obierunt,
usque ad Malcolmi III tempera , circa annum
scilicet restaurata^ salutis miax (CambdeniRri-
tannia, an. (i83). » Ce fut vraisemblablement le
sort de toutes les Eglises particulières dans leur
naissance. C'est la nature et la condition des
polices humaines, soit civiles, soit ecclésiasti-
ques; elles ne multiplient leurs magistrats et
n'en distinguent les divers rangs et la subordi-
nation qu'à proportion qu'elles viennent ci se
perfectionner et à s'étendre.
Reprenons le fil de notre discours. L'évèque
de Saint-André en Ecosse ne laissait pas de pré-
tendre que l'ordination des autres évêques d'E-
cosse lui était réservée, nonobstant qu'ils rele-
vassent immédiatement du Saint-Siège. Ainsi
cet èvêque était en différend avec l'Eglise ro-
maine qui confirmait les évêques élus et pré-
tendait être en droit d'en commettre l'ordina-
tion à qui il lui plaisait.
Le pape Innocent 111 parle de ce procès dans
une de ses lettres (Regist. xv, ep. cxix), où il
ne laisse pas de commettre pour l'ordination
d'autres évêques (jne celui de Saint-André,
sans préjudice néanmoins. « Sine utriusque
partis prœjudicio. » Le pape Jean XXII con-
firma au même évêquede Saint-,\ndréle droit
de couronner et de sacrer les rois d'Ecosse
(Rainald., an. 4.320, n. 79). Le pape Eugène IV
se disait encore métropolitain d'Ecosse en écri-
vant au roi Jacques (Ruinald., an. 1430, n. 31).
Pendant que les rois d'Angleterre se rendirent
comme les souverains de lEcosse, les arche-
vêques d'York se firent aussi reconnaître par
les évêques de ce royaume (Spondan., an. 1436.
n. 7). Mais Patrice Graam ayant été élu èvêque
de Saint-André et ayant fait voir à Rome les
titres de l'indépendance de l'Ecosse , le pape
Paul II prononça en sa faveur.
Enfin le pape Sixte IV déférant aux remon-
trances du roi d'Ecosse sur les longueurs et
les inconvénients de recourir toujours à la
métropole romaine, déclara les évêques de
Saint -André métropolitains et primats d'E-
cosse , c'est-à-dire métropolitains immédiate-
ment sujets du pape (Idem., an. 1472, n. 16,
17). Les Ecossais prétendent que ce pape avait
plutôt rétabli qu'il n'avait établi la métropole
de Saint-André (Rainald., an. 1472, n. 17). Ce
i|iu est une marque que dans les nécessités
pressantes l'évèque de Saint-André faisait déjà
les fonctions de métropolitain (Conc, t. xiii,
pag. 144.":)). Ce fut le même Sixte IV qui érigea
l'archevêché de Glasgou, en Ecosse, et le sou-
mit au primat de Saint-André.
XII. Roger assure que dans la principauté
de Galles, depuis que saint Sainsou , qui ea
était archevêque, eut passé en France et fondé
l'évêché de Dol (Roger., an. 1199), ses succes-
seurs dans la ville de Saint-Davids, autrement
dite Menevie, furent toujours reconnus comme
métropolitains du pays de Galles, jusqu'à ce
que le roi Henri d'Angleterre eût ajouté cette
province à ses autres Etats. Car dès lors, pour
mieux cimenter l'union de cette province avec
le royaume d'Angleterre, il voulut que l'arche-
vêque de Cantorbéry en consacrât tous les
évêques et exerçât sur eux les pouvoirs d'un
métroi)olitain.
Mais une violence si contraire aux canons et
aux libertés de l'Eglise ne tarda pas d'être por-
tée au jugement du pape Eugène, qui commit
des juges et ordonna cependant aux archevê-
(jues de Cantorbéry de ne plus exiger le ser-
ment qu'ils avaient jusqu'alors exigé par une
violente domination des évê(]iies de Saint-Da-
vids en les consacrant, et de ne leur intenter
jamais de procès sur le droit de métropole. Ce
prncês fut roiiotivelé sous le pape Innocent III,
qui se mit en état de le juger; mais ou la puis-
sance des archevêi|ues de Cantorbéry, ou la
DE L'ÉRECTION DES NOUVEIXES MÉTHOPOLES.
259
Justice île leur cause éloiiira toules ces pour-
suites, et l'évoque de Saint-Davids demeura
suffra|.Mnt de Cantorl)(''ry.
XIII. Nous avoHS dit eu pailaut des primats
que saint Malachie, archevêque d'Armagh, en
Irlande, et primat, vint à Home pour y deman-
der le pallimn pour lui et pour un autre mé-
tropolitain , que son prédécesseur Celse avait
institué dans la même île 'An. Ii:37;, et dont
il lallait faire confirmer la métropole même.
« Erat et altéra metropolitica sedes, quam de
novo constituerai Celsus pra?decessor, prim.p
tamen sedi et illius arcliiepiscopo subdita tau-
quam primati. Et huic quo([ue optabat nihilo-
minus pallium Malachias, confirmarique aii-
toritate Sedis aposlolicie pncro^alivam, quam
beneficio Ceisi adipisci meruerat. » C'est ce
qu'en dit saint Iternard dans la vie de ce Saint.
1 . Remarquons ici juscju'à quel temps on a vu
les traces de l'ancienne police , que les métro-
politains et les conciles provinciaux instituaient
de nouvelles métroi)oles, les faisaient dépendre
des anciennes, et par conséquent établissaient
des primaties sans faire intervenir l'autorité
du Saint-Siège. Cet usage a duré justju'au dou-
zième siècle dans l'Irlande . parce qu'étant
comme séparée du commerce des autres na-
tions, elle recevait plus tard les influences du
chef, et n'avait pas la même facilité de se con-
former aux autres provinces ecclésiastiques.
2. Ce n'est pas le pape qui fait les premières
démarches pour convier ces Eglises écartées
dentrer dans une plus étroite dépendance du
Saint-Siège et recevoir de cette source i)rimi-
tive les titres et les pouvoirs des métropoles et
des primaties. Ce sont les Eglises particulières,
ce sont les plus saints prélats , semblables à
saint Malachie, qui par un instinct de religion
ou par la nécessité de leurs Eglises recher-
chent cette union plus étroite, et cette com-
munication plus ordinaire avec leur chef, pour
se régler sur le modèle le plus achevé que
Jésus-Christ ait proposé à son Eglise.
On n'a qu'à faire un peu d'attention sur
tout ce qui a été dit des primats et des métro-
politains dans ce chapitre et dans les précé-
dents, pour demeurer entièrement persuadé
que ce furent les rois et les prélats qui pré-
vinrent le Saint-Siège par leurs prières pour
établir, ou pour rétablir et pour contirmer les
métropoles de leurs Etats.
3. Les papes confirmaient les métropoles
érigées sans leur intervention, et les Eglises
demandaient cette conlirmaliou sans le mom-
dre mouvement de jalousie ou de défiance, et
sans entrer en discussion des justes limites de
leur pouvoir, n'ayant en vue de part et d'autre
que l'édification de l'Eglise et la conspiration
de tous les membres de Jésus-Christ en une
[larfaile uniti;. Aussi le pape Innocent 11 con-
firma d'abord la métro|iole érigée par Celse.
" IV'tiit Malachias confirmari nov;e melropolis
institutionem, etc. Et confirmationis quidem
privilegium mox accepit, etc. (Baron., an.
1131). »
i. Ce pape ne voulut accorder les palliums
qu'après qu'un concile national d'Irlande les
aurait demandés. Et comme ce fut Eugène III
qui en\oya les quatre palliums pour les quatre
archevêques de cette île par le légat Paparons
(Malt. Paris. An. IISI), il faut conclure de la
que les Irlandais avaient deniandé autant de
métropoles. Il {larait encore par là que les
pontifes romains n'ont fait que seconder les
désirs et exécuter les demandes des Eglises
particulières dans ces sortes d'établissements.
Le légat Paparons érigea ces quatre métropoles
d'Irlande en un concile national de toute l'île,
assemblé dans le monastère de Mellifons (Conc,
tom. X, p. 1130).
3. Une vieille chronique dit bien que cela
se fit contre l'ancienne coutume , et contre
les droits de l'Eglise de Cantorbéry , où les
évèques d'Irlande venaient se faire consacrer
(Scriptores Hist. Normann., p. 983-080). Mais
ou c'était une usurpation de l'Eglise de Can-
torbéry . toute semblable à celle de l'arche-
vêque d'York, sur l'Ecosse, dont nous avons
])arlé ci-dessus ; ou si les premières semences
de la doctrine évangélique avaient été répan-
dues dans l'Irlande, par les soins des arche-
vêques de Cantorbéry , il n'était pas juste que
l'Eglise d'Irlande demeurât éternellement dans
un état d'enfance , et qu'après un accroisse-
ment raisonnable elle fût privée du droit com-
mun de toutes les autres Eglises un peu nom-
breuses , d'avoir ses propres métropolitains.
Enfin, avant que les papes ou leurs légats s'en
mêlassent. l'Irlande avait déjà deux métropoli-
tains, comme saint Bernard nous l'a appris
dans la vie de saint Malachie, et l'un d'eux por-
tant la qualité de primat, elle avait cessé de
dépendre des archevêques de Cantorbéry.
6. Ces trois exemples des Eglises et des mé-
tropolitains d'Irlande, de Galles et d'Ecosse
contiennent une preuve convaincante de la
230 Dr PREMIKR ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
nécessité de faire intervenir le Saint-Siège dans
la création ou la conservation des métropoles.
Car les anciens métropolitains de Cantorbéry
et d'York, soit par leur propre intérêt, soit par
un zèle peu modéré, soit par la sollicitation
des rois d'Angleterre, qui ne pensaient qu'à
lier très-étroitement ces trois Etats à leur cou-
ronne et les en rendre dépendants par toutes
les voies imaginables; ces anciens métropoli-
tains, dis-je, de Cantorbéry et d'York eussent
supprimé les métropoles deCalles et d'Irlande,
eussent emjiêché qu'en n'en érigeât jamais
dans l'Ecosse, et eussent porté un préjudice
inconcevable à ces Eglises, si elles n'eussent
été assistées de la protection puissante du
Saint-Siège.
XIV. Je passe d'Irlande en Espagne, où d'a-
bord je rencontre la métropole de Tarragone
rétablie dans ses anciens droits par le pape Ur-
bain II, dès qu'elle eut été reprise sur les
Maures par le comte Rcrenger. Ce [lape en ins-
titua archevêque l'évèque d'Aussone , qui en
avait été fait le vicaire et comme le garde par
ses prédécesseurs, pendant la désolation de
cette puissante ville (Baron., an. 1001, n. 3).
« Nos antecessorum nostrorum privilégia se-
quentes, qui Ausonensem Ecclesiam Tarrago-
nensis quondam inslituere vicariam, tihi, quia
tuo potissimum studio ha'c est reslilulio iiisli-
tuta, ex Romanœ Ecclesiœ liberalilatis gralia,
pallium, totius scilicet sacerdolalis dignitatis
pleniludinem, indulgemus (Urbani 11, cpisl.
VII. — Conc, tom. x, p. 428, 459, 460). »
Il fut même permis à ce nouvel archevêque
et à ses successeurs de retenir encore l'évèché
d'Aussonne jusqu'à un parfait rétablissement
de la ville et de l'Eglise de Tarragone. « Auso-
nensem Ecclesiam libi tuis([ue successoribus
tamdiu concedimus possidendam , donec, au-
tore Deo, ad |)rislini status ))lenitndin( m ve-
stro studio Tarragonensis Eccksia relorme-
tur. »
L'archevêque de Narbonnc s'opposa à ce ré-
tablissement de la métnipole de Tairagone,
protestant dans ses lettres à ce pape (ju'il y
avait été reconnu durant quatre cents ans
comme mélro|iolilain, cl (]u'il s'y était lait en-
core jdus sentir par ses bienfaits (|ue par sa
domination pendant la longue désolation de
l'Es|pagne. Le pape lui donna quel(|ue satis-
faction jusipi'ii ce que la ville de Tarragone
fût entièrement réparée. El comme plusieurs
autres métropoles d'Es[)agne étaient encore
comme ensevelies dans leurs ruines, le pape
Pascal II les conuiiit toutes au primat de To-
lède ipascal II , epist. iv), <à condition (|ue dès
qu'elles auraient recouvré leur première gloire
avec la liberté, elles éliraient aussi leurs pro-
[tres métro[iolitains. « Ut quoad sine propriis
extiterint metropolitanis , tibi ut proprio de-
beanl subjacere. Si vero metropolis quadibet
in statuni fuerit pristinnm restituta, suo quœ-
que diœcesis metropolitano restituatur. »
Nous j)Ouvons ici observer de nouvelles
traces de la nécessité publique des Eglises, qui
a causé le changement de l'ancienne discipline
en ce point, et a fait tomber entre les mains
des souverains i)ontifes toute la disposition
des nouvelles métropoles qu'on créait autre-
fois dans les conciles (larliculiers. Les ancien-
nes mélroi)oles d'Espagne après plusieurs siè-
cles de désolation et de captivité n'étaient
presque plus connaissabics, lorsqu'elles com-
mencèrent a se rétablir. Leurs limites étaient
incertaines, d'autres métropolitains s'y étaient
autorisés par une longue domination, par leur
]irotectiou et par leurs bienfaits; les souverains
n'étaient ])lus les mêmes, et leurs intérêts d'E-
tat où l'Eglise est bien avant mêlée étaient
aussi fort dillérents.
Il était ])res(iu(' imiiossihle de sortir de ce
labyrinthe sans l'aLitoritc, du premier siège de
l'Eglise, qui n'avait point d'autre intérêt solide
que celui de ménager en père connnun les
avantages justes et raisonnat)les des piinces
temporels el des Eglises particulières, afin de
se les lier d'autant plus par les chaînes les
plus indissolubles de toutes, qui sont celles de
la justice et de la charité qui nous lie tous à
Dieu, qui est l'imité, la justice et la charité
même. On ne pouvait [lour cela prendre des
mesures plus justes que celles que ])rirent les
deux papes dont nous a\ons parlé, Urbain II et
Pascal H.
Calixte II en usa de même envers l'Eglise de
Drague , que le souverain de Portugal , le
comte Henri , venait de reprendre sur les
Maures. Pascal 11 avait commencé de rendre
à cette ville son ancienne splendeur, dont les
droils et les titres étaient déjà comme etfacés.
« Irruentibus Manris et metro|)olis dignilas im-
minuta, et parochiarum termini immuniti (Ba-
ron., an. 1123, n. 2). » Calixte II s'en rapporta
à la bonne foi du comte Henri pour les limites
du diocèse et de la province de Drague. « Sicut
in descriptione pra-dicli domini continetnr. »
DE L'ÉRECTION DES NOUVELLES MÉTROPOLES.
251
Cet illustre coinjiiéraiit, qui fui aussi le foiuki-
tciir df la inonarcliie porlufiaise, avait tous les
intérêts cki monde à donner de la considéra-
tion a une ville qui devait être la ^'loire de ses
Etats (Conc, tom. x, p. 83ni.
Ce fut le même Calixte 11 qui érij^ea Com-
postelle en métropole, lui soumettant une pro-
vince qui gémissait encore en partie sous la
tyrannie des infidèles (Baron., an. Il2:i, n. I).
Innocent 111 confirma ce même privilège. Ces
papes eurent sans doute égard à la piété et aux
demandes des Espagnols qui révéraient l'apô-
tre saint Jacques dans cette Eglise. Ils y trans-
férèrent le siège métropolitique de Mérida, qui
était enlièreinent ruiné : le jiape Iiuiocent III
ordoima à la vérité que quand Mèi'ida viendrait
à se ré tablir,révèque en demeurât soumis au mé-
tropolitain de Composlelle (Reg. ii, ep. cxxxix).
Mais il y a toutes les apparences possibles que
les rois et les prélats d'Espagne l'avaient désiré
de la sorte.
Mariana dit que ce fut Urbain II qui trans-
féra le siège èpiscopal d'Iria à Conipostelle,
donna le pallium au nouvel èvèque.pt l'affrari-
cliit de la métropole de Drague (Rainald., an.
1199, n. 51). Ce furent là comme des degrés
pour monter plus haut (L. x, c. », 12). Cet
auteur remarque que le roi consentit à ce chan-
gement. « Accessit regius consensus. » Pierre
le Vénérable, abbé de Ciuny, fut employé par
Ttimpereur d'Espagne, c'est comme il l'appelle,
pour faire condescendre le pajie Innocent 11 à
l'élection, ou à la postulation qu'on avait faite
de l'évêque de Salamanque pour archevêque
de SaintJacques, c'est ainsi qu'on appelait l'ar-
chevêque de Conipostelle : les rois d'Espagne
croyaient rehausser leur couronne en hono-
rant cette Eglise. « InteromnesHispanas Eccle-
sias caput extulit^ » dit cet abbé.
Je laisse les contestations excitées entre les
archevêciues de Conipostelle et ceux de Drague
(Petr. Venerabil., 1. iv, ep. ix! pour lesévèchès
de Lisbonne, de Coimbre, de Lamégo, de
Viseu , d'Egitania, et d'Ebora, autrefois au
moins en partie suffragants de Mérida. Inno-
cent m les adjugea à Compostelle (Innocent. III^
regist. Il, epist. cm, cv, cxxxiii, et seq.). Ces
mêmes archevêques contestèrent avec celui de
Tolède sur l'évêché de Zamora , formé (lar la
retraite que l'évêque d'Astorga y avait donnée
à ré\èque de Valence, après que la ville de
Valence eut été ruinée par les Maures.
Le roi Aliihonse d'Aragon ayant repris la
ville de Saragosse sur les Sarrasins, en envoya
l'évêque Pierre à Rome, pour y être ordonné
par le pape (iélase II (Haioii., au. Il 18, n. IHj.
Ce pajie le consacra, et envoya une bulle d'in-
dulgences pour tous ceux qui contribueraient
par leurs aumônes a en réparer les Eglises
ruinées. Ce ne fut que longtemps après que
cette Eglise fut érigée en métropole par le pape
Jean XXII en divisant celle de Tarragone, qui
était dans le même royaume d'Aragon, Rainald,
(an. l.Jls, 11. aS). Mariana attribue au pape
Doniface IX la création de la métropole de Lis-
bonne I Mariana, 1. lxxxi, c. 13, Rainald., an.
1492, n. 6). Enfin , Grenade n'étant sortie de la
servitude des Sarrasins (lue la dernière , après
environ huit cents ans, il est visible que quand
le pape Alexandre VI lui rendit son ancienne
inétroi)ole. et lui désigna ses suffragants, c'était
comme une nouvelle création , plutôt qu'un
rétablissement de son ancienne dignité.
XV. Quelque temps après le naufrage géné-
ral de l'Espagne, le pape Léon 111 avait érigé
la métropole d'Ovièdo (Rodericus , 1. iv, c. 9,
17, 18). Le pape Jean VIII écrivant au roi
Alphonse, sembla soumettre tous les évêques
et tous les abbés à ce métropolitain, qu'il avait
institué à leur instance. « Ecclesiœ Ovetensi,
quani vestro consensu et assidua petitione nie-
tiopolitanem constituimus.onmes vos siibditos
esse mandamus. » Cinq métropoles d'Espagne
étant absorbées dans les ruines, Oviédo fut
comme la seule métropole des Es[iagnes : aussi
l'érection s'en fit aux instances du roi Alphonse
et a la demande du concile général « Rex cum
uxore et filiis.episcopis et comitibus et niagna-
tibus, autoritate domini papœ Joannis, Ove-
tuni ad celebrandum concilium convenerunt,
in quo cum universali convenientia civitas
Ovetensis dignitate metropolitica insignitur,
et Hermegildus in archiepiscopuni sublima-
tur ; quia Hispania captivatis quinque sedibus
nietio[)oliticis, silebat oflicio metro|)olitico de-
stiluta. »
Mariana confirme ce récit, et ajoute avec
Roderic que la ville d'Oviédo s'appelait la ville
aux évoques (Mariana, 1. vu, c. 18), parce
que la plupart des évêques chassés de leurs
Eglises par les Mahométans s'y étaient retirés,
comme nous avons dit ci-devant.
Ce fut donc dès le pontificat de Jean VIII,
c'est-à-dire dès le milieu du neuvième siècle,
que l'on interposa l'autorité du Saint-Siège
pour la création d'une nouvelle mètro[)ole. Les
232 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
rois, les évèques et les nobles conspirèrent
pour cela. La nécessité ne pouvait pas être plus
grande, puisque la dignité et les fonctions des
niétnipolifains étaient comme abîmées depuis
plus de cent ans dans ce naufrage universel des
Etats et des Eglises d'Espagne. Oviédo fut érigée
sur les débris des autres, comme la métropole
universelle de toute l'Espagne. Cette pieuse
mère rendit avec joie le dépôt qu'elle avait
conservé aux autres métroi)oles, lorsque suc-
cessivement les unes après les autres elles se
rétablirent. Elle ne prétendit pas même con-
server sur elles aucune marque d'une si lon-
gue supériorité, ne jugeant pas raisonnable
de profiter du désastre de ses sœurs.
XVI. Les mélro])oles de France étant presque
toutes fort anciennes, il n'est pas besoin de
nous y arrêter beaucoup. Le pape Jean XXll
érigea l'évéché de Toulouse en archevêché. 11
nous apprend lui-même dans sa bulle que le
pape Clément V avait formé le même dessein :
qu'un saint évêque de Toulouse nommé Fou-
ques avait fait de vives instances auprès du
pape Innocent 111 pour faire partager son évê-
ché en plusieurs évêchés, parce que l'étendue
en était si grande qu'il était impossible à un
seul évêque de s'appliquer et de satisfaire à
tant de peut>les et à tant de besoins différents :
qu'Innocent 111 jugea plus à propos de ne [>as
allaiblir alors cet «'■vêché, afin que ses richesses
qui égalaient son pouvoir, servissent à répri-
mer les fureurs des Albigeois : que présente-
ment ces grandes richesses ne servaient plus
qu'à entretenir le luxe et la vanité des prélats.
«AttendentesquodlicetTolosanusepiscopalus
divitiis abundaret immensis^ vix tamen supe-
rerat liucusc]uememoria (juod exsuorum opu-
lentia copiosa redituum aliquod in Ecclesia vel
diœcesi Tolosana pervenisset divini cultus au-
gnii-ntum. Iino sic ex adip(! [irodierat, et pro-
dibat ini(|uitas, ut multo jam tempore luxus,
cura carnis in desideriis, evectionum pompa,
nnmerositas clientela', iuunoderata distiibutio
in parentes : sum|)tus énormes ac usas extraor-
dinarii, sibi vindicassent ibidem totum patri-
moniuin crucifixi. Et vcrendum erat, ne jir.esul
unus inciassatus et dilatatus, ex exccssivis hu-
jusmodi operibus l'X superliis, periculose re-
calcilrans, Deuin factorcm smun r('liu(|ueret,
et iK'rdilionis exeuipla in siios siibiiitos deri-
varet (Rainald., an. l.ilT, n. 12. — Extravag.
Commun. L. m. Tit. ii, c. h, (i, 7). » D'où
ce i)apc conclut qu'il a été avantageux, ci
même nécessaire de partager ces excessives ri-
chesses entre plusieurs jn-élats, et de donner
plusieurs pasteurs à un troupeau dont il était
impossible qu'un seul évêque prît toute la
conduite.
XVII. Le roi Charles V de France fit ses ins-
tances au|)rès du pape Grégoire XI pour faire
ériger Paris en métropole (Spond., an. 1377,
n. -20). Ce pape néanmoins lui fit agréer les
raisons de ne i)as le faire, dont les principales
furent l'antiquité de la métropole de Sens, et
la pauvreté tant de l'Eglise de Sens que de celle
de Paris. Il permit néanmoins (pie révéi|ue de
Paris pût user du pallium. La modestie de ce
jnélat le porta ci s'abstenir de cet ornement. Ses
successeurs furent ses imitateurs, jusqu'en Lan
1(122 qu'à la poursuite du roi Louis XIII l'E-
glise de Paris fut érigée en métropole.
Les siècles à venir admireront d'autant plus
la modération et l'humble retenue de nos rois
et des prélats de celte ville, qui est depuis tant
de siècles la plus riche, la plus nombreuse, et
la i)lus |»uissante ville du monde, et la capitale
du plus noble et du plus puissant royaume de
la chrétienté, qu'il est sans exemple dans l'an-
ti(iuité même que les prélals des villes royales
se soient contentés d'un rang médiocre (An.
l()-22. Preuves des Lib. de l'Eg. Gall., p. 12o;j.
Synod. Paris., p. iriS, 470).
XVIII. Ces changements se faisaient avec
beaucoup de facilité, quand ils n'intéressaient
que les diverses Eglises d'un même Etat, et sous
un même prince. Mais quand le pape Paul IV, se-
condant les désirs de Philippe II, roi d'Espagne,
érigea en métropoles l'évéché de Cambrai qui
relevait de Reims, et celui d'Utrecht qui dé-
l>endaif de Cologne, et qu'instituant de nouveau
la métropole de Matines, il soumit à ces trois
archevêchés non-seulement les anciens évê-
chés d'Arras et de Tournai, qui étaient aupa-
ravant de la province de Reims, mais aussi
treize autres évêchés de nouvelle création, ce
(jui ne se {touvait faire qu'en démembrant le
ressort de beaucou|) d'évêchés d Allemagne ,
ce changement ne put se faire sans beaucoup
de plaint(!S et d'ojipositions des Eglises intéres-
sées, dont on n'avait pas obtenu le consente-
ment.
Le cardinal de Lorraine ayant convoqué son
concile provincial à Reims (juelciues années
après, savoir en 1.504, et y ayant convoqué les
évêqups de Cambrai, d'Arras, de Tournai et de
Saint-Onier, comme anciens suUVagants de sa
DE L'ÉRECTION DES NOUVELLES MÉTROPOLES.
métropole de Reims (Sponde.,anno l.-i.'W, n. i.
An. LMil , l'arclievèi|iie de Ciimbrai envoya
par ses procnrenrs les bulles de Paul IV et de
Pie IV pour la création de sa nouvelle métro-
pole, à laqiielle ces |)apes soumettaient ces
autres évècliés, démembrés de celle de Reims.
Le promoteur du concile iirotesta que cela ne
suffisait pas pour priver l'Ejilise de Reims
de son ancienne juridiction; le concile demanda
du temps pour eu délibérer, et en informer
cependant le roi (Concil. Nov. Gall., p. 21, 2(ij.
Le cardinal de Lorraine faisant réponse aux
lettres de ces quatre prélats, leur déclara que
le pape ayant ordonné (ju'on n'exécutât rien
sans avoir appelé les intéressés , « Prœceptum
esse ne res conficeretur, nisi vocatisiis.adquos
quomodocumque pertinet; » on n'avait averti
ni le roi très-clirétien. ni le métropolitain de
Reims d'un changement de si grande impor-
tance : que par conséquent on avait en cela
violé les décrets des conciles deNicée, d'Ephèse
et de Calcédoine, et qu'il était résolu d'em-
ployer tous les remèdes du droit et toutes les
voies canonicjues : « Statuinms omni ratione
juris remédia adbibere, » pour la conservation
des anciens droits de sa métropole.
Le cardinal de Cuise tenant depuis son con-
cile provincial de Reims en 1583, y fit appeler
les évèquesde Candîrai, de Tournai etd'Arras,
comme anciens suU'ragants de sa métropole
(Conc. Nov. Cuil., p. 257, 274). Ces évèques ne
s'y trouvèrent pas, non plus (pie ceux d'Ypres
etdeSaint-Omer, quiy avaient aussi été convo-
qués. Le concile jugea à propos de les e.xcuser,
à cause de la guerre qui était alors fort em-
brasée dans les Pays-Ras. v Attentis bellorum
tumultibus, oui in suis diœcesibus notorie
urgent. » Mais il déclara en même temps que
s'ils ne se rendaient à l'avenir a[)rès une convo-
cation canonique aux conciles, on procéderait
contre eux par les voies du droit, a Nisi ad fu-
tura concilia débite vocati accesserint, contra
eos per vias juris procedatur. »
Les archevêques de Reims ont depuis sou-
vent réitéré les mêmes protestations, les guerres
ont aussi été fort fréquentes, en sorte ([ue la
prescri|)tion de quarante ans n'a jamais pu
s'établir. Enfin , les armes victorieuses de
notre grand monarque ayant remis la ville de
Cambrai dans la même sujétion à la couronne
de France, où elle avait été pendant tant de
siècles, les mêmes protestations ont été renou-
velées l'année d'après, c'est-à-dire en l'an
I(i7.'!, par celui qui remplit avec tant de zèle,
tant de suffisance et de gloire l'Eglise métropo-
litaine de Reims.
En divers temps on a fait justice aux métro-
politains en trois dillérentes manières dans les
rencontres semblables. I" On a ipK.'bpiefois dé-
gradé la nouvelle métropole, et on l'a réduite
en un simple évéché, sufîragant de l'ancienne.
Ce fut ainsi ([u'on en usa envers l'archevêque
de Uol , dont les prédécesseurs avaient obtenu
le pallium jiendant quel(}ues siècles, et a qui
les archevêques de Tours même avaient été
disposés de laisser la ijualité de métroiiolitain,
et deux évêchés sullragants, s'ils eussent voulu
quitter le reste de ce qu'ils avaient usurpé.
2" On a quelquefois confirmé la nouvelle
métropole, et on lui a laissé quelques évêques
sutfragants, en l'assujettissant à l'ancien métro-
politain comme à son primat.
Lorsqu'on traitait de l'accommodement
entre les Eglises de Tours et de Dol sous le pape
Innocent lll, le métropolitain de Tours fit offrir
à celui de Dol de lui laisser deux évêchés suf-
fragants avec la qualité de métropolitain, s'il
voulait reconnaître le métropolitain de Tours
comme sou primat, et recevoir de lui la consé-
cration et le pallium, qu'on aurait apporté de
Rome. Le pape tén)oigna beaucoup de passion
pour cet accommodement ; l'évèque de Dol le
refusa, ])arce qu'on ne lui accordait pas les
deux évêchés les plus proches de Dol ; mais il
ne tarda guère de se repentir de son relus in-
considéré, comme nous le dirons dans l'article
suivant.
Nous avons montré ci-dessus comment les rois
de Danemark demandant l'érection d'une mé-
tropole dans leur Etat, dont tous les évêchés
avaient jusqu'alors relevé de celle d'Hambourg,
qui était du corps de l'empire, l'archevêque
d'Hambourg refusa son consentement, si on ne
le déclarait patriarche ou primat de cette nou-
velle métropole. Voici comment en parle Adam,
(( Sola expectabatur sententia nostri pontificis.
Quain rem lUe si patiiarchatus sibi honor, et
Ecclesiœ suae concederetur, romanis privilcMis
fore ut consentiret promisit. »
Deux raisons empêchèrent l'érection de cette
primatie: l'opposition du roi de Danemark qui
ne voulait pas que tous les évêques de son
Elat relevassent d'un prélat étranger, et l'atta-
che opiniâtre de l'archevêque d'Haml)ourg au
schisme des rois d'Allemagne contre les papes.
Nous avons déjà dit que nos rois ayant re-
2">4 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
pris Narbonne sur les Sarrasins d'Espagne, ils
la soumirent à la primatie de Rourges afin de
l'alTermir davantage dans l'obéissance de la
couronne de France. On a érigé, en 1078, Albi
en métropole, en la soumettant du consente-
ment des parties, à la primatie de Rourges,
dont elle était démembrée. Ce n'a été (ju'aux
instances du roi très-chrétien que le pape a
érigé celte nouvelle métropole. Le rescrit du
pape qui fut à ce sujet publié en 1080 ne parle
en aucune manière de cette primatie , dont les
parties étaient convenues. Ce qui fait voir que
le pape rejeta ce dont les parties étaient demen-
rées d'accord à cet égard .
.3° On a (pielquefdis donné d'autres compen-
sations aux anciennes métropoles, qu'on dé-
membrait pour en ériger de nouvelles (Synod.
Paris.). On en a usé de la sorte envers la mé-
tropole de Sens, quand on a érigé celle de Paris.
On ne pouvait pas donner à l'Eglise de Sens,
qui était déjà soumise au firimat de Lyon, l'au-
torité (le la primatie sur celle de Paris, parce
qu'il est presque inouï dans l'Eglise qu'un
primat qui préside à des métropolitains relève
lui-même d'un primat autre que le patrianbe.
On pont considérer au contraire que l'P'glise
de Reims a joui etfectivement du titre et
des pouvoirs de la primatie au temps de saint
Rémi.
XIX. Il faut dire un mot de l'Eglise de
Tours, dont les droits de métropole ont été si
longtemps disputés par les évoques de Rretagne
qui s'en étaient soustraits, et toujours néan-
moins maintenus par les rescrits du Saint-
Siège (Spicil., tom. xiu, p. 208, par. 2^. Hilde-
bert, archevêque de Tours, avait autrefois
conjuré le pape de ne plus envoyer le pallium
aux évè(jues de Dol, puisque le pape Urbain II
avait déclaré toute la Rretagne soumise à la
métropole de Tours, et que le pallium avait été
envoyé à la personne, et non à l'Eglise de l'évè-
que de Dol.
Ce tut le pape Innocent III qui termina ce
procès, après une exacte discussion de tous les
titres qu'on produisit de part et d'autre, et qui
soumit tous les évêchés de Rretagne et celui
de Dol même à l'ancienne métropole de Tours,
défendant à l'évcqne de Dol d'aspirer jamais à
la gloire du pallium, et annulant par avance
toutes les pièces qu'on pourrait à l'avenir pro-
duire pour renouveler ce différend.
Ce pape expose dans sa bulle comment les
Bretons s'étant autrefois révoltés contre le roi
de France, et ayant créé un roi de leur nation,
affectèrent aussi la gloire d'avoir un métropo-
litain, et élurent pour cela l'évêque de Dol,
colorant leur audace de ce vain prétexte,
qu'autrefois saint Samson, archevêque d'York ,
ayant été exilé, s'était retiré à Dol, et y avait
pendant sa vie exercé les fonctions pontificales
avec le pallium ; que le pape Nicolas I" s'op-
posa à cette double rébellion des évêques bre-
tons; que les papes Urbain II, Luce 11, .\nas-
tase, Eugène et Alexandre avaient unanime-
ment soutenu la cause de la métropole de
Tours (Rainald., an. 1199, n. î)2. Innocent. III.
regeste xi. epist. lxxxh, lxxxhi, lxxxiv). L'é-
vêque élu de Dol voulut remettre son évéché
entre les mains de ce pape, pour n'avoir pas le
déplaisir de voir son Eglise rabaissée et comme
dégradée en sa personne. Mais le pape lui dé-
clara qu'il ne pouvait quitter son épouse, ni
résigner son évêché sans sa permission ; que
bien loin de le lui ])ermettre, il lui ordonnait
par les plus saintes lois de l'obéissance d'aller
recevoir l'ordination de rarchevêijue de Tours
son métropolitain. « Tu sponsus es, et te sponsa
tua exigit. Istud facere absque nostra licentia,
quod nolumus, tu non potes. Til)i in virtute
obedientiie pia'cipimus, etc. »
Le récit que fait Matthieu Paris de cette his-
toire est tout sendilable, et c'est dans celle oc-
casion où il donne cet élog(! au pape Inno-
cent III (Matlh. Paris, an. 1110); je dis éloge,
parce ((u'effectivement c'est pour releverla haute
suffisance et habileté de ce pape, qu'il l'appelle
hardi jurisconsulte, conuue ayant fini une af-
faire qui avait embarrassé durant tant de siècles
tous ses prédécesseurs. « Ut qui in scientia erat
magnus, audax simul jurisperitus. »
Roger ajoute cette particularité remarquable,
que les procureurs de l'archevêque de Tours à
Rome étant disposés d'accorder que la qualité
de métro[)olitain demeurât à l'évêque de Dol,
avec deux évêques sulTragants, pourvu qu'il re-
connût rarchevêt|uede Tours comme son pri-
mat (Rogerius, n. 797), et reçût de lui la consé-
cration avec le pallium, qu'on aurait apporté
de Rome ; l'évêque de Dol refusa cet accom-
modement, parce qu'on ne lui accordait pas
les deux évêchés les plus proches de Dol. Le
pape fit tous ses efforts pour les porter de jiart
et d'autre à s'accommoder, à (juoi n'ayant jiu
réussir il prononça en sorte que l'évêque de
Dol eut sujet de se repentir du refus inconsi-
déré qu'il avait fait.
DE LKRECTIU-N DES xNOLVELLES METUOl'OLES.
ONK
Au reste il ne faut pas oublier cette reniar-
(lue importante, que le pape Innocent 111 ayant
mis le pape Luce 11! entre ceux de ses prédé-
cesseurs ([ui avaient protégé les métropolitains
de Tours contre ceux de Dol , il nous a appris
que ce i)ape avait enfin déféré aux lettres pres-
santes du roi de France, Pliiliiipe Auguste, où
ce roi témoignait, que c'était abattre sa cou-
ronne de dessus sa tète royale ([ne d'arraciier
les évéques de Bretagne de l'obéissance an-
cienne des archevêques de Tours : « Regnum
nostrum tiirpiter iiuminuereac mulilare, coro-
nam décapite nostro dejicere, frangereet pedi-
bus conculcare , etc. Si processerit factnm
istud, minus amodo vos reslimabimus patrem
(|uam vitricnm ; minus senlietis nos filium.
quam privignum (Inter. Epist. Stepliani Tor-
nac. Epist. cxxv, cxxvi. cxxvuj.»
Je laisse les autres termes animés d'un même
ressentiment (Vide Ibid. Ep. \lv, xlix, clix).
Si c'est de Luce II que le ])aiie Innocent III
parle, il faut dire que ce fut lui-même qui se
rendit aux vives instances et aux raisons évi-
dentes du même roi, en donnant une résolu-
tion toute contraire aux projets de Luce III ,
trop favorable aux Bretons.
Ces contestations fréquentes qui s'élèvent
entre les métropolitains, surtout de diversEtats,
nous font voir la nécessité inévitable de recou-
rir à un souverain tribunal. C'est pour cela que
les métropolitains ont pris soin de faire confir-
mer par le Saint-Siège tous les droits de leur
diocèse et de leur métropole (Conc, tom. ix,
p. 778, 972). On en peut voir un grand nombre
d'exemples dans les éditions des conciles [Conc,
tom. X, p. 818, 819, 953, 900).
XX. Les Eglises même les plus éloignées
ont eu besoin de l'autorité du Saint-Siège pour
rétablir leurs métropoles, ou de sa protection
pour les maintenir. Le pape Léon IX, ayant
appris de l'archevêque de Carthage qu'il n'avait
plus que cinq évéques suffragants en toute
l'Afrique, lui dont les prédécesseurs avaient
vu deux cent cinq évéques dans les conciles de
Carthage, et que de ces cinq suffragants il y en
avait un qui s'érigeait en métropolitain (Léo IX,
Ep. n), il employa toute son autorité pour sou-
tenir les débris de l'ancienne grandeur des
archevêques de Carthage.
Nous avons raconté ci-dessus('onimi'iitla ville
de Tyr ayant été reprise sur les inliileles, celui
«jui en fut élu archevêque en vint recevoir le
l)a!liiirn à l'.onie du pape Honoré II, (|ui lui
rendit ses sullVagants anciens, le soumit lui-
même au patriarche de Jérusalem, et vida les
dilférends (\n\ s'étaient élevés à cette occasion
entre ce patriarche et celui d'Antioche Raro-
nius, an. 11-27, n. 21). Innocent II acheva ce
qu'Honoré H avait commencé (Conc, tom. x,
p. 918, etseq.).
Nous avons aussi rapporté ailleurs le règle-
ment du |)ape Alexandre IV sur les archevêques
et évéques, tant latins que grecs du royaume
de Chypre , dont la concorde était d'autant
plus nécessaire, et en même temps d'autant
plus difficile, (]ue les Grecs et les Latins dis-
convenaient d'humeur et de discipline, aussi
bien que de langue, et se trouvaient néan-
moins renfermés dans les mêmes villes, et dans
les mêmes maisons (Conc, tom. xi, part. Il ;
p. 23.53). Enfin ce ne fut aussi que sous l'auto-
rité du Saint-Siège que les deux archevêques
de l'île de Rhodes, l'un grec l'autre latin, ter-
minèrent leurs différends 'Spond., an. 1072,
n. 13).
XXI. Parmi les Grecs les empereurs conti-
nuèrent d'usurper l'érection des métropoles
;B:ironius, an. 1072, n. ii). Romain Diogène
éleva à cet honneur l'Eglise de Nazianze au
ra[)|)ort de Curopalate. « Hic imperator episco-
patum Nazianzi ad jura metropolitana per-
duxit. » Mais les princes chrétiens d'Occident
ont agi plus chrétiennement, et se sont con-
tentés qu'on requît leur consentement.
Ce n'est pas qu'en Orient les empereurs
n'aient quelquefois interposé l'autorité de
l'Eglise et des conciles pour cela. En voici un
exejiiple. Georges Phranzes rapporte que l'em-
pereur xMaurice, voulant gratifier la fidélité de
la ville de .Monambase, lui donna le titre d'évê-
ché et ordonna qu'elle serait la trente-qua-
trième des métropoles : que depuis l'empereur
Androuique lui accorda l'honneur d'être la
dixième métropole. Cet auteur rapporte que
cela se fit avec l'autorité du concile. « Impera-
toria majestate, suffragante synodo (Lib. m,
cap. 24.) » (I).
(1) Le Concordat ne rétablit pour la France que neuf iéges mé-
tropolitains : Aix, Besançon, Bordeaux, Bourges, Lyon, Paris, Rouen,
Toulouse, Tours, et un pour la Belgique, Malines. La bulle du 3 des
kalendes de décembre 1801 supprima et éteignit toutes les autres
métropoles en assignant seulement leurs titres à quelques-uns des
archevêchés conservés. En 1821, le Saint-Siège, d'accord avec le
gouvernement, rétablit cinq autres des anciennes métropoles ; Albi
Auch, Avignon, Reims et Sens. En 1&41, Cambrai recouvra égale-
ment son ancien titre métropolitain. Enfin, en 1861, le Saint-Sié^e
sur la demande du gouvernement français, a créé un nouvel arche-
256 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUARANTE-SIXIÈME.
CIL^PITRE QUARANTE-SIXIEME.
DES POUVOIRS ET DES DEVOIRS DES MÉTROPOLITAINS EN GÉNÉRAL ; ET DE LEUR MITLELLE COMMINI-
CATION AVEC LEl RS SLFFRAGANTS. EN PARTICLLIER DE LEUR JURIDICTION SUR LES SUJETS DE LEURS
SUFFRAGASTS SELON LE DROIT DES DÉCRÉTALES.
I. Preuves et exemples de l'aulorité des métropolitains sur
leurs snffragants.
II. Déférence des papes mêmes pour les sentences des mé-
tropolitains.
III. Limitation de Tautorité des métropolitains.
IV. Leur grande autorité éclate dans la visite de la province,
qui trouve sa consommation dans le concile provincial.
V. Pouvoirs des évèques dans le concde à l'égard même de
leur métropolitain.
VI. Exemple admirable de la soumission du cardinal de Lor-
raine à son concile provincial.
Vil. Du pouvoir immédiat des métropolitains sur les diocé-
sains de leurs sufTrajranls.
VIU. De l'étendue de ce pouvoir immédiat et ses limitations.
IX. Le métropolitain supplée à la négligence et à la malice de
ses inférieurs. Il corrige les mauvaises coutumes de sa province.
X. Il venge les insultes faites aux évêques ; il veille contre
les hérésies.
XI. Exemples de saint Paul et de saint Jean.
XU. Autres remarques.
I. Gerbert, arclievèqne de Reims, faisait bi(!n
voir quel était le poids de l'autorité d'un mé-
tropolitain sur .«ses suiïrafjiants. quand il écri-
vait à l'évèque d'Amiens que portant le far-
deau pesant de toute sa province , il était
encore plus particulièrement chargé de sa per-
sonne à cause de sa jeunesse et de sa légèreté,
qui ne convenait pas à la gravité d'un prélat :
« Etsi enim tolius metropolis Remoruiu nobis
cura injuncta^est, sed vestri potissimum, qui
et annorum teneritudine, et morum levitate
pondus sacerdotale necdiini ferre didicistis
(Conc, tom. ix, p. "iu, l-21'J). »
Lanfranc , archevêque de Cantorbéry , ne
traita pas avec moins de sévérité un de ses
sulIVagants qui refusait de déférer à ses juge-
ments , lorsqu'après avoir rapporté les canons
des conciles de Mcée, d'Antioche et de Tolède,
il lui apprend qu'un métropolitain n'entreprend
rien hors de son diocèse, lorsqu'il regarde toute
sa province comme son diocèse dans les ren-
contres où lesévêques manquent à leur devoir.
« Nec sobrius quisquam pulaverit hoc esse in
aliéna parochia temere aliquid pnesumere,
cum per misericordiam Dei toLim haiic, quam
vocaut Brilanniam insulam, unam uniiis nos-
trœ Ecclesite coustet esse parochiain. »
II. Les papes mêmes avaient du respect
pour les sentences des métropolitains. Témoin
.Vlexandre 111 à qui la sage complaisance qu'il
avait pour le roi Louis le Jeune de France ne
put jamais persuader qu'il révoquai un interdit
fulminé par l'archevêque de Reims. Il s'enga-
gea seulement à prier cet archevêque de sus-
pendre sa sentence jusqu'à ce que le différend
eiit été vidé dans sa cour archiépiscopale, ou
dans celle de l'évèque de Beauvais.
ïèché en élevant la ville de Rennes du rang épiscopal aux titre et
prérogatives de métropole. Ceci porte à seize le nombre des sièges
métropolitains recounus en France. Il y en avait dix-neuf avant la
révolution. Le titre de Narbonne a été ajouté à Toulouse, celui de
Vienne à Lyon, ceux d'Arles et d'Embrun à A.\x. 11 ne reste donc de
ces antiques métropoles que le litre; elles ne sont pas ce qu'on ap-
pelle dans le droit des Eglises unies, comme on en voit en Itidie, en
Espagne et ailleurs. Pour avoir les prérogatives et le titre d'Eglises
unies, il faudrait qu'elles eussent un chapitre et un trône épiscopal
permanent.
En ce qui concerne l'Espagne, le Concordat du mois d'Avril 1851,
a conservé les huit métropoles existantes , savoir : Tolède, Burgos,
ComposlcUe, Grenade, Saragosse, Séville, Tarragone, Valence, et en
a créé une neuvième dans la ville de Valladolid. Les quelques Eglises
cathédrales qui ont été supprimées, ont été unies à d'autres en con-
servant néanmoins leur chapitre, présidé par un abbé, avec charge
d'âmes, composé de deux dignités, le magistral et le théologal, de
huit chanoines ordinaires et de six bénéfîciers. Voilà ce qu'on appelle
une Eglise unie ; alors l'évèque prend le titre d'évégue de JJuesca
et Barbastro uniei^
On sait que Pie IX, en rétablissant la hiérarchie catholique en
Angleterre, a créé le siège métropolitain de Westminster.
Les nouvelles conventions avec le Saint-Siège, survenues par suite
des révolutions, ont introduit des changements dans l'Allemagne et
dans les p-tys du Nord. Voici les métropoles des possessions autri-
chiennes ; Vienne, Gran, Erlau, Colocza, Agram, Saltzbourg, Prague,
Olmulz, Goritz, Zara, Lemberg, Venise. Il y a en outre deux métro-
poles du rit grec uni, savoir ; Lemberg et Fogaras. Le métropolitain des
catholiques delà Prusse rhénane est l'archevêque de Cologne ; celui des
provinces rhénanes. rar<hevèque de Fribourg en Brisgau \ celui de
Pologne, l'archevêque de Varsovie ; celui des Russes catholiques,
l'archevêque de Mohilev.-. Léopol est en outre une ville de Lithuanie
qui réunit trois métropolitains catholiques, portant tous le titre d'ar-
chevêque de Léopol ; celui du rit latin, celui du rit arménien catho*
lique, celui du rit ruthéne. Nous croyons avoir fait connaître exacte-
ment tous les changements survenus dans les archevêchés, dans les
Etats susmentionnés par suite des révolutions. Les métropoles de
l'Irlande n'ont éprouvé aucune modification ni suppression. L'Italie,
bouleversée actuellement de fond en comble, ne tardera pas à subir à
son tour les effets de ses convulsious politiques. (Dr André.)
DES POUVOIRS OES MÉTROPOI.TTAINS.
2o7
Voici comme il en écrivit au roi même (Conc,
tom. X, p. I3"20) : « lllud lionesiiiis visum
esse coyiioscas, ut von. Fra. Hliemensi arcliie-
l)iscoi)0 (leprecatorias litteras sicut ex rescriplo
earum videre poteris, milteremus, rogantcs,
ut intervenlu nostro, et tui honoris olitentu,
interdictum illud relaxet, donec causa illa in
curia cjus, vel Bellovacensis episcopi fmem
debitum sorliatur, etc. Aliter enim minus ho-
nestum osset, utsenlontiam a tanto viro cano-
nice pronuilgatam, sine ejus conscientia facile
solveremus. » '
III. Il est vrai que les évêques ayant autant
(le pouvoir dans les conciles, que leur dignité
et leur nombre leur en donnent très-justement,
ils y apportent aussi quelquefois des tempéra-
ments aux entreprises moins canoniques des
métropolitains.
Le concile I" de Lyon défend à l'archevêque
de Reims de ne plus établir aucuns officiaux
forains dans les diocèses de ses sulTrapants,
parce qu'il n'y peut rendre aucun jugement,
ni par lui-même, ni par ses vicaires, si ce n'est
en cas d'appel (C. Romana Ecclesia in Sexto.
De Officio Ordinarii); auquel cas il commence
à avoir juridiction dans le diocèse de son suf-
fragant, et il y peut par conséquent déléguer
pour connaître de l'appel : mais avant l'appel
il n'y a point de juridiction, et il n'y peut par
conséciuent substituer des vicaires, si ce n'est
que par une coutume particulière l'archevêque
de Reims eût acquis ce pouvoir. « Nisi aliud
Ecclesia Remensis de consuetudine obtineat
speciali. »
Ce même concile défendit aux officiaux des
archevêques de publier aucune sentence d'in-
terdit, de suspension ou d'excommunication
contre les sufTragants, pendant que l'arche-
vê(|ue est dans la province, ou qu'il n'en est
pas loin (Ibidem).
IV. L'archevêque ne laisse pas d'avoir auto-
rité dans les diocèses de ses sufîragants, pen-
dant le cours de sa visite provinciale ; mais le
fruit de ces visites consiste principalement h
faire assembler aussitôt après le concile pro-
vincial, et y faire des ordonnances conformes
aux besoins qu'il y a remarqués.
C'est comme en usa l'archevêque de Tours,
en 1253, dans son concile provincial de Sau-
nuir : « Nos sanctorum canonum et pra'deces-
sorumnostrorumvolentesservare statuta, et ea
quœ visitando provinciam Turonensem corre-
ctione uovimus indigere, corrigere cupientes,
vocatis vcnerabilibus fratribus , Turonensis
l)rovinciM' episcopis, etc. ((^anon i). » Nous trai-
terons plus au long dans la suite de la visite de
la province par l'archevêque, et du concile
provincial.
V. Les évêques assemblés dans le concile
provincial peuvent devenir eux-mêmes les
censeurs charitables et les respectueux moni-
teurs de leur métropoUtain , si sa conduite
n'est pas édifiante , en l'avertissant de soutenir
par la religieuse gravité de ses mu'urs, la ([ua-
lité de père qu'il porte à l'égard des autres
évêques , et en informant son supérieur im-
médiat, ou le pape niême, des excès où il s'est
porté.
Ce fut le décret du concile de Bàle : « De
ipso metropolitano diligenter incpiiratur, cujus
excessus et defeclus ipsum concilium eidem
specialiter exprimat , ipsum admonendo et
obsecrando, ut cum aliorum pater vocetur et
esse debeat, atalibus omnino désistât. Et nihi-
lominus inquisitionem de ipso habitam , in
scriptis redactam, ad Romanum pontificem,
vel alium ejus superiorem si quem habeat,
sine niora transmittat, ut ab eo punitionem et
reformationem suscipiat condecentem (Sess.
15). »
VI. Ce fut peut-être dans la vue de ce décret
que le cardinal de Lorraine ayant assemblé son
concile provincial de Reims, se soumit d'abord
lui-même et toute sa conduite au jugement et
à la censure du concile , conjurant les prélats
d'informer de sa vie, de ses mœurs et de son
administration : « Inquirerent de vita et mori-
bus, et quemadmodum se gesserit in adniini-
strando archiepiscopatu (ActaConcil. Rhemen-
sis, an. i.")C'K Congr. ii) ; » offrant de remettre
entre leurs mains les registres de son greffe,
de son officialité et de sa dépense, pour y être
examinés : « Se curaturum ut afferrentur codi-
ces rationum, tam Sigilli,quam Registri curiœ
ecclesiastica;, vidèrent, an iis esset maie versa-
tus, etc. Se codices rationum suarum esse de
positurum, etc. »
Enfin cet archevêque cardinal prit ses sufîra-
gants pour ses juges, soumettant à leur examen
même ses ordonnances synodales : « Se corre-
ctionem minime velle detrectare, ipsosque epi-
scopos suarum actionum judices constituere,
se sua synodalia statuta exhibiturum, ut si
opus esset, eis suam censuram adhiberent. »
Il y a de l'apparence que cet archevêque était
encore alors tout brûlant du zèle et de la fer-
Th. — Tome I.
17
2â8 DU PKEMIEK OUDRE DES CI.EHCS. — CHAPITHE QUARANTE-SIXIÈME.
veur de tant ilc saints jirélats qu'il avait vus et
admirés pendant les dernières sessions du con-
cile de Trente. Quoi qu'il en soit, il faut que ces
lois de la sainteté pastorale soient bien bril-
lantes et pleines d'inelïables attraits , puis-
qu'elles se t'ont quelquelois si fortement aimer
par ceux mêmes d'entre les prélats qui sont
le plus engaf^és dans les embarras du monde.
VII. Mais pour en venir aux pratiques les plus
importantes, et pour les traiter en détail et
avec ordre, nous examinerons premièrement
les pouvoirs des métropolitains sur les sujets
de leurs sutfragants, et ensuite nous parlerons
des droits (ju'ils peuvent canoniquement exer-
cer sur leurs suiîragants mêmes.
Etienne, évètiue de Paris en 113-2, résista
vigoureusement à l'arclievêque de Sens Hemy,
qui voulait attirer à son tribunal la cause d'un
diocésain de Paris (Spicilegii, tom. ni, p. l.ir\).
a Nunquam reverenda patrum sanxit autori-
las, nusquam hoc servare consuevit anti(iuitas,
ut aliarum Ecclesiarum causas alicui melro-
politano liceat terminare, vel sine consensu
illius episcopi, cui cura commissa est, judicia
judicare. »
L'archevêque de Reims ayant fait quelques
entreprises préjudiciables aux droits de l'épis-
copat sur les diocésains et sur les ecclésiasti-
ques mêmes de l'évêque de Soissons son suffra-
gant, ce prélat implora l'assistance de tous les
autres évêques de la même province, et le sa-
vant Ives de Chartres le seconda de sa plume,
écrivant à tous ces prélats que leur autorité
sacrée était anéantie, si l'archevêque se don-
nait la liberté de commander tout ce qui lui
plairait à leur insu, ou de juger des causes
ecclésiasticiues de leurs diocèses, ou enfin de
décerner contre eux quelques censures (Episl.
cxxxMi) : « Si concessum fuerit utmetropolita-
nus in Ecclesiis comprovincialibus absque con-
sensu episcoporum, (jui ois prœsunt, quidquid
voluerit, vakat inqierare , clericos earumdem
judicare, vel ah officio suo suspendere, digni-
tali episcopi indigna fiet viokntia, et autori-
lati sauctorum Palriim ruinosa injuria. »
A cela Ives ajoute la lettre du pape Nico-
las I" à l'archevêque de Courges, dont il a été
parlé ci-devant, et où ce pape déclare (jue les
primats et les patriarches n'ont aucun pouvoir
qui ne leur soit conunun avec les autres évê-
ques, s'il ne leur est ex]iressément donné par
les canons, ou jiar la coutume. «Primates
enim vel patriarchas nihil privilegii haberc
lirœ cseteris episcopis, nisi quantum sacri ca-
nones concedunt et prisca consuetudo illis an-
tiquitus contulit, difflnimus. »
Le pape Innocent III inséra ces mêmes pa-
roles du pape Nicolas dans une de ses décré-
tales adressées à l'archevêque de Tyr, où il
assure que les patriarches ne peuvent s'ingérer
dans les causes des ecclésiastiques de Tyr, ou
de quelque autre diocèse, si elles ne sont por-
tées a leur tribunal par appel, ou s'ils n'ont
reçu pour cela quelque pouvoir ou quelque
privilège particulier du Saint-Siège. « Quandiu
clerici tui toram te voluerint stare juri , com-
pelli non debent judicium patriarchœ subire;
nisi causa per appellationem ad ejus audien-
tiam perferalur, autei aliquid super hoc a Sede
Apostolica sit indultum (C. Duo sinmi. Extra,
de Offlc. Jud. Ordinarii). » Ce j)rivilége serait
apparemment le même que celui des légats a
lalcre, à qui le pape permet de connaître de
toutes sortes de causes, même en première ins-
tance.
VIII. Ce même pape déclare dans une autre
décrétale que l'archevêque peut bien déléguer
quelqu'un des diocésains de ses sulfragants
pour juger d'une cause dont on a appelé à
son jugement; mais il ne peut le contraindre
d'accepter cette délégation, parce qu'il n'a
aucune juridiction sur lui, si ce n'est dans les
cas exprimés dans le droit. « Ad susci])iendam
delegationem compellerenequit invilum; cum
in euin exccptis quibusdam articulis nuUam
habeat polestatem (C. Pastoralis. Ibid). »
Le droit permettait néanmoins aux métro-
politains d'exercer une juridiction immédiate
sur les sujets de leurs sulfragants lorsqu'ils
troublaient par des injures notoires l'exercice
de leur puissance légitime, soit dans la visite
de leur province, soit dans la convocation de
leurs sulfragants au concile. « Dummodo exi-
stât injuria notoria. »
A ce droit comnmn le pape Innocent IV
ajouta un privilège singulier, qui passa depuis
en droit commun, de imuvoir punir toutes les
offenses notoires qu'on commettra contre leur
personne , ou contre leurs officiers , pendant
qu'ils exercent leur jiu'idiction légitime, quoi-
que ces offenses ne mettent aucun obstacle au
cours de leur juridiction. « Metropolitanis in
suis provinciis, dum sic in illis jurisdictionem
exercent, puniendi notorias et manifestas of-
fensas, tune eisdem illatas, vel suis, etiamsi
exinde impediri jurisdictionem hujusmodi non
DES POUVOIRS DES MÉTKOPOLITAliNS.
-2."i9
contiri'irat, libéra sit de nostra spécial! tonccs-
sione lacultas ^in sexlo C. llomana Ecclesia De
Pœnis). »
Suivant une autre décision du même Inno-
cent IV, rarciievèque ne peut pas relâcher les
sentences d'interdit, de suspension ou d'excom-
municalion, fuhninées par les officiaux des
archidiacres de ses suHraganls, s'il nest auto-
risé par quelque coutume particulière : « Salva
contraria super hoc consuetudine, si quani
liabet. 0 Et les exconiniunications lancées par
l'archevêque, ou par ses ofticiaux, ne peuvent
s'étendre que sur ceux qui sont sous sajuridic-
tion (In sexto. C. Romana Ecclesia. De Sent.
Excomrnun.V
Mais si les sentences d'excommunication ont
été prononcées par les évèques mêmes, ou par
leurs officiaux, l'archevêque peut les délier si
les parties en appellent. « Si a liti;i;anlibus ad
eos fuerit provocatum. » Les simples plaintes
des parties ne suffisent pas, et ne rendent pas
l'archevêque leur juge : « Cum sui non sint
judices (C. Venerabilibus. Ibid . »
La différence de ces deux résolutions vient
de ce que l'on peut appeler de levéque à l'ar-
chevê(jue, mais non pas des archidiacres de
l'évèque, dont on ne peut appeler qu'àTévèque
même. Enfin, selon ce pape, l'archevêque peut
imposer des amendes pécuniaires , dans les
cas où il peut excommunier, et dans les lieux
où cette coutume est établie. On sait combien
la France a apporté de modifications a cette au-
torité.
Il faut encore distinguer les causes où il
s'agit de l'excommunication d'avec les autres.
Car comme c'est la plus redoutable de toutes
les peines, et qu'elle ne peut être suspendue
par l'appel, aussi l'archevêque en peut devenir
juge par la seule plainte sans appel de la partie
excommuniée , à condition néanmoins qu'il
renverra premièrement à l'évèque celui qui se
plaint de sa précipitation, afin quille délie lui-
même. Que si l'évèque refuse, l'archevêque
l'absoudra, eu l'obligeant par serment de satis-
faire à son évêque, et le rengageant dans les
mêmes liens, s'il manque à son serment , à
moins qu'il fût évident que rexcommunication
a été injuste (C. Ad reprimendam. Extra De
OfBc. Jud. Ordinar.). C'est la décision d'Inno-
cent m.
Sur la question qui fut proposée, si l'arche-
vêque connaissant d'une cause par appel, peut
relâcher ou diminuer la peine décernée par
l'évèque, on opinait qu'il ne le pouvait pas,
parce que le devoir du juge d'appel est simple-
ment de confirmer ou de casser la sentence
prononcée en ])remière instance, ou de pro-
noncer qu'il a été bien ou mal appelé. Après
(|uoi il n'a plus de Juridiction {Fagnan. in 2,
p. 2., l.i. Décret., p. 4oo, -4."iC). La congrégation
du concile était d'avis que le métropolitain ne
pouvait point faire de grâce en confirmant la
sentence prononcée et en adoucissant les
peines : mais comme il n'était pas constant que
le juge de la première instance pût lui-même
faire grâce, elle aima mieux ne rien pronon-
cer.
IX. Le métropolitain peut suppléer à la né-
gligence des évèques de sa province (C. Licet.
et C. finali. De suppl. Negl. Pral.) : 1° En con-
férant les bénéfices auxquels ils n'ont pas
pourvu dans le temps prescrit par le concile
de Latran. -l" En faisant l'élection qu'ils ont
négligé de faire. 3° En donnant l'institution
ou la confirmation qu'ils ont injustement re-
fusée à celui qui leur était présenté, i' Si pen-
dant que l'évèchè est vacant, le chapitre né-
glige l'administration temporelle ou spirituelle
du diocèse, le métropolitain peut nommer un
visiteur ou administrateur (In sexto. C. finali.
De suppl. Negl. Pral.). « Si sorte Capilulum in
spiritualibus et temporalibus negligenter aut
perperam administret. Tune archiepiscopus ob
negligentiam, vel maliliam capituli, eovocato.
causœque super hoc cognitione prœmissa, visi-
tatorem, seu administratorem eidem Ecclesia*
licite poterit delegare. » Voilà ce qu'ordonna
Boni face Vlll.
A Costa a cru que le pape Innocent lll avait
donné à l'archevêque d'Auch le pouvoir de
réformer tous les réguliers de sa province,
« Monachi, canonici, et alii regnlares tuœ pro-
vinciae, » parce que leurs abbés négligeaient
de le faire, et qu'un désordre si universel de-
mandait une autorité supérieure à celle des
évèques. « Quia in tam gravibus et manifestis
excessibus major autoritas et potestas necessa-
ria videtur Innocentio lll. » C'est sur le cha-
pitre Quaiito. De Officia Ordinarii.
o" Le métropolitain supplée non-seulement
à la négligence, mais aussi à la malice des pré-
lats. Car la juridiction de l'inférieur est dévolue
au supérieur, aussi justement et aussi néces-
sairement , par la malice affectée, que par la
négligence du juge inférieur. Cela paraît dans
le texte du décret de Boniface que je viens
2é'6 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-SIXIÈME.
d'alléguer, et on le prouve encore par un décret
d'Innocent lY au concile de Lyon, où il est
porté (jne l'archevêque à qui une partie juste-
ment excommuniée a appelé, la renverra ab-
soudre à l'évêque qui l'a excommuniée, et ne
l'absoudra point lui-même, si ce n'est que
l'évêque refusât malicieusement de le faire (C.
Venerabilibus. In sexto §, sane de Sent, excom.).
« Si requisitus, malitiose deneget. » Le pape
Alexandre 111 avait aussi décidé que l'archevê-
que pouvait absoudre ceux que son suffragant
avait excommuniés, s'ils offraient de satisfaire,
et si l'évêque ne refusait pas seulement de les
absoudre, mais appelait aussi à Rome pour
empêcher le métropolitain de le faire (C. Qua
fronte. De Appellat.).
0° Innocent III permet au métropolitain de
lever l'excommunication , dont l'évêque a
frajvpé par une injustice toute notoire celui
qui appelait de sa sentence au pape (C. SoUici-
tudinem. De Appellationibus).
Le métropolitain peut exercer une juridic-
tion immédiate sur les sujets de ses suiïragants,
quand il s'agit de corriger une coutume dan-
gereuse , universellement répandue dans sa
province. Innocent III manda à l'archevêque
de Cantorbéry d'empêcher que les lils ne suc-
cédassent immédiatement à leurs pères dans
leurs bénéfices dans sa province (C. Ad extir-
pandas. De filiis i'resb.i. Le pape Alexandre III
confirma l'exconnunnication décernée par l'ar-
chevêque de Cantorbéry contre tous ceux de
sa jirovince (pii avaient envahi leurs bénéfices
sans se faire instituer par l'évêque, cet abus
étant alors très-commun (C. Ex Frequentibus.
De Institiitioiiibus). « Cum ex officiii tibi coin-
misfo, tam iniquamconsuetudinem de provin-
cia tua, velis, sicutdebes, radicitus extirpare. »
Enfin, les évêques et les archidiacres de la
province de Cantorbéry s'étant laissé aller à
une sordide avarice et à des exactions simo-
niaqnes dans l'institution des bénéficiers , le
pape Innocent III enjoignit à l'archevêque de
Cantorbéry de s'applicpier avec soin à corriger
cv\ abus : « Pravam illam consuetudinem de
tua provincia studeas abolere (C. In lantani.
De Simonia), etc. » Quand saint Augustin vou-
lut autrefois faire bannir de toute l'Afrique
les festins et les dissolutions qui se faisaient
sur les tombeaux dos Martyrs, il conjura Aurèle,
archevè(|ue de Carthage, de commencer par
son Eglise, qui serait comme un modèle que
les autres imiteraient sans peine.
X. Si les chanoines mettent leur Eglise pro-
pre en interdit sans une cause juste et mani-
feste, et avec quelque mépris de l'autorité
épiscopale, le pape Innocent III ordonne que
sur les plaintes de l'évêque, le métropolitain
prenne connaissance de cette cause, comme
délégué du Siège apostolique, et cliàlie l'audace
des chanoines : « Metropolitanus ad querelam
episcopi,tanquam super hoc delegatusa nobis,
taliter eos per censuram ccclesiasticam cognita
veritate castiget, quod metu pœnœ talia de
cœtero non prœsumant (C. Irrefragabili. De
Offic. .kidic. Ordin.). «D'où il résulte que dans
toutes les insultes que les évêques pouvaient
recevoir de la j)art des chapitres, le métropoli-
tain était comme le juge de toutes ces sortes
de démêlés, où il était plus honnête que l'évê-
que ne vengeât pas lui-même ses propres in-
jures.
Lorsque le Saint-Siège délègue pour les né-
cessités de quelque province, il est de la bien-
séance que cette commission soit donnée au
métropolitain. Ce qu'on peut justifier par une
lettre de saint Rernard, où il se plaint de ce
que le pape n'avait pas délégué l'archevêque
de Trêves pour vider le dilférend des Eglises
de Verdun et de Metz (Epist. clxxiu).
Si l'hérésie s'est glissée dans la province d'un
métropolitain , il doit en faire la visite une ou
deux fois chaque année, et y ajiporter tous les
remèdes nécessaires ( C. Excommunicamus.
§ Adjicimus. De haereticis). Les causes crimi-
nelles entre les évêques et les clercs doivent
être jugées par le concile provincial, et par
conséquent par le métropolitain , qui devien-
dra juge des clercs comme il l'est des évê-
ques.
Il en est de même d'un laïque qui calomnie
son évèque, ou d'un clerc qui lui intente pro-
cès en matière civile (G. q. ii, c. i, n; q. r,
c. 40). Car dans toutes ces rencontres l'arche-
vêque étant le juge particulier des évoques, et
le juge universel de la province, c'est à lui que
les évêques doivent rap[)orter leurs causes, si
l'on s'en tient précisément aux lois canoniques.
XI. Ce sont là les principaux cas qui donnent
ouverture à la juridiction immédiate de l'ar-
chevêque sur les sujets de ses suffraganls (19.
q. ni). Au reste, ce petit nombre d'exceptions
ne détruit pas la règle générale que les arche-
vêques ne peuvent rien dans les évèchés de
leurs suiïragants à leur insu , si ce n'est pour
suppléer à leur négligence. Sur quoi Gratien
DES POUVOIRS SINGl'LIKRS DES MÉTROPOLITAINS.
26
rapporfe fort à propos l'exemple de saint Paul,
qui châtia kii-niènie le (lorinlliien incestueux,
parce qu'on en né};liareait la correction à Co-
rintlie. Et au contraire, l'apôtre saint Jean se
contenta d'avertir révè(]ue d'Ephèse de corri-
ger queUpies désordres de son diocèse, parce
que le zèle de ce jirélat ne néglisjreait rien.
« Sic et Apostolus quia Corinthios vidit nejili-
gentes circa correclioneni fornicatoris , sua au-
toritate illum daninavit. Joannes vero quia
episcopiun Epliesiorum \idit jiaratum ad cor-
rigenda vitia subditorum, sine ejus autoritate
illos corrigere noluit; sed illum tautum de
eorum correctione admonuit (9. q. S. c. ix'i. »
Ce sont les paroles de Gratien, tirées de Bède
ou de la Glose.
Xll. 11 ne faut pas oublier ces deux remar-
ques de la Glose : 1" Que le métropolitain ne
peut pas juger de la cause principale, mais de
l'appel seulement, si on a appelé avant la sen-
lence de l'évèque, mais si on n'a appelé qu'a-
près la sentence prononcée, il peut connaître
de la cause même (In (i. c. i. de foro compe-
tentii. 2° Que quoique le métropolitain, dans
les cas où il a juridiction, ne puisse contraindre
les diocésains de ses sutTragants d'accepter la
délégation (|u'il leur oil're, ou de rendre té-
moignage [C. Pai-toralis. De olficio Ordinarii).
il peut néanmoins exercer sa juridiction et
l'iire exécuter sa sentence, ou en obligeant les
parties de convenir de ([ueliiu'un, ou en man-
dant à révècpie de contraindre son diocésain
d'accepter la délégation, ou de rendre témoi-
gnage, et enlin en conunandant à son sutlra-
gant de faire exécuter sa sentence.
Il faut finir ce cliapitre et passer aux pou-
voirs du métropolitain sur ses suffragauls mê-
mes, et surtout dans le concile et pendant sa
visite. En jiarlant du concile et de la visite, il
se trouvera encore quel(|ues marques de sa ju-
ridiction sur les diocésains de ses sultragants,
quoitiue nous nous réservions à parler plus au
long et du concile provincial et de la visite des
archevêques dans le second livre. On pourrait
avoir formé quelques objections contre ce qui
a été dit dans ce chapitre, tirées des pouvoirs
extraordinaires de l'archevêque de Cantorbéry.
Mais il vaut mieux en réserver l'éclaircisse-
ment à la fin du chapitre suivant, où nous fi-
nirons ce que nous avions à dire des pouvoirs
des métropolitains selon les Décrétâtes.
CHAPITRE QUARANTE-SEPTIE^IE.
DES POUVOIRS DC METROPOLITAIN SIU LES SIFFRAGANTS. SEL0> LE DROIT DES DECRETALES.
POUVOIRS SI>GULIERS DES ARCHE>'ÊQUES DE CANTORBÉRY.
I. Le métropolitain élisait, examinait et ordonnait ses sutfra-
gants selon le droit nouveau des décrétales.
II. Les sulîragants devaient visiter quelquefois le métropoli-
tain et son Eglise.
m. Le concile de Tours tenu après le concordat, et après le
concile de Trente, renouvela presque tous ces usages.
IV. Déclaration de la congrégation du concile, sur les pou-
voirs du métropolitain dans le concile provincial.
V. Pouvoirs du métropolitain dans la visite de la province.
VI. Singularité remarquable des pouvoirs immédiats de l'ar-
chevêque de Cantorbéry dans tous les évèchés d'Angleterre.
Vit. .Autres pouvoirs des métropolitams, selon saint Anselme.
VIII. Vigoureuse résistance d'un évéque à son métropolitain.
IX. Ce que peut un évéque dans le diocèse d'un autre évéque-
I. Après avoir montré que non<d)stant la
maxime fondamentale du droit, savoir que la
juridiction du métropolitain s'étend bien plutôt
sur la personne de ses suflragants que sur leurs
sujets, il ne laisse pas de faire ressentir eu
I)lusieurs rencontres les effets de sa puissance
aux sujets même de ses évoques stillragants. Il
nous faut ici rechercher quels sont les pouvoirs
qu'il exerce sur les personnes des évêques de sa
province.
Le premier pouvoir du métropolitain sur ses
suffragants est celui de les ordonner. Le pape
.\lexandre II. dans sa lettre à l'archevêque de
Reims , Gervais, n'attribue qu'à la négligence
des métropolitains l'inondation honteuse de la
262 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-SEPTIÈME.
simonie dans l'Ejrlise, puisciii'il est certain que
les évêqiies n'auraient jamais acheté si cher
l'examen rigoureux et le refus inévitable d'un
sévère consécrateur. « Quod totum arcbiepi-
scopis computamus. Nemo enim simoniacus
emptionem iniret, si se consecrandum fore
desperaret. Sed quia archiepiscopi sine discre-
tione consecrant, multi indiscrète ad episco-
patus aspirant. »
Ce droit d'ordonner les évêques comprend
celui de les examiner, de les confirmer, de les
élire en quelque façon. Car ceux qui examinent
et qui confirment sont les véritables électeurs,
s"ils s'acquittent de leur devoir avec toute la
sévérité qu'une dignité si sainte et si impor-
tante demande.
Une décrétale du pape Luce III nous apprend
que toute la rigueur de l'ancien droit subsiste
encore dans le nouveau droit des décrétales,
où il estordonnéquesi farchevêque est décédé,
tous les évêques de la province s'assembleront
dans l'Eglise métropolitaine pour en ordonner
un autre. Et si c'est une Eglise épiscopale qui
est vacante, l'archevêque pourra nommer trois
de ses suflragants pour ordonner celui qui
aura été élu, avec l'agrément de tous les autres
évêques de la province; mais il est bien plus
convenable (pi'il tasse lui-même l'élection du
plus digne, et ([u il le consacre étant accompa-
gné de tous les autres évêques de sa province.
Voilà en abrégé toute l'ancienne disciiiline
de l'Eglise sur ce sujet. « Si archiepiscopus
obierit, et aller fuerit ordinandus, omnes epi-
scopi ejusdem provinciœ ad sedem metropoli-
tanam conveniant, ut ab omnibus ordinetur.
Reliqui vero comprovinciales episcopi, si ne-
cesse fuerit, cteterisconsentientibus, a tribus
jussu archiepiscopi poterimt ordinari : sed
melius est, si i])se cum omnibus, eum qui di-
gnus est, elegerit, et cuncti pariler pontificem
consecraverint (C. Si Archiepiscopus. De tem-
porib. ordinati). »
Les lois canoniques sont donc encore les
mêmes : mais il s'en faut beaucoup que l'ob-
servance en soit aussi rigoureuse qu'elle était.
Ce pape ne permet à l'archevêque de déléguer
(]ueliiu'un de ses sull'ragants en sa place, pour
être le consécrateur, (jue dans la nécessité: «Si
necesse fuerit. » L'archevêque de Tours douta
même s'il ])Ouvait se donner cette liberté ,
«[uand une lâcheuse maladie ou (]ucliiue autre
juste cause l'en empêchait; il en consulta le
l)ape Innocent III ('.. Quod Sedem. De offic.
ordin.), et donna occasion à une décrétale qui
le lui permettait, et qui obligeait le nouveau
prélat de recevoir la consécration de son dé-
légué.
IL C'est encore un article important de la
dépendance des évêques, à l'égard de leur mé-
tropolitain, que l'obligation de les visiter dans
leur Eglise métropolitaine, et de les consulter
dans les plus difûciles questions qui se présen-
taient ;Reg. xni. Epist. cxcu). Le pape Inno-
cent III s'emporta d'une juste colère contre
lévêque de Poitiers, qui depuis son ordination
n'avait jamais rendu de visite à l'Eglise métro-
liolitaine de Bordeaux: « Qui ex quo promotus
fuit in episcopum, nunquam metropolitanam
Ecclesiam post modum visitavit; licet jduries
vocatus fuerit ad eamdem. »
11 ne se peut dire rien de plus respectueux,
ni de plus édifiant que ce que Lambert, évêque
d'Arras, écrivit environ l'an onze cent à far-
chevêque de Reims et au chapitre (Spicileg.
t. a, pag. r)48, etc.), pour s'excuser sur une
impuissance insurmontable de ce qu'il n'avait
point encore été lesvisiterdepuissa promotion.
III. Ces lois subsistent encore, et le concile
de Tours en 1583 travailla encore à renouveler
cette mutuelle correspondance des évêques
avec leur métropolitain, ijui doit prendre son
commencement par leur ordination, que ce
concile réserve uniquement au métropolitain
(!t aux évêques de la province.
En voici les paroles (Conc. Tur. An. 1383,
fit. de Episcopisi : «Cumsuometropolitnno, et
coepiscopis sutîraganeis, de his qu;e sunt sui
pastoralis ofûcii sœpius conferre; eaque de
causa metropolitanus et sui suffraganei mutuam
inter se gratiam et familiaritatem inire, seque
mutuo agnoscere debeanf. Archiepiscopus con-
secrari minime possit ab alio. quam suo pri-
mate, vel antiquiore suo suffraganeo, duobus
aliis suis sutfraganeis prtpsentibus, per ipsum
metropolitanum accersendis : episcopi vero ab
alio quam suo metropolitano , assistcntibus
cliam diiobus sutîraganeis. quos ipse metropo-
litanus eligere maluerit, in projjria ecclesia si
commode fieri possit, vel alla cathedrali pro-
viiirinp, per ipsum metro[)olitanum designanda,
non alibi, nec clam, aut occulte, consecrari
wm valeant. »
Ce serait là un précis de toute l'ancienne
disci|)line sur ce sujet, si on y avait ajouté
qu'il serait beaucoup plus à propos que tous
les évêques de la province s'y rencontrassent.
DES POUVOIRS SINGllUKItS DES MÉTIIOPOLITAINS.
2()3
Il est à remarquer que ce concile de Tours a
été tenu depuis le concile de Trente ; et i)ar
conséquent depuis le concordat par le(|uel
les élections étant abolies , on n'est parvenu
aux évêchés que par la nomination des rois.
Cependant l'ancienne discipline ])eut encore
persister dans sa vigueur , si les évoques s'ac-
quittent de ce qu'ils se doivent à eux-mêmes et
de ce qu'ils doivent à leurs Eglises.
IV. Comme c'est encore une des plus impor-
tantes obligations de l'archevêque, aussi bien
(|u'une des plus illustres marques de sa juri-
diction, d'assembler son concile provincial et
d'y appeler tous les évê(jues de la province , on
a proposé diverses difficultés sur cette matière
à la congrégation des cardinaux du concile; et
en voici les résolutions qui nous ont été con-
servées par Fagnan. Le concile étant une fois
assemblé , l'archevêque seul ne peut pas le
congédier sans le conseil et le consentement
des autres évoques (In Libr. v, Décret, x, par. i,
pag. 139. Et in 1. i, part, u, p. 538). II ne peut
pas non plus sans leur avis imposer silence,
faire entrer ou sortir les prélats, faire lire (]uel-
ques écrits : il y peut juger les causes civiles
de ses suffragantset même de leurs sujets, dans
les cas exprimés dans le droit. Il n'y peut user
de censures contre les êvêques qui usurpent sa
juridiction, ces sortesde causes se devant juger
hors du concile.
Il ne suffit pas que conformément au concile
de Trente, le concile provincial ait jugé que la
visite de l'archevêque était nécessaire dans
quelque évêché de la province, mais il est né-
cessaire que l'évêque même soit entendu dans
le concile et qu'en sa présence on y examine
les justes raisons du besoin de la visite dans
son diocèse. Toutes les délibérations du concile
devant se terminer par l'avis et le consente-
ment du métropolitain et des évêques comi)ro-
vinciaux, si le métropolitain était d'un avis et
les sufîragants d'un autre, le pape même à qui
la congrégation du concile se rapporta de ce
cas, répondit que les évêques l'emporteraient
sur le métrojjolitain, parce qu'ils ont tous voix
décisive, qu'ils sont tous juges, et que tout se
doit décider à la pluralité des voix. Plusieurs
canonistes avaient cru qu'il fallait alors s'en
rapporter au pape.
V. Le dernier des pouvoirs du métropolitain
que nous traiterons et qui s'étend autant et
peut-être encore ])lus sur les sujets que sur la
jjcrsonne des évêques consiste dans la visite de
la province (Kpisf. nxxxu). Yves de Chartres
pria rarchevêijue Daimbert de Sens de venir
faire la visite de son diocèse pour prendre con-
naissance et faire la correction des dérèglements
de son clergé (G. Cum ex oflicii. De pra'scrip).
Innocent III confirma l'excommunication
fulnu'née par l'archevêque de Sens contri;
ceux (|ui lui refusaient les droits de procura-
tion dans la visite qu'il faisait de l'évêché de
Paris.
Innocent IV déclare (jue les archevêques,
après avoir fait la visite de leur diocèse, pour-
raient faire la visite de leur province tout en-
tière, ou en partie, visitant les villes et les
villages, les évêques et leurs diocésains, les
chai)itres et les monastères, le clergé et les
peuples, et exigeant la procuration de ceux qui
ont accoutumé de la payer (In 0. C. Romana
Ecclesia. De Censibusj. Si quelque partie de sa
province est dans quelque besoin extraordi-
naire, il pourra en recommencer la visite avant
que d'avoir visité le reste de la province, pourvu
que ce soit à la demande de l'évêque diocésain,
ou de l'avis de la plus grande partie des com-
provinciaux, ou à leur refus sans cause, de l'a-
grément du Siège apostolique. L'archevêque
pourra recommencer une seconde fois la visite
de sa province, s'il le juge nécessaire, en ayant
pris l'avis de ses suffragants, quoique leur con-
sentement ne lui soit pas nécessaire. U ne peut
procéder contre les crimes qui ne sont pas
notoires, que par des remontrances et des ré-
primandes. Il peut enjoindre aux évêques d'in-
former jurithciuement des crimes dont il s'est
déjià répandu quelques bruits. Mais quant aux
crimes notoires, il a le pouvoir tout entier de
les châtier, puisqu'il est clair que révê(jue a
négligé de le faire.
Le pape Boniface VIII déclare que selon la
constitution d'Innocent IV l'archevêque pou-
vait visiter sa province, quoique les évêques
ne fussent coupables d'aucune négligence (Ibi-
dem. C. Finali); qu'il pouvait réitérer la visite,
recevoir les procurations nonobstant les cou-
tumes contraires, entendre les confessions, ab-
soudre et imposer des pénitences.
VI. J'ai cru qu'il ne serait pas hors dt^ pro-
pos d'ajouter ici une singularité fort remar-
quable des pouvoirs de l'archevêque de Cantor-
bèry dans les diocèses de ses suffragants. Comme
il avait [ilusieurs villages de son domaine ou
de son patronage dans leurs diocèses, il se ré-
servait toute la juridiction spirituelle sur le
2M
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-SEPTIÈME.
clergé de toutes les Ei,'^lises de ces villaf^es.
L'archevêque Lanlranc fit une sévère répri-
mande à l'évèque de Chichester, sur ce qu'il
avait permis que ses arcliidiacres lissent quel-
ques exactions pécuniaires sur les clercs de ces
villages (Eadmer. Hist. Nov., 1. i) : « Clerici
villarum nostrarum, qui in vestradiœcesiexis-
tunt, (juesti sunt nobis, etc. » 11 lui ordonna
de restituer cet argent: a Mandamus vobis, ut
maie accepta sine dilatione reddi jubeatis;»
lui déclarant qu'il ne soullrirait plus que ses
curés se trouvassent à son synode, ni qu'ils
fussent ses justiciables ; mais qu'il les jugerait
lui-même et terminerait leurs causes quand il
irait lui-même en personne à ces villages. «Nos
|)rcsbyteris nostris, qui extra Cantiam consti-
tuti sunt, onmino prœcipimus , ne ad vestram,
vel alicujus episco|ii synodum eant; nec vobis
vel aliquibus ministris vestris pro qualibet
culpa respondeant. Nos enim cum ad villas no-
slras venerinius, quales ipsi vel in moribus,
vel in sui ordinis scienlia sint, pastorali auto-
ritate vestigare debenms. » Il permit seule-
ment (jue ses curés reçussent le chrême du
diocésain et en payassent les droits. Ainsi il y
avait plusieurs paroisses dans les évéchés indé-
pendantes des évê(]ues diocésains, et unique-
ment soumises au métropolitain. C'était la
l'ancienne coutume, « Sicut semper consue-
tudo luit, quu' antiquitus usque ad noslra tem-
jiora antecessores nostii liabuerunt, solerti
vigilantia cupinms illibata custodire. »
Saint Anselme, successeur deLanfranc,usadu
même droit de la coutume. Et comme l'évèque
de Londres lui eut lait signilier une op|)Osition
lorsqu'il consacrerait une église dans un de
ces villages, il ne laissa pas de l'achever, se
tenant assuré de la coutume. « Antecessorum
suorum antiquam consueludinem sciens. Si-
quidem mos et consuetudo archiepiscoporum
Cantuaricnsium fuit ah anticiuo^ et est, ut in
terris suis uhicunujue jier .\nglianisint, nullus
episcoporum prœter se jus aliquod habeat ;
« sed humana siinul et divina onmia velut iu
pro|)ria diœcesi in sua dispositione consi-
stant. »
Saint Anselme prit néanmoins alors la réso-
lution d'apiirolonilir la chose, afin de renoncer
à cet usage s'il le trouvait mal fondé, a Quate-
nus si consueludinem ratam non fuisse con-
staret, amodo ab ea temperaret. » Il en consulta
saint Vulstan, évê(jue de Vorcester, qui était et
t le plus âgé et le plus éminent en vertu des
évêques d'Angleterre. Ce saint prélat l'assura
qu'aucun évoque d'Angleterre n'avait jamais
contesté ce droit aux archevêques de Cantor-
héry, de faire la dédicace des églises dans les
terres qui leur appartiennent. « NuUus ali-
quando extitit, qui banc Cantuariensi archie-
piscopo potestatem adimere vellet, et ne dedi-
cationem propriarum duntaxat ecclesiarum
publiée faceret, defenderet (Ansel. 1. m, epist.
XIX ; 1. IV, epist. m). »
Il ajoute à cela que l'archevêque Stigand fit
la dédicace de quelques-unes de ces églises
dans son diocèse de Vorcester, sans l'en avoir
averti, quoiqu'il fût le diocésain, et sans au-
cune o|)posilion de sa part, parce qu'il savait
la coutume. « Nobis inconsuUis,nec antea, nec
postea inde calumniantihus, utpote banc spiri-
talem potestatem hujusmodi metropolitani epi-
scopi esse scientibus. » Il est remarqué dans
cette lettre que les terres où Stigand faisait
ces dédicaces d'églises , lui avaient été nouvel-
lement données jiar des laïques. « Haut jure
ecclesiaslicae hœreditalis, sed ex dono sœcularis
potestatis. »
Eadmer, qui raconte cela, dit que dans une
autre rencontre saint Anselme déclara haute-
ment ([ue le droit de ses prédécesseurs et le
sien, avait été et était encore d'exercer libre-
ment les fonctions pontilicales dans toute l'An-
gleterre (L. iv). « Antecessorum meorum juris
fuit, et mei est, indifferenter per Angliam uhi-
cumque voluntas tulit , episcopale officium
administrare. » C'était porter bien plus loin les
bornes de sa juridiction, ou plutôt n'y souffrir
point du tout de bornes dans toute l'Angleterre.
En effet, Radulphe successeur d'Anselme,
ayant à célébrer la cérémonie du mariage du
roi et de la reine , dans la chapelle du château
de Vindsor, qui est du diocèse de Salisbéry,
ne se contenta pas de répoudre à l'évèque de
Salisbury, qui prétendait à cet honneur, que le
roi et la reine, quelque part qu'ils fussent,
étaient les paroissiens de l'archevêque de Can-
toi béry ; mais il lui déclara (|ue tous les évê-
(jues d'Angleterre ne tenant leurs diocèses que
des archevêques de Cantorbéry,qui avaient en-
gendré toutes les Eglises de ce grand royaume
insulaire, ils ne [louvaient donner l'exclusion à
leur propre père: « Cum tota terra, lege iirima-
tus cantnaria' , parochia sua sit ; et omnes
episco|ii lolius insube parochias quas habent,
nonnisi ab ipso et i)er ipsum habeaul (Eadme-
rus. 1. VI j. »
1>ES l'OUVOlRS SINGULIERS DES MÉTROPOLITAINS.
203
11 ost en cITet fort vraiscniblahlo que cotte uni-
versalité (le juridiction inunéiliate clait tleineu-
rée aux archevêques de Cantorl)éry, depuis le
temps qu'il n'y avait presque pas d'évèchés dans
rAn^li'terre, et qu'ils étaient eux-nièines évé-
ques immédiats d'un jïrand nombre de peuples
qui n'en avaient point encore d'autres. 11 est
vrai que c'est une singularité de la métropole
de Cantorbéry, mais si nous savions toutes les
singularités des autres métropoles , nous en
trouverions peut-être plusieiu's autres sem-
blables.
VU. Le même saint Anselme nous apprend
dans ses autres lettres que si l'archevêque
d'York ne se faisait sacrer trois mois après son
élection confirmée, le gouvernement de sou
évèché serait dévolu à l'archevêque de Cantor-
béry. « Quod si non feceritis, ad me pertinet
ut ego curam babeam,et faciam quœ pertinent
ad episcopale officium in Eboracensi archiepi-
scopatu (L. lu, epist. cxlix). »
Il est visible que la même règle avait lieu ,
si les sutfragaiits d'un métropolitain ne se fai-
saient sacrer dans le même terme de trois mois
marqué jiar les canons. Un abbé désirant se
démettre de sa charge, saint Anselme l'assure
qu'il le pouvait faire avec l'avis et la permission
de son arclievêi|ue, puisque le siège épiscopal
était alors vacant (Ibidem, epist. csli). « Assensu
et consilio archiepiscopi , quia episcopum non
habetis. »
VIII. Pour dire aussi quelque chose de la
sainte hardiesse avec laquelle les évoques
résistaient quelquefois à leur métropolitain ,
nous rapporterons ici quelques termes de la
lettre de saint Fulbert, évêque de Chartres, à
Leulheric, archevêque de Sens, et son métropo-
litain.
Ce courageux prélat se plaignit avec respect
et avec force de ce qu'il avait ordonné dans
l'évéché d'Orléans une jiersonne fort indigne
de ce ministère, et il l'avait fait sans jtrendre
son avis (Epist. xxvni, xxix). « Cum sine meo
consilio ei)isco|)OS ordinando, dignitatem suam
Ecclesiœ Carnotensi derogas, legem canonicam
solvis, etc. » 11 lui remontra qu'on ne pouvait
penser sans horreur qu'il se perdît lui-même,
et qu'il perdit les autres sans nécessité et sans
apparence de raison : (cSed tu pater non solum
miiamlus, sed insuper exhori'cndns. (luem nec
imprudentia f'allit, nec casus tnrbat, nec urget
ulla nécessitas : sed scienter et quasi cnm deli-
berationequa(lam,ultro te atijuc alios perdas.»
Enfin , il l'exhorta à faire pénitence d'une si
grande faute, s'il voulait éviter la vengeance
du ciel. « De bis ergo et hujnsmodi resipiscei-e
jam et pœnitere oportet, si cum Ajiostolo hor-
rendum crcdis incidere in manus Dei \i-
ventis. «
Dans une autre rencontre Fulbert témoigna
qu'il ne pouvait obéir à son métropolitain,
quoiqu'il fiit toujours disposé de lui obéir
coiiune à son père, lorsqu'il le pourrait sans
choquer les lois de la justice, a Nos in quibns
oportet vobis. ut palri semper obedire parati
sunuis; sed in hoc ad prœsens ideo non opor-
tet. quia neque justum, etc. »
On s'est, à mon avis, assez aperçu, et le seul
titre de ces deux chapitres a pu faire connaître
que nous n'y traitons que du droit des décré-
tâtes. Si le concordat y a apporté quelques
changements, nous en parlerons dans le livre
suivant, au chapitre oii il sera traité du con-
cordat. Si le concile de Trente a fait de nou-
veaux décrets, nous les développerons dans le
chapitre suivant.
IX. Tout ce qui a été dit suppose cette
maxime constante, que les évèques ne peuvent
exercer leur juridiction hors de leurs diocèses;
et néanmoins quoique les évéques ne puissent,
selon les canons, exercer leur juridiction con-
tenlieuse dans les évêchés de leurs confrères
iC. Quamvis. De foro compet. in Clément.), ils
peuvent y exercer leur juridiction volontaire
en secret, soit pour accorder des grâces, soit
pour décerner des peines, pourvu que ce soit
en des choses et sur des personnes qui leur
soient soumises. Ils peuvent même exercer leur
juridiction contentieuse en quelque endroit du
territoire voisin d'un autre évêque, après lui
en avoir demandé permission, quoiqu'ils ne
l'aient pas obtenue , lorsqu'on les empêche
de l'exercer dans leur propre territoire (C. Po-
stulasti. De foro compet.). Ils peuvent faire le
procès aux clercs d'un autre diocèse pour un
crime qui a été commis dans leur territoire.
266 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-HUITIÈME.
CHAPITRE QUARANTE-HUITIÈME.
LES CAUSES DE L AFFAIBLISSEMENT DE L AUTORITE ET DE LA JURIDICTION DES METROPOLITAINS
DANS CES DERNIERS SIÈCLES. POUVOIRS DES MÉTROPOLITAINS APRÈS LE CONCILE DE TRENTE.
I. Ce ne sont point les papes qui ont causé la diminution de
l'auloriti; des métropolitains.
II. Ex|)licalion d'un passage de saint Bernard, ijui semble le
dire, et i|ui ne le dit pas.
III. Kxcinplcs des papes qui ont excité les métropolitains ii
soutenir leur autorité.
IV. Ce qui lit tomber entre les mains du pape les ordinations
des évèques, ce fut la simonie répandue dans tout le clergé.
V. Ce fut le schisme des empereurs d'Allemagne contre les
papes.
VI. Ce fui la domination trop impérieuse de quelques métro-
politains.
Vil. Ou leur négligence à faire leur devoir.
VIII. La réservation des prélaturcs au Saint-Siège y contribua
aus.si beaucoup, quoique l'évéque nommé et ordonné par le
pape fût toujours soumis il son métropolitain.
IX. Pendant les premiers siècles les patriarches ordonnaient
presque tous les évéqucs.
X. La création des primats par les papes montre qu'ils n'ont
pas pensé il allaiblir les métropolitains.
XI. Le concile de Trente ne l'a pas nou plus diminuée ni
dans le jugement des évèques.
XII. Ni dans la visite que les évèques devaient au métropo-
litain.
XIII. Ni dans la visite de la province par le métropolitain.
XIV. Pouvoirs et devoirs des métropolitainSj selon le concile
de Trente.
XV. Exemple de saint Charles.
XVI. Comparaison de l'autorité du métropolitain i celle de
l'évéque.
XVII. Maxime importante sur ces matières.
i. Autant qu'il est évident que l'autorité des
métropolitains a beaucoup perdu de son lustre
et de ses pouvoirs , autant il est difficile de dé-
couvrir les véritables causes d'un cbangement
si préjudiciable à la pureté de la discipline de
l'Eglise.
Qucliiues-uns ont accusé les papes d'avoir
anj^menté leur autorité aux dé|)ens de celle des
inétiopolitains. D'autres ont cru que le concile
de Trente les avait réduits encore plus à l'étroit.
11 ne sera pas inutile d'examiner ces deux
points (Ilallier, de Elect., p. (.188. Hallier, de Hie-
rar., (>. 484).
Ceux qui s'iMi prennent aux pontifes romains
prennent pour gar.uil saint Rernard même,
qui porta aux oreilles du pape Eugène, et (|ni
semble encore faire retentir aux oreilles de
tous ses successeurs la plainte générali; de
toutes les Eglises qui soullrent, ou (|ui crai-
gnent des démembrements étranges, lorsque
les abbés sont soustraits à leurs évèques , les
évèques aux métropolitains, ceux-ci aux pri-
mats ou aux patriarclies. « Murmur lotiuor, el
querimonian Ecclesiarum, truncnri se clami-
tant, ac demembrari. Ycl nullœ , vel paucœ
admodum sunt, quœ plagam istam aut non
doleant, aut non timeant. Qua^ris quam? Sub-
trabuutur abbates episcopis , episcopi arcbie-
piscopis, archiepiscopi patriarcbis, sive prima-
tibus [L. m deConside.l. »
II. Mais il ne faut que faire un peu d'attention
sur les paroles de saint Rernard, et sur toute
la suite de son discours, pour reconnaître qu'il
ne s'y agit en façon quelconque de la diminu-
tion des pouvoirs des métropolitains, mais de
l'exemiition de quelques évèques, qui obte-
naient le {lallium, et devenaient ensuite indé-
pendants de leur métropolitain. Or ce n'est
pas là ce qui a jeté la dignité métropolitaine
dans la défaillance où nous la voyons. Ce n'est
pas l'entier atîrancbissement de queltjues évè-
ques, dont les métropolitains se plaignent avec
raison, c'est la diminution, et presque l'anéan-
tissement entier de leurs pouvoirs sur les évê-
quQS mêmes qui leur sont encore soumis.
Ces afi'rancbissements entiers sont très-rares,
et quand saint Bernard dit qu'il y a [leu d'E-
glises ipii n'aient ressenti cette plaie, il doit
s'entendre de l'exemption des monastères à
l'égard de leurs évè(iues, et non pas de celle
des évèques à l'égard de leurs métropolitains.
Car elTectivement autant que celle-ci est rare,
autant celle - là est commune. Or que le
passage de saint Rernard s'entende de cet af-
francbissement des évoques, et non pas de la
diminution des pouvoirs du métropolitain, la
cliDse est si évidente, ([u'elle n'a besoin (|ue de
l'intelligence des termes, et d'un peu d'at-
tention sur le tissu de son discours.
Enlin, saint IVrnard conclut en confessant
(|ue dans ces matières le jtape peut dispenser.
.•
DE LA JURIDICTION DES MÉTROPOLITAINS.
267
mais non pas dissiper : c'est-à-dire (pi'il peut
exempter iiuelques sujets de l'obéissance de
leurs supérieurs, mais seulement quand l'uti-
lité ou la nécessité de l'Efjlise donne un léiri-
time fondement à la dispensalion. (jui à moins
de cela doit passer pour une dissipation. «Quid,
inquis, prohibes dispensare? non, seddissipare.
L"bi nécessitas urget, excusabilis dis[)ensatio
est. Ubi ulilitasproYocat, dispensatiolaudabilis
est. »
C'est dispensation d'allranchir quelque évê-
(jue particulier de l'obéissance de son métro-
politain; il peut y avoir des cas où l'utilité et
la nécessité j)ubli(jue le demanderont. Mais
d'affaiblir en général l'autorité et les droits des
métropolitains, ce n'est pas une matière de dis-
pensation, c'est une révocation entière, ou un
renversement des canons anciens. Enfin, la
dispensation, quelque raisonnable ou dérai-
sonnable qu'elle soit, ne regarde que des per-
sonnes et des laits particuliers , sans faire
aucun changement dans les règles générales.
C'est un privilège ([ui laisse la loi en vigueur.
Comment saint Bernard aurait-il pu se
plaindre de la diminution de la dignité métro-
politaine par les papes, puisqu'au contraire
nous avons vu dans les chapitres précédents
que tous les papes qui ont publié tant d'excel-
lentes décrétales pour l'aH'ermir, ont vécu ou
l>eu avant , ou peu après le temps de saint
Bernard Epist. clxxvi, clxxvii, clxxvui, cixxx,
f.ccv)? Et puisqu'on ne se plaint présentement
(|ue de l'inobservance de ces décrétâtes, comme
de la cause de tout l'obscurcissement de la ma-
jesté métropolitaine, nous ferons voir dans la
suite de ce chajtitre que les décrétales de ces
papes, bien loin de diminuer les droits des ar-
chevêques, les avaient au contraire portés bien
plus loin que les anciens canons.
Il est vrai que les lettres écrites au pape sur
l'affaire de l'archevêque de Trêves, Adalbéron,
semblent attribuer au pape la diminution de
l'autorité des métropolitains. Mais c'était un
cas particulier où le pape avait été surpris ; et
il s'y agit des appels au Saint-Siège que saint
Bernard n'eût pas voulu èter, quoiqu'il souhai-
tât ([u'on n'en abusât pas.
m. C'était du temps même de saint Bernard
que le pape Anastase fit une sévère réprimande
à l'archevêque de Tours sur sa négligence à
corriger l'évéque de Tiéguier, dont la conduite
scandaleuse , la dissipation des biens de son
Eglise et la vente sacrilège des choses saintes
avaient pénétré jusqu'à Rome. « Si honorifica-
tioni commissi libi ponlilicalis oflicii, ea dili-
gentia (pia oportet, inleiidc'res, si correctioni
corum, qu;e de bis (]ui sub tua provisione in-
slituunt, dicuntur enormia, débita sollicitudine
immineres, vita et conversatio fralris nostri
Trecorensis cpiscopi i!on remansisset usque
nunc sub tuis oculis indiscussa. »
Quoique par la négligence de ce métropoli-
tain le jugement de ses crimes fût dévolu au
pape (Du Chesne, t. iv, p. 71)5), il ne laissa pas
de le commettre lui-même pour faire venir en
sa présence l'évéque de Tréguicr et son clergé,
suspendre le prélat s'il était trouvé coupable, et
l'envoyer ensuite à Romepoury êtrejugé selon
les canons. Ce pape ne pouvait rien faire de
plus avantageux pour l'allèrmissement de l'au-
torité métropolitaine.
Qu'on examine les décrétales qui ont été al-
léguées dans les chapitres précédents et plu-
sieiu's autres qu'on eût pu entasser et (jui se
trouvent dans le cor[)S du droit canon : on y
verra partout les archevêques secourus et ap-
puyés par le Saint-Siège, dans les rencontres
où leur autorité avait été outragée.
Que si les parties ont eu quelquefois recours
au Saint-Siège contre les métropolitains, ce n'a
été que dans un violement intolérable des ca-
nons. En voici un exemple digne d'une grande
attention. Le clergé et le peuple d'Angoulême
ayant fait une élection canonique d'un èvêque,
ils la firent confirmer par le métropolitain de
ISordeaux, prirent son jour pour la consécra-
tion, et se rendirent au jour qu'il avait lui-même
désigné , mais ils ne le trouvèrent pas ; ce qui
les obligea d'en porter leurs plaintes au pape
Eugène 111 par l'organe de Pierre le Vénérable ,
abbé de Cluny, qui fait tout ce récit dans sa
lettre à ce pape : « Electionem tam concordem
dicunt se metropolitano canonice obtulisse, ab
eo canonice confirmatam esse , diem conse-
crandi ab ipso datam. se ad diem constitufam
cum electo suo, ut metropolitanus promiserat,
consecrando venisse : sed consecratorem non
invenisse (L. v, ep. v ; Bibl. Clun., p. 883). »
Pierre, abbé de Cluny, avertit cependant le
pape que la conduite de l'archevêque de Bor-
deaux lient plus du mercenaire que du pasteur-
qu'il tâclic d'avoir dans les évêchés de sa pro-
vince, non pas des évéques, mais des esclaves
de ses volontés, afin de s'en servir comme de
ses chapelains et épargner ses revenus en vi-
vant à leurs dépens. « Ut in Ecclesiis illis, non
268
DU PREMIER ORDRE DES Cf.ERCS. — CHAPITRE QUARANTE-HUITIÈME.
tam habeat episcopos, quam minisfros, non
tain prœsules, qnain silii in omnibus obse-
quentes : ul expensis propriis parcat, et suflYa-
gancis ppiscopis, ut capellanis utens, non suum,
sed illonim penu oxliauriat. »
IV. La plainte la plus ordinaire qu'on fait en
laveur des métropolitains est celle qui regarde
l'ordination de leurs suflra^ants, qui leui' a
été ravie, et qui se fait communément ou par
le |iape, ou par ses délé|;ués. Cepend.int cet
exemple fait voir que ce pourrait bien être par
leur faute que ce pouvoir leur est écbappé. Si
l'on réplique (]ue ces exemples ont été rares,
en voici d'autres qui n'ont été que trop fré-
quents au scandale de toute l'Eglise , au temps
(jue l'ordination simoniaque ne passait j>lus
pour im crime parmi les prélats, parce qu'ils
en étaient presque tous coupables. C'était un
peu avant le temps de saint Bernard ; et ce fut
ce (pii donna occasion a plusieurs évèques de
recevoir la consécration, ou du pape, ou de
ses légats, ou de ses délégués. Saint Hugues,
évè(|ue de Grenoble, ne voulut point recevoir
l'imposition des mains de son métropolitain
simoniai[ue : c'était celui de Vienne (Surins, die
1 April., c. iv). Il reçut les ordres du légat, et
la consécration é|)iscopale du pape même.
Nous dirons ailleurs que ce fut cette prosti-
tution des clioses saintes, de laquelle peu de
prélats étaient innocents, qui obligea les plus
religieux de demander au pape qu'il les ordon-
nât, et qui jiorta aussi les papes à leur accorder
par dispense de se faire ordonner par les pré-
lats exempts de cette générale flétrissure.
V. Après que les pontifes romains eurent
banni des F>gliscs la simonie, qui avait été
connue une suite naturelle des investitures,
ils eurent de factieux démêlés avec les empe-
reurs d'Allemagne ; plusieurs prélats se trou-
vèrent engagés dans la faction scbismaticiue
des empereurs, et par conséquent privés de la
communion de l'Eglise romaine. Ce fut encore
là une occasion de faire demaniler et accorder
de très-fréquentes dispenses, pour se faire or-
donner ou consacrer par ([uiconque d'entre
les évèques participerait à la communion ca-
tholique (Surius, die 2 Julii, c. 9, 10). Saint
Otbon, évc(|ue de Ramberg, différa de se faire
consacrer durant l'espace de trois ans, parce
que son métropolitain et plusieurs autres évô-
(jucs étaient ou scliismatiques ou suspendus;
entiii il craignait lui-même d'avoir été infecté
sans y penser, de l'air contagieux de la simo-
nie , ayant reçu son évêché de remi)ereur
après lui avoir rendu des services considé-
rables.
Toutes ces raisons déterminèrent enfin ce
saint prélat à demander au pape Pascal II
(ju'il eût la bonté de le consacrer lui-même,
ce (ju'il obtint sans peine. Les termes de la
lettre qu'il lui en avait auparavant écrite sont
dignes d'être remarqués, pour apprendre com-
bien la face de l'Eglise était alors défigurée et
combien les voies ordinaires des ordinations
canoniques étaient périlleuses. « Si quidem
mundojam in maligno posito, cum vix cui-
quani creditur bomini, aut loco, non parvœ
nos torquent angustiae pro nostrae ordinationis
assecutione. Proinde dubius et anxius, et flu-
ctibus curarum naufrago simillimus; ad te
clamo. Domine, salva me, etc. Te solum respi-
ciunt oculi nostri. » Le pape l'ordonna, sans
déroger à l'obéissance qu'il devait à son métro-
politain, « Salva Moguntiœ metropolis obser-
vantia ; » et il témoigna au même métropoli-
tain par sa lettre que le schisme de l'Allemagne
ayant jeté la plupart des évèques dans l'oubli
des fonctions éi)iscopales, il était souvent forcé
de suppléer à leur défaut. « Propter prœteriti
schismatis idtionem in Teutonicis partibus per-
pauci episcopali funguntur officio. »
VI. L'avarice, la simonie et le schisme n'ont
pas été les seules causes qui ont affaibli l'auto-
rité des métropolitains. L'ambition et une
domination trop inii)érieuse de quelques-uns
d'entre eux, a jeté les évèques dans la nécessité
d'implorer la protection du Saint-Siège.
Brunon, élu évêque de Toul, qui fut depuis
le pape Léon IX, s'élant disposé de recevoir
la consécration de la main de Poppon, arche-
vêque de Trêves, il en fut d'abord rebuté par
une condition tyrannique que cet archevêque
imposait a tous ses suffragants de lui promettre
de ne jamais rien faire contre ses ordres, et de
se souiTiettre en toutes choses à ses volontés.
« Ab arclii[)rœsule quoddam privilegium pro-
nmlgatur, in quo hœc lex superflua atque im-
possibilis continebatur, ut quisque suorum
sulfrayaneorum ab eo ordinaudus, prius sub
divin;c praîsentia^ testimonio spondere debeat,
quatenus nihil extra suum iira^ceptum, aut
velle , aut (piasi (piidam servus agere pr;c-
siunat. »
Il est vrai que l'intlexible fermeté de Brunon
lit relâcher l'archevêtiue en sa faveur, mais on
peut bien juger de là à quelle servitude ce mé-
UE LA .U!l\Il)ICTION DES METROPOLITAINS.
-2G9
tropolitain avait iV-diiit ses autres snllVapaiits,
ft coiul)it'n peu il considérait ([ue le moyeu le
plus ordinaire de tout perdre c'est de trop
exig^er.
Vil. Au contraire d'autres métropolitains
ont peut-être négligé leurs droits, et par une
longue désaccoutumance ils les ont laissé échap-
per. L'arcbevèque de Tolède se contenta, dans
un concile d'Alcala, que les évéques qui se se-
raient fait sacrer sans sa permission vinssent
lui faire la profession canonique d'obéissance
dans la même année. « Utepiscopus per alium
quam per nos sine nostra licentia consecratus,
ex que suam fuerit ingressus diœcesin, usque
ad annum ad nos accedere teneatur. ad pro-
miltendam nobis et nostrœ Ecclesiœ reveren-
tiam et obedientiam iKainald. An. 1326, n. 20.
Conc. Complut.). »
VIII. 11 faut néanmoins demeurer d'accord
que ce fut principalement depuis que les papes
se réservèrent la nomination aux évêchés. que
les évêques qu'ils avaient pourvus reçurent
aussi la consécration, ou des papes mêmes, ou
de leurs délégués. Mais ce fut sans rien dimi-
nuer de la dépendance que ces prélats devaient
avoir de leurs métropolitains.
Le pape Urbain V en fit une déclaration so-
lennelle : « Declaramus ad omaia illa suis me-
tropolitanisomnino teneri, ad qua' tenerentur,
si non per dictam sedem, seu de mandafo
ipsius sedis ad bujusmodi regimina promoti,
nec juramentum per eos nobis, vel eidem sedi
prœstitumextitisset F\ainald.,an. 1370, n. 20). »
IX. On ne pouvait pas souhaiter une décla-
ration plus jirécise pour conserver aux métro-
politains tous leurs pouvoirs canoniques sur
leurs suffragants, quoiqu'ils ne les eussent pas
eux-mêmes consacrés. Après tout on sait que
dès la naissance de l'Eglise l'ordination des
évêques a été quelquefois, disons plutôt qu'elle
a été ordinairement réservée aux patriarches
liendant les premiers siècles, sans qu'on jugeât
(|ue cette police tendît à avilir ou à déci'éditer
les métropolitains.
Le canon vi du concile deNicée confirme cet
ancien usage dans les patriarcats d'Alexandrie
et d'Antioche. et dans celui de Rome même, à
l'égard des provinces suburbiquaires. Celle dis-
cipline était donc en vigueur longtemps avant
le concile de Nicée, et elle eut cours aussi long-
temps après, ce qui embrasse les siècles tl'or
de la plus pure police de l'Eglise.
S'il est donc arrivé jiar une longue révolution
de siècles, et par une concurrence de |)!usieiHs
causes, cpie la même pialiijue ait repris son
ancienne vigueur, pourquoi jugera-t-on qu'elle
est à présent plus préjudiciable, ou ]ilus in-
compatible avec l'autorité des niétropolitaiiis
qu'elle ne l'était alors?
X. A ces considérations nous pourrions en
ajouter une qui n'aurait peut-être i)as moins de
poids, et()ui nous ferait finir ce discours par
où il a commencé. C'est qu'environ le siècle de
saint lîernard les papes ont tâché d'établir des
primats au-dessus des métroiiolitaius presque
dans toutes les provinces de l'Eglise. C'est ce
qui a été raconté ci-dessus fort au long. Il n'y
a donc pas la moindre apparence du monde
qu'ils aient voulu agrandir leur juridiction aux
dépens de celle des métropolitains, lorsqu'au
contraire ils déléguaient à des primats leur
propre autorité sur les métropolitains, atin (|ue
les causes fussent arrêtées dans les provinces,
et ne fussent (jne Irès-rarement perlées à Rome.
XI. iMais il est temps d'examiner si le concile
de Trente a donné des limites plus étroites aux
métropolitains que celles qu'ils avaient aupa-
ravant. 11 n'y a que les jugements canoni(|ues
des causes criminelles des évêques que je ne
veux pas toucher fConc. Trid. sess. xiii, c. 24'i.
C'est une question trop délicate et d'une trop
grande discussion. Je dirai seulement que ceux
([ui ne sont pas satisfaits des limites que le con-
cile de Trente y a mises au pouvoir des métro-
politains et des conciles provinciaux ne seront
guère plus contents de celles que les décrélales
qui composent le droit canon depuis cinq cents
ans leur ont données. En remontant jilus
haut on trouvera la même police établie des le
ix" siècle dans l'Occident, que la première ins-
tance même des causes criminelles des évêques
est réservée au pape. Ainsi ce n'est ni le con-
cile de Trente, ni les décrétâtes qui font le
droit nouveau à qui il faut s'en piendre.
Ceux qui veulent que les libertés gallicanes
aient conservé ce pouvoir aux métropolitains
et aux conciles provinciaux, doivent au moins
convenir que c'est un usage privilégié et par-
ticulier de la France, semblable à tant d'autres
qui la distinguent des autres royaumes et qui
distinguent même les autres royaumes de la
chrétienté les uns des autres, sans perdre rien
néanmoins du profond respect qui est dû au
concile de Trente et aux décrélales , où il ne
serait pas difficile de découvrir les solides fon-
dements de ces libertés particulières. Mais il
-270
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-HUITIÈME.
ne faut pas nous engager plu? avant clans celte
([uestion.
Xll. Venons donc premièrement à la liberté
(jne le concile de Trente donne aux évèques,
de ne pouvoir être forcés de rendre visite à
l'Eglise métropolitaine, de quelque longue cou-
tume qu'on prétendît voiler celte nécessité
(Sess. XXI v, c. i] . « Nec episcopi comprovinciales
praetextu cujuslibet consueludinis ad metropo-
litanam Ecclesiam accedere in posterum invili
compL'Uanlur. » La congrégation du concileju-
gea d'abord que ce décret exemptait seulement
les évèques de la visite personnelle, mais non
pas de celle qu'ils peuvent rendre par un pro-
cureur. Mais depuis ayant pesé la cliose plus à
loisir, et en ayant fait son rapport au pape, en
l'an iï)'S, à l'occasion des évèques du royaume
de Naples, il fut résolu par le pape même que
le concile les avait dispensés de cette visite,
même par procureur (Fagnan. in 1. i Décret..
p;\rt. 1, p. 184).
Si c'est faire injure aux métropolitains que
de rétablir ou d'affermir les anciennes libertés
des évèques, je confesse que ce décrcl du con-
cile de Trente leur est injurieux. Mais il faut
prendre garde que ce ne soit plutôt leur faire
outrage que de donner une telle idée de leur
autorité qu'elle ne puisse subsister que par
l'avilissement et la servitude de leurs infé-
rieurs, et qu'au contraire le concile de Trente
n'ait d'autant plus rcliaussé leur puissance ,
qu'il n'a aboli que les coutumes iiarticulières
(|ui en avaient terni le lustre. Car c'est comme
la congrégation tlu concile de Ti-ente a exi)liqué
ces paroles : « Prœtextu cujuslibet consuelu-
dinis : » qu'on n'y cassait que les abus particu-
liers et les coutumes violentes et onéreuses
aux évèques. En effet, il n'y a nulle loi géné-
rale, nul canon qui autorise la nécessité de ces
visites.
Il est certain que la pratique n'en était et
n'en avait jamais été universelle. 11 est visible
que ce n'avait été d'abord (]ue des '>'isites volon-
taires d'une civilité religieuse des évèques en-
vers leurs niétropolilalns, dont la continuation
avait fait en quelques endroits une coutume,
et la coutume une espèce de loi et de servi-
tude. Or il est bon que ch' temps en temps on
prévienne cette multiplication de servitudes,
qui ne viennent ([ue d'une persuasion qui se
glisse iniperce[>tiblenient dans les esprits, que
les coutumes passent en lois, quoique d'abord
elles n'aient été que des pratiques libres et
arbitraires. \ moins de cela la longue suite
des années engagerait de jour à autre notre
liberté dans une infinité de nouvelles chaînes,
et on ne pourrait rendre aucune civilité libre
et gratuite dont il ne fallût craindre un éternel
asservissement. Le concile de Trente n'a pas
aboli ces visites, mais il les a rétablies dans
leur premièie nature, ne souUrant plus qu'elles
pussent èlre forcées. « Ne inviti compellan-
tur. »
Mais les obligations générales et canoniques
des évèques de se rendre auprès de leur arche-
vêque dans son Eglise métropolitaine , bien
loin d'avoir reçu quelque atteinte dans le
concile de Trente, y ont été confirmées. Le
droit ordonne à tous les suffragants de s'assem-
bler auprès de leur métropolitain en deux ren-
contres, savoir quand il faut le consacrer, et
quand il a convoqué le concile provincial (C. Si
Archiepiscopus. De Temporibus ordinationum).
Or le concile ne touche point à la première de
ces obligations, puisqu'il ne casse que les cou-
tumes particulières, et non pas les lois géné-
rales du droit canon. Et quant à la seconde , le
concile l'a renouvelée dans le même endroit,
ordonnant au métropolitain de tenir son con-
cile une fois en trois ans, et aux évèques de
s'y trouver. « Episcopi omnes convenire te-
neanlur. »
XIII. Il y a un peu plus d'apparence de jus-
tice dans la plainte qu'on fait du concile sur
la restriction qu'il a faite des visites des métro-
politains dans leur province en ne les per-
mettant que poiu' des causes qui aient été
approuvées dans le concile provincial. « A me-
tropolilano.etiam postplcnevisitatam propriam
diœcesim, non visitentur cathédrales Ecclesiie,
neque diœceses suorum comprovincialium ,
nisi causa cognita et probata in concilio pro-
vinciali (Sess. xxiv, c. 37). »
Il est vrai ([ue le droit commun des décré-
tales grégoriennes et des suivantes n'avait pas
assujetti les archevêques à faire approuver au
concile les raisons de la visite de leur province;
mais ce n'est pas là limiter la juridiction des
métropolitains , c'est seulement les obliger à
des précautions nouvelles, pour n'en user que
])our un avantage évident de l'Eglise, dont les
évèques de sa province ne puissent disconve-
nir. .\près le concile le métropolitain a la
même autorité qu'il exerçait au|iaravant dans
les visites de sa province : on n'en a rien re-
tranché ; mais au lieu qu'il pouvait les entre-
Ul<: LA JLIKIDIGTION DES MÉTROI'ULITAINS.
^271
prendre de son propre inouTenienl, il est ohliiié
iiiainlenanl dïui prendre l'avis de son eoncile
et de le suivre.
"i" Est-il injin iciix au métropolitain de com-
niunitjuer ses plus inipoi lanles allaires à son
eoneile provincial, et de suivre ses lumières ?
Les conciles provinciaux, qui sont des règles
éternelles pour toute la police de l'Eglise , ne
pourront-ils pas être juges équilaliles de la
nécessité des visites des métropolitains dans
leur province ?
;j° Et pour rendre les visites des métropoli-
tains dans leur province fructueuses, n'est-il
pas nécessaire qu'ils soient d'intelligence avec
les évèques dont ils visitent les diocèses? A
moins que les évèques aient approuvé les
causes de ces visites, et qu'ils consi)irent h les
faire réussir pour l'édification de l'Eglise, ce
seront des courses inutiles et vaines.
A" Enfin, si nous repassons dans notre mé-
moire les piemiers siècles, et l'âge le plus flo-
rissant de l'Eglise, dont le concile de Trente a
tâché de retracer et de renouveler la discipline,
nous trouverons que les visites des métropoli-
tains dans les diocèses de leurs suffraganls y
ont été presque inconnues, ainsi qu'il a été
montré ci-devant. En effet, la glose même
ayant plus en vue le droit ancien que le nou-
veau, avait assuré que le métropolitain ne
pouvait visiter les diocèses de ses suffragants
(|ue lorsque ce pouvoir lui était dévolu, ou [)ar
leur négligence , ou par appel ('J q. -2 et 3, c.
Nullus primus).
XIV. Au reste, c'est au métropolitain , selon
le concile di; Trente, de faire savoir au pape
quels sont les évèques qui ne résident ]>as
depuis plus d'une année, sous peine d'être
interdit de l'er.trée de l'Eglise , s'il tarde plus
de trois mois. Le plus ancien évêque résidant
est chargé de la même obligation envers le
métropolitain absent plus d'une année.
:2" C'est au métropolitain à approuver par
écrit les justes causes de l'absence de ses suffra-
gants. Le plus ancien évêque résidant est aussi
couunis pour examiner et approuver par écrit
les raisons solides et canoniques de l'absence
du métropolitain, et même des autres évèques
de la province, pendant que le métropolitain
est absent (Sess. vi, c. 1).
3° C'est au métropolitain à juger avec le
concile provincial des permissions qui auront
été données aux prélats, ou par lui, ou par ses
suffraganls, de s'absenter de leurs diocèses,
et des peines (in(tni<|U('s que doivent encou-
rir ceux (jui abusent de ce pouvoir ^Sess. -l'.i ,
C. i).
l" C'est au métropolilain à corriger avi^c
sévérité les évè(iues (|ui négligent d'ériger des
séminaires, ou d'y contribuer de la portion
canonique de leurs revenus (Sess. xxui , c. 18)
comme c'est au concile provincial de faire la
même réprimande au métropolitain s'il man-
que au même devoir (Sess. xxui, c. K;).
."i" C'est à l'archevêque à nommer un vicaire
général dans les évêcliés vacants, si le chapitre
néglige de le faire, comme c'est au plus an-
cien suffragant d'en nommer un en cas pareil
dans l'Eglise métropolitaine (Sess. xxiv, c. 16).
0° C'est au métropolilain de convocjuer le
concile provincial une fois en trois ans , ou s'il
est légitimement empêché , au plus ancien
évêque de la province (Sess. xxiv, c. "2).
1° S'il y a quelque abus à déraciner dans
quelque diocèse, et qu'il s'y rencontre des diili-
cullés considérables : « Si aliquis dubius vel
diflicilis abusus sit extirpandus ( Sess. xxv,
c. ult.). » L'évêque ne doit rien conclure (|u'a-
près avoir pris l'avis du métropolitain et du
concile provincial. Il ne se doit même faire
aucune innovation importante dans la disci-
idine de l'Eglise sans en avoir informé le Saint-
Siège, et sans avoir reçu sa résolution. « Ita
tamen ut nihil inconsulto sanctissimo Romano
ponlifice, novum,aut inEcclesia haclenus inu-
sitatum decernalur. »
S° Si les moyens d'une Eglise cathédrale ne
suffisent pas [lour fonder et entretenir un col-
lège pour l'instruction des jeunes clercs, c'est
au concile inovincial , ou au métropolitain
assisté des deux plus anciens suffraganls, de
faire contribuer plusieurs Egliees cathédrales ,
et leur fonder un collège conunun, ou dans la
ville métropolitaine, ou dans quelque autre
lieu commode (Sess. xxiii, c. ult).
9° Si les réguliers ontdes cures, et que leurs
monastères ne soient dans aucun diocèse,
c'est au métropolitain , comme délégué du
Siège apostolique, du les obliger a prêcher, ou
à faire prêcher dans leurs paroisses , au moins
les dimanches et les fêtes solennelles (Sess. v,
c. 2).
10° C'est au métropolitain de contraindre
les monastères de sa province qui ne sont ni
unis en congrégation, ni soumis à l'évêque, de
former une congrégation et de tenir des cha-
liitres généraux tous les trois ans, pour établir
27-2 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-HUITIÈME.
et pour conserver entre eux la régularité (Sess.
XV, c. 8).
Il me semble que si les métropolitains
usaient de tous ces pouvoirs, qui leur oui été
donnés ou conservés par le concile de Trente,)
ou n'aurait pas sujet de regretter, ni l'éclat, ni
l'autorité, ni le zèle des métropolitains de l'an-
cienne Eglise. Que si le concile les oblige à
une plus étroite correspondance avec leurs
sufîragants, ou avec le concile provincial, ou
avec le pape, ce sont autant de nouveaux et
d'excellents moyens pour exécuter plus effi-
cacement tout ce 'qui peut être avantageux à
l'édification de l'Eglise etàla réformation de la
discipline.
XV. Saint Charles, qui peut passer pour le
plus fidèle interprète du concile de Trente, et
pour le modèle le plus achevé d'un inviolable
observateur de ses décrets, n'a pas fait iiaraitre,
ni dans les décrets de ses conciles provinciaux,
ni dans toute sa conduite, que ce concile eût
rien diminué de la puissance légitime des mé-
tropolitains.
Il est ordonné dans ces conciles provinciaux :
1" Que les trois premiers chanoines résidents
avertiront tous les six mois le métropolitain de
la résidence de leur évêque, sous peine de per-
dre leurs distributions d'un mois (Acta Eccles.
Mediol., p. 2j.
2" Que le métropolitain gardera un des deux
inventaires de tous les biens et de tous les
litres de clmciue Eglise de sa province.
,T L'interprétation des décrets du concile
provincial lui est réservée (Ibidem, p. 37).
C'(!st à lui que les évoques et les chapitres doi-
vent se rai)porter dans l'examen qu'ils feront de
leurs statuts, pour les conformer au concile de
Trente (p. 75). C'est lui (jui doit consulter
le Saiul-Siége dans les difficultés les plus em-
barrassées.
4° On peut toujours appeler des évè(|ues au
métropolitain, lors même qu'ils jugent comme
délégués d\i Siège apostolique, pourvu que ce
soient des choses dont ils pouvaient juger avant
le concile par leur autorité ordinaire (P. 282).
5° Enfin, on iieut lire dans Giossano, qui a
écrit la vie de saint Charles, les fruits admira-
bles de la visite que ce saint archevêque fil de
sa province par les ordres exprès du pnpe
(L. ui, c. 9 ; 1. v, c. 12, etc.) ; on y verra une
suprême autorité jointe à un zèle vraiment
apostoli(|ue, arracher des abus dont les évècmes
avaient gémi, sans y pouvoir remédier.
XVI. Car on ne peut douter que dans ces oc-
currences particulières où les canons et les
décrets des papes donnent à l'archevêque une
autorité suréminente et supérieure a celle des
évêques dans leur propre diocèse, comme dans
la visite et dans les causes d'appel, on ne doive
une obéissance plus prompte à rarchevê(iue
qu'à l'évêque, comme saint Thomas l'a fort
bien remarqué, quoique, dans tous les autres
cas, les diocésains aient inie oliligation bien
plus précise d'obéir à leur évêque qu'au métro-
politain (Scripto secundo., 1. ii, d. 45; art. 2).
On peut lire sur ce sujet la lettre courageuse
d'Etienne, évêque de Paris, à l'archevêque de
Sens Henri, où reconnaissant sa supériorité, il
refuse avec une respectueuse, mais généreuse
liberté de subir son jugement, hors des cas
prescrits par les canons (Hist. Univers. Paris.
Lib. II, pag. 129).
XVII. Je finirai ce chapitre par le renouvelle-
ment dune maxime que j'ai d'abord proposée
dans la préface de tout cet ouvrage. C'est que
le meilleur parti (jue nous puissions prendre
est de conformer toujours nos sentiments, nos
langues et nos plumes à la discipline générale
de l'Eglise, au temps que la Pro\idence nous y
a placés.
Il faut donc bien distinguer les abus parti-
culiers d'avec la disci[)line générale, autorisée
par la pratique de toute l'Eglise, qui se ménage
toujours saintement, tantôt par l'exactitude du
droit rigoureux, tantôt par les accommode-
ments d'une prudente condescendance, et qui
donne tantôt plus, tantôt moins d'autorité aux
divers degrés de l'épiscopat, selcn qu'il plaît à
la providence de son divin Epoux de donner
diverses faces à sa police, et de la conduire par
ces beautés changeantes et temporelles, à une
beauté éternelle et immuable. Notre zèle doit
être non-seulement fervent, mais sage; et il ne
doit, ni ne peut être plus sage que l'Eglise et
que l'Esprit divin de la Sagesse éternelle, qui
l'anime etiiui la conduit. Quebiues efforts que
nous tissions, il n'en serait autre chose.
Ces changements universels de police dans
l'Eglise, aussi bien que dans les Etats, ne dé-
pendent nullement de la volonté des particu-
liers. C'est la Providence toute-puissante de
Dieu (pu les fait, ou qui les permet. C'est à
nous à nous y soumettre, et à nous accommo-
der même à ses accommodements. Quelque
part que réside la principale autorité des
clefs et de la juridiction ecclésiastique, puis-
DU PROTOTRONE ENTRE LES ÉVÈQIES.
273
qu'elle rési<îe toujours dans les succi'sseurs des
apôtres, rim[)or t.iiu-e est qu'elle soit aduiiiiis-
Irée selon les Uns saintes de la justice et de la
vérité, et (]ue 1 on n'use ni di s rij^neurs, ni des
coadeseendances du droit, (|ue selon l'uliliié
évidente ou les pressantes nécessités de l'E^dise.
Il est visible que quand je p^rie ici de la
principale autorité, je parle plutôt de Tusage
et de lexercice de cette autorité, que de l'auto-
rité même. Il est aussi visible que, bien que la
souveraine autorité spirituelle réside dans les
paprs et dans les conciles généraux, il y a un
degré inférieur à Tautorité, qui réside dans les
nietro[iuIitains et dans les conciles provinciaux
dont i! se fait (juelquefois dé\oluli(in au |)ape,
et qu'on peut ap[)eler aulftrilé principale, en
la comparant aux ftuissances naturelles subal-
ternes. Cet éclaircisseïuent a été nécessaire
pour lever quelques difficultés (1),
(I) Les sages réflexions qu'oa vient de lire s'appliquent éminem-
ment au temps présent, car la juridiction des métropolitains a été
considérablement amoindrie. En ce qui concerne la France, l'ar-
ticle -4 du Concordat les reconnaît, mais n'entre dans aucun détail
sur leurs attributions. Les articles organiques, sans qu'on sache trop
pourquoi, sont venus suppléer à cette lacune. Nous pensons qu'ils ne
peuvent avoir en vue que de reconnaître civilement des droits don-
nés au.T archevêques par les canons de l'Eglise, et non pas de les
conférer. Ce serait là une énormité qui con-tituerait TEtat chef de
l'Eglise. Quoi qu'il en so:t. d'après l'article 13 des organiques, les
archevêques ont le droit de sacrer et d'installer leurs suffragants.
Le 15k dé"'lare qu'ils peuvent connai're des réclamations et des
plaintes portées con're leur conduite et leurs décidions; le 36e pour-
voit, pendant la vacance «lu siège des suffragants. au gouvernement
du diocèse. Le U« les investit du droit de veiller au maintien de la
foi et de la discipline dans toute létendue de leur circonscription
méiropolitaine. Heureusement la bulle du 10 avril 1802 revént de
la sanction canonique les privilèges des nouveaux archevêchés de
France : Sedem erigiuius, y est-il dit. et insiituimus cum O'nnibus et
sinQulis juribus, prœrnganvis^ exeniptionihus et privi/erjUs guihus
aliœ metrnfio'ifanee de Jure vel consT/efudine gaudere soltnie. Cette
bulle ayant été publiée avec l'assentiment du gouvernement, il s'en-
suit qu'il reconnaît aux métropolif.ains nouveaux tous les droits et
privilèges des anciens. Le droit d'ajpel de l'ordinaire au métropoli-
tain découle évidemment de ce qui précède. Mais un appel ne
peut se faire que contre une sentence prononcée selon les formes du
droit» à un tribunal également investi du pouvoir de prononcer lui-
même des décisions régulières Nous voici donc forcément arrivés
aux officialités. Mais une ordonnance du conseil d Etat du 2 no-
vembre 1815 anrula une décision de l'official métropolitain d'Aïx,
le siège vacant, qui ca'-sait une ordonnance de l'évéque de Digne,
portant destitution du curé de Castellane, parce aue le tilre d'official,
dit le conseil d'Etat, ne donne aucune juridiction reconnue par la
loi. En conséquence, l'appel de l'évéque au n.étropoliiain et de
celui-ci au pape, bien que reconnu par les articles organiques, ne
peut s'effectuer qu'avec des formes qui soient conciliahles avec la
situation que les lois modernes font aux Eglises de France. Or, les
organiques rendent ré\éque maître absolu de ses prêtres, sans juge-
ment ni discussion. Des débats contradictoires ne sont pas admis.
Mais les plus saints prélats sont-ils exempts de toute prévention et
de toute surprise? Lappel, ou pour mieux dire le recours au métro-
politain, se lait dans les mêmes conditions et sans aucun débat. Dès
lors, tout est abandonné à l'arb-traire. Nous avons traté tout au long
de cette procédure irrêguhère et de ses fuuestes effets dans la se-
conde partie de notre livre : Les lois de l'Eglise sur la nomma-
tion, la jriutation et la révocation des c^nés. — Situation anormale
de l'Eghse de France.
Plusieurs décrets impériaux ont réglé les droits, honneurs et pri-
vilèges civiis accordés aux archevêques. Mais ceci est étrangère
notre sujet. (Dr André.)
CHAPITRE QUARANTE-NEUVIEME.
DE L .4NCIEN ET DU PROTOTRONE ENTRE LES EVEQUES DE LA MEME PROVINCE.
I. La coutume et les privilèges ont quelquefois dérogé à la
règle générale, qui lionne rang aux évèques selon le temps de
leur ordination.
II. exemples en Angleterre, où les évèques de Londres, de
Winchester, de Lincoln et de Rochester, sont doyen , sous-
doyen, chancelier, vicaire de l'archevêque et du chapitre de
Caulorbéry, dans l'Eglise métropolitaine.
III. Diveises singularités de l'évéque de Rochester.
IV. L'Eghse de Rome avait été le modèle de ces pratiques.
V. Des prototrjnes de la France.
VI. De la Pologne.
VU. De l'Orient.
I. Les anciens conciles de Tolède, de Milève
et de Brague avaient donné rang anx t'vèques
d'une même province selon le temps de leur
Th. — Tome I.
ordination. Leur doyen était le plus ancien
d'ordination, que le pape Hilaire apjielle « cTvo
honoris primas (Epist. vin). » La coutume ou
les [iriviléges avaient quelquefois dérogea cette
règle générale.
Les évèques d'Angleterre étant assemblés à
Londres sons le roi Guillaume le Conquérant,
après avoir allégué ces canons, s'informèrent
di s personnes les pins âgées du roy.mnie, qui
répimilirent, apiès avoir demandé un jour
pour y penser, que rarchevéque d'York devai
jirendre séance a la droite de l'arcliexéque de
Cautorbery, l'évéque de Londres à sa gauche,
18
^:^ DU PREMIER ORDItE DLS CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-NEUVIÈME.
celui de Winchester à côlé de larclievèque
d'Yorii. (Malniesburg., lib. ui.UeVuili. l'nuc.).
« Ex concilio Toielaao quarto, Milevilano at-
qiie !5r,icli.irensi statiilum est, ut singuli se-
cundum ordin.itionis suœ tempora sedeant ,
praeter eos i]ui antiqua consnetudioe , sive
Ecclesiarum s'ianiin privilejziis di^'iiiores sedes
Labeiit. De qua reinterrngati stiiit senes , et
aetate provecti (Anno 1075. Vita Laufraoci ,
cap. XII, etc.). »
11. L'évèque de Londres avait donc le pre-
mier rang après rarclie\êque de Cautorbéry,
au-dessus de tous les autres évêques de la
même ()ro\ince, (pioiqu'iis eussent été ordon-
nés avant lui. Aussi ce fut lui (jui, en l'ab-
sence de saint Anselme, archevêque de Cautor-
béry, sacra le roi Henri I", ct>mme étant
doyen de l'arclieNCché, et [lar consé(|uent de
toute l'Anfîleterre. Voici comme en parle Ma-
thieu de Westminster (An. dlOO). « In hac co-
ronatione non est derogalum Ecclesiae, vel
anlisliti Cantuariensi, quia Lomloniensis epi-
scojius archiepiscopi Cantuariensis, imo totius
Ati^iia! dfcanus, vices ejus in hoc officio exe-
quebatur, et hoc carlha ejus testiticatur. »
C'était aussi l'évèque de Londres qui opinait
le premier dans le conseil après l'arihevèiiue
de Cantoihéry. Témoin l'auteur de IHistoire
de saint Thomas de Cautorbéry : « Gileberlus
Londoniensis episcopus, decanus uti(|ue Can-
tuaiiensis, et in concilio post archie|iiscopum
primus (Baron., an. 1 104, n. 16). »
Dans le concile de Lambeth, sous l'archevê-
que Boniface de Cautorbéry, en 1261 (Conc.
Gen., tom ii, part, i, pag. 806), il fut ordonné
que si le roi, ou les princes violaient les liber-
tés de l'Eglise, on mettrait leurs terres en in-
terdit, et si ces peines n'étaient pas ca|)ables
d'amollir leur cœur, Larchevêque, ou en son
absence l'évèque de Londres, comme doyen des
évè(jues, a tani|uani decanus episcoporum , »
se faisant accompagner de deux autres évoques,
irait faire des remontrances au roi a\ec une
vigueur et une fermeté respectueuses.
Enfin, en l'absence de rarchevê(|ue c'était à
l'évèque de Londres de convoquer le concile
provincial. Si le siège de Londres était aussi
vacant, c'était à l'évècjue dt;Winch(ster, coninu;
sous-doyen de l'Eglise île Ciuitorbéry ; enfin au
défaut de celui de Winchester, c'était à l'évè-
que de Lincoln , connue chancelier de la
même Eglise. C'est ce (|ue nous apprenons
d'Harsfeldius : « Mandate Tliomœ archiepiscopi
de indicenda synodo perfunctus est Lincol-
niensis episcopus, quasi Cantuariensis Ecclesiae
cancellarius , quod Londiniensis sedes cujus
episcopus ejusdein Ecclesiae est decanus, et
Wintonieusis , cujus episcopus in eadem Ec-
clesia subdecanus censetur, vacarent (Anno
1404.) »
Ce dernier passage nous a été absolument
nécessaire pour nous persuader que la qualité
de doyen, decnnm, qui était donnée à l'éNêque
de Londres, ne signifiait pas seulement la préé-
minence de son siège sur les autres évêques
d'Angleterre, au moins sur ses comprovin-
ciaux ; mais qu'il était en même temps doyen
du chapitre de Canlorbéry, dont l'évèque de
Winchester était sous-doyen et chantre, celui
de Lincoln chancelier, comme il parait par le
même texte, et celui de Rochester, chapelain
et vicaire comme nous allons dire. Ce sont évi-
demment les titres des dignités de l'Eglise et
du chqiitre de Canturbéry, que ces évêques
posséilaieiit, dont ils exerçaient peut-être les
foiuticins aux jours les plus solennels de l'an-
née, et qui leur donnaient droit, en l'absence
de l'archevêque, et au défaut les uns des au-
tres, de remplir les fonctions de l'archevêque
même, en convoquant les conciles provinciaux,
en couronnant les rois, en leur faisant des
remontrances pour les libertés de l'Eglise, en
prenant séance et opinant les premiers dans les
conciles et dans les conseils. L'Histoire d'Hars-
feldius montre que, jusqu'après l'an mil quatre
cent tous ces prélats portaient encore ces qua-
lités et en faisaient les fonctions.
111. Je passe à l'évèque de Rochester, qui
était chantre de l'Eglise de Cautorbéry (An.
1147, Chronica Gervasii). Une ancienne chro-
ni(|ue d'Angleterre raconte comment Gautier,
archidiacre de Cautorbéry et frère de l'arche-
vêque, fut élu évêque de Rochester selon Tan-
cienne coutume, c'est-à-dire par les moines de
Rochesler, dans le cha|iitre de Cantorbéry,
« Secundum antiquam consuetudinem in ca-
pitulo Cantuariensi electus est a monachis
Roffœ 'Scri|it. Ant. Angl., tom. ii, pag. ISO'â).»
L'archevêijue confirmant l'élection lui donna
l'évèchè : «Ad quem spectat de jure antiquo
episcopalus ipsiiis douatio. » Le nouvel évê(jue
jura aussit(M de garder fidélité il l'archevêque
et il lEglise de Cautorbéry, promettant de con-
server ses anciens droits , qui étaient que l'é-
vèipie de Rochester venant à mourir, les moi-
nes qui composaient le chapitre devaient porter
DU PliOTOTKONK ENTRE LES ÉVKQI'ES.
27r>
sur l'aiitol de Cantorl)éry la crosse o|iiscoi):ile,
et pemlaiil (|ne le siéfje de Cantorbéry est va-
cant, ou que l'évèque est absent, revè(|ne de
Rdiliester doit exercer le ministère é|iisco|ial
dans 1 Eglise de Canlotbéry, si le chapitre l'en
prie. Le niênie auteur dit ailleurs, que l'évèque
de Rochester était chapelain de l'Fglise de
Cantorbéry, comme celui de Winchester en
étaitchanire (lbid.,pafî. 1382).«Episcopus Rof-
fensis, (jui ab aritiquo Cantnariensis Ecdesia;
proprius erat capellanus , Winloniensis in
Cantuariensi Ecclesia cantoris gaudet ofticio. »
Galeram, é\è(|ue de Rochester, ayant été élu
contre la coutume dans le chapitre de sa cathé-
drale, et consacré par l'archevêque en deçà
des mers, fut obligé dans la suite du temps de
rendre les mêmes hommages et de faire le
même serment dont nous venons de [lailer
dans l'Eglise de Cantorbéry (Ibid., p. 146-2. 1464,
1467, i475, 1476, 1477). Les moines du cha[ii-
tre de Rochester firent diverses tentatives pour
éluder celte soun)ission de leur Eglise aux
moines du chapitre de Cantorbéry, mais elles
furentordinairement inutiles. Au reste pendant
le temps que l'évèque deRochesterélait occupé
à suppléer aux fonctions pontificales de l'arche-
vèque, il était défrayé par l'Eglise de Cantor-
béry, comme son ancien chaiteiain (Pag. 1.j67!.
« Proprius ab anliquo capellanus. » Eadmer
dit que l'évèque de Rochester était comme un
membre et domestique de l'Eglise de Cantor-
béry. « Oui Canluariensis Ecclesiœ proprius
alque domesticus esse dignoscitur (Nov., 1. iv
et v). »
Cet historien raconte comment , pendant les
cinq années que le siège de Cantorbéry fut va-
cant, après la mort de saint Anselme, l'évèque de
Rochester fit toutes les fonctions pontificales de
rarchevèclié, sans dépendre des autres évè(|ues
de la province. « Agtbat ia ea curam pontifi-
calis officii Raduli)hus Roffensis episcopus, et
ei intus et extra, si qua emergcbant, assiduus
propugnalor erat atque fidelis. Ipse Ecclesias
in omnibus terris totius pontiQcatus Canlua-
riensis intus et extra Cantiam, incoiisultis epi-
scopis, uti petebatur, dedicabat. Ipse qiite ad
christianitatem pertinent, in eisdem terris, prout
res exigebat, sedulo njinislrabat. Etha'c ita iu-
tegro (luinquennio, etc.» Roger aiipeilece pré-
lat vicaire de l'arthevèque, « vicarius ejus. »
La même chronique ci - dessus alléguée
(An. 1188). donne encore ailleurs la qualité de
chantre à l'évèque de Winchesler, et le fait as-
seoir à la gauche de l'arciievèque, dont l'évèque
de Londres tenait la droite , comme doven
des évèques de la province. « Ad dexhirani
|irini,ilis sedit episcopiis Londoniensis, quia
inter episcopos Canluariensis Ecclesiœ suffra-
ganeos decanalus praeeminet dignitate; ad si-
nislram sedit episcopus Wiiiloniensis, quia
cantoris ollicio prœcellit (Scriplyr. Anl. Angl.,
p. 14-29). »
IV. L'Eglise Romaine a vraisemblablement
été le modèle des autres, lorsqu'elle a réservé
la consécration du pape aux évêques cardinaux
d'Ostie, d'Albanoetde Porto, surtout à celui
d'Ojtie (Conc., tom. x, pag. 388), et qu'elle a
alfecté des qualités et des fonctions particulières
dans Rome même aux évèques cardinaux. L'é-
vèque d'Albano est quelquefois appelé vicaire
du pape (Baronius, an. 1188, n. 28).
Le livre de l'ordre Romain nous apprend
(C. m, iv), que les évêques cardinaux assistaient
le pape quand il célébrait avec la majesté pon-
tificale dans l'Eghse de Saint Jean de Latran ;
qu'il y avait des évèques hebdomadaires; enfin
(|ue comme les prêtres assistaient l'évèque,
ainsi les évêques assistaient le pape dans ces
augustes cérémonies. « Accedunt primum epi-
scopi secundum ordinem de manu pontificis
communicare, et post eos ascendunt presbyteri
omnes, ut communicent ad altare. Sicut enim
in Romana Ecclesia summo pontifici ministrant
epiïcopi, sic in dTeteris Ecclesiis debent episco-
pis facere presbyteri. »
V. Dans la Fiance l'évèque de Soissons a été
dans la même possession d'être considéré
comme le doyen de tous les évèques de la pro-
vince de Reims, et après lui l'évèque de Chà-
lons a tenu la troisième place. Fulbert, évêque
de Chartres, nous apprend que cette police
était fondée sur les anciennes notices des pro-
vinces et des cités romaines. Car comme la
première des cités jouissait des avantages de
métropole, ainsi la seconde et quelquefois la
troisième acquéraient par cette situation un
rang d'honneur et de dignité qui les distinguait
des autres. Voici comme ce saint évêque parle
de la cité épiscopale de Chàlons : « Sed ne civi-
tati vel Ecclesi» Catalaunorum suum derogetis
honorem, meminisse vos oportet, quod in an-
tiqua descriptione provinci;c Relgicœ secundae,
ipsacixitas a Rtmensi terlium locum habeat
(Epist. Lxxvui). »
Ce fondement est plus solide que ce que dit
Flodoard, que saint Pierre même consacra et
27.) DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUARANTE-NEUVIÈME.
envoya le premier évpqne de Reims saint Sixte
et lui donna pour coopérateurs saint Siiiice et
saint M.nimie, évè iin'S de S(ii<son< et de Clià-
lons (Flodnard., 1. i, n. 3). Dans le conci'e de
Reims en l'an 1019, l'évèiine de Soissons fut
placé iininédiateineiit après l'archeNêque de
Reims (Conc. tniii. ix, p. I03(i).
Le pa[)e Utbain II ayant fait revivre révêché
d'Arras, comme il a été dit ci-dessus, et en
ayant pourvu Lambert, Riisold , archevêque
de Reluis, envoya à l'évèque de Soi^sons les
lettres que le pape lui avait écrites sur ce su-
jet, pour les coinumniquer aux autres évèques
de la province : « Litteras domini papae susce-
pimus : quas cum perlegissemus , coepiscopo
noslro Snessioneusi eas transmisinms , et ut
ipse cEeteris suilVaf^aneis eas trausinitleret ,
piaccepimus (Spicileg., tom. y, p. 536).»
L'an 1271, le siège de Reims étant vacant,
Milon, é\èque de Soissons, convoqua le concile
provincial : « Pro usu jimdiu in Ecclesia re-
cepto (Conc. tom. u, part, i, p. 92-2). »
Si nous remontions plus hiut, nous trouve-
rions que dès le temps dHincmar, l'évèque
de Soissons tenait le même rang d'honneur.
Hincmar, dansunedeses lettres (Hincm., ipist.
VI, c. 18), met Sois<ons la première et Cliàlons
la seconde après Reims, dans l'enumération
des douze cites soumises à sa métropole (Bibl.
PP., tom. XVI, p. 408). Flodoard nomme tou-
jours le premier l'évèque de Soissons avant les
autres comprovinciaux, et il rapporte que ce
fut lui qui sacra l'archevêque de Reims (Flo-
doard., 1. IV, c. 33, 36, etc.).
Dans le concile de Reims , tenu enviroo
l'an 1000 pour la déposition de l'archevêque Ar-
nulplie, l'évèque de Soissons paraît toujours a
la tête des autres prélats de sa province. Le roi
saint Louis, Philippe le Hardi, et quelques
autres rois ont été sacrés h Reims, par les évo-
ques de Soissons, pendant que le siège de
Reims était vacant (Du Chesne, tom. iv, p. 100).
Dans le concile de Reims, en l'an 1564 (Conc,
tom. XV, p. 59, 63), sous le canlinal de Lor-
raine, archevêque de Reims, rè\è(|ue de Sois-
sons a toujours la première place après l'ar-
chevêque, et est iKimmè vic.iire derarchevêcliè
et de toute la province. « Archie|)iscopatus Re-
mensis et totius provinciœ vicarius (I).»
Dans la province de Tours, révê(iue du
Mans avait les mêmes avantages, si nouà en
(1) L'évèque de Soissons a repris de nos jours, dans ses titres o(fi-
ciel», celui de JojCTi ue» éiéques de la prooince de Heims.
croyons Ceoffroy. abbé de Vendôme, lorsqu'il
parle d'Hiblebert. évèque du Mans, qui fut de-
yiuis arclu'vêiiue de Tours , et (]uil raconte les
tèmitignages (pi'il donna de son zèle pour
écarter les biisjues scandaleuses d'une éleclion
simnniaqiie. « Hinc Hildebertus vir religiosus,
(]ui |iosl mctropolitaiium in provincia primus
erat episcopiis, non tacuit (C. m , epist. ii). »
Le père Sirmond, dans ses notes sur cette
leltre , tire cette prérogative de révê(|ne du
Mans de la disposition des cités dans la notice des
provinces mmiines, et ajoute que c'est de la
même manière que l'évèque de Clermont pos-
sède le i)remier rang entre les évêques de la
première Aiiuitaine, et celui de Poitiers entre
ceux de la seconde.
D'autres ont cru (]ue, comme Syagrius, évêque
d'.\ulun, obtenant le p.dlium de saint Grégoire
le Grand, avait obtenu aussi de lui que l'Eglise
d'Aiitun fût la première de la province après
celle de Lyon, «Ecclesia civilatis Augustodunœ
j)Ost Lugilunensem esse debeat : et hune sibi
locumet ordinem ex nosirae autorilatis indul-
gentia vindicare (Le Cointe, an. (83, n. 11) ; »
de même après qu'Aiglibert, évêque du Mans,
et favori du roi Thierry III, eût obtenu le pal-
liuin du pape, il impélra le mênii! privilège
pour son Eglise dans la province de Tours.
L'évèque de Carcassonne prélendit avoir la
préséance avant tous les autres évê()ues de la
province de Narbonne, sans avoir égard à l'an-
tii|uité de leur promotion, par un privilège
particulier de son E)iiise. Le concile provincial
de Bèziers, en l'an 1331, jugea provisoirement
que ce prélat aurait séance après l'évèque
de Maguelone, qui étiiit son ancien d'ordi-
nation, sans préjudicier à ses droits, s'il pou-
vait un jour plus à loisir les produire et en
persuader le concile. L'évèque de Carcassonne
ne pouvait pas tirer avantage de la notice des
villes où Toulouse est la première après Nar-
bonne, et Beziers la seconde.
Mais la cité de Bayeux étant nommée la
première après Rouen dans la notice, l'évèque
de Bayeux ne manqua pas de prétendre aux
prérogatives des doyens dans le concile de
Rouen, en l'an 1.381. Il disait que ses prédé-
cesseurs en avaient toujours joui ; que la règle
générale, qui donne la préséance aux plus
anciens d'ordination, n'était que pour les as-
semblées générales ; mais que dans les con-
ciles pro\inciaux toutes les cités ont un rang
certain et déterminé; que les chapitres en
Dr PROTOTRONE FNTRF I ES f.YÉOT'ES.
277
fournissaient une preuve convaincante, imis-
qu'ils y étaient toujours reçus dans le même
rang, le chapitre de Baveux étant If prciinri-.
Avranches le second, Evreux le troisième, Seez
le quatrième.
C'est effeclivement le rang que ces villes
tiennent dans la notice des villes (|ue le Père
Sirniond a mise au commencement de son pie-
mier tome des conciles de France (Conc. Gall.,
t. i). Aussi le concile de Rouen adjugea par
provision les privilèges des doyens à revê(|ue
de Baveux, pour cette fois seulement, et sans
préjudice dfs antres évèques, jusqu'à ce qu'on
eût consulté le Saint-Siège , et cherché avec
soin tous les éclaircissements nécessaires dans
les archives de Rome et de la province (Conc.
Gêner., t. xv, p. 871).
Le chafulre de Saintes demanda place après
celui de Poitiers dans le concile de Bordeaux,
en 1624, protistant qu'il était en [lossession fie
ce troisième rang. Les autres chapitres s'y
opposèrent, et le concile se rendit à cette oppo-
sition , sans préjiidicier au droit ni des uns ni
des autres. En tffet, dans la notice du P. Sir-
mond, Saintes n'a pas le troisième rang, ni
Poitiers même le second après Bordeaux (Ibid,
pag. 1(58').
En Espagne l'archevêque Rodèric de Tolède
raconte lui-même que, n'ayant pu se trouver
à une expédition militaire, parce qu'il était
malade, il envoya à sa place l'èvèijue de l'ia-
cencia, son chapelain, pour faire ses fonctions
pontificales. « Capillanum suum pontificem
Placentinensem, qui in exercitu li:eo ejiis pon-
tificalia exerceret (Hodericus, 1. ix, c. 12). »
VI. Un évêque de Cracovie obtint du |iape
Innocent III ce que la notice de l'empire n'a-
vait pu donnera son évéehé.qui ny fut jamais
compris, de précéder tous les autres évèques
de Pologne , sulfraganls de l'archevêque de
Gnesne. « Ut episcopus Cracoviensis oninihus
aliis episcopis provinciae et Ecelesiae Polonaj
loco et vice prior sit , et primus Gnesnensi ar-
chiepiscopo in consecrando manus iniponat
(Rainald., an. 120", n. 14;. »
Voilà ce qu'en dit Longin dans l'Histoire de
Pologne (Idem, an. 1227, n. ol). Ce qui n'em-
pêcha pas que quelijues années après l'évêque
de Breslau étant le plus ancien d'ordination,
ne disputât la préséance à rèvé(]ue de Cracovie
dans un concile provincial, et ne l'emportât
sur lui p ir sa seule fermeté à conserver son
rang, ce qui obligea l'autre de s'absenter.
Vil. hans rOiient, entre les métropolitains qui
relevaient d'un même patriarche, il y en avait
un (]ui s'élevait au-dessus de tons les autres, et
qu'on appelait prolotrône 't piph., liaer. lxvui,
77fMTi6p-.vo;\ Tel était peut-être Slélèce, archevê-
que de Lycopolis en Egypte, selon saint Epi-
phane, qui lui donne le premier rang après
rarchevêijue d'Alexandrie. « Videbatur Mele-
lius praeeminere inter episcopos ^gypli, ut
qui secimdum habeat locum post Petium in
areliiepiscopatii. » Il se pouvait faire néan-
moins que ce privilège fût personnel.
Tel était le métropolitain de Césarée en Cap-
padoce, sous le patriarche de Conslantinople,
dans la Novelle d'Isaac l'Ange, celui de Tyr
sous le patriarche d'Antioche, et celui de (Césa-
rée en Palistine, sous le patriarche de Jérusa-
lem. Guillaume, archevêque de Tyr. n'oublie
pas ce privilège de son Eglise, dont on remarque
les preuves dans le concile VIII œcuménique
(L. XIV, c. 12).
Voici les paroles de Guillaume de Tyr. «Cer-
tum est quod inter fredecim archiepiscopos,
qui a dit bus Afiostolotum sedi Antioctunae
subditi fuerunt . Tyrensis qiiidem iirimum
locum obtinuit. ita ut in Oriente protothronus
appelietur; sicut in cata!ogo, etc.» Quand
Innocent II soumit pro\isoirenient Tyr a Jéru-
salem , il lui donna le même rang dans le
p itr iarcat de Jérusalem.
La même qualité de prototrône était aussi
donnée au premier des évèques de la province,
et elle ét^.it accompagnée des mêmes droits.
Zonare raconte comment l'empereur Léon le
l'hilosrphe. ayant élevé Fon frèie à la dignité
(le palriarclie, il le lit ordcnner par le proto-
trône de la province d'Héraclée, parce que le
siège de l'archevêque était vacant : « Quia
HeracltSB pontifex nullus erat, a protothrono
electus est. »
2T8
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTIÈME.
CHAPITRE CINQUANTIÈME.
LES ÉVÊQDES SONT DE DROIT DIVIN, ET INSTITUÉ^ PAR JÉSUS-CHRIST ; ILS SONT SUCCESSEURS
DES APOTRES, ET EN QUELQUE SENS MÊME DE SAINT PIERRE.
L Lesévêques sont d'inslitulion divine, et quant à l'ordre, et
quant à la juridiction, comme étant chacun dans leurs diocèsos
les vicaires de Jêsus-Chrisl, les successeurs des apôtres, et de
saint Pierre même en quelque sens.
II. Preuve liréc de saint Léon.
III. Et d'Optat, lésus-Clirist donna les clefs spirituelles de la
juridiction une fois à tout le collège apostolique ou épiscopal,
et une autre fois ii saint Pierre, comme au chef représentant
tout son corps dans Tuiiilé.
IV. Saint Jérôme explique comment les apôtres, étant égaux
à saint Pierre dans l'apostolat, lui sont unis comme à leur chef.
V. Il relève escelleinmeni l'épiscopal.
VI. Par le même droit divin, et pour éviter le schisme, il
fait les èvèques chefs de leurs Eglises particulières, et le pape
chef de l'Eglise universelle. Il fait les évèques successeurs de
saint Pierre. Les premiers évèques furent nommés apôtres par
les apôtres mêmes.
Vil. Confirmation de toutes ces vérités par saint Pacien.
Vlll. IX Par saint Cyprien et saint Augustin.
X. Par saint Paulin et Julien Pomère.
XI. Par les canons et les constitutions apostoliques, par Cri-
gène et Eusèbe.
XII. Par saint Basile, Firmilien et Théodoret.
XIII. Les mêmes litres d'éminence et de pouvoir communs
au pape et aux évèques, avec quelque distinction.
XIV. Du litre de pape.
I. Quoiqu'il ait assez paru, par ce que nous
avons dit ci-ilesstis, que non-seulement l'ordre,
mais aussi la juridiction et rem[)ire des évè-
ques était d'un droit divin et de l'institution
propre de J.-C, il ne sera pas inutile de retou-
cher encore une matière si riche et si imjHir-
tanle. Toute la tradition des conciles, des Pères
et (les écrivains ecclésiasliiiues nous apprend
cette vérité constante et autrefois incunlestahle,
que les évèiiues ont été institués par une auto-
rité toute divine, pour être les vicaires de .I.-C.
même dans leurs diocèses, les successeurs des
apôtres et les successeurs même de saint Pierre
en im sens très-vérit.ible, qui n'empêche |ias
que le pape ne soit en un sens encore plus
propre et plus |iarliculier et avec une étendue
et une plénitude hien plus grandes le succes-
seur du chef et du iiriiice des apôtres.
II. On ne i)eut rien dire de plus juste sur
cette niiilii're, ni de [ilus a\aiitam'ux, non-seu-
lement à la primauté du siège Romain, mais
aussi à la majesté et à l'autorité (li\ incment éta-
blie des évèques, que ce qu'en a dit saint Léon
jiape dans une de ses lettres. Il y fait une ad-
mirable alliance de cette primauté du chef de
toute l'Eglise et de la primauté des chefs parti-
culiers de toutes les Eglises, qui par leur subor-
dination et par leur inviolable correspondance,
ne font tous qu'un chef et un épiscopat, comme
toutes les Eglises ne font toutes qu'un corps et
qu'une Eglise.
Voici les paroles de ce grand pape (Epist.
Lxxxvi). «Connexiotolius corporis imam sanita-
tem, unam ptilchritudinem facit. Et hœc qui-
dem connexio totius corporis unanimitatem
requirit, sed praecipueexigitconcordiam sacer-
dotum ; quibus etsi dignitasnonsitcommunis,
est tamen ordo generalis. Quoniam et inter
beatissimos Apostolos in similitudine honoris,
fuit quaedum discretio poteslatis ; et cum om-
nium par esset electio, uni tamen datum est,
ut cipteris prœemineret. De qua forma episco-
))orum quoque est orta distinctio, et magna
dispositione provisuin est , ne omnes omnia
sihi ^iIldicarent, sed essent in siiigulis pro-
vinciis singuli , quorum inter fratres prima
haberettu- sentenlia ; et rursus, quidam in ma-
jiirilius urbibus conslituti sollicitudinem sus-
ciperent ampliorem ; per qnos ad unam Pétri
sedem universalis Eccle.^iœ cura coiiflueret,
et nihil usquain a siiO capile dissideret. »
Ce pape déclare nettement que les évèques
succèdent aux apôtres, dont on ne doute ])as
que l'institution ne soit toute divine : que
l'ordre et le collège île tout l'èpiscopat est le
iiiênie, mais que leur dilîèrence consiste dans
l'étendue de leur autorité, qui est plus grande
dans les uns que dans les autres. « In similitu-
diiii' honoris luit discretio potestatis. Cum om-
niiun par esset electio, uni datum est, ut cœ-
tetis pra>mineret ; » qui^ leur difTérence ne
Aient pas de ce ([ue les uns tiennent leur pou-
voir des autres, comme par une esiièce de dé-
légation ; puiscju'au contraire, ils sont tous ap-
DES ÉVËQUES SUCCESSEI'RS DES APOTBES.
279
pelés et élevés à l'apostolat, ou à l'épiscuiiit
immédialeiritMit par J.-C. « Omnium par clo-
ctio, onlo gt'iieralis; » mais de ce (]iie les uns
sont subordonnés aux autres, et lus uns ont
reçu des limites plus étroites (]ne les autres,
par celui qui a rendu paitieipiiits les uns et
les autres de sa céleste principauté. « Uni da-
tum est, ut caeteris prœminerel. » 11 y a bien
de la différence entre déléguer un autre et être
élevé au-dessus de lui. Saint Pierre fut placé
par J.-C. au-dessus des autres apôtres, mais ils
ne reçurent de lui ni leur mission, ni leur
autorite ; ils la tenaient utjiijuemeiit de J.-C.
III. Optât, évèiiue de .Milève eu Afriiiue, tlil
que pour affermir l'unité de l'Eglise, Pierre fut
préféré aux autres apôtres et reçut les clefs
pour les commiuiiquer aux autres. « Bonouni-
tatis beatus Petrus praeferri omnibus .\poslolis
nieruit, et claves regni cœlorum coiumuniciui-
d.is caeteris solus accepit (Opiat., 1. I). Saint
Léon dit la même chose, « Ut ab ipso l'etro
quasi qnodam capite dona sua Uominns \elut
incorpusomnediflnnderet (Léon, ep. lxxxix). »
Le sens de ces paroles n'est pas que les apô-
tres ne tinssent leur autorité, et les clefs de
l'Eglise, que de saint Pierre, pui>qu'il est évi-
dent dans le texte de l'Evangile, tjue le Fils de
Dieu parlant une fois à tous les ajiôlres, leur
donna en commun et les clefs de l'Eglise et
la puissance de lier ou de délier dans le ciel
tout ce qu'ils auraient lié ou délié sur la terre.
Mais comme une autre fois le même Fils de
Dieu, pailant cà saint Pierre nommément, et
en lui à tout le sacré collège des apôlres ou des
évèques, lui donna la puissance des clefs , et de
lier ou de délier sur la terre et dans le ciel ;
il voulut leur apprendre par là qu'ils ne de-
vaient tous exercer la puissance des clefs que
dans un esprit d'unité et de concorde entre eux
et avec leur chef, dans lequel ils avaient tous
été renfermés, quand il lui avait conllé le
dépôt de sa di\ine et céleste puissance. C'est
comme saint Patienl'a excellemment entendu,
« .\d Petrum locutus est Dominus, ad unum,
ut unitalem fundaret in uno. Mox id ipsum in
commune praecipiens (Epist. m). »
Voilâtes deux missions remartjuées : en l'une
le Fils de Dieu ne parle qu'a saint Pierre ,
comme au chef représentant tout le corps de
l'épiscopal. Ce n'est (tas après cela saint Pierre
qui communique ce pouvoir aux apôtres, c'est
le Fils de Dieu même qui le leur donne en
mêmes termes qu'à saint Pierre, mais avec une
lirérogative évidente de saint Pierre d'avoir
été lui seul considéré comme le chef et le cen-
tre de l'unité.
IV. Saint Jérôme qui avait paru à quelques
interprètes trop superficiels de ses paroles,
avoir rabaissé l'épiscopal en égalant les évoques
aux prêtres , va nous paraître au contraire avec
plus de fondement le relever jusqu'au |)lus
haut degré d'une éminence toute divine, en
fai^aIlt succéder les évèques aux apôtres et éga-
lant tous les apôtres à saint Pierre dans rajios-
tolat, non pas dans la qualité incommunicable
de chef de l'apostolat.
Voici conune ce savant hnnime démêle cette
matière si délicate, et comme il distingue les
deux délégations iiiunédiates de J.-C, l'une
pour saint Pierre, l'autre pourles aiiôtres(L. i.
adviis. Jovin.). « A\. dicis super Petrum fun-
datur Ecclesia, licet id ipsum inalio loco super
omnes .\postolos fiât, et cuncti claves regni
cœlorum accipiant, et ex ^'(luo super eos Eccle-
siœ fiirtiluilo solidetur; ta nen propterea inter
duodecim unus eligetur, ut capite conslituto ,
schismati-i tollalur occasio. »
On ne pouvait pas dire plus clairement que
les apôties tiennent du Fjls de Dieu seul toute
la puissance apostolique, aussi bien que saint
Pierre, mais (|ue saint Pierre a été ètibli leur
chef [)ar le même Fils de Dieu, |iour prévenir
le schisme c]ui :iirrail pu se former entre eux,
ou plutôt entre leurs successeurs.
V. Ce même Père se moque ailleurs des
Montanistes, qui avaient for-gé deirx dignités
nouvelles et imaginaiifS pour reculer au troi-
sième rang les évèques qui tiennent le premier
dans l'Eglise catholique, comme les véritables
successeurs des apôtres. «Apud nos Apostolo-
rum locum episcopi tenent, apud eos episco-
pus tertius est. Habent enim primos de Pepuza
Phrygiœ patriarchas : secundos quos appellant
Cenones : atque ita in fertium, id est, pêne
ultimum locum episcopi devolvuntur : quasi
exinde ambitiosior religio fiât, si quod apud
nos primum est, apud illos novissimum sit
(Epist. ad Marcell., adv. iMont.). »
II dit ailleurs que la qualité de successeur
des apôlres est commune à tous les évèques, et
que leur dignité est la même, sans excepter le
pontité romain, puisqu'enfin il n'y a qu'un
apostolat, ou un épiscopal. « ri)icuinqne fuerit
e|)iscopus, sive Ronne, sive Eugubii; sive Cou-
stantinopoli , sive Rhegii ; sive Alexandria;, sive
Tanis : ejusdem merili, ejusdem est et sacerdo-
280
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTIÈME.
tii. Potentia divitiarum et paupertatis humili-
tasvelsublimiorem vel infcriorem episcopuin
non facit. Caîterum omnes Apustolorum suc-
cessoressunl (Epi>t. ad Evagriuin). »
VI. Ce Père établit sur le même fondement
inébranlable de I institiilion de J.-C. la pri-
mauté divine des évê(iutssur les prêires, aussi
bien que celle de saint Pierre sur les apôtres,
ou du pape entre les é\ê.|uts (Ibidem). Après
avoir dit que les apôtres mêmes prenaient la
qualité de prêtres, il témoigne que pour éviter
le schisme, et pour conserver chique Eglise
particulière, au^si bien que l'Eglise univer-
selle, dans une indissoluble unité, le Fils de
Dieu donna l'évêque pour chef à tous les prê-
tres, et p.ir coiisét|uenla tous les peuples, dont
les prêtres sont les chefs et les pasteurs. « Quod
aulern postea uiius electus est qui cae eris prae-
poneretur, in schismatis remedium factum
est, ne unuscjuisqueadse trahensChrisliEccIe-
siam rnmperet. »
Quoique cette institution divine n'ait éclaté
qu'ai)rès, postea, que les évèques et les prêtres
ont été multipliés, elle n'en est pas moins d'une
autorité di\ine , puisque c'est par celle divine
autorité que les évèques sont les successeurs
des apôtres, et que chaque église particulière
doit nécessairement se confoimer au tout
dont elle est une partie, et imiter l'unité indis-
soluble de l'Eglise universelle.
Si saint Jérôme f.iit ailleurs succéder les évè-
ques et les prêtres aux apôtres et aux hommes
apostoliques, « Episcopi el prusbyleri habeant
in exemplum Apostolos, et apostolicos viros,
quorum honorem possidenles, habere nitan-
tur et merilum (Ep. ail Paulinnm de inslit.
Mon.), » c'est toujours avec cette clause néces-
saire, que les évèques seront les chefs divine-
ment institués au-dessus des prêtres, comme
saint Pierre entre les apôtres avait une pri-
mauté d'institution divine : selon ce Père, on
peut dire même, que tous les évèques succè-
dent à saint Pierre, en tant que saint Pierre
représentait tout le collège épiscopal (juand le
Fils de Dieu lui commit les clefs célestes. " Non
omnes episcopi episcopi sunt. Attendis Pe-
trum? Sed et Judam considéra (E|ii^t. ad He-
liodor.j. » El plus bas, « Non est facile stare
loco Pauli, tenere locum Pétri. » C'est à quoi
il fait allusion , (luaiid il dit que rE,i;Iise ne
peut subsister sans reconnaître une primauté
et une aulorilé suréminenle dans les évèques
(Adversus Lucifer.). « Ecclesiae salus in summi
sacerdotis dignitate pendet, cui si non exors
(|uœdam et ab omnibus eminens detur pote-
stas, lot in Ecclesiis efficientur schismala, quot
saceidotes. »
EnQii ce grand homme nous apprend que
les |)ieiniers évèques que les apôlres ordonnè-
rent furent euv-mêmes appelés apôlres par
les apôtres mêmes. Tant il est indubitable que
l'épiscopal n'est autre chose que la succession
continuée de l'aiioslolal. « Quod aulem excep-
lis duodecim quidam vocentur Apostoli, illud
in causa est : Omnes qui Domimim viderant
et eum poslea pneilicabant, fuisse Apostolos
appellatos. Paulatim vero tempore procedente,
et alii ab his quos Dominus elegerat, ordinati
sunl Apostoli. Epaphroilitus , S^las et Judas
Aposluli ab Apostolis noininati sunl (lu epist.
ad Gai., c. i). »
VU. Saint Jérôme pouvait avoir appris cela
de saint Palien , é\êque de Barcelone, qui re-
marque qu'il n'est pas étrange que les apôtres
aient honoré les évêtjues de leur nom puisque
J.-C. a honoré et les apôtres et les évèques du
sien (Epist. i). « Denique et episcopi Apostoli
nominantur, sicut de Epaphrodito Paulus edis-
serit, etc. Deus jus illud nobis, ut Apostolorum
catheiram tenentibus, non negabil, qui epi-
scopis eliam unici sui nomen induisit. Nemo
epi:^copnm hominis conlemplatione despiciat.
Recordemur quod Petrus aposlolus Dominura
nostrum episcopum nominarit. Quid episcopo
negabitur, in quo Dei nomen operatur? »
Vi)ilà les évèciues revêius non-seulcinent du
nom et de rauturité des apôtres, mais du nom
et de l'autorité même du Fils de Dieu.
VIII. C'est aussi la doctrine constante desaint
Cyprien, que les évèijues sont les successeurs
des apôtres, qu'ils sont les centres d unité cha-
cun dans leur Eglise, qu'en cela ils sont même
les successeurs de saint Pierre, et assis dans la
chaire de saint Pierre comme dans la chaire
d'unité; enfin qu'ils doivent être aussi tous
réunis ensemble dans l'iinilè avec le princijjal
successeur de saint Pierre, le pontife romain,
ciinime les apôtres furent toujours indissolu-
blement unis avec saint Pierre, afin que toutes
les Eglises ne fussent ([u'une seule Eglise, une
seule épouse de l'immortel Epoux qui la leur a
confiée comme à sts vrais amis. Voici ce qu'il
écrit au pape Corneille : .< Hoc vel maxime, fra-
ter, et laboramus, etiaburare debenuis, ut uni-
tatem a Domino, et [)er Apostolos nobis succes-
soribus tradilam , quantum possumus obtinere
DES ÉVÉQUES SUCCESSEURS DES APOTRES.
281
curenms (L. ii, ep. x; 1. m, ep. ix;. » Par-
lant ailleurs contre les diacres qui s élev.iiciit
contre les évèt|ues, "Metiiinisse debent diacoiii,
quoiiiaiti Apostolos, id est episcopos et pra^po-
sitos Diimiiuis elejiit, diacoiios antem Apostuli
sibi constituerunt, epi<copatus sui et Ecclesiœ
niinistros. Qnod si nos alii|iiid audere contra
Deuin possuinus, qui episcopos t'acit, etc.»
Oa ne pouvait rien dire de plus formel
pour faire connaître que J.-C. a institué les
évêques quand il a institué les apôlres. El ail-
leurs : u Cliristus dicit ad Apostolos, ac boc ad
omnes praepositos, qui Aftoslolis vicaria ordi-
naiione succedunl : Qui audit vos me audit
(L. IV, ep. IX). » L'Eglise est certainement
l'œuvre et le cbt f-d'œuvre de Dieu. Or 1 E;j:lise
n'ist autre chose que le troupeau uni à son
Pasteur, le corps des fidèles uni à son évèque.
a Ecclesia, plebs sacerdoli adunata, et pislori
suo grex adbœrens. Unile scire <lebes episcopiim
in Ecclesia esse, et Ecclesi.im in episcopo. »
IX. Le même saint Cyprien explique admi-
rablement ailleurs l'égalité des apôtres avec
saiut Pierre dans l'apostolat , qu'ils tenaient
tous immédiatement de J.-C, et leur subordi-
nation néanmoins à ce divin chef auquel ils
devaient être invitdablernent attachés, puisque
J.-C. les avcdt tous renfermes en lui, lorsqu'il
établi-sait en lui l'inébranlable fondement de
son Eglise.
« Loquitur Domiiuis ad Petrum : Super hanc
Petram, etc. Tibi dabo claves, etc. Et quamvis
Aposlolis omnibus post resurrectionem suaiu
parem potestatem tribuat, et dicat : Sicut inisit
me Pater, et ego mitto vos. Accii>ite Spiritum
sanctum. Si cuiremiseritispeccata, etc.; tamen
ut unitatem nianife^taret, uuitatisejusdem ori-
ginem ab uno incipientem sua autoritate dis-
posuit. Hoc erant utique et caeteri Apostoli,
quod fuit Petius, pari consorlio prœdicali et
honoris, etpotestatis ; Sedexorduim ab unitate
proficiscitur ut Ecclesia una monslrelur (L. de
unilate Eccles.). »
Au reste si saint Cyprien a paru dans sa
conduite s'égaler au pape Etienne lors de la
contestation sur le ba[)léme, saint Augustin a
bien fait voir que ce n'était pas sa pensée, et
qu'on ne peut avoir ignoré que l'aiiostolat de
l'Eglise romaine est au-dessus de toutes les
autres chaires episcopales (Augus. de Baplis.,
con. Donat., 1. ii, c. I). « Quis enim nesciat,
illum apostolatus principatum cuilibet episco-
patui praeponendum? Sed etsi distat cathedra-
rum gratia, una est tamen martyrum gloria. »
X. Saiut Paulin donne un trône apostolique
aux évêques à ([ui il écrit. Voici comme il parle
à Victrieiiis, évêcjue de Rouen ; « Sic te Apo-
stolieie Sedis evectu, quasi super candelabrum
subhme Deus constituit (Ep. ii ad Victr.). »
Et écrivant à Florence, évèiiue de Cahoi s, «Deus
qui te in sortein Afiostolorum dignatus assum-
psit, ut eorura arte hominum piscator exi-
steres. »
Julien Pomère, dans les livres de la vie con-
templative, donne le même rang des apôtres
aux évêques; « Isti sunt Aposlolorum Domini
successores , etc. Ecclesiarum Ctuisti post
Apostolos fundatores, etc. (L. i, c. ult., lib. ii,
c. 2). «
XI. Les Grecs n'ont pu avoir d'antres senti-
ments. Le canon apostolique déclare haute-
ment que le salut des fidèles a été commis aux
é\êques, que ce sont eux qui en serunt respon-
sables, et que par conséquent les prêtres et les
diacres ne doivent s'en mêler que par les or-
dres de l'évêque. « Presbyteri etdiaconi praeter
epistopum nihilagere pertentent. Nam Domini
populus ipsi cummissus est, et jiro animabus
eorum hic reddiiurus est rationem (Can.
xl). » Le canon du concile d'Antioehe fait allu-
sion à celui-ci (Can. xxiv) , quand il ordonne
que le temporel de l'Eglise peut bien être con-
fié à l'évêque, puisque c'est lui à qui le Fils de
Dieu a commis le salut de ses peuples. « Cui
commissus est populus, et animas quœ in
Ecclesia congregantur (Const. Apost., 1. ii,
c. -26). »
L'auteur des constitutions apostoliques don-
nantaux |)rètres le rang des apôtres, faitasseoir
en même temps l'évêque dans le trône de Dieu
même. « Qui episcopus est, hic post Deum
Deus terrenus. Episcopus vobis pra?sideal, ut
dignilate Dei cohonestatus , qua clerum sub
polestate sua tenet, et foti po[)ulo prseest. Pre-
sbyteri nos Apostolos repréesentare existimen-
tur, etc. (Tractât, i in Malth.). "
Origène place les évêi|ues dans le siège de
saint Pierre, et leur commet les mêmes clefs
du ciel. « Quoniam ii qui episcoporum locum
sibi vindicant, utunfur eo dicto sicut Petrus,
et clavts regni cœlorum a Servatore accepe-
runt, etc. n
Eusèbe fait tous les évêques vicaires de J.-C.
comme étant les dépositaires et les ministres
de son royal sacerdoce (L. x, hist. c. 4). « For-
tasse id etiam alteri cuipiam secundo a Christo
28-2
DU PP.EMIF.P. ORDPE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTIÈME.
loco conce?siini est; huic \idelicet quem pri-
iiius ipse et maximus pontifex, secundi post se
loci sacenlofio decorotum, divini vesfri gregis
pastorem, sorte ac judicio Patris oninipotentis
constituit. »
XII. Saint Basile rend tous les évêques parti-
cipants du dépôt sacré de l'autorilé spirituelle,
et des clefs célestes, dont J.-C. a chargé saint
Pierre, et en lui tous les pasteurs (Const.Monas.,
c. '2-2). « Hoc a Cliristo docemur, lium Petrum
Ecclesiac suœ pastorem post se constituit; Petre,
in(|uit, amas me plus Iiis, pasce oves nieas. Et
onuiibus deinccps pastoribus acmagi?tris eam-
dem tribuit potestatem. Cujus quiilem rei si-
gnum est, quod omnes siniiliter atque ille, et
ligent, et solvant. «
Fiimilien, qui avait été un des prédécesseurs
<le saint Basile dansl'évècbé de Césarée, ne dou-
tait pas que le pape Etienne ne fût effectivement
assis dans le trône de saint Pierre, mais il i)en-
sait avtc raison y être assis aussi lui-même,
quoiqu'il dût reconnaître ijue le pape y était
avec une prérogative de clief, ((ui ne peut êlre
ni partagée, ni comnuiiiiquée à aucun autre
é\êque du monde. « Potestas peccatorum re-
miltendorum A()ostolis data est, et Ecclesiis
([ua-s illi a Clnisto missi constituerunt, et epi-
scopis qui eis ordinalione vicaria successerunt,
etc. Steplianus, (jui sic de episcopatus loco glo-
riatur, et sesuccessionem Pelri teni>re conten-
dit, super quem fundamenta Ecclesiœcollocata
sunt, etc. Steplianus qui per successionem
cathedram Pétri babere se prœdicat. »
Le savant Tbéodoret avait aussi fort bien
compris que les évêques remplissaient la place
des apôtres, quoiqu'ils n'en prissent pas le nom.
« Apostolicum nouieu pnccipuum et singiilare
bealissiiui illi liahinrunt. Et si enim eoruni
operi isti successerant, illorum tamen appella-
tionem nemo sibi arrogare audet (In Isai.,
c. 61). »
Il remarque ailleurs que saint Paul a donné
le nom d'apôtres, non-seulement aux douze
qui le sont par excellence, mais aussi à tous
ceux qui ont reçu la même ordination (In
Epist. I ad Corint., c. 15). « Apostolos nonduo-
decim solos vocavit, sed omnes qui eum ordi-
nem acceperant (In Epist. i ad Titum., c. 13). »
nj.vTa; Tcù; TCiaÙTr.v SeÇau.Evo'j; /.Eifcvovia-*. Et ailleurs,
« Qui nunc vocanlur episcopi, Apostolos olim
noniinabiuit. Procedente teiii])ore, aposlolatus
noiiien reliquerunt iis, qui vcre erant Apos-
toli. 1)
XIII. Nous pouvions ajouter à ces vérités
incontestables encore cette proposition, que les
mêmes titres d'bonneur et les mêmes luarques
de puissance qu'on a réserxés aux pontifes ro-
mains dans les siècles suivants, avaient appar-
tenu à tous les évêques pendant les quatre ou
cinq premiers siècles. Etant en effet tous re-
gardés comme apôtres, successeurs des apôtres,
assis dans le trône des apôtres, et dans le siège
même de saint Pierre, on ne pouvaitleur rifu-
ser toutes ces éminentes qualités, qu'on attri-
buait néanmoins alors même à saint Pierre et
à ses successeurs avec une persuasion si vive de
leur prééminence singulière sur tons les autres
évêques, que l'usage les leur a entin réservées
à eux seuls. Car ce n'est aucune loi, ni civile,
ni ecclésiastique, qui a réservé au pnpe ces
titres excellents de pape, de souverain pontife,
de vicaire de J.-C. sur la terre, de sainteté, de
béatitude, d'apostolat, et autres semblables qui
lui étaient aidrefois comnums avec tous les
autres éxêques, comme il laraît par tous les
monuments de l'antiquité ecclésiastique.
Ça été l'usage qui s'est insensiblement in-
troduit, qui a fait ce changement, et qui n'a
point eu d'autre fondement que le respect plus
])r()fond et la vénération toute particulière
(pi'on a eu pour celui que J.-C. avait distingué
de tous les autres ajjôtres, par des privilèges si
particuliers, et par la qualité suréminenle de
chef.
XIV. Il serait superflu de justifier ici par une
foule d'autorités, que tous ces titres d'bonneur
aient été autrefois conununs aux papes et aux
évêques. Nous avons sutfisamnient prouvé ci-
dessus , que cette communion de titres apo-
stoliques entre les évêques, a duré jusqu'au vi°
ou vu* siècle, et peut être encore davantage.
Nous nous contenterons de faire ici cette ré-
flexion, que le titre de iia|ie, qui semble avoir
pris sou origine de l'Afrique, y a toujours été
particulièrement affecté à l'évèque de Cartilage.
Ce n'est pas qu'on ne se servît de ce nom hors
de rAfrujue, mais on s'en servait encore plus
ordinairement dans l'Afrique, comme il paraît
p;ir Tei tullien et par les lettres de saint Cyprien.
Ce n'est pas aussi que le nom de pape ne fût
donné dans l'Afiique à tous les évêques, mais
l'usage le rendit enfin comme propre à l'é-
vèque de Cartilage comme au Père des pères,
et au Père commun.
La collection grecque des canons d'Afriijue
ne donne guère le titre de pape qu'à l'évèque
LA PRÉÉMI.VEXCR ET UANTIQUITÉ DES TROIS ORDRES HlÉRARCIIIOrES. 283
de Carthage et aux pontifes romains. D.ins l'E-
gypte le litre de pape était comme attecté à
l'évèque d'Alexamlrie. On en peut voir les
exemples dans saint Epipliane, dans saint Jé-
rôme, dans saint Athanrise 'Epiphan.. hanr.
LXix). Saint Jérôme traite aussi de pipe Eva-
grius, évéque d'Antioche (Hieron.. epist. xvi ;
Baronius, an. 3h2, n. 203). Dans l'Italie ce nom
semblait déjà être réservé au pape, quand saint
.\mbroise écrivait au pipe Sirice sans rien
ajouter de plus, « Siricio Papa; (Hieron., in vita
Malchi). »
Le concile I" de Tolède en 40.5, selon Biro-
nius (Baronius, an. 405, n. 33, 34; 430, n. IG;,
en usait comme si le terme de pape ne signi-
fiait plus que le pontife romain. « Expecfantes.
quid papa, qui nunc est, qui 1 sanctus Simpli-
cianus Medioianensis episcopus, reliquique Ec-
clesiarum resirihant sacerdotes. » Et plus bas,
« Priusquam illis per pap un, vel per sanctum
Simpliciaaum communio redditur. »
Cette réserve n'était pas si avancée dans les
autres pays. Balsamon, et après lui Xicéphore
ne se sont trompes, (|uand ils ont dit que
le pape Célestin ne donna à saint Cyrille et à
ses successeurs dans le siège d'Alexandrie le
titre de pipe, que parce que les évè ]ues d\\-
lexandrie en ont usé plus longtemps (jue les
autres. Dans le concile de Calcédoine il y a
quelques endroits où le nom de pape est sin-
gulièrement donné à saint Léon. « Sic crédit
papa Léo, sic Cyrillus crédit, sic papa interpre-
tatus est (Act. 1 et 2). » Mais cet usage n'était
point encore réglé. Eutyche y est même appelé
ui-a;, c'est-a-dire père, apparemment à cause
de son âge, ou parce qu'il était abbé (Evagr.,
1. I. c. 18 . Nous traiterons encore cette matière
ailleurs (Part. u. c 1;. Il suffit de remarquer
ici que le nom de pape commençait à se ré-
server aux grands sièges et surtout a celui de
Rome.
CHAPITRE CIXQUAXTE-UXIEME.
LA PRÉÉMI>E>CE ET l' .ANTIQUITÉ DES TROIS ORDRES HlÉR.iRCHIQl"ES, ET DES }tR0IS PREMIERS
BÉNÉFICES DE LÉGUSE, LÉPISCOPAT, LA PRÊTRISE, LE DIACOX.AT, SELON LES PÈRES GRECS.
I. Qne ce sont vérilablement trois bénéfices ayant nne institu-
tion divine et des {onctions sacerdotales, et un droit à la snb-
sistance temporelle.
U. Le coucile de Trente a défini que cette hiérarchie est
d'institution divine, et a compris dans les diacres tous les clercs
inférieurs.
m. Les apôtres, par ordre exprès du Fils de Dieu, ordonnè-
rent des prêtres et des diacres, comme faisant couler ces ruis-
seaux de la plénitude de leur sacerdoce.
IV. Preuves tirées de saint lenace et de saint Justin, que les
èTèques, les prêtres et les diacres sont la hiérarchie divinement
instituée. Que les diacres furent institués pour le sacrifice.
V. Preuves des mêmes vérités, tirées des constitutions et des
canons apostoliques.
VI. De Clément d'Alexandrie.
VII. D'Eusèbe.
vm. D'Origèue.
IX. De saint Cyrille de Jérusalem, et de saint Grégoire de
Naziaoze.
X. De saint CUrysostome. Pourquoi les noms de ces trois ordres
sont quelquefois confondus dans l'Ecriture.
XJ. Objection tirée du coucile in Trulto, contre la divine
institution des diacres. Réponse.
XII. Réponse à l'objection tirée de saint Chrysostome.
XIII. On oppose un canon de Néocésarée à celui du concile
m Trul/o.
I. Il ne faut pas s'étonner si nous disons
d'abord que les évêques. les prêtres et les dia-
cres sont les seuls bénéflciers de l'Eglise pri-
mitive ; car il est indubitable que ces noms au-
gustes ne inarquent pas seulement leur ordre
et leur puissance spirituelle pour la célébra-
tion des sacrements, mais aussi la dignité et le
bénéfice qu'ils possédaient, comme une fleur
ou un fruit inséparable de cette divine fige.
Nous le justifierons assez au long dans toute
la suite de ce traité; il suffit pour le présent de
faire remarquer, que comme le nom et le titre
d'évêque nous fait concevoir, non-seulement
l'ordre sacré et l'autorité spirituelle de ceux
qui en reçoivent la consécration, mais aussi la
284
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQrANTE-UiMÈME.
charge et le gouvernement diin diocèse^ avec
1.1 jouissance et l'administration temporelU de
tous les revenus et de tous les fonds qui y sont
attachés ; aussi dans les Pères et les conciles, et
. dans l'usage commun de l'Eglise durant i)lns
de douze cents ans, les noms de prêtre et de
diacre signiûaient aussi bien le droit et la pos-
session de leur bénéfice et de leur subsistance
temporelle, que l'ordre sacré et le céleste ca-
ractère dont ils avaient été honorés dans leur
ordination.
Comme on ne peut encore à présent être mis
au rang des évèques qu'on ne soit en même
temps chargé du gouvernement spirituel et
temporel dune Eglise, aussi on ne pouvait,
depuis la naissance de l'Eglise, être élevé à la
dignité de prêtre et de diacre (jtron ne reçût
une fonction sjiirituelle et la subsistance tem-
porelle qui l'accompagne dans quelque Eglise
particulière ; ce qui est évidemment ce que
nous appelons bênéflce.
H. Venons présentement à rétablissement de
, cette divine hiérarchie , que le concile de
• Trente a remarqué être conifjosée des évèques,
des prêtres et des ministres. Car ces ministres
ne sont autres que les diacres, comme il paraît
par la signification du mot et par les termes
propres de l'Ecriture. Mais ce saint concile a
voulu nous insinuer par l'affectation de ce
terme de ministres, plutôt que par celui de
diacres, que tous les moindres ordres (]iii ont
été comme démembrés du diaconat et (|ni en
' • sont comme autant de fiortions. peuvent aussi
"• être compris dans la divine hiérarchie de l'E-
glise, en tant qu'ils sont dans une dépendance
entière, dans une liaison parfaite et conmie ne
faisant qu'un même tout avec le diaconat.
Si l'on nous objecte que selon ce même con-
cile toute la hiérarchie ecelésiastii|iie étant
d'institution divine, elle ne peut embrasser les
ordres des sous-diacres et des autres officiers in-
férieurs, que la lecture des Pères et des conciles
nous ajiprend a^oir été successiveniiut insti-
tués par l'Eglise, et n'avoir pas été ni tons, ni
toujours, ni ks mêmes dans toutes les Eglises,
dans les siècles passés, nous rêponduns (|u'il
suffit que tous ces ordres soient d'un établisse-
ment divin dans leur source et dans leur pi in-
ci[)e, c'est-à-dire, dans le diaconat, duquel ils
sont tous écoulés, et dans lequel ils sont tous
compris d'une manière très- excellente.
111. Disons donc que le Fils de Dieu étant
devenu par son incarnation notre souverain
prêtre, et voulant enfin aller exercer dans le
{"iel son divin sacerdoce d'une manière suré-
minente et |>roportioniiée à la majesté d'un
Dieu fait homme, et à l'éternelle félicité de
l'Eglise céleste, il substitua en sa place sur la
terre ses apôtrts, et leséxêques qu'il appela
ensuite à cette di\ine succession, et les revêtit
de la même plénitude du sacerdoce qu'il avait
exercé durant sa vie mortelle.
Nous ne lisons dans les évangiles aucune
distinction des prêtres et des diacres d'avec les
apôtres ou les évèques, mais nous rencontrons
dans les Actes des apôtres, et danslesépltresde
saint Paul l'institution, le nom et les devoirs
des diacres. Nous y remarquons aussi le nom
et les fonctions îles prêtres. Il est vrai que ceux-
ci y sont quelquefois confondus avec les évè-
ques, mais nous en avons donné la raison ci-
devant.
Il est aussi vrai que l'institution des diacres
semble avoir été faite plutôt par les apôtres
que par le Fils de Dieu; et (|ue lesir |)remièie
occupation |iaraîl d'abord n'a\oir été que de
servir à la lible commune, oii la cbarité des
riches trouxait ses délices dans la réfection
(ju'elle donnait aux pauvres. Mais nous lève-
rons plus commodément ces difficultés dans
un autre endroit. Nous dirons seulement ici
par avance, que les ajiôtres recexant du Fils
de Dieu la plénitude du sacerdoce, ils re-
çurent en même temps de lui le pouvoir et le
commandement, non-seulement de le faire
passer à leurs successeurs, mais aussi de le
distribuer selon les diflérents degrés qui se-
raient nécessaires pour l'ordre, pour la bien-
séance , et pour le gouvernement de son
Eglise.
Ce fut donc par son ordre exprès que les
apôtres ordonnèrent, ou permirent d'ordonner
(les pi è Ires, anxijuelsils ne donnèrent pas toutes
les singulières prééminences de Fépiscopal : et
ils établirent ensuite des diacres, pour exercer
cet tmpire di\in, qui est une suite nécessaire
du service qu'ils rendent à l'autel.
IV. Saint Ignace commande à tous les fidèles
d'obéir a ré\êqne comme J.-C. obéissait à son
Père, de respecter les prêtres comme lesapôtres,
et les diacres, comme par le commandement
de Dieu. « Episcopum sequimini, ut Christus
Patrem; presbjti riiim ut Apostolos; diaconos,
ut Dei mandatum (Ad Smyrn.). » Je ne sais si
ces dernières paroles ne pourraient point nous
insinuer le commandement de J.-C. aux apôtres
LA PRÉÉMINE>fCE ET L'ANTIQUITÉ DES TROIS ORDRES HIÉRARCHIQUES. 285
pour l'institution des diacres; au moins il est
certain que c'est dans ces trois ordres (jue saint
Ignace t'ait consister toute la liiérarcnie de
l'Eglise, qu'il n'en propose point d'autres, qu'il
les sépare rarement, et qu'il nous les re|(ré-
sente toujours avec tant d'éclat et de majesté,
qu'il est impossible de n'en pas recueillir leur
divine insiitution.
Quand ce prél.it apostolique nous dit ipi'il
faut considérer les prêtres comme les apôtres,
ce n'est pas qu'il leur accorde cette plénitude
de puissance sacerdotale, qui était propre aux
apôtres ; car si cela était, il les égalerait aux
évêques; mais après avoir donné aux évêques
l'autorité de J.-C. et la primauté même ineffa-
ble du Père éternel, il ne fait plus de difficulté
d'honorer les prêtres du nom d'apôtres, dont
effectivement ils ont reçu une partie de la suc-
cession.
Mais quelque pouvoir qu'aient les prêtres,
cet admirable docteur ne leur permet pas de
rien entreprendre sans l'évéque.non pas même
d'offiir le sacriflce : « Non licet sine episcopo,
neque offerre , neque sacrifîcmm immolare,
neque missas celebrare. » Car l'évêque est l'i-
mage vivante de l'empire du Père, et du sacer-
doce du Fils, qui est seul prêtre par nature.
«Honorare episcopum, tanquam principem sa-
cerdotum,imaginem Ueiferentem,princi[)alum
secundum Deum, sactTdotium vere secumium
Chrislum, solum natura principem sacerdo-
tum, ji.ovcv rr. cjcii tcû —aTsc; iz-/j.zzix. »
Entin, il nous apprend tous les rangs qui se
trouveut dans l'Eglise, et tous les membres qui
composent le second corps de J.-C. « Laici dia-
conis subditi sint. diaconi presbytero. presby-
ttri e[)iscopo, episcopus Christo, sicut ipse
Patri. » Voila le peuple fidèle dans les lois de
l'obéissance, et la hiérarchie ou le clergé dans
l'empire spirituel sur les laïques, en sorte que
cet empire est tempéré par l'obéissance; et
commandant à la terre, il obéit aux lois du
ciel.
Au reste le clergé ne paraît ici composé que
des évêques, des prêtres et des diacres ; ce qui
n'est pas moins évident dans une autre lettre
de ce suint martyr, où il ordonne de même de
ne rien faire sans l'évêque, >< Sine episcopo,
nihil operari ^Ad Trall.) ; » d'obéir aux prêtres
comme aux apôtres, « Subjici presbyterio, ut
Apostolis Christi. » Mais il ajoute que les dia-
cres sont les ministres de la table sacrée où on
immole le corps de J.-C. « Diaconos ministres
existentes mysteriorum Jesu Christi, seciuiduni
oninem mo<iuni omnibus piaccre. Non eniin
ciborum et poluum sunt miuistri,sed Ecck-siœ
Dei. »Ce qui suffit pour nous persuader qu'en-
core que dans les Actes des apôtres il semble
qu'on ait pris occasion de la table charitable
qu'on dressait pour les pauvres, d'instituer les
diacres, l'intention principale de cet établisse-
ment ne laissait pas de regarder le sacrifice de
la table sacrée, qui n'était pas alors séparée de
la réfection commune.
Jusqu'alors les apôtres avaient fait les fonc-
tions des diacres, aussi bien que celles des
prêtres. Les divers besoins de l'Eglise les obli-
gèrent avec le temps de séparer ces ordres et
ces offices; et il n'est pas extraordinaire que
celle des deux fonctions des diacres, qui devait
être la moindre, fût la plus pressante et fit
avancer leur institution, si saint Jérôme, pour
réprimer l'insolence de quelques diacres de
son temps, les a fait souvenir de cette circons-
tance, et leur a dit : « Qui patiatur. ut mensa-
rum et viduarum minister, supra eos se tumi-
dus efferat, ad quorum preces Christi corpus
sanguisque conficitur ? »
Il faut croire que ce savant Père n'a prétendu
toucher que l'occasion, et non pas toutes les
raisons que les apôtres avaient eues d'instituer
les diacres. En effet, saint Etienne, qui fut le
premier de ce collège sacré des diacres, est
représenté au mêmeendroitcommeun homme
si extraordinaire en sainteté, en zèle et en
science , qu'il est difficile de croire qu'on ne
l'eût appliqué qu'à un ministère commun.
Mais si l'on considère que les apôtres lui con-
fiaient la charge de prêcher l'Evangile, on se
laissera facilement persuader qu'ils l'avaient
aussi commis au ministère de l'Eucharistie. Car
la parole de Dieu ne demande pas des ministres
moins excellents que la sainte Table : la vérité
de Jésus-Christ n'exige pas moins d'honneur
que sa divine chair; enfin le ministère de la
parole a toujours été estimé comme le plus
haut et le plus apostolique de l'Eglise ; et saint
Paul a dit en ce sens, qu'il n'avait pas été
envoyé pour baptiser il pouvait dire de même
des autres sacrements), mais pour annoncer
l'Evangile. Saint Justin, dans sa seconde afioio-
gie. dit qu'on envoyait lEucharistie aux absents
par les diacrt-s. o Absentibus per diaconos mit-
titur. B Ils étaient donc les ministres de l'autel
et du sacrifice.
V. L'auteur des Constitutions apostoliques
280 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-UNIÈME.
nous apprend aussi ces mêmes vérités : « Non
baptizat diaconus, non offert ; oblatione vero
ab e[)is(;o|jo aut presbytero iacta, ipse diaconus
dat populo, non tanquam sacerdos, sed tan-
quain qui ministiat presbyteris. Nulli ex reli-
(juis clericis licet lacère opus diaconi (Lib.
viii, c. 28). »
Voilà la sacrée fonction des diacres, de dis-
tribuer l'Eucharistie. L'auteur des Constitu-
tions apostoli(|ues donne ensuite au diacre le
pouvoir et la juridiction d'excommunier tous
les clercs inférieurs , quoique nul d'entre eux
ne puisse user de la même autorité, non pas le
sous-diacre même envers ses intérieurs. Ce
qui nous montre que le diacre seul est propre-
ment de la hiérarchie. Les canons apostoliques
associent ordinairement ces trois ordres supé-
rieurs dans les mêmes obligations, et dans le
gouvernement de l'Eglise (Can. Apost. v, vi,
vu, XXXVll).
VI. Clément d'Alexandrie ne fait mention que
de ces trois mêmes ordres : « In sanctis libris
scri()ta sunt h;cc quitkin |)necepta presbyteris,
alla episcopis, alla diaconis,alia viduis (Pa-dag.,
1. Ml, c. ult ; Stiam., 1. vij.lldit ailleiusqueces
degrés admirables et ces ordres divins sont de
parf.iitus représenlalionsde la hiérarchie célest(;
et des diUérences incom|irehensibles qui se
trouvent entre les anges et les bienheureux
mêmes dans ce séjoui' glorieux, oii ils seront
tous abîmés dans l'unité divine, oii Dieu seul
sera tout en tous : « Nam hic quoque in Eccle-
sia progressiones episcoporum, presbyteroruin,
diaconorum, sunt, ut arbitror, imilationes glo-
riie angelicœ, et illius oeconomia; ac dis[)ensatio-
nis, (piaiM (licunt Scripturœ illos ex|)ectare, qui
insislentes vesligiis ApustoUjrum, vixeruut in
perfeclione justitiae, convenienter Evangelio. »
Vil. Eusébe nous a rap|>orté la lettre syno-
dale que les évêques, les prêtres et les diacres
du concile d'Antioche, contre Paul de Samo-
sate, écrivirent sur ce sujet au pape Denys, et aux
autres Occidentaux, avec cette inscri|)tion : Aux
év('(jucs, aux prêtres, aux diacres et à toute
VEçilise catholique (Hist., 1. vu, c. 30). Ce qui
nous montre l'union inséparable de ces trois
ordres dans la hiérarchie de l'Eglise.
Le même Eus('l)e nous a aus.>i conservé une
lettre de l'empereur Constantin, nu il (inhniiK^
([uc les évètiues, les prêtres et les diacres (pii
]>rési(leiil et ([ui gouvernent les Eglises, travail-
lent avec soin à leur réparation : « In singulis
locis prœsidentes episcopos, presbytères et dia-
conos admone, ut in opéra Ecclesiarum omni
studio incumbant (De Vita Const., 1. u, c. 46). »
VIII. Origéne parle dans le même sens (In
Num., hom. n). « Putasne qui sacerdotio fun-
guntur, agunt omnia quac illo ordine digna
sunt? Et unde est, (|uodsiepeaudinnis blasphe-
mare homines et dicere : Ecce qualiseijiscopus,
autqualis |)resbyter, aut qualis diaconus?» C'est
à eux qu'il donne ailleurs la charge de corriger
et d'instruire les jjeuples : (In P^al. xxxv. )
« Onmes e()iscopi, atque omnes presbyteri, vel
diaconi erudiunt nos etadhibentcorreptiones.»
Dans un autre endroit, dans l'obscurité des
allégories, il nous montre clairement l'excel-
lence de ces trois puissances sacrées : a Proprie
enini episcopus Dominus Jésus est. Et presby-
teri Abiaham, Isaac et Jacob, diaconi vero se-
ptem archangeli sunt Dei, ad quorum mysteria
septeni diaconi in Actibus sunt ordinati (In
Matlh., tract, xxni; in Epist.adlîom., 1. u,c.2).»
Entin il ne les sépare jias dans la suprême juri-
diction qu'ils exercent dans l'Eglise , quand il
dit : « Ecelesi;irum rectoribus et principibus
loquitur Apostolus, bis videlicet qui judicant
eos, qui intus sunt, id est, episcopis, vel pre-
sbyteris, et diaconibus.
IX. Saint Cyrille, évêque de Jérusalem, ne
reconnaît que ces trois ordres dans le clergé :
« Perspice cujuslibet nationis episcopos , pre-
sbytères, diacouos, monachos, virgines et reli-
quos luicos (Catech. xvi). » Saint Grégoire
de Nazianze ne nomme non plus que les évê-
ques, les prêtres et les diacres, et quoiqu'en un
autre endroit il ait |)arlé des lecteurs, ce n'est
qu'après y avoir témoigné combien les diacres
approchaient de l'élévation des prêtres (Orat. iv
et xxxu). »
X. Saint Chtysoslome exiiliquant les termes
de l'épilre aux Philippiens , (jue saint Paul
adresse aux coévêques et aux diacres; « Coepi-
scopisetdiaeonis, » nous apprend que les noms
d'évêqucs, de prêtres et de diacres étaient alors
comnums et confusément attribués à ces trois
onlressuréniinents,quoi(iue leurs fonctions fus-
sent dillérentes. Et il le jirouve par ces raisons
claires et pressantes : (ju'il ne pou^'ait pas y
avoir |)lus d'un évêque en la ville de Philippes
(Hom. 1, in ep. ad Pbdipp.) ; ces coéxêques
n'étaient donc que des |)rêtres ; que les é\êques
même |iorlaient le nom de diacres ; d'où vient
que saint Paul écrit à Tiniolhée, qui était évê-
que, de s'acquitter fidèlement de son diaconat,
c'est-à-dire de son ministère : que le presbytère
LA PRÉÉMINENCE ET L'ANTIOnTÉ DES TROIS ORDRES lIlÉRARCHIorES. isT
qui imposa les mains à Timotliéc pour le faire
évèque était sans doute composé (i'cvèinR'S,
car des piètres n'onloiiueraient pas un é\èi[ue ;
que le même saint Paul, après avoir ordonné à
Tite d'établir des prêtres dans les cités, leur
donne un peu après le nom d'évêques.
Enfin ce sublime interprète de l'Apôtre dit
que jusqu'à son temps même il était resté u a
vestige remarquable de cette ancienne cou-
tume, et de cette mystérieuse confusion de
noms, en ce que plusieurs évêques écrivant à
des prêtres et à des diacres , se revêtaient eux-
mêmes des mêmes noms, comme étant leurs
confrères : « Quocirca vel hoilie miilti episcopi
scribunt compresbytero et condiacono. »
11 n'en faut pas davantage pour nous faire
comprendre que ce sont les trois ordres essen-
tiels et primitifs de la biérarchie exercés par
J.-C. même, et ensuite transmis aux apôtres;
exercés par les apôtres conjointement et sans
distinction, comme ayant reçu une plénitude
du sacerdoce participé de celui qui en était la
plénitude essentielle; et ensuite répandus et
distribués avec distinction et subordination de
personnes ; mais en sorte que dans leur sépa-
ration ils conservent plusieurs marques de leur
première union, et n'exercent leur ministère
que dans un esprit de concorde, de paix et
d'unité.
Le même saint Cbrysosfome remarque en un
autre endroit que saint Paul don ne le nom même
et la qualité auguste d'apôtres aux soixante-
douze disciples, qui n'étaient au plus qu'évêtiues
(In Epist. I al Corintb., bom. xxxvui,. Saint
Basile parlant d'un diacre l'appelle aussi son
confrère (Basil., ep. li et cccxlh). « Fratrem
nostrumsyndiaconum Dorollieum. » Tbéodoret
remarque aussi que saint Paul a rendu le nom
d'apôlres commun à tous ceux qui avaient reçu
la même imposition des mains, ou la même
ordination, y.£!jo«-nav (Theodoret. in Epist. i ad
Corintb., c. 15).
XI. Les évêques grecs qui s'assemblèrent
dans le concile de Constantinople, pour y faire
des canons au nom du \' et du Vl" concile
œcuméniques, conclurent dans un de leurs ca-
nons que les sept diacres , dont l'élection est
rapportée dans les Actes des apôtres, n'étaient
nullement les diacres destinés au ministère de
l'autel, mais (|ue c'étaient de simples admi-
nistrateurs des aumônes et des revenus de
l'Eglise.
Mais ces évêques s'éloignèrent en ce point
aussi bien qu'eu plusii'urs autres, de la doctrine
et (le la discipline de leurs ancêtres. Car où
ti ouverait-on ailleurs la divine origine des vrais
diacres? Et est-il à croire que l'Ecriture nous
ait instruits de l'institution des économes tem-
porels, et ne nous ait pas voulu informer de
celle des ministres de l'autel? Et ces diacres
dont saint Luc parle, peuvent-ils être autres
que ceux dont parle si souvent saint Paul, et
([u'il confond quelquefois avec les (irêtres et
les évêques mêmes, tant ils en étaient insépa-
rables et unis dans les mêmes fonctions? Et la
discipline de toute l'Eglise n'est-elle pas le
meilleur interprète que nous puissions soubai-
ter de l'Ecriture? Et ainsi n'est-il pas évident
que les diacres dans les Actes des apôtres sont
tout ensemble les ministres de l'autel et les
administrateurs du temporel de l'Eglise, puis-
que ces deux fonctions furent unies en leurs
personnes durant tant de siècles . comme nous
dirons en son lieu ?
Enfin, saint Cbrysostome, de l'autorité du-
quel ces évêques ont tàctié de se couvrir, ne
nous a-t-il pas déjà enseigné que le nom de
diacre était si auguste, que l'Apôtre l'a souvent
confondu avec celui de prêtre et d'évêque ?
Et sur les Actes même, cet éloquent interprète
ne remarque-t-il pas que les apôtres imposè-
rent les mains avec prières sur ces diacres ?
« Ordinatl sunt per preces, boc enim est ma-
nuum impositio. Manus ab bomine imponitur,
totum autem Deus operalur. » Ces termes
signifient fort clairement la vraie ordination,
à laquelle on n'a jamais employé d'autres
termes.
XII. Ainsi l'intention de saint Cbrysostome
n'a point été d'exclure ces diacres, dont saint
Luc parle, de l'ordination sacrée et du minis-
tère de l'autel, mais de dire simplement que
l'administration du temporel, dont ils furent
chargés, n'était pas propre et affectée aux dia-
cres, parce qu'en son temps les prêtres en
étaient chargés, et portaient la qualité d'éco-
nomes. (1 Qualem acceperunt ordinationem ?
Numquideaiu quœ est diaconorum? Et profecto
hoc in Ecclesiis non est, sed presbyterorum
est œconomia. Et quidem nuUus adbuc erat
episcopus, sed Apostoli solum. l'nde neque
presbyterorum , neque diaconorum nomen
opinor esse clarum et inanifestum. »
L'on voit ici clairement (|ue saint Cbryso-
stome n'a point d'autre but que de maintenir
la coutume de son temps, qui avait chargé les
288 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-DEUXIÈME.
prêtres de l'économie et de la dis[)ensalion du
temporel , contre les entreprises des diacres,
qui auraient pu faire valoir leurs prétentions
par cette instilution des apôtres. C'est pour re-
pousser, ou pour prévenir ce dessein, que s;iint
Chrysoï-tome dit, (ju'en ces jjremiers commen-
cements, il n'y avait point encore d'évêqnes
distingués des apôtres, que les noms de prêtres
et de diacres étaient souvent confondus entre
eux et avec celui d'évêques, et ainsi que les
diacres ne peuvent p.is [)ar cette narration de
saint Luc prétendre à L'économie possédée par
les prêtres.
XII 1. En tout cas, les Pères du concile de
Néocésarée seraient plus à croire que ceux du
concile i)i Trullo, comme étant plus proches
de la source, et mieux informés des tradi-
tions apostoliques. Or le sentinn nt du concile
de Néocésarée (Can. xiv) , est si absolument
contraire à la pensée de ct-s évèques assemblés
à Constantinople , (|u'ils ont confessé eux-
mêmes, que leur canon était une censure et
une correction de celui de Néocésarée.
Bals.imon a cru qu ils n'avaient i);is compris
le sens du canon de Néocésarée, qui ne parle
non plus que des dispensateurs du temporel,
quand il décrète que l'on n'ordonnera que
sept diacres dans les plus grandes villes. Mais
la preuve de Balsinion n'est pas solide quand
il dit que Justiiiien avait porté le nombre des
diacres de Constantinople au delà de cent, et
qu'il ne l'eût pas fait, s'il eût cru violer le
canon de Néouésarée.
Justinien n'a pas été si scrupuleux observa-
teur des canons que Balsainon voudrait nous
le persuader. Outre cela, il était trop raisonna-
ble de distinguer l'Eglise de la ville impériale
de toutes les autres, parle nombre des officiers.
Aussi ce n'est que pour l'église patriarcale de
Constantino[)le que Justinien a fait cette cons-
titution, et cette augmentation prodigieuse de
ministres.
Il est donc bien plus probable que les Pères
du concile/» T';';^//» comprirent foit bien le sens
du canon de Néocésarée, mais qu'ils n'enten-
dirent pas le passage de saint Clirysnstome ,
et que sur une mauvaise intelligence de celui-
ci, ils firent une injuste censure et une fausse
correction de celui-là.
CHAPITRE CINQUANTE-DEUXIEME.
SL'ITE DE LA PRÉÉMINENCE ET ANTIQUITE DES TROIS ORDRES HIERARCHIQUES, ET DES TROIS PREMIERS
BÉNÉFICES DE l'ÉGLISE, l'ÉPISCOPAT, LA PRÊTRISE, LE DIACONAT, SELON LES PÉRÈS LATINS.
I. Preuves tirées de Terliiltien pour la divine prééminence de
ces trois ordres. Irrégularités du clergé des hérétiques.
II. Le clergé essentiellement distingué des la'iiines.
III. Preuves tirées de saint Cypricn. Institution divine des
diacres.
IV. De saint Patien.
V. De saint Optât.
VI. Sentiment de saint Jérôme expliqué au long sur la divine
éuiinence des évêques, sur les prêtres, et sur l'iaslitution divine
des diacres.
VII. Snile du même sujet.
VIII. Héponse à une objection, qu'on créait les évèques
d'Alexandrie par une simide installation.
IX. Autres preuves tirées de saint Jéiônie.
X. Autres preuves du même sur la divine inslilulion de ces
trois ordres.
XI. Conclusion des sentiments de saint Jérôme.
I. Le chapitre précédent a été employé à jus-
tifier par les Pères grecs, que la souveraineté
du sacerdoce a été d'abord confiée par le Fils
de Dieu aux apôtres, et par les apôtres aux
évêques, aux prêtres et aux diacres, et que ces
trois ordres essentiels à la hiérarchie n'ont été
confondus (jue quant aux noms, pour marquer
leur [)reiuière uiiidu dans leiu" origine, mais
que leurs fonctions ont toujours été diverses
et sidjordonnées les unes aux autj-es. II faut
maintenant découvrir les sentiments des Pères
latins sur le même sujet.
Nous commencerons par Tertullien , qui
DES TROIS OnnilE.^ HIP.ARr.niQl'ES.
280
nous apprend admirablement les sentiments
de l'aneienne Ej^lise sur l'origine, l'excellence,
les pouvoirs et l'union de ces trois sacrés mi-
nistères ^Tertul. de Bap., c. xvii). a Dandi qui-
dem baptismi jus liabet sunnnus sacerdos, qui
est episcopus. debinc presbyteri et diaconi ;
non tamen sine episcopi aulorilate , propter
Ecclesiae honorem , quo salvo, salva pax est,
alioquin eliani laicis jus est, etc. Sed quanto
magis laicis disciplina verecundiœ et niodestiae
incumbit : cum ea majoribus compelat, nesibi
assumant dicalum episcopis officium episcopa-
tus. ^mulatio scbismalura mater est. »
Dans ce passage de Tertullien on aperçoit
clairement la distinction du clergé et des laï-
ques, la plénitude et la souveraineté du sacer-
doce dans l'évéque, sa suprême autorité dans
l'administration même du baptême et des au-
tres sacrements, qui sont ordinairement com-
mis aux prêtres et aux diacres , l'excellence
singulière de ces trois ordres supérieurs, leur
subordination et leur union.
11 fait voir ailleurs que les Eglises catholi-
ques ont cet avantage particulier sur les sectes
des hérétiques, qu'elles sont toutes originelle-
ment apostoliques, ayant été fondées par les
apôtres ou par des évêques , successeurs des
apôtres (Idem de Pr£escript.,c. xsxuj.«Caîterum
si qucE audent interserere se œlati aposlolicae,
edant ergo origines Ecclesiarum suarum, evol-
vant ordinem episcoporum suorum , ita per
successiones ab initio decurrentem, ut primus
ille episcopus aliquem ex Apostolis, vel apo-
sfolicis \iris habuerit autorem, vel antecesso-
rem. »
Ce qui montre combien il estimportant pour
toutes les Eglises catholiques de reconnaître
les évêques comme les véritables successeurs
des apôtres, car c'est par cette divine succes-
sion qu'elles donnent des preuves certaines de
leur noblesse, de leur antiquité et de la vérité
de leur doctrine.
Tertullien témoigne au contraire qu'une
marque constante de la nouveauté et du dé-
sordre des hérétiques est la confusion qui se
voit dans leur clergé, où ils n'élèvent le plus
souvent que nos apostats et où ils font tous
lesjours des changements et des irrégularités
inouïes îlbidem, c. xliV « Ordinationes eorum
temerariœ, levés, inconstantes, nunc neophytos
collocant, nunc sœculo ob.-trictos, nunc apo-
stalas noslros, ut gloria eos obligent, qniaveri-
tate non possunt. Xusquam facilius proficitur.
quam in castris rebellium , nbi ipsum esse
illic, promereri est. Itaque alius hodie episco-
pus, cras alius : hodie diaconus, qui cras le-
ctor : hodie iiresbyler, qui cras laicus, nam et
laicis sacerdotalia munera injimgiuit. »
Ces paroles sont admirables, et elles semblent
avoir été écrites contre les hérétiques de nos
jours, tant il est vrai que toutes les hérésies se
ressemblent dans leurs désordres. Nous y re-
marquons que le clergé est tellementdistingué
des laïques, que ses fonctions sacrées ne peu-
vent en aucune manière leur être permises :
qu'il y avait dès lors des lecteurs , mais qu'ils
n'entraient pas dans le rang des trois ordres
sacrés, ({u'on ne pouvait pas par une disposi-
tion purement arbitraire faire rétrograder des
ordres supérieurs aux inférieurs, bien moins
aux rangs des laiques; que les prêtres et les
diacres pouvaient quelquefois être subrogés
les uns aux autres et transférés d'une Eglise à
une autre; mais que révèi|ue étant le véritable
époux de son Eglise, il ne pouvait pas avec la
même facilité, ou la quitter, ou en être trans-
féré.
Cette remarque est importante, et elle est
évidente dans les paroles de Tertullien , qui
veut bien que les prêlres et les diacres ne puis-
sent pas au gré de la multitude être privés de
l'éniinence de leurs ordres et renvoyés dans
les ordres inférieurs, ou mêlés avec le peuple,
mais il n'exige pas qu'on les conserve toujours
dans le gouvernement de la même Eglise. C'est
un avantage qu'il réserve à l'évéque, à cause
de l'indissolubilité de son mariage spirituel
avec son Eglise; et c'est pour cela qu'il fait ce
juste reproche aux hérétiques, de donner tous
les jouis de nouveaux époux à leurs Eglises ea
leur donnant de nouveaux évêques , preuve
évidente que ce sont plutôt de part et d'autre
des adultères, a Itaque alius lioJie episcopus,
cras alius. » D'où l'on peut conclure, «et adul-
teruni esse episcopum , et Ecclesiam adulle-
rinam. »
II. La doctrine de Tertullien n'a pas toujours
été si pure. Lorsqu'il a voulu persuader aux
laïques que les secondes noces leur étaient
défendues, aussi bien qu'au clergé, il a cru
qu'en ôtant ou affaiblissant la différence
entre le clergé et les laïques, il réussirait
mieux dans son dessein. C'est ce qui lui a fait
dire que ce n'est que l'Eglise qui a fait cette
distinction : « Differentiam inter ordinem et
plebem constituit Ecclesiae autoritas (De ex-
Th.
TosiE I.
m
'-90 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE CINQUANTE-DEUXIÈME.
hort. castitatis, c. vu. De Monogam., c. xii). »
Nous devons profiter de l'erreur uièine de Ter-
tullien et conclure le contraire de ce qu'il a si
mal prétendu.
La distinction du clergé et du peuple est donc
de droit divin, puisque selon Tertullien, si elle
eût été d'institution humaine, l'Ecriture n'eût
pas imposé au clergé seul des lois de perfec-
tion toutes particulières. Aussi le même Ter-
tullien n'a pas dissimulé en un autre endroit,
([ue le peuple reconnaissait lui-même combien
il était invariablement inférieur et indispensa-
blement assujéti au clergé, quoiqu'il se flattât
quelquefois d'une légère apparence et connue
d'une ombre du sacerdoce : « Sed cum extoUi-
mur et inflamur adversus clerum, tune unum
omnes sumus , tune omnes sacerdotes, quia
sacerdotes nos Deo et Patri fecit, cum ad per-
œquationem disciplina? sacerdotalis provoca-
mur, deponimus infulas, et impares sumus. »
Ce n'était donc que l'effet d'une vanité ridi-
cule, quand le peuple se vantait que l'Ecriture
et le droit divin l'avaient égalé au clergé.
III. Saint Cyprien nous a étalé ces mêmes
vérités avec encore plus d'exactitude. Ecrivant
au pape Corneille, il parle des prêtres comme
de leurs communs confrères : « Cum ad me
talia adversum te et com presbytères tecum
confidentes scriptavenissent (L. ii, epist. x), »
où sa séance même qu'il donne aux prêtres
avec l'évèque montre qu'ils ne faisaient avec
lui qu'un sacré collège et un même corps.
L'évèque néanmoins y tient une prééminence
singulière, comme le successeur des apôtres :
« Unitatem a Domino et per Apostolos nobis
Euccessoribus traditam , quantum possumus,
ohtinere curemus, » dit saint Cyprien dans la
même lettre. 11 y |)arle aussi des acolytes et des
sous-diacres, mais il n'a garde de les faire asseoir
avec les évêques : il ne leur donne que la charge
de porter des lettres.
11 traite ailleurs des diacres, et déclare que
la fonction propre de letir ordre les applique à
l'autel, où ils sont les coopérateurs de l'évêiiue
et les ministres du terrible sacrifice de l'Eglise
(L. Ml. ep. ix). « Memiiiisse diaconi debent,
quoniam A|)oslolor., id tst, cpiscopos, et prœ-
positos Dominus elegit; diaconos autem post
ascensum Domini in cœlos Apostoli sibi con-
stituerunt, episcopatus sui et Ecclesite niini-
slros. 1)
Voilà ce qu'il écrit à un évêque qui avait été
outragé par son diacre. Ce saiut prélat ne
dit pas que les diacres n'ont pas été institués
par J.-C. même , car il en est le seul auteur, et
on peut dire qu'il les institua conjointement
avec les prêtres dans l'épiscopat ou dans l'apos-
tolat, comme dans la source de tout le sacer-
doce nouveau. Mais saint Cyprien remarque
fort délicatement et fort solidement tout en-
semble que, si le Fils de Dieu a ordonné immé-
diatement les apôtres ou les évêques, et n'a
ordonné les diacres que par les mains des évo-
ques; qu'enfin s'il a institué tous les autres or-
dres dans l'épiscopat comme dans la plénitude
eU'origine d'où ils découlent tous, il nous a
appris par cette conduite digne de sa sagesse
iiilînie, quelle devait être la subordination,
l'obéissance et la dépendance de tout le clergé
à l'égard de l'évèque. Car c'est de la même
manière que Dieu créa le premier homme seul
et voulut que tout le genre humain en tirât
ensuite son origine, pour nous obliger tous à
une unité parfaite, et à une obéissance invio-
lable envers ceux de qui nous tenons l'être.
Ce même Père confirme en un autre endroit
ces célestes prérogatives de l'épiscopat (L. iv,
ep. ix). « Tu qui te episcopum episcopi et judi-
cem judicis ad tempus a Deo dati constituis,
etc. Cum te judicem Dei constituas et Christi ,
qui dicit ad Apostolos, ac per hoc ad omnes
pra^positos qui Apostolis vicaria ordinatione
succedunt. »
Enfin , nous pouvons attribuer à saint Cy-
prien , les paroles de l'un des évêques qui
assistèrent à son concile de Carthage ; c'était
Clarus de Muscula. Voici ce qu'il dit sur ce
. jet : a Manifesta est sententia Domini nostri
Jesu Christi, Apostolos sues mittentis, et ipsis
solis potcstatem a Pâtre sibi datauî permitten-
tis, quibus nos succedimus, eadem potestate
Ecclesiam Domini gubernantes. »
Ces paroles sont remarquables, parce qu'elles
expriment admirablement cette plénitude de
puissance que J.-C. a reçue de son Père et qu'il
a communiquée aux apôtres, pour la faire passer
tout entière dans les évêques, qui par consé-
quent gouvernent l'Eglise avec la même pléni-
tude de puissance des apôtres de J.-C. et du
Pcre éternel : Eadem potestate Ecclesiam
Domini gubernantes. »
IV. Saint Pacien, évêque de Barcelone, ne
rend pas des témoignages moins avantageux à
cette divine succession, qui a lait couler dans
les évêques les honneurs, les pouvoirs, et les
noms mêmes de J.-C. et de ses apôtres [PatiOtU.
DES TROIS OKURES IIIÉRARCIIIOtES.
201
Ep. !). « Tûtum ad nos ex Apostolonim forma et
polestate (leductiiin est, etc. nenicpie et epi-
scopi Apostoli noiiiiuantur, sicut de Epaiiliro-
dito Paulus edisserit, etc. Quod etsi nos ob
peccata nosfra temerarie vindicamus , Dens
tamen illud, ut sanctis et Apostolorum calhe-
dram tenentibus non negabit, qui episcopis
etiam unici sui nomen imlulsit. »
Ce saint évêque parle ici du pouvoir des évê-
ques à donner le bajitènie, à remettre les pé-
cliés, à consacrer le corps de J.-C, et il fait voir
que ce pouvoir est émané des apôtres aux évè-
ques, 0 Totum id ex apostolico jure defluxit : »
alln qu'on ne doute plus que l'autorité suprême
dans l'administration de ces sacrements, qui est
commise aux prêtres, ne soit réservée aux évo-
ques, et qu'on ne s'imagine pas que l'épiscopat
ne soit qu'une extension morale du caractère
des prêtres.
Ces grands évêques considéraient ces dignités
dans leur source, et en concevaient des idées
plus nobles et moins disproportionnées à leur
grandeur. Il dit de même ailleurs : « Nosepi-
scopi Apostolorum nomen accepimus; quia
Cbristi appeliatione signamur (Epist. m. Pare-
nesis ad Pœn.). » Il parle aussi des prêtres, aux
pieds desquels les pénitente se jetaient, « Pres-
bjteris advolvi. »
V. Saint Optât, évêque de Milève en Afrique,
nou5 a découvert la distribution du sacerdoce
entre ces trois ordres suprêmes qui composent
le sénat de l'Eglise : « Quid commemorem
laicoSj quid plurimos niinistros, quid diaconos
in tertio, quid presbyteros in secundo sacerdo-
tio conslitutos? Ipsi apices et principes onmium
episcopi, etc. (Optât, lib. i). n
Ce saint évêque distingue fort clairement ici
les laïques et les ministres inférieurs mêmes
de l'Eglise, deo trois ordres sacrés qui font les
trois degrés du sacerdoce. On ne peut donc
douter que les fonctions du diacre même ne
soient sacerdotales, et que l'évêciue n'ait la
principauté et la souveraineté de toutes cboscs
dans l'Eglise, «Principes omnium. »
Ce qu'il dit plus bas n'est pas moins formel:
« Ut cum smt, sicut supra dixi, quatuor gênera
cnpiluminEcclesia, episcoporum, presbylero-
riiin, (liaconorum, et fidelium (Lib. ii). » Où il
est clair (jue tout le clergé est renfermé dans
ces trois ordres, soit qu'il confonde les moindres
ministres avec les laïques, ou qu'il les croie
renfermés dans le diaconat. Et continuant les
mêmes reproches contre les Donatistes : m Iu\ e-
nistis diaconos, presbyteros, episcopos : fecislis
laicos. » Ce qui nous ferait plutôt pencher vers
l'dpinion de ceux (|ui estiment que les ministres
inférieurs étaient rangés au nombre des laïques,
dans les paroles précédentes d'Optat.
VI. Saint .lérôme ne nous donne pas des sen-
timents moins respectueux pour h; clergé, qu'il
fait aussi consister en ces trois ordres : il s'é-
tend surtout sur les avantages ineffables du
prêtre qui consacre le corps de J.-C. et qui en
retranche par l'excommunication ceux que
leurs dérèglements en rendent indignes; enfln
il reconnaît que les prêtres mêmes succèdent
aux apôtres (Ilieron. Lpist. ad Heliod.). a Absit
ut de clericis quidquam sinistrum loquar, qui
apostolico gradui succedentes, Christi corpus
sacroore conficiunt, per quos et nos Cliristiani
smniis, qui claves regni cœlorum habenles,
quoilammodo ante diem judicii judicant, etc.
Slihi ante presbyterum sedere non licet; illi si
peccavero, licet tradere me satanœ in interitum
cariiis ut spiritus salvus sit. »
Il parle ensuite des évêques et des diacres,
mais il ne faut pas oublier ce qu'il dit au même
endroit du droit qu'ont les clercs à vivre de
l'autel, et de quelle manière ils en vivaient et
en avaient vécu jusqu'à son temps. Car il est
bon de jeter quelques semences de ce que nous
expliquerons plus au long dans la suite, et de
faire remarquer que ce saint docteur a compris
dans ce passage les deux membres qui compo-
sent toute la nature des bénéûces, c'est-à-dire,
les fonctions sacrées , et par une conséquence
nécessaire les droits légitimes et canoniques de
vivre de l'autel.
Voici donc les termes de saint Jérôme au
même endroit « Clerici pascunt oves : ego pa-
scor. Illi de altari vivunt, mihi securis ponitur
ad radicem, quasi iniructuosae arbori, si munus
ad altare non defero. »
Enfin voici en quel rang il place les ordres
supérieurs del'Eglise. « Non est facile stare loco
Pauli, tenere locum Pétri, jam cum Christo
regnantium. » C'est avec ce profond respect
que les laïques et les moines mêmes regar-
daient alors les prêtres et les évêques conmie
les successeurs de Pierre, de Paul, et de tous
les apôtres, et comme les héritiers de tous les
droits, soit spirituels, soit temporels, insépara-
bles du sacerdoce.
Mais la lettre à Evagrius est celle où saint
Jérôme a le mieux établi ses sentiments. Elle
est écrite pour réprimer l'insolence de quel-
292
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-DEUXIÈME.
qucs diacres qui avaient osé se préférer aux
prêtres et prendre le dessus. Aussi pour rabat-
Ire cette vanité insupportable,ce savant homme
élève d'un côté les prêtres, et de l'autre il ra-
baisse les diacres autant qu'il lui est possible ;
et on pourrait croire qu'il a lui-même passé les
bornes, si on ne se donne la peine de bien exa-
miner et de bien pénétrer ses paroles. Car d'un
côté il semble confondre les prêtres avec les
évêques , et d'autre part il semble dire que les
diacres n'ont été choisis que pour être charj^és
de ces repas charitables qu'on donnait aux
pauvres.
Nous avons déjà dit. quant à ce dernier point,
que ce ne fut que l'occasion, et non pas la cause
de rinf'itution des diacres, et cela suffisait à
saint Jéiùme pour les humilier; ainsi il esta
croire qu'il n'en a pas voulu dire davantage.
Et quant au premier point, nous avons dit
aussi que les passages de saint Paul montrent
seulement qu'on donnait souvent aux mêmes
personnes 1 eiiiscopat immédiatement après le
sacerdoce , parce que dans ces commence-
ments on avait plus besoin d'évêques que de
prêtres, parce qu'il fallait annoncer 1 évangile,
former des Eglises, subjuguer ou gouverner
des villes avant que de passer aux villagee.
Il n'en fallait pas davantage à saint Jérôme
pour mortilier la vanité des diacres, en leur
montrant que l'ordre des prêtres avait tant
d'avantages communs avec celui des évêques,
et avait été si longtemps exercé par les évoques,
et par les apôtres seuls : car les apôtres se dé-
chargèrent d'abord des fonctions des diacres,
mais ils exercèrent longtemps celles des prêtres,
et l'Ecriture même n'a pas remarqué, ou n'a
remarqué que fort obscurément cette sépa-
ration, tant elle a voulu que nous fussions
persuadés de l'admirable proximité de l'ordre
des prêtres avec l'épiscopat, et même avec
l'apostolat.
VII. Mais il faut faire voir par les termes
propres de cette lettre de saint Jérôme, que
nous avons fidèlement interprété ses pensées
(Tom. II, epist. ad Evagr.) 11 y confesse que les
évêques, les prêtres et les diacres sont dans
l'Eglise ce que le grand prêtre Aaron, ses en-
fmls et les lévites étaient dans la Synagogue.
a Ut sci;imus traditiones apostolicas suinptas
de veteri Testamenlo, quod Aaron et filii ejus
atqne levitœ in templo fiierunt, hoc sibi epi-
scopi, et piesbileri, et diacoui vindiccnt in
Ecclesia. n
De cette figure et de cette comparaison si
juste, saint Jérôme veut donc bien que nous eu
tirions ces conclusions, que ces trois ordres
sont d'institution divine, que leur distinction
même est de droit divin, que les diacres sont
les ministres de l'autel et du sacrifice, aussi
bien que les lévites; enfin que les prêtres sont
autant au-dessous des évêques par l'ordre divi-
nement établi, et par leur ordination, que les
prêtres de l'ancienne loi étaient au-dessous du
souverain pontife, dont la consécration se fai-
sait d'une manière toute particulière.
2° Saint Jérôme conclut avec beaucoup de
raison que, puisque les diacres reçoivent une
nouvelle ordination pour monter au rang des
prêtres, la prêtrise est donc au-dessus du dia-
conat, quoi(iue les diacres soient dans une plus
grande abondance des biens temporels. 11 faut
donc aussi conclure que l'épiscopat est autant
élevé au-dessus de la prêtrise que la prêtrise
au-dessus du diaconat, puisque le prêtre reçoit
une ordination nouvelle pour être élevé à la
dignité suprême des évêques : « Si ex diacono
ordinatur presbyter, noveritse lucris minorera
sacerdotio esse majorem. »
3° Ce saint docteur confesse que l'évêque
peut ordonner, et que le prêtre ne le peut [)as.
« Quid facit excepta ordinatione episcopus,
quod presbyter non faciat. » En voilà assez
pour reconnaître la dilTérence essentielle entre
ces deux ordres sacrés. Car il faut une ordina-
tion et une consécration foule particulière pour
faire un évê(iue, et pour lui donner cette jiuis-
sance toute divine et cette fécondité inexplica-
ble de produire des prêtres et des pères à
l'Eglise. Enfin, si le prêtre et l'évêque n'étaient
différents que de nom, et si leur caractère était
entièrement le même, pourquoi le prêtre ne
pourrait-il pas ordonner d'autres prêtres , et
des évêques même, aussi bien que les évêques?
Vill. Il est vrai que saint Jérôme dit que
dans l'Eglise d'Alexandrie, depuis saint Marc
jusqu'au temps d'Héraclas et de Denys, évêque
de cette grande ville, après la mort de révê(]ue,
les prêtres en élisaient un de leur corps; et, le
faisant monter sur un siège plus élevé, ils lui
donnaient le nom d'évêque, comme si les sol-
dats d'une armée faisaient un empereur, ou
comme si les diacres choisissaient l'un d'entre
eux jionr l'honorer de la qualité d'archidiacre.
« Ale\andriœ a Marco evangelista uscjue ad
lleraclam et Dionysium episeopos, presliyleri
semper unnin ex se electum, in excelsiori
DES TROIS Or.DRES IKERARCIIIQITS.
503
prndii collocatinn , cpiscnpum nominatant :
qiioiiKulo si evercitiis iinperatnri'ni lacial, aiit
diaconi i'lifj;ant de se queni iiuitistriiiin uovc-
rint, et arcliidiacoiiuin \ocent. »
Cet exemple ne doit pas nous embarrasser,
car l'évêque qui était monté de cette sorte sur
le trône de l'Ej;lise d'Alexandrie avait sans
doute le pomoir d'ordonner de? prêtres et d^^
diacres, et des évoques même. Or ce pouvoir
ne pouvait pas lui avoir été donné par la simple
élection et par cette promotion ou installation
extrinsèque. Car si cela était, on pourrait aussi
faire des prêtres et des diacres, et leur donner
les pouvoirs attachés à leurs ordres, par une dé-
putation toute simple à exercer ces offices. Et
au contraire, s'il faut un sacrement tout parti-
culier et une ordination toute divine pour con-
férer le pouvoir de remettre les péchés et de
consacrer l'Eucharistie, il faut aussi indubita-
blement une ordination singidière et un sacre-
ment tout divin pour donner ce pouvoir et ce
caractère admirable, dont émane tout le pouvoir
des prêtres pour consacrer, ou pour absoudre
des crimes. Car si le pouvoir de consacrer
TEucharislie est au-dessus non-seulement des
forces, mais aussi de la pensée de tous les hom-
mes, le pouvoir qu'ont les évèques de le com-
muniquer est encore plus abondant et plus
incompréhensible. Quelque grand que soit un
pouvoir, c'est peu de le posséder, en comparai-
son de l'avantage de le donner. Car pour le
donner, il le faut posséder avec une plénitude
singulière, et une autorité souveraine. Une dé-
putalion extrinsèque ne peut donc pas donner
ce pouvoir propre aux évèques, ou elle pourra
doimer tous les pouvoirs de la prêtrise.
De dire que les prêtres pouvaient conférer
les ordres, mais qu'ils ne le faisaient pas jus-
qu'à leur installation à l'épiscoiiat, c'est con-
tredire non-seulement la pratique constante
et la doctrine incontestable de toute l'Eglise
depuis tant de siècles, mais à saint Jérôme
même, dont il .s'agit ici. Car il confesse immé-
diatement, après les paroles que nous éclaircis-
sons, que l'évêque seul a le pouvoir d'ordon-
ner ; il ne dit pas que le prêtre ait ce pouvoir,
quoiqu'il n'en use pas : il dit que d'un diacre
on ordonne un prêtre, et il en conclut la supé-
riorité du prêtre ; mais il ne dit pas que le
prêtre puisse ordonner des diacres, quoique
cela eût été très-propre pour abaisser le faste
des diacres, et pour les obliger de respecter
les prêtres.
Enfin, saint .Irrniii(> liiiiile celle coutume à
l'Eglise d'Alexandrie, et au temps depuis saint
Marc jusqu'à Denys, (|ui fait enviion deux
siècles; et par là il confesse que toutes les autres
Eglises, et l'Eglise même d'Alexandrie depuis
le tem[)S de Denys, avaient toujours conféré
l'épiscopat aux pnMies par une nouvelle et [lar
imesolennell(!oriliiiation.Or ilestcertain(|u'on
ne peut tirer une conclusion solide de la pra-
tique d'une seule Eglise, qui n'a même duré
que peu de temps, contre la coutume invariable
de toute l'Eglise universelle durant tant de
siècles.
Nous serons encore obligés de parler de cette
matière, et de justifier l'Eglise d'Alexandrie, à
l'occasion de l'auteur des Questions sur l'un et
l'autre Testament, dont nous exposerons les
sentiments, et dont nous réfuterons les erreurs
dans le chapitre suivant. Nous avons jugé filus
à propos de donner le reste de ce chapitre a
saint Jérôme seul.
IX. Saint Jérôme dit dans la même lettre
c[ue si on a élevé un évêque au-dessus de tous
les prêtres d'une Eglise, c'a été pour prévenir
le schisme, en donnant un chef et un centre
d'unité à chaque Eglise. «Quod autem postea
unus electus est, qui ccXteris pneponeretur, in
schismatis remedium facluni est, neuiuisquis-
que ad se trahens Clirisli Ecclesiain rumperet. »
Ces paroles, bien loin de nous nuire, nous
servent au contraire pour nous montrer que
l'épiscopat et sa souveraineté sur les prêtres
est de droit divin. Car c'est le Eils de Dieu
même qui a formé son Eglise dans l'unité. Il
est lui seul l'auteur de son unité aussi bien que
de sa vérilé, de sa sainteté, de son universalité,
de son évidence et de son éternité. Il est le
créateur aussi bien que l'époux de son Eglise;
c'est lui qui a imprimé sur son visage tous les
traits de cette divine beauté (|ui y éclate, dont
l'unité semble être des premiers et des plus né-
cessaires. Il avait lui-même institué le souve-
rain prêtre dans l'ancienne loi pour conserver
la synagogue dans l'unité. Il n'a pas eu moins
de prévoyance pour son Eglise.
Saint Jérôme confesse que J.-C. établit lui-
même saint Pierre comme !e chef de toute son
Eglise, pour remédier aux schismes, « Pronterea
interduodecim unuseligitur,utcapite constituto
schismatis tollereturoicasio (L. i. Con.Jovin). u
C'est donc de l'établissement de J.-C. même
qu'il fait descendre la primauté de l'évêque
dans chaque Eglise particulière, aussi bien
294 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-DEUXIEME.
que la primauté de Pierre et de ses successeurs
dans l'Eglise universelle.
X. Il ne faut pas omettre ce que saint
Jérôme dit à notre sujet dans le même dialo-
gue , que l'Eglise ne peut subsister sans le
clergé, quelque nombreuse que soit la multi-
tude des laïques, et que la hiérarchie est com-
prise dans ces trois ordres supérieurs, quoi-
qu'il y ait d'autres moindres ministres, a Ec-
clesia non est, quae non habet sacerdotem. »
Aussi il se rit des lucifériens, dont les évoques
n'étaient que des laïques, alpsisibi etlaicisunt
et episcopi. d Et la raison était que leur auteur
Hilaire n'étant que diacre, n'avait pu ordonner
des clercs, et ainsi sa secte n'avait pas eu plus
de durée que sa vie : « Cum homine paritcr
interiit etsecta : quia post se nuUum clericum
diaconus potuit ordinare. »
C'est donc aux évoques et à leur pouvoir
d'ordonner, que nous devons l'éternité de
l'Eglise par la propagation du clergé, qui en
est comme l'âme. Après cela , qui pourrait
s'imaginer que ce qui donne l'éternité à l'Eglise
en lui conservant son unité et en lui produi-
sant une succession continuelle de sacrifica-
teurs, n'est qu'une extension morale d'un carac-
tère précédent?
Au reste, saint Jérôme n'ignorait pas les
noms des ministres inférieurs de l'Eglise, mais
il a tout renf(!rmé dans les trois supérieurs,
quand il a dit : « Ecclesia multisgradibus con-
sistens, ad cxtromum diaconis, presbyteris ,
episcopisque finitur. » Et ailleurs : a Episcopi,
presbyteri, diaconi, aut virgines eliguntur ,
aut vidui, aut certe post sacerdotium in ster-
num pudici (Ad Jovin. Apolog.). » Où il ren-
ferme les diacres dans le sacerdoce, aussi bien
que dans l'obligation de la continence, qui en
était inséparable. Et au même endroit : a Non
mihi irascantur mariti, sed scripturis sanctis,
imo episcopis , presbyteris et diaconis , et
universo clioro sacerdotali et levitico, qui se
noverunt hoslias ofTerre non posse, si operi,
serviant conjugali. » Où il est clair que les
diacres sont ministres du sacrifice, et par con-
séquent engagés à la continence, et tout cela
conformément aux Ecritures. Et ailleurs : « Epi-
scojius, presbyter etdiaconus, non sunt merito-
rum nomina, sed officioriini (L. i. ad Jov.). »
II connaît ailleurs les moindres ordres : a Si
lector, si acolylhus, si psaltcs te sequitur, non
ornetur veste, sed moribus(Epist. ad Nepot.). »
Mais il ne nomme pas tous ceux que nous
avons, il en nomme qui ne sont plus, il ne les
lie pas toujours ensemble, il ne leur donne
point de part au sacerdoce, et par là il les dis-
tingue des trois ordres supérieurs. Aussi ce
n'est que dans ces trois suprêmes rangs de
dignité qu'il reconnaît une primauté et une
principauté hiérarchique , n'y ayant qu'un
évêque, un archiprêlre, et un archidiacre dans
chaque Eglise et ces titres honorables d'empire
et de juridiction ne se trouvant point dans les
autres ordres : « Singuli Ecclesiarum episcopi,
singuli archipresbyteri, singuli archidiaconi,
et omnis ordo ecclesiaslicus suis rectoribus
nititur (Epist. ad. Rusticum). »
Il blâme ailleurs la coutume des Eglises où
il était défendu aux prêtres de prêcher devant
les évêques, mais cela montre combien l'Eglise
mettait de différence entre ces deux ordres :
0 Pessimœ consuetudinis est, in quibusdam
Ecclesiis tacere presbyteros , et prœsentibus
episcopis non loqui (Ep. ad Nepot.). »
Quoiqu'en dise saint Jérôme, la prédication
a été considérée par saint Paul et par toute
l'Eglise comme la fonction la plus apostoli-
que , et ainsi comme la jilus convenable aux
évêques, dont il reconnaît au même endroit
la supériorité sur les prêtres. « Quod Aaron et
filios ejus, hoc est, episcopum et presbyteros
esse noverimus. » Il remarque ailleurs leur
royauté : « Ut régi, sic episcopo. » Et ailleurs :
« Aderant episcopi, et saccrdotum iiiferiores
gradiis , et levilarum innumerabilis nume-
rus (Epitaph. Nepotian. Epitaph. Pauiœ). »
XI. il n'en faut pas davantage pour être per-
suadé que saint Jérôme a sincèrement reconnu
les deux vérités importantes de la hiérarchie
ecclésiastique, c'est-à-dire la distinction et la
pn'éminence des évêques sur les prêtres de
droit divin , et de l'établissement propre du
Fils de Dieu , et la principale fonction des dia-
cres dans le ministère qu'ils rendent à l'autel
et au sacrifice terrible qu'on y offre.
Les paroles du même saint Jérôme qui sem-
blaient si contraires à ces deux vérités nous
apprennent , ce me semble , cette importante
maxime, de ne pas nous attacher toujours à la
siiiierficie et au son des paroles, mais de péné-
trer l'intention et l'esprit d'un auteur, surtout
d'un auteur qui se signale entre les autres par
la force et par la véhémence extraordinaire de
ses sentiments et de ses expressions.
ElTectivement il arrive presque toujours que
les écrivains de cette sorte, en combattant une
SUITE DES TROIS ORDRES IIlfiRARCIIIQUES.
295
erreur, s'ils ne se jettent dans l'erreur con-
traire, s'en approclient si fort, qu'il est dif-
ficile de les en justiller. Personne ne doii'c
que saint Jérôme n'ait écrit avec beaucoup de
véhémence, et qu'on ne l'ait souvent accusô
d'avoir excédé les limites de la juste défense de
la vérité. Ces accusations étaient fausses, mais
elles ne laissaient pas d'être fort apparentes et
vraisemblables.
Nous devons faire cette justice à ces errands
hommes , d'expliquer leurs sentiments |iar
la totalité de leurs ouvrages, et par la con-
frontation de tous les endroits où ils ont parlé
d'un même sujet. Cette règle est nécessaire
pour la saine intelligence de l'Ecriture même,
dont les Pères sont les interprètes. Si saint
Augustin a estimé que lu Sagesse éternelle
s'élant humanisée, a voulu en conversant
parmi les hommes, user des expressions ordi-
naires des hommes dans leurs discours, tout
imparfaites qu'elles sont, afin de consacrer et
en quelque manière déifier les faiblesses inno-
centes de notre nature (August. 1. De Con-
sensu Evang.) ; nous pouvons bien dire que
l'Ecriture, qui est aussi comme une incarna-
tion de la Vérité éternelle, s'est accommodée à
nos manières ordinaires de parler, et à notre
usage de ne pas dire toujours toutes choses,
mais tantôt les unes et tantôt les autres, afin de
laisser expliquer les unes par les autres.
CHAPITRE CINQU-4NTE-TR0ISlE\rni.
SUITE DE LA MEME EXCELLE.>CE DES TROIS OBDRES SUPERIEURS, ET DES TROIS PRE.IIIERS BENEFICES,
SELON LES PÈRES L\T1XS ET GRECS.
I. Témoignages de saint Augustin pour la distinction, l'excel-
lence cl la divine institution de ces trois ordres.
II. Témoignages de saint Léon, de saint Sidoine Apollinaire,
de saint Fulgence, de l'empereur Théodose.
III. Réfutation de l'auteur des Questions des deux Testameiis.
IV. De l'ordination de l'évêque d'Alexandrie.
V. Elle se faisait régulièrement comme dans les autres Eglises.
VI. Cérémonie particulière selon Libéral.
VU. Elle n'excluait pas l'imposition canonique des mains.
I. .Saint Augustin, parlant des personnes les
pfus relevées en sainteté (De Morib. Eccl. Cath.
1. I, c. 32), met dans ce rang plusieurs évèques,
plusieurs prêtres et plusieurs diacres qu'il avait
connus. « Quam multos episcopos optimos
viros sanctissimosque cognovi , quam multos
[iresbyteros, quam multos diaconos, et hujus-
modi ministres divinorum sacramentorum. »
Il représente ailleurs l'excellence de ces trois
ordres hiérarchiques, comme très-éclatante aux
yeux de la chair, mais formidable à ceux de
l'esprit ; enfin, comme suivie ou d'une extrême
confusion, ou d'une gloire incroyable, selon
l'usage qu'on en ferait |Epist. cxLvm) : a Cogiiel
prudentia tua nihil esse inhacvita, et maxime
hoc tempore facilius, et Itelius, et honiiiiibus
acceptabilius episcopi, ant presbyteri aut dia-
coni ofûcio, si ])eifunctorie atque adulatorie
res agatur : sed nihil apud Deum miserius , et
trislius, et damnabilius, item nihil esse in bac
vita et maxime hoc tempore difflcilius, pericu-
losius, laboriosius episco|)i, aut presbyteri, aut
diaconi oflicio, sed apud Deum nihil beatius, si
co modo militetur, quonoster imperalorjubet.
Ces paroles mémorables de saint Augustin
nous font remarquer non-seulement les obli-
gations et les fonctions spirituelles de ces trois
ordres, mais aussi les bénéOces ([ui y étaient
inséparablement unis, comme ils le sont encore
aux évêchés. Car ce ne sont que les honneurs
et les revenus temporels qui éblouissaient les
yeux des hommes charnels, et qui flattaient
leur cupidité et leur faisaient dire qu'il n'y
avait rien qu'on dût rechercher avec plus de
passion, ni dont on jouit avec plus de plaisir,
« nihil lœtius, nihil acceptabilius. »
11 y a aussi de l'apiiarence que, lorsque saint
Augustin, écrivant à toLisles clerc? de son E':'r-e,
les appelle ses confrères, « dilectissimis fratri-
-:or, DU PREMIEP, ORDRE DES CLERCS. — CHiFITRE CINQrANTr-TROIMÈME.
bus conclcricis, et universœ plebi (Epist.
cxxxviii), » il ne comprend dans le clergé que
ces trois ordres excellents : aussi dans une
autre lettre, il les appelle « coepiscoporum ,
compresbyterum, condiaconum (Epist. lix). »
Ce n'est pas qu'il ne reconnaisse lexcellence
singulière des évoques, comme des successeurs
des apôtres , qui conservent par cette succes-
sion l'unité, et donnent la perpétuité à l'Eglise,
o Clirislianasocietas, qucC per sedesapostolorum
et successiones episcoporum, certa per orbim
propagationediiïunditur (Epist. xui,rLVi, etc.).»
Je passe cent autres endroits où il donne à
tous les évoques le même apostolat qui lui est
donné à lui-même par une comiiagnie de
saints religieux : « Omnes filios aposlolatus tui
dominos nostros clericosdigneris nostro officio
salutare, etc. Apuslolatum tuum conservet
nobis Deus in Ecclesia (Epist. cclvi), etc. »
Enfin, autant il distingue les prêtres elles
diacres des autres clercs, autant il élève les
évêques au-dessus d'eux : « Neque enim de
presbyteris aut diaconis, aut inferioris ordinis
clericis, sed de collegis agebatur, etc. (Epist.
CLXIl). »
II. Saint Léon pape confirme presque tout
ce que nous avons dit par ce peu de (laroles :
a Non summos tantum anlistites, aut secundi
ordinis sacerdoles, nec solos sacramentorum
ministros, sed omne corpus Ecclesiœ oportet
esse purgatum (Serm. x de Quadrag.). » Si-
donius Apollinaris parlant de Claudien, frère
de saint Mamère, é\êque de Vienne, dit qu'il
était dans le second ordre du sacerdoce, et
grand vicaire de l'évêque : a Antistes fuit or-
dine in secundo, fralrem fasce levans episco-
pali (L. IV, epist. xi). »
Les empereurs Tliéodose et Valentinien,
avaient déjà témoigné avec quel respect toute
la terre révérait les trois suprêmes rangs des
dignités ecclésiastiques. « Audemus quidem
sermonem facere solito plus timoré capti, de
sanctis et venerabilibus sacerdotibus, et secun-
dis sacerdotibus, vel etiam levitis, et eos cum
omni timoré nominare, quibus omnis terra
caput inclinât (App. cod. Tlieodo., c. xx). »
Saint Fulgence, évêque de Ruspe, écrivant au
diacre Ferrand, l'appelle son confrère, « cou-
diacono Ferr.indo (Epist. de Bapt. .^Ltliio.). »
III. Cet exemple, soutenu de tant d'antres
déjà rapportés, nous montre clairement la
fausseté de ce qui a été avancé par l'auteur des
Questions sur l'un et l'autre Testament, fausse-
ment attribuées à saint Augustin. Car cet écri-
vain, prétendant que les prêtres doivent être
placés au même rang de dignité que les évo-
ques, en tire une preuve de ce que les évêques
se mettent eux-mêmes en l'ordre des prêtres,
en leur écrivant ou en leur parlant : ce qu'ils
ne font pas à l'égard des diacres. « Denique
non aliter quam compresbyteros vocat, et con-
sacerdotes suos episcopus. Numquid et mini-
stros coudiaconos suos dicit episcopus? Nequa-
quam, quia multo inferiores sunt (Quœst. ex
utroque Mixtim., c. ci). »
Cet auteur ne pouvait pas nous faire voir
plus clairement son insuffisance, et la vanité
de ses prétentions sur la prétendue égalité
entre les prêtres et les évêques, qu'en avançant
des preuves aussi notoirement fausses que
celles-ci. Car il est certain que les Pères grecs
et latins, étant la plupart évêques, n'ont pas
laisséen écrivant aux diacres aussi bien qu'aux
prêtres, de se dire leurs confrères dans le
même ordre , non pas qu'ils pussent ignorer
leur prééminence sur les prêtres aussi bien que
sur les diacres, mais parce qu'ils étaient forte-
ment persuadés que ces deux ordres avaient
une liaison singulière et comme une sacrée
consanguinité avec l'épiscopat, comme étant
des parties essentielles de la même hiérarchie,
des membres du même sacerdoce, et comme
des portions du même apostolat.
Ainsi cet auteur ne peut pas être d'intelli-
gence avec saint Jérôme, puisque saint Jérôme
reconnaît la différence essentielle du caractère
et de l'ordre des prêtres et des évêques, en
reconnaissant que l'évêque seul a le pouvoir
d'ordonner, ce qui suffit pour en conclure
toute la souveraineté divinement établie de
l'épiscopat.
Aussi saint Chrysostome n'en dit pas da-
vantage , lorsque expliquant pourquoi saint
Paul passe des évêques aux diacres, sans parler
des prêtres, il dit que c'est parce que la dis-
tance n'est pas grande, et que l'évêque n'est
avantagé que du pouvoir d'imposer les mains :
« Quia scilicet interepiscopum et presbyterum
interest ferme nihil. Qui[ipe et presbyteris Ec-
clesia? cura permissa est, et qiiœ de episcopis
dixit, ea et presbyteris congruunl : sola quippe
oïdinationesuperiores illi sunt, atque hoc tan-
tum [ilusquam presbyteri liabere videntur (In
Epist. 1. ad Tim. hom. 11). »
IV. Rien ne nous fait voir plus manifeste-
ment l'erreur de ceux qui ont cru que les pré-
SUITE IlES TROIS ORIiRES HIÉRARCinOUES.
207
très d'Alexandrie, par la seule élection et par
l'installation de l'un d'entre eux sur le trône
épiscopai, donnaient un évèque à leur Ey;lise,
sans qu'il fût besoin que d'autres évêques lui
imposassent les mains.
Saint Jérôme, sur les paroles duquel on pré-
tend se fonder, dit nettement que lévêque seul
peut ordonner. Il fallait donc recourir à des
évêques pour ordouner l'évèque d'Alexandrie.
A moins de cela, d'où ce prêtre élevé sur
le siège épiscopai eût-il reçu le pouvoir d'or-
donner les ministres sacrés de l'autel ? Les prê-
tres qui l'avaient élu ne pouvaient pas lui don-
ner un pouvoir qu'ils n'avaient paseux-mêmes.
Cet évcque imaginaire n'eût donc pu ordonner
ni d'autres prêtres, ni des évêques, et ainsi en
peu de temps l'Eglise d'Alexandrie et de toute
l'Egypte se fût trouvée sans prêtres et sans évo-
ques ; ou toutes ces ordinations se fussent faites
par de simples députations extrinsèques, sans
imposition des mains, contre la pratique géné-
rale, et contre le sentiment universel de toute
l'Eglise.
V. La prétention de Jean Selden n'est pas
moins ridicule, lorsque, fondé sur un fragment
de la chronique arabique d'Eulycbius, patriar-
che d'Alexandrie, il dit que saint Marc établit
douze prêtres dans son Eglise d'Alexandrie pour
assister le patriarche, pour élire son successeur
dans leur corps et lui imposer eux-mêmes les
mains, enfin pour gouverner tout le patriar-
cat par le ministère des prêtres seuls sans évê-
ques ; en sorte que durant les trois premiers
siècles, tout ce patriarcat n'ait été gouverné
que par des prêtres, et que le patriarche même
n'ait été ordonné que par les prêtres de son
Eglise.
Le Père Morin a réfuté avec tant de force et
tant de lumière cette opinion chimérique, que
nous nous croyons justement dispensés d'en
traiter plus au long (Morin. De sacris ordinat.
part, ni, exerc. vu, c. 7). Saint Jérôme seul
nous suffira pour nous convaincre pleinement
du contraire. Car celte opinion eût été très favo-
rable au dessein qu'il avait d'humilier les dia-
cres et de leur apprendre à respecter les prêtres.
Il n'eût donc p;is oublié de leur représenter
que, durant plusieurs siècles les prêtres seuls
avaient ordonné les patriarches, et gouverné
tout le patriarcat d'Alexandrie , remplissant
eux-mêmes la place des évêques. Au moins il
n'aurait pas dit formellement le contraire en
assurant que l'évêque seul a le pouvoir d'or-
donner, et de donner à l'Eglise des évêques,
des prêtres et des diacres.
11 est vrai que l'auteur des Questions sur les
deux Testaments, dont nous venons de parler,
dit que les prêtres de l'Egypte consacrent en
l'absence de l'évêque : « In Aiexandria et psr
totam .«Egyptum, si desit episcopus, consecrat
presbyter. » Mais nous avons déjà découvert
l'ignorance et les bévues de cet auteur. Saint
Jérôme dit le contraire , et il mérite bien plus
de créance que lui. Il ne s'accorde pas mieux
avec la prétendue chronique de Seldenus, qui
veut que dès le temps d'Héraclas et d'Alexandre,
évêques d'Alexandrie, c'est-à-dire à peu près
dès l'an 300 de Jésus-Christ, ces pratiques
singulières aient été abolies en Egypte, et que
la discipline générale du reste de l'Eglise y ait
été introduite.
Enfin le terme de consecrat, peut signifier
tout autre chose que l'ordination; et il y a de
l'apparence qu'il ne signifie autre chose en cet
endroit que la confirmation. Car voici ce que
dit l'auteur des Commentaires sur saint Paul
qu'on cite quelquefois, quoique faussement,
sous le nom de saint Ambroise : « Denique
apud /Egyptum presbyteri consignant, si prœ-
sens non sit episcopus. »
Cet interprète est aussi un de ceux qui se
sont le plus emportés pour faire entrer les
prêtres dans le même rang et le même ordre
des évêques. Sa prétention générale n'est pas
soutenable. Ce qu'il avance de la confirmation
donnée par les prêtres d'Egypte peut êlre véri-
table, puisque saint Jérôme et saint Chryso-
stome, en traitant le même sujet, ne réservent
que l'ordination aux évêques.
VI. Libérât nous a appris une autre coutume
de l'Eglise d'Alexandrie qui était en usage de
son temps dans l'ordination du patriarche. Le
successeur passait la nuit près du corps de l'é-
vêque défunt, prenait sa main et l'imposait sur
sa tête, se revêtait du pallium de saint Marc, et
s'allait ensuite asseoir sur le trône patriarcal.
«Consuetudo est Alexandriœ, illum qui defuncto
succedit, excubias super defuncti corpus agere,
manumque dexteram ejuscapiti suo imponere,
et sepulto manibus suis, accipere coUo suo
beati Marci pallium, et tune légitime sedere
(Liberati Breviarium, c. 20). »
Il ne faut pas croire que ce fût là l'ordination
de l'évêque d'Alexandrie, c'en étaient des céré-
monies particulières et extraordinaires distin
guées de l'ordination, comme la dignité du
59S DU PREMIER ORDRE DES Cf.ERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-TROISIÈME.
patriarche était distinguée dé la dignité d'évc-
qiie,mais en sorte que, dans ces conjonctures,
ce qui était distingué ne laissait pas d'être in-
séparable.
En effet, quelle apparence y a-t-il que l'ordi-
nation des autres évêques d'Egypte se fît avec
les mêmes cérémonies que celle de tous les
autres évêques du monde , c'est-à-dire avec
l'imposition des mains, avec des prières, et
avec une longue et pompeuse solennité qui fît
remarquer et révérer tout ensemble l'auguste
majesté du sacerdoce royal de l'Eglise, et que
le patriarche d'Alexandrie fût ordonné par la
seule intronisation, ou par ces cérémonies
obscures et stériles que Libérât a décrites?
Quelle apparence y a-t-il qu'il n'yeûtpasunseul
diacre, ni un prêtre, ni un évêque dans tout le
monde qui n'eût reçu le Saint-Esprit et la grâce
(!e son ordre par une imposition des mains, par
des prières et par une ordination régulière et
accompagnée de beaucoup de majesté; et que
le second évêque du monde eût été ordonné
d'une manière si sèche et si irrégulière?
Enfin quelle apparence y a-t-il que les évê-
ques d'Alexandrie qui consacraient non-seule-
ment tant de diacres et tant de prêtres, mais
au'^si tant d'évêques, comme nous apprenons
qu'il yen avait dans leur ressort par le sixième
canon du concile de Nicée, par l'histoire de
saint Athanase et par les conciles qu'il a tenus
lui-même, ne fissent pas réflexion sur leur
propre ordination, afin de ne la priver pas
(U: la jiompe, de la solennité, et des grâces de
toutes les autres ordinations, et surtout de l'im-
position des mains, et des prières qui ont un
fondement si visible et si bien établi dans les
livres de l'ancien et du nouveau Testament?
Si la prétendue égalité des prêtres et desévê-
qu(!s eût causé cette singularité dans l'Eglise
d'Alexandrie, elle eût eu le même effet dans
toutes les Eglises de ce patriarcat, dont les
évê(iues étaient ordonnés par celui d'Alexan-
drie. 11 eût ordonné les autres comme il élait
ordonné lui-même, ou même d'une manière
encore plus sèche et plus obscure. Or tous ceux
qui ont écrit de celte particularité de l'Eglise
d'Alexandrie, l'ont resserrée dans elle seule,
sans la répandre dans le reste de son patriar-
cat. En effet les autres évêques de l'Orient qui
éUiient assez souvent brouillés avec ceux il'E-
gypte, auraient eu un beau sujet de les dccn':-
diter sur cette sorte de promotion qui les lais-
sait dans l'ordre des prêtres.
Mais comment saint Athanase, qui avait fait
un séjour si considérable dans l'Occident et
dans Rome même; comment tant d'autres pa-
triarches d'Alexandrie qui ont toujours entre-
tenu une liaison et une amitié si étroite avec
l'Occident, n'auraient-ils point remarqué les
pratiques et les règles de la consécration des
évêques reçues unanimement dans l'Occident,
et dans tout le reste du monde? Comment ne
les en aurait-on point avertis?
Vil. Il est donc plus que vraisemblable que
ce que disent saint Jérôme, Libérât, et quelques
autres, est véritable, mais que ce ne sont que
des accessoires et des singularités que l'Eglise
d'Alexandrie ajoutait à l'ordination épiscopale
reçue et pratiquée dans toute l'Eglise, puisque
l'ordination était dans cette Eglise, et dans les
autres toujours la même , et que sa forme sub-
stantielle élait marquée dans les canons aposto-
liques et dans ceux du concile de Nicée, où
l'ordination, tant des évêques que des prêtres
est appelée -/.EifOTovîa, « manus imposilio.» C'est
ce qui n'a pu être ignoré dans l'Egypte.
L'erreur n'est venue que de ceux qui ont
pensé en lisant ces auteurs, que non-seulement
ils disaient ce qui était, mais aussi qu'il n'y
avait que ce qu'ils disaient. Or ce raisonnement
n'est pas juste, et ce que nous avons dit montre
assez, ce me semble, qu'il est faux. En eflet
l'intention de ces auteurs n'a pas été de rap-
porter généralement tout ce qui se pratiquait
dans l'ordination de ct'S évêques, tanten Egypte
qu'ailleurs, mais feu'ement ce iju^il y aviùl de
particulier dans l'Egypte pour ces sortes d'ordi-
nations.
Il se pourrait îjicn faire que ce que dit Libé-
rât ne fût que la confirmation de l'élection
faite, l'intronisalion, et la prise île possession
du patriarche d'Alexandrie , et nullement
sa consécration qui se faisait ensuite plus à
loisir.
Il se pourrait faire aussi que pour la même
raison remari|uée par Libérât, afin de i)révenir
les divisions et les brigues, le clergé d'Alexan-
drie, sans attendre (|ue les évêiiues de la pro-
vince s'assemblassent, iirocédàt à l'élection de
ré\êquc, leclitti^îl toujours de son corps, et
le fît à l'instant confirmer par saint Marc ,
de la manière que cela se pouvait faire, at-
tendu (pio coll; corfirmalion ne pouvait pas
être faite par un autre évêque qui lui fût in-
férieur.
Au reste cela suffisais à saint Jérôme pour
DE L'ÉRECTION DES NOrVEÂTO ÉVÉCHÉS.
299
I
obliger les diacres à considérer davantage les
prêtres sans se mettre en peine d'expliquer
de quelle manière on consacrait après cela
l'évêque déjà élu.
CHAPITRE CINQUANTE-QUATRIÈME.
DE L'ÉnECTION DES KOIJVEACX ÉVÊCHÉS AIX CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Les apftlres et les hommes apostoliques érigèrent les pre-
miers évêcliés.
II. Les prélats des sièges apostoliques succédèrent à ce
ponvoir.
liL Eux seuls pouvaient fournir des évèques aux nalions
barbares.
IV. Les métropoliîains érigèrent de nonveanx évêchés comme
ayant aussi un siège apostolique.
V. Un simple évèque faisait ordonner un autre évéque dans
une Je ses paroisses.
VI. Le concile de Laodicée défend l'abus qui s'y glissait.
VII. L'autorité des empereurs ue prenait point de pari à ceci.
VIII. On passe de rOrient à l'Occident. On y ordonnait aussi
des évèques pour des nations entières.
IX. Le concile de Sardique défend d'en ordonner dans les
villages.
X. Saint Léon condamne cBt abus dans l'.\frique.
XI. Combien il élail commun dans l'Orient.
XII. Et dans l'Afrique.
XIII. Si l'autorité de l'archevêque de Carthage intervenait.
XIV. Le consentement du primat, du concile provincial, et de
l'évêque dont on démembrait l'évêché, était nécessaire.
XV. Le pape donnait souvent des évè jnes aux nations nou-
vellement converties. Les empereurs ne se mêlaient point en-
core de la création des nouveaux évêchés. Pourquoi ?
I. On ne peut douter que les ai ôtres et les
évèques des temps apostoliques, qui s'attachè-
rent principalement eux-mêmes aux plus gran-
des villes de l'empire et aux métropoles de
chaque province, n'aient fondé et laissé ensuite
à leurs successeurs le même pouvoir de fonder
des évêchés dans les autres villes où ils avaient
pu former de nouvelles églises.
Etant, comme ils étaient tous apôtres, et lais-
sant aux évèques futurs des métrcjioles une
participation plus grande des pouvoirs aposto-
liques, comme il a été dit ci-dessus, ils leur
trunsmetlaient indubitablement la même au-
torité de fonder de nouvelles églises et de nou-
veaux évêchés.
Eusèbe le dit fort clairement en ces termes,
parlant des iiommes apostoliques: «Munusobi-
bant Evangelislarum, etc. Hi postquam in re-
niolis ac barbaris regionibus ûdei fundamenta
jecerant, aliosque pastores constituerant , ad
alios gentes properabant (Lib. m, c. 37). »
II. Mais comme les sièges apostoliques avaient
recueilli la succession des apôtres avec plus
d'étendue, ainsi on y recourut plus souvent
pour former de nouvelles colonies. Rufin et
Sucrate rapportent comment saint Athanase con-
sacra Frumentius évèque , et l'envoya pour
achever la conversion d'une province des Indes
où il avait déjà travaillé avec tant de succès
(Socrat., I. I, c. 15).
Il y avait longtemps dès lors même qu'on
enveloppait dans le nom général des Indes toutes
les provinces un peu éloignées des frontières
de l'empire, surtout vers l'orient et le midi,
a Frumentius .\lexandriam advenfans, Atha-
nasio omnem rem narrât, etc. Indos religionera
Christianam recepturos ostendit, etc. Athana-
sius, etc. ipsum Frumentium episcopum dési-
gnât (Idem., 1. IV, c. 9, etc). » Et lorsque, sous
r». m pire de Valens, la reine des Sarrasins refusait
de donner la paix aux Romains, si on ne lui
donnait un évèque pour éclairer son Etat des
vérités évangéliques, le solitaire Moïse, qu'on
destina pour cela, vint à Alexandrie pour y être
ordonné évèque a Alexandriam, ut illic sacer-
dolii dignitatem capesseret, deductus. » II est
vrai que n'y ayant trouvé qu'un évèque arien ,
il alla se faire sacrer par des évèques bannis
pour la foi orthodoxe.
111. On consacrait ces évèques pour une na-
tion entière, sans les fixer dans aucune ville,
parce que l'on n'avait pas même toujours la
connaissance des villes, et que ces prélats apos-
toliques devaient imiter les apôtres en suivant
la rapidité de l'Esprit-Saint qui les poussait ,
et le vol des victoires évangéliques. Tel fut
encore l'évêque que le grand Couslanlin fit
303 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-QUATRIEME.
ordonner, et qu'il envoya à la nouvelle Eglise
des Ibériens, selon Tlicodoret (L. i, c. 241.
Ces évêrjues se trouvant seuls dans une
grande nation , ne pouvaient pas ordonner
d'autres évc(|ues : ce qui fait dire à Sozomône
que dans la Scythie il y avait plusieurs grandes
villes qui n'avaient toutes ensemble qu'un
évc>|ue (L. vu, c. 10). Il était donc nécessaire
qu'on y envoyât toujours de nouveaux pasteurs,
et c'est ce qui ne se pouvait espérer que des
plus grandes villes de l'empire et des plus
grandes Eglises.
Ce fut peut-être pour cela que le concile de
Calcédoine (Can. xxvni) voulut que ce fût l'évc-
qui; de Constantinoplequi ordonnât les évêques
des nations barbares qui avaient auparavant
été soumises aux trois petits exaniucs. Le con-
cile i" de Constantinople (Can. ii) s'était con-
tenté de dire que les ordinations des évêques
s'y feraient selon l'ancien usage. Saint Cliry-
sostome avait donné aux Gotbs pour évêque le
célèbre Wda (Clirysost., epist. cxxiu). après la
mort duquel le roi des Coths en demandant un
autre, ce saint , qui était déjà exilé de son
Eglise, travailla encore pour en faire donner
un autre (Baron., an. 405, n. 2). Voici comment
il écrivit à Olympias : « Eximiuni illum virum
Wilam , quem non ita pridem Episcojium
creavi, atque in Gothiam misi, etc. »
IV. Saint Hasile, métropolitain deCésarée en
Cappadoce, érigea eu évèclié la petite ville de
Sizimes pour munir ainsi la frontière de sa
province contre les prétentions de l'ambitieux
évêque de Tyane, Antilime, qui avait fait di-
viser par l'empereur Valens la Cajjpadoce ©n
deux provinces, en sorte que Tyanes se trouva
capitale et métropole de la seconde. Pour
mieux conserver ce poste qu'il jugeait si im-
portant, il en ordonna évêque l'incomparable
lliéologien Grégoire de Nazianze, quelque ré-
sistance qu'il y piit apporter (Baronius, an. 371,
n. 90, 91, etc.). Ce fut un long sujet de plain-
tes entre ces deux illustres amis, mais c'est
une marque certaine du pouvoir des métropo-
litains à ériger de nouveaux évécbés dans leur
province.
V. On lut dans le concile de Calcédoine
(Act. 13) la plainte de la métropole de Nico-
médie contre celle de Nicée, et on y assura (jne
ré\ê(iue de Nicée avait ordonné un évêque et
institué un évêcbé dans Basilinopolis , qui
n'ayant été d'abord qu'un village, avait été
luitc au rang des villes par uu empereur. 11 y
a toutes les apparences que Nicée n'était encore
qu'un simple évêché quand l'évêque de Nicée
fit consacrer un évêque à Basilinopolis. Nous
verrons ci-dessous des exemples semblables
dans l'Eglise latine.
On trouve à la fin du concile d'Ephèse une
requête présentée par deux évêques de la petite
province d'Europe en Thrace , dont cbacun
était évêque de deux villes, qui eussent bien
pu avoir chacune le leur. Ces é\ê(]ues deman-
dèrent d'être conservés dans l'ancienne et im-
mémoriale possession où ils étaient, craignant
que le métropolitain dlléraclée qui avait pris
parti avec les Nestoriens, n'entreprit de créer
de nouveaux évêques dans ces secondes villes.
Le concile accorda leur demande et confirma
l'ancienne coutiuiie. «Niliilinnovandum in Eu-
ropœ civil alibiis, sed juxta velerem consuetudi-
nem gnbernentiir. » Cela nous montre que les
évêcbés ont été moins nondireux dans les |)ro-
vinces qui ont été cultivées les dernières; que
dans la multitude dis autres provinces, la cou-
tume ordinaire était (pie, comme toutes les pro-
vinces avaient leurs métropolitains, aussi toutes
les villes avaient leurs évoques; enfin que les
métropolitains érigeaient des évêchés de leur
propre autorité, étant tout au plus soutenus de
celle du concile provincial.
VL Le canon de Laodicée qui défend d'or-
donner à l'avenir des évêques dans les villages,
veut qu'on se cordente d'y mettre des chorévè-
([ues avec celte condition que les évêques qui
y auront déjà été ordonnés ne feront rien sans
le consentement de l'évêque de la ville. « Non
oportet in villulis, velagrisepiscoposconstitui,
sed visit itores. Verumtamen jam pridem consti-
tuti, nibil faciant prajler conscientiam episcopi
ci\iiali-; (Can. lvii). »
Il arrivait donc souvent avant ce concile que
les évêques des villes consacraient ou faisaient
consacrer des évêques dans les villages de leur
diocèse, et y érigeaient par conséquent des évê-
chés, auxquels ils commettaient la conduite
d'une contrée cl des paroisses voisines. On ré-
solut de n'y mettre a l'avenir que des choré-
vciiues.
Vil. Nous n'avons encore aperçu aucun
vestige de l'autorité des empereurs dans l'érec-
tion des évêchés, car si Basilinopolis ayant été
élevée au rang des vilks par Julien, ou par un
autre empereur reçut en même temps un évê-
que, elle ne le reçut que de l'autorité de l'évê-
que de Nicée, de l'évèché duquel on faisait ce
DE L'ÉRECTION DES NOUVEAUX ÉVÊCIIÉS.
301
démembrement. Le rescrit de l'empereur ne
parl.iit point de révpcVic, aiitrenioiit on n'eût
pu croire que Julien l'Apoptat en fût l'auteur.
L'évêipie de Nicée jugea seulement sur la cou-
tume générale qu'une ville ne devait pas être
laissée sans évè{|ue.
Sozomène (Lib. v, c. 3) remarque de même
que lorsque les empereurs eurent réuni en une
seule ville Gaze et Majume dans la Palestine,
qui avaient été deux villes et deux évècbés, les
deux évèchés demeurèrent toujours, quoique
dans une même ville, a Utraque seorsum suum
habet episcopum, suum clerum. » Un évèque
de Gaze voulut faire réunir ces deux évèchés
après la mort de l'évêque de Majume, mais le
concile de la province en jugea autrement, et
donna un évèque à Majume : «Conciliuni gentis
illius causam cognovit, aliumque creavit epi-
scopum. »
VIII. Si nous passons de l'Eglise Orientale à
celle d'Occident, nous y remarquerons facile-
ment les mêmes maximes que les évèchés ont
été principalement établis par le Siège aposto-
lique et par les grandes métropoles; que les
évèques ont fait ordonner d'autres évêques
dans les grandes places de leur diocèse ; que les
conciles provinciaux ont autorisé ces change-
ments, mais que l'autorité impériale ne s'est
point interposée dans la création de ces nou-
veaux trônes dans l'Eglise avant l'an oOO, àquoi
nous limitons cette première partie.
Photius, dans sa bibliothèque, raconte com-
ment le sa\antet fameux Gains, prêtre de l'E-
glise de Rome, sous le pontificat de Victor et de
Zèphirin, fut ordonné évèque des nations :X£'.fo-
«vï.Ot.vxi iôvwv £-i(K'.-v/(Cod. 48). C'est-à-dire qu'on
le consacrait et on le couronnait roi d'un
royaume qu'il allait conquérir. C'est probable-
ment ainsi que les pajies sacrèrent une partie
des évèques, qu'ils envoyèrent ensuite dans
toutes ces parties de l'Occident, dont Inno-
cent I" a fait rénumération dans une de ses
lettres, pour les aller subjuguer.
IX. Le concile de Sardique renouvela dans
l'Occident le canon du concile de Laodicée, de
ne point laisser ordonner d'évêques, si ce n'est
dans des villes assez peuplées, de peur que la
dignité des évèques ne s'avilisse, si on les fait
résider dans des villages. « Licentiadanda non
non est ordinandi epi,scopum, aut in vico ali-
quo, in modica civitate, cui sutTicit unus pre-
sbjter : quia non est necesse ibi episcopum
fieri, ne vilescal nomen episcopi et auloritas. »
Ce n'étaient pas les conciles provinciaux qui
auraient mis les évêques dans les villages ,
c'était ni bien plus vraisemblablement les évè-
ques des villes qui cherchaient à se décharger,
ou même à avoir des évê(|ues dans leur dépen-
dance, après les avoir fait sacrer dans les villages
de leur diocèse. C'est ce qui lit que les conciles
provinciaux se réservèrent enfin ce pouvoir,
comme il paraît par le texte grec du même
canon de Sarditpie. « Provincite episcopi debent
in iis urbibus episcopos constituere, ubi etiam
prius episcopi fuerunt. Si autem inveniatur
urbs aliqua tam populosa, ut ipsa episcopatu
digna judicetur, accipiat (Can. vi). »
X. Les évêques d'Afii(iue furent peut-être
ceux qui gardèrent moins religieusement cette
règle, de n'ordonner des évêques que dans les
villes. Saint Léon leur en écrivit d'ime manière
foit pressante, et il jugea même fort raison-
nable de supprimer à l'avenir tous ces petits
évèchés après la mort de ceux qui les occu-
paient, selon la demande d'un évèque d Afrique.
« lllud sane inter omnia volumusstatula ca-
nonum custodiri, ut non in quibuslibet locis,
nec in quibuslibet castelîis, et ubi ante non
fuerunt, episcopi consecrenlur. Cum ubi mi-
nores sunt plèbes , minoresque conventus,
presbyterorum cura sufflciat ; episcopalia au-
tem gubernacula non nisi niajoribus populis
et frequenlibus civitalibus oporleat prœsidere;
ne quod sanctorum Patrum divinitus inspirata
décréta vetuere, viculis et possessionibus, vel
obscuris et solitariis municipiis tribualur sa-
cerdotale fastigium; et honor cui debent ex-
cellentiora committi , ipse sui numerositate
vilescat (Epist. Lxxxvii, c. 2). »
Il fait sans doute allusion an canon de Sar-
dique que nous venons de citer, et il donne
deux raisons de cette loi ecclésiastique. La
première est que l'èpiscopat étant la royauté
du sacerdoce, c'esll'obscurciretternir sa gloire
que de placer son trône dans des lieux déserts
ou mal peuplés, où il ne peut ni exercer ses
divines fonctions, ni répandre ses célestes ri-
chesses. La seconde est que la trop grande
multiplication des évèques les ferait enfin tom-
ber dans le mépris et dans l'avilissement. Mais
enfin ce pape ne se réserve point à lui, ou au
Saint-Siège la création des évèchés nouveaux.
H laisse aux conciles provinciaux, et aux mé-
tropolitains une pleine liberté de les ériger cou-
fomièmeiit aux lois canoniques.
XI. Ce désordre avait donc été comnum à
302 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINaUANTE-QyATRiÈME.
rOrient et à lOcciclent, de ciéor des cvt'ijucs
dans des villaires. A la vérité le canon vi du
concile de Sardique condamna ces abus dans
l'Occident, mais ce fut principalement pour
blâmer les Orientaux que ce canon vi y fut fait
et pour désapprouver l'ordination que les évo-
ques du concile de Tyr avaient faits d'Iscbyras.
Car étant simplement curé d'un village, et
n'étant peut-être pas même prêtre, ils le firent
évèque de son village , où saint Athanase
assure qu'on n'avait pas même jusqu'alors
placé un chorévêque. « Ager est Alexandriœ, in
quo loco nunquam episcopus fuit, imo ne
chorepiscopus quidem,etc.Niliilo tamen minus
hominem,qui ne presbyter iiuiilemerat, liujus
pagi prster majorum traditionem , eiiiscopum
scilicet appellaverunt (Athanas. Apol. 2). »
Ce fut la récompense dont les ariens vou-
lurent bonorer l'infâme calomniateur du grand
saint Athanase. Ce Père assure que cette créa-
tion d'évêques dans des villages était contraire
à la tradition des Pères. Nous avons dit ci-
dessus comment les apôtres commencèrent à
établir l'empire de la vérité dans les plus
grandes villes du monde , oîi le mensonge
régnait avec plus d'impudence.
Xll. Revenons à l'Occident et à l'Afrique, où
dans la célèbre conférence de Cartbage entre
les évêques catholi(|ues et les donatistes, comme
clia(]ue parti faisait montre de la multitude de
ses prélats, Alypius fit remarquer qu'entre les
évoques donatistes il y en avait plusieurs qui
n'avaient (jue des villages, ou des campagnes
sous leur conduite, a Scriplum sit omnes istos
in fundis, vel in villis esseepiscopos ordinatos,
non in aliquibus civitatibus (Collât, i, n. 181,
18-2). Pétilien, évoque donatiste, fit le même
reproche aux catholiques, a Sic etiam tu mul-
tos habes, per omnes agros disperses. »
Les conciles travaillèrent à bannir ce désor-
dre de l'Afrique. Le concile 11 de Cartbage or-
donna que les villages qui n'avaient jamais eu
d'évêque n'en auraient point; mais (]ue si le
nombre des habitants s'augmentait tellement
qu'ils pussent passer pour des villes, on pourrait
y établir des évêques, avec l'agrément de l'évo-
que de qui dépendait cette paroisse. Ce concile
supiiose donc que ce sera le métropolitain, ou
le concile p^ovincial qui fera l'érection du
nouvel évéché, avec le consentement de l'an-
cien évê(pie (Can. v). o Ut diœceses qu;c nun-
quam habuerunt episcopos, non habeant. Et illa
diœcesis, quœ aliquando habuit, habeat pro-
ptium, etc. Et si accedente tempore, cresccnte
fille, populus Dei multiplicalus, desideraveiil
proprium babere rectorem, ejus videlicet vo-
luntale, in cujus potestate est diœcesis consli-
tula, habeat e[)iscopum. »
Voilà toutes les circonstances remarquées,
que la ville soit grande, qu'elle demande un
évèque, que l'ancien évèque y consente, (|ue
l'érection s'en fasse par le primat ou par le con-
cile, sans qu'il soit parlé ni des empereurs, ni
du pape.
Xll'. Il est néanmoins fort probable que
l'autorité de l'archevêque de Cartbage, qui
était comme l'exarque et le primat des i)riinats,
c'est-à-dire le métropolitain des métropolitains
d'Afiique, intervenait souvent dans ces insti-
tutions des nouveaux évêchés. L'évè(iue Epi-
gonius se plaignit, dans le concile lll de Car-
tbage, de ce que quelques prêtres, poussés d'un
esprit d'ambition, gagnaient la faveur des peu-
ples par des festins et des profusions infâmes,
et se faisaient ensuite demander pour évêques
de leurs cures.
Si l'évêque du lieu ne cédait pas à leur pas-
sion, ils avaient recours à l'archevêque de Car-
tbage. Aurèle, qui était présent à ce concile,
déclare qu'il a toujours rejeté et qu'il rejettera
toujours ces sollicitations ambitieuses et qu'il
ne donnera des évêques qu'avec l'agrément
des anciens prélats (Can. xui, xlvi). c Hoc me
et fecisse et facturum esse profiteor, circa eos
sane qui fuerint concordes, non solum circa
Ecclesiam Carthaginensem , sed circa omne
sacerdotale consortium. » Enfin il promit aussi
d'empêcher que révê(iue nouveau, qui aurait
été créé dans quelque lieu démembré d'un
ancien évêché, ne s'attribuât les paroisses voi-
sines. « Non dubito omnibus placere eum qui
in diœcesi, concedente episcopo, qui matricem
tenuit, solam eamdem retinere plebem, inqua
fuit ordinatus. »
XIV. Il est vrai que le canon du concile d'A-
frique ne parle que du consentement du con-
cile de la province et du primat, sans deman-
der l'agrément de l'évêque de Carlhage pour
l'établissement d'un nouvel évêché. « Piacuit
ut plèbes quœ nunquam habuerunt proprios
episcopos, nisi ex concilio plenario uniuscu-
juscjue provinciae, et primatis, at(jue consensu
ejus, ad cujus diœcesim eadem Ecclesia perti-
nebat , decretum fuerit , minime accipiant
(Can. Lxv). »
On peut ajouter à cela que saint Augustin
DES ÉVÉQUES ET DES ÙVECIIÉS NOUVEAUX.
303
ni(*me Tonlut érijier un nouvel évcché dans
un tliàteau de son diocèse , nommé Fus-
s;ilo , parce qu'il était éloigné de quarante
nulles de sa ville d'Ilippone et qu'il ne pouvait
|)as par consé(iuent s'y applicfuer avec toute la
diligence qu'il savait être du devoir d'un évo-
que « Qnod ab Hippone meinoralum castel-
lum miilibus quadraginta se jungilur , etc.
Cum me viderem latius quam oportebat ex-
Icnili, nec adliibendœ sufflcerem diligentiœ ,
quam certissima ratione adiiiberi debere cer-
nebam, episcopum ibi ordinandum constltuen-
dinTii|ne curavi. »
Ce Saint ne parle absolument ni de l'in-
tcr^ention de l'arclievêque de Cartilage, ni de
CL'Ue du pape, quoiqu'il écrive au pape Célesliu
la littre dont ceci est tiré, mais seulement du
piimat de N^midie, qui était son mélropolitaio
par lequel il lit consacrer ce nouvel évoque.
aPropter queiii ordinandum, sanctura senem,
qui tune priinatum Numidiœ gerebat, de Ion-
ginqiio , ut veniret rogans litteris impetravi
(Aug. Ep. ccLXi).»
Il est vrai qu'il ne parle pas du conseute-
menl ùii concile de la province, mais il est
compris dans celui du primat, et d'ailleurs les
canons s'en sont clairement expliqués (Baro-
nius, an. •i2i, n. 4). 11 faut donc dire que le
consentement de l'évèque de Cartilage n'était
que de bienséance.
XV. Concluons ce cbapitre en disant que le
Siège apostolique de Rome a été le plus zélé à
donner des évèques aux nations nouvellement
converties.
C'est ainsi que, selon saint Prosper, le pape
Célestin donna Palladius pour premier évêque
aux Hibernois : a Ordinale Scotis episcopo,
dum Piomanam insulain studet servare catbo-
licam, fecit etiam barbaram cbristianam. »
C'est-à-dire, que ce pape chassa les pélagiens
d'Angleterre et les idolâtres d'Irlande.
Si les empereurs ne se mêlaient point encore
de la création des nouveaux évêchés, c'est que
leur empire était trop étendu et qu'ils n'avaient
pas encore donné aux évêques tant de part
dans leurs conseils , ni tant de pouvoir dans
les villes, comme firent depuis les rois qui s'é-
levèrent sur les débiis de runipire.
CHAPITRE CINQUANTE-CINQUIEME.
DES ÉVÈQIES ET DES EVÈCHES NOCVEACX, SURTOUT DANS LES PAYS KOUVEHEMEXT CONVERTIS,
AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET nUIlIÈJlE SIÈCLES.
I. II. Les nouvcauï évêchés s'établissaient du consentement
des métropolitains, des conciles provinciaui, des rois et des
papes. Tentative pour l'évèclié de Melun.
m. Et de Châleaudun, et de plusieurs autres en France.
IV. V. Erection des nouveaux évêchés d'AUeniague par saint
Boiiiface, légat du pape, soutenu de l'autorité des papes el des
princes de l'Espagne.
VI. De là on conjecture de quelle manière les premiers évê-
ques furent autrefois fondés.
VII. VIII. Nouvelles preuves de cela même pour l'Irlande et
l'Angleterre, où les papes envoyèrent des missionuaires aposto-
liqi:es.
IX. Et pour la Frise.
X. Translations d'évêchés.
XL XII. Evèques exempts de la juridiction du métropolitain.
XIII. Les évèques voisms des pays dus mlidèles ont droit d'y
prêcher la foi, et d'y établir de nouveaux évêchés.
XIV. XV. Comment ce pouvoir est reveau ïu pape.
I. Les nouveaux évêchés érigés dans les vi%
VII* etvui' siècles, ne se sont établis que du
consentement des métropolitains, des synodes
provinciaux , des princes souverains et des
papes. ^
Le roi Childebert ayant écrit à Léon, métro-
politain de Sens, pour l'obliger de consentir à la
création d'un nouvel évéché à Melun (an. 339),
ce généreux prélat répondit : « Gloriosissimo
dcmno et in Christo filio Childeberto régi Léo
episcopus, » qu'il ne pouvait le faire sans l'agré-
nii nt du roi Théodebert son souverain : « Sine
jussu gloriosissimi domui principis noslri ïheo-
304 DU PREMIER ORURE DIS CI.LRCS. — CHAPITRE CINQUANTE-CINQUIÈME.
dcberti rejiis;» qu'on ne fiouvait pas lui retran-
cher nue [lartie du diocèse que Dieu lui avait
confié, n'étant coupable d'aucune négligence
criminelle : « Ut diœcesin nostram a Deo nobis
comuiissam, et usijue nunc Ponlificali ordine,
Deo propilio, custoditam, lanquam négligentes
ac desides ad alterius permittamus potestatem
transire. » Que le devoir du prince l'obligeiiità
observer les canons et les lois de l'Eglise, qui
ne permettent pas de prêter l'oreille aux prières
d'un peuple qui se révolte contre son pasteur,
et en demande un autre. « Custodite, qufcso,
staluta Patrumetcanonum severitate constiicli,
non patiamini ad pelitionem ejus plebis, super-
stite proprio sacerdote , alterum episcopum
ordinari ^Tom. i Conc. Gall., p. 2d8). »
Enfin cet évêque intrépide proteste que si
l'on passe outre, et qu'on ordonne contre son
gré un évêque à Mclun, il retrancliera de sa
communion tant ceux qui l'auront ordonné,
que celui qui aura reçu une ordination si illé-
gitime, jusqu'à ce que le pape ou le concile en
aient été informés. «Mam gloria vestra optime
débet et credere et scire, quia si contra statuta
canonum quicumque episcoporum sine con-
sensu nostro Mecledone episcopum voluerit
ordinare, usque ad pa[)œ notitiam, vel synoda-
lem audientiam lam hi quiordinaverint, quam
qui ordinatus fuerit, a nostra erunt comniu-
nionc disjuncti. »
Les canons d'Afrique défendaient d'ériger un
nouvel évêché sans le consentement de l'évê-
(|iie du diocèse, duquel on faisait ce retranche-
ment. Ues canons de Nicée et d'Antioche ne
permettaient pas de faire aucune innovation
considérable dans une province, sans l'aveu du
métropolitain. Enfin , les conciles d'Afrique
n'avaient permis le démembrement des pa-
roisses d'un diocèse qu'au cas où l'évêque né-
gligerait d'y travailler à la conversion des hé-
rétiques. Voilà les canons cités ci-devant, qui
servaient de défense au métropolitain de Sens.
II. Quel()uesannées après (An.573), Pappolus
évêque de Chartres, percé d'une juste douleur,
de ce que Promotus, prêtre de son diocèse,
avait été ordonné évêque de Chàteaudun sans
son consentement, en écrivit ses plaintes au
concile de Paris. Les métropolitains et les évê-
(jnes de ce concile écrivirent à Gilles, évêque
de Reims, qui avait fait cette ordination, qu'un
tel attentat fait hors de son évêché et hors de
sa province, aurait bien mérité un sévère chà-
liinent : mais qu'ils voulaient dans celte ren-
contre donner plus à la charité qu'à la justice,
pourvu qu'il retirât le prêtre Promotus, qu'on
frappait d'excommunication et d'anathème,s'il
s'ingérait jamais dans les fonctions épiscopales,
de quelque autorité qu'il piélendît couvrir son
insolence : « Propria contumacia, aut cujus-
cum(iue potestatis assentatione. »
Entin, ce concile écrivit au roi Sigebert,
que si par une fâcheuse surprise il avait auto-
risé ces nouveautés, il eût la bonté de s'en dé-
sister, et qu'il pensât à expier celte entreprise
scandaleuse, au lieu de l'appuyer, « Quam rem
licetvix credere possumuscumconsensu gloriae
vestrœ fieri ])oluisse ; tamen si cujuscumque
prava suggestione prœventi, in hac tam obscena
et universa; Ecclesiae contraria consensistis, ab
hujusmodi scandali defensione , sincerilalis
vestrœ conscientiam expictis. »
Sigebert s'opiniàlra à maintenirce qu'il avait
fait; mais après sa mort, l'évêque de Chartres
rentra dans tous ses droits. Le prêtre Promotus
tâcha de surprendre le roi qui succéda à Sige-
bert; mais ce prince qui n'avait pas épousé les
passions de son prédécesseur, se rendit au juge-
ment des évèques et du concile de Paris.
« Diœcesis meae est Castrum Dunensc, dicente
Papjiolo, et ostendente praisertini judicia epi-
scoporum (Greg. Turon. Hist. l. vu, c. 17). »
Le Père Lecoinle raconte qu'en 497 saint
Solenne ayant été élu évêque de Chartres, et
s'étant enfui, on élut et on consacra Avenlin.
Saint Solenne étant après cela sorti de sa re-
traite, le peu[ile le prit de force, comme ayant
été élu le premier, et le fit ordonner. Ce saint
ne pouvant souffrir l'abaissement d'Aventin, le
fit évè(|ue de Chàteaudun.
Ce fut en la même année, selon le même
annaliste, que saint Remy fonda l'évêché de
Laon, et y ordonna Génebaud, qui avait épousé
sa nièce, et qui vivait alors dans le célibat et la
retraite.
En 523 les Visigoths s'étant rendus maîtres
de Rodez et de la plus grande partie du
Rouergue ; le roi Thierry, fils du grand Clovis,
fit ériger Arisite en évêché, et lui soumit tout
ce qu'il possédait encore du Rouergue, ne vou-
lant pas soutîiir que les paroisses de son do-
maine relevassent d'un évêché sujet aux Visi-
goths (Greg. Turon., l. v, c. 5). Cet évêché dura
encore plus de cent ans, même après que
Rodez eût été repris sur les Golhs. Mais enfin
l'évêque de Rodez se fit restituer ce qu'on avait
démembré de son évêché, ce qui ne se pouvait
DES ÉVÉQUES ET DES ÉVÉCIIÉS NOUVEAUX.
305
faire sans éteindre l'évèché d'Arisite (Le Cointe,
ad aniitim 5(i9).
Eh 531, siiiil Mi'dard, évè(iue de Verman-
dois, voyant sa ville ruinée et menacée par de
nouvelles incursions des païens, transféra son
siège à Noyon, selon l'auteur de sa vie (Surius,
die. 8. Junii).
En 53-2, le même saint Médardfutéluévèque
de Tournay, après la mort d'Eleullière, qui en
était évèque, et depuis, pendant l'espace de plus
de six cents ans, ce fut toujours le même évèque
qui gouverna ces deux évêchés , sans que les
deux cathédrales perdissent rien de leur préé-
minence. Celte union de deux évêchés sans
les confondre se fit, selon l'auteur de la vie de
saint Médard, par l'autorité du métropolitain et
des évéques de la province, avec le consente-
ment du roi et des seigneurs, avec l'applaudis-
sement des peuples. « Pontificali metro[)olitani
et comprovincialium autorit.ite, régis et pro-
cerum assensu, plebis acclamatione. »
11 est juste de croire que la translation de
révêché de Yermandois à Noyon, et l'érection
des évêchés dont nous venons de parler, se
faisait de la même manière , quoique nous
n'ayons pas toujours des auteurs qui aient re-
marqué ce détail. Cependant il n'est point parlé
en tout cela de l'intervention du pape.
Nos rois étaient certainement les principaux
promoteurs de l'éreclion des nouveaux évê-
chés par des intérêts qui regardaient la con-
servation de l'Etat. La métropole de Sens obéis-
sait au roi Théodebert ; Melun était dans le
partage de Childebert son oncle : c'est ce qui
poussa Childebert à demander un nouvel évé-
clié à Melun. Chartres était sous la domination
de Chilpéric, et Chàteaudun sous celle de Sige-
bert, qui travailla à y faire ériger un évèché.
Clotaire II ayant recueilli la succession entière
de la monarchie française, le concile de Paris
assemblé eu 614, déclara que les changements
qui se faisaient dans les partages de l'Etat ne
devaient rien changer dans les distributions
des évêchés et des métropoles (Le Cointe , ad
an. 614, n. 28, can. ix). Rien n'était plus juste,
puisque c'était la même famille royale et la
même nation française.
Grégoire de Tours parle encore de l'évèché
de Tonnerre, érigé par le roi Sigeberl, et de celui
du château de belle en Poitou (L. v, c. 5; 1. iv,
G. 18). Mais les évèques n'ayant pas concouru,
ces tentatives demeurèrent sans suite et sans
effet. Au concile de Châlons, en 650, souscrivit
Th. — Tome 1.
Betto , évèque de Lillebonne, «Jnliobona,»
dans le pays de Cau.\. Mais on ne sait ni le
commencement, ni la fin de cet évêché.
III. Le pa[)e Grégoire II ordonna Boniface,
évèque de Germanie, pour y prêcher l'Evangile
aux infiilèles (Greg. H. Epist. i, ii) , et en écri-
vit en même temps à Charles, maire du palais
des rois de France , qui flt savoir en même
temps à tous les évèques a Apostolicis in
Christo episcopis, » et à tous les ducs , comtes
ou gouverneurs, qu'il avait pris Boniface sous
sa protection : « Apostolicus vir, in Ciiristo
Pater Bonifacius episcopus, ad nos venit , et
nobis suggessit quod sub nostro Mundebiirdio
vel defensione eum recipere deberemus ( An.
7-23. Conc. Gallic. Tom. i).
Cette protection fut nécessaire au nouvel
évèque contre un ancien évèque des mêmes
lieux , qui voulait avoir part aux conquêtes de
ce nouvel apôtre et dominer sur des nations
qu'il avait si longtemps et si honteusement né-
gligées. Voici ce qu'en écrivit ce pape à Boni-
face (Greg. II. Epist. vni, etc.) : « Pro episcopo
illo qui nunc usque desidia quadam in eadem
génie prœdicationis verbum disseminare ne-
glexerat , et nunc sibi partem , quasi in paro-
chiam défendit, Carolo excellentissimo filio
nostro patricio scripsimus, et credimus quod
hoc vitari praecipiat. »
IV. Grégoire 111 envoya le pallium à Boniface
avec la qualité d'archevêque (An. 738), et le
pouvoir d'établir des évêchés nouveaux dans les
lieux considérables , pour ne pas avilir la di-
gnité de l'épiscopat : « Prœcipimus ut juxta
canonum statuta, ubi multitudo excrevit fide-
lium, ex vigore Apostolicae Sedis debeas ordi-
nare episcopos , pia tamen contemplatione, ut
non vilescat dignitas episcopatus ( Epist. i, m).
II écrivit aux seigneurs et aux peuples de la
Germanie de recevoir ces nouveaux évèques
comme institués par l'autorité apostolique :
a Episcopos vel presbyterosquosipse ordinave-
rit, per apostolicam sibi datam autorilatem in
Ecclesiœ ministerio recipialis (Epist. vi). »
Enfin Boniflace étant allé en Bavière, et
n'ayant trouvé qu'un évèque que le pape avait
auparavant ordonné, il y établit trois autres
évèques , partageant cette province en quatre
évêchés avec le consentement du duc et des
seigneurs , ce que le même pape confirma.
« Cum consensu Olilonis ducis eorumdem Ba-
joariorum, seu optimatum provincioe illius très
alios ordinasses episcopos, et in quatuor paro-
20
306 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-CINQUIÈME.
chias provinciam illam divisisses, et unusquis-
que episcopus suam habeat parochiam , bene
et prudenter peregisti ( Baronius, an. 739 ,
n. 1, 3). » Ces évèchés furent Salsbourg, Fri-
singue, Ratisbonne et Passau.
V. Zacharie ayant succédé à Grégoire III, Bo-
niface lui demanda la confirmation des trois
évèchés nouveaux qu'il avait érigés en Alle-
magne , à AYirsburg , à Buraburg et à Erphes-
furt (An. 743). « Haec tria loca propria autori-
tate et charta Aposlolatus vestri roborari et
confirmari postulamus , ut per autoritatem et
pra^ceptum sancli Pétri , jussionibus Apostoli-
cis fundatae et slabilitœ sint très in Germania
episcopales sedes. » Ce pape confirma par sa
réponse l'établissement de ces trois évèchés,
après avoir averti Boniface que les canons dé-
fendaient de tenir le lustre de l'épiscopat en le
plaçant dans des lieux trop petits et mal peu-
plés. « Sacris canonibus prœcipimurobservare,
ut minime in villulas, vel in modicas civilates
episcopos ordinemus , ne vilescat nomen epi-
scopi (Tom. I. Conc. Gall.). b
Voilà ce qui a rendu les évèchés si rares et si
éloignés dans les provinces qui ont été con-
quises les dernières à l'Eglise. Les jirédicateurs
évangéli(jues les ont trouvées toutes ensevelies
dans la barbarie aussi bien que dans l'idolâtrie.
Ainsi il n'y avait presque point de villes raison-
nables , et on ne savait où placer les sièges
d'évêché. Enfin ce même pape écrivit à Bur-
chard , évêque de Virlzburg, pour confirmer
l'érection de son siège épiscopal , et ordonna
en même temps qu'il ne put avoir d'autres suc-
cesseurs que ceux qui seraient ordonnés par
son légat apostolique en Allemagne. « Et nul-
lus audeat ordinare ei)i?copum , nisi is qui
Apostolicœ nostriP Sedis in illis partibus prœ-
sentaverit vicem (Le Cointe, an. 742, n. 12). »
Le même saint Boniface avait ordonné évê-
que d'Aistet saint Villibald. Et c'est apparem-
ment de ces évêcbès qu'il faut entendre le con-
cile de l'an 743 où le prince Carloman dit :
« Ordinavimus per civitates episcopos, et super
eos constituinuis archicpiscopuni Bonifacium.»
Mariana dit (.\(1 iineam 1. vi, c. 14), qu'un
concile général d'Espagne érigea un nouvel
évèché dans un faubourg de Tolède , aux
pressantes itistances du roi Vamba ; mais
que peu après cet évèché fut cassé par le con-
cile XII de Tolède, parce que les canons ne
souffrent ni des évèchés dans de petits lieux,
in deux évèchés dans une même \ille.
Ces érections d'évèchés ont été rapportées
un peu au long, afin d'y faire mieux remanjuer
la nécessité qu'il y a d'y faire intervenir l'agré-
ment des princes, des métropolitains, des sy-
nodes provinciaux , des évèques intéressés et
des papes. Mais ces derniers établissements faits
par saint Boniface, par saint Wilbrord , par
saint Augustin, par saint Corbinien, et partant
d'autres missionnaires apostoliques , peuvent
nous représenter dans cet âge moyen la pein-
ture véritable des premiers siècles , et nous
faire voir les premiers fondements de cette dé-
pendance singulière que les évèchés et les mé-
tropoles de l'Occident ont toujours conservée à
l'égard de l'Eghse romaine, comme de leur
mère et de leur première origine.
II se peut donc faire que Grégoire de Tours
ait assemblé en un seul endroit les mission-
naires évangéliques que les premiers papes
envoyèrent en divers temps en France (Lib. i,
Hist. c. 3), quand il dit, sur la foi des actes du
saint martyr Saturnin, que Catien fut envoyé
à Tours, Tropliime à Arles, Paul à Narbonne,
Saturnin à Toulouse , Denis à Paris, Austre-
moine en Auvergne, Martial à Limoges. « Per
sanctum stremonium, qui et ipse a Romanis
episcopis cum Gatianoepiscopoetreliquisquos
memoravimus est directus, etc. (De Gloria
Confess., c. xxx). »
La France et l'Espagne ont été à l'égard de
la foi et de l'Eglise romaine dans les premier,
second et troisième siècles, ce qu'étaient la
Germanie et l'Angleterre dans les sixième et
septième. Et comme nous voyons que ces évè-
chés établis par Boniface, par Wilbrord , par
Augustin , par Corbinien , envoyés du pape ,
tiraient leur origine de Rome , et ensuite se
conservaient dans une correspondance singu-
lière avec le Siège romain, on ne se trompera
peut-être pas si l'on fait le même jugement
des établissements qui se firent dans les pre-
miers siècles.
VII. Saint Prosper assure dans sa chronique
que le pape Célestin envoya Palladius pour
être évêque des Ecossais ou Irlandais nouvelle-
ment convertis, a Ad Scotos in Christum cre-
dentes ordinatus a papa Cœlestino Palladius
ejjiscopus mittilur. » 11 dit aussi que ce même
pape envoya saint Germain, évêque d'Auxerre,
dans la Grande-Bretagne, pour y soutenir la
foi catholique contre les pélagiens en qualité
de légat apostolique. « PapaCœlestinusGerma-
nuni Autisiodorensem vice sua mittit, et de-
DES ÉVÊQUES ET DES ÉVÉCHÉS NOUVEAUX;
307
lurbatis hœreticis Britannos ad Culholicain
fldeni redi^it. »
Adon, évêque de Vienne, dit de même de l'en-
voi de Palladius en Irlande. 11 n'oublie pas la
mission de Théodore, archevêque de Caiitor-
béry en An^'leterre, par le pape Vitaiien, et
celle de Wilbrord en Frise, par le pape Serge,
où nous avons dit ci-devant qu'il établit l'évè-
ché d'Utrecht, dépendant immédiatement du
Saint-Siège. Les évêques de France étaient assez
voisins de la Frise et de l'Allemagne, et ceux
de la Grande-Bretagne de l'Irlande, pour y aller
établir et étendre l'empire de J.-C. Mais ils y
travaillaient avec tant de lenteur, ou avec si
peu de succès ; ou ils étaient si occupés et si
bornés à défricher leurs propres diocèses, que
la gloire de ces nouvelles conquêtes est de-
meurée au Siège apostolique.
N'esl-il donc pas bien probable'que quoique
les Eglises orientales puissent avoir jeté quel-
que rayon pour éclairer les provinces de l'Oc-
cident, l'honneur de leur avoir fait connaître
le Soleil de Justice n'appartient qu'aux succes-
seurs de saint Pierre et de saint Paul qui vin-
rent établir les plus éclatantes lumières de la
vérité dans Rome, comme dans le propre trône
du prince des ténèbres.
Vlll. Les Anglais ne furent pas moins per-
suadés que les premiers commencements de
la foi et de l'èpiscopat leur étaient venus de
Rome. Lucius, roi de la Grande-Bretagne, de-
manda au pape Eleulhère des prédicateurs évan-
géliques. « Lucius Britannorum rex misit ad
Eleuterium epistolam, obsecrans ut per ejus
mandatum chrisliauus efficeretur (Beda, hist.
1. 1, c. A). B Les marchands et les simples fidèles
par occasion ou par zèle, pouvaient avoir jeté
les premières semences de la foi, mais quand
il fallait former une église et établir un évê-
que, on recourait au prélat de la plus connue
et la plus éclatante de toutes les Eglises, comme
il paraît par ce que nous avons dit de l'Afrique,
de l'Ecosse, de la Frise, de la Bavière, de l'Alle-
magne.
L'apôtre des Anglais, Augustin (Ibid. c. xxv),
trouva que le roi de Kent y avait épousé Ber-
the, princesse du sang royal de France , avec
promesse de la laisser vivre dans la religion
chrétienne, avec l'évêque qui l'accompagnait.
Mais ni la présence de cet évêque français, ni
les restes de l'ancien christianisme des Bretons
n'empêchèrent pas que saint Grégoire pape et
sou légat saint Auguslia, ne fusstiutles apôtres
et les pères de l'Eglise anglicane, et les vives
sources de tout l'èpiscopat ([ui y fut établi.
Aussi le même Bède dit, que les anciens Bre-
tons avaient une aversion si prodigieuse des
Anglais, lors même qu'ils commencèrent à
se convertir, qu'ils n'avaient non plus de com-
munication avec eux qu'avec des païens. «Cum
usque ad hodie moris sit Briltonum, fidem re-
ligionemque Anglorum pro nihilo habere, ne-
que in aliquo magis eis communicare, (juam
paganis (L. u, c. 20 ; 1. ii, c. 4). » Il ajoute
qu'Augustin ordonna de son vivant Laurent
pour être son successeur, de peur que son
siège ne demeurât vacant , et que cette nou-
velle Eglise ne se dissi|iàt. « Ne se defuncto
status Ecclesiœ tam rudis, vel ad horam pas-
tore deslitutus, vacillare inciperet (L. ii, c. 8).o
A Laurent et Mellitus succéda Juste, à qui le
pape Boniface renouvela le pouvoir d'ordon-
ner des évêques. « Data sibi ordinandi episco-
pos autoritate a pontifice Bonifacio. » Ce qui
s'entend de la création de nouveaux évêchés,
conmie il paraît par la lettre de ce pape. Car
l'ordre donné par le page Grégoire à Augustin
d'en créer douze sous chacune des deux mé-
tropoles ne s'exécutait qu'avec lenteur et à pro-
portion qu'on faisait entrer de nouveaux peu-
ples dans l'Eglise. Ainsi l'archevêque Juste
ordonna évêque Paulin, pour accompagner la
fille d'Edelbert, roi de Kent, qui allait épouser
Eduin, roi de Northumberland, et pour former
en même temps une nouvelle Eglise dans ce
pays barbare (Ibid, c. ix). Le roi Eduin se con-
vertit enfin aussi lui-même, fut baptisé à York
par Paulin, auquel il assigna cette ville pour
être son siège épiscopal. « In qua etiam civitate
ipsi doctori atque anlistiti suo Paulino sedein
episcopatus donavit (Ibid. c. xiv).
Les papes ne laissaient pas d'envoyer de
temps en temps de nouveaux prédicateurs en
Angleterre. Le Pape Honorius envoya l'évêtjue
Byrinus, pour y porter la lumière de la foi
dans les pays les plus reculés oii elle n'avait
point encore brillé. Aussi les rois d'Angleterre
recouraient souvent à Rome pour en faire cou-
ler en leurs Eglises les plus purs ruisseaux
de la discipline de l'Eglise (L. m, c. 7; l. m,
c. 29). Car une partie des Bretons étant en-
core dans des pratiques hétérodoxes touchant
la Pàque, Egbert, roi de Kent, et Osuvi, roi de
Northumberland, étant bien convaincus que l'E-
glise de Rome était le centre de la catholicité :
a Quia Romana esset Catholica et Aposlolica
308 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-CINQUIÈME.
Ecclesia, » envoyèrent un de leurs prêtres à
Rome afin que le pape ronlonnât archevêque,
et qu'êlant de retour en Angleterre il y pût or-
donner des évêques à toutes les Eglises catlio-
li(iues. o Presbyterum Vighardum Romam
miseront, antistilem ordinandum , quateuus
accepto gradu archiepiscopalus, catholicis per
omnem Britanniam Ecclesiis Anglorum ordi-
nare posset antistites. »
Ce fut alors qu'on envoya de Rome en Angks-
terre l'archevêque Théodore (L. iv, c. 1, 2).
Bède dit que ce savant archevêque fit naître
comme un siècle d'or à toute l'Eglise d'Angle-
terre qui reçut de lui des évêques : « Universa
perlustratis, ordinabiit locis opportunis episco-
pos, B et toute la discipline canonique de l'E-
glise romaine, a Ego Theodorus ab Apostoiica
Sede delegatus Dorovernensis Ecclesiœ episco-
pus, etc. Protuli librum canonum, etc. (L. iv,
c. S). »
Je ne dirai rien de tant de changements d'é-
vêchés qui se firent en Angleterre. En voilà
assez pour demeurer convaincus : l" que ces
nouvelles colonies de l'épiscopat catholique ont
pris naissance de l'Eglise de Rome ; 2° qu'elles
en ont emprunté de temps en temps une nou-
velle vigueur; 3° qu'elles ont agi durant quel-
ques siècles avec une correspondance toute
particulière avec elle; 4° enfin que les rois ont
concouru avec les papes, les légats et les mé-
tropolitains, à établir les évêchés, les Eglises
et leur discipline , comme étant intéressés par
leur dignité royale, aussi bien que les évc<jues
par la sacerdotale , à établir l'empire de J.-C,
qui est le roi éternel et le souverain prêlre.
IX. Toutes ces vérités sont encore clairement
confirmées par ce passage de Bède (Beda, hist.
1. V, c. 12), où il dit que le prince Pépin envoya
AVilbrord à Rome pour y recevoir mission du
pape Serge , et être consacré archevêque , afin
d'aller convertir les Frisons, où Pépin lui donna
Utrecht pour y établir son trône épiscopal.
u Postquam per annos aliquot in Frisia docue-
runt, misit Pipinus favente omnium consensu
Wilbrordum Romam, postulans ut eidem Fri-
sonum genti archiepisco]>usordinaretur. Quod
ita ut petierat impletum est. Donavit ei Pipi-
nus locunv cathedrœ episcopalis in castello
Willorum, quod lingua gallica Trajectum vo-
caliir (An. 69(i ; Beda, l. ni. c. 7). »
X. Voici encore quelques observations qui
ne sont pas à négliger (L. n, epist. xi). Le pape
saint Grégoire fit des unions d'évèchés, et des
translations du siège épiscopal d'une ville en
une aulre, selon les besoins de l'Eglise. Saint
Médard, nouvellement élu évêque de Saint-
Quentin en Vermandois, voyant sa ville pres-
que détruite par les incursions des païens, en
transféra le siège à Noyon, avec l'agrément du
roi et des évêques (Surins, Junii 8).
XL Le même saint Grégoire renouvela le dé-
cret de son prédécesseur, qui avait exempté
Adrien, évêque de Thébes, de la juridiction de
révê(|ue de Larisse, son métropolitain. Mais ce
privilège ne fut que personnel, étant fondé sur
les injustices et les violences de ce métropoli-
tain à l'égard de son sufTragant (L. ii, ep. vu).
Je ne voudrais pas garantir que ce fut au
temps du roi Vamba que les papes accordèrent
la même exemption à l'évêché de Léon en Es-
pagne, comme il est porté dans un manuscrit
donné par Garcias Loaisa, et qui se trouve dans
l'édition des conciles, après le concile de Lugo:
0 Legio quam condiderunt romanae legiones,
quae antiquitus fuit Flos vocata et per Roma-
num papam gaudet perpétua libertate et extat
sedes regia, atque alicui metropoli nunquam
fuit subdita. »
Saint Grégoire ne parlait que dans une sup-
position imaginaire , quand il dit que si un
évêque d'Espagne n'avait eu ni métropolitain,
ni patriarche au-dessus de lui, il aurait toujours
pu être jugé par le pape (L. ii, ep. lvi). o Si
dictum fuerit, quia nec metropolitam habuit,
nec patriarcham, dicendum est, quia a Sede
Apostoiica, quae omnium Ecclesiarum caput
est, causa hœc audienda et dirimenda fuerat,
sicut et prœJictus episcopus petiisse dignosci-
tur. »
XII. Il est bien certain que le pape saint Gré-
goire n'aurait pas accordé un semblable privi-
lège d'exemption à un évêipie, puisque le con-
cile de Nicée donnant à révêi|ue de Jérusalem
le premier rang après les trois premiers évêques
du monde, ne l'exempta pourtant pas de la ju-
ridiction du métropolitain de Césarée en Pa-
lestine , et puisque le même pape Grégoire
souhaitant avec passion de favoriser l'évêque
d'Autun, que les rois de France lui avaient re-
commandé avec des instances extrêmes, et lui
envoyant même le pallium qui ne se donnait
pas encore même à tous les métropolitains, ne
le retira pas néanmoins de l'obéissance de son
métropolitain, mais lui donna seulement le
premier rang entre les évêcpies de sa province,
entre lesquels après lui l'ordre de l'ordination
DES ÉVÊQUES ET DES ÉVÉCHÉS NOUVEAUX,
309
devait être frardo : o Ut ciim usu pallii aliqua
simul larj;iii privilégia dul)eamus, etc. (L. vu,
f|). cxiii). Hoc |iers|iexiiiuis concudciulmn, ut
.UctropoliUi' suo peromnia loco et lioiiore ser-
valo, Ecclesia Atij;iislana post Liigdiinensein
Ecclesiam esse debeat, et liunc silii Idciim et
ordinem, ex iioslne autoritalis iiidulgentia
vind Icare. »
Je n'ai pas oublié ce qui a été rapporté ci-
dessus de la lettre de saint Boniface, où il dit
que l'évèché d'Utreclit a été déclaré par les papes
exempt de la juridiction du métropolitain de
Colo^Mie, et immédiatement sujet au Saint-Siège.
Mais il ne faut pas non plus oublier que Bède
vient de nous apprendre que le pape, sollicité
par le prince Pépin, créa Wilbrord archevêque
d'Utrechl. Voilà comment il fut exempté.
XIII. Quant aux évèchés des nouvelles colo-
nies chrétiennes, comme les conciles d'Afri(|ue
avaient résolu que l'évèque serait maintenu
dans la possession des Eglises qu'il aurait atti-
rées dans l'unité catholique (Conc. African.,
c. Lxxxvr, Lxxxviu), et dont il aurait eu une
possession paisible durant trois ans (Milev. Il,
c. xxiv), et comme ils avaient même permis aux
évèqnesd'aller conquérirà l'Eglise et incorporer
à leur évèché les lieux qui seraient négligés par
leurs propres évèques, six mois après en avoir été
avertis, il est bien aisé d'inférer de là que tous
les évèques des frontières de l'Eglise sont dans
im droit bien plus incontestable d'accroître
leurs diocèses ou leurs métropoles par de nou-
velles conquêtes sur les pays barbares et sur
les nations idolâtres.
Aussi saint Grégoire protesta aux rois de
France Théodoric et Théodebert qu'il n'avait
envoyé des missionnaires et des évoques en
Angleterre que parce que les évèques de
France négligeaient cette riche moisson: «Per-
venit ad nos Anglorum gentem ad fidem Chris-
tianam Deo miserante desideranter velle con-
verti, sed sacerdoles vestrose vicino negligere,
et desideria eorum cessare sua adborlatione
succendere (L. v, ep. lvui, lix). » Et dans sa
lettre à la reine Brunehaut : « Inditamus ad
nos pcrvenisse Anglorum gentem velle ficri
Chrislianam, sed sacerdotes qui iu vicino sunt,
pastoraleniergaeossollicitudinemnonhabere.»
XIV. Nous avons dit ci-devant que saint
Athanase envoya Frumentiusaux Indes, l'ayant
ordonné évêque (Can. ii]; que saint Chry?o-
st(<me donna Willam aux Golhs (Can. xxvin .
Le concile de Conslantinople et celui de Cal-
cédoine donnèrent à l'évèque de Conslantinople
le pouvoir d'ordonner des évèques pour les
nations barbares, moins peut-être pour suppléer
au tlèfaut d'évêques dans ces pays éloignés, que
pour mieux assurer les droits du patriarcat à
l'évèque de Conftantino[ile. Juvénal, évêque
de Jérusalem, donna le (iremier évêque aux
Sarrasins, comme le dit Cyrille dans la vie du
grand Euthyme (Baron, an. lo'23, n. 27).
L'évèque d'Alexandrie envoya un évêque
aux Homérites dans l'Arabie , qui s'étaient
convertis avec kair roi Elesbaan. Mais tout cela
n'empêche pas que la longue révolution des
siècles n'ait enfin fait reserver au pape ce pou-
voir d'établir de nouveaux évèchés; non qu'ils
se soient eux-mêmes réservé ce droit, par un
dessein formé d'accroître leur puissance , ou
de diminuer celle de leurs frères les autres évè-
ques, mais cela est arrivé, ou par la négligence
des autres évê(|ues , ou par leur déférence
envers le Samt-Siége, ou par la plus grande
confiance des princes, ou par le plus fréquent
recours des i)euples aux successeurs de saint
Pierre, ou par leur zèle extraordinaire pour la
foi ; ou plutôt par la divine conduite de la Pro-
vidence, et par le même Esprit de celui qui for-
mant son Eglise, et lui donnant un chef, et
donnant à ce chef la vertu aussi bien que le
conunandemcnt de confirmer et d'encourager
ses frères, fit par la bouche de ce chef les i)re-
mières et les plus nombreuses conversions des
peuples qui remplirent l'Eglise, et montra par
ces commencements ce qu'il fallait attendre de
ses progrès.
Voilà ce qui a peu à peu fait remonter tout
ce pouvoir aux successeurs de Pierre, à qui il
n'a été réservé par une loi écrite qu'après que
le long usage et la coutume de plusieurs siècles
le lui avait abandonné. lia as«ez paru ci-devant
que ni saint Grégoire, ni Grégoire II, ni Gré-
goire 111, ni Serge, ni Zacharie ne s'étaient
nullement réservé ce droit, cependant ils l'ont
presqu'eux seuls exercé.
La disposition des choses humaines est telle,
que le droit demeure réservé et dévolu à celui
à qui les autres en abandonnent les soins, ks
charges, les fonctions durant un très-long es-
pace de temps. Car si les égaux prescrivent
contre leurs égaux, à plus forte raison le droit
des inférieurs étant négligé ou cédé par eux,
demeure prescrit et dévolu à leur supérieur.
Yoilà la manière dont les prescriptions ou ks
réserves se sont faites au Saint-Siège, sans que
310 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SIXIÈME.
ni les papes, ni peut-être les autres évoques
eussent tormé le dessein, ou de se réserver ces
droits, ou de les négliger. La suite des siècles
et le long usage ont fait imperceptiblement ce
qu'on n'a aperçu qu'après qu'il a été fuit, et
qu'il n'a plus été temps de le défaire.
XV. Nous avons déjà dit que ce sont comme
des rivières qui après une longue course ren-
trent dans la mer, à qui elles doivent leur ori-
gine. Le pape Agapet écrivant à l'évcquc de
Jérusalem du patriarche Ménas^ qu'il avait or-
donné à Constantinople, assure qu'il est tout
semblable à ces premiers évêques que saint
Pierre y avait autrefois ordonnés. « Ut illis ipse
similis esse videatur, qiios in his quandoque
partibus ipsius Apostolorum primi electio
ordinavit (Conc. Const. sub Mena, act. 1). »
Saint Grégoire le Grand (L. vu, ep. xxxii),
à qui la qualité de grand semble avoir été firin-
cipalement acquise par l'excès de son luunililo,
faisant réponse aux lettres de Domini(iui', ar-
chevêque de Carthage , lui témoigne de la joie
de ce qu'en s'adressant au Siège de saint Pierre,
il s'est comme réuni à la première origine d'dù
le sacerdoce de toute l'Afrique est émané
(Epist. i). « Scientes unde in Africanis iiarlibns
sumpserit ordinatio sacerdotalis exordium ,
laudabiliter agitis, quod Sedem Apostolicam
diligendo , ad officii vestri originem , prudenti
recordatione recurrifis, et probabili in ejus af-
feclumconstantia permanetis. » Innocent 1" en
avait autant écrit à un évêque d'Italie.
CHAPITRE CINQUANTE-SIXIEME.
DES ÉVÊQCES ET DE L'ÉTABLISSEMENT DES NOIVEAUX ÉVÊCHÉS SOUS l'eMPIRE DE CHARLEMAGNE
ET SES SUCCESSEURS.
I. Les Grecs et les Latins conviennent qne les évêques ont la
pleine iiuissance des clefs, cnminc étant les successeurs des apô-
tres et de saint Pierre même dans leur évèclié.
II. Suite du même sujet. Le pouvoir d'excommunier propre
aux évêques.
III. L'épiscopat renferme toutes les dignités et tous les pou-
voirs ecclésiastiques.
IV. Les évêques ont pu ériger autrefois des évêchés.
V. L'usage de recourir au pape pour cela s'est iTitroduit en
partie par les métropoles et les évèchés, qu'il a fallu ériger
dans les nouvelles conquêtes de l'Eglise.
VI. La lâcheté des Grecs transféra tout ce pouvoir aux empe-
reurs, aussi bien que celui de transftrer les métropoles et les
évêchés d'un lieu en un autre. Pourquoi nous anticipons un
peu le temps de la discipline des Grecs.
VU. Divers exemples des missions dans les pays des infidèles,
sous l'autorité des papes. D'où s'ensuivait l'érection des évêchés
par ses légats.
VIII. Des évêchés et des métropoles d'Hambourg, de Brème,
et de plusieurs autres en Danemark et en Suède. L'autorité de
l'Eglise prédominait dans ces érections d'évêchés nouveaux.
IX. Les patriarches orientaux avaient ce même droit, mais
leur zèle n'était pas si ardent.
I. Les Grecs et les Latins convenaient égale-
ment de la plénitude de puissance qui réside
dans les évêques, comme dans les sources pri-
mitives du sacerdoce. Balsaiiion dit que les
évêques ont succédé aux apôtres, qui avaitnt
reçu de J.-C. la plénitude du Saint-Esprit, et la
puissance d'effacer les péchés. « In ligura dis-
cipulorum Domini, duodecim scilicet Aposto-
lorum, (]ui ctiam Spiritus gratiain acceperunt
ut ligarent et solverent, promoti suntuniuscu-
jusque regionis episcopi (In Can. xiv, Conc.
Neocœsar.). »
Il conclut de là, que ni les soixante-dix disci-
ples, ni les chorévêques qui leur avaient succé-
dé, n'avaient pas par eu.v-mêmes ce pouvoir ad-
mirable de remettre les péchés, ni d'ordonner,
parce que cette abondance du Saint-Esprit, qui
est propre aux évoques, ne leur a pas été com-
muniquée. « Non habebant potestatem dimit-
tendi peccata, ut qui neque Spiritus gratiam
accepissent, etc. Quamobrem nec possuntqui-
dem presbytères vel diaconos ordinare, sed nec
peccata dimittere, quemadmodum necSeptua-
giuta. »
Enfin, il tire encore cette conséquence avec
bien plus de raison, que si les chorévêques , qui
DES ÉVÉQUES ET DE L'ÉTABLISSI'.MENT DES ÉVÉCllÉS.
311
Font au-dessus des prêtres ne peuvent pas re-
niellie les péchés, puisque le concile de Néocé-
sarée leur permet seulement de sacrifier et
de prendre soin des pauvres ; les prêtres peuvent
encore bien moins prétendre à l'autorité de re-
mettre les péchés, et ne doivent jamais s'ingérer
dans l'exercice de cette souveraine puissance,
sans la permission des évêques. « Nota ex prœ-
senti canone, quod sacerdotes non possunt pec-
catorum confessiones excii)ere, et peccala re-
mittere, nisi ea ab episcopo illis concessa fuerint,
quandoquidem nec hoc possunt chorepiscopi,
qui plura habent privilégia quam sacerdotes. »
II. Zonare reconnaît aussi que c'est aux évê-
ques seuls qua été réservée cette suprême et
étonnante puissance de lier et de délier , c'est-
à-dire de frapper et d'absoudre de l'anathème,
et que les prêtres et les diacres n'y ont de part,
qu'autant qu'il plaît aux évêques de leur en
donner. Mais il nous fait remarquer en même
temps que ces prêtres, dont les anciens canons
limitent ainsi les pouvoirs, sont les curés et les
recteurs des paroisses. Cela est évident dans
la personne des chorévêques , dont Balsanion
vient de nous parler. Car c'étaient les doyens
ruraux.
Cela n'est pas moins clair dans les paroles de
Zonare (In Canon, xxxviu). « Presbyteris et
diaconis qui sub episcopis per singulas regiones
dant operam sacris, a seipsis quid agere non
est coucessum ; veluti mulctare, et ab Ecclesia
repellere qiios volunt, statimque vel sententiam
dictam laxare, vel minuere, vel mtendere.
Pontificalis enim sunt ista potestatis. Ac nisi de
gratia et per indulgentiam acceperint ab epi-
scopo, taie quid facere non est eis permissum. »
Enfin, rien n'est plus évident dans l'ancienne
discipline, où cette autorité est ordinairement
réservée aux évêques, et c'en est encore un
vestige dans la nouvelle, que les curés ne peu-
vent excommunier, ou délier les excommuni-
cations de leur propre autorité.
En effet, c'est à Pierre , comme chargé de la
personne et de la représentation sacrée de tout
répiscopat, que J.-C. a donné les clefs de la
puissance spirituelle. « Oratio fiebat sine inter-
missione ad Deum pro Petro, id est, pro omni
spiscoporum choro, » dit un évêque dans le
concile III de Soissons (Anno 866, tom. ii,
Conc. Gall., p. 293).
L'empereur Charlemagne croyait qu'on ne
pouvait , sans ébranler les fondements mêmes
de l'empire, perdre le respect dû aux évêques.
qui ont tous succédé à l'éminence suprême et
à la plénitude des pouvoirs siiirituels de saint
Pierre. « Priecipimusatque jubemus, ne forte,
quod absit, aii(|uis circa episcopos leviter ;iMt
graviter agat. Quod ad [«Ticulum totius imperii
nostri pertinet. Et ut omnes cognoscant no-
men, potestatem, vigorem et dignitatem sacer-
dolalem. Quod ex verbis Domini facile intel-
ligi potest, quibus beato Petro , ciijus viceni
episcopi gerunt, ait : Qiiodcumqtie ligivoris,
etc. Et alibi discipulis generaliter : Accipilo
Spiritum sanctum, etc. (Capit. Car. iM., 1. ix, vi
CLXin). ))
Les évêques du concile de Pisté se croyaient
bien revêtus de l'autorité et de la succession
de Pierre, quand ils parlaient en ces termes
(In Conventu Pist., an. 869) « Secundum au-
toritatem , quam in B. Petro accepimus, di-
cente Domino : Quodcnmque ligaveris. » Et
Jonas, évêque d'Orléans (Jonas, de institutione
regia, c. n) : « Qtialis sit potestas et autoritas
sacerdotalis, ex verbis Domini facile animad-
vertitur, quibus beato Petro, cujusviceiu in-
digne gerimus , ait : Quodcumque ligaveris
super terram, etc. » Et l'archevêque de Reims
Hincmar Hincm., t. ii, pag. 738) : a Beatus
Petrus apostolus, cujus vice in Ecclesia fuu-
guntur episcopi. »
Ce savant évêque ne faisait pas difficulté
d'appeler tous les évêques vicaires de saint
Pierre et successeurs de sa puissance sacer-
dotale, puisqu'il les f lisait aussi vicaires de J.-C.
a Et nos licet peccatores, in terra episcopi, et
Christi vicarii, atque Apostolorum successores
in terra, ejus virtute et ministerio divino pro-
sequinmr, etc. 'Idem., tom. n, p. 196). »
III. De celte surabondante plénitude de la
puissance spirituelle, qui est comme l'essence
et le propre caractère de l'épiscopat, Hincmar
concluait que tous les autres ordres et tous les
dillérents degrés de l'autorité et de la magis-
trature sacerdotale étaient compris dans ré|)is-
copat. « In episcopis enim, ut B. Ambrosius
dicit, omnes ordines sunt, quia primus sacer-
dos est, hoc est, princeps sacerdotum, et pro-
pheta, et evangelista, et Ccxterorum, ministro-
rum in se officia continens, ad implenda ea in
ministerio fidelium. »
IV. Aussi, pour la création même des nou-
veaux évêchés, Hincmar croyait que la seule
autorité des évêques avait été autrefois suffi-
sante. 11 assure que saint Rémi fonda l'évêché
de Laon, en retranchant une partie de son dio-
312 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SIXIÈME.
cèse (Tom. ii,p. 43i). « Ibidem ordinavit epi-
scopum,etrebusecclesiasticis,idemepiscopium
sufficienter ditavit. » Il ajoute que ce fut de la
même manière que saint Pierre fonda autrefois
les évêchés d'Antioche et d'Alexandrie. Le con-
cile de Francfort supposait apparemment que
ce même pouvoir résidait encore dans les évê-
ques et dans les synodes particuliers quand il
défendit de créer des évêques, c'est-à-dire de
nouveaux évêchés dans les villages, a Quod
non oporteat in vicis vel in villis episcopos or-
dinari (Can. xxu, Baluzzii Nota in Capit.,
p. 822). »
Si Nomenoy, duc de Bretagne, divisa les
quatre évêchés de sa province pour en faire
sept, il ne le fit que par une violation manifeste
du respect qu'il devait au roi et de la révérence
qu'il devait avoir pour les prélats, dont il ne
prit seulement pas l'agrément. Mais nonobstant
cela , lorsque le pape Nicolas I" écrivit à son
successeur Salomon, en lui donnant la qua-
lité de roi, parce que le roi Charles le Chauve la
lui avait déjà accordée (Du Chesne, hisl. Franc,
t. H, p. .407), il l'exhorta bien à rétablir les
évêques qu'il avait détrônés et à faire recon-
naître le métropolitain de Tours par tous les
évêques de son Etat, mais il ne lui lit aucune
plainte sur la création de ces nouveaux évêchés
(Conc. Gall., tom. ni, p. 273, 276). En effet, ces
évêchés dont la fondation n'avait pas été fort
régulière, n'ont pas laissé de subsister dans les
siècles suivants.
V. La chronique d'Hildesheim raconte com-
ment l'empereur Olhon 1" érigea sept évêchés
dans un synode du royaume de Bohême; mais
quand il fallut leur donner un métropolitain, il
recourut au pape. « Coadunala synodoepiscopia
septem disposuit, et Gaudentium in principali
urbe Slavorum Praga ordmaii fecit archiepi-
scopum, licentia Romani ponlificis (Du Chesne,
tom. m, p. 517). Ces mêmes termes se lisent
dans la vie de suint Meinverch, évoque de
Paderborn, (Surius, die v Junii) ; mais ces ter-
mes : « licentia Romani pontificis , » ne s'y
trouvent pas, ([uoique les puissances ecclésias-
tiques ayent toujours le premier degré d'au-
torité dans l'érection des évêchés nouveaux.
On ne peut nier néanmoins que la coutume
ne s'introduisît dans ces mêmes siècles de faire
intervenir l'autorité du premier Siège de
l'Eglise pour en établir de nouveaux. Témoin
le concile romain sous le pape Grégoire V et
l'empereur Olhon lli (Spicileg., tom. ix, p. 03),
où l'évêché de Mersebourg, qui avait été autre-
lois érigé par Olhon 1" et par le pape dans
un concile général, et ensuite supprimé par
Olhon 11 et par le pape, sans l'autorité d'aucun
concile, fut rétabli par Othon III et le pape
Grégoire V, soutenu de tout le concile.
Cranzius rapporte l'érection de l'évêché de
Brème par le pape , mais cela regarde la mission
des évêques dans les pays barbares, dont nous
parlerons ensuite après avoir dit un mot de la
policedesGrecs. Nous remarquerons seulement
ici en passant, que c'a été apparemment cette
coutume de recourir au Sainl-Siége pour en-
voyer de nouveaux apôtres aux nations étran-
gères, qui a beaucoup contribué à établir cette
police générale d'employer toujours l'autorité
du Siège romain pour la fondation des évêchés.
On pourrait encore peut-être croire avec
quelque vraisemblance que les effroyables
désordres du neuvième et dixième siècle ayant
forcé les prélats des plus riches et des plus
anciens évêchés à opposer à la sacrilège inso-
lence des ennemis de l'Eglise et de l'Etat la
seule majesté pour laquelle ils avaient encore
quelque respect, je veux dire celle du Siège
apostolique, et d'obtenir de lui des privilèges
pour pouvoir maintenir ce qui leur restait
d'autorité spirituelle et temporelle , il est en-
core bien plus probable qu'au moins pour la
même raison ils recouraient au pape pour
appuyer sur cette pierre immobile les fonde-
ments flottants des nouveaux évêchés.
La maxime la plus incontestable est que
dans les nouveaux établissements d'évêcliés ou
de métropoles, l'autorité de l'Eglise a toujours
prédominé, quoiqu'il ait aussi été nécessaire
que les princes temporels y concourussent.
Guillaume de Malmesbury dit que le pape
Formose effraya par ses menaces foudroyantes
le roi Edouard d'Angleterre (Malmcsburg.,l. u,
de Reg. Angl.) sur ce que depuis sept ans il n'y
avait point d'évêques dans des provinces en-
tières. Ce roi assembla ses évêques et ses sei-
gneurs, et fit ordonner sept évêques, partageant
deux des évêchés prècèdenis en cinq, ce qu'il
fit couflrmer par le (lape, afin que la chose fût
irrévocable. « lltic tolum papa firmavit, ut
damnarelur in perpetuum, qui hoc infirmaret
decretum (Infra c. i.vin, n. t). Nous parlerons
un peu plus anqilcmeat ci-après de cette créa-
tion d'évêchès.
VI. Ce serait peu que les Grecs eussent
donné commencement à des évêchés sans la
DES ÉVÉQUES ET DE L'ÉTABLISSEMENT DES É^'ÉCîlES.
313
participation du premier évêque del'Eglisç;
mais ce qu'il y a de siirprtnarit, c'est ([iie
pour la création des métropoles et des évécliés,
ils avaient comme transféré en la personne
seule de l'empereur non-seulement le pouvoir
des évêques, mais aussi celui des conciles.
Zonare le dit clairement après le canon du
concile in TruUo (In can. xxxviii, con. Trul-
lani). « Ut seu nova? urbi episcopatus appella-
tionem , seu metropolitani fastigii honorem
imperator indulserit, eodem prorsus ordine ac
jure ecclesiasticisquoque legibus habenda esse
censeatur.»
Balsamon n'approuvait peut-être pas les excès
de cette lâche flatterie, mais néanmoins il en
rapporte les sentiments, sans en témoij-'ner
beaucoup d'aversion, a Adjiciunt quod impe-
rator nec canonibus nec legibus tenetur, et
ideo est in ejus iK)testate episcopatus in métro-
poles erigere, et a suis metropolitanis alienare,
et de novo episcopos et mefropolitanos consti-
tuere, et jubere episcopis inalienis diœcesibus
absque ullo prfejudicio sacrificare, prœter sen-
tenliam episcoporum illius regionis, et alia
ejusmodi episcopalia jura exercere (lu cai^. xvi.
Carlhag.). »
Tous ces pouvoirs étaient comme liés, et on
les accordait à l'empereur, d'ériger les évèclics
en métropoles, d'exempter les évêques de la
sujétion de leur métropolitain, de créer de
nouveaux évècliéset des métropoles nouvelles,
enfin de permettre aux évêques de faire les
fonctions épiscopales dans le territoire d'un
autre évêque sans sa permission. En met-
tant les empereurs au-dessus des canons, la flat-
terie grecque leur donnait tous ces pouvoirs.
Ce n'est pas que les évêques et les conciles ne
se mêlassent souvent de ces créations d'évèchés,
mais les conciles même généraux parmi eux
avaient renoncé au pouvoir de le faire sans
rautorilé impériale. « Fieri episcopos de novo
in parochiis sine regio mandate non permit-
titur, etiamsi millies consenserit, qui eam habet
episcopus. Synodice enim constilutum est, ut
nec ipsa m:igna synodus sine jussu regio possit
novare episcopos (In. can. lx, Carlhag.). »
Enfin le même Balsamon interprétant le
canon de CartLage, qui défend aux évêqut-s de
translérer leur siège de leur église cathédrale
à une paroisse de leur diocèse, propose les deux
questions suivantes (In can. lxxiv, Caithag.).Si
un métropolitain dont la ville a été subjuguée
ou détruite par les barbares peut transférer
son siège dans la cathédrale d'un évêché vacant
de sa province, et si un évèipie, dans une occur-
rence semblaljle, peut transporter son siège
épiscopal dans une paroisse de son diocèse.
Quelques-uns disaient que ces évêques avaient
un pouvoir aussi légitime que suffisant pour
ces translations de leur siège. D'autres deman-
daient le consentement d'un Synode. Enfin il y
en avait qui jugeaient que celui de l'empereur
était aussi nécessaire. Balsamon juge que le
consentement de l'empereur et du concile est
absolument nécessaire pour ce métropolitain, et
il en donne des exemples dans les métropolitains
de Néocésarée et d'Antioche de Pisidie, qui
avaient observé ces formalités indispensables
pour passer de leur métropole détruite à un
évêché de leur province. Et quant à l'évêque,
il dit que si l'établissement de son premier
évêché n'a pu se faire sans l'autorité d'un
Synode, par la même raison la même autorité
sera nécessaire pour le transférer de là ailleurs.
Si l'on demande si un évêque peut laisser sa
ville épiscopale, sans qu'elle soit tombée sous
la puissance des barbares, et transporter son
siège dans une autre ville plus riche et mieux
peuplée de son diocèse, Balsamon répond que
ci-la ne se peut sans l'agrément de l'empereur
et du Synode, qui a été refusé à plusieurs
prélats qui avaient souhaité ces sortes de
changements. « Mandato imperatoris et syno-
dali cognitione episcopo utrumque concede-
tur, alias autem nullo modo. » Il ajoute les
exeni|iles de ceux qui en ont été refusés.
Au reste si dans le iMoyen Age de l'Eglise,
qu'on ne doit pas porter au-delà de l'an mil
depuis la naissance deJ.-C, je cite souvent Bal-
samon, qui n'a vécu et n'a écrit que peu avant
l'an douze cent, je l'ai fait par des raisons
dont il faut que j'informe le lecteur, comme
pouvant intéresser sa curiosité. Ce dernier âge
depuis le dixième siècle de la naissance de
J.-C. étant plus chargé que les autres, tant par
le nombre des années, que parla muliitude
des événements je l'ai traité d'une manière si
étendue qu'il occupe presque la moitié de cet
ouvrage. Or, pour ne la pas trop surcharger, j'ai
rapporté aux âges précédents tout ce que j'ai
pu retrancher de celui-ci.
Ce qui concerne les Grecs m'a paru propre à
cela, parce que remi>ire des Grecs ayant été
détruit et leurs églises ayant été renversées
près de trois cents ans auparavant, je n'ai pu
traiter la discipline des Grecs du temps de ce
314
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SIXIÈME.
dernier âge dans le même ordre que j'ai fait
par rapport aux siècles qui l'ont précédé. J'ai
donc rapporté au Moyen Age les événements
du dernier en petit nombre à la vérité et d'une
manière assez précise, pour ne pas dire stérile,
parce que la plupart des monuments avaient
été ensevelis dans la ruine de cet empire,
causée par la fureur de la guerre. Et cette perte
nous ôte les moyens de bien connaître leur dis-
cipline.
Il faut ajouter à cela que le plus souvent
Balsamon n'a fait que copier Zonare, qui écri-
vait environ l'an onze cent, et qui ne pouvait
nous apprendre que les sentiments et les pra-
tiques de l'Eglise Grecque, pendant les siècles
qui l'ont immédiatement précédé. Enfin Balsa-
mon s'attache toujours beaucoup au Nomo-
canon de Photius, qui a été composé dans le
moyen âge de l'Eglise, puisqu'il a écrit vers le
milieu du neuvième siècle.
VII. 11 faut dire un mot des missions étran-
gères, pour faire voir qu'elles ont donné occa-
sion de faire tomber entre les mains du pape
seul le pouvoir de créer de nouveaux évêcliés,
dont les conciles particuliers jouissaient aupa-
ravant. Pierre Damien, qui a écrit la vie de
saint Romuald, touche en passint la mission
de saint Boniface martyr et apôtre de Russie.
Cet homme apostolicjue alla recevoir à Rome
du successeur du prince des apôtres l'autorité
et la consécration qui lui était nécessaire, pour
aller travailler à la conversion de ces infidèles.
« Cum post diuturnam cremiticœ conversa-
tionis vitam , ad prœdicandum jam ire dispo-
neret, Romam primum pergere studuit, et ab
Apostolica Scde consecrationem archiepisco-
patus accepit (Cap. cclxxx). »
Après que saint Boniface eût scellé de son
sang la Térité de la foi qu'il avait prcchce,
saint Romuald envoya quelques-uns de ses dis-
ciples pour continuera défricher cette nouvelle
vigne. Us passèrent sept ans à apprendre la lan-
gue Sclavone ; après cela l'un d'eux vint à Rome
demander au pape la permission de jiublier la
foi : « Septimo anno cum jam loquelam terrae
plene cognoscerent, unum ad Romanam ur-
bem monachum miltunt, et pereum asummœ
Sedis Antistite prœdicmdi licentiam petunt
(Cap. m). » Enfin saint Romuald eiit voulu
lui-même couronner ses longs travaux par le
martyre, en allant prêcher aux mêmes Escla-
vons ou Hongrois (Cap. xlv) ; il en obtint la
licence du pape, après avoir fait ordonner deux
de ses disciples comme archevêques. « Doindo
licentia ab Apostolica Sede suscepta, et duohiis
e suis discipulis in archiepiscopos consecrnlis,
cum viginti quatuor fratribus ilerarripuit. »
VIll. Eginard dit quEbbon, archevêque de
Reims était allé prêcher la foi aux Danois, jiar
ordre et avec l'autorité du pape (An. Egin.,
an. 823). « Qui consilio impcratoris et Roni:uii
pontificis autoritate, praedicandi gratia ad tur-
minos Danorum accesserat, et œstate prœterita
multosex eisadfidem venientes ba|)tizaverat. »
Ce ne fut qu'une mission qu'Ebbon fit en ces
pays du Nord , comme légat du pape ; mais
l'empereur Louis le Débonnaire fit ordonner
par im synode d'évêques, dont il suivait les
avis, saint Anscharius, archevêque d'Hambourg,
pour gouverner toutes les Eglises septentriona-
les ; ce fut Drogon qui le sacra arche\ê(iue
dans une assemblée de plusieurs évêques (Vita
sancti Anscharii apud du Chesne, tom. m,
p. 399) ; mais après cela il fut envoyé a Rome
pour recevoir du papeGrégoiie IV laconlirma-
tion de tout ce qui avait été fait. Le pape lui
donna le pallium avec la légation apostolique
sur les Eglises du Nord, qui avait été aupara-
vant eontiee à Ebbon.
a Et ut hœc omnia perpetuum suae stabili-
latis relinerent vigorem, eum honorabiliter ad
Sedem direxit Apostolicam et omnem liane
rationem sanctissimo papœ Gregoiio inlimari
lecit conflrmandam. Quod eliam ipse tam de-
creti sui autoritate, quam pallii dalione, more
prœdecessorum suorum roboravit, atque ipsum
in prœsentia constitutum, legatum in omnibus
Aquilonis partibus, una cum Ebbone Rcmensi
archiepiscupo, qui i[isani legationem ante sus-
ceperat, delegavit, etc. Porro, ut prœmisimus,
eadem legalio autoritate Paschalis papœ ,
Ebboni Remensi archiepiscopo prias delegata
fuerat. »
Nous pouvons ici remarquer deux raisons
qui rendaient l'intervention de l'autorité du
pape nécessaire. La première est pour donner
une fermeté irrévocable à ces nouveaux éta-
blissements. Car les princes et les évêques ne
pouvaient rien ordonner qui ne pût être révo-
(jué par leurs successeurs : les conciles posté-
rieurs changeaient les décrets des conciles pré-
cédents. Mais ce qui avait été ou fait ou con-
firmé par le premier Siège de l'Eglise ne pou-
vait être changé par des puissances inférieures.
La seconde raison est que cha(jue évè(|ue et
chaque métropolitain ayant son autorité bor-
DES ÉVÉQUES ET DE L'ÉTABLISSEMENT DES ÉVÊCIIÉS.
315
née dans les limites de son ressort, il était de
!a bienséance de recourir à une autorité sans
bornes, et à une providence qui veille sur
l'Kplise universelle, pour faire ces nouvelles
(onijuctes.
Ebbon eût pu par le droit, et peut-être il eût
dû par les obligations du voisinage, étendre
les frontières de la religion dans ces pays du
Nord, et néanmoins il n'y allait que comme
légat et envoyé du pape. Tant on était persuadé
que toutes les bénédictions du ciel coulaient
avec plus d'abondance de la source primitive
des missions apostoliques.
Bien que les bistoires et les chroniques an-
ciennes aient semblé quelquefois attribuer aux
empereurs et aux rois l'érection desévêchés et
des métropoles, il est néanmoins très-constant
que, selon leur propre témoignage, l'Eglise y
avait toujours la principale autorité, lesévèques
et les conciles y concouraient toujours les pre-
miers, le Saint-Siège y intervenait avec cette
éminence d'autorité qui lui est propre, et les
princes temporels soutenaient par leur puis-
sance souveraine et par leurs bienfaits les
saintes résolutions et les pieux efforts de l'E-
glise.
Adam, chanoine de Brème, a écrit l'Histoire
des Eglises du Nord et l'a dédiée à Liémar,
archevêque de Brème et légat du Saint-Siège,
pour la prédication et la conversion des peu-
ples septentrionaux, « A te qui haereditarim
pra;dicandi legationem possides in totam Sep-
tentrionis latiludinem. »
Ces paroles nous font comprendre que s'il
a fallu que le pape et les évêques envoyassent
des légats et des prédicateurs pour convertir
ces peuples barbares , leur autorité n'y était
pas moins nécessaire pour y ériger desévêchés
et des métropoles.
Ce même auteur dit que Charlemagne érigea
l'évêché d'Hambourg et en voulut faire une
métropole. « Slavorum Danorumque metropo-
lim (L. I, c. il). » Mais il y survint des obsta-
cles. Louis le Débonnaire fonda l'abbaye de
Corbie en Allemagne, y envoyant des moines
de Corbie en France. Ansgarius, religieux de
cette abbaye, alla prêcher la foi en Danemark et
autres pays du Nord avec grand succès (L. i,
c. 12, 14). L'empereur érigea Hambourg en
métropole , exécutant la résolution d'un con-
cile d'évèques en 833. « Habito sacerdolum
generali concilio. » 11 en fit sacrer Ansgarius,
évêque, et fit confirmer par le pape tout ce qui
avait été fait (Privileg. Ecclesiœ Hambiu-g.).
« Roborante id papa Cregorio IV, Apostolica
autoritaie, et pallii datione. » Ansgarius fut
alors sacré par Drogon , archevèciue de Metz et
archichapelain du palais, en présence des autres
archevêques : « Per manus Drogonis Metensis
et suminaî sacra? Palntina' dignitatis pra-sulis,
ast;nitihus archiepiscopis Remensi, Trevirensi ,
Moguntio. » .1
Cette nouvelle métropole n'ayant point en-
core de suffragants, le pape Grégoire IV com-
mit la consécration du métropolitain aux pré-
lats de la chapelle du palais. « Consecrationem
vero succedentium sacerdotum, donec conse-
crantium numerus ex gentibus augeatur, sa-
crœ Palalinœ providentite intérim committi-
mus. n
Ces circonstances nous découvrent la néces-
sité de recourir au pape. Mais en voici des
marques bien plus évidentes.
Ebbon , qui avait déjà prêché l'Evangile
parmi ces peuples du Nord , assista pendant
quelque temps Ansgarius; et Guibert, neveu
d'Ebbon, ayant èlè par eux sacré évêque , ils
l'envoyèrent prêcher en Suède (.\dam, ibidem).
C'é'ait en vertu de la légation qu'ils avaient
eux-mêmes reçue du Saint-Siège pour prêcher
dans les pays dn Nord. Les Normands brûlè-
rent la ville et l'Eglise d'Hambourg. Louis II,
empereur, ayant succédé à son père Lothaire,
donna à Ansgarius l'évêché de Brème pour y
résider (Idem. 1. i, c. 17, 20). Ce saint jirélat
faisant difticulté de s'y rendre, le pape Nico-
las I" confirma cette translation. « Multum
temporis fiuxit ex quo Ansgarius Bremensem
episcoiialum suscepit , antequam hoc a papa
Nicolao firmaretur. »
L'archevêque de Cologne s'opposait à cette
translation , parce que l'évêché de Brème rele-
vait de lui; et il comprenait fort bien que d'y
transférer l'archevêque d'Hambourg, après la
désolation de sa ville et de son Eglise, c'était
non-seulement émanciper Brème, mais l'éri-
ger en métropole. Ce fut ce qui obligea cet
empereur de recourir au pape, et le pape d'u-
nir l'évêché de Brème à l'arclievêché d'Ham-
bourg. « Caesar Ludovicuscompositis hincinde
contradicentium voluntalibus, prœcipue Gun-
tharii Coloniensis archiepiscopi, cujus sullra-
ganea prius erat Brema , super bis Romam
nuncios ad Nicolaum papam direxit. Ille vero
quod nécessitas ecclesiastica persuasit, et quod
Palrum conciliis fieri posse comprobatum est ,
316 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SIXIÈME.
facile consensit. Ergo Bremensem ac Hambur-
censem episcopatiim apostolita auloritate co-
pulari et pro uno haberi sanxit. »
Rimbert succéda à Ansgarius, et eut pour
successeur ad;ili:arius, contre lequel Herman,
archevêque de Cologne, renouvela ses préten-
tions sur Brème (L. i, c. 41, 42). Le concile de
Tiibur, le pape Formose et le roi Arnulplie
lui furent favorables et mirent l'évêque de
Brème entre ses suffragants. Le pape Serge
cassa tout cela et rendit leur première vigueur
aux décrets de Grégoire IV et de Nicolas I".
Olbon I" (C. Lv) ayant enfin heureusement
porté le roi de Danemark à embrasser la foi de
l'Eglise, il y érigea trois évêchés dans la Jutie,
savoir dans la ville de SIesvicb, Ripenet Arliu-
séen. Mais cette érection se flt par l'autorité du
pape, qui permit à Adiildag, archevêque d'Ham-
bourg et de Brème, d'ordonner des évèques.
aCui etiam vice sua jus ordinandi episcopos,
tam in Daniam,quamin Septentrionis populos
aiioslolica auloritate concessit. » C'était comme
une suite naturelle de la légation donnée pour
la conversion des peujdes du Nord , de per-
mcUre de leur donner des évèques quand ils
seraient convertis. C'est ce qui est marqué dans
ces paroles, « vice sua. »
L'archevêque de Cologne Brunon en prit oc-
casion de redemander Brème. 11 était frère de
l'empereur Otiion , et ces deux frères eurent
assez de grandeur d'àme pour vouloir perdre
leur cause et reconnaître que les archevêques
d'Hambourg travaillant si utilement à acquérir
de nouveaux Etals à l'Eglise et à l'empire chré-
tien , méritaient bien qu'on ne les inquiétât
plus et (]u'on ne démimbiàt pas leur Eglise.
Adaldag ordonna plusieurs évèques pour le
Danemaïk. Adam dit qu'on ne sait pas quelles
furent ks villes de leur séjour, et peut-être n'en
eurent-ils jamais , comme il arrivait souvent
aux Eglises naissantes, d'avoir des évèques de
la nation plutôt que d'aucune ville particu-
lière. « Adaldagus plures ordinavit episcopos
in Daniam : qui ad quas Sedes specialiter in-
tronizali sint, non facile potuimus invenire.
jEstimo quod pro rara Christianitate nulli epi-
scoporum adhuc certa sedes designata fuerit
(Can. LXix). » A Adaldag succéda Libtntius,
qui fut le premier ordonné par ses sutlraganls.
(^elte longue suite d'exemples suflit pour
faire voir, 1° que l'autorité des évèciues, des
conciles et des papes prédominait dans ces
érections d'évêchés et de métropoles, quoi(|ue
les historiens, qui ne racontent que l'exécution
des choses, se contentent quelquefois de dire
que ces érections ont été faites par les empe-
reurs, dont la puissance et la libéralité éclatait
le plus dans la construction et dans la dotation
des Eglises.
2° On ne pouvait se passer de l'autorité des
papes, tant parce que ces conversions des infi-
dèles se faisaient en vertu des légations du
Saint-Siège, dont l'autorité n'est pas bornée
dans un diocèse , ou dans une province, que
parce que dans l'assignation des territoires il y
avait souvent une contrariété de droits ou de
prétentions entre les évoques et les archevê-
ques, à laquelle le pape seul pouvait remédier;
et enfin, ])arce que dans la formation des nou-
velles Eglises, il faut user de dispense en beau-
coup de choses, et la dispensation des règles
générales de l'Eglise appartient d'une manière
toute particulière au Saint-Siège.
Il fallut démembrer Brème de la province
ecclésiastique de Cologne, unir les Eglises de
Brème et d'Hambourg, transférer le Siège de
la métropole d'Hambourg a Brème, donner un
consécrateur extraordinaire à cet archevêque,
pendant le temps qu'il n'avait point encore de
sutfragants; enfin faire des établissements d'é-
vêchés, que les évèques ou archevêques voi-
sins et intéressés ne pussent jamais renverser.
11 est visible que pour tous ces points impor-
tants le concours et l'influence du Siège apos-
tolique était nécessaire.
3° 11 n'est pas moins visible que les érec-
tions d'évêchés et de métropoles se f lisant très-
rarement dans l'ancien nnimie chrétien, qui
en était déjà fourni, et se faisant au contraire
très-fréquemment dans l'Allemagne, le Dane-
marek, la Suède, la Norvège, la Hongrie et la
Pologne, qui sont les dernières conquêtes dans
l'Eglise d'Occident, la coutume universelle s'é-
tablit insensiblement (ju'elle ne se fil plus que
par l'autorité du Sainl-Siége.
Le pape Jean XIII envoya un légat en Po-
logne pour y répandre les vérités de l'Evan-
gile, et pour y ériger des évêchés, selon la de-
mande que ces peuples lui en avaient faite
(baron., an. 956). Chariemagne avait donné
l'exenqiie à tous ses successeurs de faire inter-
venir l'autorité du Sainl-Siége dans la créalion
des nouveaux évêchés, quand il déclara lui-
même que s'il avait érigé l'èvèché de Brèmes
et s'il en avait pourvu Villehad, c'avait été en
exécutant le décret du pape Adrien, et en se con-
DE L'lNSTlT[Tin.\ DES NOUVEAUX ÉVËCHÉS.
317
formant aux avis que lui en avaient doinié
l'arcluvêque de Mayence et les autres évèiiues.
« Summi pontiticis et univerfa'is papa^ Adiiani
pnrcepto , necnon et Mo^onciaceusis cpiscopi
Lullonis, omniiimque qui affuere pontifieuni
concilio, Bremenstm Ecck-siain Villi hadoconi-
misinius (Baluz. Capilul., t. i, p. 217). »
Saint Métliodius, apôtre de Moravie, avait
reçu sa mission du pape Adrien 11, et il vint
ensuite se purger de quelques calonuiies devant
le pape Jean Vlll (Episl. cxciv, cxcv, Jo.uinis
papœ, Cronierus, I. ni). Les rois étaient bien
aises dans le temps de leur conversion de s'ap-
puyer sur ce qu'il y avait de plus grand et de
plus éclatant dans l'Eglise. Ainsi la Pologne
connnenrant à recevoir la lumière de l'Evan-
gile, Cromer dit que le pape y envoya un
légat pour y ériger des évècliés.
IX. Curopalate rapporte qu'un seigneur de
Tuniuie s'étant lait cLrétien, et ayant ete bap-
tisé à Constantinople, le patriarche de cette
ville lui donna un évêque de Turquie qu'il
avait ordonné pour aller cultiver cette Eglise
naissante (Baronius, an. 9 .8).
De ce seul exemple on peut conjecturer que
les autres patriarches travaillaient aussi à fon-
der de nouvelles Eglises, et à ériger de nouveaux
évêchés; mais il s'en faut beaucoup que leur
zèle fût aussi ardent que celui des successeurs
de saint Pierre.
CHAPITRE CINQUANTE-SEPTIEME.
DE l'institution DES NOUVEAUX ÉVÊCHÉS EN FRANCE, DE LEUR UNION, DIVISION ET TRANSLATION,
DEPUIS l'an mil JUSQUES A PRÉSENT.
I. Quelles sont les règles générales du droit ancien et nou-
veau sur ces matières.
II. Preuves de ces règles tirées de saint Bernard, et d'Ives de
Chartres, surtout pour la nécessité du consentement des princes.
III. Erectidn ou rétablissement de l'évéché de Tournai.
IV. De l'évéché dWrras.
V. Des évècliés de Boulogne, de Saint-Omer et d'Ypres, après
la destruction de Térouanne.
VI. De treize nouveau! evécbés des Pays-Bas.
Vil. Tentative inutile pour .Mouzon, pour .Nancy et pour Bourg
en Bresse.
VIII. Des évêchés unis et désunis d'Antibes, de Grasse et de
Vence.
IX. De Valence et de Die.
X. De Magiielonne et de Montpellier.
XI. De l'évèclié de Pamiers.
XII. Démembrement de révècbé de Toulouse. Aut?ss évêchés
érigés par Jean XXll.
I. Il est visible que les mêmes maximes qui
ont eu vigueur dans l'érection des nouvelles
métropoles doivent aussi régner dans l'établis-
sement des nouveaux évêchés.
Les voici : 1° que c'est l'Eglise qui a la
principale autorité ; 2° que dans ce dernier
âge que nous traitons , cette autorité a été
généralement réservée au pape ; 3° que ce
changement s'est fait sans aucune aflcclation
ambitieuse par la seule occurrence des choses.
et par une secrète conduite de la sage Provi-
dence, qui ménage tous les intérêts et toutes
les révolutions de son Eglise ; que les conciles
provinciaux et les métropolitains n'ont pas
laissé de faire paraître quebiues restes de leur
ancienne autorité dans ces matières; 3° que le
consentement des princes souverains est tou-
jours intervenu, comme étant très-sensible-
ment intéressés dans ces changements ; ti" que
les mêmes règles ont lieu dans l'union de fdu-
sieurs évêchés en un, dans la séparation de
ceux qui avaient été unis , dans la division
d'un évêché en plusieurs évêchés , dans la
translation du siège épiscopal d'un lieu eu un
aulre.
Voilà les maximes constantes dont nous
allons faire briller la vérité par une foule
d'exemples.
II. Je commencerai par la France, oii saint
Bernard étalaautrefois celte règle, que c'est au
Siège apostolique que la création des évêchés
nouveaux appartient, à cause de sa plénitude de
puissance. « Plénitude sicjuidem potcsialis super
uuiversas orbis Ecclesias singulari prœrogativa
318 DU PREMIER ORDRE DES CLERS. — CHAPITRE CINQUANTE-SEPTIÈME.
Aposfolicœ Sedi donata est. Potest si utile jiidi-
caverit, novos ordinare episcopatus, ubi liacte-
nus non fuerunt (Epist. cxxxi). »
Biais le savant et pieux Ives de Chartres avait
déjà protesté au pape Pascal même , que le
Saint-Siège n'usait jamais de ce pouvoir sans
l'agrément des souverains, afin de conserverTin-
violable concorde de l'empire et du sacerdoce.
Le clergé de Tournay faisait ses poursuites
auprès de ce pape pour obtenir un évêque , ce
qui ne se pouvait faire sans démembrer l'évêché
de Noyon , dont Tournay relevait depuis plu-
sieurs siècles (Epist. ccxl). Ives conjura ce pape
de ne point commettre l'empire et le sacerdoce,
dont la concorde est aussi nécessaire que salu-
taire à l'un et à l'autre. « Regni Francorum pax
et summi Sacerdolii nuUa subreplione dissol-
vatur; » de ne pas ruiner un avantage dont
l'évêché de Noyon jouissait depuis quatre cents
ans , crainte d'envelopper la France dans le
même schisme qui avait déjà désuni l'Allema-
gne d'avec le Siège apostolique. « Ut statuni
Ecclesiarum , qui quadringentis ferme annis
duravit, inconcussum manere concedatis , ne
liac occasione schisma, quod est in Germa-
nico regno ad versus Sedem Apostolicam, in Gal-
liarum regno suscitetis. »
11 ajouta qu'il est bien au pouvoir du Saint-
Siège de raccourcir ou d'étendre tes limites des
diocèses, mais (jne ce pouvoirdoilètre réglé par
les vues de l'utilité publique de l'Eglise et de la
paix indissoluble de l'Eglise et de l'Etat, a Nec in
hoc resislimus, quin possit Sedes Aposlolica
parochiarum amplitudinem minorare aul bre-
\itatem dilalare; si utilitas popnli Dei ita exi-
gat, et nuUum inde schisma contingat. »
Enfin Ives représenta au pape, que la mal-
heureuse condition du siècle, étant telle, que
répisco[)at tombe dans l'avilissement, s'il n'est
soutenu d'une honnête médiocrité de biens
temporels, il était à craindre que cette division
d'un évêché en deux ne les jetât tous deux
dans une honteuse pauvreté, a Praîterea cum
dignitas episcopalis paupertatem his diebus
honeste ferre non valeal, honeste providendum
est, ne ista divisione uterque episcopus fiât
pauper. »
Il est bon d'avoir remarqué comment un
prince jaloux de ses droits s'était servi de la
plume d'un évêque pieux et éclairé , non pas
pour menacer ouvertement , mais pour faire
appréhender au pape la chose du monde la
plus redoutable, qui es t la désunion et le schisme
entre l'Etat et l'Eglise (Ibidem), o Novit enim
Pâte rni tas vestra, quia cum regnum, et saccr-
dolium inter se conveniunt,beneregiturmun-
dus, floret et fructificat Ecclesia. Cum igitur
inter se discordant, non tanlum parvae resnon
crescunt, sed etiam magnae res dilabuntur. »
Comme c'est sur ce principe inébranlable
que la mesure et la règle de l'usage qu'on fait
de la puissance ecclésiastique est rutililé et la
concorde de l'Eglise et de l'Etat ; comme c'est,
dis-je sur ce fondement immuable qu'il faut
étabhr tout ce qu'on doit ou dire, ou écrire, ou
faire sur ces sortes de sujets , il a été aussi
nécessaire de nous y étendre un peu.
III. Le pape Pascal II se rendit à des remon-
trances si justes et si vigoureuses.
L'histoire de l'abbaye de saint Martin de
Tournay, dit que le roi Louis VI avait consenti
au rétablissement de l'évêché de Tournay, mais
que l'exécution en fut traversée par diverses
intrigues (Spicileg. tom xii, p. 406). Mais quel-
que temps après le pape Eugène 111 consacra à
Rome l'abbé de Saint-Vincent de Laon (An.
1146), après beaucoup de résistance de sa
part, et l'envoya évêque à Tournay, avec des
lettres à ceux de Tournay, où il dit qu'ayant
appris que plusieurs milliers de personnes y
mouraient sans confirmation , et que manque
d'un évêque cette Eglise souffrait des perles
irréparables, il leur en a ordonné un; qu'au
reste il les dispense du serment de fidélité et
d'obéissance qu'ils devaient à l'évèciue de
Noyon (Jureti Notœ in Laon., p. 770, 771).
Ce i>ape écrivit en même temps au roi
Louis VII qu'il n'avait pas douté que cette créa-
tion d'un nouvel évêché ne fût un nouveau
lustre à la couronne de France (Spicilegii tom. v,
p. 563). a Quod ad magnum regni tibi a Dec
commissi , et coronae tuae incrementum cre-
dimus proventurum ; » qu'au reste il ne doit
pas écouler ceux qui oseraient décrier auprès
de lui une chose qui n'a été faite que par une
inévitable nécessité et pour le salut de tant île
j)euples. « Quod pro tanta necessitate, et tôt
millium hominum sainte factum est. »
11 est à croire que ce roi agréa l'action du
pape, puisque l'histoire ne nous apprend pas
qu'il y ait mis aucun obstacle.
La chronique d'Albéric assure que ce fut
saint Bernard, abbé de Clairvaux, qui porta le
pape Eugène à accorder cette grâce à l'Eglise
de Tournay ; ce qui i^eut encore servir de
preuve que le roi Louis le Jeune y consentit.
DE L'INSTITUTION DES NOUVEAUX ÉVÈCIIÉS.
;ho
L'histoire de l'abbaye de saint Martin de Toui-
nay assure en termes formels que le roi Louis Vil
donna enfin son consentement, o Rex paucis
interpositis diebus papœ petilioni annuit, sic-
que novum episcopum recipimus. »
Au reste c'était depuis le temps de saint
IHédard, évèque de Noyon, que ceux de Tour-
nay avaient élu pour leur évêque (Spicil. ,
lom. II, p. 484), et qui avait été forcé de joindre
ces deux évècliés par le roi et par le clergé de
France ; c'était, dis-je, depuis ce temps-là que
Tournay n'avait point eu d'évêque propre.
IV. Le rétablissement de l'évêché d'Arras ne
se fit pas avec la même facilité. Arras obéissait
au comte de Flandre, qui relevait de la cou-
ronne de France ; ainsi la France était intéressée
àce qu'ilyeûtun évêque, et qu'on n'y reconnût
plus l'évèque de Cambray, (|ui ( tait des dé-
pendances de l'Empire d'Allemagne. L'em-
pereur Henri était alors aux prises avec les
papes. L'intérêt commun du Saint- Siège et de
la France porta donc le pape Urbain II à écou-
ter les prières de ceux d'Arras, et à confirmer
l'élection qu'ils avaient faite d'un évè(iue. Ce
pape enjoignit à l'archevêque de Reims P.ainnl-
dus de consacrer le nouvel évêque , nommé
Lambert. L'archevêque prit conseil de l'évèque
deSoissonset de ses autres sufVragants.
Leur commun avis fut qu'il ne devait pas
faire lui-même celte consécration, de peur que
l'évêché de Cambray dont Arras avait relevé
depuis fort longtemps, ne se séparât de l'obéis-
sance de la métropole de Reims; mais envoyer
l'évèque élu au i»ape, avec assurance que si le
pape le consacrait évêque d'Arras on le rece-
vrait dans la province de Reims dans le même
rang que les autres évêques de la province, a Ti-
muerunt et timent ne Cameracenses ex hoc
facto accepta occasione , se Remensi Ecclesia
abrumperent ; cum et civitas eorum alterius
regni habeatur, et regni, cujus rex nobis et
EcclesiLe Romanae jam ex longo tempore ini-
micatur, etc. Ubi eum dignitas vestra conse-
craverit, consecratum bénigne suscipiemus,
sicut episcopum et suffiaganeum (An. 1193,
Spicil., tom. m, p. 123). »
L'évèque Lambert étant arrivé à Rome, con-
jura le pape de le décharger d'un évêché qui
l'exposait à une tempête et à une persécution
effroyable de la part de l'empereur Henri, ex-
communié par le Saint-Siège, puisque Cambrai
relevait de lui. « Ad cujus imperium Came-
racuin hactenus pertinebat; » et de la part du
clergé et du peuple de Cambrai. Le pape ne
laissa pas de le consacrer, et d'écrire en même
temps à rarchevèt|ue de Reims clu'il ne devait
point apiiréhender que Cambrai se séparât de
sa métropole, parce que quiconque entrepren-
drait de se faire ordonner évêque de Cambrai
par d'autres mains que celles de l'arcliesê-
que de Reims serait aussitôt frappé des foudres
de l'Eglise romaine , à moins que ceux de
Cambrai ne fissent paraître des privilèges du
Saint-Siège, par lesquels Arras leur fût soumis,
a Nisi forte Cameracenses priviiegium Romana;
autoritatis ostenderint, quod eis Atrebaten-
sem subdat Ecciesiam. »
Le comte de Flandres voulut savoir de l'ar-
chevêque de Reims quels étaient sus sentiments
sur cette nouvelle ordination. L'archevê(]ue
lui manda que dans un concile d'arclievècpus,
d'évêques et de plusieurs princes, on avait jugé
qu'on ne pouvait sans crime désobéir à ces
ordres du pape, et qu'ensuite il avait confirmé
l'ordination de l'évèque Lambert, et avait reçu
sa profession. « In Concilie quod Remis cum
chorepiscopiset e|)iscopis nostris, at<|ne princi-
pibus multis liabuimus, jiixta Doniini jinpo)
Urbani prœcepta, (juibus inobedire nel.tf est,
consilio et assensu coepiscoporum nostronuTi ,
more ecclesiastico, illius protessionein susce-
pimus, ejusque consecrationem confirmantes
confirmavimus. »
On avait élu en même temps un nouvel évê-
que à Cambrai, qui ne manqua pas de taire ses
oppositions à Rome, et d'écrire au pa|ie qu'il
avait des iirivilèges de ses prédécesseurs. « Se et
Ecciesiam suam Romanis privilegiis esse nmni-
tam. » Le pape remit le jugement de celle
affaire au concile de Clermont , où Lambert
fut aussi appelé. Mais le succès en fut tunesle à
révè(iue de Cambrai, qui y fut déposé, connue
partisan du schisme de l'empereur Henri.
Enfin le pape Pascal II confirma ce rétablis-
sement que son prédécesseur avait fait de
l'évêché d'Arras (S[)icileg., t. v, p. 540, etsecj.).
Ce récit est tiré de toutes les lettres originales
qu'on peut lire dans le Spicilegium du père
dom Luc d'Achéry (Spicileg., tom. m, p. 123).
Il ne faut pas omettre que le pape Urbain II
raconte lui-même, dans une de ses lettres, que
selon les canons , chaque métropole devait
avoir douze évêques suHragants ; et la seconde
Relgique, qui est la province de Reims, ayant
eu autrefois douze évêchés, Arras, qui en était
un et qui avait reçu de la main propre de saint
320 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SEPTIÈME.
Remy faint Wast pour évêque , tomba ensuite
comme en défaillance par lirruplion des bar-
bares et fut asfsujetli à l'évêque de Cambial,
sans a\oir d'évèque propre. Mais qu'à présent
cette cilé étant i)lus riclie et plue nombreuse
que celle de C;imbrai, il a été juste d'y rétablir
le siège épiscopal, selon le canon du concile de
Saidique, qui ôte les évêques des villages, et
les place dans les villes bien peuplées, et selon
le décret du concile 11 d'Afrique, qui veut que
les lieux qui ont eu autrefois des évêques
recommencent aussi d'en avoir lorsqu'ils se
sont repeuplés : « Ut diœcesis, quœ aliquando
babuit ei>istoiium , si accedentetemporepopu-
lus nuiltiplicalus, desideraverit habere pro-
prium rectorem , ejus videlicet voluntate in
cujus polestate est diœcesis constituta, liabeat
proprium episco|ium ; » enfin à l'exemple du
grand saint Grégoire, qui renouvela un évècbé
ruiné dans la Sardaigne.
Ce pape n'attendit pas le consentement de
l'évêque de Cambrai, comme le canon d'Afri-
que semble le demander, soit parce que cet
évêché était alors vacant , ou plutôt parce que
celte Eglise était alors engagée dans la faction
scbismatique de l'empereur Henri contre le
Saint-Siège, soit enfin parce que le refus qu'en
faisait le nouvel évèque de Cambrai était notoi-
rement contraire aux canons, qui ne permirent
jamais aux prélats de préférer leurs intérêts
particuliers aux avantages publics de l'Eglise.
Enfin le concile de Clerinont décida la chose
en faveur de l'Eglise d'Arras.
V. Voici une conjoncture toute pareille, mais
dont l'issue ne fut pas semblable (Anno 1183.
Scri|.tores Norman., p. 99(>). Milon, évê(iue de
Térouanne , étant mort , l'arcliidiacre de la
même Eglise fut élu en sa place. Samson, arche-
vêque de Reims, se disposait à le consacrer ;
mais le clergé de Boulogne, protestant iiu'il vou-
lait avoir un évêque propre à Boulogne, comme
ils en avaient eu un autrefois, interjeta son
appel au pape pour empêcher qu'il ne fût sacré
que sous le litre de Térouaime, et non pas con-
joiiitLinent sous celui de Boulogne. « Clerici
Boiioniaî qui diusub episcopo Tarvannensi fue-
niiit, volcntes auiodo suuni proprium episco-
piim habere, sicut anliquitus liabuerant, pro-
iiibuerunt archiepiscopum sub appellalione
apostolica, ne cum sacraret, nisi tanlununodo
ad Ecclesiam Tarvanneiisem. »
Le nouvel évêque ne put se résoudre à un si
grand rabaissement de son Eglise, et il s'en alla
à Rome, où le pape l'ordonna. Si Térouanne
remjiorta alors la victoire avec plus de bonheur
que de justice, elle l'expia d'une manière bien
funeste longtemps après , lorsque Charles V,
empereur, ayant rasé la ville, l'évèché en fut
transféré à Boulogne (Sponde, Anno 1353,
n. 2).
La bulle de Pie Vqui fit cette translation, (Gal-
ba Christ., tom. H, p. -428), nousapprend que les
rois de France et d'Espagne Henri II et Philippe
II étant convenus de ne plus rebâtir Térouanne
et d'en partager les fonds de l'Ej^lise sous le bon
plaisir du pape Pie l\, avaient divisé la portion
de l'Espagne entre les évcchésdeSaint-Omeret
d'Ypres ; et que lui, à la prière du roi très-chré-
tien « precibus Christianissimi Régis adducti,»
changeait l'abbaye des chanoines réguliers de
Notre-Dame de Boulogne en siège épiscopal,
avec pouvoir au roi d'y nommer, comme il
nonunait à Térouanne.
VI. Je ne dirai rien ici des treize nouveaux
évôchés du Pays-Bas , que le pape Paul IV y
érigea. Une utilité et une nécessité si évidentes
et si pressantes de ces Eglises, qu'il fallait forti-
fier contre les progrès de l'hérésie, arracha au
moins un consentement tacite des princes et
des prélats intéressés, et les obligea de sacrifier
leurs avantages particuliers au bien commun
de l'Eglise (Sjjonde, Anno 1359, n. 4.) Nous
avons assez parlé de cette niatière, en traitant
des nouveaux archevêchés qui furent érigés en
même temps dans le même pays.
VIL L'archevêque de Reims Guillaume ayant
demandé au pape Célestin III la permission
d'ériger un nouvel évêché dans le château de
Mouzon, ce pape le lui permit, pourvu qu'il le
fît avec le consentement du roi de France, et
de l'avis des évêques d'Arras et d'Amiens. « De
assensu Francorum régis, de consilio fratrum
nostrorum, Atrebatensis et Ambianensis epi-
scoporum (Innocent. 111, lib. i, epist. clxu
CLXHi). » Le pape Innocent 111 confirma cette
concession de Célestin III et permit à l'arche-
vêque de nommer à cet évêché sa vie durant,
avec le consentement des diocésains. Je ne sais
par quel endroit ce dessein se rompit. Mais
voyons ce qui n'a pas réussi plus heureusement
en nos jours.
Le cardinal d'Ossat empêcha à Rome qu'on
n'érigeai Nancy en évêché, quelque instance
qu'en pût faire le duc de Lorraine (Ossat,
tom. n, let. i. 3, ni), parce que cette élévation
de Nancy ne se pouvait faire sans une extrême
DE L'INSTITUTION DES NOUVEAUX ÉVÈCHÉS.
321
diminution de l'évcclié de Toiil (|ui apparlient
à la France.
Le duc de Savoie, soutenu du crédit de
l'empereur M ixiniilien, avait obtenu de Léon X
en 1315 que la ville de Bourg en Bresse serait
érigée en évèché. Comme ni le roi François I''
ni l'archevêque de Lyon, dont on démembrait
le diocèse , n'avaient consenti à ce ciiange-
ment, le même pape révoqua l'année suivante
à leur instance la bulle d'érection. L'an 15-21
le même évèché futencore rétabli parle même
pape (Hist. de Bresse, part, ii, pag. 20, -2lj;
mais comme ce fut encore contre la volonté du
roi François I", ce prince ayant quelques an-
nées après conquis toute la Bresse, en obtint
encore une fois la suppression du Pape Paul lll,
en l'an 1334 (Preuves de l'histoire de Bresse,
pag. 78, etc.).
VIII. Le siège épiscopal d'Antibes fut trans-
féré à Grasse par le pape Innocent IV à cause
du mauvais air et des courses des pirates, l'E-
glise d'Antibes demeurant concathèdrale avec
celle de Grasse. Clément VII, indigné contre l'é-
vèque de Grasse, qui suivait le parti d'Ur-
bain VI son compétiteur (Hist. Eccl. del'Ev. de
Vence, 1. ii, pag. 136), le priva, lui et ses suc-
cesseurs, de la seigneurie d'Antibes, qui était do
la mense épiscopale, et l'engagea aux Grimakli
de Gènes, pour quelque somme d'argent qu'ils
lui avaient prêtée, avec faculté à révè(|ue de
Grasse d'y rentrer en les remboursant (Gallic.
Christ., tom. u, p. 602;. Le concile de Bàle ré-
tablit l'évèque en son ancienne possession ;
mais Eugène IV, bien loin de s'en tenir à celle
sentence, établit à Antibes un vicaire apostoli-
que, avec toute la juridiction é()iscopale; réser-
vant néanmoins toujours à l'évèque de Grasse
le même pouvoir d'y rentrer, à la charge de
remboursement. Le roi Louis XIII fit remettre
aux èvèques de Grasse le droit de présenla-
tion à cette vicairie apostolique, afin de la réu-
nir à l'évèchè de Grasse. Ceux d'Antibes s'op-
posèrent à celte sujétion.
Le pape Clément VIII avait uni les évêchés
de Grasse et de Vence en l'an 139-2. Mais comme
le consentement du roi n'y était pas intervenu,
ils furent désunis en 1601 M. Godeau, tom. ii,
lib. H, pag. 233). Louis XIII consentit à cette
union en faveur de M. Godeau , et Innocent X
lui expédia les bulles des deux évêchés, laissant
chaque église dans ses droits et honneurs. Mais
le clergé et le peuple de Vence s'opposant à
celle union, ce sage et vertueux prélat a jugé
enfin qu'il devait lui-même faire révoquer
l'union, et renoncer à révéché de Grasse.
IX. Le pape Grégoire X unit les évêchés de
Valence et de Die en Danphiné, par la seule
con^•ideration, comme il l'a-siire lui-même, de
la nécessité pressante et de l'évidente utilité
de ces deux Eglises : a Propter urgentem ne-
cessitatem, et evidenlem utilitatem ipsarum, »
ordonnant que l'élection se ferait alternative-
ment par les deux Eglises cathédrales, en com-
mençant par celle de Valence.
II n'est point parlé dans le rescrit de ce pape
du consentement du prince (Rainald.,au. 1273,
n. 33), ou parce que c'était dans les terres qu'on
appelait de l'empire où l'Eglise jouissait d'une
[ilus grande liberté comme nous l'avons déjà
remarqué, et où les évêques étaient comme
princes de l'empire; ou parce que les souve-
rains pontifes n'ont pas jugé à propos de garder
toujours autant de mesure avec les petits sou-
verains qu'avec les tètes couronnées.
On peut encore remarquer quehjues traces
de celte souveraineté des évêiiues, comtes de
Valence et de Die, dans la transaction que pa^si
avec Louis XI, encore dauphin, celui qui en
était alors évèque (Mémoiresdu Clergé, tom. n,
part. IV, p. 81;.
Je ne dirai rien de la translation de l'èvêché
d'Anbenas (Alba Helvioruniià Viviers, parce
qu'elle est très-ancienne, savoir après que les
Vandales eurent ruiné Aubenas ; en sorte que
le pape Pascal II a confondu les noms de ces
deux villes o Alba, quœ et Vivarium dicilur, »
si ce n'est que le nom d'Albe eût passé à Viviers
avec l'évèchè (Du Chesne, Nolœ in Bibl. Clun.,
p. 123).
X. La fameuse cité de Maguelonne fut ruinée
par le commaiulementde Charles Martel, parce
que les Sarrasins y faisaient de fréquentes des-
centes, et ravageaient tout le voisinage, la ville
de Montpellier n'étant pas encore bâtie Bibliot.
MSS. Labbei, tom. i, p. 796). Les évêques se
retirèrent dans le château de Soustanson, et y
firent leur séjour durant l'espace d'environ
trois cents ans, jusqu'à lévêque Arnaud. Ce pré-
lat, ayant obtenu du jiape Jean XX et des arche-
vê(iues et èvè()ues voisins de fort grandes indul-
gences, et la liberté même à tous les pénitents
d'entrer dans l'Eglise, et d'y participer à toutes
les choses saintes, excepté à l'eucharistie, s'ils
contribuaient de leurs biens pour la réparation
de l'église de Maguelonne , la rebâtit et la
dédia. Sou successeur y établit des chanoines
Tu. — TojiE I.
Si
35-2 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SEPTIÈME.
réguliers (l'.ibliot. MSS. Labbei, tom. i, pag.
79(1). Nos rois lui donnèrent des fiefs considé-
rables; Montpellier en était un, qui n'était qu'à
une demi-lieue du château de Soustanson ou
de Melgor (Ibid., tom. iv, pag. 800). Au temps
du roi Louis VII, Montpellier appartenait déjà à
l'évêque de Maguelonne, et il en faisait hom-
mage à nos rois [Marca, de Concord., 1. ii, c. 3,
n. i, 3;etLiv, c. 13, n.5).EnfinlepapePauIIII
transféra l'évêché de Maguelonne à Montpel-
lier, l'an l."^i3(), à la demande du roi, comme
les bulles mêmes le témoignent
XL L'évêché de Pamiers fut érigé par le pape
Boniface VllI dans l'abbaye des chanoines ré-
guliers de Saint-Antonin du même lieu, dont
l'abbé était seigneur temporel, et fut lui-même
élevé à l'épiscopat (Rainald., an. 129.5, n. 52,
53; et ann. 1299, n. 25). Ce pape ne tendait ap-
paremment qu'à opposer l'éclat et l'autorité
d'un évêque aux violences qu'exerçaient les
comtes de Foix sur la ville de Pamiers, depuis
que Philippe le Bel en eût retiré la protection
royale, dont ses prédécesseurs l'avaient honorée
à la prière des papes. Mais connue le ]»ape
n'avait pas pris l'agrément du roi Pliili|ii)e le
Bel, avant que de faire cette érection d'évêché
(Marca, de Concord., 1. iv, c. 13, n. ult.), ce
prince porta bien loin son ressentiment, à ce
que rapporte Nicolle Gilles, et il fallut que le
pape lui écrivît, pour le prier d'em[)êclier ses
ministres de s'o[i[)oser à l'exécution de son res-
crit, dont il avait chargé l'archevêque de Nar-
bonne (An. 1297).
Benoit XI ayant succédé à Boniface, ce même
roi, entre les autres plaintes qu'il forma contre
la conduite violente de Boniface, et qu'il fit re-
tentir jusqu'à Rome, n'oublia pas celle-ci, que
ce pape n'en avait pas usé comme ses prédé-
cesseurs, (jui ne faisaient ces sortes de change-
ments qu'avec beaucoup de maturité, et avec
l'agrément des princes : « Temporibus san-
ctorum Patrum fit bantdivisionesepiscopatuum
perrarae, etcum causœ cognitione plenaria, et
cum aliqua complacentia regum , patronoi um
et populi, ad tollcndmn scandalum. Temiiori-
bus autem Bonifacii non sic, sed prorsus aliter
(Histoire du ditlerend, etc., p. 212). »
Il a assez paru en diflérents endroits que ce
n'était point par une simple complaisance et
par civilité que l'Eglise demandait le consen-
tement des princes, mais par une nécessité
très-pressante. Lus incivilités, même à l'égard
des souverains , sont d'une exlicuie consc-
quonce. Aussi le roi Philippe le Bel ne put ja-
mais souffrir que Bernard Saisset, que Boniface
avait pourvu de ce nouvel évêché, en prît l'ad-
ministration.
Saint Louis, prince du sang royal, qui venait
d'être élevé à l'évêché de Toulouse, en fut re-
vêtu, et il gouverna ces deux évêchés de l'a-
grément du pape et du roi. Après sa mort, le
roi consentit que Bernard rentrât dans la pos-
session de sa première dignité.
Au reste, le pape Boniface témoigne dans sa
bulle que l'étendue et l'opulence extraordi-
naires de l'évêché de Toulouse l'avaient comme
nécessité à en faire ce démembrement , dont
le pape Clément IV avait déjà autrefois formé
le dessein (Nicol. Gille. Chron. Nangii, an.
1296, 1298).
XII. Les suites funestes de l'insulte que Phi-
lippe le Bel prétendit avoir reçue par l'érection
de l'évêché de Pamiers sans son consentement,
sont autant de preuves constantes que le pape
Jean XXII n'entreprit la continuation du même
démembrement de l'évêché de Toulouse , et
la création de quatre évêchés nouveaux, sa-
voir : Montauban , Saint - Papoul, Lombez et
Bieux, qu'avec le consentement de nos rois,
quoiqu'il n'en soit rien exprimé dans ses
bulles (Extrav. Commun., I. ni, tit. u, c. 5,
6,7).
Il faut faire le même jugement des évêchés
de Lavaur, de Vabres, d'Alect, de Saint-Pons,
de Castres, d'Agen, de Condom, de Tulle, de
Sailat, de Saint-Flour, de Maillezais et de Lu-
çon, qui furent érigés par ce même pape (Rai-
nald., an. 1317, n. 12).
Il y a sujet d'admirer la modestie de nos rois,
qui abusèrent si peu de la bonne intelligence
où ils vivaient avec les i>apes d'Avignon, et du
crédit qu'ils avaient auprès d'eux, qu'ils ne
demandèrent pas même que dans la création
d'un si grand nombre d'évêchés, il fût fait
mention de leur consentement.
Dans les derniers siècles on a usé de plus
de circonspection, et on a exprimé ce consen-
tement, pour prévenir toutes les fâcheuses
conséquences.
On peut voir dans les mémoires du clergé
(Tom. I, c. 2), les bulles d'Urbain VIII, en 1631
pour la sécularisation du monastère de Mail-
lezais, pour l'érection d'un chapitre séculier à
Fontenay-le-Comte, où l'on voulait transférer le
siège épiscopal de Maillezais, et la bulle dTn-
noccnl X, en 1C4S, pour la Iranslalioa de l'évè-
DE l/INSTITUTTON DES NOUVEAUX ÉVÉCHÉS.
3-23
ché de Maillezais à la Rochelle , au lieu de
Fontenay-le-Comte. Mais on y voit aussi le
consentement et la ileinande même de nos rois
Louis Xlll et Louis XIV (1).
(1) De très-grayes changements sont survenus en France sur cette
matière, depuis la réïolution. Par l'article 3 du Concordat, il fut con-
venu entre le Saint-Siège et le gouvernement français, que les U
sièges épiscopaui de l'ancienne Fiance, y compris ceux de la Corîe,
du Comtal-Venaissin, de Bethléem, résidant à Clamecy, dans le Ni-
vernais, seraient supprimés, et qu'à leur place on en éublirait de
nouveaux. Tel fut l'objet de la bulle 0"> CArisli iJomtni tiices, don-
née le 3 des kalendes de décembre 1801. Après avoir anéanti tous ces
anciens titres èpiscopaux ou archiépiscopaux, par le même acte sou-
verain, le pape en créa cinquante nouveaux, à chacun desquels il
donna un patron titulaire et un chapitre, assigna pour doution le
trailemeni promis par le gouvernement, et pour territoire, la circons-
cripUon civile duo ou plusieurs départements. Par ses décrets publies
le 2 avril 1802, le cardinal-légat fit à chacun des sièges enges, 1 ap-
pUcauon de la bulle. Voici leurs noms : Agen, Aix, Ajaccio, Amiens,
Angers. Angouléme, Arras, Autun, Avignon, Bayeui, Bayonne,
Besançon, Bordeaux, Bourges, Cahors, Cambrai, Carcassonne, Cler-
mont Coutances, Digne, Dijon, Evreui, Grenoble, Limoges, Lyon,
Meau'i, Le Mans, Mende, Metz, Montpellier, Nancy, Nantes, Or-
léans Paris, Poitiers, Quimper. Rennes, U Rochelle, Rouen, Saint-
Brieu'c, Saint-Flour, Séez, Soifsons, Strasbourg, Toulouse, Tours,
Troyes, Valence, Vannes, Versailles.
Le Concordat de 1817, passé entre Pie Vil et Louis XVin, avait
pour but de rétablir l'ancienne circonscripUon ecclésiasUque, suppri-
mée par celui de 1801. Les Chambres législatives repoussèrent ce
traité. Cependant, en 1821, elles votèrent les crédits nécessaires pour
être employés à la dotation de trente sièges nouveaux. Une ordon-
nance rovale du 19 octobre 1821, rendue en exécution de cette loi,
porte que le roi s'est concerté avec le Saint-Siège pour savoir queU
seront dans les nouveaux sièges, ceux qui auront les droits et le
titre d'archevêchés, et ceux qui seront sufTragants, et queUe sera leur
circonscription. Il n'est pas parlé de leur érection, parce qu'elle avait
été faite par la bulle publiée à la sni'e du Concordat de 1817. Aussi,
dans cette circonstance, le pape n'adressa aux nouvelles Eglises que
de simples brefs, qui sont rendus civilement exécutoires par I ordon-
nance royale susmentionnée. Voici quels furent les nouveaux sièges :
du 19 octobre 1821 : — Chartres, Luçon, Nimes, Perigueux, Reims,
Sens- du 31 octobre 1822, exécutoire d'une bulle du 10 octobre de
la même année : - Alby, Aire, Auch. Beauvais, Belley, Blois, Chà-
lons-sur-Matne, Fréjus, Gap, Langres, Marseille, Montauban, Mou-
lins Nevers, Pamiers. Perpignan, Le Puy, Rhodez, Saint-Claude,
Saiiî'-Dié, Tarbes. Tulle, Verdun, Viviers. Dans les érections de
18''1 Avignon, déclaré évéchè en 1802, reprit son litre de métro-
pole.' qui lui avait été conféré par Sixte IV, à la fin du quinzième
Le gouvernement de Louis-Philippe fit ériger, en 1838, l'évéché
d'AWer et en 1855, Napoléon 111 fit démembrer le déparlement de
la Moyenne du diocèse du Macs, et, d'accord avec lui. Pie DC créa
révéciiê de Laval. Pour compléter cette matière, il tant due que
furent alorî érigés les trois évéchés coloniaux de Basse-Terre, dans
U Guadeloupe, de Saint-Pierre et Fort-de-France dans la Marti-
nique et de Saint-Denis dans nie de la Réunion.
En vertu du Concordat de 1801, la nominauon des eveques est
faite par le chef de l'Etat, dar.s les trois mois qui suivent la vacance
du Mép<». Cewnnant. si da-^s =e« agT3n1i?=eTn»n's success-fs la
France s'annexait quelque province où U nomination aux évecbéi
n'appartient pas au souverain, alors l'empereur, ou le roi, ou la
président de la répuWique, ou le consul de la France, aurait besoin
d'un induit particulier pour pouvoir nommer aux évécliés de cette
province. C'est ainsi qu'en agit Clément XIV en publiant un induit
qui concédait à Louis XV et à ses successeurs le droit de nominaUon
aux évéchés de l'Ile de Corse, nomination qui n'appartenait pas au
souverain de ce pays. En ce qui concerne Nice et la Savoie, an-
nexées à la France en 1860, le souverain français n'a pas besoin
d'un induit parce qu'il a succédé au roi de Piémont, qui avait droit
de nomination aux évéchés de ce pays. Aussi Napoléon Ul nomma
directement, peu après, l'évéque d'Annecy. Les évéchés de Saint-
Jean-de-Maurienne et de Tarentaise, en Savoie, furent réublis par
le pape Léon XU, sur la demande du roi de Sardaigne. Le titre mé-
tropolitain de ce dernier siège fut transféré à Chambéry.
Ce n'est pas ici le lieu de faire ressortir les graves inconvénients,
les dangers même qui découlent, surtout dans notre époque où l'Etat
n'a pas de religion et doit être athée comme la loi, ainsi qu'on l'a
déclaré, des nominations aux évéchés faites par le pouvoir laïc, dont
les chefs, depuis la révolution, se sont succédé avec des attributions
et des noms divers, ayant pour ministres des juifs, des protestants,
des socialistes, des renanistes. Nous constatons seulement ce qui est,
et nous adhérons avec obéissance à un état de choses aussi défeo-
tueui, mais que le Saint-Siége approuve et reconnaît. Cependant
l'art. 17 du Concordat garantit un peu l'avenir en disant que dans le
cas où quelqu'un des swcesseurs du premier consul ne sérail pat
catholique, la nomination aux éuéchés sera réglée, par npport à
lui, par une nouvelle convention. L'article 9 du Concordat de Bavière
de 1817 dit : Pontifex concedit régi ejusgue successonbus culho-
ticis polestatem nominandi tantum dignos idoneosque ecclesiastkos
ad sedes meiropolitanas et episcopales vacantes vel vacaturas. Cet
article est parfaitement semblable aux articles 4 et 5 du Concordat
français Une légère différence se montre dans lartiae 28 du Con-
cordat conclu en 1818 entre Pie VII et Ferdinand Ivr, roi deN,iple»:
Sanclitas sua concedit régi ejusque cathoiicts successonbus JX-
DULTUit nominandi dignos et idoneos ecclesiasltcos viros ad
omnes illas archiépiscopales et epùcopales Ecclesias, ad guas Ma-
jestas sua jure nommandi SOXDUil gaudebat.
L'article 5 du Concordai conclu, en 1821, entre le Sainl-Siege et
la Prusse est d'une haute importance. Il consacre le droit anUque et
n'a plus inen de commun avec les autres Concordats pour cette grave
question : Capitulis facuUas tribmtur, ut in singulis illarum se-
dium vacalionibus infra consueti trimestris spatxum dignilufs et
canonici capitulnriter congregati novos antistites ex ecoesiasliaa
quibuscumque viris regni Borussici incolis ad formam SS. canonum
etigere possint ; ad quas tlectiones jus suffragii habebunt canonict
tam numerarii quam honorarii qui electi, si de eorum xdoneilate
constilerit, a Romano Ponlifice per litteras aposlolicas confirma-
buntur. L'article 4 du Concordat conclu eu 1828, avec les Pays-Bas
pour la Belgique diffère peu du précédent : In vacatxombus sedis
archiepiscopalis vel episcopalium , capitula illarum EccleMarum «
candidatis, de quorum nominibus prias rex certior factus fueni, et
auos régi gratos cognoverinr, nrchtepiscopum vel episcopum ellgant.
En ce qui concerne lEspagne et l'Autriche, les nouveaux Concordats
donnent aux souverains le droit de nominauon aux eveches.
iDr A.SDRÉ-^
3U DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
DE l'Érection des nolveaux évêchés hors de la frange, après l'an yut.
I. Les mêmes règles furent obiervées dans l'i^ircction des
nnuvenin évccliés, cl dans les Iranslations des anciens en An-
gitlerre. exemples sous I.anfranc.
II. Exemples sous saint Anselme.
III. Des évècliés érigts par Uenii VIU.
IV. Exemples en Irlande.
V. En Suéde.
VI. En Alieuiagne.
VII En Livnnie et en Danemark.
VIII. Nouveaux exemples en Allemagne.
IX En Hongrie. Evèchés érigés par le roi, comme légat
apostolique.
X. En Italie.
XI. Denx cathédrales sous un seul évèque.
XII. En Espagne.
X'II. En Afri(iue.
XIV. Translation du chapitre de Liège, sans transférer l'é-
vèché.
XV. Erection de l'évêché de Bethléem dans la Palestine.
I. Si nous passons de France en Angleterre,
nons y verrons bien éclater les mêmes vérités
it les mêmes maximes, mais non pas toujours
le même respect envers le Saint-Siège.
La province d'Essex ayant été sept ans sans
é\ê(|iies, le pape Formose en témoigna son
jll^i(' ressentiment (Guillelmi Malmesbur. ,
pag. 47), et aussitôt le roi Edouard assembla
Fon concile national en 904, ou les Etats de
son royaume « Synodum senatorum gentis
Anglorum , » y fit présider Tarchevèque de
Canlorbéry, y élut avec les évêques cinq évè-
qiics. ou ]ilulôt il y créa cinq évêchés, au lieu
de d jux iiu'il y avait; il en ajouta ensuite deux
autres, et fit confirmer par le pape ces nou-
veaux établissements, afin de les rendre à l'a-
venir irrévocaliles. « Rex et episcopi elegerunt,
et consliUierunt sirgulos episcopos, et quod
olim duo babuerim', in quin(|ue diviserunt, etc.
Sed et ali.'s p'oviiiciis constituit duos episco-
jios, etc. Hoc tolum papa firmavit, ut dainiia-
relur in perpetuuni, qui hoc infumaret decre-
tuni. B
1° 11 parait (jue le pa[)e ne se mêla d'abord
de la création de ces nouveaux évêchés que
parce que les métropolitains, les conciles pro-
vinciaux et les rois négligeaient de faire leur
devoir, et de pourvoir aux besoins de l'Eglise;
2° ce fut le roi et le concile qui érigèrent ces
nouveaux évêchés; 3° on en demanda la confir-
mation au pape pour donner une immuable sta-
bililéàcenouvelétablissement. Voilà parquelles
voies la création des évêchés commençaità tom-
ber entre les mains des souverains pontifes qui
suppléaient à la néjiligence des archevêques,
et qui seuls pouvaient faire que leurs décrets
fussent irrévocables aux archevêques futurs.
Ce fut aussi dans un concile national d'An-
gleterre, en 1073, que le bienheureux arche-
vêque Lanfranc, de Cantorbéry, transféra les
sièges de trois évêques de trois villages dans
autant de villes, qui furent Chester, Chichester
et Saliîbury, avec l'agrément du roi et du con-
cile : « Concessum est regia munificentia, et sy-
nodi autoritate (VitaLanfranc.,c. 1-2). » Comme
le roi ne s'était pas expliqué sur quehiues autres
de même nature, on attendit qu'il fût de retour
d'outre-mer pour savoir ses intentions. « De
quibusdam, qui in villis, seu vicis adhuc dege-
bant, dilalum est usque ad régis audieutiarn. »
IL Saint Anselme, successeur de Lanfranc
dans l'archevêché de Cantorbéry, écrivit au
pape Pascal II |»our qu'il confirmât la division
qu'il voulait faire de l'évêché de Lincoln. Ead-
mer en parle en ces termes : « Anselmus sciens
pra?ter consensum et Romani ponlificis auto-
ritatem , novum episcopatimi nusquam rite
institui posse, scripsit ei sic (Eadmerus, Hist.
Nov., 1. IV). 1)
Saint Anselme dans sa lettre assure ce pape
1° que l'étendue de cet évêché est si vaste qu'un
seul évêque n'en peut rem|)lir tous les devoirs;
2° que les revenus sont suffisants ])Our deux
évêques ; 3° que Tévêque de Lincoln y con-
sent ; 4° que l'abbaye d'Hèly peut être très-
commodément érigée en évêché ; 5° que le
roi, les évc(|ues, les grands, enfin toute l'An-
gleterre souhaite ce partage, comme très-utile
à l'Eglise. « Rex, episcopi, principes, et alii
rationabiles et religiosi viri regni Anglo-
rum, etc. Ad utilitatem Ecclesiœ consilium
DE L'ÉRECTION DES XOlTEArX ÉVÉCFIÉS HORS DE LA FRANCE.
325
est, efc. ; » 6° que In confirmation du pape est
nécessaire pourôter aux siècles à venir le pou-
voir lie changer ce qui aura été si sagement
résolu. « Ut cum apostolico assensu fuerint
confirmatœ dispositiones, nuUa praesumptione
a posteris, qux salubriter statutœ sunt, queant
violari ; sed ratœ i)ermaneant in peri)et\iuni, efc.
Quod pro utilitate Ecclesiae sic dispositum est,
vestra autorilate in perpetuum roboretur : ne
a posteris ulia prœsuniptione, quod bene sta-
tutum fiierit, violetur ( Conc.^ tom. x, p. 708 ). »
On peut lire plus au long entre les notes de
Jean Selden sur Eadmer, les actes de l'évècbé
d'Hély, érigé connue nous venons de le dire.
Voilà encore de quelle manière l'autorité du
pape ne s'est nullement ingérée , mais a été
implorée pour donner une stabilité irrévo-
cable aux résolutions des conciles et des rois
sur ces nouveaux établissements; etensuite on
l'a fait intervenir pour faire elle-même ces
établissements du gré des princes et des pré-
lats. Mais voilà aussi comme il faut entendre
ce que disent Matthieu Paris et Matthieu de
Westminster , que le roi Henri flt un évèché
de l'nbbaye d'Hély : « Rex Henricus abbatiam
Eliensem in episcopalem sedem commutavit
(An. 1109). »
Ces expressions qui donnent aux rois les
actions d'éclat et d'autorité, n'en excluent pas
les évêques , ni le pape. C'est donc ainsi
qu'il faut entendre ce que le même Matthieu
de Westminster raconte ailleurs ( An. 1131 ),
que le roi Henri érigea le nouvel évèché de
Carliste, et en fit évêque son confesseur , qui
était le prieur de saint Oswald ( An. 104) , et
ce que dit Paris. (]ue l'évêijue de Tlieodford
étant revenu de Rome, où il avait remis entre
les mains du pape cet évèché acquis par un
trafic simoni:que, et l'avait ensuite reçu de la
grâce du Siège apostolique , il transfera son
évèché à Norwik.
l\\. Dans le siècle dernier le roi Henri VIII
d'Angleterre entreprit d'ériger six évêchés nou-
veaux pendant sa séparation d'avec 1 Eglise ro-
maine. Le cardinal Polus, qui fut envoyé légat
en Angleterre pour la réconcilier au chef véri-
table de l'Eglise, au commencement du règne
de la reine Marie, jugea par une prudente dis-
pensation, qu'il fallait confirmer cette érection
irrégulière, il la confirma, et la fit encore con-
firmer au pape Paul IV (Sponde., an 1554 ,
n. 4 ). Tout cela se faisait du gré de la reine
Marie.
IV. En Irlande le roi , le frère du roi et les
évê(|ues jugeant iju'une ville aussi peuplée que
celle de Waterford ne pouvait |)liis se passer
d'évêque , en élurent un (ju'ils envoyèrent
à saint Anselme comme à leur primat, et
comme à un légat du Saint-Siège , afin qu'il
autorisât cette création d'un évèché nouveau ,
et cette élection qu'ils avaient faite (Eadmer.
Ilist. \ov., Lu). « Rex cum episcopis et quiqne
nobiles cum clero et populo, miserunt ad An-
selmum, petentes , quatenus primatus, quem
super eos gerebaf, potestate, etquafungebatur
vicis apostclicse autoritate , necessariœ ple-
bium utilitali subveniret, etc. (Conc. Angl.,
tom. H, p. 20). »
La lettre fut signée du roi, de son frère, des
évêques et ensuite des autres. Saint .Vnselme
satisfit à leur demande, et consacra rêvêc]ue
qu'ils avaient élu. Le roi Henri III, touché de
l'extième ptuvreté de l'évêché de Waterford et
de Lismor, consentit à leur union , si le pape
voulait interposer son autorité pour cela (Cons-
titut. Anliq. Reg. Ang.. p. 80).
V. Le roi de Suéde Olaph qui en fut aussi
l'apôtre fonda l'évèché de Scara, mais ce ne
fut pas sans l'entremise de l'archevêque d'Ham-
bourg Vuvan, légat du Saint-Siège, qui y or-
donna un évêque à sa prière. « Petente rege
ordinatusest ;Baronius, an. 1028, n. 8.» Ce zélé
et fervent légat ne l'eût pas souffert autrement,
lui i]ui avait autrefois mêlé les reproches aux
congratulations, lorsque le grand roi Canut
de Danematk eut remporté des victoires fort
signalées sur l'Angleterre, mais qu'il eut en
même temps emmené des évêques anglais,
et leur eut commis les divers'"s provinces de
sou Etat (Adam., 1. m, c. 41). Ce roi victorieux
effaça en quelque façon la gloire de ses armes,
par celle de la modestie et de l'humilité avec
laquelle il reçut cette correction (Baronius, an.
1016, n. 3). Il fit de son censeur son meilleur
ami et son ministre d'Etat. « Congratulatus est
ei de rébus bene gestis in Anglia, sed corripuit
eumde pr£esumptioneepiscoporum,quos trans-
tulit ex Anglia. Quod rex gratanler accipiens,
ita postmodum conjunctus est archiepiscopo,
ut ex sententia ejus oninia deinceps facere ma-
luerit [Adam., 1. ii, c. 38). »
Ce généreux prélat savait que le pouvoir
d'établir des évêques était un fruit de sa léga-
tion. En effet il se saisit d'un de ces évêques
anglais, et ne le lâcha qu'après lui avoir fait
promettre la fidélité et l'obéissance cauoui-
326 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
que à l'Eglise d'Hambourg. « Fidelitatem Ham-
burgensis cathedrae cum subjectione debitam
spondens, familiarissimus deinceps archiepi-
scopo factus est. » Après cela il fit de son pri-
sonnier son meilleur ami.
VI. L'archevêque et légat d'Hambourg Adal-
bert n'exerça pas avec moins de vigueur sa
légation, qui s'étendait sur toutes les nations
septentrionales. Il établit neuf évêques en Da-
nemark , six en Suède , deux en Norvège , un
aux Orcades, un en Islande; il était toujours
accompagné de quatre ou cinq évêques , et il
lui échappait quelquefois de dire qu'il n'avait
que deux maîtres, le pape et l'empereur.
Aussi il ne craignit point d'ériger quelque-
fois des évêchés contre la volonté des rois,
quand il jugea que leur refus était aussi préju-
diciable à leur conscience, qu'aux avantages de
l'Eglise (Baron., anno 1067, n. 17). a Adeo ut
per totum aquilonem, in quibus locis oppor-
tunum videbatur, sacpe invitis regibus episco-
patus constitueret, ordinaretque episcopos, ex
capella sua, quos vellet electos (Adam., I. A,
c. 46). » Cebit en un temps où tous ces rois
du Nord vivaient dans quelque dépendance
des empereurs (Helmo., 1. i, c. 22). Heimode
dit qu'Adalbert ayant la confiance du pape et
de l'empereur, voulut ériger douze évêchés, et
en être le patriarche : qu'il attirait auprès de
lui tous les ecclésiastiques de mérite, et les
ordonnait évêques pour les nations voisines,
flxant le séjour des uns, et n'en déterminant
point aux autres. «Quosdam locans certis sedi-
bus, quosdam incertis. »
Le même Heimode, qui était un curé du
paysd'Holstein, et qui écrivit environ l'an 1140
la chronique des Esclavons, à la prière de
Gérold, qui fut ledernier des évêques d'Aldem-
bourg, ayant été transféré lui et l'évêché même
d'Aldembourg à Lubeck : Heimode, dis-je, ra-
conte comment y ayant déjà eu dix évêques à
Alilembourg (Helniod., 1. i, c. 69), Adalbert ar-
chevêque de Hambourg partagea cetévêchéen
trois, en créant un évêque à Ratzembourg et
un autre à Mekelbourg. L'apostasie générale
des Esclavons, dont la conversion n'avait pas
été sincère, fit que ces évêchés demeurèrent
sans évêques pendant l'espace de quatre-vingt-
quatre ans, en commençant en 1006.
Depuis, comme les Eglises se furent rétablies
et beaucoup étendues dans le Nord, Harwic,
anlR'vé(|ue de Hambourg, n'ayantpu obtenirde
rcni|iureur et du pape , que les évêchés de
Danemark , de Norvège et de Suède relevas-
sent selon leur première institution de la mé-
tropole d'Hambourg; « Cnmobsequiisetvariis
largitionibus nihil profecisset ajiud Papani et
Cipsarem, » il jugea que la manière la plus
innocente qui lui restât d'avoir des suffragants,
était de mettre des évêques dans les lieux où il
y en avait eu autrefois. Il consacra donc des
évêques à Aldembourg, à Ratzembourg et à
Mekelbourg. Vicelin fut fait évêque d'Aldem-
bourg dans THolsace. Mais comme cela se fit
sans en donner avis ni au duc, ni au comte ,
a Facta sunt haec inconsulto duce et comité
nostro, » ce fut là une source de mésintelli-
gences et de dissensions. Le comte saisit les
dîmes , le duc refusa ses bonnes grâces et sa
protection à l'évêque Vicelin, s'il ne recevait
de sa main l'investiture de son évêché. L'évê-
que ne put d'abord s'y résoudre. 11 consulta
l'archevêque de Hambourg , qui l'en dissuada
encore davantage. Mais la nécessité où il se
trouva réduit, lui et son Eglise , fut un argu-
ment convaincant, qui le persuada de s'abais-
ser à cette investiture , qu'il avait désiré ne
recevoir que de l'empereur ( Ibidem, c. lxx).
Le duc et le comte après avoir reçu de lui
cette satisfaction , lui rendirent la meilleure
partie des biens et des honneurs de son Eglise
(Ib., c. Lxxxix). Gérold, successeur de Vicelin,
transféra son évêché d'Aldembourg à Lubeck ,
par l'autorité seule du duc , sans que l'empe-
reur s'en mêlât , parce que les ducs avaient
conquis eux seuls le pays sur les infidèles , et
fondécesévêchés ( Arnold. Lubecen.,1. IV, c. 24).
L'évêché de Mekelbourg fut tranféré à Suve-
rin, de crainte des courses des Esclavons; Ber-
non, premier évêque de Suverin , mourut en
1 l'Jo. Les ducs de Saxe eurent le même pouvoir
dans l'Eglise de Suverin que dans celle de
Mekelbourg.
VII. Ce fut encore l'archevêque de Brème
ou de Hambourg Harwic, qui donna la mission
et la consécration épiscopale au premier évê-
c|ue de la Livonie, qu'on appela depuis évêque
de Riga ( Baronius, an. 1186, c. xx ). Ce fut
Meynard , qui de missionnaire apostolique fut
fait évêque.
Comme les rois du Nord devinrent avec le
temps plus jaloux de leur autorité , et ne vou-
lurent plus relever delà primatie de Hambourg,
qui était un membre de l'empire (Arnold. Lu-
becens., l.vi, vu, vui, xi); le pape Innocent III
fut prié de créer deux nouveaux évêchés dans
DE L'ERECTION DES NOUVEAUX ÉVÉCHKS HORS DE FRANCE.
3-27
le Danemark, en des lieux nouvellement con-
viTtis. « .\o>tro fuit ;ipo>toIatui supiilicaluni,
ut par episcopaiis dignitatis insi^nia, etc. »
Ce pape commit l'arclievctiue de Luden pour
examiner si cette érection d'évècliés était né-
cessaire (Regist. XVI, Epist. cxx). « Si (juaiitas
locorum poposcerit, ac facultates sufficiant, et
expedire videritis : » pour la faire ensuite au
nom du Saint-Siège « autoritate nostra. »
VIII. Ce même pape Innocent III pressé par
l'archevêque de Salzbourg, d'ériger un nouvel
évèché dans l'île de Cbiemse, et d'y rattacher
deux abbayes de la même île, délégua des
examinateurs, pour l'informer si l'archevêché
de Salzbourg était en effet si étendu, que le
partage en parût ou nécessaire, ou fort inutile
(Regist. XVI, Epist. lxvi) ; si le chapitre de Salz-
bourg en demeurait d'accord ; si l'un de ces
deux monastères était aussi déréglé qu'on le
disait : et si les chanoines réguliers de l'autre
voulaient bien passer dans cette nouvelle ca-
thédrale; enfin si les revenus et le ressort du
nouvel évèché étaient considérables.
Nous avons déjà dit ailleurs, comment l'em-
pereur Henri fit ériger l'évêché de Bamberg
par un concile de Francfort, sans avoir éganl
aux oppositions visiblement déraisonnables de
l'évêque de Wirsbourg, dont on démembrait
l'évêché (Baron., an. 1000, n. I ; 1019, n. 2).
Ce que ce prince fit ensuite confirmer par le
pape Jean XVII (Conc, tom. ix, p. 784).
Ces deux derniers exemples font voir que ce
fut au onzième siècle , que l'ancien usage
changea, et que les archevêques et les conciles
commencèrent à demander au pape non-seule-
ment la confirmation, mais aussi l'érection des
évêchés nouveaux. Car il ne faut pas s'imagi-
ner qu'Innocent III ait été le premier à qui
l'archevêque de Salzbourg ait eu recours pour
la création d'un nouvel évèché (Baron., an.
1070, n. ult.; D. xi, Ep. lxxvii). Un de ces pré-
décesseurs avait fait une pareille demande au
pape Alexandre II et avait ensuite par ses or-
dres érigé l'évêché de Carinthie, ayant eu bien
de la peine à y taire consentir le roi Henri. Le
pape Grégoire VII blâma cet archevêque de
n'avoir point fait de part des dîmes à ce nou-
\el évêque. D'où nous apprenons une utilité
nouvelle de faire intervenir le Siège aposto-
li(iue.
Le pape Innocent III fut prié par le duc
d'Autriche d'ériger un nouvel évèché à Vienne,
à cause de l'excessive étendue de celui de Pas-
sau. Ce pape en écrivit à l'évêque même de
Tassau, (jui le désirait aussi (Regist. x, Epist.
lu). La lettre de ce pape témoigne que Vienne
était dès lors une très-belle ville, et qu'il y
avait eu autrefois un évèché qu'on avait trans-
féré à Lork , et de Lork à Passau.
IX. Je passe d'Allemagne en Hongrie, où le
roi saint Etienne ayant fait le projet de dix
évêchés, et de l'archevêché de Strigonie, en
envoya demander la confirmation au pape, qui
le revêtit de la qualité de légat apostolique ,
conmie très-convenable à celle de l'apotre de
Hongrie, qu'il possédait déjà avec tant de jus-
tice (Baron., an. 100-2, n. 9, 10).
« Provinciam in decem episcopatus distri-
biùt quorum metropolim et magistram esse
voluit Ecclesiam Strigoniensem, etc. Misit a
Pétri Apostolorum princi|iis successore petitu-
rum, ut Strigoniensem Ecclesiam sua autori-
tate metropolim constitueret , reliquos episco-
patus sua benedictione muniret, etc. Pontifex
precibus annuit, crucemi|ue ante regem, ceu
apostolatus insigne, gestandam adjimxit. Ego,
iniiuieiis, sum apostolicus, at ille merito Christi
Apostolus dici potest. cujus opéra tantum ])0-
pulum sibi Cliristus acquisivit. Atque ea causa
quemadmodum divina gratia ipsum ùocebit ,
Ecclesias Dei una cum populis nostra vice ei
ordinandas relinquimus. » Ce sont les paroles
de l'évê(iue Catuvic, dans la vie de ce saint roi
(Surius , die xx .\ugust., c. vu, vni).
Ce fut donc en qualité de légat du Saint-
Siège , que ce saint roi érigea tant d'évècliés et
de métropoles (Rainald., an. 1223, n. 24, 23);
comme il le dit lui-même dans un privilège
a|iostoli(iue qu'il donna à ime abbaye, qui fut
ra()porté et confirmé longtemps après le pape
Grégoire IX (Rainald., an. 1233. n. 31). Un de
ses successeurs, André , roi de Hongrie , nous
fait remarquer dans sa lettre au même pape
Grégoire IX , que le saint roi Etienne n'ayant
voulu recevoir la couronne royale que de lau-
torité du Saint-Siège, il n'avait garde d'ériger
des évêchés par sa propre autorité : « Sed et
autoritate summi pontificis, qui ipsum vocavit
regem et apostolum gentis nostrae, provincias
per episcopatus distinxit. »
Peu d'années ajirès, Bela, roi de Hongrie, se
disposant à tourner ses armes contre les Bul-
gares, ennemis déclarés de l'Eglise latine,
demanda à ce pape la même qualité de légat
du Saint-Siège , et la inèine puissance de créer
de nouveaux évêchés, qui avait été accordée
328 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CIXQUA?sTE-HllTiÈME.
au roi saint Etienne (Rainalb., an. 1238, n. 11,
etc.). Le pape jngea plus à propos que le roi
nommât un de ses archevêques ou de ses évê-
ques , à qui on donnât tous ces pouvoirs avec
la légation.
Enfin , le même pape Grégoire IX nous
apprend dans une de ses décrétales que l'ar-
chevêque de Colocza en Hongrie ayant institué
un nouvel évèché , Tarchidiacre dans le ressort
duquel était la paroisse dont on avait fait une ca-
thédrale, exccrçait encore sa juridiction sur cet
évêque même par une audacieuse présomption
que ce pape condamne (C. Cum infcrior. De
majoritate et obedientia). 11 est visible après
tant d'autres exemples, que cet archevêque ne
fonda cet évêché que de l'autorité du Snint-
Siége. Pie II refusa à Thomas, roi de Rosnie,
la puissance qu'il lui demiindnit d'ériger de
nouveaux évèchés, parce que Matthias, roi de
Hongrie, de qui relevait aussi la Bosnie, s'y
opposait (Rainald.. an. 1460, n. 91).
X. Nous avons rapporté ci-dessus le pouvoir
que le pape Adrien IV, donna au patriarche
de Grade (an. 1 137), de créer de nouveaux évè-
chés pour les Vénitiens, dans tous les endroits
de l'empire de Constantinople, où les Vénitiens
auraient plusieurs Eglises et formeraient un
peuple considérable. Nous avons aussi rapporté
le décret du pape Innocent 111 et du concile de
Latran(Conc.,tom.x, p. 1173), qui permet aux
évc(iues latins qui ont dans leurs diocèses des
peu[)les entiers d'une autre langue de leur or-
donner un évêque de leur nation, qui relève de
lui, comme son vicaire-général et comme son
sufTragant { C. Quoniam. De officio Judicis
Ordi.).
Bien que l'autorité du pape règne plus souve-
rainement dans l'Italie, que dans les royaumes
dont nous venons de parler, voici néanmoins
un exemple qui montre que celle des empe-
reurs et des évêques n'y était pas entièrement
offusquée. Ditmar raconte comment l'empereur
Henri I érigea l'évêché de Dobbio dans le Mi-
lanais, où reposait le corps de saint Colom-
ban, avec l'agrément des évêques de la pro-
vince , qui jugèrent cet établissement nécessaire
( Baron., an. 1014. n.).« Communi consilio
et licentia comprovincialium espiscoporum,
quia summa nécessitas , etquaîprœcellitChristi
charitas ad hoc instigavit. »
L'évêché d'Alexandrie, dans le Piémont, fut
érigé par le pape Alexandre 111 , mais ce fut a
la demande de l'archevêque de Milan, des évê-
ques comprovinciaux et des magistrats (Baron.,
an. H76, n. 12) : «Ad postulationem Mediola-
nensis archiepiscopi, et comprovincialium eiii-
scoporum, atque rectorum civitatum Loni-
bardise episcopatum instituit. » Ce pape jugea
peu après plus utile, de transférer l'évèque et
l'évêché d'Acqui à Alexandrie, et de deux évè-
chés de n'en faire qu'un, lien commit l'exécu-
tion à l'archevêque de Milan, qui en était le
métropolitain (Baron., an. 1180, n. 3).
Voici comme cet archevêque en parle dans
sa lettre aux Alexandrins : « Sane cum a domino
papa acceperimus in mandatis, ut Aquensem
episcopum una cum sede sua in civitatem
vesfram transferremus, id curavimus effectui
mancipare. »
XI. Ces deux cathédrales et leurs chapitres
réunis sous un seul évêque, ne tardèrent guère
à se brouiller. Le pape Innocent 111 régla
leurs diSérends en cette sorte, que l'évèque
partagerait sa résidence entre les deux Eglises,
même aux jours les plus solennels de l'année :
qu'il traiterait les affaires de chaque Eglise et de
chaque ville, avec son clergé propre et avec les
magistrats particuliers de chacune, qu'il ne
prendrait que la qualité d'évêque de la ville où
il résiderait alors, et dont il traiterait les affaires;
que l'élection des nouveaux évêques se ferait
par les deux chapitres assemblés (Rainald.,
an. 1206, n. 39, 40).
J'ai cru que le récit de cette composition ne
serait ni inutile, ni désagréable au lecteur ;
puisqu'il y a ailleurs un si grand nombre
d'évèchés unis. Le pape Pascal II supprima
l'évêché de Lavellano dans le royaume de
Naples, et le réunit à celui de Mel|)he, pour ne
pas laisser ternir l'épiscopat dans l'obscurité
d'tm village. « Magnum enim est Ecclesiœ de-
trimentuin, cum episcoporum nomen ac di-
gnitas infrecjuentia inopiaque vilescit (Con.,
tom. X, p. 693, 1013). 11 est à croire que ce fut
pour la même raison que le pape Eugène 111
réunit l'évêché de Velletri avec celui d'Ostie et
(le sainte Rufine.
S'il est surprenant qu'un évêque se partage
entre deux villes et deux cathédrales, il n'est
pas moins étrange que dans une même ville,
on voie deux cathédrales qui partagent leur
archevêque, et qui n'en font qu'une et un
chapitre. C'est néanmoins ce qu'on voit à
Besançon depuis l'an 1234, que le pape Inno-
cent IV le régla ainsi, comme il paraît dans
Ihistoire de l'abbaye de Touruus. Tant il est
•
DE L'ÉRECTION DES NOUVEAT'X ÉVECHÉS HORS DE LA ER.VNCE.
329
vrai que Irs bizarres conjonctures des temps et
des allaires arradient des plus sa;;es des réso-
lutions irrég^ullères (Pag. 170, etc., et par. i,
pag. 341, etc.).
On peut encore mettre dans ce nombre
l'action du pape Jean, rapportée par Léon
d'Oslie. Ayant été surpris par ceux de Capoue
(Clironici. Cassin., 1. i, c. i3;, et ayant ordonné
pour leur évoque un néophyte qu'ils lui avaient
présenté, après avoir injurieusemenl chassé
celui qui avait été éUi fort canoniquement, il
répara sa faute d'une étrange manière en par-
tageant Capoue et tout l'évèché entre ces deux
évê<|ues.
XII. Je viens à l'Espagne où le concile de
Jacca, auquel le roi et les grands assistèrent,
transféra à Jacca le siège éplscopal d'Osca,
qui était tombé dans la servitude des Maures,
avec résolution de rétablir l'Eglise d'Osca dans
son ancienne dignité, dès qu'elle aurait été reti-
rée d'entre les mains de ces barbares (An. lOÔO.
Conc, tom. ix, p. iil2, 1173). Cette disposition
du concile fut confirmée par le pape Gré-
goire Vil, à ce que dit Surita, qui ajoute qu'on
commença à appeler évèque de Jacca ceux
qu'on nommait auparavant évèques d'Aiagon.
Ils conservèrent apparemment ces deux noms,
puisque Jérôme Blanca, parlant d'un concile
qui fut tenu deux ans après, les appelle encore
évêques d'Aragon.
L'institution de l'évèché de Majorque a quel-
que chose de fort singulier (Hi^pan. illus.,
tom. lu, p. 76). Un Sarrasin qui était seigneur
des îles Baléares, les avait données à l'évèque
et au chapitre de Barcelone. Le Saint-Siège
avait confirmé cette donation. L'île et la ville de
Majorque parurent enfin si riches et si peuplées,
qu'on jugea nécessaire d'y ériger un évèché.
L'évèque de Barcelone prétendait que c'était à
lui de faire cette érection. Le roi offrait une
riche fondation, si on lui en cédait la gloire.
Enfin, il fut résolu que le roi nommerait le pre-
mier évèque, et qu'après sa mort, l'éleclion
en appartiendrait à l'évèque et au chapitre de
Barcelone.
Le roi Ferdinand de Castille et de Léon, re-
prenant tous les jours de nouvelles villes sur
les infidèles, le pape Grégoire IX écrivit a l'ar-
chevêque de Tolède de rétablir les anciens
évèchés dans toutes ces nouvelles conquêtes,
et d'agir au nom du Siège apostolique. « Ao-
slra autoritate (Rainai., an. 1-234, n. M.),.»
Apres que le roi l'erdiuaud le Catholique eut
reconquis la ville et le royaume de Grenade
sur les Sarrasins, le pape Alexandre VI commit
l'évèque d'Avila pour ériger Grenade en ar-
chevêché ; Malaca , Gnadix et Almèria en évè- *
elles, selon les intentions et les ordres du roi et
de la reine. « Motu proprio, non ad alicnjus
nobis super iis oblat;r pefilionis instantiam,
sed de nostra mera deliberalione , et ex cerla
scientia , per apostolicascripla mandamus, et "^
cominittimus, etc. Liniitatam diœcesim juxta
consilium et ordinationem régis et regintc
assignes, etc. (Rainai., an. 1493, n. 14). » •
XIII. Il faut finir par l'Amérique, où Pierre
martyr écrivant au pape Léon X raconte que
le Siège aiiostolique avait établi cinq évèchés à
la demande du roi. « Episcopos jam qiiinque
supplicatu regio tua Sedes apostolica novos
erexit (Rainai., an. 1513, n. 110). » On peut
juger de tous les autres par ceux-ci : il ont tous
été érigés dansla vaste étendue de ce Nouveau-
Monde, par le Siège apostolique, à la demande
des rois.
XIV. Nous n'avons traité que de l'érection ,
de la suppression, de l'union , ou de la sépara-
lion des évèchés. Sans transférer l'évèché, le
prince électeur de Cologne prétendit pouvoir
transférer le chapitre de Liège , dont il est
évèque, avec la résidence, les offices et tous les
droits c.ipitulaires , dans une église collégiale
de la ville d'Huy, du même diocèse. 11 était
porté à cela par le refus que ceux de Liège
avaient fait de lui ouvrir les portes de la ville.
Il avait le consentement de seize chanoines.
Clément VI avait autrefois permis à l'évèque
de Liège de transférer ailleurs son siège, à
cause des fréquentes rébellions de cette ville.
Le nonce apostolique confirma ce dessein de
l'électeur (Fagnan., in. 1. v. Décret, part. 2,
p. 34). Mais le doyen et treize chanoines en
ayant appelé au Saint-Siège, l'affaire fut portée
à. Home l'an 1049, où après plusieurs congréga-
tions , le pape Innocent X confirma la transla-
tion faite.
XV. En Orient, Baudouin, frère de Godefroy
de Bouillon , ayant été couronné premier roi
de Jérusalem dans l'Eglise de Bethléem , et .
voulant honorer ce lieu consacré par la nais-
smce du Roi des rois, forma le dessein d'y
ériger un évèché , car ce n'avait été jusqu'alors
qu'un prieuré. « Usque ad illum diein priera- #
tus tanlum fuerat,» dit Guillaume de Tyr ^1. u,
c. 12). U envoya l'archidiacre de Jérusalem •
Arnulphe, a Rome, pour traiter avec le pape <
330 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
Pascal II , et ce pf^pe ayant donné la légation
de la Palestine à Gibelin, archevêque d'Arles, ce
légat fit cette érection de l'évêché de Belliléem
avec le consentement du roi, du chapitre de
Jérur-alem et des seigneurs, en Tan 1110.
Voici comme ce roi en parle dans son édit
(L. XVII, c. ult.) : « Pro pra^cepto Paschalis papœ
et mca bona voluntate, et assensu Hierosoly-
mitani capituli, ac totius favore consilii omnia
(1) Après avoir constaté les changements qui sont survenus dans les
sièges épiscopaux de France, nous allons consigner ici ceux qui re-
gardent les régions mentionnées dans ce chapitre. Et d'abord, en ce
qui concerne l'Angleterre, Pie IX y a rétabli la hiérarchie catho-
lique, pans le consentement, du moins public, du gouvernement tri-
Unnique. Les journaux crièrent beaucoup, mais le gouvernement ne
prie aucune mesure ponr empêcher lexécution de la bulU papale.
Pie IX Téa donc un archevêché à Westminster avec les douze évê-
chés suffragants dont les noms suivent : Souihwark, Beverley, Bir-
mingham, Clifton, Dexham, Liverpool, Newport et Menevia réunis,
Nortampthon, NoUingham, Plymoutli, Salford, Shrewsbury. Il n'y a
pas eu de changement dans l'Irlande , qui est toujours divisée en
vingl-huit diocèses, dont quatre, Armagh, Cashel, Dublin, Tuam.
sont archevêchés.
En ce qui concerne l'Autriche, voici comment sont actuellement
fixés les sièges épiscopaux. Dans la province de Vienne, nous trou-
vons Saint-Polten et Linz ; dans celle de Gran en Hongrie : Neutra,
Vespnm, Neushol, Vaizen, Slublveissenbourg, FunTchirchen, Stei-
namangre; dans celle d'Erlau, Izatthemar, Rosenau, Zips et Kascbau ;
dans celle de Colocza et Bacs réunis, Groswardem. Csanad, Sieben-
biirgen ; dans celle d'Agram, Zeng , Modrus et Diakovar réunis,
Bosnia et Syrmium réunis; dans celle de Saltzbourg, Trente, Brixen,
Seckau, Léoben, Gurk, Lavant; dans celle de Prague, Leitmentz,
K'BJiisgratz, Budweis ; dans celle d'Olmutz en Moravie, Brlinn ;
dans celle de Goritz, Laybach, Trieste, Capodistha, Parenzopola,
Veglia ; dans celle de Zara, Sebenico, Spalatro, Lésina, Raguse,
Cattaro; dans celle de Lemberg, Przemysl, Tamow ; dans celle de
Venise, Udine, Concordia, Bellune et Feltre réunis, Ceneda, Tré-
vise, Padoue, Vicence, Vérone, Rovigo, Chioggia. Breslau, dans la
Silésie, est un évéché exempt. Il y a en outre des évéques grecs-unis
à Stanislawow, Przemysl, Esperiess, Munkacs, Kreuz, Grosswardein,
Luges, Szamos, Vivar. Lemberg a un évèque arménien-uni.
Si de là nous passons en Espagne, nous y voyons que le Concordat
de 1851 a ajouté la métropole de Valladolid aux huit anciermes, a
Bupprimé sept des cinquante sièges épiscopaux avec la réserve que
leur titre serait conservé. Ces sièges sont : Albaracin, uni à Teruel ;
Barbaslro, à Huesca; Ceuîa, à Cadix; Ciut/a'i*7ÎO(/riyo, à Sala-
manque; Iviçn^ à Majorque; Soîsona, à Vich, Ténériffe, aux Cana-
ries- Tudela, à Pampelune. Ces évéques ajouteront à leur titre
celui de l'Eglise supprimée qui leur est unie. Trois nouveaux évé-
chês ont été créés : Madrid, Ciudad-Real, Vittoria. Il a été décidé
en outre que le siège èpiscopal de Calahorra y la Calzada serait
transféré â Logrono, celui d'Onhuela à Alicanle, et celui de Segorbe
à Castellon de la Plana. Les cathédrales des sièges supprimés et réu-
nis à d'autres seront conservées comme collégiales, avec un chapitre
composé d'un abbé, avec charge d'àmes, de deux dignités : le théo-
logal et le magistral, de huit chanoines ordinaires et de six béné-
ficiers.
Comme le Concordat espagnol a introduit aussi beaucoup de chan-
gements dans les démarcations, les limites et l'étendue des provinces
ecclésiastiques, nous devons, pour compléter notre œuvre, les faire
connaître telles qu'elles ont été ûxées :
dispcnsans, in Bethleemitica Ecclesia episco-
palem primatum decrevit. »
Lorpqu'en Tan 1154, nous eûmes pris Asca-
lon, le patriarche de Jérusalem y érigea un
évéché; l'évêque de Bethléem en appela au
pape, et ayant fait casser à Rome ce nouvel
évéché, il fit adjuger et soumettre à son Eghse
celle d'Ascalon (1).
Tolède : Ciudad-Real, Corîa , Cuença, Madrid, Placentia, Si-
guenza.
BuRGos : Léon, Calahorra, Osma, Palencia, Santander, Vittoria.
CoMPOSTELLE : Lugo, Mondoncdo, Orense, Oviedo, Tuy.
Grenade : Almeria, Guadix, Jaen, Malaga, Carlhagène.
Saragosse : Huesca, Jaca, Pampelune, Tarazona, Teruel.
Seville : Badajox, Cadix, Cordoue.
Taragone : Barcelone, Girone, Lerida, Tortosa, Urgel, Vich,
Valence : Majorque, Minorque, Alicante, Seporbe.
Valladolid : Astorga, Avîla, Salamanque, Ségovie, Zamora.
La révolution italienne poursuivant maintenant son cours, nous ne
pouvons que pressentir les modifications inévitables qui surviendront
dans l'organisation ecclésiastique de ce pays. Des sièges seront sup-
primés, les provinces remaniées. Nous constatons seulement que,
dans ces derniers temps, deux nouveaux évéchés furent créés en
Italie, où il y en avait déjà tant : celui d'Ogliasira, dans l'île de Sar-
daigne, par Léon XII, d'accord avec le gouvernement sarde, et celui
de Poggio Mirteto, dans les Etats-Pontificaux, par le pape Gré-
goire XVI.
Les changements survenus en Allemagne consistent surtout dans
l'extinction des grands sièges métropolitains de Mayence et de
Trêves, et leur érection en simples évéchès. Tous les sièges épisco-
paux de Westphalie, ayant Cologne pour métropole, ont été conservés.
Ce sont : Osnabruck, Paderborn, Munster, Hildesheim. Par le Con-
cordat de 1817, la Bavière fut divisée en deux archevêchés : Munich
et Frisingue unis, et Bamberg, qui, de simple siège èpiscopal, devint
métropole; et en six évéchés : Passau, Ratisbonne , Augsbourg^
Eisch'^dt, Spire et AVurzbourg.
En 1821, le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume, conclut aussi un
Concordat avec Pie VII, par lequel, outre l'archevêché de Cologne,
fut créé celui de Gnesne et Posen unis, en lui donnant pour suffra-
gant l'évêché de Culm ; il fut stipulé aussi que Breslau et Warmie
seraient deux évéchés exempts immédiatement soumis au Saint-
Siège. L'évêché d'Aix-la-Chapelle fut supprimé. Par le Concordat
de 1828, entre Guillaume I«r, roi des Pays-Bas, et le p3pe Léon XIT,
la Belgique fut divisée, outre la métropole de Malines, en évéchés de
Bruges, Gand, Liège, Namur, Tournai.
Grégoire XVI rétablit en Hollande la hiérarchie catholique, et créa
l'archevêché d'Utrecbt et Harlem réunis, ayant pour suffragants les
évèchès de Bois-le-Duc, Breda, Ruremonde.
Le Portugal est resté ce qu'il était avec ses quinze sièges épisct^
paux dont trois : Lisbonne, Braga, Evora, sont métropolitains. La
Suisse a conservé ses titres, excepté que Lausanne et Genève furent
réunis par Pie VTI en 1820. L'évêque de Bâie réside à Soleure ;
celui de Lausanne et Genève, à Fribourg ; ceux de Coire, de Sion
dans le Valais, de Saint-Gall, complètent l'èpiscopat suisse, qui
n'a pas de métropolitain j car aujourd'hui les métropoles ecclésias-
tiques n'étendent plus leur juridiction, comme avant la révolution
fcau^aise, sur des proMuccs civilement élrangercs. (D' André.)
DES MISSIONS APOSTOMOI'ES.
331
CIIAriTRE CINQUANTE-NEUVIEME.
DES MISSIONS APOSTOLIQUES, POUR LA CONVERSION DES INFIDELES, APRES L AN MIL.
I. La qaalité de pastenr nniversel engage plos particnlière-
Dient le pape à travailler à la conversion des infidèles ; mais
les autres évêques ont anssi quelque part à celle sollicitude.
II. Preuve tirée de saint Grégoire le Grand
m. Autre preuve tirée de saint Bernard, et de l'exemple de
saint Malachie, archevêque d'Irlande. Nécessité de faire conspi-
rer les prélats avec le Saint-Siège.
IV. Eiemple de la conversion des nations septentrionales.
V. Antres exemples des nations de l'Europe qui ont été les
dernières à entrer dans le sein de l'Eglise.
VI. La conversion des Indiens.
VU. Nouvelles réflexions sur la création des nonveaus
évèchés.
I. Nous n'avons pu traiter de la création des
nouvelles métropoles et des nouveaux évèchés
sans parler de la conversion de beaucoup de
nations infidèles , parmi lesquelles ces nou-
veaux prélats ont planté, ou au moins cultivé
la foi évangélique. Nous achèverons dans ce
chapitre ce qui a été ébauché dans les précé-
dents, et nous ferons voir que bien que le siège
a})Ostolique ait eu encore beaucoup plus de
part à ces nouvelles conquêtes dans ces der-
niers siècles que dans les précédents, les autres
prélats des provinces voisines n'ont pas laissé
de participer à une si riche moisson.
Ce sont deux maximes indubitables, que le
pape comme le pasteur universel de toute
l'Eglise, est obligé de lui procurer tous les
avantages et toute l'étendue possible, son apos-
tolat n'étant pas moins étendu que le monde
même ; et que les évêques comme successeurs
des apôtres, ne doivent point mettre de bornes
à leur zèle non plus qu'à leur charité, et doi-
vent faire une guerre immortelle à l'infidélité,
si elle se trouve dans leur frontière. La sainteté
et la subordination de ces deux puissances, fait
qu'elles concourent failement sans jalousie et
sans contestation.
II. Rède reconnaît que la primauté et l'uni-
versalité du siège apostolique, donnait le pou-
voir et imposait en même temps l'obligation
au grand saint Grégoire , d'envoyer des mis-
sionnaires apostoliques pour la conversion de
l'Angleterre. aCum primum in toto orbe gere-
ret pontificatum. et conversis jamdudum ad
fidem veritatis esset praelatus Ecclesiis, nostram
gentem eatenus idolis mancipatam Christi fecit
Ecclesiam (L. ii, c. 1). »
Mais saint Grégoire écrivant aux rois de
France Théodoric et Théodebert, semble té-
moigner qu'il n'avait envoyé Augustin en An-
gleterre que parce que les prélats français qui
y étaient d'autant plus obligés qu'ils en étaient
plus proches, avaient négligé de le faire. « Per-
venit ad nos gentem Anglorum ad fidem Chri-
stianam desideranter velle converti ; sed sacer-
dotes vestros e vicino negligere, et desideria
eorum cessare sua admonitione succendere.
Ob hoc igitur Augustinum illuc pra-vidimus
dirigendum (L. v. Indict. 14, epist. lviii). »
III. Saint Bernard n'oublia pas de représen-
ter au pape l'étendue infinie de ses obligations
pour la conversion des infidèles (De Consid.,
1. lit). « Recordare vocis illius : Sapienlibus et
iu'ipientibus débiter sum. At nullum genus
insipientiae infidelitate insipientius. Ergo et
infidelibus debitor es, Judseis, Gra?cis et Gen-
tibus. » Il ne se peut rien dire de plus fort que
ce que ce Père ajoute contre la négligence de
ceux dont la lenteur arrête la course autrefois
si légère de l'Evangile. « Qiiis primus inhibuit
hune salutarem cursum ? Qua flducia, qua con-
scientia Christum non vel offerimus ils, qui
non habent? d
Mais le même saint Bernard nous montre
admirablement par l'exemple de saint Malachie,
archevêque d'Armah en Irlande , comment
les évêques apostoliques ont jugé eux-mêmes,
que si leur autorité était soutenue de celle du
Siège apostolique, elle serait incomparable-
ment plus respectée et moins combattue.
Ce saint archevêque, après avoir longtemps
suivi l'impétuosité de son zèle apostolique, sans
avoir égard aux limites des diocèses, s'aperçut
enfin qu'il était bien plus séant de faire autori-
ser sa mission par le Saint-Siège (Bernard., in
vita S. Malachiae). « Ipse interdum ibat et
exibat seminare semen suum, disponens et
332 UC PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-NEUVIÈME.
ftrcernens de rébus ecclesiasticis tota an toritate,
t.inquam aposttiliis iinii?. Et nemoilli dicfbnt:
in qiia potestate hœc facis? Videntilnis cunctis
sif:na et prndigia quae faciehat. Et quia iibi
Spiritus Domini, ibilibertas. Visum tamen silii
non tute satis actitari ista absque Sedis aposto-
licfe antoritate. »
On \oit donc que ni le voisinage, ni les mi-
racles, ni enfin la ferveur extraordinaire d'un
zèle apostolique , ne parurent point à saint
Malachie des preuves assez certaines de sa mis-
sion dans les pays barbares, si elle n'était
encore autorisée par les successeurs de Pierre
à qui J.-C. a plus particulièrement commis
toute sa bergerie.
Pierre, abbé de Celle, était bien persuadé de
cette vérité, quand il demandait au pape
Alexandre la même effusion de l'autorité du
Snint-Siége pour un évè(|ue qui la soubaitait,
afin de donner plus de crédit et plus de force
à ses prédications parmi les infidèles. « Non a
vobis hoc exigitur, ut virtus miraculorum tri-
bualur, sed a\itoritas vestracum ipso et in ipso
operans, ut facilius ei ab incrcdulis credatur
(1. VI, ep. vi). »
Ce sont donc là les trois raisons qui ont fait
répandre les influences du Saint Siège sur
toutes les missions apostoliques dans les pays
des infidèles: ou la prééminence et l'universa-
lilt'; de l'aiiostolat, qui est émanée de la succes-
sion (lu prince des Apôtres; ou la négligence
desé\ê(|ues voi.'^ins, qui laissaient éteindre le
feu divin, dont J.-C. est venu embraser toute
la terre; ou le désir aident des évéques les
plus zélés, qui ont voulu rendre leur prédica-
tion plus eflicace, en la revêtant de queli|iies
rayons de la majesté et de la gloire du siège
ai)nstolique.
IV. Tout cela se pourrait confirmer par une
infinité d'exemples; nous nous contenterons
d'en choisir quelques-uns des plus illustres, et
des plus avérés. Nous avons déjà dit ailleurs,
comme Ebbon, archevêque de Reims, par or-
dre de l'empereur Louis le Débonnaire et du
concile national de France, alla demander à
Rome au pape Pascal une commission aposto-
lique pour la conversion des peujiles du Nord,
a Cuiu consensu Ludovici imperatoris, ac pêne
totius regni ejus synodi congregatic Rom un
adiit, ibiquea Paschali papa publicam evangeli-
zandi licenliam in iiartibus Aquilonis accepit
(l]iill;md., niense Febrii., tom. i, p. -iOi et
seq(i.). » Ce sont les termes (jue nous lisons
dans une lettre de saint Anscbarius, que le
même empereur Louis associa à Ebbon , le
faisant consacrer archevêque de Hambourg, et
revêtir par le pape Grégoire IV de la charge de
légat du Saint-Siège pour tous les pays septen-
trionaux.
Voici les paroles propres du décret de ce
pape : a Sanctum studium magnorum inipera-
torum tam praesenti autoritate , quani etiam
pallii dationemore prœdecessorum nostrorum
roborare decrevimus,etc. Anscharium legatum
in omnibus circumquacjue Gentibus Sueconum
sive Danorum, necnon etiam Sclavorum , una
cum Ebbone Remensi archiepiscopo,statuentes
ante corpus et confessionem sancti Pétri, pu-
blicam evangelizandi tribuimus autoritalem,
ipsamque sedem Hammaburg archiepiscopa-
lem deinceps esse decernimus. »
Si ce pape parle de plusieurs empereurs, c'est
qu'il était déjà assuré que Cliarlemagne avait
formé le même dessein, pour affermir et pour
consacrer tant de victoires rempoitées sur les
Saxons et sur les autres peuples du Nord. Car
si l'empire taisait des conquêtes pour l'Eglise,
l'Eglise les affermissait à l'empire. Et les rois
mêmes étaient persuadés (|ue leurs évcipies
n'auraient pas moins de gloire , mais qu'ils
auraient incomparablement plus de facilité à
surmonter toute la résistance des peuples infi-
dèles, s'ils les attaquaient avec les forces de
toute la clirélienté, réunie avec son chef, que
s'ils ne paraissaient qu'avec l'éclat et le poids
de leur dignité [)articulière.
C'est donc à la couronne royale de France
et à la ferveur des évoques français soutenus
de l'autorité du siège apostolique, que tous les
royaumes du Nord sont redevables de leur
conversion. Car nous avons fait voir ci-dessus
que ce furent ces archevêques de Hambourg en
(jualitè de légats du Saint-Siège qui créèrent
une vingtaine d'évèehés dans le Danemarck,la
Norvège, la Suède, les îles Orcades et d'Islande.
Innocent III donna une légation apostolique à
l'archevêque de Luden en Danemarck (Re-
gesto XV, epist. xiv), pour travailler plus ellica-
eeinenf à la conversion des païens, enjoignant
à l'archevêque d Upsal et aux autres évéques
de Suède et de Danemarck, de conspirer avec
lui dans une si sainte entreprise. « Hoc plenius
et eflieacius exequaris, nos tibi vices nostras
duximus commitlendas. »
V. Pierre Damien raconte comment dès lu
moment que le saint martyr Donilace eut coiii;ii
DES MISSIONS APOSTOLIQUES.
333
le dessein d'aller prêcher aux infidèles de la
Russie , il vint i\ Rome recevoir la mission dti
pape , qui le consacra archevêque des Russes
(Baronius, an. 1008). « Romam pergere slu-
duit; et ah aposloiica sede consccralionem ar-
chieiiiscopatus accepit (In vita S. Roniual., c.
xxvM, xxxix). » Il avait été disciple de saint Ro-
nuiald, et le martyre qu'il trouva aussi heureu-
stment qu'il l'avait passionnément recherché,
inspira une sainte jalousie à ce divin maître
d'aller chercher une pareille couronne dans la
Hongrie. Il en dtmanda la permission au pape
qui ordonna deux autres de ses disci[>les pour
archevêques. « Licentia ab apostolici sede su-
scepta, et duobus e discipuhs suis in archiepi-
scopos consecratis, cum viginti quatuor fratri-
bus iter ariipiiit. »
Saint Brunon , apôtre de la Prusse , fut pins
heureux que lui dans la poursuite du martyre.
II avait obtenu mission du pape et avait été
sacré évêque par ses ordres et par ceux de
l'empereur, selon le rapport de Ditmar, « De-
nedictionem cum licentia domini papœ episco-
palem ab eo petiit (Baron., an. 1008]. d
Innocent 111 recommanda à l'archevêque de
Gnesne quelques religieux qui avaient recom-
mencé de répandre la semence évangéliqne
dans la Prusse , avec la permission du Saint-
Siège, B de nostra licentia » et le chargea lui-
même des fonctions épiscopales dans celte nou-
velle Eglise , jusqu'à ce qu'elle pût avoir un
évêque propre. « Curam officii pastoralis im-
pendas , donec proprium possint episcopum
oblinere. »
La Livonie reçut ses premiers missionnaires
et son premier évêque de l'archevêque de
Brème , ou de Hambourg, connue il a été dit
ci-dessus , et par conséquent du Siège aposto-
lique (Baron., an. 1186, n. 20). L'évêque de
Riga , qui était le premier qui eût été ordonné
dans la Livonie , en sacra un pour l'Esthonie
avec quelques autres évéques d'Allemagne ; le
pape Innocent III le confirma (Innocent III.
Regist. XVI, ep. cxxvn, cxxix), et l'affranchit
de tout pouvoir des métro[iolitains, ce qui était
d'autant plus faisable, qu'il n'y avait encore
jamais été assujéti.
Le pape Honoré III étant averti par les évo-
ques de celte nouvelle Eglise qu'ils y trou-
vaient des difficultés insurmontables à un si
petit nombre d'ouvriers, excita les supérieurs
de Cîteaux et des autres ordres relii;ieux à y
envoyer des troupes auxiliaires de leur corps.
(Rainald., an. 12-20, n. 38.) H permit aussi à
ces évè(|ucs de choisir entre les religieux, avec
l'agrénient de leurs su|iérieurs, ceux qu'ils
jugeraient les plus proiires pour une fonction
si apostolique. Quelques années après (Au.
1223, n. 38) il envoya l'évêiiue deModène pour
se joindre à tous ces apôtres de la Livonie , et
réprima les prétentions de l'archevêcpie de
Blême, qui voulait soumetire à son auloiilé
tous les prélats de cette Eglise , qui ne lui de-
vait pas sa naissance.
De la Livonie la lumière de la foi pénétra
dans la Lithuanie , dont le grand-duc, nommé
.Mindan , mit ses états sous la protection de
l'Eglise romaine. Le pape Innocent IV l'y admit
et manda à ré\êr]ue de Culme de donner à ce
prince les ornements royaux au nom de saint
Pierre, et d'ordonner un évêque pour la Lithua-
nie , qui dépondit immédiatement du Saint-
Siège. Enfin il écrivit aux évêques de Livonie
de communiquer à leurs voisins les célestes
lumières dont ils avaient eu le bonheur d'être
éclairés les premiers (Rainald.. an. 12.")l, n. 45,
an. 1254, n. 27). L'archevêque de Livonie avait
pris le devant en ordonnant le nouvel évêque
de Lithuanie et en rece^ant de lui le serment
d'obéissance. Mais le grand-duc ayant désiré
que les églises de son état fussent dans la dé-
pendance immédiate du Saint-Siège, ce même
pape dégagea cet évêque du serment qu'il avait
fait et le fit relever immédiatement de l'Eglise
i-omaine.
Saint Othon , évêque de Bamberg, pour
mériter le titre gloi ieux d'apôtre de la Pomé-
ranie, reçut premièrement sa mission du Siège
aposto!i(]ue, selon l'abbé d'Usperg : « Prœdicti
apostolici autoritate et assensu roboratus
(Baron., an. 1124, n. 4). » Le pape Clenunt 111
rendit le même témoignage dans une de ses
lettres : «In gente Pomeranica , ad quam ab
apostolica Sede fuit transmissus (Conc, tom. x,
pag. I"i9). »
VI. Les relations des découvertes qui se sont
faites depuis deux ou trois cents ans, dans les
Indes orientales et occidenlales et des Eglises
qui y ont été fondées , ne nous font pas voir
moins de correspondance entre les évêques
particuliers et le Saint-Siège, pour faire con-
courir leur zèle et leur autorité à la formation
de ces nouvelles églises.
Quehiue puissance que les évêques crussent
tenir de leur divine origine, de quelque per-
suasion que les rois fuiSeul prévenus que ces
334 DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-NEUVIÈME.
pouvoirs étaient inséparables du caractère épi-
scop;il ; il est certain néanmoins que les uns
et les autres ont toujours cru devoir agir de
concert avec le chef, pour donner de nouveaux
accroissements au corps de l'Eglise.
Ainsi on a toujours agi dans le même esprit
et dans les mêmes sentiments de saint Mulacliie,
selon saint Bernard, qu'il n'était pas bon d'en-
tre|)rendre ces missions apostoliques dans de
nouveaux mondes , sans l'influence du Siège
apostolique ; « Visum sibi non tute satis acti-
tari isla , absque Sedis apostolicae autoritate. »
Vil. La création qu'il a fallu faire de nou-
veaux évèchés , et même de métropoles et de
priiuaties dans ce nouveau monde, le partage
même qu'il a été nécessaire d'en faire pour
empêcher que divers conquérants ne fussent
un obstacle au progrès les uns des autres , ont
été des secours qu'on n'a pu attendre que du
vicaire de J.-C. sur la terre.
Au reste il a encore bien paru dans ce cha-
pitre, 1° comment l'érection des nouveaux évè-
chés dans les pays où la lumière de l'Evangile
commençait à éclater, a été réservée ordinai-
rement au Saint-Siège par les souverains tem-
porels , qui se sont fait , ou un point d'hon-
neur, ou une matière de piété et de religion, de
ne laisser relever les Eglises de leurs Etats (]ue
de l'Eglise romaine ; 2° que les évèchés et les
métropoles ont été d'abord libres et comme
déambulatoires dans toute la province, où l'on
semait la doctrine de la foi, sans s'arrêter ou se
fixer en aucun lieu déterminé ; 3° il y a eu jihi-
sieurs provinces nouvellement converties avic
des évêques , sans métropolitains , la police de
l'Eglise se perfectionnant par degrés ; 4° les
fondations de l'Eglise primitive furent en beau-
coup de choses semblables , parce que telle est
la nature de tous les nouveaux états qui se for-
ment.
Aussi Guillaume de Neubrige dit fort bien
dans sa préface, que la Grande-Bretagne n'avait
jamais eu d'archevêque avant Augustin , et
qu'il en a été de même de tous les pays du
Nord : « Barbarae vero nationes Europaî etiam
olim ad fidem Christi conversœ , contenfœ epi-
scopis, de pallii prœrogativa non curabant. De-
nique Hibernienses, Norici, Daniel, Gothi, cum
olim Christiani fuisse , et episcopos habuisse
noscanlur, nostris temporibus archiepiscopos
habuisse noscuntur (1). »
(1) Aussitôt que le Saiot-Siége a pu remplacer, dans les pays de
mission, les vicarrala aposloHiiues, par des évèchés et archevêchés
titulaires, il n'a pas manque de le faire. Ainsi Grégoire XVI et
Pie IX ont entièrement régularisé l'épiscopat dans l'Amérique du
Nord, 6xé des titres définitifs et tracé des provinces ecclésiastiques.
Cette immense région est maintenant divisée en neuf archevêchés :
Québec, Nouvelle-Orléans, Halifax, Saint-Louis, Orégon-City. Balti-
more, Cincinnati , New-York, San-Francisco ; et en rinquante-six
évèchés : Ottawa, Bytown, Kingstown, Toronto, Sainl-Boniface, Lon-
don. Sandwich, Cbatam, Hamilton. Montréal, Sa;nt-Hyacinthe, Trois-
Blvières , Arichat , Charlorte-Town , Saint-Jean-de-Terre Neuve ,
Hâvre-de-Grâce, Sainl-Jean-New-Brunswick , Fûrt-Vayne , L&uis-
ViUe, Albany, Charleston, Ené , Pittsbours, Richmond, Savanah,
"Weeling, Cleveland, Covin^ifon , Détroit, Buffalo, Dubuque , Mil-
vaiikie, Newarck, Sault-Sainle-Marie, Vincennes, Listle-Roch, Mo-
bile, Nalchez, Broocklin, Burlingion. Hartfort, Portland, Nesqualy,
Saint- t'aul-de-Miuesota, Gai veston, Monterey, Natchitoches, Santa-Fé,
Boston, Philadelphie, Vancouver, Marysville, Alton, Chicago, Nash-
Tille.
Dans les Antilles anglaises. Pie IX érigea l'archevêché de Port-
d'Eapagne et l'évéché de Roseau. En 1863, ce pape créa pareillement
l'ârchevéché de Port-au-Prince, dan» l'ile de Haïti, à la suite d'un
Concordat avec cette république, et y nomma un français, MgrTestaid
du Cosquer.
Dans l'Amérique méridionale, où sous la domination espagnole, des
diocèses avaient été régulièrement constitués, il n'est survenu de
changement que dans le Mexiiiiie. où, dans le consistoire du Ifi mars
1863. le pape Pie IX réorganisa l'Eglise mexicaine et porta les siégea
épiscopaux de dix à dix-sept, dont trois. Mexico. Guadalajara et Mi-
choacan sont métropolitains ; lesévéchês sont : Queretaro, TuiancmL'O,
Léon, Zamora, Puebla, Vera-t:rii7, Ctnlapa, Chiapas, Guadalatara,
Zacajara, Oajaca, Matterey, Sonora, Duranilo, Yucaian. Dans ce con-
sistoire, Mgr Monguia, évéqiie de Michoaran, fut proclamé arche-
vêque de celte nouvelle métropole , et Mgr Labastida , évéque de
Puebla, fut nommé archevêque de Mexico.
L'Austrahe a vu également créer un épiscopat en titre dans ses
lointains parages. Grégoire XVI érigea l'évéché de Sydney que
Pie IX, quelques années plus tard, éleva au rang de métropole avec
les sulTragants de Penh, Auckland, Wellington, d'Adélaide, de Bns-
bane. La terre de Van-Diémen elle-même a été décorée de l'évéché
de Hobart-Town. La Chine. l'Inde, l'Afrique. l'Ecosse el autres lieux
sont encore adni.nistrés par des vicaires apostoliques, avec titres
d'évéques tn partibus, iP^ Andrk.)
DES DÉLÉGUÉS DU SIÈGE APOSTOIJOUE.
335
CHAPITRE SOIXANTIEME.
1)E LA QIAMTÉ ET DES POl VOIRS DES DÉLÉGUÉS DL' SIÈGE APOSTOLIQUE. DES ÉVÈQUES
yUI SE DISENT ÉVÉQUES PAR LA GRACE DE DIEU ET DU SAlNT-SlÉGE.
1. Celle délégation est nne accumulation, ou une augmenta-
lion de droits.
W Exemples de cette délégation dès le commencement du
\« siècle.
III. Exemples dans le xi= siècle.
IV. Exemples des xif et xiii" siècles.
V. Cet usage a été approuvé par les conciles avant le con-
cile de Trente.
VI. Les évèques ainsi délégués sont encore soumis au mé-
tropolitain, auquel on peut appeler.
VII. Si les évèques ainsi délégués peuvent s'acquitter de ces
pouvoirs par leurs grands-vicaires.
VIII. Enumération de tous les cas où le concile de Trente a
revêtu les évèques de la délégation du Saint-Siège.
IX. Quand les évèques ont commencé de se dire évèques par
la grâce du Saint-Siège.
X. Diverses remarques sur cet usage.
I. Cette qualité de délégués du Siège aposto-
lique n'est ni nouvelle, ni injurieuse aux
évèques ou aux archevêques qui en ont été ho-
norés par le concile de Trente en diverses ren-
contres. Elle leur est au contraire également
honorable et avantageuse, puisque ou elle leur
donne une autorité qu'ils n'avaient pas aupa-
ravant, ou elle confirme et environne d'une
nouvelle splendeur celle qu'ils avaient.
Au reste, ce n'est pas ici une délégation ar-
bitraire du pape , c'est le concile de Trente
même; c'est le droit stable et permanent de
l'Eglise qui leur donne, ou qui leur confirme
tous ces pouvoirs, qui sont autant de rayons
de l'autorité apostolique.
II. L'antiquité de cet usage paraît dans la
lettre du pape Zozime à l'évèque de Sa-
lone, où ce pape supplée à ce qui pourrait
manciuer d'autorité à ce prélat , dans une oc-
currence importante où il fallait l'étaler tout
entière. « Igitur si quid autoritati tuae quod
nos non opinamur, aestimas defuisse, supjile-
mus. Vos obsistite talibus ordinationibus, su-
perbiae et arrogantiœ venienti. Tecum faciunt
prœcepta patrum, tecum apostolicae Sedis au-
toritas. »
Elle ne paraît pas moins clairement dans la
décrétale du pape Boniface 1" adressée à l'ar-
chevêque de Narbonne (Bonifac. in Décret.,
c. 4), pour appuyer le zèle de ce prélat conire
l'attentat d'un métropolitain étranger , (lui
avait osé ordonner un évêque à Lodève , à
l'insu du propre métropolitain et contre la vo-
lonté des citoyens de Lodève. Ce pape confesse
que l'autorité propre de l'archevêque de Nar-
bonne avait assez de force , pour venger l'ou-
trage fait aux canons et à sa dignité : mais
comme il fallait procéder contre un autre
métropolitain, qui ne reconnaîtrait pas sa ju-
ridiction, il lui communique une délégation
du Siège apostolique, a Nostra autoritate com-
munitus, quod quidem facere sponte lieberes ,
etc. Metropolitani jure munitus, etnostrisprœ-
ceplionibus fretus, ad locum accède, etc. »
Je laisse les exemples de Célestin, qui délé-
gua saint Cyrille pour présider en son nom au
concile général d'Ephèse : et ceux de s;iint
Léon et de Gélase,qui déléguèrent Anatolius
et Acacius, archevêques de Constantino[ile,
pour des causes qui semblaient être renfer-
mées dans les bornes de leur autorité ordi-
naire. Anatolius même ne trouva pas bon que
saint Léon en usât de la sorte , comme ce saint
pape nous l'apprend dans sa lettre LXXVll. On
pourrait prétendre que ces exemples ne sont
pas tout à fait justes, et cela nous engagerait
dans une trop longue discussion.
III. Passons du v= siècle au xi% et nous y
trouverons le pape Nicolas II revêtant Gervais,
archevêque de Reims, de l'autorité du Saint-
Siège , pour une occasion , où celle de métro-
politain eût été à la vérité suffisante , si on etit
déféré aux canons; mais comme le crime dont
il s'agissait ne partait que d'un mépris inso-
lent des règles canoniques , il était à craindre
que ceux qui en étaient coupables , n'eussent
pas plus de déférence pour la dignité de l'ar-
chevêque.
L'évèque de Beauvais avait été sacré par
l'évèque de Sentis, sans l'ordre du métropoli-
tain. Outre cela, l'un et l'autre de ces prélats
336
DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTIÈME.
étaient accusés de simonie. Le pape mande à
l'aiclievèque de suspendre ces deux prélats,
jusqu'au concile romain, où il les obli^'^e de se
rendre. « Accingimini igitur et fultiis liac no-
stra autoritate, omne epifcopale officium sibi
inleidicite, etc. usque ad synodum; ubi nobis
et tibi digne satisfaciat (Du Cbesnes , tom. 4,
p. 199). »
Si dans ces exemples on ne remarque qu'un
surcroît d'autorité, pour fortifii-r encore da-
\an'age les jHélals dans les matières propres
de leur juridiction ordinaire, en voici d'autres
où la déléf-'ation du Siège apostolique leur
conuuunique un pouvoir qu'ils n'axaient pas.
Lepa|)eLuceIIl,dansuneassembléegénérale
où se trouvèrent l'emiiereur, des patriarcbes
et (les arcbevèques , ayant fait plusieurs or-
donnances rigoureuses contre les béréticiues,
élendit la juridiction des évoques comme délé-
gués du Siège apostoli(|ue sur ceux même
(|ui ne relevaientquedu Siège apostoliipie. a Si
(|ui fiierint, quialege diœcesana^jurisdictionis
txunpti, soli subjaceant Sedis apostolicœ pote-
slati; niliiloiniinis in bisqua^ sunt contra bnere-
ticos inslilula, episcoporrim subeant judiciuiu
et ois in hac parle, tanquam Sedis apostolicie
dek'fjalis, non obstantibiis libertatis suce privi-
legiis, obsequantur (C. Ad abolendam. De He-
reticis). »
IV. Le i)ape Innocent III, dans le concile gé-
néral de Latran, ordonna que si le chapitre
mettait l'Eglise catbèdrule en interdit, sans
une cause juste et manifeste, l'évèque ne lais-
serait pas d'y célébrer, et sur sa plainte, « ad
querelam ipsius, » le métropolitain connaîtrait
de ce dilfèrend comme délégué du Siège apos-
tolique (C. Irrefragabili. De oftic. Jud.ordinarii).
Le métropolitain ne juge selon les canons, que
dans les causes d'a|ipel.
Le pape seul et ses légats, selon les décrétales,
connaissent des causes qu'on leur défère par
voie de plainte. Il ètuit donc nécessaire que le
pape déléguât le mètroiiolitain. En l'an 1243,
Pierre, archevêque de Rouen, ayant demandé
l'aiipui du Saint-Siège contre les oppositions
qu'il trouvait dans la visite de sa province, le
pape Innocent IV le revêtit ])ar un rescrit
spécial, de l'autorité du Saint Siège. « Sive au-
toritiite tua, sive nostra, quam tibi comniit-
tinms (Synodic, Rotomag., p. 230). »
Le pape Boniface VIll délégua les évoques
pour tous les jugements (jiii rcgardeuL l,i clù-
turu dos niuuasteres exempts, a lu muuaslcriis
monialium sibi ordinario jure subjectis, sua;
in iis vero quae ad Romanam immédiate spe-
ctant Ecclesiam, apostolica; Sedis autoritate
(In. VI. C. Periculoso. De Statu regul.). »
V. On ne peut donc nier qu'avant le concile
de Trente, et les papes et les conciles n'aient
autorisi' cette manière de déléguer les évoques.
Le concile de Rouen, en 1581, a reconnu cette
vèiité. « In bis episcopus censetur saltem Sedis
ai)ostolicœ autoritate et delegatione defungi,
sicut a generalibus conciliis , et pra?sertini
Tridentino staluitur. (Conc. General., tom. xv,
p. 8il). »
VI. Les métropolitains mêmes ne peuvent pas
trouver mauvais que cette délégation soit
communiquée aux évoques , puisqu'on ne
laisse pas d'appeler de leur sentence au métro-
politain, s'il ne s'agit que d'une matière dont
les évê(]ues eussent pu connaître par leur au-
torité ordinaire. C'est ce qui a été déclaré parle
concile V de Milan sous saint Charles, en 1S79.
(Conc. General., tom. xv, p. G89).
VII. La difficulté est, si le vicaire-général
peut connaître de ces sortes de causes: 1° s'il
s'agit des causes où l'évèque a une juridiction
ordinaire, ce qui est ordinairement marqué par
le terme etiam dans ie concile ; le grand-vicaire
en peut connaître; 2° s'il s'agit de celles qui
ne lui sont pas ordinairement soumises, et où
il ne peut procéder que comme délégué du
pape, l'évèque peut subdèlèguer, puisque c'est
l'avantage des délégués du prince; mais il
faut qu'il le fasse par une commission par-
ticulière; 3° si le droit marque que l'évèque ne
connaîtra que comme délégué, soins, tantum ,
il ne peut en subdéléguer un autre, parce que
c'est sa seule personne qu'on a jugée capable
de cette charge.
VIII. Voici les cas où le concile de Trente a
muni les évêques de la délégation apostolique.
Ainsi c'est du concile même que les évê-
ques tiennent ou la concession, ou la con-
firmation de ces pouvoirs. Je n'ai pas cru
devoir omettre ceux qui ne sont pas reçus
dans la France, parce qu'ils sont contraires à
ses usages. Cet ouvrage contient les lois et les
usages de |)lusieurs autres royaumes, et il est
toujours utile de ne pas ignorer les décrets
d'un concile universel. 1° Ils peuvent contrain-
dre les abbés négligents a établir une leçon
de l'Ecriture dans les monastères (Sess. v, c. i);
2° ils peuvent [irocéder contre les exempts qui
semeullepoisoudellierésie (Sess. v, c.U;,3°ils
DES DÉLÉGUÉS DU SIÈGE APOSTOLIQUE.
337
peuvent envoyer des vicaires dans les paroisses
dus réguliers, dont les curés sont dispensés de
la résidence par le Sainl-Siége Scss. vi, c. i].
A" Ils peuvent cbàtier les réguliers et les
exempts [)our les crimes qu'ils commettent
hors du cloître (Sess. vi, c. 3). 5° Ils peuvent
coiuiaitre si quelque grâce a été obtenue du
Saiul-Siége par surprise, pour diminuer, ou
pour relâcher les i)eines qu'ils avaient dé-
cernées contre les criminels. « Per seipsum,
taiiquamSedisA|)OstulicLe delegatus, sumniarie
cognoïcat. » Ces termes per seipsum, font
coniiaître qu'en ce cas révécjue ne peut sub-
déléguer, comme il le pouvait ])ar une com-
mission particulière dans les quatre précédents
(Sess. xui, c. oj. 6" Ils peuvent corriger les dé-
sordres des ecclésiastiques, quelque privilégiés
qu'ils puissent être, même hors du temps de
la visite [Sess. \i\, c. 4). 7° Ils peuvent établir les
distributions manuelles dans les chapitres,
quelque exemption qu'ils puissent alléguer
(Sess. XXI, c. 3). S'" Us peuvent forcer les curés
dese taire assister par autant de prêtres que leur
paroisse en demande, ou si elle est trop étendue,
ériger malgré eux de nouvelles paroisses, no-
nobstimt toutes dérogations canoniques con-
traires (Sess. xxn, c. 3 etsess. xxi, c. 5). 9° Ils peu-
vent visiter tous les ans toutes les abbayes, les
prieures, elles prévôtés qui sont en commande
et où la régularité n'est pas observée, comme
aussi toute sorte d'autres bénéflces, curés ou
non curés, exempts ou non exempts 'Ses. xxi,
c. 8). 10" Ils peuvent régler tout ce qui con-
cerne le sacrifice de la messe, et en bannir
tous les abus qui pourraient s'y être glissés,
même dans les Eglises des exempts, nonobs-
tant leurs exemptions (Sess. xxn). 11° Ils doi-
vent examiner toutes les dispenses qu'on
obtient du Saint-Siège, et déclarer si elles ont
été impétrées jiar surprise. «Summarie et extra
iudicialiter cognoscatur e\i)ressas preces sub-
reptionis vel obreplionis vitio non subjacere
(Sess. xxii, c. r>). 12' Us peuvent visiter tous les
hôpitaux, les conttéries,les lieux et assemblées
de piété, (juclque exemi)tion qu'on y ait, et
quoique l'administration eu appartienne à des
laïques, pourvu qu'ils ne soient pas sous la
protection immédiate des vois (Sess. xxu, c. 8).
13° Us peuvent examiner la suffisance et la ca-
pacité des notaires, soit apostoliques, soit im-
[jcriaux ou royaux, et les suspendre de leur
ollice, ou les interdire tout a fait (Sess. xxu,
c. lOj. li° Us doivent visiter toutes les Eglises
exemples, aussi bien que celles (lui ne sont
de md diocèse , s'ils en sont les plus pro-
ches ; et si entre leurs diocésains il y en a
qui aient obtenu (jnelques exemptions ils ne
laisseront i)as de les visiter pour la correc-
tion des manirs. La congrégation du concile
a déclaré (|ue l'évê(|ue doit exprimer, (}u'il
visile ces Eglises exemptes, connue délégué
du Saint-Siège (Sess. vu, c. 8, et sess. xxiv,
c. 1), 10). i;," Us doivent faire observer la clô-
ture même aux monastères e.xempls des reli-
gieuses, même à tous ceux qui sont immédia-
tement soumis au Saint-Siège ; parce que le
concile lésa absolument abandonnés à la ju-
ridiction et à la conduite de évoques (Sess. xxv^
c. o, y, de -Monial.). lli" Ils peuvent connaître
des unions ([u'on a laites des Eglises libixs à
d'autres Eglises asservies à des patrons, quoi-
que ces unions aient déjà été exécutées (Sess.
XXV, c. 9, de Ketorm.). 17° Us peuvent sus-
pendre, ou priver entièrement de leurs béiiélices
les clercs concubinaires, quelque exemption
qu'ils puissent alléguer [Sess. XXV, c. 14). 18" Us
doivent soumetlre à leur juridiction les mo-
nastères qui ne se réunissent pas en un corps
de congrégation dans le temps prescrit par le
concile de Trente (Sess. xxv, c. S de Ilegul.).
Le concile provincial d'Aix de l'an r.S.'j a
ramassé dans un chapitre tous ces articles de
la délégation apostolique commise aux é\è-
ques (Conc. General., tom. xv, p. llo3;. On
jieut recourir à Fagnan, de qui nous avoîiS tiré
ce que nous venons d'en dire (Fagnan., in 1. i.
Décret., part. 2. p. 400 et seq).
IX. C'est encore une question qui a quelque
rapport à la précédente, de|)uis quel temps et
à quelle occasion quekjues évéques ont com-
mencé de se dire évéques par la grâce de Dieu
et du Siège apostolique. Il est vrai que dès le
teni|is du pape Grégoire VII (An. 1081;, Robeit,
<]ui était vassal de l'Eglise romaine pour l'état
temporel des Deux-Siciles , prenait ce titre.
« Ego Robertus Dei gralia et sancti Pétri, Ap-
puliœ, Calabriœ et Sicili;^ dux (Baronius, an.
1081. n. 30). Mais il s'agissait d'une princi-
pauté temporelle, pour laquelle ce duc rele-
vait du Saint-Siège, au lieu que les évéques
sont [ninces de l'Eglise et tiennent de J.-C.
immédiatement la divine origine de leur émi-
nente dignité. Les premiers que je trouve avoir
pris cette marque d'une dèjjendance ou d'une
correspondance plus parliculière avec le Saint-
Siège , furent les évéques lalins de l'ile de
Til. — To.ME I.
22
338
DU PREMIER ORDRE DES CI.ERCS. — CHAPITRE SOIXANTIÈME.
Chypre. Car l'archevêque de Nicosie en usa de
la sorte dès l'an 1251 dans les constitutions
qu'il publia. Un de ses successeurs l'imita dans
un concile de l'an 1298. Un autre prélat du
même siège, prit le même titre, o Dei et A|)o-
slolicaî Sedis gratia arcliiepiscopus (Conc,
tom. II, part, ii, p. 2100, 2409, 2432), dans
un concile où il présida non-seulement à ses
sulfragants latins de la même île, mais aussi
aux évèques Grecs, aux Maronites, aux Armé-
niens ot aux supérieurs spirituels des Nesto-
riens etdes Jacobites.
X. Ce fut peut-être aussi la raison qui donna
commencement à cette coutume, (jue cet ar-
che^ê(Jue latin n'avait acquis cette préémi-
nence sur les évèques des Grecs, des Maronites
et des Arméniens, que par la disposition que
les papes en avaient faite. Les évêciues d'Italie
ne tardèrent pas longtemps àen userde même.
Les archevêques de Ravcnne prirent le mcnie
litre dès l'an 1310, 1314, 1317, dans leurs
lettres et dans leurs conciles (Conc, tom. ii,
part. M, p. 1533, lOOi, 1659, 1C7.5, 1018, 1921,
1940). Les archevêques de Narbonne ne tar-
dèi-ent pas longtem|)s, car en l'an 1351, on les
voit revêtus de cette (jualité dans leurs lettres
et dans leur concile. L'archevêque de Tours
les suivit (le bien près : savoir en l'an 1305.
L'arclie\è(|ue de Salsbourg en Allemagne, prit
le même titre l'an 1417 ( Conc, tom. xii.
p. 308, 310).. le ne m'arrêterai pas aux autres
archevêques, qui ont voulu donner dans ces
deux derniers siècles cette preuve de leur re-
connaissance envers le Saint-Siège; le nombre
en est trop grand dans l'Italie, dans la France
et dans l'.Vmériijue (Conc, tom. xv, p. 147,
2'.2, 337, 1117, 1120, 1188, 1199, 1433, 1472,
157i).
Mais je dirai, 1° que ce furent seulement ou
princi])alement les archevêques qui uni d'abord
pris ce titre, comme on peut reconnaître par
tous les endroits cités à la marge, et par un
grand nombre d'aulns qu'on aurait pu y join-
dre; 2" que cet usage a été premièrement dans
l'Orient, et a passé de là en Italie, el puis dans le
reste de l'Occident ; 3" que ce n'a point été depuis
que les archevêques et les évê(|ues reçoivent
leur vocation du pape après la présentation des
rois, que cet usage a été introduit, ni mêuie
depuis queles|)apes se réservèrent en |)lusieurs
rencontres la provision des évcchès; car les
exemples que nous avons touchés sont avant
ce temps-là; 4° qu'il yavait bien plus de conve-
nance que les métropolitains en usassent de la
sorte, puisque leur autorité est comme une
partiei|)ation du privilège et de la primauté ou
supériorité de saint Pierre sur les évêqnes, au
lieu que l'épiscopat est immédiatement d'insti-
tution divine ; S° qu'il est ajiparent que plu-
sieurs évèques ne pénétrant pas la raison qui
avait fait prendre cette qualité aux métropoli-
tains, etne la considérant quecommeun témoi-
gnageou d'une correspondance, ou d'une recon-
naissance plus grande envers le pape, ont voulu
les imiter, surtout depuis que leur promotion
se fait dans le consistoire par le pape, après la
nomination des princes; 0° l'antiquité fournit
des exemples i)lus surprenants, quand elle nous
fait voir le patriarche Cyrus d'Alexandrie, se
dire patriarche ou pape d'Alexandrie, par la
volonté et le commandement des empereurs.
« Satisfactio facta a Cyro misericordia Dei epi-
scopo, per divinam sanctioncm benignissimo-
rum atquc triumpliantium dominorum nostro-
rum locum obtinente Apostolic;c Sedis hujus
Alexandiina> civitatis (Synodi vi, action. 13). »
Le concile œcuménique d'Ephèse se dit en
cent rencontres assemblé par la grâce de Dieu
et par l'ordre des empereurs. «Sancta synodus
congregata Ephtsi juxta decretum piissimorum
imperatorum. » Ce qui n'empêciie pas que le
concile ne fût assemblé au nom de J.-C. et
par une autorité toute divine
C'est ici le lieu de placer la constitution de
l'ordre de Cîteaux, qui traite des évèques (jui
sont montés de leur ordre à l'é()iscopat. Elle les
distribue en deux classes : savoir de ceux qui
auraient été élevés à l'épiscopat par la grâce du
Saint-Siège; et de ceux qui auraient été faits
évèques par une élection canonique. Voici les
termes : « llli quibus per Sedis Apostolica; gra-
tiam scu j)er electionem concordem canonico-
runi alicujus vacautisEcclesiœ fuerit provisum
vel providebit, in futurum, de episcopatus offi-
cio est (Monast. Cist., pag. 639). »
On peut inférer de là que les évèques dont
l'élection était partagée et renvoyée à l'examen
du Saint-Siège, par le jugement oudispense du-
quel ils étaient conflnués, sont ces sortes d'évè-
ques, iiue l'on dit être appelés à ré]iiscopat par
la grâce du Saint-Siège, et non pas ceux dont
l'élection avait été unanime, (i)
(1) Kn ce qui concerne les ras de la délégation apostolique con-
férée aux évéfiucs mentionnés dans l'article 8 du présent chapitre,
les évé(]ues ont vu agrandir Itur juridiction par la suppression dts
exempts qui n'ont pas été conservés dans le Concordat. En I8'M,
Gréyoïre XVI, par l'organe de la CongrégatioD des évèques el rc^u-
LIVRE DEUXIÈME ' ■•:: ■, ;:..hv ^^
Li>' ■ i ■ .: 'i'..- r I,;' I
Oà il est traité du second Ordre des Clercs, savoir : des Chorévêques. des Archiprêtres, des Vicaires-Généraur,
des P;ni!entiers, des Officiaux, des Curés, des Diacres, des Ordres mineurs, de la Tonsure, des Habits des
Cleics, du Célibat, de l'Office divin, etc.
CHAPITRE PREMIER.
DES CnOREVEQUES PENDANT LES HUIT PREMIERS SIECLES,
I. Les chorévêques ont reçu la plus grande effu-ion de Té-
piscnpal, et on demande s'ils n'étaient point évoques eux-
mê.ues.
M. Ils ne l'étaient pas comme chorévéquts, mais ils pouvaient
l'être d'ailleurs par accident. Preuves du concile de iNéocésaree.
III. Et de Laodicée.
IV. Et de Nicée.
V. Ce qui convient avec le cannn du concile d'Antioche.
VI. Diverses rétluxions sur ce canon.
VM. Explicaiion du canon du concile de Calcédoine, qui sem-
ble f.iire du cliorépiscopat un nouvel ordre.
V;il. Explication de cette difiîcuUé.
IX. Comuieut il faut entendre ce canon. Ce n'est que la juri-
diction spirituelle déléguée aux chorévêques qu'on y considère.
X. Plusieurs autres raisons, pour montrer que les chorévf-
qin;s n'étaiont point évêtiues.
XI. Explication du canon du concile d'Ancyre, qui semble
leur permettre d'ordonner les prêtres.
XII. Saint Basile limite même le pouvoir qu'ils avaient d'or-
donner les cleics mineurs.
XIII. Quand les chorévêques ont paru dans l'Occident
XIV. Et par quelle occasion. ::,.
XV. Sommaire des pouvoirs des chorévêques.
XVI. Des chorévêques au second âge de l'Eglise. '
ï. Apres avoir considéré les trois ordres hiérar-
chiques en général, et avoir parlé en parlicuhei^
liers, publia ua statut en «îouze article?, pour régler la situation ca-
Donii]ue des cisterciens français appelés Trappistes. Lariicle X est
ainsi conçu : Qaammi monasteria Trappensium a JuriMÎictione fpi-
scoporum exempta sinty ea tamen ob peculiares rationeSy et donec
aliter statuatur , jurisdictioni eorvmdem episcoporum subsint, qui
procédant tanquani Sedis ApostoUcœ delegati.En lS39,Ies trappistes
proposèient à la même congrégation les doutes suivants : io Cum
in articulo X decernatur^quamvis monustena trappensium a juris-
dictionp episcopoium exempta sint, ea tamen ob pecdiares rationes,
jurisdiciioni eorvindem episcoporum subesse ^ quœritur in quo ea
jurù'iictio consistât, et qucenam jam episcopi circa monasteria e/€j--
cete vale'int ; 2° quœnam sit abbatum jurtsdictio; 3o Uirum abla-
tes potestatem habeant excipi:ndi suorum monachorum sacrumeri'
talcs coTifcssionPs , eumque atiis sacerdotibus mo'vtcf.is suoT'u.n
monasleriorum delpyare vuleant abaque approbatwne episcoporum ?
Le 3 Mai 1839, Grt-goire XVI répondit par l'organe de la Sacrée
CongrégatioD des évéques et réguliers : Ad prinium : Donec aliter a
sancla Sede Apvsto ica dtceriiatur^ monasteria et monachos st/6-
jeclos esse vùitatioui et correciioni ^ii>C(>poruin, suivis constitut.n^
nibus ordinis. Ad secundum : in administrât ione et regintine intc-
rion moncsterii abbates eum potestatem hubere quam kabenl
ahbates Cislercienses, salva suhjectiune ab epi^copis, ut in pria o
dubiOj servati^qtie aliis quœ in decreto sacrœ conyregntionis prœsc> i-
buiilur. Ad teriium : o/Jir./mtive in omnibus qiioad monachos; net/i.-
tive quoad moniales, pro quibus seroelur articulus XI cttati den-fù
ejusdem sacrœ congregationis. Cet article XI soumet à l'euùère ju-
ridiction des évéques les monastères des ^eligieu^es de la Trappe,
Cependant le confesseur ordinaire sera uo rel'gieux irippisie, mais ce
confesseur sera choisi et approuvé par l'évéque qui pourra déléguer
pour confesseurs extraordinaires même des prêtres sJculiers. 11 est
évideot que ce décret apostolique s'applique, en ce qui coucerne la
France, à tous les autres ordres religieux qui s'y sont rétablis suc-
cefiflvêm£u%
Le Piémont ayant été incorporé à la France à l'époque de la révo-
lution, les ordres religieu.^ y lurent abolis. Après la restauration de
la monar' hie sarde, on pensa à remettre les choses dans leur é;at
primitif. En 1819, le Saint-Sîége nomma le cardinal Joseph Morozzo,
évèque de Novare, et Louis Lambruschini, archevêque de Gènes,
visiteurs apostol'qut:s de tous les monastères : ci^m auctoritate qua
générales cvjusvis instituti fruuntur , disait la bulle d'institution.
Tout pouvoir leur était accurdé pour la réorganisation canonique des
ordres religieux et monastères, pour la nomination ou révocation des
supérieurs. Uue seule chose leur était interdite, à savoir : Ne décréta
generulia ordxnnm constitntionibus vel deroyantia vel novum ali~
guod induccntia iine ApostoUcœ Sedis judicio proferrent.
Ea 1836, le cardinal Sierck, archevêque de Malines, reçut du
Saint Siège le mandat apostolique déUver au titre abbatial un
prieuré de Trappistes situé dans son diocèse : Cum omnibus juribu^^
prioileyaiy honoribuSj jurisdictionibus et omnibus quœ et aposti-
Itcis coitstitutionibus et régula ordinis ad ecclesias abbatiales et
abba'es spectant. Le décret apostolique, composé de huit articles
[)Our régulariser les Trappistes en Belgique, qui forment une congré-
gation spéciale dépendante du père général des Cisterciens résidani
a Rome, ne parle nulleuxeut de leur dépendance des évéques, comn.e
leurs frères de France. De là nous concluons que les trappistes belges
jouissent de l'exemptioa inhcreuie à l'ordre de Citeaux, dont ils sont
membres.
Enfin, pour compléter nos recherches sur l'extension de la juri-
diction ép:sco, aie que les révolutions modernes ont faîte à l'égard
des religieux, nous dirons que dès le commencement de son pootifi-
cat, Pie IX créa une congrégation nouvelle, intitulée : super statu
regiilarium. Cette coDgregjtioQ porta plusieurs décrets importants
pour le rétablissement de la discipline dans les ordres monastiques.
Nous ne mentionnerons ici, comme se rattachant à notre sujet, que
celui du 25 Janvier 1848 prescrivant, en vertu de la sainte obéissance,
sous pein'? de la privation de toute diguiié et d'inhabileté à pouvo.t
340
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE PREMIER.
du premier, qui est l'épiscopat, nous remettons
ce qui nous en reste à expliquer pour la seconde
partie de cet ouvrage, où nous parlerons des
devoirs des bénéficiers, et surtout des évo-
ques. Nous aUons ici passer au second ordre
hiérarchique, et nous traiterons d'abord des
chorévêques, qui ont sans doute possédé la pre-
mière di^Miité après les évèques, c'est-à-dire,
qui ont reçu la plus grande participation de la
plénitude de l'épiscopat, en sorte que la pre-
mière question qui se présente sur leur sujet
est de savoir s'ils n'étaient point ellecLivemeut
évèques.
II. En effet, comme nous avons vu ci-dessui
que les évèques faisaient quelquefois ordonner
des évèques nouveaux dans les grandes places
de leurs diocèses, quel(]ues-uns ont cru aussi
que les chorévêques étaient efléctivement des
évèques, que l'évêque de la ville ordonnait
dans de grands villages ou dans des contrées
de son diocèse, pour y être comme ses vice-gé-
rants et ses grands-vicaires.
Le concile de Nèocèsarée, après avoir dit que
les curés de la campagne ne pourront célébrer
le divin sacrifice dans l'église épiscopale de la
ville, si l'évêque ou les prêtres de la ville, à
qui ils doiven* céder, sont présents, il met en-
suite une grande dilférence entre eux etlec'10-
révêque, ordonnant que le cliorévêque célé-
brera, c'est-à-dire qu'il sera préféré à tous les
jjrêtres, même à ceux de la ville, et de l'église
cathédrale (Can. xiii, xiv).
« Chorepiscopi auteni sunt quidem in figura
septuaginta , ut conmiinistri autem propter
sludiuni in jjuuperes, olferunt honorati. » Une
ancienne version de ce canon connnence ainsi :
a Vicarii episcoporum, quos Grœci chorepi-
scopos vocant. » C'est une interprétation plu-
tôt (ju'une version du mot de cliorévêque :
mais il est hors de doute que ces chorévêques
étaient comme les vicaires forains des évêquc?.
III. Ils n'étaient pourtant pas évèques, si ce
n'est que quelque évêque ordonné contre les
;anons dans un village, y fût toléré, a condi-
tion d'y vivre dans la même dépendance à l'é-
gard de l'évêque de la cilé.ques'il eût été sim-
plement ordonné chorévêque. C'est ce qui se
peut recueillir du canon du concile de Laodicée.
« Quod non oportet in villulis, vel in agris
constiluere cpiscopos, sed visitalorcs, -£fici\uTa;.
IIos autem qui antebac ordinati sunt, nibil
agere sine cou3cieutia episcopi civitalis (Can.
LVll). »
Ou peut conclure deux choses de ce canon :
1° Que les évèques ne devant point être ordon-
nés dans les villages, et ks chorévêques au
contraire ne devant être placés que dans des
villages, les chorévêques n'étaient point évè-
ques; 2° qu'il y en avait néanmoins fortuitement
quelques-uns qui étaient évèques, mais reculés
par une rétrogradation canonique dans l'ordre
inférieur des chorévêques.
IV. Le concile de Nicée fournit un autre
exemple d'un évêque rabaissé au rang des cho-
révêques (Can. vin). Si un évêque novatien se
réunissait à l'Eglise catholique, il était libre à
l'évêque catholique de la même ville, ou de
laisser à son collègue nouveau le titre et le nom
d'évêque, ou de le placer dans le rang des
prêtres, ou enfin de lui donner une cure, ou
une place de chorévêque à la campagne. « Nisi
forte placuerit episcopo, nominis honore eum
censeri. Si vero hoc ci minime [)lacuerit, pro-
videbit ei, aut chorepiscopatus, aut presbyterii
locum ; ut in clero prorsus esse videatur, ncc
in una civilate duo episcopi probentur exi-
ste re. »
Ce canon montre encore que les chorévêques
ne devaient pas êlre évèques, puisqu'il ne ile-
vait pas y avoir deux évèques dans un évêché;
en posséder désormais, de D'admettre ancun novice, daiis ou^lque
institut que ce soit : Ab^gue festinwnialibux litleris lum Oviimarii
orifjinis, tttm etiam Ordinnrii loci in g'/o postutans vost expletum
dccimum Quintum annum œtati^ suœ, ultra annum morattis fnerit.
Par Tarlicle second, il est ordonné que les Irttres testimoniales des
évèques doivent traiter de postulontis natatibiis, œtale^ ntoribus,
vitti^ famti^ conditioner educntionc, scientifi, nn sit int/'tisitus, alloua
censura irrer/ularilate aut nlitt aliqiio impedimento irretitus, are
atieno gravntuf!^ nel reddendœ alicujus adtninistrationis rationi
obnozvis. Ce décret fit nai'.rc plusieurs doutes, que la susdite con_
préealion résolut par une décision cénérale du 1er mai 1851. Lo
Bixième de ces doutes, relatif ik la France, est ainsi conçu : Vtruni
supn-iores pu'isint ad. hubitum ipsum admittere milites , de quibus
Ordinarii affirmant se non posse in (iallia informare^ cum nuUos
deleijatos in fxrrcilu hobiant nfc paroc/ii ullam de bis notitiam
habere possint ? La conprè^-ation répondit aflirnaativement en pres-
crivant pour ce c.^s. qu'au lieu des iulorniations que les évèques
fiançais ne sont pas en mesure (le Haire à cause de l'ab£Cûce a'au-
môniers dans les réeinrients, on se contentât de tout autre informa-
tion digne de foi, et qu'alors avant d'admettre à l'iiabit rcligicu.x le
postulant soldat, on le laissât trois mois dans le couvent en habit sé-
culier, pour réprouver convenablement.
Déjà la célèbre constitution d'Innocent X du 16 mai IC-IS, cutn
sicut accepimuSj terminant le ditferent survenu entre l'évêque de
Puebla de los Anqeies^ au Mexique, et les jésuites de cette ville,
avait considérablement diminué les exemptions des rel*gieux et
étendu la puissance épiscopale. Cette bulle nous donne de très-cu-
rieux détails sur les tréLentions exagérées de ceux qui sont en cause.
Ainsi, ils croyaient pouvoir administrer le baptême solennellenieat,
marier, donner la communion pascale, le viatique, l'extrémc-ooction,
sans autorisation de l'évêque, â tous ceux qui étaient employés dans
leurs prœdia, metallorum fodinœ^ saccbari opificiiiœ ^ apolkt^ae
mercium, macetta et toutes leurs autres propriétés^ telles que col'
léges, jnaisons de ville^ maisons des chuiu^s, La bulle réduisit à
séant ces exocbitaucea» ipi Aniink,}
DES CHOREVftQUES.
Cr-.nXi'
i>"
3'.l
quoique par des rencontres singulières il ar-
rivât néanmoins qu'un cliorévèijue fût aussi
évêque.
V. C'est ainsi qu'il faut entendre le canon
d'Anlinche , qui veut que les ctiorcvèques,
quand même ils auraient reçu l'ordinalion
cpiscopale, et ([u'ils auraient été consacrés évê-
qucs, se contiennent dans les justes limites que
les canons leur ont prescrites; qu'ils ordonnent
dans les besoins les clercs inférieurs; mais
qu'ils se ganlent bien d'ordonner des [irètres
ou des diacres, parce que ce pouvoir est abso-
lument réservé au\ évèques des villes.
a Si (|ui sunt in vicis, vel pagis, qui dicuntur
chorepiscopi , etiamsi episcopi ordinationem
nianuumve impositionem acceperint, visum
est, ut suum niodum sciant, et sibi subjectas
Ecclesias administrent, earumque curaetsolli-
ciludine contenti sint. Constituant aiitem le-
cfores, bypodiaconos, et exorcistas; et eorum
promotione contenti sint. Nec presbyferum, nec
diaconum ordinare audeant , absque urbis
episcopo, cui subjicilur ipse,etregio (Can.x). »
Ces chorévêques pouvaient par un hasard ex-
traordinaire avoir été autrefois ordonnés évè-
ques. et ensuite être descendus dans le rang des
chorévêques, ou de la manière qui a été expli-
quée ci-dessus, ou par une troisième rencontre,
S! n'ayant pu se faire recevoir dans l'Eglise, à
laquelleon les avait destinés, ils prenaient une
occupation moins éclatante dans quelque autre
Eglise.
VI. Ce canon d'Antioche demande encore
quelques réflexions.
i° Cette imposition épiscopale des mains,
XEiscOsoÎM È-imo-Mv , se pourrait expliquer aussi
de cette im|>osition des mains, que l'évoque
seul faisait, en instituant ces chorévêques, et
non pas de celle que le métropolitain et tous
les évêques assistants faisaient sur l'évèque
qu'on consacrait. Ainsi ce canon ne pourrait
pas servir de preuve, ponr appuyer le senti-
ment de ceux qui pensent que les chorévêques
étaient évêques.
2° Ce canon donne, ou plutôt confirme aux
chorévêques le pouvoir de conférer les ordres
mineurs, en y comprenant même le sous-dia-
conat. Mais on ne pourrait pas conclure de là
qu'ils fussent évèques; parce qu'il est indu-
bitable que les ordies inférieurs ont été souvent
conlcrés par de simples prêtres, et par des
abbés, avec la permi.ssion des évèques et des
conciles. On en verra les preuves dans lu suite
de cet ouvrage. Et ce que nous dirons dans un
des chapitres suivants sur ces ordres mineurs,
suffira à mon avis, pour convaincre de celte
vérité ceux qui se sont le plus préoccupés du
sentiment contraire.
3° L'expression dont ce concile se sert dans
ce canon, pour défendre anx chorévêques l'or-
dination des prêtres et des diacres, ne signi-
fie j)as ([u'ils puissent en ordonner avec agré-
ment de révc(iue, mais qu'ils ne peuvent en
ordonner que conjointement avec l'évèque ,
avec lequel tous les prêtres qui sont présents,
imposent les mains sur la tête des prêtres qu'on
ordonne.
4° Un canon précédent de ce même concile
avait encore permis aux chorévêques de don-
ner des lettres formées ou pacifiques, ce qui
n'était pas permis aux simples curés (Can. vni).
VII. Le canon du concile de Calcédoine n'est
pas si embarrassé en apparence, mais au fond
il me paraît plus difficile de le bien démêler.
On y défend les ordin:itions siu. niaques, et
on semble y affecter une dilTérence fort visible
entres les ordres et les offices (Can. xu). La
vente des uns et des autres y est défendue,
mais on commence par celle des ordres comme
la plu? abominable, et on passe ensuite à celle
des offices. On nomme les ordres sacrés : « Si
qiiis ordinaverit per pecunias episcopum, aut
chorepiscopum, aut presbyterum, aut diaco-
num. » Ou exprime en termes _ -néranx les
moindres ordres, « Vel quemlibet ex his, qui
connumerantr.r in clero. » On nomme ensuite
les offices, « aut promoverit per pecunias œco-
nonium, vel defensorem, vel mansianarium,
vel quemquam qui est subjectus regulœ. »
L'ordre des chorévêques est donc mis ici
entre les ordres sacrés, comme tenant le milieu
entre les évêques et les prêtres, au-dessous des
évôijues, au-dessus des prêtres. Les chorévê-
ques ne sont donc proprement ni évêques, ni
prêtres, puisqu'ils ont été faits de prêtres cho-
révêques jiar une ordination distincte. «Si quis
ordinaverit •/.;•. «rc^-TTr,, episcopum, chorepisco-
pum, etc. » Enfin la charge des chorévêques
n'est pas un office simplement, puisqu'on ne
les a pas rangés avec les économes et les dé-
fenseurs qui sont pourvus par une seule pro-
motion,-rp-.Çâuo'.To ; mais avec les évêques, et
les prêtres.
Ce seraient là les conséquences naturelles
qu'on tirerait de ce canon, si l'on n'était arrêté
par des raisons d'un fort grand poids.
342
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE PREMIER.
VIII. En effet il s'ensuivrait de ces consé-
quences que l'ordre des choré\êques serait un
ordre sacré, et par conséquent d'institution di-
vine ; ce qui ne s'accorde pas avec la nouveauté
(les chorévêques qui ne paraissent nulle part
durant les trois premiers siècles, ni avLC la
brièveté de leur durée, car nous en verrons la
suppression dans les Siècles suivants. Et quels
seraient les pouvoirs extraordinaires de ce
nouvel ordre? Tous ceux qui ont été touchés
dans les canons précédents, et qui seront encore
peut-être découverts dans la suite, peuvent
être indubitiiblement exercés par des prêtres.
Enfin tout ce qui a été dit des trois ordres
sacrés qui composent la hiérarchie ecclésiasti-
que, dans les chapitres li, lu, lui, de la partie
jirécédente, montre très-évidemment que la
tradition constante des Pères de l'une et de
l'antre Eglise, n'a point connu d'autres ordres
supérieurs que l'épiscopat, la prêtrise et le dia-
conat. D'où il s'ensuit que les chorévêques ne
peuvent avoir place dans la hiérarchie qu'en se
confondant ou avec les évêques, ou plutôt avec
les prêtres.
IX. Cela étant présupposé, il faut dire que le
concile peutavuir[ilacé l'ordre des chorévêques
non pas avec lus officiers qui n'exerçaient qu'une
juridiction temporelle, mais avec les évêques,
les prêtres ni les diacres qui exercent les fonc-
tions spirituelles soit de l'ordre, soit de la juri-
diction.
Les chorévêques étaient chargés de plusieurs
curés à la campagne, et même de plusieurs
cures, sur qui ils exerçaient une juridiction
déléguée de l'évêque. Or le soin des âmes, et
la juridiction spirituelle ne peuvent se vendre
à prix d'argent, sans un crime énorme, et tout
semblable à celui d'un homme qui trafique
des ordres sacrés ; et par conséquent, sans
comparaison , plus di'leslable que celui de
vendre les charges d'économe, de défenseur,
et autres semblables. II est donc vrai de dire,
que bien que l'imposition des mains qui
créait les chorévêques, ne leur conférât aucun
ordre nouveau, elle leur donnait néanmoins
une juridiction spirituelle, inférieure à celle
des évêques, et supérieure à celle des prêtres,
qu'on ne pouvait ni acheter, ni vendre, sans se
rendre coupable du môme crime que ceux qui
vemlent non pas les charges ecclésiastiques,
mais les ordres sacrés.
X. La qualité de visiteur, nef ioJeutt.î , quels
concile de Laodicée donne aux chorévêques.
n'exprime pas mal celte juridiction : Etnnt
comme les vicaires forains de l'évêque, ou les
doyens ruraux, c'était dans la visite de leur
petit empire qu'ils faisaient éclater les marques
de leur juridiction et de leur charité. Ce titre
mémo de visiteur est encore une preuve qu'ils
n'étaient pas évêques. La majesté de l'épiscopat
aurait demandé un nom plus magnifique.
A quoi il faut ajouter encore cette remarque,
que le canon du concile d'Antioche ayant com-
mandé que ce soit l'évêque seul de la Aille qui
ordonne le chorévêque, « Chorepiscopum or-
dinet civitatis episcopus, cui subjcclus est
(Can.x);» il n'est pas même soutenable de
dire, après cela, que les chorévêques fussent
évêques, puisque les canons de Nicée et ceux
d'Antioche même (Can. xix) veulent que pour
l'ordination d'un évoque, tous les évêques de
la province soient [irésents, au moins qu'ils y
consentent par leurs lettres. Enfin ce canon
d'Antioche ne dit pas que le chorévêque sera
ordonné, mais qu'il sera fait, -[ivtaôai, par l'évê-
que de la ville (Can. x).
Quand le concile de Néocésarée nous a dit
ci-dessus que les chorévêques représentaient les
soixante-dix disciples, il nous a donné sujet de
tirer la même conclusion que ce n'étaient que
les prêtres (Can. xiv) : car c'est le langage or-
dinaire de l'antiquité, de dire que les évoques
ont succédé aux a|)ôlres, et les curés, ou les
prêtres, aux soixante-dix disciples.
XL II n'y a plus que le canon du concile
d'Ancyre qui peut former quehpie difficulté.
Le texte semble permettre aux chorévêques
et aux prêtres de la cathédrale d'ordonner des
prêtres avec la permission des évêques. a Cho-
re[iiscopis non licere presbytères aut diaconos
ordinare. Sed neque presbyteris civilatis, nisi
eis permittatur ab opiscoi)0 per litteras in
aliéna parochia (Can. xiii). n
JL de Marca a tièssulidement prouvé que le
texte grec de ce canon est corrompu; en efTel
la version que nous venons d'en rapporter,
qui est très-fidèle, contient des absurdités
étranges. En effet, comment aurait-on permis à
des prêtres d'ordonner des prêtres, puisque le
droit d'ordination est le privilège le plus parti-
culier des évoques, et le plus incommunicable
à tous les autres ordres de l'Eglise (Marca, de
Concordia, I. ii, c. li)? On ne peut au moins
nier que ces termes o in aliéna parochia, » ne
contiennent un sens extravagant, puisque les
évêques ne peuvent ni rien permettre, ni rien
DES ClIORÉVÉQrES. ' »
343
entreprendre eux-mêmes dans les diocèses do
leurs coufrères.
Il faut donc corriger le texte grec sur les an-
ciennes versions latines, en lisant iv eV.mtt, t.i.^v.-
/.;» , a in unaquaipie parochia , n au lieu de
£v éTÉpa 7îaç*«ta, a iu aliéna parochia; » et ajou-
ter ces deux mots ijui ont été retraneliés,
uT.Jiv npà~£iv : « aliqnid agere. » Denys le
Petit confirme une partie de cette correction
dans la version qu'il en a donnée. « Cliorepi-
scopis non licere presliyteros aut diaconos or-
dinare; sed nec presbyteris civitatis sine prœ-
ccpto episcopi , vel litteris in unaquaque
parochia. » Mais la correction tout entière
paraît dans r'EpKome des canons du pape
Adrien I". a Ut cliorepiscopi presbyterum, \el
diaconum non ordinent; nec presbytcr aliquid
agatin parochia sine prœcepto episcopi. »
Le capitulaire de Cliarlemagne à Aix-la-
Chipelle , et la collection d'Isidore parlent
encore plus clairement; et avant tout cela
Ferrand Diacre, dans son abrégé des canons,
« Ut chorepiscopi, id est vicarii episcoporum,
nec presbytères, nec diaconos ordine.it, nisi
tantum subdiaconos. Ut presbyteri civitatis
sine jussu episcopi nihil jubeant, nec in una-
qnacjue parochia aliquid agant (C. lxxix ,
xcu). »
XII. Saint Basile, archevêque de Césarée en
Cappadoce, laissa à ses chorévê(jues le pouvoir
d'ordonner, ou d'instituer les clercs inférieurs,
mais avec cette condition qu'ils lui en écri-
raient auparavant, et qu'ils attendraient son
consentement (In Epist. ad Chorep.). C'était
une ancienne obligation dont ils s'étaient dis-
pensés, aussi bien que de celle de bien exami-
ner, et de faire examiner par les prêtres et les
diacres tous ceux qu'ils admettaient au minis-
tère de l'Eglise. « De inlfgro liât a nubis exa-
minalio, et si sint quidem digni nostro suffra-
gio, suseipianlur : » C'était l'ancienne cou-
tume, «Presbyteri et diaconi examinabant,
referebant autem ad chorepiscopos ; quia a
vere testificantibus susceptis suflragiis, et co-
nim admonilis episcopis, ita in ministrorum
sacerdotalium numerum cooptabint. a
Saint Basile parle encore ailleurs des choré-
vêques (Basil., epist. clxxxi, cccxu). Saint Atha-
nase en fait aussi menlion (Athanas., apol. n).
Théodoret envoya la lettre qu'il écri\itau pape
Léon, par deux de ses prêtres qu'il appela en
même temps chorévéques (Tlieodoret., epist.
exiu^ cxvij.
Des gens savants ont cru que si les curés
ont quelquefois donné les ordies mineurs, c'a
été par une effusion et une comunuiication
des privilèges des chorévéques aux cuiés : car
les cliorévé(|ues étaient aussi curés.
XIII. Si les chorévéques n'ont paru que dans
le IV siècle dans l'Orient, comme il est aisé de
conclure de tdut ce que nous venons de dire,
il est certain (|u'on n'a parlé d'eux dans l'Occi-
dent (]Me dans le siècle suivant. La lettre du
pape Damase aux évèques d'Atrique , sur la
matière des chorévêiiues , est d'autant plus
manifestement supposée, que l'Eglise d'Afrique
n'eut certainement jamais de chorévêc|ues ,
comme il est aisé de le justifier par tous les
conciles d'Afrique.
Ce fut en 439 , dans le concile de Riez en
France, que l'Occident parut connaître les cho-
révéques. Armentarius, qui avait été ordonné
évêque par deux évêques seulement, et sans le
consentement du métro[>olitain, y fut déposé,
en sorte néanmoins qu'il pût être fait chorévê-
que, si quelqu'un des évêques voulait l'honorer
de cette charge, de même que le concile de
Nicée avait permis de donner la fonction de
chorévéques aux évêques novatiens qui revien-
draient à l'Eglise, et qui ne pourraient pas de-
meurer évè(iues, parce qu'il y avait déjà un
évêque catholique dans la même ville. « Liceat
ei in una parocbiarum suarum ecclesiam con-
cedere, in qua cho^epi^copi nomine, ut idtiu
canon Nicctnus loquitur, aut peregrina com-
munione foveatur (Can. m). »
XIV. Ce fut donc du concile de Nicée que
nous apprîmes l'état des chorévéques, et ce fut
premièrement dans ce concile de Riez que
nous commençâmes d'en emprunter quelque
image ; mais en vérité ce ne fut ici qu'une
ombre d'un chorévcque. Car ce concile ne
donna à Armentarius qu'une paroisse à la
campagne, et il lui délendit l'ordination des
clercs inférieurs mêmes. En cela il était réduit
plus à fétroit que les chorévéques de l'Orient.
D'autre part il lui permet d'administrer le sa-
crement de confirmation. Cette permission n'a
point été exprimée dans les canons grecs ci-
dessus rapportés.
La lettre du grand saint Léon aux évêques
des Gaules et d'Allemagne, touchant les choré-
véques,est une pièce supposée au jugementdes
savants. Ainsi on peut dire que les chorévéques
ont été très-peu connus, ou presque entière-
ment iucouuus dans tout l'Occident jus(iu'aprè?
3ii
DU SECOND ORDRE IiES CLERCS. — CIIAP.TI'.E DEUXIEME.
l'an oOO. Les petites traces que nous y en avons
à peine remarquées se rendirent plus \isibUs
de jour à autre, et enfin le nombre et la puis-
sante des chorévèques s'augmenta si i'ort vers
le temps de Charlemagne, qu'ils se rendirent
formidables aux évèques mêmes.
XV. A|)rès tout ce qui a été dit, il est facile
de recueillir quels étaient les pouvoirs, et
quelles étaient les obligations saintes des cho-
révèques.
Ils devaient veiller sur les prêtres et les
églises de la campagne , faire la visite des
églises de la contrée, qui leur avait été com-
mise, avoir un soin tout particulier des pau-
vres, ordonner les clercs mineurs de leurs
Eglises, après avoir reçu le témoignage avanta-
geux des prêtres et des diacres en leur faveur,
et le consentement de l'évèque.
Enfin les chorévèques devaient faire toutes les
fonctions d'un grand-vicaire, sur qui l'évêque
se rc[)osc du soin et de la conduite de toutes
les paroisses de la campagne, ou au moins
d'une partie. Car ce qui a été dit de la lettre
de saint Casile aux chorévèques et de saint Atlia-
nase, qui nous a dit ailleurs que la Maréotide
en Egypte était un pays où il n'y avait jamais
eu ni de curé ni de chorévèque. sullit pour nous
persuader qu'il y avait plusieurs chorévèques
dans un môme diocèse et sous un même évè-
que.
Siint Basile nous fait voir des chorévèques
chargés iiartlculiè-emenl du soin des pauvres
et des hôpitaux (Epist. ccccxvni, p. 8). Et saint
Grégoire de Nazianzi^, dans le poème de sa vie,
assure que saint Basile étant archevêque de
Césarée, avait sous lui cinquante chorévèques.
XVI. Afin que l'on n'ait point à rne repro-
cher d'avoir passé le second âge de l'Eglis'î
depuis le cinquième siècle jusqu'au douzième,
sans dire un motdeschorévêques, qui n'étaient
pas cependant encore éteints, j'observerai ici
en passant que ces chorévèques avaient beau-
coup de rapport avec les archiprèlres ruraux,
là qui l'on confiait le soin de la surintendance
du plusieurs paroisses.
C'est ie sentiment d'Isidore de Séville, qui
appelle les chorévèciues les vicaires ruraux des
évèques, qui sont chargés de la conduite des
église:- et des paroisses rurales, avec pouvoir d'y
conférer les ordres mineurs et le sous-diaconat,
mais non pas le diaconat, encore moins la prê-
trise.
Voici comment cet auteur s'exprime. « Chore-
piscoiii, id est, vicarii e|)iscoporLim ad exem-
pUim sepluaginla seniorum : tani|uain sacer-
dotes, propter solliciludinem pauperum. Hi
in villis et vicis instituli, gubernant sibi com-
missasEcclL'siiis, habenlcs licenliam consliluere
leclores, subdiacoaos, etc. (De oftîc. Ecciesiar.,
hb. u, c. CJ. »
CHAPITRE DEUXIEME.
DES CHOUKVLQUES SOl'S L EMPIKE DE ClIARLEMAGNE ET DE SES DESCENDANTS.
I. Les deux raisons qui Hrent déclarer au pape et aux concilias
(ic France que les chorévèques n'élaient point évè(iues, et ne
pouvaient rien entreprendre de ce qui est propri' à l'épiscopal.
II. I, 'ignorance des canons et l'amour excessif du repos avaient
porté les évêqucsà se décharger entièrement sur les chorévèques.
III. Pounpioi on leur pei niellait plutôt l'ordination des sous-
diacres que la consécration des vierges.
IV. Quoique l'empereur, le pape et les conciles de France
eussent tâché d'abolir les chorévèques, on s'en servit encore
pendant quelque temps, en Imiilanl leurs pouvoirs.
V. Supposition de la lettre du pape Nicolas, qui les fait
événues.
VI. VII. Nouvelles preuves de cette supposition, tirées du
concile de Meaux et d'ilmcmar.
VIII. Nouvelle occasion de créer des chorévèques pour les
évcchés vacants.
IX. Dans l'Orient les chorévèques furent enfin enlièremcnt
abolis. Diverses preuves.
X. On dit que depuis deux cents ans le patriarche grec
d'Alexandrie gouverne tout son palriarcat par des chorévèques,
sans évèques. Si cela esl, il est très-difficile que ces chorévè-
ques ne soient évèques.
XI. Réponse à quelques objections.
DES CIIORÈVÊQUES SOUS CIIAIILEMAGNE.
3ii
I. Sous Chnrli'maorno il s'élcA'a une conto?fn-
tion t'ntre Us piètrus, les diacres el les sous-
diacres ordonnés par les évêqnes, et ceux ]ni
avaient reçu les mêmes onires et les mêmes
degrés de la main des chorévêques. Cet em-
pereur jugea que cette cause était assez impor-
tante pour êtrera[)porlée aujuj^rment dn pa[)e,
aiu|iul il envoya pour cela l'archevêque de
Salsbonrg Arnon.
La décision du pape soutenue de colle de no^'
évcques françiis dans le concile de Kalisbonne,
fut que les chorévêques n'étaient nullement
évoques, comme n'ayant point 'té ordonnés,
ni pour un siège épifcopal, ni (lar trois évê-
ijnes. « Quia neequanidam epi^cnp.alem sedem
civitatis titulati eraiit, nec canoiiice a tribus
episcopis ordiuati (Conc. Gall., tom. n , p.
239). »
La conséquence qui se tire naturellrment de
ce principe est, que les ordinations qu'ils
avaient laites devaient être réitérées; enfin que
la confirmation qu'ils avaient donnée, les con-
sécrations qu'ils avaient faites des vierges, des
églises, des autels et du chrême étaient de
nulle valeur, parce que ces chorévêques n'a-
vaient in mais été évè(|nes et ne pourraient
jamais l'être, ni en fait e les fonctions.
« Ut hi qui a chorepiscopis presbyleri, vel
diaeoni, vel sididiaconi sunt ordinati, nullale-
nus in probyteratus, aut diaconatus, aut snb-
diaconatus oflicio ministrarepra'sumant. Simi-
liter honiines , qui imperitis videntur ah eis
esse confiimati, vel vir^ines, seu ecciesiœ sa-
cratœ, aut chrisma confectum, seu altaria de-
dicata, pro contirmalis, seu sacratis, vel dedi-
calis haud habeantur; quia qu;e illi non
habuerunt, dare non iioluerun't; quoniam ex
bis eis quid(|uam agere non licet ; quœ omnia
summis pontiflcibus debentur et non chorepi-
scojiis, qui nec summi ponliflees, vel episcopi
fi.erunt, nec deinceps us(iuam fieri possunt. »
II. Ce concile ajoute que les soixante-dix disci-
ples, dont les chorévêiiues et les prêtres tiennent
la place, connue ne faisant qu'un seul ordre,
n'ont jamais entrepris aucune de ces fonctions
épiscopales. « Agenda non sunt a presbyteris,
vel chorepiscopis, qui unius formae esse viden-
tur (Capitul. Car. M., 1. vu, c. iS). »
Enfin ce concile délend de ciéer à l'avenir
des chorévêques, protestant qu'il ne fait que re-
nouveler les anciennes défenses qui en avaient
été faites par les papes et par les saints Pères,
et que ceux qui en avaient ordonné ne l'avaient
fait que par une ignorance grossière des canons
et par une; iàclieté iiérilleuse; puis(|u'il paraît
par là qu'ils ne recherchent rien tant que de se
décharger sur quel(|u'nn des pénibles travaux
do l'cj iseopat et de jouir ce[)endant dans le
repos et la mollesse d'une vaine fumée de gran-
deur.
« Placuit ne chorepiscopi a quibusdnm dein-
ceps fiant, (luoniam hactenus a nescienlibiis
sancloruni Patrum, et maxime apostolicorum
décréta, suis<pie quietibus ac delectationibus
inba>renlibus fac'.i sunt. Idcirco et olim per-
sa-pe et nosiro asancfaapostolicaSedefempore
si.nt prohibiti, etc. (Capitul. ,1. vi, c. 110, 2Si;
1. vu, c. .'ÎIO, aiS, ;î-2S, 3-29 ; ibid., p. -251). »
III. Je dirai en passant qu'il y a de quoi s'é-
tonner, que l'on permette aux chorévêques
d'ordonner les moindres clercs, au dessous des
soiis-diacres, et qu'on déclare nulles les consé-
cratii.ns qu'ils pourraient faire des vierges. Il est
peut-être encore pdus surprenant que l'ordina-
tion des chorévêques se tais ail sur ceux qui
élaienl déjà prêtres, et se faisant par Pimposi-
tion des mains de l'évèque, qui était la céré-
monie ordinaire de l'ordination où l'on confé-
rait un ordre sacré; néanmoins cette ordination
soit ici déclarée n'être qu'une cérémonie qui
n'ajoute rien à la prêtrise, et ne di>tingue en
rien l'ordre des choré\éques de celui des prê-
tres.
Mais il est fort vraisemblable que cette impo-
sition des mains était semblable àcellequ'tn
fit sur Paul et Silas dans les .\cfes des apôtres,
quand on les envoya prêcher. Car cette impo-
sition des mains n'était nullement une ordina-
tion. Il faut faire le même jugement de l'ordi-
nation des diaconesses, qui avait une merveil-
leuse ressemblance à celle des diacres, et était
très-particulièreuieut réservée aux évêques,
aussi bien que la consécration des vierges.
Aussi autrefois saint Basile et quelques conciles,
qui sont rapportés ailleurs dans cet ouvrage,
permettaient aux chorévêques l'ordination des
clercs mineurs, et leur défendaient la consé-
cration des vierges , que les canons avaient
expressément réservée aux évêques. D'ailleurs
il était d'une conséquence dangereuse de com-
muniquer le pouvoir de les consacrer à d'au-
tres, en ce qu'il pouvait arriver, que celui à
qui on l'accorderait, se servît de cette occa-
sion pour établir un second chef dans la même
Eglise.
Une dernière raison c'est que les Eglises
346
DU SECOND ORDIIE DES CLERCS. — CHAPITRE DEUXIÈME.
avaient absolument besoin d'un grand nombre
de clercs constitués dans lus ordres mineurs.
Mais il n'y avait point de nécessité d'accorder
aux chorévêques le pouvoir de consacrer les
vierges; car outre que cette cérémonie pouvait
fort bien se différer à l'arrivée de révèque,elle
se faisait ordinairement à certains jours so-
lennels , auxquels les évoques ne pouvaient
pas s'absenter de leurs Eglises.
IV. Quelque autlienticiue qu'eût été la dé-
fense du pa[)e, de Charlemagne et du concile
des évèques français, les chorévêques ne lais-
sèrent pas d'être encore et ordonnés et honorés
dans plusieurs Eglises , quoiqu'apparemment
on ne leur laissât plus si audacieusement usur-
per ce qui était propre au ministère éjjiscopal.
Car dans le concile de Noyon les cliorévôques
sont nommés avant les al>bês et les prêtres,
immédiatement après les évèques (Conc. GalL,
t. II, an. 81 i).
L'empereur Louis le Débonnaire, en <S28, char-
gea ses intendants de s'informer delà conduite
des évèques, et de ceux qui sont leurs aides et
leurs coadjuteurs, c'est-à-dire, des chorévêques,
des archiprêtres, des arciiidiacres, des vidâmes
et des curés. « Deinde quales sint adjutores
niinisterii eorum, id est, chorepiscopi, arclii-
presbyleri, archidiaconi, et vicedoniini, et pre-
sbyteri per parocliias eorum. »
Le concile VI de Paris, tenu en 829, se plaint
des entreprises hardies des chorévêques, qui
imposaient les mains pour donner le Saint-
Esprit, c'est-à-dire qui confirmaient, « Ut do-
num Spiritus sancti per impositioneni nianuum
tradant (Can. xxvii] : » quoique les Actes des
apôtres témoignent que ce divin pouvoir était
réservé aux apôtres , c'est-à-dire aux évè(|ues ,
et que les soixante-dix disciples qui figuraient
les chorévêques n'y ontjamais aspiré.
Il résulte de là que la défense de créer des
chorévêques ne tut pas observée, mais que
leur ambition s'était bornée à donner la confir-
mation , sans prétendre à la collation des or-
dres sacrés. Ce qui est encore confirmé par la
suite du même canon, où l'ordination des cho-
révêques n'est pas im[)rouvée, pourvu (ju'onles
renferme dans les bornes prescrites par les
canons. « Ordinatio porro chorcpisLorum qua-
liter fieri debeat, et qualiter qualesve ipsi ordi-
nationes jubcntibus episcopis suis lacère de-
bi'ant.juracaiionum li(]uiiiodecernunt(ll)id.).»
Ce (|ui est laisser les cliorevêques dans la pos-
sesson où ils sont, selon les canons, de don-
ner seulement les ordres au-dessous du sous-
diaconat.
Le concile 11 d'Aix-la-Chapelle (Can. iv),
tenu en 836, avertit les évèques de réprimer la
sordide avarice des chorévêques, des archi-
prêtres et des archidiacres, dont ils se servaient
poiu' la conduite de leur diocèse. Le concile de
Meaux (Can. xliv) tenu en 8io, interdit aux
chorévêques de bénir le saint chrême, de con-
firmer, de consacrer les églises, de conférer les
ordres qui demandent l'imposition des mains,
de conférer même les ordres inférieurs, sans
la permission de l'évêque , qui leur est aussi
nécessaire pour réconcilier les pénitents; « Ne-
que ordines eccicsiasticos qui per imposilio-
nein manustribuuntur, lioc est, nonnisi usque
ad subdiaconatum, ethocjubente episcopo.»
Les cl!orévê(|ues reconuiunçaienl donc à
usurper les fonctions épiscopales, et la facilité
excessive des évèques n'était peut-être pas
moins blâmable de le permettre , que leur
ambition de l'entreprendre. Aussi ce canon
menace les évèques de déposition, s'ils con-
tinuent de leur permettre ce qui ne peut leur
être licite.
V. C'est ce qui nous donne un juste sujet de
nous inscrire en faux contre la première par-
tie de la lettre attribuée au pape Nicolas sur ce
snjrt (An. 8lii). En effet comment ce pape au-
rait-il pu, écrivant à l'archevêciue de Bourges,
lîoddlphe, lui dire que les soixante-dix disciples
étaient indubitablement évèques, et que par
conséquent les chorévêques qui leur ont suc-
cédé en peuvent faire les fonctions.
Cette doctrine est diamétralement opposée
aux résolutions des papes et des évè(jues de
France, comme nous venons de voir; ainsi
comment un pape si savant et si rigoureux
observateur de la tradition, aurait-il pu la dé-
biter à un évêipie français?
VI. Le concile de Metz, qui fut assemblé quel-
ques années après, savoir en 888, ignore indu-
bilaltlement cette lettre de Nicolas, ou dé-
chirait la supposition, quand il commandait de
consacrer les églises consacrées par des choré-
vêques, parce que les papes Damase, Innocent
et Léon ont cissè tout ce que les chorévêques
peuvent usurjier des fonctions propres à rèjii-
scnpat. « Ut basilicœ a chorepiscopis conse-
cradc ab episcopis consecrentur, roboratum
est; (luiajuxla décréta Damasi pap», Innocen-
tii et Leonis, vacuum est atque inane, quid-
quid in sumini sacerdolii cpiscopi egerunt
DES CHORÉVÉQUES S'tUS CHARLEMAGNE.
3i7
ministerio ; et quod ipsi iidem sint, qui et pre-
sbyleri, «ufflcicnler invenitiir fCan. viiil. »
Tous les endroits des Cipilulairos de Cliarle-
magne, qui ont été cités ci-dessus, témoi-
gnent encore tidèlement combien toute la
France était persuadée du contraire de ce qui
est contenu dans cette prétendue lettre du pape
Mcolas. Hincmar parle souvent des chorévè-
ques et même de celui de Reims, qui ordonna
prêtre le moine Gottescalc, contre les règles de
lEglise. a Quique a Reniorum chorepiscoiio,
qui tune erat, contra régulas presbyterordina-
tus, etc. (llincm., tom. n, p. 2G-2). »
VII. Voici une preuve encore i>lus convain-
cante de la fausseté de cette lettre du pape
Nicolas. Le même Hincmar s'eniportant avec
autant de force que de justice contre les évè-
ques de son temps, qui ordonnaient des choré-
vêques et leur commettaient les fonctions les
plus particulières du ministère épiscopal, afui
de pouvoir jouir d'un repos peu convenable à
leur caractère, ne leur oppose que l'autorité
des souverains Pontifes , qui ont souvent con-
damné l'ordre deschoié\êi[nes.
a Sicut et quidam e[)iscopi eliam a longo prœ-
cedentibus temporibus , scandalum pro sua
qniete et voluplatibus in Ecclesiam intromise-
r.mi, ordinantescborepiscopos, eteisquae sum-
mis Pontifîcibus conveniunt agere permitten-
tes; quos Apostolica Sedes saepius reprobuvit,
et apcstolico mucrone recidit, sicut in Decreta-
libus eorum, qui voluerit receusere, inveniel
(Ibid., p. 75C";. »
VIII. Flodoard nous apprend que le même
Hincmar écrivit au pape Léon IV contre les
attentats des chorévêques, qui entreprenaient
de conférer les ordres et la confîi nialion ; mais
il lui découvrait en même temps un abus into-
lérable, qui ne contribuait pas peu à conserver
l'état des cliorévcques après tant de défenses
canoniqutsden'en [dus ordonner. C'est qu'après
la mort d'un évêque, le prince faisait gouver-
ner l'Eglise vacante par un chorévèque, afin
de pouvoir avec plus de liberté dissiper les biens
de cette Eglise au profit des séculiers.
a Et quod terrena potestas bac materia sœpe
offenderet, ut videlicet episcopo quolibet de-
functo , per chorepiscopum solis pontillcibus
debitum ministerium perageretur, et res ac
facultates Eeclesiœ so^culai iumusibus expende-
rentur ; sicut et in nustra Ecclesia jam secundo
actum fuisset (Flodoard., 1. ni. hist. Rem. c.
X).»
IX. Dans l'Orient, les chorévêques ne reçu-
rent pas de si violentes attaques, parce qu'ils
usèrent plus modestementdeleurspouvoirs. Le
concile H de Nicée leur continua le droit de
créer des lecteurs, avec la permission de l'évê-
que. «Sccundumantii]uamcon?uetudinenicho-
repiscopos pra-ceplione episcopioportetpromo-
vere lectores (Can. xiv). »
Comme Balsamon ne dit rien des chorévê-
ques en interprétant ce canon , on pourrait
conjecturer qu'ils étaient abolis de son temps.
Cela se peut encore confirmer par l'explica-
tion qu'il donne au canon lvii du concile de
Laoditée, où il dit que les périodeutes ou visi-
teurs, dont il y est parlé, sont les exarques que
les évcques envoient pour observer et pour
fortifier les fidèles, a Sunt autem periodeutic
qui hodie ab episcopis promoventur exarchi.
Hi enim circumcursant, etdeliclaanimœobser-
xant, et fidèles perficiunt (Can. lvu). »
Ces exarques avaient donc succédé aux cho-
révêques et ils étaient envoyés par les patriar-
ches, par les métropolitains et par lesévêques,
pour faire la visite et informer les prélats des
désordres de leur diocè-e. Voici l'observation
d'Harménopule dans le Droit oriental; a Chore-
piscopi sunt, qui nunc vocantur ex irclii , sive
patriarchae sint, sive metropolitani (lu Epi-
tome, Can., sect. i, lit. 9]. »
Si le même Harménopule, Aristœnus, Balsa-
mon et Zonare semblent accorder aux choré-
vêques le pouvoir d'ordonner les prêtres et les
diacres avec la permission de l'évèque, c'est
qu'ils expli(iuent alors le sens et la pratique des
canons des anciens conciles et non pas de ceux
de leur temps (In Can. xiv synodi u Nica?nae.
In Can. xui Ancyr.).
El effet, au temps des conciles tenus avant le
se[)ticme siècle, il y avait, par des rencontres
particulières, des chorévêques qui étaient évè-
ques, et il est hors de doute qu'ils pouvaient,
avec le consentement de l'évèque diocésain, or-
donner des prêtres. Mais au temps où ces auteurs
écrivaient, il n'y avait [dus du tout de cho-
révêques en tout l'Orient, comme Balsamon le
dit en termes formels sur le canon xia du
concile d'Ancyre. a Chorepiscoporum gradus
onmino exole\it. »
La collection des canons arabiques s'est
fort étendue sur la création des choré'.êques
et sur leurs pouvoirs, qui étaient en général
ceux d'un grand-vicaire, sur la police inté-
rieure et extérieure , sur les peuple? , sur le
318
DU SFXOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DEUXIÈME.
clergé et sur les religieux. Mais ni ces cliorévè-
qiies ne pouvaient conférer les ordres sacrés ,
ni leur durée ne peut, par cet argument, être
[irolcngée après le dixième siècle (Can. liv,
usque ad GC).
X. Il faudrait excepter le patriarche d'.Mexan-
drie, s'il est vrai (|ue ce patriarche depuis deux
cents ans ait éteint l'ordre des évèques et gou-
verne tout son ressort par le ministère des clio-
révêques , comme M. de Marca le rapporte
des lettres du patriarche Cyrille : « In patriar-
chatu Alcxiinch-ino dcletis cpiscopis, foli cho-
repiscopi curam patriarchœ in administratione
Ecdesiarnm levant : quod ducenlis ub hinc
nnnis inductum fuisse testatur CyrilliisAlexan-
(Iriœ palriarclia lis litleris quas in Valachiu
scripsit, ann. 1612 (Liber, ii Concord., c. 14). »
Si ce rapport est véritable, il est difficile do
ne pas croire que ces chorévêques soient tous
semblables à ceux dont les anciens canons par-
lent, qui élai(Mit assez souvent honorés du carac-
tère épi?copal. En efTcl, il est impossible que le
patriarche seul ordonne tous les prêtres et tous
les diacres, ou qu'il confirme tous le? fidcks
de son patriarcat.
Il faut donc nécessairement qu'il partage ses
fonctions avec ses chorévcqucs. Apres cela ce
ne sera plus qu'un cliangement de nom. Car
ceux qu'il a|i|i(ll(! ( horévèques, sont véritable-
ment cvéqucs, puisqu'ils ont le pouvoir d'or-
donner les prêtres et de confirmer.
XI. Je sais ipie des gens savants ont douté do
la vérité de la cassation des chorévêques ])ar
le pape Léon III et par les évêques de France.
Mais tout ce qui a été cité de nos conciles de
France et des capitnlaires de nos rois, m'a paru
d'un côté si clair et si convaincant, et d'autre
part si certain et si incontestable, que je n'ai
pu avoir aucun doute de ce qui nous a été
rapporté de la condanmation des chorévêques,
(I du la déclaration solennelle qu'on fit (ju'ils
n'avaient jamais été évêques.
Il faudrait renverser toute l'autorité des Capi-
tulair ■•, lenue jus(|u';i présent (JOur inviolable
et si fort respectée par tous les doctes, pour en
ariaeiier et décréditer ce qui regarde les choré-
vê(]ues.
Si Raban les favorise, on peut lui opposer
llincmar et tant d'autres savants évoques, qui
furent présents aux conciles ci-dessus allégués,
.le confesse que les deux raisons qu'on allégua
liour exclure les chorévêques du rang cl de
l'ordre éiiiscopal, qu'ils n'avaient clé ordonnés
ni par trois évèques, ni pour une église cathé-
drale, ne proposent rien qui soit absolument
essentiel h l'ordination épiscopale ; mais elles
ne laissent pas d'êlre très-suffisantes pour
justifier que ce n'était nullement l'intention tle
l'Eglise de donner la commission extraordi-
naire de consacrer des évêques, quand elle
ordonnait des chorévêques.
Si son desseineûtétéd'ordonner des évêques,
elle eût commandé que cette ordination s:' fil,
et par trois évoques, et pour une ville épisco-
pale.
Comme l'Eglise n'a permis l'ordination d'un
évêque par un évêque seul que dans les né-
cessités très-pressantes, de même que selon
l'avis de plusieurs savants théologiens elle n'a
permis aux prêtres de donner la confirmation
que dans des rencontres et des besoins extraor-
dinaires ; on peut dire que dans ces occasions
singulières le pouvoir des prêtres pour confir-
mer, et le jiouvoir d'un évêque pour ordonner
seul un autre évêque, dépendent d'une com-
mission extraoï'dinaire que l'Eglise ou le [)ape
leur en donne. Or comme ces commissions
extraordinaires ne se donnent que dans des
nécessités pressantes, il y a toujours lieu de
croire que ce n'a nullement été l'intention de
l'Eglise de donner cette commission extraordi-
naire à un évêqued'en ordonner seul un autre,
lorsqu'il n'y avait nulle nécessité d'ordonner un
nouvel évêque, puisque le siège épiscopal était
déjà rempli : et s'il y eût eu (juelijue nécessité
d'ordonner un nouvel évêque, il y avait en
même temps toute la facilité possible de le
faire ordonner par trois évêques.
Quoiqu'on ne puisse nier que l'Eglise n'ait
permis et ne permette encore quelquefois dans
les Indes à un évêque seul d'en ordonner d'au-
tres, il serait néanmoins très-dangereux de dire
(lu'un évêque seul eût ce pouvoir sans aucune
connnission extraordinaire du pape ou de l'E-
glise.
Cette comparaison de la confirmation et de
l'ordination, et la commission extraordinaire,
qui est absolument nécessaire aux prêtres pour
le premier, et à un évêque seul pour le second
de ces sacrements, ont été avancées par lesavant
M. Ilallier, qui ne s'éloigne pas lui-même de
ce sentiment, et cite pour cela le cardinal Bel-
larmin et plusieurs autres théologiens (Ilallier,
de sacris Elect., SOI, 593) (t).
(1] Les chorévêques n'ont pas été tellement abolis, qu'il ne nous
ait été donné d'en voir un de nos jours se trouvant dans le cas de
:ir
DES ARCmrnÊTRES.
' (]'(y
310
CHAPITRE TROISIEMI
DES ARCniPRORES PENrAM LES CIXQ PREMIERS SIÈCLES.
I. L'archiprêlre était simplement appelé premier prélre par
les Grecs. Pourquoi ?
II. C'était le plus ancien d'ordination entre les prêtres. On
gardait les rangs d'antiquité.
III. exception de saint Grégoire de Nazianze.
IV. Cette pré:é.iiice paraissait particulièrement dans le sanc-
tuaire, où les prêtres étaient tous assis avec Tévèque.
V. La charge d'archiprètre quelquefois donnée au mérite. 11
était alors grand-viaiire, et souvent successeur de l'évéque.
VI. Dans l'Eglise latine il y avait un archiprélre dans les ca-
thédrales.
Vil. C'était le plus ancien des prêtres. Preuve admirable tirée
de saint Léon. Chàtimenl de ceux qui avaient cédé leur rang.
VIII. Il y a une manière verlueuse et d'obligation de défendre
son rang.
IX. Autre exemple admirable tiré de la vie du saint martyr
F.Vix, prêtre de Noie. L'archiprètre succédait le plus souvent à
l'évéque.
X. .\utres preuves qu'il fallait conserver les ranes d'antiquité.
XI. Cela s'entend des séances publiques et de cérémonie. Hors
de là le plus grand était le plus humble.
XII. L'archi|irêlre chargé du soin des veuves, des orphelins
et des passants.
XUI. .Mais au défaut de l'évéque, ou absent, ou malade, ou
occupé ailleurs, il était chargé de tout le ministère de l'ordre
épiscopal, autant qu'il peut être exercé par les prêtres.
I. Quoique le mot d'archiprètre soit grec et
que les Grecs aient été les plus passionnés poul-
ies titres spécieux, il est certain néanmoins
que celui ijue les Latins appelaient archipièlie
était simiilement nommé jjar les Grecs premier
prêtre ^MTCTTfcopiTsp-.; (Phot. Bibliolh., cod. 59.
Juris Ori., 1. ix, p. 537).
Dans un concile tenu contre saint Chryso-
stome, Arsacius, qui fut depuis son successeur,
est appelé de ce nom «pa-oTvpsGpûTsfo;. Le même
titre se lit dans le concile de Calcédoine (Conc.
Calc.,act. 10).
Les canons apostoliques n'avaient laissé que
la qualité de premier au métropolitain desévê-
ques de chaque province, connue la plus simple
de toutes et imitée des lettres saintes , où saint
Pierre est appelé le premier des apôtres. Ou
appelait vraisemblablement en ce temps-là le
premier évêque, le preiuier prêtre et le pre-
mier diacre celui qui étaitou leplusconsidéré,
ou le plus ancien des évèques d'une province,
ou des prêtres et des diacres d'unévêché.
Les Grecs commencèrent à user du terme
d'archevêques, mais ils ne l'aiipliiiuèrent d'a-
bord qu'aux exarques et aux patriarches, non
plus que les Latins, qui usèrent plus tard de ce
terme.
Les Latins se servirent les premiers du terme
d'archiprètre. Celui d'archidiacre fut commun
aux deux Eglises. Les .\fricains ne purent souf-
frir le terme d'archevêque, mais ils ne furent
pas si scrupuleux pour les termes d'archiprè-
tres et d'archidiacres.
II. Il y a toutes les apparences possibles que
l'archiprètre était ordinairement le plus an-
cien d'ordination entre les prêtres. Le nom de
prêtre venant de l'âge avancé où ils devaient
être, le premier des prèties devait être le iili.s
âgé. en prenant l'âge de l'ordination, i)uis(ji!e
le jour de l'ordination était célébré, surtout par
les évê(iues, comme le jour de la naissance.
Le concile de Nicée rendit le rang du sacer-
doce aux prêtres qui avaient été ordonnés jjar
le schisnialique Mèlèce, mais avec cette con-
dition, qu'ils seraient toujours après tous ks
prêtres ordonnés par le saint évèque d'Ale.xan-
drie Alexandre. « luferiores tamea esse onuii-
bus presbyteris, quos Alexander ordinavitin
quacumque parœcia et Ecclesia. Aîutsîcj; eIwi 7:av-
Twv, etc. (Socrat., 1. i, c. 6). » . -; i ■- t .'
C'était donc la loi commune qu'on gardât
les rangs de i'antiquilé de l'ordination entre
les prêtres.
III. Mais cette loi n'était pas sans exception.
révéque schismatique, mentionné dans rarticle 4 du chapitre 1er de
ce présent livre, qui fut réduit au rang de sionple curé. En lT9S,Ie
P. Etienne, ancien religieux trinitaire, tue élu, par l'assemblée re-
préseûValive de Vauciuse , évéque constitutionnel de ce départe-
ment. Démissionnaire à l'époque du Concordat, il fut alors nommé
par l'évéque d'Avignon, curé d'Orange avec certaines prérogatives
épiscopalcs qui l'assimilaient aux cbcrévcqoi^s .^^lûai ^ji conserve en-
core iti:e lelire imsîorute qu'il adressa le 28 juin lùOy, loucUant la
vaccine, aux curés desservants et vicaires de Varrondii^emeui
d'Ornuge. Le gouvernement lui accordait un traitement de 4,000 fr.
L'annuaue du déj-artement de Vauciuse de ISOl. public par l'auto-
r;té civile, porte ce qui suit dans la partie ecclésiasUque : Qramj^^
l'évéque Etienne [François], curé. Cette lettre pastorale et d'autrea
faits pcouveot sufdsamme.Dt que l'évéque constitutionnel, tombé au
r.i'iirde ciirc, avait ccjicnd.nt d;::ls l'arrondlEsemeut d'Oiango îci^îts
les picioi^alives d'un chorcvèquc. (Dr A.NijHÉ.)
3o0
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TROISIÈME.
Ainsi j'ai dit qu'ordinairement le plus ancien
prèlre était reconnu archidiacre.
Saint Grégoire de Nazianze raconte lui-même
qu'étant venu voir saint Basile après sa pro-
motion à répiscojiat, il refusa le premier rang
que Basile voulait lui donner entre les prêtres
de son clergé. Ce refus ne déplut pas à saint
Basile, parce qu'il édifia tout son clergé. « Cum
ad eum venissem, cathedrœ honorem, insi-
gnioremque honoris locum inter presbytères,
Tov riv -îEo^jTï'jwv 77fu7;u.r.oiv, recusasseni, non modo
hoc meum faclum non incusavit, sed ut debuit
comprobavit (Orat. xx). »
Cela nous apprend qu'un mérite aussi extra-
ordinaire que celui de saint Grégoire de Na-
zianze, pouvait bien être honoré d'une préroga-
tive et d'une préférence contraire aux règles
communes, mais que rien n'est plus glorieux
aux personnes extraordinaires, que de s'assu-
jetir aux lois communes.
IV. Ces paroles de saint Grégoire de Nazianze
nous donnent occasion de remarquer que cette
préséance des anciens prêtres sur les plus
jeunes se voyait particulièrement dans le
sanctuaire, auprès de l'autel, où tous les prêtres
avaient leurs chaires arrangées autour de
celle de l'évêque, qui élait distinguée par ses
ornements et par son élévation. C'est d'où est
venu le nom de Prebytère.
Le concile d'Ancyre (Can.i, ii) parlnnt des
prêtres qui avaient sacrifié aux idoles, mais
qui avaient ensuite glorieusement réparé cette
faute par un second combat, et par une victoire
signalée, les déclare incapables de prêciier, d'of-
frir à l'autel, et de remplir les autres fonctions
saintes du sacerdoce; mais il les laisse parlicipei- à
l'honneur de la chaire. Xr.; T;u.r; -f.% y.%TX tt.v y.7.6;'î;;.v
[itTéxtiv. C'est-à-dire qu'ils auraient toujours
séance entre les prêtres, et par conséquent au-
raient droit aux distributions, qui faisaient
alors tous les revenus des bénéfices.
C'est ce qui est signifié par ce terme, nu-r,-.
Ainsi ils étaient privés, non pas de leurs béné-
fices, mais des fonctions de la prêtrise, et par
conséquentdurangd'archiprêlre, quand môme
ils seraient les plus anciens. Car le premier
|irêlre devait exercer le ministère sacré tle
ruutel, si l'évêque élait ou absent, ou malade.
Le concile de Laodicée défend aux prêtres de
prévenir l'évêque, d'entrer devant lui dans le
sanctuaire, et de s'asseoir dans ce lieu émineiit
qui s'appelait pour cela Bt^x , le Tribunal,
[>/.c'''A', ■/.'jjil',fi'i7.\ èv TW (jAtJ.7.7'.,
V. Libérât a écrit que le bienheureux Pro-
térius fut élu archevêque d'Alexandrie après
la déposition de Dioscore dans le concile de
Calcédoine, parce que Dioscore même l'avait
fait son archiprêtre, et lui avait commis la con-
duite de son Eglise, lorsqu'il alla au concile :
a In Proterium universorum sententia decli-
navit : ulique cui et Dioscorus commendavit
Ecelesiam, qui et eum archipresbyterum fe-
cerat (Cap. xiv). »
Conmie le premier prêtre des Eglises grec-
ques était véritablement ce que nous appelions
archiprêtre dans les cathédrales. Libérât qui a
parlé de l'Eglise grecque en termes latins,
nous apprend en même temps. 1° Que les
évêques donnaient quelquefois au mérite la
dignité d'archiprètre, quoiqu'ordinairement
elle ne fût donnée qu'à Tanliquité. Car si Pro-
térius ne fût arrivé à celte charge que par le
rang de son ordination, on ne dirait pas que
Dioscore l'aurait faitarchi[irêtre.
2° Dioscore le créa son grand-vicaire pendant
son absence, a Cui et Ecclesiam commendavit. »
Quand la dignité .d'archiprètre est donnée au
mérite et à l'expérience, la fonction de grand-
Aicaire lui convient admirablement.
3° De grand-vicaire etd'archi|irêlre, Protérins
devient le successeur de Dioscore. Rien n'est
ni plus naturel, ni plus juste, que de remplir
une charge, après en avoir exercé longtemps
toutes les fonctions.
VI. Dans l'Eglise latine saint Jérôme semble
nous assurer que toutes les calhédraks avaient
leurs archiprétres (Epist. ad Ruslic). «Singuli
Ecclesiarum episcopi, singuli archipresbyteri,
singuli archidiaconi ; et omnis ordo ecclesia-
slicussuisreclonbus nitilur. » Où ce père nous
fait remarquer que comme il n'y a qu'un
évêque dans une Eglise et un archidiacre,
ainsi il ne doit y avoir qu'un archi()rêlre.
En eflèt, l'arthiprétre étant le chef et le pre-
mier du collège des prêtres, comme l'archi-
diacre l'est de tous les diocèses, il est visible
qu'en ce sens il ne peut y en avoir qu'un pour
ne pas domier deux têtes à un corps. Mais
comme les Eglises se sont multipliées dans la
suite des siècles, on a donné tant de fonc-
tions ditlérentes et aux archi[)rêlres et aux ar-
chidiacres, (|u'on a souvent été obligé de les
mulli()lier dans une même Eglise.
VII. Il est encore certain que les archiprêlres
de l'Occident ne parvenaient à cette dignité
(|ue i)ar l'anliquilé de leur ordination, parce
DES Ar.riIII'RÉTr.ES.
3.'il
(luc li's l>;itiiis lurent curiire (ilus jaloux (]iii;
les CiiTcs, de faire obs( rvcr avec nue iiivioIahK!
exactiliuie cette loi si s.iiiite et si luitiirellc! du
respect que les jeunes doivent à leurs anciens
dans toute sorte de société et de profession.
Le grand saint Léon ayant appris que Dorus,
évoque de Bénévent, avait donné à un prêtre
nouvellement ordonné le premier rang et la
préséance sur tous les autres prêtres de son
Eglise, et que les deux plus anciens prêtres y
avaient consenti , ce grand pape tlt à cet évê-
que une sévère réprimande d'avoir renversé
l'ordre canoni(|ue de son clergé, et d'avoir
laissé prendre à un anibilieux usurpateur les
avantages qui n'étaient dus qu'à ceux que leur
âge, leur expérience, leurs services, et leur
longue persévérance rendaient vénérables.
« Cognovimus apud te novo ambilu fœdoque
coUuvio presbyterii ordinem fuisse turbatum,
ita ut luiius fesliiia et immatura proxectio,
qua^dam eoruni dejectio facta sit, quos aelas
commendabatetnullacii!paminuebat(E|iist.v).
Ce saint pape déclare ensuite que les deux
plus anciens prêtres n'avaient pas dû céder
leur primauté, et n'avaient pu en la cédant re-
culer ceux qui étaient plus jeunes qu'eux. « Si
vero piiini secundi(pie presbyteri circa Epicar-
j)iuni sibi prœponendum tanta assentatio fuit,
etc. Deformis et ignava snbjectio, bene sibi
consciis et non irritam facientibusgratiam Hei
pnejudicare non |iotuit; ut prinuilussuos quo-
cumque commercio in allerum transferentes,
subsequentium suoruni minuerent dignita-
tem. »
Enfin, pour punir la lâche complaisance de
ces deux anciens, il ordonne qu'ils seront à
l'avenir les derniers de tous les prêtres de cette
Eglise, qu'ils seront subordonnés àceluimème
dont ils ont flatté l'ambition, et que tous les
autres garderont inviolabiementle rang de leur
antiquité. « Ca-teris omnibus presbyteris in eo
ordine permanentibus, quem unicuique ordi-
nationis suœ tempus ascripsit. »
11 ne faut pas oublier ce qui paraîtra encore
plus étonnant: c'est que ce saint et savant pajie
jugeait la lâcheté de ces deux anciens prêties
si criminelle, qu'il assure qu'à moins d'adoucir
la rigueur des canons, il eût fallu les déposer.
oLicet privari etiam sacerdotio mererentur. »
Vlll. Il ne sera pas inutile de remarquer en
passant sur cet exemple mémorable qu'il y a
une manière innocente et même vertueuse
de défendre son rang et de ne pas céder à lam-
bition, aux intrigues ou à la violence de ceii\
(jui n(! pi'uvetit nous dé|il:icer sans dér.ingcr
les rneinlires d'un corps régulier et canonii|ne,
et sans violer les lois qui conservent l'ordre, la
paix, la heauté et la concorde de l'Eglise. C.v
n'est jias un amour déréglé de notre pro[ire
honneur qui doit nous donner du zèle et de
la force, mais l'amour de l'ordre, de la paix,
des lois, et l'obligation même de conserver la
place que nous remplissons dans l'Eglise, avec
les mêmes avantages que nous avons trouvés
et que nous devons transmettre à nos succes-
seurs.
C'était ce zèle pur et chaste qui animait ce
saint pape et qui échauffa encore longtemps
après la langue et la plume du grand saint
Grégoire, pape, pour empêcher que l'ambition
des évêques de Constantinople ne dérangeât
les trois anciens sièges apostoliques, en élevant
l'évêque de Constantinople au second rang, qui
n'avait jamais été disputé à l'évêque d'Alexan-
drie.
Si saint Léon a jugé qu'il importait de main-
tenir l'ancien ordre des rangs et des séanc s
entre les prêtres ou les chanoines d'une cathé-
drale , que devait-il penser des préséances an-
ciennes entre les trois premières Eglises du
monde?
IX. Finissons cette digression par un exemple
qui ne sera pas moins merveilleux que le pré-
cédent.
L'évêché de Noie étant vacant, tout le peuple
souhaitait avec une ardeur extrême que le saint
prêtre Félix fût élevé à cette haute dignité. Si
le mérite de cet illustre confesseur était grand,
son humilité n'était pas moindre. Il prétendit
que Quintus son confrère devait passer avant
lui, parce qu'il était plus ancien prêtre que
lui. il n'avait été ordonné qu'une semaine
avant lui. Celte difï'érence , quelque petite
qu'elle fût, fut néanmoins suffisante pour
faire réussir sa poursuite. Quintus lui fut pré-
féré et tut élu évêque. Ainsi l'antiquité et l'âge
l'emporta sur le mérite et sur les désirs du
peuple.
Il est aisé de conclure de là, que si le plus
ancien prêtre était ordinairement préféré aux
autres, quand il s'agissait délire un évêque,
on ne doit point douter que ce même droit
n'eût encore plus de lieu pour le rang et la di-
gnité d'arcliiprêtre. Il est même apparent que
Quintusétait archiprêtre de Noie. Si ni le pipe
Léon, ni saintPaulin, quia décritcn vers la vie
352
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TROISIÈME.
de saint Félix, n'ont point employé le nom
d'arclii|(ièlre, c'est peut- cire qu'il n'était pas
encore en usage dans ces Eglises. Mais quoi
qu'il en soit du nom, la dignité du premier
prêtre, et son élévation au-dessus des autres
prêtres était dès lors lort rcsiiectée.
Voici ks paroles de saint Paulin : « Felicis
' nomontolum balaliat ovile, etc. Vclul indignas
non audet honore crescere, testaliirque seni
mage débita. Quinto, quod prior ille gradum
socii n'.eruijSL't honoris pre.<byler, liœc se|iteni
distabat sununa diebus. Ergo sub hoc etiam
Félix antistile \ixit presbyler (Natali v. S. Fc-
lici). »
X. Le pape Gélasc renouvela cette ordon-
nance ancieiuie de IKglise pour la conservation
des rangs d'antiquité entre les prêtres et les
diacres. « Nec cujuslibet utilitatis causa, seu
])resbyleriuu. seu diaconum bis pra'ferre, qui
anie iii>os tiierint ordinali ^Epist. ix). » Le con-
cile 11 de Milcve rapporté par Ferrand, ordonne
aux é\èi|ucs de prendre rang selon le temps
de leur ordination, «rinullus episcopus [iriori-
bus suis se audeat anteponere. »
Le même concile enjoignit aux nouveaux
évoques de recevoir de leur consécrateur des
lettres où tût inanjué l'an et jour tie leur ordi-
nation, poui' finir toutes les conlLslations qui
pourraient naître sur les séances : « Litlerus
acci[iiantab ordinatoribus suis, manu eorum
sul)Scri|ilas, continentes coiisuleni et diem, ut
nullaaltercatiodeposterioribus,velanterioribus
oriatur(C(>ne.Mel. ii, c. 13, 14, cap. lxxvui). »
XL Mais tout cela s'entend des séances pu-
bliques où l'on paraît en cérémonie, c'est-à-
dire , où c'est bien moins la personne que
la dignité qui paiait. Car l'antiquité même
passera avec beaucoup de justice pour une
dignité, si l'on considère de près les avan-
tages qu'elle donne et le respect qu'elle s'at-
tire. Au lesle pour les séances particulières,
les plus grands et les plus saints évè(jues ont
été ceux (]ui ont fait gloire de s'abaisser davan-
tage, parce (jue ce n'est pins que leur personne
et non leur dignité (juiy est consiilérée.
Sidoine Apollinaire a excellemment repré-
senté coiniiuînt le saint etcélèbreLou[», é\C(iue
deTroyes.alleclait de rendre toujours plusd'lion-
iieur iju'il n'en recevait, et s'abaissant au-des-
sous de ses itdérieurs , méritait que ses su-
périeurs même se soumissent à lui. a Officia
muttiplieat piopria, vitat aliéna. Cunique ipsi
\icissim debeal oceurri, gialius habet, si sibi
mutuus lionor debeatur mage, quam repon-
datur. In convivio, ilinere, conse^su, inlerio-
ribus ccdit, qiio lit, ut se illi volupluosius lurbi
postponat superiorum ( Sidon., 1. vu ; episl.
xm).»
Tout cela s'entend des conversations parti-
culières, où l'on peut se dépouiller de la di-
gnité que l'on exerce en public, jiour obéir au
[ récepte de l'Apôtre, « Honore invicemprieve-
nientes. »
Le concile IV de Carlhage ( Can. xxxiv ,
xxxv), distingua admirablement ces deux sortes
de séances, lorsqu'ayant enjoint aux évé()ues
de ne laisser jamais les prêtres debout pen-
dant qu'ils seraient assis, et de prendre tou-
jours séance au-dessus tl'eiix dans l'Eglise,
« L't episcopus quolibet loeo setlens , slare pre-
sbyterum non |)atiatur; ut episco[)Usin ecclesia
et in consessu presbyterortun sublimior se-
deat , » il les avertit enlin que dans le parlicu-
lier, ils doivent traiter les prêtres comme leurs
confrères. « Intra domum vero sollegani se
presbylerorum esse cognoscat. »
Xll. Quant aux obligations des archiprêtres,
le même concile IV de Cartilage (Can. xvii),
veut que les évoques se déchargent du soin
d(;s veuves, des pupilles et des étrangers sur
l'archiprêtre ou sur l'archidiacre. « Lt episco-
pus gubernationem viduarum et pupillorum,
et peregrinorum, non per se ipsum, sed per
arctiii)resbyterum , aut per arcbidiaconuni
agat. »
Le soin des veuves, des orphelins et des pè-
lerins était déjà une occupation assez ini|jor-
tante. Mais ce canon nous montre clairement
(jue les archiprêtres et les archidiacres étaient
les aides et les ministies de luut le ministère
divin des évoques.
C'est ce (jui fait que les canons se sont peu
expliqués sur les devoirs des archiprêtres; car
ne leur alleclant rien en i)articulier, ils les ont
laissés à la disiiosition enlieie dos é\êqiU'S,
pour cire employés par eii\ dans toute reten-
due des fonctions (''piscopalci qui |ieu\eul être
suppléées parles piètres.
Xill. Concluons ce tliapiire en di?ant que
si fous les prêtres d'une. Eglise calhédiale
étai(!iit par leur ordination asservis à celte
Eglise, non pas pour y célébrer tous le> jours
le divin sacrifice, ou pour y être les principaux
eliantics des heures canoniales, d'autant (|ue
te n'était pas encore l'usage, mais pour y être
employés par ré\êque, dont ils étaient comme
DES ARCIIirnETnES.
353
les vicaires. L'archiprêtre étnit comiiii; le vi-
c lire-gt'iiéial et le curé en particulier de la
même église cathédrale, qui fut aussi durant
quelques siècles la seule église de la ville.
11 n'y avait que celte différence remar-
quable , que ces vicaires ou grands-vicaires ne
taisaient rien qu'au défaut de l'évèque ou ab-
sent, ou malade, ou occupé ailleurs: ainsi il
fallait un ordre exprès pour les appliquer ordi-
nal rement à (juoiqne fonction, au lieu que
présentement les grantls-vicaires font ordinai-
rement tout ce <iue l'évèque ne s'est point
réservé. Il est vrai que le trou|)eau des fidèles
n'était pas alors si nombreux tiu'il est main-
tenant ; mais aussi il n'est pas moins diffi-
cile d'augmenter ce nombre que de le gou-
verner, "ft
CHAPITRE QUATRIÈME.
DES ARCIUPRETRES AUX SIXIEME ET SEPTIEME SIÈCLES.
I. diverses marques de la juridiction ecclésiastique et civile
même Jes arcliiprétres.
II. III. Ils élaieiit à la campagne, soit que ce fussent les curés
qui dominassent sur plusieurs prêtres, ou les doyens ruraux qui
eussent la direction de plusieurs curés.
IV. Des arcliiprêtres des cathédrales.
V. VI. De leur juridiction et de leurs fonctions.
I. Les archiprêtres semblent approcher le
plus des évéques, et ne pas permettre qu'il y
ait rien entre eux.
Les laïques s'étaient ingérés dans cette dignité
sacrée, lorsque la maison deClovis commençait
à déchoir. Le concile de Reims (Can.xix), tenu
en 630, corrigea cet abus : « Ut in parochiis
nnllus laicorum arcliipresbyter pra-pouatur,
sed qui senior in ipsis esse débet, clericus
ordinetur. »
Cette charge était apparemment accompa-
gnée d'une grande autorité, même pour les
all'aires civiles, et c'est ce que ce canon nous
insinue par ces mots : « Qui senior in ipsis
esse débet : » Car ce terme de senior, signifiait
déjà un seigneur, et c'est pour cela que les
laïques briguaient cette dignité.
Le concile de Cluïlons (Can. ii), tenu en CjO,
défendit aux juges séculiers de continuer les
courses, ou les visites qu'ils avaient commencé
de faire dans les paroisses de la campagne et
dans les monastères, s'ils n'y étaient conviés
par l'archiprêtre ou l'abbé. « Si pn'eslate qua
jKiUeiit, excepta invitalioiie abbatis vel archi-
presbyteri in ipsa monusteria vel parochias
aliquid fortasse praesumpserint , a commu-
nione omnium sacerdolum eos convenit se-
questrari. »
Les archiprêtres, sans recourir au bras sécu-
lier, avaient une autorité légitime pour châtier
les prêtres, les diacres et les autres clercs, qui
étaient en faute.
Le concile 11 de Tours (Can. xix),tenii en 507,
les condamne eux-mêmes à faire pénitence
dans un monastère, s'ils n'ont pas veillé sur la
continence des luètres, des diacres et des sous-
diacres avec leurs femmes, et s'ils n'ont pas
puni rigoureusement toutes les fautes com-
mises contre la pureté cléricale. « llii vero
archipresbyteri , qui talem cautelani super
juniores suos habere noluerint, et non eos
habuerint studio distringeudi, ab episco()0 suo
in civitate retrudanturin cellain,ibique mense
integro panem cum aqua manduceut. »
Le synode d'Auxerre (Can. xx), tenu en 578,
impose un an de pénitence à l'archiprêtre qui
ne fait pas savoir a l'évèque ou à l'archidiacre
ces impuretés criminelles des prêtres, des dia-
cres et des sous-diacres. «Si arc'iipresbyter hoc
ejjifcopo vel archidiacono non innotuerit. »
Il se peut faire que l'archiprêtre n'eût que
l'obligation d'avertir l'évèque ou l'archidiacre
de ces fautes a Auxerre,elque dans la province
de Tours il eût aussi la juridiction de les châ-
tier. Mais le même synode d'Auxerre (Can. xliv
retranche de la communion les laïques qui
Tu. — loiiË I.
23
3^
DE SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE UUATRIEME.
n'obéiront pas aux avertissements de l'archi-
piétre, et les soumet outre cela à la peine tem-
porelle que le roi avait prescrite pour ces déso-
béissances : « Insuper et niulctam , quam
j;lorlosissimus Doniinus rex inslituit, sustiueat
i(;an. XLUi). »
Eiilin ce synode excommunie les juges sécu-
liers qui leront outrage aux moindres clercs,
sans avoir clé requis par l'évèque, l'archidiacre
ou rarcliiprèlre. « Absi]ue voluntate episcopi,
aularchidiacoui, vel arcliipi'esbyteri injuriani
inlerre praesumpserit. »
II. 11 pariiît par tous ces canons que les ar-
chiiirèlres étaient à la campagne, et avaient
une assez grande juridiction sur les curés et
sur les autres ecclésiastiques de leur ressort.
Lorsque l'éséque les avait une fois institués,
il ne pouvait plus les en démettre que daus un
synode de ses |)rélreS, après leur avoir fait leur
l)rocès, et c'eût été une détestable simonie de
donner cette dignité aux présents ou à l'argent,
plutôt qu'au mérite.
Le second concile de Tours (Can. vu) est for-
mel là-dessus :« l'tepiscopusnecabbatem, nec
arcliii)resbyterum sine omnium suorum com-
presbyterorumetabbatum consilio de loco suo
pra'sumat ejicere, nei|ue per iiraemia alium
oïdiuare, nisi facto consilio tam abbaluin ,
([uam presbylerorum suorum, quem culpa aut
uegligi'Ulia ejicit, cum omnium presbyterorum
consilio refutetur. »
III. (Jrégoire de Tours met aussi les arclii-
prélresdans les paroisses des champs : «Arclii-
pre>l)yter parochiœ Nemausensis, etc. Arclii-
picsbyter (|ui tune locum illum regebat, etc.
(Àim arcliipresbyter loci Eulalius clericos con-
vivio invitasset , Edatius vero alius presbyter
viiluis ac pauperibus reliquis edulium j)r,i'|)a-
raiel, elc. Arcliipresbyter .Meieensis vici, etc.
(Mirol., 1. 1, c. 78 ; lib. ii, c. 22. De glor. Confess.,
c. v. Vita' Pcitrum, c. ix). »
Tous ces passages ne semblent placer les ar-
chiprèlres que dans la campagne, où en gou-
\ei liant leur paroisse particulière, ils avaient
encore une intendance générale sur les autres
ijui leur étaient voisines; à moins qu'on ne s'i-
magine, comme ces mêmes endroits semblent
aussi l'insinuer, que l'arcliiprêtieélaitlepriiici-
pal jiiétre, ou le curé de cli.upie paroisse (|ui
de\ail \eiller sur les autres prêtres cl ecclésias-
tiques du même lieu.
IV. En ellel, on ne ]ieut douter {]ue dans les
Eglises cathédrales et dans tous les chapitres
il n'y eût un archiprêtre, qui était le pre-
mier, le plus ancien, et le plus digne des
]irétres.
Cela paraît admirablement dans la lettre
(|ue le pape Jean IV écrivit après son élection,
et avant son couronnement, aux abbés et aux
docteurs d'Ecosse ou d'Irlande. Bède l'a insérée
dans son histoire, et on y voit l'arciiiprètre de
l'Eglise romaine paraître devant le pape élu,
<)iii n'était que diacre. « Hilarius arcliipresby-
ter, et servans locum sanctcC Sedis Apostolicae,
Joannes Diaconus , et in nomine Del electus,
Joannes Primicerius et servans locum sanctœ
Sedis Apostoiicœ, et Joannes servus Dei, con-
siliarius ejusdem Apostolicœ Sedis ( Redal.,
I. Il, c. 19).
Voilà ceux par qui fut souscrite la lettre en-
voyée en Irlande pour rafferniissement de la
foi et de la discipline. Il est clair que ce sont
les chefs du clergé de Rome, c'est-à-dire, le
{iremier des prêtres qui précède le pape élu, le
premier des diacres, le premier du bas clergé
et le premier des autres officiers, qui prend la
qualité de conseiller, comme nous dirons plus
bas.
La même chose paraît par le concile de Mé-
litla (Can. v), qui ordonne que l'évèque qui ne
pourra pas assister au concile provincial, y
enverra son archiprêtre, ou le plus habile de
ses prêtres. « Ad suam personam non aliter,
nisi aut archipresbyterum suuin diriget : aut
si archipresbylero impossibilitas fuerit, [>re-
sbyteruinutilem,cujusdignitascum prudentia
pateat. »
Mais un des canons suivants de ce concile a
un admirable rapport avec cette lettre du
clergé de Rome, dont nous venons de parler.
11 y est ordonné qu'il y aura dans toutes les
églises cathédrales un archiprêtre, un archi-
diacre et un primiclerc. « l't omnes eiiiscopi
infrn nostraiii provinciam constiluli in cathe-
draiibus ecclesiis , siiiguli archipresbyterum,
archidiaconum , et primiclerum liabere de-
beamus (Can. x). »
V. S:iint Isidore, évêque de Séville, jiarle
cerlainement de ces arclii prêtres des cathédra-
les, (juand il les déclare supérieurs aux autres
prêtres , vicaires de l'évèque dans les fonctions
sacrées du sacerdoce et des sacrements, mais
soumis à l'iircliiiliacie, (juiest le vic.iire-général
pour tout l'exercice de la juridiction épis-
copale.
« Archipresbyter vero se esse sub archi-
DES ÂRCHIPRËTRES SOUS CHARLEMaGNE.
33r.
diacono, ejusque praeceptis sicut episcopi sui
sciât obutlire; et quod spcciiiliter ad ejiis ini-
iiisleriiiiii [(crtinet, super onines prtsljyteros
in ordiiie positos curam agere, et assidue in
Ecclesia slare : quando episcopi sui absentia
contigerit, ipse ejus iiiissarum soleninia cele-
bret, et collectas dicat, vel cui ipse injunxerit
(Epist. ad Landifridum episcop. Cordub., pag.
CIG.) »
Vl. Ce n'était peut-être pas seulement pour
les fonctions sacrées de l'autel que ra!cliii)rètre
devait suppléer au défaut de l'évêque qui était,
ou absent, ou malade.
Le grand saint Grégoire ayant appris que
révc(|ue de Cagliaii, Jaiiuarius, ou par négji-
giiico, ou par inliiinilé, n'avait pas toute l'ap-
plication nécessaire aux hôpitaux, chargea
de ce soin son économe et son archiprôtre.
« OEconomumejusecclesiœ atque Epiplianium
archieiiresbj'terum comnione, ut eadem xeno-
docliia sine periculo suo sollicite ac utiliter
studeantordinare (L. ii, epist. 3-2). »
Ce savant pape n'ignorait pas que les con-
ciles de Carthage avaient chargé immédiate-
ment l'archiprêtre et l'archidiacre du soin des
pauvres.
CHAPITRE CINQUIEME.
DES ARCHIPRÈTRES SOUS CHARLEMAGNE.
I. Ressemblances et dissemblances des chorévjqiies et des
archiprélres. Couï-Ià veillaient sur tous les curés d'un diocèse,
ceux-ci sur une partie el sur un quartier seulement.
II. Diverses fonctions des archiprêtres.
m. L'ariliidJacre veillait sur les doyens ou archiprêtres.
IV. Preuves que les doyens ruraux étaient quelquefois les
mèrres que les archiprêtres.
V. L'évèché se divisait en doyennés, et les curés de chaque
doyenné conféraient ensemble, une fois le mois, de leurs devoiis.
VI. Il y avait des doyens laïques, qui étaient des moniteurs
publics, pour la correction des crimes.
VII. I.es archiprêtres veillaient principalement sur les pénitents
publics.
VIII. Nécessité de nommer des archiprêtres.
IX. On réprime leurs premiers elforts pour prendre les dé-
ports des cures vacantes, dont ils étaient chargés.
X. Outre les archiprêtres de la campagne, il y en avait dans
les chapitres des chanoines.
XI. Des archiprêtres des Grecs.
I. Les archiprêtres suivaient immédiatement
après les chorévéques; aussi ont-ils été les suc-
cesseurs d'une partie de leur puissance, le reste
ayant été répandu sur les archidiacres, dont
nous parlerons ensuite.
Le capitulaire de Louis le Débonnaire les ap-
pelle les aides et les coadjuteurs des évêques,
« Adjutores ministerii eorum (An. 828, c. v). »
Le concile H d'Aix-la-Cliapelle, tenu en 836,
condaïune l'avarice des chorévéques, des archi-
prêtres et des archidiacres sur les curés et sur
Jeurs paroissiens. Ce qui montre qu'ils exer-
çaient sur eux une légitime juridiction, mais
qu'ils en abusaient : « Comperimus quorumdam
episcoiiorum ministres, id est chorepiscopos ,
archi|)resbyteros et archidiaconos, non solum
in presbjteris, sed etiam in plebibus, parochiœ
suœ avaritiam polius exercere, quam utilitati
ecclesiasticae dignitatis inservire , populique
saluli consulere (Cap. iv). »
11 est donc probable que toutes les paroisses
de la campagne étaient généralementcommises
aux soins d'un chorévêque , d'où vient qu'il
était appelé, « Villanus episcopus : » mais que
les archiprêtres avaient chacun un départe-
ment et un certain nombre de cures à la cam-
pagne, sur lesquelles ils devaient veiller, et ces
départements étaient appelés doyennés, pour
la raison que nous dirons en traitant ci-dessous
de la dignité des doyens.
En effet, il ne paraît jamais qu'un chorévêque
dans chaque diocèse, au lieu que le capitulaire
de Charles le Chauve nous montre claiirmcnt
que chaque diocèse était divisé en plusieurs
doyennés. « Slatuantepiscopi locaconveiiim'ia
per decania«, sicut consiituli sunt arclii|)ie^by-
teri (C.ii)ilul. Tolosanum, au. 843, c. m). Mais
m
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE CINQUIEME.
en cet endroit il n'est parlé que des curés qui
sont éloijinés de plus de cinq milles de la ville
épifcop;ile.
JE Le concile de Nantes (Can. xi) veut que ce
soient les arcliiprètres qui présentent à l'évo-
que ceux qui doivent être ordonnés. Mais
comme il ne parle que de ceux qui viennent
de la campagne, il paraît encore par là que le
soin des paroisses des champs était partagé
entre les arcliiprètres. « Evocandisuntad civi-
tattm, una cum archipresbyteriSj qui eos pra?-
sentare debent. b
Le capitiilaire de l'an 805 (Can. xxv), veut
que l'arcbiprctre fasse faire le procès à ceux
qui sont les auteurs des maléfices, sans qu'il
leur en coûte la vie. « Yideat archipresbyter
diœcesis illius, ut diligentissima examinatione
conslringantur ; sed tali moderatione fiât di-
slrictio, ne vitam perdant. »
Le capitulaire du roi Carloman (Cap. vu),
en 883, obligeait les évêqucs qui sortaient de
leurs diocèses, de laisser dans leur ville des
coadjuteurs habiles, et d'établir à la campagne
des prêtres cai)ables de suppléer àleurabstnce
et d'instruire les autres prêtres : « Constituât
episcopus presbyteros, qui vice sua superius
statuta perficiant, ad quos alii presbytiri ju-
niores, et minus cauti suam causam référant. «
C'était connue donner àdesarchiprêlres la qua-
lité de grands-vicaires en l'absence del'évêque.
in. L'archidiacre veillait apparemment sur
les doyens ruraux, ou archiprêtres. En voici
une preuve.
Hincmar, archevêque de Reims, donna à ses
archidiacres pour régler leur conduite , une
instruction dont le dernier article était de faire
élire un nouveau doyen, si celui qui avait eu
cette charge ne s'en acquittait pas comme il
devait, ou s'il était mort ; mais d'user de beau-
couj) de circons[)ection dans cette élection :
«Si decanus in ministerio veslro aut negligens
aut inutilis, et incorrigibilis fueril, vel aliqiiis
eorum obierit, non inconsiderate decanum
eligite (Hincmar, tom. i, p. 741). »
IV. Nous apprenons d'un ancien règlement,
qui est attribué au concile dAgde, et qui est
rapporté par Réginon, Rurcliard et Gratien,
que ces doyens sont les mêmes que les archi-
prêtres (Reginn, 1. i, p. 291; Burch., 1. xix,
c. 2G; Grat., d. i., c. G-4J.
Ce règlement, qui convient au temps <iue
nous lâchons de développer, et non pas à celui
du concile d'Agde, ordonne qu'au commen-
cement du carême les pénitents se présenfent
à la porte de l'Eglise, où doivent être préstuts
les doyens, c'est-à-dire les archiprêtres des
paroisses et les prêtres mêmes, qui ont été les
irréprochables témoins de leur sincère péni-
tence. « Ubi adesse debent dtcani, id est, ar-
chipresbyteri parochiarum, cum teslibus, id
est, presbyteris pœnitentium, qui eorum con-
versationem diligenter inspicere debent. »
V. Tout le diocèse d'un évêque était donc
|iarlagé en doyennés ou archiprêtres, et les
évêques les plus zélés ordonnaient à tous les
curés de chaque doyenné, de s'assembler
une fois le mois, pour conférer ensemble des
obligations et des difficultés de leur ministère.
Voici un article de la constitution de Ricul-
phe, évêque de Soissons (Cap. ccii). « Ralioni
quoijuc proximum esse sanximus, ut in unoquo-
que mense, statuta die, id est, in calendis
uniuscujusque mensis per singulas decanias
presbyteri simul conveniant, et de lus qufe in
eorum parochiis accidunt, sermonem ha-
beant. »
VI. Il y avait des doyens séculiers, quoiqu'or-
dinaircmenl ils fussent prêtres, et que ce fus-
sent même les arclii(irêtres. Il est certain que
dans les exemples précédents lesdoyensétaient
des prêtres, et cela n'est pas moins clair dans
ce chapitre du même Réginon (L. i, c. 213).
« Quando convenerint presbyteri ad convivium,
decanus, aut aliquis prior illorum, versum
ante mensam incipiat, etc. »
Voici un autre décret rapporté par le même
Réginon (L. ii, c. 69), où on ne peut douter
que les doyens ne fussent des laïques très-
vertueux, que l'on chargeait du soin d'avertir
et d'exciter les fidèles aux devoirs du christia-
nisme, et d'informer le curé des crimes qui se
commettaient dans la paroisse. L'évêque devait
prendre garde dans sa visite, qu'il y eût de
de ces moniteurs publics, ou de ces témoins
synodaux dans chaque paroisse. «Si in unaqua-
que parochia decani sunt per villas constituti,
viri veraces et Deum timentes, qui cœteros ad-
moneanl, ut ad ecclesiam pergant ad Matu-
tinas, Missam et Vesperas, et nihil operis in
diebus feslis faciant. Et si horum quis|iiam
transgressus fuerit, presbytère annuntient ;
similiter et de luxuria, et omiii opère pravo. »
VII. Revenons aux arclii|)rêtres, dont le
concile de Pavie, tenu en 830 (Can. vi), nous
déclare admirablement la nécessité et les
devoirs. C'était à eux à exciter à la pénitence
DES ARCIIIPnÈTRrS SOrs CIIARLEMAGNE.
Xil
jiiiblique tous ceux qui étaient atteints de
crimes pul)l es, et de nommer des prêtres ou des
curés, pour recevoir les confessions des crimes
secrets. « Oportet ut plebium archipresbyteri
unumquemque conveninnt, quatcnus tam ipsi,
quam omnesineorum domibus commorantes,
qui publiée crimina perpetrarunt, publiée pœ-
niteant ; qui vero occulte deliquerunt, illis
confiteantur quos episcopi et plebium archi-
presbyteri idoneos ad secretiora vulnera men-
tium medicos elegerint.»
VIII. Ce terme de Plèbes dans ce canon,
sigrnifle une église baptismale, parce qic dans
les villes comme dans la campagne !e baptême
ne s'administrait que dans certaines églises
destinées à cela et non nas dans toutes les pa-
roisses, comme nous le prouverons plus bas. Or
lesarchiprêlres rurauxétaient particulièrement
chargés de ces églises, qui étaient comme les
matrices, et de là ils veillaient sur les peuples
et sur les curés de leur doyenné. Et c'est pour
cela que le même concile commande absolu-
ment aux évéques de nommer des archiprèlres,
qui puissent les soulager en portant une partie
du pesant fardeau de l'épiscopat, dans l'ins-
truction des fidèles, et dans la direction des
curés.
8 Propter assiduam erga populum Dei cu-
ram, singulisplebibusarchipresbyterosprôeesse
volumus, qui non solum imperiti vulgi solli-
citudinem gérant, verum etiam eorum pre-
sbyterorum , qui per minores titulos habitant,
vitam jugi circumspectione custodiant; et qua
unusquisque industria divinum opus exerceat,
episcopo suo renuntient. Nec obtendat episco-
pus non egere plebem archipreshyteris, quud
ipse eam per se gubernare valeat. Quia etsi
valde idoneus est, decet tamen ut patlatur
onera sua, et sicut ipse matrici prœest, ita ar-
chipresbyteri praesint plebibus, ut in nullo
titubet ecclesiastica soUicitudo. Cuncta tamen
ad episcopum référant, nec aliquid contra ejus
decretum ordinare prœsumant. »
11 est manifeste, dans le texte de ce canon, que
l'on met une différence entre plebem, qui est
Eglise de l'archiprètre et minores titulos, qui
sont les paroisses et les cures qui relèvent de
l'archiprètre.
IX. Le concile dePavie (Can. v), en 835, qui
fut tenu peu d'années après, réprime d'abord
l'audace de quelques laïques qui s'élevaient
conire les archiprêtres, parce qu'ils avaient eu
qut'l(|iio part, et (|u'ils avaient contribué à
leur élection ; et il s'adresse ensuite aux archi-
prêtres mêmes, qui par une détestable cupidité,
dépouillaient les cures vacantes, dont l'admi-
nistration leur était cependant commise. « Tol-
lenda est enim prava omnino consuetudo, quaî
in nonnullis locis oriri cœpit : qua nonnuUi
archipresbyteri, vel aliorum tilulorum cu-
stodes, fruges vel aliarum Ecclesiarum reditus
ad proprias domos abducunt. »
Voila peut-être les commencements des
déports ou des annales que les archiprêtres ou
archidiacres prenaient sur les cures vacantes,'
dont ils étaient les gardes, et dont ils faisaient
porter les fruits chez eux ; d'où vient peut-être
ce terme de déport : b Fruges aliarum Eccle-
siarum ad proprias domos abducunt ; » et dont
ils changeaient la garde en dépouille , c'est-<à-
dire, la conservation en pillage. « Hujus expi-
lationis tanquam furti reos. »
X. Enfin les archi pi êtres étaient les minis-
tres universels de l'évêque pour le gouverne-
ment spirituel des laïiiiies, des curés et des
chanoines même. C'est ce que Crodogangus a
remarqué dans sa règle, et ce que VaLifride
Strabon dit nettement. « Sunt etiam archipre-
sbyteri in episcopiis canonicorum curam gé-
rantes (Lib. de rébus Ecclesiast., c. vin, c.
ult.). » Il est vrai que ces archiprêtres qui veil-
laient sur les chanoines, doivent être apparem-
ment distingués de ceux de la campagne.
XI. Quant aux Grecs ils avaient aussi leurs
premiers prêtres, -:mt'.i:5='5;î:t£:cj;, qu'ils appe-
laient aussi protopapes, itpMTCîtâîrTraî. II est parlé
du premier prêtre dans le VIII° concile général
et du protopape dans Codin (Act. 2). Ni l'un
ni l'autre néanmoins, ne répondait proprement
à notre archiprêtre. Car c'étaient seulement
les premiers d'entre plusieurs prêtres qui
desservaient une église, ce que les latins appe-
laient prêtres cardinaux, au lieu que l'archi-
prètre latin présidait à un certain nombre de
curés, de la conduite desquels il rendaitcompte
à l'évêque.
Le protopape du palais, dontilestquelquefois
parlé dans Codin, dans Zonare , dans Cedre-
nus et dans les notices de l'empire, était aussi
le premier prêtre de tout le clergé, qui faisait
l'office dans la chapelle du palais impérial.
3S8
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SIXIÈME.
CHAPITRE SIXIE^Œ.
DES ARCHIPnÊTRES DE LA VILLE ET DE LA CAMPAGNE, DES DOYENS RIRAIX , DES VICAIRES FORAINS,
SUIVANT LES DROITS DES DÉCRÉTALES, APRÈS L'aN MIL.
I. Conformilé dn droit nouveau des décrélales avec l'ancien
touclianl les dignités.
II. Divers règlements des conciles de ces derniers siècles, tou-
chant les pouvoirs cl les devoirs de ces dignités.
III. Règleraenls de saint Charles et de ses conciles sur le
œème sujet. Des vii-aires forain? éublis par ce saint arclievfiiiie.
IV. Règlements des conciles de France, qui ont imité saint
Charles.
V. Des conciles d'Espagne.
VI. Combien la juriiliclion contenfieuse des archiprèlres et des
doyens ruraux était autrefois étendue.
VU. De leurs officiaux. liaisons de diminuer celte juridiclion.
Vlll. Remarques de Fagnan sur les pouvoirs des archiprétres
après le concile de Trente.
I. Les archiprêtres, selon le droit nouveau
des décrélales, sont les mêmes qu'ils étaient
autrefois. En effet ils sont encore soumis à l'ar-
chidiacre , et doivent recevoir ses ordres ,
comme ceux de l'évoque même. « Ut arclii-
presbyter sciât se subesse archidiacoiio, et cjiis
prœceplis, sicut sui episcopi obedire (Décrétai.
Gregor., 1. i, t. xxiv. De Officio Archipresby-
teri). »
Ils ont juridiction sur les curés, et sur tous
les prêlres, et par une exacte assiduité duns
l'église, ils doivent célébrer tous les divins of-
fices en l'absence de l'évêque, ou substituer
quelque autre prêtre en leur place. C'est à eux
à réconcilier les pénitents infirmes avec l'agré-
ment de l'évêque, et à imposer pénitence aux
prêtres. « Pœnitenteni infinnum consulto c|)i-
scopo reconciliare, pœnitenliam cunctis aliis
sacerdotibus injungere. » Tout cela regarde les
archiprêtres de la ville et de l'église calhédiale
« Archipresbyteri de urbe. »
Dans le titre même des décrétales, « De of-
ficio archipresbyteri, » on passe aux archiprê-
tres ou doyens ruraux, « Singulae plèbes arclii-
presbyterum habeant : b Sur quoi nous avons
déjà remarqué ailleurs, que le terme de Plèbes,
signifie un assemblage de plusieurs paroisses,
qui composent un doyenné. 11 doit y avoir au-
tant d'archiprêtres, pour veiller non-seulement
sur les peuples, mais aussi sur les curés. « Si-
cut episcopus matrici prœest Ecclesiae, ita ar-
chipresbyteri proesint plebibus. » Enfin les ar-
cliiprêtres doivent informer l'évêque de toutes
les affaires d'un peu de conséquence : «Cuncta
tamen référant ad episcopum (Ibidem). »
Quant à leur inslitutioii ou destitution, le
pape Innocent m (C. Ad hœc. De Oflicio Archi-
diaconi) déclare qu'elle doit se faire par un ju-
gement concerté entre l'évêque et l'archidia-
cre, fiarce qu'ils relèvent de l'un et de l'autre,
a Quœsivisli ulrum decani rurales, qui pro
tempore staluuntur, ad mandatum tuum so-
lum , vel archidiaconi , vel etiani utriusque
inslitui debeant, vel deslilui, si fuerint amo-
vendi. Ad hoc brevlter respondemus, quod
cum ab omnibus, quod omnes tangit, adpro-
bari debeat, et commune eorum decanus
oflicium exerceat, communiter est eligendus,
vel eliam amovendus. »
La lettre xxvii d'Arnulphe, évoque de Li-
sieux, dit nettement que c'est à l'archidiacre
de présenter l'archiprêlre à l'évêque, qui peut
le refuser, s'il le juge indigne de cette charge ;
mais il ne peut instituer un archi prêtre malgré
l'archidiacre, parce que ce serait lui opposer
un autre archidiacre dans son archidiaconé.
« Cum ei in archidiaconatu suo alius quodam-
modo archidiaconus annascatur. »
Le concile de Ravenne, en tOU, défenditaux
archiprêtres, sous peine de déposition, de
donner la bénédiction solennelle sur le peuple,
de confirmer et de sacrer le saint chrême.
« Nullus archipresbyter benedictionem super
po|iiilum det, non confirmationem chrismatis
faciat, neque illud conficiat. »
II. Le concile de la province de Tours (Can. m)
qui se tint àCliàleau-Gontier, en 1-2.'3I, ordonna
aux patrons, soit ecclésiastii|ues, soit laïques,
de présenter à l'archidiacre, ou au doyen rural,
ceux qu'ils nommeraient aux cures vacantes,
pour être ensuite par eux présentés à l'évêque
ou à son grand-vicaire ; ce qui est conforme
au concile de Nantes (D. xxiv, C. Quando épis-
DES ARCIIIPRÉ'IRES DE LA VILLE ET DE L.V CAMPAGNE.
;i:o
copus), qui veut que ce soient les archiprètrcs
qui présentent à l'évcque ceux inii doivent être
ordonné?. L;i raison en est (|ue rarcliiprètro
éclaire de pins près tons les parliculiers de son
petit ressort, et est mieux informé de leur \ie
et de leur capacité.
Le concile de la même province (Can. m, v),
qui se tint à Saumuren 1^253, char^'ca les mêmes
archiprêtres ou doyens ruraux, de veiller snr
la décence religieuse, avec la(iuellc il faut gar-
der ou porter l'eucharistie et le chrême ; de
faire laver les corporaux par un prêtre, ou par
un diacre vêtu d'un surplis; et les linges
et ornements de l'autel, quand il serait néces-
saire, par une vertueuse fille, ou par quelque
honnête matrone.
Ce même concile leur enjoignit, selon les
lois canoniques, de prendre la prêtrise, au
moins dans la première année de leur promo-
tion, à défaut de quoi ils sont privés de leur
bénéfice.
Le concile de Pont-Audemer (Can. xxi), en
1270, leur commande de prendre garde, sur-
tout dans leurs calendes, que fous les ecclé-
siastiques de leur ressort portent la tonsure et
l'habit ecclésiastique.
Le synode de Saintes (Can. xv), en I3S(),
ordonne aux prêtres d'avertir les doyens ruraux
des crimes publics et scandaleux qui se com-
mettent, afin que les doyens en informent, ou
l'archidiacre , ou l'évêque. « Peccata noloria de
quibus scandalum in populo generatur, signi-
ficent sacerdotes decano, et decanus arclii(]ia-
cono, vel episcopo; nisi forte per eos sint
sopita. » En effet, si les curés ou les doyens ne
pouvaient arrêter le cours de ces scandales
publics , et que l'évêque en fût averti par
d'autres que par eux, ils seraient sujets aux
peines canoniques. « Timentes ne pœnam in-
currant, si per alios scandalum deferatnr
(Can. Li). n
Le synode d'Exeter en Angleterre , en l-2s",
chargea les archiprêtres de faire cultiver les
terres et les fonds des cures vacantes, en se
faisant indenuiiser de toute la dépense. Pierre,
archevêque de Narbonne , manda à ses archi-
prêtres, environ l'an IMl , de ne point laisser
venir les abbés au concile provincial avec ]ilus
de cinq chevaux et un mulet de cliarge (Conc,
tom. H, part. 2, p. 1921).
Dans les articles divers de la réformation du
clergé, qui furent dressés par le cardinal Cain-
pége, légat a laterc en Allemagne , en l'an 1 5-2 1,
les archidiacres cl les doyens ruraux furent
chargés de veiller sur les bénéflciers, et de les
contraindre par la saisie de leurs revenus, de
faire toutes les réparations nécessaires dans les
maisons et les fonds de leurs bénéfices. « Per
arcliidiaconos et decanos rurales , ac alios ad
qiios de jure et consuetudine spectat, ubi
négligentes fuerint , per subtraclioncm pro-
ventuum autoritale nostra artius compellantur
(Cnn. u). »
Dans le synode d'.\ugsbourg (Can. xvin, xix),
en l'an 1330 , il fut ordonné que dans les deux
synodes qui se tiendraient tous les ans, on
concerterait tous les points de la réforme né-
cessaire du diocèse, avec les archidiacres el
les doyens ruraux, sur qui l'évêque doit se
décharger d'une partie de sa sollicitude. « Et
quos vocamus decanos rurales, qui vocati sunt
in iwrtem sollicitudinis e|)iscopalis. Et quse ex
illoruiu jiidicio reformatione opus habere
comperientur, communi consilio emenden-
iur. » Ces doyens sont ensuite chargés de
publier dans le diocèse les ordonnances du
synode épiscopal, et celles du concile de la
province.
Un autre synode d'Augsbourg (Can. n), en
iriiS, ordonna aux doyens ruraux de lire deux
fois tous les ans dans leur assemblée des curés.
in Capitula, les ordonnances synodales du
diocèse.
Ce même synode (Can. vu), après avoir dit
([ue ceux que les anciens appelaient cliorévê-
(]ues dans l'Eglise grecque , éùiient les mêmes
qu'on appelle présentement ou arcbidiacn-s .
ou archiprêtres, (|uoique dans le diocèse d'Augs-
bourg on ne nommât archidiacres que ceux
qui gouvernaient la banlieue de la ville d'Augs-
bourg, tous les autres portant la qualité de
doyens ruraux , leur enjoint après cela de
tenir leurs assemblées ordinaires : « Capitula
sua ruralia, sicut hactenus consuetum fuit,
congregent; » d'obliger les curés à instruire
leurs paroissiens, de ne consulter que d'habiles
gens dans leurs doutes, de ne point faire d'exac-
tions illicites, de faire deux fois l'année la
visite entière de toutes les paroisses de leur
doyenné , et de rapporter au synode fous les
abus qu'ils n'auront pu corriger, ou si ce retar-
dement leur paraît dangereux, d'en informer
au plus tôt l'évêque, qu'ils avertiront aussi
incessamment s'ils viennent à s'apercevoir de
queliiue intrusion dans les bénéfices, ou de
(juelquc dispense, ou absolution subreptice ;
3G0
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CIlAriTRE SIXIÈME.
enfin on les conjure de s'acquitter de tous ces
devoirs, avec la fidélité dont ils ont prêté ser-
ment à leur évèque. o Ouos fulei jnniinento
nobis pracstitae super hocadmonennis. »
On les charge de ne point soulfrir qu'on
expose d'images ou de statues à la vénération
publique des fidèles , qu'elles n'aient été pré-
sentées à ré>èque ou à son vicaire-général,
de faire une exacte recherche de tous les livres
hérétiques ou suspects d'hérésie , et de les
envoyer tous à l'évêque.
Le concile H de Trêves (Can. xiii), en 1549,
1^ ordonna (jue tous les curés, dans la première
année de leur prise de possession , prêteraient
serment à leur doyen rural , seraient ensuite
reçus dans sa confraternité, se trouveraient
aux assemblées générales des curés une fois
l'an, et outre cela toutes les fois que le doyen
rural en indiquerait une pour des besoins pres-
sants. « Prœstet juiamentum decano , quo
prœstito in fratrem recipiatur ; et tenebitur in
capitulis generalibus et annalibus, et simililer
t|uando necessitate occurrente decanus capitu-
lum indicit sub pœnis consuelis comparere. »
Le concile de Cambrai (Art. 3, c. vi), en 1503,
enjoignit aux doyens de chrétienté de visiter
tous les six mois, ou au moins une fois tous
les ans toutes les écoles des \illages, et d'en
faire leur rapport à l'évêque. Sur quoi je ne
puis in'empêchcr de remarquer que vraiseni-
blablunu ni on les a|)iiilait doyens de chrétienté,
parce qu'ils élaicnt préi)Osés à des églises que
l'on xiommùi ph'bes, ainsi que nous l'avons
déjà remarqué ci-dessus plusieurs fois, églises
que l'on nommait biqitismales, parce que l'on
y baptisait tous les petits enfants nés dans tout
le cours de ce décanat : c'est l'explication que
seiuble porter avec soi le mot de chrétienté en
français ; c'est même l'idée que semble nous en
donner saint Charles Borromée, comme nous
verrons ci-après.
m. Les conciles de Milan, sous le grand saint
Charles (Act. Eccles. Mediol., p. 133, 172, 250,
311), obligent les archiprêtres de faire l'office
de prêtre assistant, quand l'évêque célèbre
solennellement, de précéder l'évêque dans les
lieux où il doit faire la visite, pour y disposer
les peuples, d'administrer l'Eucharistie aux
curés de la ville, quand ils sont frappés de la
peste, et à l'évêque même quand il est malade.
El quand saint Charles a défendu aux archi-
prêtres , soit de la ville , soit de la cami>agne ,
de faire le baptême solennel des enfants nés
dans la semaine devant Pà(jncs, ou devant la
Pentecôte, parce que cette cérémonie est réser-
vée à l'archevêque de Milan, et que ces enfants
ne iloivent être baptisés que dans l'église métro-
jiolitaine, il montre bien que hors de cette ren-
contre ce droit appartenait à l'archiprêtre qui
pnsidait aux églises baiitismales, qu'on appe-
lait autrefois Plcbes (Ibid., p. 498).
Quant aux archiprêtres de la campagne , les
mêmes conciles de Milan leur enjoignent de
visiter les curés malades. « Pkhanus velarchi-
presbyter, vel prœpositus ; in cujus plebaniae,
aut archipresbyteratus, pra^posituraîve finibus
u'i^rotus habitat (Acta Eccles. Mediol., p. 6",
337. 338.) » Dans la province de Milan, au
moins les archi|irêlrés étaient distingués des
prévôtés, et on divii^ait les évèchés en prévôtés,
en sorte que toutes les cures de la ville et de la
campagne devaient être incorporées à quel-
qu'une de ces prévôtés sans en excepter celles
où étaient les archiprêtres, comme il paraît
par divers endroits des actes de l'Eglise de
.Milan.
Il paraît par là que les archiprêtres de celle
province étaient bien différents de ceux dont
nous venons de parler, et que c'étaient peut-
être ces prévôts qui approchaient le plus de nos
doyens ruraux.
Ce fut aussi peut-être ce qui porta saint Char-
les à établir les vicaires forains dans son pre-
mier concile provincial, et à les charger de
toutes les fonctions qu'on avait autrefois com-
mises aux archiprêtres, ou aux doyens ruraux
(Conc. I. Mediol., c. xxix); à tenir leurs assem-
blées ou chapitres une fuis le mois ; à y confé-
rer avec les curés de leurs obligations com-
numes, et des cas de conscience difficiles; à
veiller sur la vie des curés, et sur l'administra-
tion de leur paroisse; enfin ce concile voulut
que les vicaires forains fussent révocables au
gré de l'évêque : « Hi autem vicarii voluntale
episcopi ab officio amoveri semper possint, ac
ëi maie administraveriut, pœnas dent ejusdem
episcopi judicio. »
Quoiiiue ce concile désire que la charge de
vicaire forain soit principalementcommise aux
archiprêtres ou aux archidiacres, ou aux pré-
vôts du diocèse , il est certain que ce n'était
alors qu'une commission que l'évêque leur
confiait et qu'il pouvait révoquer quand il le
jugeait à propos (Ibidem).
Saint Charles jugea que cette dépendance
absolue de la volonté de l'évêque les rendrait
DES AnciiiPKrrrr.Ks dk i.\ villk et de l.v cami'agxe.
3ol
plus vigilants et plus exacts à remplir tons ks
devoirs de leur charge : ce (|iii était d'aiilaiil
plus vraisemblable, qu'il était aussi fort appa-
rent que toutes les mêmes obligations avaient
été autrefois attachées à la qualité d'archiprétre
même dans l'Italie ; mais ils s'en étaient reKà-
chés parce qu'ils possédaient cette dignité en
litre d'office.
On substitua donc aux archiprêtres relâchés
des vicaires forains, dontlacommission futqiiel-
quefois confiée aux archiprêtres mêmes, de la
même manière que nous verrons, dans les cha-
pitres suivants, qu'on subrogea les grands-
vicaires et les officiaux aux archidiacres, qu'on
a souvent revêtus eux-mêmes de ces mêmes
commissions.
Je ne m'arrêterai pas à détailler toutes les
fonctions dont saint Ciiarles chargea ses vicai-
res forains, à l'égard des conférences, des éco-
les, des curés, des réguliers, de tous les ecclé-
siastiques, des pécheurs publics et scandaleux.
Ou peut s'instruire de ce merveilleux détail
dans la lecture des Actes de l'Eglise de Milan.
Je dirai seulement que dans les diocèses oi^i la
dignité de doyen rural n'est pas déterminé-
ment attachée au curé de quelque paroisse,
mais où elle dépend entièrement du choix (|ue
l'évèciue fait de l'un d'entre les curés, pour au-
tant de ttmps qu'il le trouve à propos, cesar-
chiprêlres sont les mômes eue les vicaires fo-
rains de saint Charles. 11 n'y aurait qu'à exiger
la même infatigable application aux devoirs du
ministère paftoial, dont l'evêque se repose sur
eux, et dont il leur demande compte plusieurs
fois cha(iue année.
IV. Les conciles de Matines en 1570 et en
1C07, déclarèrent que les archiprêtres seraient
établis au choix de l'évêque, qui ne leur com-
mettrait qu'autant de paroisses qu'ils en pour-
raient conmiodément gouverner, etqui les rap-
pellerait et les changerait à sa volonté. C'est
aussi à l'évêque, selon ces conciles, à régler les
procurations des doyens des chrétientés, pen-
dant qu'ils font leurs visites, si c'est la cou-
tume qu'ils en fassent (Conc. gêner., tom. xv.
pag. 800, 818, 1360). Us doivent faire leur as-
semblée une foisthique année.
Le concile de Reims de 1583 (Ibidem, pag.
913, 914), obligea les doyens ruraux de tenir
leurs calendes au plus deux fois l'année, pour
ne pas surcharger le clergé de dépenses, d'y
terminer amiablement les difl'erends personnels
entre les ecclésiastiques, de visiter les paroisses
de leur ressort, enfin de rendre comiite au
synode diocésain de l'évêque de leurs calendes
et de leurs visites.
I.e concile d'Aix, en ITiS'i, (Ibid., p. 1181,
118i), suivant pas à pas et copiant presque mol
à mot les ordonnances de saint Charles, institua
les vicaires forains chacun sur dix cures au
plus, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes
obligations, qu'on peut lire dans les actes de
l'Eglise de Milan.
Le concile de Toulouse, en 1590 (Ibid., p.
i 389), laissa au jugement de l'évêque, s'il était
à propos de subroger des vicaires forains, ou
au défaut ou à la négligence des archiprêlres
et des archidiacres. « Vicarii quos foraneos
vocant, non minime episcopis esse consueve-
runl levamento. Videbunt igitur ciiiscopi, an
archidiaconorum et archipresbyteroruni aul
penuria, aul defectus vicariorum, cjusmodi
operam requiral. »
L'assemblée du clergé de France à Melun en
1579, ordonna que les archiprêtres ou vicaires
forains rendraient raison de leur conduite à
révê(|ue, une fois tous les trois mois. « Tertio
quolibet mense rationem reddere tenerentur
(Conc. Noviss. Gall., p. 113). »
Le concile d'Aquilée,.en 1596, imita de près
la divine police que saint Charles avait établie
dans la province de Milan, et institua des vicai-
res forains avec les mômes droits et les mêmes
obligations (Conc. gênerai., t. xv, p. 1519).
V. Enfin le concile de Tolède en 1.566, nous
apprend que les évêchés d'Espagne étaient
aussi divisés les uns en plusieurs archidiaconés,
les autres en plusieurs archiprêtres. Les archi-
prêtres y exerçaient la juridiction spirituel'»;
([ue le droit leur accorde (Ibid., p. 782).
C'est pour cela que le concile de Lérida, en
[1^29, défendit de donner ces offices pour un
temps el avec charge de payer une pension
annuelle. « Cum archiprcsbyteratus spiritua-
leni jurisdictionem habeat, distiicte prohibe-
mus, ne archipresbyteratus subaliqua pensione
ad terminum alicui concedalur (Constitutiones
concil. Tarracon., p. 21, 24). »
11 est fait mention dans les mêmes conciles
de Tarragone des doyens forains, « Decani
foranei, » qui doivent être prêtres, parce que
l'évêque les coumiet pour juger les causes
ecclésiastiques. « Quia non decet causas eccle-
siaslicas per personas laicas pertractari , ne
de cœtero siut decani foranei , nlsi presbyteri,
vel, etc. »
DU SECO>D ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SIXIEME.
VI. Si ces derniers siècles, surtout depuis cet
incompnrable modèle de réformation que le
grand saint Charles a fait briller aux yeux de
toute l'Eglise, ont donné beaucoup d'étendue à
la juridiction volontaire des arcliipr(Mr('s, des
doyens ruraux et des vicaires forains, il faut
avouer aussi qu'ils ont à proportion beaucoup
retranché de leur juridiction contentieuse.
Le concile de la province de Tours (Cap. iv),
qui se tint à Laval « ad vallem Guidonis » en
1242, leur défendit, aussi bien qu'aux archidia-
cres, de juger des causes matrimoniales, de
celle de la simonie, et enfin de celles où il
s'agissait de la déposition, de la dégradation,
ou de la perte des bénéfices, s'ils n'avaient \me
commission parliculicre de l'évcqiie. a Nisi de
speciali mandato sui pontificis nullatenus co-
gnoscere vel definire prœsumant de causis ma-
trimonialibus, simoniœ, vel aliis qune degra-
dalionem, vel amissionem beneficii, vel depo-
sitionem exigant. » Ce concile leur défendit
aussi d'avoir des officiaux.
Toutes ces défenses avaient déjà été faites au
concile de Château Gonlier (Can. vin) en 4231,
et elles furent réitérées dans celui de S.iumur
en 12.'i3, où on ne leur permit déjuger et de
prononcer hors les villes, qu'en propre per-
sonne, et non pas par des officiaux, ou des
substituts à gages: «Ne archidiaconi, archi-
l)resb\teri, seu decani rurales, et alii minores,
jurisdictionem ccclesiasticam liabentcs , extra
civil, item officiâtes, vel aliocatos habeant : sed
extra civitatem in propriis personis suum dili-
genter ex|)leant olficium. »
Le concile de Langez (Can. n, Spicileg., tom.
II, p. 229), en 1278 réitéra la même défense,
contre les officiaux des archiprèlres et des ar-
clùdi.icres, qui n'obéissaient qu'avec beaucoup
de peine à ces décrets.
Les ordonnances synodales d'Angers en 1282,
assignèrent aux trois archidiacres, aux trois
archiprètres, et aux quatre doyens ruraux, en-
tre lesquels tout l'évêché était partagé, deux
ou trois villes, ou places considérables où ils
devaient rendre justice, « ubi causas et placila
audirent» et déterminèrent le nombre de leurs
appariteurs.
I^e synode de Poitiers, tenu en 1280, nous
a|)prend que celte longue résistance des archi-
prèlres à tant de commandements canoniiiues,
1 rovenait d'une insatiable avarice, qui les por-
tait à établir divers tribunaux de justice dans
leur ressort, et autant de vicaires-généraux ou
d'officiaux, pour instruire les procès, pour
examiner les contrats et les testaments, et pour
juger même en leur absence ; « .\rchipresbyteri
lucrum quierentes proprium, non commodum
suhjectorum, etc. »
Ce synode les réduit à un seul tribunal, ou
tout au plus à deux, si c'était une ancienne
coutume qu'ils en eussent plusieurs. « In uno
loco tantummodo sit contentus, nisi sunt taies,
qui vel quorum praedecessores consueverunt
ab antiquo in duabus villis, vel pluribus au-
dientiam exercere. Et illi duorum locorum ad
hoc anti(piitusassnetorum numeriim non excé-
dant (Conc, tom. ii, part, i, p. 1 138). »
Enfin, ce synode leur interdit les causes ma-
jeures, du mariage, de la simonie, des sortilè-
ges, usures et autres semblables.
Le concile de Saumur, en 1294, découvrit et
condamna l'abus de quelques archiprèlres, qui
remettaient, pourdes amendes pécuniairesqu'ils
s'appropriaient, les crimes énormes d'adultère,
de fornication, d'inceste, et d'autres dont ils ne
pouvaient absoudre : « Pro adulterio, fornica-
tione , incestu , et aliis excessibus , in quibus
dispensare non possunt, a clericis et l.iicis
pœnam pecuniariam contra canonum prohibi-
tionem exigimt et extorquent (Conc, tom. n,
part. II, p. 1396). »
VII. Ce môme concile (Can. iv, ibid.), con-
damne les archiprctres, qui avaient des offi-
ciaux, pour examiner les contrats et les sceller
en leur absence : « Ne clericos cursores et
(|uasi cxploratores ad audiendas confessiones
contrahentium de c;ctero teneant, nec ad rela-
tionem eorum litteras sigillent, ac si in eorum
procsentia f.icl;r fuissent. »
Le synode deiiayeux,en 1300, interdit les
causes matrimoniales à tous les juges infé-
rieurs , les réservant à l'évèque seul (Ibid.,
p. 14Gl). Enfin, le concile de Ravenne (Cap.
xciv, cap. XIII, ibid., p. 106(5) en 1317, con-
damna les archiprèlres, et les juges inférieurs,
qui entrc|irenaient de faire le [irocès à des cu-
rés et à d'autres bénéficiers, jusqu'à les dépo-
ser ; ce qu'il ^it avec vérité être très-contraire
aux canons, qui réservaient à l'évoque seul la
déposition.
Les canons que nous venons d'alléguer nous
montrent la grande étendue de la juridiction
contentieuse des ai'chiprètrcs, et les justes rai-
sons qu'on eut ensuite de lui donner des bornes
plus étroites. Il n'est i)as hors d'apparence que
les évoques leur avaient délégué durant quel-
DES ARCHIPRÉTRES DE LA VILLE ET DE LA CAMPAGNE.
363
qiies siècles celte grande autorité ; qu'une lon-
gue durée de temps, et la suite même de quel-
ques siècles, avait fait passer cette délégation
pour un droit commun et ordinaire, et la com-
mission pour un otflce ; et que les abus s'y
étant ensuite glissés, on révocjua ces pouvoirs
avec encore plus de justice, qu'on ne les avait
accordés.
Le concile de Pont-Audemcr, en 1279, laissa
aux archiprèlres le pouvoir de suspendre et
d'excommunier, pourvu que ce fût par écrit,
a Decani rurales exercentes jurisdictioneni,
non suspendant, vel excommunicent, nisi in
scriptis ^Cotic, tom. xi, part, i, p. 1047, can.
XVI. Sydonicum Rotom., p. 243, 253, 254, 259;
p. 213, 216). » Ce [jouvoir ne leur fut pas sous-
trait par les conciles ci-dessus rapportés, parce
que la seule déposition semble leur y être inter-
dite. On peut voir, dans la compilation qu'on
vient de donner dts conciles et des synodes de
Rouen, les diverses règles ou limites qu'on
donna à la juridiction des doyens ruraux. Il y
a quelque chose de fort singulier dans un
doyenné ou l'abbé d'Aumale devait nommer.
VIII. Fagnan remarque : l°que les doyennés
ruraux ne peuvent être mis entre les dignités,
non plus que les prévôtés et les prieurés qui
sont de même nature, et qui ont les mêmes
fonctions, parce qu'ils n'ont nulle juridiclion.
a Non babent dignitalem, cum non babeaiit
praerogativam super alios, vel jurisdictiouem
(In 1. I. Décrétai., par. t. xxii, p. 219, 221). »
2° Les archiprétrés sont à la vérité au rang des
dignités, mais n'ayant point assez souvent de
charge d'àmes , quoique selon le droit des dé-
crétâtes, il fallût avoir reçu, ou recevoir au
plutôt la prêtrise, pour les posséder ; après le
concile de Trente (Sess. xxiv, c. xn), il suffit
d'avoir vingt-di ux ans pour en être pourvu, et
il n'y a point de nécessité d'être prêtre. 3° L'ar-
chidiacre est comme le vicaire de la juridiction
épiscopale, et l'archiprêtre est le vicaire de
l'évêque pour la célébration des sacrements,
des offices, des cérémonies, et des bénédictions
sur le peuple (F.ignan., ibid., 1374, 375, etc.).
A" L'aichiprêtre est soumis à la juridiction de
l'archidiacre, dans les points où le droit, ou
bien la continue l'y ont assujetti : mais après
cela il est bien au-dessus. 5° Quoique cela
n'empêche pas que rarchidiacre n'ait encore
droit de visite et de correction sur l'archiiirê-
tre, même dans ses fonctions d'archi prêtre.
G" Quoique les archiprèlres et les archidiacres
ne soient que les vicaires de lévêque, ils le
sont pourtant en litre d'ofûce et de dignité :
ainsi ils ne sont pas révocables. Il est visible
que ce canoniste ne parle que des archiprèlres
des Eglises cathédrales. 7° Enfin, comme il
peut y avoir des arehi prêtres qui aient charge
d'âmes, il faut, selon le même décret du con-
cile de Trente, que ceux qui en sont pourvus,
aient atteint l'âge de vingt-cinq ans.
Nous dirons ci-après comment les archi-
prèlres et les doyens de la campagne ont laissé
échapper leur juridiction, n'ayant plus que le
droit de faire quelques corrections sans forme
de jugement, et rapporter toutes choses a l'é-
vêque. 8" J'ajouterai seulement ici que la con-
grégation du concile a adjugé aux archiprèlres
des Eglises cathédrales les oQrandes qui s'y
font, parce que ce sont eux qui y sont chargés
du soin des âmes, et de l'administration des
sacrements (Barbosa, de Paroch., c. xxv, n.
27, 20) (1).
(1) Aujourd'hui tes archidiacres, les archiprèlres et les doyens De
sont plus des dignités, car toute dignité, comme on sait, a une juri-
dictioa propre. Ce ne sont plus que des titres honorifiques avec telles
attributions que l'évêque accorde. GéDéralement les vicàires-généraui
sont archidiacres d'une circonscription déterminée par I evéque, mais
ils n'ont plus la juridiction volontaire et coctentieuse qae possédaient
les anciens archidiacres, iis n'ont que la juridiction de vicaire-2êr.é-
ra!. Dans certains diocèses, on donne le litre d'archiprétre aux curés
d'arrondissemeni, e: le litre de doyeu aux curés de caoton. Dans
d'autres, au contraire, les curés de canloo sont tous archiprétrés. Mais
ici encore ce sont des noms sonores sacs autre attribution que celle
d'avoir une surveillance générale sur leur arrondissement ou canton,
de faire la correction frateroelle aux prêtres qui s'oublient, et, en cas
de penêvérajîce dans !e mal, d'avertir l'évêque. L'ariicle 168 des
statuts du diocèse d'Avignon donne une idée très-exacte, croyons-
nous, des droits accordés aux archiprétrés et doyens de l'Eglise de
France, dans presque tous les diocèses : Decrctorum synoJ/jlium
violatores cum omni ckaritate admoneant ; qnos si inobedienles
invenerint, post fraternam et iteratam sed infrncluosom correctio-
nem nobis denuntient. De culpis, excessihus et defectibus gravis
momenti statim certiores nos reddant. At^tineant tamen a confi'
ciendis contra reo^ processibus^ quos dicunt informativos ad nor-
mam juriSj douée a nobis licenciam hnheant. Invigitabunt super
vita, fide et morihus tum clerï fum populi. Diligeiiter inquiretil de
canonica parochorum re.sidencia, de Ver/,i divini prœdicutiune, de
catechtzandis pueris. de frequentia et recta adminisiratione sacra-
mentOTum^ de visitationc et cura infimwrum, de divini cuitus de-
ceniia, de sacrœ supellectilis et sacrorum vasorum nitore, de Eccle-
siarum oniatu.
D'après le Concordat espagnol de 1^51, les chapitres ont pour di-
gnités le doyen, premier siège post pontificalem, l'archiprêtre, l'ar-
chidiacre, le grand-chantre et l'êcolàlre.
11 est évident d'après cela, qu'outre qu'ils ont perdu partout leur
juridiction propre, le& archiprétrés et les archidiacres n'ont plus de lieu
fixe, puisqu'icj ils sont dignitaires du chapitre. En Lombardie. tous
les curés sont appelée archiprétrés. Dans quelques diocèses de France,
ce titre n'est donné qu'au curé de la cathédrale. Ceci se rapproclie
beaucoup plus des anciens archiprèlres qui étaient toujours attachés
au siège êpiscopal pour remplacer l'évêque empêché dans les céré-
monies publiques et l'adminislration des sacrements. Les archi-
prèlres d'arrondissement modernes, avec leurs pentes attributions,
sont les successeurs des vicaires forains et seraient plus justement
appelés de ce nom. (Dr André.)
M
DU SKCOM) Or.DRE DES CLERCS. — CHAPITRE SFPTIÉ.ME.
CHAPITRE SEPTIEME.
DES GRA>DS-\ICAIRES DES ÉVÊQIES , ET DES PÉNITENCIERS PENDANT LES PREMIERS
SIÈCLES DE l'Église.
I. Les chnrévèqiics étaient enx-mèmes les grands-vicaires l'c
l'évêque iiour les paroisses des champs.
II. Kïemples des grands- vicaires. Leur modèle parfait dans
saint Grégoire de Nazianze et saint Basile, cnrnrc prêtres.
III. Grégoire ne voulut point être vicaire-général de Basile fait
évcque.
IV. Autre modèle des grands-vicaires dans saint Ctirysostonie.
V. Dans l'Eglise latine, saint Simplicien fut grand-vicaire de
saint Ambroise à Milan.
VI. Saint Augustin le fut de Valère, dans Hippone.
VII. Ce grand-vicaire était en même temps roflicial, le péni-
tencier, le llicologal, et le curé de l'c^'lise calliédrale.
VIII. Les évéques exerçaient alors eui-mèmes presque tou-
jours toutes ces tondions.
IX. Les grands-vicaires étaient aussi comme les coadjuteurs,
et très-souvent les successeurs des évéques.
X. C'est à quoi tendaient les canons, qui voulaient que les
évccjues fussent choisis d'entre les prêtres ou les diacres.
xi. Peinture d'un grand-vicaire parfait dans la pc;sonne de
Claudien, frère de saint Mameil, évêque de Vienne.
XII. Preuves qu'il exerçait eu même temps toutes les autres
charges ci-dessus nommées.
XIII. Des prèlri'S rénitenciers, leur création et leur eîlinction
dans l'Orient, selon Socrate.
XIV. Ce qu'en dit Snzoniène.
XV. S'il y en avait dans l'Occident.
I. Nous n'avons pu commencer le discours
des prêtres, que par ceux qui ont tenu le plus
haut rang dans ce second oidre de l'Eglise. Ce
sont les grands-vicaires des évéques, que ces
prélats semblent avoir rendu les dépositaires
de leur autorité et les ministres universels de
leur sacrée jui idiction.
Les chorévêques, dont il a été parlé dans les
deux premiers chapitres de ce livre, étaient les
vicaires-généraux des évoques pour les cures
et les paroisses de la cam pagne. Cresconius et
Ferrandus ont donné aux chorévêques le titre
de grands-vicaires de l'évêque, « Chorepiscopi,
i(i est, vicarii episcoporum. » La collection
d'Isidore s'en explique de même dans la version
du canon du concile d'Ancyre, o Vicarii episco-
porum, (|uos Gra»ci chorepiscopos dicunt. »
II. Quant aux grands-vicaires de la ville, ce
ne pouvait être que les prêtres ou les diacres,
lisarchiprctresou lesarchidiacresdu clergé de
la catliédrale. Nous pailerons ensuite des ar-
chidiacres et des archiprèlres, mais il [uuldire
dans ce chapitre ce qui regarde les grands-vi-
caires arbitraires, que les évéques choisissaient
quelquefois d'entre les prêtres, et sur lesquels
ils se déchargeaient d'une grande partie de la
conduite de leur évêché.
Tel fut saint Grégoire de Nazianze, quand
son père, le vieil évêque de Nazianze, par le
poids de l'autorité paternelle, lui fit une sainte
violence, et l'arracha de la solitude, pour venir
l'assister dans le gouvernement de son Eglise
(Baron., an. 306, n. 10, 18). Cet illustre théolo-
gien proleste qu'il n'a jamais été évêque de
Nazianze, mais qu'il y fut comme l'aide et le
vicaire-général de son iière (Orat. ad Patrem).
« Nunc quidem cum prœclaro parente curam
hanc suscipere non recuso, velut magnae
aquilae, et altissime volanti pullus non in-
commodns e propinquo advolans. »
Saint Basile suivit de bien près saint Gré-
goire; et s'étant réconcilié avec Eusèbe, évêque
de Césarée, il commença dès lors à remplir
toutes les fonctions d'un excellentgrand-vicaire.
Saint Grégoire (Orat. ii. In laud. Basilii), en a
fait une description admirable, où il n'a pas
appréhendé de dire que Basile faisait toutes les
fonctions les plus pénibles de l'épiscopat, et
que s'il n'avait pas le nom d'évcque, il en avait
toute l'autorité.
« Adesse, docere, dicto audientem esse,
monere quidvis denique illi esse consuitor
bonus, opitulator optimus, divinorum oracu-
lorum explicator, rerum agendarum prœinon-
strator, senectutis suhsidium, fidei adminicu-
lum, domeslicorum fidelissimus, externorum
ad res gerendas aptissimus ; ut uno verbo dicam
lantam ejus benevolentiam obtinens, quanlo
prius apud eum odio flagrare videbatur. Ex
quo hoc assecutus est, ut etiamsi illi catliedrae
honore secundusesset, Ecclesia; tamen imperio
potiretur. Etenim pro benevolentia, quam con-
ferebat, autorilatem vicissiin accipiebat ; ac
miius quidam erat inler eos concentus.
DES CRANDS-VICAIRES HES ËVÊQUES.
3crî
ncxn?que potestatis. Ille plebem Hucebaf, liic
ductorem (Orat. ii, in laiicl. Basilii).)^
III. Voilà sans doute la peinture achevée
d'un grand -vicaire parfaitement accompli,
éjialement digne de celui qui l'a faite, et de
celui pour qui elle a été faite. Ces deux grands-
vicaires, l'un de Césarée , et l'autre de Nazianze
avaient bien du rapport. Ils étaient les ministres
et les exécuteurs de toute la juridiction, soit
volontaire, soit contenlieuse de leurs évêques,
à qui ils laissaient la gloire de l'épiscopat, n'en
prenant que les soins et les travaux.
Lorsque saint Basile eût été créé évèque de
Césarée, il voulut donner le premier rang entre
ses prêtres à Gré;.;oire de Nazianze, qui l'y était
venu visiter ; c'est-à-dire qu'il voulut le créer
son grand-vicaire, et lui faire remplir la place
qu'il venait dequitter (Baron., an. 3i 9, n. 39;.
En effet Giégoire explique en mêmes termes le
poste que B isile avait occupé sous Eusébe, et
celui qu'il voulut lui faire remplir, dès qu'il
eut été fait évêque (Nazianz. in laud. Basilii).
n Postea cum ad eum venisseni alque eadein
de causa calhedfce lionorem insignioremque
inter presbyteros sedem repudiassem, etc. »
Grégoire refusa, et Basile fut assez généreux
pour ne p.is s'offenser du refus de son ami.
Après que saint Basile eut consacré Grégoire
évêque de Sasimes, et que Grégoire eut aban-
donné ce triste séjour, l'ancien évèque de Na-
zianze son père, lui fît violence encore une fois
pour le retenir auprès de lui, comme son
vicaire-général (Baronius, an. 371, n. 101, 10(i,
107). On lit courir le bruit que saint Grégoire
le théologien avait été évèque de Nazianze,
mais il déclara lui-même hautement, qu'il ne
l'avait jamais été, quoiqu'il eût gouverné cette
Eglise comme en passant. « Ad brève tempus
pra?fecturam quasi hosjiites accepimus. »
IV. Grégoire et Basile avaient déjà été or-
donnés prêtres, quand ils furent chargés du
grand vicariat de ces deux Eglises, mais saint
Chrysostome n'étant encore que diacre, prêchait
déjà dans Antioche, comme s'il eût été chargé
de la conduite de cette Eglise en l'absence de
l'évêque Flavien (Baronius, an. 38-2, n. -48, 386,
n. 43j. « Quid hoc sit, fratres charissimi? Pastor
abest, et tamen oves suum cum diligentia ser-
vantes ordinem video. Profecto boni illius
pastoris id quoque officium est, ut non modo
illo prœsente, verum etiam absente, ovili stu-
diumomneadhibeat. »
Quand cet incomparable prédicateur eut été
ordonné prêtre, il soulagea son évêque avec
encore bien plus de zèle et plus de succè-:. ,Ie
dirai ailleurs que les diacres ne prêchaient
point encore. Ainsi saint Chrysostome n'a\ait
pu le faire sans un privilège particulier. Il y a
même des gens savants cjui ont renversé la
chronologie du cardinal Baronius, et ont par
ce moyeu justifié qu'il était déjà prêtre quand
il commença à prèciier (Baronius, an. 375,
n. i>3).
V. On ne peut nier que ce ne soient là les
trois modèles les [dus parfaits que nous puis-
sions proposer des grands-vicaires dans l'Egli.^e
orientale. Il faut en proposer trois semblables
dans l'Eglise latine. Le premier sera saint
Simplicien, qui fut depuis le successeur de celui
dont il avait été le grand-vicaire dans l'ar-
chevêché de Milan, je veux dire saint Am-
broise. Simplicien était prêtre de l'Eglise de
Rome, et le pape Damase l'envoya pour assister
saint Ambroise dans les commencements de
son épiscopat. Saint Ambroise a lui-même
rendu cet illustre témoignage à Simi)licien,
qu'ayant parcouru toute la terre pour n'ignorer
aucune de toutes les sciences qu'on y ensei-
gne, il lui proposait des doutes pour l'instruire
en le consultant.
Voici les termes de saint Ambroise dans sa
lettre II à Simplicien : « Sed quid estquod ipse
dubites, aut a nobis requiras, cum fidei, et ac-
quirendœ divinœ cognitionis gratia totum or-
bem peragraveris : et quotidianae lectioni no-
cturnis ac diurnis viciLus omne vitœ hujus
tempus deputaveris, acri prœsertim ingénie,
etiam inteliigibilia complectens ? »
VI. Le grand saint Augustin ne fut fait
prêtre par Valère, évêque d'Ilipi one, que pour
être fait d'abord son grand-vicaire.
Possidius l'insinue assez clairement, quand
il dit que Valérius, pressé de la nécessité pré-
sente de son Eglise, traita avec le peuple du
choix et de l'ordination d'un prêtre ; qu'il avait
souvent prié avec ardeur, pour obtenir du citl
un prêtre qui put suppléer a son défaut, dans
la prédication de la parole divine, parce
qu'étant grec de naissance, il n'avait pas toute
la facilité que son zèle lui faisait désirer pour
instruire son peuple; enfin, qu'il le chargea
d'abord de l'office de prédicateur, qui n'avait
jusqu'alors été exercé dans toute lAfrique que
par les évêques (Possid., de vila Aug., iv, c. o).
a Cum flagitante ecclesiastica necessitate, de
providendo, et ordmundo presbytero civitatis
V
366
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEPTIEME.
i^lebem Dei alloqueretur, etc. Gratias agebal
Deo suas exanditas tuisse preces, qnasfre(|uen- .
lissime se fudisse narrabat, ut sibi divinitus
homo concederetur talis, etc. (Baronius^ an.
391, c. 2-2).»
Toutes ces circonstances conviennent admira-
blement à un grand-vicaire, et saint Augustin
comprit tort bien que c'était cette grande et im-
portante charge dont on l'avait revêtu. Eneflet,
dans la lettre qu'il écrivit peu de temps après à
son saint évêque Valère,pour lui demanderau
moins trêve jusqu'à Pâques, pour pouvoir étu-
dier un peu àloisirlesdivinesEcntures,ety ap-
prendre lesdivines vérités qu'il devait annoncer
au peuple, il témoigne qu'il ne sent que trop le
poids d'une charge si périlleuse, qui lui met
en main le gouvernail du navire, et lui donne
la première place après l'évèque, à quoi il
n'aurait jamais consenti, si on ne lui avait fait
violence. « Vis mihi facta est, merito peccato-
rum meorum, nam quid aliud existimem, ne-
scio , ut secundus locus gubernaculorum mihi
traderelur, qui remum tenere non noveram
(Episl. CXLVMl). »
VII. Mais il faut avouer que si cette qualité
de second pilote, «secundus locus gubernaculo-
rum, a ne convient pas mal à un grand-vicaire,
celle que Possidius a donnée à saint Augustin
de prêtre de la cité, « Presbyter civilatis, » ne
convient pas moins bien à un curé. Car comme
le chorévèque était le grand-vicaire de l'évèque
pour les [)aroisses de la cam()agne, aussi le
prêtre de la ville était le vicaire-général de
l'évèque pour la ville.
1! n'y avait encore qu'une église dans chaque
ville, au moins dans les villes qui n'étaient pas
extraordinairement grandes, comme Rome,
Alexandrie, Aiitioche, Constantinople. C'était la
cathédrale même dans les villes épisco[)ales.
Le curé ou le prêtre de cette église était le
premier en dignité après l'évèque, quant aux
fonctions propres à l'ordre de la prêtrise et à la
juridiction de l'épiscopat. Dans les petites villes
il n'y avait assez souvent qu'un prêtre avec
révê(iue.
Telle était peut-être alors l'Eglise d'Hippone.
Lorsque dans le concile 111 deCarlhage (Can. xlv)
on traita du pouvoir qu'avait l'évèque de Car-
tilage, d'enlever aux évêques leurs prêtres pour
en faire des évêques dans les Eglises qui les de-
mandaient,on proposa la difficulté des évoques
qui n'auraient (ju'un prêtre, auxquels on ne
pourrait l'ôter sans dureté : « Qui uuuni Ua-
bucrit, numquid débet illi ipse unus presbyter
auferri ? » 11 fut résolu que les évêques étant
sans comparaison plus nécessaires que les
prêtres, il faudrait que dans celte rencontre
les évêques sacrifiassent leur intérêt particu-
lier au bien public. « Si necessarium episco-
patui quis habet presbyterum, et unum ba-
buerit, etiani et ipsum dare debebit. »
Ce seul prêtre était donc alors et le grand-
vicaire, et l'offlcial, et le pénitencier, et le
théologal, et le curé de la ville ; on pourrait
dire encore qu'il était comme le coadjuteur de
l'évèque, sans une entière assurance, mais
avec beaucoup d'apparence qu'il serait aussi
son successeur.
Vlll. Lorsmême qu'ily avait plusieurs prêtres
avec l'évèque dans une cathédrale, celui qui
était le premier, quoiqu'il ne portât pas toutes
ces qualités, parce qu'elles n'étaient pas encore
toutes en usage, en exerçait néanmoins les
fonctions, parce que ce sont les fonctions pro-
pres et naturelles des prêtres, avec obligation
néanmoins de ne les exercer que selon les
ordres, et dans une parfaite dépendance de
l'évèque.
Nous dirons, dans un chapitre suivant, que
les évêques exerçaient alors eux-mêmes im-
médiatement presque tout le ministère sacer-
dotal, et remplissaient par eux-mêmes toutes
les fonctions des curés, desofficiaux, des péni-
tenciers et des tliéologaux. Ils administraient
eux-mêmes le baptême, ils réconciliaient les
pénitents, ils célébraient les messes solennelles;
ils prêchaient ; ils terminaient les procès entre
les clercs, et souvent même entre les laïques.
Les prêtres n'étaient appliqués actuellement
à ces sacrés ministères, que lorsque les évêques
étaient absents, ou malades, ou accablés de la
multitude et du poids des atlaires. 11 n'est donc
pas étrange que nous disions que les grands-
vicaires étaient en même temps curés ,
otliciaux , théologaux et pénitenciers , puis-
que les évêques étaient efléctivement eux-
mêmes tout cela, et ne se déchargeaient sur
des vicaires que dans la nécessité.
Il faut encore faire celte réflexion, que
l'évèque exerçant ordinairement par lui-même
toutes ces diverses fonctions, lorsqu'il s'en re-
posait sur d'autres, on pouvait bien dire avec
vérité que ce n'étaient que des vicaires, soit
généraux pour tout le ministère épiscopal,
soit ])articuliers pour une partie seulement
d'une charge si pénible et si étendue.
DKS GRANDS- Vir.MRF.S DES ÉVitOl'ES.
307
IX. Si j'ai dit que les grancls-vicaiirs étaient
aussi les coadjutcurs, et souvent les successeurs
niiJmes des évêques, je ne l'ai dit qu'après
l'avoii' justifié par plusieurs exemples, et par
celui de saint Augustin niènie. (irégnire tie
Nazianze ne succéda pas à son père dans l'évê-
clié, parce qu'il y résista avec une fermeté in-
flexible, et que Dieu l'avait apiielé à d'autres
évèchés. Basile et Chrysostome furent évêques
après avoir été grands-vicaires.
Si Chrysostome ne fut jias évéqueà Antioche
même, c'est que l'enipeieur et l'Eglise de la
ville impériale prévinrent celle dAnlioclie.
Mais ce fut son grand vicariat d'Antioche qui
lui donna et le mérite, et la réputation dont
son enlèvement fut la suite et la récompense.
Sini[)licien futévêquede Milan après Ambroise.
Augustin le fut après Valère ; il dit lui-même
que la prêtrise, c'est-à-dire ce grand vicariat,
lui avait servi de degré pour monter à l'épis-
copat. « Apprehensus presbyter faclus siun, et
per hune gradum ad episcopatum perveni (De
diversis Serm. 39). »
En effet, peut-il y avoir un noviciat plus illus-
tre, ou un apprentissage jilus juste et jdus na-
turel, pour former des évêques, que le vicariat
général des fonctions episcopales ? Ce serait
obscurcir une vérité si claire et si constante,
que de la vouloir exi)!i(]uer.
X. Il vaut mieux remarquer que si les an-
ciens canons des conciles et les décrétales des
papes ont si souvent ordonné, qu'on n'élût les
évêques que du nombre des piètres ou des
diacres de la même Eglise, ce n'était pas sim-
plement pour honorer ces ordres éminents, et
pour faire monter pur degrés ceux qu'on élevé
aux dignités ecclésiastiques.
C'était principalement pour donner à l'Eglise
des évêques qui en eussent appris les devoirs,
qui en eussent exercé les fonctions, qui ne
fussent pas accablés d'une charge qu'ils avaient
depuis longtemps portée avec les évêques pré-
cédents. Et si entre les prêtres et les diacres
de l'Eglise, on élisait celui qui était le plus
expérimenté et le plus capable d'un si divin
ministère, comme les canons le prescrivaient,
il est à présumer qu'on élisait le plus souvent
celui qui avait fait la fonction de grund-vicaire.
La raison est qu'on présume que l'évêque se
sert du plus habile de ses piètres, ou de ses
diacres, pour se décharger sur lui d'une [Jdrlie
de ses soins.
Tous les prêtres et tous les diacres étaient
aloisoocupés, non pasau chantdesdivinsoffices,
car (luoiiju'ils y assistassent, cet office était
délégué aux autres clercs; mais à soulager
révêi|ue, ou dans l'adminislration des sacre-
ments, ou dans la pré.iication, ou dans les
jugements des procès entre les clercs et entre
les fidèles; enfin, dans les fonctions curiales
ou episcopales. Ainsi le clergé d'un évêciue et
surtout son collège de prêtres et de diacres,
était un séminaire d'évêques pour l'avenir, et
celui (]ui y était le plus employé et qui pouvait
passer pour le grand-vicaire, était le fruit le
plus mûr pour l'épiscopat.
XI. Il est à croire que le prêtre Eradius, (]ue
saint Augustin prit pour son coadjuteur et
pour son successeur, peu de temps avant sa
mort, avait déjà été son grand-vicaire pendant
que les besoins de son Eglise et de l'Eglise uni-
verselle, l'avaient forcé de s'absenter de son
évêché; car saint Augustin donnait sans doute
la princi|«le autorité au plus capable d'entre
ses prêtres, et lui faisait acquérir avec cela
l'expérience qui était nécessaire à un évêque.
Mais on ne peut mettre en doute que saint
Mamert, évêque de Vienne, n'eût pris son frère
Claudien ]iour son grand-vicaire, puisque
Sidoine .Apollinaire, en parlant de Claudien ,
nous a fait la peinture la ]j1us achevée et la
plus finie qu'on pût désirer d'un vicaire-géné-
ral.
Voici ce qu'il en dit : « Episcopum fratrem
mnjorem natu religicsissime observans, queni
diligebat ut filium , cum lanquam patrem
veneraretur. Sed et ille suscipiebat hune gran-
diter, liabens in eo consiliarium in judiciis,
vicarium in Ecclesiis, procuratorem in nego-
tiis, villicum in pra'diis, tabularium in tribu-
tis, in lectionibus comitem , in exiiositionibus
interfiretem, in itiueribus conlubernalem (,\n.
Chr. .490. Sidon. 1. i. e]). ii.) »
Ces vers du même Sidoine sur le même su-
jet, n'expriment pas moins nettement la qua-
lité d'un prêtre, qui est en même temps grand-
vicaire de son évêque :
Antistes fuit ordine in secundo,
Fratrem fasce levans episcopali.
Nam de Ponlilicls tninore summi,
Ille iusignia suuipsit, hic laboiem.
XII. Mais autant il est clair que c'est là
une parfaite description d'un vicaire- général,
autant il est évident (jue c'était un vicaire véri-
tablement général, soulageant universelle-
ÎC8
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEPTIÈME.
m*'nt son évrqup dans toute Vélendne de son
niiiiiï^tiTu. Il utait son olficial, Coiisiliarius in
jiidiciis. Il et lit son économe, Procurator in
jieyodis. Il était son \idame ou son inten-
dant, Villicusin prœcliis. 11 était son trésorier,
Tabidarius in Irihutis. 11 était son théologal ,
In expositiojiibus interpi-es. Il était son péni-
tencier et son vicaire dans les fonctions de
l'autel et dans l'administration des sacrements,
Vicarius in Ecclesiis. Enfin , il était son syn-
celle, ou le témoin de ses plus secrètes actions.
In ilineribus contubemalis.
On pourrait ajouter qu'il était le grand-chan-
tre et le modérateur des officiers de l'Eglise.
« Psalmorum hic moderalor et plionascu? ante
altaria, fratre gratulante , instructas docuit
sonare classes. » 11 était même le directeur
des parties diverses de l'office, qu'il fallait ap-
proi'rier aux différentes saisons de l'année.
« Hic solemnibns annuis paravit, quae quo
tempore lecla convenirent. »
Gennadius a cru que Claudien avait été évc-
que de Vienne (Gennad., de virisilluslr., in Sal-
\iano). Il ne le fut pas, parce qu'il mourut
avant son frère. M. de Marca croit que ce
n'est qu'une faute des copistes ou des impri-
meurs, qui ont mis évèque au lieu de cho-
ré\êque (De Conc, liber ii, c. 14). Mais en vé-
rité toutes les parties de la descri|)tion que
nous venons de faire avec Sidoine Apollinaire,
conviennent sans comparaison mieux à un
grand-vicaire qu'à un cliorévêque. En effet,
toutes les fonctions dont nous venons de par-
ler, attachaient Claudien à la personne de son
évèque, à son Eglise et à sa ville, au lieu que
le chorévè(jue était comme relégué aux pa-
roisses de la campagne.
Je ne sais même si les chorévêques étaient
communs en France en ce temps-là , car les
exemples en sont très-rares, et nous avons mon-
tré que le concile de Riez n'en parla que par
occasion, et seulement en passant, sans en
établiraucun qui fût véritablement cliorévêque.
Xlil. Nous n'avons pas dessein de joindre au
traité des grands-vicaires en général, un dis-
cours de tous les vicaires particuliers des évo-
ques, dans (juelque partie de leur sacré minis-
tère; mais nous n'avons pas cru pouvoir omet-
tre ici le pénitencier, parce que c'était une
fonction toute i)ropre aux prêtres, au lieu que
les autres vicariats embrassaient des exercices
dont les diacres et les autres clercs inférieurs
pouNaitul dechur^ei' les eséques.
Socrate assure qu'au temps de la persécution
de l'empereur Dèce, qui fut tres-sanglante,
les évèiiues établirent dans leurs églises des
prêtres pénitenciers, afin que ciux qui avaient
succombé à la crainte ou à la rigueur des tour-
ments, se confessassent à eux de leur apostasie
et en reçussent la pénitence canonique. « Eccle-
siarum episcopi canoni adjunxerunt, ut in sin-
gulis Ecclesiis presbyter quidam poenitentiie
]irœesset, quo qui post baptismum lapsi fuis-
sent , coram presbytero ad eam rem designato
I)eccata sua confiterentui (Liber v, cliap.xix). »
La réconciliation des pénitents publics avait
toujours été réservée à l'évêque et le fut encore
depuis, comme nous le dirons dans la suite.
C'étaient aussi les évêques qui faisaient les
lois ou les canons de la pénitence, qui impo-
saient les pénitences publiques et (|ui veillaient
ou faisaient veiller sur les pénitents, afin d'a-
bréger ou de prolonger le temps de leur péni-
tence à proportion de la ferveur avec laquelle
ils s'en acquittaient. Cette police fut toujours
la même après la création même des péniten-
ciers. Les ouvrages des Pères , les canons et
les décrets des conciles et des papes en font foi.
Il résulte de là que la charge du prêtre
pénitencier ne pouvait consister qu'à écouter
les confessions en secret de tous ceux qui
avaient souillé l'innocence du baptême, afin
de les expier par des pénitences secrètes, si
leur conscience n'était chargée d'aucun de ces
crimes capitaux qu'on ne lavait que dans les
eaux de la pénitence publiipie , ou bien de les
renvoyer au tribunal de l'évêque et aux exer-
cices laborieux de la pénitence publii]ue, s'ils
étaient atteints de quelqu'un de ces crimes
énormes.
II arriva, sous le pontificat de Necfarius dans
Constantinople, qu'une dame, après s'être con-
fessée au prêtre pénitencier, se confessa ensuite
en public d'avoir péché avec un diacre. C'était
sans doute contre l'avis du pénitencier que
cette dame découvrit en public un crime si
scandaleux.
Etfectivement quoique la pénitence fût pu-
blique en ces temps-là, même d, s péchés se-
crets, la confession en était toujours secrète, et
la pénitence même s'en faisait en secret dans
foutes les conjonctures , ou si elle eût été pu-
blique, elle eût tourné plutôt au scandale qu'à
l'édification de l'Eglise, ou elle eût donné su et
de se douter du crime et d'en pouisuivre la
vengeance; euliu on y a\ail des é^^aïus tout
DES GRANDS-VICAIRES DES ÉvEQUES.
30(1
particuliers pour ne pas exposer les fournies ù
des soupçons et à des déli;uices qui eussent pu
être périlleuses.
XIV. Toutes ces raisons font croire que le
pénitencier était innocent, et tpie ce fut luie
imprudence de cette dame qui excéda les me-
sures sages et justes que son confesseur lui
avait prescrites , en confessant publiquement
im crime secret et scandaleux. Nectarius ne
laissa pas d'abolir les prêtres pénitenciers et la
pénitence publique, même pour les fautes se-
crètes, laissant à chacun la liberté d'a[>procher
de la connnunion , sans rendre compte de sa
conscience à d'autres qu'à ceux qu'il vou-
drait.
C'est comme il faut entendre Socrate , qui
assure que toutes les Eglises orientales imitè-
rent celle de Constantino[)le et abolirent en
même temps la pénitence publique et les prê-
tres pénitenciers; comme il est attesté par tous
les écrivains ecclésiastiques de l'Eglise grecque
depuis ce temps-là et par l'histoire même de
ce qui se passe présentement dans l'Orient, que
les canons pénitentiaux y ont toujours été et y
sont encore maintenant en vigueur; que les
pénitences s'y sont toujours données et s'y
donnent encore selon ces canons, et que ce
n'est que la pénitence publique des crimes se-
crets qui ne s'y pratique plus depuis le décret
de Nectarius , c'est-à-dire depuis à peu près la
fin du quatrième siècle, comme elle ne se pra-
tique plus dans l'Occident depuis environ le
douzième siècle. En effet, ce fut vers le
xu' siècle que la pénitence publique fut pres-
que universellement abolie dans l'Occident
pour toutes sortes de péchés, comme elle
l'avait été pour les péchés secrets vers le
\n' siècle.
Il faut conclure de là que ce prêtre péniten-
cier avait tellement rapport à la pénitence pu-
blique, qu'en abolissant là pénitence publique,
il fallait aussi l'abohr. 1° A moins de cela, entre
tant d'Eglises orientales il y en aurait eu quel-
qu'une qui l'aurait conservé. -2° L'occasion de
la persécution de Décius et de tant de chutes
qu'elle causa, ne regarde que la pénitence pu-
blique. 3° Le scandale que causa cette dame
par sa confession publique d'un crime secret,
provenait aussi de la pénitence publique où
elle n'avait pas suivi les règles de la discrétion.
« Ulterius progressa,*» dit Socrate. 4° La publi-
cation de la pénitence pour les fautes secrètes
était purement arbitraire; on en dispensait les
femmes dans les conjonctures dangereuses.
Ainsi on jiuuvait la supprimer avec le prêtre
qui en avait la principale direction.
Il n'en est pas de même de la confession et de
la |)énilence des péchés en secret ; comme elle
est nécessaire pour l'absolution des péchés , ou
Nectarius ne l'eût pas supprimée, ou s'il l'eût
fait, il eût trouvé d'étranges résistances; et il
est impossible que toutes les Eglises d'Orient,
sans contester et même sans délibérer, eussent
consenti à un changement d'une si extrême
conséquence.
XV. Sozomène ajoute quelques circonstances
considérables à la narration de Socrate. 11 dit
qu'on choisissait un pénitencier (|ui fût d'un
secret impénétrable, et il est clair que le secret
est l'âme de cette charge, « Presbyterum vitee
integritate spectabilem , secretorum tenacem
et sapientem huic muneri ])r;efecerunt ; » que
ces prêtres pénitenciers étaient encore en auto-
rité dans les Eglises d'Occident , et surtout à
Rome. « Sollicite in Occidentalibus Ecciesiis,
et maxime in Romana servatur (Liber vu,
chap. m) , » que cette dame l'accusa d'avoir
commis ce crime détestable pendant qu'elle
passait beaucoup de temps dans l'église pour y
accomplir la pénitence qu'on lui avait imposée.
Ce fut l'occasion que prit Nectarius d'abolir la
pénitence publique qui ordonnait de longues
prières et des prosternements dans l'église.
XVI. Ce qu'a dit Sozomène des Eglises d'Oc-
cident, ne se doit pas entendre comme s'il y
avait eu un prêtre pénitencier dans les cathé-
drales , à qui la charge d'entendre les confes-
sions, de régler les pénitences et d'absoudre
les pénitents fût particulièrement commise.
Nous dirons dans la suite en quel temps le vi-
caire-général de l'évêque pour les pénitences,
c'est-à-dire le pénitencier, fut institué. Mais
durant les cinq ou six premiers siècles, la
pénitence publique n'y fut administrée que
par les évêques , ou par les prêtres qu'ils délé-
guaient pour cela pendant leur absence , ou
leurs maladies.
Voici deux canons du concile 111 de Car-
thage (Can. xxxi , xxxu), auxquels toute la
police de l'Occident était conforme. « Ut pœni-
tentibus secundum peccatorum dilférentiam
episcopi arbitrio, pœnitentia^ tempora decer-
nantur. Ut presbyter inconsullo episcopo non
reconciliet pœnitentem, nisi absente episcopo,
et necessitale cogenie. »
Saint Cyprien (Liber xui, epist. xiv) av^it
Th.
Tome I.
370
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE HUITIÈME.
autrefois trouvé fort étrange que des prêtres
eussent entrepris de réconcilier des pénitents
sans son ordre exprès, « Quod non periculum
meluere debemus de offensa Domini, cum ali-
qui de prefbyteris , nec Evant^elii, nec loci sui
niemores, quod nunquani sub antecessoribus
faclum est, cum contumelia et contemptu
prarpositi tolum sibi vindicent. »
Le concile d'Elvire(Can. xxxii) ne permet qu'à
peine aux prêtres de réconcilier les pénitents
à l'extrémité de la vie, leur défendant de le
faire hors de celte nécessité. « Apud presbyte-
ru m si quis gravi lapsu in ruinam mortis inci-
derit, placuit afzere pœnitpitiam non debi^re,
sed polius apnd episcopum. Cogenle tanien
infirniitate, necesse est presbyterum commu-
nionem praestare debere, et diaconum, si ei
jusserit sacerdos. »
Le diacre ne pouvait avoir reçu ni comman-
dement ni permission de donner autre chose
que l'Eucharistie dont il était le dispensateur.
Les paroles de saint Cyprien , qu'on cite pour
le même sujet, n'en disent pas davantage, non
plus que ce canon.
CHAPITRE HUITIÈME.
DES CRANDS-VICAIRES ET DES OFFICIALX EN GÉNlinAL, ET DES GRANDS-VICAIRES EN PARTICULlEIl ,
SllVANT LA DISCIPLINE DE l'ÉGLISE, APRÈS l'aN MIL.
I. Dans les aticiennos dccrétales du droit nouveau il ne parait
point encore de grands-vicaires, ni d'ofliciaux.
II. i.e concile de l.atran, sous Innocent 111, y donna en quel-
que façon commencement.
III. Il y en avait déjà dans quelques diocèses; et il y en avait
[jni étaient réguliers.
IV'. Ils furent universellement établis dans le treizième siècle ;
comnje il parait par le Sexte.
V. Ce ne furent d'abord que des commissions.
VI. Dés le temps du concile de Vienne l'officialité était un
oflice perpétuel.
VII. Divers règlements des conciles sur les grands-vicaires et
les ofliciaux.
VIII. Des grands-vicaires des chapitres, peudant la viduité de
IKïhse.
IX. Ordonnances de nos rois au sujet des grands-vicaires.
X. Du grand vicariat de Pontoise.
XI. Divers règlements du concile de Trente, ou de la congré-
tion du concile sur les grands-vicaires.
I. Ni le décret de Gratien, ni les décrétâtes
Grégoriennes ne nous font remarquer quelque
trace des vicaires-généraux ou des officiauxdes
évêtjues, tels qu'on les voit dans la police pré-
sente de l'Eglise.
Il y a des titres entiers dans les décrétâtes
« de Otficio arclii|)iesl)yleri, et de Officio aiclii-
diacoiii ; H mais il n'y en a point ni de l'oflicial,
ni du grand-vicaire. Innocent III y dit en ter-
mes formels que c'est l'archidiacre qui est le
vicaire-général de révèipie, « Et ipsiusepiscopi
vicarius reperilur ; omnem soUicitudiuem et
curam tam in clericis, quam in Ecclesiis eo-
rum inipendendo (C. Ad hœc De ofûc. Archi-
diac.\ »
Le titre « de Officio vicarii, » ne traite que
ijue des vicaires, ou perpétuels, ou amovibles,
que les curés et quelques autres bénéficiers in-
férieurs peuvent établir dans leurs Eglises ; si
ce n'est que dans le chapitre « Sua nobis. » Il
est parlé du vicaire que le pape laisse dans
Rome, lorsqu'il s'en absente, et auquel il com-
met le dépôt de sa juridiction dans toute
l'étendue de la ville. « Quoniam jurisdictio
vicarii quem Romanus pontifex in urbe reli-
quit, non extenditur extra illam, nisi ei sit spe-
cialiter concessum. » Mais cela ne regarde (lue
le pontife romain, et le temps seulement qu'il
est absent de Rome.
II. 11 est vrai que dans le concile de Latran,
sous le pape Innocent III (C. Quoniam. De Offi-
cio Judicis Ordin.), il fut résolu que si dans
une ville ou unévêchéily avait divers peuples,
dont le langage, les mœurs et les cérémonies
ecclésiastiques ne fussent pas les mêmes, i(s
évêques y établiraient auiant de vicaires-géné-
raux qui fussent capables de satisfaire à tous
leurs besoins spirituels. « Pontifices hujiis-
modi civitatum sive diœcesum provideant
:>-*v
DES GRANDS-VICAIRES ET DES OFFICfAUX EN GÉNÉRAL, etc.
371
viros idoneos, qui secundum diversitates ri-
luuni et linguarum , divina illis officia cele-
l)rent, et ecclesiastica sacraineiita minislrent :
instriiendo eos verbo pariler, et exemple. »
Mais c'était une espèce toute particulière, d'où
on peut conclure que hors de là les évèques
ne nommaient point de vicaires-généraux.
Ce ne fut aussi que dans le siècle d'Inno-
cent III que nos conquêtes dans l'Orient don-
nèrent occasion à ce mélange des Latins et des
Grecs. Enfin le pape Innocent III , dans le
même décret , permet à l'évèque diocésain
d'établir un évèque qui soit comme son vicaire-
général pour les peuples d'un langage et d'un
rite différents : « Catholicum prœsulem consti-
tuant sibi vicarium pontifex loci. » Ce cas est
évidemment très-singulier.
Il faut avouer néanmoins que le même con-
cile de Latran (C. Inter cœtera), exhorta les
évèques, lorsqu'ils ne pourraient point remplir
eux-mêmes toutes les fonctions épiscopales, de
prendre des aides, des prédicateurs et des péni-
tenciers, pour instruire, pour gouverner et pour
visiter leur diocèse en leur nom et en leur
place. « Vice ipsorum, cum per se iidem nequi-
Terint. » Mais il faut conclure de là même que
la coutume n'en était pas encore introduite (Ib.)
Ce concile allègue tant de raisons différentes
qui doivent exciter les évèques à instituer des
vicaires-généraux, qu'il est fort vraisemblable
que la plus grande partie des évèques s'y ré-
solut en fort peu de temps. Les accablements
d'occupations, les infirmités corporelles, les
irruptions des ennemis, l'étendue des diocèses,
le défaut de science dans les prélats, donnèrent
occasion à celte ordonnance générale du con-
cile : « Generali constitulione sancimus. »
III. Ce n'est pasqu'il n'y eût déjà des vicaires-
généraux dans quelques diocèses particuliers ;
puisque Gilduin, abbé de Saint-Victor à Paris,
étant vicaire et pénitencier de l'évèque de Paris,
mit en interdit tout l'archidiaconé d'Etienne
Garlande, archidiacre de Paris.
Henri, archevêque de Sens, s'en plaignit à
l'évèque de Pans, qui défendit avec beaucoup
de fermeté la conduite de son grand-vicaire.
Voici les paroles de l'archevêque de Sens, parent
de l'archidiacre : « Quod licet abbati sancti
Victoris vicario vestro rectitudinem ofTerret, et
per eum juslitiam exequi paratus esset, idem
abbas super terram ejusinterdicti sententiam
posuit (Anno 1131, Hist. Univers., Paris., tom.
II, pag. 131). »
Dans l'histoire des évèques de Verdun (Spi-
cil.,tom. XII, pag. 313), nouslisonsque l'évêiiue
Alberon, [lour fair<' agréer au pape Innocent H
le changement qu'il avait fait dans un monas-
tère, en y substituant des chanoines réguliers
de Prémontré aux anciens moines, cpii étaient
fort tléréglés, assura que l'abbé de ce monas-
tère était toujours vicaire de l'évèque, ce qui
convient mieux à des clercs qu'à des moines.
« Insuper accedit ad hue, quod abbas loci illius
vicarius est episcopi, quod officium magis con-
venit ordini clericorum, quam monachorum. »
Mais ces exemples étaient peu communs en
ce temps-là; et ce furent apparemment les
mésintelligences entre les évèques et les archi-
diacres qui obligèrent enfin les évoques de
créer les grands-vicaires, pour les élever au-
dessus des archidiacres, et les substituer peu à
peu en leur place pour l'exercice de la juridic-
tion épiscopale, dont les archidiacres, de sim-
ples dépositaires, s'étaient rendus comme les
propriétaires absolus.
IV. Les raisons et les autorités que nous
venons de toucher, furent si efficaces, que le
titre a de Officio vicarii » dans le Sexle, ne
parle uniquement que des grands-vicaires et
des offlciaux des évèques. Ce fut donc dans le
xiii'^ siècle qu'ils furent généralement établis
dans tous les évêchés. Le pape Innocent IV y
parle de l'official d'un évèque diocésain de la
métropole de Reims, qui avait des vicaires ou
des vice-géranls, et qui avait été excommunié
par l'archevêque de Reims.
Le pape Bouiface VIII y détermine que l'offi-
cial ou le grand-vicaire, « officialis, aut vica-
rius generaiis episcopi, » ne peut conférer les
bénéfices, ni en priver ceux qui sont coupables
sans un pouvoir spécial de l'évèque, quoique
l'autorité et la juridiction épiscopale lui aient été
généralement confiées par sa commission :
« Licet in officialem episcopi , per commissio-
nem ofûcii generaliter sibi factam , causarum
cognitio transferatur. d
V. Il est bon de remarquer : 1° Que le même
était officiai et grand-vicaire, parce que l'exer-
cice de la juridiction volontaire et contentieuse
n'était pas encore alors si distingué qu'il a été
depuis.
-2° Que la pénitencerie y était ordinairement
jointe. Car l'abbé de Saint-Victor, qui était vi-
caire de l'évêquede Paris, comme nous venons
dédire, et qui était aussi son officiai, puisqu'il
lança un interdit sur un archidiaconé tout en-
37-2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE HriTIÈME,
tier, était aussi pénitencier, comme il paraît
par la défense particulière qu'il reçut d'absou-
dre ceux qui avaient trempé leurs mains dans
le sang innocent de Thomas, prieur de Saint-
Victor (Hist. l'nivers., Paris., tom. ii, pag. i-23 .
3° Que ce n'étaient encore que des commis-
sions arbitraires, comme il paraît par tout ce qui
a été dit, quoique l'officialité et la pénitencerie
aient été ensuite érigées en litre d'office perpé-
tuel, ou de bénéfice.
Le pape Innocent IV, dans le concile de Lyon,
donna des bornes aux officiaux des archevê-
ques.
i" Il leur défendit de frapper d'interdit, de
suspension ou d'excommunication, les évoques
de la province, pendant le temps que l'arche-
vêque serait dans la province, ou qu'il n'en
serait pas loin, « Quandiu in sua provincia, vel
circa illam extitit. « Ce respect étant dû à la
personne sacrée des évoques, « Ob reverentiam
pontificalis officii. »
2° Il ne ])ermit pas aux archevêques d'avoir
des officiaux dans les diocèses de leurs sulfra-
gants, si ce droit n'était fondé sur une coutume
particulière. « Nisi aliud Remensis Ecclcsia
circa talium officialiuni institutionem de con-
sucludine obtincat speciali (C. Romana. In
Sexto. De Offic. Ordinar.). »
L'an t2l8, l'évêijuc d'.\uxerre considérant
qu'il n'y avait encore eu personne qui portât le
nom de vicaire en son absence : « Nec bacte-
nus fuit ali(]uis qui ex officio suo vices absentis
agere teneatiir : » donna cet charge à son scho-
lastique, le chargeant de tous ses offices dans
le chœur, de confesser en sa place, réconcilier
les pénitents publics, et enfin le faisant son
homme-lige , lui et ses successeurs , comme
chapelains de l'évêque : « Scholasticus vero et
capellanus erit homo ligius episcôpi, et ei fide-
litatem faciet, salva tamcn fidelitate (juain de-
betcapitulo, tanquam canonicus(GalliaClirist.,
tom. n, p. 303). » Toutes ces circonstances
me paraissent remarquables.
VI. Enfin le pape Clément V, dans le concile
de Vienne (C. Etsi. De Rescriptis. In Clément.),
semble insinuer que l'officialité était déjà un
office stable et non pas une simple commission,
quand il déclare que l'oificial principal de l'évê-
que peut soutenir la dignité de délégué du
pape, ce qui ne peut convenir au vicaire fo-
rain. « Principalis olficialis episcôpi, etc. Offi-
cialis, Foraneus, etc. »
Le concile de Ravenne, en 1314, permit au
grand-vicaire, en l'absence de l'évêque, de don-
ner des dimissoires pour les ordres.
Dans le concile d'Avignon (Can. u), en 1326,
les vicaires-généraux de quelques évèques y
remplirent leurs places, etl'archevcque d'Arles
y assista, comme étant aussi vicaire-général de
l'évêché d'Avignon pour le temporel et pour le
S[iirituel. « Consentiente Arelatensi episcopo et
episcopatus Avenionensis in spiritualibus et
temporalibus generali vicario. » On y suppose
que tous les évêques ont des vicaires-généraux
et des officiaux : « Singuli episcôpi et eorura
officiâtes, vicarii , locum tenentes, et vicem
gerentes ipsorum (Can. xl, xliv). »
La même chose paraît dans le concile de
Londres (Can. xv), en t3l2. L'archevêque de
Narbonne, en 1368, assemblant son concile
provincial , adressa ses lettres à ses suffra-
gants, ou à leurs vicaires-généraux en leur
absence.
On ne peut donc douter que, depuis le con-
cile de Lalran, sous Innocent III, lesgrands-vi-
caircs et les officiaux des évêques n'aient été
établis dansla plupartdes évêchés, et que depuis
Boniface VIII, ce n'ait été une coutume univer-
sellement reçue.
VII. Le concile de Salsbourg (Can. xxv), en
ti20, témoigne que les cures ne peuvent être
données que par l'évêque, ou par l'archidiacre
du lieu, ou par sou vicaire. Dans le concile
provincial de Copenhague en Danemark assista
le vicaire perpétuel de l'évêque de Slesvig, en
place de son évêque malade et décrépit.
Le concile de Tortose en Espagne (Can. x),
en 1429, ordonna que les vicaires-généraux et
les officiaux des évêques seraient dans les or-
dres sacrés, et que sans cela leurs actes seraient
nuls. « Perpetuo ordinamus edicto , vicarios
générales aut principales officiales diœcesano-
rum. Tel ordinarioium ecclesiasticorum, esse
debere in sacris ordinibus. »
Le concile V de Milan (Cap. xi), en iri79,
souhaita, 1° Que les grands-vicaires d'un dio-
cèse n'y eussent pas pris naissance, afin qu'ils
fussent plus inflexibles, ou même inaccessibles
aux attraits de la faveur ou de l'intérêt.
2° Qu'ils n'eussent aucun bénéfice qui obligeât
à la résidence, afin de répandre plus librement
leurs soins sur tout le diocèse. 3° Enfin, qu'ils
eussent auparavant prêté serment à l'évêque
(Acta Eccles. Mediol., p. 314, aip. xvi).
Le concile VI de Milan demanda que le grand-
vicaire fût au moins sous-diacre, selon le canon
DES GRANDS-VICAIRES ET DES OFFICIAUX EN GÉNÉRAL, f.tc,
373
d'un concile de Paris : « Saltem subdlaconus
sit. a
Le concile de Bordeaux, en 1583, ordonna
que les grands-vicaires déjà pourvus se fissent
prêtres dans la niéine année, et (ju'à l'avenir on
n'en choisit aucun qui ne le fût. Le concile de
Tours (Gap. xvi), en la même année, déclara
que les procureurs des abbés, à qui on donnait
mal à propos la qualité de grands-vicaires , ne
pourraient obtenir par cette qualité aucun rang
plus honorable ([ue celui que le temps de leur
profession leur donnait.
VIII. Le concile de Trente fSess. xxiv, c. 10)
ordonne au chapitre, huit jours après la mort
de l'évèque , d'élire un grand-vicaire ou un
officiai, qui soit docteur ou licencié en droit ca-
non, ou au moins qui soit capable des fonctions
de sa charge ; autrement c'est au métropolitain
à y pourvoir, ou au plus ancien suffragant, s'il
s'agit de l'Eglise métropolitaine. Le nouvel
évoque se doit faire rendre compte de toute la
conduite des vicaires ou des officiaux du cha-
pitre, quelque compte qu'ils en eussent rendu
au chapitre.
Le concile de Mexique (L. i, tit. vrn. § S', en
io8o, a inféré de là que le concile de Trente
avait obligé les évê(|ues , conformément au
droit commun , d'avoir des grands-vicaires ou
des officiaux qui fussent docteurs ou licenciés :
« Quoniam episcopi, jure et expresse coiiciiii
Tridenlini décrète tenenturofficialein vicariuin
generalem constituere, qui doctor sit, vel, etc.
(Ibidem). »
IX. L'ordonnance de Blois (Art. 45) déclare ,
0 Que nul ne pourra être vicaire-général , ou
officiai d'aucun archevêque ou évèque , s'il
n'est gradué et constitué en ordre de prêtrise.
Et ne pourra ledit vicaire ou officiai tenir aucune
ferme de son prélat, soit du sceau ou autre. »
Elle défend à tous les officiers royaux de pren-
dre aucuns « vicariats d'évêques ou prélats,
pour le fait du temporel, spirituel, ou collation
des bénéfices, de leurs évèchés, abbayes et
prieurés, etc. (Art. 1 1:2). »
L'évèque de Grenoble ayant nommé deux re-
ligieux dominicains gradués pour ses grands-
vicaires, eu i(j3'2, et le parlement leur ayant
substitué le plus ancien chanoine, jusqu'à ce
qu'il en eût nommé d'autres, il se pourvut au
conseil du roi, qui maintint les deux religieux
nommés par l'évèque.
L'édit d Henri II, en 1354, enjoignit aux évê-
ques de ne prendre pour grands-vicaires que
des français naturels. On peut voir dans les
Actes et les Mémoires du clergé, ce cjui fut
résolu en 1037 dans l'assemblée du clergé, tou-
chant les diverses fonctions des officiaux et des
grands-vicaires (Mémoires du clergé, tom. ii,
part. 3, pag. 10, 11).
X. Le vicariat de Pontoise fait une espèce
toute particulière. Il ne sera pas inutile d'en
faire mention ici ^Fevret, I. m, c. iv, n. 9, 12).
Si nous en croyons Chopin, les évêques de
Paris, de Beauvais et de Senlis ayant des pré-
tentions égales sur le Vexin français, dont Pon-
toise est la capitale , le Saint-Siège ordonna
provisionnellement que cette petite province
serait mise comme en dépôt et en séquestre,
sous l'archevêque de Rouen. Ainsi cet arche-
vêque établissant un grand-vicaire à Pontoise,
ne se réserve aucune supériorité sur lui (Fe-
vret, 1. m, c. 4, n. 25). Au contraire, le vicaire
confère de plein droit les bénéfices qui vaquent
dans l'étendue de son vicariat, institue et des-
iilue les officiers qui en dépendent, connaît
comnii ordinaire du spirituel et du temporel ;
les appellations se relèvent de lui au Saint-
Siège, et sont jugées par des juges donnés m
partibus ; enfin il est perpétuel, sou vicariat
n'expire point par la mort de l'archevêque
de Rouen, qui ne peut aussi le dustituer sans
abus.
C'est ce que Chopin a avancé sans preuve et
sans aucun fondement (Chopin. Polit., 1. xxi,
tit. 4, n. 20). Roger au contraire nous assure,
en fan 1190, que le Vexin français était du dio-
cèse de Rouen , et que le roi Philippe-Auguste
voulut que Gautier, archevêque de Rouen, qui
était d'ailleurs sujet du roi d.Vngleterre, lui en
prêtât le serment de fidélité. « Rex Franciae po-
stulavit sibi fleri fidelitatcm a Vultero Rotoma-
gensi archiepiscopo, de illa parte archiepisco-
patus, quœ est in regno Francité, scilicet de
Vogesin le français. »
Le séquestre, dont parle Chopin, est donc pu-
rement chimérique ( Gallia Christ., tom. i,
pag. 588). D'ailleurs JIM. de Sainte-.Marte nous
ont conservé la charte d'Odon, archevêque de
Rouen, en 1233, par laquelle il déclare que l'ar-
chidiaconé de Pontoise, qui était de la colla-
tion de nos rois : « Cujus arcbidiaconalus cum
suis pertinentiis ad eumdem regem coUa-
tio i)ertinebat , » ayant été résigné entre les
mains du roi saint Louis, ce saint roi l'en
avait investi , pour être possédé par lui et
])ar s s successeurs , avec toutes ses dépen-
374
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE HUITIÈME.
(lances et sa juridiction. « Arcliidiaconatuni
Pontisarensem ex resignatione magistri Hay-
monis vacantem, contulit, a nobis nostrisque
successoribus in perpetuuni libère ac pacifiée
possidendum,nosqueinvestivitdeeodeni,omnia
archidiaconatus jura et jurisdictionem cœtera-
que omnia ad ipsum arcbidiaconntum perti-
neutia in nos et Rotomagensem Ecclesiam to-
laliier transferendo. » L'archevêque s'obligea
en même temps de nommer une personne qui
résiderait dans Pontoise, dans la paroisse de
NofreDame, ou à saint Martin, selon que les
archevêques jugeraient à propos, et y jugerait
toutes les causes des habitants de Pontoise
(excepté celles d'hérésie et de faux) avec appel
à l'archevêque de Rouen, ou à son officiai.
8 Cognoscet de omnibus causis Burgensium ad
forum occlesiasticum perlinentibus, etc. Ad
nos, et Orficialcm Rotomagensem licite pote-
runt appellare. »
La confirmation de cet acte par le chapitre
de Rouen , est contenue dans l'acte même.
Voilà la suppression de rarcliidiaconé de Pon-
toise, qui fut réuni à l'Eglise et ix l'archevêché
de Rouen , et l'institution d'un officiai ou d'un
grand- vicaire à Pontoise, de qui l'on appelait
à l'archevêque ou à l'official de Rouen.
Ce n'est pas le seul exemple (ju'on pourrait
alléguer de la suppression des arcliidiaconés,
des prévôtés et des autres dignités, et de leur
réunion au corps de l'Eglise cathédrale. Les
prévôtés furent abolies en plusieurs Eglises,
à cause de la vie toute séculière, et des violen-
ces tyranniques de plusieurs prévôts. Les la'i-
(|ues s'étaient aussi quelquefois saisis des archi-
diaconés, et saint Louis, pour éviter cet abus,
peut avoir consenti à. l'extinction de l'archidia-
coné de Pontoise. Le Vexin français élant aussi
fort distingué du duché de Normandie, et du
reste de l'archevêché de Rouen, semblait aussi
demander un officiai, ou un grand-vicaire par-
ticulier. Enfin, depuis l'établissement et la dis-
tinction des parlements, et surtout depuis l'édit
du roi François I", qui enjoignit aux archevê-
(jues et aux évoques d'avoir des grands-vicaires
et des officiaux différents, dans les endroits de
leurs provinces et de leurs diocèses ([ui relèvent
de différents parlements, il a été encore plus
nécessaire d'établir un officiai particulier dans
Pontoise , parce que le Vexin français est du
parlement de Paris.
Voilà l'état ancien, voilà la disposition pré-
sente de ce grand-vicaire, fort contraires aux
prétentions de Chopin. On peut voir dans la
compilation des synodes et des conciles de
Rouen, le règlement dressé en 1633 par mon-
seigneur l'archevêque de Rouen, sur les pou-
voirs du grand-vicaire de Pontoise , auquel
souscrivit celui qui était alors pourvu de ce
grand vicariat (Synod. Rotom., pag. 456). Je
passe aux grands-vicaires des chapitres.
XI. Quoique selon le droit commun , le
chapitre jinisse exercer immédiatement par lui-
même la juridiction épiscopale dont il est dépo-
sitaire, pendant que le siège est vacant, néan-
moins d'après le décret du concile de Trente
(Conc. Trid.,sess. xxiv,c. 16), il ne la peut exer-
cer que par le grand-vicaire ou officiai, qu'il
doit nommer dans les huit jours après la mort
de l'évêque; à moins de cela le métropolitain
en nommera un, ou le plus ancien évêque de
la province, si c'est la métropole qui soit va-
cante.
Les termes du concile ne permettent pas au
chaiiitre d'en nommer plus d'un ; mais la con-
grégation du concile, et le pape même, ont
répondu à diverses considtations, que dans les
Eglises où il y avait une coutume immémo-
riale d'en nommer deux, les chapitres pour-
raient encore en nommer deux, selon leur
ancien usage.
Cette même congrégation du concile a main-
tenu aux chapitres le pouvoir de révoquer
leurs vicaires-généraux, pourvu qu'ils en nom-
ment d'autres avant huit jours. Elle a déclaré
que le chapitre ne pouvait exercer sa juridiction
que par le grand-vicaire, quoi(|u'iI puisse con-
naître par lui-même des justes causes de dé-
fiance contre le grand-vicaire.
Enfin elle a déclaré (lue tout ce que le con-
cile de Trente a ordonné touchant les grands-
vicaires des chapitres , ne regarde que les
chapitres des Eglises cathédrales ou métropoli-
taines , sans y comprendre les Eglises collé-
giales , dans lesquelles on doit observer la
disposition du droit commun (i).
(1) Le Concordat français, ainsi que les autres qui lui sont posté-
rieurs, ne parle nullement des vicaires-généraux. C'est bien simple,
quand on songe que le droit et le pouvoir d'en nommer est inhérent
à répiscopal. Les articles orjianiques vinrent régulariser civilement
la nomination de ces dignitaires qui devaient être inbcrits au budget.
L'article 21 auiori&a chaque évéque à nommer deux vicaires-géné-
raux, et chaque archevêque, trois, qui devraient être âgés de trente
ans, et originaires français. Le gouvernement agrée leur nomination.
11 n'en est pas ainbi dans les autres états catholiques, qui laisser.t
aux évéques toute latitude dans le choix de leurs conseillers et
auxiliaires. Là oii les ofticialités sont régulièrement constituées, le
vicaire-général est officiai. (Dr Andhè.)
DES OFFICIAIX.
37o
CHAPITRE NEUVIÈME.
DES OFFICIAUX.
I. L'archevêqne de Canlorbéry avait un ofBcial dans Londres
même, qui était un évéché de sa province.
II. A Cologne il y avait un officiai métropolitain, ou des
appels.
III. Si les ofBcianx doivent être dans les ordres sacrés, étran-
gers ou du pays.
IV. Divers règlements des conciles et des assemblées du clergé
de France. L'évèque peut juger lui-même. Il ne peut vendre les
officialilés. Il peut les révoquer.
V. Divers règlements des rois et des parlements sur le même
sujet ; surtout sur la destitution des officiaux.
VI. Du pouvoir des évèques à rendre eux-mêmes la justice.
VII. Les archidiacres et les ofliciaux n'ont jamais été parfaite-
ment et universellement juges ordinaires et non deslituablcs.
VIII. Réponse à une apparence de contradiction , qui n'est
effectivement qu'une véritable diversité de police en divers
lieux, et en temps différents.
I. Le chapitre précédent nous a suffisam-
ment éclairci de l'origiine des officiaux des
évèi]iies, et du temps qu'ils ont commencé à
attirera eux les affaires de la juridiction con-
tentieuse, dont les archidiacres étaient aupara-
vant les dé[)0sitaires les plus ordinaires, et les
plus universels. Ce chapitre comprendra quel-
ques remarques qui seront toutes propres aux
officiaux, comme la fin du chapitre précédent
n"a été que pour les pouvoirs qui sont propres
et particuliers aux vicaires-généraux.
Le concile de Cantorbéry (Can. iv) de l'an
1293, ordonna que l'official de Cantorbéry ne
pouvait s'éloigner de Londres que peu sou-
vent, et pour des causes considérables, parce
que son absence était fort préjudiciable, à
cause de la multitude et de l'importance des
causes, des testaments, des mariages, des ali-
ments et des bénéfices qu'il fallait ou remplir,
ou ôter, ou déclarer vacants. « Offlcialis Can-
tuariensis , cujus damnosa sspius reputatiu-
absent ia, longe a civitate Londoniens! ne di-
vertat, etc. »
On ne voit pas seulement ici l'étendue de la
ji^iridiction de l'official, qui est un sujet trop
vaste pour nous y engager ; mais on remarque
que l'archevêque de Cantorbéry avait un offi-
ciai à Londres, contre les règles communes du
droit, par une coutume singulière à laquelle
le droit n'a pas voulu déroger, comme il a
paru dans le chapitre précédent. La provision
des bénéfices montre que cet officiai était en
même temps grand-vicaire, ce qui est encore
plus remarquable, qu'un archevêque ait un
grand-vicaire dans les diocèses de ses suffra-
gants.
II. Le concile de Cologne (Can. ni), en 1 i-23,
semble distinguer un officiai tout particulier
pour les causes d'appellation. «Officialis noster
Coloniensis, qui fuerit pro tempore in causis
appeilationum, quœ ad curiam nostram ab au-
dientia suffraganeorum nostrorum seu eorum
officialium devolveutur. » Au moins cet officiai
n'étaitchargéquede la juridiction contentieuse.
Ce concile l'oblige à observer dans les juge-
ments tous les règlements d'Innocent IV dans
le Sexte, sous peine de suspension.
III. Nous avons déjà dit que le concile de
Tortose en Espagne, en 14-29, demande que les
officiaux et les grands-vicaires qui y sont dis-
tingués, soient dans les ordres sacrés, et qu'à
moins de cela leurs actes soient déclarés nuls. Le
concile de Tarragone, en lli i, avait déjà fait le
même règlement. « Vicarios vel officiâtes prin-
cipales, nisi in sacris fuerint ordinibus consti-
tuti, etc. (Const. Provinc. Tarracon., pag. 24;.»
Le concile de Tarragone (Ibid., pag. 21, 22,,
en 13r)7, déplora les désordres incroyables et les
excès auxquels s'étaient portés les grands-vicai-
res et les officiaux d'Espagne, nés dans les pays
étrangers, en vendant à prix d'argent l'impu-
nité des crimes ; tournant à leur profit les legs
pieux, ruinant les bénéfices et les fondations
des gens de bien; et enfin il ordonna qu'à l'a-
venir les grands-vicaires et officiaux, soit les
principaux, soit les forains, ne pourraient être
choisis qu'entre les espagnols naturels, d'A-
ragon, de Valence, des îles Baléares et de
Catalogne, ou si étant étrangers de naissance,
il n'étaient chanoines des Eglises cathédrales
ou bénéficiers dans ces mêmes provinces.
a Nisi extranei constiluti vicarii vel officiâtes
principales essent canonici realiter prœbendati.
376
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE NEUVIÈME.
Tel de capitulo ecclesiarum cathedralium prin-
cipatus etregnonim prfcdictorum, et officiales
foranei essent beneficiali in eisdem. »
Ce règlement n'est pas tout à fait contraire à
celui des conciles de Milan rapporté dans le
précédent chapitre, parce qu'un officiai peut
être naturel d'une province voisine, et il évi-
tera les inconvénients contraires qu'on appré-
hende de part et d'autre.
Le concile de Mexique, en lo8o, désire que
l'évêque seul juge les causes de mariage ; que
s'il les délègue à ses officiaux , il s'en réserve
au moins la décision. «De iis episcopos tantum
cognoscere posse, hœc synodusstatuit ac censet.
Si in aliquo casu videatur, officialibus conimit-
tat, decisione causœ sibi retenta (Conc. gêner.,
tom. XV, p. iS-'lo). »
IV. L'assemblée du clergé de France à Melun
en ir)79 réglant lesofficialilés, déclara l"que l'E-
glise jugeaitd'abord tous les différends, dans les
deux conciles provinciaux qui se tenaient cha-
que année ; mais que depuis, le nombre des
désordres et des procès s'étant augmenté, pour
ne pas laisser traîner si longtemps les querel-
les, les causes civiles et criminelles avaient été
commises au jugement des évoques. Les évo-
ques n'ayant pu jiorter eux seuls un fardeau si
pesant, s'en sont déchargés sur l'official, qui n'a
qu'un auditoire avec l'évêque, et de la conduite
duquel l'évêque se doit toujours tenir respon-
sable.
0 Ne tune plane se suo functum munere
existimet episcopus, cum officialem deputarit
nisi ipsum itidem videat suo etiam fungi officio.
Utriusque enim et suœ et officialis a se dépu-
tât!, probitatis et vigilantiœ ratione reddilurus
est episcopus .Tterno judici (Conc. novissim.
Call., p. 107, 108, etc.).
La même assemblée du clergé déclare 2° (juc
les officialités doivent être données gratui-
tement, et que l'évêque doit, en donnant
des appointements honnêtes à son officiai,
empêcher qu'il ne rende vénale la justice et la
liberté de pécher, a Suas intérim partes per-
pendat episcopus, utoflicialis juste non possit
conqueri, quod suum sibi damnosum sentiat
officium. Ita enim de judicandi munere gra-
tuito loquitur episcopis Innocentiuslll. Ad hoc
suut vobis redituR constituti, ut ex ipsis vos et
alii clcrici honeste vivatis. »
3° Que l'évêque doit juger en personne les
causes criminelles et celles du mariage, ou les
conimeltre seulement à son officiai principal,
qui réside dans la ville épiscopale; ou s'il a
encore un autre officiai dans quelque autre
ville, à cause de la diversité des parlements, il
prendra soin de ne confier cette importante
charge qu'à des personnes d'une grande ha-
bileté, et d'une probité avérée, a Causas gra-
viores, utputa matrimoniales et criminales,
secundum constitutionem Alexandri lll suo
examini reservet episcopus, aut ad summum
per officialem suum , in majori sede sui fori
constitutum, tractari jubeat. »
Les décrets de cette assemblée générale du
clergé de France, à qui on a tant de fois donné
le nom de concile, nous apprennent donc ces
trois vérités importantes : 1° Que les officialités
ne peuvent être vendues; 2" qu'elles devraient
être par conséquent révocables au gré de l'évê-
que ; 3" que l'évêque peut et même doit juger
lui-même immédiatement les causes majeures,
c'est-à-dire de grande conséquence, telles que
les causes criminelles et celles du mariage, et il
ne doit les commettre à son officiai qu'avec
peine. Ainsi c'est une pensée bien éloignée
de la vérité, de dire que l'évêque ne peut
exercer la juridiction coutentieuse que par ses
officiaux.
Le concile de Rouen (Ibid., p. 20:i, 20G, .309),
en 1581, donna de fort belles instructions aux
officiaux. Celui de Tours, en l.')83, ordonna
que les officiaux seraient prêtres-, et que s'ils
ne gardaient avec exactitude tous les statuts
de ce même concile, ils seraient d'abord sus-
pendus, et ensuite privés de leur office. Enfin
ce concile réserve, selon toutes les règles du
droit, les causes matrimoniales aux évêques et
à leurs officiaux. D'où il paraît encore que les
officiaux n'étaient pas irrévocables, et que les
évêques peuvent exercer en propre personne
leur juridiction coutentieuse.
L'assemblée générale du clergé, en 1606,
dressa un règlement pour les procédures juri-
diques en toutes les officialités, conformément
aux saints décrets^ aux ordonnances des rois,
et aux arrfts des Cours de Parleme7it, ayant
auparavant ordonné que l'official fût prêtre
(Conc. novissim. Gai., p. 363).
Le concile de Nurbonne (Cap. xlii, xliii), en
1601), exhorte les évêques, s'ils ne peuvent pas
eux-mêmes s'applitjuer à faire justice aux par-
ties, de nommer des officiaux dont la vertu et
la capacité répondent à rim(iorlancc de leur
charge. « Si per se ipsos episcopi, pluribusde-
tenti negotiis, causas omnes audire, et jus di-
DES OFFICIAUX.
377
cpre non possint, officiales elignnt principales,
aut foraneos, uM vel esse taies soliti, vel ut
instiliiantur, viderint necessariiim. »
Ce concile su pposeclai rement. 1" que l'évèque
peut exercer iui-même sa juridiction contcn-
tieuse, et même qu'il le doit, si les autres occu-
pations ne lui en sont pas un obstacle. 2° Qu'il
y avait des officiaux forains en divers endroits
d'un diocèse, outre l'official qui avait son tri-
bunal dans la ville épiscopale ; et que l'évèque
devait en établir de nouveaux dans les lieux
où il les ju^rerait nécessaires.
Enfin ce concile délire que l'évèque ne se
croie pas tellement déchargé par cette création
d'officiaux, qu'il ne veille sur eux, et qu'il ne
confère souvent avec eux des causes impor-
tantes, comme étant lui-même responsable au
juge éternel de leur conduite. « Officiales vero
pro quibus rationem reddituri sunt episcoi>i,
ut oflicio fungantur. liortcntur sœpius ; et cum
illis agant de rébus civilibus et criminalibus,
quœ in curiis ventilantur : ut qua fieri poterit
meliori et expeditiori ratione, provideatur. »
Au reste les officiaux forains doivent réser-
ver la résolution des affaires les plus embrouil-
lées à l'official de la ville. On met au nombre
des officiaux forains ceux que les évèques sont
obligés d'établir dans les parties de leur dio-
cèse qui sont du ressort d'un autre parlement.
Ce qu'on prétend être conforme aux canons,
qui veulent que les causes soient jugées dans
les provinces mêmes.
V. On peut lire dans les Mémoires du clergé
de France 1" L'arrêt du conseil privé du roi, en
1037, en faveur de l'évèque de Clermont, par
lequel est cassé un arrêt du parlement , qui
défendait à cet évêque d'exercer lui-même la
juridiction de son officialité.
2° La déclaration du roi Louis Xlll, du 13
octobre 1637, par laquelle les èvêi]ues sont
maintenus dans le droit de destituer et d'insti-
tuer leurs officiaux, supposant que les évèques
ne pourvoiront aucune personne de leurs offl-
cialités à titre onéreux, au préjudice des saints
décrets et constitutions canoniques (Tom. ri,
part, ui, p. 12, 13).
Je cite quelquefois les déclarations des années
1637, 1057, IG66 et peut-être encore quelques
autres, quoiqu'elles n'aient jamais été enregis-
trées dans les parlements, parce que ce sont
des résolutions , non-seulement prises par le
clergé, mais aussi concertées dans le conseil
du roi, dont il y a espérance que les agenis du
clergé obtiendront avec le temps la vérification
dans les parlements.
3° Les arrêts du conseil et du parlement qui
confirment la destitution faite par les évèques
de leurs officiaux , quoiiju'ils eussent exercé
cette charge un fort long espace de tem[is, et
qu'ils eussent été pourvus pour toute leur vie.
4° L'arrêt du parlement, en 1638, qui main-
tient l'official nommé par le chapitre du Mans,
pendant que le siège épiscopal est vacant.
5° L'arrêt du parlement de Paris (Ibid.,
p. 56, .S8), en 1619, en faveur de l'official de
Paris contre les archidiacres, et leurs officiaux,
à qui on ne laisse que la connaissance des plus
pelites causes, soit civiles, soit criminelles,
même dans le cours de leurs visites.
6° L'arrêt du conseil privé, par lequel il est
permis aux archevêques et aux évèques de des-
tituer leiirs officiaux, encore qu'ils soient pour-
vus pour récompense de service, ou à titre
onéreux, sans qu'ils soient tenus de faire aucun
remboursement.
On cite bien quelques arrêts et on produit
quelques exemples pour la défense des offi-
ciaux, contre les évèques qui avaient voulu les
destituer. Mais ces arrêts sont plus anciens
(|ue ceux que nous venons de rapporter : et
si on remontait un peu plus haut, on trou-
verait que selon les termes du droit les offi-
ciaux, n'étant que les vicaires de l'évèque. non
plus que les grands-vicaires, sont également
destituables i.\cta Eccl. MedioL, Giossano.,
1. Il, c. 4).
En effet, c'est la pratique de foute l'Italie ,
où la même personne est ordinairement offi-
ciai et grand -vicaire. Saint Charles joignit
à son vicaire-général un vicaire criminel et
un vicaire civil, pour les causes criminelles
et civiles. Il donnait toutes ces charges gratui-
tement, et il entretenait ceux qui en étaient
pourvus , comme ses domestiques ; et par de
grands appointements, il les empêchait de ven-
dre ce qu'ils n'avaient pas acheté.
L'exception de Charles du Moulin mérite d'être
remarquée : Que bien que le grand-vicaire et
l'official soient destituables au gré de l'évèque,
ils seraient néanmoins reçus en leur appel s'ils
étaient innocents, et que leur révocation se fit
pour une cause ou dans une conjoncture infa-
mante. B Uuces, episcopi, nbbates et similes
locorum Domini possunt ad nutum revocaro
officiales suos, si simpliciter revocant. Secus,
si ex causa infamante. Quia tune potesl appel-
378
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE NEUVIÈME.
lari : cum hujusmodi privatio fieri non possit,
nisi ex causa vera et probata (In Régulas can-
cell., de infirmis resignan., num. 390). »
VI. On peut confirmer ce qui a été dit du
[louvoir des évêques à rendre eux-mêmes jus-
tice dans leurs officialités, par la décrétale de
Boniface VIII qui défend d'appeler de l'offlcial
à l'évèque, parce que ce serait appeler de lui à
lui-même, puisque Tévêque et Tofficial n'ont
qu'un même tribunal. « Non putamus illam
consuetudinem quantocumque tempore de facto
servatam, consonam rationi, quod ab officiali
episcopi ad eumdem episcopum valeat appel-
lari ; ne ab eodcm ad se ipsum, cum sil idem
auditorium uiriusque, appellalio inlerposita
\ideatur (G. Non putamus. In Sexto). »
On appelle de ré\è()ue au métropolitain,
parce que ce sont deux tribunaux dillerents.
Mais l'offlcial ne jugeant que comme vicaire
de l'évèque et par sa commission, ce n'est
qu'un même tribunal , dont on ne peut par
conséquent appeler qu'au métropolitain. Or ce
ne serait pas un même tribunal, si l'évèque ne
pouvait jamais y juger en propre personne.
VII. On peut inférer de ce qui a été dit dans
ce cliapilre et dans les précédents, que ni les
archidiacres ni les officiaux n'ont jamais éfé
parfaitement et universellement juges ordi-
naires par office , ([uoiqu'ils en aient quelque-
fois porté la qualité et exercé les fonctions.
La raison en est, que n'ayant été d'abord
pourvus que d'une commission, et non pasd'un
titre d'office pour l'exercice de la juridiction
éi)iscopale,quoi(]ue la longueur du temps leur
ait donné occasion de se flatter eux-mêmes, et
d'im[)Oser au public, ou ([ue la coutume parti-
culière de quelques endroits les ait fait passer
pour ordinaires, les évêques ne les ont jamais
laissés jouir d'une possession pacifique; ils ont
souvent jugé par eux-mêmes les causes impor-
tantes, ils se sont réservé ce droit dans leurs
conciles, ils ont créé de nouveaux officiaux, ils
ont opposé les officiaux aux archidiacres, ils
ont destitué à leur gré leurs officiaux propres;
enfin ils en ont assez fait pour se maintenir
dans la suprême et immédiate autorité dans
l'exercice de leur juridiction.
L'archidiacre de Sens prétendait que c'était
à lui à juger toutes les premières instances,
avant qu'on pût recourir à l'offlcial de l'arche-
vêque. Mais le pape Honoré III rebuta une pré-
tention si peu fondée. « Asserens illos prius
debere conveniri sub ipso, quam coram offi-
ciali Senonensis archiepiscopi, etc. Perpetuum
ei silentium imponatis (C. Dilecto, De offic.
Archidiaconi). »
VllI. Cette remarque a été nécessaire pour
sauver une apparente contradiction, lorsque
nous avons si souvent fait passer les archidia-
cres, et après eux les officiaux, tantôt pour
ordinaires en titre d'offlce, et tantôt pour sim-
ples vicaires par une commission arbitraire
que l'évèque peut ou limiter ou révoquer à
son gré.
Nous nous sommes conformés au droit même,
aux décrets, aux canons et aux ordonnances
qui ont parlé tantôt d'une façon et tantôt d'une
autre, sans mensonge et sans contrariété, parce
que la chose était différente en divers temps et
en divers lieux ; et (|uel(]ues tentatives que les
archidiacres et les offlciaux aient faites pour se
rendre ordinaires et irrévocables, quelque pos-
session qu'ils aient pu ou paru en avoir, ce
n'a été que des tentatives heureuses ou mal-
heureuses; l'établissement de leur office ordi-
naire n'a jamais été parfait ni consommé, les
évêques n'ayant jamais laissé entièrement
échapper de leurs mains la puissance déjuger
eux-mêmes immédiatement, et de révoquer
leurs vicaires, quand ils le jugeraient juste et
nécessaire.
Enfin, quoique dans le droit, les archidiacres
à qui les officiaux ont succédé dans la juridic-
tion contentieuse des causes importantes, soient
appelés assez souvent ordinaires, on trouve
néanmoins dans le même droit ce décret mé-
morable d'Alexandre III, qui leur ôte le pou-
voir d'excommunier sans ordre de l'évèque.
« Archidiacono non videtur de ecclesiastica in-
stitutione licere, nisi aulorilas episcoporum ac-
cesserit, in aliquos sententiam promulgare
(C. Archidiacono. De officio Archidiaconi) (1).
(1) Les officiantes diocésaines et métropolitaines existent-elles en-
core dans l'Eglise de France? On les trouve dans tous les brefs
diocésains, quelques prélats ont même fait des règlements remar-
q'iahles sur ce point, mais tout se borne là, et l'on ne voit guère
qu'elles fonctionnent. Pourquoi? C'est que l'Etat a varié beaucoup
dans son appréciation de ces salutaires institutions. Dans son rapport
sur les articles organiques, Portails disait : o Les métropolitains sont
fl supérieurs aux évêques ; ils jugent, en cas de recours ou d'appel,
0 les causes qui leur sont portées des difTérents diocèses qui com-
0 posent l'arrondissement ecclésiastique, u 11 est donc évident que
la pensée du gouvernement de ISOJ était de reconnaître la juridic-
tion épiscopale contentieuse en matières purement ecclésiastiqut-S,
c'est-â-dirc les ol'ticialitès, car l'évèque ne peut porter un jugement
qu'à la suite de débats contradictoires. Il est certain que le gouver-
DU THÉOLOGAL ET DU PÉNITENCIER.
379
CHAPITRE DIXIEME.
DU THEOLOGAL ET DU PENITENCIER.
I, Institution d'un maître en grammairej et d'un théologal par
les conciles M et IV de Latran,
II. Décrets du concile de Trente sur le même sujet.
III- Décrets des conciles de Bâle et V de Latran, de la prag-
matique et du concordat, conformes à ce qui fut depuis confirmé
au concile de Trente.
IV. Décrets des conciles de Milan et de saint Cliarics.
V. Le pénitencier établi dans le concile IV de Latran.
VI. Des confesseurs généraux que les évêques nommaient
dans leurs diocèses, dans chaque doyenné, pour les prêtres,
pour les clercs, pour les relieieuse-. En Angleterre.
VIL Et en France. Ce que c'est que prop7nus sacerdos.
VIII. Décrets du concile de Trente et de saint Charles sur le
pénitencier.
IX. Comment les confessions devinrent plus fréquentes , et
comment on demanda des privilèges pour choisir un confesseur.
X. XL Des confesseurs approuvés dans tout le diocèse. Delà
suréminence du pouvoir épiscopal dans la dispensation du sacre-
ment de pénitence.
Xll. Comment l'Eglise faisant des pertes d'un côté, les répare
avantageusement de l'autre. Des confessions et des communions
plus fréquentes. Des petites pénitences.
XUL Pratiques des Grecs.
L J'ai réservé ces deux dignités pour en trai-
ter plus à loisir dans un chapitre à part, comme
leur importance le demande. Je commencerai
par le lliéologal.
Le concile 111 de Latran (Can. xvni) , sous le
pape Alexandre III, ordonna, en Tan 1179, que
nement déclara à Pie VÎI, lors de son arrivée à Paris pour le sacre,
que l'iotention du gouvernement était de reconnaître aux évêques
le droit de juger les matières disciplinaires selon les formes cano-
niques, c'est-à-dire par l'organe de l'officialité. Ce qui prouve ce que
nous avançons, c'est que dans son allocution au Sacré Collège, le
26 jum I8u5, ce pape disait en parlant de son voyage à Paris : u 11 a
fl été statué que les évêques exerceraient librement le pouvoir qu'ils
« ont de juger les fautes spirituelles et relatives à la discipline ecclé-
0 siastique, et de les punir, s'il le faut, par les peines canoniques,
0 que les efforts des officiers civils pour entraver d'une manière im-
« portune et injuste la juridiction ecclésiastique seraient réprimés, d
Mais pourquoi donc, nonobstant la pensée bien connue du gouver-
nement, garantie par l'allocution pontificale, VAimanach ecclésias-
tique de 1806 et années suivantes ne constate-t-il qu'un seul diocèse
en France, celui de Paris , avec officialités diocésaine et métropoli-
taine? Est-ce par la négligence des évêques ou par les entraves
secrètes du pouvoir civil? Nous ne savons. Nous constatons seule-
ment qu'il n'existait alors d'officialité qu'à Paris, et qu'elle fonctionna
pour prononcer la nullité du premier mariage de Napoléon.
Le gouvernement de la Restauration pensait aussi que la loi du
11 septembre 1790, qui avait aboli les officialités, n'avait 6tê à ces
tribunaux ecclésiastiques que la juridiction conîenlieuse qui loucliait
aux matières civiles, mais qu'elle ne leur avait pas enlevé le pouvoir
de prononcer en matières purement disciplinaires. Ceci est tellement
vrai, que le 26 mars 1826, le conseil d'Eiat déclarait que la loi de
1790 n'avait aboli que les officialités mixtes, c'est-à-dire celles qui
étendaient leur action au civil, et que maintenant rien ne s'opposait
à ce que les évêques ne les établissent pour le spirituel et la disci-
pline, que c'était même le vœu de la loi. Quelques évêques, notam-
ment celui de Metz, avaient publié des ordonnances pour rétablir
l'officialité.
Le gouvernement de Louis-Philippe vit les choses sous un autre
point de vue. Il porta une ordonnance royale le 2 novembre 1835,
rendue en conseil d'Etat, pour déclarer que la qualité d'official ne
donne aucune juridiction reconnue par la loi. Le 22 février 1837,
il décida encore que l'official capitulaire n'avait pas le droit de porter
une sentence qui put être rendue exécutoire, et que ce pouvoir n'ap-
partenait qu'au corps des vicaires capitulaires. Nous ne nous ar-
rêterons pas à faire ressortir l'erreur de cette dernière décision ^
qui ne tend à rien moins qu'à violer tous les canons et à bouleverstr
l'Eglise de fond en comble. Qui ne voit en effet ici que le pouvoir
épiscopal, nécessairement UN dans son essence, est scindé et porté
sur plusieurs têtes. Le chapitre, à la mort de l'évêque, hérite de la
juridiction épiscopale. Mais il ne peut l'exercer en corps. Il ne peut
l'exercer que par le moyen d'un officiai, a-'-sisté de deux ou trois
vicaires. Mais toujours, mais partout, la juridiction conteutieuse,
indivisible dans son essence, parce qu elle est inhérente à Tévéque,
a été prononcée par un seul officiai, et non par le corps des vicaires
capitulaires. Aux yeux de l'Eglise, uue telle sentence serait nulle,
parce qu'un corps quelconque ne peut pas plus être officiai qu'évêque,
mais il faut un seul et unique individu.
Quoi qu'il en soit, le même gouvernement, persistant dans ses
errements, annoni;a encore dans une circulaire ministérielle du
4 octobre 1847, qu'à ses yeux les officialités n'étaient que des tri-
bunaux irrêyuliers. Les choses en sont restées là. Cependant le
pouvoir civil reconnaît aux évêques, articles organiques 6, 14, 15 et
autres, le droit de porter des sentences de condamnation sur toutes
les questions relatives à l'administration diocésaine, avec factilté,
pour le condamné, de se pourvoir, par appel, auprès du méiropoli-
tain. Or, 1 evéque peut-il rendre une sentence de condamnation sans
une procédure en règle, c'est-à-dire sans l'officialité? Et le méTo-
politain peut-il prononcer sur l'appel, c'est-à-dire examiner tous les
documents, monitions, sentences, dépositions des témoins, juge-
ment, etc., sans avoir lui-même son officialité métropolitaine? C'est
ce que personne ne pourra ni admettre, ni comprendre. Les évêques
semblent avoir parfaitement compris cela, puisqu'ils ont tous, ainsi
que le constatent les brefs diocésains, réubli les officialités. Mais
pourquoi ces tribunaux: ecclésiastiques sont-ils généralement muets 7
Là est toute la question. Les évêques ont tout à gagner, dans le
fonctionnement de ces tribunaux. Car enfin, l'officialité n'est pas
autre chose que l'évêque prononçant une sentence disciplinaire par
l'organe de ses officiers. Un des canons du concile provincial d'Avi-
gnon de 1849 prescrivit la résurrection des officialités dans toute
cette province ecclésiastique. Le 25 mars Î850, l'archevêque d'Avi-
gnon promulgua une ordonnance en 43 articles, ^lOrta^t institution
et règlement du tribunal de l'officialité. Ce règlement, plein de sa-
gesse et d'équité, est en tout conforme aux lois de l'Eglise, ilalheu-
reuscment le 43« et dernier article renverse de fond en comble tout
ce qu'ont éubli les articles précédents. Comme cet article se trouve
dans les règlements de toutes les officialités de France, nous ferions
une œuvre incomplète, si nous ne le consignions ici, parce qu'il est
de nature à faire connaître parfaitement l'état des choses au
XlXe siècle. Art. 43. a Dans l'état actuel de la discipline en France,
0 la révocation d'un succursaliste ou son transfert, sans son consen-
a tement, d'une paroisse dans une autre, n'étant pas une peine cano-
0 nique, l'appréciation des causes de la révocation ou du transfert
(1 n'e^t pas du ressort de l'officialité. d Pour comprendre tout ce qu'il
y a là-dedaus, nous renvoyons le lecteur à la deuxième partie de
notre livre Les lois de l'Egiise sur la nomination^ la mutation et
la réi'ociition des curés. — Situation anormale de l'Eglise de
Franc.
En Italie, en Espagne, en Portugal, en Allemagne, au Mexique,
au l'érou et ailleurs, les officialités fonctionnent réguhèrement.
(Dr André.)
380
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
dans toutes les églises cathédrales on affecterait
un bénéfice à un précepteur commun, qui en-
seignerait les clercs de la même Eglise et tons
les pauvres gratuitement : et que dans les
autres églises et dans les monastères , s'il y
avait eu autrefois de ces précepteurs charita-
bles, on les y rétablirait. « Per unamquamque
Ecclesiam catliedralem , magistro, qui clericos
ejusdem Ecclesiœ et scholares pauperes gratis
doceat, competens aliquod beneficium assigne-
tur (Can. xi). »
Cette ordonnance fut mal exécutée, ce qui
obligea le pape Innocent 111, non-seulement de
la renouveler, mais de l'augmenter et de lui
donner une bien plus grande étendue dans le
concile IV de Latran, en 1213.
Ce concile ordonna donc, V que le prélat et
le chapitre éliraient dans chaque église cathé-
drale un maître de grammaire, pour l'instruc-
tion des clercs ; 2° qu'on en élirait aussi un
dans les autres églises dont les moyens sufli-
raient pour cela; 3° que dans l'église métropo-
litaine on nommerait un théologien pour inter-
préter l'Ecriture sainte, et pour enseigner tout
ce qui est nécessaire pour la conduite des âmes.
« Sane metro|)olilana Ecdesia theologum ni-
hilominus habeat , qui sacerdotes et alios in
sacra pagina doceat, et in his pra^sertim infor-
mel, qua; ad curam animaruni spectare no-
scuntur. » A" Qu'on donnera le revenu d'une
prébende tant au précepteur qu'au théologien.
Non pas ijue ni l'un ni l'autre deviennent par
là chanoines; mais pour les faire jouir de ce
revenu, tandis qu'ils enseigneront, a Non quod
propter hoc efliciaturcanonicus : sed tamdiu re-
ditiisipsius p(;rci[iiat,quandiu persliterit in do-
cendo (C. Quoniam. de Magistris). » Ce qui for-
tifie merveilleusement nos conjectures précé-
dentes sur cette question épineuse, poun|uoi
le droit commun ne donne pas l'entrée du
chapitre aux dignités (C. Quia nonnullis. Ibi-
dem).
Enfin ce concile ordonne que si l'Eglise mé-
tropolitaine se trouve surchargée de cette affec-
tation de deux prébendes, elle en donnera une
au théologal, et (juelque autre église de la ville
ou du diocèse en donnera une autre pour le
maître de grammaire.
Le pape Honoré III, pour donner plus de
facilité à l'exécution de ce décret, c'est-à-dire,
afin (ju'on trouvât plus facilement au moins
un théologien pour chaciue métropole , enjoi-
gnit aux chapitres d'envoyer les jeunes cha-
noines étudier dans les universités, et dispensa
tant les étudiants, que ceux qui enseignent la
théologie, de la résidence en leurs bénéfices
(C. Super spécula. Ibidem).
II. Le concile de Trente (Sess. v, c. 1) a con-
firmé tous ces décrets, en y ajoutant des arti-
cles fort importants. 1° Le pape Innocent III
n'ayant obligé le précepteur de la grammaire
d'enseigner gratuitement que les clercs, le con-
cile de Trente lui impose la même obligation
envers tous les pauvres écoliers, selon le décret
du concile 111 de Lalran.
2° Innocent 111 n'avait établi le théologal
que dans les églises métropolitaines, au lieu
que le concile de Trente veut qu'on ait un
théologal dans toutes les églises cathédrales et
même dans les collégiales, en lui assignant une
prébende, si ce n'est que le clergé fût si pauvre,
ou la ville si petite et si peu nombreuse, qu'on
ne pût y avoir un théologien. Car en ce cas le
concile enjoint d'y étiblir au moins un maître
de grammaire qui instruise les clercs et les
pauvres écoliers gratuitement.
3° Le concile de Trente ne dit rien du gram-
mairien de l'église métropolitaine: mais il y a
toutes les apiiarences possibles qu'il n'a point
prétendu casser les leçons déjà établies par le
droit commun.
4" Le droit ancien donnait une prébende au
granunairien, le concile de Trente laisse à l'évê-
que la liberté de pourvoir à sa subsistance,
comme il le jugera à [iropos, ou par les reve-
nus d'un bénéfice simple, ou par quelque sa-
laire raisonnable.
5° Le concile de Trente ordonne qu'on fasse
une leçon de l'Ecriture sainte dans les monas-
tères où on le pourra commodément, et en-
joint aux évêques, comme délégués du Saint-
Siège, de les y obliger i)ar les voies de droit.
G" Le concile de Trente ordonne que la
même leçon se fasse dans les couvents des ré-
guliers, et dans les universités, avec pouvoir
aux évê(iues d'examiner et d'approuver les pro-
fesseurs de théologie, si ce n'est dans les mo-
nastères.
Le droit commun donnait au théologal le re-
venu d'une prébende, pendant le temps qu'il
enseignait, sans en faire un chanoine; au lieu
que le concile de Trente aflècte au théologal la
l)remière prébende (lui viendra à vaquer, au-
trement que par résignation , en sorte que le
lecteur en théologie en a dès lors le titre et a
rang parmi les chanoines ; aussi il peut en être
DU THÉOLOGAL ET DU PÉNITENCIER.
38I
privé, s'il ne s'acquitte pas de son devoir.
« Pr;rben(la [jrinio vacatiiru ad eum usnm
ipso facto perpoluo conslituta et deputata intel-
ligatur. »
Fagnan rapporte plusieurs résolutions de la
congrégation du concile, par lesiiuelles il est
décidé que c'est à l'évcque à élire le théologal ;
que la collation de la prébende théologale ap-
partient à celui qui en était le collateur avant
le concile ; que la théologie scolastique peut
passer pour la leçon de l'Ecriture sainte dont
le concile a chargé le théologal ; enfin qu'un
canoniste peut suppléer s'il ne se trouve point
de théologien, mais qu'on doit faire toutes les
diligences possibles pour avoir un théologien
(Fagnan., in I. v, part. I. Décrétai., pag. •20-i.)
Ou rapporte aussi d'autres résolutions de la
même congrégation du concile : savoir, que les
chanoines et les autres [)rètres de la cathédrale
sont obligés d'assister aux leçons de théologie
du théologal ; que l'évéque peut les y contrain-
dre aussi bien qu'à la leçon des cas de con-
science, par des amendes pécuniaires (Barbosa,
de Digni., c. xxviij; comme il peut encore con-
traindre le théologal à faire ses leçons, jusqu'à
le priver de sa prébende s'il s'opiniàtre dans sa
désobéissance. Enfin il peut, quand il est ma-
lade, lui donner un substitut.
m. Avant le concile de Trente le pape
Léon X avait déjà ordonné, dans le concile V de
Latran (Sess. U;, en 1510, que dans la France
et dans le Dauphiné il y aurait une prébende
théologale, dans toutes les églises cathédrales
et métropolitaines, affectée à un docteur, licen-
cié ou bachelier formé en théologie, pour y
faire au moins deux leçons par semaine : à quoi
il serait contraint par la privation des distribu-
tions ; aussi, pendant qu'il enseignerait, il serait
estimé présent, et ne perdrait rien quand il
n'assisterait pas à l'office.
C'est donc dans ce concile V de Latran et
dans le concordat de la France, qu'on com-
mença à rendre le théologal nécessaire à tou-
tes les cathédrales, et àen faire un véritablecha-
noine, au lieu que le droit commun n'en avait
fait qu'un théologien à gage.
Mais pour remonter jusqu'à la source, il faut
reconnaître que cet article du concordat est tiré
mot à mot de la pragmatique sanction, au titre
De Collationibus, et par conséquent du concile
de Bàle. «Cum pergeneralisconcilii slatula or-
dinatum existât, quodquœlibet Ecclesia metro-
politana unum debeat habere theologum : Or-
dinal hirc sancla synodus, quod exfendalni
liujusiiiodi ordinalio ad Ecclesias cathédrales."
C'est de la session xxxi, chap. ni, du concile
de Bàle, qu'est tiré ce décret de la pragmatique,
aussi bien que celui du concile V de Latran et
de notre concordat.
IV. Le concile Vde Milan (.\cta Eccl. MedioL,
pag. 2(i8, -il."^)), oblige le théologal de recevoir
ordre de l'évéque [)Our les leçonsqu'ildoit faire
et pour les jours qu'il doit les faire ; il doit en-
seigner dans le séminaire, ou dans les autres
conununautés ecclésiastiques , si l'évéque le
désire de la sorte ; il doit interpréter l'Ecriture
publiquement dans l'église cathédrale tous les
jours de fêles; enfin il doit résoudre toutes les
difficultés que l'évéque ou d'autres lui propose-
ront. Saint Charles lui ordonna, dans sou xi'
synode diocésain, de faire au moins trois le-
çons [)ar semaine, et de prêcher quelquefois.
Aussi il lui donna rang avant tous les autres
chanoines après les dignités.
Outre la prébende du théologal, saint Charles
en institua une pour le docteur des canons,
avec obligation de lire les canons au clergé au
moins deux fois la semaine dans la salle de
l'archevêché (Gioss., 1. xxvi,c.9).
Je laisse tout ce que divers conciles provin-
ciaux ont résolu après le concile de Trente,
touchant les devoirs du théologal. Tout revient
presque à ce que nous en avons dit (Conc.
gênerai., tom. xv, pag. 23, (JGG, 776,835, 1020,
1100, 1101, 1163, 1170, 14-i2, 1474, 1779, 1660.
Edict. Aurul., an. 89; Edicl. BIcsen., art. 33, 34).
L'ordonnance d'Orléans, art. 8 el 9, et celle
de Blois, art. 33 et 34, enjoignent l'établissement
du théologal et du précepteiu' dans les cathé-
drales où ily aura plus de dix prébendes, outre
la principale dignité, et veulent que le théolo-
gal prêche tous les jours de dimanches et de
fêtes solennelles, et qu'il fasse outre cela des
leçons publiques d'I^criture sainte trois fois
la semaine, où les chanoines seront obligés
d'assister, sous peine d'être privés de leurs dis-
tributions.
V. Passons maintenant au pénitencier, qui
est le vicaire-général de l'évéque, pour l'ad-
ministration du sacrement de iiénitence. Outre
ce (lue nous allons dire ici du pénitencier, voyez
ce qui en a été dit ci-dessus chapitre vu, depuis
le nombre 13 jusqu'à la fin.
Le concile IV de Latran (Can. x. C. Inter
ca'tera. De majoritate et obedientia. Regist. 13,
epist. CCI), enjoignit aux évêques de prendre
382
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
des aides el comme des coadjuteurs, pour
se reposer sur eux du soin de la prédication,
des visites, des confessions et des pénitences.
a Unde prœcipimustain in catliedralibus eccle-
siis viros idoneos ordinari, quos episcopi pos-
sint coadjutores et cooperalores liabere, non
solum in prœdicationis officie, verum etiam in
audiendis confessionibus et pœnitentiis injun-
gendis.»
Voilà sans doute un pénitencier établi ,
comme grand-vicaire de l'évèque, pour le tri-
bunal de la pénitence. Ce pape fait mention du
pénitencier de Limoges dans une de ses lettres.
Mais si nous remontons plus haut, nous trou-
verons dans chaque diocèse un confesseur gé-
néral qui était chargé des mêmes fonctions.
Le concile d'York (Can. xvii), en 1194, avait
ordonné que si les parjures excommuniés
étaient touchés d'un salutaire repentir de leur
crime, l'évèque, ou en son absence le confes-
seur général du diocèse , lui imposât la péni-
tence canonique : « Ad episcopum, vel eo
absente ad generalem diœcesis confessorem
transmittantur , ab eo pœnitentiam susce-
pturi. »
Ce même concile avait aussi ordonné que
dans les attaques imprévues de la mort, on ne
leur imposerait pas la pénitence, mais on la
leur insinuerait en leur enjoignant, s'ils recou-
vraient la santé, d'aller recevoir la ])énitence
de l'évèque, ou en son absence du confesseur
général. « In extremis Inborantibus insinuanda,
non imponenda est pœnilentia ; eisijue firmiter
injungatur,ut si vixerint, episcopum vel gene-
ralem diœcesis confessorem absente episcopo
adeant, ut eis pœuitentia competens injun-
gatur. »
En 1218, l'évèque d'Amiens institua, comme
il a été dit. trois nouvelles dignités dans sou
chapitre el leur assigna leurs fonctions. La pé-
nitencerie fut de ce nombre, et l'évèque char-
gea le pénitencier des confessions de tout le
diocèse en sa place, excepté celles des curés,
des grands et des barons, qu'il se réserva ; il
voulut qu'on lui rapportât toutes les difficultés
([ui se rencontrent dans le tribunal de la péni-
tence ; il lui permit d'adoucir ou de changer
les pénitences imposées par les autres confes-
seurs; il lui donna l'intendance de l'hôpital.
(( Pœnitentiarius loco nostri confessiones au-
dietde quacumque parte diœcesis ad ipsum
referantur ; exceplis confessionibus curatorum
noslrorum, et maguatum, et barouum, quas
nobis reservamus. Ad illum etiam, tanquam ad
illum quem post nos in hoc officio proximum
esse volumus, dnbitationes, si quœ émergent
in foro pœnilentiali, jubemus reportari. Pœni-
teuii;isinjunctas ab aliis confessoribus relaxare
poterit, aut mutare, prout secundum Deum
viderit expedire. Provisionem etiam et curam
domus hospitalaricû Ambianensis loco nostri
habebit(Spitilegii, toni.xii, p. 1G6). »
Les papes avaient leurs pénitenciers long-
temps avant le concile IV de Latran, et il semble
que c'est sur le modèle des pénitenciers du pape
que les évêques en ont établi dans leurs dio-
cèses. Bertholde, prêtre de Constance, raconte
lui-même dans sa chronique, ou dans la con-
tinuation de celle d'Ilerman, qu'en l'an 1084,
le pape l'ordonna prêtre, el le fit en même
temps pénitencier du Saint-Siège. « Presbyte-
rum promovit, et polestatem ad suscipiendos
pœnitentes ex apostolica autoritate concessit. »
VI. Les ordonnances d'un évêque d'Angle-
terre, en i^ll, portaient que l'évèque nomme-
rait dans chaque chapitre deux confesseurs, à
qui tous les ecclésiastiques et tous les bénéfi-
ciers se confesseraient; qu'on aurait recours
au pénitencier dans les cas dont la résolution
paraîtrait difficile, ou si quelque prêtre fai-
sait dilflcultédese confessera l'un des deux
nommés; enfin celui qui n'aurait pas assez
d'ouverture de cœur pour le pénitencier se
confesserait à l'évèque, ou à un autre qu'il dé-
léguerait. « Si quœ vero dubia fuerint quœ per
eos expediri nequeant : vel si quis sacerdotum
eis ob aliquam causam confiteri noluerit, ad
pœnitentiarum episcopi principalem retraha-
tur; si vero neutri eorum voluerit revelare
peccatum, episcopo confiteantur, vel alicui au-
toritate ejus (Conc. Angl., tom. ii, p. 145, 182,
18-i). »
1° 11 y avait donc des confesseurs particuliers
pour les ecclésiastiques. 2° Et c'étaient comme
des sous-pénitenciers; ils recevaient néanmoins
leur juridiction de l'évèque. 3" On recourait
au grand pénitencier dans les deux rencontres
que nous venons de marquer. 4° L'évèque con-
fessait aussi quelquefois. Le concile d'Oxford,
en 1222, les y invite : a In personis propriis
confessionibus audiendis interdum iulersint, et
pœnitentiis injungendis. n
Ce même concile (Can. xviii) renouvela l'an-
cien statut que , puisque les doyens ruraux et
les autres bénéficiers pouvaient avoir quelque
peine de se confesser à l'évèque, l'évèque nom-
DU THÉOLOGAL ET DU PÉNITENCIER.
383
nierait des confesseurs dans tous les archidia-
conés et que, dans les chapitres des cathédrales
où il y a des chanoines séculiers, ils se confes-
seraient à révè(iue ou au doyen, ou à des con-
fesseurs nommés par l'évèque , par le doyen et
par le chapitre, a Quia erubescunt forte suo
confiteri prœlalo, etc. In cathedralibus Eccle-
siis, ubi sunt canonici sœculares, confiteantur
ipsi canonici episcopo , vel decano , vel certis
personis, ad hoc per episcopum , decanum
et capitulum constitutis. » Enfin ce concile
(Can. XLvi) donna des confesseurs propres aux
religieuses, o Confiteantur moniales sacerdoti-
bus ab episcopo deputatis. »
Entre les articles dont l'archidiacre devait
s'enquérir en faisant la visite dans levéché de
Lincoln , nous remarquons celui-ci : si dans
tous les archidiaconés il y avait des péniten-
ciers nommés par l'évèque. « An in singulis
archidiaconatibus siut sufficientes pœnitentia-
rii episcopi (Conc. An., tom. u. p. 193, 210,
246 , 293, 504, 332 , 336 , 405, 498, 721.) »
Les ordonnances de l'évèque de Coventry, en
1237, et celles de Worcester, en 1240, donnent
des confesseurs propres aux clercs dans chaque
doyenné; celles-ci les leur font élire dans le
synode et défendent aux chapelains des grands
de les confesser ou ceux de leur famille, sans
la permission spéciale de l'évè(jue. Si quelques-
uns se prétendent exempts de la juridiction de
l'évèque, qu'ils fassent voir leurs privilèges;
celles de l'évèque de Durham leur donnent le
nom de pénitenciers, en l'an 1252; celles de
l'évèque de Sarum portent les prêtres de se
confesser aux confesseurs des clercs au temps
de carême, ou en autre temps s'il en est besoin.
« Debent confiteri in quadragesima, vel alio
tempore , si necesse fuerit. » Le concile de
Lambeth, en 1281, se plaignit de l'inexécution
d'un statut si nécessaire et si souvent réitéré ;
il enjoignit très-expressément qu'on robser\àt
à l'avenir, permettant néanmoins aux mêmes
ecclésiastiques de se confesser aux autres péni-
tenciers. « Possint si voluerint, ad alios pœui-
tenliarios convolare. »
Le synode d'Exeter, en 1287, voulut que
ces confesseurs des clercs de chaque doyenné
recourussent au pénitencier général dans les
difficultés importantes, ou même à l'évèque.
« Pœnitentiarii nostri generalis autoritate in
omnibus salva, ad cujus arbilrium ia dubiis et
gravioribus recurratur, nisi forte talis emergat
arliculus , qui nobis inconsultis nequeat expe-
diri. » Le même synode ajouta que les clercs qui
auraient été suspendus pour quelque crime
subiraient encore le tribunal du pénitencier
pour expier leur faute par une pénitence salu-
taire.
Les ordonnances de l'évèque de Chichester,
en 1289, permettent au chapitre l'élection des
deux prêtres qui doivent confesser tous les ec-
clésiastiques du doyenné. Ce chapitre n'est autre
à mon avis que l'assemblée de tous les curés
du doyenné, à laquelle on donnait aussi le nom
de chapitre, comme nous le montrons ailleurs.
L'archevêque de Cantorbéry, Simon .Mépham,
après l'an i3i!8, confirma toute l'autorité de ces
pénitenciers de chaque doyenné.
Enfin les ordonnances synodales de l'évèque
d'Ely, en 1838, font foi qu'on avait nommé des
pénitenciers dans tous les doyennés du comté
de Cambridge, avec pouvoir d'absoudre des cas
réservés à l'évèque. « Pœnitentiarii in singulis
decanatibus quibus concedi posset facultas ab-
solvendi in casibus episcopo resei'vatis per
littcras spéciales domini episcopi. »
C'était effectivement le pouvoir d'absoudre
des cas réservésà l'évèque, qui était réservé au
pénitencier. Car outre l'obligation des curés et
des souspénitenciers de recourirau grand péni-
tencier dans leurs doutes, il est certain que les
crimes énormes, les crimes publics, et enfin les
crimes qu'il fallait expier par la pénitence pu-
blique, étaient réservés à l'évèque ou à son
grand pénitencier.
Les ordonnances de l'évèque de Chichester
en 1289 le disent clairement. oEnormia delicta
nobis, vel pœnitentiario nostro ad hoc speciali-
ter deputato, prœterquam in articulo morlis,
reservamus (Conc. Angl., tom. ii). » Le synode
d'Exeter en 1287. « Majora et noloria pœni-
tentiario nostro reservet sacerdos, et pœniten-
tem sibi transmiltat, cum litteris causam de-
licti, et circumstantias ipsius continentibus.
Pœnitentes iterum cum litteris pœnitentiarii
absolutionis et pœnitentiio modum continenti-
bus, ad suura redeant sacerdolem (Ibidem,
p. 303, 336]. »
Le pénitencier renvoyait donc les pénitents
au curé avec une lettre qui contenait et l'ordre
de la pénitence qu'il fallait lui imposer, et le
pouvoir de l'absoudre, parce qu'il était juste
que la pénitence publique se fit dans le lieu
même où le crime avait été commis.
Enfin, l'évèque donnait le pouvoir au grand
pénitencier de prendre des aides au commen-
384
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIEME.
cernent du carême, s'il y avait une multitude
trop grande de pénitents à recevoir et à récon-
cilier publiquement. « Pœnitentiario indul-
genius, ut si in capile jejuniiad suscipiendam
et audiendos publiée pœnitentes se solumsuf-
ficere non crediderit,socium unum, vel plures
juxla [)œnitentium numerum sibi adjungat. »
Le concile de Londres, en 1237, m'est échappé :
Matthieu Paris le rapporte , et Rainaldus après
lui; mais ce dernier s'est trompé, quand il a
cru que persona signifiait le peuple. Le peuple
se confessait aux curés, les bénéficiers en titre,
personcB, car c'est comme on les appelait |)our
les distinguer des vicaires, comme il paraît |jar
ce texte du ménieconcile. « Nunquam in plures
personatus, YclvicariasunaEcclesiadividatur;»
les bénéficiers titulaires, dis-je, se confessaient
à ces confesseurs particulièrement désignés,
comme substitués parrévètjue selon ceconcile.
Enfin, pour les cathédrales, il y avait des con-
fesseurs généraux. « In Ecclesiis cathedralibus
confessores institui prœcipimus générales. »
Quoiqu'un légat du pape présidât à ce concile,
il est à croire que saint Edmond , archevêque
de Cantorbéry, y fut présent, lui qui, vers le
même temps, c'est-à-dire vers 1236, publia
ses oidonnances, et y commanda (jue les grands
crimes, surtout les notoires, fussent réservésaux
supérieurs. « Semper m.ijora prajcipue notoria
majoribus reserventur. » Il fit le dénombre-
ment de ces cas réservés. >< Sunt autem ista
majora, homieidia, sacrilegia, peccata contra
naturam, incestus, stupra virginum etmonia-
lium, et injectiones manuum in clientes, nec-
non et in clericos, vota fracta, et hujusmodi
(Conc. AngL, tom. u, p. 2uij. »
Il ajoute qu'il y a des cas dont le pape seul
peut absouih'e, ou son légat, si ce n'est en
danger de mort, où il faut les absoudre, à con-
dition, s'ils recouvrent leur santé, d'aller se
présenter au pape, et en attendant, il faut les
envoyer à l'évéque, ou à son pénitencier. « Sunt
autem casus in quibus papa solus polcst absol-
vere, vel ejus legalus. .\bsolutio tamen talium
in articido mortis nuUi deneganda est, saltem
conditionalis, videlicet, quod si convalescant,
apostolico conspeclui se prœsentent, niliilo-
minus tamen talium rei mittendi sunt ad epi-
scopum, vel ejus ])œnil('ntiarium. »
VU. Laissons l'Angleterre et passons aux
autres Eglises. Le concile de Paris, en 1212
(Can. v, 12, part. 3, c. vu), défendit aux clercs
de se coulcsser a d'autres qu'à leurs prélats, ou
à un autre qu'avec leur licence; il défendit aux
confesseurs de confesser qui que ce fût sans la
permission du su[)érieur et du confesseur pro-
pre, « omissis propriis sacerdotibus. »
Il enjoignit aux évèques de donner de sages
et vertueux confesseurs aux religieuses, con-
damnant l'indiscrétion des abbesses et des
chapelains, qui soutiraient avec peine que les
religieuses se confessassent à d'autres qu'à
eux. « Abbatissœ et capellani earum prohibent
monialibus, ne aliis quam ipsis confileantur
(Part. IV, c. 6).
Enfin, ce concile exhorta les évèques de faire
eux-mêmes souvent la fonction de confesseur
et de pénitencier. « Et in propria persona fré-
quenter intersint confessionibus audiendiset
pœnitentiisiujungendis. »
Les ordonnances synodales de Rouen, vers
l'an I23G (Synodieon. Rolomag., p. 239), obli-
gent tous les prêtres à se confesser une fois
chaque année à l'archevêque, ou au péniten-
cier, avec permission de se confesser après
cela à d'autres prêtres, autant de fois qu'ils
voudront. Les clercs qui doivent prendre les
ordres y sont aussi obligés de se confesser au-
paravant à l'archevêque, ou à un habile péni-
tencier, de peur que par l'ignorance de quel-
que autre confesseur, ils ne reçoive ni les ordres
étant irréguliers.
Les anciens statuts synodaux de Paris (Paris,
j). 27), ordonnaient aux curés de se confesser
en Avent et en Carême aux confesseurs désignés
dans chaque doyenné.
Le concile IV de Latran.en 12l,"j (Can. xxi),
ordonna que tous les fidèles se confessassent
au moins une fois l'an à leur propre confesseur
« proprio sacerdoti, » ou de sa permission à
quelque autre. La suite de toutes les autorités
que nous venons de citer, et que nous citerons
ci-dessous, montre clairement que sous ce
terme de « proprius sacerdos, » on peut com-
prendre le curé, le pénitencier, l'évéque et le
pape, ou leurs délégués.
Le pape Innocent lV(Epist. x, c. 16, 17), ré-
glant l'état des Eglises greccjues de Chypre,
ordonna que les prêtres curés, quoique mariés,
recevraient les confessions de leurs paroissiens,
mais que l'évéque pourrait aussi commettre
d'autres conlesseurs dans toutes les paroisses,
comme ses pro[>res substituts, sans faire pré-
judice aux curés, a Liberum sit episcopis vires
alios idoneos coadjutores etcooperatores liabere
in audiendis confessionibus et pœnitentiis in-
DU THÉOLOGAL ET DU PÉNITENCIER.
38.'.
juiigondis, ipsisquc per eonini diœcoses ali-
sque sncenloluiii ipsoruin piffjiulicio conimit-
tere vices suas :cuni propter occupalionesinul-
tiplices et occasiones varias possit conlingere,
quod nequeant per easdem diœceses ofUciuni
suuni exequi perse ipsos. »
Ainsi , comme l'évêque est véritablement
B proprius sacerdos » dans toutes les paroisses
de son diocèse, ceux qu'il délè^'ue en sa place
pour confesser, sont revêtus du même pouvoir
et delà même qualité.
Le synode de Poitiers, en 1280, commanda
aux abbés et aux abbesses et à leurs commu-
nautés, et à tous les béoéfîciers , de ne se con-
fesser qu'à l'évêque, à ses pénitenciers, ou à
ceux qu'il leur donnerait [our confesseurs;
défendant à qui que ce fût de les absoudre,
s'il n'en avait le pouvoir du pape, de son légat
ou de l'évêque. « Inliibcnuis ne aliquis eos
absolvat, nisi super hoc a Sede Aposlolica, vel
legatis ejusdem, vel a nobis habuerit poijsla-
lem. » 11 en est de même des chanoines régu-
liei"s ou séculiers.
Enfin il est défendu aux abbés et à tous ceux
qui ont charge d'àme, d'absoudre des cas réser-
vés par le droit, et il leur est ordonné de les
renvoyer à révê(|ue ou à ses pénitenciers.
Le synode de Nîmes, en 128i, permit aux
curés et aux prêtres de pouvoir choisir, pour se
confesser, les autres curés ou prêtres de la
même contrée, surtout les archidiacres, les
archiprêtres, les cordeliers et les jacobins,
permettant à ces religieux de confesser les
clercs et les laïques des villages où ils vont
prêcher, pourvu qu'ils avertissent les curés
de ceux dont ils auraient ouï les confessions,
qu'ils traitassent avec eux du salut des malades
qui demandaient leur assistance, et qu'ils
demandassent leur agrément, qui ne leur
serait point refusé pour les confesser.
Ce synode ajoute une longue énumération
de plusieurs grands crimes qui doivent être
renvoyés à l'évêque , et néanmoins si ceux qui
s'en confessent refusent de venir à révêijue,
le curé peut les absoudre, pourvu que ces
crimes soient secrets. Car s'ils sont publics,
l'évêque seul peut en absoudre, à moins que ce
ne soient des vieillards, ou des malades, ou
des moribonds.
Le synode de Bayeux (C. cvni), en 1300, en-
joignit aux curés, aux cliapelains et aux vicaires
perpétuels de se confesser au moins une fois
l'an à l'évêque ou au péailencier, leur [per-
mettant dans le besoin de se confesser à d'autres
prêtres habiles, mais avec la même obligalioii
de se présenler une fois lan à l'évêque même
ou au pénilencier.
Le concile de Lavaur (Can. xvni), où assis-
tèrent les évêques des trois provinces, Narbonne,
Toulouse et Auch, en l'an 1308, permit aux
prêtres de se confes?er avant de célébrer la
messe, à quelque prêtre que ce fût, qui eût
de la capacité. « Possit cuilibet presbylero ido-
neo sua peccala confiteri , ut missae cum puri-
tate conscienli;e celebrenlur. »
Voilà les degrés par lesquels on se relâcha de
l'ancienne sévérité qui réservait les confessions
des ecclésiasliques à l'évêciue ou à ses péniten-
ciers. On leur permit de se confessera d'autre-,
pourvu qu'une fois chaque année ils décou-
vrissent l'état et les replis de leur conscience à
leur prélat ; enfin on leur permit de se confes-
ser à quelque prêtre que ce fût.
1! paraît par ce dernier texte, que ce relâ-
chement élait bien avantageusement réparé
par la fréquentation plus ordinaire du sacre-
ment de pénitence et par un saint et nouvel
empressement de se purifier davantage avant
que d'apfirocher du saint et terrible sacrifice.
Car au temps que tous les curés d'un doyenné
n'avaient qu'un seul confesseur, à peine pou-
vaient ils en jouir autant de fois qu'ils l'eussent
souhaité.
Les ordonnances synodales de l'archevêque
de Nicosie , en 1313 (Cap. xsi) , enjoignent aux
prêtres d'avoir chacun leur propre confesseur
avec la licence de leur é\êque ; mais elles dé-
fendent au prêtre qui vient de se confesser de
devenir à l'heure même le confesseur de celui
dont il a été le pénitent.
Le concile de Narbonne, en i374 (C. xxvin),
permit à tous les prclres de se confesser à
quelque autre prêtre que ce fût, même non
curé, avant la célébration de la messe.
De là on peut à peu près conclure le temps
des ordonnances synodales de Paris attribuées
à l'évêque Guillaume. Car puisqu'il y est or-
donné (C. vi), que les curés se confesseront au
moins deux fois l'an, savoir en Avent et en
Carême, aux confesseurs qu'on avait nommés
dans chaque doyenné; cette coutume convient
fort justement au temps de Guillaume de Cler-
mont, qui fut évêque de Paris en 1230.
Les confessions n'étaient pas sans doute alors
si ordinaires pour les prêtres, qu'au temps
du co.-.cile de Florence, quand les Latins dé-
ni. —
I.
• •
3SG
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
mandèrent aux Grecs pourquoi leurs évoques
et leurs prêtres ne se confessaient pas avant
que de dire la messe (Conc. Gêner., tom. xui,
p. 523). Le concile de Frisingue, en 1440 (Can.
xxiv), ne laissa pas d'ordonner aux abbés ,
doyens, prévôts, arcbidiacres non exempts, de
se confesser à l'évèque ou au \icaire, les moines
à leur abbé, les curés à leur doyen; à moins
que l'évèque n'eût donné quelque privilège
parliculier.
Le concile de Tarragone, en 13-29 (Const.
Conc. Tarrac, 1. v, tit. xvu), permet à tous les
prêtres de se confesser les uns aux autres,
quand ils veulent dire la messe, et que leur
confesseur propre n'est pas présent. « Indulge-
Muis, quod (juilihet presbyter volens missani
celebrarej si non liabet cojiiam proprii confes-
soris , possit cuilibet piesbytero idoneo sua
puccata confileri et absolutionis beneficiam
rccipere. »
Le concile de Tarragone, en 1391, donna la
même liberté à tous les prêtres de se confesser
les uns les autres pour célébrer plus purement
l.i messe, quoi(|ue leur projire confesseur fût
l)iê?ent. olndultum ampliantes, etc. Etiam ubi
)iroprius alluerit sacerdos , quoties presbyter
iiiissun celebiaiidi propositum liabuerit, con-
lilfiidi et de conléssis in^icem absolvendi ple-
nariam concedimus facultatein. »
Ainsi |)Our se tro[) prêter à la liberté néces-
saiie dans la confession, et exciter dans les
fiileles la pureté de conscience que requiert
lui sacrement si respectable, l'usage s'était
iiilioduit parmi les prêtres de se confesser les
luis aux autres, sans autre approbation de
révêijue.
VIII. Enfin, le concile de Trente (Sess. xxuf,
c. 15) révoqua l'usage qui s'était introduit en-
tre les prêtres, de se coiifesseï' les uns les au-
tres sans autre apiirobation de l'évèque ; mais
il ne les obligea i)as de venir, ou à l'évèque,
ou a l'un (le ses pénitenciers, ou à un confes-
seur général délégué par lui pour les confes-
sions des prêtres ; il se contenta d'ordonner
ipi'ils se confessassent à un prêtre approuvé
par l'évèque.
Ainsi le concile de Trente (Sess. xxiv, c. 8),
retrancha cet article des pouvoirs du péniten-
cier, mais en même tciniis il érigea la péniten-
cerie en titre de bénéfice et de dignité, ordonna
que dans toutes les cathédrales où on le pourrait
coiimiodément.on aOectàt la première prébende
qui NienJiaila vaquer au [lèiiitencier, qui serait
toujours un docteur, ou licencié en théologie
ou en droit canon, âgé de quarante ans, ou
enfin le plus propre qui se pourrait trouver
pour un ministère si important, et qui pendant
le temps qu'il s'appliquerait à entendre les
confessions, serait estimé présent au chœur.
Ces deux décrets du concile de Trente (Cap
xu, cap. xiu), furent confirmés par nos con-
ciles provinciaux de France, savoir : Celui de
Bordeaux en 1583; celui de Tours en la même
année, où il est remarqué qu'en quelques égli-
ses la pénitencerie était déjà érigée en bénéfice
et où on lui donne rang, mais le dernier rang
entre les dignités du chapitre, si ce n'est où
elle aurait déjà obtenu un rang plushonoi-able;
celui de Bourges en 1584; celui d'Aixen 1585;
celui de Rouen en 1581 (C. xxi ; Tit. de Cano-
nicis; Tit. de episcop. et Capitulis , c. xxvi)
qui déclare la pénitencerie incompatible avec
une cure et avec toute autre charge qui serait
un obstacle à la résidence et à l'assiduité con-
tiuuelle dentelle est chargée; celui de Bordeaux
en 10-24 (C. v, n. 10).
Saint Charles fit ordonner l'institution des
pénitenciers dans ses conciles provinciaux ,
savoir : dans le I" et le V (Acta Ecoles. Mediol.,
p. 11, 208, 273, 793). Mais cet admirable res-
taurateur de l'ancienne discipline réservant ses.
pénitenciers pour les pénitences publiques, et
pour les cas réservés, nomma toujours d'au-
tres confesseurs particuliers pour les ecclésias-
tiques.
Voici le décret de son iV synode diocésain.
« De sacerdolibus confessariis , quos probatos
et in urbe et in diœcesi clero noslro constitue-
rimus, hoc decernimus, ut quos scilicet quo-
tannis ad cleri confessiones audiendas a nobis
delectos et in tabella notatos ei signitîcaveri-
mus, ejusdem cleri confessiones audiendi facul-
tas illis sit, quoad alla hujusmodi significatio
anno sequcnti per nos fiât. »
Ainsi ce saint prélat changeait tous les ans
les confesseurs ou il les continuait par une
nouvelle ordonnance. Giossano raconte com-
ment ce saint archevêque institua et appointa
quatre sous-pénitenciers pour les cas réservés,
et comment il faisait tenir toutes les semaines
la congrégation de la |)énitencerie pour la dé-
cision des cas de conscience (L. ii, c. 9).
Il faut faire justice à l'Eglise de France et lui
donner la gloire d'avoir prévenu le concile de
Trente: 1° en érigeant la pénitencerie en béné-
fice et eu dignité, comme le concile de Tours
DI' TIIl':OI.OCAL ET DU PÉNITENCIER.
387
vient fie nous l'iipprendro; 2° en établissant des
théologaux dans tontes les cathédrales, au lieu
que le droit commun jusqu'alors ne les avait
inslilnés cjne dans les métropolitaines. Et pour
ce qui est des [lénitenciers, dès l'an 1-252, la
faculté de théologie de Paris avait résolu que ,
sans le consentement, et même contre la vo-
lonté des curés, le pape et ses pénitenciers,
révéque et ses pénitenciers pouvaient confesser
et absoudre les paroissiens (Hist. Univ. Paris.,
toni. m, p. 249, 316).
IX. Pour écarter les difficultés qu'on pourrait
former sur ce qui a été dit des confessions peu
fréquentes des prêtres, il faut remarquer qu'ils
ne célébraient peut-être pas aussi souvent qu'ils
font aujoind'hui, et pour ceux que leur ardente
piété portait à célébrer plus fréquemment, il
est à croire qu'ils frécjuentaient aussi à pro-
portion le sacrement de pénitence.
Les statuts de Hugues V, abbé de Cluny , en
1200 (Bibl. Clun., p. llGIj, portent qu'on se
confessera toutes les semaines. Les ordonnances
de l'archevêque de Cantorbéry, en 1328 (Conc.
AngL, tom. ii, p. -498), obligèrent les prêtres
de se confesser avant la messe, s'ils étaient
tombés dans quelque crime, condamnant ceux
qui prétendaient que la confession générale ou
en général, qui se fait au commencement de
la messe ,élail suffisante pour effacer les péchés
mortels.
I^p concile I de Milan, sous saint Charles
(Acta Eccle. Med., p. 9,793), ordonna que les
prêtres se confessassent au moins une fois la
semaine ; mais ce saint archevêque ordonna
que les confesseurs par lui nonuués pour les
confessions des ecclésiastiques donnassent tous
les trois mois des assurances aux vicaires fo-
rains que tous les prêtres de leur ressort
s'étaient confessés au moins une fois la semaine.
Le concile de Bordeaux, en 1583 (C. v, lit.
de Missa, c. xvi), voulut que les [irêtres se
confessassent toutes les semaines. Celui de
Bourges les exhorta à se confesser tous les
jours avant de célébrer, ou au moins toutes
les semaines (Décréta Ecoles. Gall., 1. ii, p. 243).
Les ordonnances synodales du diocèse de
Troyes, citées par Bochel . obligent les prêtres
de se confesser au moinfe une fois l'an à leur
évêque , ou à son pénitencier, ou à ceux que
l'évéque déléguera pour cela; de ne pas croire
que la confession générale qu'ils font avant la
messe devant l'autel soit capable d'effacer les
péchés mortels; aussi n'en doiveut-ils spécifier
aucun; endn, qu'ils ne s'imaginent pas pou-
voir choisir un confesseur à leur gré, parce
que cela n'est permis qu'aux évêques et aux
prélats exenqits.
a Nec credant sacerdotes, quod nisi de licen-
tia sui episcopi , possint pro volunlate sua sibi
eligereconfessorem, ijui suarum curam habeant
animarum. Hoc enim solis episcopis, et qui-
busdam aliis prelatis exemptis est concessum.
Et qui petunt ab episcopo confessores, debent
petere providos et honestos. »
Il paraît delà quecen'étaitnuUementparun
motif intéressé de conserver leur juridiction,
que les évêques étaient si jaloux de conser-
ver ce droit inséparable de leur ministère apos-
tolique, de donner des confesseurs et des
directeurs à tous les divers ordres et à toutes
les sortes de personnes qui leur étaient sou-
mises; mais c'était afin de ne rien négliger de
ce qui pouvait contribuer à l'avantage de ceux
que J.-C. leur avait confiés, mais surtout pour
ne pas commettre indifléremment à toutes sor-
tes de gens la direction spirituelle de ceux du
salut descjuels ils sont responsables.
Or, ce que nous venons d'api)rendre des or-
donnances synodales de Troyes, est entièrement
conforme à la décrétale de Grégoire IX, qui
permit aux évêques et aux archevêques ou pri-
mats, et même aux moindres prélats exempts,
de pouvoir choisir à leur gré des confesseurs
sages et vertueux. « Ne pro dilatione pœniten-
tiœ periculum immineat animirum, permitti-
mus episcopis et atiis superioribus , necnoa
minoribus prœlatis exemptis , ut etiam praeter
sui superioris licentiam, providum et discre-
tum sibi possint eligere confessorem (C. Ne pro.
De pœnitent. Bibl. Prœm., p. 653, 686).
Le même Grégoire IX défendit aux abbés et
aux prévôts de l'oidre de Prémontré de choisir
des confesseurs à leur volonté, sans l'avis et le
consentement de l'abbé général et des visiteurs,
de [)eur qu'ils n'en choisissent d'ignorants ou
de timides à leur remontrer leurs fautes. Ur-
bain IV confirma ce même privilège à l'abbé
de Prémontré. Ainsi l'ancienne sévérité du
droit sur ce point est demeurée parmi les
réguliers.
Boniface VIII déclara que ce ne pouvait
être qu'une coutume abusive , qui laissait à
chacun la liberté périlleuse de choisir son con-
fesseur, a Nulla quippe potest consuetudine
introduci, quod alit|uis praeter sui superioris
licentiam possit sibi eligere confessorem, qui
388
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
eum solvere valeat, vel ligare (C. Si Episcopus.
In sexto De pœuitenliis). »
Celle même décrt taie nous apprend que
l'évêque doiinail quelquefois ce privilège de
pouvoir choisir son confesseur, mais il est à
croire qu'il ne le donnait qu'à des gens d'une
probité connue.
X. Il resuite de tout ce qui a été dit dans ce
chapitre, que ce n'était pas autrefois l'usage,
que l'évêque approuvât des prêtres en général
pour confesser dans tout son diocèse , si ce
n'est ses pénitenciers. Tous les autres ne rece-
vaient de lui l'approbation et la juridiction que
pour la portion du troupeau qu'il voulait bien
leur commettre. Ainsi personne ne pouvait
choisir son confesseur, mais il le recevait de
l'évêque, n'appartenant qu'au pasteur divine-
ment établi de discerner quels directeurs il faut
destiner à tant de ditférentes conditions, et de
partager à d'autres l'autorité céleste dont il est
le dépositaire.
Après cela on ne s'étonnera plus si, selon
les lois canoniques, les curés ne peuvent ni
confesser, ni absoudre d'autres que leurs pa-
roissiens; ni si les piètres séculiers qui ne sont
pas curés ne peuvent ni confesser ni absoudre
dans le diocèse où ils sont approuvés, les fidè-
les d'un autre diocèse; ni si les réguliers, quoi-
qu'ils puissent absoudre dans le diocèse où ils
sont approuvés, ceux qui viennent des autres
diocèses, parce qu'ils reçoivent seulement l'ap-
[)r(ibation de l'évêque , et tiennent leur juri-
diction du pape; ils ne les peuvent pourtant
pas absoudre, quand iis viennent à eux par une
malice artificieuse pour éviter la censure de
leur pro[ire pasteur; ils ne peuvent pas non
plus absoudre les sujets de l'évêque qui les a
approuvés, dans un autre diocèse où ils ne sont
pas approuvés; quoique les curés, parce qu'ils
ont unejuridiction ordinaire, puissent absoudre
leurs paroissiens hors de leur cure et même
hors du diocèse.
La raison de toutes ces vérités est que l'évê-
(jue seul est le païteur primitif de tout son
diocèse, c'est à lui seul à donner des pasteurs
et des directeurs subalternes à toutes les diver-
ses parties de son troupeau, soit (ju'il donne
ou institue des curés, soit des pénitenciers, soit
des confesseurs délégués à telle et telle por-
tion de sa bergerie.
Il y a des canonistes qui disent que l'évêque,
selon le droit contmim, devrait aussi se confes-
ser au niétropolitaui, celui-ci au primat et au
patriarche, et ceux-ci au pape; et que la dis-
tance a donné lieu au privilège de Grégoire IX
rapporté ci-dessus, qu'ils peuvent choisir un
confesseur (Fagnan, in 1. v. Décret., p. 140 et
seqq.).
Cette doctrine a quelque chose qui paraît
d'abord choquant, et même impossible, d'au-
tant que ces prélats étant chargés du soin de
leurs Eglises, et étant étroitement obligés à la
résidence, il n'y a pas d'apparence qu'ils puis-
sent avoir de fréquentes relations ensemble, et
se confesser les uns aux autres. Outre que dans
toute l'antiquité il ne se trouve aucun vestige
qui marque que ces prélats se soient jamais
confessés les uns aux autres.
Cependant on trouvera que le sentiment de
ces canonistes est très-conforme à la raison, si
l'on se donne la peine de bien peser ces vérités
très-importantes, savoir: 1° que les évêques
ont regardé les métropolitains comme leurs
pères , et en quelque façon comme leurs
maîtres, et qu'ils ont fait gloire de leur rendre
compte de toute leur conduite ; 2° qu'il est
avantageux et même nécessaire aux plus sages
mêmes, de ne pas s'abandonner à leur propre
conduite, mais de prendre direction de ceux
que Dieu leur a donnés pour supérieurs;
enfin , qu'il est probable que les premiers
évêques se regardaient toujours comme comp-
tables aux apôtres, qui étaient leurs pères en
J.-C, ou à ceux de qui ils avaient reçu l'im-
position des mains.
XI. Le roi de France, Philippe le Hardi,
olitint du pape Grégoire X le privilège de choi-
sir et de changer son confesseur à son gré, soit
i-égulier, soit séculier (Rainald., an. 1272,
n. 89 ; an. 1278, n. 37; an. 1281, n. 23). Nico-
las IH accorda le même privilège. Martin IV en
donna un semblable au roi de Suède, Magnus,
y ajoutant le pouvoir de changer les vœux,
excepté ceux du voyage de Jérusalem et de con-
tinence perpétuelle, bomface VUl en accorda
un pareil au roi d'Angleterre, Edouard, y ajou-
tant que ses domestiques, soit laïques ou clercs,
pussent se confesser à son chapelain, quand
ils ne pourraient le faire à leur propre pasteur,
a Quando non possunt habere copiam proprii
sacerdotis (An. 1301, n. 23). »
Dans les i)riviléges précédents les cas réser-
vés au Saint-Siège étaient exceptés (An. 1318,
n. 17). Jean XXII ôta cette exceplion en faveur
du roi d'Aiménie et delà reine Jeanne deSicile,
y ajoutant encore une indulgence pléuière à
DT' TIlKOl.nr.AL ET DI' PÉNITENCIER.
380
l'article de la mort. Le cardinal Ximenès, ar-
chevêque de Tolède , permit aux prêtres de
clioisir un confesseur tel qu'ils souhaiteraient,
avec pouvoir de les absoudre de tous les péchés
même réservés à l'évêque. Gomecius dit que
cela parut alors fort nécessaire, parce que les
privilé^'es du Saint-Siège pour le même sujet
n'étaient pas encore si communs qu'ils furent
depuis (Gomecius, in vila ejus; l. i. Hispan.
illust., tom. I, p. 9o0).
Ce furent aussi apparemment ces fréquents
privilèges obtenus, ou du pape, ou des évêques,
pour avoir la liberté de choisir des confesseurs,
qui portèrent enfin les évêques à approuver en
général des confesseurs pour tout leur diocèse,
sans les limiter à une Eglise, ou à une partie de
leurs diocésains. Car auparavant on ne les
approuvait qu'avec ces sortes de limitations.
Il y a aussi apparence que les bons évêques
ont d'ailleurs apporté plus d'exactitude et plus
de sévérité dans l'examen qu'ils ont fait des
confesseurs auxquels ils devaient ensuite don-
ner des pouvoirs si étendus.
La coutume s'est ensuite établie parmi les
laïques de se confesser plus souvent, et parmi
les confesseurs approuvés dans un diocèse, d'en-
tendre les confessions, non-seulement des dio-
césains, mais aussi des étrangers qui passaient,
et qui couraient quelquefois risque de leur salut,
si cette liberté leur était ôtée. Cette coutume a
enfin dérogé à la rigueur des canons précé-
dents, et il est visible que l'Eglise autorise ce
changement, parce qu'il est avantageux au salut
des âmes.
XII. C'est ainsi que l'Esprit-Saint, qui anime
et qui conduit son Eglise avec une sagesse et
une bonté incompréhensibles, répare ordinai-
rement par de nouvelles pratiques de piété les
relâchements qui se glissent ailleurs dans sa
discipline.
Les fidèles ont pris une liberté plus grande
et tout ensemble plus dangereuse de choisir
leurs confesseurs; les évêques préviennent les
disordres (]ui en pourraient naître, en n'ap-
prouvant et ne mettant au nombre des confes-
seurs que ceux qu'il sera toujours avantageux
de choisir. Cette conduite n'est peut-être pas
moins sûre que lorsque, par privilège, ou du
pape, ou des évêques, on pouvait choisir des
confesseurs qui n'étaient pas encore approuvés,
selon toutes les apparences possibles et selon
que plusieurs théologiens le tiennent. Ainsi le
concile de Trente ^Conc. Trident., sess. xxui,
c. i, o) a fort sagement révoqué tous ces privi-
lèges (Fagnan, in I. v. Décret., part. 2, p. lia).
On peut raisonner de la même manière de
la pêmtence, qui conmiença à se relâcher vers
le douzième siècle entre les fidèles, mais qui
en même temps reprit une nouvelle vigueur
dans la multitude incroyable de tant de con-
grégations monastiques, où on admira et où
on admire encore l'union admirable de l'inno-
cence et de la pénitence; et dans une infinité
de fidèles et d'ecclésiastiques très-saints qui
fréquentèrent le sacrement de pénitence tout
autrement qu'on n'avait jamais fait.
Pierre Damien (L. i, epist. xix), raconte
comment le saint et célèbre solitaire Domini-
que s'étant confessé la veille de Noël à son
abbé, qui était encore jeune et sans expérience,
au lieu de lui imposer pour pénitence la ré-
citation d'un psaume , lui ordonna trente
psaumes. « Cum sibi sufficeret unum psal-
numi, vel perexiguum quid imponere, prae-
cepit ut pro his quae confessus fuerat, triginta
psalteria decantaret. »
Ce même auteur (L. ui, epist. x), parle ail-
leurs d un autre saint solitaire qui, comme on
lui imposait trois ou quatre psaumes pour pé-
nitence à l'heure de la mort, en demanda une
de dix ans, et envoya prier ses autres frères
du désert de l'accomplir pour lui, ce qu'ils
firent avant sa mort par ces échanges ou com-
pensations de psautiers et de disciplines qui
étaient alors en usage.
Pierre de Honestis, qui fit confirmer par le
pape Pascal II la règle qu'il dressa pour les
chanoines réguliers, leur fait faire une confes-
sion et une absolution conmiunes et générales
dans le chapitre avant toutes les grandes fêles,
et ajoute que si quelqu'un se veut confesser
en secret il le pourra faire au prieur, ou à ceux
qu'il aura députés pour cela : « Si quis aliquid
private conûteri voluerit, confiteatur priori,
vel presbyteris per priorem ad hoc officium
depulatis (Regulœ, lib. m, c. 16). » Enfin il les
exhorte à. remettre toutes les injures qu'ils
pourraient avoir reçues, et ajoute qu'il serait
utile de s'acquitter de ces devoirs de piété
tous les samedis et toutes les veilles de fêles.
Les statuts des Chartreux, compilés en 1259,
leur prescrivaient de se confesser tous les same-
dis au prieur, ou à un député de sa part. Les
donnés et les prèbendiers devaient se confesser
tous les premiers dimanches du mois et com-
munier à N'uël, à Pâques et à la Pentecôte :
390
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIXIÈME.
« Prima quaque die Dominica cujuslibet men-
sis confiteanliir ; et in Natali Domini , Pa-
scha, et Pentecoste corpus Domini suscipiant
reverenter (Statut. Antiq., part. 2, c. i, et
part. 3, c. III. »
Les constitutions de Cîteaux ordonnaient aux
ahbés , aux moines et aux convers des ab-
bayes de se confesser au moins une fois la se-
maine. 0 Abbatts et monachi semel ad minus
in hebdomada confiteanlur, si copiam habeant
confileuiii : conversi vero qui in abbatiis mo-
rantur, idemfaciant (Nomast. Cistercien., pag.
3i, 524.) »
Les convers qui se confessaient une fois la
semaine ne communiai''nt pourtant que sept
fois cliaque année, à moins que l'abbé n'aug-
mentât ou ne diminuât le nombre de leurs
communions. « Seiilies commariicabunt in
anno conversi, nisi quem crtbrius, aut rarius
certade causa abbas accederejudicaverit(Ibid.,
pag. 357). B
Ces confessions se faisaient ordinairement à
l'abbé dans l'ordre de Cîteaux , et au prieur
dans celui des Cliarlreux ; dans celui de Cîteaux
tous étaient obligés de se confesser au moins
une fois l'an à l'abbé. Clément Vill a relâché
celle obligation de se confessera l'abbé. Celui
qui a écrit la vie de sainte Ide, religieuse de
l'ordre de Citi\u)x, a remarqué (jue b^s novices,
selon les règles de cet ordre, ne communiaient
t[ue trois fois en toute l'année de leur noviciat
(Bdllanil., loin. ii. Apnlis, p. 82).
Cuillaume de .Mahmsliury (pag. 278), parle
d'une abbaye d'Angleterre où les religieux
n'eussent osé passer la nuit sans s'être confessés,
s'ils avaient la conscience cliargée de quelque
faute. «Ul nullus rebellionis contra priorem,
vtl in se gravis criminis conscius, pernoctare
audeat, delicti sine confcssione reus (Lib. i, de
vita sua, c. xiii). » L'abbé Cuibert assure ([ue
sa mère, qui était une très-vertueuse dame, se
confessait fort souvent aux prêtres.
Le moine Herman faisant l'histoire des fré-
quents miracles qui se faisaient à Notre-Dame
de Laon, assure que ces cures miraculeuses
n'étaient que pour ceux qui s'étaient confessés
aux prêtres, et si c'étaient des enfants tout petits,
leurs parents se confessaient poureux(L. n,c.G,
7. Post opéra Guibert.). « Nemo curabatur nisi
prius iieccala sua presbytero suo confiterelur,
si tainen œtatis esset idonea?. Quod si infanlu-
luserat, admonebantur parentes vice [>uero-
iMin facere confcssioiiein. »
Saint Bonaventure instruisant les novices de
son ordre, leur prescrit de se confesser à leur
supérieur ou à leur maître trois fois la semaine,
ou plus souvent, a Tribus vicibus in qualibet
hebdomada, vel pluries, secundum quod ne-
cesse habuerinl (Spéculum disciplinœ, part, i,
c. 9). »
Les premières constitutions de Prémontré
ordonnaient que tous les professe confesseraient
au moins trois fois l'an, à Noël, à Pâques et à
la Pentecôte, à leurs propres abbés ; à moins de
cela ils seraient privés de l'entrée de l'église
pendant leur vie, et de la sépulture ecclésias-
tique après leur mort ; que les abbés pourraient
commettre d'autres confesseurs en leur place, et
se réserver certains cas ; enfin que les confes-
sions seraient nulles, si on affectait malicieu-
sement de se confesser à d'autres qu'à l'abbé
propre ou à ses délégués (Biblioth. Prœmonstr.,
pag. 780).
Ce statut est formé sur la décrétale d'Inno-
cent m, avec cette différence qu'il inflige les
mêmes peines à ceux des profès qui ne feront
pas ce qui était de conseil pour le commun
des fidèles. Car (luoiqu'lnnocent 111 n'eût dé-
cerné des peines que contre ceux qui manque-
raient à se confesser à leur pro|)re confesseur
une fois chaque année , on exhortait encore les
fidèles de se confesser aux trois mêmes grandes
fêtes, selon l'usage des siècles précédents,
comme il paraît par un grand nombre de con-
ciles provinciaux et de synodes diocésains. En-
fin ce statut ne parle que des confessions qui
sont d'une obligation indispensable, et non
pas de celles qui étaient remises à la dévotion
des particuliers.
Je ne dois pas omettre que le concile de
Toulouse, en 1228, conmiamla à tous les fidè-
les de communier et de se confesser trois fois
l'année, à Noël, à Pâques et à la Pentecôte.
«Onines confosionem peccatorum faciant ter
in anno sacerdoti proprio, vel alii de mandato
ipsius, et ter in anno sacramentiun Euchari-
stiœ cum omni reverenlia suscejituri. »
La nécessité de remédier à tant de désordres
(pie l'hérésie avait causés dans tout le Langue-
doc, obligea ce concile d'exiger des confessions
et des communions plus fréquentes que n'a-
vait fait Innocent III.
Abélard prescrivant une règle aux religieuses
du Paraclet, leur ordonne que tout le couvent
communie au moins trois fois l'année, à Ndël,
à Pâques et à la Pentecôte, coiiinie les saints
DU THÉOI.OCAL KT Df PÉNITENCIER,
301
Pères l'ont prescrit aux séculiers mêmes : « Si-
cut a ()atribus coiistiluluin est île s;poularilHis
etiam hominibus (Epist. viii, p. ICI). » Il leur
commande de faire précéder la confession de
trois jours. Quant aux infirmes, il leur ordonne
de communier et de se confesser tous les huit
jours.
On pourrait ajouter beaucoup d'autres exem-
ples et d'autres constitutions semblables; mais
en voilà assez pour faire connaître comment
les confessions sont devenues plus fré(]uentes,
même entre les personnes les plus innocentes
et les plus vertueuses ; comment on n'a imposé
que la récitation de quelques psaumes à des
pénitents dont la vie était une sainte alliance
de la pénitence et de l'innocence ; comment le
relâchement de la pénitence publique élait
compensé par une foule de pénitents volontai-
res; et enfin comment, lorsque l'on commença
de réduire l'obligation de communier à une
seule communion chaque année pour les sim-
ples fidèles, il s'alluma d'un antre côté une
ardeur admirable dans une infinité de fidèles
et de religieux , de communier et plus sou-
vent et avec plus de précautions de piélé et de
pureté qu'on n'avait Jait depuis quelques
siècles.
Mil. Le père Goar nous fait voir dans son
Euclio'oge (p. 109, 670), (jne parmi les Grecs,
quoique la confession ne soit peut-être pas si
fréquente que parmi les Latins, les plus éclairés
d'entre eux exhortent les évoques, les prêtres
et les religieux de se confesser fréquemment.
Et si la pénitence publique n'y est plus en
usage dejjuis le temps de Neclarius, ils ne
laissent pas encore de refuser quelquefois l'eu-
charistie durant un fort long temps après l'ab-
solution des péchés, et durant ce temps-là ces
fidèles demi-réconciliés reçoivent du pain
bénit et de l'eau bénite au lieu de l'eucharislie
aux jours des grandes fêtes.
Le patriarche Jean d'Antioche, qui vivait
vers le milieu du douzième siècle, témoigne
qu'en son temps te ministère des confessions
et du sacrement avait été presque entièrement
abandonné aux religieux, tant leur piété était
exemplaire. « Adeo a fidelibus cultus honora-
tusque fuit monacliorum ordo, ut confessiones
ac enuntiationes peccatorum , consequcn-
tesque censurœ et absolutiones ad monachos
tranjlatae sint, quemadmodum in prœsenlia-
rum quoquc fieri vidcmus (Cotteler. Monu-
ment. Eccl. Grœc, tom. u, p. 169). (1).
(1) L'office de théologal n'a plus aujourd'hui l'importance qu'il
a\ait avant l'élablisseoient des séminaires. Car il était alors le véri-
table et unique professeur d'Ecriture sainte et de tiiéologie. En
France, le théologal dans les chapitres n'est plus qu'un titre hono-
ri&que, puisque chaque diocèse a son séminaire. Prévoyant cepen-
dant, ou pour mieux dire craignant qu'au sortir de la révolution,
les séminaires ne passent se rétablir partout, le cardina!-lég.it Ca-
prara exigea, par un décret du 10 avril 1802, que dans chaque cha-
pitre il y eut un canonicat réservé pour le théologal. Au contraire,
dans bien des diocèses d'Espagne, d'Italie et même d'Allemagne,
oij il n'y a pas de séminaires, le théologal est encore revêtu d'un
office sérieux. Aussi l'article 13 du Concordat autrichien dit : s Dans
« les églises métropolitaines et épiscopales, partout où ils manquent,
c on établira le plus tôt possible un pénitencier et un théologal, et
« dans les collégiales un théologal, selon le mode prescrit par le
f saint concile de Trente. [Sess. v, cap. 1 ; sess. xxw, cap. 8 de
I Beform.) Les évéques conféreront lesdites prébendes conformé-
fl ment aux canons du même concile et aux décrets apostoliques sur
« la matière, o On sait qu'aux termes du concile de Trente la charge
de théologal ne peut être conférée, comme les cures, que par voie
de concours.
De son c5té, le Concordat espagnol prescrit que chaque chapitre,
outre les quatre dignités que nous avons mentionnées, aura quatre
offices à mettre au concours, savoir : le magistral , le théologal, le
lecteur et le pénitencier. Les cathédrales supprimées et réunies à
d'autres, mais qui seront conservées comme collégiales, auront seu-
lement, parmi ces offices, le magistral et le théologal.
Le pénitencier a, en France comme partout ailleurs, une impo -
tance réelle, et n'est pas comme le théologal, un titre vain. Le pé-
nitencier est chargé de donner l'absolution de tous les cas réservés à
l'évéque. Le décret apostolique du 10 avril 1802 dit : o Mais surtout
« que parmi les canonicats, il en établisse deux auxquels soient ati-
0 nexées, comme le veut le concile de Trente, les fonctions de
o théologal et de pénitencier, que rempliront fidèlement ceux auxquels
a ils ont été canoniquement donnés. » La bulle du 11 juillet 1817
donne le même ordre aux évéques qui seront nommés pour occuper
les sièges nouveaux qu'elle érige. Malgré ces prescriptions formelles,
nous crovons que tous les chapitres de France n'ont pas encore leur
pénitencier. Nous venons de voir que les Concordats autrichien et
espagnol rendent obligatoire l'office de pénitencier dans les chapi-
tres. En Italie, cette fonction est exactement remplie. A Rome, le
cardinal grand-pénitencier va entendre lui-même les confessions dans
la basilique de Saint-Pierre, en un des jours de la semaine sainte. En
instiiuant canoniquement son chapitre eo 1831, l'évéque de Saint-
Die déclara que la bulle qu'il avait reçue lui prescrivait de nommer,
selon les formes ordonnées par le concile de Trente, un chanoine
pénitencier et un théologal. Ces deux canonicats ne peuvent é're
donnés qu'au concours. On voit que le SaiBt-Siége tient essentielle-
ment à ces deux offices, (Dr André.)
392
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CilAI'lTI'.E ONZIÈME.
CHAPITRE ONZIÈME.
DE l'administration DU SACREMENT DE PÉNITENCE PAR LES OCRÉS, SOCS L'EMPIRE DE CHARIEMAGNE.
I. Les pratiques essentielles du sacrement de pénitence étaient
comme elles avaient toujours été, les mêmes qu'à pi-ésent. La
confession au prèlre en secret, le détail de tous les crimes, l'im-
position des pénileuces, l'absolution. Preuves du capitulaire de
Théodulphe.
II. La pénitence des crimes secrets ou publics se faisait en
secret, nu en public, selon la rigueur des canons.
III. Nouvelles preuves de ce qui a été dit, tirées des conciles.
IV. Les livres pénilenliaux, qui n'étaient pas conformes aux
canons, condamnés au feu.
V. Les curés étaient les ministres de la pénitence secrète des
péchés secrets, et ils doivent s'y régler par les canons, et par la
coutume de l'Eglise, alors conforme aux canons.
VI. Nouvelles preuves tirées d'Hérard, archevêque de Tours.
Vil. Et de Hincmar. Exacte description des pratiques de la
pénitence publique.
Vlll Règlements d'Hincmar pour ceux qui retombaient dans
le crime après la pénitence publique, qui ne se réitérait point.
IX. Des confessions générales, et des absolutions en général.
X. Preuves de ce qui a été dit, tirées de Héginon.
XI. Et des capitulaires
XII. Et de Jonas, évèque d'Orléans.
XIII. Des confessions mutuelles que les fidèles se faisaient de
leurs fautes légères.
XIV. Si les conlessions fréquentes despéchis véniels au prêtre
en sont venues.
I. Après les pénitenciers, la plus grande par-
tie du pouvoir attaché à radininistralion du
sacrement de pénitence a été communi(iuée
aux curés , et on ne peut pas douter qu'elle
n'ait depuis toujours été une de leurs plus
importantes et en même temps une de leurs
plus pénibles fonctions. 11 n'est pas hors de
propos de remonter aux précédents siècles de
l'Eglise, pour y reprendre l'origine des règles
et des usages que l'on observe encore aujour-
d'hui sur celte matière.
Les pratiques les plus essentielles qui s'ob-
servent de nos jours sont les mêmes que celles
qui se sont autrefois observées, principalement
(ians les viii* , ix' et \' siècles. On était obligé
(le se confesser au prêtre de tous ses péchés,
même des plus secrets, et de leurs circonstances
importantes; de recevoir ses avis, d'accomplir
les peines salutaires qu'il ordonnait, eniiu de
demander l'absolulion qui eff;iyait les crimes.
Tous ces articles sont exactement remarqués
dans le capitulaire de Théodulphe, évèque
d'Orléans , à ses curés.
« Confessio quam sacerdotibus facimus, hoc
nobis adminiculum affert, quia accepto ab eis
salutari consilio , saluberrimis pœnitentiae
observationibus, sive mutuis orationibus, pec-
calorum maculas diluimus. Confessio vero
quam Deo facimus in hoc jiivat, etc. Confessio-
nes dandcC sunt de omnibus peccatis , quae sive
in opère, sive in cogitatione perpetrantur, etc.
Quando ergo quis ad confessionem venit, dili-
genter débet inquiri, quando, aut qua occa-
sione peccalum perpelraverit, etc. Débet ei
persuader! , ut et de perversis cogitationibus
faciat confessionem , etc. Nominatim ei débet
sacerdos unumquodque vitium dicere, et siiam
de eo confessiunrmaccipere, etc. Juxta modum
facti di'bet ei pœnitcntia indicari. (Cap. xxx,
XXXI. Conc. Gall., lom. ii, ad an. 797). »
Le temps le [)lus propre et le plus ordinaire
pour les confessions était la semaine qui pré-
cède le commencement du carême, afin de
pouvoir se purifier durant le carême par des
œuvres de pénitence, et se rendre digne de
participer au céleste banquet de l'iminortel
Agneau pascal (Ibid., c. xxxvi).
o Hebdomada una ante initium quadrage-
simae, confessiones sacerdotibus dandœ sunt,
pœnitentia accipienda, discordantes reconci-
liandi , et omnia jurgia sedanda, etc. Et sic
ingredientes in bealœ quadragesimœ tempus,
niundis et purificatis menlibus ad sanctum
pascha accédant. »
H. Ce capitulaire de Théodulphe ne contient
que les anciens usages des siècles précédents,
sans que ce prélat y ajoute rien du sien.
Les curés se réglaient sur les canons et sur
les livres pénilenliaux, pour examiner les
pénitents, et pour déterminer le temps et les
austérités de leurs pénitences. Aussi l'empereur
Cliarkmagne les avertit de leur obligation à
bien savoir les canons et le pénitentiel : « Ut
de canonibus doctus fit et suum pœnitentiale
bene sciât (Ibid., p. 233; ibid., an. 813). » Le
concile II de Reims (Can. xii, xvi), dit la
DE L'ADMINISTRATION DU SACREMENT DE PÉNITENCE PAR LES CURÉS. Ô«n
même chose: « Quomodo confessiones recipere,
et pœnitentiam secundum canonicam inslitu-
tionem pœnitentibiis deberent iiulicare. »
Toutes ces pratiques si conformes à nos
usages préseuls n'étaient donc qu'une exacte
observance des anciens canons, ce qui suffit
pour justifier l'antiquité de ces usages et leur
uniformité dans tous les siècles.
Si les canons des pénitences ne s'observent
pas à la rigueur, cela même se peut faire par
une sage condescendance, cent fois autorisée
par les anciens canons, qui remettent la su-
prême disposition de toutes choses, elles divers
tempéraments de ces pénitences, à la sagesse
d'un charitable pasteur. Cela se trouve décidé
dans ce même concile de Reims (Can.xvi) : «Ut
episcopi et presbyteri examinent, qualiter con-
filenlibus peccata dijudicent, et tempus pœni-
tenlise constituant. »
La discrétion du médecin spirituel paraissait
particulièrement dans le discernement qu'il
devait faire entre ceux qui devaient faire la
pénitence en public ou en secret. Et c'est ce
qui est encore remarqué dans ce même concile
(Can. xxxi). « Ut discretio servanda sit interpœ-
nilentcs, qui publiée, et qui absconse pœnitere
dL-bent. »
III. Leconcilellde Chàlon (An.813,can.xxxii)
déclara la même nécessité de faire une con-
fession entière des péchés les plus cachés.
« Solerli indagatione debent inqiiiri ipsa pec-
cata, ut ex utrisque plena sit confcssio, fcilicet
ut et ea confiteantur, quae percorpusgesta sunt,
et ea quibus in sola cogitatione delinquitur. »
Si cette confession n'était absolument né-
cessaire, ce serait en vain que ce concile
(Can. xxxviu), aurait ordonné avec des termes
si pressants que les pénitences fussent im-
posées selon la rigueur des anciens canons, et
non pas selon les relâchements de quelques
livres pénitentiaux, qui ne servaient qu'à
tromper les pécheurs par une mortelle com-
plaisance.
« Modus pœnitentice peccata sua confltenti-
bus aut per antiquorum canonum institutionem
aut per sanctarum Scripturarum autoritatem,
aut per ecclesiasticam consuetudinem imponi
dcbet : repudiatis ac penituseliminatis libellis,
quos pœnitentiales vocant, quorum sunt certi
errores, incerti autores, de quibus recle dici
piitest, mortiflcabant animas quœ non moriun-
tur, et vivificabant animas quœ non vivebant.
Qui dum pro peccatis gravibus levés quosdam
etinusitatos imponunt pœnitentiae modos, con-
suunt pulvillos sub omni cubito manus, etc.»
C'est aussi pour cela que ce même concile
de Cliâlon (Can. xxxvii) oblige les confesseurs
à une étude sérieuse des conciles et des canons
mais principalement de ceux qui traitent des
remèdes qu'il faut apporter aux plaies spiri-
tuelles de l'âme. « Cum igitur omnia concilia
canonum quae recipiuntur, sunt a sacerdotibus
legenda et intelligenda, et per ea sit eis viven-
dnm et pra;dicandum : necessarium duximus,
ut ea quœ ad fidem pertinent, et ubi de extir-
pandis vitiis et plaiitandis virtutibus scribitur,
h»c ab eis crebro legantur, et bene intelligan-
tur, et in populo praedicentur. »
IV. Le concile VI de Paris, tenu en 829 ,
(Can. xxxu, 31) enjoignit aux évêques de faire
une exacte rechercbe de tous ces livres péni-
tentiaux, qui par une fausse douceur, donnaient
la mort aux pénitents, de les condamner au
feu, et d'instruire leurs prêtres des règles
canoniques qu'ils doivent observer dans les
confessions.
a Utenles quibusdam codicillis contra cano-
nicam autoritatem scriptis, quos pœnitentiales
vocant, et ob id non vulnera peccatorum cu-
rant, sed potins foventes palpant, etc. Unus-
quisque episcoporum in sua parochia eosdem
erroneos codices diligenter perquirat, et in-
ventes igni tradat, etc. Presbyteri eiiam im-
periti solerti studio ab epi^copis suis instruendi
sunt qualiter et pœnitentium peccata discrète
inquirere, eisque congruum modum secun-
dum canonicam autoritatem pœnitentiae no-
verint im[ionere. Quoniam hactenus eorum
incuria et ignorantia multorum flagitia reman-
scrunt impunita, et hoc ad animarum ruinam
pertinere dubium non est.»
Aussi ce concile renouvelle aussitôt après le
canon du concile d'Ancyre, qui punit une
détestable impureté d une pénitence de quinze
années.
V. Nous ferons voir dans la suite que les
pénitences publiques qui se faisaient aussi pour
les péchés publics étaient réservées aux é\è-
ques. Il résulte de là que les pénitences canoni-
ques étaient également imposées aux péchés
secrets, dont lacoiifessionetla pénitence étaient
réglées par les prêtres. Il n'eût pas fallu faire
aux prêtres tant de commandements réitérés
de suivre la sévérité des anciens canons dans
ks pénitences qu'ils imposaient, si n'ayant juri-
diction que sur les péchés secrets, ils n'eussent
301
DU SECOND OROrxE DES CLERCS. - CHAPITRE ONZIÈME.
j.imais eu l'occasion d'imposer des pénitences
c.iïioni(|ues.
Ajoutons que si ces conciles de l'âge moyen
ordonnent l'observance des anciens canons
pcnitentiaux pour les crimes cachés, ils ne
doutent nullement que dès les premiers
siècles les crimes secrets étaient châtiés des
mêmes peines. Car ces conciles ordonnent de
suivre les anciens canons, mais non pas d'en-
chérir sur eux.
Enfin une autre remarque qui n'est pas de
moindre conséquence, c'est que les canons an-
ciens de la pénitence étaient encore en vigueur
dans la plus grande partie des Eglises, et ce
n'étaient que quelques particuliers, qui par une
lâcheté criminelle introduisaient l'impénitence
ell'impunité des crimes, sous le prétexte imagi-
naire d'une conduite accommodante envers les
jiénitents. Or dans ces conjonctures, il y a une
oMig.ition indispensable de maintenir la pureté
des lois et des sainlsusagesdcl'Eglise contre les
nouveaux relâchements.
Cela est manifeste dans le canon qui a été
elle du 11° concile de Cliâlon (Can.xxxviUj, où.
les Pères commandent d'imposer les pénitences
S( !on les canons, et selon la coutume de l'Eglise,
( t non pas selon les pernicieuses maximes de
quelques nouveaux flatteurs. « Modus pœni-
ti nliœ aut per antiquorum canonum inslitu-
lionem, aut per ccclesiasticam consueludinem
iniponi débet. »
La longue désaccoutumance n'avait donc
point encore prescrit contre l'observation des
innons anciens. Il y a néanmoins bien de l'ap-
P'.rence que ces relâchements s'augmentèrent
..vec le temps, et qu'on les appuya sur une
iiiaximedont ces conciles mêmes demeuraient
(i'accord, que le mérite de la pénitence consiste
ninjiisenlalongueurqu'enlaferveurdelapéni-
h I ce, et que les confesseurs sont les modéra-
liiirs et les arbitres de la modification qui se
p 'lit faire des peines canoniques. « Pœnitenlia
vrronon in multitudine annorum, sed potius
il contritione cordis et corporis est .Tsti-
Mi.inda (Conc. Paris, vu, c. iO). »
VI. Ces remarques m'ont paru assez impor-
l.iiites et assez liées les unes aux autres pour
ne lias les omettre et ne les pas séparer. Quant
il la distinction des péchés secrets et des pu-
• blics, dont les uns étaient réservés à l'évêque
(•I les autres étaient de la juridiction ordinaire
drs curés, voici ce qu'eu ordonna l'arciii'\êi|Lie
('.1 ioui> ilrrartl : « Ut incesta oniiiia jiixta
modum culpae, absque acceptione personre a
presbyteris judicentur. Et ut tempore oppor-
tuno publica crimina ad notitiam episcnpi
deducantur, maximeque in die magno CœiicB
reconciliandi , vel adhuc suspendendi per pro-
prium presbyterum ad pracsentiam episcopi
deferantur (Capitul. Herardi, c. xiv, Conc.
GalL, tom. m, p. 112). » Et un peu plus bas
(Cap. Lix) : « Presbyteri de occultis jussione
episcopi [lœnitentes reconcilient, et infirman-
tes absolvant et communicent. »
Ces dernières paroles semblent insinuer que
lorsque la violence de la maladie ne permettait
pas de recourir à l'évêque, le curé pouvait
absoudre même des crimes publics, et par con-
séquent réservés à l'évêque, avec cette condi-
tion néanmoins que si le pénitent recouvrait
la santé, il satisferait à toutes les obligations
des pénitents publics.
Vil. Toutes ces particularités ont été admi-
rablement développées par l'archevêque de
Reims Hincmar dans les instructions aux curés
(Tom. ui, Conc. GalL, p. 635), où il en aioule
encore beaucoup d'autres. Le curé doit avertir
les homicides, les adultères, les parjures pu-
blics, enfin tous les criminels publics et scan-
daleux de venir confesser leur crime devant le
doyen ou l'archipiêtre et les autres curés du
doyenné, afin (ju'on les fasse comparaître dans
l'espace de quinze jours en jirésence de l'évêque,
pour recevoir de lui l'imposition des mains et
la pénitence canonique.
Lorsque les curés de chaque doyenné s'as-
semblent au premier jour de chaque mois, ils
doivent conférer ensemble de la ferveur ou de
la tiédeur de leurs pénitents publics , et en in-
former l'évêque, afin qu'il puisse avec la même
juste proportion prolonger ou raccourcir le
temps de leur pénitence.
Si celui qui a commis un crime scandaleux
diffère plus de quinze jours à se mettre eu
pénitence après en avoir été averti par son curé
et ensuite par l'arcliiprêtre et les autres curés,
il faut le retrancher du corps de l'Eglise, jus-
qu'à ce qu'il se soumette au joug d'une salutaire
pénitence. Si l'évêque est averti d'une action
scandaleuse d'un paroissien par un autre que
par son curé, ce curé est suspendu et obligé de
jeûner au pain et à l'eau autant de jours (ju'il
a difTéré, par une négligence criminelle, d'en
avertir le prélat.
Enfin, la pénitence et le divin viatique ne
doivent jamais être refusés aux moribonds,
DE L'ADMINISTRATION DU SACREMENT DE PÉNITENCE PAR LES CURÉS. 305
mais s'ils recouvrent après cela leur santé, ils
doivent acconiplir la rigoureuse pénitence
prescrite par les canons et attendre après cela
la réconciliation solennelle.
0 LU uiinsijuisijue sacerdos maximam provi-
dentiam habeat, quatenus si forte in parochia
sua pulilicum homicidium, aut aduUerium,
sive perjuiinm , vel (}uodciimque criniuiale
peccalnm publice perpetraluin fuerit, staliui
hortelnr euui quatenus ad pœnitentiani veniat
coram decano et compresbyteris suis , et quid-
quid ipsi inde invenerint, vel egeiint, lioc
comministris nostris , magistris suis, qui in
ci vitale degunt, innotescat : ut intra quindecim
dies ad nostram praesenliam publions peccalor
veniat et juxla traditionem canonicam, publi-
cam pœnitentiam cuni manus impositione acci-
piat, etc. Et semper de kalendis in kalcndis
mensium, quando presbyteri de decaniis simul
conveniunt, coUationem de pœnitentibus suis
habeant, qualiter unusquisque pœnitentiam
suam faciat , etc. Si forte quis ad pœnitentiam
infra quindecim dies venire noluerit , decer-
natur, qualiter a cœtu Ecclesiae , donec ad
pœnitentiam redeat, segregetur. Et sciât quis-
que presbyter, quia si per alium nobis cogni-
tuin fuerit, quod in sua parochia admitlatnr,
et tardins ad noslram notiliam perlatum fuerit,
tantos dies a ministerio suspensus in pane et
aqua excommunicatus morabitur, etc. Hoc
tamen omnimodis caveatur, ut nemo pœnilens
et cum devotione petens, ultima pœnitentia,
vel ultimo viatico defraudelur, ea conveniin-
lia,ut si convaluerit, secundum ecclesiasticas
régulas pœnitentiam agat, et reconcilialionem,
quantum Deus sibi concesserit, in ordine pœ-
nitentiam expe'at et expectet. »
Comme la loi des pénitences publiques pour
les crimes publics a été confirmée et renouve-
lée par le concile de Trente, j'ai cru qu'il serait
utile de faire voir le détail delà méthode sainte
et merveilleuse dont on l'observait. On ne sau-
rait assez admirer cette sagesse incomparable
de traiter de celte cure spirituelle des âmes,
en tant d'assemblées, soit des doyens ruraux,
soit des archidiacres et des autres membres
illustres du clergé de la ville, auxquels les
doyens ruraux devaient faire leur rapport, et
qu'ils devaient respecter comme leurs maîtres,
Maffislris suis, enhn dans le conseil del'évéque
diocésain.
Le même Hincmar fit des défenses très-
c\presses à tous les curés de recevoir r.ucun
présent des pécheurs et des pénitents publics,
de crainte (ju'après cela ils ne les épargnas-
sent, en différant d'informer l'évèque de leur
crime, ou ne gardant pas à leur égard les
mêmes rigueurs pendant le cours de leur pé-
nitence.
VIII. Il dit ailleurs (Tom. I, p. 713, 730, 731),
qu'il est très-difficile de se démêler de cette
question, comment il faut agir avec ceux qui
retombent dans le crime, après en avoir fait
une fois pénitence publique et avoir été récon-
ciliés, puisque comme il n'y a qu'un baptême,
il n'y a qu'une pénitence publique. « Sicut
unum est baptisma, ita et una débet esse pœ-
nitentia, quœ tamen publice agitur. » Il semble
à la fin (Tom. ii, p. 179) nous insinuer qu'on
ne leur donnait point l'eucharistie durant leur
vie, puisqu'ils ne pouvaient la recevoir sans
avoir été réconciliés et absous : mais qu'à l'ar-
ticle de la mort on leur accordait le céleste
viatique du corps de J.-C, quoiqu'alors même
on eût de la peine à débrouiller cette difficulté,
comment l'eucharistie effaçait leurs péchés à
l'article de la mort, puisque s'ils eussent sur-
vécu, ils n'eussent pu être absous que par la
pénitence canonique.
M Et sunt in nostris parochiis plurimi,qui
post pœnitentiam et reconcilialionem per ma-
nus impositionem, et post communionem ite-
rum labuntur, non solumseniel,sed et secundo,
et tertio. Quomodo nobis de his faciendum sit,
cum sicut prœmisimus, sine pœnitentia com-
munionem non accipient ; vel quomodo qui
accipiunt Eucharisliam et sic moriunlur, abso-
luti erunt, qui non essent absoluti sine manus
impositione, si superviverent. »
Voilà un nœud qui paraissait comme indis-
soluble à ce savant prélat, et qui avec le temps
obligea apparemment les évêques de réitérer
les pénitences publiques , excepté celles qui
étaient les plus solennelles, qu'on commença
à distinguer des publiques, et qui furent en-
suite les seules qu'on jugea ne devoir jamais
être réitérées.
IX. Voici un autre endroit du même Hinc-
mar, qui nous instiuira de beaucoup d'autres
singuliirités de la pénitence publique.
Hildebold, évéque de Soissons, sentant les
approches de la morL envoya sa confession
générale par écrit à plusieurs évêques, leur
demandant aussi leur absolution par écrit.
Hincmar en était un. Alcuin demande- aussi
iiiic iibsidution générale de ses péchés au pape
«
39fi
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE ONZIÈME.
Adrien I" dans sa lettre lxiii. « Presbyterum
tiiuin ad me mittens, breviculum confessionis
tua> mihi rcmisisti, petens ut absolutorias lit-
teras tibi transmiltam. »
Hincmar satisfit aux désirs d'Hildebold etlui
envoya par le même prêtre de l'huile consa-
crée, afin qu'il en fût oint et qu'il reçût en
même temps l'absolution entière de toutes ses
fautes, selon l'usage ancien des Eglises. « Mit-
tens manu mea secutus majorum exempta in
manus ipsius presbyteri, oleum sanctificatum,
ut etiam obsequio meo per ejus mentionem,
Spiritussancti gralia, qui est remissio omnium
pcccatorum , indulgentiam percipias omnium
delictorum : consortium sanctorum episcopo-
rum. »
Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est
que Hincmar conseille à ce pieux évêque de ne
se pas contenter de cette confession générale,
mais de confesser à Dieu et à un prêtre toutes
les fautes qu'il a commises depuis sa plus ten-
dre jeunesse jusqu'au temps présent. « Ronam
tuam devotionem commoneo, ut prœttT istam
gi'ueralem confessionem, quaeque ab ineunte
aefate, usque ad banc, in qua nunc degis, te
tommisisse cognoscis , specialiter ac sigillatim
Deo et sacerdoti satagas coiifiteri. »
H y avait donc alors deux sortes de confes-
sions et d'absolulions en usage. Les unes géné-
rales, c'est-à-dire, en termes généraux, et elles
ne suffisaient pas sans les autres, (jui descen-
daient au détail et à toutes les particularités des
actions qu'on avait commises. Et ce sont vrai-
semblablement ces confessions générales et ces
absolutions générales, dont l'usage nous est
resté dans les derniers jours de la semaine
sainte.
X. Réginon nous a donné le- formulaire des
articles dont l'évêque doit s'informer au temps
(le sa visite : si les curés n'ont point reçu de pré-
sents pour ne pas déceler à ré\êque ou à ses
ministres, les pécheurs publics et les inces-
Itieux ; s'ils n'ont point rendu un témoignage
trop favorable aux pénitents pour leur obte-
nir plus facilement l'absoliilion de l'évêque
par des vues d'intérêt, d'amitié, ou de pa-
renté; s'ils ont convié leurs paroissiens la
(juatrième férié avant le carême à se confes-
ser, et s'ils leur ont imposé des pénitences pro-
portionnées à leurs fautes, selon les lois cano-
iii(pies : a Non ex corde suo, sed sicut in
pu'nitentiali scriptum est (L. i, c. 37, .'i8, ol,
294). »
Le même Réginon rapporte ailleurs que le
premier jour du carême les pénitents qui
s'étaient déjà mis en pénitence, ou qui vou-
laient y entrer, devaient se présenter à l'évêque,
devant la porte de l'église, revêtus d'un sac, en
présence des doyens ou archiprètres , et de
leurs curés, pour recevoir le règlement de leur
pénitence. « Ubi adesse debent decani, id est,
archipresbyteri parochiarum, cum teslibus, id
est, presbyteris pœnitentium, etc. »
Enfin cet auteur nous apprend que tous les
fidèles devaient se confesser au moins une fois
l'an le premier jour de carême. « Si aliquis ad
confessionem non veniat, velunavice in anno,
id est, in capite Quadragesimœ, elpœnitentiam
pro peccatis suis suscipiat (L. u, c. 65). »
Outre les pénitences publiques, il y avait
donc des pénitences et des confessions secrètes,
auxquelles chaque fidèle était obligé au moins
une fois cha(|ue année au commencement
du carême, pour se préparer ensuite par le
jtûne et par la prière à la communion de
Pà(]ues.
XI. Toutes ces circonstances particulières se
peuvent encore remarquer dans lescapitulaires
de Charlemngne (Capitul. Carol. Magn., 1. v,
c. 52, 5i) : les confessions et les pénitences pu-
bliques et secrètes, les absolutions par consé-
quent publiques ou occultes, l'observation des
canons jiénitentiaux, l'obligation d'accomplir
la pénitence, si l'on revenait d'une maladie où
l'on avait reçu l'eucharistie, « Pœnitentes, qui
in infirmitate viaticum pœnilentiaî acceperint,
non se credant absolutos sine manus iniposi-
tione, si supervixerint; » la nécessité de l'impo-
sition des mains de l'évêque ou du prêtre, avec
sa |)ermission, sur les pénitents publics; la réser-
vation des apostats de la foi à l'évêque (Cap. lxh,
LX, Lxvn); les absolutions solennellesqui se don-
naient le Jeudi-?aint: «Quinta feriaante Pascha
eisremittendum, RomanieEcclesiaeconsuetudo
demonstral (L. vu, c. 143); » la nécessaire con-
descendance d'accorder aux pénitents secrets
l'absolution de leurs crimes aussitôt après leur
confession; ce qui se pratique encore, hors un
très-petit nombre de cas où la condescendance
serait dangereuse , bien loin d'être nécessaire.
(I Quia varia necessitate praepedimur, canonum
statuta de reconciliandis pœnitentibus pleniter
observare, propterea non dimitlatur omuino,
ut unusquisque presbyter jussione episcopi, de
occullis tautum, quia de manifestis episcopis
semper convenit, judicet et statim post acce-
DE L'ADMINISTRATION DU SACREMENT DE Pl-NITENCE PAR LES CURÉS. 397
pfam confessionis pœnitentiam, singuli data
oratioiie reconcilienlur (L. vi, c. 203); » la dis-
cussion exacte de tous les crimes et de leurs
circonstances notables. « Qiialiter primo pecca-
tnm perpetratum sit, aut si postea ileratum ,
aul fréquenter aclum sit, si sponte, si coacte,
aut per ebrietatem,autper quodiibet ingeniiim
factum sit, etc. (L. vu, c. 294); » lobligaliun
de découvrir quelquefois les crimes des inrpé-
nitents, alin qu'on paisse les en convaincre et
les forcer à en faire pénitence. « Omnibus
fidelibus, notum fore desideremus, quod quo-
rumdam alienorum peccatorum conscii , nisi
ea emendationis et salulis causa prodiderint,
deiimiuant (Cap. cccii). »
Mais rien n'est plus souvent inculqué dans
les ca[)ilulaires, que l'obligation d'imposer les
pénitences selon les canons.
C'est ce qui porta les évèciues les plus zélés
de ce lem|is-ià à entreprendre eux-mêmes, ou
à faire entreprendre par des personnes sa-
vantes, une exacte compilation des canons et
des décisions des saints Pères, qui pût servir de
guide aux confesseurs et qu'on pût opposer à
une foule de livres pénitentiaux , dont les au-
teurs étaient incertains, mais dont les erreurs
étaient et certaines et pernicieuses.
Je ne rapporterai sur ce sujet qu'un mot
delà lettre d'Ebbon, archevêciue de Reims,
à Halitgarius , évèque de Cambrai , pour
l'exhorter à composer les six livres qu'il a
faits sur ce sujet : « De remediis peccatorum
et ordine A-el judiciis pœnitentiir. » Voici les
termes de cette lettre. « Et hoc est quod in hac
re valde me sollicitât, quoniam ita confusa
sunt judicia pœnitenlium in presbylerorum
nostrorum opusculis, atque diversa et inter se
discrepantia, e' nullius autoritate sufFiilta, ut
vix propler dissonantiam possint dissolvi (Flo-
doard. Hist. Remens; 1. ii, c. 17). »
XII. Cette confusion des livres pénitentiaux,
jointe à l'ignorance des curés , n'avait peut-
être pas peu contribué à faire presque abolir
la pénitence publique, ou au moins à en inter-
rompre les plus saintes pratiques (De Instit.
Laicali, 1. i,c. 10).
Jonas, évèque d'Orléans, se plaint qu'on ne
voyait presque plus de pénitents publics, qu'on
ne les obligeait plus de renoncer à la malice et
aux emplois du siècle, qu'on ne les séparait
plus de la compagnie des fidèles, que le cilice
et les cendres n'étaient plus a leur usage, que
les homicides mêmes se mêlaient conlusément
avec la troupe innocente des fidèles, enfin (|ue
l'Eglise était scandalisée de voir qu'on se dis-
pensât impunément de l'obligation indispen-
sable d'effacer l'infamie des crimes publics par
une satisfaction publique.
« Perrari sunt hodie, qui talem agant pœni-
tentiam , qualem antiquorum prenitentium
exempta et autoritas canonica sancit. Quis cin-
gulum militiœ deponit, et a liminibus eccle-
siae arcetur? Quis in cinere et cilicio, etc.
Nunc in cœtu christiano idcirco vix pœnitens
agnoscilur, etc. Idcirco a multis diversa flagi-
tia perpetrantur audacler, etc. »
Comme cela ne se dit que des crimes publics,
aussi on ne peut nier que ce soit une nécessité
indispensable d'expier les crimes publics par
une satisfaction publique, u Hacc non de occnl-
tis, sed de manifestis criminibus dicta sunt,
quœ dum publiée admittuntur, publica poéni-
tentise satisfactione diluantur necesse est. » Et
plus bas : « Liquet quia de capitalibus mani-
festisque peccatis publica sit irretractabiliter
agenda pœnitentia. »
Enfin ce savant prélat déplore l'effroyable
aveuglement de ceux qui, pour guérir les pro-
fondes et mortelles blessures de leurâme,clier-
chaient les plus ignorants et les plus rehahés
d'entre les médecins spirituels, c'est-à-dire,
d'entre les confesseurs, afin que par une péni-
tence douce, mais trompeuse, ils couvrissent
leurs plaies au lieu de les guérir. « Quidam
imperitos animarum suarum medicos expe-
tunt, ut sibi ad volum suum pœnitenliœ teni-
pora imponant; et peritos idcirco déclinant,
ne auslerius pœnitentiœ eos addicant. »
XllI. Ajoutons encore cette remarque du
même Jonas, que non-seulement on doit se
confesser au prêtre des crimes dont on doit
satisfaire à la justice divine, mais il a paru
aussi pendant quelques siècles qu'il était de 1 1
piété des fidèles, de se confesser mutuellement
leurs fautes légères, pour en obtenir le pardon.
Quoique cet exercice d'humilité ne fût au temps
de Jonas, et ne soit presque plus en usage que
parmi les religieux, c'était néanmoins une pra-
tique autrefois commune à tous les chrétiens,
et qui nous est également recommandée à tous
dans les saintes lettres.
« Moris est Ecclesiae de gravioribus peccatis
sacerdotibus, per quos homines Deo reconci-
liantur, confessionem facere : de quotidianis
vero et levibus quibusque perrari sunt, qui
invicem confessionem faciant, exceptis mona-
3)8
DU SECOiNl) Or.Ur.K DES CLERCS. — CIIAlMTliE O.NZIÈME.
cliis, qui iil (|uoliiiie faciunt. Quod vero de le-
\il)us et quulidianis peccalis coafissio niuhia
fieri debeat, seqiientia manifestant. Jacobiis
aposlolus ait : Confilemini alterulrum peccata
vuslra, et orate pro invicem, ut salvemini.
Hune locum Beda Venerabilis presbyter ita
i-x|ionit. In hric sentcntia illa débet esse disere-
lio, ut quolidiana leviaque peccata alterutium
coaequalibus confiteantur , eorunique quoti-
diana credamus oratione salvari. Porro gravio-
ns leprœ immundiliani juxta legem sact-rdoti
pandamns, atque ad ejus arbitrium qiialiter et
quanlo tempore jusserit, puiificarc curemus
(Ibid., c. XVI j. »
Et après avoir allégué plusieurs autres Pères
sur ce sujet, il conclut que, comme nos fautes
légères sont journalières, la confession que
nous en faisons réciproiiuenient entre nous
doit être aussi journalière, a His documentis
colligi potest, quod sicut quotidie in multis
cffendinnis, ita quotidie de admissis confessio-
nem alterutrum facere, et orationilius, eleemo-
synis, liumiiitate, et contritione mentis et cor-
poris ea debemus purgare. »
Nous apprenons de là : 1° L'antiquité de ces
humiliations et de ces [irosternements , qui
sont en usage parmi les moines, et dont la
pratique était aussi comnuiiie entre les laïques;
en sorte que les moines n'ont été que les imi-
tateurs et les conservateurs de l'ancienne piété
des fidèles.
2° L'origine des fréquentes confessions qui
se font aux prêtres des fautes légères par les
personnes les plus vertueuses et les plus inno-
centes.
J'ai parlé des fréquentes confessions des fautes
légères parce que ces confessions n'étaient pas
inconnues aux premiers siècles.
Jonas et Uede disent manifestement qu'on
doit se confesser an prêtre des crimes com-
mis, mais qu'il faut se confesser à tous les
liilèles des fautes légères selon le commande-
ment de saint Jacques, et comme ces fautes
sont journalières, la confession doit aussi s'en
faire tous les jours. 11 y a donc toutes les appa-
rtMices du monde que c'est cette confession de
tous les jours ([u'on commença de faire auv
prêtres mêmes, lorsque la piété des laïques
s'élant ralentie, ils m; furent [dus en état de
jiroliler de ces saintes pratiques.
XIV. En voici une preuve évidente. Crodo-
gangns, évêque de Metz, dans la règle qu'il a
donnée aux cbaiioines, leur ordonne de se con-
fesser de leurs plus secrètes tentations à leur
évêque ou à leur prieur, puisque l'apôtre saint
Jacques a commandé ces confessions mutuelles.
« Confitemini alterutrum peccata vestra, etc.
Deinceps cum aliqua cogitatio mala in cor,
suadente diabolo, venerit , cito episcopo vel
priori confiteatur, ut per veram confessionem
et p(enitentiam regnum Dei habere merealur
(Cap. xxxi). »
On trouvait deux avantages considérables
dans ce changement. 1° Le discernement des
fautes mortelles et vénielles n'est pas facile, et
il est incomparablement plus sur et plus reli-
gieux de s'en rapporter au jugement des pas-
teurs qu'à ses propres lumières. 2° Les prières
du prêtre pour l'abolition des fautes légères
sont infiniment plus efficaces que celles des
laïques, surtout si on les considère comme
étant suivies de l'absolution.
Voila ce qui porta apparemment les fidèles
les plus vertueux, et exempts de crimes, de se
confesser souvent aux [)rêtres, et les jilus négli-
gents de se confesser au moins trois fois cha-
que année, enfin les religieux mêmes de se
confesser une fois toutes les semaines.
C'est ce qui est rapporté par Crodogangus au
même endroit (Cap. xxxn). a Ihecest ratio poe-
nitentiœ et confessionis nostrsc, quae coram
Deo et sacerdotibiisejusa nobis jiariter agenda;
sunt, id est, in unoquoqueanno tribus vicibus,
id est, in tribus quadragesimis suain confessio-
nem suo sacerdoti faciat, et qui plus fecerit,
melius facit. Monaclii in unoquoque sabbato
confessionem faciant, cum bona voluntate, epi-
sco|>o aut priori suo.»
Au reste, quoi i| n'en dise Jonas, évêque d'Or-
léans, Atton, évêijue de Verceil, ne laisse pas
d'exiger des pénitents toutes les précautions
des anciens pénitents : de ne point se mêler du
trafic, quelque innocent qu'il puisse être; de
ne point s'engager dans la milice, ou dans les
charges; de ne point plaider, si ce n'est devant
les ecclésiasti(iues (Capitular. Alton., c. xcui;
Spileg.,toni. vui, p. 'Si).
DES MINIMUMS liU SALI'.EMLM I>i: l'K.MTINCE, etc.
3aç.
CHAPITRE DOUZIÈME.
DES MINISTRES DU SACREMENT DE PÉNITENCE, SIRTOLT DES RELIGIEUX, SOUS L'eMPIRE
DE ClIARLEMAGNE ET DE SES SUCCESSEURS.
I. Diverses ordonnances synodales, qui ne laissent aux curés
qne les pénitences des péchés secrets, et réservent à l'évêque
celles des crimes publics.
il. Divers rè^'lemcnts des conciles sur le même sujet des mi-
iiittres de la lénilence secrète et publique.
III. Coiuuiencements des conlestalioiis entre les évêques et les
reliL'ieux sur radminislraliou de la pénitence.
IV. Ardeur des laïques et des clercs mêmes pour se confesser
plutôt aus religieux. Douceur et condescendance des religieui
envers les péniii .:U.
V. Autres raisuns qui attiraient la foule aux religieux. Leur
sainteté et la nécessité de se confesser une, ou trois fois cliaque
année.
VI. Chacun avait son confesseur. Et c'était le plus souvent un
religieux, même parmi les Grecs.
Vil. Ressemblance de la police des Grecs avec la nôtre.
VIII. Pouvoir des évèqnes pour tempérer la rigueur des
can'ins.
IX. Les abbés et les moines grecs confessaient, quelquefois
même sans être prêtres; ce qui fut condamné.
X. Les religieux prêtres ne pouvaient confesser sans la per-
mission des évèqnes.
XI. Les piêties étant mariés dans l'Orient, il fallait bien que
les religieux fussent chargés des confessions.
XII. Exactitude des Grecs pour imposer les pénitences selon les
canons.
XIII. Les religieui devaient recevoir de leur évêque les règles
de la confession.
XIV. Néces>ilé d'une sage condescendance.
XV. Nouvelles p l'uves que les reli^'ieux étaient les ministres
les plus rtrdii a !!■> de la | émlence dans TUileut. Les abbés s'iu-
gérjienl aussi (pitlquefnis dans celte fcuiction.
XVI (In dijit aux reiigieui d'Orient l'observation des canons
dans II s l'É'iiitenccs.
XVII. Iléllexions sur l'abus des abbesses, qui écoutaient les
confessions.
I. Nous avons tâché de remplir le chapitre
précédeiil de remarques uliles jiotir h^s iisaj,^es
du siècle présent dans radminislration de la
pénitence. Il nous en reste encore quelques-
unes à faire sur les ministres de ce sacrement,
qui ont été les évêques, les curés et les re-
hgieux.
Alton, évêque de Verceil, confirme ce qui a
été dit, que les curés devaient observer les
pécheurs scandaleux, les porter à la pénitence
publique, en donner avis à l'évêque, veiller
sur eux pendant le temps de la pénitence, ne
les point absoudre sans le commandement de
l'évêque, si ce n'est dans la nécessité pressante
d'une maladie dangereuse, et alors même avoir
la permission de l'évêque, et en son absence,
de son chapitre, a Quod si defuerit, cardinali-
bus primœsedis intérim suggeratur (Cap. xc).b
Ahyton , évêque de Mie, ordonna à ses dio-
césains qui entreprenaient le pèlerinage de
Rome, de se confesser auparavant dans leur
paroisse, parce qu'ils doivent être liés ou déliés
par leur évêque, ou j)ar leur curé, et non pas
par des étrangers. « Et hoc omnibus fidèlibus
denuntiandum, ut qui causa orationisadlimina
beatorum apostolorum pergere cupiunt, domi
confiteantur peccata sua, et sic proficiscanfur.
Quia a proprioepiscoposuo aut sacenlote ligandi
aut exsolvendisunt, non ab extraneo ;Capitular.
Ahytonis, c. xviii; Spicileg., tom., vi, |). «90;. >>
Rathérius, évêque de Vérone, avertissait ses
curés que leurs pouvoirs étaient restreints aux
péchés secrets, les crimes publics étant réservés
à l'évêque (Spicileg., tom. ii, p. 265). « De oc-
cultis peccatis pœnitentiam vos dare posse
scitote. de publicis ad nos référendum agno-
scite (Cap. xxxvi). »
Le livre des offices divins, attribué à Alcuin,
ne met pas le pouvoir d'absoudre des péchés
entre les droits et les fonctions des prêtres,
parce qu'il ne parle que de la pénitence pu-
blique ; mais il réserve à l'évêque l'absolution
publique et solennelle du Jeudi-saint. « Epi-
scopi habentpotestatem ligandi atque solvendi.
Per ipsos quoque publica populi absolutio in
die CœnaeDoniini solemni more peragitur. »
Au contraire Réginon (L. i, c. 29.ï, 296) rend
ce pouvoir commun aux évêques et aux prê-
tres, parce qu'il parle indifïéremment de toutes
sortes de péchés. 11 veut même qu'en leur
absence le diacre qui ne peut absoudre donne
la communion à ceux qui sont dans une iné-
vitable extrémité. « Si autem nécessitas
evenerit, et presbyler non fuerit prœsens,
diaconus suscipiat pœnitentein ad sauLtani
cominunionem. » Ce sont, comme nous avons
expliqué ailleurs, les Pères et les canons an-
AW
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DOUZIÈME.
ciens qui permettent au diacre la réconciliation
des |) nileiits moribonds en l'absence de l'évê-
que et des prêtres.
II. Le concile de Pavie tenu en 850 semble
réserver le pouvoir d'absoudre des pécliés
même secrets, à ceux que les évêques et les
archiprêtres estimeront capables d'une charge
si importante et si périlleuse. Car après avoir
ordonné aux archiprêtres de convier à la péni-
tence publique tous ceux qui sont atteints d'un
crime public, il vient ensuite aux péchés
secrels. o Qui vero occulte deliquerunt, illis
conflleantur, quos episcopi et plebium archi-
presbyteri idoneos ad secretiora vulnera men-
tium medicos elegeriat. o
Ce canon ajoute que si ces prêtres rencon-
trent quelques difficultés dont ils ne puissent se
démêler, ils doivent consulter leur évêque,
qui pourra aussi dans ces doutes prendre
conseil de deux ou trois autres évêques, ou de
son métropolitain, ou enfin du synode pro-
vincial, dans les cas les plus embarrassés et
pour les crimes les plus scandaleux. « Siqui-
dem diffamatum certae personœ scelus est,
melropolitani et provincialis synodi palam
sentenlia requiratur. »
Ce même concile (Can. vu), défend absolu-
ment aux curés de réconcilier les pénitents
publics, hors le cas d'extrême nécessité, parce
que la plénitude du Saint-Esprit et la puissance
des clefs a été premièrement donnée auxapôlres,
c'est-à-dire aux évêques.
« Sicut nec chritmatis confectio, vel puel-
larum consecratio, ita nec pœnitentium recon-
ciliittio ullatenus a presbyleris Geri debnit ;
([uia solis episcopis Apostolorum vicem tenen-
tibus, per manus impositionem specialiter in
Ecclesia conceditur, quod tune Apostolis ad
ipsos Domino dicente concessum est : Acci|iite
Spir itiim sancluiM, quorum remisi-ritis peccata,
remitluntur eis, et quorum retinuerilis, re-
tenta sunt. »
Le concile d'Aix-la-Chapelle, tenu en 816
(Can. xxvu), ne permet aux prêtres d'entrer
dans les monastères des religieuses que pour
le peu de temps qui est nécessaire pour célé-
brer la sainte messe; que si elles veulent se
confesser, elles doivent le faire dans l'église :
« Si qua igitur peccata sua sacerdoti confileri
voluerit, id in ecclesia facial, ut ab aliis videa-
lur, sicut in dictis sanctorum Palrum conline-
tur, exceplis infirmis, quibus in douubus id
fucere neccs^c est. »
Le concile VI de Paris, tenu en 829 (C. xxix),
défend aux évêques de faire absenter les curés
de leurs paroisses, de peur que leurs parois-
siens ne meurent sans confession ou sans bap-
tême. « Ne homines sine confessione, et infan-
tes sine baptismatis regenerationemoriantnr. »
Ce même concile (Cap. xxxii), après avoir con-
damné les livres pénitenliaux , qui n'étaient
pas conformes à la sainteté rigoureuse des
canons, « Codicillis contra canonicam autori-
tatem scripsit, quos pœnitentiales vocant, »
charge les évêques d'instruire les prêtres des
règles canoniques qu'ils devaient observer dans
l'imposition des pénitences, a Presbyteri eliam
imperiti solerti studio ab episcopis suis in-
struendi sunt, qualiter et confilentium peccata
discrète inquirere, eisque congruum mudum
secundum canonicam autoritatem pœniten-
ticE noverint imponere. »
Enfin, le concile de Meaux, tenu en 845
(Can. XLiv), défend aux chorévêques mêmes de
s'ingérer dans les fonctions du sacrement de
pénitence au delà des bornes qui leur auront
été prescrites par l'évêque. «Impositioniautem
pœnitentia; aut pœnitentium reconciliationi
per parochiam, secundum mandatum episcopi
sui inserviat. »
Il paraît donc clairement de ces canons,
1° que les prêtres étaient les ministres ordi-
naires du sacrement de pénitence pour les pé-
chés secrets; •l" que les évêques s'étaient ré-
servé les crimes publics elles pénitences publi-
ques; 3° que cette réservation ne s'était pas faite
comme en réduisant a l'étroit une puissance
plus étendue, qui eût été autrefois accordée
aux prêtres, mais en ne leur communiquant
d'abord qu'une partie de cette plénitude de
puissance et de cette abondance du Saint-Es-
prit que les apôtres seuls avaient reçue, et
qu'ils avaient transmise aux évêques; 4° dans
rexlrème nécessité, les prêtres réconciliaient les
pénitents publics, et absolvaient des cas réser-
vés , mais avec obligation de les renvoyer
aux évoques, s'ils recouvraient leur première
santé.
Ce qui montre que, bien que les évêques
limitent les pouvoirs des prêtres, soit pour les
sujets, soit pour les crimes, ces limitations ne
regardent que l'exercice et l'application d'un
pouvoir qui est inséparable de l'ordination des
prêtres : c'est l'exercice même de ce pouvoir
d'absoudre des péchés, qui ne fut permis aux
prèlrcs dès les premier siècles qu'avec des li-
DES MINISTRES DU SACUEMEiNT DE PÉNITENCE, etc.
loi
mites fort étroites, et beaucoup plus étroites
((ue dans les siècles suivants.
III. Les reli^ieuxavaienl commencé de rece-
voir les confessions des relijrieuses et des l;iï-
ijues mêmes. Le même concile VI de Paris
condamna cet usage, et ne leur permit que les
confissions des autres religieux de leur mon;is-
tère. Les ecclésiastiques mêmes préféraient
quelquefois les religieux, pour leur découvrir
les replis de leur conscience, et recevoir d'eux la
pénitence et l'absolution de leurs fautes. Après
cela, on ne peut pas douter que les laïques ne
vinssent en foule se confei-ser aux leligieux.
Ce concile désapprouve toutes ces pratiques, et
déclare que les prêtres religieux ne peuvent
en aucune façon recevoir les confessions , ou
remettre les péchés d'autres que des autres
moines.
« Si sacerdotibus sanctimoniales peccata sua
confiteri voluerint, id nunnisi in Ecclesia co-
ram sancto altari, aslanlibus baud i)rocul te-
stibus faciant. Nulle modo quippe videtur
nobis convenire, ut monachus relicfo moiia-
sterio suo, idcino sanctimonia'ium mon.-isteria
adeat, ut confitentibus peccata sua modum
pœnitentiae imponat. Nec eliam illud vidttur
nobis congruiim, ut cletici et laici episcopo-
rum et presbyterurum canonicoiuui judicia
déclinantes, monasleria monacboium expe-
tant, ut ibi sacerdotilius mon.icbis confessio-
n( m peccatorum suorum fatiant; pnîsertini
cum eisdeni sacerdotibus monacbis id facere
fas non sit, exceplis bis duntaxat. qui snb mo-
naslico ordine secum in monasieriis degunt.
lUisnamque est coiifessio peccatorum facienda,
a quibus subinde et modus pœnitenlia?, et con-
silium salutis capiaiur, et a quibus post tem-
pera pœnitentiseperacta, secundum canonicam
institulionem, si episcopus jusserit, reconci-
liatio mereatur (An. 829, c. xlvi). »
Voilà les commencements de ces longues
contestations entre les évéques et les curés
d'une part, et les religieux de l'autre. On ne
peut douter que les évéques ne pussent décla-
rer nulles les confessions faites aux religieux,
et les absolutions données ou reçues contre
leurs défenses, jniisque nous venons de voir
que les prêtres n'avaient de pouvoir dans la
dispensation de ce sacrement, qu'autant qu'il
plaisait à l'évèquc de b ur en accorder.
IV. Ce concile remarque que les clercs et les
laïquis ne chercbaienl à se confesser aux prê-
tres religieux que pour éviter la sévérité de
Th. — Tome I.
leurs évéques ou de leurs curés, o Episcopo-
rum .-lUt presbyterorum carionicorum judicia
déclinantes. » Il n'est jias bors d'apiareiiee
que les religieux usaient de plus de douceur
et de clémence envers h s pénitents, jiuiscjue
Jean de Paris, dans son mémorial des histoires,
raconte que saint Odilon V. abbé de Cluny,
ré|iondait à Ceux qui biùiiaii nt son excessi\e
indulgence envers les péniltnts, (ju'il aimait
niitux être condamné d'un excès de clémence
que dune excessive dureté. « Ipseque cum
reprebenderetur ex eo , quod iii lœnitentts
misericordior justo es?e viilen lur, respondit :
Si damnandiis sim, malo damnaii de miseri-
cordia, quam de dui ilia vel crudelitate. »
J'ai voulu rap|iorter cet exemple de saint
Odilon, pour montrer que les excès de douceur
envers les pénitents ne sont pas toujours pré-
venus de l'ignorance, ou du relâchement^ nu
de la cupidité des confesseurs, puisque ce saint
et illustre abbé est même hors d'atteinte et au-
dessus de toutes ces accusations. Mais de quel-
que cause que partît celte indulgence des reli-
gieux prêtres, il est certain qu'elle leur attirait
une grande multitude de pénitents.
Pierre Damien rapporte la même chose dans
la vie de saint Odilon qu'il a écrite, et quoi(pril
se soit lui-même signalé par son inflexible sé-
vérité dans la matière même des pénitences,
il ne se donnait pas néanmoins la liberté de
censurer cette conduite irrégulière d'un si
saint et si religieux abbé. Ce qui nous apprend
que les amaleuis de la plus sévère discipline
ont des mesures à garder et ne doivent pas
toujours s'emporter contre ceux dont la con-
duite est plus douce et n'est pourtant pas relâ-
chée, parce qu'elle tend aussi à corrigerles re-
lâchements.
Voici les paroles de Pierre Damien. o In pro-
mutgandis porro judiciis ac modis pœnitentiœ
praefigendis, fam [lius erat, ettanla mœrentibus
humanitate compatiens, ut nequaquam distri-
ctum Patris impeiirim, sed maternum polius
exhilieret afléctum. L'ndese reprehendenlibiis,
hiijusmodi verbis, sohbat eleganter alludere.
Etiamsi damnaudus sim, inquit, malo tamen
de misericordia, quam ex duritia vel crudeli-
tate damnari. »
V. Mais outre cette indulgence, il faut demeu-
rer d'accord qu'il y av.iit encore deux raisons
qui [louxaient porter les fidèles à choisir un
médecin spirituel entre les religieux. La pre-
mière est la sainteté de quelques religieux illus-
36
402
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHVPITRE DOUZIÈME.
très. L'autre e=l la coutume dès lors louable,
que cb icun eût son confesseur. Cir il était
impossible que les laïques trouvassent clia-
cun leur confesseur dans ce petit nombre de
curés ou de prêtres hors des cloîtres.
Je ne sais si ce serait de ces confesseurs qu'il
est parlé dans la vie du célèbre martyr saint
Euloge de Cordoue, lorsqu'il est dit que les
persécuteurs poursuivaient les confesseurs, les
évoques , les filles dévotes ; « Confessores ,
sacerdotes, devotas (Surius, die ii Mart., cap.
l.")). »
Mais il est certain que tous les fidèles étant
oblifïés de se confesser trois fois cbaijue année,
selon Crodogangus, qui a été cité ci-dessus, ou
au moins une fois chaque année au commen-
cement du carême, selon Réginon, « Si aliquis
ad confessionem non veniat, vel una vice in
anno, id est in capite Quadrage<im;i?, et pœni-
tentiam pro peccatis suis suscipiat (L. u, cap.
6.j), » il était difficile que le petit nombre des
curés ou des prêtres fût suffisant pour l.i mul-
titude innombrable des fidèles; ainsi pbisieurs
furent dans la nécessité de recourir aux moines
pour se confesser.
Hmcmar, archevêque de Reims, faisant par-
ler dans une de ses lettres cet Etienne, dont le
mariage donna sujet à tant de contestations ,
n'oublie pas de lui f.iire prendre avis de son
confesseur. «In me reversus, et sciens quid
fecerim, ad confessorem miîum perrexi , et
consilium ejus (|u;esivi, etc. Qui ostendit iiiihi
librum quem, ut spero, canones a|)i)ellavil, et
legit corani me, (luoniam, etc. (Tom. ii, [lag.
C18). »
Bernoldus, au rapport du même llincmar,
étant atteint d'une grande maladie, demanda
avec eniju-esseiiienl son confesseur : « Ut quan-
tocius currerent et confessorem suum velo-
citer ad se venire rog irenl fibid., p. SO.")). »
VI. Il n'était pas moins ordinaire chez les
Grecs d'avoir un confesseur propre elalfecté, et
de le clioisir plutôt entre les religieux qu'entre
les ecclésiastiques.
Dans rai'tion ix du concile VllI général, le
protospatliaire Tliéodore confesse qu'il avait
commis im parjure contre le saint patriarche
Ignace, mais (lu'il s'en était confessé à un
moine cub)nnaire, qui avait passé (piaranle
ans sur une colonne; qu'il ne savait pas s'il
était prêtre, mais (pi'il était abbé, et qu'il lui
avait donné la pi'MJlence lie son crime. «Char-
tularius erat, et tonsus est, et fecit in columiia
quadraginta annos; si sacerdos erat, nescio,
sed abbas erat, et babebam fidem in homi-
nem. » Il est indubitable que si cet abbé n'était
pas prêtre, il ne pouvait absoudre ce péni-
tent.
Dilsamon nous a conservé les réponses d'un
synode de Constantinople sous le patriarche
Nicolas, et sous rem|)ereur Alexis Comnène,
aux interrogations de quel(]ues religieux entre
lesquelles je remarque celle-ci : Si l'on doit
observer la collection des canons faite par le
patriarche Jean le Jeûneur dans l'imposilion
des pénitences? « An oporteat, ut vult canoni-
cum Jejunatoris, canonice se gerere?» Le con-
cile répondit que les relâchements de ce livre
pénilentiel avaient causé la perte de plusieurs
âmes. « Hoc jus cauonicum Jejunatoris, nimia
indulgenlia usum multos perdidit. » A quoi
Balsamon ajoute cette réflexion : « Videmus
ergo quod permulti ex monachis , (jui homi-
num peccatorura confessiones audiunt, cum
eo jure canonico se canonice gerunt. »
Vil. Il faut de l.i conclure : t° que les moi-
nes orientaux étaient beaucoup occupés à écou-
ter les confessions; 2° que dans leurs doutes ils
avaient recours auxoracles vivants de la vérité,
c'est-à-dire aux évêques et aux conciles; 3°
qu'il y avait dans l'Orient aussi bien que dans
l'Occident des livres pénitentiaux qui ne ser-
vaient qu'cà autoriser la mollesse et l'impunité
des crimes ; i" ipie i^lusieurs d'entre les reli-
gieux conformaient leur conduite à ces auteurs
relâchés; mais iju'il y en avait aussi [ilusieurs
qui aimaient mieux apprendre des évèiiues les
régies sincères et exactes de la direction des
âmes ; 5° que les auteurs de cette direction
relâchée sont quelquefois ceux dont la vie est
la plus éloignée de toutes sortes de relâche-
ments, tel (|u'étail ce célèbre Jean le Jeûneur.
Vlll. Il est vrai néanmoins que le même
Balsamon remarque ailleurs que les conciles
ont laissé aux évêques un suprême pouvoir de
modérer les rigueurs des canons et des péni-
tences, non-seulement en faveur de ceux qui,
liar la ferveur de leur charité, méritaient qu'on
leur iliiuiuuâl le temits de leur pénitence,
mais aussi par une condescendance nécessaire
[lour ceux dont les faiblesses ne sont pas capa-
Idcs de l'ancienne sévérité des pénitences cano-
niques (In Can. en Conc. TrulL). D'où il infère
(]ue le confesseur doit être instruit, non-seule-
ment des canons, mais aussi des coutumes qui
sont plus accommodantes, et traiter les faibles
DES MINISTRES DU SACREMENT DE PÉNITENCE, etc.
403
selon ces accommodements de la coutume ou
de la compassion, puisque c'est de quoi ils sont
susceptibles.
Ce sont les termes du dernier canmi du con-
cile in Trullo: «Nosenini utraquescire opor-
tet ; et (juje sunt simimi juris, et quœ suiitcoii-
SUetudinis : -k zri à/.f.psii;, xaî Ta Tr; ouMEÔcia;. lu iis
autem qui exhenia non adniittutit, sequi for-
mam traditam , queniadmodum sanctus nos
docet Basilius. »
Balsamon a observé que ce n'était pas sans
raison que quelques-uns avaient lu ces ternies.
Ta ifi% (rju.7rœ6£Îa« au licU de CeUX-cl, Ta -.r.', <j-j/=6i{i;,
parce que ces coutumes sont toujours compa-
tissantes et accommodées à la faiblesse de ceux
qui ne sont pas susceptibles d'un droit liiiou-
reux.
IX. Quant aux abbés, le même Balsamon In
Can. VII Synodi vu), reconnaît ailleurs (jue,
par la permission des évèques qui leur avaient
conféré la prêtrise, ils écoutaient les confessions,
non-seulement de leurs religieux, mais aussi des
personnes séculièi'es ; ce (ju'ils ne pouvaient pas
s'ils n'étaient pas ordonnés prêtres, quoique
quelques-uns de ceux qui n'étaient pas [)rètres
s'ingérassent dans ce divin ministère. « Nota
quod qui sine episcopali permissione hominura
confessiones excipiunt sacrati monaclii, maie
faciunt, multo autem magis non sacrati. li
enim nec cum permissione episcopi possunt
taie quidquam exercere. »
Ainsi, suivant Balsamon (In Can. vi Synodi
Carthag.), un synode déclara qu'il fallait abso-
lument être prêtre pour être élu abbé d'un
monastère, dont les constitutions oblij^eaient le
supérieur de confesser ses religieux. Car il y
avait plusieurs monastères dont les abbés n'é-
taient pas prêtres (ïsomasvoi àv.Epoi) ; aussi Balsa-
mon assure qu'ils ne confessaient pas, non plus
que les supérieurs des monastères.
X. Cet auteur conclut au même endroit, que
si, selon les canons de Cartbage, un prêtre ne
peut réconcilier un pénitent pressé d'une dan-
gereuse maladie, qu'avec la permission de
l'évéque : à plus forte raison il ne pourra rece-
voir les confessions des personnes saines sans
la permission de l'évéque, à qui le pouvoir des
clefs a été confié.
« Non potest sacerdos eum reconciliare , sed
débet interrogare episcopum, qui obtinet locum
Apostoli, et accepit a Deo potestatem ligandi et
solvendi et cum ejus permissione facere recon-
ciliationtm, etc. Si ergo nec extremam quidem
reconciliationem dat sacerdos absque episco-
ludi permissione, ut ([ui non liabeat facultafcni
ligandi et solvendi, muilo magis nec sani con-
lessionem accipiet (In can. vu Carthag.). »
Après cela Balsamon ajoute que le patriarche
Michel décerna la peine de déposition contre
les prêtres qui confessaient sans la permission
de l'évéque.
Ces permissions, également nécessaires aux
prêtres pour remettre les péchés, n'étaient
jamais refusées aux religieux, si nous croyons
ce que le même Balsamon ajoute, que c'étaient
les seuls prêtres religieux h qui les fidèles se
confessaient; ce qui était une décharge et un
soulagement pour les évêipits et pour les curés ;
mais c'était en même temps un fardeau très-
pesant et très-périlleux pour les religieux. Il
faut croire que c'a été par un em|witement de
zèle ou d'intérêt que Balsamon a dit que ce
n'avait été que par les charmes d'une longue
hypocrisie que les moines s'étaient attiré tout
ce crédit (Supplem., p. 1123).
« Hominum autem confessiones non suscipere
sacerdotes , sed solos monachos sacerdoles ini-
(luum est. Puto autem «juod ex hypocrisi hoc
ab eis usurpatum sit. Et propterea tarde
omnino, nolo enim dicere nullo modo, quis
episcopo vel sacerdoti, qui non sit monachus
suam confessiouem crédit. Quod (juidein sa-
cerdolibus et episcopis est bealissimum, mo-
nachis autem periculosissimum. »
Il semble que Balsamon n'ignorait pas le
correctif de ce désordre, puisqu'il ajoute que la
puissance des clefs doit être commise à ceux
(|ui en sont les plus dignes. Ainsi les curés et
les autres prêtres n'ont qu'à vivre plus régu-
lièrement que les réguliers même , et ils
acquerront bientôt la confiance de tous les
fidèles.
XI. Au reste il était bien difficile que dans
l'Eglise orientale, où les prêtres étaient ordi-
nairement mariés et embarrassés dans le gou-
vernement de leur famille, les laïques eussent
pour eux la même ouverture de cœur et la
même confiance que pour les religieux.
Aussi Zonare ne met au rang des pères spi-
rituels que le patriarche , les évèques et les
moines, quand il se plaint de leur lâche com-
plaisance pour la mollesse affectée des séculiers
dans leur barbe et leur chevelure. aNon patriar-
cha?, non alii pra»:-ules. non monachi demum,
quos parentiun spiritalium loco, tam insigniter
inverecundi homines habere se profitentur, non
40i
DU SECOND ORDHE DES CLERCS. — CHAPITKE DOUZIEME.
quisqiiain omnino est, qui bœc prohibeat (In
Can. Tnill. 00). «
XIF. Harménopule raconte, dans son Epitome
descanoiis, (ju'iin soldat qni était coupable d'un
homicide volontaire, ayant été absous par son
évêque après une pénitence fort légère et de
fort peu de temps, le concile tenu sous le pa-
triarche Luc (St-ctione iv, tit. 3), renvoya ce
soldat dans la carrière des pénitences cano-
niques et suspendit l'évêque de son ministère,
lui faisant savoir (jue si les canons laissent aux
évêques le pouvoir de tempérer la sévérité des
peines par une sage condescendance, ils ne leur
pernielttnt pourtant pas de su liisser aller à
une excessive facilité et à une complaisance
mortelle. « Non tamen ut cilra explorationem
et nimia commiseratione uterenlur. »
Il témoigne aussi que le patriarche Nicolas
se déclara contre le livre pénitenliel de Jean
le Jeûneur, dont l'extrême indulgence causa
la ruine spirituelle de jikisieurs personnes.
« Scriptum ilkid cinonum Jejunatoris, quod
nimiam lenit.iteni adliibeat, multos perdidit
(Ibid., tit. IV). »
En effet, s'il n'est pas permis, dans les ren-
contres particulières, d'user d'une excessive
indulgence, et de lier avec des filets d'araignée
ceux ([u'il faut serrer avec des câbles, comme
il fut dit dans le synode du patriarche Luc,
dont nous venons de parler, « Antistitibus qui-
dem licet canonicas pœnas augere, vel mi-
nuere : aranearum aulem filis ligare , quœ
debent tribus rudentibus alligari , non conces-
sum est, » il est bien moins licite de publier
des lois et des règles générales, qui autorisent
ces lâches acconnnodements (Juris Ori., tom.
I, p. 225).
Quoi(jue Balsamon ait paru assez exact dans
l'observation des canons et des lois, on ne laissa
pas de l'accuser de trop de complaisance et de
trop de facilité dans ses résolutions [<.m e(; Ti-iv
à^igtla; £xou.Eva). Ce fut le Sentiment de Jean ,
évèijue de Cilre, dans ses réponses à Cabasilas.
A[)rès cela on ne i)eut douter qu'il ne soit tou-
jiiursresté(|iiel(|ue différend entre lesseclateurs
mêmes d'uni! ligonreuse discipline, et qu'il ne
failleencore bien prendre garde de condanmer
ceux dont les maximes ne conviennent pas par-
faitfinenl avec les noires (Ibid., p. 3.33).
XIII. Le plus sûr pour les religieux était de
suivre l(!S vcsligcis de leurévèque, et de recevoir
de lui U;s règles aussi bien que 1 1 |>uissance de
Conftïser. Aussi le saint ndii-ieux Tliéodose
ayant consulté sur plusieurs difficultés le car-
topliylace Nicéphure, d'abord il reçut de lui
cette instruction nécessaire :
« .'E'iuum est et jusium, ut praesulem tuum
Corinlhiaî Ecclesiœ ponlificem interroges, et
ab eo discas, nihilque sine ejus sententia circa
salutt-m animarum facias : sed nec confessiones
suscipias, aut gratiam concilies pœnitentibus ,
nisi accepta ab eo venia. Hoc enim vult apo-
stolica, et canonica Patrum institutio (Ibid.,
p. 341). »
Ce cartophylace proteste que toutes les déci-
sions qu'il donnera aux doutes proposés, sont
tirées des canons : mais ()ue lien n'est |)lus
opposé aux canons , il pouvait ajouter au droit
di\in, que de voir des religieux recevoir les
confissions des la'iques , quoiqu'ils ne soient
pas prêtres, cette coutume, quoique fort éten-
due, ne pouvant autoriser un désordre et un
renversement si visible.
« Monaclii autem non sacerdotes, qui aliquo-
rum confessiones su5ci|iiunt, ligantes atque
solventes, sciant se contra canones id facere.
Sancti Patres enini nec sacerdotes volunt sine
jussu antijtilis regionisconciliare pœnitentibus
gratiaiu , ut et canon synodi Carlhaginensis
déclarât. Nunc vero nescio quomodo ea sper-
nitur constitulio (Ibid., p. 3i2). »
XIV. iMais après avoir exhorté ce religieux à
lire soigneusement les canons, et à consulter
dans ses doutes son métropolitain, il ne laisse
pas de lui confesser que le pénitenliel de Jean
le Jeûneur a été formé par cet esprit d'une
sage et charitable condescendance, que saint
Basile a tant estimé, et que les canons mêmes
recommandent si souvent, parce qu'il faut tou-
jours ménager la rigueur des lois, avec les
tempéraments de la coutume.
«Qnoil attiiiet ad édita a JohanneJejunatore,
consuetiulinem recepinius,adeo uljuxtaunius-
cujusque vires jiœnitentias dispensemiis. Cuin
enim Basilius moiieat, etc., non miruin si Jo-
liannes Jujunatorex canonis hujus (lersiiasione
juxta datam sibi si)iiitalem gratiam quidpiam
iimovarit, ad ulilitatem prorsus divinam
(Ibid., p. 343, 344).»
Quciique dans les rencontres particulières on
doive user de condt scendance, selon Ks règles
de Jean le Jeûneur, cela n'empêche pas que
généralement il ne faille s'attachera une étude
sérieuse et a une religieuse observance des
caïKiiis. c( Aillia'reniliini ergo est lis (pi;e syno-
dice promulgata et confirmata sunt; deinde
DES MINISTRES DU SACUtMKNT DE PÉMTEiNCE, etc.
40:->
cti.im et perfonarum et ttinponini morunique
qiialitite dispensatio facienda, magno Basilio
permittttite. »
Voila la concorde qu'on peut mettre entre
cesopiiiionsdiversts sur la compilaiiondeJean
le Jeûneur, et sur les conduitt-s rigoureuses
des uns, et accommodantes di s autres, les uns
et les autres néanmoins ayant une passion sin-
cère,et faisant leurs eflorts [)Ourrélude et pour
Tobserxance des anciennes lois canonitjues.
Aussi ce même chartopbylace conclut excel-
lemment son discours, en disant que rien n'est
plus indigne de la profession des religieux et
des confesseurs que de s'excuser en di>ant
que les hommes ne peuvent pas seulement
souffrir qu'on leur parle de l'observation des
canons ; parce que ceux qui ne reçoivent pas
les canons ne méritent pas le nom de cLrétiens.
« Caeterum tua virtute illud indigiium est,
quod dicis : Homines ne audilu quidem cano-
uica pr accepta ferre. Qui enim ea non admit-
tunt, nullo modo sunt ebristianorum partium
(Ibid., p. 343. 3-14). »
XV. Il était si ordinaire dans l'Orient que
les confesseurs fussent presque toujours cboisis
d'entre les moines, que le patriarche d'Alexan-
drie Marc, demandant au savant Ba^amon,
patriarche d'Antioche, l'éclaircissement de
quelijues difficullés sur la discipline de l'Eglise,
il lui demanda si les prêtres séculiers pou\ aient
confesser avec la permission de ^é^êque. Bal-
samon répondit excellemment que les divins
Carions qui donnaient ce droit aux prêtres
avec le bon plaisir de lévèque, étaient plus
anciens que l'état monastique même, et qu'ils
donnaient ce pouvoir aux prêtres séculiers,
sans faire nulle mention des moines (Ibid.,
p. 372,>.au'.i; U:=b;, luterrog. 19).
11 est clair de là que l'on ne se confessait
presque plus qu'aux religieux, puisqu'on met-
tait en doute si les prêties séculiers pouvait nt
entendre les confessions, et qu'il fallait n mon-
ter jusqu'aux anciens canons pour soutenir le
droit des prêtres et des curés.
Voici une autre demande du même patriarche
Marc, encore plus surprenante (Interrog. .34;.
Si lorsque les abbesses demandent aux é\ê-
ques le pouvoir d'entendre les confessions de
leurs religieuses, on duit le leur accorder ?
Balsamon répond que les abbés mêmes qui ne
sont pas piètres ne peuvent pas confesser, et
qu'à plus forte raison ce pouvoir doit être refusé
aux abbesses (Ibid., p. 381).
Cette interrogation n'aurait jamais été formée
si les abbesses n'eussent jamais fait d'aussi
téméraires entreprises, et si elles n'yeussent été
in\iléi s par l'exemple extravagant de quebjues
abbés et de quelques moines, qui ne laissaient
pas de confesser, quoiqu'ils n'eussent pas été
honorés de la préirise. Nous allons voir dans
les Capitulaires une pareille témérité dans
quelques abbesses.
Dans le même corps du droit oriental, on
peut encore lire le formulaire delà permission
et des instructions que les évêques donnaient
aux confesseurs, en leur reconuiiandant l'ob-
servance exacte des canons, accompagnée
néanmoins de cette charitable discrétion quien
dispense dans les besoins pressants. Or ce for-
mulaire n'est adressé qu'aux religieux, d'oii
on peut conjecturer avec (juelque raison que
c'était à eux qu'on se confessait ordinairement
(Ibid., p. 437).
On peut encore bien juger que les confessions
étaient fréquentes dans l'Orient, de ce que le
même Bals. mon, après avoir dit que quelques-
uns estimaient que le.- jeunes enfants de l'un
et de l'autre sexe devaient se confesser à l'âge
de douze ou de quatorze ans, qui est leur âge
de puberté, déclare néanmoins que sa propre
expérience et les décisions synodalts lui ont
persuadé qu'il fallait les faire confesser à l'âge
de sept ans (Ibid., p. 386). 11 allègue un concile
de Con>tantiiiople, qui traita comme bigame et
irrégulier un clerc qui, après avoir épousé
une fille âgée de sept ans, en avait encore
épousé une autre apièslamort de la j'rtmière.
Car ce concile jugea que la fille, a ràgedese[>t
ans, fsl susceptible de passion, et pouvait cesser
d'être fille.
XVI. Quelques plaintes qu'on ait faites eu
Orient de ce que les séculiers ne se confes-
saient plus qu'à des n ligieux, c'est peut-être à
ces religieux qu'on a l'obligation de la vigueur
où les canons pénitentiaux sont encore dans
l'Eglise grecque, tant pour les pénitences
secrètes que pour les publiques ; au lieu qu'elle
est presque entièrement abolie parmi les
Latins.
Les moines véritablement se sont aussi em-
ployés aux confessions dans l'Occident, comme
il paraît par siint Romuald, qui donna po ir
pénitence à l'empereur Othon d'aller à pied au
Mont-Gargan.et aprèsceladese faire lui-même
religieux Petrus Damianus, in vita sancti
Romualdi).
406
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
Mais il est très-certain, commiî on le peut
assez jup^er des canons qui ont été cités dans
les chapitres précédents, que c'étaient les curés,
les prêtres séculiers et les évè^ues qui étaient
les plus ordinaires ministres du sacrement de
pénitence dans l'Eglise occidentale.
XVII. Ce que j'ai avancé des confessions que
les religieuses faisaient à quelques abbesses
dans l'Occident, aussi bien que dans l'Orient,
se justifie p;ir les capitulaires de Cliarleniagne,
qui défendent aux abbesses de s'ingérer à
l'avenir dans les fonctions sacerdotales qu'elles
avaient usurpées, de donner la bénédiction,
d'imposer les mains, en faisant le signe de la
croix sur la tête des hommes, et de voiler les
vierges.
Ces bénédictions et ces impositions des mains
imitaient vraisemblablement celles qui ac-
compagnent le sacrement de la pénitence, et si
les abbesses téméraires et audacieuses se don-
naient cette liberté sur les séculiers, on ne peut
douter qu'elles n'en usassent aussi envers leurs
religieuses. « Audilum est aliquas abbalissas
contra morem sandre Dei Ecc'esiœ benedi-
ctiones et manus impositiones, et signacula san-
ctîccrucis super cipita virorumdare, necnon et
velare virgines cum benediclione sacerdotali,
quod omnino a vobis sanctissimi Patres in ve-
stris parochiis illis interdicendum esse scitote
['Capital., 1. 1, c, 76). »
Les abbesses avaient succédé aux diaconesses ;
les diaconesses n'avaient jamais rien entrepris
de seiiil)lal)le , puisque les diacres mêmes
n'avaient jamais eu le pouvoir d'absoudre les
péchés. Les abbés ont quelquefois reçu les
confessions, (pioiqu'ils ne fussent point prêtres.
Mais ces abus ne devaient point servir à ré-
veiller l'ambition des abbesses. Toutes ces en-
fre|)rises irrégulières furent justement con-
damnées.
Voici une pratique au contraire Irès-louable.
Les saints Pères, après l'apôtre saint Jacques,
ont exhorté les laïques de s'humilier en se con-
fessant mutuellement leurs fautes, et de prier
les uns ])our les autres; c'est ce qui se pratique
encore dans les cloîtres. Les moines et les ab-
besses mêmes avaient peut-être cru pouvoir
écouter ces sortes de confessions, y donner des
avis salutaires, et prier pour ceux qui end)ras-
saicnt ces religieuses prati(]uesdhnniilité pour
expier les fautes légères et journalières, sans
prétendre que ce fût une confession, ou une
absolution sacramentelle.
CHAPITRE TREIZIEME.
ou l'on TUAlfE DES C\S RÉSERVÉS, A L 0CC.\S10N DU PE.MTENCIER, ET PREMIÈREMENT
DE CEUX yUI SONT RÉSERVÉS AU PAPE, APRÈS l'AS MIL.
I. Les granJs crimes étaient réservés aux évèques, et les
évêques en réservèrent eux-mêmes quelques-uns des plus
énormes au pape. Divers exemples de cela.
II. Les conciles où les évèques firent cette réservation de cas
énormes au Saint-Siège, pour en donner plus d'horreur.
m. Cette réservation des cas ne tendait à rien moins qu'a
une augmentation d'autorité et d'empire.
IV. Quelles espèces furent réservées.
V. Les papes relilchent eux-mêmes quelque chose de la ri-
gueur de ces réservations.
VI. Les pénitents faisaient eflectivcment le voyage de Home,
et c'était la une partie de h pénitence.
VII. Nouvelles preuves de tout ce qui vient d'être avancé.
VIU. Nouvelles preuves que les évêques ont commencé ces
réservations de crimes au pape, et que les pénitents allaient en
personne à Rome,
IX. Les coupables des crimes réservés au pape devaient pre-
mièrement venir à l'évèque.
X. On continue de renvoyer au pape les cas les plus énormes.
XI. Quand on a cessé d'aller à Rome.
XII. Réponse à une objection.
1. Nous avons remar(iué ci-dessus trois fonc-
tions principales des pénitenciers, et nous n'en
avons éclairci que la première, tpii est celle de
recevoir les confessions des bénéliciers de quel-
ques parties du diocèse, si c'étaient des sous-
|)énitenciers;ou de tous les diocésains en géné-
ral, en suppléant au défaut de l'évèque, ou
DES CAS RÉSERVÉS AV PAI'E.
407
abspiit, ou occupé ailleiir.>, s'il s'at;issait du
grand-pciiitciuicr. Il nous reste à tiaitcr des
deux autres fonctions, savoir, d'absoudre des
cas réservés, et d'imposer les pénitences publi-
ques.
Commentant par les cas réserves, nous re-
marquerons d'abord que l'on ne distinguait
pas encore les cas réservés au pape d'avec ceux
qui sont réservés à l'évéque, lors()ue les évo-
ques commencèrent eux-mêmes de renvoyer
au jiape, ou la décision des cas les plus embar-
rassants, ou l'absolution des crimes les plus
énormes, et qui par conséquent avaient été
jus(|u'alors réservés à leur juiidiction.
Entre les épîties du pape Alexantlie 11 , il y
en a plusieurs , où il paraît que les pénitents
qui étaient tombés dans de grands crimes, jiar-
ticuliértnient le? liomicides, étaient envoyés au
pape, ou y allaient de leur propre mou\tmeiit,
pour y recevoir de lui la pénitence et l'absolu-
tion de leurs crin)es.
Le concile de Limoges, tenu en 103 i, rap-
porte aussi divers exem|)les des honucidts et
autres criminels, renvoyés par les éxèques au
pape, comme nous dirons ci-dessous.
Le pieux et généreux Ives de Cbarlres pro-
testa bien contre l'absolution qu'un cardinal
prétendait donner à un gentillionune, encore
impénitent, et qui avait été excommunié,
comme coupable d'adultère public (Lpist. xxrx,
XXX, XXXI, xxxin, xxxvi ; mais ajirès que la
femme de ce gentilhomme lût morte, h es voyant
qu'il lui faisait de nouvelles instances pour être
absous, quoiqu'il ne congédiât point son infâme
concubine, il l'envoya au pape avec des lettres
qui exposaient son crime, et qui remettaient
le tout à la décision du Saint-Siège. « Dtdi ei
litteras, seriern cau=a> cjus continentes ad Domi-
num papam , ut cognita veritale , quod inde
vellet ordinaret , et mibi remandaret. Hoc re-
sponsuniex|)ecto,ncc aliter mutabosentenliam,
nisi aut ex ore cjus audiam , aul ex litteris in-
telligam (Episl. xcvui). »
Uuoique ce prélat s'attendît, selon la coutume,
que le pape lui renvoyât le pénitent , avec la
résolution de la conduite qu'il devait tenir en
son endroit : « Quod ytUet, ordinaret, et mibi
remandaret; » néanmoins c était en réseiver
au pape labsolution, puisqu'il ne devait ou la
donner, ou la suspendre que par ses ordres.
Voici un exemple d'une autre natuie. où le
même saint prélat envoya au pape Pa^cal II
im pénitent pour y être déchargé d'une paitie
de sa pénil<'nce, selon le jugement et la sagesse
du Saint-Siège.
l'n gentilhomme, par un outrage inouï, a\ait
nuitilé un prêtre, religieux de Bonneval. Ives,
évèijiie de Chartres, lui imposa quatorze ans
de pénitence, avec défense île porter les armes.
Il se soumit à une si juste rigueur; maisquel(|ue
temps après, il lit toutes les inslaiices possibles
afin (ju'on lui permit l'usage des aimes contre
(|Utl(|ues ennemis qu'il aiipréheudail. Ives le.
remit au i)a[ie, afin ipie les tra\aux du pèleri- •
nage de Rome ser\issent a exjiier en partie son ,
crime , et le disposassent à mériter quelque
indulgence du Siège a]iostoli<|ue.
« lîeseï vantes itaque banc indiilgentiam apo-
slolicœ moderationi , ad Apostolornm liniina
eum duxerimus : qiiatenus et faligalione iti-
neris liujus pcecaliim suum diluât, et apud
pietatis vestrœ viscera, ''miseiicordiam quam
Dcus vobis inspiraverit, iuMuiat (Epist. clx). »
II. Le ]iape Innocent II dèltndit bien, dans
le concile de Reims, en 1131 (Can. xiii), que les
évèques mêmes ne levassent point lanathème
dont ceux qui ont traité avec outrage les clercs et
les moines sont liés, jusiju'a ce que les crimi-
nels se fussent pièsentés au pape, et que le
pape eût mandé aux évoques comment ils
devaient en user. « N'ullus e])iscoporum illuni
prœsumat absolvcre , donec aposlolico con-
spectui prsesentetur, et ejus mandatum susci-
piat. »
Mais nous avons déjà vu, et nous verrons
encore ci-dessous , que ce furent les évêques
qui , ne pouvant réprimer l'insolence sacrilège
de ces persécuteurs des clercs, résolurent de
ne plus les absoudre et de les renvoyer tous au
pape. La résolution même de ce concile partait
de la bouche et du consentement de tous les
évèques.
Aussi Guillaume de Neubiige dit qu'en
lli-2, les évèques d'Angleteire ne trouvant
jioiiit d'autie moyen d'arrêter une si hoirible
violence, firent le même décret (Chronica Nor-
man., an. 1142, Paris).
Ce cation du concile de Reims (Conc. Rem.,
1. 1, c. 10, can. xvu. An. 114-2), hit conlirmè
dans le concile 11 de Latran, en 1139 (Conc.
Later. II, c. xix, xx), sous le même jaipe, aussi
bienque lautre, où 1 ab^olution des incendiaires
est défendue aux évêques tt aux archevêques,
jusiiu'à ce que les coiqiables aient servi dans
les exi)édilions saintes , ou dans les croisades
de Jeiusaleiii ou d'Espagne l'espace d'un an.
108
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE THEIZIÈME.
« Pœnitentia detur, ut Hierosolymis, aut in
Hispania in servitio Dei per integruni annum
pennancat. Si quis aiilem arohiepiscupus vl4
episcopus lioc relaxaverit, damniiiii restituât,
et per annum ab episcopali oflicio abstineat. »
Il ne faut |)as omettre la conclusion remar-
quable (le ce canon , [)ar laquelle le pape ou
les conciles de Reims et de Latran déclarent ,
(|ue par là ils n'empêchent pas que les rois et
les princes ne fassent justice de ces incen-
diaires, avec l'avis des évèques. « Sane re^nbus
et principibus faciendœjustitiae facultatemcon-
sultis arcbiepiscopis etepiscopis non ne^'amus. »
Cette clause suppose que la justice royale
épargnait ceux que l'Eglise avait déjà mis en
pénitence, par un droit de prévention, fondé
sur la piété et la clémence des princes chré-
tiens, et sur l'usage ancien dès le règne de
Charlemagne , comme nous avons dit ailleurs.
Or, (juoiqu'en haine des incendiaires, ce
canon semble les abandonner à la justice des
princes, néanmoins le conseil des évèques,
qu'on les invile à suivre, ne peut rien faire
cramdre de sanglant.
Il faut rapporter à la même maxime ce qui
est raconté par Guillaume de Neubrige, que
le roi Henri 11, d'Angleterre, renvoya au juge-
ment du pape les détestables assassins du
saint et illustre martyr, Tuomas, archevêque
de Caiitorbéry , afin qu'il leur imposât la péni-
tence publique, ce qu il lit en les envoyant
avec les croises de la Palestine.
a Parcendum eis duxit, et tam famée suœ,
qiiam illorum saluti prospiciens, Sedi eos Apo-
slolicE ad suscipiendum solemneni pœuiten-
liam praesentari prœcepil. Quod et factum est.
Naui stimulante conscientia Romam profi cti ,
ad agendam iiœuiteiitiam a sinumo ()ontilice
Jerosolymam sunt profecti , etc. (L. u, c. 23). »
L'assassinat exécrable d'un si grand pontife
était sans doute réservé an pape , et le roi y eut
égard, ou en fit semblant. Nous apprenons d'un
concile de Limoges que saint O.lilon consulta
le pape au sujet d'un de ses leligieux, qui
n'était entré dans Cluny que pour expier le
meurtre détestable qu'il avait commis contre
la personne sacrée d'un évoque. Le pape lui
écrivit que, bien loin de le présenter aux
ordres, il ne devait pas même lui permettre
de communier qu'à l'article de la mort (Bibl.
Clun., p. 338).
ill. Ces exemples donnent fondement à deux
remarques importantes.
La première est : que l'esprit et l'intention de
l'Efilise , dans cet usage de réserver des cas an
pa|ie, ou a révè(]ue, n'élaii nullement de signa-
ler leur juidiclion et L-ur autorité dominante
sur ce'\e des prêtres , en leur réservant l'abso-
lution des ciimfS notables. C'était bien plutôt
pour opposer des obstacles plus invincibles à
l'impunité des crimes, et pour procurer des
pénitences et des satisfactions plus propor-
tionnées à leur énormité.
Qu'on repasse sur tous les exemples précé-
dents, on verra clairement qu'on envoie les
pénitents au pape , afin qu'il leur impose la
liénitence publique, ou iju'il l'augmente, ou
qu'il l'adoucisse par l'effusion des trésors de la
clémence apostolique, ou en vue des pénibles
travaux d'un si long pèlerinage; enfin le pape
renvoyait ordinairement ces pénitents à leur
évêque , pour être absous. Aussi quand les
évèques se sont plaintsde lafacililé avec laquelle
on déliait à Rome ceux qu'ils avaient liés , ils
n'avaient égard qu'à l'impénitencede ceux qui
extorquaient ces absolutions.
IV. L'autre remarque est : que les évèques
ne crurent pas pouvoir autrement faire respec-
ter la cléricalure, qu'en remettant au pape
seul l'absolution des outrages faits aux ecclé-
siastiques.
Voici comme Matthieu Paris parle du con-
cile de Londres, en 1142. « NuUns lionor vel
reverentia ferebalur Dei Ecciesiae, vel ejus
ordinalis a prœJonibus sceleratis; sed aeque
clerici et laici capiebantur, redimebantur, et
in vinculis tenebantur. Sancitiun est ergo ibi,
et generaliter consliluluin , ne ab alio quam a
pap 1 possit absolvi , qui , etc. »
Robert du .Mont dit (|u'après ce décret les
clercs commencèrent un peu à respirer. « Unde
clericis aliqnantulum serenitatis vix illuxit. »
Tous les historiens d'Angleterre disent qn'au-
])aravant les meurtres en étaient très-fréquents,
parce qu'ils étaient imi)unis selon les lois civiles
d'Angleterre, dont nous dirons ailleurs la rai-
son.
Les incendies n'étaient pas moins fréquents
([lie les attentats sacrilèges contre la personne
des clercs ; ainsi on les réserva au pape. Dans
le même canon, « Qui Ecclesiam violaverit,
etc. » Et avant cela, le pape Innocent II, dans
les conciles de Reims et de Latran, avait envoyé
à la croisade les incendiaires, comme nous
venons de dire. Les guerres, qui étaient alori
très-ordinaires entre les parliculiers mêmes,
DES CAS RÉSERVÉS AU PAPE.
409
comme l'on sait, donnaient occasion à ces vio-
lences étranges. On tâcha d'abolir ces guerres
pnrticnlièrus, et on comLimna sous des peints
extraordinaires cet excès comme le plus perni-
cieux.
Les croisades de la Palestine et pour l'Espagne
étaient d'une part d'une extrême consé([uence
pour la clirélienté. Le pape les imposait pour
pénitence des plus grands crimes. Ainsi il se
réserva le pouvoir d'en ab-oudre, ou d'en dis-
penser. Tous ces canons furent renouvelés d ins
le concile de Reims, sous Eugène 111, en i 148.
Nous allons voir aussi ci-dessous la simonie
réservée au pape. C'est depuis cette inondation
de clercs simoniatjues et incontinents au temps
de Grégoire VII , que la simonie commença à
être réservée au pape. En efTet, le Saint-Siège
seul remédia à ce désordre etfroyable.
V. Mais Alexandre III, consulté par l'évêque
de Siguenza en E-^pagne, fut obligé d'apporter
quelque tempérament à la rigueur de ces
réservations de cas, en permettant aux évêques
d'absoudre non-seulement les malades , à con-
dition qu'après leur santé recouvrée, ils feraient
le voyage de Rome, mais au<si les femmes, les
enfants et les vieillards. « Statut vero femineo,
et pueris , ac senibus super hoc satis te credi-
mus posse libère dispensare(Append. 111. Conc.
Later., par. ult., c. ult.). »
VI. Ce décret nous fournit une réflexion fort
utile. C'est que ceux qui voulaient être absous
de ces cas réservés au Saint-Père, faisaient
effeclivement le pèlerinage de Rome comme
pénitents. Cela est clair, puisque le pape per-
met à l'évêque d'absoudre ceux à qui leur sexe,
leur âge, ou leur infirmité ne permettent pas
d'entreprendre ce voyage. En efTet, ce pèleri-
nage même passait pour une partie considé-
rable de la pénitence, et rendait le pénitent
plus digne de la dispense, ou de l'indulgence
du Siège apostolique.
Ce fut sous ce même pape que saint Lau-
rent , archevêque de Dublin , en Irlande , ren-
voya à Rome en un même temps jusqu'à cent
cinquante de ses prêtres , convaincus d'incon-
tinence , quoiqu'il put bien les absoudre lui-
même , comme le témoigne l'auteur de sa vie.
« Licet tanquam arcliiepiscopus posset , lamen
nolebat absolvere , sed ad Romanain Ecclesiam
absolvendos deslinabat (Raronius, an. 1179,
n. 34). »
VII. Toutes ces remarques se peuvent véri-
fier par un canon du concile d'Avignon, en
1209 (Can. xiu), où les évêques des quatre pro-
vinces de Vienne, d'Arles, d'Embrun et d'Aix
étaient assemblés avec les légats du pape. Il y
est ordonné (|ue pour opposer une digue plus
foite aux [)arjures et au mépris tles censures
ecclésiastiques, ceux qui auront été convaincus
de parjure, ou qui auront passé six mois sans
se faire absoudre de l'excomuiunication , ne
pourront à l'avenir être absous que par le pajic,
qu'ils iront eux-mêmes recevoir leur absolution
à Rome; et si ce sont dc-s bénéficiers, lisseront
privés de leur bénéfice, sans pouvoir y être
rétablis par autre que par le pape, ou par ses
légats.
« Contra publiée perjuros, seu convictos de
perjurio, et eos qui perlinaciter in excommu-
nicatione per sex menses permanserint, pro eo
quod faciles sunt homines ad perjuria et ad
censuram ecclesiasticam contemnendam , spe-
cialem et novum canonem promulgimus , sci-
licet, ut nulli episcoporum liceat liujusmodi
analhemalizatos absolvere, sed ad Sedem apo-
stolicam, sicut sacrilegi et incendiarii , absol-
vendi mittantur. Perjuris vero praeter aliam
satisfactionem, dictam Sedem in praesentia visi-
tare injungitur. Si forte clerici fuerint, in
utroque casu ab officio etbeneficioecclesiastico
re(iellantur; ad quorum neutrum restitui va-
leant nisi per Summum Ponlilîcem, vel ipsius
legaium. »
Il est visible que ce furent les évêques qui
firent ces réservations de cas énormes au pape,
et qu'on en allait recevoir l'abolition à Rome.
Hildebert, évèque du Mans, fut consulté
par un autre évêque sur le rétablissement d'un
prêtre qui avait frappé d'une pierre, et tué
de ce coup un voleur qui était près de le
tuer, et qui avait jiour cela été suspendu
depuis sept ans. 11 lui répondit (|ue ce n'était
pas son avis que ce prêtre put jamais être réta-
bli dans les fonctions sacerdotales ; mais que si
ce cas était arrivé dans son diocèse, il aurait
renvoyé ce prêtre au pape, pour apprendre et
pour recevoir du S ége apostolique une réso-
lution [)lus certaine. « Si siinilealiquid in coni-
missa mihi parochia coiitigisset, reum ad
apostolicam misissem audieotiam, quatenus
ex consilio illius, et ego instriierer, et peccator
de relormitione sententiam susciperet certio-
rem (Epist. lx). »
Guillaume, évêque d'Auxerre, qui fut élu
en 1206, ramena au devoir quelques seigneurs
rebelles par la pénitence publique, par des
410
DU SECOND ORDRE DES CLERCS.
CHAPITRE TREIZIEME,
amendes pécuniaires, par le pèlerinage de
Rome, pour aller demander l'absolution du
pape, et par cet exemple il donna la terrciu- à
tous les autres.
« Ejus et infantimi cdomuit supcrbiam,
quos taliter publicam subire pœniteutiam,
cum pecuniarum cmendatione coegit, hoc
addito quod ipsi Scdcm a[)oslolicam ])ro abso-
lutione sua nibilominus adierunl, quo non
inunerito caeteri terreri poluerunt, ne similia
contra eum altentarent (Hib. JISS. tom. i,
p. 480, 487). »
VIII. 11 est donc certain que ce furent les
évè(iues (jui cuvoycrcut les iirnitents à Romic,
pour y rece\oir du |pa|ie ou la conliruialion ,
ou l'augmentation , ou l'adoucissement tie la
pénitence qu'ils leur avaient imiwsée, ou cntin
l'absoluliou des crimes éuoiines dont ils étaient
convaincus.
C'est ce (jue nous apprenons encore excel-
lemment du concile 11 de Limoges, en l'Mi ,
où l'on justilia la conduite du pajie qui avait
al)S0us un comte excormnunié par son évoque,
par la réponse du pnjie mèjue à cet évoque,
au([uel il si' iilaignuit de ne l'avoir pas averti
de l'excommunication qu'il avait lancée, et il
révoquait ensuite cette absolution donnée par
surprise.
Les évèques de ce concile concluent de là :
que c'est leur faute de n'informer pas le pape
de ceux qu'iisjugentnedevoir pas être absous;
que c'est une maxime constante que si les évo-
ques envoient au pape les pénitents, il peut
ou augmenter leur pénitence, ou la diminuer,
parce que l'autorité principale des jugements
ecclésiastiques réside dans le Siège apostolique.
Que s'ils lui envoient ceux qui sont chargés de
crimes énormes, parce qu'ils hésitent eux-
mêmes sur la pénitence qu'il faut leur im()0scr,
le pape lient remédier à ces plaies mortelles,
selon (|u'il le juge à proj)os; mais (lu'enlin ces
absolutions <]u'on surprend par de mauvais
artilices sont nulles, et il n'est jamais permis
aux diocésains d'aller à Rome demander ou
l'absolution, ou la |iénitence de leurs crimes,
sans l'agrément de leur évêque.
« Aiiostolicus absque culpa est, et polius nos
culpaliiles stunus , nisi litlcrisnostrisei notum
facianuis, de quibus nolumus, utabsolvanlur.
Cum ergo taies dece|ierint apostolicum, ut
frauduknter absohantur ab eo, irrda est illa
absolulio, ideoque nec ab eo, nec a nobis con-
firmanda, etc. Hoc ab ipsis apostolicis Romanis
et cœteris Patribus cautum tenemus , ut paro-
cliiano suo episcopus si pœniiinliam imponit,
eumque papœ dirigit, ut judicet ulrum sit, an
non pœnitentia digna pro tali reatn, polest
eam confirmare autoritas paiw, aut levigare,
aut super adjicere. Judicium eiiim toliusEccle-
siœ maxime in apostolica Romaua Sede constat.
Item si epipco|)us parocbianum siuun cum
testibus vel lilteris apostolico ad pa'uitentiam
accipiendam direxerit, ut nniltoties pro gra-
vissimis ficri solit realibus, in quibus ejiiscopi
ad dign;im ba'sitant pu'uiteiiliam inqjonen-
dam ; hic talis liccnler a jiapa remedium
suniere jiolest. Nam inccinsulto ejiiscoiio suo,
ab Ajuistolico iiteniteutiam et absoluliouem
nemini accipere licet. »
Le concile de Séligenstadt, en I0">2, défendit
aux [lériitents d'aller a Rome sans la permission
de leur évêque, et leur ordonna d'accomplir
premièrement la pénitence de leur crime sur
les lieux mêmes, et ensuite prendre les lettres
de leur évêque, pour aller à Rome.
« Decrevit synodus, ut nullus Romam eat,
Jiisi cum licentia sui episcojii, vel ejus vicarii,
etc. Muiti tanla (alluiitur stultilia, ut pœniten-
tiam a sacerdotibus suis accipere noiint, in hoc
maxime confisi, ut Romam euntibus apostoli-
cus omnia sibi diniitlat jieccata. Sancto visum
est concilio , ut talis indulgenlia illis non pro-
sit : sed prius juxta modum delicti pœnitentiam
sibi dntam a suis sacerdotibus adimpleant, et
tune Romam ire si velint, ab episcopo licen-
liam et li Itéras accipiant. »
11 était impossible que les évèques envoyassent
aussi souvent, comme le concile de Limoges le
confesse, a ut nniltoties fieri solet,» que la
coutume ne s'établît enlin d'envoyer à Rome
les pénit+ints atteints des plus grands crimes,
et que la coutume ne se revêtît avec le temps
de l'autorité des lois, comme il est effective-
ment arrivé dans la suite. Nous avons vu les
canons des conciles (jiù ont réservé certains
ciis énormes au pape.
Ce sont là certainement les deux fondements
de ces réservations de cas au pape, savoir :
1" L'us;ige qu'avaient introduit les évèques eux-
mêmes d'envoyer à Rome les pénitents de leurs
diocèses, quand ils étaient coupables de cer-
tains péchés. Cet usage ayant passé en cou-
tume, il s'est formé dans la suite de cette
coutume une loi et une nécessité de le faire en
jiareils cas.
-2" Le consentement exprès des évèques donné
DES CAS RÉSERVÉS AU PAPE.
III
dans un concile, où ils ont anrté (jue l'absolu-
tion (li3 cerl;iins pùctiés devait (■tru rcservéi; au
souverain pontife à cause de leur énorniité, et
qu'il fallait envoyer à Rome ceux qui en
seraient coupables pour s'en faire absoudre par
le vicaire de J.-G.
A l'exception des péchés qui sont compris
dans l'une de ces deux circonstances, les évè-
ques ont nu droit universel d'absoudre de toutes
sortes de crimes. Et c'est là le fondement de la
dislinclion que les canonistes mettent entre les
dispenses et les absolutions, quand ils disent
que les évêques ne peuvent donner aucune
dispense, si elle ne leur est expressément |(er-
mise par le droit; mais (ju'ils peuvent absoudre
de toutes sortes de crimes, s'ils ne sont expres-
sément réservés. Parce que le caractère épisco-
pal contient une i)aissance tout entière de
remettre les péchés , mais non pas de relâcher
les lois ecclésiastiques (Fagnan, inl. i. Décret.,
par. 2, p. 208). Il faut cependant convenir que
le concile de Trente a reconnu que le pa[)e
avait le droit réservé d'absoudre des grands
crimes à cause du souverain pouvoir qu'il
exerce dans l'Eglise. «MeritoPontifices.Maximi,
pro suprema potestate sibi in Ecclesia universa
tradita, causas aliquas criminum gravioressuo
potnerunt peculiari judicio reservare. »
Il se pourrait bien faire que quelques-uns de
ces cas qui sont réservés au Saint-Siège, dans
l'extravagante de Paul II, auraient été réservés
par les papes mêmes (Extravag. Comm., I. v,
lit. IX, c. 3). Mais en les examinant de près et
en détail , on trouvera que ce n'est que l'intérêt
général de toute l'Eglise et de tous les évêques
qui les y a portés; comme les violements auda-
cieux de la liberté et de l'immunité ecclésias-
tique, ou les considérations particulières et
très-équitables de l'Eglise romaine et de son
patrimoine. Enfin |)Our ces espèces mêmes par-
ticulières , ou peut dire que ce n'est que le
consentement des évêques qui en a affei uii la
réservation au pape. Car le crime d'hérésie se
trouve dans les cas réservés au pape dans cette
extravagante.
Le concile de Tours, en 1.jS3, demanda au
pape qu'il rendît aux évêques le pouvoir d'ab-
soudre de l'hérésie, et de réconcilier les héré-
tiques. L'assemblée du clergé, en 1583 (lu
proeni.), résolut de faire la même demande au
pape, selon le rapport de duTaix. Le concile de
Rouen , en 1581 , avait fait la même demande,
protestant que cela était entièrement néces-
saire pour faciliter la conversion des hérétiques
eu l'ranccî. Le pape répondit ([ue cette licence
s'accorderait selon les bi;soins de la province,
à celui (ju'on estimerait le i)lus pro|)re.
Nos prélats français ne laissent pas d'en absou-
dre sans que le Saint-Siège y trouve à redire
(Du Taix, p. 8;îi. Tant il est vrai que la charité,
la concorde et la bonne intelligence entre le
pa[ie et les évêijues est comme le sceau et la
loi de toutes les lois ecclésiastiques. De là vient
que les statuts que nous avons cités ordonnent
que, pour les cas mêmes qni sont réserves au
I)a|)e . les confesseurs doivent premièrement
envoyer les pénitents à révê(jue.
IX. Delà vient (jue le concile d'Arles, en 1271
(Can. xu), après avoir fait une longue énumé-
ration des crimes les plus atroces, ordonne que
ceux qui s'en seront confessés seront envoyés
à l'èvèque, qui les absoudra, si le droit le lui
permet, ou les enverra au pape avec des lettres
de sa part. « Transmitlantur absolvendi per
ipsos e[iiscopos, si iil eis de jure coni])etit, alio-
quin cum eorum lilleris ad Sedeni apostolicam
transmUt.uilur. »
Le canon suivant contient encore une longue
suite de divers crimes, dont l'absolution est
réservée à l'évêque. D'où vient que le premier
de ces canons parle avec doute, et ne distingue
pas nettement les cas réservés au pape d'avec
ceux qui ne sont réservés qu'à l'évêque , si ce
n'est qu'il y avait quelque diversité de senti-
ments et de pratiques, et que quelques évêques
absolvaient de certains crimes que d'autres
renvoyaient au pape. L'hérésie en pourrait être
un exemple, car elle y tient le premier rang.
Mais l'évêque était le juge immédiat, selon ce
canon , de ceux qu'il fallait envoyer à Rome.
Le synode de Bayeux, en 1300, fait le dénom-
brement de plusieurs cas réservés au pape,
mais dont l'évêque peut absoudre les ignorants,
les enfants , les femmes , les moines , les vieil-
lards. Dans les constitutions synodales de Paris
il y a plusieurs statuts où ceux qui sont cou-
pables des cas réservés au pape doivent être
premièrement envoyés à l'évêque.
L'évêque était aussi quelquefois constitué par
le Saint-Siège comme inspecteur, et comme
l'exécuteur de la pénitence que le pape avait
imposée, afin qu'elle fût accomplie avec toute
l'exactitude possible. On en peut voir un exem-
ple dans le pape Jean XXII, qui renvoya à
l'évêque d'.\riano celui qui avait tué un évè-
que, après l'avoir absous de l'excommunica-
413
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
lion , et lui avoir imposé une Irès-rigoureuse
pénitence (Rainalfl., an. 1319, n. 13).
X. L'an 1391, les cas réservés au pnpe n'étaient
pas encore si précisément déteimims (|n"il ne
restât encore quelque trace de lantienne pra-
ti(juede lui ren^oyer, ou à ses légats, les crimes
les plus emb.irrassés.
Jean Juvén.il des l'rsins raconte, dans la vie
de Charles VI , roi de France , qu'en cette
année-là les faux témoins qui avaient déposé
contre le prévôt des marchands de Paris, s'étant
confessés de leur ciimc a leur curé, il les ren-
Toya au pénitencier; le pénitencier n'o.«ant les
absoudre, les envoya à l'évêque; l'évèque leur
dit que le cas de soi était si grand et si mau-
Tais, qu'il craignait bien de les absoudre. Il
les renvoya donc au cardinal légat qui était cà
Paris.
L'archevêque de Cantorbéry ne fut pas si
respectueux, en l'an 1423, quand il jiublia une
indulgence plénière pour tous ceux qui visi-
teraient son église cathédrale, comme pour le
jubilé de Rome, et quand il nomma des péni-
tenciers pour absoudre de toutes sortes de
crimes (Rainald., an. 1423, n. 21). C'est de quoi
le pape Martin V lui fit une réprimande fort
sévère par l'évèque de Trieste, son nonce :
a Temeritale consiniili instituisse [lœnilintia-
rios, qui confluentes ad eos generaliler ab
omnibus jieccatis absolverent. »
XL Je voudrais bien pouvoir à peu près
délerminer le temps où l'on a cessé d'aller à
Rome pour être absous des cas réservés au
pape.
Je dirai seulement que Gerson souhaitait fort
qu'on facililàtces absolutions, en donnant ce
pouvoii' à des confesseurs sur les lieux. « Sal-
tem det tatultattm pajia absolvendi transgres-
sores superioribus monasteriorum et ecclesia-
rum, ut quando dtderit Dominus spirilum
conipunctionis, in\eniant prom|itum reme-
dium, et non in desperationis praecipitium
ruant, pro difficultate papam vel curiam suam
adeundi (Gerson., tim. ii, p. 409).
Nous avons déjà dit que h s papes avaient
pourvu à cet inconvénient, en permettant que
les moribonds, les finîmes, les vieillards, les
enfants, les infirmes fussent absous par les
confesseurs orditiairi s. Ce fui une autre manière
de faciliter ces absolutions, en déléguant pour
cela des confesseurs sur les lieux , avec tout le
pouvoir nécessaire. Mais il faut avouer qu'en
accordant ce qu'un mouvement de piété faisait
demander à Gerson, et en facilitant l'absolution
de ces grands crimes , on ruina ce reste de
l'ancienne pénitence, on rompit le frein qui
arrêtait les pécheurs, et on détruisit la piinci-
pale raison qui avait donné fondement à ces
réservts.
XII. On peut lire dans les actes de l'Eglise
de Milan une compilation exacte de tous les cas
réservés au pape, on y en remarquera une fort
grande partie, auxquels on n'a nul égard en
France; et c'est encore une preuve é\idente
que ce fut le commun consentement du pape
et des évèi[ues qui fit cette distinction de cas
réservés.
Cette bonne intelligence des évèques avec le
pape, que nous avons justifiée par cette déduc-
ti(in historique selon la suiie des temps, n'em-
pêche pas que, selon que le concile de Trente l'a
défini (Sess. xiv, c. 7), le pape n'ait l'autorité
de se réserver des cas plus importants, comme
les évèques s'en réservent dans leurs diocèses.
Au contraire cette puissance est d'autant plus
ferme et plus inébranlable qu'elle est reconnue
et soutenue par les évèques mêmes.
Nous n'avons rien dit dans ce chapitre pour
combattre ce droit, mais nous avons fait voir
comment il s'est développé, et cou. ment l'usage
et l'exercice en a été é abli avec le consente-
ment et la joie commune des évèques, lorsque
l'uli'ité ou la nécessité de l'Eglise universelle
l'a demandé (1).
(1) La réGerve des péchés graves, extérieurs, consoœmés. mortels
et certains commis par des personnes adultes, est encore en vigueur
dans l Eglise, sans aucune altération. La célèbre bulle nuctoiein
Fidei, promulguée par Pie \'I à la fin du xviiif siècle, s'exprime
ainsi en condamnant une proposiiion du synode de Pistoia, tenu par
révèque Ricci : propo^ilio synodi asserens reservationem casuum
nunc teniporis, aliud non esse quam improvidum Iigamen pro infe-
Tioribus sacerdotibus, et sonum sensu vacuum pro pœnitenlibus as-
suetis non aamodum curare banc reservaiionem, falsa^ tcmcruna,
matp sonniis, pprniciosa, coiicitio Tridentino contraria, snperiùris
hiprarrlticœ polfstntis tœsiva.
11 y a une légère discordance dans quelques diocèses pour le
nombre des cas réservés au pape. Les uns n'en admettent que cinq,
les évèques absolvant pour les restants; les autres en fixent huit, c'est
ta plus grande partie. Apres une élude approfondie de cette matière
dans les canonistes. nous déclarons, en ce qui nous concerne, em-
brasser cette dernière opinion comme la flus généralement admise et
la plus sûre. Voici donc les huit cas réserves actuellement au souve
rain pontife : lo la simonie réelle et consommée dans la collation
des saints ordres ou des bénéfices ; 2o le meurtre ou la mutilation
d'une personne consacrée à Dieu ; .'io la falsification ou la supposition
des bulles ou décrets du Saint-Siége ; 4o le vol dans une église avec
efTraction ; 5o l'incendie volontaire d'une église ou d'une maison
quelconque ; 60 l'usurpalion et la détention des biens ecclésiastiques;
70 l'acte par lequel un prêtre criminel O'-erail absoudre son ou sa
complice entraillé au mal par suite de sollicitation dans le tribunal
de la pénitence ; 80 la fausse accusation de sollicitation portée au
supérieur ecclésiastique contre un prêtre innocent, soit qu'on la
fasse soi-même, soit qu'on se serve d'un autre. Ces deux derniers
cas ont été réservés par la bulle de Benoit XIV, sacramentum pœnt-
DES CAS RÉSERVÉS A L'ÉVÉQUE.
«3
CHAPITRE QUATORZIÈME.
DES CAS RÉSERVÉS A L'É\TÊQCE.
I. Différence considérable entre les cas réservés au pape et
aux évèques. Les évèques furent pendant les premiers siècles
les seuls minislres ordinaires du sacrement de pénitence, au
moins de la pénitence publique.
II. Les évèiiues ne se réservèrent d'abord que les crimes
énormes et puDlirs.
111 Réservation en particulier d'un crime scandaleux.
IV. Progrès de la réservation des cas jusqu'au quinzième
siècle.
V. Ou envoyait à l'évêque ou au pénitencier tous les coupa-
bles des cas réservés, afin qu'il fit le discernement de ceux qui
étaient réservés au pape.
VI. 11 fallait porter des lettres, et du curé à l'évêque, et de
l'évêque au pape.
VU Réservation de cas entre les abbés et les chanoines.
VIII. Divers sentiments et diverses pratiques, sur l'avis de
Gerson, de ne point réserver de crime secret. Résolution du
concile de Trente et des conciles de saint Charles.
I. Quoique le concile de Trente ait parlé dans
le même chapitre (Sess. xiv, c. 7), et presque
en mêmes termes, de la puissance du pape à se
réserver des cas et de celle des évèques, il f.iut
confesser néanmoins qu'il y a une extrême
différence.
En effet, comme le Fils de Dieu donna la
puissance de lier et de délier aux a|iôlres et
aux évèques qui sont leurs successeurs, en
mêmes termes qu'à saint Pierre et à ses succes-
seurs; il faut aussi avouer de bonne foi que,
duraut plusieurs siècles, les évèques ont joui
chacun dans leur diocèse de cette puissance
tout entière , sans qu'il y eût aucune espèce
de crime qtii fût réservé à un tribunal supé-
rieur.
Il y avait bien des causes majeures qui ne se
pouvaient juger, au moins en seconde instance,
que par le Siège apostolique ; mais elles ne
regardaient pas le tribunal de la pénitence,
dont nous parions présentement. Ce n'a été
qu'après plusieurs siècles que les é\è jues
mêmes ont jugé nécessaire de renvoyer au ju-
gement du i)remier Siège la pénitence et l'ab-
solution de certains crimes énormes, tant pour
tentiœ^ promulguée aux calendes de juin 1741. Les sept premiers
cas sont en outre frappés de l'excommunication majeure, tp^o farta
incurrenda^ et réservée au pape. (Dr ANDRÉ.)
les raisons alléguées dans le chapitre précédent,
que pour honorer le privilège de Pierre, à (|iii
le Fils de Dieu donna les clefs inystérieiises de
son Eglise, non-seulement avec les autres apô-
tres, miiis aussi en pirticulier pour en user
avec une autorité singulière et emineiite au-
dessus des autres apôtres, selon que les diver-
ses révolutions du temps et les différents besoins
de son Eglise le demanderaient.
Mais quant aux évèques, il est certain que
non seulement leur puissance d'absoudre fut
sans bornes dans les premiers siècles et qu'il
n'y eut alors aucune rèservaliou de cas ou de
crimes au tribunal pènitenciel du pape ; mais il
est même comme constant que ce furent les
évèques seuls qui furent les ministres ordinai-
res du sacrement de pénitence, et que ce ne fut
qu'en leur absence, ou par un mandement spé-
cial de leur part, que les prêtres en exercèrent
les fonctions. On ne [leut nier ipie la réconci-
liation des pénitents ()ublics ne leur ait tou-
jours été réservée, aussi bien que la consécra-
tion (les vierges et la dédie ice des autels,
comme il paraît par tous les anciens canons des
conciles et par les décrets des papes.
Lors donc que la multitude accablante de
leurs occupations saintes, et la fréquentation
plus ordinaire du sacrement de pèmience par
les fidèles les a obligés d'abandonner presque
entièrement ce divin ministère aux prêtres,
s'ils se sont réservé quelques cas dont ils
])uissent eux seuls décerner la pénitence et
donner l'abolition , ils n'ont fait que retenir
une petite partie de cette puissance toute di-
vine qu'ils avaient durant plusieurs siècles
[lossèdèe et exercée tout entière par eux-
mêmes.
Ainsi la réservation des cas au pape n'a [iii
se faire que par un rttrancliement du pouvoir
ancien des évèques. au lieu (|ue la réservation
des cas à l'évêque n'rst nullrineut une dimi-
nution du pouvoir des prêtres; ce sont au con-
4U
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATORZIÈME.
traire des restes et comme des réserves bien
petites de l'ancienne autorité des évoques à
réconcilier les pénitents.
II. Or, comme dans tous les siècles passés
l'administration de la pénitence publique a été
réservée aux évèques. comme elle l'est encore
et que la pénitence publique ne se faisait que
pour des crimes énormes et même dans les
siècles moyens imiir des crimes publics, ce
furent aussi ces crimes énormes et scandaleux
qui ont été réservés aux évcques depuis cinq ou
six cents ans.
Voici comme en parle le concile II de Li-
moges en 1031. « Trcsbyteri de ignolis causis,
episcopi de notis excommunicare est, ne epi-
scopi ^ilescat potestas. « Ce font [iresque les
mêmes termes de la lettre synodale de Ralhé-
rius, évêque de Vérone. « De occultis peccatis
pœnitentiam vos dare posse scitote, de publicis
ad nos référendum esse agnoscite. »
Le concile de Londres, en 1102 (Can. xxviii.
Malmesburg., p. 229), réserva aux évoques les
impuretés abominables qui clioquentla nature
pour les personnes séculières.
Etienne, évêiiue de Paris, se réserva, en l'an
ll.'iO, par un mandement particulier, le juge-
ment et la pénitence du meiirtrc commis
contre la personne du saint et illustre Thomas,
prieur de Saint-Victor, il en écrivit à ses arclii-
prètres, afin qu'ils publiassent son mande-
ment.
B Mandamus vobis, quatenus unusquisque
vestrum in suoarclii]iresbyteratu probibeat, ut
nullus omnino presbyter, nec de sa^culo, nec
de religione, nec abbas, nec canonicus, nec
monacbus inclusus : nec ercmita, nec etiam
abbas sancli Victoris liujus excommunicationis
reum ad se proconfessione venientem suscipiat,
neque absohitionem bujus cul[ia' tribuat, aut
pœnitentiam injungat. Quia ego de toto reatu
mihi soli absolutionem et pœnitentiam reser-
vavi. Hoc quo(|ue iira'cipimus ut presbUeri,
quando cxcomnmnic anl, banc nostram [irolii-
bilionem omnibus dicanl. » Sur (juoi nous
allons faire (lueUiues jemaiijues imiioitaiiles
(Conc. Genev., t. x, p. 27.'.. Adde Synodic. Ro-
tomag., p. 2U, 208, .301, 302. Synodic. Paris.,
p. K, 32, I7C), 170, ISO, et seiiq.).
111. ['rduièrrmenl, ce jntlat se réserve sin-
gulièrement à lui seul le pouvoir d'absoudre
d'un crime a[ircs (ju'il a été commis. Comme
ce meurtre avait scandalisé tovite la ^ille, les
canons mêmes lui en réservaient le jugement
Ainsi son mandement n'était qu'une promul-
gation, et un renouvellement des anciens ca-
nons.
2° Ce prélat distingue cette excommunication
particulière des excommunications générales
que les curés jiubliaient à leur prône. Ainsi le
pouvoir des curés pour excommunier était
limité dès lors à ces excommunications généra-
les qui se lisent au prône, au lieu que l'évèque
excommunie [lourles crimes particuliers et les
criminels en particulier. Et c'est peut-être
aussi le sens de ce canon du concile de Limo-
ges. « Presbyteri de ignotis causis, episcopi de
notis excommunicare est. »
3° L'évèque Etienne suppose que les abbés,
les moines, les ermites et les reclus imposaient
quelquefois la pénitence et donnaient l'absolu-
tion aux pénitents qui s'adressaient à eux.
Autrement il ne leur aurait pas fait celte dé-
fense iiarticulière. Cela ne se faisait que par le
consentement au moins tacite des évèques, et
c'était un reste de l'ancienne pratique, non-
seulement d'aller consulter les abbés et les reli-
gieux célèbres pour la résolution des difficultés
épineuses, mais d'aller aussi expier les crimes
qu'on avait commis sous leur sageetcbaritable
conduite.
i" Les plus sages d'entre les abbés ren-
voyaient à l'évèque la discussion des cas les
plus embarrassés. Saint Bernard (Episl. lxxvi),
renvoya au jugement de l'évèque celui qui,
après avoir été religieux, s'était marié en face
de l'Eglise, quoiqu'un autre abbé le lui eût
envojé à lui comme ,à une vive source de lu-
mière.
IV. 11 était de la sagesse des prêtres de ren-
voyer à l'évèque non-seulement les crimes
publics, qui lui étaient réservés par le droit,
comme étant les seuls administrateurs de la
])énitence publiciue, mais aussi les [dus grands
d'entre les crimes secrets. C'est à quoi les obli-
gea Eudes de Sully, évêque de Paris, vers
l'an 1200. « Sacerdotes majora reservent ma-
joribus, in conftssionibus, sicut bomicidia,
sacrilegia, peccala contra natuiam, incestus,
et slupra virginum , injectiones nianuuui in
paientes, votafractaet hujusmodi, etc. (Synod.
Paris.). »
La jilupart de ces crimes sont ordinairement
très-secrets. J'ai dit que ces mêmes ordonnan-
ces synodales veulent aussi qu'on envoie pre-
mièriment à l'évèque ceux qui sont tombés
dans les crimes réservés au pape.
DES CAS UÉSERVÉS MX ÉV1^UUES.
415
Le concile d'Yorck, en ll9i, avait déjà or-
donné aux cnrés d'evcoininiiiiior tous les di-
nnuclies les parjures, et d'y ajouter la solennité
du son des cloclies et des cliandelles éteintes
trois fois chviue année ; enfin de les renvoyer
à l'évèque ou au pénitencier, s'ils recouraient
au remède salutaire di; la pénitence. « Eos sin-
gulis diebus Dominicis excouiniunicatos de-
nuntiet, etc. Ad episcopuni, vel generaleni
diœcesis confessorem transmittantur, etc. »
Le concile de Londres, en i-2(M», augmenta le
nombre des cas réservés et en donna la raison,
aussi bien que des exconunnnicalions géné-
rales; c'était pour réprimer l'audace et l'impu-
nité de ces crimes énormes.
a Ad reprimendam multorum malitiam hic
duximus adnectendum , ut singulis annis in
génère solemniter excommunicentur sorliarii,
perjuri supra sacramenta , incendiarii, fures
atrociores, raptores. Ita ut qui scienter in dis-
pendium cujuslibet pejeraverint , non absol-
vantur, nec eis pœnitentia injungalur, nisi ab
episcopo diœcesano, vel ejus autoritate ; prœ-
teniuam in articulo niortis, et tune eis injun-
gatur, quod ex quo convaluerint, episcopuni
adeant, ab eo, vel ejus autontate pœnitenti un
suscepturi (Rogerius Hoveden. , pag. 750,
808). »
Ces réservations se trouvent bien autrement
multipliées dans le sy ode de Saintes, en l'SSiO,
aussi bien que dans celui de Nîmes, en l'28i. Le
concile de Lambeth, en Angleterre, en 1-281
(Can. xiv), réserve à l'évèque les homicides
volontaires, soit publies, soit secrets. « Absolu-
tionem ab homicidio voluntario, tam publico,
quam occulto; solis episcoiiis extra necessitatis
articulum reservamus. »
Ce qui suit semble ne rien réserver à l'égard
du pape. « Per quod minorum intendimus ro-
frienare audaciam, et non inaj(jrum reverentiic
in aliquo derogare. » Mais ce môme canon
(Can. vin), réserve tacitement à l'évèque tous
les crimes fort scandaleux, en les condamnant
à la pénitence publique. « Cum juxta sacros
canones peccata graviora ut incestus, et similia,
quœ vulgatissima suo scandalo totam commo-
vent civitatem, sint solemni pœnitentia casti-
ganda, etc. »
Le concile de Ravenne (Can. vni), en 158(3,
fait un long dénombrement des cas réservés
aux évêques, mais il les renferme enfin sous
ces deux espèces : de ceux que le droit ou la
coutume générale, et des autres qu'une cou-
tume particulière leur a réservés. «In quibus
deeonsiietudine generali, vel speciali episcopis
reservatur confessio. »
On ne peut donner d'explication plus solide
à ces paroles (ju'en disant que les crimes
publics ont été réservés aux évêques par la
coutume; générale , fondée sur les anciens
canons, [)arce qu'il faut les expier par la péni-
tence publi([ue, et que les péchés secrets sont
quelipiefois réservés à l'évèque par un usage
ou un mandement particulier, à cause de leur
énormité.
En effet, il est peu probable que ces péchés
secrets réservés à l'évé(|ue soient un reste de la
plus ancienne discipline, qui les soumettait
aussi à la pénitence publique. La l'aison en est
que, depuis le vi*" ou \n' siècle la pénitence
publitjue n'a été que pour les crimes publics.
(;'est la même différence de deux sortes de
cas réservés à l'évèque , qui est niarcjuée
dans ces paroles du synode d'Excester , en
1287 (Can. v). « Majora et notoria pœnitenliario
nostro reservent. »
V. Dans ce synode, aussi bien que dans
plusieurs autres et dans les conciles, les cas
réservés au pape et à l'évèque sont fort souvent
ra]iportés avec confusion, sans distinguer les
uns des autres, parce que les évêques faisaient
le discernement des crimes et des pénitents.
« ni mitten li snut ad episco|)imi, ut ipse quos
absolvere poterit, absolvat; quos vero absolvere
non poterit, ad papam mittat absohendos. »
L'évè(|ue de Chichester, en son synode de l'an
1-281) (Can. xxvn), se réserva tous les grands
crimes. « Enormia delicta nobis vel pœniten-
tiario nostro reservamus. »
Le concile d'Avignon, en 1320, déclare plu-
sieurs cas réservés à l'évèque, ou par le droit
ou pu- la coutume, ou par un statut synodal
ou provincial, a A jure, consuetudine, vel sfa-
tuto provinciali, vel synodali. » Le concile de
Lavaur, en 1308, obligea les évè(|ues de com-
niuniipier la puissance d'absoudre des cas ré-
servés à autant de confesseurs qu'il sera né-
cessaire pour l'utilité de leur diocèse.
Le concile d'Arles (Can. CLX), (jue les compi-
lateurs ont placé en 1200, nous apprend que
les évèijues avaient accoutumé d'envoyer des
(lénitenciers [lendant le carême dans les pa-
roisses de la cam[)agne, pour absoudre les
femmes et les infirmes des cas réservés ; mais
il condamne le mauvais artifice de quelques
paroissiens qui, se confessant entièrement à ces
■UG
DU SECOiND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATORZIÈME.
pénitenciers, évitaient de se confesser à leur
curé, « proprio sacerdoti. » Aussi il défi nd
ensuite à ces pénitenciers d'entendre les con-
fessions entières , s'ils n'en ont une permission
de réAèijue et du cnié : « Nisi de niandato
pra?lati et licentia curati. »
Le concile d'Arles (Can. xii), en 1275, après
une longue énumération des cas réservés, ren-
voie tous ceux qui en sont coupables à l'évé-
que , afin qu'il délie les uns, et envoie les
antres au pape avec des lettres de sa part.
« Transniitiantur alisohendi jier ipsos epifco-
pos, si id eis de jure coin{)(tit : alioqni ciini
eorum lilteris ad Stdem Ai)Ostolicam transinit-
tantur. » Mais après cela ce concile fuit un
autre dénombrement de cas réservés à l'évo-
que et à ses pénitenciers, si ce n'est pour les
vieillards et les inliiines. En tout cela on n'a
pas égard aux péchés publics seulement, mais
on réserve les grands crimes, même secrets^
aussi bien que dans le concile de Nicosie, en
4298. « Majora e[)iscopis peccata reserventur. »
VI. Le concile de Salsbourg, en l-iiO, défen-
dit aux curés de recevoir à la participation des
sacrements ceux (ju'ils avaient envoyés à l'évê-
que pour les cas réservés, s'ils n'avaient rap-
porté les lettres de sa part, qui fissent foi de
leur absolution, et qui continssent la pénitence
qui leur avait été imposée, et s'ils n'avaient
auparavant accompli cette pénitence au moins
en [lartie.
Il est encore remarquable dans ce canon que
le pénitent devait porter à l'évéque des lettres
de son confe^stur, où le récit de son crime lût
contenu avec toiifes ses circonstances. Nous
avons ci-dessus cité d'autres canons (Can. xi),
où on aurait pu remarquer les mêmes parti-
cularités.
Le concile de Tortose, en 1-429 (Can. xvii),
défendit aux [)rêtres séculiers d'entendre les
confessions sans la licence de l'évéque, ou de
ses grands-vicaires, ou du curé dans sa pa-
roisse; mais que ni eux ni les religieux n'en-
treprissent point d'absoudre des cas réserve s à
l'évoque, s'ils n'avaient un écrit de lui qui
contînt de quel cas ils pouvaient absoudre. Car
l'évéque ne donnait souvent le pouvoir de re-
mettre que quelques cas réservés, et non pas
les autres.
VII. Les statuts de Cluny, comiiilés sous
l'abbé Henry, qui fut élu en l.'irs, réfcrvenl à
l'abbé et aux provinciaux de Cluny quelques
cas atroces, aussi bien que le pouvoir de nom-
mer des confesseurs et des pénitenciers pour
les religieux de l'ordre ; surtout l'abbé se ré-
serve )'ab?olution du crime de ceux qui seraient
allés à Rome sans sa permission (Bibl. Clu-
niac, 1344, loTo, 1398, 1599). Le pape Alexan-
dre 111 permit aux abbés de l'ordre de Pré-
montréd'iibsoudre leurs sujets de toutes sortes
de crimes, en réservant seulement les atr'oces
au métropolitain ou au pape, quand ils sont
publics. «Majoribus et difficilibus criminibus,
quœ manifesta fuerint, metropolitario, vel Ro-
mano pontifici reservatis (Bibl. Piœmonstrat.
pag. <.3>,634).»
Innocent III, dans une décrétaIe(C.Cumolim.
De prœscript. Fagnan. Ibid ), juge (juuri abbé
a pu prescrire contre l'évéque le droit d'absou-
dre des moindres crimes. Ce qui est une preuve
qu'il n'aurait |iu prescrire le pouvoir d'absou-
dre des cas réservés à l'évéque, à moins d'avoir
la juridiction comme épiscopale , et d'être
connue de nul diocèse , ainsi ()u'il a été déclaré
j)arla congrégation des réguliers.
Dans le livre des anciennes définitions de Cî-
tcaux(Dist. VI, c. 4), il est ordonné aux reli-
gieux de se confesser une fois la semaine à
leurs confesseurs ordinaires, et une fois tous
les ans à l'abbé; et enfin autant de fois à
l'abbé qu'ils ont commis de crimes qui lui
soient réservés.
Gerson donnant son avis sur un statut des
Chartreux, i\\ù réserve aux supérieurs l'abso-
lution de toutes les fautes criminelles, citlpa
gravis; il témoigne qu'il n'approuverait point
qir'on réservât tous les picliés mortels, ni
même qu'on rés-ervàt ceux qui sont secrets, si
ce n'est fort rarement; parce que cette ré-
servation semble en être une publication.
« Confessio sacramentalis de occultis laro et
caulissime débet rcmiiti ad superiores (Gerson.,
tom. Il, pag. 316, 318, 332, 3 4, 031). »
Je laisse les auti-es avis de Gerson sur la ré-
servation des cas en général : il insiste parti-
culièrement à laisser aux curés le pouvoir de
remettr'e tous les péchés seci'ets.
VIll. Les évêques ne se sont pas rendus à ce
conseil de Gerson. Car le concile de Freisingen,
en 1440 (Can. xxiv), réserve tous les crimes
extraordinaires, « quemquam enormibus cri-
minibus irretitum. »
Le concile de Soissons, en 1436, exhorte les
évê(|ues de ne couniuuiiqrrer qu'à un i)e'tit
nombre de r-eligieux choisis leurs cas réservés,
et même de ne les communiquer [las tous.
DES CAS RÉSER\'ÉS A L'ÉVÊQUE.
417
mais seulement qnelqiies-uns. Mais le cardi-
nal Camjiége, réfoi niant l'hgiise d'Allema};ne,
en l'an 1324, en qualité de légat a laltre ,
ordonna que pour éviter les frais et la ditlaïua-
tion des [lénittnts, tous les confesseurs auraient
le pouvoir d'absoudre les laïques de toutes sor-
tes de crimes secrets, quoii]irils eufst-nt clé
réservés par les éNéques, excepté les héréliques,
les homicides et les exconmmniés, qui seraient
ren\oyés à l'évèque; laissant au reste les clercs
au même état qu'ils étaient auparavant.
« Constituimus ut deinceps quilibet confes-
sor absolvere possit laicos contritos et confes-
ses aquibuscumque peccatis occultisquantum-
cumque gravibus, etenormibus, quae ordinarii
suae autoritati reservaverant, exceptis dnn-
taxat homicidis, hœreticis et excommunicatis,
ad episcopum, vel ejus vicarium mittendis.
Quod autem ad clericos, nihil quod hcc statu-
tum, intelligatur innovatum Can. ix). »
Dans le concile de Cologne, en 1336 (Part.
VII, c. 37) , l'archevêque ayant considéré les
suites périlleuses de la réservation des crimes
cachés, donna le pouvoir d'en absoudre à tous
les curés. Le synode d'Augsbourg, en 1548 (Can.
xix), renouvela le déciet du cardinal Campége.
Le concile de Cologne, en 1549 Can. xxxvi\
donna la qualité de pénitenciers à un grand
nombre de bénéficiers et de religieux, à qui
l'archevêque donna le pouvoir d'absoudre des
cas réservés. Slais aussi le concile de Trente
(Sess. XIV, c. 7), autorisant le pouvoir du
pape et des évêques à se réserver des cas, ne le
limite point aux péchés publics, maisaux péchés
énormes, o Atrociora queedam et graviora cri-
mina. »
Ainsi les avis de Gerson, quoique fort sages
et même jugés nécessaires par quelques con-
ciles, n'ont pas paru au concile de Trente néces-
saires, ou utiles a toute l'Eglise.
Le premier concile de Milan, sous saint Char-
les, (lelermina tous les cas que les évèques de
la province se réseï valent pour en arrêter la
licence dt mesurée, « ad eorum licentiam rese-
candam, » sans avoir égard à la notoriété des
ciimes. Le IIP concile de Milan défendit aux
réguliers d'en absoudre, protestant que le pape
même avait déclaré qu'ils ne le pouvaient par
leurs privilèges. « Quemadmodum a sancta Sede
Aposlolica declaratum est, id eis non licere(Acta
Eccles. Mediol., p. 11, 93, 7t)S}.
Saint Charles dit dans ses instructions que
c'est Grégoire Xlll qui fit celte déclaration de
l'avis de la congrégation du concile de Trente.
Pie 11 avait autrefois accordé le privilège de se
faire absoudre des cas réservés aux évèques à
une congrégation portugaise qui s'était consa-
crée au rachat des esclaves (Rainald., an. 1462,
n. 40 \ Les derniers papes ont révoqué tous ces
pouvoirs.
11 paraît de là que les plus sages conseils ne
sont pas propres à tous les temps, et que, si
Gerson et quelques conciles particuliers ont eu
raison de désirer qu'on ne réservât que les
crimes publics, ou qu'on donnât le pouvoir
d'en absoudre à un grand nombre de confes-
seurs, ni saint Charles, ni ses conciles provin-
ciaux, ni enfla le concile de Trente (Can. xj,
n'ont pas jugé cette conduite utile en ces der-
niers temps. Le concile V de Milan jugea même
qu'il fallait quelquefois changer les espèces des
cas réservés, et il ordonna que l'évèque les
promulguât à la fin de chaque synode.
Quant aux cas et aux excommunications que
le droit et les décrétales ont réservés au pape
ou aux évêques, on peut les lire dans les actes
de l'Eglise de Milan, où on les a recueillis avec
grand soin (Acta Eccles. Mediol., p. 988 et
seq.)(l).
(1) Chaque évêque a soin aujourd'hui d'insérer dans les statuts
syoodaus les cas q-ji lui sont réservés. Ils se réduisent à peu près
aux mêmes chefs pour tous les d:ocèses. Il y en a qui sont s^éciule-
mtnl réservés, d'autres ne le sent que sin.piev<f7a. Dans les pre-
miers on trouve généralement l'apostasie, rhérésie, le sdûame eilê-
rieurement professé, sollicitatio ad tnrpia contra seitum decalogi
praeceptum ex pane sacerdotis m uibunali pœniienliœ, \el extra tri-
bunal, occasione, piœtextu aut simulaucne confessionis, le commerce
sacrilège avec une personne consacrée à Dieu.
(Dr Anlre.
Th. — ToMK I.
27
il8
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUINZIÈME.
CHAPITRE QUINZIÈME.
DES INDILGENCES.
I. Exemples anciens des indulgences données par le pape,
par les évèques et par les curés, d'un commun concert.
II. Les évèques se donnaient réciproquement les uns aux
antres le pouvoir de faire quelque crke aux pénitents.
III. IV, L'abus (lu'on lit de ce pouvoir porta le concile IV de
Latran à le liuiiler à quarante jours ; le pape n'en donnait pas
alors ordinairemeul davantage. Au jour de la Dédicace on don-
nait un an d'indulgence. Pourquoi et comment'?
V. Les évèques révoquent aussi les pouvoirs qu'ils avaient ac-
cordés de donner des indulgences.
VL ProL'rès des indulgences jusqu'au concile de Constance.
Vil. Seutiuienls de quelques grands hommes sur la juste me-
sure de donner les indulgences. L'ancien usage des indulgences
demande cette modération.
VIII Les premières indulgences plénières furent des remises
pléinères, non-seulement des peines par lesquelles nous salis-
faisons en celte vie, mais de celles par lesquelles on les expie
dans le purgatoire.
IX. Depuis longtemps les papes et les conciles conspirent i
modérer les concessions des indulgences.
I. Je n'entrt>preii(ls pas de parler des indiil-
"ciices a toiul, je ne touclierai niie la question
qui regarde le droit du pape et des évèques à
se les réserver. Cette matière est si liée avec
celle des cliapities précédents, que je n'ai pu
l'en séparer.
Un évêiiiie d'Italie ayant envoyé au pape
Alexandre H un prêtre (pii avait tué un autre
prêtre, pour recevoir de lui la pénitence iiro-
portionnée à un si exécrable attentat, ce pape lui
imposa d'abord quatorze ans de pénitence, ce
(|ui n'était que la moitié de celle que les canons
prescrivaient, et alin qu'on veillât sur ce |iéni-
tent, il ordonna à l'évèque de le renfermer
dans (pielque inonasière , lui permellant , à
lui et à l'abbé , de relâcher (pielque chose
de celle pénitence après les trois premières
années , si la ferveur du |iénitent mérilait
celte condescendance. « Et si lihi, V( 1 abbali
videtur sibi remittere, si hune observasse pœni-
tentiain videris, posl 1res annos liceal (Epist.
XXIX). I)
On voit danscetexemplecnmtiii'nt,en même
temps que les évê(|ues conspirent pour envoyer
au pipi! les péiiileiits coupablrs de< iiiijiii'lés
les plus énormes, afin qu'il ré^^làt leur péni-
tence, d'oi'i vint la |)rati(iue de réserver les
cas ; l'usage plus fréquent des indulgences
commença aussi à s'introduire. Car dans celte
espèce, le jiape Alexandre II remit d'abord la
moitié de la pénitence , qu'il dit lui-même
avoir dû ètrede vingt-luiitans. Ensuite le pape
permet à l'évêipie et même à l'abbé du monas-
tère oîi ce pénitent sera renfermé, deiiminner
encore quelque chose des rigueurs et du temps
de celte pénitence.
Ainsi le pouvoir des évèques à donner ces
sortes d'indu'gences demeura bien plus limité;
et on peut dire qu'ils le limitèrent eux-mêmes.
En effet, les évèques s'étant remis au pape de
toute la pénitence de ces insignes pénitents, ils
se dépouillaient eux-mêmes de leur autorité :
et le pape ayant une fois imposé la pénitence,
les évèques ne pouvaient plus en relâcher
qu'une partie par sa permission.
Le prêtre dont nous parlons avait été envoyé
à Home par son évèque, afin que le pape réglât
sa iiéniteiice : « Ad judicium canonicœ pœni-
tentitu suscipiendum. » Voici unexem[)le dilTé-
rcnt d'un homme infortuné qui avait donné
occasion à la mort de son frère sans y penser.
Les évèques de Périgueux et de Toulouse, et
l'abbé Hugues lui imposèrent une pénitence
canoniiiue. «Cui licct condignam religiovestra
injiinxerit et laudabilem pœnitentiam. » Mais
ce pénitent élant allé à Rome, le même pape
Alexandre II lui en ordonna une autre apparem-
ment phis douce. « Circa emn misericoriliae
viscera_e\hibentes(Epi-t. xxx),» et permit àces
mêmes prélats de la diminuer encore si le pé-
nitent manquait de forces ou de courage pour
l'accoinplir entièrement. « Hiec omnia illi ita
injunximus, ut si inlirmitatem ejus hœc mi-
nime ferre possc providentia veslra prœsense-
ril, liicntiam habeat miscrendi , prout pla-
cuerit. »
Il y a bien plus de sujet de s'élonner de ce
(|iie ce même pape ayantimposé une pénitence
de sept ans à un père infortuné (jui avait tué
son propre fils contre sa volonté, et lui en
DES INDULGENCES.
419
ayant, ?elon la coufiime, déferniinô toutes les
austérités en détail, permit à la fin que non-
seulement l'évèque , mais aussi un prêtre
vertueux pût les modérer. « Si quis autem
episcopus, vel religiosus presbyler causa pie-
talis ali(]uid sibi relaxare voluerit, hoe ei ;ipo-
stiilica autoriliite concedimus (Eiiist. xxxvii). »
On connaît par ces exem[)les, que les prêtres
mêmes ou les curés et les abbés avaient quel-
que part au pouvoir de relài her quelque chose
des pénitences décernées par le pape même.
II. Les évêques en usaient entre eux de la
même manière. Car Tévèque de Séez ayant ré-
glé la pénitence dun cruel assassin qui avait
ôté la vie à trois hommes qui allaient au Mont-
Saiiit-Miiliel, lui donna en même tenii>s des
letrrts, par lesquelles il permettait à (juel(|ue
évêque que ce fût de remettre quelque chose
de cette pénitence. « Cui ex more pœniteniia
injuncta. commonilorias litteras sibi tradidit^
ut si quis episcopus pietate motus misericor-
diam ci vellet impendere, potistattm habere,
quantum vellet, ipsi ignoscere 'Epist. ix). »
Voilà ce que nous apprenons d'une lettre du
savant aiche\êque de Canlorbéry Lanfianc,
qui donne cet avis à Thomas, archevêque
d'York.
Le pape Grégoire \II (L. i, epist. 30 se), con-
tenta de prier l'archeNêque de SaUbourg de
faire quflque grâce en ^ue du ]ièlerinage de
Rome. « Pro amore sancti Pétri, cujus iimina
pra>sentium portitor requisivit, studtat Religio
tua viï-ceia pielatis sibi aj erire in quantum
cum salule anim;esua> vidttur tibi pusse fragi-
litali sua? condescendere. quatenus non p.(eni-
teateum tanti itineris laborem subiisse, etc. d
L'archevêque de Rouen et plusieurs autres
évêques ayant été révérer la sainte tunique de
Notre -Seigneur à Argenteuil , en l'an tluC
(Synodicon. Rotom., pag. 149), y donnèrent
l'indulgence d'un an, pour les grands cii-
mes, à ceux qui \iendrait.nt y faire leurs dévo-
tions; ils lemirent la moitié de la pénitence
imposée [lour des fautes légères; entiu ils re-
lâcbèient toute la jtnitence à ceux qui par
leur négligence auraient laissé mouiir leurs
enfants au-dtssous de l'âge de sept ans, excepté
le jeûne du vtudrtdi, dmt ilspeimirint n ême
que les prêtres pufstnl faire grâce aux péni-
tents (|ui iraient à l'église.
Baroi iiis menti e ([u en 1117 le jape Alexan-
dre II! n'en accoîda j as tant à aux qui \isite-
raient l'Eglise qu'il ^fcnaitde dédier : «Anmim
unum de criminalibns, septimam parleni ve-
nialium reia\a\it Raronius, an. 1177). »
III. Il est iuiiul itablf (|ue la modération des
évêques à donner des indulgences devait alors
être fort grande, puisque le (lape leur don-
nait, et qu'ils se donnait nt récipioquiuient les
uns aux autres la liberté de relâcher une par-
tie des péniltuces qu'ils avaitut imposées aux
pénittuts.
Cette sage retenue s'était apparemment dissi-
pée quand le ceneile IV de Latian, sous Inno-
cent lll.enran 12lo(Can. lxm), voyant quel'ex-
cessive laciiité de d( nner les induigt neesji tait
les clefs spirituelles de l'Eglise dans le mépris,
et détruisait toute la vigueur et la discipline de
la pénitence : « Quia per indiscretas et super-
tluas indulgentias, quas quidam Ecclesiarum
pra^lati facere non venntur, et claves Ecclesiae
contemnunlur.et pœnitentialissati>facti(jener-
vatur : » Il ordonna que les é^èques ne [lour-
raient donner qu'une année d'indulgences,
le jour propre qu'ils consacraient une église;
qu'ils n'en pouri aient dt nnei- que quaiante
jours, |)ourl'anni\ersaiiede la dédicace; «qua-
draginta dies de injunctis pœnitentiis indulta
remissio non excédai. »
Enfin ce même concile ordonne, que pour
toutes les autres occasions pareilles, les évê-
ques n'en pouriaitnt pas donner plus de qua-
rante jours, pui^qne le pa[)e même gardait
alois la II ême modération, et ne passait pas
au delà de ces bornes, quoiqu'il ait la pléni-
tude de puis?ance. « Cum Romanus pontifex
qui pleniludimm oLtintt puttstatis, hoc in ta-
libus moderamen consue\erit observare. »
IV. Ce règlement passa en droit commun,
puisqu'il fut mis dans les décrétâtes, et qu'il
fut renouvelé par le pape Bouiface VIII , qui
défendit aux évêques d'excéder le nombre de
jours prescrit par le concile général , dans les
indulgences qu'ils donneiaiuit. «Indulgi nlia',
qua> ab uno, vel ]iluiibiis episcopis, in Eccle-
siarum dedicalionibus, vel aliis quibuscumque
ca.-ibus conceduntur, Aires non obtint nt, si
statutum excesserint coneilii gen(ralis(C. Cum
ex eo. De poenitent. C. Indulgenlia^ in Sexto.
De remissionibus.i »
Il e^t ceitain que ce nombre de quarante
jours fut aflecté à l'usage des indulgences,
paice (|u'il axait été aflecté à celui des péni-
tt nces. Ou imposait aux iiénitiuts publies un
eeitain nombre de carénées à jeûner en une
même année, ou m plusieurs. L'indulgence de
420
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUINZIÈME.
quarante jours était la remise d'un de ces ca-
rêmes.
La raison de la concession d'un an d'indul-
gence au jour de la dédicace d'une église,
était probablement pour obliger les mêmes
pénitents à l'anniversaire de la même dédicace,
où on leur faisait encore queUiue remise pour
l'année suivante. En voici une preuve admira-
ble, tirée du mandement de Ponce, archevêque
d'Arles, en l'an mil, où nous apprenons le dé-
tail des peines canoniques remises en cette
année (Spicilegii, toni. vi, pag. 4"27, 441,
442).
Ce fut à la dédicace de l'église de Montma-
jour que fut faite cette concession. « Si talis
est, qui per indictam sibi pœuitentiam non in-
troeat in ecclesiam, nec connnunioiiem corpo-
ris Cliristi, nec osculum jjacis accipiat, nec ca-
pillos sibi toodeat aut radat, nec linum vesliat,
nec feria secunda, autquarta, aut sexta aliqnid
guftet pra'ter panem et aquam : liic si ad di-
ctam ecclesiam venerit in die Dedicationis, aut
semel in anno, et adjutorium dederit ad opéra
Ecclesiœ ex parte Donnni nostri Jesu Cbiisli et
ex noslra, sit absolutus de terlia parte mnjo-
rum peccatorum unde pœnitentiam habet ac-
ccplam usque ad ipsum diem revertentis anni,
et liabcal licoiiliain intrandi in lotis eccle^ias
per totum ipsnm aniium, communicandi et
pacem accipiendi, et tondendi, et radendi, et
lini vesliendi , excepto quadragesimali tem-
porc, et jejuniis de quatuor temporibus. Et si
tresdies de septimana sunt ei veiati per pœni-
tenliam, unum reddimus ei, ut comelal et
bibat, quod ei Deus dederit, duos alios jejunet :
et si duo, unum reddinms ei; et si unns, il-
lum reddimus ei, tali tenore, ut pa«cat très
paupores. Dtnique illos qui de minoribus pcc-
catis sunt confessi, et b:ibeiit pœniLcntiarii ac-
ceplam, si venerint ad Dedicalion. m ecclesiœ,
aut semel in anno, cum adjutoiio ad opi-ra
Ecclesia', absohinuis deuiia inedietale accepta'
pœnitentiœ, usque ad unum annum. Omni
anno abf(dulio quœ facta fuit in Dedicatione,
celebiabilur unuua recursione, si venerint |i(e-
nilentes. »
On voit clairement dans ce passage qu'on
distinguait les pénitences des grands ciimes
et des nidiiidres; qu'on relâchait une année de
la peniience, i)aice qu'on \oulait convier les
pénitents à revenir à l'anniversaire de la Dé-
dicace, atin d'y obtenir la même remise des
peines canoni(iues; eulin que ces indulgences
n'étaient point plénières, non-seulement parce
qu'elles ne remettaient qu'une année de la pé-
nitence, mais parce que pendant celte année
même de remise, on devait encore accomplir
une partie des peines i posées.
V. Ce fut sans doute ce concile IV de Latran
qui limita à quarante jours le pouvoir que les
évêques avaient de donner des indulgences, et
il y fut obligé, par la profusion indiscrète que
les évêijues en faisaient souvent, ce qui n'était
rien moms que détruire entièrement toute la
vigueur des canons pénitentiaux, et de la péni-
tence même.
Les évêques en usèrent de même envers ceux
à qui ils avaient auparavant accoutumé de
confier le pouvoir d'adoucir les pénitences
canoni(iues, révoquant ce pouvoir, à cause de
l'abus qu'on en avait fait.
C'est ce que nous apprenons du concile de
Salsbûurg, en 1274 (Can. Lxn), qui révoqua
toute l'autorité que les archevêques et évêques
précédents avaient donnée aux moines de faire
des remises des pénitences canoniques, « re-
missionibus et indulgentiis faciendis, » à cause
de l'abus qu'on en faisait, a Fratrum aliqui
potestate sibi tradita sunt abusi. » Ce concile
suspemlit toutes les indulgences et toutes les
rouises faites jusqu'alors par les évêques pré-
cédents, ou par d'autres, jusqu'à ce que l'évê-
que présent les eût examinées, et ensuite con-
tirmées.
Le concile de Ravenne, en 1314 (Can. xx),
fit la même révocation de toutes les indul-
gences, que les prédicateurs avaient publiées
avec permission des évêques ou du pape, au
delà même des bornes qui sont prescrites
aux évê(]ues; ce qui tournait enfin au mé-
pris de l'épiscopat. Or c'étaient des personnes
puissantes qui contraignaient les évêques
à donner ces pouvoirs aux prédicateurs.
« Quia iiropter iiotentiam imporluuitatem ,
nos et alii provinciales e[)iscopi nouimllis per-
sonis religiosis concessimus, ut indulgentias,
ipiando pra'dicarent, vel alias, possent annun-
ti.ue, etc. »
VI. Le concile de Ravenne, en 1317 (Can. xxii),
donna à tous ceux qui étaient venus au concile,
ou (|ui avaient tavaille pour sa tenue, (juarante
jours d'indulgence pour cliacjue jour qu'ils y
avaient travaillé. Le concile d'Avignon, en 1326
(Can. iv), donna dix jours d'indulgence à ceux
<|ni feraient une inclination de la tête, lorsqu'on
prononcerait le nom adorable de Jésus. Le con-
DES INDULGENCES.
m
cile de Béziers, en 1351 (Can. i), en accorda
autant, l'un et l'autre de ces conciles témoi-
gnant vouloir seconder le décret de Grégoire X,
qui avait exhorté les fidèles à ce devoir de
piété, surtout durant la messe.
Le concile de Lavaur, en 1368 (Can. lxxxvii),
et celui de Narbonne, en 1394 (Can. xxvu), et
celui de Cologne, en 1423 (Can. x), en accor-
dèrent de plusieurs jours pour des exercices
semblables de piété. Le concile de Pise, en
1409 (Sess. XXIII ), donna indulgence plé-
nière à tous ceux qui avaient assisté, ou qui
adhéreraient au concile : « Indulgentiam ple-
nariam a pœna et culpa semel in \ita. " Le
pape y en accorda autant à l'article de la
mort.
Le pape Martin V donna la même indulgence
plénière à tous ceux qui adhéreraient au con-
cile de Constance. (Sess. cdl). Ainsi ce sont les
papes et les conciles généraux qui donnent des
indulgences plénières, les évêques et même
les conciles provinciaux n't n donnent que de
quelques jours, au plus de quarante. L'arche-
vêque de Cnntorbéry, en 1123, ayant publié
une indulgence plénière pour tous ceux qui
visiteraient son église cathédrale, toute stm-
blable à celle du jubilé de Rnme, le pape
Martin V lui en fit une correction fraternelle.
(Rainald., an. 1423. n. 21.)
VIL Le cardinal Cusan étant légat en Alle-
magne, assura dans le concile de Magdebourg,
en 1450, que le Saint-Siège ne se servait point
de ces termes, en donnant des indulgences,
0 a pœna et a culpa, » mais bien de ceux-ci,
«omnium peccatorum remissionem ; » que
les canons décernant sept ans de pénitence
pour chaque péché mortel, et même quatorze
ans pour ceux qui sont plus énormi s, il était
très-avantageux de satisfaire à ces obligations,
et de se décharger des peines du purgatoir-e,
qui y répondent, par le moyen des indul-
gences (Rainai., an. 1460. n. 10.).
Le cardinal Cajelan, en 1517. fit un traité
des indulgences, où il conclut enfin de la même
manière : « Est i^ilur ecclesiastica indulgen-
tia absolutio a poeniientia injuncta in foro pœ-
nilentiali (Rairja'd., an. 151". n. 76. 79 et an.
1318. n. 118). » 11 y confessa aussi (jue le pape
n'en pouvait accorder que pour de justes
causes et avec une juste mesure, selon les be-
soins et la proportion des dispositions et des
mérites, mais ([u'il fallait toujours présunur
en faveur du juge, s'il n'y avait une injustice
tonte vj.mIjIc : « Pra'suiiiitiir de jure pro judice
st'm|iei-, iiisi uKiiiifeste appareat eri'or, suppo-
nens non ex causa légitima datani tantam in-
dulgentiam. a
Enfin, ce savant cardinal réfuta la préten-
tion fiivole des ennemis de l'Eglise, que les
peines canoniques, et par consé(iuciit les in-
dulgences, ne sont que pour les péchés pu-
blics; et il fit voir qu'on iiniiosail pour les
péchés secrets les pénitences canoniques pour
être pratiquées en secret.
Ce fut donc avec beaucoup de raison que le
concile 1 de Milan ordonna aux confesseurs de
représenter aux pénitents les peines que les
canons décernaient contre ces sortes de crimes.
Car celte pratique sert au moins à conserver
encore le souvenir des pénitences crnoniques,
et l'idée propre de la nature des indulgences
(Act. Eccles. Mediol., p. M.).
Elle sert aussi à faire comprendre comment
les évêques et les Mmples prêtres ont pu don-
ner dts indulgences; parce qu'ils ont pu re-
lâcher une parlie dts ] eiiits décernées j ar les
carions en vue de la ferveur avtc laquelle ks
pénitents s'y sounK liaient. Mais con me les
prêtres n'onl administré le facnnunt de péni-
tence que par la mission eu par la délégation
des évêques, qui sont les pasteurs primitifs,
institués par J.-C. sur chaque diocèse, Its évê-
ques ont été aussi les ministres et les dispen-
sateurs ordinaires des indulgences.
Les canons permettaient aux évêques d'adou-
cir les peines et les austérités imposées aux
pénitents, si leur ardente charité pouvait les
compenser avec avantage; mais ils ne leur
permettaient pas de les remettre entièrement.
Ainsi les évêques n'ont j;iniais eu le ]iouvoir
de donner des indulgences plénières.
VllI. Les premières indulgences plénières
que les papes aient données ont été celles des
croisades, pour animer les fidèles à la conquête
de la Terre sainte. Mais ne pourrait - on ftas
dire que les travaux de cette pénible et sainte
milice pouvaient égaler les austéiités et les
rigueurs de la plus longue pénitence? Ainsi
il n'y eut peut-être jamais de ri mise ou d'in-
dulgence moins plénière que celle qui passe
pour la première et le modèle des indulgences
plénières.
C'est peut-être en ce sens que Gerson a dit
qu'à peine on donnait indulgence ijlénière
pour le passage de la Terre sainte. « Uiide
plena indulgentia vix solebat dari passagi'o
i^
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEIZIÈME.
Terrae sanctee. » (Tom. 2. p. 3-27.) Baronius
dit qu'avant les guerres de la Terre sainte les
papes ne donnaient jamais plus d un an d in-
dulgence (Baronius, an. Il"", n. 49.).
On peut faire le même jugement des imlul-
gences plénières, qui se gagnaient des lors en
allant adorer J.-C. sur le tombeau des princes
des Apôtres. Les travaux de ce long pèlerinage,
les prières, les aumônes et les autres exercices
de piété, dont il était accompagné, donnaient
un juste fondement de dire que l'indulgence
même du jubilé ne remettait la peine des pé-
chés qu'en parlie; comme les anciens canons
donnaient la liberté aux évoques de relâcher
le reste des peines canoniques, quand les péni-
tents avaient commencé de s'y soumettre avec
un amour si fervent et une joie si sainte, qu'on
devait présumer que c'étaient moins des peines
à leur égard, que des plaisirs.
L'abbé d'L'sperg raconte comment Pascal 11,
l'an 1 1 16, donna (juarante jours d'indulgence à
ceux qui visiteraient les tombeaux des Aiiôtres.
Ain^i celte indulgence même ne fut [las
d'abord plénière (Baron., an. 1110, n. 6.)
C'était donc avec raison que le pape Inno-
cent III, limitant à quarante, jours lesinlul-
gences des évolues, prolestail que les poiitités
romains n'excédaient pas eux - mêmes cette
mesure dans les indulgences qu'ils donnaient
pour les anniversaires des dédicaces et autres
sujets semblables. Ainsi Gerson a grande rai-
son de conclure que la dispensalion des indul-
gences doit être réglée par la raison, par les
vues des besoins de l'Eglise, pour l'édilicalion
des tidèles et avec de sages iiroiwrtions (Ibid.,
ubi supra).
IX. Aussi Sixte IV, dans les Extravagances
communes, tâcha de molérer les excessives
libéralités d'indulgence (Extrav. com., l. v. tit.
IX. c. 'S). Clément Vlll suivit un exemple si
louable (Baron., an. 847.). Le concile de Trente
(Conc. Trident., sess. 23.) a souhaité qu'on en
retranchât tous les abus, et qu'on n'en usât
plus qu'avec la modération des premiers siè-
cles, a Moderationem juxta veterem et pro-
batam in Ecclesia consuetudinem adhiberi
cupil. » (1).
{!) Le pape Benoit XIV, dans son savant traité de synodo diœce- Siège n'a fait de telles concessions. Une étude approfondie de celte
sana^ lib. XIII, cap. 18, et avec lui. tous les canonistes et les théolo- matière, dans les sources authentiques, prouve en effet que les papes
giens les plus éminents, disent que les indulgences accordées pour n'accordent des indulgences que pour UQ petit nombre d'années,
des aulUers d'années sont de pures lictions, et que jamais le Saint- (Dr ANDRE.)
CHAPITRE SEIZIEME.
DE LA PENITENCE PLBLIQIE .\PRES L AN MIL.
1. Eiemplcs illustres de la pénitence publique de plusieurs
grands princes avant leur mori, en France, en Angleterre et en
Espapne.
H. Divers exemples de la péuilenre publii|ue imposée par le
pape Innnci'utll ,i)uiestcnmiiie le père du droit canon nouveau.
III. lieni xions sur ces exemples, qui monlient clairement que
la pénilcncc publique n'a pu s'effacer tout à fait dans ces der-
niers siècles.
IV. Exemples des pénitences publiques imposées par les suc-
cesseur; d'innocent 111.
V. Ce n'est que pour les crimes secrets que quelques-uns ont
ensoi^Mié que les pénilcnees étaient arbitraires. Preuves tirées
des déci étales, où les papes imposent toujours des pénitences
publiques pour les péchés publics.
VI. Les évèqucs et les conciles particuliers imposaient aussi
des pénitences publiques aux péchés publics. Preuves jusqu'au
concile de Trente. • ,
VII. Le concile de Trente ordonne la pénitence publique aux
pécheurs pnb'ics, avec permission k l'évèqne d'en dispenser. Les
conciles de Milan, et ceux de France tenus après le concile de
Trenle eonfiriuent ce décret.
VIII. Do|iuis le concile de Trente les prèlrcs peuvent imposer
des pénitences publiques.
IX. Les princes mêmes avaient demandé le rétablissement de
la pénitence publique.
X. Couformilé de l'Eghse grecque avec la latine.
I. Comme c'est principalement stn- le péni-
tencit r (|ue l'évèqne s'est toujours reposé du
soin des pénitences publiques, c'est ici le lieu
d'eu parler. Je ne sais si l'on pourrait mettre
entre les pénitences publiques, ou demi-publi-
DE LA PENITENCE PUBLIUIE.
•i23
qiies, celles que les grands mêmes faisaient
qucI(]iiefois à l'article de la moi t.
L'abbé Siiger raconte que Louis le Gros ,
roi de France, étant pressé des atteintes de la
nioit, se confessa publiquement à une assem-
blée d'évèqucs, d'abbés et de prêtres, et reçut
ensuite l'eucharistie : « Convocat episcopos et
abbates, et multos Ecciesiœ sacerdoles, qu;erit,
rcjecto pudure omni, coram devotissime con-
fileri, etc. (Du Chesne, tom. iv, p. 320). » 11 en
échappa alors, mais une rechute l'ayant enfin
réduit à l'extrémité, il se confessa encore à
Lévêque dePaiis et à l'abbé de Saint- Victor,
qui était son confesseur ordinaire, « Cui fimi-
liarius confitebalur; » il voulut être mis sur la
cendre et y mourir (Baron., an. 1136).
On eût pu mettre au rang des pénilences pu-
bliques l'action que le roi de France, Phi-
lippe 1", avait eu la pensée de faire et à laquelle
le saint abbé de Chmy, Hugues, l'avait forle-
ment exhorté, de quitter son sceptre et sa cou-
ronne et de se retirer dans le monastère de
Cluny, si cette généreuse resolution avait été
exécutée.
Cet abbé assure dans la lettre qu'il écri\it à
ce roi, qu'on avait appelé l'abbaye de Cluny,
l'asile des péniienls. « Quam patres nostri asi-
lum pœnitentium nominaverunt (Spicileg.,
tom. n, p. 401j;» que le rui Philippe même lui
avait autrefois demandé s'il y a\ail jaunis eu
un roi qui se fût fait moine : « 0 ma.iiiie amice,
recordamini, quia me aliquando inlerrngaslis :
An aliquis unquam de regibus faclus fuerit
monacbus, » et qu'il lui avait répondu que le
roi Contran, après avoir renoncé aux \aiues
grandeurs du monde, avait embrassé la vie
monastique, et qu'il ne pouvait lui-même faire
une sincère pénitence ni plus sûrement, ni
plus facilement que par une glorieuse et sainte
retraite dans le cloître, où il serait reçu et
servi en roi, et où l'état monastique lui st;r\i-
rait de degré [lour s'élever à un royaume céleste
et éternel.
« Mutale vitam, corrigite mores, appropiu-
quate Ueo per veram pœnilenliam et coiiver-
sionem perfectam.Quum videlicet pœnitentiarn
vel conversionem, née faciliori, utcredinnis,
nec certiori via potestis apprehendere, quam,
quod midlum voluinus et optamus, niona-
chica protessione. Et nos parali surnus, vos ut
regein habere, ut regem tractare , ut régi
servire; et pro vobis régi regum devolius
supiilicare. ut vos propter se ex rege nioua-
liiuni . e\ niiinaco lu regem per se restilLiat. »
Le prêtre BerloMe raconte en l'an 109-2,
qu'Alphonse, roi d'Espagne, vivait connue un
religieux de (Juny, « In convtrsatione abba-
tis Cluniacensis obedienliarius ; » et qu'il eût
quitté le sceptre pour prendre l'habit monas-
tique à Cluny , si l'abbé de (;!uny n'eût estimé
Iilus avantageux à l'hglise de le retenir sur un
trône qu'il remplissait si saintement. « Qui
etiam jamdudum se ibidem monachum fecis-
set, si dominus abbas ad lempus eum sub sae-
culaii habitu retiuere nonsaliusjudicaret. »
Matthieu Paris raconte comment l'évêque de
Chester, en Angleterre, avant sa moit, se con-
lessa de tous ses crimes devant tous les abbés
et tous les prieurs de Normandie qu'il put
assembler, demanda pour [lénilence les peines
du purgatoire jusqu'au jour du jugement, et
voulut mourir dans l'habit même des religieux
qu'il avait injustement persécutes (Anno ll<.»8).
Cuilaume de Malmesbury raconte la mort de
Henri I, roi d'Angleterre, d'une manière fort
semblable; il se confessa publitiueinent devant
tous les évèques, et reçut leur absolution
durant trois jours. « Tertio eum et |ier tri-
duuin absolvimus. »
Le jeune roi Henri, fils de Henri H, roi
d'Angleterre, confessa publiiiuementses impié-
tés précédentes, se mit une corde au cou, et
voulut qu'elle servît a le traîner de son lit sur
la cendre. « Convocatis episcojiis et viris reli-
giosis qui adeiant, pnmum secreto, deinde
coiam omnibus sua confessus peccata, pœni-
tenliam et suorum recepit absolutionem pecca-
toruni, etc. Ligalo fune in collo suo, dixit
episcopis : Trahite me, etc. Et fecerunt sicut
prœcepit, etc. (Histor. Novella, 1. i, p. nsj. »
C'est ce qu'en dit Roger (p. 0-20, «oi), qui
fait ensuite un récit presque semblable de
llenii il même, « Fecit se deferri in ecdesiam
aille allare , et ibi conimunionem corporis et
sanguinis Doniiui dévote suscepit, conlitens
iKCcala sua et ab episcopis et clero absoiutus
obnt. »
C etjit la coutume des anciens pénitents
illustres, soit évèques, ou rois, ou autres, non-
seulement de mourir sur le ciliée et la cendi'e,
mais de venir recevoir les derniers sacremenls
dans 1 Eglise, et d'y recevoir l'abjolutiuii ou
l'absoute de plusieurs évèques qui s'y trouvaient
[irésents a leur pénitence publique. Les absoutes
sont deineuiéis aux obsè pies.
Le mèine Koger parlant ensuite de Richard,
42i
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEIZIÈME.
roi d'Angleterre, fils et successeur de Henri II,
et nous représentant la pénitence piibli(]ue
qu'il fit devant les évêines étant en parf;iile
santé, l'an 1100, nous donne sujet de f.iire
cette réflexion, que ces pénitences publiques
qu'on faisait aux approches de la mort, étaient
les mêmes qu'on avait toujours faites, et qu'on
faisait encore, sans être menacé d'aucune
maladie.
« Convocatis in unum universis archiepisco-
pis et episcopis suis, nucius procidens ad pedes
eorum, vitœ suœ fœdilatem coram illis Deo con-
fiterinon erubuit. Vêpres enim libidinum ex-
cesserantcaput illius, etc. A prœdiclis episcopis
pœnitentiam recepil, et ab illa hora deinceps
factusest vir timens Deum, etc. (Id.,p. 681). »
Enfin, Roger rapporte ailleurs le décret du
concile d'York, en 1195, qui porte que les
auteurs des parjures, alors si communs et si
pernicieux, iraient recevoir la pénitence de
i'évêque , ou du confesseur général du diocèse,
c'est-à-dire du pénitencier; qu'à l'extrémité de
la vie on leur insinuerait seulement la péni-
tence, mais on leur ordonnerait, s'ils recou-
vraient la santé, d'aller recevoir la pénitence
de révêijue ou du pénitencier. « In extremis
laborantibusinsinuauda, non imponenda pœni-
tentia est, eisque firmiter injungatur, ut si
vixerint, episcopum vel generalem diœcesis
confessorem adeant, ut eis pœnitentia compe-
tens imponalur. »
J'aurais pu joindre à ces exemples des rois
d'Angleterre , celui de Suenon, roi de Dme-
mark, rapporté par Saxon le grammairien,
dans son X° livre. La colère avait transporté
ce prince à une horrible cru uité contre (juel-
ques-uns de ses seigneurs. Le généieuv évolue
de Ro^kild, Guillauine , persuadé qu'il avait
trouvé un autre Théodose, lui fermi la porte
de l'Eglise. Ce roi répondit à la bonne opinion
que le prélat avait de lui, et fit la pénitence
publique de son crime d'une manière si édi-
fiante, que les historiens ont élé forcés de
confesser que cette humiliation volontaire a
été le plus haut comble de sa gloire. Baronius
met la mort de ce roi en 10G7.
Le roi Eric, de Danemark, expia par le
voyage de la Palestine, les meurtres qu'il avait
commis dans le transport de sa fureur, excitée
par un joueur de lulh, dont il avait voulu
éprouver la périlleuse habileté. C'est le même
Sixon le grammairien qui rapporte cela dans
le livre XIP.
Les rois d'Espigne n'ont pas donné des témoi-
gnages moins illustres de leur piété, dans les
extrémités de la vie. Roderic, archevêque de
Tolède, raconte comment le roi Ramir fit sa
confession publique aux évêques et aux ab-
bés, reçut l'Eucharistie, se dépouilla de son
royaume, et mourut ensuite. « Facta confes-
sione episcopis et abbatibus qui secum aderant
(Rodericus, 1. v, c. 8. 1. vi, c. -il. Mariana,
1. IX, c. 5). »
Le roi Ferdinand suivit les mêmes traces.
« Vocatis episcopis et abbdibus, et viris reli-
giosis, una cum eis fecit ad ecclesiam se
deferri, etc. Exutus regalibus ornamentis, pro
venia exorabat, et recepta ab episcopis pœni-
tentia, et grdtia ultiiTit-e unctionis, indutus cili-
cio et conspersus cinere , duobus diebus in
pœnitentia atque lacrymis supervixit. »
Je ne m'arrêterai p is à une infinité d'autres
exemples jjareils et plus récents de pénitents
qui ont fini par se faire enterrer avec 1 habit
de quelque religion réformée, pour rendre au
moins ce dernier respect à la pénitence publi-
que, dans laquelle on souhaiterait avoir vécu,
et des précieuses dépouilles de laquelle on
tâche au moins de se revêtir avant la mort.
11. Je passe à la pénitence publique, dont
l'usage n'a jamais été entièrement aboli pour
les fautes publicjues ; on en a vu dans ces der-
niers siècles mêmes des exemples illustres, et
les lois ecclésiastiques ont toujours tendu à la
conserver, ou à la réiablir.
Matthieu Paris représente la confession et la
pénitence pubique de Henri II, roi d'Angle-
terre, pour avoir donné occasion à la mort de
saint Thomas de Gant nbéry par quelques pa-
rolesinconsidérées; «AbeiiiscOi)isquitunc prae-
sentes erant, absolutionem petiil, carnenique
suam nudain disciplinœ virgarum supponens,
a singulis viris religiosis, quorum multitudo
magna convenerat , ictus ternos , aut quinos
excepit (Paris., an. 117).
Le pape Innoeent III décerna une pénitence
publi(iue à l'écossais, qui avait coupé la langue
à un évêque, ordonnant outre la satisfaction et
la discipline à la porte de l'Eglise, plusieurs
jeûnes et la croisade pour trois ans, sans pou-
voir jamais porter les armes contre les chré-
tiens, « arma de ca'tero contra christianos
minime assumpturus : » enfin permettant aux
évêques de relâcher quelque chose des ji-ùnes
qu'il lui avait prescrits. « Nisi forte per indul-
genliam alicujus discreti pontiûcis, vel propter
DE LA PÉXITENCE PUBLIQUE.
423
debilitatem corporis , vel propler fervoreni
aestitis hœc ab>tioeatia teinperelur (Rainald.,
an. li>02, n. 10, 11).»
L'évèque des Orcades avait envoyé ce péni-
tent au pape, le pape le lui renvoya avec ce
règlement de pénitence , afin qu'il la lui fit
observer. « Injunctam sibi pœnitentiani cum
facias observare. »
En la même année ce pape imposa une péni-
tence presque semblable à celui qui avait tué sa
fille et sa femme, y étant comme forcé par les
Sarrasins pendant une famine; mais ce pape y
ajouta ces deux ou trois points renvtrqu ibies,
de ne pouvoir jamiis se mirier, de n'assister
jamais à des spectacles publics et de dire cent
fois le jour l'oraison dominicale, en faisant
autant de génuflexions. « Sine spe conjugii
perpetuo perseveret ; et publicis luJis nun-
quam intersit; Orationem Dominicam cenlum
vicibus dicit in die, ac loties genuflectat. »
Enfin, ce fut la même année que ce pape
écrivit à l'archevêque de Lyon de renfermer
dans un monastère les clercs complices d'un
crime qui méritait la pénitence publique.
L'année suivante ce pape imposa des peines
et des conditions encore plus sévères à ceux
qui avaient tué l'évèque de Wirsbourg ; de ne
porter jamais les armes que contre les Sarra-
sins, si ce n'est pour défendre leur vie : « Nun-
quam de cœtero, nisi contra Saracenos, vel ad
defensionem vilae suae armis utantur; » de
n'assi?ter jamais à des spectacles publics, de
ne pouvoir se remarier après la mort de leurs
femmes, « ad publica speclacula non accédant,
et conjugati non contrahant post mortem uxo-
rum; » de jeûner trois carêmes chai|ue année,
avant Noël, avant Pâques et après la Pentecôte,
enfin de ne communier qu'à l'article de la
mort. « Corpus Dommi nisi in ultimo mortis
articulo recipere non preesumant (Rainald.,
an. 1-203, n. 45, 46). »
111. Comme ce pape passe avec raison pour
le père du droit canon nouveau et que la |)lus
grande partie des décrétales, qui règlent depuis
cinq cents ans la discipline de l'Eglise, sont
émanées de sa savante plume, on peut conclure
de là, que la pénitence publique ne peut pas
avoir été effacée des mœurs, ou au moins des
lois de l'Eglise dans ces derniers siècles. Aussi
les résolutions que nous venons de rapporter
de ce pape, contiennent les points les plus
importants de l'ancienne sévérité de la péni-
tence.
C'étiil 1° De ne pouvoir plus porter les armes.
2° De ne pouvoir se trouver aux spîcticles, aux
festiiis,ou auxdivertisseuKmts publics. 3° D'être
obligé à une continence perpéluelle. Et c'est
de là que sont venus ces empêchements du
mariage, qui empêchent de lecnntracter, mais
qui ne le rompent pas après qu'il est contracté.
Ce sont des crimes énormes , et ceux qui en
sont coup ibles, ne peuvent plus se marier après
la mort de leurs femmes. -4° Déjeuner plusieurs
carêmes chaque année. Ce sont ces quarante
jours de pénitence qu'on imposait ordinaire-
ment aux pénitents, et (jue les évoques et les
papes mêmes remettaient aussi plus ordin lire-
ment par leurs indulgences. D'où il est bon de
remarquer en passant, que les pipes ne don-
nant le plus souvent que cette indulgence, ou
cette remise d'un carême, et les évètjues n'en
donnant jamais davantage, c'était une admi-
rable retenue, dans la dispensation du trésor
spirituel des indulgences, puisqu'eu ce temps-
là la règle était d'imposer sept ans de pénitence
pour chaque péché mortel. 5° D'être enfermé
dans des monastères pour y faire pénitence.
(j" Les disciplines dont il a été parlé, sont les
restes de cet échange des peines canoniques,
qui se lit au temps de Pierre Damien, et de
Dominique le Cuirassé. 7° Ces prières si souvent
réitérées qu'on imposait aux pénitents, [leuvent
servir à fermer la bouche à ceux qui n'ont pas
assez de respect pour les rosaires et pour les
chapelets, dont l'usage a depuis été si commun
et si salutaire à tous les fidèles, mais si néces-
saire à ceux qui ne savent pas même lire les
psaumes. 8° Ce pape renvoyant aux évèques les
pénitents qu'ils lui ont envoyés, leur permet
de rem ttre une partie des pénitences qu'il
leur a imposées. Cette déférence mutuelle est
le lien indissoluble de la concorde et de l'unité
de l'épiscopat. 11 n'est pas étrange que les indul-
gences du pape aient été publiées par toute
l'Eglise, puisque le pape témoignait aussi tant
de déférence pour les évêques.
l\. Le pape Honoré 111, successeur d'Inno-
cent 111, prescrivit une pénit-^nce toute sem-
blable aux déte4ables parricides de l'évèque
du Puy, en l'an 1-2-20, ajoutant seulement cette
circonstance nouvelle et remarquable, que si
après avoir jeûné trois carêmes avec les morti-
ficitions et les humiliations qu'il leur avait
ordonnées, ils entraient dans l'ordre des Char-
treux, ou de Cîteaux, ils seraient quittes du
reste de leur pénitence. « Si post très Quadra-
436
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEIZIÈME.
gesimas prfpdicto modoperactasad Cartljusit'n-
sem, vfl Cisterciensem ordinem Iransierit,
erit a supradicta pfrniteulia excusatus (Rai-
nakl., an. l'2-2(), n. ;jOj. »
L'an li>2:> , ce pape décerna presque les
mêmes peines contre ceux qui traiteraient avec
outrage les cardinaux (Hainald., an. l-2-2.">,
n. 53; an. 1220, n. 48; 12-28, n. 2.j; 4235,
n. 19). Le pape Grégoire IX, (pii publia les
cinq livres des décrélales du droit nouveau de
l'Eglise, ordonna une pénitence presque sembla-
ble à celles d'Innocent 111, a un prince du sang
royal dePortugal, en l'an 1239. 11 y ajouta l'ubsti-
neuce de la viande tous les samedis, si ce n'est
que le jour de Koël tombât un samedi (Hai-
nald., an. 1239, n. 01, etc., an. 1240, n. 30, 37.)
Les annales de l'Eglise ne nous ont conservé
que les exemples des plus grands crimes, dont
la pénitence publique et solennelle a été réglée
par les papes, parce que les pénitents recou-
raient eux-mêmes à Home, ou parce que les
évêques les y envoyaient; comme il est aisé de
rein:in|uer dans les exemples que je viens de
rapporter, ou entin parce (jue le pajie se réser-
vait les grandes causes.
L'an 1240, le duc de Lancitie ayant fait
étrangler le Seolastique de Hreslau, l'arcbevê-
que de Gnesne le mit à la pénitence publique,
et lui donna enfin l'absolution, mais à condi-
tion qu'il lu ferait conlirmer |)ar le |)a|)e.
L'an 1252, le jiape Innocent IV donna tous
les pouvoirs apostoli(|ues à l'évêque d'Avignon
pour l'absolution des cas réservés au Sainl-Siége
et pour dispenser des vœux, excepté celui de
religion , et avec cette restriction , que les
crimes les plus énormes seraient réservés au
Saint-Siège. « lllos (luorum fueril gravis et
eiiormis excessus, mil tas ad Sedrm Apostoli-
cam absolvendos. » Simon de Monifort obtint
enfin l'absolution du pape, a|)res s'être volon-
tiiiiement laissé enfermer dans une rigoureuse
prison (Hainald., n. 30).
Clemi-nt V délia (aiillainue de Nogaret qui
avait conuuis des excès si inouis contre la per-
sonne de Boniface Vlll, en lui imposant pour
pèmtence les pehuiniiges de Notre-Dame de
Vaiivcrl, de Hocamailour, du Puy,de Huu-
Idgiiesur-mer, de Chartres, de Saint-Gilles, de
Montmajour, de Saint-Jacques, et ensuite de
liorter les armes oulre-mer (Hainald., an. 1273,
n. 42, 43; an. 1311, n. 10; an. 1319, n. 13;
an. 1330, n. 52; au. 1339, n. 08; an. 1J45,
n. 13; au. 1391, a. 4).
Ces pèlerinages commençaient à être substi-
tués à d'autres austérilés qu'on avait autrefois
estimées plus utiles.
Jean XXll, en l'an 1319, réglant la pénitence
de l'infâme parricide d'un évêque, outre les
fustigations ordinaires aux portes de l'église,
déclara sa postérité incapable de bénéfices,
jusqu'à la quatrième génération ; l'obligea de
aire trois fois le iièlerinage de Rome, une
fois celui de Compostelle, de jeûner tous les
vendredis au pain et à l'eau et de s'abstenir de
viande tous les mercredis, laissant à son évê-
que diocésain de lui imposer d'autres peines.
Ce sont là à peu près les (loints les plus con-
sidérables des pénitences im[)0sées après l'an
mil trois cent , dont nous nous contenterons
de citer les endroits dans les Annales ecclésias-
tiques de Hainaldus, sans qu'il y soit plus parlé,
ni de ne pouvoir plus se marier, ni de n'assis-
ter jamais aux divertissements, ou aux spec-
tacles publics , ni de ne plus porter les armes
que contre les infidèles, ni de se retirer dans
un monastère, ni de ne participer à l'Eucha-
ristie qu'a l'article de la mort.
V. Il ne se peut rien ajouter à la diligence
avec laipielle le père Morin a fait voir que,
dansleXIlP siècle, le plus grand nombre des
docteurs et des pénitenciers mêmes étaient
persuadés que les pénitences étaient arbitraires
à la discrétion du confesseur, qui devait tou-
jours proposer les pénitences canoniques sans
toutefois y astreindre les pénitents i,De Pœuit.,
1. X, c. 2o', 52).
Mais ce savant homme remarque excellem-
ment. 1° Que les papes imposaient toujours les
pénitences conformément aux canons, lors-
(pi'ils étaient consultes, ou que les pénitents
venaient se jeter à leurs pieds. « Sunuui pon-
tiflces interrogati de pœnitentia variis crimini-
bus imponenda, secundum antiques canones
respondere ad bue soltbant. »
2° Que les plus habiles docteurs enseignaient
que la doctrine ties pénitences arbitraires ne
pouvait avoir lieu que pour les péchés secrets,
et non pas pour ceux qui sont publics. « Insi-
gnes et célèbres doctores, illas pœnitenliarum
relaxationes de ciiiniiiibus occultis esse iiiter-
prelandas, non de publicis prsedicabant etscri-
bebant. »
Ces deux remarques se justifient jiar les
décrélales de Grégoire IX, publiées environ
l'an 1230, pour servir de règle aux jugements
ecclésiastiques, tant pour les péuitenceries.
DE LA PÉNITENCE PLT.LIQUE.
427
que pour les officialilés. Le pape CIouilmiI 111,
et (lit consulte sur les prêtres grecs qui sont
maries, s'il fuit leur iinp()<er la pénitence
piihliijue pour leurs euTiuls étouUés, « l'truni
pœnitentia publica sit imponenda; » répou lit
que, si par leur négligence les enfants avaient
été étoutré» dans le lit, il fallait leur imposer
une pénitence plus grande qu'aux laïques,
mais non pas [jublique, si ce n'est que la faute
fût |utl)li(iue. » Uraviorquain laicis, nu:i tauien
publica, nisi id in pnblicum veniat, pœnilenlia
débet iniponi (Décret., 1. v, tii. 38, c. vu). »
Que si les enfants étaient trouvés morts dans
le berceau, avec quelque fuite de leur part,
mais secrète, le pénitencier leur imposerait
une péuilence arbitraire. « Si e.v incuria ipso-
rum morlui inveniantur in cunis, et illiid fue-
rit occultum, eis |)œnitentia pro arbitrio
pœnitentiarii imponitur. »
Vodà manifestement la pénitence [lublique
et canoniiiue pour les crimes publics, et la
pénitence arbitraire selon le jugementdu péni-
tencier pour les ciimes occultes.
En un autre endroit un calomniateur est
condamné à sept ans de pénitence, selon le
décret de Burchard, s'il a causé la mort à
quel|u'un, à jeûner trois carêmes, s'il lui a
seulement fait perdre quelque membre. « Se-
ptem sequenlibus annis pœnileas, etc. Per très
debes Quadragesimas pœnitere, etc. (L.v, tit. 1,
c. 8; tit. [i, c. Il; tit. 2(i, c. 2; tit. 28, C. ii, i). »
Ailleurs la pénitence est imposée à celui ijui
aurait tué un voleur, selon le pénitentiel ro-
main, qu'on sait avoir été dressé au temps des
pénitences canoniques.
Les blaspbémateurs sont soumis par le pape
Grégoire IX, à une pénitence publique à la
porte de l'église. Celui qui a ravi la vie a un
prêtre, est condamné à une pénitence de douze
ans selon les canons, sans pouvoir jamais pré-
tendre après cela, ni à la milice, ni au mariage.
« Qui presbyteium occiderit, XII annorum
pœnitentia ci secnnduiu canones imiionatiir,
etc. Convictus, usijue ad ultiiuuin tempus vil.e
suœ, militiae cmgulo careat, et absque spe
conjiigii maneat. »
Voila l'ancienne rigueur d'interdire [tour
toujours la milice et le mariage. La maxime
générale y est établie, que des corrections se-
crètes ne suffisent point pour des crimes publics.
« Manifesta |ieccata non sunt occulta corre-
ctione purganda (L. v, tit. 30, (j, 1, 12). »
Euflu les prêtres qui découvrent le secret de
la confession, sont déposés et renvoyés dans
des iiiDiiasteres pour y passer le reste de leurs
jours dans les larmes et dans la pénitence.
« Ad agendaui perpet lani p i-ndentiain in
aretuin monasterium detruiiendum. »
Li; pape Grégoire VII a été peut-être un des
preniii;rs (|iii ait permis la milice aux [lénitents
pour la défense de la justice, et pir l'avis des
prélats. Ce fut dans un concde romain,
en lUTs. « Arma deponat, ulteriusque non
ferai, nisi consilio e|iiscoporuin pro defen-
denda jnstitia. » Les fâcheuses conjonctures où
il se trouva l'y forcèrent, et depuis la milice
même des croisades tint lieu de pénitence.
YI. Les évèqiies suivaient certainement les
exemples et les règles si saintes du siège aposto-
lique. Outre les allégations précédentes, où les
papes commettent presque toujours les évèques
pour l'exécution de leurs sentences. Inno-
cent 111 écrivit à .\bsalon, arclievéïpie de Lu-
den, dans le Septentrion, pour miintenir
l'ancienne coutume, que les grands-vicaires
des évèques faisant la visite, assemblaient le
synode des curés du voisinage, y citaient les
personnes scandaleuses, et leur imposaient
une pénitence publique IRainald., an. llus,
n. 71,.
L'an 1223, l'archevêque de Cantorbery et les
évèques de sa province tirent ce décret, que
celle qu'on aurait convaincue de s'être aban-
donnée à un prêtre, serait conlaïunée à la
pénitence p iblique, comme pour un double
adultère. « Publicam agat pœuitentiain et
solemnem, taiiquun pro duplici adullerio jiu-
niatur ^Matth;eus Paris). » L'évèque de Coven-
tiy, en li37, condamna les curés à subir
eiix-mèiiies la peine des crimes publics (ju'ils
toléreraient. «Si sacerdotes sustineant in paro-
chiis suis publiées fornicatores, vel usurarios,
vel aliquod inortale peccaluni manifestum ,
punientur tanquam pro propriis i)eccalis ^Couc.
Angl., lom. 11, p. 212, 193, 276). »
Les archidiacres étaient particulièrement
chargés de la recherche des pécheurs publics,
et il leur fut défendu par les conslitulions du
légat Othon, de les expier par de simples
amendes. « Ne pro niortali cl notorio crimine,
vel de quo scandalum generalur, pecuniani a
delinquente recipianl. »
Le concile de Lambcth , en 1281 (Conc.
Angl., tom. Il, p. 332, 370, 430), déplora le
relaeliement de son temps, où la |jenitence
publique pour les crimes scandaleux était
428
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEIZIEME.
comme éteinte. «Cum juxiafacroscanonespcc-
cata graviora, quae ■viilgatissima suo scandalo
totam commoventcivitatfm,sint?olcmni [œni-
fentia castiganda, f|uoiumdain t.nmen ncgli-
gentia id agente, bujiii^modi pœiiitenlia\idetur
quasi in oblivioncm tradila, et crevisi^e pcr
conseqiiens aiidacia liuju.'mcdi horrinda faci-
nora et flagitia perpelrandi. Qiiociica pra'ci-
pimus, ut luijusmodi pcrnitentia soUmnis de
cœtero impoiiatur secundum canonicas san-
ctioncs. »
Le synode d'Exeter, en 128", défendit de
changer la pénitence publique en amendes
pécuniaires, à moins que pouré^itc^ le scan-
dale, on ne fût obligé d en user autrement, c Si
laicus con\ictus fuerit super crimine, propter
quod sit ei publica ]iœnitentia injungenda,
illam non in pecuniariam commutet, nisi
scandalum, \el alla honesta causa exegerit
aliter ordinare. »
Le synode de Winchester, en 1308, ordonne
de même qu'on impose les pénitences pu-
bliques ou solennelles aux laïques pour les
crimes publics, qu'on suspende les clercs pour
les mêmes crimes, qu'on renvoie les uns et
les autres au pénitencier, qui les renverra au
curé, avec des lettres qui contiendront tous les
articles de leur pénitence, afin qu'il puisse
rendre compte au pénitencier de quelle manière
ils s'en sont ac(iuitlés.
a Statuimus, ut si aliquis laicus de enormi
convictus crimine, propter quod ei de jure
pœna publica indici debeat, aut solemnis,
po'na ipsa nuUatenus commutetur, nisi forte
propter majorem pœnitentia- frucfum , vel
considerata delinqiicntis persona, is qui juri-
diitioni praest, aliter viderit dispensandum.
Clericos quoijue de simiiibus convielos crimi-
nibus , vel confessos suspendi volumus, et
ipsam suspensiontm absque nostra conscicniia
minime relaxari, et tam clericos, quam laicos
hujusmodi ad noslros pœnilentiarios milti volu-
mus, pro recipienda condigna pn^nitentia de
commissis , et eum ipsorum pœnitentiariorum
lilteris injunctam eis pœnitentiam continen-
tibus, ad suum reverti presbylerum , ut eis de
peracta pa'iiitenlia possit opportunis tempori-
bus testinionium pei bibere. »
Le concile de Cologne, en 1310, défen-
dit selon les canons anciens , d'imposer la
pénitence publique aux ecclésiastiques , sup-
posant (jne l'usage en était commun pour les
laïques. « Ne pœnilentia publica clericis impo-
nalur, cum ex talihus infâmes reddantur. »
On rapporte des conciles provinciaux de
Sens en 1432 et en 1406, où on ordonne d'im-
poser des pénitences publiques pourles pécbés
publics. Le synode de Langres en 1j04 défend
aux curés et à leurs vicaires d'imposer des
pénitences publiques et solennelles, parce que
c'est à révoque ou à ses pénitenciers que ce
pouvoir est réservé ; les autres pénitences, quoi-
(]u"elles dussent être réglées sur les canons,
sont néarimoins arbilrairts. o Caveant curati,
aut eorum vicarii, ne imponant pœnitentias
soUmnes, aut publicas, lictt pro quolibet pec-
cato mortali esset regulariter septennis pœni-
lentia injungenda , imien bodie omnes pœni-
tentire sacerdotis arbitrio sunt taxanda; (Bochel
Décréta Eccles. Cal!., p. 228, 234). »
Les ordonnances synodales de Langres en
1421 , réservent l'injonction des pénitences
])ubliques à l'évèque ou à son pénitencier, veu-
lent que ces pénitents publics se présentent à
l'église le jour des cendres, et chargent les
curés de veiller sur laccomplifsement de leur
pénitence. « Cum sint nounulli quibus est
pœnitentia soif mnis per eiiiscopum, seu ejus
vieaiium, in sua Lirgonensi Ecclesia injun-
genda, sicut pro inlanlibus oppressis, aut alias
perditis, culpa parentum, dummodo notorium
sit, etc. »
Les ordonnances synodales d'Etienne Pon-
elier, qui fut fait évoque de Paris en 1303 et
fut transféré à l'archevêché de Sens en 1319,
défendaient aux curés et aux prêtres d'imposer
des pénitences publiques aux ecclésiasticiues et
aux personnes mariées, sans en avoir pris l'avis
de l'évèque ou des grands-vicaires, de peur de
jeter les clercs dans le mépris, et de causer du
trouble entre les personnes mariées. « Pres-
byteris prohibemus publicam pœnitentiam in-
jungere viris ecclesiasticis, et etiam uxoratis,
absque nostro, aut vicariorum nostrorum con-
silio, ne ordo clericalis vileseat, et matrimonia
scandalizentur. Imo aliœ secretœ imponantur
pœnitenti;c salutares, etc. (Synod. Paris., pag.
179, 182). B
Les prêtres pouvaient donc imposer des péni-
tences publiques à d'autres qu'à des clercs et à
des hommes mariés. Il est néanmoins dit en-
suite (|ue les péchés publics ne doivent pas
s'ex])ier seuhnunt par des corrections secrè-
tes. « Seitntes quod manifesta ptccata non
sunt occulta correctione purganda. »
Il y a quelque apparence de contradiction
DE LA PÉNITENCE PUBLIQUE.
429
entre ces deux propositions, et je n'en vois pas
pas trop bien la concorde. H se peut faire que
la seconde proposition suit la règle générale, et
que la première en soit une exception, ou que
kl correction publique soit diU'érente de la péni-
tence publique. Car les |)éclieurs publics a ([Lii,
par une sage et nécessaire condescendance, on
relàclie selon les canons la pénitence publi(|ne,
ne laissent pas de se corriger et de paraître en
public s'être corrigés, et satisfaire enfin au
public qu'ils avaient scandalisé , lors(iu'ils
accomplissent fidèlement les pénitences secrè-
tes qu'on leur impose.
La pénitence se fait en secret, mais le cban-
gement de vie est public et le scandale est
réparé. S. Tiiomas a remarqué lui-même, que
lorsque l'imposition de la pénitence publique
fut permise aux prêtres, la pénitence solen-
nelle qui ne se faisait que pour des crimes
extrêmement a'roces et scamlaleux, fut réser-
vée aux évêques (In 1. iv Sentent., d. 1 i, ([. 1).
Comme on ne peut pas raisonnablement
douter que les synodes et les ordonnances syno-
dales des autres provinces ne fussent confor-
mes à celles que nous venons de rapporter , il
faut conclure : 1° Que la pénitence publique a
été et ordonnée et pratiquée pour les crimes pu-
blics jusque dans le (piinzième siècle de l'Eglise.
Ainsi le concile de Trente, qui a été tenu dans
le seizième siècle, n'a fait que confirmer un
saint usage de i'Eglise quêtant de siècles avaient
bien pu obscurcir, mais non abolir entière-
ment.
2° Les ritui'ls particuliers des diocèses eu ont
toujours conservé le souvenir et l'obligation
même présente. Je ne rapporterai que ce qui est
porté dans le rituel romain ; « Pro peccatis oc-
cultis quamvis gravibus, manifestam pœniten-
tiam non imponant, etc. Videat sacerdosneeos
absolvat, qui publicum scandalum dederunt,
nisi publiée satisfaciant et scandalum tollant
(Tit. De Sacram. pœnitent.). »
3° La pratique dont les synodes de Langres
viennent de parler, et qui est encore si univer-
selle, de mettre en pénitence le jour des Cen-
dres les mères qui ont par mégarde étouffé
leurs enfants, et de les absoudre le Jeudi-saint,
la pratique des absoutes générales dans la
Sem.iine -sainte, ces pratiques, dis-je, beau-
coup plus anciennes ijue le concile de Trente,
montrent évidemment qu'au temps de ce con-
cile la pénitence publique n'était pas encore
tout à fait éteinte.
4° Quoi(|u'on ait distingué autrefois la péni-
tence solennelle de la |)éuitcnce publique, p irce
([ue celie-la était plus éclatante, et n'étaitor-
donnée que pour des crimes extrêmement scan-
daleux, on a pu néanmoins remarquer dans les
témoignages que j'ai cités, (pi'ou les avait enfin
confondues; et on regardait la pénitence sol-
lenuelle comme véritablement sacramentelle,
comme il paraît i)ar le synode d'Exeter, en
1"287. « Soleinnis pœnilentia, (|ua' sacramenta-
lis est, in aliain nullatemus commutetur
(Conc. Angl., tom. u, pag. 376). »
.V Quoi(iue pour les crimes moindres et se-
crets on fût persuadé dans ces derniers siècles,
que les pénitences étaient arbitraires ; néan-
moins pour les grands crimes (jui étaient réser-
vés à l'évêque, et pour les crimes publics, on
convenailencore(ju'il fallait imposer une peine
conforme aux canons.
L'abbé d'Usperg n'a pas oublié cet article en-
tre ceux que le saint apôtre des Poméraniens,
Othon, évêque de Bamberg, établit dans cette
nouvelle église, en l'an il2i, savoir que les
fidèles se confessassent à leurs curés en santé et
en maladie, miis que pour les grands crimes
ils fissent la pénitence qui est prescrite par les
canons. « Injiinxit ut dum sani sunt, venianl
ad sacerdotes, et confileantur peccata sua, etc.
Injunxit etiamutde perjuriis, de adulteriis, de
bomicidiis et de cseteris criminalibus, secun-
dum canonum instituta poenitentiam agant. »
Le concile de Cologne, en 1336, (Part. 7,
c. xxxvui), dit la même cbose en peu de mots.
« In publicis vero criminibus, quemadmodum
necesse est, ita jubemus ad canones antiquos
publicœ pœnitentiœ regredi. »
On a pu remarquer divers décrets, où il est
permis à l'évêque, pour éviter le scandale, et
pour d'autres raisons importantes, de remettre
la pénitence publique, et d'en imposer une se-
crète. C'est ce qui a été encore renouvelé par
le concile de Trente , comme nous Talions
dire.
VIL Car ce concile ordonne expressément
qu'on impose des pénitences publiques pour
les pécbés publics et scandaleux, si ce n'est que
l'évêque juge qu'une pénitence secrète soit plus
utile pour l'édification de TK^ilise. « Episcopus
tamen publiée lioc fiœnitentiœ genus in aliud
secretum poterit commulare, quando ita magis
judicaverit expedire (Sess. xxiv. c. 8). » Le
concile ordonne ensuite l'établissement d"un
pénitencier dans les cathédrales pournous ap-
430
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SEIZIÈME.
prendre que c'e^t sur lui que l'évêque se re-
pose principalement des pénitences publiques,
aussi bien que des cns réseivés.
Saint Cbarles publia ce décret dans ses con-
ciles jirovinciaux, où il obliç:ea les confesseurs
d'inifioser des pénitences publuiues aux pé-
cbeurs publics, a\ec défense d'en dispenser
s'ils n'en avaient le pouvoir de l'évêque (Acta
Eecles. Mediol., pap. 5, tl. 42, 93, 525, "18,
774). En effet le ccmcile de Trente dans le cha-
pitre que j'ai cite, ne réser\e pnnt à l'évêque
l'iniposilion des pénitences publiques, nais
bien la di^pense. l,e concile III de Milan et le
Synode XI diocésain de ce saint taelieieiit
néanmoins de renouveler l'ancien usage, où
les cui'és détf'raienl à ^é^è(|ue les pécheurs pu-
blics, [)our èlre mis en pénitence au commen-
cement du carême, et réconcibés le jeudi
absolu. Saint Charles renouvela toutes ces
ordonnances dans ses instructions aux confes-
seurs.
En France, l'assemblée de Melun, en ]"19,
les conciles de Reims, en t58l et t.')83 ,
celui de Tours, en 1.^83, celui de Bordiaux,
en 1583, celui de Bourges, en 1584, celui
dAix en t.'i85 (Conc. gêner., tom. xv, ]>ag.
2(i3, 383, 514, 590, 724, 72.^, 793, 9.o6,
108'J, 1218), ont confirmé et promulgué ce
même décret du concile de Trente. Celui de
Matines, en 1570, en a l'ait autant. L'assemblée
du clergé de France , en 1055, lit imprimer et
publier les instructions de saint Cbarles aux
confesseurs. Monseigneur l'aicbevêque de Pa-
ris les lit encore pul)lier en 1072, ordonnant à
ses missionnaires de s'y conformer. F.ignan est
d'avis, avec plusieurs aiileuis «pi'il elle, uilre
autres Suaiès et Bcllaimin, (|ue les eonfes-
seuT's peuvent et doivent ordonner des jié-
nitenees |iubli()ues pour les crimes imblics
(Fagnan., in I. v. Dient., part, u, j^ag. 102).
Il ajdute que la emgrégation du concile
mit une fois cette (|ueslion en délibéialion.
Ouoiepie la (lupai I des eardinatix crussent qnc!
les confesseurs et surtout les [lénileneic rs ,
S( Ion le droit cou uuin , |ou^ aient et devaient
le faire, néanmoins ils hésitèrent si le con-
cile de Trente les y obligeait et aimèrent mieux
ne rien résoudre pour ne pas jeter dans le
trouble la conscience des conl(!Ssei)rs et des
pénilt'iits.
\ III. Il est dune tciiaiir que (pioique les dé-
erélahs ir ('mes, (jui lent le corps du droit
nouveau, eussiul ièser\é a re\ê(|ue, ou à sorr
grand pénitencier, les pénitences publiques;
de]irris le concile de Tr'errte (lies ont été aban-
données à la disposition dts confesseurs ordi-
naires (Décrétai. Gregor., 1. i, tit. 31, c. xvi ;
1. ri, lit. 26, c. xviir ; 1. v, ti(. 31, e. xri). Cela
paraîtra encore plus surpn nant si l'on consi-
dère que non -seulement les pénitents qui
avaient la conscience cbar-gée de quelque grand
crime alléctaient ordiriauement de se confes-
ser aux é\êques, ainsi qu'il est justifié par les
fréquents ex( mples qu'on £n trouve dans Ma-
thieu Paris, Roger, Guillaume de Malmesbnry
et arilr-is historié 1rs ; mais l'instincl et l'ardeur
de leirr (liété les poussaient assez souvent à
r-econrir au Saint-Siège, comme il a paru par
tant d'exi mides rapportés dansée clia|iitre (Pa-
ris., an. 1152, 1188, 1220; Rogerius. pag. 12i,
178, 457, 620, 654, 681, 756; llist. illust., t. n.
pag. 85, 101, 138, 46'.).
C'est peut-être ce qui a achevé d'effacer pres-
e|ue teniles les traces de la pénitence publique.
Car les curés et ks antres prêtres sur qui les
évêe|ues s'en sont déchargés ajirès le concile
de Ti'enle, n'ont tu ni cette vigueur intrépide,
ni ee'tte autorité éminente, qrri est propre aux
éxê(|ues, e-t qui est nécessaire pour assojélir les
grands et illuslres crimirrels à des pénitences
humiliantes, qrri les cou^r•ent d'une contusion
salulaire, afin de leur procurer errsuite une
gloire iuimentelle.
Mais ein ne .s'étonnera jilus que le concile de
Trente ait laissé aux piètres l'imposition des
pénitences publieiiies, si l'on considèr'e ce que
le père Mor in a justifié, que depuis quatre ou
cinq cents ans. les sclrolastiques enseignaient
qrre la ,=(ule pénitence solennelle était r'êservée
à l'évêeirre et neirr la jie nitenee jiublie|rie. On
ajipelait seilenru lie, celle qui s'imposait j)Our
les crimes extrêmement searidaleirx. Le senti-
ment de ces deicleiirs ne s'éleiignait |ias beau-
coup de l'usage qui s'était intioduil dans les
Fjjlises et ejui s'y yiratiqnail kius les yeux et
sous la conelnile de ces doeteurs, qui avaient
aeceuiniodé kiu' eloe:trine à cet usage. Quel-
e|ues éxêqoes voyant le principe de ce relâ-
ehi ment, se sont réservés àerrx-mênies l'inipo-
silion des pénitence'S pnbliepies.
I\. l'eu avarrl le concile de Tr'e nte, l'Aile ma-
grre et la France témoignèrent beaucoup d'ar-
eleiir' |onr' la conser-vatie>n (Ui le' rétablissement
eh' la peiiiteriee iirdjliejiie. l-'.nlre le's e'e ut griefs
(|ue' le eor|is de l'e'Uipir'e pieiposa élans la diète
ele NirunJjerg en 1522, eirr loua l'usage de la
DE LA PÉNITENCE prRLIQl'E.
■4,11
pénitence publique qui s'imposait encore aux
grands crinit s (jui faisaient les cas réservés à
révèqiie ; mais ou se plaignit des amendes
pécuniaires que l'avarice y introduisait (Gol-
dast. Const. Imper., tom. i, p. 474).
« Hactcnus servata est consuetudo , quod
homicidii similiumque facinorutn . ([nos casus
episcopis reservatos vocant , rci , piracla in
aurem confessione , publicam pœnitentiam
subire coguntur. Qufo quidem pœnitentia' for-
ma, non usquequai|ue iniprobaiida fortt, ut-
pote quae ad primitivre Ecclesiœ inslituta quam
proxi(ne accederet : si maie ofllciosi officiales
pecuniae summnm non extorquèrent (]. i.vi . »
Les ambassadeurs du roi de France Charles IX
et ceux de l'empereur se joipfnirent au concile
de Trente en lo(J3 pour faire plusieurs propo-
sitions, entre lesquelles était celle de rétablir
la pénitence publique. « In Ecclesia propler
graves et publicas offensas ])ublica pœnitentia
restituatur 'Mémoires du clergé, p. 373. Gol-
dast. Const. Imper., tom. ni, p. 571). »
Enfin les rituels propres d'une grande partie
des diocèses du royaume, onlonnent les péni-
tences publiques pour les pécliés publics, aussi
bien que les o.-donnances synodales de la plu-
part de nos |)rélats, a|)rès le concile de Treute.
J'en pourrais dire autant des constitutions syno-
dales et des décrets des conciles d'Italie, d'Alle-
magne et d'Espagne , depuis le concile de
Trente.
X. Disons un mot de l'Eglise grecque, pour
faire voir son uniformité avec l'Eglise latine
dans les po'uts les plus essentiels. Siméon, ar-
chevêque de Thessalonique, déclare : 1° Que le
pouvoir de confesser et d'absoudre n'appartient
originairement ([u'aux évéques, et (jue les piè-
tres ne l'exercent qu'en leur absence, dans la
nécessité et avec leur licence. « Adeo sacratis-
simum est, ut solis episcopis conveniat, non
autem [iresbyteris , quiinadmodum cauones
loquuntur. Eo autem oflkio funguntur presby-
teri urgente necessitate, cum licentia episcopi,
illoque absente, non présente, etc. Si presby-
terorum hoc esset proprium, non darentur
illis licentiœ et mandatum ad excipiendas con-
fessiones. »
2° Que les grandscrimes demeurent toujours
réservés à lévêque, aussi bien que ceux qu'on
ne peut démêler sans quehjue difficulté. « Cri-
mina lanien majora vilotisunllldei abnegatio,
homicidium et personarum sacratarum lapsus
ad episcopuni referre oportet, et alla (jua^cum-
(|ue l'uuiunt et excedunt cognitioncm susci-
pientis confessionem ; omnia quoijue agere cum
episcopi consilio. »
3° Il se plaint avec justice de ce que les
moines, qui n'avaient reçu aucun ordre sacré,
ne laissaient pas quelquefois de faire la fonction
de directeurs et de confesseurs.
Je ne m'arrêterai pas sur celte matière; elle
demanderait plusieurs chapitres, si j'entrepre-
nais de remonler jus(|u'à la source et de mon-
trer connnent dès les premiers siècles, les soli-
taires sans ordres et peut-être même sans
littérature, mais fort versés dans la science des
saints, devenaient souvent les directeurs et les
pères spirituels, c'est à-dire, selon le style des
Grecs, les confesseurs des personnes séculières,
qui allaient les chercher dans leurs retraites :
quoique ce ne fussent point vraiment des confes-
sions.
H est plus dificile de trouver des vestiges de
la pénitence publique dans l'Orient , depuis
que Nectariiis l'eût abolie, à moins qu'on
n'envisage comme les monuments d'une péni-
tence publique, les monastères que faisait bâtir
l'empereur Jlichel, pour avoir fait mourir son
prédécesseur l'empereur Romain. Mais Glycas,
qui rapporte cela, ne craint pas de dire que
cette pénitence ne peut lui avoir été utile ,
puisqu'il ne laissa pas l'empire qu'il avait
usurpé, ni ne se sépara [)as de l'impératrice
Zoé, femme de Romain, (|ni avait été et l'atlrait
et la récompense de son parricide (Xn. 103i.
Glycas, Annal., [larl iv, p. 31.">). Cedrenus en dit
autant, et il parle ailleurs d'un autre, qui
quittaeffectivementrempire qu'il avait usurpé;
mais comme il ne le fit que lorsqu'il ne pou-
vait plus le retenir, il doute si cette pénitence
a été salutaire (Cedren., tom. ii, p. 738, 80.')).
Alexis Comnène, qui prit l'empire l'an 1080,
surNicéphore Botoniate.fit une pénitence bien
plus régulière et qui peut passer pour miracu-
leuse même entre les pénitences publiques
(An. 1080. Alexiados, 1. ui, p. 81, 82). II
convoqua le patriarche et plusieurs évèijues,
avec quelques saints religieux ; il se présenta à
eux en habit de criminel , leur confessa son
crime avec toutes ses ciiconstances ; ils le con-
damnèrent lui et tous ses complices, a jeûner,
à coucher sur la terre, au ciliée et à toutes les
autres austérités ordinaires de la j)énitence.
Leurs femmes voulurent être participantes de
leur douleur et de leur peine, quoiqu'elles
n'eussent point eu de part à leur crime. Tout
432
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.
le palais était un théâtre de deuil et de péni-
tence publique. L'empereur jiorta le cilice sous
la pourpre et coucha quarante jours à terre,
n'ayant qu'une pierre pour chevet.
Toutes ces circonstances sont fort semblables
à celles de la pénitence qui se pratiquait en
même temps dans l'Occident et dont nous
avons ci-dessus entassé tant d'exemples.
La part que les femmes prenaient à la péni-
tence de leurs maris, quoiqu'elles fussent inno-
centes de leur crime, a beaucoup de rapport
aux pratiques de l'ancienne Eglise, et elle m'a
raiiptlé la mémoire de l'illustre défens^eur de
l'Eglise, Simon, comte de Crefpy, qui alla de-
mander la pénitence canonique à Grégoire VII.
Ce pape la lui imposa, mais en même temps il
se chargea lui même d'une partie, chargea
du reste deux excelknls religieux qui étaient
présents et rendant au comte les armes dont il
l'avait dépouillé, il le renvoya à sa première
fonction de défendre l'Eglise contre ses enne-
mis.
CHAPITRE DIX-SEPTIEME.
DES ARCHIDIACRES PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES DE L EGLISE.
I. Aniiqnilé des ardiidiacres dars rOcoident.
II. Ce n'élail )iaf l'anliqujlé, n'a s le niéiile et la capacité qui
les élevait k celle dignité.
III. Celte vaste capacité était nécessaire pour une puissance
aussi élendiie que la leur.
IV. 1,'évéque Domniait son archidiacre.
V. Il ne pouvait pourtant pas le dépouiller sans cause.
VI. L'ardiidiacoué était quelquefois un office pour un temps
seulement.
VII. L'archidiacre était chargé de l'educalion et de l'instruc-
tion des jeunes clercs.
VIII. Il était chargé de toutes les affaires et de tous les biens
temporels de l'Kglise.
IX. ^cs pouvoirs dans l'ordination des clercs mineurs, et dans
celle des prèlres mêmes.
X. Il avait le som des veuves et des pauvres.
XI. Réponse à une objection, si l'archidiaconé était électif ou
collatif.
XII. Si îi Conslantinopic le plus ancien diacre était ; rchidia-
cre. Si l'archidiacre ;£lius ayant élé ordonné piètre, fut rétabli
dans l'exercice de son aichidiaconé.
XIII. En quel pouvoir et en quelle considération étaient les
archidiacres en Orient.
XIV. Ils y étaient aussi les ministres et les vicaires-généraux
des évéques.
XV. Ils y avaient aussi du pouvoir dans les ordinations.
I. Il lût fallu mettre les archidiacres immé-
diatement après Us évêques, dont ils exer-
çaient la juridiction sur les prêtres, les curés
et les aithiprêtres n ênie , mais nous avons
voulu lier ensemble tous les bénéfices et toutes
les dignités qui ont liaison avec la prêtrise,
comme nous avions joint tous les divers degrés
de l'épiscopat.
On ne peut mettre en doute que la dignité
des archidiacres ne soit très-ancienne dans
l'Eglise. Comme il y avait plusieurs diacres
dans toutes les cathédrales, il y avait aussi
nécessairement un premier diacre ou un archi-
diacre. Saint Jérôme (Epist. ad Rusticum)
semble donner trois chefs subalternes les uns
aux autres : l'évêque est le chef de tout son dio-
cèse, l'archiprêtre l'est des prêtres, l'archi-
diacre des diacres et de tous les clercs infé-
rieurs. « Singuli Ecclesiarum episcojii, singuli
archipre^byteri, singuli archidiaconi. Et omnis
ordo ecclesiasticus suis rectoribus nilitur. »
Optai, évoque de Rlilève, dit que ce fut l'ar-
chidiacre Cécilien qui fit cette correction si
nécessaire et si charitable à la dame Lucille et
dont les suites furent néanmoins si funestes,
parce qu'elle donna occasion au schisme des
donatistes. « Cum Lucilla correptiont m archi-
diaconi Cscciliani ferre non possit (Lib. i). »
Sévère Sulpice (Dialog. 2) parle de l'archi-
diacre de saint Martin et du commandement
que ce saint évoque lui fit de donner des
habits à \w [lauvre, auquel il donna lui-même
les siens propres , jiarce que l'archidiacre
n'avait pas obéi assez prompfi ment.
II. Au reste, ce n'était rien moins que l'âge
et l'antiquité qui servait de degié pour monter
à cette dignité. Le seul nom des prêtres lesfai
considérer comme les anciens et les sénateurs
DES ARCHIDIACRES PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
-433
de l'Eglise : Ainsi il est fort juste ijue IVige
fasse les arclii|)rètres. iMais le terme propre du
diaconat donnant à connaître que c'est un mi-
nistère, l'habileté (;t la grande capacité doivent
faire le mérite des archidiacres.
C'est ce que saint Jérôme (Epist. ad Eva-
griuni) a excellemment remari|né . lorsqu'il
dit que dans l'Eglise d'Alexandrie les prêtres
élisaient un évèipie de leiu- corps de la même
manière (]ue si les diacres choisissaient le plus
habile d'entre eux pour en faire leur archi-
diacre. « Quomodo si exercitus faciat impera-
lorem; aut diaconi eligant de se, quem iiidu-
strium noverint, et archidiaconum vocent. »
Sidoine Apollinaire (L. iv. Epist. xxv) par-
lant du saint archidiacre Jean, qui fut élu évè-
que de Chàlon , dit, qu'on l'avait longtemps
arrêté dans l'archidiaconé sans l'élever à la
prêtrise, parce qu'on ne pouvait pas facilement
en rencontrer un autre qui remplit si digne-
ment la charge pénible et importante d'archi-
diacre, a In quo archidiaconi seu gradu , seu
ministerio , multum retentus propter indu-
striam, diu dignitate non potuit augeri, ne po-
testate posset absolvi. »
Quelques-uns ont cru néanmoins que Jean
était prêtre quand il fut élu évèque, parce que
cet auteur le met au second ordre du sacer-
doce : « Secundi ordinis sacerdotem. » Au lieu
que les diacres étaient dans le troisième rang
du sacerdoce, comme nous l'avons dit ci-dessus.
Mais il se pouvait Jaire qu'on eût dès lors con-
fondu les prêtres et les diacres dans le second
ordre, comme c'est l'usage présent.
III. Cette grande capacité était absolument
nécessaire à l'archidiacre, parce qu'il était l'œil
et la main de l'évêque, son ministre et son
vicaire-général ])our toute la juridiction con-
tentieuse et pour l'administration du temporel.
Sidoine Apollinaire vient de le dire. Jean, ar-
chidiacre de Chàlon , n'avait point été élevé h
la prêtrise , de peur que cette augmentation
d'honneur ne fût une diminution de puissance.
« Diu dignitate non potuit augeri, ne potestate
posset absolvi. »
Anatolius, évêque de Constantinoplé, vou-
lant se défaire de l'archidiacre .-Etius dont
la vertu incorruptible l'incommodait , le fit
prêtre. C'était cet intrépide défenseur du pa-
triarche Flavien. Saint Léon, pape, se plaignit
hautement de celte injustice dans les lettres
qu'il écrivit à. l'empereur et à Anatolius
même. Il leur Ht voir que c'était une malice
Th. — Tome I.
étudiée de vouloir rabaisser un ecclésiastique
en l'élevant. « Non inveniens in eo, quod
argueret in fide, quod improbaretin moribus :
dejectionem innocentis per speciem prove-
ctionis impievit. »
L'autorité de l'archidiacre, selon ce pape,
consistait en ce qu'il était chargé de toutes les
affaires de l'Eglise. « Quem quia ecclesiasticis
negotiis pnrposuit (Epist. lvu, lviui. » On sait
que saint Laurent, diacre ou archidiacre du
pape Sixte , distribua aux pauvres tous les
trésors de l'Eglise dont il avait la dispensation.
Nous parlerons de ce droit plus à propos et
plus au long ailleurs.
IV. Mais les actes de cet illustre martyr rap-
portés par saint Ambroise, nous apprennent
une autre vérité qui est de conséquence : C'est
que la nomination de l'archidiacre dépendait
de la volonté de l'évêque seul.
Les paroles dont usa saint Laurent envers le
pape Sixte en sont une preuve manifeste. Il
le conjura avec toutes les instances possibles
et avec l'ardeur d'un invincible martyr de le
prendre pour le compagnon de son martyre,
comme il l'avait choisi autrefois pour être son
ministre dans le sacrifice non sanglant; dcjus-
tifierdans cette occasion le jugement et le choix
qu'il avait autrefois fait de lui. « Experire ,
utrum idoneum ministrum elegeris, cui com-
misisti Dominici sanguinis dispensationem ,
etc. Offer quem eruisti, ut securus judicii tui,
comitatu nobili pervenias ad coronam , etc.
Vide ne periclitetur judicium tuum (Bâronius,
an. '201, n. 7; Ambros. L. i. Offlc, c. Al;
Sozoml., L vin, c. 9). »
Puisque l'archidiacre était le ministre et le
vicaire universel de l'évêque , l'élection n'en
pouvait appartenir qu'à lui. Ainsi lorsque saint
Jérôme a dit ci-dessus que les prêtres élisaient
un évêque de leur collège à Alexandrie, comme
si les diacres élisaient un archidiacre ; c'est une
comparaison et une supposition tout ensemble.
Eu effet il ne dit pas que les diacres élisent,
mais que c'est comme s'ils élisaient un archi-
diacre. Sozomène dit que saint Chrysostome
avait établi Sérapion son archidiacre.
V. Quoique l'évêque choisit son archidiacre,
il ne pouvait pourtant pas le dégrader sans rai-
son et sans forme de justice. L'exemple de l'ar-
chidiacre .-Etius en est une preuve.
Le pape saint Léon intéressa l'empereur et
l'imiiératrice pour lui faire rendre justice par
le patriarche Anatolius, qui n'avait pu le
28
434
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-SEPTIÈME,
surprendre dans la moindre faute du monde
et ne l'avait fait monter à un plus haut ranj,'
que pour l'humilier. Anatolius ohéit au pape
et déposa le nouvel archidiacre André, comme
fauteur des Eutychicns (Epist. vu). Le pape lui
manda de rétablir dans leurs ordres ceux (|ui
souscriraient sincèrement à la condamnation
d'Eufyche, mais de ne donner les premières
dignités qu'à ceux qui auraient toujours été
fermes dans la foi. « His tantum ad otiiciorum
primatum admissis, (juos ab omni errore libe-
ros luisseconstiterit. »
La loi générale de l'Eglise devait avoir lieu
pour les archidiacres, aussi bien que pour tous
les autres bénéficiers de l'Eglise; ce devait être
la raison, la justice, le mérite ou le démé-
rite et non |)as la passion , ou le caprice
(jui les élevât, ou qui les rabaissât. Ce point
important sera traité plus au long en son
lieu.
VI. 11 faut avouer néanmoins que la loi
ecclésiastiiiue ne <lemandail pas ([uc les arciii-
diacres passassent toute leur vie dans ce minis-
tère. Cela est clair dans le saint archidiacre de
Chàion, que nous avons dit n'avoir été si long-
temps arrêté dans l'exercice do l'archidiacuné ,
tpie parce que l'on ne pouvait pas même l'éle-
ver plus haut, hors de Tépiscopat, sans dimi-
nuer beaucoup de son autorité et de ses droits.
Sidoine Apollinaire n'eût pas dû alléguer celte
raison, si c'eût été une loi et une coutume gé-
nérale (|ue l'archidiacre ne quittât cet oflice
ou cette dignité (ju'avee la vie.
Le ijape saint Léon ne reprocha point non plus
à An.itolius d'avoir ôté à ^'Etius une dignité
dans l.Kiuelle il devait consommer sa vie, mais
de lavoir tait avec une malignité aitilicieuse
pour se défaire d'un Iroj) ài)re adversaire des
Eulychiens et jiour substituer à sa place un
houMue trop justement suspect de ne les pas
ha'ir.
Nous verrons ailleurs des exemples encore
évidents de cette vérité, ((ue l'archidiaconé
n'était (ju'une administration qu'on pouvait
quitter et dont on pouvait être dépouillé même
sans crime, mais non pas sans raison, ou contre
les règles de la raison et de la justice.
Vil. Revenons aux fonctions et aux autres
pouvoirs de l'archidiacre; il était le supérieur,
le directeur, le maire des clercs iiilV'iieiirs, et
sa maison était une école sainte; de piété et de
doctrine! pour leur insliuction. Optât assure
que Majorin, (jui fut depuis le grand adversaire
de Cécilien, avait été autrefois son disciple, pen-
dant <|u'il n'était encore que lecteur, et que
Cécilien était archidiacre. « Majorinus (jui lector
in diacono Cœciliani luerat (Lib. i). «
Paulin, (jui a écrit la vie de saint Anibroise,
étant encore au nombre des clercs mineurs et
servant de notaire ou de secrétaire à saint Ani-
broise, était sous la conduite du diacre Castus.
Il l'assure lui-même, « Ego visuni retuli Casto
diacono, sub cujus cura degebam. » Le con-
cile IV de Carthage charge l'archidiacre d'ins-
truire les clercs mineurs de la sainteté de leur
]irol'ession. « Ostiarius postquam ab archidia-
cono fuerit inslructus, qualiter in domo Dei
debeat conversari, etc. »
VIII. Lorsijue saint Léon dit qu'Anatolius
avait donné à son archidiacre a dispensa-
lionem totius causre et curœ ecclesiasticae ,
(Epist. Lvu) » il semble connnettre aux archidia-
cres toute la juridiction des affaires ecclésias-
tiques, « causiE, » et tout le soin du bien
feni|)orel, « Curœ ecclesiasticœ (Epist. cxvii,
cxvui). »
Quand Théodoret, évêquc de Cyr, après
avoir imploré la protection du pape saint Léon
contre la violence de ceux qui l'opprimaient,
écrit â l'archidiacre de l'Eglise de Rome, pour
l'obliger d'intéresser le pape dans la défense de
la loi, et des défenseurs de la foi dans l'Orient,
ne fait-il pas voir quel cr('nlit avaient les archi-
diacres dans les plus grandes alfaires de l'E-
glise?
Enfui, lorsque le concile 1" de Tolède
(Can. xx), après avoir fait plusieurs stiiluls
pour régler la discipline de l'Eglise, ordonne à
l'archidiacre de veiller â ce que les évècjues
présents ou absents en soientbien informés, et
qu'ils les observent et les fassent exactement
observer aux curés : « Ilujusmodi constitutio-
nem scmper meminerit archidiaconus , vel
pncsentibus , vel abseutibus episcoiiis sug-
gerendam , ut eam episcopi custodiant , et
piesbyteri non relincjuant : » ce sont là cer-
tainement des marques d'une autorité fort
étendue.
IX. Le concile IV de Carthage (Can. v, vi, ixi
explique (jnelques fonctions de l'archidiacre
dans l'ordination ()ue l'évèque fait des clercs
mineurs, en commençant ])ar le sous-diacre.
C'est lui qui leur met en main les instruments
sacrés ijui sont les mar(|ues de leur ordination.
Saint Jérôme dit quelque chose de plus dans
sa lettre à Evagrlus ; savoir, qu'à Rome les
DES ARCHIDIACRES PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES,
433
prêtres mêmes étaient ordonnés sur le témoi-
gnage du diacre, c'est-à-dire de l'archidiacre.
« Sed dicis, Quomodo Ronia; ad tes^timonium
diaconi presbyter ordinatur ? » Saint Jérôme
n'a[)prouve pas cet usage, c'est peut-être parce
que les diacres en avaient pris occasion de s'éle-
ver insolemment au-dessus des prêtres.
Au fond , ce n'était autre chose qu'une in-
formation que l'archidiacre avait faite de la vie
de ceux qu'il présentait à l'ordination, comme
étant l'œil de l'évèque et le ministre de sa juri-
diction. Les lu'iques, les moindres clercs ren-
daient témoignage du mérite ou du démérite
de ceux (ju'on allait ordonner; l'archidiacre
prenait le résultat de ces attestations, et propo-
sait à l'évèque ceux en faveur desquels le pu-
blic s'était déclaré.
C'est encore l'archidiacre, dans le pontifical
romain, qui présente à l'évèque ceux qu'un ri-
goureux examen a fait connaître n'être pas
indignes de l'ordination. Si cet examen rigou-
reux n'a pas précédé, il ne faut pas s'en pren-
dre à cette rubrique du pontiflcal, mais à la
négligence des pasteurs.
X. Le même concile de Carthage(Can. xvii\
veut que l'évèque se repose sur l'archiprêtre
ou sur l'archidiacre du soin des veuves, des
pupilles et des passants. Le canon a été rap-
porté dans le chapitre des archi prêtres. Les
diacres furent en ell'et d'abord commis par les
apôtres, pour se décharger sur eux de cette
portion de la charité pastorale. Saint Jérôme a
bien su en prendre occasion de rabaisser les
diacres au-dessous des prêtres. « Quis patiatur,
mensarum et viduarum minister ut supra eos
se tumidus eil'erat, ad quorum preces Christi
corpus sanguisque conficitur (Epist. ad Eva-
grium). »
XL 11 ne nous reste qu'une objection à ré-
soudre sur la nomination de l'archidiacre.
La réponse d'Anatolius au pape Léon, qui
nous a été donnée par Holsténius, semble dire
qu'après la promotion d'.^itius à la prêtrise,
André lui avait été substitué plutôt par son
rang et son antiquité, que par le choix d'Ana-
tolius. « Andréas qui non provectus a nobis,
sed gradu faciente, archidiaconi dignitate
fuerat honoratus, ab Ecclesia separatus est,
etc. (CoUect.Rom., j». 134).» Et au contraire, le
pape Léon écrivant a Anatolius, semble rendre
ladignitéd'archidiacre élective. «Elccto primi-
tus et probato, (jui archidiaconi oiûcium possit
iraplere (Epist. lxxi). »
H n'est ]ias fort malaisé de dissiper ces petits
nuages. Saint Léon ne parle qu'à Anatolius, et
lui mande de commencer par élire un archi-
diacre capable de remplir une si grande di-
gnité. Les canons ne parlent i)lus dans le cin-
(juiènie siècle que de l'élection des évcques, et
entre les bénéficiers des Eglises cathédrales, de
celle des économes, comme nous le dirons,
en parlant des économes. Au reste il paraît
par les lettres du pape Léon, qu'il était bien
persuadé que c'était Anatolius seul (\u\ avait
nommé l'archidiacre .\ndré , parce que c'était
la coutume universelle , au moins de l'Oc-
cident.
L'archidiacre ayant une délégation générale
de la juridiction de l'évèque, il n'est presque
pas même concevable qu'un autre que l'évèque
puisse le revêtir de cette dignité.
XII. Quant à la réponse d'Anatolius, si ce
n'est point une défaite pour couvrir sa faute, il
faudrait dire que la coutume de l'Orient (car
nous n'avons parlé jusqu'à présent que de
l'Occident), ou au moins de Constantinople,
aurait été de placer le plus ancien des diacres
dans le siège de l'archidiacre. Le jiape Léon
aurait pu ignorer cette particularité, mais
Anatolius n'aurait pas moins été justement
blâmé d'avoir laissé parvenir à cet éminent
degré un diacre infecté de l'erreur ou de la
communion des hérétiques. Mais ce qui paraît
de plus singulier dans cette réponse d'Anatolius
au pape, c'est qu'Anatolius assure le pape
qu'il a déposé André et rétabli .lîtius, quoique
])rêtre, dans sa première dignité. «Et reveren-
dus quidem sacrosanctcC no.-trae Ecclesiœ pre-
sbyter ^tius in priore loco atque honore eccle-
siastico nobis est restitutus ; omne quod epi-
fcopii nostri est, modeste faciens ipse respon-
sum. » C'est dire seulement qu'.'Etius, quoique
prêtre, a été rétabli dans sa dignité, et dans
toute l'autorité de l'archidiacre.
11 est si nouveau, dans l'ancienne Eglise,
qu'un ()rêtre soit archidiacre, ou qu'un archi-
diacre soit prêtre, que nonobstant toute la
claitéde ces paroles, j'ai (leine à mêle per-
suader. Mais outre l'évidence des termes, Ana-
tolius, après avoir dit qu'il a rétabli ^tius, et
qu'il a déposé André, ne dit point qu'il en
ait choisi un autre. Le pape saint Léon semblait
même avoir proposé à Anatolius cet expé-
dient, de laisser encore exercer l'arcliidiaconé
à .-Etius , quoique prêtre , plutôt que de le
confier à un partisan de la nouvelle hérésie.
43G
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.
Ce texte est fort corrompu, mais le meilleur
sens qu'on en puisse tirer me semble être tel,
et il est fortifié par la déférence qu'eut Ana-
tolius pour le désir du pape. « Nam apud
catliolicum episcopum eiiamsi crat utcumque
decus sacerdotale, sacerdotiarchidiaconus pro-
pter fidei reverentiam debuit prœmitti, potius-
quam locum catbolici nequissimus haerelicus
obtineret. » Enfin ces termes mêmes d'Anato-
lius : ((Omne quod episcopii nostri est, modeste
faciens ipse responsum,» contiennent la prin-
cipale cbaryede l'archidiacre, qui était d'expé-
dier toutes les affaires de l'officialité, ou de la
juridiction contentieuse du diocèse.
XIII. Continuons le discours des archidiacres
dans l'Orient. Saint Chrysostome écrivant au
pape Innocent après sa déposition, se plaignit
de l'archevêque d'Alexandrie Théophile, qui
ayant gagné son archidiacre, lui avait par son
moyen débauché tout son clergé. « Vocato ar-
chidiacono meo, quasi Ecclesia jam viduata
esset, ac episcopum non haberet, clerum om-
nem per illum sibi adjunxit. »
On voit par là quelle était la puissance de
l'archidiacre, surtout quand l'Eglise était
vacante. Le concile de Calcédoine, écrivant au
clergé d'Alexandrie, après la déposition de
Dioscore, adressa sa lettre à Charmosynus,
prêtre et économe, à Euthalius, archidiacre,
et aux autres clercs. C'étaient les deux princi-
paux administrateurs des évêchés vacants,
l'économe pour le temporel, l'archidiacre
pour le spirituel.
On lut dans ce même concile (Action x) les
actes d'un concile de Béryth, tenu peu aupara-
vant au sujet d'Ibas, évêque d'Edesse, où il est
dit que Maras, diacre d'Edesse, avait été excom-
munié par son jjropre archidiacre, pour avoir
outragé un prêtre. On y lut aussi un concile
d'Antioche, sous Domnus, où il est parlé de
l'archidiacre Isaac. Mais c'est une faute de la
version latine ; car il est nommé deux fois
dans le grec, archilecteur, Afy.iajapwSy.,-, qu'on
traduit en latin, a Primicerius lectorum. »
Enfin l'archidiacre de Constantinople ^ïtius
paraît dans toutes les sessions du concile,
comme en étant le promoteur; et dans le
nombre de six cent trente évêques, il y eut
plusieurs archidiacres qui tenaient la place de
leurs évêques, et souscrivirent en leur nom.
XIV. Les archidiacres dans l'Orient étaient
aussi bien que dans l'Occident les agents et les
ministres universels des évêques. Saint Jérôme
écrivant contre les erreurs de Jean, évêque de
Jérusalem, dit que ce prélat envoya son archi-
diacre pour imposer silence à saint Epiphane,
lorsqu'il prêchait dans l'églisedu Saint-Sépulcre
contre les origénistes. Jean, évêque d'Antioche,
étant cité par trois évêques du concile d'Ephèse
afin de venir se présenter au concile , fit ré-
ponse par son archidiacre, et sa réponse fut un
refus.
Isidore de Damielte écrivit à Lucius, archi-
diacre de Damiette, que les diacres étant
comme les yeux de leur évêque, il devait être
lui-même tout œil, et ne pas laisser souiller la
pureté, et obscurcir l'éclat de son Eglise par
des ordinations simoniaques. « Si venerandi
allaris diaconi episcopi oculi sunt, cum tu Dei
permissu ipsis praîsis totus oculus , ôxoç d!feaX(j.ô;
esse debes, quemadmodum animalia illa plu-
rimis oculis prœdita (L. i, epist. 29). »
XV. Ce n'est peut-être pas sans raison que ce
Père exhorte un archidiacre à s'opposer avec
zèle aux ordinations simoniaques. Car l'archi-
diacre avait peut-être autant de crédit aux or-
dinations dans l'Orient que dans l'Occident.
On accusa autrefois Ibas, évêque d'Edesse, d'a-
voir voulu faire la promotion d'un évêque très-
indigne de ce divin caractère, et de n'en avoir
été empêché que par son archidiacre. « Tenta-
vit eum ordinare episcopum, et prohibitus ab
eo qui tune archidiaconus erat, indignatus
est (Concil. Gall., act. 10). C'est apparemment
de l'archidiacre qu'on doit entendre la lettre
écrite par le comte Jean à l'empereur Théodose
le Jeune, où il parle du premier diacre d'E-
phèse, ■JTpOT&Sia'xovou,
DES ARCHIDIACRES DES SEPTIÈME, HUITIÈME ET NEUVIÈME SIÈCLES. 437
>*
CHAPITRE DIX-HUITIÈME.
DES ARCHIDUCRES DANS LES SEPTIÈME, HUITIÈME ET NEUVIÈME SIÈCLES.
I. L'archidiacre^était !e vicaire-général de l'évèqtie, et exerçait
toute sa juridiction, soit volontaire, soit conlentieuse. Preuve.
II. III. Autres preuves. Il exerçait même la charge de l'éco-
nome et du chantre.
IV. V. \'l. Sa juridiction particulière sur les causes des clercs.
VII. Sa maison était l'école de tous les clercs inférieurs.
VIII. La grande habileté qui était nécessaire à un archidiacre.
IX. Sa juridiction sur les curés, et sur les archiprètres même.
X. XI. Il n'y avait qu'un archidiacre dans les cathédrales.
Canon contraire du synode d'Auxerre.
I. Les archidiacres ont été, dans ce second
âge de l'Eglise, les grands-vicaires, et en même
temps les otticiaux des évèques dans tout
l'exercice de leur juridiction volontaire ou
conlentieuse.
L'auteur de la vie de saint Léger, évèque
d'Autun, le dit formellement en parlant de ce
saint, alors archidiacre de Poitiers, à qui il
donne aussi toute la science du droit civil et
canonique, toute l'éloquence, et enfin toute la
sainteté et l'intégrité nécessaires pour un si
important ministère.
« Infra viginti annos ad otficium electus est
diaconatus, atque ab ipso pontifice consecratus.
Deinde non mullo exacto tempore archidiaco-
nus etfectus, omnibus ejus diœcesis Ecclesiis
ab eodem pontifice pra;fectus atque pnflatus
est. Erat enim egregie facundus , prudentia
providus, Dei zelo et amore fervidus, Scri-
pturœ divinœ, tum etiam pontificii juris et
civilis cognilione, pêne omnes ejus parochiœ
quam administrandam susceperat, habitalores
antecedebat. Et brevi quidem temporis spatio
sub illo anlistite magnam pacem Pictavensi
solo regiininis sui providenlia conciliavit (Du
Chesne, Histor. Franc, tom. i, pag. 618). »
II. Cette admirable peinture d'un archi-
diacre ne répond pas mal à la description
qu'Isidore de Séville nous a laissée de ses ver-
tus et de ses pouvoirs. « Archidiaconus im-
perat subdiaconis et levitis. Quis levilarum
apostoluin et Evangelium légat, quis preces
dicat seu responsoria in Doininicis diebus aut
solemnitatibus decantet. Solliciludo quoque
parœciarum, etordinatio, et jurgia adejusdem
pertinent curam. Pro reparandis diœcesanis
basilicis ipse suggerit sacerdoti : ipse inquirit
parœcias :cumjussione episcopi,etornamenta,
vel res basilicarum et parœciarum gesta, et
libertatum ecclesiasticarum episcopo idem re-
fert. Collectam pecuniam de communione ipse
accipit, et episcopo defert et clericis partes pro-
prias idem distribuit. Ab archidiacono nun-
tiantur episcopo excessus diaconorum. Ipse
denuntiat sacerdoti in sacrario jejuniorum
dies atque solemnitatum, et ab ipso publiée in
ecclesia prœdicantur. Quando vero archidia-
conus absens est, vicem ejus diaconus sequens
adimplet (Epist. ad Luidfredum, pag. 615). »
Outre les fonctions du grand-vicaire et de
l'official, voilà l'archidiacre encore chargé de
celles de l'économe et du chantre , au moins en
partie. Mais ces paroles d'Isidore nous font
clairement voir que toute la juridiction épis-
copale, tant pour le spirituel que pour le tem-
porel, lui était entièrement confiée, aussi bien
que la visite et la surintendance des paroisses
de la campagne.
m. Venantius Fortunatus, écrivant à l'archi-
diacre de Meaux, ne met point de bornes à sa
charge de vicaire-général de l'évéque :
Det tibi larga Deus, qui curam mente fideli
De grege pontificis, magne minister, habes.
(Poemat., 1. m.)
C'est-à-dire qu'il était le ministre universel
de l'évêque dans toute l'étendue de son empire
sacerdotal. Aussi un évèque de France ne crut
pas devoir demander pour lui au pape saint
Grégoire l'usage des dalmatiques, qui n'était
pas encore très-commun, qu'il ne le demandât
aussi pour son archidiacre, ce que ce pape ac-
corda à l'un et à l'autre. « Petita concediinus,
atque te et archidiaconum tuum dalmaticarum
usu decorandos esse concedinuis, easdemque
dalmaticas transmisimus (L. vu, ep. csii). »
L'histoire de l'archidiacre arien qui ferma la
438
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-HUITIÈME.
bouche à l'évêque d'Antioche Mélèce, pour
reniptcher de faire une profession de foi ca-
tboliijue, montre a^sez quel accès et quel pou-
voir avait Tarcliidiacre auprès de Tévè jue,
comme celle de saint Jean l'aumônier montre
son autorité sur tous les clercs. Ce saint pa-
triarche d'Alexandrie (In. vila ejus, c. xvi)
étant à l'autel, se fit montrer par son archidia-
cre un diacre irréconciliable avec son ennemi,
et le força de se réconcilier à l'heure même
publiquement, avant que de recevoir le corps
adorable de l'hostie d'amour et de paix. L'évê-
que fit ce que l'archidiacre avait inutilement
tenté.
IV. Mais voici bien d'autres preuves pour
justifier cette pleine juridiction de l'archidiacre
sur tous les clercs. Les iuj;es séculiers ne pou-
vaient connaître des causes entre les clercs et
les laïques sans l'archidiacre, ou une autre di-
{i;nité (lu chapitre. Voici ce qu'en dit le concile
d'Auxerre (C. xlhi, Antis. 4, c. xx) : « Qure-
cumque causatio quoties inter saecularem et
cicricum vertifur, absciue presbytero aut archi-
diacono, vel si cpiis esse prœpositus Ecclesia;
dignoscitur judex publicus audire negolium
non pr.Tsumat. » Mais les ecclésiastiques ou les
curés (jui desservaient les paroisses situées
dans les maisons des grands, s'ils n'étaient par-
faitement obéissants à l'archidiacre, « Ab ar-
ciiidiacono civilalis admoniti, » étaient châtiés
selon leurs démérites, «corriganUn- secunchun
ecclesiasticam disciplinam (Ibid., c. xxvi). »
Si l'archiprètre, i)ar une complaisance lâche
et criminelle, n'avertissait pas l'évêque ou
l'archidiacre de l'incontinence des prêtres, ou
des autres clercs majeurs, il était suspendu
pour un an de la conuiiunion : « Et archipre-
sbyler hoc episcopo aut archidiacono non in-
notucrit, si scit (Antisiodor., c. xx, xxni). »
On décerne aussi des peines très-sévères
contre les abbés qui ne puniront pas les désor-
dres scandaleux de leurs religieux, ou qui n'en
avertiront pas l'évêque ou l'archidiacre : « Aut
episcopo, aut archidiacono non innotuerit. »
Enfin, si les seigneurs des villages où les pa-
roisses étaient situées, empêchaient les archi-
diacres d'exercer leur juridiction sur les curés
et autres ecclésiasliiiues de ces paroisses, le
concile de Châlon, tenu en 050 (Can. xiv), les
frappe d'analiième. « Et jani nec ipsos clericos,
qui ad ipsa oratoria, dcserviunt, ah archidia-
cono coerceri permitlanl, etc. Quod si (juis
coulradixerit, conunuuione j)rivetur. »
V. Le concile I de Mâcon (Can. vui) ne per-
met pas aux clercs de plaider entre eux devant
un autre tribunal que celui de l'évêque, des
|)rêtres ou de l'archidiacre : « Omne negotium
clericorum, aut in episcopi sui, aut in presby-
terorum vel archidiaconi prsesentia finiatur. »
Mais comme la juridiction de l'évêque s'éten-
dait sur toutes les personnes misérables, le con-
cile II de Mâcon défendit aux juges publics de
connaître des causes des veuves etdes pupilles,
sans être assistés de l'évêque ou de l'archidia-
cre, ou de quelques prêtres. « Docernimus, ut
judices non prius viduas aut pupillos conve-
niant. quam episcopo nunctiarint, cujus sub
velamine degunt. Uuod si episcopus prsesens
non fuerit; archidiacono vel presbytero cuidam
ejus, ut pariter sedentes, communi delibera-
tione causiseorum terminos figanl, ita juste ac
recte, ut deincepsdetaUbus antedictœ personœ
non conquassentur (Can. xii). »
Le concile V d'Orléans (Can. xx), ordonna
que l'archidiacre, ou le prévôt de l'Eglise, visi-
terait les prisons tous les jours de dimanche,
pour s'informer de l'état et des besoins de tous
les prisonniers, afin que l'évêque ne les laissât
])as manciuer de ce qui leur était nécessaire.
« Ab archidiacono, seu pneposito Ecclesiœ sin-
gulis diebus Dominicis requirantur. »
Ce prévôt ne me paraît autre que l'archiprè-
tre, et on en peut tirer une conjecture du ca-
non XX du concile IV d'Orléans, confronté avec
le canon xlui du synode d'Auxerre. Car ce
dernier nomme l'archiprètre au lieu du prévôt
qui est nommé dans l'autre. Mais cependant
cette qualité de prévôt, « prnepositus, » s'intro-
duisait dans les églises.
VI. Or c'était principalement sur tous les
clercs inférieurs que l'arciiidiacre faisait écla-
ter les marques de son autorité, comme sur ses
vassaux, (pii tenaient de lui comme une por-
tion et un (lémend)rement du diaconat. Le con-
cile d'Agde (Can. xx) lui permet de couper les
cheveux aux clercs qui les porteront trop longs,
malgré toute leur résistance. « Clerici qui
comam nutriunt, ab archidiacono, etiamsi no-
luerint, inviti detondeantur. »
VII. Tous les clercs inférieurs étaient non-
seulement leurs sujets, mais aussi leurs disci-
ples, car les archidiacres étaient toujours les
plus habiles du clergé : et h^ur maison était
l'école de tous les jeunes ecclésiastiques.
La science et la [iratique se trouvaient heu-
reusement réunies dans les archidiacres, et
DES ARCHIDIACRES DES SEPTIÈME, HUITIÈME ET NEUVIÈME SIÈCLES. ^39
tous ii's clercs avaient en leur personne non-
seulement un maître, mais im modèle \ivaiit
de toutes les vertus cléricales. «Scias me eiiiis-
sum al> arcliiiliaoono et itra'ceptorc, etc.. » dit
Grégoire de Tours (llistoria, 1. vi, c. xxxvi).
Et en un antre endroit, a Erat arclndiaconus
Joaimes noniine, valde religiosus, et in aidii-
diaconatu suo stutiiuin docendi parvulos Iia-
bens (Mirac, I. i, c. lxxvih. Vita' l'alruni,
c. IX). 1)
llréyoire de Tours, parlant ailleurs de l'ar-
chidiacre de Bourses, le fait paraître connne
le supérieur de la communauté, où tous les
diacres et les autres moindres clercs vivaient
et mangeaient ensemble ; en sorte que cet ar-
chidiacre ne pouvait souffrir les austérités ex-
traordinaires de l'un d'eux, croyant que celte
singularité blessait les lois et la bienséance de
la vie commune. Enfin Bède nous apprend ipie
l'archidiacre de Rome, Boniface, pouvait ré-
pandre les torrents de sa profonde érudition,
non-seulement sur le clergé de Rome, mais
aussi sur tous les étrangers cpii y accouraient
de toutes parts, comme à la partie et à la source
de la science, aussi bien que de la discipline de
l'Eglise.
« Veniens Romam Wilfridus, et orationibus
ac meditationi rerum ecclesiasticarum quoti-
diana mancipatus instantia, pervenit ad ami-
citiam viri sanctissimi ac doctissimi, Bonifacii
videlicet arcliidiaconi , qui etiam consiliarius
erat apostolici papae; cujus magisterio, quatuor
evangeliorum libres ex ordine didicit, compu-
tum pascluc rationabilem, et alia niulta, quœ
in patria nequiverat, ecclesiasticis disciplinis
accommoda, eodem magistro tradente percepit.
(Hist., I. v, c. xx). B
VIII. C'est cette habileté extraordinaire des
diacres et des archidiacres qui les a si souvent
élevés au souverain pontificat, connne saint
Léon, saint Grégoire, Boniface et tant d'autres.
C'est ce qui leur a donné la qualité et la charge
de promoteur dans les conciles généraux et na-
tionaux, comme il parait par le canon iv du
concile IV de Tolède.
C'est ce qui a fait faire ce règlement au con-
cile d'Agde (Can. xxni),que si l'archidiacre n'a
pas toutes les lumières, ni cette humeur agis-
sante que sa charge demande, l'évéque lui lais-
sera le nom et le rang qu'il a, mais il donnera
le maniement des affaires à celui qu'il jugera
le plus propre. « Sane si officium archidiaco-
nalus propter siinpliciorem naturam implere.
aut expi'dire neciuivcril. ille loci sui nonicn li;-
ncat ; et ordinationi Ecclesia', (puin clcgi'rit
('pisco|Mis, pra'|ionatur. »
IX. C'est encore la même raison (jui ayant
fait remettre toute la juridiction do l'évéque
entre les mains de l'archidiacre, l'a aussi élevé
au-dessris (les prêtres mêmes, et surtout sur ceux
de la cam[iagne. Le concile m Trtillo (Can. vu)
ne donne la préséance aux diacres sur les
prêtres (|ue lorsqu'ils tiendront la place de leur
patriarche ou de leur métropolitain, qui leur
aura commis quel<iue aU'aire importante.
« Statuinuis, ut diaconus etiamsi in digni-
tate, id est in quovis sit officio ecclesiastico,
£■/ av.wrxooTi tojt' c'sTtv oo'jiz'M, ante presbyteruni ne
scdeat , prœterquam si proprii patriarche, vel
metropolitani vicem gerens, adsit in alia cixi-
tate, super aliquo capite ; tune enim ut locum
illius implens honorabitur.»
Nous parlerons plus bas de ces offices, que
les Grecs mêmes nonunaient de ce nom d'of-
fices. Mais ce n'est pas de la préséance dont je
veux ici parler, c'est de la supériorité efl'ective
et tle la juridiction (jue l'archidiacre, comme
grand-vicaire et vice-gérant universel de l'é-
vé([ue , exerçait sur les ])rêtres, et sur l'archi-
prêtre même, comme nous l'avons déjà montré
par tant de preuves dans ce chapitre, et connne
Isidore le dit eu termes précis : « Archipre-
sbyter vero se esse sub archidiacouo, ejusque
jirieceptis, sicut episcopi sui, sciât obedire (Epist.
ad Luidfredum, p. OiU.) »
X. On a pu i-emarquer jusqu'à présent qu'il
n'y avait qu'un archidiacre, et qu'il n'y en avait
que dans les églises cathédrales. Le concile de
Mérida (Can. x), l'a dit si formellement qu'il
n'y a pas de réplique. Il ne pouvait y avoir
qu'un premier entre les diacres , aussi bien
qu'entre les prêtres ; et c'était celui qu'on
appelait archidiacre et archiprètre. Le concile
d'Agde suppose bien qu'il n'y en a qu'un, lors-
qu'il lui substitue, non pas un autre archidiacre,
mais un autre diacre au choix de l'évéque. Les
saints i)apes Léon et Grégoire n'eussent pas eu
sujet de faire tant de plaintes de la promotion
malicieuse et oflensante de l'archidiacre à la
jirétrise, si les évèques eussent pu se donner
plusieurs archidiacres.
XI. C'est ce qui nie fait un peu douter du
canon vi du synode d'Auxerre, où il est parlé
de l'archidiacre, et même de l'archisous-diacre
d'une simple paroisse. L'un est aussi extraordi-
naire que l'autre est inouï, à moins que ce fût
4-iO
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE DIX-NEUVIÈME.
une coutume particulière et très-singulière du
diocèse d'Auxerre de donner ces noms au pre-
mier d'entre les diacres et au premier des
sous-diacres d'une paroisse. En ce cas on pour-
rait autoriser cet usage par celui des monas-
tères orientaux , oii saint Jean Climaiiue donne
plusieurs fois le nom d'archidiacre au premier
des diacres (Scaliger iv).
CHAPITRE DIX-NEUVIEME.
DES ARCHIDIACRES SOLS L EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
I. Divers pouvoirs des archidiacres sur les curés, pour la vi-
Bite, pour le synode.
II. Leurs exactions souvent condamniies.
III. Pourquoi les laïques se saisirent quelquefois des archi-
diacoués.
IV. Instructions excellentes d'Hincmar à ses archidiacres, sur-
tout au temps de leurs visites, ou avec l'évéque, ou seuls.
V. Défenses de rien exiger.
VI. Et d'unir ou désunir les bénéBces de la campagne.
VII. Et de se laisser corrompre par présents, pour dissimuler
les crimes des pénitents, des clercs et des curés.
VIII. Il donne le nom de prêtres aux archidiacres.
IX. Les arthiprètrcs mêmes étaient soumis à l'archidiacre.
X. Les archidiacres promoteurs des conciles. Des archidiacres
religieux.
XL Les archidiacres parmi les Grecs n'avaient point Je juri-
diction sur les prêtres.
XII. La délégation de la juridiction épiscopale étant longtemps
continuée, est devenue ordinaire.
I. Les archidiacres sont placés avant les
prêtres, c'est-à-dire avant les curés , parce
qu'ils exerçaient déjà sur eux, une juridiction
ordinaire, (luoique déléguée par l'évêtiue.
C'était à l'archiiliacre de convoquer les curés
et les autres ecclésiasti(|ues avec le comte, c'est-
à-dire le gouverneur du pays, pour se trouver
au synode de l'évéque. « De presbyteris et
clericis sic ordinanuis, ut archidiacouus epi-
scopi eos ad synodum commoneat , una cum
comité (Conc. GalL, t. ii, p. 5). » Le capitulaire
de Louis le Délioniiaire leur donne la (jualilé
de coadjuteurs du minislère épiscopal, aussi
bien qu'aux chorévêques et aux archii)rétres.
(Ibid., p. iOd).
II. Le concile de Châlon, tenu en SI.") (Can.
xv) montre bien qu'ils étaient d'ordinaire com-
mis par les évêques pour faire la visite des
paroisses de la campagne : « quod ab eis epi-
scopisinjungilur, hoc per parochias suas cxer-
cere studeant , nihil per cupidilatem et avari-
tiam prœsumentes. »
Cette autorité que les évêques donnaient aux
archidiacres sur les curés et sur les paroisses,
dégénérait souvent en une tyrannie peu sup-
portable, et en infâme? exactions, et c'est ce
qui est condamné i)ar ce même concile : « Di-
ctum est etiam, quod in plerisque locis archi-
diaconi super presbytères parochianos (juam-
dam exerceant dominationem, et ab eis censiis
exigant; quod magis ad tyrannideiu, (juam ad
rectitudinis ordinem pertinet. »
Le concile VI de Paris, tenu en 829 (Can.
xxv) , lit de nouvelles instances aux évêques
contre l'avarice et les exactions des archi-
diacres sur les cures et sur les curés : « Com-
perimus quorumdam episcoporum ministros
non sol uni in presbyteris, sed etiam in |)lebibus
])arochiie sutc avaritiam poli us exercere, quam
utilitati ecclesiasticœ dignitatis inservire , etc.
Stutiiimiis ut unus([uis(jae episcoporum super
archidiaconis suis deinceps vigilantiorem cu-
rani adhibeat; quoniam propter eorum avari-
tiam et monim imiiroititatem multi scandali-
zanlurelministeriumsacerdotaleviluperatur.»
Le concile II d'Aix-la-Chapelle, tenu en 836
(Can. iv), usa ])re?que des mêmes termes,
enveloppant tlans la même censure les ciioré-
vêques et les archiprêtres, avec les archidia-
cres, comme complices de la même avarice.
111. Ce n'est pas sans beaucoup de vraisem-
blance qu'on a cru que les laKiues mêmes ne
s'étaient portés à ce comble d'imprudence, de
s'emparer des archidiaconés, que [jour exercer
ces cruelles rapines sur les paroisses des
DES ARCHIDIACHES SOTS CHARLEMAGNE.
m
cliain|is. C'est cet abus que CliLirloniagne coii-
(launia dans un de ses capitulaires. « Il laici
non sint pnriiositi nionasliMioruni inlraniona-
steria, ncc arcliidiaconi sint laici (Ca|)ilul.
Carol. Mag., 1. i, c. IIG; lom. ii, Conc. Gall.,
can. xv). »
IV. De ce qui a été rapporté il résulte que les
frais ou les profits des archidiacres n'étaient
point encore réglés. Hincniar donna une excel-
lente instruction à ses deux archidiacres, où il
leur recommande de ne point être à charge
aux curés quand ils feront leurs visites, ou
seuls, ou avec l'évèque; de ne point se faire
accompagner d'un nombre excessif ou d'hom-
mes, ou de chevaux; de ne point s'arrêter
longtemps dans la même paroisse ; et s'il y a
quelque nécessité inévitable de s'y arrêter un
peu plus longtemps, de faire contribuer les
paroisses voisines à leur dépense; de ne point
faire leurs visites pour épargner leur revenu,
en vivant aux frais des paroisses, mais de mettre
tout leur soin à répandre la parole divine, et
de faire éclater partout une vie et une con-
duite encore plus édifiante que leur prédica-
tion.
a Qnando rusticanas parochias vobis com-
missas, vel mecum, vel per vos circuitis, sicut
et ego, non graves silis presbyteris in paratis
qua^-endis : neque diicatis superflue vobiscura
homines, vel vestros proprios, vel pro[)in-
quos vestros, per quos illos gravetis, in
cibo , et pota , et fodro ad caballos. Xec diu
in mansionibus ipsorum presbylerorimi immo-
remini ; et si nécessitas evenerit , ut in aliquo
loco immorari debeatis, sic disponite victualia
vestra per circummanentes presbyferos, ut
nemini graves sitis, et non oliosi et infru-
cluosi stipendia ecclcsiaslica insumatis, sicut
nec ego gravis sum presbyteris, per quos
parochias circumeo, etc. Ut non occasione
victus parochias circumeatis , quatenus alio-
rum sti[)endiis viventes, vestra stipendia con-
servetis, sed verbo et exemplo iustruatis non
solum presbyteros, sed et laicos (Conc. Gall.,
tom. ui, p. 64-2). »
V. Il leur défend ensuite très-expressément
d'exiger des curés aucuns présents, soit en
argent, soit en espèces, non pas même sous
le vain prétexte d'eulogie ; non-seulement
lorsqu'ils feront leurs visites, nriis aussi au
temps du synode, ou dans les occasions diver-
ses qui obligent les curés de venir à l'évêché.
« Ne ad quamcumque rem denarios apud pre-
sbyteros postuletis, neque quando adsynodiim
venerint, eulogias exigatis; » sans leur défen-
dre néanmoins de recevoir ce qu'on leur donne
volontairement.
VI. Les défenses suivantes font voir jusques
oii le pouvoir des archidiacres s'était étendu.
Il ne leur permet plus d'unir deux paroisses
en une , ni de désunir les chapelles, ou les
succursales de la paroisse à la(]uelle elles ont
été attachées, ni de donner permission d'avoir
des chapelles domestiques. Au contraire il leur
ordonne de lui dresser un état de toutes les
paroisses qui ont eu des annexes et de tous les
oratoires domestiques qui ont été bâtis jusqu'au
temps présent.
Vil. 11 leur ordonne ensuite à eux et aux
curés de ne point se laisser corrom])re par des
présents, pour flatter les pénitents dans leurs
désordres , soit avant la réconciliation , soit
après et de l'avertir de la rechute déplorable
de ceux qui après avoir reçu la réconciliation
solennelle retombaient dans leurs premiers
dérèglements, afin qu'il leur prescrive la con-
duite qu'ils doivent tenir â leur égard. Leur
sévérité ne doit pas être moins incorruptible
pour les clercs qu'ils présenteront aux ordres,
de la vie et de la capacité desquels ils sont res-
ponsables.
Enfin il leur enjoint de l'informer de quelle
manière les curés observent les ordonnances
qu'il leur a prescrites, surtout pour la portion
des revenus de l'Eglise qui est destinée aux
pauvres, et de remjjlir la place des doyens qui
sont incorrigibles dans leur relâchement, ou
qui sont morts, soit en lui en déférant leclioix,
s'il est proche, ou s'il est éloigné en faisant pro-
céder aune élection, dont ils lui demanderont
la confirmation.
VIII. Voilà les saintes et exactes instructions
de Hincniar à ses archidiacres, iiiii nous ap|iren-
nent eu même temps leurs obligations et leurs
pouvoirs; et dont nous aurions sujet d'être en-
tièrement satisfaits, si nous avions pu y décou-
vrir la raison pour laquelle il semble donner
la qualité de prêtres à ses archidiacres. « Gon-
tario et Adhelardo archidiaconibus presbyte-
ris. » On ne peut (las dire qu'il faut lire , « et
presbyteris, » par la raison qu'il parle toujours
des archidiacres. Il est difficile de soutenir que
ce fussent des prêtres qui fissent la fonction des
archidiacres, parce que l'usage de l'Eglise était
encore alors fort contraire.
IX. Les curés et les archiprêtres même ne
4i2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGTIÈME.
laissaient pas d'être soumis à la juridiction de
l'archidiacre, qui n'était que diacre. Cela n'a
que trop pariidansce que nous venons de remar-
quer des instructions de llineniar, et surtoutdu
pouvoir qu'avait l'archidiacre de déposer les
archipnMres ou les doyens qui ne se corri-
geaient pas de leurs relàcliLinents. «Si decaïuis
in ministerio vestro,autnegligens, aut inulilis,
aut incorrigibilis fuerit , non inconsiderate
decanum cligite. »
Cela paraît encore dans des capitulaircs de
Gautier, évèque d'Orléans, « l't per archidia-
conos vita, intellectus et doctrina cardinalium
presbyterorum invcstigetur {Cap. xiu).
X. Le concilell deSoissons, etceluideFrioul
sous le patriarche Paulin, nous font voir les
archidiacres dans la fonction ancienne de pro-
moteurs des conciles. Dans celui de Soissons
c'est le substitut de l'archidiacre qui tient sa
place, « locum servans archidiaconi. » Loup,
abbé de Ferrières, écrit des lettres à l'suard,
abbé et archidiacre.
Cela montre que cette charge était quelque-
fois remplie par des religieux. C'est ce qui se
voit encore dans le VHP concile général
(Act. 9), où on lit une déclaration de Jose|)li,
moine, archidiacre et vicaire-général du pa-
triarche d'Alexandrie. « Joseph, monachus
archidiaconus et vicarius patriarcha?, etc. » La
règle des chanoines dressée par Crodogandus,
évêque de Metz, semble confondre l'archidiacre,
le prévôt et le primicier des monastères, où les
clercs vivaient en communauté (C. x).
XL L'Eglise grecque avait aussi ses archidia-
cres, mais elle ne leur donnait pas cette juri-
diction si ample sur les prêtres et sur les
curés. Ce n'était que dans les offices divins et
dans la célébration des mystères, que les archi-
diacres faisaient éclater leur prééminence sur
le cartophylace et le exocataccles, dont nous
pailcrons jilus bas. Hors de là toute la juridic-
tion était réservée au cartophylace. Aussi l'ar-
chidiaconé parmi les Grecs n'est pas, if/.'-vTi/.'.M^
mais seulement ^vv"-'", c'est-à-dire (jue c'est
une charge sans juridiction.
De la Jean, évêque de Cilre, dans ses répon-
ses à Cabasilas tire une autre différence entre
ces deux sortes de charges (Juris Ori., 1. v,
p. 329). L'archidiaconé n'étant qu'un office
sans autorité, il ne peut être donné qu'au plus
ancien des diacres : si c'était une dignité
accon)])agnée de juridiction, révèi|ue en dis-
poserait en faveur de qui il voudrait, puisque
c'est à révêi|ue à choisir ceux auxquels il doit
confier le dépôt de son eniiiire et de sa juridic-
tion.
Xll. Après ce qui a été dit, il est aisé de re-
marquer que la grande juridiction des archi-
diacres, surtout sur les prêtres et les archi-
prêtres, n'est devenue ordinaire , que parce
qu'elle avait été très-longtemps déléguée sans
aucune limitation.
L'archidiacre faisait la visite avec l'évoque ;
il la fit depuis seul , quand l'évêque ne put
s'acquitter de ce devoir. Il exécutait les ordres
de l'évêque dans les paroisses et il exerçait la
juridiction épiscopale sur les curés et sur les
archiprêtres même, comme délégué de l'évê-
que. L'évêque étant absent, il continuait do
l'exercer ; enfin il l'exerça, le siège épiscopal
étant vacant , parce que la délégation étant
devenue ordinaire et perpétuelle, c'était aussi
dès lors une autorité et une juridiction ordi-
naires.
CHAPITRE VINGTIEME.
DES ARCHIDIACRES APRES LAN MIL.
I. Les archidiacres sont encore les yeux et les mains de l'é-
vtqiie, selon les droits des décrétâtes.
II. Bani; et prééiiiiiiencc des archidiacres sur toutes les autres
dignités au-dessous de l'épiscopat.
III. Pourquoi il n'y eut plus d'archidiacres dans le clergé de
lloiiif! et (le Constanliiinple.
IV. Me leur nh.igalion d'être diacres.
V. De leur élévation à la prêtrise. D'où vient ce changement.
DES ARCHIDIACRES APRÈS L'AN MIL.
443
VI. De leur juriilictioii conlenticnse.
VU. Si cette jm-itliction était ordinaire ou déléguée : si elle
était fondée sur le droit ou sur la coutume.
VIII. Etendue de cette juridiction.
IX. Abus de cette juridution si vaste, qui donne occasion à la
création des grands- vicaires et des ofliciaus des évèqucs.
X. Révocations et liiuilations des pouvoirs des archidiacres,
pour les transférer à des grands-vicaires amovibles, ou a des
ofliciau.x, dont la commission s'est eulin changée eu office. Cas-
sation des ofllciaux des archidiacres.
XI. Règlements du concile de Treule, des assemblées du clergé
et des parlements de Fraucc il ce sujet.
XII. Sommaire de tout ce qui a été dit.
.XIll. Exemple merveUleux d'un saint archidiacre.
I. Les archidiacres, dans le droit nouveau,
n'ont rien perdu de leur ancien éclat, puis-
qu'ils y possèdent encore, dans les décrétales
grégoriennes, Téminenle qualité de vicaires-
généraux des évoques; « Archidiaconus post
episcopuin sciât se vicarium esse ejus in omni-
bus (Décrétai. Gregor., 1. i , tit. -23, c. xvii). »
Le pape Innocent III leur confirnie ce titre,
« Secundum Roniini ordinis constitutionem,
major post episcopum , et ipsius episcopi vica-
rius reperitur ; » et celte glorieuse qualité est
accompagnée de toute la juridiction qu'elle
peut faire comprendre : « Oinnem curam in
clero, tam in urbe positorum, quam eorum,
qui per parochias habilare noscuntur, ad se
pertinere sciât, sive de eortiin coaversitione ,
sive de honore, et restauratione ecclesiarum,
sive doctrina, etc. et delinquentiuni rationem
coram Deo redditurus est. »
Ils doivent encore s'y considérer, comme les
yeux et les mains de leur évèque, auquel ils
étaient aussi attachés par serment de fidélité,
comme nous l'apprend saint Fulbert, évèque
de Chartres. « Lisiardus archidiaconus, ctun
esse deberet oculus episcopi sui, dispensator
pauperum , cutechizator insipientium , etc.
factus est quasi clavus in oculutn , etc. Quid
dicemus de juramento fidelitatis, quod ita con-
taminât, ut episcopo suo, non corde, nec
verbo, nec opère fidelis existât (Epist. xxxiv). »
Hildebert, évèque du Mans (Epist. lv), n'ose
entreprendre de recommander à l'évoque de
Clermont celui dont il avait lui-même fait
l'œil de son Eglise, « Qtiem fecistis ultro non
quodlibet membrum corporis Ecclesiœ, sed
oculum. » Le concile de Trente se sert du
même terme, « Archidiaconi, qui oculi dicun-
tur episcopi (Conc. Trident., sess. xxiv,c. l'a).»
Comme il y avait très-souvent plusieurs
archidiacres dans un même évêché , on don-
nait le nom de grand archidiacre à celui de la
ville, pour le distinguer des autres archidiacres,
qui partageaient entre eux tout l'évèché. Or,
quoi([ue ce fût principalement au grand archi-
diacre que ces prérogatives singulières fussent
attribuées, elles leur étaient néanmoins com-
munes ta tous, et il ne paraît pas qu'un archi-
diacre ait exercé son empire sur les autres
(Syrmund., in I. ii, epist. 8, GeoU'r.Vind.).
II. L'archidiacre de Cantorbéry signa avant
tous les abhés au concile do Londres, en 107."».
« Hoc sancitum est coram duobus archiepisco-
pis, et tredecim episcopis, et Aschenillo arclii-
diacono, et viginti uno abl)atii)us(Conc., toni. x,
p. :f IS, .'(M), 3011). » Dans celui de Winchester, les
abbés eurent le dessus. « Legatus sevocavit
episcopos, mox abbalos, postiomo archidia-
coni vocati (Pag. 1021). » Dans l'élection de
l'évèque de Chàlons, en 1080, les archidiacres
signèrent avant les archiptètres. Aubert Mirée
a publié une inhuité de Chartres, où ils sous-
crivirent avant les doyens, les prévôts et les
chantres (liai., de Ec. Hier.,'I. iv, c. 3, art. vi).
Le pape Clément V, dans sa bulle de convo-
cation ponr le concile de Vienne, adressée en
Angleterre en 1300, nomme les abbés, les
prieurs, les doyens, les prévôts, les archi-
prêtres avant les archidiacres. L'archevêque de
Cuitorbéry les nomma ensuite en même rang
(Conc, tom. n, pir. % p. 1303, 15b2, 1333).
L'archevêque de Ravenne garda le même
ordre en même temps. Les conciles de Milan
sous saint Charles ne laissèrent pas de recon-
naître (jue l'archidiaconé est la première di-
gnité de l'Eglise après l'épiscopat. «Archidia-
conus cujusque catliedralis Ecclesiae , si ea
Ecclesia archidiaconum habeat ; sin minus, is,
qui proximum post episcopum in ea Ecclesia
dignitatis gradum habet, etc. (Conc. tom. xv,
pag. 263, 1407).
Le concile d'Aquilée s'expliqua en mêmes
termes en 1306. « Dignitas quœ principalis est
post episcopalem. » Dans l'Eglise grecque au
temps du concile II de Lyon, c'est-cà-dire en
1274, l'archidiacre est nommé avant tout le
clergé, avant les économes, les défenseurs et
les plus relevées dignités (Conc. tom. xi, par. 1,
p. 960,073).
D'où il paraît que le rang des archidiacres
n'a pas toujours été le même, ni dans toutes
les églises, ni dans la même église en divers
temps; quoique leur juridiction demeurât la
même , et qu'ils exerçassent une domination
canonique sur ceux là qui ils ne disputaient
plus la préséance.
444
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGTIÈME.
On pourra bien juger de l'éminence de cette
dignité, si l'on considère qu'Etienne de Gar-
lande, grand -maître et grand -sénéchal de
France, tenait à liouneur d'être archidiacre de
Paris. Saint Bernard, avec autant de justice
que de zèle, blâme ce monstrueux assemblage
de dignités incompatibles ; mais les termes
dont il se sert ne laisseront pas de nous faire
voir quelle était alors l'élévation des archidia-
cres. « Sic subliuiatum honoribus ecclesia-
slicis, ut nec episcopis inferior videatur ; sic
implicatum militaribus officiis, ut prœferatur
et (lucibus (Kpist. Lxxvni;. »
Philippe, frère du roi Louis Vil, fut archi-
diacre de Paris et il ne crut pas que le rang
d'archidiacre pût obscurcir la gloire de son
sang royal.
ni. Ce n'est pas sans raison qu'on demande
pouniuoi et depuis quel temps il n'y a plus
d'archidiacres dans l'Eglise romaine (Conc. x,
pag. \loS).
Ciaconius dit que Grégoire VII , qui était
archidiacre de Rome avant sa promotion, donna
son archidiaconé à un nommé Jean , qui se
jeta ensuite dans le parti de l'antipape Clé-
ment m, et par son infâme révolte flétrit poiu-
jamais la dignité dont il était revêtu. « l'ost
quem nullum prœterea in Romana Ecclesia
archidiacoMum esse observari, » dit Ciaconius.
C(!t auteur se troin[ie, |)uis(iue Guillaume de
Malmesbury assure que dans le concile de Bary
saint Anselme fut placé auprès de l'archidiacre
de Borne, au-devant du pa|ie. « Sedere jussus
juxta Homauum archidiaconum. » II est vrai
qu'il n'eu est plus guère parlé aj)rès cela. Le
premier des diacres prit la place, de même
que le vice-chancelier a succédé au chancelier
dont on ne parle iilus dans la même Eglise
romaine. Il se pourrait bien faire que les dia-
cres cardinaux, étant déjà montés à une grande
élévation, hissent bien aises de n'avoir plus
d'archidiacres au-dessus d'eux.
L'Eglise de (;onslanlino|ile, peu de temps
après, se passa aussi d'archidiacre. La raison
pouvait en être , que le cartopbylace en
faisait toutes les fonctions et en avait tous les
honneurs et tous les avantages, ([uoiquil ne fût
que diacre.
Dans les souscriptions du concile de Florence,
le [;rand carlopli\lace était aussi archiiliacre
(Conc. tom. xui, p. .S-23j. C'était parce que le
clergé du palais im|)érial avait un archidiacre
avec letiuel l'archidiacre de l'Eglise eût été
continuellement aux prises. « Olim quidem
Ecclesia suum habebat archidiaconum, nunc
vero nequaquam. Sed habetillumclerusimpe-
ratoris. » Ce sont les paroles de Codin (Codin.,
c. XVII, n. 38,39).
Ces deux clergés, l'un du palais impérial, et
l'autre de l'Eglise patriarcale, se trouvent distin-
gués dans la lettre que l'Eglise grecque écrivit
au pape Grégoire X en 1-274, et il n'y est
jiarlé d'archidiacre que dans le clergé impérial,
quoiijue dans la réponse du pape il paraisse
deux archidiacres différents (Conc. tom. ii,
par. 2, p. 90). Le secrétaire de ce pape n'était
peut-être pas bien informé de cette singularité
du clergé de Constantinople. Le même Codin
remar(iue que le clergé de l'Eglise n'avait
point non plus de premier psalmiste, « pro-
topsaltes, » quoique le clergé impérial en eût
un , et que c'était quelquefois la même per-
sonne qui était pourvue de deux dignités de
même nom dans les deux clergés, de l'Eglise et
du palais.
Enfin i)0ur ne rien omettre de ce qui peut ser-
vir à lever cette difficulté, le même Codin dit
ailleurs que l'empereur choisissait toujours
l'archidiacre de son palais parmi les exoca-
tacèles, qui étaient comme les cardinaux du
patriarche de Constantinople (Codinus, c. ix,
n. 0). C'est pourquoi l'archidiacre ])orte la
chasuble qui est propre aux i)rêfres, au jour et
à la cérémonie solennelle de l'adoration de la
Croix.
Les exocatacèles furent d'abord des curésj
ou des prêtres, qui avaient la conduite d'une
Eglise et du clergé. Le patriarche souffrant avec
peine qu'ils ne l'assistassent point aux grandes
fêtes, parce qu'ils ne pouvaient pas (juitter
leurs Eglises, il résolut de substituer les diacres
en leur place, ce (iu'ilfit,etilleur laissa l'usage
de la chasuble sacerdotale, dont ils avaient joui
pendant qu'ils étaient prêtres. C'était parmi
ces exocatacèles seulement que l'empereur
choisissait son archidiacre.
Dans les Eglises de l'Occident les évêchésont
été (juclquefois divisés enarchidiaconés (Spicii.,
tom. vui, p. ITS). Henri de Hutingdon, archi-
diacre (le Lincoln raconte lui-même coimnent
Henri, (|ui i>assa en Angleterre avec Guillaume
IeConi|uérant, ety futfait évèquede Dorcester,
ayant t'ait transférer son siège à Lincoln, y
forma son cha|)itre, et ayant sept petites pro-
vinces dans son diocèce, y établit autant d'ar-
chidiacres, comme autant de grands-vicaires et
DES ARCHIDIACRES APRÈS L'AN MIL.
-i3-!
d'ofOciaux : a Septem archiiliaconos septein
provinciis (]iiibus prœerat imposuit. » Le pre-
mier élait CL'hii lie Lincoln, les autres prenaient
leur nom de la \ille capitale de leur [irovince.
IV. Une dignité aussi éclatante que celle des
archidiacres était autrefois tombée dans un si
déplorable avilissement, qu'il fallut ordonner
dans le concile de Bourges, en l'an 1031
(Can. iv), qu'on ne pourrait être archidiacre
sans être diacre. « L't archidiaconatum nuUus
habeat, nisi diaconus efticialur. » Ce qui fut
contirnié dans le concile de Clermont sous
Urbain II (Can. m), et dans celui de Latran
sous Calixle II, en 112-2 (Can. n).
Le concile de Londres, en 1127, renouvela la
même ordonnance, enjoignant aux évèques de
dégrader ceux qui s'opiniàtreraient à ne pas
recevoir le diaconat, a Nullus in decanum,
nisi presbyter, nuUus in archidiaconum, nisi
diaconus constituatur. Quod si quis ad hos
honores infrapr;edictosordinesjam designatus
est, moneatur ab episcopo ad ordines accedere.
Quod si refugerit, eadem ad quam designatus
fuerit, careat dignitate. » Ce qui fut confirmé
dans le concile 11 de Latran, sous Innocent II,
en 1139, et dans celui de Reims sous Eugènelll,
en 1148.
Le concile de Saumur, en 1253 [Can. x).
réitéra la même loi pour les archidiacres et
les archiprètres, ou doyens ruraux, leur don-
nant un an de terme pour se faire ordonner.
« Ad prœdictos ordines infra annum susci-
piendos per subtractionem beneficiorum com-
pellantur (Can. v, can. ix';. »
La règle ecclésiastique était donc, originel-
lement, que les archiprètres fussent élus
d'entre les prêtres, et les archidiacres d'entre
les diacres. Ce fut par dispense qu'on soullVit
qu'ils fussent pourvus de ces dignités, avant
que d'en avoir reeuet exercé les ordres, pourvu
qu'ils les reçussent sans retardement. Enfin le
dernier effet de la condescendance a été de
leur donner une année entière pour se faire
ordonner.
Le pape Alexandre III, dans le concile 111 de
Latran. en 1177, ordonna que les doyens et les
archidiacres qui ont charge d'àmes, ne pour-
raient être élus avant l'âge de vingt-cinq ans,
et seraient privés de leur dignité s'ils ne se
faisaient ordonner dans le temps marqué par
les canons. « Prœfixo a canonibus tempore. »
Il est donc vraisemblable que l'intervalle d'une
année avait déjà été déterminé pour cela.
V. 11 est vrai aussi ipi'on ne pouvait pas con-
traindre les archidiacres à recevoir la prêtrise,
(pieicpie autorité (|u'ils exerçassent sur les
jirèlres. Nous avons ailleurs rapporté les
exemples de l'antiquité sur ce sujet; en voici
un mémorable de ces derniers siècles. Pierre
de lîlois ayant été fait archidiacre de Londres,
et son évéque le pressant de souffrir qu'on
relevât au sacerdoce, il s'en excusa par une
lettre pleine de doctrine et de piété.
Il n'y oublie pas les exemples des papes
Léon I" et saint Grégoire, (jui s'opposèrent si
vigoureusement à la violence de deux prélats
qui voulaient forcerleurs archidiacres à monter
au rang des prêtres. 11 n'oublie pas non plus la
raison pressante de ces deux papes, que c'était
rabaisser ces archidiacres sous une trompeuse
apparence de les élever, puisque par un mer-
veilleux désordre de l'ordre même, les prêtres
étaient soumis à l'archidiacre : « Porro digni-
tatis turbato ordine archiiliaconi hodie presby-
teris prééminent, et in eos vim et potestatem
suae jurisdictionis exercent. Eapropter archi-
diaconum in presbylerum promoveri, non est
honorem ejusaugeri,sedminui (Epist.cxxiii).»
;\lais il paraît clairement que c'était l'im-
pression sainte d'une très-profonde hiuuililé,
qui éloignait ce savant et pieux archidiacre de
la dignité éminente du sacerdoce, et qui le
faisait résoudre à imiter plutôt la modestie de
tant de saints diacres qui vieillissaient dans le
diaconat, et du pape Célestin même, qui avait
exercé pendant l'espace de soixante et cinq ans
le ministère des diacres avant que d'être jiorté
sur le trône apostoliijue.
« Vidimus cjuam plures in Ecclesia Romana
in ordine diaconat'us usque ad ;etatem decre-
pitam et exhalationem extremi spiritus minis-
Irasse. Certe dominus Cœlestinus, qui hodie
sedet. sicut ex ipsius ore fréquenter acce[)i, in
officio levitœ sexaginta quimiue annos exple-
verat, antequam ipsum Dominus in summi
pontificatus apicem sublimasset. »
Pierre de Blois a laissé échapper dans cette
lettre aussi bien que nous dans le chapitre vu,
le témoignage de saint Jérôme dans le xvni°
chapitre de son conmientaire sur Ezéchiel,
touchant l'aversion que les archidiacres avaient
déjà de la prêtrise, qu'ils regardaient comme
ime dégradation. « Certe qui primus fuerit
nnnistroriuu, quia per singula concionatur in
jioiailos, et a pontiUcis latere non recedit, in-
juriani putat, si presbyter ordinatur. »
446
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE VINGTIÈME.
11 paraît néanmoins, par une autre lettre de
Pierre de Blois, qu'il se laissa enfin fléchir par
les prières de ses amis à accepter la prêtrise, et
ainsi il résulte, et des instances de l'évêque de
Londres et du consentement de Pierre de Blois,
que la prêtrise n'était pins incompatible avec
l'archidiaconé (Epist. cxsxix).
Hincmar, archevêque de Reims, avait peut-
être donné l'exemple d'une innovation si rai-
sonnable, puisque nous lisons dans ses ouvrages
qu'il adressait la publication et l'exécution de
ses ordonnances à ses archidiacres prêtres,
« Cunthario et Odelhardo, archidiaconibus
fondé dans un nouvel évêché, érigé par Ur-
bain VllI.
C'est ce qu'il faut entendre des archidiacres
qui ont charge d'ùmcs et qui doivent être âgés
de vingt-cinq ans, selon le concile de Trente
(Sess. XXIV, c. 12); qui doivent enfin, selon
le même concile, autant qu'il se peut, être
docteurs en théologie, ou licenciés en droit
canon. Mais puisqu'il y a des archidiaconés qui
n'ont nulle charge d'âmes, comme ce concile
se contente qu'ils aient l'âge de vingt-deux ans,
il est clair qu'il ne les oblige, ni à être prêtres,
ni à être docteurs, non plus que toutes les
presbyteris. » Il les avait peut-être honorés du autres dignités sans charge d'âmes. La chose a
sacerdoce, sans les dépouiller de l'archidia
coné, dans la persuasion qu'étant prêtres ils
exerçaient avec plus de bienséance leur auto-
rité sur les autres prêtres. En effet, Flodoard
parlant de ces deux mêmes archidiacres prê-
tres, Gonthaire et Odelhard , à (|ui Hincmar
adressa ses ordonnances, les appelle archiprê-
tres.
Ce changement a pu venir de ce que les archi-
diacres, par une longue prescription, commen-
(.-aienl à devenir ordinaires et à n'être plus
considérés comme de simples vicaires de l'évê-
été ainsi résolue par la congrégation du con-
cile (Barbosa, deDignit., c. v, n. 7, 8, 9, 40).
Les archidiacres d'Espagne sont presque tous
de celte nature. Il y a des églises dans l'Italie
où les archiprctres précèdent les archidiacres,
et on se laissera persuader sans peine que la
coutume et la prescription ont pu autoriser ce
désordre, qui semble mettre les choses dans
l'ordre.
Vl. H est temps de passer à la juridiction des
archidiacres. Le concile d'Auch, en 1008, ne
peut donner d'exemption aux églises de Saint-
que. H n'était pas étrange qu'un diacre lût dé- Orieus, qu'en donnant à celui qui en avait la
légué et devint l'exécuteur des ordres et de la
juridiction de l'évêcpie sur les prêtres, mais
il |)araissait un peu surprenant qu'un diacre
fût devenu h; supérieur et le juge de ceux que
le sacerdoce relevait si fort au-dessus de lui.
Ouconnuençadoncâdonnerlaprêtriseauxar-
chidiacres, à les y exhorter ; enfin ou en est venu
jus()u'à les y contraindre, |)our ne pas tomber
dans ce renversement si \isible, de mettre au-
dessus des prêtres un ordre qui eslsi lortau-des-
sousd'eux. En effet, l'archidiaconé n'étant plus
uneconunission, mais une dignité, et la plus
grande de toutes les dignités après l'épiscopat,
disent les canonistes, a Archidiaconalem digni-
latem de jure conununi post episcopalem esse
majorem dignitatumcpiacunique alia in Eccle-
sia Dei, et per consequens niajorem abbatiali : »
ceux (jui en sont pourvus doivent se faire iirê-
tres dans l'année ; à moins de cela leur archi-
diaconatest vacant (Bellarm. et Fagnan, in 1. i
Décret., par. ii, pag. HH, -219).
Inlitteriscollatiunisexstyloconsuevitapponi
clausula, ut provisusteneatur infra annum in
prcsbyterum ordinari ; aliocpiin archidiacona-
tus eo ipso vacare censeatur, dit Fagnan, et il
le prouve par l'exemple d'un archidiaconé
conduite, les mêmes pouvoirs des archidiacres
sur les églises, sur les clercs et sur les péni-
tents. « Vices arcbidiaconi , super Ecclesias et
clericos tcneat, et ipse si lapsi fuerint, justi-
tiam l'aciat (Conc, tom. ix, p. ll9o). »
Saint Anselme, archevê(iue de Cantorbéry,
écrivait â son archidiacre comme à l'exécuteur
né et universel des canons, (|ue selon les
décrets du dernier concile (Conc., tom. x,
p. 731, 733), il devait imposer aux pécheurs
des pénitences proportionnées à leur crime, à
leur âge, à leur état et à leur ferveur. « Pœni-
tentiam secundum vestram discretionem dabi-
tis, considérantes »latem, peccati diuturni-
talem , et utrum habcant uxores, an non : et
secundum (juod videatis eos pœniterc, etdein-
ceps integram correptionem jjromittere. » Il
n'exempte pas les prêtres de cette juridiction.
En etfet, cet archidiacre ayant trouvé une
opiniâtre résistance dans quel(|ues prêtres, cou-
pables d'une attache danmable à des femmes,
et les ayant excommuniés : « Convocatis secum
pluribus rcligiosis et obedientibus sacerdoti-
bus, gladio excommunicationis eos percnssit, »
le saint archevêque confirma l'exconununica-
tion (Anselm., 1. ni, epist. 02, 112).
DES ARCHIDIACRES APRÈS L'AN MIL.
^■i-
Le concile de Londres , en 1108 (Can. viii),
déposa les arcliidiacres (|iii veiniaieiit aux prê-
tres incontinents l'inipunilé de leurs crimes.
Le pape Calixte 11 accorda au chapitre de
Besançon que les arcliiprètres et les archi-
diacres ne [)ussent interdire leurs églises, leurs
prêtres et leurs ecclésiastiques, sans le consen-
tement de l'évèque et du chapitre : « Prœter
arciiiepiscopi et totiuscapituli vestri commune
consilium [Conc.,tom. x, p. 835, iOWi, 14'20).))
Le pa[)e Eugène 111 chargea l'ahhé Suger de
la cause d'un curé que l'archidiacre avait privé
de sa cure.
Le concile de Tours, en ilG3(Can. lsxi.x ,
blâma extrêmement les évoques et les archi-
diacres (jui faisaient exercer leurjusticeet leur
juridiction par des doyens ruraux, ou des archi-
prètres , comme par des gens à gages : « Quo-
niam in (juihusdam eiiiscopatibus decani qui-
dam , vel archipreshyteri ad agemlas vices
episcoporum, seu archidiaconorum , et termi-
nandas causas ecclesiasticas, constituuntursub
annuo pretio, etc. » Les archidiacres passaient
déjà pour ordinaires, puisqu'ils déléguaient.
Enfin ce concile enjoint aux doyens ruraux
d'avertir ou révê(]ue, ou l'arcliidiacre, des
excès des ecclésiastiques incorrigibles.
11 est vrai que tous les archidiacres n'avaient
peut-être pas la même étendue de juridiction,
et peut-être même qu'ils n'avaient pas tous
charge d'âmes. Car l'archidiacre d'Amiens pré-
tendant (piil n'avait point de charge d'âmes,
le pape Honoré III jugea le contraire par des
preuves convaincantes, savoir : que la coutume
l'avait mis en possession de suspendre, d'ex-
communier et d'absoudre les prêtres, d'inter-
dire les églises, de visiter, de prendre les
procurations.
« Sed cum iu jure confessus fuerit, quod
archidiaconus Ambiauensis de consuetudiue
suspendit, excommunicat, et absolvit presby-
tères et priores, et parochiales Ecclesias inter-
dicit, necnon archidiaconatus visitât, et
inquirit, quœ viderit, inquirenda, et procu-
rationes ratione visitationis recipit, evidenter
apparet , quod curam habet animarum ad-
nexam (C. Dudum. de Electione). »
VII. Tous les archidiacres n'avaient donc pas
la même juridiction, et celui d'Amiens ne
l'avaitque par la coutume- cdeconsuetudine.»
Carc'étail la coutume prescrite depuis plusieurs
siècles, qui avait changé la délégation de l'évè-
que en titre d'ofûce, et le vicariat en dignité.
Cela n'était pas de même partout, car Alexan-
dre III manda à révê(iue de Worcester, en
Angleterre, (pie l'archidiacre ne pouvait ex-
communier, sans une commission particulière
de révê(|ue : « Archidiacono non videtur de
ecclesiastica instilutione licere, nisi autoritas
episcoporum accesserit, in aliiiuos senteiitiam
])romulgare (C. Archidiacon. De Officio Archi-
diaconi,. » Ce que la rubricpie exprime en ces
termes : « .\rciiidiaconiis de jure commiini
non i)olest excommunicare. »
C'était donc la coutume qui avait fait en
plusieurs Eglises des juges ordinaires, de ceux
que le droit commun ne faisait considérer que
comme les vicaires de l'évèque. Le pape
Honoré 111 ne donna à l'archidiacre de Sens
qu'autant de juridiction sur les monastères,
que la coutume lui en avait acquis, « de paci-
fica sic olitenta cousuetudiiie. »
Il y avait sans doute des lieux où l'usage
avait établi la juridiction de l'archidiacre sur
les monastères, puisqu'il fallut que le Saint-
Siège réprimât l'excessive hardiesse d'un ar-
chidiacre, qui prétendait continuer son an-
cienne juridiction sur l'évèque même d'un
monastère de sa domination, après qu'il eut
été érigé enévècbé(C. Cum inferior. de Major,
et Obedientia).
Le synode d'Exeter, en 1287 (Conc. lom.ii,
parc. 2, p. i-20i;, reconnaît une juridiction or-
dinaire dans les archidiacres et leurs offlciaux.
« Singulis archidiaconis, eorum officialibus,
ac cieteris jurisdictionem habentibus ordina-
riam, districte iiraecipimus, etc. » En 130i,
l'évèque de Paris étant mort, les archidiacres
contestèrent au chaiiitre la juridiction. Jean
de Salisbury parle d'un archidiacre d'York
qui suspendit un prêtre, parce que le siège
é[iiscopal était vacant. « Eo quod sedes Ebora-
censis tune temporis vacabat (Hist. univers,
part. I, tom. i, p. 71,Joan. Salisb.). »
Les archidiacres y avaient donc peut-être la
conduite du diocèse vacant, au moins ])Our la
juridiction contentieuse. Les archidiacres
avaient leur cour et leur justice, aussi bien que
ré\êque ; voici ce qu'on lit dans les articles de
la réformation du clergé de Liège, en 1446.
« Si citatus ex officio ad curiam nostram, vel
alicujus archidiaconorum, etc. (Conc. tom.,xiii,
p. 131.'^)'. »
MIL Les crimes publics étaient particu-
lièrement la matière de la juridiction et de la
correction des archidiacres.
"(■
Ai»
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGTIÈME.
La seule diffamation, sans preuve convain-
cante, suflifait pourdonnerlieu à la correction
et à la iiurgalion canonique. On suspendait de
leur charge les archidiacres ou leurs olTiciaux,
(|ui ne s'acquittaient pas de ce devoir, comme
il parait dans les constitutions de saint Edmond,
archevêque deCantorbéry en 1236. Alexandre,
évè(jue de Coventry en Angleterre, déclare à
ses archidiacres, qu'ils se rendent eux-mêmes
coupables et punissables de tous les crimes
publics, qu'ils n'auront pas punis. « Ego vobis
dico, quod si possim in ali(|ua parochia in-
venirealiquem hujusmodi publiée peccantem,
puniam. 1an(|uam peccatum. vel archidiaconi,
vel iiersouff, vel sacerdotis ((]onc., tom. ii,
part. 1, p. 509, 51S). »
Le concile de Cologne, en l'an i.^iSC, après
avoir excité les doyens des chapitres à la sévère
correction de leurs chanoines abandonnés à
des crimes publics : « l'ercussores, aleatores,
scorta foventes : aut aliis publicis criminibus
irretitos , » proteste néanmoins (|u'il ne veut
pas déroger à la coutume de quelques Eglises,
où le jugement de ces causes est réservé aux
archiriiacres, pourvu que les archidiacres, à la
réquisition des doyens, s'acquittent exactement
de leur devoir. «Consuetudiniquœ in aliquibus
Ecclosiis est, ut causiB disciplinse pcr diaconos
judicentur, niliil pntjudicamus, modo tamen
diaconi ad reciuisitionem ikcani suo oflicio
graviter et strenue incumbant ac salisfaciant
(Conc, tom. xiv, p. ."«14, u,")")).»
Ce même concile nous apprend ailleurs, que
c'avait été une ancienne coutume, (jue de
(juatre en quatre ans, c'est-à-dire, toutes les
années bissextiles, les archidiacres allassent
faire leur visite universelle, pour la punition
canoni(iue des crimes publics, en recevant les
dépositions des témoins jurés, qui étaient
juridi(iuement établis par l'évèipie, pour veiller
sur chaque paroisse. «Ex vetustissima quadam
ii)(|uirendorum criminum formula reliclum
est, ut archidiaconi anno bissextili circumeant,
etpeccatacnormia emendcnt. »
Une si louable prati(pic avait dégénéré en
un tralic honteux, et la correction des crimes
ne consistait plus qu'à exiger des amendes
pécuniaires.
IX. Ce fut cette avarice des archidiacres, qui
obligea les évèques à révoquer la juridiction
(|u'ils leur avaient confiée, et de créer d'autres
ofllciaux et d'autres grands-vicaires, qui exer-
çassent leur juridiction par simple commission,
in la manière que les archidiacres mêmes
rayaient autrefois exercée.
L'audace de quelques archidiacres , qui
s'élevaient insolemment contre leurs projires
évèques, ne contribua pas moins à ce change-
ment. Ce fut ce qui donna naissance aux
grands-vicaires, tels qu'ils sont encore dans
l'Eglise, et aux oificiaux, (|ui n'eurent aussi
d'abord que desimpies commissions, quoiqu'ils
se soient depuis érigés en titre d'offices, comme
les archidiacres.
L'archidiacre de Paris, Thibaud,mitcn inter-
dit tout son archidiaconé, et commença à faire
bruire les foudres de l'excommunication contre
ceux (|ui y avaient volé un chanoine, sans en
avoir donné avis à l'évèque Etienne, quoiqu'il
fût alors dans l'archidiaconé même. L'évèque
relâcha l'interdit ; l'archidiacre en appela au
pape Innocent IL Peu de temps après, le saint
homme Thomas, prieur de Saint-Victor, vicaire
et |)énitencier de l'évèque, fut assassiné par les
parents de l'archidiacre, sur qui le soupçon en
rejaillit (An. 1131. Hist. univers. Paris., tom. u,
p. 121, 131, etc.).
Le même évèque de Paris, Eti: une, ne trouva
pas plus de docilité dans l'esprit de son autre
archidiacre Etienne de Garlande, dont l'archi-
diaconé avait été soumis à l'interdit par son
vicaire Gilduin, abbé de Saint-Victor (An. 1132).
Il y avait longtemps que saint Fulbert, évêque
de Chartres, écrivant au clergé de Paris, avait
déploré les révoltes scandaleuses de l'archi-
diacre Lisiard contre son évêque : « Cum deberet
esse oculus episcopi, factus est episcoiio suo
clavus in oculum, prœdo pauperibus, etc.
(Fulbert., epist. xxxiv).»
X. Les évèques n'opiwsèrent pas seulement à
l'audace des archidiacres la création de leurs
nouveaux grands-vicaires et de leurs officiaux ;
mais ils défendirent aux archidiacres de faire
aucun exercice de juridiction dans les lieux
où l'évèque serait présent. Voici le décret du
concile de Saumur, de l'an 1253 (Can. vu).
« Prohibemus ne quis archidiaconus, archi-
prosbyter, aut alii ininores prœlati jurisdi-
ctionem ecclesiasticam habentes, causas , au-
diant, seu placita teneant, prœsentibusepiscopis
suis, sed longe ah ipsis faciant super his, quod
viderint expedire.»
Ils défendirent aux archidiacres d'avoir des
officiaux hors de la ville épiscopale, afln qu'ils
ne rendissent justice à la campagne qu'en
propre personne. C'est ce qui fut ordonné dans
DES ARCHIDIACHES APRKS L'AN MIL.
449
les concile? (le ClKilcan-rionlier, en l'23l iCaii.
xii); de Tours, en 1-230 (Can, vin); de Laval,
en 1342 (Can. iv) : « Nec officiales liabere,
exce[ito civitalis arcliidiacono. cui pcrmilliuiiis
officiales in civitale soluninioiio , et lum extra ,
etc. Ne extra civilatem officiales , seu aliocatos
liabeanl, sed extra civitatem in |iroj)riis per-
sonis suis dilii^enter expleant oflicium. » Les
procédures de ces officiaux à la campagne y
furent à l'avenir déclarées nulles.
L'autorité des arciiidiacres était donc ordi-
naire, puisqu'ils déléguaient, et puisque ces
canons mêmes leur permettent encore de délé-
guer des officiaux dans la ville même. Le con-
cile de Bourges, en 1280 (Can. iv), renouvela
ce décret des conciles de la province de Tours,
en y ajoutant cette limitation que les archidia-
cres pourraient continuer d'avoir des officiaux
à la campagne même, dans les diocèses où
cette coutume avait prescrit. « Nisi qualenus
de anfiqua , prtcsci ipta et approbata consuetu-
dine fueiit obtenlum. »
Les articles de la réformation du clergé de
Liège, en 1446. défendirent aux archidiacres
et aux doyens ruraux de commettre à d'autres
la sentence définitive des procès, quoiqu'ils en
pussent commettre les instructions. La même
défense fut faite à l'official de l'évèque. Le con-
cile I de Cologne, en 1.536 (Conc, tom. xvii.
p. 1318). suppose que les archidiacres ont
encore des ofticiaux à la campagne . et l'arclie-
vèque s'y réserve le droit de corriger leurs
pratiques simoniaques . après avoir pris l'a-
vis des archidiacres mêmes : « Archiepisco-
pali autoritate. communicato tamen cum
archidiaconis nostris. ut par est, consilio,
quoad ejus fieri poterit , corrigere (Conc. ,
tom. XIV, p. ^Çi~ , .516, f64). »
C'est apparemment de ces officiaux qu'il faut
entendre le décret du même concile, qui leur
défend d'établir leur tribunal et d'exercer leur
justice dans les églises. Enfin , ce concile
exhorte les archidiacres à ne remplir les
charges de leurs officiaux et des doyens ruraux
que de personnes également vertueuses et sa-
vantes. « Ne uUos inidoneos officiales, aut deca-
nos rurales deligant, aut admiltant. »
Pierre de Blois, étant archidiacre de Bathe,
en Angleterre, se plaignit à son évêque de ce
qu'il avait suspendu son vice-archidiacre, sans
forme de procès. « Vice-archidiaconum meum.
cum omni satisfactioni , et justitiae se olferret,
in mei nominis contumeliam suspendistis
(Rpist. 1.VI1;.)) Ce qu'il montre fMre contre les
décrets du concile de Latraii , (pii ne permet-
tait pas aux évêques d'excommunier ou de
suspendre les archidiacres ou leurs officiaux,
si ce n't st i)ar les formes canoniipies de la jus-
tice. D'où il résulte encore que les archidiacres
étaient ordinaires.
Mais il est foi t i)robable que l'Angleterre révo-
qua enfin ces officialités des archidiacres, aussi
bien que la Fiance. Pour l'Allemagne , on
croira sans peine que les évè(]ues n'ont pas été
fâchés d'y avoir un fort grand nombre de per-
sonnes sur lesquelles ils pussent se décharger
des fonctions pénibles de leur ministère.
Ce ne fut pas seulement par la création de
leurs vicaires et de leurs officiaux propres que
les évêques rentrèrent dans l'exercice de leur
juridiction et par la révocation d'une partie de
ceux des archidiacres; mais ce fut principale-
ment en leur interdisant, et en réservant à la
cour épiscopale les causes des mariages et
toutes les autres causes de grande importance,
dont les archidiacres avaient auparavant connu.
Le pape Innocent III répondit à la consulta-
tion de l'archidiacre de Bourges, sur une cause
de mariage, dont il était juge en l'absence de
l'archevêque. « Cum matrimonialis causa in
tua prœsenlia tractaretur, archiepisco(io in
remotis agente(C. Litteras de restitut. spoliât.). »
Le concile de Londres, en 1-237 (Can xxiii), ne
suppose pas seulement, comme la décrétale
d'Innocent, que ce n'était qu'en l'absence de
l'évèque que les archidiacres terminaient les
causes matrimoniales ; mais aussi que ce n'est
que la coutume ou le privilège qui leur a
donné cette autorité en quelques endroits, et il
ordonne en même temps qu'ils ne pourront à
l'avenir terminer ces sortes de causes qu'après
avoir pris conseil de l'évèque. «Si qui abbates,
archidiaconi, vel decani, habent ex privilegio,
vel consuetudine a|iprobata, quod de matrimo-
nialibus causis cognoscant, etc., ad deflnitivam
sententiam non procédant, nisi habita prius
deliberalionecumdiœcesanoepiscopodiligenti,
ipsiusque reijuisito concilio et obtento. »
Le concile de Laval, en 124-2 (Cun. iv), passa
plus avant, et défendit absolument aux archi-
diacres de connaître des causes de mariage,
de simonie, et de toutes celles qui vont à la
dégradation, ou à la perte des bénéfices. « Ar-
chidiaconi de causis matrimonialibus, sin'oniae,
et aliis quse degradationem, vel amissionem
beneflcii , vel deposilionem exigant , nisi de
Tn. — Tome I.
29
450
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGTIÈME.
spécial! mandafn sui pontificis, nullatenus co-
gnoscert;, vel (lilliiiiro pr;csiiinant. »
Ce canon même semble dire que ce n'a été
que par usurpation que les archidiacres se sont
mêlés par le passé, de ces grandes causes.
« Falcem suam in alienam messem millenles. »
Mais cela se peut bien entendre de la manière
dont nous avons dit qu'imperceptiblement la
délégation s'était changée en puissance ordi-
naire par la longue révolution des temps. Le
concile de Saumur, en 1253, confirma ce
décret en mêmes termes, déclarant nulles toutes
les sentences contraires.
Le concile de Bude, en Hongrie, en l'an t^Td
(Can.xxxvui), ordonna que les archidiacres de
Hongrie et de Pologne ne fussent choisis que |)ar-
mi les plus habiles en droit canon, ou au moins
qu'ils l'étudiassent l'espace de trois années, afin
d'acquérir la capacité qui leur est nécessaire
pour décider des causes du mariage, et plusieurs
autres de grande conséquence, dont le droit et
la coutume les a rendus juges en plusieurs
Eglises, a Cum tam de jure, quam de generali
consueludine, multarum Ecclesiarum archi-
diaconi, jurisdictionem habeant causas matri-
moniales et plei-asi|ue alias audiendi, exami-
nandi alcjue decidendi : slaluimus, quod in
regno Ilungariœ et provincia Poloniœ, etc. »
Comme les Eglises de Hongrie et de Pologne
n'étaient pas fort anciennes, aussi les archi-
diacres n'avaient pas encore mérité, par leurs
licencieuses entreprises, (]ue les évêques retran-
chassent une [)artie de leurs pouvoirs. Ainsi on
y lisait encore que le droit et la coutume géné-
rale donnaient cette juridiction aux archi-
diacres, |)arce que le droit les avait établis
vicaires des évêques, et la coutume presque
générale , « multarum ecclesiarum , » avait
changé cette commission en titre et en office.
XI. Le concile de la province d'Aucli, en 1320
(Can. iv), et celui de Lavaur, en 1308 (Gan. xxv),
cassèrent toutes les sentences (]ue les archidia-
cres auraient pu prononcer sur les causes de
mariage ou de fian(;ailles, sans une délégation
l)articnlière de révè(|ue. Le concile de Lavaur
en excepta ceux qui étaient fontlés en privilège,
ou en coutume prescrite. « Nisi de pniKscripta
légitima consueludine, aut privilégie aliud sit
obtentum. »
Mais enfin le concile de Trente (Sess. xxiv,
c. 20 de ReL), suivant la pente que l'Eglise
gallicatK! avait donnée à la disciiiline ecclésias-
ti<pie, défendit la connaissance de toutes les
causes matrimoniales et criminelles aux archi-
diacres et aux doyens, même dans le cours de
leur visite, les réservant absolument à l'évê-
que : «Causœ matrimoniales et criminales, non
decani, archidiaconi, aut aliorum inferiorum
judicio, eliam visitando, sed episcopi tantuni
examini, et jurisdictioni relinquantur.»
Le concile de Malines, en 1570, et celui de
Mexique, en 1383 (Conc. tom. xv, pag. 809,
12.33), renouvelèrent ce décret, et ce dernier
ajouta que l'évèque ne pourrait pas commettre
à son ofticial même les décisions des causes où
il s'agit de divorce et de séparation de lit.
L'assemblée du clergé de France à Melun, en
1379 (Conc. novissim. Gall., pag. 108, 109), fit
ce règlement, que les évoques seuls jugeraient
les causes matrimoniales et criminelles, que
tout au plus ils pourraient les déléguer à leur
officiai : « Causas graviores, utputa matrimo-
niales et criminales, secunduni constitutionem
Alexandri 111, suo examini reservet episcopus,
aut ad summum per officialeni suuni in ma-
jori sede sui fori constilutum, tractari ju-
beat. » Que si l'archidiacre, ou quelque autre
juge inférieur prétend en pouvoir juger de
droit, « id sibi suo jure licere contendat, » ou
à cause de la diversité des parlements, ou pour
quelque autre raison extrinsèque , l'évèque
prendra soin que ces juges aient toute la suffi-
sance nécessaire pour débrouiller des matières
si embarrassées.
Ainsi, (|uoiqu'on ait tâché d'anéantir pres-
que toute la juridiction contentieuse des arclii-
diacres, il a été impossible dans la France
même d'empêcher (ju'il n'en restât encore des
mar(|ues fort considérables. Le cardinal de
Lorraine, dans son concile de Reims, en 1564
(('onc. tom. XV, pag. 90, 912), assura qu'il s'é-
tait réservé à lui seul dans son diocèse le pou-
voir d'excommunier.
Le concile de Reims, en 1383, chargea les
doyens ruraux et les archidiacres de faire
tous les trois mois des perquisitions contre les
crimes énormes, et d'en envoyer les informa-
tions au promoteur, qui en poursuivra la
punition canonique, sans préjudicier à la juri-
diction des archidiacres. « Nec tamen archi-
diaconorum jurisdictioni pra'judicium uUum
afferal. »
Un arrêt du conseil de l'an 1013, du 30 mars,
fit défense aux archidiacres de Tréguier de
prendre connaissance des causes matrimo-
niales, circonstances et dépendances d'icelles.
DES ARCHIDIACRES APRÈS L'AN MIL.
431
de ne délivrer aucunes nionitions. excommu-
nications ni absolutions d'iceiles, sans la per-
mission expresse de l"évè(iue de Tréiinier, et à
eux enjoint do faire leur \isile en personne,
aux peines du droit. L'arrêt du parlement du
17 mai IG18 (Mémoires du Clergé, tom. n,
part. 3, pag. i9), défendit à l'arcliidiacre de
Bourges par provision, «faisant sa visite, de ne
connaître que des cas et ctioses légères, et non
autres. »
L'arrêt du parlement du l'.i janvier 1GI9
défendit aux archidiacres de Paris et à leurs of-
ficiaux de connaître des causes matrimoniales,
circonstances et dépendances, décerner nioni-
tions, ou absolutions sans permission de l'évê-
que de Paris, ne connaître des causes qui se-
ront de conséquence, ni des criminelles,
même pendant leurs visites, si elles ne sont
légères : enjoint à eux de porteries verbaux de
leurs visites à lofficialité de Paris.
En tout cela il ne paraît à la vérité que de
fort légères traces de cette ancienne étendue
de la juridiction des archidiacres, mais en
voici d'autres où l'autorité qu'ils possédaient
dans les siècles passés n'est pas si effacée.
L'arrêt du grand conseil du 18 juillet 1033,
confirmant la transaction faite entre l'évêque
de Chartres et ses quatre archidiacres , or-
donna « que deux des archidiacres assisteraient
alternativement l'évêque lorsqu'il ferait l'of-
fice pontificalement, et à toutes les heures de
l'office ; feraient leurs visites entières tous les
deux ans en personne , et deux mois après en
enverraient les verbaux et ceux des doyens
ruraux au greffe de l'évêque. Le grand archi-
diacre aura deux sièges pour l'exercice de sa
jm-idiclion et deux officiaux seulement. L'ar-
chidiacre de Blois aura un seul officiai à Blois.
Les archidiacres et leurs officiaux auront juri-
diction et prendront connaissance de toutes
causes civiles, ecclésiastiques, fors des causes des
mariages qui seront contractés. Ne pourront
donner dispense de bans pour mariage, sinon
en cas de nécessité urgente ; que les mariages
commencés ne pussent être différés sans incon-
vénient et péril notable. Connaîtront de toutes
les causes criminelles en leurs archidiaconés,
s'ils n'ont été prévenus par l'official de l'évê-
que, fors des crimes d'hérésie et sortilège.
On appellera de toutes les sentences des archi-
diacres et de leurs officiaux à l'évêque , ou à
son officiai. L'évêque faisant sa visite se fera
une fois tous les ans présenter par les archidia-
cres les registres et papiers de leursjuridictions
ordinaires, civile et criminelle, et les sceaux;
les jiourra retenir cinq jours pendant lesquels
il pourra y exercer, ou faire exercer par ses
vicaires toute juridiction civile et criminelle
Ibid., pag. 51). »
A ces éclatantes manjues de l'ancienne au-
torité des archidiacres, restées dans quelques
églises, ajoutons l'arrêt du parlement de Dijon
en faveur de l'archidiacre de Beaune, en l()39,
le 12 août, par lequel « il est maintenu en l'exer-
cice de la juridiction ecclésiastique conten-
tiouse dans son archidiaconé, tant pour les cau-
ses matrimoniales [)étiloires de dîmes et
autres, pour lesquelles les personnes laïques et
séculières pouvaient être convenues par-devant
le juge d'église , que pour les causes criminel-
les contre les ecclésiasti(|ues : pourra ledit ar-
chidiacre établir les officiers de sa juridiction,
et décerner monitoires sauf la prévention à
l'official d'Autun (Fevret, de l'Abus, l. iv, c. 3,
n. 23). »
Chopin assure que l'official de Paris fut main-
tenu dans le même droit de prévention sur
l'archidiacre (L. i. de Polit., tom. vui, n. 2).
Tout ceci a été rapporté des jugements des
cours séculières, pour faire voir les droits dont
les archidiacres étaient en possession, où ils
ont été maintenus par ces arrêts, et dont nous
avons découvert les origines dans l'entasse-
ment dotant de canons et de tantdedécrélales,
qui ont grossi ce chapitre.
XII. Concluons que l'archidiacre à qui In- '
nocent III a donné rang entre les juges ordi-
naires (Regist. XIV, epist. 43), a été regardé
durant plusieurs siècles comme le vicaire-gé-
néral de l'évêque, mais vicaire perpétuel et
non amovible. « Vicarius non ab episcopo as-
sumptus, sed a jure datus, » comme parlent
les canonistes, et cette qualité le rendait dépo-
sitaire de toute la juridiction même conten-
tieuse de ré\êque, comme celle du premier
diacre lui donnait une grande prééminence
dans les offices ecclésiastiques (Fagnan, in 1. i,
part. 2, pag. 377, 378).
Les évêques ayant choisi, après l'an mil, d'au-
tres vicaires-généraux révocables a leur gré, et
des officiaux, ont peu à peu dépouillé les ar-
chidiacres de cette grande étendue d'autorité
dont ils avaient si longtemps joui, en sorteque
les canonistes les ont réduits à imposer des
peines légères, « ut modicani pœnam possit
imponere, vel ad modicum tempus suspen-
4o2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-UNIÈME.
dere ; » mais ils n'ont pu entièrement effacer
l'éclat d'une si grande di^niité.
Le concile de Trente (Sess. xxiv, c. 11) ne
souffre point encore d'archidiacre qui ne soit
docteur, ou licencié en lliéologie, ou en droit
canon. Nous parlerons ailleurs de la \isile des
archidiacres, de leur droit d'instituer les béné-
ficiers , de leur procuration , de leur synode et
de leur obligation à prêcher.
Il ne faut pas omettre cette dernière remarque
que Charles du Moulin a reconnue lui-même ,
que les archidiaconés n'avaient été au commen-
cement que des administrations qui s'étaient
ensuite érigées en titre doflice. « Hoc verum,
quando erant adminislrationes, sed postquam
conversœ sunt in titulos, quisijue jus suum ad
l'aclum et lucrum Iraxit, et adniinislrationem
neglexil (Inc. vu.Tituli.Deoffic. archiiliaconi .»
De là \ient cette infinie diversité entre les
archidiacres de différentes églises, qui n'ont
toujours que les pouvoirs que les évêques leur
ont autrefois commis, et que la coutume leur
a confirmés ; comme les évêques en ont usé
diversement, les pouvoirs des archidiacres n'ont
pu être les mêmes partout , et il y en a eu
quel(iues-uns qui sont demeurés sans charge
d'âmes et sans juridiction.
Le chapitre Gravem de excessibtis prœla-
torum, montre que les archidiacres prêtaient
foi et hommage aux évêques. Ainsi les évêques,
dit A. Costa , étaient comme les seigneurs de
liefs, qui limitent comme il leur plaît les droits
et les pouvoirs de leurs vassaux. « Nam ut in
beneficiis sœcularibus, qu;e vulgo feudadicun-
tur, vassallus nil habet , quod non ncceperit a
domino, sic, etc. (In Tit. xxui. De offic. archi-
diaeoni). »
Xlll. Je finirai ce chapitre en proposant
l'exemple d'un saint archidiacre de Troyes,
nommé Maurice. Il faisait ses visites à pied,
prêchant avec un zèle admirable dans tous les
villages, et joignant la fonction de missionnaire
apostolique à celle d'archidiacre Cantiprat. 1. 1,
c. I , n. l). 11 quitta son archidiaconé pour
aller servir une abbaye de filles à la campagne,
et faire la mission au voisinage. « Circuibat
diœcesin pedes, et cam in solo baculo praedi-
calionis officio visitabat, etc. » Il passa de ces
fonctions apostoliques à l'évêché du Mans . qui
lui fut déféré par le pré\ôt et le doyen de celle
Eglise, qui avaient été élus dans un partage de
voix.
Nous avons dit ailleurs que les archidiacres
succédaient très-souvent aux évêques. C'était la
juste récompense de leur vertu, si leur vie et
leur conduite avait été semblable à celle de
l'archidiacre Maurice (1).
(1) Le gouvernement en France ne reconnaît pas le titre d'archi-
diacre. Il n'admet que des vicaires-généraux. Les évêques eux-
mêmes, en réublissant le titre d'arcbidiacre, autrefois accompagné
de pouvoirs considérables et d'une juridiction réelle, ont eu som de
n'en faire qu'un titre honorifique sans droits particuliers. In très ar-
chidiaconatus, dit le titre vingtième des statuts synodaux d'Avignon
de 1B51 : a Avenionensera diœcesim describendam censuimus... ar-
u cbidiaconatus dignitate gaudebunt vicarii noslri générales. Eorum au-
« tem facultates et praerogativœ non liraitantur ad archidiaconatum
0 cujus titulus UDicuique competit, sed in totum diœcesim extenden-
tur. f» Cette dernière clause prouve seule que les titulaires ne sont
que des vicaires-généraux et non des archidiacres. En leur qua-
lité de vicaires-généraux, ils sont révocables et voient expirer leurs
pouvoirs à la mort de l'évéque, tandis que les vrais archidiacres sont
inamovibles et survivent à l'évéque. Il en est de même à Paris et
dans d'autres diocèses. Et en cela nous pensons que les évêques
agissent sagement, afin d'éviter le retour des abus des anciens archi-
diacres, qui s'étaient créé une puissance presque rivale de celle de
l'évéque lui-même. Placés par le concordat espagnol à la tête des
chapitres, les archidiacres en Espagne sont des dignitaires réels et
non honorifiques. (Dr Andrk.)
CHAPITRE VINGT-UNIEME.
DES CURÉS PENDANT LES PREMIERS SIÈCLES DE L EGLISE. DE L ORIGINE DES PAROISSES.
I. Les Ecritures du Nouveau Testament ne parlent que des ni dans les villes, hors la calliédrale, pendant les trois premiers
églises des villes. Cela avait plus de ressemblance avec la police siècles. Preuves tirées de saint Ignace.
(le l'Ancien Testament. III- De saint Justin.
II. Preuves qu'il n'y eut point de paroisses dans la campagne, IV. Des canons apostoliques.
DE L'ORIGINE DES PAROISSES.
453
V. D'Eijsèbe.
VI. Du pape Innocent I, sous lequel on ne célébrait pas encore
le sacrilice dans les paroisses de la ville. Raisons de cela. Du
levain consacré que le pape y envoyait.
VU. Pourquoi ne disail-on qu'une messe commune à tous les
prêtres ?
VIII. L'évêque faisait presque toutes les fonctions sacerdotales
lui-même.
IX. Nouvelle preuve de ce qui a été dit du pain levé et con-
sacré.
.\. Autre preuve.
XI. Antiquité des titres, ou des paroisses, dans la ville de
Rome.
XII. Réponse à une objection tirée de la vie du pape Damase.
Quand on a commencé de célébrer le sacrifice à Rome dans les
paroisses de la ville.
I. Tout ce que nous avons dit jusqu'à pré-
sent des prêtres et des diacres, ne semble re-
garder que ceu.iL qui étaient résidants avec
l'évêque dans la capitale du diocèse ou de la
province. Il n'a rien paru encore qui puisse
appartenir aux paroisses particulières de la
campagne, ni même à celle de la ville. .Vinsi
il y a de l'apparence qu'il n'y eut point du tout
de paroisses durant les deux on trois premiers
siècles, ni dans lacaïupagne, ni dans les villes,
on qu'elles furent très-rares.
Les Actes des apôtres, les Epîtres de saint
Paul, le livre de l'Apocalypse, ne nous entre-
tiennent que lies Eglises des villes considéra-
bles et des évéques ou des prêtres qui y rési-
daient, sans nous parler jamais des églises ou
des prêtres des paroisses de la campagne. Saint
Paul écrit à Titc qu'il l'a laissé à Crète pour
ordonner des prêtres dans les villes. « Ut con-
stituât per civitatos presbyteros (Tit. ii, v. .%). »
La cause api>arente de la confusion du nom
entre les évêijues et les prêtres, c'est que ne
mettant des prêtres que dans les villes, et n'y en
mettant ordinairement qu'un, il fallait l'ordon-
ner évêque. Car il est hors de doute que dans
les commencements on ne fournissait qu'avec
peine toutes les villes d'un prêtre ou d'un évê-
que, et qu'il eût été impossible d'en envoyer
dans tous les villages de la campagne.
Le nombre des ouvriers était très-petit, mais
leur charité et leur capacité était infinie. Ainsi
en les distribuant dans les villes, leur doctrine
se répandait bientôt dans tous les lieux voisins.
L'Eglise naissante imita en beaucoup de choses
la synagogue. Les prêtres et les léviles n'avaient
pas été dispersés dans tous les villages : MoiVe,
par l'ordre reçu de Dieu, les avait distribués
dans un noiubre considérable de bonnes villes
et en avait destiné le plus grand nombre jiour
assister le souverain pontife dans la ville capi-
tale de l'Etat. 11 ne faut pas trouver étrange si
les apôtres et les hommes apostoliipies du pre-
mier et du second siècle, gardèrent quelques
traces de cette |)olice.
II. Saint Ignace n'adresse ses lettres qu'aux
églises des grandes villes; il parle toujours des
évéques, des prêtres et des di;icres_, comme de
personnes inséparablement unies; il ne fait
jamais nulle mention, ni desprêtresde la cain-
pagne, ni des églises des villes où l'évêque ne
réside iioint.On peut faire les mêmes réflexions
sur les lettres de saint Cyprien, dont il y en a
un très-grand nombre qui sont adressées aux
prêtres et aux diacres de Carthage ; mais il n'y
en a aucune qui soit écrite à ceux de la cam-
pagne, ou qui en fasse mention. Il y en a aussi
plusieurs écrites aux prêtres et aux diacres des
autres villes, mais il paraît toujours que c'étaient
des villes épiscopales.
Il est vrai qu'il y en a une écrite aux prêtres,
aux diacres et au peuple de Furnes, où il
n'est point parlé de leur évêque (L. i, epist. ix);
mais il se pouvait faire que l'évêque de cette
ville fût mort ou absent; car quelle apparence
y a-t-il qu'il y eût plusieurs prêtres et plusieurs
diacres dans un village?
III. Saint Justin (Apol. v) dit nettement que
le jour du dimanche ceux de la ville et de la
campagne s'assemblaient en un même lieu,
où on célébrait le sacrifice de f Eucharistie;
que ceux qui étaient présents, communiaient,
et que les diacres |)ortaient la communion aux
absents. « Solis de omnium qui in urbibus vel
in agris degunt, in eumdein locum convenlus
sit, etc. Prœpositus preces et eucharistias facit,
etc. Distributio fit cuique pnesenti, absentibus
per diaconos mittitur. »
Cette pratique d'envoyer l'Eucharistie aux
absents servira à éclaircir ce que nous dirons
ensuite de l'usage de l'Eglise romaine.
IV. Les canons apostoliques ne nous donnent
non plus aucun sujet apparent de conjecturer
qu'il y eût des paroisses, ou dans la campagne,
ou dans les villes mêmes, hors de l'église où
l'évêque résidait. Les prêtres et les diacres n'y
sont jamais sépares de ré\ê(|ue. L'évêque y est
chargé du soin et du salut des fidèles, o Dumini
populus ipsi commissus est. » C'est lui qui en
doit rendre compte au souverain Pasteur, « Pro
auimabus eorimi hic redditurus est rationem. »
Les prêtres et les diacres ne peuvent rien faire
sans son ordre , « Sine sententia episcopi nihil
agere pertentent ^Cau. Ap. xlj. » L'évêque doit
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-UNIÈME.
454
veiller sur tout ce qui regarde sa paroisse et
les \illages, « Qua? parochiœ propriœ compe-
tunt, et \illis quœ sub ea sunt (Can. xv). » Où
le mot (le paroisse ^af.iz'.a tt, r.i.'^K/Xl. /m -.n.:% y.Mja'.;,
signiiie tout le diocèse de l'évêque , et surtout
la ville capitale dout les villages dépendent.
Cela paraît encore par un autre canon, qui
défend aux prêtres et à tons les autres clercs
de passer de leur paroisse à une autre, c'est-à-
dire de leur diocèse en un autre, sans le con-
sentement de leur évêque. Mais le plus remar-
quable de ces canons, pour le sujet que nous
traitons, est celui qui punit d'une juste dépo-
sition les prêtres et les clercs qui feront des
assemblées séparées , et autres que celles où
l'évêque préside, ou qui dresseront un autre
autel que celui où il sacrifie, et opposant autel
à autel, formeront un schisme détestable. « Si
quis presbNter contemnens episcopum suum ,
seorsum congregationem fecerit, et alterum
altare fecerit, deponatur quasi principatus
amalor existens, similiter et reliqui clerici
[Can. xxxu). »
Toutes ces expressions marquent évidem-
ment que dans un diocèse il n'y avait qu'une
église, où l'on s'assemblait avec l'évêque, et
où était l'autel où l'évèciue sacrifiait, ou bien
un prêtre par son ordre. S'il y eût eu plusieurs
paroisses dans la ville et a la campagne, où
les peu|iles se fussent assemblés et où les prê-
tres eussent célébré, on n'eût jamais usé de
ces expressions pour signifier le schisme, et
on n'eût jamais dit que faire des assemblées
autres que celles où l'évêque se trouve, et
dresser un autel différent de celui où il célèbre,
c'était s'élever contre lui , et diviser l'Eglise.
Eusèbe nous fournit sur le même sujet plu-
sieurs conjectures qui n'ont ()as moins de vrai-
semblance. Denys, évêque de Corinlhe, écrit
au pape Soter pour le remercier de ses libéra-
lités envers les pauvres , et il témoigne que
c'était la coutume de l'Eglise romaine, dès sa
naissance, d'assister toutes les Eglises qui étaient
dans chaque ville : £>'.xV.T,aisi.i; -.%<.% r.oXXaï;, t»;; xitx
T:icixv iT-J/iv. (L. IV Hist. C. XXIll).
Les églises n'étaient donc que dans les villes.
Le pape Corneille écrivant à Fabius, évêque
(l'Antioclie , dit qu'il y avait à Rome quarante-
quatre prêtres, sept diacres, autant de sous-
diacres, cuire les ministres inférieurs les veu-
ves et les malades <iue l'Eglise nourris.'sait
(L. VI, c. i3). Outre ces prêtres qui résidaient
a Home, ce pape eût aussi [larlé de ceux de la
campagne et des villages, puisque l'évêque eût
aussi été chargé de leur conduite et de leur
nourriture.
Denys, évêijue d'Alexandrie, nous fait remar-
quer la coutume de la loi de toutes les églises,
de réserver aux évêques la réconciliation des
pénitents, et de ne l'accorder aux prêtres qu'en
l'absence des évêques , ou lorsque les malades
étaient à l'extrémité iL. vi, c. \'\ . Cela nous
apprend que les pénitences publiques ne se
faisaient que dans les villes où étaient les évê-
ques, et cette coutume \ient vraisemblablement
de ce que durant ces prenners siècles toutes les
églises étaient dans les villes.
Eusèbe, qui rapporte tout cela, dit qu'après
la mort des tyrans qui avaient fait abattre
toutes nos églises, on commença à les rebâ-
tir dans toutes les villes. « 0(itatissimum spe-
ctaculum priebebatur, dedicationum sciiicet
festivitas per singulas urbes, et oralorium re-
cens conslructorum consecraliones iy.t.wM h-^-.t.\
■/.■X.-3. r.ù.ù;. (L. X, c). » Le même Eusèbe faisant
la description de la magnifique structure du
temple de Tyr, n'y met qu'un autel au milieu
du sanctuaire, « Post hœc sanctorum, altare
videlicet in medio constiluit (L. x, c. ij. »
Cela sert à nous faire remarquer l'unité du
sacerdoce dans chaque diocèse, où comme il
n'y avait (]u'un évêque, il n'y avait aussi (ju'une
église et un autel où l'évêque célébrait assisté
de tous les prêtres, qui recevaient l'Eucharistie
de sa main, et qui ne célébraient eux-mêmes
qu'en son absence, ou par son commande-
ment.
Vl.Le pape Innocent I", écrivantàDécentius,
évêque d'Eugubio, remaniue expressément que
de son temps même , c'est-à-dire au commen-
cement du V' siècle, il n'y avait point encore
de paroisses dans la campagne de Rome, mais
que toutes les églises qu'il appelle litres, étaient
dans l'enceinte de la ville, où il y avait des
prêtres, aussi bien que dans les cimetières
sacrés; mais que les jirêtres des cimetières
avaient le droit et la permission de célébrer
les sacrements, au lieu que les prêtres de la
ville n'ayant pas ce droit, l'évêque leur envoyai!
de son église le sacrement, qu'il appelle |)ain
levé, « Fermentum, » afin que ce soit un
témoignage de leur comnmnionavec l'évêque.
Voici ses paroles : « De fermento vero quod
die Dominica per tilulos nùtlimus, superflue
nos consulere voluisti, cum omnes Kcclesi;e
nostrx inlra civitatem sintconslilula'. Quarum
DE L'ORIGINE DES PAROISSES.
45b
presbyteri quia die propter plebem sibl credi-
tam nobiscum convenire non possunt, idcirco
fermentiini a nobis coiifectuni per acolylhos
accii>iunt, ut?e a nostra coininiuiione maxime
illa die non judicent séparâtes. Quod per paro-
chias fieri dt'bere non pnlo, quianeclonge por-
tandasunt sacramenta , nec nos per cœmeteria
diversa constitutis presbyteris destinamns, et
presbyteri eorum conficiendorum jus habeant
atque licentiam (Innoc. I, ep. i ad Décent.). »
11 y a peu d'apparence que ce levain mysté-
rieux fût une espèce de pain bénit, semblable à
celui qui est à cette heure en usage. Car quel
inconvénient y aurait-il de le porter de la ville
aux paroisses de la campagne, puisque les
lettres que saint Paulin écrivait à saint Augus-
tin et à Alipe, nous a[)prennent qu'il leur en-
voyait des pains d'ilalie en Afrique , pour
marque de communion, joint à cela que ce
pain bénit a été inconnu à l'ancienne Eglise
latine et qu'il n'y en paraît aucun vestige durant
les huit premiers siècles ?
II est donc plus vraisemblable que c'était
l'eucharistie même que l'évèque seul consacrait
et envoyait ensuite aux prêtres des paroisses
de la ville qui n'avaient pas pu assister à sa
messe et recevoir la connnunion de sa main
comme les autres prêtres. Eusèbe nous apprend
que les papes du second siècle envoyaient
l'eucharistie aux évèques des provinces les ]ihis
éloignées, pour témoignage de leur commu-
nion (Euseb.,I. v, c. 24). Le canon xiv du con-
cile de Laodicée défend d'envoyer l'eucharistie
en façon d'eulogie, d'un évèché à im autre. Le
martyr Lucien, après avoir célébré et comnui-
nié , envoya la communion aux absents.
Baronius a rapporté ses actes en l'an 311.
Il n'est nullement étrange que l'Eucharistie
soit appelée, pain levé, « Fermentum, » parce
qu'il n'est pas hors d'a[iparence qu'en ce
temps-là l'Eglise latine même se servait de pain
levé pour le sacrifice. Il y en a beaucoup
d'autres preuves que j'omets. Et pour ne pas
nous embarrasser dans cette question, l'Eucha-
ristie serait toujours un levain mystérieux et
saint, qui nous lierait tous et nous incorpore-
rait au Fils de Dieu, pour n'être tous qu'un
corps et un pain céleste, comme dit saint Paul,
« Unus jianis , ununi corpus multi sumus,
omnes qui de uno pane parlicipanuis (I Cor.
X, 17). »
VIL II ne faut pas non jikis être surpris, si
on avance qu'il ne se disait qu'une messe, à
laquelle tous les autres prêtres assistaient et
communiaient, et après laquelle on envoyait
la communion aux prêtres des paroisses, qui
n'avaient pu y assister. Car il est constant que
dans ces premiers siècles, comme il n'y avait
qu'un autel et une église, il ne se disait aussi
qu'une messe, célébrée par l'évèque assisté de
tout son clergé, et où tous les prêtres mêmes
communiaient de sa main.
Quand on commença à ériger des paroisses
dans la ville de Rome, les prêtres qui en
étaient chargés continuèrent à recevoir la
communion de la main de leur évêque, mais
il fallait pour cela que les acolytes la leur por-
tassent. Cette pratique tenait les prêtres dans
une plus grande dépendance de leur evèque et
ne les exposait pas au danger d'élever autel
contre autel ou de former des schismes. Les
prêtres des cimetières n'étaient pas dans ce
danger, parce qu'il n'y avait point de peuples
qui leur fût soumis et (iiû fût attaché à ces
cimetières. Ainsi on leur permettait de célé-
brer.
VIII. Dans ces commencements l'évèque seul
baptisait ordinairement, lui seul réconciliait
les pénitents à l'autel, lui seul célébrait le sacri-
flce, ou celui d'entre les prêtres qu'il substi-
tuait et qu'il commettait pour cela. Delà vient
qu'il n'y avait qu'une église et une fontaine
sacrée où l'on ba|itisait dans les plus grandes
villes, ce qui est encore en usage dans l'Italie.
De là venait aussi qu'il n'y avait qu'un autel
où l'on sacrifiait.
IX. Les paroles du livre pontifical, dans la
vie du pape Melcliiade, semblent nous fournir
une preuve convaincante de l'explication que
nous avons donnée à la lettre d'Innocent I".
Elles disent formellement que ce pain levé
n'était autre chose que les offrandes ou obla-
tions consacrées par l'évèque, que l'on distri-
buait par les autres Eglises. « Hic fecil, ut obla-
tiones consecratse per Ecclesias ex consecratu
e|)isco[iidirigerenlur, quod declaratur fermen-
tum.» Il est difficile d'expliquer autrement
que de l'Eucharistie, des termes aussi évidents
que ceux-ci. « Oblationes consecratœ ex conse-
cratu episcopi (Damas., in vita Melch.). »
X. Au moins on ne peut nier qu'au temps des
pajies Melchiade et Innocent, c'est-à-dire durant
fout le quatrième siècle, toutes les paroisses
de Rome ne fussent renfermées dans la ville,
et qu'il ne soit très-constant qu'il n'y en avait
aucune dans la campagne.
456
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-UNIÈME.
Sans doute, Décentius, évèque d'Eugubio, en
avait à la campagne , puisqu'il consultait le
pape Innocent, s'il fallait leur envoyer le
même sacrement tous les dimanches. Mais on
peut croire qu'elles étaient fort nouvelles dans
l'évèclié d'Eugubio, puisqu'il n'y en avait point
encore dans celui de Rome, et que ré\è(iue
d'Eugubio doutait encore s'il fallait [lerniettre
aux prêtres de ces paroisses des champs de
célébrer eux-mêmes le sacrifice : ce que le
pape semble lui conseiller, à l'exemple des
prêtres des cimetières près de Rome, à qui
le pape permettait, « conficere sacranienla, »
qui sont des termes propres, non ]ias au [lain
bénit, mais à l'Eucharistie.
Aussi le pape Melchiade ne dit pas que ce fût
du levain, ou du iiaiii levé, mais qu'on le déclarait
tel, « Quod declaralur fermentum ; » couune
s'il disait que ce pain consacré que l'évêque
envoie aux curés comme le lien chî leiu- com-
munion est considéré de la même manière
que le levain nécessaire à ce pain céleste qui
est le corps mêmedeJ.-C.
XI. Ce ne serait pas tirer nos conjectures de
trop loin, si nous disions encore que lesparoisses
de la ville de Rome étaient assez nouvelles dans
le quatrième siècle, puisijuil n'y en avait point
encore dans la campagne. Mais le même livre
I)ontifical, attribué au pape Damase, met un
grand obstacle à cette prétention. En effet, il
assure que le pape Evariste, qui était assis sur
le Siège de saint Pierre an commencement du
second siècle, distribua à ses prêtres les titres
de la ville de Rome. « Hic titulos in urbe
Roma divisil presbyteris.» Que ces titres fussent
des églises, on n'en peut douter, puisque le nom
de titre est encore en usage dans le même
sens, outre que le pape Pie le dit clairement
dans sa lettre à Juste, évêque de Vienne : « An-
tequam Roma exiisses, soror nostra Eu[>repia
titulum donuis suœ paupeiibus assignavit, ubi
nunc cum pauperibus nostris commorantes,
missas agimus. »
Le cardinal Raronins (An. 112, n. i, o, (i) a
fait voir par les paroles de saint Ambroise, de
saint Augustin, de saint Crcgoire, et même du
droit civil, nous poiu'iions y ajouter phisieurs
autorités de Cassiodore qui en font aussi foi,
que l'on apiiropriait les maisons ou les terres
au fisc du prince, en y att.icliant un voile,
ou une enseigne, avec son image ou son nom
(Cassiod. ,1. IV, ep. XIV, l..^).TIléodose commanda
que les temples des païens fussent adjugés aux
chrétiens, en y attachant une croix: « Collocato
in eis venerando Christianœ religionis signo
(Epist. vu. Cod.Theodos.,I.2,tit. 14, leg. 1). »
Il n'est pas aisé de se persuader que dans le
second siècle on ait osé irriter les persécuteurs
de notre religion en mettant des croix sur les
maisons. Ainsi il faudrait se réduire à l'autre
raison du cardinal Raronius, qu'on donna à
ces Eglises le nom de titres, parce que les
prêtres qui en étaient chargés en tiraient leur
nom et leur titre. On pourrait encore dire que
l'on attachait véritablement à ces églises quel-
que marque de notre religion, mais qu'elle
était telle que les ()aïens ne pouvaient s'en
défier, quoiqueles fidèles fussent bien informés
de ce qu'elle signifiait. Aussi est-il certain que
les grammairiens mêmes, el les professeurs des
arts libéraux, ou autres, avaicntaussi des titres,
ou des enseignes qui faisaient connaîli'e le lieu
de leur demeure et de leur profession. Enfin,
le même livre pontifical, dans la vie du pape
Denis, dit expressément que ce pape distribua
à ses prêtres les églises, les cimetièrts et les
paroisses : « Hic presbyteris Ecclesias divisit, el
cœmeteria, parochiasque et diœceses cons-
tiluit. »
Il est assez probable que la persécution ayant
mis en fuite tous les prêtres, et ayant peut-être
même renversé leurs églises, ce pape fit une
nouvelle distribution de paroisses dans la
ville. Le nombre de ces paroisses n'est remar-
(|ué i}ue dans la vie du pape Marcel, dont le
même auteur dit, qu'il institua vingt-cinq titres
dans la ville de Rome, qu'il fitservirpar autant
de prêtres. « Hic viginti quinque titulos in
urbe Roma constituit, (juasi diœceses, propter
baptisuuun et pa'uiteutiam multorum, qui
convertebantur ex paganis, et pro|iter sepul-
turasmartyrum. Hic ordinavit viginti quinque
presbytères in urbe Roma, episcopos per di-
versa loca viginti unum. »
Ces paroles montrent clairement qu'il n'y
avait ni titres, ni églises, ni paroisses, ni
prêtres dans la campagne de Rome, mais que
tout cela était renfermé dans la ville. Elles font
voir encore que ces Eglises servaient aux
li;iptêmes, aux enterrements, aux exercices des
pénitents, mais il n'est point marqué qu'on y
célébrât la messe. »
Enfin il faut y remaniuer ce qui paraît aussi
dans la plu|iart de ces discours abrégés de la
vie (les anciens papes, qu'ils y ordonnent très-
peu de prêtres, et (lu'ils y consacrent presque
CONTINUATION DE LORKHNE DES PAROISSES.
i.û
aiilant et quelqiiefoi.-; plus d*évè(jues (lue de
prêtres. La cause en est claire, en ce qu'ils ne
de\ aient fournir de jjrùtres qu'à la seule >il!e
de Konie, au lieu qu'ils de\aient donner des
évêques à un fort grand nombre de provinces.
Il est même certain que dèsccspreiniers siècles
il y availdesévèques dans toutes les plus petites
villes d Italie et de l'Orient, et qu'on pouvait
par consé(]uent se jiasser plus facilement des
paroisses île la campagne.
XII. 11 ne nous reste jikis qu'à dire im mot
de ce que le même aideur rapporte dans la vie
du pape Sirice. « Kic constiluit, ut nuUus
presbyter missas celebraret per omnem Iieb-
domadam, nisi consecratum episcopi loci desi-
gnati susciperet, declaralum quod nominatur
fermentum.»
Peut-on après cela nier que les prêtres des
paroisses ne célébrassent eux-mêmes la messe?
Mais ileslàcroire qu'ils avaient acquis ce droit
dans cet intervalle de temps qui s'était écoulé
depuis Mekhiade jusqu'à Sirice, c'est-à-dire
qui faisait la plus grande partie du quatrième
siècle. Ainsi ces prêtres étant en possession de
célébrer eux-mêmes la messe dans leur pa-
roisse, ils croyaient se pouvoir passer de ce
pain consacré que l'évêque avait auparavant
coutume de leur envoyer.
Ce pape, pour conserver cette marque de l;i
dépendance de ces prêtres, de leur soumission,
et de leur communion à l'égard de leur é\ê-
que, onloune qu'ils contumeronl de recevoir
ce pain sacré, qui est appelé levain, « Declara-
tum, quod nominatur fermentum ; » parce
que, selon le texte formel de l'Evangile, et
selon les interprétations de saint Chrysostome
et d'Origène, la vérité évangélique est comme
un levain céleste, qui se mêlant a\ec nos âmes,
leiu' communique ses divines qualités.
Le père Sirmond a fort bien traité tout ce
qui regarde ce pain, ou ce levain mystérieux,
et a fait voir que c'était l'eucharistie même
(Sirmond., de Azymo, c. v).
Cette décrélale de Sirice ne pourrait s'en-
tendre que des prêtres des cimetières de Rome,
mais il vaut mieux l'entendre des prêtres des
paroisses des autres évêcliés. Ce qui semble
être marqué dans ces paroles, « Episcopi loci
désignât!. »
Innocent, qui succéda à Anastase ^successeur
de Sirice, nous a appris ci-dessus que les
prêtres des paroisses dans Rome ne célébraient
pas encore des messes particulières.
CHAPITRE VINCtT-DEUXIÈME.
CONTINUATION DE L ORIGINE ET DE LANTIQLITÉ DES PAROISSES.
I. Dans la ville d'Alexandrie il y avait plusieurs paroisses, et
dans chscime plusieurs prêtres, dont le premier était le curé.
II. L'évêque d'Alexandrie, assemblant tous ses curés, faisait un
synode où. avec les évêques qui se trouvaient dans Alexandrie,
il condamnait les erreurs nouvelles. Nécessité de bien établir la
dépendance des curés à l'ésard de l'évêque.
III. Saint Athanasc met aussi des cures et des curés dans la
campagne d'Alexandrie.
IV. On ne disait point la messe dans les paroisses de la ville
d'Alexandrie. Preuves tirées de saint Athauase.
V. Autre preuve tirée de saint Léon, pape, qui commence à
faire célébrer deux messes dans Alexandrie, aux jours plus so-
lennels.
VI. L'Eglise grecque conserve encore quelques traces de cette
ancienne unité de messe.
VII. Le nombre des fidèles n'était pas autrefois si grand qu'à
présent.
VllL Objections contre ce qui a été dit.
IX. liépouse aux objections.
X. Conclusion de cette matière. Les Juifs n'avaient qu'un
temple et un sacrifice. Les Gentils n'avaient pas de temples dans
tous les villages.
I. L'Eglise d'Alexandrie a été comme la fille
aînée de celle de Rome : aussi a-t-elle été la
seconde Eglise du monde. 11 y aura sans doute
de grands ra[iports entre la mère et la fille.
Aussi saint Epipbane nous assure-t-il qu'au
458
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.
commencement du quatrième siècle il y avait
dans Alexandrie plusieurs églises qui étaient
toutes soumises à l'archevêque, dont chacune
avait un prêtre (jui la frouvernait. o Etenini
(|uotquot Aléxandriic CatlioliCcT communionis
ecclesiœ sunt , uni archiepiscopo subjeclœ ,
suus cuique pra^positus est presbyter, qui
ecclesiastica niunera iis administret (Epipli.,
hœr. i.xix, n. 1, et haeresi. lxviii, n. 9). » Les
rues et les maisons voisines de chaque église et
qui en étaient comme le ressort, s'appelaient
Laures, ).ajpa't ou \i.^ok : et c'est d'où tirèrent
leur nom ces sortes de monastères dont les
cellules étaient séparées de même façon par des
rues. Il y avait j)lusieurs prêtres dans chacune
de ces églises : -ùj.Ù Tjii.7:-.-f.Gvj-i-M y.ifs'îy.i'nz-r.-i i/.-
xXraiav. Mais il y en avait un qui en était le pré-
sident, i; irfO'IaraTo.
Saint Epiphane nomme sept ou huit de ces
églises et dit qu'il y en avait plusieurs autres.
Il dit qu'Arius était recteur ou curé d'une de
ces paroisses, Colluihus d'une autre; Carponas
et Sarmatas étaient aussi recteurs , chacun de
son église : que ces prêtres r^itandirent le
venin de leurs erreurs dans les prédications
qu'ils faisaient au peuple aux jours d'assem-
blée , qu'ainsi ils partagèrent les esprits et
eurent chacun leurs sectateurs, dont les uns
s'appelèrent Colluthiens, les autres ariens;
(}u'Arius gagna à son parti sept i)rêtres, douze
diacres, sept cents vierges; qu'enfin l'arche-
vêque Alexandre ayant assemblé ses prêtres et
quelques évêques qui se trouvèrent dans
Alexandrie, (;jy.7.';xÏT«i Ti TTpea&jTT.ptov , xa't âXXfj;
Tivâç ÈitiTOOTTcu; , et ayant examiné la chose au-
tant qu'elle le méritait , excommunia Arius
et le bannit de la ville, ce qui fit que tous ses
partisans se séparèrent de l'Eglise.
II. De ce récit de saint Epiphane nous appre-
nons, 1° Que l'Eglise avait eu beaucoup de rai-
son de munir et de précautionner l'aulorité
des évêques contre les entreprises des prêtres
et de mettre tout en usage pour retenir ceux-
ci dans une exacte dépendance, puisijue nous
voyons (jne la ])remière et la plus pernicieuse
des grandes hérésies qui ont combattu l'Eglise,
a été l'onnée par un j)rêlre ambitieux et ama-
teur (le lindf'penilance.
2° Que la ville d'Alexandrie étant après Rome
la ]ilus grande \ille du monde et y ayant peut-
être un nombre de lidèifs encore plus grauil
(pi'à Rome, parce que la foi avait commencé
plus toi et s'était jilus étendue dans l'Orient : il
y avait aussi un grand nombre de paroisses
dans cette ville et plusieurs prêtres dans chaiiue
paroisse, au lieu que dans Rome il n'y en avait
qu'un dans chacune.
.'i° Que de ces prêtres d'une même paroisse,
il y en avait un qui y avait la principale auto-
rité, tels qu'étaient Arius et Collutlius.
i" Qu'il n'est parlé d'aucune paroisse, ni
d'aucune église aux champs, mais que toutes
les paroisses, aussi bien que tous les prêtres
étaient dans Alexandrie, aussi bien que dans
Rome.
5° Qu'Alexandre, archevêque d'Alexandrie,
pour condamner la doctrine et la personne
d'Arius, assembla son collège de prêtres, « r.^i-
oZ-jH-m-', avec quelques évêques qui se rencon-
trèrent dans Alexandrie, et que ce fut de ce
synode que fut lancée la première foudre contre
les Ariens.
Il y a de l'apparence que ce collège sacerdo-
tal, (jui est appelé presbytère, comprend aussi
les diacres qui assistaient aux synodes en
Orient, aussi bien que dans l'Occident, comme
nous l'avons déjà fait remar(]uer et comme il est
aisé de le justifier par l'Eglise romaine, où les
assemblées pareilles étaient aussi nommées
« Presbyterium , » et où les diacres aussi se
trouvaient (Siricii, ep. ii).
Quoiqu'il en soit des diacres, il est au moins
certain par cet endroit, (lue l'êvêque avait ses
curés et ses prêtres faisait un synode où on
traitait les plus grandes causes, oîi on condam-
nait les hérésies et où l'on excommuniait leurs
auteurs. Si dans cette rencontre l'archevêque
Alexandre ne se donna pas le loisir de convo-
quer les évêques de la province, ce fut appa-
remment afin que le remède à un si grand mal
fût d'autant plus efficace qu'il serait plus
promi)t : et parce que la coutume d'Alexandrie
était de ne pas attendre les évêques de la pro-
vince même pour l'élection d'un archevêiiue ;
mais d'y i)ourvoir d'abord pour prévenir les
factions et le schisme.
(^est la remarque de saint Epiphane au
même endroit : « Cum hœc sit consuetudo
Alexandriœ, ut post episcopi mortem successor
non diiitiiis differatur , sed subinde pacis
tncnda' gratia subrogelur, ne aliis hune, aliis
iilniii aniplr'ctentibus, jurgia in vulgus et con-
Iciilidues e\islaiil flbid., n. II).»
N'oilà ce (|iie veut dire saint .lérôme, (juand
il assure que les prêtres d'Alexandrie prenaient
aussitôt l'un d'entre eux pour le faire monter
CONTINUATION DE LORIGINE DES l'AROlSSES.
ir.y
sur le trône vacant , sans attendre tous les
évèqiies do la province, mais non pas sans
employer des évèques à la consécration de celui
qu'ils avaient élu, puisqu'il y avait toujours des
évèques dans une aussi grande et aussi puissante
ville qu'Alexandrie, comme il paraît ici par
ceux qu'Alexandre assembla avec ses prêtres
pour la condamnation de l'arianisme.
Le nom de paroisse ne se lit jjoint dans cet
endroit de saint Epipliane , non jikis que celui
de curé ; mais ce que nous appelons paroisse
y est nommé simplement église ou laure , et
le nom de prêtre y signifie le recteur ou le curé
de la paroisse. Saint Atlianase fait lui-même
mention de ces laures dans sa lettre aux
solitaires.
III. Mais le même saint Atbanase nous en-
seigne que dans la campagne même d'Alexan-
drie, et dans les plus grands villages, il y avait
des églises et des prêtres. « Mareotes ager /«sx
est Alexaudria^, quo in loco episcopus nunquam
fuit, imo ne cliorepiscopus quidem ; sed uni-
versee ejus loci Ecclesiœ episcopo Alexandrino
subjacenf, ita tamenutsingulipagi, wiy.^'. , suos
prcsbyteros liabeant. Sunt auteni pagi isti
maximi decem numéro, aut aliquanto plures.
Pagus autem in quo Ischyras habitat, minimus
est, et paucissimorum liominum , adeo ut non
ibi, sed in proximo pago ecclesia sit constituta
(Athan., apol. 2). »
Il y avait donc des cures et des curés dans
les grands villages, aî-^ioTi? xùai;, dont les petits
villages relevaient. Mais l'importance serait de
savoir si ces paroisses champêtres étaient plus
anciennes que l'empire de Constantin. C'est un
doute que je ne puis encore résoudre. Nous en
dirons quelque chose plus bas en son lieu ;
mais nous ne dirons peut-être rien de bien
convaincant.
IV. Il faut nous en consoler, en empruntant
du même saint Athanase l'éclaircissement d'un
autre point qui n'est pas moins important. On
accusa ce saint archevêque d'avoir fait célébrer
les assemblées et le sacrifice dans une église
d'Alexandrie , que l'empereur Constantin lui
faisait bâtir, avant qu'elle fût dédiée, et même
avant qu'elle fût achevée.
11 ne nie pas que cela ne fût, dans son apo-
logie à l'empereur, mais il dit qu'il y a été
forcé par la violence, ou plutôt par la ferveur
et la piété d'une multitude infinie de fiilèles,
qui ne pouvant pas assister tous ensemble au
diviu sacrifice à la fêle de Pàtiues dans les
autres églises d'Alexandrie, parce qu'elles
n'étaient pas assez s])a(ieu?es itourlescnnterii
tous, forcèrent l'archevêque de célébrer dans
celle-ci, qui était déjà plus vaste que les autres.
« Cum Ecclesiœ paucte parvœque essent, ma-
gnoque tumultu posceretur, ut in magna Ec-
clesia conventuscelebrareutur. » L'archevêque,
avant que de consentir à leur demande, les
conjura de s'assembler plutôt dans les aiitres
églises, quoiqu'ils dussent y être pressés,
« Etiam cum compressione et affliclione in aliis
Ecclesiis cœlus agerent.» Maislepeufile ne juit
s'y résoudre, et il menaçait d'aller célébrer la
fête au milieu des champs, parce que plusieurs
femmes et enfants avaient pensé être étouffés
dans la foule , aux dernières fêtes de la Pente-
côte (Apolog. ad Constantium).
Cela nous apprend qu'aux jours mêmes des
jtlus grandes fêtes, on ne disait dans Alexan-
drie qu'une seule messe dans la plus grande
église , et qu'il est très-certain que les prêtres,
ou curés des paroisses particulières n'y disaient
nullement la messe, comme nous l'avons déjà
observé de la ville et des églises de Rome en
même temps. S'il en restait encore quelque
doute, il serait très-certainement levé par les
paroles suivantes du même saint Atbanase, oi'i
il montre combien on était alors persuadé qu'il
fallait ([ue toute la multitude des fidèles enten-
dît ensemble une même messe, et ue fît qu'une
seule hostie qui s'immolât avec J.-C. sans se
diviser et se répandre en diverses églises.
« Quid ergo rectius putas, parficulatim et
divise una cum periculo elisionis populum
synaxes facere, an potius ut in locum omnium
bene capacem conveniat et unam eamdemque
sine dissonantia vocem reddat?Certe id rectius
est, cum id concordiam unanimis ninltitudinis
ostendat, et Deum ad exandiendum promptio-
reni babeat. Nam si pro ipsius Salvatoris pacto
in consensu duorum quodcumque petierint .
Cet : (juid igitur fulurum, ubi ex tôt tantisque
populis in unum congregatis una vox respon-
deatur, acclamautium Amen? Quis non intcr
felicia prœdicet , cum videat tatitam multitu-
dinem in unum locum convenire? Quid gaudii
ibi ex niutuo iuvicem couspeclu, anlea solilis
in diversa loca dispertiri? »
V. Baronius rapporte cela à l'an 3-""iO. Si les
choses étaient en cet éUit lorsque l'empire était
depuis si longtemjis déclaré pour l'Eglise, que
faut-il juger des temps de la persécution? Il
faut avouer néanmoins (jue ce n'était pas tant
460
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.
la crainte des persécuteurs qui causait cette
coutume de ne célébrer la messe qu'une fois
en un jour dans chaque ville, que le désir et
la nécessité de conserver l'unité dans l'Ej^^lisc,
et la dépendance extrême que doivent avoir
tous les prêtres de leur évêque.
Nous en tirons une preuve encore plus cer-
taine de la lettre du pape Léon I" à Dioscore,
archevêque d'Alexandrie (Epist. lxxxi), où il
lui ordonne de faire célébrer une seconde
mes5e dans la même basilique aux jours de
grande fête, lorsqu'il y aura encore une grande
multitude de peuple qui n'aura pu entrer et
assister à la première : parce qu'il n'est jias
juste de garder l'ancienne coutume d'une
messe pour chaque jour dans une église aux
dépens de la piété de tant de fidèles.
« Illud volumus custodiri, utcum solenmior
festivilas conventum populi numerosioris in-
dixerit, et ad eam tanfa multitudo convenerit,
quam recipere basilica simul una non possit,
sacrificii oblatio indubitaiiter iteretur, ne bis
tantum admissisad liane devotionem qui primi
advcnerint , videantur bi , qui i)Ostinodum
confluxiiint, non recepti. Cum j)lenum piela-
lis al(iue rationis sit, ut quoties basilicam, in
qua agitur, prœsentia novœ plebis impleverit,
toties sacrifioiuni subsequens offeratur. Necesse
est autem , ut quœdam pars populi sua devo-
tione privetur, si unius tantum missœ more
servato, sacrificium offerre non i)0ssint, nisi
qui i)rima diei parle convenerint. »
VI. Ces paroles du pape Léon, « unius sacri-
ficii more servato, » montrent manifestement
(jue c'était un ancien usage dans le patriarcat
d'Alexandrie, de ne célébrer qu'une messe [)ar
jour, dans les plus grandes villes mêmes, et
aux jours des fêtes les plus solennelles. L'Eglise
grecque observe encore la même coutume et
on n'y dit qu'une messe en un jour dans chaque
église, ce qui fait justement douter si l'ordon-
nance du pape Léon fut suivie dans Alexandrie,
et s'ils n'aimèrent pas mieux célébrer plusieurs
messes en différentes églises, comme les Grecs
le i)rati(jaent encore aujourd'hui.
Vil. Cet usage de l'ancienne Eglise i)araîtra
moins étrange si l'on considère, 1° Qu'il s'en
faillit boaucou|> ([ue tous les idolâtres fus-
serit convertis, et (jue le nondjre des lidèlcs
fût aussi grand ijuil l'est à cette heure. 2° Que
les chrétiens alors ne recevaient très-souvent
le baptême ijuc vers la (in de leur vie, ou dans
un âge fort avancé; ainsi ils ne pouvaient pas
même assister à la messe des fidèles. 3° Que les
pénitents même étaient distingués des autres
fidèles, et n'assistaient pas non plus à la messe
des fidèles.
VIII. Après tout, on ne peut nier qu'il n'y
ait quelques preuves assez vraisemblables,
pour nous faire croire qu'il y avait quelques
églises paroissiales et des curés, non-seulement
dans les villes, mais aussi dans la campagne
(Apost., can. xxxvi). Il est défendu aux évêques,
par un canon apostolique, de faire des ordina-
tions dans les villes on villages, 77-:>.e..; ■/.%•. y_Mp!r.ç,qui
sont hors de leur diocèse. Ils en faisaient donc
dans les villes et villages de leur obéissance.
Or faire des ordinations, x-'ipoToviaç m'.e'aôn.dansle
style ancien, est la même chose que donner
des cures ou d'autres bénéfices.
Le concile d'Elvire (Can. Lvni), distingue
l'église cathédrale, « locusinquo prima cathe-
dra constilula est episcopatus, » des autres où
on donnait aussi des lettres de communion. Il
parle en un autre endroit (Can. lxxvii) d'un
diacre qui gouverne une église, « Si quis dia-
conus regens plebem. » Enfin, Gardas dit
qu'en quelques manuscrits anciens on trouve
à la fin de ce concile les sousciiptions de trente-
six prêtres, avec le nom des villages dont ils
avaient la conduite. Mais ces souscriptions sont
très-suspecles. Car on devrait plutôt avoir trou-
vé celles des évêques, et il n'y a presque pas
d'exemples où les prêtres aient souscrit avecle
nom de leurs églises particulières.
IX. Saint Cyprien (L. i, cp. 8) distingue le
clergé de la ville des autres clercs du diocèse.
« Clericis urbicis. » Dans un autre endroit
(L. IV, ep. 10) il y admet le prêtre Numidicus,
illustre |)ar sa confession, « Ut Numidicus |)re-
sbyler adscribalur presbylerorum Carlhaginen-
sium numéro, et nobiscum sedeat in clero ,
luce clarissima confessionis illuslris. »
Ces preuves ne sont pas sans quelque vrai-
semblance, mais aussi elles ne sont ni con-
vaincantes, ni comparables au nombre et à la
force de celles du parti contraire. Eusèbe dit
dans la harangue prononcée à la dédicace de
la magnifique église de Tyr, que la gloire de
J.-C. et sa divine iiuissance éclatait admirable-
ment il. ms celle inîinilêde temples magnifiques
et de basiliques qu'on voyait dans les villes et
dans la cam|)agne : /.oX y.wfav, x-,1 itoui;. (Hist., 1. x,
c. i). Mais il esl certain iiue cela regarde le
t.'mps (jui suivit l'Emjiire et la conversion de
Constantin. Saint Cyiirieii traite Carthage
DES P(U'VOinS ET OliLICATKlNS ItES Cl'RES.
461
comme une autre Ronie dans l'Afiliiue , et il
relève son clergé à proportion sur le clergé des
autres villes épiscopales.
Le canon du concile d'Elvire doits'e\pli(iner
duniélropolitain, qui est véritablement « prima!
cathedra' episcopus. » L'autre canon du même
concile parle peut-être d'un diacre qui gouver-
nait une église pendant l'absence de l'évèque
et du prêtre, ou pendant l'interrègne. Le canon
de Sardique 'Can. vu) défend de mettre des
évéques dans des villages et dans de petites
villes où un prêtre suffit. « Non est danda
licentia ordinandi episcopum in vico aliquo ,
vel modica civitate, cui sufficit unus presbyter. »
Ce prêtre était apparemment le pasteur d'une
petite ville ou d'un bourg ; mais du temps du
concile de Sardique , la foi était répandue
presque partout l'empire. L'on ne peut, par le
moyen des canons des apôtres, marquer préci-
sément ce qui est arrivé à ce sujet, ni en flxer
l'époque; la raison est que le temps auquel
cette collection a été faite n'est pas certain.
On ne sait qu'une chose, ou du moins on
présume que celte collection des canons des
apôtres, aussi bien que celle des constitutions
apostoliques, a été commencée dans les quatre
premiers siècles de l'Eglise, et qu'elle a été
ensuite journellement nngmrntée. Mais on
ignore dans (|uel temps cluuiue canon a été
fait , ou de quelle Eglise ils ont passé en
Orient.
Plusieurs conjecturent avec assez de funde-
ment la même chose sur les canons du concile
d'Elvire, qui marquent que la collection des
canons d'Espagne avait été faite vers le com-
mencement du quatrième siècle. Mais il est
temps de reprendre la suite de la matière que
nous traitons.
X. Il faut donc conclure que les paroisses de
la campagne n'ont commencé qu'au quatrième
siècle, qu'elles n'ont |>as commence partout en
même temps, que celles des villes sont plus
anciennes, mais qu'elles n'étaient que dans les
plus grandes \illes, et qu'au connnencement
on n'y célébrait point la messe.
Si l'on considère le Vieux Testament, il n'y
avait qu'un temple et un lieu des sacrifices pour
toute la religion judaique. Si l'on considère la
gentilité, il n'y a nulle preuve, et il n'est pas
même vraisemblable qu'il y eût des temples et
des prêtres dans tous les villages. Ainsi il est
moins étonnant que l'Eglise dans ses commen-
cements eût quelque chose d'approchant de
cela dans sa police extérieure.
CHAPITRE VINGT-TROISIEME.
LES POnOIRS ET LES OBLIGATIONS DES CLREs PENDANT LES HL'IT PREMIERS SIECLES.
I. Les curés de la ville faisaient le sénat et le conseil de l'é-
vèque ; dans leur synode on traitait les plus grandes affaires, et
il s'y trouvait souvent des évéques.
II. Les évéques administraient le sacrement de pénitence, et
les prêtres l'administraient en leur absence, ou à leur défaut.
III. Les évéques baptisaient ordinairement.
IV. La pénitence secrète était administrée par les prêtres.
Preuves tirées de la vie de saint Ambroise.
V. Autres preuves des conciles d'Afrique.
VI. Us administraient aussi la pénitence publique en quelques
rencontres.
VII. Dans l'Eglise de Rome les prêtres ne confirmaient pas.
VIII. Ils le faisaient peut-être ailleurs.
IX. Le pouvoir que les évéques leur en donnaient honore
autant l'épiscopat que de réserver aux évéques seuls le pou-
voir de confirmer.
X. Les curés pouvaient excommunier.
XI. S'ils ont pu donner les moindres ordres.
XII. On passe à l'Eglise grecque. Combien l'ordre des curés
approche de celui des évéques.
XIII. Ils pouvaient excommunier.
XIV. Le baptême solennel était réserré à l'évèque, s'il était
présent.
XV. Diverses preuves que les prê'res ou les curés ont eu
pari au pouvoir de confirmer.
XVI. De prêcher et de remettre les péchés.
XVII. XVllI. XIX. XX. XXI. Des droits et devoirs des curés
et des prêtres aux sixième, septième et huitième siècles. Où il
est aussi parlé des diacres.
1. Ce qui a été dit dans les deux chapitres
précédents, pourrait suffire pour faire connaître
les pouvoirs et les obligations des curés. Nous
462 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-TROISIÈME.
n'avons même \ni [)arler des grands-vicaires
et des nrciiiprètres sans parler des devoirs et
des pouvoirs des curés, parce que ces offices
étaient alors exercés par la même personne.
Saint Augustin a été, selon Possidius, « Pre-
sbyter civitatis, » le curé de la ville d'Hi])pone
avant que d'en être évèque. Il faut dire de
même de Sirnpiicien et de Claudien, de saint
Basile et de saint Grégoire de Nazianze.
Les curés des paroisses de la ville faisaient le
conseil de révèi]ue et le clergé de la cathé-
drale, comme dans rp]glise de Rome, on voit
encore les prêtres et les diacres cardinaux des
titres, c'est-à-dire , des églises paroissiales de
Rome, composer ce collège auguste et ce cori-
sisloire, qui fait le conseil du pape.
C'étaient les curés qui étaient convoqués par
révêque, avec les autres évoques qui se pou-
vaient rencontrer dans la ville, comme il s'en
rencontrait toujours dans les grandes villes qui
composaient ce synode, où se formaient les dé-
crets qui réglaient et la foi et la discipline de
l'Eglise.
Nous venons de voir comment Alexandre,
évèque d'Alexandrie , assembla son synode ,
« Presbyterium; » ses curés s'y assemblèrent
avec quel(|ues évèques qui étaient alors fortui-
tement à Alexandrie. On y condamna l'iièrésie
d'xVrius. Le pape Sirice (Epist. n), pour con-
damner rbèrésiar(|ue Jovinien, assembla aussi
ses prêtres et ses diacres. « Facto presbyterio,
coristitit doctriii;e noslne esse contraria. Om-
nium nostruni, tani presbyterorum, et diaco-
norum, quam etiam totius cleri una suscitata
fuit sententia. »
Toutes les lettres des papes et les conciles
romains de tous les siècles, font foi que c'était
la discipline constante de cette Eglise, qui
étant la plus ancienne, la pins èminente, et la
mère des autres, bun- servait de modèle à
toutes, et nous sert de preuve de ce que nous
devons penser des autres.
II. Les canons d'Elvire nous font descendre
dans le diHail de l'administration des sacre-
ments, ce qui fait plus particulièrement l'occu-
pation et le devoir des curés. Or ce concile dé-
clare (Can. xxxu) que c'est à l'évêquecà donner
la pénitence et la communion, et que les prê-
tres et les diacres ne peuvent administrer ces
sacrements que dans la nécessité et par le com-
mandement de l'èvêque. « Apud prcsbylerum,
si ([uis gravi lapsu in ruinam morlis ceciderit,
plaçait agerc pœnilentiam non debere ; sed
potins apud episcopum. Cogente tamen infir-
mitate, necesse est presbylerum communio-
nem prœstare debere, et diaconum, si ei jusse-
rit sacerdos. »
Cela se doit néanmoins entendre des temps
et des lieux où il n'y avait point d'autre église
paroissiale que la cathédrale même. C'est aussi
le sens du canon du concile d'Arles, que les
prêtres ne fassent rien sans l'aveu de leur
évèque. « Ut presbyteri sine conscientia epi-
scoporum nihilfaciant (Can. xix). »
En effet, quand il y eut des paroisses à la
campagne, les curés y célébrèrent la messe et
administrèrent les sacrements, et quand il y en
eut dans la ville, ils y administrèrent le bap-
tême et la pénitence. Les preuves en ont été
alléguées dans le cha|)itre précédent, où le
pape Marcel a établi vingt-cinq titres dans
Rome : « Propter Baplismum et Pœnitentiam
multorum , qui convertebantur ex paganis, et
propter sepulluras martyrum. »
Cette pénitence était apparenunent celle qui
ne peut être séparée du baptême des adultes,
et cette charge que les curés avaient du bap-
tême, n'était peut-être antre chose (|ue le soin
d'instruire et de purifier par quelques épreuves
les pénitents qu'on préparait au baptême. Car
comme on ne baptisait qu'à Pâques et à la Pen-
tecôte, et que le baptême solennel était ordi-
nairement réservé à l'èvêque, on ne peut s'i-
maginer que ce fût encore l'occupation des
curés. Il n'y avait que le baptême et la péni-
tence qu'il fallait administrer dans les besoins
imprévus et dans les nécessités pressantes qui
pussent faire l'occupation des cuns.
m. Comme on ne séparait point ordinaire-
ment dans les premiers siècles les trois sacre-
ments du liai)tême, de la confirmation et de
reucharistie, l'èvêque étant le seul qui pût
régulièrement donner la confirmation, aussi
élait-il le plus souvent le ministre du baptême.
Pour en demeurer pleinement convaincu, il
ne faut que lire ce que Paulin a écrit de saint
And)roise, évèque de Milan. Cet incomparable
prélat s'occupait avec une assiduité si infati-
gable à l'administration du saint baptême ,
qu'après sa mort cinq évêques ement île la
peine d'en faire autant tous ensemble (|u'il en
faisait lui seul. « In rébus divinis implendis
fortissimus in tantum, ut quod implere solitus
erat circa baplizandos , (juinque postea epi-
sco|)i, a tempore quo decessit, vix implerent
(Surins, die i. April., c. 19). »
DES POrVOIUS ET (IBLKÎATIONS DES CURÉS.
4(i3
Ce n'étaient donc (jne des évè(|ues qui s";\t;-
quittaient commiinémenl des fonctions péni-
bles du bai>tème. Car il ne faul pas se per-
suader que ce ne fût que la cérémonie du bap-
tême qui occupât ces grands évoques ; autre-
ment ils eussent pu, et peut-être eussent-ils dû
dire avec saint Paul : qu'ils n'avaient pas reçu
l'apostolat, ou l'épiscopat pour administrer le
baptême, mais pour annoncer l'Evangile.
Comme ceux qui demandaient le baptême
étaient très-souvent des adultes, des savants du
siècle, des gentils ou des béréfiques convertis ,
il fallait achever de les convaincre, de les con-
vertir, de les instruire ; il fallait les purifier
par de longues prières, par des jeûnes, par
d'autres mortifications ; il fallait enfin les
éprouver longtemps, et tout cela n'était dis-
proportionné ni à la capacité, ni à la dignité
des prélats apostoliques. Mais saint Ambroise
était souvent appelé ailleurs par les |ires?ants
besoins de l'Eglise et de l'Etat. Il fallait un
nombre de prêtres et de curés pour suppléer
à son absence.
IV. Quant au sacrement de pénitence , le
même auteur de sa vie témoigne qu'il écoutait
les confessions secrètes avec un secret invio-
lable, donnant en cela l'exemple a tous les au-
tres prélats. « Causas criminum, quas illi con-
fitebantur, nulli nisi Domino soli apud queni
intercedebat, loquebatur; bonum relincjuens
exemplum posteris sacerdotibus, ut interces-
sores. ajiud Deum sint magis, quam accusa-
tores apud bomines (Ibid., c. ii). » Ces confes-
sions secrètes avaient aussi rapport avec la
pénitence publique. « Siquidem quotiescum-
que illi aliquis ob percipiendam pœnitentiam
lapsus suos confessus esset, ita flebat, ut et
illum flere compelleret. b
Tous ceux qui venaient se confesser n'a-
vaient i^as commis ces crimes capitaux qu'il
fallait effacer par les rigueurs de la pénitence
publique. Aux autres on n'imposait que des
satisfactions particulières. Ainsi on peut dire
que les curés et les prêtres recevaient aussi les
confessions secrètes, remettaient les crimes et
imposaient des satisfactions secrètes, s'il n'y
avait point de crime canonique, et, s'il y en
avait, ils renvoyaient les pénitents à l'évèque.
A peine peut-on douter de cette vérité. En
effet les laïques ne savaient pas précisément
quels étaient les crimes inex[)iables autrement
que par la pénitence canonique. Le nombre et
les espèces de ces crimes changeaient au gré
des évêques et des conciles. On ne se mettait
pas eu pciiic (liiisiruirc les laïques de ces chan-
gements, [KHUMi (|ue les évêques et les prêtres
en lussent informés, afin de ne lier et de ne
délier les consciences de ceux qui viendraient
se confesser généralement de tous leurs cri-
mes (lu'en se conformant à ces décrets.
V. Mais en voici une preuve fort claire dans
le concile II de Carthage (Can. m. iv), où un
évêque dit que dans un concile précédent il
avait été défendu aux prêtres de s'ingérer dans
l'administration de la confirmation, ou la ré-
conciliation des pénitents, ou la consécration
des vierges. « Memini pra'terito concilio fuisse
statutum, ut chrisma, vel reconciliatio pœni-
tentiam, necnon et puellarum consecratio a
I)resbyteris non fiant. » Tous les évêques ré-
jiondirent et conclurent avec une modification
importante, que les prêtres ne confirmeraient
point les nouveaux baptisés, ne consacreraient
point les vierges, et ne feraient point la récon-
ciliation publique des pénitents à la messe.
« Cbrismatis coufectio et puellarum consecra-
tio, a presbyteris non liant. Vel reconciliare
quemquam ia i>ublica missa presbytero non
licere; boc omnibus placet. »
On y ajouta celte exception, que si un péni-
tent demandait à être réconcilié dans une dan-
gereuse maladie, pendant l'absence de l'évèque
le prêtre pourrait l'absoudre, aprèsen avoirreçu
permission de l'évèque. « Si quisquam in
periculo consli tutus, se reconciliari divinis
altaribus petierit, si episcopus absens fuerit,
débet utique presbyter consulere episcopum, et
sic periclitantem ejus pra?cepto reconciliare. »
C'était donc aussi l'évèque qui administrait
le sacrement de la réconciliation aux malades;
le prêtre ou le curé ne le faisait qu'en son
absence, et alors même il fallait que l'évèque
en fût averti, et en donnât la permission. .Mais
cela ne s'entendait que des pénitents publics
qui expiaient un crime capital, et qu'il eût
fallu solennellement réconcilier à la messe, et
lorsque l'évèque, quoiqu'absent, n'était pas
fort éloigné. En effet, lorsqu'il passait les
mers, ou qu'il traversait plusieurs provinces
pour assister au concile universel, il faut bien
dire que le prêtre, ou l'archiprêlre, ou le curé
avait une entière délégation de lui, pour délier
les pénitents et les excommuniés , au moins
dans ces pressantes et périlleuses extrémités.
VI. Le concile 111 de Carthage (Can. xxxii,
xxxvi), se relâcha encore davantage, et permit
464
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-TROISIÈME.
aux prêtres de réconcilier les pénitents pressés
par (nielqiie nécessilé, sans attemlre la permis-
sion de révè(|ue absent. « Ut [)resbyter incon-
sulto cpiscopo non reconcilict pœnitentem, nisi
absente episcopo et necessitate cogente. » Ce
même concile permit aux évcques de laisser
consacrer les vierges par les prêtres, mais non
pas de leur laisser faire la consécration du
chrême. « Ut presbyterinconsulto episcopo vir-
gines non consecret, chrisma vero nunquam
conficial. »
H fallait une permission expresse pour pou-
voir consacrer les vierges, il n'en fallait point
pour réconcilier les pénitents pressés en l'ab-
sence de l'évèque : Il raison en est manifeste.
L'absolution des crimes est d'une nécessité [dus
pressante. Mais ces canons ne permettent jamais
aux prêtres de bénir le chrême. Ils ne leur dé-
fendent jamais de donner la confirmation ,
mais seulement d'entreprendre la consécration
du chrême. On pourrait en tirer celte conjec-
ture, que les Africains suivaient peut-être la
pratique des Grecs, de regarder le saint chrême
comme le sacrement même, que les prêtres pou-
vaient dispenser, iiuoiiju'ils ne pussent le con-
sacrer, comme les diicres dis|)ensaicnt l'eucha-
ristie, quoi(ju'ils n'eussent pas le pouvoir de
faire la consécration du pain céleste. En Es[)a-
gne, on suivait le même lat)gage dans les .con-
ciles, et peut-être aussi le même usage.
Voici un canon du concile I de Tolède (Can. xx),
auijuel il n'y a ])res(iue pas de répartie: «Quani-
vis pêne ubicjue custodiatur, ut absque epi-
scopo chrisma nemo conflciat ; tamen quia in
aliquibus îocis, vel provinciis presbyteridicun-
tur chrisma eonficere, i»lacuitexhocdienullum
alium nisi episcopum chrisma facere, et per
diœcesim destinare. Statutum est diaconum
non chrisma facere, sed presbyterum absente
episcopo; prœsente vero, si ab ipso fuerit prœ-
ccptum. »
VII. Le pape Innocent I", dans sa lettre à
l'évoque d'Eugubio, dit clairement que les prê-
tres ba|)tisaieiit et a|iiiliquaient le chrême sur
la tête des nouveaux baptisés, mais qu'ils ne
pouvaient en oindre leur front, parce que c'est
celte chrisination qui fait le sacrement de la
confirmation, qui est réservé aux évèques. Cette
doctrine l'a enfin emporté dans tout lOccident.
Ce pajte déclare ensuite les iirèlres ministres
ordinairement de l'Extrême-Onction, parce que
les cv^Miues sont assez occupés ailleurs. « Quia
episcopi aliis occupalionibus impediti, ad om-
nes languidos ire non possunt (Epist. i, c. 3,
8). » Les autres j),ipes ont tous ensuite déclaré
les évêques les seuls ministres de la confir-
mation.
VIII. Mais je ne sais si les royaumes particu-
liers de l'Occident même se réduisirent sitôt à
cette pratique.
Le concile de Riez, en 439, permit à Armen-
tarius de confwmer, après avoir déclaré que
son ordination irrégulière n'avait pu lui don-
ner rang entre les évêques. Mais on sait que
dans ces premiers siècles on ne se mettait pas
en peine de distinguer bien exactement les or-
dinations invalides ou illégitimes, parce qu'on
se contentait d'interdire les fonctions de l'ordre
pour jamais et sans ressource. Les deux pre-
miers canons d'un concile d'Orange ont paru à
des gens doctes donner le pouvoir de confir-
mer à des prêtres, avec la |)ermission des évê-
ques.
L'intelligence de ces deux canons a tellement
brouillé les savants, et leurs contestations y
ont répandu tant d'obscurité, au lieu de la
lumière que nous devions plus justement eu
attendre, que j'ai cru ne devoir pis m'y arrêter
surtout ne devant parler de cette matière que
par accident et en passant. Martin, évoque de
Drague, laisse encore le pouvoir de confirmer
aux prêtres : « Presbyter prœsente episcopo in-
fantes non signet, nisi forte ab episcopo fuerit
illi prœceptum (Can. lu). » Et le concile de
Barcelone (Can. u) : « Cum chrisma presbyteris
diœcesanis pro neophylis confirmandis dalur,
nihil pro liquoris prelio accipiatur. »
Je ne parle ici qu'en doutant et je con-
fesse que des gens très-savants sont d'un avis
contraire.
IX. Ce ne serait peut-être pas diminuer l'au-
torité des évètiues de se persuader qu'ils
auraient pu communiquer aux prêtres une
puissance qui leur est propre et naturelle. Si
on croit assez connnunénient (jue le pape peut
donner ce pouvoir aux prêtres, ce n'est pas
obscurcir l'autorité des évêques de dire qu'ils
ont usé autrefois de la même puissance de
confirmer par le ministère emprunté des prê-
tres. Ces sortes de sentiments se doivent
régler sur les usages publics et autorisés des
Eglises.
Si les docteurs de l'école croient ordinaire-
ment que le pape saint Grégoire permit aux prê-
tres de Sardaigne de donner la confirmation ,
pourquoi ne croira-t-on pas que les conciles
DES POLVOIHS ET OBLIGATIONS DES CURES.
463
provinciaux ont pu donner le même pouvoir
aux curés? Les papes donnaieiil jieii de dis-
penses dans les six ou sept premiers siècles, que
les conciles provinciaux ne donnassent aussi.
M. de Marca et M. Godeau ont écrit que les
curés pouvaient donner la confirmation aux
hérétiques qui se convertissaient à larticle de
la mort, et ils citent le canon n du concile
d'Orange et le xvi décelai d'Epone, qui leur
donnent ce pouvoir. Or ces deux prélats
n'étaient point d'humeur à avilir l'épiscopat.
X. Laissons cette matière qui n'est [las de
notre sujet et qui nous mènerait trop loin . et
disons que si les prêtres n'avaient pas autrefois
la même étendue de pouvoirs qu'ils ont présen-
tement en quelques rencontres, ils en avaient
en d'autres une bien plus grande : puisqu'ils
pouvaient frapper les coupables de la foudre
terrible de l'excommunication.
Saint Jérôme le dit nettement : « Mihi ante
presbyterum sedere non licet ; illi, si peccavero
licet tradere me satanœ, in interilum carnis,
ut spirilus salvus sit ^Epist. ad Heliod.j. »
Saint Augustin reconnaît ce même pouvoir
dans le clergé et dans les bénéOciers qui étaient
eu dignité. « De ipsa congregatione laicorum,
sive ab episcopo, sive a clero, sive a quocumque
prreposito, cui est potestas, eximitur (Conc.
Parmen. . »
Il parle ailleurs d'un prêtre qui avait excom-
munié son diacre et son sous-diacre. « Propter
reprobos et perverses mores a presbytero suo
excommunicatus L. ni, c. 2, epist. cclv). »
C'était sans doute un curé qui avaitexercé cette
juste sévérité : mais on pourrait dire que cette
autorité aurait été déléguée par l'évêque : c'est
ce que je n'entreprends pas d'examiner. Il
serait toujours vraisemblable que cette déléga-
tion aurait été plus ordinaire.
XI. Le pape Gélase a réprimé dans une de
ses lettres quelques entreprises des curés. 11 y
remarque aussi (juelques-uns de leurs pouvoirs.
Il leur déclare qu'ils ne peuvent pas faire des
sous-diacres ou des acolytes sans l'évêque. « Nec
sibi meminerint ulla ratione concedi , sine
summo poutitice subdiaconum, aut acolythum
jus habere faciendi ^Epist. iXj. » Le concile IV
de Carthage donna au curé le pouvoir de créer
des psalmistes ou des chantres. « Psalmista, id
est, cantor potest absque scientia episcopi, sola
jussione presbyteri , ofticium suscipere can-
tandi ; dicente sibi presbytero , vide , ut quod
orecantas, corde credas, etc. (Can. x.) »
Th. — Tome I.
Cependant les chantres étaient dans le rang
des clercs inférieurs, non -seulement dans
l'Orient, mais aussi dans l'Afrique. Témoin le
concile 111 de Carthage (Can. xxij, « clericorum
nonien etiam lectores et psalniistœ et ostiarii
retineut. b Saint Grégoire, pape (L. i[ , epist.
Liv, can. xvm;, en dit autant : « Presbyteros,
diaconos, subdiaconos, cantores, lectores, cle-
ricos appeliamus. » Le concile de Jlérida . eu
GOl), permit aux curés d'augmenter le nombre
des clercs selon leurs besoins et selon leurs
revenus. « Ut omnes parochiani presbyteri ,
juxta et in rébus sibi a Deo creditis senliunt
habere virtutem , de Ecclesiae suae familia cle-
ricos sibi faclant. »
C'est peut-être pour cela que le pape Gélase
n'a défendu ci-dessus aux curés que de faire
des acolytes et des sous-diacres sans l'évêque.
On ne peut nier que les chorévêques n'aient
donné les ordresmineurs;ce[)endant ce n'étaient
que des iirêtres. Le concile Vil général donna
un privilège aux abbés , dont il sera parlé
ailleurs.
Xll. Quant à l'Eglise grecque , les canons
apostoliques Can. xlix , l) font les prêtres
ministres du baptême ; mais ce n'est pas sans
déi)endance de l'évêque, puisqu'ils défendent
aux prêtres de rien faire sans l'agrément de
l'évêque. « Presbyteri et diaconi, prœter epi-
scopum nihil agere pertentent. » Le concile de
Gangres (Can. xl, can. vi) condamna toutes les
assemblées scbismatiques que les laïques te-
naient sans la présence d'un prêtre qui en eût
ordre de l'évêque. « Non conveniente presbytero
de episcojii senteniia. »
Le concile de Nicêe (Can. uij recevant les
novatiens convertis dans le même rang et
dans les mêmes ordres qu'ils avaient eus dans
leur secte, voulut que, s'il y avait déjà un
évêque catholique dans la même ville , il don-
nât à ce prélat nouvellement converti , ou
une place de chorévêque, ou celle d'un prêlre,
c'est-à-dire d'un curé ; ou qu'il le laissât
jouir du nom et des honneurs des évêques.
« Providebit ei, aut choreiiiscopatus. aut pres-
byterii locum. » S'il n'y avait point d'évêque
catholique dans la même ville, l'évêque nova-
tien demeurait évêque après sa conversion.
Il paraît donc par là que les évêquts étaient
quelquefois réduits au rang et à Lofflce des
curés, aussi bien qu'à celui de chorévêques,
sans qu'on crût deshonorer ni l'évêque , ni
l'épiscopat. Ce n'était que mettre dans la
30
466
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE YIXCT-TROISIÈME.
seconde place celui (lu'on ne pouvait placer
dans la première , parce qu'elle se trouvait
remplie. Sur quoi il est bon de se ressouvenir
de ce qui fut déclaré dans le concile de Calcé-
doine, qu'on ne pouvait punir un évècjue cou-
pable , en le faisant rétrograder dans l'ordre
des prêtres (Conc. Calced., act. i elcan. xxix).
Le pape Célestin envoyant un de ses prêtres en
qualité de légat au concile d'Epbèse, l'appelle
son confrère : « Compresbyterum meum Plii-
lippum iConc. Ephes., act. 2, 3). » Le concile
général d'Epbèse même, écrivant au clergé de
Conslantinople , rend le même bonneur aux
prêtres. « Couipresbyteris. »
.\in. Mais si le concile de Nicée (Conc. Nie,
can. v) rebaussa la dignité des curés, il ne
confirma pas la juridiction que nous leur avons
vu donner , de lancer l'excommunication et
d'exercer une juridiction contentieuse. Ce n'est
que des évêques que ce concile ordonne que
les sentences d'excomnnmication (iii'ils auront
prononcées seront rcsi)ectées par les autres
évêques, jusqu'à ce que le concile iirovincial
les ait révoquées.
Tous les autres conciles ont suivi ce même
règlement; ainsi les sentences prononcées par
les curés, à moins qu'elles ne fussent confirmées
par leur évê(|ue , n'avaient ni le poids ni la
vigueur de celles des évêques (Cou. Antb., c. 0).
Il y a pourtant quelque apparence qu'elles
étaient ordinairement conlirmées par l'évêque,
et peut-être que son silence suffisait pour cela.
Timotbée, arcbevèque d'Alexandrie, parle d'un
lecteur {|ue les prêtres avaient déposé pour un
crime d'impureté (In lonnnonitorio ajuid Bal-
sam., c. v). Le même prélat, dans sa lettre à
l'évêque Menas, loue le zèle des prêtres d'un
■village (pii avaient excommunié une dame
(|ui ne voulait ni faire pénitence de ses fautes,
ni les réparer.
XiV^. Le baptême solennel n'était pas moins
réservé aux évêcpies dans l'Orient que dans
l'Occident. Entre les diverses pièces qui regar-
daient la i>er?onne d'Ibas, évêque d'Edesse , et
(|ui furent lues dans le concile de Calcédoine,
on remari|ue la demande que firent les clercs
de son Eglise , (|u'on l'y renvoyât ])our la fête
de Pâques, afin (pi'il pût y faire toutes les ins-
tructions nécessaires aux catliécumènes, etieur
administrer le sacrement de la céleste régéné-
ration. « Cuni nullus sit, qui ecclesiœ adesse
pra'valeat, et maxime IVstivitate salutit'era im-
minente, in qua et jiropter catecliismos, et
projiler eos qui digni sunt sancto baptismale ,
0i)us est ejus prœsentia. »
Quoique l'évêque fût encore alors le ministre
ordinaire du l)aptême solennel qui se donnait
la Vieille de Pàcjues, de la Pentecôte et de VE\n-
pbanie, selon les différents usages de diverses
Eglises, il fallait l)ien que les [uêtres s'acquit-
tassent de ce devoir, et en son absence dans sa
catbédrale, et dans tous les autres lieux de son
diocèse où il ne pouvait pas être présent ; et
enfin dans une iiiliuitéde nécessités pressantes
et imprévues.
XV. Pour ce qui est de la conOrmalion, il ne
paraît pas que les Grecs aient réservé autre
cbose à l'évêque que la consécration duclirême
qu'ils considéraient comme plein d'une fécon-
dité céleste de communiquer le Saint-Esprit.
Saint Denis témoigne que, bien que ce soit un
prêtre qui baptise, qui fasse les onctions du
chrême et qui consacre l'Eucharistie, la gloire
et la princi|)ale autorité en appartiennent tou-
jours à l'évêque (|ui a ordonné le prêtre, qui
a consacré le chrême, (pu a sacré l'autel sur
lequel on célèbre les divins mystères.
-Vinsi cet auteiu' ne réserve à l'évêque que
l'ordination des clercs majeurs, la consécration
du chrême, ladédicace des églises et des autels.
« Licetenini a sacerdotibus veneranda (|u;edam
sacramenta conficiantur; nun(|uam tamen sa-
cerdos divinam illam regenerationem sine
divinissimo illo unguento consummabit neque
divinœ communionis mysteriaconsecrabit; nisi
communionis sacramenta divinissimo altari
fuerint imposita : quia ne sacerdos quideni
crit , nisi pontiliciis iniliationibus ad sort(Mn
islam fuerit proinolus. Qua|)ropter lex divina
hierarchicorum ordinum sanclilîcalioneni, et
unguentidivini consecrationeni, sacramque al-
tans benediclioiiem, perlicientibus divinorum
pontificum virtutibus singulariter attribuit
(llierarcli. Eccles., c. v). »
11 est difficile que cet auteur ignorât les pra-
tiques de l'Eglise grecque en son temps ,
surtout dans une matière aussi publique et
aussi importante (]ue celle-ci. Le fidèle inter-
prète de saint Denis, saint Maxime, parle d'une
manière qui fortifie ces mêmes sentiments, et
ne réserve à l'autorité é|)isco|)ale que les trois
mêmes choses.
Saint (^lirysostome dit bien que Philippe ne
put donner le Saint-Esprit aux Samaritains
(lu'il avait baptisés, parce (prit n'était que dia-
cre, et que ce i)ouvoir était propre aux apô-
DKS POUVOIRS ET OIîLICATIONS DES crUÉS.
467
1res : « Doniini hoc soloruin apostolonim
erat (Hoinil. xviu ia Acla). » Mais alors les
apôtres représentaient les évèques et aussi les
prèlres qui leur ont succétié il'une manière
tout autre que les diacres, quoique beaucoup
inférieure à celle des évoques.
Ce même Père dit ailleurs ([ue saint Paul a
souvent compris les prêtres dans les évoques,
parce que les évèques ne sont distingués des
. prêtres (jne par l'ortlination. « Non enini mul-
tuni distant. Nain et prcsljyteris Ecclesiœ cura
pennissa est et niagislerium. Et quae de epi-
scopis dixil, etiain [)resbyteiis congruunt. Sola
quippeordinationesuperioresilli suntilloni. u
in Ep. I ad Tiniotli.). »
Saint Epiphane se trouva dans une obligation
indispensable de faire valoir les avantages essen-
tiels de l'évèque sur les prêtres, lorsqu'il écri-
vait contre l'hérésie d'^^irius, qui confondait
ces deux ordres sacrés. Il ne distingue néan-
moins l'évèque du prêtre, que par le pouvoir
d'ordonner et d'engendrer des pères à l'Eglise
(Haeresi. vu). J'en ai rapporté ci-dessus les pa-
roles au long. « Episco|)orum ordo ad gignen-
dos patres praecipue pertinet. »
Les deux autres diUérences que saint Denis
mettaient, contiennent deux pouvoirs des évè-
ques qui ne sont pas tout a fait incommuni-
cables aux prêtres; mais le pouvoir d'ordonner
des diacres, des prêtres et des évèques est telle-
ment propre à l'èpiscopat, qu'il est absolument
incommunicable à d'autres qu'à des évèques.
Saint Jérôme a dit aussi ((ue la seule puissance
d'ordonner distinguait l'èpiscopat de la prê-
trise.
Alors il parlait de l'aveu des deux Eglises.
En un autre endroit il confesse que lesévêi)ues
seuls donnen' la confirmation, etalors ilsemble
avoir plus d'égard à l'Eglise de Rome. Aussi il
y ajoute que cela s'estainsi fait, non par aucune
loi essentielle, « Non ad legis necessitatem, »
mais pour honorer l'èpiscopat.
Enfin l'auteur des constitutions apostoliques
insinue bien (]ue c'était ordinaireineiit l'évè-
que qui donnait la confirmation , puisijue c'é-
tait lui aussi qui baptisait ordinairement. Mais
décrivant ailleurs toutes les cérémonies qu'il
faut observer en conférant le baptême et la
confirmation, il s'adresse à l'évèque et au prê-
tre (L. ni, c. 16; 1. vu, c, 26).
XVI. Saint Chrysostome nous avait un peu
auparavant appris que la charge d'enseigner
âiSa5>ixx;a, avait aussi été confiée aux prêtres. Or
ce qui a été dit du |)Ouvoir que les curés
avaient d'excommunier, nous fait connaître que
les curés avaient aussi ([uelque part aux clefs
etau tribunal de la pénitence. Si jusqu'à Novat
les évè(|ues exeicèrenl seuls, ou presque seuls
celte puissance des clefs, au moins depuis No-
vat, ils s'en rejiosèrent en parlie sur les (irèlres
pénitenciers, au\(|uels ils comnuuHi|uèreut en
parlie leur pouvoir. El depuis l'extinction des
l)rêlres pènilenciers par Neclarius, si la jièni-
tence publique tut abolie, ou ne pouvait plus
la réserver aux évèciues.
XVU. C'est ici le lieu de parler des fonctions
des prêtres dans les sixième et se|)tième siècles,
sur quoi il faut d'abord observer que l'on avait
encore conservé pour lors dans l'Eglise cette
ancienne discipline, suivant laquelle les fonc-
tions sacerdotales étaient toutes réservées à
l'évèque, lorsqu'il était |)rèsent; mais que celte
discipline tombait de jour en jour, moins par
la négligence des évèques que par l'impossibi-
lité de tout faire par eux-mêmes, à cause du
prodigieux accroissement que l'Eglise prenait
de jour à autre.
Les prêtres se virent obligés de célébrer plus
souvent qu'auparavant, sans pouvoir le faire au
même autel où l'évèque avait célébré le même
jour : c'est la disposition expresse du canon x
du synode d'Auxerre de l'année 578 : « Non
licet in ullario ubi episcopus missas dixerit, ut
presbyter in illa die missas dicat. »
L'évèque pouvait donc célébrer au même au-
tel après le prêtre, ce qui n'était pas permis au
prêtre après l'évèque. Disposition qui a encore
lieu parmi nous, et suivant laquelle un prèlre
ne peut célébrer au même aulel après l'évè-
que sans lui en avoir demandé la pernus-
sion.
Ce même canon du concile d'Auxerre établit
à tous les prêtres une autre défense générale
de dire en un même jour plusieurs messes sur
le même aulel. « Non licet super uno altario
in una die duas missas dicere. »
Ces deux décisions du canon x du synode
d'Auxerre s'observent encore chez les Grecs, ou
du moins à l'égard de la seconde. « Non licet
sujier uno altario in una die duas missas di-
cere ; » elle se duil entendre avec ce lempèra-
ment, qu'un seul et même prêtre puisse quel-
([uelois offrir deux fois en un même jour le
saint sacrifice de l'autel, mais dans deux égli-
ses dilférentes , ainsi qu'il se pratique par
])lusieurs curés.
468
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VIXGT-TROISIÈME.
Grégoire de Tours nous en fournit un exem-
ple dans la personne du prêtre Séverin, qui cé-
iiiirait tous les dimanches la mes«e dans deux
éfilises dillérentes, qui étaient éloignées de dix
lieues l'une de l'autre (De gloria Confess.,
C. LVl).
L'explication que je fais du concile d'Auxerre
n'en force pas le sens naturel, qnoi(|u"on en
puisse donner un autre, comme on pourra le
voir par ce qui suit.
Le concile de Riez, tenu en 439 (Can. v),
nous apprend qu'on commença d'abord par
permettre aux prêtres d'aller dans les villes et
dans les cami»agnes y donner la hénéiiiclion
dans les maisons. « Visum est omni presljytero
per familias, per agros, per privatas domo?,
pro desiderio lideliuni , facultatem lieuedi-
ctionis aperire, quod nonnullas jam provincias
liabere succurrit. »
Les prêtres ne pouvaient donc [)as encore,
lors de ce concile;, donner la bénédiction dans
les églises, non plus qu'y recex'oir les péni-
tents. Cela se trouve expressément défendu
dans le concile d'Agde , tenu en l'an .'jiUi
(Can. XLiv) : « Renedictionem super i)lebeni in
ecclesia fundere , aut pœnitentem in ecelesia
benedicere presbyter ]ieiiitus non licebit.»
Le concile premier d'Orange, tenu l'an iil
(Can. i), avait permis aux prêtres, en l'absence
de l'évêque, d'administrer les saintes huiles, et
la bénédiction aux hérétiques qui se convertis-
saient à l'heure de la mort : bénédictions cpie
d'habiles interprètes croyent être le sacrement
de conlirmation. « Ihcreticos in mortis discri-
mine positos, si catholici esse desiderant, si
desit episcopus, a presbyteris cum chrismate et
benedictioue consignari placuit. »
Les plus anciens canons avaient jicrmis aux
prêtres, en l'absence de l'évêque, de réconcilier
les pénitents lorsqu'ils étaient en danger de
mort. Le concile premier d'Orléans (Can. xxvi)
ptirmettait aussi aux prêtres, en l'absence de
l'évêque, d'offrir le saint sacrifice de la messe,
mais non lias de bénir le peuple.
XVllI. Peu de temps après les prêtres se trou-
vèrent être en quelques lieux les ministres or-
dinaires de la i)ériifeuce publique, et ce fut
peut-être ce (|ui causa le désordre aucjuel le
concile troisième de Tolède, tenu en l'an liS\).
tâcha de remédier. En etVet les prêtres, moins
zélés pour la sévérité de la disci|)line «jue n'a-
vaient été lesévêques, accordaient la |iéniteuce
et la réconciliation autant de fois que les pé-
cheurs la demandaient, abus que déplore ce
concile dans les canons xi et xn en ces termes:
« rt quoliescumcpie peccare libuerit, toties a
presbyteris se reconciliari expostulent. »
Cette réconciliation trop souvent réitérée
|)rouvait dans le pécheur un défaut de péni-
tence; et pour arrêter cet abus ce concile réta-
blit l'ancienne discipline des canons sur la pé-
nitence publique, en ces termes : « Quicumque
ab episcopo vel presbytero sanus vel infirmus
ixenitentiam postulat, etc. »
Il est donc vraisemblable que la discipline
de l'Eglise n'a commencé à changer que lor.s-
qu'a la solennité de Pfuiues il se trouva tant de
chrétiens à ba|)tiser ou à réconcilier que les
évc(]ues ne pouvant y suffire, étaient obligés
de conununi()uer leur pouvoir aux prêtres : ce
qui est prouvé par les canons de l'Eglise ro-
maine, envoyés en France, et que le père Si-
mon a insérés dans les conciles de France.
« Pasclue tempore, presbyter et diaconusper
parochias dare remissioncm peccatorum , et
ministerium implere consueverunt etiam ]>rœ-
senle episcopo, in fontem (juoqiie illi descen-
dunt, illi in officio suut. Reliquis vero tempo-
ribus ubi œgritudinis nécessitas compellit,
speciùliter presbytero licentia est per salutaris
aquœ gratiam indulgcntiam dare [leccutorum
(Conc. Gall., tom. i, pag. 589). »
Xl.X. On commença vers ce même temps à
n'admettre que les prêtres dans les conciles, et
à en exclure les diacres, qui avaient aupara-
vant toujours assisté debout derrière les chaires
des évêiiue* et des iirètres.
Suivant la disposition du concile d'Agde,
les prêtres et les diacres, envoyés i)ar les évê-
([ues, souscrivirent après les évêques. Les dia-
cres assistèrent au concile de Rome, tenu sous
(irégoire le Grand (Grog. Mag.,1. ni, epist. xriv);
mais il n'y eut que les évêques et les prêtres
qui souscrivirent, (luoique les diacres eus-
sent souscrit dans les (dus anciens conciles de
Rome.
Ce tut le concile de Mérida (Emer. Concil.,
can. n), qui ôta aux évêques le |iouvoir de dé-
léguer les diacres, pour assister aux conciles à
leur place, lorsqu'ils ne pouvaient y aller; et
voici la raison qu'il en rend : « Diaconus enim,
(juia presbyteris junior esse videtur, sedere
(um episcoi)is in conciiio nulla ratione permit-
litui'. Il
Cela obligea les évê(jues à envoyer dans la
suite aux conciles des prêtres à leur place ;
DES POUVOIRS ET OBLIGATIONS DES CURÉS.
469
mais f<; canon, commn je le dir.ii ci-après, ne
t'iit point (lu tout observé, et on continua d'en-
voyer des diacres aux conciles à la place des
évèiines cpii ne pouvaient y assister. Voyez l'en-
droit où nous parlons des chapitres des églises
cathédrales.
X.\. ('/est ici le lieu de parler des diacres,
après avoir parlé des fonctions des prêtres.
Baronius remarque dans ses Annales que
Dieu-Donné fut le premier sous-diacre qui fut
créé pape, et que ce fut le premier exemple
i[u'on puisse découvrir d'un choix pareil; d'au-
tant plus que la loi ccclésiasti(iue ordonne que
les évèques soient élus du corps des prêtres ou
des diacres (Baronius, an. (il i, n. 1). Je dirai
ailleurs dans quel temi)S le sous-diaconat fut
mis au nombre des ordres sacrés, et qu'il fut
par conséquent permis d'élire les évèques du
nombre des sous-diacres. Mais l'élection tie
Dieu-Donné ne fui suivie d'aucune autre sem-
blable.
Cet auteur rapporte aussi qu'en 649 saint
Martin pape écrivit une épître synodale, avec le
concile de Rome, adressée aux évèques de toute
l'Eglise, aux prêtres, aux diacres et aux ab-
bés. Ce même pape ayant nommé Jean, arche-
vèc|ue de Philadelpliie; pour son vicaire apos-
tolique dans tout l'Orient, il lui enjoignit de
consacrer des évèques, des prêtres et des dia-
cres dans toutes les églises du [jatriarcat d'An-
tioche et de Jérusalem, à qui la fureur des
Sarrasins avaient enlevé leur pasteur, ou que
les évèques monothélites tâchaient de s'as-
sujélir. Le livre de la vie des papes en abrégé,
que l'on cite ordinairement sous le nom d'Anas-
tase, bibliothécaire, n'omet jamais (en parlant
des pa[)es) de rapporter les ordinations qu'ils
ont faites pendant leur vie ; mais il ne leur fait
jamais ordonner que des évèques, des prêtres
et des diacres, et il ne dit point cpraucun pape
ait conféré les ordres mineurs (Baron., an. (JW,
n. 25, 60).
Dans l'élection qui fut faite, en 71 1, de Ger-
main au patriarcat de Constantinople, les prê-
tres elles diacres contribuèrent à son élection,
comme faisant un corps séparé des autres
clercs (Baron., an. 68i, n. 1; 705, n. 1; 731,
n. 1).
L'iiistoire de la propagation de la foi dans
r.\llemagne, en 738 et 73tV^j}0US fait voir des
évèques et des prêtres qui sèment et qui mois-
sonnent ce champ spirituel; mais Bède nous
apprend que les diacres furent aussi les coopé-
rateurs de ce ministère apostolique dans l'An-
gleterre, quand il dit que le prédicateur Ced
n'eut pas plutôt été ordonné évê(]ue. qu'il or-
donna des |)rètres et des diacres, pour se dé-
charger sur eux d'une partie des fonctions apos-
toliques (Baron., an. 655, n. 1).
Le pape Zacharie, en 7i-2, recommandant à
son légat Boniface la réformntion de France ,
le charge particulièrement de la purger de
tous les évê(|ues, des |)rèlres et des diacres (jui
seraient atteints de ([uehiue irrégularité crimi-
nelle (Baron., an. 742, n. 7, 15, -27^. Les règle-
ments que Boniface fit faire dans les conciles
de Leptines et de Soissons, jiour avancer cette
réforme, étaient singulièrementcoucertés pour
les prêtres et les diacres.
Lt! même pape Zacharie, écrivant à l'Eglise
gallicane, pour autoriser son légat, fit cette
adresse remarquable : « Universis episcopis,
presbyteris, diaconibus, ducibus^ comitibus,
omnibusque Deum timentibus perGallias (Id.,
an. 71-2, n. 1, 18, 19) ; » où l'on voit tout le
corps du clergé placé avant les seigneurs et
com()Osè d'èvêques, de prêtres et de diacres,
sans qu'il y soit parlé des clercs inférieurs. Le
même pape prescrivant une inviolable conti-
nence aux veuves des clercs majeurs, ne parle
que de la veuve d'un prêtre ou d'un diacre,
« Presbyterani , diaconam ; » ce qui nous
montre que la loi du célibat n'était encore ri-
goureusement observée, ni même exigée, que
des évèques, des prêtres et des diacres et de
leurs épouses, même durant leur veuvage.
Ce pape envoya en 7-i'p au clergé et aux
princes de France un capitulaire de réforma-
lion, ou un sommaire de divers articles tirés
des anciens canons (|ui ne contiennent que les
règlements les plus im[)ortants pour la con-
duite des évèques, des prêtres et des diacres.
Et écrivant à son légat Boniface, en 7i8, il lui
donne l'idée de l'Eglise gallicane. « Conforta
orthodoxos episcopos, sacerdotes atque levitas,
cœterosque clericos, religiosos. abbates et mo-
nachos. pariterque religiosissimos duces (Ibid.,
an. 7-47, n. 2; 748, n. 7). » Les lettres de ce
pape, en la même année, se trouvent adres-
sées aux évèques, aux prêtres et aux diacres,
et non point aux autres clercs.
X\l. En voilà assez pour ne plus douter :
r Que ces trois ordres sacrés n'aient encore
été d.ms la même considération qu'ils étaient
pendant les premiers siècles.
2° Que la qualité de prêtre et de diacre n'ait
470
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME.
été un titre non-seulement d'ordre, mais de
bénéfice et de dignité, aussi bien que l'épis-
copat.
3° Que tous les curés ne fussent encore dé-
signés par le nom de prêtre.
4° Que tous les prêtres d'im diocèse, d'une
province ou d'un royaume ne fissent un corps
illustre et éclatant avec et après celui des évo-
ques.
Ty° Que les diacres n'eussent encore bi'aucoup
de part, et beaucoup plus que dans les siècles
suivants, dans le maniement des affaires ecclé-
siasliqufs, dans l'adininistration de la fiarole
divine et des sacrements, dans l'exercice de la
juridiction épiscojiale.
0° Qu'on ne mit une différence comme infi-
nie entre ces trois ordres, dont l'institution est
certainement divine et les autres ordres infé-
rieurs, dont l'Eglise a sagement institué les
divers exercices, comme un nécessaire ajipren-
tissage pour nous préparer à loisir au divin
sacerdoce.
Les plus importants de ces privilèges parti-
culiers des iJièlres et des di;icres seront éclair-
cis plus à loisir dans la suite de cet ouvrage.
Je ne me suis point arrêté à la présence des
diacres et des prêtres aux conciles, parce que
les Eglises n'ont point eu en ce point une par-
faite conformité entre elles.
'liais il ne faut pas oublier que le concile
d'Arles, en 554, défendit aux curés de ne plus
entreprendre de déjioser des diacres ou des
sous-diiicres sans l'aveu de l'évèque ; ils pou-
vaient donc encore le faire après en avoir averti
révê(iue, et ils pouvaient à l'insu même de l'é-
vèque, déposer les clercs inférieurs au-dessous
du sous-diaconat. « Ut presbyler, diaconum
vel subdiaconum de ordine deponere, nescio
episcopo suo non prœsumat, etc. »
CHAPITRE VINGT-TROISIEME.
DES CURES SOUS L EMPIRE DE CHARLEMAGNE,
I. Les curés tiennent le rang des septante disciples et des en-
fants d'Aaron, qui représentent les évéques.
II. Leurs occupations, la lecture, la prière, le travail des
mains, la prédication, les instructions familières.
m. Les confessions.
IV. Sommaire de leurs pouvoirs et de leurs devoirs, surtout
dans l'administration des sacrements.
V. Pourquoi on leur défend de recevoir les paroissiens des
autres curés. Les oCfraudjs, les dimes, leur pouvoir d'excom-
munier.
VL Instruction d'Ilincmar aux curés. La mission des septante,
à qui les curés succèdent, venait immédiatement du Fils de
Dieu. .Mais le pouvoir de remettre les pecliés ne fut immédiate-
ment donné qu'aux apùlres. Les disciples furent envoyés par les
apôtres après la résurrection de Jésus-Christ.
VU. Pourquoi Hiiicmar rabaisse presque l'évèque de Laon au
rang des cliorévèques.
VIII. Du pouvoir de confirmer.
IX. Sentiments des Grecs.
\. Les jjrètres ou les curés tiennent le premier
rang après les évêijues, s'il est vrai, (■(uiiiiie le
dit excellemment Tbéodiilpbe, évêque dOr-
lèans, (ju(! comme les évê(|ues sont les véi ita-
bles successeurs des apôtres, ainsi les curés
sont entrés dans la place et la fonction des dis-
ciples; et que si les évêques ont été figurés pur
la i)ersoniie du grand-prêtre Aaron, les curés
étaient en même temps représentés par celle
de ses enfants.
. Ce savant évêque parlant à ses curés dans
sou capitulaire, c'est-à-dire dans l'instnictidu
qu'il leur donne, le dit expressément : «Scitole
vesirum gradum nostro gradui secundum et
peue coiijunctum esse. Sicul enim e|>iscopi
Ajioslolorum in ccclesia, ita niiiiirum |iresby-
ti'ii ca'terorum discipulorum Domini vicem
teiienl : et illi tenenl grailum sunimi pontificis
Aaron, isti vero filiorum ejus. »
II. il leur repriisente ensuite que, pour ne
j)as iirofaner une dignité si sainte et la céleste
onction dont leurs mains ont été consacrées :
« Mcinoies sacitc quaui in maiiibus accepistis
iiiutionis, n ils doivent s'occuper continuelle-
ment de lu lecture des saints livres et de la
DES CURÉS SOUS CHARLEMAGNE.
m
[iriere : « Oporlet et vos assiduitatem liabere
legeiitli, el iiistaiitiain orandi ; » (ju'ils doivent
faire siiccéiler à la lecture et a la prière le tra-
\ail des mains, tant |)Our éviter loisiveté, que
jiour morlifier leurs passions : « Sed et si
(]u;mdo a Ljctione cessatur, débet inanuum
operatiosubsequi (Cap. ii, m) ; » qu'ils ne peu-
vent en façon quelconque s'excuser d'instruire
les peuples, soit par des prédications étudiées,
ou par des instructions familières ou des cor-
rections charitables.
« Hortamiir vos paratos esse ad docendas plè-
bes. Qui Scripturas scit, Scripturas pravlicet.
Qui nescit, salteni hoc quod nolissimuni est,
plebibus dicat, ut déclinent a nialo et faciant
bonum. NuUus ergo se excusare poterit, quod
non babeat linguam, unde possitaliquema?,li-
ficare. Mox enim ut quemlibet errantem vide-
nt, prout potest et valet, aut arguendo, aut
obsecraudo, aut iucrepando, ab errore retra-
hat (Cap. xxvui). »
III. Les confessions, qui commencèrent à
être beaucoup plus fréquentes, faisaient encore
une partie de l'occupation des prêtres.
Ainsi ce savant prélat, qui n'avait pas entre-
pris de faire des ordonnances nouvelles, mais
de renouveler et d'inculquer à ses curés les
anciennes lois et les pratiques saintes de
l'Eglise, ordonne qu'on se confesse, non-seu-
lement des actions mauvaises, mais aussi des
pensées et des mouvements déréglés de l'àme,
et que les curés interrogent leurs pénitents sur
leurs plus secrètes [lensées . et sur toutes les
violations qu'ils peuvent avoir faites de la loi
divine , en s'abandonnant aux huit vices capi-
taux.
« Confessiones dandae sunt de omnibus pec-
catis, qu8B sive in opère, sive in cogitatione
perpetrantur. Quando ergo quis ad confessio-
neni veuit, débet diligenter inquiri, quomodo
aut qua occasione peccatum perpetraverit ,
quod [)eregisse se confitetur, et juxta niodum
facti débet ei pœuilentia indicari. Débet ei per-
suadere, ut et de perversis cogitalionibusfaciat
confessionem. Débet ei etiani injungi, ut de
octo principalibus viliis faciat suam confessio-
nem, et nomioalim débet ei sacerdos unum-
quodque vilium dicere, et suam de eo confes-
sionem accipere (Cap. sxxi). »
IV. Le concile II d'AixlaCha|)elle iCan. \],
tenu en tj3lj, a exprimé les pouvoirs et les obli-
gations des curés en peu de termes, mais en
sorte que rien ne lui est échappé. Ils sont véri-
tablement prélats dans l'Eglise : « Qui pra?sunt
Ecclesia' Cliristi. » Ils sont les aides et les coo-
pér.iteurs des évéques : « Cooperatores operis
nostriessenoscuntur. » Ils participent au même
pouvoir de sacrifier l'Agneau immortel : « In
divini corporis et sanguinis eonfectione con-
sortes cumepiscopissuut. » Ils sont chargés du
salut et du soin des fidèles, depuis le moment
de leur naissance, jusqu'au jour de leur sépul-
ture; ils doivent les instruire par leurs prédi-
cations : « Presbyterorum ministerium esse
videtur, ut in doctrina prœ'sint populis, et in
doctrina pnedicandi. » Us doivent leur donner
le Ba|)téme, les disposer à la Confirmation, leur
apprendre après cela l'oraison dominicale et le
symbole : « Post acceptum sacrum ba[itisma
sine manus impositione episcopi non remaneat,
ac deinde imbuatur scire orationem dominicam
atque symbolum. »
Ce qui fait connaître tju'on ne faisait nulle
difficulté de donner la Confirmation aux petits
enfants aussitôt après le Baptême, avant qu'ils
eussent pu apprendre la prière des fidèles et le
symbole de la foi.
Après cela les curés doivent corriger les vices
de leurs paroissiens, les réconcilier dans leurs
maladies, leur donner lExtréme-Onction et
l'Eucharistie, enfin la sépulture chrétienne.
« Postea vero qualiter vivere debeat. doceatur.
Si forte vitiosus vel criminosus apparuerit,
qualiter corrigatur, provideat. Si autem infir-
mitate depressus fuerit , ne confessione atque
oratione sacerdotali, necnon unctione sacrifi-
cati olei , per ejus negligentiam careat. Deni-
que sifinem urgentem perspexeril, commendet
animam christianam Domino Deo suo. more
sacerdotali, cum acceptione sacne Communio-
nis, corpusque sepulturœ non ut mos est gen-
tilium, sed sicut christianorum. »
Outre cette dernière remarque que l'on n'at-
tend pas l'extrémité de la vie, pour donner
l'Extrême-Onction, et que le céleste viatique
de l'Eucharistie est réservé après l'Extrême-
Onction, comme la consommation de la vie
chrétienne, il faut encore considérer, dans cette
suite des fonctions du curé, l'uniformité de
l'esprit et de la conduite de l'Eglise dans l'espace
de tant de siècles. C'étaient véritablement des
pratiques très-anciennes que ce prélat publiait,
et ce sont encore les mêmes usages qui sont
religieusement observés par toute la terre.
"V". Nous pourrions faire les mêmes observa-
tions sur les constitutions synodales d'Hérard,
472
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME.
archevêque de Tours , qui portent aussi le nom
de capitulaires (Cap. xxix). Nous nous conten-
terons d'en remarquer ([ueliiues points consi-
dérables. Il y est délendu aux curés de recevoir
à la messe aucun paroissien des autres curés,
si ce n'est ceux qui voyagent , ou qui viennent
plaider leur cause devant les juges. « Ut nullus
presbyter alterius parœcianum, nisi in itinere
fuerit, vel placitum ibi liabuerit, absque licen-
tia sui iiresbyteri ad missani reci[)iat^ velsolli-
cifare prœsumat. »
On se mettait autrefois en peine pour empê-
cher que les clercs d'un diocèse ne fussent
reçus dans un autre, sans la permission de leur
cvêqne (Conc. Gall., tom. m, p. 3]. Maintenant
cette police s'étend sur tous les fidèles, non-seu-
lement pour les fixer dans leur diocèse, mais
pour les renfermer dans leur propre paroisse
sans qu'ils puissent passer d'une paroisse à une
autre du même diocèse pour paiticiper aux
sacrements. Les lettres formées ou pacifiques
des anciens ne tendaient pas à cela. Nous ver-
rons dans la suite la raison de cette innovation.
On exige les oblations et les dîmes avec [tlus de
rigueur, et il importait de ne pas souffrir que
les sujets d'un curé recevant les sacrements
d'un autre, frustrassent leur |iropre pasteur des
justes reconnaissances qu'ils lui devaient.
Il pouvait y avoir encore une autre raison de
cette eon(hiite. C'était d'empêcher que ceux qui
avaient été privés par leur curé de la partici-
pation aux sacrements, n'y fussent admis, ou
même ne fussent reçus à la messe par un autre
curé. C'est ce qui se peut remarquer dans les
mêmes constitutions synodales de l'archevêque
Ilérard : « De bis quos presbyter excomnumi-
caverit, ut alius eos non recipiat (Cap. cxxi); »
car les pénitents publics étaient exclus de la
célébration du divin sacrifice, ils n'étaient con-
nus que dans leur paroisse.
Le curé avait aussi ordre de l'évèque de pri-
ver de la présence du sacrifice et même de
l'entrée de l'église (|uelques scélérats insignes,
et entre autres ceux qui conservaient des ini-
mitiés et des discordes scandaleuses, selon les
mêmes conslitulious, « Discordes pellanlur ab
ecclesia,(lonecad pacemredeaut(ll)iil.,e. 1-20). »
Nous parlerons plus au long dans la suite du
pouvoir lies curés dans la matière des excom-
numieations et des iiéniteiices (Capitul., 1. xi,
c. 162). Ce que nous venons de dire suffit pour
connaître (pielle doit être l'assiduité des curés
dans leur église, et avec combien de raison les
capitulaires défendent aux évêques et aux sei-
gneurs laïques de faire absenter les curés, par
quelques commissions que ce soit: « Ne indis-
crète per diversa miltantur loca presbyteri,
nec ab episcopis, nec ab aliis praelatis, nec
etiam a laicis. »
VI. llinemar recommande aux curés, dans
l'instruction ({u'il leur adresse, de bien ap-
jirendre les quarante homélies de saint Gré-
goire sur les évangiles, et entre autres celle qui
])arle de la mission des septante disciples, aux-
quels ils ont succédé. « Ut cognoscat se ad for-
mam septuaginta duorum discipuiorum in mi-
nisterio ecclesiastico esse promotum (Hincm.,
tom. I, p. 72). »
Ceux qui ont pensé que l'autorité des curés
était fondée sur le droit divin, ont pu ajipuyer
leur opinion sur ces textes des anciens Pères.
En effet ce fut le Fils de Dieu même qui en-
voya les seplante disciples. Mais si la prédi-
cation leur fut commise, on ne peut pas prou-
ver avec la même évidence quel'administration
des sacrements et la jMiissance des clefs leuraient
été innuédiatement confiées. Le texte des évan-
giles montre clairement que J.-C. ne donna
inunédiatement la puissance des clefs qu'à
saint Pierre et à ses autres apôtres. Ainsi ce
fut apparemment d'eux que les autres disci-
ples les reçurent dans leur ordination pour
aller fonder et gouverner des églises.
Le môme Hincmar, dans un autre endroit^
voulant prouver qu'on ne devait élire les évê-
ques ([ue de l'ordre des prêtres, qui est le plus
proche du souverain i)onlificat, fait voir que
les apôtres ayant à remplir une place vacante
dans leur sacré collège , ne crurent le pou-
voir faire légitimement qu'en faisant mon-
ter sur ce trône éminent un des disciples :
« Oportet ex his viris, qui nobiscum congregati
sont omni tempore, (juo intravit, et exivit
inter nos Doniinus .lesus, testem resurrectionis
nobiscum fieri unum ex istis (Tom. u, p. 202). »
D'oi'i il conclut qu'il faut aussi toujours faire
surcéiier à un évéciue décédé le meilleur de
tous les prêtres. « Quicumque sacerdotum op-
tinuis putarelur. »
Le nom de « .Sacerdotcs » était déjà commun
à tous les prêtres au temps de Hincmar, qui
les appelle « Secundi ordinis saeerdotes. » Il
reconnaît (jue dans les premiers siècles les
noms d'évêque et de prêtre étaient souvent
confondus, quoique les pouvoirs fussent diffé-
rents. La raison est , que l'un de ces noms
DES CURES SOUS CHARLEMAGNE.
173
étant tiré de l'âge accompagné irune grande
malurilé de sagesse, et l'autre de la vigilance
pastorale : comme ces deux qualités étaient
communes aux évèques et aux [)rélre?, quoi-
qu'on divers degrés, les noms aussi leur étaient
communs, et il a fallu plus d'un siècle pour
aftecier à chacun de ces deux ordres le nom
qui lui était le plus pro[)re et qui pouvait
mieux le distinguer.
« Tametsi prirnis Ecclesiae temporibus. ulri-
(juc preslnteri, utrique vocabantur episcopi ;
quorum uni sapienliœ maturitatem. alleri in-
dustriam curœ pastoralis significant : (juorum
licet in quibusdam sint discreta officia digni-
tatum; uno nomine sacrœ regulœ comprelien-
dunt. Nulli, inquiunt, sacerdoti suos liceat ca-
nones ignorare (Ibid., p. 213). »
Aussi le même Hincmar fait foi que l'usage
était encore que les évoques appelassent les
prêtres leurs confrères. Voici comme il écrit à
son neveu Hincmar, évèque de Laou : « Frater
Clarentius communis compresbvter uoster
(Pag. 330. Ibidem). « Il dit ailleurs que dans
le formulaire de l'ordination des prêtres, ils
sont comparés aux septante vieillards qui fu-
rent remplis de l'Esprit du ciel pour soulager
Moïse dans le gouvernement du peuide; aux
enfants d'.\aron, Eléazar et Illiamar, sur qui
Aaron se reposait de ses importantes fonctions;
et aux septante disciples, que les a|]ùtres en-
voyèrent pour prècber la foi, comme en exé-
cution de la mission qu'ils avaient reçue de
J.-C. même : « Hac providentia, Domine,
Apostolis Filii lui doctoribus tidei comités ail-
didisti, quibus illi orbein tolum secundis pric-
dicatoribus iniplevcrunt (Pag. 416). »
Cette expression de l'ancien [lontifical est
très-délicate , et elle dislingue les choses avec
une extrême justesse. C'est le Fils de Dieu qui
a institué l'ordre des prêtres et qui les a donnés
comme des assistants et des aides nécessaires à
ses apôtres, mais ce sont les apôtres qui ont
envoyé les disciples, c'est-à-dire que ce sont
les évêques qui doivent envoyer les prêtres et
les appliquer à leur sacré ministère.
Et c'est en ce sens qu'il faut prendre ce que
dit en un autre endroit ce savant prélat, que
J.-C. a donné à tous les apôtres, c'esl-ià-direaux
évoques, la puissance de lier et de délier après
l'avoir donnée sé[iarément à saint Pierre; et que
c'est en suite de cette divine institution que ce
pouvoir est continué aux évéques et aux prêtres
dans les siècles suivants de l'Eglise. « Solvendi
ac ligandi potestas , quamvis soli Petro data
videatur a Domino, tamen et caeteris absque
dubitatione Apostolis dalur, quibus postresur-
rcctionis triunipbum insulilavil et dixit omni-
bus, Accipite Spiritnm sancluni, etc. Necnon
etiam nunc in cpisco[)is ac |iresbyteris omni
Ecclesiœ officium idem cunmiillitur P. 4(iO). »
11 ne dit pas, et le texte de l'Ecriture ne lui
permettait pas de dire que J.-C. eût immédia-
tement donné aux septante disciples, ou aux
prêtres la puissance des clefs , que quelques-
uns resserrent dans le pouvoir d'excommunier;
mais il dit avec une exacte précision (|ue les
clefs ont été données par le Fils de Dieu immé-
diatement à saint Pierre, immédiatement à
tous les apôtres, c'est-à-dire à tous les évêques,
et qu'elles ont été aussi données aux prêtres
par l'entremise des évêques dans la personne
desquels ils étaient compris.
VII. Il est plus difficile de bien comprendre
ce que le même Hincmar a voulu dire quand
il a reproché à l'évêque de Laon, son neveu,
que n'ayant été ordonné évêque (]ue dans une
paroisse du diocèse de Reims, il n'était presque
pas différent d'un chorévêque , si ce n'est en
ce qu'il avait été ordonné par trois évêques au
lieu que les chorévêques ne sont ordonnés que
par un seul. « El excepte quod a pluribus
episcopis es ordinatus, pêne vicarium episco-
puni, queni Grœci cborepiscopum vocant , de-
bueras te cognoscere (Pag. 60-2. Ibidem;.»
Xous avons assez montré qu'Hincmar ne
doutait pas que les chorévêques ne fussent de
simples prêtres. Ce n'est donc qu'une exagéra-
tion dont il a usé pour humilier le jeune Hinc-
mar par cette mortification qui le rabaissait
au-dessous de tous les autres évctpies, en ce que
n'ayant pas été ordonné évêque dans une cité
comme les canons le prescrivent, il était en ce
point égalé aux chorévêques, c'est-à-dire aux
curés, ou aux archiprêtres.
VIII. Le moine de Corbie, Ratram, répondant
aux invectives des Grecs contre l'Eglise latine ,
sur la défense faite aux prêtres de donner le
sacrement de la confirmation , use d'une ma-
nière d'argumenter merveilleuse. Car il con-
clut que les prêtres ne peuvent point donner
le Saint-Esjirit de ce que le pouvoir de remet-
tre les péchés n'a été accordé qu'aux a|iôtres.
« Ergo si remissio peccatorum per Spiritum
sanctum contribuitur, et hoc nuuuis Apostolis
specialiter constat esse donatum, quibus insuf-
flavi et dixil : Accipite Spiritum sanctum^ quo-
474
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME.
niiii reinist'ritis peccata, etc., jure solis episco-
]iH hœc gralia reservatur quos in Ecclesia
constat Aposlolonim succcssionern et mini-
sleriiim sorlitos (Adv. Opposita Grœc, 1. iv,
c. 7). »
Il y a quelque vraisemblance dans ce raifon-
nenient, savoir iiuo le Saint-Esprit ayant été
particulièrement conmiuniqué aux apôtres par
le divin souffle de .l.-C. ressuscité, le pouvoir
(le lionner le Saint-Esprit peut avoir été ré-
servé aux apôlres, c'est-à-dire aux évèque».
Mais n'y aurait-il pas aussi un juste fondement
d'ar^ïumenler de la sorte, si les apôlres ou les
évê(iues ayant seuls reçu immédiatement avec
le Saint-Esprit le pouvoir de remettre les |)é-
chés, le communiquent néanmoins aux prêtres,
pour les renilre ministres du sacrement de pé-
nitence, pouniuoi ne pourront-ils pas aussi
les rendre ministres de celui de la confirma-
lion, par une semlilahle communication de
leur privilège? Ratram ne se fût peut-être |>is
mis en peine de s'opposer à ce raisonnement,
puisque son dessein n'était pas de combattre
les Grecs, mais de défendre les évèques latins,
ou les papes , qui eussent peut-être bien jui,
mais qui ne jugeaient pas à propos de donner
ce p(nivoir aux prêtres.
I\. Zonarc dit qu'on a donné des chaires
éminentes aux prêtres, et qu'on les a fait asseoir
dans l'église avec les évoques : « Simtd cum
episcopo sedere jnssi, » pour témoigner par là
(|u'ils étaient leurs assistants et leurs coopé-
raleurs, et qu'ils avaient intendance sur les
peuples. « Ut per eam sic in alto sitam catlie-
dram, ipsi pariter inducantur , popnlum cum
providentia inspicere, [io|iuli(iue mores com-
ponere, tanquam dati coUaburatores episcopo
Cette prééminence et le pouvoir de donner
la conlirmalion, que les évoques grecs avaient
accordés aux prêtres, sont deux niar(|ues fort
illustres de la haute considération où les pi'êtres
étaient dans l'Eglise orientale. On peut y ajou-
ter ce (|ue Balsamon confirme, que ceux qui
étaient déposés pour leurs crimes de l'épisco-
]iat, i)Ouvaient bien être réduits à l'ordre et au
ministère des diacres, mais non pas à celui des
prêtres, tant on mettait peu de différence entre
la sainteté des prêtres et celle des évoques
(Balsani., pag. 781).
En ce point l'Eglise latine usait de la même
conduite, et lorsque le pape Benoît V fut dé-
])o?é, on le dépouilla non-seulement du ponfi-
licat, mais aussi de la prêtrise pour le rabaisser
au rang des diacres, comme on peut voir dans
Luitprand.
CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME.
DIVERSES REMARQUES SUR LES CURÉS; LEURS DROITS ET DEVOIRS SOUS L EMPIRE DE CHARLEMAGNE
ET SES SUCCESSEURS.
I. De l'oliligation d'assister à h messe de [laroissc et ù la
prédication.
H. lin quel cas on pouvait céléiu-cr liors ilc l'Eglise.
III. Ilefï autels porlatifs.
IV. Des pavillons bénits par l'évéqne pour y célébrer.
V Des confréries et de leurs règlements.
VI. Des eulopies.
VII Du pain bénit.
VIII. Des paroisses dont les curés étaient moines.
IX. Des curés prinnlifs.
X. I>e In division et de riiiiion des curés.
XI. Des nations iulidéles, premièrement converties à la foi,
gouvernées par les prêtres.
I. Il nous resti; à remarquer sur les curés ce
(|iii s'est passé à leur égard dans et; moyen
âge de l'Eglise, et qui a donné lieu à la disci-
pline (jui s'est introduite à leur sujet dans les
siècles suivants.
Le concile de Pavie de l'an !So.j (Can. iv) con-
damne l'iiiéligion des personnes riches et
puissantes, (|ui ayant des églises i)rès de leurs
maisons, «juvladomos suas basilieas haliLiit, »
ne venaient point aux grandes églises pour y
DIVP:K.SES REMAr.QlKS SLIl LES CURÉS.
47Ô
unlfMulri! l;i pnrole ilo IHcii, (|ii'oii leur eùl
aiiressée, s'ils y eussent été présents , pour les
exhorter à ne point oppiinier les pauvres : au
lieu que les pauvres seuls assistant aux ser-
mons, on n'y parlait ([ue pour le? alîerniir dans
une constante patience contre les oppressions
des riches. « Et dum soli afûicti et panperes
veniiuit. qiiid allud quam ut mala |iatienter
ferant, illis [)r;cdicanduni est. Si auteni divjtes
qui pauperilms injuriam facere soliti sunt,
venire non renuerent , admoneri utique pos-
senf, etc. »
Tliéodul[)lie, dans ses capitulaires, donne
sur ce sujet plusieurs avis fort considérables.
i" Qu'on ne manjxe point avant la fin du divin
service, aux jours de fête et de dimanche.
« Admonendus est po[)ulus, ut ante publicum
peractum officium , ad cibum non accédât ».
2° Que les prêtres qui diront des messes en
particulier dans les églises ou dans les ora-
toires, les disent si secrètement et de si bonne
heure avant tierce, que personne ne puisse
s'exempter de venir à la grand'messe. « Ut
missœ quae in dies dominicos peculiares a
sacerdotibus fîunt , non ita per pubiico fiant,
ut per eas populus a publicis missarum solem-
nitatibus, quae hora tertia canonice fiunt ,
abstrahatur. » Et [dus bas : « Sacerdotes per
oratoria nequaquani missas, nisi tam caute
ante secundam horam célèbrent, ut populus a
publicis solemnitatibus non abstrahatur (Cap.
XLV, XLVl). »
3° Que c'est une coutume très-dangereuse,
« pessimus usus est, » de se contenter d'ime
messe basse les dimanches et les fêtes, et même
d'une messe des morls.
-i° Que tous les prêtres de la ville, et même
ceux qui ne sont pas loin de la ville, doivent
se trouver à la messe solennelle avec tout le
peuple, sans en excepter qui que ce puisse
être, hors les religieuses. « Sed sive sacer-
dotes, qui in circuitu urbis, aut in eadem
urbe sunt, sive populus, in unum ad publicam
missaium celebrationtm conveniaut. «
Cette ordonnance de Théodulphe rend en-
core bien plus probable ce que nous avons
dit dans les parties précédentes de l'origine
des jiaroisses, et de la messe qui s'y célébrait.
Les capitulaires de Charlemagne (L. i, c. 147,
148, et 1. V, c. 49, 50), défendirent aux curés
de recevoir à la messe les paroissiens d'une
autre paroisse, si ce n'est les passants, ou
ceux qui viennent aux audiences des juges.
« Ut nulliis prcsbyter alterius parochiainnn.
nisi in itinere fuerit, vel placitiun ibi hahuerit.
ad missam recipiat. » Le canon suivant défend
aux curés de dire la messe dans une autre jia-
roisse que la leur, si ce n'est en voyageant, et
de recevoir les dîmes qui sont dues aux autres
curés. «.Nulius presbyter in alterius parocliia
missam cantare prœsumat, nisi in itinere fue-
rit, nec decimam ad alterum pertinenteni
recipere pra-sumat. »
Ce même canon est exprimé ailleurs avec
une autre clause : « Ut nuUus presbyter in
alterius presbyteri parochia , eo inconsulto
missam cantare praîsumat, nisi in itinere fue-
rit. » Ce qui semblerait dire que la permis-
sion du curé du lieu n'était pas nécessaire aux
prêtres passants pour célébrer la messe. Mais
il faut remarquer que la raison et le fonde-
ment de ces précautions étaient pour empêcher
les curés d'usurper les dîmes des autres curés,
en recevant leurs paroissiens a la messe ou
célébrant la messe dans leur paroisse.
Cela est encore assez clairement insinué dans
cet autre canon. « Ut nuUus presbyter alterius
parochianum , nisi in itinere fuerit , nec deci-
mam ad alterum pertinenteni audeat recipere
iCapit., I. V, c. 115). » C'est pour cela qu'Hé-
rard, archevêcjue de Tours, défendit aux curés
de solliciter les i)aroissiens des autres. « NuUus
presbyter alterius parochianum ad missam re-
cipiat, vel sollicitare prœsumat Can. xxix). »
Le concile II de Chàlon, en 813 ^C. xix, c. 2),
déclara la conséquence de donner les dîmes à
l'église où on entend la messe : « Décimas dent,
ubi per tolum annicirculum missas audiunt. »
Le concile de Nantes renouvela la même dé-
fense.
Mais ce concile considéra outre cela l'obliga-
tion des paroissiens à se tenir étroitement unis
à leurs curés comme à leurs pasteurs et leurs
pères. Ainsi ce concile voulutcjue chaque curé,
avant ijue de commencer la messe , demandât
s'il n'y avait point de jiaroissien étranger qui eût
de l'éloignement de son curé, et que s'il s'en
trouvait quelques-uns parmi son troupeau, il
les renvoyât à leur propre pasteur. « Ut Domi-
nicis et festis diebus presbyteri, antequam
missas célèbrent, interrogent, si alterius paro-
chianus in ecclesia sit , qui i)roprio contempto
presbytère, ibi missam audire velit. Quem si
invenerit, statiui ab ecclesia ejiciant, et ad
suam parocliiam redire com()ellant (Can. u). »
Ou puu^ait encore considérer une autre rai-
476
DU SECOND ORDRE DES CLERC <. — CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME.
sou, savoir, la communion, qni avait tant île
rapport à la messe, et a lacjuelle on ne pouvait
être admis (jue par le jiropre pasteur (|ui i)ou-
vait distinguer les brebis des boucs , les tidélt s
des pénitents, les justes des impies. C'est ce
qui est touché dans les Capitulaires L. vi,
c. 456; Addit. iv, Ti . " Slatutum est,utunus-
quisque clericus , vel laicus, non communicet
in aliéna plèbe sine litteris episcopi sui. » Cela
est tiré d'un concile de Carthage, et c'est un
vestij^'c de l'ancienne discipline qui excluait les
pénitents mêmes de la messe et faisait rejiarder
la seule assistance a la messe comme une espèce
de communion.
II. Le concile VI de Paris en 8-29 ;Can. xi.viij.
fit de sanglantes invectives contre les prêtres
qui se laissaient persuader de dire la messe
dans des jardins, ou dans les maisons des par-
ticuliers , ou même dans des chapelles sans la
permission de l'évèque, « in horfis, et domibus,
vel certe ;rdiculis, « permettant néanmoins
dans la nécessité, lorsqu'on est en voyage et
qu'on est fort éloigné de toutes les églises , de
célébrer dans la campagne sur des autels con-
sacrés par les évoques. « Excepto quando in
itincre pergitur, et locus basilicœ procul est ,
et id in altariluis ab ei>iscopo consecratis, fieri
nécessitas compellit, ne jjupulus Dei sine mis-
sarum celebralione, et corporis et sanguinis
Uominici perceptione maneat. »
III. Ces autels portatifs ou ces tables de
marbre consacrées pur l'évèque étaient donc
déjà en usage. Hincmar nous apprend que ces
tables étaient de marbre ou de (|uelque pierre
noire, que l'évèque les consacrait, ([u'on s'en
servait dans les chapelles qui ne devaient ja-
mais être consacrées et dans les églises mêmes
(jui n'étaient i)as encore dans l'état qu'il fallait
pour en faire la dédicace.
« Si nécessitas ])oposcerit, donec Ecclesia,
vel altaria consecrentur, vel in caiiellis etinm
(jua; consecrationem non merentui', tabulam
quisquc presbyter, cui necessarium iuerit, de
marmore, vel nigra ])etra, aut litio honestis-
simo secunduni suam possiliilitateiu bonesti;
alVectatam babeat, et nobis ad consccrandum
afl'eral , (jnam secum , cum expedierit déferai ,
in qua sacra mysteria secundiuii rilum eiclc-
siasticum agere \aleat iConcil. (Jall. , loui. ui,
p. (iJ(i; Hincmar, tom. i, p. 7.'5-2). »
Il y a de l'apparence (jue ce furent là les
deux raisons ipii duniiérent commencement a
ces |)icrres consacrées, (]ui servent d'autel et
qui se transportent facilement. La première,
pour n'être pas privé du fruit des saints mys-
tères, quand on est engagé en voyageant dans
de grandes campagnes. La seconde, i)Our pou-
voir célébrer le divin sacrifice dans les oratoi-
res domesti(]ues, ou dans les cha|)elles dont on
ne faisait jamais de dédicace. « Capelhe quœ
consecrationem non merentur. »
Comme les évêques ne pouvaient pas même
se rendre dans toutes ces chapelles ou dans
tous ces oratoires, [)Our y consacrer des autels,
les prêtres se donnèrent quelquefois la liberté
d'offrir les terribles mystères sur des autels
(]ui n'étaient pas consacrés. On remédia à ce
désordre par l'usage de ces tables consacrées.
Voici ce qu'on en lit dans les capitulaires de
Cliarlemagne. « Plaçait , ut in locis non con-
secratis missarum celebraliones fieri non de-
beant, nisi causa longinqui iUneris,vel hostili-
latis ; et id in altaribiis ab episcopo consecratis
lieri nécessitas compellal ( (^apitulare Car.
Magn., 1. VI, c. iOo; 1. vu, c. 99, 312, 334).»
IV. Mais il ne faut pas oublier qne pour con-
server plus religieusement les marques de la
souveraineté de l'épiscopat et de la plénitude
du sacerdoce, (|ui réside dans les évêques, on
ne se contenta pas d'obliger les prêtres à ne
célébrer que sur les autels consacrés par les
évêques : on ordonna aussi que les pavillons
dans lesquels on célébrait (piand on se trouvait
en campagne, fussent aussi consacrés par les
évêques, aussi bien que les vêtements sacerdo-
taux, les corporaux, les pâlies, les vases sacrés,
a Sunt etiam ab episcopis consecrandaet be-
ncdicenda cori)orales, palhe, ac alla vestimenta
sacerdotalia, etc. Sacriûcia otferre nuUo modo
licet, nisi in locis Deo ab episcopo dicalis, nisi
causa hostilitatis aut suuuikb necessitatis ; et
hoc non in mansionibus, aut in domibus non
sacratis, sed in tabernaculis dcilicalis ab e[)i-
scojjis (Ca|iitul;ire Car. Magn., 1. vu, c. '.VM). »
Le concile de Mayence de l'an 888 (Can. ix),
permit néanmoins de célébrer dans la cam-
pagne à découvert ou dans des pavillons ,
sans (ju'il fût nécessaire qu'ils fussent consa-
ciés : « In itinere, positis, si ecclesia defuerit,
sub divo, seu in tentoriis, etc. » Ce même con-
cile nous apprend encore que la fureur des
Normands ayant brûlé une inlimlé d'églises,
on fut contraint de célébrer dans des chapelles
eu atlcuilant (|ue les églises fussi'nt ré|iarées.
« lu capellis nussas intérim celebrare, liceat.
douée ipsœ ecclesiae restaurari ipieanl. »
UIVEKSKS HEMAliUUES SI 11 l.KS CURES,
Il ne faut pas ilouter (nicdiiraiilce lonj; intcr-
vallt' pliisit'iiis (le ces cliapcUi's, (itii n'avaii'iit
élé toiil au plus (]iie des annexes, lUMleviiissont
enfin dos éi; lises paroissiales.
V. Uevenous aux éj;lises paroissiales, dans
losiiuelles Hincmar nous a|ipienil qu'on avait
déjà établi des confréries : « Ut de collec-
tis , ipias jieldonias , vel confratrias vulgo
vocant (Hincmar., tom. i, p. "lo). »
11 leur prescrivit des règles fort saintes : de
ne former et n'entretenir leur pieuse société
(|ue pour les exercices d'une fervente relif^ion,
pour les offrandes qu'ils faisaient à l'autel, i)our
les aumônes, pour les prières et les sacrifices,
afin d'assister les morts ; il leur ordonna de
n'offrir à l'autel que le pain et le vin qui pou-
vaient être employés au sacrifice ; s'ils voulaient
en offrir une plus t^rande (piantité qu'ils le
fissent en particulier pour soulager les minis-
tres de l'autel, ou pour en faire une distribution
an peuple.
« In oinni obsequio religionisconjungantur,
videlicet in oblatione, in luminaribus, in obla-
tionibus nuiluis, in exequiis defunctorum, in
eleemosynis et CiTteris pietatis officiis. Ita ut
(lui candelam ofl'erre voluerit, sive specialiter,
sive generaliler, aut anfe missam, aut inter
missam , anioquam evangelium legatur, ad
altare déférant. Oblationem autem unam tan-
tumiuodo oblalam et offertorium pro se suisque
omnibus conjunctis et familiaribus otlerat. Si
plus de vino voluerit in bulticula, vel canna,
aut plures oblatas, aut ante missam, aut post
missam presbytero vel ministro illius tribuat,
utide populus in eleemosyna et benedictione
illius eulogias accipiat, vel presbyter supple-
menlum aliquod habeal. »
Il leur délcpd absolument toutes sortes de
festins ou de divertissements, parce cpie l'ivro-
gnerie elles meurtres en étaient les suites aussi
ordinaires que déplorables. S'il survient (|uel-
que nécessité d'assembler tous les confrères,
comme par exemple pour réconcilier un fils
avec son père : «Conventus autem talium con-
fratrum, si necesse fuerit, ut simul conve-
niant, » ils ne pourront s'assembler qu'en la
présence du curé qui leur fera quelque exhor-
tation de piété, leur donnera des eulogies, et
après avoir mangé un morceau de pain, et bu
une fois seulement, il les obligera à se retirer.
« Qui voluerint eulogias, a presbylero accipiant,
et panem tanturn frangentes, singuli singulos
Libères accipiant. »
VI. Ce ([ue nous venons de toucher (!n pas-
sant des eulogies, nK'rile bien cpuî nous nous
arrêtions un peu pour en découvrir l'origine.
lliiicMiar \ienl de nous dire que les fidèles
ne doivent ollVir a l'autel (pie les petits pains,
préparés avec soin pour le sacrifice, qu'on api)e-
lait pour ce sujet oblatas , et qu'on nomma
ensuite par corruption oublies^ et autant de
vin qu'il en faut pour la célébration des mys-
tères; mais qu'on pouvait en otVrir aux i)rètres
en |)articulier une plus grande quantité , qui
servirait, ou a soulager la i)auvreté des curés,
ou à donner des eulogies au peuple : « Unde
pojmlus in eleemosyna et benedictione illius
eulogias acci|iiat.»
Ces eulogies étaient donc une charitable libé-
ralité (ju'on faisait au peuple, du painetdu vin
qui avaient été offerts en particulier au prêtre.
Hincmar nous a ditencore(]iie, lorsque les con-
fréries s'assemblaient, le curé pouvait leur
donner des eulogies, afin qu'ils pussentse sé|)a-
rer ajuès avoir mangé un i)eu de pain, et bu
une fois seulement. Cela revient à cette distri-
bution charitable des restes du pain et du vin
des otfrandes.
Vil. Le concile de Nantes , dont on ne sait
pas précisément l'époque, mais qui fut tenu
quelque temps après la mort de llineniar, nous
ap]irend bien plus exactement l'usage de ces
eulogies et les règles qu'on y observait, car ces
soites de cérémonies religieuses se perfection-
nent peu à peu. Le curé devait conserver le
reste des pains qui avaient été offerts à l'autel
par le peuple et qui n'avaient pas été consacrés,
ou bien i)rendre de son propre pain et en bénir
les itarticules, afin de les distribuer tous les
jours de dimanche et de fête, à tous ceux qui ne
communient pas.
« Ut de oblationibus, quœ offerantur a populo
et consecrationi super sunt, vel de panibus,
quoK oUerunt fidèles ad ecclesiam, vel certe de
suis, i)resbyter convenienter partes incisas ha-
bcat in vase nitido, ut post missarum solemnia
(lui communicare non fuerunt rat! , eulogias
omni die Dominico et in diebus festis exinde
accipiant(Can. is). »
Suit dans le même canon la collecte que le
prêtre doit dire pour bénir les eulogies, afin
que les fidèles en tirent du secours contre les
maladies du corps et les tentations de l'esprit,
par la toute-puissance de Celui qui est le pain
de vie.
Ce concile (Can. xv), répète un peu après tous
478
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VlNGT-CIXQUlEME.
les rèy-lemcnts que nous avons ci-ilcssus rap-
porlés de llincniar pour lus confréries , après
en avoir retranché ce qui regarde ceseulogies.
En eflet, dans l'intervalle, l'usage eu avait un
[)eu cliangé.
Le concile de Nantes en donne à tous les fidè-
les ([ui ne coiuuuniient pas toutes les fêtes et
tous les diniaiiclies, et veut(ju'on y emploie les
pains même et les offrandes qui avaient été
présentées à l'autel par le peuple, et ne dit pas
un seul mot du vin. En tous ces points-là, le
décret du concile et l'usage qu'il introduit est
différent de celui de Hincmar. On peut dire
néanmoins (]ue Hincmar a donné cnmmence-
ment au pain bénit, iiuoique la suite des années
ait ajouté (jiiehpie nouvelle perfection à ce qu'il
en avait éhauciié.
Si les caiiituiairos qu'on attribue à Hincmar
sont véritablement de lui, comme tout ce canon
du concile de Nantes s'y trouve inséré en
mêmes termes, il faudra croire que tous ces
usages du pain bénit avaient cours dès le temi)S
de Hincmar (Con. Gall., tom. m, p. 619). Mais
il y a une contradiction tout apparente entre
ce canon du concile de Nantes, et l'article de
Hincmar sur les confréries.
Le terme d'eulogies avait été assez fré(pient
avant le temps d'IIincmar, mais la signification
en était très-différente. Ce n'étaient ordinaire-
mont que 1(;S présents (jue les inférieurs fai-
saient a leurs supérieiu's. Le concile de Meaux
de l'an 84."> (Can. xlv), exhorte les curés à faire
(iuel(|ues petits i)résents à leurs évèques. « Decet
presbyteros cum voluntariis eulogiis tempore
congruo visitare et colère suos episcopos. »
La lettre altrihuée au pape Léon IV pour les
évèques de Rretagne laisse à la liberté des
curés d'a|)porter aux évèques des eulogies en
venant au synode. « De eulogiis ad sacra con-
cilia deferendis niliil invenimus a majoribus
tiîrminatum , sed sicut unicpiiipie presbytero
l)la(uerit [Couc. (iall., tom. m, p. Gi2). »
Hincmar même défend à ses archidiacres
d'(!xiger d(!S eulogies des curés. Flodoard dit
([ue saint Uigobeit, archevèipie de Reims, en-
voyait souvent des eulogies à Pépin le Gros :
« Cui culngias pro benedictione crebro solebat
miltere (l'Iodor., I. ii, c. 11 ; 1. m, c. 3). » Il
raconte aussi comment le pape Formose envoya
au roi Charles un pain bénit, comme il avait
témoigné le désirer. « Quem peterat, ei panem
bcncdicinm pro pignore mittens. »
Voila le terme propre du pain bénit, mais un
peu différent de celui qui est enfin demeuré seul
en usage.
VIII. Il faut encore revenir aux paroisses, et
remarquer qu'il y en avait déjà dont les curés
étaient des moines.
Nous avons déjà dit ailleurs que le pape Gré-
goire III établit dans l'église de Saint-Pierre à
Rome, une congrégation de moines, pour y
chanter durant le jour et la nuit la divine psal-
modie, car les messes y étaient célébrées par
des prêtres liebdomadiers. « Ut a monachis
vigilia^ celebrarentur, et a presbyteris hebdo-
madariis missarum solenmia. » Voilà ce qu'en
dit Anastase le bibliothécaire dans la vie de ce
pape.
On peut conjecturer de là que l'on ne con-
fiait pas encore alors des cures à des religieux.
Mais deiiuis, comme les moines se familiari-
sèrent peu à peu avec les fonctions cléricales,
on les chargea enfin du gouvernement des
cures, à con<lition d'en être investis par l'évê-
que, de lui en rendre compte ou à son grand-
vicaire et d'assister au synode diocésain.
C'est le décret du concile de Mayence de
l'an 847 (Can. xiv), sous l'archevêque Raban.
« Nullus monachorum parochias Ecclesiarum
accipere pra?sumat, sine consensu cpiscopi. De
i()sis vero tilulis in quibus conslituti fuerint,
rationein episcopo vel ejus vicario reddant ; et
convocati ad synodum veniant. »
Nous n'avons pas beaucoup d'exemples de
cette prati([ue; ce canon suppose néanmoins
(jii'ils n'étaient pas si rares dans la province de
Mayence. Raban, qui avait été moine, avait
peut-être travaillé à les multiplier, et peut-être
même que l'ancien archevêque de Mayence,
saint Boniface, avait dès lors jeté les fonde-
ments de cette ()olice : car il était aussi reli-
gieux et il avait tiré des secours considérables
de beaucoup de saints religieux pour la con-
version (le l'Allemagne.
Puis(iue Augustin et les autres premiers évè-
ques des Anglais furent des moines, poiwquoi
ne croiia-t-on pas que les moines furent aussi
(jucliiuefois curés'?
Si l'on voulait remonter encore plus haut,
on pourrait s'imaginer avec (piel(|ue vraisem-
blance (|ue saint Jérôme était lui-même curé
de l'église de Delhléem, qui était ime paroisse,
ou quand on prétendrait que c'était un monas-
tère, il faudrait toujours demeurer d'accord
(pi'on y exerçait les fonctions curiales. Voici
ce que Sévère Sulpice en écrit : « Inde digres-
DIVERSES REMAUQUKS Sl'R LES CIRES.
.i79
piii! Rcthliiiem oppiilum iielii, occlosiam loci
illiiis Ilidoiiyimis piisbyler regil. Nain pnro-
cliia est episi'opi . (jui Hierosolymain tcnct
(l)ial. I, c. 7). »
Mais puisiiue saint Jérôme , quoique prêtre ,
lie voulut jamais célébrer la messe, comment
aurait-il été curé? 11 est donc bien pUis pro-
bable qu'Eusèbe, évè(iue de Verceil, (pii com-
posa tout son clergé de moines, leur confia
aussi ses cures. Au moins on ne peut nier ((ue
tous les curés que saint Augustin tira de son
séminaire ne fussent comme des chanoines
réguliers, ayant renoncé à toute propriété. Mais
cela fut sans suite.
IX. Les exemples sont bien ])lus fré(|uents
des moines ou des abbés, qui étaient curés pri-
mitifs, ayant sous leur conduite et en leur dé-
pendance les curés titulaires. Saint Meinverc,
évèque de Paderborn , fonda une paroisse
nouvelle dans Paderborn, sur le fonds (ju'il
axail donné à ua monastère. Aussi la donna-
t-il au monastère. « Eidem monaslerio pro-
prielario jure possidendam eam delega\il
(Surins, die Junii, c. slu). »
11 faut néanmoins confesser qu'entre les
curés titulaires, il y en a eu de primitifs et de
subalternes avant que les religieux prisFcnt ces
qualités. Le concile II d'Aix-la-Cliapelle, de
l'an 836 (Can. x), ordonne qu'il y ait un prêtre
d;\us chaque église, quand il devrait être sou-
mis au jirêtre, c'est-à-dire au curé d'une autre
église. « Unicuique ecclesiœ suus provideatur
ab episcopis presbyter, ut per se eam tenere
possit, aut etiam priori presbytère subjugatus,
ministerium sacerdotale perficere possit. »
Nous examinerons ailleurs si ce prêtre ou
curé primitif, qui est ici appelé Prior, était
nommé [irieur, en sorte que le litre de prieuré
soit provenu de là. Il nous suftit ici de consi-
dérer, qu'ayant un autre curé qui relevait de
lui, on pouvait lui donner le nom et le rang de
curé primitif.
On ne peut pas répondre que ce prêtre subal-
terne n'était qu'un chapelain destiné simple-
ment à offrir le sacrifice dans une chapelle,
puis(]ue ce concile, dans le même canon, pré-
vient cette défaite en disant que, quand un
prêtre pourrait dire la messe en plusieurs égli-
ses, il ne pourrait pas lui seul administrer le
Baptême, la Pénitence et la Communion à
tous ceux qui sont répandus en tant de lieux,
et qui sont quehjuefois dans des besoins fort
pressants. Ce qui montre qu'il y a une néces-
sité absolue d'avoir un prêtre dans cha(|ue
église.
« Quanquam missarum cdebrationes per
onnies ecelesias sibi commi.-sas agere postent,
perspexinuis ca'iera officia, ([UiC ad divinum
cullum pertinent, propter impossibilitatem et
multiludinem ecclesiarum, quodanmiodo ne-
glectu eiapsa. Simiiitcr et pra'vidmlia' in bapti-
smale inlirmorum, et in confessione quieren-
tium , et in communione periclitantiuni ,
])erplura remansisse. Ideo([ue congruenlius
omnibus videtur, cuique congruere ecclesiœ,
jtroprium habere presbyterum. »
Lorsqu'une église qui n'avait été qu'une
annexe, ou même une chapelle dépendante de
l'église paroissiale, ou peut-être même (lu'elle
n'avait point eu de prêtre que le curé de la
paroisse qui y venait quelquefois célébrer,
était elle-même érigée en paroisse et en église
matrice, rien n'était plus raisonnable que de
conserver à l'ancien curé (luehiues marques de
son ancienne autorité, et c'est la plus considé-
rable, et peut-être la plus juste espèce des curés
primitifs.
On pourrait compter pour une seconde espèce
de curés primitifs ceux à qui les évêijues asser-
vissaient en façon de cha[iellcs d'autres parois-
ses anciennes. Mais comme les évèijues ne pou-
vaient faire ce renversement sans abuser de
leur autorité et sans blesser les canons, nous
ne pouvons pas donner rang entre les curés
primitifs à ceux qui n'étaient tiue des usurpa-
teurs.
Voici l'instruction queHincmar, afchevêque
de Reims, donnait aux évêques qu'il ordon-
nait. « Principales ecelesias aliis ecclesiis loco
capellarum non subjiciat, quia secundum sa-
cros canones non licet e|iiscopis jiarochiam
antiquitus constitutam inconsulte confundere
atque dividere (Conc. Gall., tom. u, p. 0()0i. »
Il n'est pas même probable que l'on ail attri-
bué les droits des curés primitifs à tous les
curés dont la paroisse était partagée, et du
démembrement de laquelle on formait une
autre paroisse.
Le concile de Toulouse, en Si.ï (Can. vu),
après avoir donné aux évêques toutes les pré-
cautions qu'il faut observer dans cette division
d'une cure en deux, ne donne aucun pouvoir
à l'ancien curé sur le pasteur de la paroisse
nouvellement érigée , se contentant de le
décharger d'une partie des contributions aux-
quelles il était assujéti , et d'en charger le
480
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME.
nouveau curé. « De dispensa quoque débita ab
illd minus accipiant, et alleri, qui quod di\i-
ditur a parocliia, suscipit, sub iiac eadem nien-
sura iinponant. »
Au couliaire le concile de Nantes ne désap-
prouve pas qu"un seul curé possède les droits
et la supériorité de curé primitif sur plusieurs
autres églises, dans chacune desquelles il éta-
blit des prêtres pour y célébrer tous les jours
les ofûces divins et l'auguste sacrifice. «NuUus
{iresbyter plures prœsumat habere ecclesias,
iiisi forte alios [iresbyteros sub se in imafinaqut;
habeat, qui nocturnum atque diurnumofliciuiii
solemniter adimpleant, et missarum celebra-
tiones quotidianis expleant caeremoniis (Can.
VIII ). »
C'était encore un légitime fondement à un
curé de tenir en sa dépendance une autre
paroisse, lorsqu'il l'avait lui-même réparée
après une entière désolation et qu'il y avait
dressé un autel avec la permission de l'évêque.
C'est ce qu'en insinue Ilincniar : « Quidam
presbyteri prœter ecclesiam, in qua titulati
sunt, etiam cnpellas habent, et quidam etiam
veteres ecclesias restaurant, aut allaria no\a
construunt propter loci convenientiam , etc.
(Conc. Gall., tom, m. p. C36). »
Ce sont là les incidents divers qui ont donné
lieu aux curés primitifs, lorsqu'une chapelle
ou une annexe qui avait toujours relevé d'une
cure était elle-même érigée en cure, ou lors-
que révêi|ue |)artiigeait une cure trop étendue
en deux, ou enfin lorsqu'un curé rétablissait
des cures et des églises voisines qui avaient été
détruites. Il ne nous reste plus qu'un mot à
dire de la division ou de l'union des cures
par les évêques.
X. Le concile de Toulouse, tenu en Si.'J
(Can. vil), permet aux évêques de créer de
nouvelles paroisses et de diviser les anciennes,
pourvu que cela se fasse avec le conseil des
chanoines, « Mature consilio canonico, tra-
ctent; » sans aucun mélange d'intérêt ou d'ava-
rice, « sine intenlione lucri : » par le seul
motif de la nécessité des peuples, « si nécessi-
tas populi exegerit » , lors(iue la distance des
lieux est fort grande et les chemins difficiles,
ou que les femmes et les enfants ne peuvent
pas se rendre à la iirincipale église. « Si loiigi-
tudo ilineris, aut periculum aqua', etc. Etsi
mulierum, vel infantium, aut debilium imbo
cillitas ad ecclesiam priucipalem non i)ossit
occurrere. »
Le concile de Meaux, tenu en Si-'j (Can liv},
recommande aux évêques de maintenir les
paroisses de la ville et des faubrurgs dans leur
ancienne disposition, et de n'y rien changer
par une légèreté inconsidérée. « Ut titulos car-
dinales in urbibus vel suburbiis constilutos,
episcopi canonice et honeste, sine retractatione
ordinent et disponant. »
Ilincmar prescrit les mêmes lois à ses archi-
diacres touchant les i)aroisses de la campagne:
qu'ils ne se laissent point fléchir ni par pré-
sents, ni par prières pour unir ou pour diviser
les cures, ou pour les soumettre les unes aux
autres contre leur ancienne liberté, a Expresse
vobis in nomine Christi priccipio. ut ruslicanas
parochias pro alicujus amicitia, vel petitione,
aut pro aliquo pretio, non praesumatis confun-
dere. dividere. Neque ecclesias illas qua; ex
antiquo habere presbyteros solite fiierunt, aliis
ecclesiis quasi loco capellarum subjiciatis(Conc.
gall, t. m. p. Gi3; Ilincmar, 1. 1, p. 710). »
Ce dernier règlement de Ilincmar semble
supposer que les archidiacres avaient le pou-
voir d'unir deux cures en une, ou d'en diviser
une en deux, puisqu'il se contente de leur dé-
fendre de rien faire de semblable par des inté-
rêts humains.
Le concile de Meaux n'avait aussi convié les
évêques qu'à une conservation constante et
uniforme des paroisses de la ville et des fau-
bourgs. Il se peut faire qu'en quelques pro-
vinces ce fut un usage reçu que les évêques
donnassent ce pouvoir à leurs archidiacres.
Le concile de Toulouse a supposé bien mani-
festement que ce droit n'a|ip:irtenait qu'à
l'évêque, qui n'en devait user lui-même qu'a-
vec une extrême circonspection.
XI. Il ne faut pas omettre un des principaux
avantages des curés. C'est (|u'ils ont été quel-
quefois les premiers fondateurs des églises
nouvelles dans les pays du nord, et parmi les
nations barbares, à qui on n'osait pas encore
confier un évêché. Saint Vilkhad fut le i)re-
mier évêque deRrême, mais lui-même, comme
prêtre ou curé, avait déjà exercé dans le même
pays les fonctions curiales, pour apprivoiser
ces barbares et les accoutumer au respect qui
est dû à la majesté pontificale.
Voici ce qu'en dit l'auteur de sa vie : « Pri-
luis in ea diœcesi sedcm obtinuit pontificalem;
quod iamen jamdiu prolongatum fuerat, quia
gens credulitali divin;c resistens cum presby-
teros aliquoties secuin nianere vix compulsa
DES CURÉS. LEUR ORIGIiNE ET JURIDICTION.
481
sineret, episcopali auloritalo im'iiiiue rciii pa-
liebatur. Hac ila(Hie île causa sepU'in aniiis
prias in eatU'in j^'esbyler est deiKoratus paio-
chia; vocalus tamen episcopus, et secunduin
qnod poterat, euneta pra^sidenlis poiestato ordi-
nans (Calcul. lîened, t. m. part, ii, pag. iO*)).»
Ce saint prêtre n'étant encore que curé por-
tait le nom d évoque, ce qui est à remarquer à
cause de plusieurs autres qu'on a honorés de
ce même nom, quoiqu'ils n'en eussent jamais
reçu la consécration.
L'histoire ecclésiastique d'Adam, chanoine
de Brème, nous a appris que le saint religieux
de Corbie Ansgarius, avant d'être fait arche-
vêque de Hambourg ou de Brème, avait prêché
pendant lonulcnips n'éiant encore que prêtre
dans le même pays. Il en dit autant de Rim-
bert, son compagnon et son successeur, et
d'Adalgarius, successeur de Riud)ert.
Tous ces saints archevêques employèrent
des jtrêtres ou des cures pour la conversion
des peuples intidèles du Nonl, avant d'y pou-
voir ordonner tics évciiues.
Adam le dit clairement en parlant d'Adalga-
rius. « Sedit didlcili tempore barbaricie vasta-
tionis, nec tamen legationis suœ ad gentes
studium omisit. Verum sicut decessores su!
presbyteros ad hoc opus constitutos et ipse ha-
bere curavit (1). »
(1) A tous les témoignages que le savant Thomassin a apportés
pour prouver que sous Charlemagne les moines pouvaient être curés,
nous en ajouterons un bien précis qui établira que dès la fin du
vie siècle, 00 trouvait des paroisses rurales dirigées par des moines.
Le concile tenu à Màcon eu 585 nous en fournit la preuve. Après
s'cire élevé contre l'audace de ceux qui o montaient au saint autel
■ et célébraient les sacrés mystères, étant souillés par les salesattraits
u des voluptés charnelles, u saint Véran,évéque de Cavaillon, dans la
province d'Arles, termina son discours par ces mots, que nous ont
conservés Labbe, Sirmond et autres : « Vous savez que dans les dio-
■ cèses de vos béatitudes, il existe de nombreuses congrégations de
• moines, vivant sous la discipline des anciens Pères j or, je pense
" q-ie l'on pourrait choisir parmi eux les hommes les plus fervents
0 pour remplir les charges des clercs ; car un petit nombre bien
n choisi est plus utile dans l'Eglise qu'une noaibreuse multitude
a d'évaporés, o
Les curés primitifs qui ont existé jusqu'à la révolution étaient gé-
néralement des religieux ou des chapitres qui faisaient administrer
la paroisse dont ils étaient titulaires par un vicaire perpétuel. Ainsi,
la paroisse de Vaucluse, alors du diocèse de Cavaillon et aujourd hui
de celui d'Avignon, ayant été dans le xie siècle confiée aux religieux
de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, qui y établirent un prieuré,
ftit administrée de la sorte à partir de 1590, époque à laquelle les
religieux abandonnèrent ce lieu. Nous trouvons un document de
1673 par lequel o messire honoré Giraud, religieux-capiscol, prieur-
o majeur claustrier du monastère de Sainct-Victor-lez-Marseille, et,
o en cette qualité, prieur du prieuré de Notre-Dame et Saiuct-Véran
■ de Vaucluse, » nomme, en sa qualité de curé primitif dudit Vau-
cluse, messire Pierre Allibert pour vicaire perpétuel, o Ledit vicaire
a perpétuel s'engage de servir honorablement ladite église in divinis,
< pourvoir îceLle d'un prescheur en temps de caresme, faire bruslcr
a une lampe audevant le grand autel, payer la cotte qui est due pour
a ledict prioré, defi'rayer monseigneur l'cvesque de Cavaillon ou son
a vicaire, et leur train faisant visite audict heu. Ledict vicaire n'est
Il tenu ni à la fourniture ni à l'entretien des ornements de l'église, b
Le vicaire perpétuel jouissait des terres, prés, jardins, dîmes en vin,
huile, légumes, chanvre, agneaux, chevreaux, feuille de mûriers, et
payait une rente annuelle au curé primitif résidant à Marseille. Le
chapitre de Carpentras était en corps curé primitif de la cathédrale
et nommait deux curés amovibles ou vicaires, pour faire les fonctions
pastorales. « Nous avons élu, lisons-uous dans le Liber A's conclu-
a sionum capituti, le 24 avril 1726, unanimement M. Antoine La-
Q baume, prêtre bénéficier de notre église, pour remplir les fônctioui
« de curé en remplacement de celui qui est décédé. M. le chanoine
a administrateur le présentera à monseigneur l'évéque pour le prier
0 de l'approuver. » Nous trouvons plus loin que par suite de certaines
prétentions exprimées par les deux curés, le chapitre présenta contre
eux un mémoire à l'évoque, pour démontrer que les deux prêtres
qui exerçaient les fonctions curiales n'étaient pas curés, mais les
simples vicaires amovibles du chapitre, qui les confirmait tous leg
ans, et que le chapitre était seul curé depuis sa fondation au xf siècle;
que chaque année ils se présentaient pour recevoir la desserte de la
paroisse ; i^ne le chapitre seul possédait les registres paroissiaux;
que lesdits vicaires étaient nourris en une table commune avec les
raansionnaires de l'église; que Barbosa est formel là-dessus lorsqu'il
dit : n Rector et parochus is dicitur qui suo nomine sin:;ulariter, non
Q autem cum aliis ad regimen ecclesiae parochialis assumitur. o
Ces documents feront parfaitement comprendre ce qu'étaient les
curés primitifs, les vicaires perpétuels et les vicaires amovibles. Les
vicaires perpétuels, qui étaient inamovibles, se trouvaient en généraJ
dans les paroisses où le curé primitif ne résidait pas.
(Dr André.)
CHAPITRE VINGT-SIXIEME.
DES CURÉS. DE LEUR DIVINE ORIGINE. DE LEUR ANCIENNE JURIDICTION, DEPUIS L .4N MIL
JUSQUES A PRÉSENT.
I. Les théologiens de Paris tiennent que les curés sont de
droit divin. Senlinie nts el paroles de Gerson.
1! Censures de la faculté de tliéologie de Paris.
m. Fondement de cette doctrine dans les Ecritures.
Tii. — Tome 1.
IV. Sentiments d'Alnuliin et de Major.
V. Sentiments de Pelrus Aurelius, que l'origine divine des
curés est réunie k celle de i'épiscopat. Preuves tirées de l'E-
criture.
31
^
482
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
VI. Du pouvoir qu'avaient autrefois les curés d'excommunier,
selon Jeslliéoloiçiens. lesdécrélales des papes et les conciles.
VU. Explication d'une décrélale d'Alexandre 111. Quand et com-
nienl ce imuvoir est échappé aux curés.
VIII. Comment les cardinaux l'ont conservé.
IX. Des curés primitifs.
X. De leurs droits, et de leur obligation à n'avoir que des vi-
caires perpétuels.
XI. De l'érection des nouvelles cures, et du pouvoir des évè-
ques pour leur faire avoir des revenus suffisants.
XII. l'arlage nécessaire des paroisses et des quartiers, ou des
familles dans une même ville.
I. La (Jii,fnilé des curés semble aA'oir été por-
tée jusqu'à son comble par les tbéologriens de
Paris, quand ils ont établi cette doctrine, que
les curés étant les successeurs des septante
disciples, composaient un second ordre de jiré-
lats qui tenaient immédiatement de J. -G. l'auto-
rité d'exercer les fondions hiérarcbiijues, de
purifier par la coneclion, d'éclairer (lar la pré-
dication et de iieilectionner par l'administra-
tion des sacrements.
a Qui dicuntur successores septuaginta duo-
rtini discipulorum, et dicuntur prœlati secundi
ordinis, dignilatis, vel honoris, quales sunt
cniati, (juibusex statu et ordinario jure con-
veniimt très aclus liierarcliici, i)rimarie, essen-
lialiter, et immédiate a Gliristo : (jui sunt
pmgare per correclionem, illtiminare per do-
ctrinam et praulicalionem, iierficere per sacra-
mentiinim minislralionem (Gerson., tom. i,
p. l.'JTj. i>
Voilà les propres termes et la doctrine de
Gerson , (jui en découvre le fondement dans
rEvaiif^'iJe même, oii il est remarquable (jue
quand J.-C. donne les clefs et la souveraine
autorité, ce n'est i)as aux apôtres seuls, mais
aux septante disciples (ju'il adresse sa parole.
En effet, les Pères ont reconnu que les septante
disci[iles étaient aussi relevés de la (jualité au-
j;u.ste d'aiiùtics. '< Se()tuaginta et ipsi apostoli
nominati smil, » dit Origène (Orig. in Epist. ad
Rom., c. xvi). Saint Chrysostome en dit autant:
<< Erant et alii apostoli, ut septuaginta (Cliry-
sost., in I. (Àirinlli., boni, xxxvui). «
II. Gerson ajoiilcau même endroit la doctrine
di: la l'.Hiilli' même de théologie de Paris,
laipiclic, en I SON, ceiisiiiaiiuelipies propositions
fausses et léméiaires d'un (■ofdelii;r nommé
Jean Corel, et l'obligea de souscrire à ces deux
proiiositiiins (jui élaienl comme le contre-i)oi-
son de celles (|u'il avait avancées: «Domini
ciiiati sunt in ecclesia minores pnelati, <'t hic-
r:ucba' ex primaria institiitione Ghrisli, (juibus
competit ex statu jus pr;edicaiidi, jus confes-
siones audiendi, jus saeramenta ccclesiastica
ministrandi, jus sepulturas dandi, jus insnper
décimas et alla jura parochialia reeipiendi.
Item jus pra'dicandi et confessandi compelimt
prœlatis etcnratis priucipaliteretessentialiter :
et mendicantibus de per accidens, ex privile-
gio, etc. »
A cette censure on peut joindre celle de
l'an 1 120, contre un jacobin nommé Jean Sar-
razin, qu'on obligea de souscrire à ces propo-
sitions. « Omnes potestatesjurisdictionis Eccle-
sia\ ali;€ a papali potestate, sunt ab ipso Christo,
([iiantum ad instilutionem, et collationem pri-
mariam : a papa autem et ab ecclesia quantum
ad limitationem et dispensationem ministeria-
lem. llujusmodi iiotcstates sunt de jure divino,
et immédiate instituta' a Deo. Ex textti Evan-
gelii etdoctrina Apostolorum habetur expresse,
.\postolis et discipulis a Christo missis autorita-
tem jurisdictionis fuisse coUatam. Dicere infe-
liorum pradatorum poteslatem jurisdictionis,
sive sint episcopi, sixe sint curati, esse immé-
diate a Deo, evangelicœ et apostolicae consonat
veritati. »
III. C'était donc la doctrine de la plus célèbre
Université de l'Eglise, que l'état et l'autorité
des curés est d'institution divine et que leur
juridiction est émanée immédiatement de J.-C,
(|ui donna sans doute une mission immédiate
aux sc)itante disciples qu'il avait lui-même
choisis, aussi bien que les ajjôtres, et à qui
en les envoyant, il avait aussi fait part de sa
divine juridiction. Or, avant ces décrets des
théologiens de Paris, et avant même la nais-
.sance de cette florissante Université, c'était la
doctrine constante des conciles et des Pères,
(jue les curés avaient succédé aux sej^tante dis-
ciples comiue les évêques avaient rem])li la
place des a|)ôtres.
Gerson n"a jias oublié cette raison fondamen-
tale à laipielle il ajoute encore celle-ci, tirée de
la mêmt! doctrine des Pères, que les curés
suicèdent aux lévites de la synagogue , (|ui
avaient aussi une origine toute divine. « Slatus
(iiratorum succedit slatui sejituaginta duorum
(iiscii>uloruiu Christi, ipioad kgem novam, et
tlginatus est in anti(jLia lege jier le\ilas. Ac
jii'oinde slatus curalorum est de institutione
(Iliristi et apostoloruiu suorum , a iiriiicipio
fiuiiialionis Kcclesiie (Tom. i, p. 191). »
Je dirai en passant ce que ce [lieux théologien
enseigne au même endroit à la gloire des mêmes
curés, que c'est vraiment un état de iierfeclion,
et même d'une perfection abondante, puis-
DES CURÉS. LEUR ORIGINE ET JURIDICTION.
483
qu'elle doit se répandre comme mie riclie
source sur tant d'âmes, a Status curatorum est
status perteclionis non tantuni ac'(|uironda', sed
etiam exercendœ, cum sibi compctat tam ol)li-
gatio , quam autoritas reducendi animas ad
Deum, seeundum liierarcliicos aetus, qui pur-
gare, illuminare, perlicere nominantur. »
IV. Almain et Major ont suivi de bien près
Gerson. Voici les termes du premier. (|ui vou-
drait que les curés, conmie successeurs des sep-
tante disciples, qui furentconvoqués au concile
des a|)ôtres, fussent aussi appelés au concile
général de l'Eglise, pour y avoir voix consul-
tative. « Multitudinem discipulorum convoca-
verunt (actuum G], ex quo sequitiir. quod non
soluinde statu episcoporum. (|ui Apostolis suc-
cedunt, sunt vocandi ad concilium ad liaben-
dam vocem deliberativam , sed etiam de statu
curatorum, qui succedunt discipulis (Gerson.,
tom. I, p. 700). »
Major s'explique plus précisément en ces
termes : « Tam episcopi , quam curati sunt de
jure divino, quemadmodum Romanus jiontifex;
nec aliquis prorsus homo potest illud jus, et
illas potestates toUere de ecclesia plusquam
summum pontiflcatum ; licet Pelrus Paludanus
et Joannes de Turrecremata teneant oppositum.
Sed hoc quod ipsi tenent, censuil in fide hœre-
sim facultas nostra (Major, in iv, d. 24, (}. 3).»
Le savant Petrus Aurelius a fort bien remar-
qué que le point qui a été jugé hérétique par
la faculté est de dire que l'on puisse anéantir
et abolir tout l'épiscopat de l'Eglise (Tom. i ,
p. loo).
V. Mais quant à l'institution divine de l'état
des curés, le même Petrus Aurelius a excel-
lemment expliqué le juste tempérament (jue
nous pouvons prendre d^ns une tjuestion aussi
délicate , et qui intéresse si fort les évè(iues
mêmes, pour conserver les sentiments respec-
tueux que nous devons avoir pour ces deux
ordres tout divins, et pour la doctrine de la
plus célèbre faculté de l'Eglise.
En effet, ce savant théologien faisant l'apolo-
gie d'une censure des théologiens de Paris sur
ces mêmes matières, après avoir dit que c'est
une doctrine très - probable de dire que les
curés sontd'instilution divine, «Si parochorum
munus divina^ institulionis est, ijuod certe
probabilissinuim est, etc. ^Petrus Aurel., tom.
II, p. 225), » il dit qu'au moins il faut reconnaître
(]iie l'état des curés est d'une institution et
d'une origine divine, entant qu'il est renfermé
dans l'épiscopat, comme dans la source et la
])lonilude du sacerdoce, de kupielle l'état des
curés est comme un ruisseau émané d'une
fontaine qui coule et (pii se répand toujours
sans aucune diminution, de même que le divin
Esprit fut connnuiii(pié aux soixante-et-dix
coaiijuteurs que Dieu donna à Moïse, sans que
Moïse perdît rien de sa plénitude. Or, comme
la source et les ruisseaux sont d'une même
nature, ainsi l'autorité et la juridiction des
évèques et des curés est la même et est toute
divine, parce que c'est la même que celle du
Fils de Dieu.
« Parochorum officium si minus institutionis
divincT seorsum in se est, at est in episcopo;
quia in episcopo inchisuni a Cliristo est , ut in
fonte ac plenitudine ecclesiasticœ et hierar-
chicre potestatis, cujus parochialis potestas est
decidua pars, ab episcopo in parocluini, ut a
fonte in rivum transfusa, sine detrimento ta-
men aut imminutione , eo modo quo res spiri-
tuales transfunduntur et commiinicantur. ut e
septuaginta senioribus .Moysis spiritu imbutis,
illibata Moysis plenitudine, facile inlelligilur,
etc. De potestate jurisdictionis agimus, etc.
Ministrorum potestas sic ab episcopo tluens,
divinœ est , non human;e institutionis, quia
eadem rivi est, qua; fontis natura, eadem vis
causa? principalis et instrument!, eadem mi-
nistrorum regiorum et régis potestas , quae
comparatio est sancti Thomœ. »
Ce n'est pas sans raison que ce théologien
appuie une doctrine si avantageuse à l'état des
curés sur l'autorité de saint Thomas, qui les
regarde comme le second ordre des princes de
l'Eglise et comme remplissant la place des
septante disciples à qui J.-C. même communi-
qua la mission et la juridiction dont il honorait
les apôtres. « Ideo baptizare pertinet ad mino-
res principes Ecclesia' , id est, ad presbyteros,
qui tenent locum septuaginta duorum discipu-
lorum Cliristi ; ut dicit Glossa Lucaî 10 (S. Tho-
mas , ;J , p. q. G" ; art. -2, ad. -2 et i, 2 , q. 188,
art. 4 . »
L'autre comparaison des soixante-et-douze
vieillards qui reçurent une portion de res])rit
et (kl pouvoir céleste de Moïse peut avoir été
empruntée du savant Fulbert, évêque de Char-
tres, dont voici les paroles :
« Moyses dux poi)uli secundis adjutoribus
septuaginta viris de eodem populo sustentaba-
tur. perquos forma prcsbyterorum exprimitur.
(jui nunc in Ecclesia novissima ponlilicale
481
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
omis in se siiscipientes, regendis populis invi-
frilaiit. Porro sviiiiens de spiritii lloysis illis
septun^nnta seiiiorihiis dédit, per qnos popu-
lum sibi coinniissum i)er quadraginta annos
jndiea\il, quia dii\ iiosler Dominus-lesus Cliii-
stus disci|(iiiis fiuos ad iira'dic:di(inis olficiiiin
missurus erat in niundnm. spiritalium dona
cliarisniatnm infiidit Fulbert., epist. n). »
Ce pieux prélat ajoute excellemment que,
selon la coutume de son Eglise et de i)lu5ieurs
autres Eglises voisines, Févcque donnait à tous
ceux qu'il ordonnait prêtres une hostie consa-
crée, afin ([u'ils en consumassent ime portion
chaque jour durant les quarante jours qui sui-
vaient leur ordination, pour leur marquer par
cette coiumunion du eorpsde.l.-C.lacomnuuii-
■ cation de rEs[>rit divin du même Fils de Dieu,
dont il les avait rendus participants. « Cibum
Doiuinicum [lontifex novis EcclesiiC cultoribus
■ distribuit, (|U()S su;e pasturalis cur;e vicarios
adjutores ad erudiendam plebeni sibi coinmis-
sam constituit, etc. »
VI. Je passe au iiouvoird'excomnnuiier, ([vii
est une des plus évidentes preuves de la juri-
diction dont les curés ont joui durant plusieurs
siècles. Saint Tlionias reconnaît lui-même que
les curés avaient encore ce pouvoir en certains
cas, non-seulement i)ar une commission ])arti-
culière des évê(pies, mais jjar leur autorité or-
dinaire, et (|u'il \ a des théologiens (jiii le
leur accordaient encore sans restriction.
« Soli episcopi propria autoritatc, et majores
pr;elati, secundum connnuniorem oiiinionem,
■ possunt excomnnmicare. Sed |iresb\leri jiaro-
chiaks iionnisi ex commissione eis facta, vel
in certis casibus. sicut in furto, et rapina, et
hujusniudi, in ipiibus est eis a jure concessum,
(pioil exconununicare possint. Alii autemdixe-
runt, i|uod cliam sacerdotes parochiales jiossimt
exconununicare. Sed lua'dieta opinio est ra-
• tionabilior (S. Thomas su|ipli nient., q. ii,
■ art. I j. »
Si nous reprenons la chose de |ilus haut ,
nous trouverons unt; bien plus grande éten-
due de pouvoir dans les curés pour frafiper de
rexcommunication, non-seulement les laïqu( s,
mais aussi les clercs de leur dépenilance.
Le pa|)e Alexandie lll manda a levêque de
Florence île l'aire respecter les cxcommunica-
li(iMScllesin(erdilsdesescur(''Sipian(l la canscen
était juste et ciuoniiiue. u Mandaunis, (|uatenus
■ si ipiiuidii |ilrlKuius saiicli l'etii in clericos vel
laieos païa'iianus sues interdicii, vel exconi-
municationis sententiam rationabiliter tulerit,
ipsani facias inviolabiliter observari, et eam
sine congrua satisfactione, et abs(jue ejusdem
plebani conscientia non relaxes. »
Cet évc(|ue avait apparemment quelque rc-
])ugnance à soutenir ces censures fulminées
par ses curés (C. CumabEcclesiarum. DeOfficio
ordinaiii ). Le pape ne fait pas un nouveau
droit, mais il coufirnie celui (|ui avait cours et
il maintient le pouvoir des ciu'és.
Le pape Honoré III oblige les prêtres et tous
les clercs des chapelles qui relèvent d'une pa-
roisse de déférer respectueusement aux sen-
tences d'exconuiiunication , d'interdit et de
sus|)ension que le curé ou prêtre cardinal de
la paroisse pourra lancer sur eux ou sur leurs
églises. Il Correctionem ipsius cardinalis reci-
pientes humiliter, et excommimicalionis, in-
ti'rdicti, suspensionis sentenlias, quas tulerit
in eos, et Ecclesias eorunidem, inviolabiliter
observantes (C. His (jua\ De Majoritate et Obe-
dientia). »
Ces décrétâtes font encore partie du droit
canonique nouveau. Le concile de Limoges,
en lu:Jl , avait reconnu le même pouvoir des
curés, mais il avait resserré leurs exconununi-
calions aux crimes occultes, réservant ceux qui
sont publics aux évêques : ce (|ui était ne per-
luettre aux curés que la juridiction intérieure
du tribunal de la Pénitence. « Presbyteri de
ignotis causis, e|)iscopi de notis exconununi-
care est (Conc, tom. ix, p. 902). »
C'est justement ce que Ratbérius, évêcpie de
Vérone , mandait à ses curés dans sa lettre sy-
nodale : « De occultis peccatis pœnitenliam
vos (lare posse scitote ; de imblicis ad nos réfé-
rendum agnoscite (Ibidem, ]>ag. 1274). » C'é-
tait en effet la pratique constante de l'Eglise
depuis plusieurs siècles que le droit d'imposer
les pénitences publiques était réservé aux
évc(}ues.
11 y a donc sujet de s'étonner comment ce
|i(iuvoir d'excommunier, ce qui ne se peut que
]ioi*ir des crimes publics , était enfin tombé
entre les mains des curés.
Ils en jouissaient dans la France même,
connue il paraît par une lettre du pape
.\kxandre 111 (|ui fut écrite à l'occasion d'une
excommunication témérairement lancée par le
curé (lu fauboiu-g de Reims, sur des écoliers
(]ui s'étaient dduné une sainte liberté de re-
])rendie ses divertissements scandaleux. Le
pape loue rarebevcque d'avoir relâché cette
DES CURÉS. LEUR ORIGINE ET JURIDICTION.
485
exconimiiiiication coninic portée coiitri' Imites
les règles et alisoliinionl insoutenable. « Absijue
conscicntia lUMiiensis arcliicpiscopi et oflieia-
linm siiorum, in ipsos, non ci'atos, née con-
fesses exconiiniinicationis senlenfiain [iromul-
gavit, quam idem archiepiscopus fecit , proiit
debuit, relaxari ;Conc., tom. x, p. 128.'i . »
Comme cenx iiui favorisaient la juridiction
des curés ne mancjuaient pas de preuves, aussi
ceux qui la leur disputaient ou qui la bornaient
dans les limites que nous avons remari|uées
avec saint Tbomas, soutenaient leur sentiment
par des autorités et des raisons qui n'étaient
pas de moindre poids.
Le concile de Tours, en 1239 (Can. v), défen-
dit aux prêtres des paroisses d"user du glaive
de l'excommimicalion si ce n'était par la délé-
gation du prélat : « Interdicimus universis
presbyteris Ecclesiaruni parocliialium, ut pro
jure suo vel Ecclesiœ suœ in spiritaii, paro-
chianos suos autoritate propria excomnumi-
care présumant. Quod si fecerint , sententiam
decernimus esse nuUam. » Comme ce canon
ne regarde que les prêtres ([ui sont comme les
aides et les coopéraleurs des curés dans une
môme paroisse , le suivant regarde les curés
même en personne. « Quod redores, seu curati
parocliialium Ecclesiarum , parocliianos suos
autoritate propria excommunicare non pos-
sunt pro jure suo (Can, vi). »
Il faut néanmoins avouer (|u'on peut dire,
avec toute la vraisemblance possible, ([ue ces
canons défendent seulement aux curés et aux
prêtres de paroisse d'excommunier leurs pa-
roissiens pour leurs [irojires intérêts, « (iro
jure suo, vel Ecclesia^ suœ in spiritaii. » Il était
à craindre que la passion et l'intérêt ne se
couvrissent de lapparence trompeuse du zèle.
On inférerait donc i)lutot de là que bors de cette
conjoncture délicate ils pouvaient . de leur
propre autorité, décerner des excommunica-
tions. Mais si ce pouvoir est donné au curé,
l'accordera-t-on aussi aux autres prêtres, ou
chapelains , qui travaillent sous ses ordres
dans sa cure? C'est pourtant d'eux (\ue parle le
premier de ces canons.
Le synode de Nîmes, en 1284 (Conc, tom. i,
part. I, p. 122i , sup])Ose que les curés et tous
les jirétres mêmes de la paroisse peuvent inter-
dire aux paroissiens l'entrée de l'église sans
la permission particulière de l'évêque. « Quia
diximus, quod sacerdotes et rectores Ecclesia-
rum possunt proferre sententiam interdicti ,
attendant, <[uod sive nnndato uostro, sive au-
toritate i)n)pria sententiam interdicti proferre
xoluerint, ijisam in scriptis |)roferanl in liiinc
modiim ; cum ego rector vel capellanus talis
Ecclesiœ, etc. »
Le synode d'Exeter, en 12S7 ;Conc. Angl.,
tom. Il, pag. 38i), permit aux curés et h tous
leurs vicaires ou coadjuteurs, non seulement
d'interdire , mais aussi d'excommunier tous
ceux qui retenaient ou les dîmes , ou les
offrandes , ou les autres droits dont il était
notoire «lue l'Eglise était dans une légitime
possession. « Licebit Ecclesiaruni recloribus,
vicariis et parocbiarum capellanis, pro mortua-
riis,decimis, ublationibus, et instaure Eccle.*iîC,
et aliis juribus Ecclesiœ suœ injuste detentis,
in quorum possessione notorium est suas Ec-
clesias extitisse; i)er semetipsos. Irina tamen
monilione pi a-missa , nominatim suspendere
et excommunicare detentores, cum inboc casu
non injuriam suam , nec sibi debitum , sed
Ecclesiœ suœjwtius prosequi videantur. »
VIL Les canonistes nouveaux ont jugé que
le curé dont parle le pape Alexandre 111 , dans
le chapitre Cion ah ecclesiarum , ci-dessus
rapporté, n'avait juridiction contentieuse que
parce que le privilège ou la coutume la lui avait
acipiise Fagnan., in I. i décret., part, n, pag.
435; ; mais il y a un juste sujet de se défier que
ce ne soit une défaite sans fondement et sans
preuve. 11 y a bien plus de sincérité à avouer
franchement que les curés ont été pendant un
temps considérable en possession de la juridic-
tion contentieuse , et qu'enfin elle leur est
échappée . ce «lui n'a fait ([ue les réduire au
premier état où ils avaient été dans les pre-
miers siècles.
En effet, nous avons fait voir ci-dessus, que
l'administration de la pénitence publique et de
la juridiction externe était tellement réservée
aux évoques, que dans tous les canons et dans
tous les décrets anciens, la réconciliation des
pénitents est mise au même rang que la con-
sécration des autels et des vierges, et l'ordina-
tion des clercs, c'est-à-dire entre les fondions
qui sont propres et particulières aux évêques.
Lorscjue les archidiacres , les doyens ruraux
et tant d'autres prélats inférieurs se donnèrent
une juridiction ordinaire, n'en ayant eu aupa-
ravant que par des délégations extraordin.iires,
et qu'ils créèrent des offlciaiix dans la ville it
à la campagne, i! est vraisemblable que les
curés prirent eu même teuiiu la même liberté,
486
DU SECOiND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SIXIÈME.
se fondant ou sur la négligence, ou sur le con-
senlenienl tacite des évèques.
Si le silence et la tolérance des évèques don-
nèrent lieu , vers l'an mil, à la création do tant
d'officiaux de chaque arcliidiacre, et dus doyens
ruraux, pourquoi ne croirons-nous pas que les
curés prirent aussi quelque part à ce démem-
brement de la juridiction épiscopale ? .\ussi en
même temps que les évèques opposèrent leurs
officiaux et leurs grands-vicaires à cette licen-
cieuse multi]ilication de prélats subalternes et
de leurs officiaux, et par ce moyen firent ren-
trer tous les ruisseaux dans la source primi-
tive de la juridiction ; en même temps les curés
virent disparaître leur juridiction contenlieuse,
dont il resta peu de vestiges aiirès l'an mil trois
cent.
C'eût été une défaite bien plus apparente de
dire que le curé dont il est parlé dans ce cha-
pitre Cum ab Ecclesiariim^ n'était jias un sim-
ple curé, mais un archiprètre ayant plusieurs
prêtres sous sa conduite , et c'est pour cela
qu'il est appelé plebanus. Ce sont de ceux
qu'on ajipelait prêtres cardinaux, comme étant
curés en chef, et présidant à une communauté
de prêtres et d'ecclésiastiques , sur qui ils
exerçaient un petit empire, et de qui ils rece-
vaient un serment ou une promesse d'obéis-
sance.
Arnauld de Bresse avait porté jusqucs dans
Rome l'esprit contagieux du schisme, et y avait
fait révolter tous ces prêtres contre leur archi-
prètre.
Le pape Eugène III (Epistol. iv, v, Conc,
tom. V, pag. lOiO), écrivit au clergé de Rome,
et à l'archiprétrc de Saint-Marc, pour établir
l'unité dans toutes ces Eglises particulières, et
pour obliger ces chapelains de faire profession
d'obéissance à leur prêtre cardnial, selon l'an-
cienne coutume. « Hoc effecit humani generis
inimicus ]ier Arnaldum schismaticum ipiasi
[ler membrum proprium, ut (juidaui cajullaiii
imitatem Ecclesiac dividentes, cardinalibus at-
(|ue archipresbyteris suis obodientiam et rcve-
rcntiam |iromiltere etexbibcre dcbitam contra-
dicant, etc. Mandamus ut secundum anli([uam
et rationabilem consuctudinem vostric Eccle-
si;c obedientiam promittere nuUatenus contra-
dicnnt, etc. »
Ces lettres font foi que ce n'étaient pas seu-
lement les prêtres inférieurs de la même pa-
roisse, mais aussi ceux des chapelles qui en
relevaient , (lui devaient faire cette profession
d'obéissance à leur archiprètre. A moins de
cela il pouvait prononcer contre eux une sen-
tence canonique. Ainsi ces archiprêtres exer-
çaient une juridiction contenlieuse. « Si ve-
slris monitis super hoc obedire contempserit,
sententiam quam in ipsum et pricfatam Eccle-
siam de Pinea juste luleritis, nos autore Dec
ratam liabebimus. »
Le pape Honoré III, trouvant que cette sen-
tence de son prédécesseur avait été mal obser-
vée, ordonna de nouveau que les prêtres et les
clercs des chapelles qui relevaient du prêtre
cardinal de Saint-Laurent lui rendraient obéis-
sance, et pourraient être par lui soumis aux
]iL'ines canoniques de l'interdit, de la suspen-
sion et de l'excommunication. « Manualem
obedientiam , reverentiam et honorificentiani
omneniexhibeant,etcorrectionemipsiushumi-
liter recipientes, excommunicationis, interdicti,
vel suspensionis sententias,quas tulerit in eos,
et Ecclesias eorunidtm , inviolabiliter obser-
vantes (C. His qua\ De majoritate et obedien-
tia). » Ce pape se réserve la fulmination de ces
censures (juand l'église de Saint-Laurent sera
vacante.
Voilà sans doute des curés qui exercent une
juridiction contenlieuse. On pourrait penser la
même chose de ceux dont [)arle Roniface VIII,
et qui avaient plusieurs chapelains sous leur
puissance, a Nisi e;pdem ecclesia^ fuerint ple-
bania>, sub se capellas habentes, in quibus
instituanturclerici perpetui, netiuentesab ipsis
absque rationabili causa amoveri (C. Stalu-
tum. In sexto. Ne clerici vel Mon.). » Comme ces
chapelains n'étaient pas amovibles au gré du
curé iirimitif, il pouvait apparemment leur
faire leur procès.
Vlfl. Maisje reviens aux prêlres cardinaux
de Rome, qui n'étant que les curés primitifs
des titres, ou des paroisses, sont en possession
de la juridiction épiscopale, dans leurs titres
et dans les chapelles qui en dépendent. Ce
droit est fondé sur le chapitre His quœ, dont
nous venons de parler. La congrégation du
concile l'a confirmé. (Fagnan., in 1. i, jiart. n.
Décret., pag. 504). Sixte V, en d.->S", donna la
même juridiction comme épiscopale aux dia-
cres cardinaux; et jiar conpé(iuent le pouvoir
de visiter, d'interdire et d'excomnujnier.
L'origine dt; ce droit ne vient pas précisé-
ment du cardinalat, mais de la qualité de curé,
et de curé |irimitif, dominant sur plusieurs
prêtres et sur plusieurs chapelles. La communi-
DES CURES. LEI'R oniClNE ET JURIDICTION.
487
cation de ce droit .aux diacres pourrait l)ieii
venir du cardinalat, dont on a \oulu rendre
les avantaf,'! s connnuns à tous les membres
du sacré coliéf;e. Mais il se pourrait l'aire ipie
caserait aussi un reste de l'ancienne juridic-
tion des diacres, ou des archidiacres. Ainsi le
sini;ulier avanta^'e des cardinaux aurait été de
s'être conservés dans la possession de la juri-
diction dont les curés ont joui durant quel-
ques siècles, et dont les autres curés ont été
enfin dépouillés.
Si cette juridiction est appelée |iar les ca-
nonistes épiscoiiale, ou comme épiscopale,
c'est parce qu'ayant élé éteinte dans tous les
autres curés de l'Eglise, el ne brillant presque
plus que dans les évèques, on s'est persuadé
qu'elle avait été accordée aux cardinaux ,
comme une participation de l'épiscopat.
On ne peut aussi nier que toute juridiction
ne soit ou épiscopale ou comme épiscopale,
puisque la source et la plénitude de la juridic-
tion est dans l'épiscopat, et c'est de celte fon-
taine que les anciens curés empruntèrent la juri-
diction dont il n'est demeuré que ces restes
mémorables dans l'Eglise de Rome.
IX. Nous avons parlé ailleurs des curés
primitifs, outre ceux (jui ont été les ]dus
ordinaires dans les chapitres ou dans les mo-
nastères auxquels les cures furent souvent
données |>our leur dotation, ou pour augmen-
tation de dot.
Le pape Alexandre III nous en fait remar-
quer une autre espèce bien plus naturelle dans
la décrétale Ad audientiam. De œdficaitdis
ecclesiis. C'est lorsqu'une cure est trop éten-
due et les écarts trop éloignés de l'église pa-
roissiale. L'évèque peut y faire bâtir une se-
conde église et y mettre un curé, qui sera
présenté par l'ancien curé : « Ad pra^senta-
tionem rectoris eccksiœ majoris, » avec l'a-
grément des fondateurs: « Cum canonico fun-
datoris assensu. » L'évèque assignera une
portion des fonds au nouveau curé : « Obven-
tiones ecclesia?ticas percepturum ; » il réser-
vera les droits lionorifi(}ues à l'ancien curé :
M Providens tamen , ut compelens in ea honor
pro facullate loci eccle«i;e matrici servetur. »
Enfin, quelque résistance que lasse l'ancien
curé, préférant ses intérêts à ceux de l'Eglise,
l'évèque passera oulie. «Tu nihilominus facias
idem opus ad perfeclionem deduci. » Les
chapitres suivants des vicaires regardent aussi
les curés primitifs.
X. .Mais il ne faut pas omettre la déclaration
du roi Louis XIII, en l(>2i), article|!l2, qui
porte ijue « les cures (jui sont à présent unies
aux abbayes, prieiu'és, églises catliédrales ou
collégiales, seront dorénavant tenues à part, et
à titre de vicaire pirpétuel, sans qu'à l'avenir
lesdites Eglises puissent iirétendre sur icelks
cures autres droits ([u'iionoraires (Mémoires du
clergé, tom. c, p. -201). »
La déclaration du roi Louis XIV, en l(j,V.),
article 20, porte tpie « les archevêques et évè-
ques ordonneront aux abbés, prieurs, cha-
pitres et autres ecclésia.-tiques, qui jouissent
des droits des curés primilifs. es jiaroisses qui
sont desservies par curés amovibles, de leur
nonuuer dans certains temps des prêtres de
la (jualité reiiuise , jiour être par eux insti-
tués vicaires perpétuels. »
Ces ordonnancessont entièrement conformes
à la décrétale (jue nous venons de rapporter,
et elles furent faites à la demande du clergé.
Les assemblées du clergé, en 1G2.'), 1633 et
lOi.'j, s'expliquèrent sur ces droits honoraires
des curés primitifs, auxquels elles défendirent
d'exercer aucune fonction curiale, de prêcher,
confesser, administrer les sacrements, et pu-
blier des bans, s'ils n'étaient approuvés par le
diocésain : si premièrement ils n'ont été pour
cet elTet approuvés par l'évèque, ou par sou
grand-vicaire.
XL Le concile de Trente (Sess. xxi, c. 4, .">.
Sess. XXIV, c. 13), se conformant à la décrétale
Ad audientiam d'Alexandre 111 , a conlirmé
aux évèques le pouvoir d'ériger de nou-
velles cures, où ils les jugeront nécessaires,
même sans le consentement des anciens curés,
et de leur assigner un revenu, soit en parta-
geant le revenu ancien, soit en obligeant les
paroissiens d'y contribuer, soit en unissant
d'autres cures, ou d'autres bénéfices.
Le jiape Célestin 111, dans le cha[utre Sicut.
De cxcessi/ms Prœlatorum , dit excellemment
que comme l'union des évêchés est réservée
au ]>ape, aussi l'union des cures est du droit
des évèques. « Sicut nuire episcopatus, atque
poteslati subjicere alien;e ad summum ponti-
licem pertinere dignoscitur ; ita episcopi et
ecelesiarum suœ diœcesis unio et subjectio
earumdem. »
L'article IG de l'ordonnance d'Orléans, les
22 el 23 de celle de Blois, et le 27 de celle de
Melun autorisèrent ce pouvoir des évèques.
Le IS de celle de lan IGOd, et le 11 de celle
488
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SEPTIÈME.
de 1629, confirmèrent le même droit, sans
excepter les bénétices réguliers, pourvu que
ce ne fussent pas les offices claustraux.
XII. Le même concile de Trente (Sess. xxiv,
c. 13) a ordonné ([ue dans les villes et les lieux
où il n'y avait point de paroisses, l'évcqucy en
établira, et dans les lieux oii il y en a plusieurs,
mais sans aucun partage, en sorte que tous les
curés peuvent indifféremment administrer les
sacrements à tous ceux qui les demandent ,
l'évêque fera les partages , et assignera à
cbaciiie curé sa portion du troupeau, auquel
seul il i)0urra licitement administrer les sacre-
ments.
a Mandat sancta synodusepiscopis, protutiori
animarum eis commissarum salute , ut di-
stiucto populo in cerlas dislinctasqne parocliias,
unicuiiiue perpetiuim suum iieculiaremqiie
parocbum assignent, qui eas cognoscerevaleat,
et a quo solo licite sacramenta suscipiant : aut
alio utilinri modo, prout loci qualitas. excgerit,
provideant. »
La congrégation du concile déclara à l'évêque
d'A(iuila en Italie, en l'an 1578, que ce décret
du concile .n'apportait aucun cliangemenl à la
police de sa ville, où les cures n'étaient pas
l)arlMgées ]iar rues et par quartiers, mais par
fauiilies ; parce qu'il sutlit que chaque famille
ait son propre pasteur (Barbosa, de Offic. Parce.,
part. I, c. I, n. 24) (1).
(1) Le concordat français de 1802 porte : . Art. 9. Les évéques
• feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses,
o iiui n'aura d'effet que d'après le consentement du gouvernen-.ent.
. Art. 10. Les évéques nommeront aux cures. Leur choix ne pourra
t tomber que sur des personnes agréés par le gouvernement.
- Art. 11. Le gouvernement assurera un traitement convenable aux
0 évéques et aux rurés dont les diocèses et les paroisses seront com-
• pris dans la circonscription nouvelle. » Pourquoi, contrairemeut à
ces arlules bien clairs du concordat, le ministère pastoral en France
est-il constitué en dehors des lois de l'Eglise, et comme on ne le
trouve nulle part dans l'univers catholique ? Nous sommes obligé de
renvoyer les lecteurs au livre spécial que nous avons publié en 18G1
sous ce litre : Les lois de l'Eglise sur la nominalion, la mutation
et la réuoration des curés. — Silunlion anormale de l'Eglise de
France. Nous avons prouvé qu'en France, comme partout ailleurs,
la nomination aux cures doit se faire par voie de concours, selon les
prescriptions du concile de Trente ; que Pie IX a rigoureusement
prescrit ce mode de nomination dans tous ses concordats, Autriche,
Espagne, Amérique méridionale ; que l'Eglise de France n'a aucun
droit de se mettre contre le droit universel et imprescriptible ; qu'en
France, comme partout ailleurs, tous les curés sont inamovibles, et
qu'ils ne peuvent être changés ou révoqués que pour des griefs prévus
dans les saints canons et après des débats contradictoires j que l'état
des choses en France a mis le ministère pastoral à la merci de la
bureaucratie civile, et menace la religion d'une perte inévitable si
un prompt remède n'est apporté à un si grand mal. Nous avons ap-
puyé notre thèse sur des documents de la pins haute importance.
Nous avons hâte de dire que notre livre, qui a cauï.é une profonde
sensation au sein du clergé, n'a été ni condamné, ni combattu, ni
attaqué, ni réfuté. Nous pouvons même ajouter que des indices favo-
rables font présager que ce livre, où toutes les plaies ont été mises
à nu avec courage, inaugurera une ère nouvelle pour le ministère
pastoral. La question importante des curés dans l'Eglise de France
au iue siècle, ayant donc été traitée à fond dans ce livre, nous ne
pouvons nous répéter ici. (Dr André.)
CHAPITRE VINGT-SEPTIEME.
DES VICAIRES PERPÉTl'ELS ET AMOVIBLES, APRÈS l'aN MIL.
I. Collusion dangereuse de ceux qui ayant une cure en tilre,
prenaient la vieillie d'un aulre.
II. Les conciles d'Angleterre déclarés contre ces abus.
III. Les vicaires obligés à la résidence.
IV. Les évèiiues et les communautés religieuses tenaient des
vicaires dans les paroisses unies à leur mense.
V. L'abus des viciires amovibles avait lieu en France, où il
est aussi condamné par plusieurs conciles, surtout par ceux d'.\vi-
gnon, dont le voisinage était plus sujet à ce désordre.
VI. Iléllesions importantes sur ces canons.
vil. L'Allemagne n'était pas exempte de ces abus.
VIII. Autres espèces de vicaires.
IX. L'amovibililé des cures prnvenue de ce que les commu-
nautés ecclésiastiiiues en avaient usé comme des offices claus-
traux, qui devaient être amovibles.
X. Le concile de Trente veut que les vicaires soient per-
pétuels.
XI. La congrégation du concile le demande aussi.
XII. Les ordonnances de nos rois le veulent aussi.
I. La cupidité insatiable d'entasser des béné-
fices les uns sur les autres suggéra deux arll-
ficieux déguisements, pour éluder la vigueur
des canons contre un abus si déplorable. Le
premier fut de se faire donner le vicariat d'un
bénéfice en ayant déjà un autre, avec la même
charge d'âmes. Les titres de ces deux bénéfices
étaient incompatibles; mais on prétendait qu'il
n'y avait nulle incompatibilité entre le tilre de
l'un et le vicariat de l'autre. Le second artifice
DES VICAIRES PERPÉTUELS ET AMOVIBLES.
iSl)
fut de pren>lre à ferme le second bénéfice, avec
ch.ir^'c (l'on payer une pension fort médiocre
au litulaire. Nous développerons ici et dans le
chapitre suivant tous les détours de cette arti-
ficieuse collusion et les salutaires remèdes ([ne
la vi^nlance infalifrable des p.istenrs y apporta.
11. Le concile de Londres, en 1-237 (Gan. x),
ordonna qu'on ne pourrait admettre de vicaire
qui ne fût prêtre, ou qui étant déjà diacre ne
pût être ordoimé prêtre aux premiers quatre-
temps; qui ne renonçât à tous les autres béné-
fices qui avaient charge d'âmes, et enfin qui
ne promît de faire une résidence continuelle
dans l'église dont on le faisait vicaire. « Qui
renuntians beneficiis aliis, si qu;c habet, cu-
ram animarum habentia, juret residentiam ibi
facere, ac eam facial continue corporalem. »
Celait faire un vicaire perpétuel et titulaire,
l'obligeant à une perpétuelle résidence et à ne
posséder aucim autre bénéfice qui fût chargé
de la conduite des âmes. Or, les prélats ne dis-
simulèrent pas dans ce même canon les rai-
sons ((ni les portaient à toutes ces précautions.
C'est que les curés d'une paroisse en prenaient
encore une autre sous le titre Iromfieur de
vicaire, n'en faisant (ju'une fort petite pension
à celui qui portait le nom de curé. « Sic eludi-
tur ille dolus, quo sa^pe, assignato alicui,
nomine personatus, modico, sinuilate dabatur
alii ecclesia, sub ficto Domine vicari;e, qui
timens alla bénéficia perdere, metuebat eam
recipere ut persona. »
Le titulaire d'un bénéfice est donc celui qui
est ici appelé Persona , et par ce nom est
distingué du vicaire. Or ce canon rendant le
vicariat perpétuel et le déclarant également in-
compatible avec d'autres cures, il en fait en
quelque façon un bénéfice en litre. Enfin ce
canon ordonne que quant à ceux qui ont été
faits vicaires |)ar le passé avant que d'être prê-
tres, ils le seront dans l'année sons peine de
privation. <( Intra annum onlineulnr. » La
raison est, que le nom même de vicaire les
avertit de leur obligation à servir le curé et
son église, « cum vicarii teneantur personis et
ecclesiis deservire. »
Toutes ces résolutions sont parfaitement
conformes aux décisions du pape Alexandre 111
dans le titre de officio vicarii, (|ui sont toutes
adressées aux prélats d'Angleterre. En effet
ce pape prive de la vicairie celui qui a ob-
tenu une cure, ne permet pas à une même
personne d'avoir plusieurs vicairies; déclare
quesi un curé a pris un vicaire et lui a assigné
une |Kirlion congrue de l'avis de révêcjue ,
celui tpii lui succcde dans la cure ne peut ni
éloigner le vicaire, ni dimiinur la pension.
111. Ce même concile '(^au. xn) condamne
encore d'autres abus, (|ui n'étaient pas uu}ins
dommageables à l'Eglise. Celui qui était obligé
de se défaire d'une cure^ parce (ju'il en avait
une autre, en résignait le titre et s'en faisait
donner le vicariat; ce qui n'était qu'une illu-
sion trompeuse. « Cedit quis aliquando perso-
natui, et ab instituto iuibi recipit postmodum
vicariam. Quod fieri non prœsumitur sine
fraude. » On donnait une même cure à |)lu-
sieurs personnes ensemble sous cet api>arent
prétexte (|u'il y avait plusieurs patrons : ce (jui
faisait une multitude monstrueuse de têtes en
un seul corps. « Non uni tantumdatur ecclesia,
sed phuibus, pra-textu plurium patronorum ;
ut sinl plura capita in eodem corpore, quasi
monstrum. »
Les curés prenaient des vicaires pour un
temps et se donnaient cependant la damnable
liberté de ne point résider, de ne s'engager
point dans la prêtrise et de ne porter pas même
l'habit de la cléricature. « Ecclesia s;epe manet,
dum nec persona, nec saltem vicarius inveni-
tur periieluus, sed ali(]uis forte simplex sacer-
dos, qui nec jus habet, nec etiam juris imagi-
nem in eadera. El si moraiu forsitan ibi
traliat, non est sacerdos, nec habitu clericus
sed miles. »
Ce concile condamne tous ces intolérables
abus, surtout celui de partager une église entre
plusieurs curés ou vicaires, « Ut nnmiuam
deinceps in plures personatus, vel vicarias una
Ecclesia dividalur; » si ce n'est où l'ancienne
coutume l'a prescrit de la sorte, et alors même
l'évêque aura soin de partager tellement et le
revenu et les quartiers de la paroisse, qu'il y
ail presque aussi véritablement deux paroisses
(|iie deux cin-ês. » Nisi forsitan sic inslilutum
fuerit al) antique, ubi est per loci epifco|iiMn
providendum, quod tani reditus, quani paro-
chia congruis inter eos portionibus et regioni-
bus. » Il faut suppléer le mot « dividalur. »
LesynodedeWorcester, en l2iO(Can.xxxviii),
obligea également les curés et les vicaires à la
résidence. « Vicarii in ecclesiis suis onniino
resideant, omni occasione cessante. Rectores
etiam ecclesiarum sine liceutia episcopi nuUa-
teiuis se absentent. » Voilà la diflérence des
uns et des autres. Les curés peuvent avoir des
490
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SEPTIÈME.
raisons légitimos de s'absenter avec la i)er-
niifsion de révêque : les vicaires n'en peuvent
|)oint avoir. Ce même synode (Can. xi.i),
olilij,^e les reIif,Meux de présenter à l'évèque
des vicaires pour les églises (|u'ils ont: « Ee-
clesiis quas liabent in proprios usus, » et de
leur assigner des revenus suffisants.
IV. Le concile de Londres, en 1208, nous
apprend que les décrets du concile, tenu en la
même ville en 1237, dout nous venons de faire
le récit, avaient été peu religiieusement ob-
servés. Aussi ils y sont tous renouvelés sous
peine de priver les contrevenants de leurs vi-
caires, et avec ordre aux archidiacres de tenir la
main à l'extirpalion de ces vicaires irréguliers.
C'est apparemment aux religieux que ce même
concile (Can. ix) semble s'en prendre, (|uand
il se plaint avec tant de raison de ce que les
églises sont destituées de vicaires, ou de ce que
les vicaires sont si pauvres qu'ils ne peuvent
satisfaire à leurs charges, a Aut si vicariuni
instituant^ ita modicam ibidcTU relinquuiit
frueluum ])ortionem, quod non possunt sibi
sufficere, et archidiaconorum, et alia incum-
lientia sibi onera supportare (Can. xxin). » Enfin
si les moines man(|uent à leur devoir, l'évèque
doit suppléer en l'espace de six mois.
Ce n'étaient pas les moines seuls, mais aussi
les évê(pies([ui avaient des églises pai'oissiales,
dont ils reliraient les revenus, en assignant
une portion congrue aux curés, ou aux vicaires.
(À' concile les oblige d'entretenir les maisons
l)Our recevoir les hôtes, a Ut episcopi, qui ec-
clesias in proprios usus habent, etc. » Ainsi
ces évêques nonmiaient aussi des vicaires à
ces églises, au lieu de curés, mais des vicaires
perpétuels, connue il paraît que c'était l'esprit
et rinlenlion de tous ces conciles.
V. On peut juger sans témérité (|ue la France
n'était pas exempte des abus qui régnaientdans
l'Angleterre, et qu'elle n'était pas aussi moins
zélée pour en jiréparer les remèdes. Le concile
d'Avrancbc, en 1 172, condamna l'abus de com-
mettre les paroisses à des vicaires annuels.
« Ecclesia^ vicariisanniiis committantur. « Le
concile de la province de liordeaux, à Cognac,
en 1238 se déclara j'our la même incompati-
bilité d'une cure eu litre et du vicariat d'une
autre. « De CMpellanis eeclesiiu'um parocliia-
lium, (jui aliam accipient vicariam, cense-
mus, ut si monitione pra'inissa noluerint ad
iiilitulatam redire, sine remedio illis au-
feratur. »
.Si ce canon (Can. v) s'entendait non pas des
curés, mais des chapelains qui servent dans la
cure, et (jui n'ont été ordonnés cjuc pour y
servir, ce qui est marqué par ce mot intitula-
tam , l'exactitude en est encore plus meiveil-
leuse. Mais c'est descurés qu'il faut l'entendre.
Ce môme concile (Can. iv), ne permet point
aux archiprètres, aux doyens et aux archi-
diacres de substituer des vicaires en leur place
pendant leur absence, si ce n'est pour une
cause juste, et avec l'agrément de l'évèque,
qu'ils sont absents. « Nisi exjusta causa ab-
sentes fuQrint, quo casu poterunt cum con-
sensu episcopi vicarios ordinare. »
(À's derniers vicaires étaient sans doute pour
un temps, savoir, pendant l'absence des archi-
prètres , ou des archidiacres. Il pouvait y en
avoir de semblables dans les cm-es pour la
même raison, ou pendant qu'elles étaient
vacantes. C'est comme il faut entendre le canon
du concile de Pont-Audemer en 1279. « Ut ca-
pellani, quibus ecclesia' comniittunturad tem-
pus, super litteratura, conversatioueatqueordi-
nalione sua diligenterexaminentur (Can. xix). »
Le synode de Baveux, en 1300, voulut ([ue le
vicaire perpétuel venant à mourir, on n'en créât
plus de nouveau, mais que le curé servît en
personne : « Vicario perpetuo cedente, vicaria
personatui accrescat, et ex tune persona illius
Ecclesiœ non per vicariuni, sed per seipsum ibi
deserviat. »
Le concile d'Avignon, en 1326 (Cap. ci), or-
donna que dansles églises que les moines gou-
vernaient, les jirieurs nommassent avant six
mois des vicaiies perpétuels, et qu'à moins de
cela les évêques en établissent eux-mêmes, et
leur assignassent une portion congrue. « In
singulis Ecclesiis per monachos solitis, gubcr-
nari, infra sex menses, priores earum suis
diœcesanis ad curam animarum perpeluos
pr<!sbyteros repr;esentent (Can. xxix). »
Mais le concile d'.Vrles, en l'an I2(i0, nous
apiu'end bien plus nettement l'état des cures
et des vicaires en ces contrées de la France.
Les paroisses étaient presque toutes gouver-
nées par des moines, qui les desservaient eux-
mêmes et en rendaient compte à l'évèque ; mais
depuis ayant commencé à ne ])lus résider, àii'y
mettre (jue des vicaires à teiii|is, et les laisser
même (|uelquefois sans vicaires, ce concile
(Can. v) obligea les religieux, ou d'y résider
eu personne, ou d'y mettre des vicaires |)erpé-
tuels, avec une honnête pension ; voulant qu'à
DES VICAIRES PErxrÉTlEI.S ET AMOVIliLES.
401
moins de cela, rév('(}ue y établit lui-nitMiie
des vicaires perpétuels. «Quia major pars eccle-
siarum ])arociiialiuin luijus provincia\ ad nio-
nachoruuivelcouventuuui rej^ularium pertiucl
prioratuSjde iiuoruui coliegiis aliqui consuerant
in ipsis ecclesiis continue residere, et de ipsis
rationem reddere pra'hitis ; Nunc autem, etc.
Vicario perpetuo per pra'latum instiluto, etc. »
VI. De ce canon il résulte clairement : 1° Que
dès lors on ne souffrait point d'autres vicaires
que des vicaires perpétuels, et qu'on traitait
de Mercenaires tous ceux qu'on mettait pour
un temps. Car c'est ainsi qu'ils sont nommés
dans ce canon du concile d'Arles : « NuUo sa-
cerdote relicto, alicubi mercenario. » 2" Si l'on
souffrait des vicaires à gages et pour un temps
c'était dans une grande nécessité, et avec une
extrême circonspection, pour un peu de temps,
seulement, afin d'y en instituer un perpétuel
au plus tôt, comme on voit dans la fin du même
canon : a Nec ultra mercenariis, nisi bonis et
expertis, et hoc ad tempus, et ex causa doniini-
carum ovium regimina committantur. » 3° Que
si dans quelques provinces on ne voit que des
vicaires au lieu de curés, c'est que ces paroisses
avaient été entre les mains des moines, qui
demeuraient curés primitifs en nommant des
vicaires perpétuels. Ce qui est clair dans ce
même canon. A" Les moines mêmes, ou les
chanoines réguliers avaient eux-mêmesdesservi
ces paroisses , et ce canon leur en laisse encore
la liberté. 5" On y voit encore quels sont les
prieurés- cures. Car ces cures relevaient des
prieurs conventuels. «Major pars parochialium
ecclesiarum hujus provincitc ad monachorum
vel conventuum regularium perlinet prio-
ralus. »
Il ne résulte pas moins clairement des autres
canons ci-devant allégués. 0° Que ces vicairies
perpétuelles étaient vraiment des titres de
bénéfices incompatibles avec d'autres sem-
blables vicairies, ou d'autres cures. 7° On ne
créait que dans l'extrême nécessité des vicaires
perpétuels où il y avait des curés, et on con-
fondait le vicariat avec la cure le plus tôt qu'on
pouvait. 8° Ainsi il y avait deux sortes de
vicaires perpétuels, les uns pour aiderles curés.
les autres tenant lieu de curés. 9° On ne per-
mettait pas partout aux moines d'exercer eux-
mêmes la cure, comme il paraît par le concile
d'Arles (|ui le permet, et celui d'Avignon qui
ne le souffre point.
Tous les vicaires perpétuels ne viennent pas
des paroisses ai)an(lonnées aux moines. Les
évèi|ues en instituaient aussi au lieu de curés
dans celles qui étaient i)his particulièrement
affectées à leur crosse. Outre le canon qui en a
été rapporté, en voici une autre preuve. Le
cardinal légal Oiluii. |inlicaiit les églises de
Cliy|)re en lil.s. onlonna auv évèciiies d'établir
des cliuiielains perpétuels dans toutes les pa-
roisses de la ville et de la campagne. « In aliis
parochiis, tam civitatum (|uam diœcesum, ido-
nei et perpetui instituanlur presbyleri ; » et
un peu avant : « Pnecipimus tam archiepi-
scopo, quam episcopis, ut in suis ecclesiis ma-
gistros capellanos, qui curam teneantur agere
animarum, instituant, quos perpetuo volumus
in suis remanere officiis (Conc, tom. ii. par. u,
pag. :2i02). » Ce n'étaient donc que des vicaires
perpétuels , soit dans les églises cathédrales,
soit dans les autres paroisses.
Ce n'est pas seulement une différence de
nom : il y en a toujours eu une essentielle
entre les curés et les vicaires perpétuels ; c'est
que les vicaires perpétuels n'avaient qu'une
portion congrue, au lieu iiue les curés jouis-
saient des dîmes et de tous les autres droits de
leur dignité. Aussi ce légat, aussitôt après, or-
donne une portion plus grande que par le
passé, pour ces vicaires de Chypre ; et dans la
plupart des canons ci-dessus allégués, il est
parlé des portions congrues en même temps
que des vicaires.
Je ne parlerai point des vicaires que les cha-
noines de Lyon étaient obligés d'avoir par leurs
statuts, dès l'an 1-2.j1, soit qu'ils fussent prê-
tres ou diacres, ou sous-diacres, pour officier
en leur absence (Ibid., p. '2o36).
Vil. Laissons la France et l'Angleterre, et
passons en Allemagne. Le concile deSalzbourg
en 1274 (Can. vni, ix, x), reprit avec une juste
sévérité les curés qui faisaient desservir leurs
églises par des vicaires à gages et révocables,
les obligeant de résider eux-mêmes, et ordon-
nant que dans les bénéfices mêmes que l'on
desservait par des vicaires, on présentât à l'é-
vêque des vicaires qu'il put rendre perpétuels,
et à qui il put assigner une pension suffisante
sur les revenus de l'Eglise. « Episcojio prœsen-
tenlur, (jui ipsos in hujusmodi ^icariis perpé-
tuel, et sufficientem de ecclesiarum reditibus
eis constituât portionem. »
Le concile de Vurtzbourg en 1287 (Can. xvi,
xvii\ commanda aux curés qui avaient des
chapelles dépendantes de leur cure, d'y entre-
40-2
Dl' SECOND ORDUE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-SEPTIÈME.
tenir un vicaire qui y résidât et administrât
les sacrements à leurs paroissiens, et quant
aux abbrs ou aux prieurs qui laisseraient un
mois durant les cures de leur dépendance sans
vicaires, il les suspendit de leur office, réser-
vant à l'évêque le droit d'y pourvoir.
Le concile de Cologne, en 1310 (Can. vti),
trouva mauvais que dans quelques chapitres
on permît ta des vicaires de célébrer dans leur
semaine le divin sacrifice au grand autel ,
et d'assister aux autres heures, et qu'on les
emi)èchàl de lire les leçons, ou de chanter les
versets à matines, qui étaient par cet abus
fort souvent ai)andonnées. « Pra^(i[)imns deca-
nis ut vicariis injungant deinceps versus can-
iarc et lecliones légère, etc. Absurdum est
quod majora et solemniora i)ermiltantur, et
minora denegentur. »
Il est visible que cela s'entend des vicaires
des chapitres. Le concile de Rude, en 1-279
(Can. x), défendit aux archidiacres et aux curés
de prendre des laïques ou des clercs mariés
pour leurs vicaires. Le concile de Salzbourg,
en 11-20 (Can.v, viii), abolitabsolumenl l'usage
des vicaires amovibles: «Nullus adinittatur.or-
dinandus, vel promovendus ad ordinem su|)er
vicaria, nisi sil pcrpt'tua vicaria, a qua non
possit ad inordiuatum placitiun anioveri. »
Les vicairies perpétuelles étaient, selon les
termes propres de ce canon, un titre de béné-
fice sur leipicl ou pouvait être ordonné. Ce
même concile ilédara les curés dignes d'être
déposés, s'ils ne donnaient à leurs vicaires une
portion suffisante des fruits de leur église. Le
synode de Cologne, en 11-23 (Cap. vu), défendit
aux curés et aux vicaires perpétuels, sous peine
d'excommunication, de prendre des religieux
mendiants, ou non mendiants pour leurs vi-
caires, ou pour leurs ctiapelains pendant (ju'ils
pourraient en avoir d'autres.
Vlll. On pourrait mettre au nombre des vi-
caires amovibles les prêtres, qui, bien qu'ils ne
fussent en façon (juelconque bénéticiers, étaient
néanmoins contraints par les évoques, sous
pL'iiie de susiicnsiou, de rendre tous les services
possibles aux paroisses, et de se contenter d'un
fort médiocre salaire. On rencontre un grand
nombre de règlements sur ce sujet dans les
conciles d'Angielerre. « Capcllani (piitnmque
non beneficiati, i)rtesertim idonei , ciiris ani-
manun etecclcsiis, seu pirochiaiibns caprllis,
niodcralis sibi conslilutis salii'iis, aille onuiia
ofliciari etintendere teneantur, etc., sub poena
suspensionis ab officio, etc. (Conc. gênerai.,
tom. II. part, u, p. 193f)). »
Quint aux vicaires ou coadjuteurs des cha-
noines, le concile de Cologne, en 153(>, ne
nous iiermet jias de douter qu'ils ne fussent
véritablement titulaires et bénéflciers, puisque
ce concile les prive des distributions et même
des gros fruits, s'ils n'assistent en surplis aux
offices, en la place des chanoines absents ou
malades, dont ils sont les coadjuteurs. « Cujus
vices gèrent, nisi canonicisadjutores accédant?
Ilorum nimirum vice, qui vel adversa valetu-
dinc detenli, vel negotiis necessariis avocat!,
interesse non possunt (Part. 3, c. ii). »
Il y a même en France des églises où les vi-
caires sont perpétuels et non amovibles. Il en
est aussi où les vicaires des chanoines sont
amovibles, quoiqu'ils iierçoivent les fruits de
leur bénéfice, et ne soient pas privés des dis-
tributions manuelles.
L\. 11 parait clairement, par ce qui a été dit,
que l'esprit et l'intention de l'Eglise a toujours
été (jne les églises fussent desservies par des
vicaires perpétuels, ou par des curés non amo-
vibles.
llihain 111 veut que les églises des moines
aient des curés, ou des chapelains, ou des vi-
caires que les moines puissent présenter à l'é-
vêque, mais qu'ils ne pourront destituer, ce
pouvoir étant réservé à l'évêque, qui le pourra
|)ar un jugement canoni(]ue. « In eccicsiis ubi
monachi habitant, [lopulusper monachum non
regatur; sedcapellanus, qui [lopulum regat, ab
episcopo ])er consilium monachorum instilua-
tur; ita ut ex soliusepiscopi arbitrio, timordi-
nalio ejus, quam deposilio, et totius vitac pen-
deat conversatio (Extra. De statu monachorum,
c. i).»
Il se pourrait bien faire que l'origine de
l'amovibilité des curés vînt de ces cures qu'on
donna, au tein|is de Ciiarlemagneetaux siècles
suivants, aux monastères des moines ou des
chanoines, pour leur entretien et pour leur
subsistance temporelle. Les supérieurs de ces
coniniunaulés regardèrent ces cures comme
des offices claustraux, où le meilleur est effec-
tivement, conformément à la règle, de n'avoir
cpie (les oflicicrs amovibles. Ainsi les curés ou
les vicaires que les abbés niellaient dans ces
ciiri's, soit iiioincs ou chanoines, furent révo-
cables au gré des abbés; et (piand on obligea
les abbés de nommer des curés ou des vicaires
(jui fussent simplement prêtres, ils conli-
DES VICAIRES PKRPÉTL'ELS ET AMOVIBLES.
493
nuèrent d'en nietlrc d'amovibles, jiisi|u';i ce
que les papes et les conciles en uenKuulL'renl
de periH'Inels.
On a bien pu reinaniuiT dans les aulmiti's
précédentes d'autres raisons de cette aTno\i-
bilité. Mais celle-ci semble avoir été la plus fré-
quente. Les curés ou vicaires amovililes qui
restent sont de cette nature. Le concile de
Trente et les déclarations de nos rois, dont nous
allons parler, ne regardent encore presque
que les cures ou vicairies amovibles de cette
espèce.
Au fond raniovibilitc des offices claustraux
était |ilus avantageuse <|ue la perpétuité. Mais
l'Eglise en a jngé autrement i)Our les béné-
fices.
X. Enfin, le concile de Trente ordonne aux
évèques de faire établir des vicaires perpétuels,
si le bien de quehiue église ne les porte à en
souiTrir d'amovildes dans toutes les paroisses
(|ui sont unies à des chapitres ou ci des monas-
tères, ou à des communautés, et de leur faire
assigner un revenu honnête.
« Bénéficia curata, qna' catliedralibus, coUe-
giatis, seu aliis ecclesiis vel monasteriis, beiie-
ficiis, seu coUegiis, aut piis locis perpetuo
unita et annexa reperiuntur, etc., per idoneos
vicarios eliam perpétues, nisi ordinariis pro
bono ecclesiarum regimine aliter expedire vi-
debitur, animarum cura exerceatur , etc.
(Sess. vu, c. 7. Sess. xxi, c. 16). »
Ce concile (Sess. xxiv, c. 13) permet ailleurs
aux évêques de donner des vicaires pour nn
temps aux curés qui ont de la piété, mais qui
manquent de science, « Coadjutores aut vica-
rios pro tempore deputare. »
Comme la cause pour la(|uelle ces vicaires
étaient donnés à ces curés était temporelle, il
s'ensuit de là que ces vicaires n'étaient aussi
que temporels. On pouvait cependant les con-
sidérer dans un sens connue [)er|iétuels, en ce
que les curés à qui ils étaient donnés n'avaient
pas le pouvoir de les renvoyer tant que la
cause poiu' laquelle on avait établi ces vicaires
subsistait.
Ce concile enjoignit aux évêques de distin-
guer les cures dans les lieux où elles n'étaient
pas distinguées et d'y mettre des curés jn'opres
et perpétuels. « Uistiucto iio|iu]o in certas pro-
priasque ]iar<ichias, unicnit|ue suum perpe-
tuum pcculiaienniue parochum assignent. »
Enfin ce concile (Sess. xxv, c. iC), défendit
de ne plus changer à l'avenir en bénéfices sim-
ples les bénéfices curés, en créant un vicaire
perpétuel avec ])ortion congrue. « Bénéficia
(|ua' curam animarum ex prinhTva eorum
inslitutione, aut aliter quomodocuin(|iie reti-
nent, illa deincei)S in simplex beneficium
etiani assignata vicario i)eri)etuo congrua por-
tione, non converlantur. » Et i|uant aux vicai-
ries perpétuelles qui ont. été par le passé for-
mées du démembrement des cures, les évèques
useront de toute leur autorité pour leur faire
donner une portion convenable.
XL La congrégation du concile a déclaré
que les vicaires perpétuels étaient obligés de
résider dans les maisons paroissiales, au rap-
port de Fagnan Fagnan, in 1. r. Décret., part, u,
p. 380), qui propose en même temps la ques-
tion si les chapitres des églises cathédrales
ou collégiales sont obligés de mettre des
vicaires perpétuels sur qui ils puissent se dé-
charger de la cure des làmes ? Et il répond :
1" Qu'ils y sont obligés pour les cures qui
leur sont unies, puisque les chanoines qui ont
des cures unies à leur dignité ou à leur pré-
bende sont contr.iinis d'y mettre un vicaire ])er-
pétuel, selon le chapitre Extirpandœ, § Qui
vcru : Perpeluum et idoneinn habeat vicarium ;
et que Boniface VIII oblige les moines de ne
mettre c]ue des vicaires perpétuels dans les
paioifses qui relèvent d'eux : « Cum sint per-
petui, et nisi per episcopos et ex causa rationa-
bili, ne(]ueant amoveri (In sexto de Capellis
-Monaeli., c. 1) ; ce qui est confirmé par le con-
cile de Trente déjà cité (Sess. vn, c. 7).
-1" Que si les cures sont dans la même église,
les chapitresqni sont chargés du soin des âmes
peuvent nommer des vicaires amovibles et
s'en décharger sur eux, mais qu'il serait à sou-
haiter que le pape lit un règlement pour les
contraindre à ne nommer que des vicaires per-
pétuels, afin que cette paroisse eût un pasteur
propre et particulier, un époux unique et per-
])étuel, qui fût airectionné à ses intérêts, au
lieu que les vicaires amovibles sont comme
lies mercenaires et sans affection, sans stabilité,
miiins respectés et par conséquent moins utiles.
Enfin, le concile de Trente favorise clairement
les vicaires perpétuels.
Xll. L'ordonnance de Louis XIll, en 10-29
[S.v\.. 1-2), confirma le décret du concile de
Trente ci-dessus allégué. Les cures qui sont à
présent unies aux afibayes, prieurés, églises
cathédrales ou collégiales seront dorénavant
tenues à part et à titre de vicariat perpétuel.
494
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE YINGT-HUITIÉME.
La déclaration de Tan 1057 (Art. 20. Mémoi-
res du dev'^é, toni. i, p. 201), n>st pas moins
formelle : « Les archevêques et évêques ordonne-
ront aux abbés, prieurs, chapitres et autres ec-
clésiastiques qui jouissent des droits des curés
primitifs es paroisses qui sont desservies par
curés amovibles, de leur nommer dans cer-
tain temps des préti\^s de la qualité requise,
pour être par eux institués vicaires perpétuels,
El en défaut de ladite nomination et ledit temps
passé, institueront lesdites cures des vicaires
])erpétuels, etc. » Cette déclaration fut donnée
sur les remontrances du clergé.
Si je cite quelquefois l'édit de 1629, publié
et registre au parlement de Paris et rendu par
le roi tenant son lit de justice, c'est parce qu'il
contient des choses qui s'accordent fort avec
les ])remiers points de la discipline. Je sais
bien que cet édit n'a eu depuis d'autorité que
dans les cas qui ont été par arrêts du |>arlement
et du grand conseil conllrmés pour servir de
règlements et de jurisprudence certaine (1).
(1) Comme il n'y a plus en France de curés primitifs, par une con-
séquence nécessaire, il n'y a plus de vicaires perpétuels. Un fait
ressort victorieusement de tout ce qu'on vient de lire, à savoir que
le pouvoir civil n'était pas moins vigilant que l'Eglise à constituer et
à exiger l'inamovibilité des curés. Aux édits de nos rois allégués
par Thomassio, nous ajouterons l'ordre formel donné par le roi de
France à l'évêque de Qiiébec, en Canada, pour rendre inamovibles
tous les curés, u M. de Ponl'^banrain, ministre d'Etat, dit De Latour
« dans les Mémoires sur la vie de M. de Lnval^ éncque de Québec, lui
* a plusieurs fois écrit que l'intention du roi était qu'on fixàtpeu à peu
" toutes les cures, u Une étude rétléchie des articles organiques de 1802
n'en fait pas sortir la mobilité des curés ruraux, dits impropremeniSHC-
cursalistes. Le 3Ie dit ; « Les vicaires et desservants exerceront leur
■ ministère sous la surveillance et direction des curés. — Ils seront
M approuvés par l'évêque et révocables par lui. n Le mot de desser-
vants ne peut indiquer ici que des prêtres auxiliaires, puisqu'ils sont
placés après les vicaires. Quant aux articles, après plusieurs protesta-
tions, le Saint-Siège les déclara, en 1817, abrogés, — abrogantur^
comme a faits à l'insu du souverain pontife, et contenant en outre
0 des choses contraires à la doctrine et aux lois de l'Eglise, o Voir
cette décision dans Ferraris, tome il, col. 875. Pour tranquilliser les
consciences, le gouvernement ferait peut-être bien de revoir et mo-
difier ces articles, que le Saint-Siège désapprouve. Les Mémoires du
cardinal Consalvi qui paraissent au moment de la rédaction de cette
note (juin 1864) donnent de forts curieux détails sur la manière sub-
reptice que le gouvernement employa pour la publication de cea
articles que le cardinal Consalvi qui, comme on sait, négocia le Con-
cordat, qualifie de fruits véritables de l'église Constitutionnelle.
s Ces lois, ajoute-t-il, renversaient à peu près le nouvel édifice que
a nous avions pris tant de peine à élever. ■ (Dr André.)
CHAPITRE VINGT-HUITIEME.
DES BÉNÉFICES DONNÉS A FERME A DES ECCLÉSIASTIQUES.
I. Les ecclésiastiques, pour posséder plusieurs bénéfices, en
prenaient un en titre, l'autre à ferme.
II. Les laïques ne pouvant posséder les bénéfices en titre, en
briguaient la ferme. Ces abus condamnés par les conciles.
III. Ces fermes comprenaient le spirituel des bénéfices.
IV. Il y avait néanmoins des raisons justes d'alTermcr les
églises.
V. Ces fermes, défendues absolument aux laïques, compre-
naient le temporel des bénéfices.
VI. On commence à se relâcher en faveur des fermiers
laïques.
VII. Dans l'Italie, ces abus avaient été inconnus. En France,
on soulTrit les fermiers laïques, quand ou n'appréhenda plus
que de fermiers ils devinssent, cnmuie autrefois, des usurpateurs.
VIII. Pendant les iiremiers siècles, les fermes de l'Eglise n'é-
taient données qu'à des clercs.
IX. Pourquoi il a été nécessaire de traiter ici celle matière.
I. Le concile de Londres en 1237 (Can. ix), dé-
couvre le malicieux artifice de ceu.v qui se fai-
saient nommer fermiers perptiliiels des jilus
rielics é^'lises, de iieurde se faire dépouiller de
leurs autres bénélices, s'ils s'en faisaient pour-
voir en titre ; jouissant cependant de touile re-
venu et ne laissant au titulaire qu'une fort
petite pension.
C'était un étrange renversement qui faisait
du titulaire en apjjarence un pensionnaire ef-
fectif et (lu fermier imaginaire un véritable bé-
nélicier. " .\udi\iinus quod vacante ])injj,ui ec-
clesia, qiiam quidam optabat habere, nec
tamen audebat eam recipere, ut persona, ne
aliis ip«o jure beneficiis ])rivarctur ; cailide
procuravit, ulccclesia illa sibi ad firmani per-
])etuo traderetur : ita quod modicum qiiid
iiide solveret alii nomine personattis, sibique
totum reliquum retineret. »
II. Les laïques ne pouvant posséder des béné-
fices s'en faisaient déclarer fermiers, et sous ce
prétexte ils juui.ssaitnt des revenus de l'Eglise.
Ce concile de Londres (Can. viii), pour re-
DES BÉNÉFICES AFFEEiMÉS AUX ECCLÉSIASTIQUES.
iO.'i
médier à ces abus, résolut qu'on no (ionnerait
jamais à des Iniques la leruie des luMiélices :
« Ciiui laicis d.iri ecclesiasad linuas, siliieiiiliis
inlionestuin, etc., » et qu'on ne la donnerait aux
ecclésiastii|ues mêmes que pourcinc} ans, sans
pouvoir la leur renouveler qu'après avoir été
tenue par quelque autre. « Nec laicis unquam,
nec personis etiam ecclesiasticis ultra ([uin-
quenniuin ecclesi;e ad firmam concedanlur,
nec finito (juinquennio renoventur eisdeiu,
nisi prius ipsasliabuerint alii médiate. »
Enliii il fut résolu que ces fermes ne se don-
neraient (ju'avec l'agrément de l'évèque et de
l'archidiacre. Le synode de Worcester, en 1240,
renouvela ce décret.
Le concile de la province de Bordeaux à Co-
gnac, en 1260 (Can. xui), défendit aux curés
d'une paroisse d'en prendre une autre à ferme,
sous peine d'être privés de leur bénélice, si ce
n'avait été par ordre de l'évèque qu'ils s'en
fussent chargés. « Recfores parocbialiuni cc-
clesiarum alias ecclesiasad firmam non jinesu-
mant recipere, vel tenere, sub pœnaproprii be-
nefieii amissionis, nisi hoc procedcretde nostra
licentia speciali. »
111. 11 parait d'abord fort probable que ces
lois ecclésiastiques se doivent entendre bien
moins des terres, des fonds et des iiefs d'une
église, que des églises mômes, des offrandes,
des prémices, des dimes, et de tout ce que nous
appelons le casuel ; car il n'est parlé ici que des
cures dont ce casuel est le principal revenu. Les
laïques sont absolument exclus de ces fermes.
Or ils semblent plus capables que les clercs
de tenir la ferme des terres et des fonds. On
permet aux ecclésiastiques de tenir ces fermes
pour cinq ans; à peine devrait-on leur i)rocurer
une si longue diversion, et comme une aliéna-
tion des clioses saintes, en s'appliquant à la
culture des terres.
Le concile de Londres, en 1208 (Can. xxi),
semble nous confirmer dans cette pensée, lors-
([u'il défend de donner à ferme les dignités,
les offices, les doyennés et les revenus de la
juridiction ecclésiastique, de la pénitencerie,
de l'autel et des sacrements. « Ne dignitates ,
\el officia, puta decanatus, vel proventus ex
ecclesiaslicae , velspiritualisjurisdictionis exer-
citio, son ex pœnitentia, vel altari. vel sacra-
mentis aliis quibuslibet yenieutes, nullo modo
concedautur ad firmam. »
Ce même concile (Can.xLiv) ordonna de nou-
velles peines contre ceux qui donneraient à
ferme des églises à des laïtiues. ou pour plus
tle cin(i ans à des ecclésiastiques, ou même aux
patrons des mêmes églises dont il est encore
plus à craindre qu'ils ne se rendent pro|)rié-
taires. Mais il y fut surtout déleiulu de donner
a ferme à des moines soit des maisons, soit des
églises ou des fonds : « Mauerium, ccclesiam,
possessiones, vel alia quœlibet bona; » parce
que ce serait engager les moines, contre leur
profession , à une espèce de négoce. « .\d fir-
mam, quœ mercationis instar habet, etc. » Il
paraît dans ce canon qu'on y dislingue les
églises d'avec les maisons , les fonds et les ter-
res. Le concile de Bude, en 1279 (Can. lxv),
étendit cette défense aux clianoines réguliers:
« Ne nionaclii , vel canonici regulares, eccle-
sias ad firmam recipiant , vel condncant. »
IV. 11 y avait néanmoins des raisons justes
et canonicjues d'all'ermer les églises. Le con-
cile de la province de Cantorbéry, à Lambeth,
en 1281 Can. xv), condamne les fermes, si ce
n'est [)our des causes nécessaires et ajjpronvées
par l'évèque: «Nisi ex causis necessariis, per
suos cpiscopos approbatis. » Alors même on ne
peut alfermer les églises qu'à des ecclésiasti-
ques vertueux et sujets à la juridiction de
l'évèque, sans souffrir que par une collusion
criminelle les laïques se servent du nom d'un
clerc. Enfin on doit, dans le contrat, réserver
une bonne partie du revenu de l'Eglise pour
les pauvres, au jugement de l'évèque. « Pin-
guis portio. juri consona, secundum arbitrium
cpiscopi assignetur, sub testimonio quatuor
fidelium parochianorum eisdem fideliter ero-
ganda pauperibus. »
Le concile de Rennes, en 1273 Can. ii), avait
fait le même statut et avait chargé les fermiers
de l'hospitalité. « Nulla parocbialis ecclesia
concedatur ad firmam, nisi juxta diœcesani
arbitrium firmario tanUx portio relinquatur,
c]uod Cbrisli pauperibus valcat condecens lio-
spitalitas exbiberi.» Le concile de Cliàteau-Con-
lier, en 12.31 (Can. v), avait seulement réservé
une portion convenable au chapelain : « Si
aliqua necessitate contingat, quod aliqua eccle-
sia alicui tradatur ad firmam, talis portio fru-
cluum ecclesi:e reservetur capellano, quod ex
eo valeat sustentari. » ^
Le concile de Langeais, en Touraine, en 1278
(Can. vni), voulut que ce fût l'évèque qui réglât
le prix de la ferme quand il le jugerait néces-
saire : « Nec tune ad arbitrium rectoris eccle-
sicc taxabilur Arma, sed ad judiciuni diœce-
496
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-HUITIÈME.
sani. » Les ordonnances synodales de Rouen,
enl'an 12 i.i (Synod . Rotoni . , p. i2,"25 i' . permirent
aux chapelains et aux curés d'avoir encore une
église à ferme : « Ne plusquam unam habeat
ad firmam, » pour une cause raisonnable, et
avec la permission de l'évèque : « Ex causa
necessaria , de nostra licenlia speciali. »
Le synode de Nîmes, en 15Si (Cap. xxi), nous
apprend quelle peut être cette nécessité d'af-
fermer les revenus futurs d'une église ; savoir,
si le prieur ou le recteur doit aller étudier en
théologie ; alors même la ciu'e ne peut être
donnée à ferme, ni à des réguliers, ni à des
laïques, ni sans le consentement de l'évcque.
« Nisi prior, seu rector illius ecclesia^ ad stu-
dium theologiic ire voluerit. » Le synode d'Exe-
ler, en 1-2S7, après avoir fait la même défense
de ne point affermer l'exercice de la juridic-
tion ecclésiastique, les dignités, les offices, les
sacrements, ne reconnaît aucune juste cause
d'affermer les églises, si ce n'est la longue
absence du bénéficier pour des raisons cano-
niques : « Longa^ iiercgrinationis forsitan, vel
studii causa. B-Le synode de Cbicbester, en
1280, ne condamne pas toutes les fermes,
mais seulement celles qui se font aux religieux.
aux patrons et aux laïques. Le synode de
Saintes excommunie ceux qui afferment les
églises sans la permission de l'évèque.
Le synode de Rayeux, en LJOO (Cap. xlvui,
M.ix, L, xcNUi";, condamna fous les alTerme-
ments faits sans la ]>ermission spéciale de
l'évèque, et ne permit aux curés d'une paroisse
de prendre la ferme d'une autre que lorsqu'il
aurait un vicaire perpétuel dans la sienne.
Enfin il défendit aux archidiacres de vendre
ou d'affermer les doyennés ruraux, parce que
c'était vendre la juridiction, (luoique les doyens
dussent rendre compte à l'archidiacre des
amendes pécuniaires. « Ita tamen quod de
emendis jurati superioribus respondebunt. »
V. Mais il faut enfin demeurer d'accord que
ces défenses comprenaient aussi les maisons,
les fonds, les terres, les dîmes et tous les autres
biens des églises paroissiales qu'on ne pou-
vait jamais affermer à des laïques, et qu'on ne
pouvait affermer à des clercs (pie pour cinq
ans, et avec le gré de l'évèfjue.
Le synode d'Exeter, en liST (Cap. xxv), se
plaint de ce que les laïques, sous le nom de
baillis, affermaient et habitaient les maisons
des églises avec leurs femmes et leurs enfants,
ce (pii était également scandaleux et domma-
geable à l'église. « Eccleslas laicis concedi ad
firmnni. sub nomine ballivorum, in quarnm
domibus prapsumunt cum uxoribus et familia
habitare, in grave scandalum et dispendium
ecclesiarnm. » Ce qui est ensuite défendu pour
les (limes même, pour les terres franches de
l'Eglise, et pour tous les fonds patrimoniaux
des paroisses. « Inferdiccntes, ut terra libéra
ecclesiarum, decima\ velqua-que alla ad cccle-
sias pertinentia, propter pericula, qua* de fa-
cili exinde possunt contingere, sub aimuo censu
ad firmam laicorum non eoncedantur.»
Le concile de Compiègne en 13-29, (Can. iv),
fit la même défense aux prieurs et aux reli-
gieux : « Ne jura, reditus, aut possessiones
ecclesia^, alicul ad vitam seu aliquod non mo-
dicum tempus, pecunia exinde recepta, quovis
modo concédât, sine consensu diœcesani. » Le
concile de Lambeth, dans la province de Can-
torbéry, en 1330 (Can. vui) ; « Nullus clericus
aliquod beneficium ecclesiasficum alicui laico
tradat ad firmam, nec etiam frucfus decima-
rum, ante separationem earumdem, eis vendere
prœsumat. n Le clerc qu'un autre bénéfi-
cier constitue son iirocureur général, dans son
bénéfice, pendant son absence, doit être
présenté à l'archidiacre et à l'assemblée du
doyenné. « Archidiacono et ca[iitulo pnesen-
tetur. »
Le pape Benoît, en 1339, défendit aux cha-
noines réguliers de Saint-.\ugustin d'affermer
leurs terres sans cause nécessaire, ou fort utile,
et sans beaucoup de formalités et de précau-
tions qu'il leur pro|)ose. « Sine causa neces-
saria, vel utili, loca su;e administrationi coni-
missa vel proventus locorum ipsorum ad firmam
tradere, vel locare non prœsumant. »
Le concile de Londres, en 1342 (Can. m),
découvrit et condamna la collusion artificieuse
dont on usait, en insérant dans le bail le nom
d'un clerc avec celui d'un laïque, qui était le
seul fermier effectif, et occupait avec sa famille
les maisons de l'Eglise, au scandale des parois-
siens. « In ecclesiarum mansis et domibus
cum uxoribus morautur, etc. Unde scandala
jiulhilaut, etc. »
VI. Le concile de Narbonne en 1374 (Can. vu),
sembla tolérer ces fermes ou bailliages, pourvu
qu'on ne les accortiàl point à \ie, ni pour un
temps déterminé. « Nullus nostrum, nec pra?-
latus, ca])itnlum, vel singularis persona, bal-
livias, scribanias, seu alia officia, ad nos, seu
dignifates vel bénéficia uostra spectanlia possil
DES BÉNÉFICES AFFEUMÉS MX ECCLÉSIASTIQUES.
497
de c.Ttero nlicni concedere ad vitam ojiis, sed
ad bene|ilaciluiii duntaxat concedeiitis. »
Le concile général de Constance ordonna que
les cardinaux qui possédaient en commende des
abbayes, ou dos prieurés conventuels de douze
religieux, y nommeraient un vicaire-général
pour le spirituel et pour le temporel; dans les
autres moins nombreux ils auraient un vicaire
pour le spirituel, et en gouverneraient le tem-
porel par d"autres personnes qui seraient ecclé-
siastiques, autant qu'il serait possible. « Quan-
tum poterunt, per ecciesiasticas personas hoc
laciaut. » Enfin, qu'ils ne pourraient atfermcr
leurs bénéfices à des laïques. « NuUi autein
laico monasteria, aut bénéficia liujusmoili lo-
cent, aut ad firmam, et arrendamentum dent
(Conc. Gêner., tom. xii, pag, 1433). »
Voilà des adoucissements à l'ancienne sévé-
rité contre lesfermierslaiques. En voici encore
d'autres: Les constitutions synodales de l'arche-
vêque de Dublin en Irlande, en 1318, ne blâ-
ment pas les fermes données à des laïques et à
des ecclésiastiques conjointement. « Concessio
vel Arma facta laicis de bonis quibuscumque
ecclesiasticis sine assistentia clericoruni, est ipso
jure nuUa Conc, tom. xiv, pag. 389, 4-28 .
Le concile de Bourges, en 15-28, défend seu-
lement d'afiermer les amendes et le droit du
sceau des évéques. « Emenda'imposteruin non
dentur ad firmam ; nec etiam jus sigilli domi-
norum prcElatorum. »
Le concile 11 de Cologne, en 1319 ibid., jiag.
642, 64.3), ne défendit non plus que d'afîermer
la juridiction, ou de donner à prix d'argent les
charges de ceux qui l'exercent. « Ne quis
pnelafus cujuscumque sit dignitatis , suam
jurisdictionem et munera ulli commissario,
seu coUeetori, licet ecclesiastico, plus oflerenti,
pro pecunia, aut pro certo annuo censu, coin-
mittat, vel vendat, sub pcena excommunica-
tionis. B
Ce concile permit ouvertement de louer à
des laboureurs laïques les terres de l'Eglise.
a Possuntcolouissaecularibusecclesiarum [)rœ-
dia sub annuo censu locari. »
Le même concile permit aux chapitres et aux
monastères d'abandonner tous les revenus et
tous les fonds d'une paroisse à un curé, en se
réservant seulement une pension médiocre :
« pro moderato censu, » pourvu qu'il restât un
honnête entretien au curé. « Ut ei supersit
honestus ac sufficiens victus et vestitus. »
Ce dernier article, que j'ai trouvé à propos
de rapporter dans celendroit, peut passer pour
un affermeiuent de tous les revenus d'une
église paroissiale fait par les curés primitifs
au curé en titre.
Enfin le cardinal Polus, dans les articles de
la rél'ormation du clergé d'Angleterre, en 1330
(Ibid., p. 1733), renouvela les anciennes
constitutions des conciles d'Angleterre , de ne
plus afTermer les dignités, les offices, les archi-
diaconés et l'exercice de la juridiction épisco-
pale , « Ut dignitates , vel officia , decanatus ,
arcliidiaconatus, siveproventusexjurisdictionis
spiritualis exercitio provenientes nullo modo
locentur, seu dentur ad firmam ; » comme
aussi de ne plus atïermer les bénéfices (]ue pour
un an, sans l'agrément de l'évèque : « Reliqua
bénéficia ultra anni spalium, sine ulta iuno-
vationis spe, ad locationem, seu tirmam conce-
dere nemini liceat , pr;cter ordinarii consen-
sum;» maisil ne donna plusd'exclusion générale
aux fermiers laïques. Il ne les admit aussi
qu'avec des limitations, et cela montre que ce
changement s'introduisait peu à peu dans la
police de l'Eglise.
Enfin le concile de Narbonne, en 1607 (Cap.
xxxu), ne fit plus de difficulté sur les bénéfices
affermés à des laïques, pourvu que l'on ne
chargeât pas le fermier des services et des offi-
ces qu'il faut faire célébrer dans l'église, mais
que le bénéficier réservât une partie des fruits
pour un prêtre qu'il présentera à l'ordinaire.
« Beneficiarii fruclus beneficii laicis, aut aliis
quibuscumque arrentando, non apponantclau-
sulam, quod rentarii Ecclesi.-p servitium facere
per seipsos, aut per alios teneantur, sed pen-
sionem ah episcopo pro deservientibus Eccle-
sia3 designandam reservabunt; et presbyteros
pro servitio faciendo per episcopum approban-
dos i)r;csentabunt, etc. »
Il est visible qu'on admet indifféremment ici
des fermiers laïques ou ecclésiastiques, pourvu
que lévêque règle lui-même la portion con-
grue du prêtre qui remplit les charges du
bénéficier absent.
Les anciennes prohibitions contre les fermes
faites à des laïques se sont réduites aux emphy-
téoses qui se font pour un trop long temps et
sans le consentement de l'évèque.
Le concile de Bordeaux, en 1390 Cap. m),
reconnut combien les afférmements et les baux
emphytéotiques étaient dangereux à l'Eglise et
contraires aux anciens canons. « Beneficiorum,
ecclesiasticarumque rerum locatiunes. in em.
Th. — TcME 1.
32
498
DU SECOND ORDRE DES CLERCS.
CHAPITRE VLNGT-liUITlÉME.
phyleosin concessiones, etc. sanctissiinis cano-
num constitutionibus contrarix, Jamnosuui
successoribus prœjudicium , el cerlum eccle-
si.T detrimentum non raro afferre consueve-
runt. » Ainsi ce concile délcnd les eniphyléoses
et les arrentenients pour un temps trop long,
si l'évêque ne les juge utiles à l'Eglise. « Nemo
beneflciorum bona in eniphyteosin concédât,
vel ad longum tempus locet, ni evidens Eccle-
sia; utilitas episcopi judicio aliud postulant. »
Paul II avait cassé tous les baux et atlVrine-
ments au delà de trois ans Extrav. Ambitiosae,
sess. XXV, c. 2). Le concile de Trente cassa
toutes les fermes données depuis trente ans
pour un longtemps, c'cît-à-dire jiour vingt-
neuf ans.
VII. L'on ne doit pas être surpris si jusqu'à
présent nous n'avons rien dit de l'Italie. La
raison en est que toutes ces précautions n'y
étaient pas nécessaires, et on y affermait libre-
ment les dîmes el les autres biens ecclésiasti-
ques.
innocent III manda à une abbaye d'Angle-
terre qu'ils pouvaient affermer leurs dîmes
selon leur ancienne coutume, pourvu que ce
ne fût pas les aliéner, ou les donner en fief,
nonobstant le statut contraire des évèques
d'Angleterre, a Ita tîimen quod bujusmodi loca-
tio ad feudum , vel alienationem non videatur
extendit (C. Yestne De locato et conducto). »
Ce pape, en s'écartantdans cette décision des
statuts des conciles, non-seulement d'Angle-
terre, mais aussi de France et d'Allemagne,
avait sa raison, quoique ces conciles eussent
aussi la leur; car ce qui est convenable et
avantageux en général, peut être désavanta-
geux dans certains endroits par rapport aux
circonstances.
Ainsi ce pape avait raison en considérant la
chose en général; mais les évèques d'Angle-
terre, de France et d'Allemagne, par rapport
à eux, avaient des raisons particulières de ne
pas suivre la décision de cette décrétale. Per-
suadés qu'ils étaient, par une funeste expé-
rience, que les laïques, de fermiers devenaient
ordinairement ou pro|)riétaires , ou feuda-
taircs, et qu'ils avaient saisi une infinité de
biens, et de dîmes qu'on appelait inféodées,
parce qu'ils en avaient fait des fiefs, ils ne
crurent pas devoir déférer à cette décrétale
du pape, et continuèrent de réitérer ks dé-
fenses dont nous venons de parler.
Ce ne fut donc qu'après la déroute de l'em-
pire de Charleniagne , et après les violentes
usurpations que les laïques firent des biens
de l'Eglise, qu'elle fut obligée de se munir de
toutes ces sages précautions. Comme ce dé-
sordre ne passa pas jusque dans l'Italie, ni
dans l'Espagne, aussi on n'y usa point de la
même circonspection. Enfin, lorsque dans la
France même, l'xVngleterre et l'Allemagne,
cette longue séparation entre les personnes
laïques et les biens de l'Eglise eut accoutumé
les laïques à ne plus rien prétendre sur les
biens des Eglises, on n'a plus fait de difficulté
de leur en confier les fermes.
VIII. Il ne sera pas inutile de le répéter en-
core une fois. Saint Augustin même, qui était
de tous les saints prélats qui fiu'ent jamais, le
plus détaché des biens de la terre et le plus
absorbé dans l'étude de la vérité , ne confia
néanmoins jamais qu'à des ecclésiastiques le
maniement du temporel de l'Eglise. « Domus
ecclesiie curam, omnemque substantiam ad
vices valeutioribus clericis delegabat , et cre-
debat (Cap. xxiv). » C'est ce qu'en dit Possidius
dans la vie de cet incomparable prélat.
Le grand saint Grégoire en usa de même,
écartant toujours les laïques de toute inten-
dance sur le patrimoine de l'Eglise , et ne
leur laissant pour leur partage que les armes
et le labourage. « Nemo laicorum quodlibet
palatii ministerium, vel ecclesiasticum patri-
monium procurabat , sed omnia ecclesiastici
juris munia ecclesiastici viri subibant, nimi-
rum laicis ad armorum solam militiam, vel
agrorum curam continuam deputatis (Jean.
Diac, in vita Greg., M. l. ii, c. [o]. »
Si cette conduite eût toujours été observée,
comme il est apparent qu'elle l'était au ienqis
de ces deux grandes lumières de l'Eglise, on
n'eût ijeut-être pas vu ni tant d'oisiveté parmi
les ecclésiastiques des petits ordres, ni tant de
pillages du patrimoine de J.-C. par les laïques.
Nous ne laisserons pas de louer dans la suite
le zèle de saint Chrysostome d'avoir voulu éta-
blir que les laïques reçussent tous les reve-
nus de l'Eglise, et se chargeassent du soin de
nourrir le clergé, qui ne s'occupait pour lors
(]ue des choses célestes, et s'attachait unique-
ment à conduire les chrétiens dans la voie
du salut. Mais comme ce jirojet avait son
bon et son mauvais, la discipline de l'Eglise
a changé là-dessus par rapport aux circons-
tances des temps.
IX. Ce chapitre ne passera pas pour une
DES DIACRES PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
499
digression, si on en considère le commence-
ment et h fin, car je ne m'y suis engagé que
pour développer une espèce de commerides
qui s'était introduite dans les cures, sous le
nom de ferme ; et je le finis en montrant que,
pendant plus de six cents ans ujjrès la nais-
sance de l'Eglise et depuis environ cinq ou six
cents ans avant notre siècle, l'administration
des biens temporels de l'Eglise était une occu-
pation propre et affectée aux ecclésiastiques,
sous le même nom de fermiers, qui pouvaient
bien passer pour bénéficiers, puisque les béné-
ficiers titulaires n'étaient assez souvent que
leurs pensionnaires.
Ajoutez à cela que ces ecclésiastiques, à (jui
tant de conciles viennent de permettre qu'on
atfermàt le spirituel ou le temporel des béné-
fices pour cinq ans, et qu'après quelque inter-
ruption on pût encore le leur affermer; ces
ecclésiastiques, dis-je, pouvaient certainement
passer pour des vicaires.
CHAPITRE VINGT-NEU VIÊME .
DES DIACRES PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Les diacres s'élevaient au-dessus des prêtres, à cause de
leur petit nombre. Saint Jérôme leur reproclie l'occasion de leur
institution, pour assister les veuves.
IL Ce ['ère relève ailleurs l'ordre des diacres, et le reconnaît
divinement institué pour le sacriBce.
III. Preuves que l'assistance des veuves ne fut que l'occasion,
et non pas la cause d'instituer les diacres.
IV. Saint Jérôme leur donne le pouvoir de baptiser.
V. Du nombre des sept diacres à Rome.
VI. L'autre raison de l'orgueil des diacres était leur grand cré-
dit auprès de l'évêque.
VII. Du pouvoir que les diacres avaient de baptiser.
VIII. Et de réconcilier les pénitents dans l'extrémité, en leur
donnant l'Eucharistie.
IX. Preuves qu'on réconciliait les pénitents immédiatement
par l'Eucharistie, au défaut des prêtres, et dans l'extrémité.
X. On défend aux diacres de ne plus célébrer la messe.
XI. On les limite et on les rabaisse en divers articles.
XII. Durant les cinq premiers siècles, ni les diacres, ni même
les archidiacres n'ont jamais exercé aucune juridiction sur les
prêtres.
XIU. Obligation des diacres d'instruire et d'encourager les fai-
bles, surtout dans les occasions du martyre.
XiV. Règlements de l'Eglise grecque sur les devoirs des
diacres.
XV. De la juridiction des diacres sous l'évêque, comparée à
celle de J.-C. sous son Père.
XVI. De leur pouvoir de prêcher et de lire l'Evangile.
1. Saint Jérôme ne crut pas pouvoir répri-
mer l'orgueil et l'insolence de quelques dia-
cres de son temps qui s'élevaient avec une va-
nité insupportable au-dessus des prêtres, qu'en
leur faisant voir leur origine et celle des prê-
tres (Hierou., epist. ad Evagrium). Les diacres,
dans leur première institution, ne paraissent
que pour prendre soin de la nourriture des
veuves et des pauvres : « Mensarum et vidua-
rum minister. »
Les prêtres, au contraire, dans les divines
Ecritures, sont presque confondus avec les apô-
tres et les évèques. Saint Jean prend le nom de
prêtre dans ses lettres : « Presbyter Electa' Do-
minfE presbyter Caio carissimo. » Saint Pierre
se dit le confrère des prêtres : « Presbytères in
vobis precor compresbyter et testis passionum
Christi. » Saint Paul, parlant à tous les prêtres
d'une Eglise, les traite tous comiue des évè-
ques : « Attendite vobis, et cuncto gregi, in que
vos posuit Spiritus sanctus episcopos, etc.
(Actor. c. 20). »
Après cela saint Jérôme tâche de découvrir
d'où peut être venue cette vanité si déraison-
nable des diacres, et il dit premièrement que
cela peut être provenu de leur petit nombre,
au lieu que la multitude des prêtres les avait
exposés au mépris. « Quid paucitatem, de qua
ortum est supercilium in leges Ecclesiae vin-
dicas? Omne quod rarum est, plus appetitur.
Diaconos paucilas honorabiles , presbytères
turba contemptibiles facit. »
II. Saint Jérôme n'a pas laissé ailleurs de té-
moigner une haute estime pour l'ordre des
diacres. Il les met au troisième degré du sacer-
doce. « In tertio gradu (Epist. ad Hetiod.).»
Il les unit toujours aux évoques et aux prêtres.
5!;o
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-NEUVIÈME.
comme tompos.tiit avec eux le clergé ininiitit,
di\iiieiiieiil institué, .\insi il dit ,-i Jovinieii ,
qu'ùler la différence du clergé et des laïques,
c'est renverser la hiérarcliie de l'Eglise. « Si
tollis Ofdinem tabeniaculi, templi, Ecclesi;p,
necquiquam episcopi, frustra presbyteri, sine
causa diaconi (L. ii, Advers. Jovin.). » 11 les
engage dans le même lieu d'une incorruptible
continence, en vue des fonctions sacerdotales :
« Non milii irascantur, sed Scripturis sanctis,
imo episco|)is, et iiresbyteris, et diaconis, et
universo choro sacerdotali et levitico, qui se
noverunt liostias otVerre non posse, si operi
serviant conjugali (In Apolog. advers. Jovin.). »
11 reconnaît donc que les diacres sont insti-
tués origuKiirement pour le ministère sacré
du sacrifice, puisque c'est pour cela qu'il leur
impose le joug de la continence et qu'il les
compare aux lévites du vieux Testament, dont
l'établissement divin avait aussi pour but le
service des autels. C'est ce qu'il confesse dans
la lettre même à Evagrius : « Et ut scianuis
traditiones apostolicas sumplas de veteri Testa-
mento, quod Aaron, et filii ejus, atque levit;e
fuerunt, hoc sibiepiscopi, et presbyteri, et dia-
coni vindicent in Ecclesia Epist. ad Eva-
grium). »
Les diacres seraient beaucoup au-dessous des
lévites par leur institution, si leur ordre n'a-
vait été établi que pour la nourriture des veu-
ves. Saint Jérôme les met, avec les évoques et
les prêtres, au plus haut comble des dignités
ecclésiastiques. « Ecclesia multis gradibus cou-
sisten.s, ad ultimum diaconis, presbyteris, epi-
scopis linitur (Adv. Lucifer.). »
III. Il faut donc accorder ce savant Père avec
lui-même, en disant que ce n'est pas la tin prin-
cipale de la i)remière institution des diacres,
niais l'occasion qui les a fait naître qu'il leur
oppose, afin de rabattre un peu les sentiments
trop élevés qu'ils avaient de leur état.
Les apôtres [irirenl véritablement occasion
de faire élire des diacres, de la nécessité où ils
se trouvaient de se décharger du soin de la
nourriture des pauvres. Ils se déchargèrent
aussi en même temps sur eux du service de
l'autel et en partie même du ministère de la
parole divine, puisqu'alors la table sacrée et la
table comnuuie n'étaient i)oint encore sê|)arées,
et ([ue saint Etienne, le premier des diacres^
commença d'abord à prêcher l'Evangile avec
celte ferveur admirable i|iii mit sur sa tête la
première couronne des mar Ijrs.
Les apôtres unirent même ces deux fonc-
tions d'assister les sacrificateurs à l'autel et
de prêcher l'Evangile à l'ordre et à l'état des
diacres. Mais comme ce n'était pas là la néces-
sité dont ils étaient le i)lus pressés, ils ne se
crurent forcés d'élire des diacres qu'afin de
se reposer sur eux du soin du temporel de l'E-
glise, et de la nourriture des pauvres.
IV. Aussi saint Jérôme donne aux diacres
le pouvoir de baptiser, avec la permission de
l'évêque, et le chrême qu'ils doivent recevoir
de lui; ce qu'il justifie i>ar l'exemple de Phi-
lippe, diacre, qui avait baptisé les Samaritains,
et n'avait pu les bajifiser sans leur donner le
Sainl-Ksiirit. « Inde venit, ut sine chrismatc et
episcopi jussione, neque presbyter, neque dia-
conusjus habeant baptizandi (Adv. Lucifer.).»
Or, le baptême ne pouvait être administré
dans ces premiers siècles sans donner des ins-
tructions aux catéchumènes. Aussi le diacre
Philippe avait premièrtment converti les Sa-
maritains, et ensuite il les baptisa.
V. Après avoir purgé et saint Jérôme et les
diacres mêmes de ce reproche qui regardait
la tin et le but de leur institution, il faut venir
au second point que ce Père a touché ; savoir
le petit nombre des diacres et l'excessive mul-
titude des prêtres. Au moins à Rome, cela était
de la sorte : il n'y avait (|ne sept diacres, et le
nombre des prêtres n'était jwint déterminé.
La lettre que le pape Corneille écrivit vers le
milieu du troisième siècle, et qui est rapportée
par Eusèbe , fait foi (|u'il y avait alors à Rome
quarante-quatre prêtres , sept diacres , sept
sous-iliacres; et que (piant aux ordres infé-
rieurs le nombre en était fort grand (L. vi,
c. W). Il ne faut pas douter qu'en cela l'Eglise
romaine prétendait imiter les apôtres qui n'or-
donnèrent que sept diacres. Les autres Eglises
ne s'attachèrent pas si scrupuleusement à ce
nombre.
L'Eglise d'Edessc, dont il est jorlé dans l'ac-
tion X du concile de Calcédoine, avait quinze
prêtrcis et trente-huit diacres. Justinien mit
dans l'Eglise de Constantino()le jus(]u'à cent
diacres. Aussi saint Jérôme ne se plaint (|ue de
l'Eglise de Rome où les diacres axaient (juel-
quefois pris la hardiesse de mettre les prêtres
au-dessous il'eux. Encore confesse-t-il (]ue dans
les églises de Rome même les prêtres étaient
assis et les diacres debout. « Cfeterum etiani in
Ecclesia Roma» presbyteri sedent, et stant dia-
coiù. »
DES DIACRES PENDANT LES CINO PREMIERS SIÈCLES.
501
Ce n'était donc que hors de l'église et en
l'absence de l'évèque que les diacres s'en f.ii-
saieiit accroire, parce que la présence de révo-
que faisait respecter les prèlres et contenait les
diacres dans le devoir. C'est ce qu'en dit saint
Jérôme dans la même lettre à Evagrius : « Licet
paulatim incrcbrescentibus vitiis inter presby-
teros, absente episcopo, sedere diaconuni vide-
rini ; et in domeslicis conviviis bcuedictiones
presbyteris dare. » Le concile d'Arles (Can. xu;
se déclara contre les entreprises ambitieuses
de ces diacres. « De diaconibus urbicis, ut non
aliquid per se prœsumant, sed honor presbyte-
ris reservetur. »
VI. Mais c'est de l'auteur des questions de
l'un et de l'autre Testament, qu'on attribue à
saint Augustin, que nous devons apprendre
l'antre raison de cet orgueil des diacres. C'était
le grand crédit qu'ils avaient auprès de l'évè-
que, étant ses mains, ses yeux , se? ministres,
ses agents, ses confidents, et ainsi étant comme
les instruments par lesquels il distribuait toutes
ses grâces. C'est pour cela qu'on faisait la cour
aux diacres pendant que les prêtres demeu-
raient sans crédit et sans autoi ité. Tous ces su-
jets de vanité et de faste étaient incomparable-
ment plus grands à Rome ([u'ailleurs , à cause
de cette multitude infinie de grandes aD'aires
qui se portaient au Saint-Siège.
« Immemores elatione mentis, et quod vi-
deant Romanœ Ecclesiœ se esse ministros, non
considérant, quid illis a Deo decretum sit, et
(|uid debeant custodire. Sed tollunt hœc de
memoria assidu;p stationes domestica?, et offi-
cialitas, qua? per suggesliones malas, seu bonas,
nunc plurimum polest. Aul timetur, ne maie
suggérant; aut emuntur, ut prœstent. Hi sunt
qui faciunt eos ordinis sui non considerare
rationem ; quippe cum videant non sic deferri
sacerdotibus, ac per hoc anteferri se putant.
(Qu^st. loi). »
VII. Venons aux devoirs et aux obligations
des diacres et remettons en un autre lieu j)lus
propre la troisième raison sur laquelle étaient
fondées les contestations que les diacres fai-
saient pour la préséance, savoir le maniement
(in trinpore! (jui leur était très-souvent confié.
S.iint Jérôme nous a déjà fait remarquer
quelques-uns de et s devoirs des diacres. Il
nous a appris que le diacre baptisait avec la
permission de lévèijue. Le concile d'Elvire
(Can. Lxxvn) le dit aussi, et il semble même
supposer que l'on confiait des paroisses à des
diacres. « Si quis diaconus regens plebem,
sine episcopo, vel presbylcro alicjuos baptiza-
verit , eos per benediclionem , episcopus perfi-
cere debebit. »
Ce concile semble donner le pouvoir de con-
firmer aux prêtres, mais non pas aux diacres,
puisqu'il ne renvoie pour être confirmés par
l'évèque que ceux qui ont été baptisés par le dia-
cre seul. Saint Jérôme ne le donnait ni à l'un ni
à l'autre dans le livre cité ci-dessus. « Non abnuo
banc esse Ecclesiarum consuetudinem, ut ad
eos qui longe in minoribus urbibus per pre-
sbyteros et diaconos liaptizati sunt, episcopus ad
invocationem sancli Spirilus manuin impositu-
rus excurrat (Adv. Lucif.). »
Il se peut faire qu'en divers temps et en di-
vers lieux on ait suivi des pratiques différentes.
Au reste, le même saint Jérôme dit au même
endroit que le diacre llilaire, qui s'était rendu
le chef des schismatiques lucifériens, ne pou-
vait pas même donner le baptême puisqu'on
ne peut le donner sans l'eucharistie et qu'un
diacre ne peut ni consacrer l'eucharislie, ni
ordonner des é\èques ou des prêtres pour la
consacrer. «Hilarius cum diaconus de Ecclesia
recesserit, neque Eucharistiam conficere potest,
episcopos et presbytères non habens, neque
baptisma sine Eucharistia tradere. »
Cette contradiction apparente se peut lever,
en disant que c'est du baptême solennel que
saint Jérôme parle^ qui ne pouvait effectivement
être donné par les diacres, parce qu'on le
donnait avec la solennité de la messe : ou bien
d'un baptême accompagné de toutes ses per-
fections et suites naturelles, qui étaient la con-
firmation et l'eucharistie, qu'on donnait alors
ensemble pour l'ordinaire, quoiciue dans les
nécessités pressantes on donnât le baptême
seul.
VIII. On serait bien plus surpris d'apprendre
que les diacres ont autrefois réconcilié les pé-
nitents en l'absence des évêques et des prêtres,
si nous ne devions être persuadés qu'il est
plus probable qu'ils ne le faisaient qu'en don-
nant l'eucharistie, dont leur ordre et la pra-
tique des premiers siècles les rendaient dispen-
sateurs. Le même concile d'Elvire (Can. xxxii)
le dit si clairement, qu'on n'en peut douter :
« Cogente infirmitale necesse est prisbyterum
communionem pra-stare debere, et diaconum,
si ei jusserit saceulos. »
Ce canon parle de ceux que l'évèque a mis
en pénitence et qui se trouvent subitement
302
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-NEUVIÈME.
accablés de quelque maladie violente, qui ne
leur permet pas d'attendre ce dernier viatique
de la main de l'évêque. Ainsi c'avait toujours
été l'évêque qui avait été le principal ministre
de la pénitence et qui avait même commencé
de prier pour la rémission des péchés, dont on
devnit faire pénitence.
On y)Ourrait ajouter ce que le père Morin a
justifié par les anciens sacramentaires, que les
prières dont l'évêque usait en mettant un pé-
nitent à la pénitence, étaient les mêmes, ou
avaient le même sens que celles qui donnaient
la dernière absolution à la fin de la péni-
tence.
Enfin c'était toujours l'évêque qui avait per-
mis et au prêtre et au diacre de réconcilier le
pénitent dans le c;is de l'extrême nécessité.
Saint Cyprien ne parle aussi que de ceux que
l'évêque avait admis à la pénitence, quand il
dit que les diacres doivent les réconcilier, si
une maladie violente et imprévue les réduit à
l'extrémité. « Si urgere exitus cœperit, apud
diaconum exomologesin facere delicti sui pos-
sint, ut manu eis in pœnitentiam imposita,
veniant ad Dominum cum pace , quam dari
martyres litteris ad nos factis desideraveruiit
(Cyprian., ep. xui). »
Le concile I" de Tolède (Can. ii) renvoie au
rang des sous-diacres les diacres qui ont été or-
donnés par surprise, après avoir fait la péni-
tence publique, en sorte qu'ils ne puissent plus
ni imposer les mains, ni toucher les vases
sacrés. « Ita ut manum non imponant. » Celte
imposition des mains n'était pas celle qui est
liropre aux prêtres et aux évêques, quand ils
administrent le sacrement de pénitence ; mais
n'étant qu'une cérémonie, elle tendait à même
fin, et préparait les pénitents à la réception de
l'eucharistie.
IX. Si les théologiens permettent encore aux
prêtres de célébrer dans certaines nécessités,
en tâchant d'effacer auparavant le crime dont
ils se sentent atteints, par un clîort d'une dou-
leur et d'une charité sincère, pourquoi trou-
vera-t-on étrange qu'on permît aux diacres de
donner l'eucharistie aux pénitents, réduits à
l'extrémité de leur vie, s'il était impossible de
recourir à un prêtre?
Ensèbe (L. vi, c. -ii) raconte l'histoire adini-
rahle du vieillard Sérai)ion qui n'avait encore
pu obtenir l'absolution d'un crime d'idolàlric ;
mais qui étant pressé des approches de la
mort, envoya quérir le prèlre ; mais le prêtre
n'ayant pu venir, parce qu'il était malade, il lui
envoya l'eucharistie par un jeune enfant; le
vieillard l'ayant reçue , rendit l'esprit en
paix. C'était le saint et savant Denis, évèque
d'Alexandrie, qui racontait cette histoire avec
ajiprobation et avec joie, parce que c'était lui-
même qui avait fait cette ordonnance qu'on
ne refusât jamais la réconciliation aux mori-
bonds.
H faut donc croire qu'il y a eu une infinité
d'exemples semblables, où les prêtres ne pou-
vant aller donner l'absolution à ceux qui
étaient prêts de mourir, leur envoyaient la com-
munion par des clercs, mais surtout par les
diacres.
C'est vraisemblablement le sens de ces deux
canons du concile IV deCarthage (Can. lxxvu,
Lxxvui), qui veut qu'on donne le viatique aux
pénitents , surpris d'une violente maladie ,
mais que s'ils reviennent en santé, on les oblige
de se soumettre à l'imposition des mains, et
aux rigueurs ordinaires de la pénitence. « Pœ-
nitenles qui in infirmitatesunt, viaticum acci-
jtiant. Pœnitentes qui in infirmitate viaticum
Eueharistiœ acceperint, non se credant abso-
lutos, sine inanus impositione, si supervixe-
rint. » Par là il est évident que le viatique est
l'eucharislie , qu'on ne la refuse jamais aux
mourants, (ju'on la leur donnaitquoique, faute
de prêtre, ils n'eussent pas été absous de leurs
péchés et qu'ils dussent encore s'en faire
absoudre, s'ils recouvraient la santé. C'est ma-
nifestement le sens de ces paroles : « Qui infir-
mitate viaticum pœnitentiai acceperint, non se
credant absolutos, sine manus impositione, si
supervixerint. »
On peut encore rapporter à cela même le
canon suivant, qui veut qu'on communie après
leur mort avec les pénitents qu'une tempête,
ou quelque autre accident inopiné aura privés
de toute l'assistance spirituelle de l'Eglise. « Si
casu in itinere, vel in mari mortui fuerint, ul)i
eis suhveniri non possit, memoria corum
et orationibus et oblationibus commendetur
(Can. Lxxix). On eût sans doute communie
durant leur vie avec ceux avec lesiiuels on
connnuniait après leur mort.
\. Je ne dirai |)as ici que les diacres ont
anliefois célébré le divin sacrifice. C'était un
abus insupimrlable, que les conciles condam-
nèrent d'abord. Le concile 1" d'Arles (C. xv) :
« l)(! diaconibns, (|no-cognoviiiuis nujltis locis
dUViii'. plaeiiit iiiîinnie lii ri debere. » Le enn-
DES DIACRES PENDANT LES CINQ PREMIEHS SIÈCLES.
S03
cile IV de Cartilage (Can. iv), rcmarq'ia ([ne
révoque seul imposait les mains au diacre
dans son ordination, au lieu que tous les prê-
tres présents imposaient aussi les mains sur la
tète des prêtres qu'on ordonne^ parce que le
diacre n'est pas ordonné pour le sacerdoce,
mais pour le ministère. « Quia non ad sacer-
dotium, seil ad ministerium consecratur. »
Crtte usurpation sacrilège que les diacres
avaient faite de célébrer la messe, ne laissait
pas de faire voir la vaste étendue de leurs pou-
voirs. Car suppléant en l'absence des évéques
et des prêtres en tant d'autres fonctions sacrées
et une partie assez considérable de la messe
devant être i)rouoncée jiareux^ ils crurent faci-
lement pouvoir aussi otfiir le sacrifice en l'ab-
sence des sacrificateurs.
XL Cependant ce même concile de Cartliage
se crut obligé d'arrêter les entreprises des
diacres en bien d'autres choses. Ils prétendaient
être ministres de l'évêque, mais non pas des
prêtres. Ce concile (Can.xsxvu, xxxviii, xssix,
XL) leur apprend qu'ils le sont aussi des prê-
tres. « Diaconus ita se presbyteri, ut episcopi
ministrum noverit. » On leur défend de don-
ner l'eucharistie au peuple en la présence d'un
prêtre, si le prêtre ne leur commande. « Ut
diaconus praesente prcsbytero Eucharistiam
corporis Christi, populo si nécessitas cogat ,
jussus eroget. » On leur défend de s'as-
seoir en la présence des prêtres s'ils ne leur
commandent de le faire, non-seulement dans
l'église, mais en quelque lieu que ce puisse
être. « Ut diaconus quolibet loco jubente pre-
sbylero sedeat. »
Enfin , on leur défend de parler dans les
assemblées des prêtres si on ne les interroge :
« Ut diaconus in conventu presbyterorum. in-
lerrogalus loquatur. »
Le pape Gélase réduisit les diacres encore
plus à l'étroit. Car non-seulement il leur dé-
fendit toutes les fonctions que rantiquité a
réservées aux évêques et aux prêtres, « quœ
primis ordinibus proprie decrevit antiquitas
(Epist. IX), mais même de baptiser, si ce n'est
dans la nécessité et en l'absence des prêtres ,
de s'asseoir dans le presbytère pendant la célé-
bration des mystères, ou pendant qu'on y traite
des affaires de l'Eglise ; enfin , de donner l'eu-
charistie, si ce n'est en l'absence des prêtres et
des évêques.
XII. Je ne puis suspendre plus longtemps
une observation importante, qui eût été plus
propre aux chapitres xvii. xvm, xix etxx, si les
preuves n'en cusseiil été nécessairement réser-
vées à celui-ci, |iaicc i]u'elles en sont la ma-
tière. C'est qu'entre tant de canons et tant de
faits, qui regardent les diacres et les archidia-
cres , il n'a point paru que les archidiacres
aient eu aucune juridiction sur les prêtres , ni
même qu'ils aient eu la i)réséance au-dessus
d'eux. Saint Jérôme n'aurait pas oublié de dire
que c'était un renversement insupportable de
voir un archidiacre précéder , dominer et
excommunier les prêtres. 11 n'aurait pas oublié
de dire que l'insolence des diacres se fondait
sur l'empire de l'archidiacre sur les prêtres.
L'auteur des ([uestions des deux Testaments
ne se plaint que du crédit que les diacres
avaient auprès du pontife, des respects que cela
leur attirait et de la considération que cela leur
donnait au-dessus des ]irêtres; il se fût plaint
phis justement, s'il eût vu un archidiacre, qui
n'était enfin ([u'un diacre, faire éclater les
marques de sa juridiction et les foudres mêmes
des censures ecclésiastiques sur la tête des prê-
tres.
Le concile IV de Carthage et le pape Gélase
qui ont travaillé à réprimer le faste et les en-
treprises audacieuses des diacres eussent fait
apjtaremment ([uelque réflexion sur cette do-
mination des archidiacres , si elle eût déjà été
telle qu'elle fut depuis.
Il est donc extrêmement probable que les
archidiacres, durant ces cinq premiers siècles,
n'ont pris séance au-dessus des prêtres que
lorsqu'ils ont représenté la personne des évê-
ques dans les conciles, qu'ils ont exercé une
juridiction ordinaire sur les diacres et les
autres clercs inférieurs , que les évêques ne
leur ont guère délégué leur juridiction sur des
prêtres , au moins qu'ils n'ont jamais eu de
juridiction ordinaire sur eux, pendant ce pre-
mier âge de l'Eglise. En effet si cela eût été,
comment n'aurait-on point excepté l'archidia-
cre de la défense générale faite aux diacres de
s'asseoir dans le presbytère, pendant qu'on y
traite des affaires de l'Eglise, ou même de s'as-
seoir quelque part que ce fût en présence des
prêtres, sans leur commandement?
Xlll. Je finirai les devoirs des diacres par
l'obligation qu'ils avaient d'instruire et de for-
tifier les ignorants et les faibles. Saint Cyprien
a protesté que c'avait toujours été la fonction
des diacres de visiter les prisons, afin d'y assis-
ter les martyrs par leurs instructions et par
504
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE VINGT-NEUVIÈME.
leurs ferventes exhortations. « In praeteritum
semper sub antecessoribus nostris factum est ,
ut diaconi adcarceres comnieantes, martyrum
desideria consiliis suis et Scripturarum prœ-
ceptis gubernarent. »
L'illustre diacre Abibus embrasa d'un feu
céleste tous ces bieiilieureux martyrs que la
persécution de Licinius avait jetés dans les pri-
sons d'Edesse, ou qu'elle menaçait d'un rigou-
reux supplice. « Abibo universum imminebat
periculum. Is enim obibatcivitalem, et divinas
cunctos docens Scripturas, et maguo animo
confirnians ad pietatem (Baronius, an. 316,
n. 48, 5-2, 1-2). » Enfin il fut lui-même con-
damné au feu, où ayant ouvert la bouche et
reçu les flammes, il rendit à Dieu son âme tout
embrasée d'un fuu encore plus dévorant. « lu
ignem injicitur, et cum aperto ore flammam
accepisset, apud eum qui dederat, spiritum
deposuit. »
C'est ce que Baronius rapporte de ses actes ;
à quoi il ajoute qu'on peut se ressouvenir sur
ce sujet de ce qu'a écrit Lucien : qu'il avait
souvent oui dire comme une chose certaine,
que le supplice du feu était le plus court de
tous, parce qu'il n'y a qu'à ouvrir la bouche,
et aussitôt on rend l'àme. La même persécu-
tion de Licinius couronna le diacre Ammon,
avec quarante vierges ses disciples, à Andri-
nople en Macédoine. « Hœ Christum secutœ
sub institutione Ammonis diaconi, earum ma-
gistri. »
Eusèbe a donné rang entre les martyrs de
la Palestine au saint vieillard Valens, diacre de
Jérusalem, qui savait toute l'Ecriture par cœur,
et la récitait par mémoire dans tous les endroits
qu'on pouvait désirer avec la même facilité que
s'il l'eût lue. « Tantam Scripturarum meino-
riam in pectus suum iucluserat, ut si quando
aliquem locum citare vellet, perinde expedite
illud posset absque scripto efûcere, atquc ex
scripto légère (Baron., an. 308). »
XIV. Nous voilà tombés dans l'Eglise grecque ;
nous ajouterons brièvement ce qui nous en
reste à dire. Le concile deNéocésarée (Can. xv)
ne voulut pas qu'on ordonnât plus de sept
diacres, qu('1(|ue grande que fût une ville,
parce que ce nombre a été fixé dans les Actes
des Apôtres. Le concile de Laodicée (Can. xx)
défendit aux diacres de s'asseoir en présence
d'un iirétre, s'il ne les en prie , à condition (pu;
les sous-diacres et les autres clircs inférieurs
rendront le même honneur au diacre.
Le concile de Nicée (Can. xvnii défendit aux
diacres de donner la communion aux prêtres,
de toucher à l'Eucharislie avant les évêques ,
de communier eux-mêmes avant les prélres ,
ou de s'asseoir au milieu d'eux. Le concile
d'Ancyre (Can. ii) défend aux diacres déposés,
de plus offrir i-/a<fÉpEw le pain et le vin à la messe,
et d'y prêcher, xT.oûasciv. Mais cette oblation s'en-
tend de celle qui se fait avant la consécration ;
et celte prédication n'est autre chose que la
récitation que le diacre fait à haute voix de
quelques prières ou de quelques exhortations,
comme des préfaces et de l'évangile.
Les constitutions apostoliques avaient fort
exactement réglé les obligations et les pouvoirs
des diacres. « Diaconus non benedicit, nequc
dat benedictionem, accipit vero a presbytère.
Non baptizat , non offert. Oblalione vero a
presbytero, aut episcopo facta , ipse diaconus
dat populo, non tanquamsacerdos,sed ianquam
qui ministrat, presbyteris, etc. Diaconus excoui-
municat hypodiaconum, lectorem, cantoreni
(L. viii, c. 28). »
On voit par là que les diacres ont été plus
limités dans l'Orient que dans l'Occident, quant
à l'administration des sacrements ; mais quant
à la juridiction, elle n'était peul-être pas moins
grande. En effet, outre ce pouvoir qu'on vient
de leur donner d'excommunier les sous-diacres
et les autres clercs mineurs, les mêmes consti-
tutions leur commettent le jugement de toutes
les moindres affaires, ne réservant à l'évêque
que celles qui sont de quelque importance.
XV. Les paroles admirables de cet endroit
des constitutions , sont vraiment dignes de
r<;fprit et de la sainteté des premiers siècles, et
de cette idée toute divine que saint Paul et saint
Ignace avaient tracée de la hiérarchie ecclésias-
tique, imitant d'aussi près qu'il est possible les
processions, les rapports, et les retours inef-
fables des personnes divines. Le diacre est à
l'évêque ce que J.-C. est à son Père ; il est son
œil et son bras ; il emprunte tout et reçoit tout
de lui ; il exécute tout en son nom et par ses
ordres; il lui rapporte toute lagloire de ce qu'il
y a de |ilus grand.
« Diaconus (piidem de reomniad episcopum
nfciat, ut Christus ad Palrem. Verum (jua;-
cuniipie pott'st, facta ab episcopo potestate ,
nioderelur pcr se, sicnt Christus potestitem
crcaniii etprovidendi a Pâtre accepif. Qiiœvero
majora sunt , episcopus judicet. Ca'ti rum ait
diaccMUS cpifeopi amis, et oculus, cl item l'S,
DES SOLS-DIACRES ET DES CLERCS.
oOo
cor et anima. Ne episcopiis sollicitiulinemiilta-
iiim reriini, serl graviorum tantum iirj^eatur
(L. II, c. U). »
Il y avait nn tribunal commun où l'évêque
rendait justice, accompagné des prêtres et des
diicres : « Assist^ant jndicio diaconi et presby-
teri; qui citra acceptionem personarum, tan-
qnam homines Dei , juste judicent ilbid.,
c. XLVU). »
Comme il ne fallait embarrasser ni ce tribu-
nal ni l'évêque de cent petites affaires, on en
abandonnait la résolution aux diacres. Et c'est
encore une preuve que les archidiacres n'exer-
çaient encore aucune juridiction, ni aucune
supériorité sur les prêtres : car c'eût été visi-
blement le principal point qu'il eût fallu réser-
ver à l'évêque , ou à son consistoire.
XVI. Nous avons [larlé des exhortations que
les diacres faisaient surtout dans les occasions
du martyre dont la gloire semblait leur être
réservée, comme il est notoire par ces illustres
exemples d'Etienne dans la Palestine, de Vin-
cent en Espagne, de Laurent à Rome. Quant
aux prédications en forme, quoiqu'ils en
eussent fait autrefois en marchant sur les glo-
rieux vestiges d'Etienne, néanmoins l'auteur
des cnuunentaires sur les épîtresde saint Paul,
atti'ibnés a saint Ambroise. dont il était con-
temporain, remarque fort bien qu'au temps de
la naissance des églises, la prédication était jier-
mise à tous ; mais que de son temps les dia-
cres mêmes ne prêchaient plus en public.
« Hinc ergo est, unde nunc neque diaconi in
populo prsedicant, neque clerici , vel laici ba-
ptizant In Epist. ad Eplies. c. iv). »
L i récitation de l'évangile par le diacre ,
passait pour une prédication, et néanmoins à
•Mexandric elle était réservée h l'archidiacre,
en quelques endroits à des prêtres, quebiuefois
à des évêques, si nous en croyons Sozomène.
« Sacrum codicem Evangeliorum legit Alexan-
dri;e solus archidiaconus , ajiud alios vero
diaconi, in multis etiam Ecclesiis soli sacer-
dotes, diebus autem solemnibus episcopi, ut
Constantinopoii prima séria Resurrcctionis
Dominicœ (L. vu, c. 19). » Il eût pu ajouter
(jue dans les églises d'Afrique, les lecteurs
mêmes récitaient l'évangile.
On peut rapporter ici ce qui a été dit ci-
dessus des diacres, à la fin du chapitre xxiii,
de ce livre.
CHAPITRE TRENTIEME.
DES SOIS-DIACRES ET DES AUTRES CLERCS MINEURS, PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES.
I. Les canons et les cnnstitutions apostoliques ne parlent que
de l'ordre des sous-diacres et des lecteurs. Les exorcistes et les
chantres y sont aussi connus.
II. Saint Ignace et saint Epiphane en ajoutent d'autres, comme
les portiers, les fossoyeurs, les interprètes.
III. Divers règlements des conciles de Laodicée et d'Antioche.
IV. Diverses réflexions sur ces autorités. Institution et utdité
de ces ordres. Ce sont des démembrements du diaconat.
V. Dans rKsIise latine, TertuUien parle des lecteurs et des
exorcistes. Le pape Corneille y ajoute les acolytes et les
portiers.
VL VH. On parvenait à la dignité des lecteurs par quelques
préludes du martyre. Les lecteurs lisaient l'Evangile en Afrique.
VIII. Des acolytes et des exorcistes. Délibération du clergé
sur la promotion des clercs.
IX. Antiquité de nos quatre ordres mineurs dans l'Eglise ro-
maine.
X. Le (-oncile IV de Carlhage règle toutes les ordinations.
XL Eminence de l'ordre des lecteurs par-dessus les autres or-
dres inférieurs.
XIL On montait à ces ordres mineurs, et de là aux supérieurs,
par les degrés du martyre.
XIII, Les plus grands seigneurs de l'Empire se croyaient ho-
norés des miiindres degrés de la cléricature, sans penser aux
revenus des bénéfices.
I. Les canons apostolitjues, après avoir dé-
posé les évêques, les prêlres et les diacres qui
déshonoreront leur sacré ministère par le jeu
des dés ou l'ivrognerie, suspendent de leurs
fonctions pour les mêmes excès les sous-diacres,
les lecteurs, et les chantres (Can. xliii, lxviii'.
Ou y nomme souvent les clercs inférieurs eu
506
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTIÈME.
général , mais on n'en particularise aucune
autre espèce.
Les constitutions apostoliques expliquent
toutes les cérémonies de l'ordination des prê-
tres, des diacres, des diaconesses, des sous-dia-
cres, des lecteurs (L. viu, cap. 16, 17, 19, ï2l,
et cap. xxviii, xxix). Elles font mention des
chantres ; mais elles ne parlent point de leur
ordination : elles avertissent qu'il n'y a point
d'ordination pour les confesseurs et pour les
exorcistes. « Confessor non fit ordinatione;
Hoc enim voluntatis est et tolerantia?, etc.
Exorcista non fit ordinatione, cerlare enim
proprcemio exorcista', liberœ voluntatis est, ac
I>ei gratiœ. »
On y ajoute que si l'Ejilise a besoin d'eux,
on pourra les ordonner diacres, prêtres et évê-
(jues. On y parle des portiers comme d'un
office, non pas comme d'un ordre. On n'y
trouve pas un seul mot des acolytes. Enfin on
ne fait part des distributions qu'aux évêques,
aux prêtres, aux diacres, sous-diacres, lecteurs,
chantres, diaconesses. Ainsi des quah-e ordres
mineurs des Latins, on ne reconnaît dans les
canons et les constitutions apostoliques (jne
les lecteurs, et on n'y trouve ni les exorcistes,
ni les acolytes, ni les portiers.
Ce n'est pas qu'on pût se passer de ces fonc-
tions, mais on les commettait ou aux sous-dia-
cres, ou aux diaconesses, ou à des laïques.
Quant à celle des exorcistes, il y a de l'aiipa-
reuce que les prêtres et les diacres l'exerçaient.
Aussi Eusèbe, dans son petit traité des martyrs
de la Palestine, fait mention de Romain diacre
et exorciste de l'Et^lisc de Césarée, en Palestine.
IL Mais comme on ne peut fixer aucun
temps certain, ni à ces canons, ni à ces consti-
tutions apostoliques, et qu'on sait seulement
que c'était un code des canons et un rituel fort
accrédité dans les Eglises orientales des trois
ou quatre premiers siècles , ce que nous ve-
nons d'en rapporter ne peut nous fournir une
épo<iue certaine de l'anlitiuité de ces ordres.
Saint Ignace parle dans sa lettre à ceux
d'Antioche , d'une manière plus approciianle
des usages de l'Eglise latine : il noinnie tous
nos ordres mineurs, excepté les acolytes, mais
il y ajoute aussi les fossoyeurs. « Saluto hjpo-
diaconos; lectores, canlores, janitores, labo-
rantes, exorcistas. »
Ceux que ce saint 'appelle « laborantcs , »
«Tf.oiT»'-, sont sans doute les fossoyeurs qui s'oc-
i-upenl à enterrer les morts, puisquesaint Epi-
phane en a donné Ini-mème l'explication, après
leur avoir donné place entre les clercs. Après
aNoir nommé les évêiiues, les prêtres, les dia-
cres, les sous-diacres, les lecteurs et les diaco-
nesses , voici comment il parle [des autres :
« Postea sequuntur exorcistsp.. et linguarum
interprètes, tam in lectionibus, quam in con-
cionibus. Sequuntur laborantcs, qui mortuo-
rum corpora curant. Tum janitores, et omnis
séries, km r. -râra eùTc;;» (In Exposit. tidei Catho.
cap. XXI ).» Ces interprètes et les fossoyeurs
n'étaient certainement que des officiers.
Ce saint mettait peut-être aussi dans le même
rang de simples officiers les exorcistes, et les
portiers. On pourrait douter s'il n'y mettait
point aussi les lecteurs. En effet après avoir dit
(jue l'ordre des lecteurs pouvait être donné aux
bigames mêmes, il ajoute que cela ne doit sur-
prendre personne, puis(|ue les lecteurs ne sont
pas de l'ordre sacerdotal, mais ils sont comme
les secrétaires de la parole divine. « Quippe
lector non saccrdos est , scd verbi divin!
scriba. »
111. Le concile de Laodicée, après avoir dé-
fendu aux diacres de s'asseoir devant un prêtre,
s'il ne le leur commande, oblige les sous-
diacres, ûTmpsTO;, et les autres clercs de rendre la
même déférence au diacre. Il défend aux sous-
diacres d'entrer dans la sacristie et d'y loucher
aux vases sacrés (Can. xx). 11 appelle la sacristie
rh !ii^.-M-ny.>j-', apparemment parce que le diacre en
avait l'intendance (Can. xxi). Une leur permet
pas non plus de porter l'étole, «siovov, ni de s'éloi-
gner tant soit peu de la porte du chœur, qu'ils
doivent garder. Ainsi les sous-diacres sont ré-
duits aux oflices des ordres mineurs (Can. xxu,
XLUi). 11 défend aussi aux lecteurs et aux chan-
tres de prendre des étoles pendant qu'ils lisent
ou (|u"ils chantent dans l'église. Il ne (>ermet
piiint à tous ces ministres sacrés, ni aux exor-
cistes, ni aux portiers, qu'il y ajoute, d'entrer
dans les cabarets (Can. xxm). Enfin ce concile
défend aux sous-diacres de donner la paix, et de
bénir le calice : ce sont les fonctions des diacres
à la messe (Can.xxiv, xxv).
Le concile d'Antioche permet aux chorévê-
ques d'ordonner des lecteurs, des sous-diacres
et des exorcistes. On lut un acte du clergé
d'Edesse, dans le concile de Calcédoine, où
|)lusieurs sous-diacres avaientsouscril après les
diacres et les prêtres (Act. tO). Saint Denis,
dans sa hiérarchie ecclésiastique, fait mention
de (|url(pii'S-nns <ie ces ordres uiiiieLU'S.
DES SOrS-DIACRES ET DES CLEKCS.
m
IV. Après cette induction d'autorités , il y
a certainement lieu de faire les réllexions sui-
vantes.
L'Ecriture ne nous proposant que les évêques,
les prêtres et les diacres, autant qu'il est cons-
tant que ces ordres sont d'institution divine,
autant il est apparent que les autres n'ont pas
le même avantage. Aussi tous les conciles et
tous les Pères conviennent unanimement et
invariablement des trois ordres supérieurs et
disconviennent entièrement des autres. Les
uns en ajoutent que la postérité n'a pas recon-
nus, les autres en retranclient que les siècles
suivants ont autorisés.
Ceux qui ont été le plus universellement
reconnus, sont les sous-diacres et les lecteurs,
puis les exorcistes et les ctiantres, enfin les por-
tiers. Les acolytes n'ont point paru dans tons
ces monuments de l'Eglise grecque. Ils n'y ont
pas été plus connus dans les siècles suivants.
Eusèbe nomme les acolytes après les prêtres et
les diacres qui suivirent les évêques au con-
cile de Nicée (Euseb., De vitaConst.. 1. m, c. 8).
Mais ce n'est, dans le texte grec, qu'un terme
général, qui marque tous ceux de la compagnie
et de la suite de l'évêque. Socrate dit qu'à
Alexandrie on faisait des lecteurs, même d'en-
tre les catéchumènes (Socrat., 1. v, c. 21). En
cela il n'est pas à croire. Mais on ne peut nier
que le concile de Laodicée n'ait aboli l'abus
des laïques, qui faisaient l'office de chantres
(Conc. Laod., c. xv).
On ne peut marquer au vrai aucun temps
certain où ces ordres aient commencé. Il y a
foules les apparences possibles, que ce n'ont été
que des démembrements du diaconat, qui se
sont faits successivement les uns après les
autres, selon les besoins nouveaux de l'Efilise.
Ainsi nous avons observé ci-dessus que l'on
peut dire, en un sens fort véritable, que tous
ces ordres mineurs sont d'institution divine
dans leur origine, c'est-à-dire dans le diaconat,
dont ils sont comme les ruisseaux et les écou-
lements; car le diaconat étant la plénitude du
luinistère sacerdotal, tous ces ordres mineurs
en sont-comme des participations.
On peut inférer de là qu'on a été bien per-
suadé que le diaconat avait un rapport essen-
tiel au sacrifice divin de l'Eglise dans son ori-
gine, puisque tous ces moindres ordres ont
une relation primitive et originelle au même
sacrifice.
Tous ces ordres mineurs étaient comme un
long npprentissnge où l'on se formait pour pou-
voir ensuite monter au diaconat, et aux autres
ordres supérieurs.
La dignité de confesseur n'était pas un ordre,
et néanmoins elle servait de degré |)0ur mon-
ter au diaconat.
Comme ces ordres mineurs étaient originai-
rement des offices qu'il fallait exercer, et (juc
tous n'étaient ni ])ropres, ni nécessaires aux
mêmes exercices, aussi on ne les donnait pas
tous à la même personne.
11 y a même des preuves convaincantes qu'on
a quelquefois omis tous les ordres mineurs, et
qu'on a d'abord donné le diaconat à un laïque.
Nous parlerons plus au long de cela dans la
suite. Passons à l'Eglise latine.
V. Terlullien met les e.xorcismes entre les
fonctions propres aux clercs. « Exorcisnios
agere. » Il parle aussi des lecteurs dans le même
endroit. « Hodie diaconus, qui cras lector. »
C'est un renversement de discipline qu'il re-
jiroche aux hérétiques, de rabaisser sans raison
les diacres à l'office et au rang des lecteurs
(De PrcPscript., c. xli). Saint Cy|irien envoya
des lettres au pape Corneille par un sous-diacre
et un acolyte.
Le clergé de Rome lui en envoya par un
autre sous-diacre. 11 en reçut d'autres de Lucius
envoyées par un sous-diacre et trois acolytes
(L.ii, ep. 10; 1. in,(|)..%, ']. Dans une lettre à son
clergé, il leur mande qu'il a recompensé la fidé-
lité vigoureuse de deux célèbres confesseurs, en
faisant l'un lecteur , qu'il avait déjà fait lire
dans l'église aux jours de Pâques, et ordonnant
l'autre sous-diacre, auquel il avait déjà donné
la charge d'instruire les catéchumènes , avec
les prêtres, les docteurs et les lecteurs, a Cum
presbyteris, doctoribus, lectoribus, doctorem
audientium constiluimus (L. m, c. 22). »
VI. Les lecteurs dans l'Eglise d'Afrique an-
nonçaient la paix au peuple et lisaient l'évangile
dans l'église. Saint Cyprien prit de là occasion
d'élever à la dignité des lecteurs ceux dont la
constance avait surmonté la cruauté des enne-
mis de J.-C. et de son Evangile. 11 était bien
juste que ceux qui avaient sacrifié leur vie à la
défense de l'Evangile, le lussent avec gloire
dans le temps du sacrifice. Voici ce que ce saint
évêque dit du jeune confesseur Aurélius :
« Merebatur talis clerico" ordinationis ulte-
riores gradus, et incremenla majora, non de
annis suis, sed de meritis apstirnandus. Sed in-
térim placuit, ut ab officio lectionis incipial;
508
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTIEME.
quia et nihil mapis congruit yoci, quae Domi-
num gloriofa pnTdicatione confessa est, qiiam
celebrnndis tlivinis leclionibus personarc; pnst
verba sublimia, qu,T Christi martyrium prolo-
cula sunt , Evangeliiini Cbiisfi légère , unde
martyres fiunt, ad piilpitum post Catastam \e-
nire, etc. Dominico legil, intérim vobis auspi-
catiis est pacem, dum dedical lectionem (L. ii,
ep. o). »
Voilà par quels degrés on s'élevait à ces
ordres, qui n'étaient eux-mêmes que des degrés
pour parvenir aux ordres supérieurs. Les con-
stitutions apostoliques faisaient d'un confesseur
un diacre ; saint Cyprien se contente d'en faire
un lecteur. Mais il confesse en même temps
que le témoignage illustre qu'il avait rendu à
J.-C. et ce courage invincible avec lecpiel il
l'avait confessé , eussent bien mérité un rang
plus éminent. Il y a de l'apparence que l'âge
de ce généreux confesseur ne souffrait pas
encore une plus liante élévation.
Vil. Le même saint Cyprien parle en un
autre endroit du généreux Célérinus, qui avait
souffert la prison et iilusieurs autres supplices
durant dix-neuf jours et avec une constance
inébranlable ; et il dit que ce sont ceux-là qu'il
faut honorer de la cléricature : « Ut qui snbli-
miter Cliristnm confessi essent, clerum [xisl-
modum Christi ministeriis ecclesiasticis ador-
narent ( L. ni, epist. 22); » qu'ayant si
glorieusement soutenu la vérité de l'Evangile ,
ils méritent d'en être les lecteurs et les pré-
dicateurs : « Légat prœceptaEvangelii Domini,
quœ fortiter ac fidelitersequitur. Vox Dominum
confessa, in lus quotidie, qufc Doniinus locntus
est, audiatur : « que la lecture qu'ils font de
l'évangile, étant soutenue de l'exemple qu'ils
ont donné d'une vertu et d'une fermeté intré-
pide, fait une impression merveilleuse dans les
esprits. « Nihil est in quo magis confesser fra-
tribns prosit, cpiam ut dum evangelica leclio
de orc ejus auditur, leetoris (idem, quisquis
audierit, imitetur. »
Enfin, saint Cyprien ordonne à ces deux lec-
teurs les mêmes distributions que celles (|u'on
donnait aux prêtres. Ce qui fait voir (pu!
c'étaient vérilabltment des bénéfices, et (pidn
ne parvenait aux bénéfices non plus ipi'anv
ordres, (jue par des épreuves de vertu et de
piété.
VIII. Les acolytes servaient à |)orler les
lettres ecclésiastii]ues cpie les évêi|ues s'écii-
vaient les uns aux autres, pour s'entreconiimi-
niquer les affaires importantes de l'Eglise, où
le secret était extrêmement nécessaire en un
temps où les ennemis du nom chrétien ne
cherchaient qu'à profaner nos mystères (L. u,
epist. 8, fO; 1. ni, epist. 7, M, 24).
Saint Cyprien parle en divers endroits des
acolytes et leur donne cette fonction. Il paraît
par plusieurs lettres du même saint Cyprien,
(ju'il n'ordonnait ces clercs mineurs qu'après
en avoir consulté son clergé, et qu'il leur fai-
sait faire quelque fonction de l'ordre avant ijue
de le leur conférer, afin de voir s'ils en étaient
capables.
Voici comme il écrit à ses prêtres et à ses
diacres; « Fecisse me sciatis lectorem Satu-
rum ; et hypodiaconum Optatum confessorem
qtios jam pridem communi consilio, clero
proxiino feceramus, quando aiit Saturo die Pas-
cliœ semel atque iterum lectionem dedimus, aut
Optato,cnm presbyferis, doctoribus, lectoribus,
doetorem audientium constituimus, examinan-
tes, an congrucrent illis oinnia, quœ essedebe-
rent in his, qui ad clerum parabantur (L. ni,
epist. 22). »
Lesautres ordres mineurs ne paraissent point
dans saint Cyprien; ainsi on peut croire que la
fonclion des portiers était exercée par des
laïipies, puisqu'il faisait lire les Ecritures à
ceux qu'il n'avait pas encore ordonnés lecteurs,
mais qu'il y destinait. Et quant à la fonction
des exorcistes, il pouvait en commettre la fonc-
tion aux clercs des autres ordres, et même des
ordres supérieurs.
IX. C'était au même temps de saint Cyprien,
([ue le pape Corneille écrivit cette belle lettre
qui nous a été conservée par Eusèbe, et où il
assure qu'il y avait dans le clergé de Rome
<]uaraute-(|uatre prêtres, fejit diacres, sept sous-
diacres , quarante-deux acolytes et cinquante-
deux tant exorcistes que lecteurs et portiers
Eusebius, 1. VI, c. A3].
Ce sont là certainement les mêmes ordres
mineurs de l'Eglise romaine qui subsistent
encore dans toute l'Eglise d'Occident avec tant
(le gloire et avec une si juste et si particulière
(•(inliance de leur antiquité.
Si le pape Corneille écrivait de la sorte au
milieu (lu troisième siècle, et s'il exposait l'état
liréfcnt de sou Eglise, sans qu'on y eût fait
auiMiie innovation, il est visible que l'établis-
si nient de ces mêmes ordres mineurs était
iriiiie Irès-giande anliquih'' dans la première
Ei;li^e(lii nioiule. Le concile d'Elvire ne nomme
DES SOUS-DIACRES ET DES CLERCS.
5G9
que les sous-diacrcs et les autres clercs en géné-
rai, après les évèques, les prêtres et les diacres.
\. Mais c'a été le concile IV de Carlhage
iCan. V, M, VII, VIII, ix, x), qui nous a le plus
expressément marqué tous les ordres, soit supé-
rieurs ou inférieurs, et les cérémonies les plus
essentielles de toutes les ordinations. Les trois
ordres supérieurs s'y donnent par l'imposition
des mains. On y déclare que le sous-diacre ne
reçoit point l'imposition des mains, et que
c'est pour cela qu'on lui donne la patène et le
calice vide. Suivent les quatre ordres mineurs,
les mêmes que le pape Corneille vient de nom-
mer dans l'Eglise romaine. Leur ordination se
fait aussi par l'attouchement de quelques instru-
ments propres à leur ministère. Mais on ajoute
aux autres quatre ordres inférieurs celui des
chantres, comme si l'.\frique eût voulu tenir
aussi quelque chose de l'Eglise grecque.
11 est vrai que ce concile permet aux prêtres
d'établir des chantres sans eu avertir l'évéque:
ce qui donnerait sujet de croire que c'était
plutôt un office qu'un ordre. Aussi est-il appelé
« Offlcium cantandi. » Mais ces ordres mineurs
ne sont peut-être originairement que des
offices : et on ne peut au moins nier que les
chantres ne fussent clercs et du corps du clergé,
puisque le concile III de Carthage (Can. xxi},
l'avait déclaré en termes formels. « Clericorum
nomen etiam lectores, et psalmistœ, et ostiarii
retinent. »
Saint Augustin parle en quelque endroit des
exorcistes, lorsqu'il dit que le démon n'appré-
hendait pas tant les exorcistes que les dona-
tistes craignaient la lecture des actes de la jus-
tification de Cécilien. « Quando enim daemon
sic exorcistam timeret, quomodo timuerunt,
ne illa legerentur (Conc. Donat. post Collât..
c. xxvi). »
Ce fut peut-être le même saint .Vugustin qui
fit ordonner au IV" concile de Carthage (Can.
xc, xcii), que les exorcistes imposeraient tous
les jours les mains aux énergumènes. et pren-
draient soin de leur nourriture. « Onuii die
exorcistae energumenis manus imponant. Ener-
gumenis in domo Dei assideutibus. vicfus(|uo-
tidiauus per exorcistas opportuno tempore mi-
nistrelur. »
XI. Je finirai ce chapitre par ces trois ré-
flexions, qui ne sont pas de peu de consé-
(juence. La première est , (ju'entre tous les
ordies mineurs, celui des lecteurs était le pkis
considéré et le plus nécessaire. On ne nomme
i[uel(|uefois que les lecteurs dans les monu-
ments ecclésiastiques de l'Orient, et on com-
pr>nd sous ce nom tous les clercs inférieurs.
Cela [)U'aît dans la protestation que tout le
clergé de Constantinople publia contre Ne-
slorius : « Obtestor. ut hanc scliedam ei)isco-
pis, presbyteris, diaconis , lectoribus , necnon
et laicis ostendant Coiail. Ephes., part. 1,
c. XIII,. B
Les deux jeunes princes du sang impérial de
Constantin Gallus et Julien, ayant embrassé
l'état ecclésiasti(]ue, furent d'abord faits lec-
teurs. Quelques Eglises avaient un archilecteur,
ij/.;avx-p/ù(rrr.;, commc il se Voit daus un concile
d'Antioche, dont les Actes furent lus dans l'ac-
tion 14 du concile de Calcédoine. Ce qui sem-
ble marquer que les lecteurs faisaient un corps
qui avait un chef, auquel apparemment tous
les autres clercs inférieurs obéissaient.
Enfin ce n'était pas un petit avantage des
lecteurs, d'être les gardiens des livres des Ecri-
tures saintes, dont on leur confiait le dépôt.
C'est ceciui paraît dans les Actes de la persécu-
tion en Afrique, où plusieurs évêques, à qui
les ministres de la fureur sacrilège des tyrans,
demandaient les Ecritures saintes pour les brû-
ler, répondirent que c'étaient les lecteurs qui
en étaient les dépositaires : «Scripturaslectores
habent fBaron., an. 303, n. 7, 1-2, 13;. »
Xll. 11 est visible que les lecteurs en étaient
plus souvent exposés aux occasions du martyre :
mais c'est à quoi leur ordre même et leur mi-
nistère les préparait ; car c'était [jrincipalement
par la constance dans les persécutions, et par
iiueltjues épreuves du martyre que les laïques
arrivaient a la cléricature et que les clercs mi-
neurs méritaient qu'on les élevât aux ordres
sacrés.
Outre les exemples qui ont été rapportés ci-
dessus de saint Cyprien, et ([ui ]iourraient pas-
ser pour des faits particuliers et desetfets sin-
guliers du zèle de cet illustre martyr, voici la
règle générale que Terlullien propose, comme
étant universellement pratiquée de son temjis
dans toute l'Eglise. Il est vrai que TertuUien
était déjà empoisonné des folies et des illusions
des muntanistes, quand il niait (lu'ou put fuir
dans la persécution; mais les preuves dont il se
sert pour appuyer le mensonge, ne laisseraient
pas de nous convaincre de cette vérité.
En effet il représente aux serviteurs de Dieu,
que ne pouvant parvenir aux degrés [jIus émi-
nents de rEg':i:e, que par quelque victoire sur
SIO
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTIÈME.
les persécuteurs de l'Eglise, ils ne doivent jias
même penser à s'enfuir. D'où il conclut ([ue
les chefs de la milice sainte de l'Eglise, les
évêques, les prêtres et les diacres, doivent en-
core avoir bien plus d'horreur, ou de honte de
la fuite. « Hoc sentire et facere omnem servum
Dei oportet, etiam niinoris loci, ut majoris fieri
])Ossit, si quem yraduin in persecutionis tole-
rantia ascenderit. Sed cum ipsi autores, id est
ipsi diaconi, et presbyteri, et episcopi fugiunt,
cjuomodo laicus intelligere poterit, qua ratione
diclum, decivitate fugite in civitatem (De fuga
il) persecut., c. ix). »
Voilà les degrés par lesquels on montait
alors aux ordres et aux bénéfices, ou aux ordres
et aux bénéfices supérieurs. « Si quem gradum
in persecutionis tolerantia ascenderit. » En
ellV't, si saint Cy[)rien remarquait qu'il sied
bien de faire lire l'évangile dans l'église à celui
qui a déjà versé une partie de son sang pour
l'Evangile, ne croyait-on pas avec autant de
vérité que la lecture publique de l'évangile,
et en général toutes les fonctions des ordres
qui ont (juehiue relation au divin sacrifice de
r.\gnuau céleste, sont autant d'engagements à
sacrifier sa propre vie pour la défense des di-
vines Lettres, et pour la gloire de l'Agneau qui
s'immole tous les jours pour nous (L. viu,
c. 6).
Eiisèbe raconte aussi que les prisons n'étaient
quelquefois |)leines que d'évèques, de piètres,
de diacres, de lecteurs et d'exorcistes, qui fai-
saient de la prison le temple le |)lus saint et le
plus auguste qui fût jamais. «Quippe cum car-
ct'ies olim homicidis de|nitafis tune episcopis,
presbvteris, diaconibus, lectoribus atque exor-
cislis complerentur, etc. »
Le concile IV de Cartliage renouvela cette
ancienne maxime de donner les ordres comme
le prix d'une vertu et d'une générosité con-
sommées. 0 Clericuiii inler tentationes. Officio
suoincnbantem, gradibus sublimandum (Conc.
Cart. IV, can. xli.). » C'étaientles degrés de ces
siècles d'or.
XIII. Voilà la seconde réflexion qui s'est
trouvée n'être qu'une suite de la première. Nous
pouvons en dire autant de la troisième, car
nous avons déjà dit que les deux jeunes princes
de la famille impériale du grand Constantin
se crurent honorés d'être associés à la clérica-
ture, en recevant l'ordre et faisant la fonction
des lecteurs. Ce n'étaient pas les grands reve-
nus de ces bénéfices qui donnaient à ces ordres
un éclat capable d'éblouir et d'attirer les plus
grands princes de la terre. Tout le revenu con-
sistait en distributions et en espèces, à quoi
ces princes n'eussent pas voulu toucher.
Ce n'est donc que la sainteté et la ma-
jesté du sacerdoce, et l'éclat qui s'en répandait
jusque sur les moindres ordres du clergé, qui
donnait de l'estime, du respect et de l'amour
aux plus grands princes du monde qui s'en
estimaient honorés. C'est ce qu'en dit Sozo-
mène, qui remarque que ces deux princes
firent un étude sérieuse des Ecritures avant de
recevoir la cléricature (L. v, c. 2).
Saint Grégoire de Nazianze assure que le
rang et la fonction de lecteurs parut à ces deux
princes quelque chose de plus éclatant et de
plus glorieux que la pourpre même de l'em-
pire. 0 Quin etiam in cleri ordinem seipsos
cooptarunt, adeo ut divinos quoque libros
plebi lectitarent, non minus id sibi amplum et
honorificum esse exislimantes , quam aliiid
quidvis, imo omnium ornamentorum maxi-
mum prœstantissimunique, pielatem esse exi-
stimanles (Orat. i. in Julian.). » Les suites ne
répondirent pas à ces commencements, mais
cela ne peut préjudicier aux vérités constantes
que nous venons d'avancer.
DES SOUS-ltlACKliS ET DES LECTEURS.
SU
CHAPITRE TRENTE-UNIEME.
DES SOUS-DIACRES, DES LECTEURS ET DES AUTRES ORDRES INFERIEURS, AUX SIXIÈME,
SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Les clercs mineurs mêmes travaillaient au salut des âmes,
et s'élevaient par là aus ordres supérieurs.
II. Les sous-diacres touchaient les vases sacrés, et présen-
taient les offrandes au diacre; c'est pour cela que saint Grégoire
les obligea au célibat.
III. Il distinguait pourtant bien les sous-diacres des diacres, à
cause du sacerdoce dont ceux-ci sont participants.
IV. V. Règles admirables de saint Isidore : de la science, de
la piété, de l'abstinence et des jeûnes des chantres et des lecteurs.
VI. Vil. Le chant de l'Eglise romaine fut porté en Angleterre
par deux saints et savants évêques, et par un archidiacre de
Rome.
VIII. Nouvelles preuves que les plus saints et les plus savants
évéques ont aimé et cultivé le chant, comme un moyen propre
pour convertir les âmes.
IX. Saint Grégoire pape enseigna lui-même le chant, compila
les livres du chant ecclésiastique, envoya des chantres par tout
l'Occident.
X Oans la France, les chantres n'étaient ni moins savants, ni
moins pieux, ni moins élevés en dignité.
XI. Ecole des chantres. Nombre des chantres à Constantinople.
I. Les sous-diacres, les acolytes, les lecteurs
et les autres moindres béuéficiers ne laissaient
pas de s'appliquer à la conversion des âmes, et
de monter, par ces honorables dey;rés, aux
ordres supérieurs.
C'est ce que saint Grégoire témoigne d'un
acolyte écrivant à un évêque de Corse ; « La-
tronem praesentium acolythum feoiinus, quem
ad obsequia vestra transmisimus, ut si in lii-
crandis aniinabus amplius servierit, proticere
amplius possit (L. vu, epist. -2). »
Saint Isidore regarde les lecteurs et les chan-
tres comme des prédicateurs qui instruisent
les peuples par la lecture des saints Livres, et
les animent à la vertu par la douceur de leur
chant. « Lectores a legendo et |)salmi.>t;E a psal-
mis canendis vocati : illi enim prtedicant po-
pulis, quid sequanttir; isti canunt ut excitent
ad compunctionem animos audientium. »
Ce Père parle ensuite de deux sortes de
chantres, sans remarquer néanmoins si on les
distinguait dans l'Eglise : « Prsecentor, qui
\ocem prœmittit in cantu. Succeutor, qui sub-
sequenter canendo respondet. »
IL Je ne m'arrêterai pas à rapporter toutes
les fonctions que ce Père assigne à chaque
ordre, elles sont les mêmes que nous les voyons
encore à présent. 11 donne aux sous-diacres la
charge de recevoir les offrandes des fidèles, et de
les remettre entre les mains des diacres, pour
être offertes sur l'autel. « Oblaliones in templo
Dei a fidelibus ipsi suscipiunt ; et levitis super-
ponendas altaribus deferunt i Ibidem; . »
C'est apparemment ce qui éleva peu à peu le
sous-diaconat au rang des ordres sacrés, et ce
qui obligea saint Grégoire d'assujétir indis-
pensablement les sous-diacres à la loi de la
continence, comme nous dirons plus bas en
parlant du célibat. Isidore nous l'apprend
ainsi : « Isli vasa quoque corporis et sangtiinis
Cliristi diaconibus ad altare ofîerunt. De qui-
bus quidem placuit Patribus, ut quia sacra
mysleria contrectant, casti sint, et continentes
abuxoribus; juxta illiid, mundainini qui ferlis
vasa Domini ^De Eccles. Oltic, 1. u, c. 10). »
III. Saint Grégoire ne laissa pas de mettre
une grande différence entre le sous-diaconat
et les ordres sacrés qui se donnent par l'iin|)0-
sition des mains.
Jean Diacre remarque dans la vie de ce pape
qu'il fil ehàlier un sous-diacre coupable de la
même peine infamante que si c'eût été un
laïque; au lieu que si c'eût été un diacre, il se
fût contenté de le déposer de son ministère.
« Quia subdiaconus imposilionein nianus qua
carere potuisset, non babuit, non sacerdotio,
sed officio caruit, et tanquam rêvera infamis
meruit verberibus castigari. Quod enim esset
diacouo gradum amittere, hoc fuit subdiacono
lama- plenitudine caruisse (L. iv, c. 31;.» 11
parle du diaconat comme d'une portion du sa-
cerdoce, du sous-diaconat comme d'un office.
IV. Le même Isidore tâche encore de faire
du lecteur un prédicateur, et il veut que sa
lecture, par la savante variété des tons, des ac-
cents et des affections fasse également paraître
et répandre dans son auditoire sa science et sa
pieté. « Sunt enim lectores, qui verbum Dei
>l^2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CFIAPITKE TRENTE-UNIÈME.
piœdicant, etc. Qui promovelur ad Imnc i:ra-
durn, erit doctrina et libris imbutus, sensuum-
(juc ac verboruin sciencia perornatus, etc. Ut
ad inlellecluin oniniuni mentes sensusijtie pro-
nioveat, discernen<lo jrenera pronunciationis,
alque exprimendo omnium sententiarum pro-
prios affectus. modo indicantis voce, modo do-
lenlis , modo increpantis. modo exhorlantis
(De Eccles. Offic., 1. ii, c. 11). »
11 était difficile (jue les lecteurs s'acquittas-
sent de cette cliarjie en la manière que ce Père
le demande, sans une intelligence au moins
médiocre des Ecritures, et sans un zèle véri-
table du salut du prochain.
V. Le chantre doit autant chanter du cœur
que de la bouche, pour inspirer par les oreilles,
dans le cœur des fidèles, les mouvements
d'une piété et d'une componction sincères.
« Vox ejus christianam simplicitatem demon-
stret, in ipsa modulatione, quœ non musica
vel théâtral! arte redoleat, sed qu» compunctio-
nem ma^is audientibus faciat (Ibid. c. \i). »
C'était pour cela que les anciens se prépa-
raient au clianl par le jeûne, par l'abstinence,
et en ne mangeant ordinairement que des lé-
}{umes pour donner plus de force à leur voix.
(I Aniiqui enim [iridié (luam cantandum er.it,
cibis abstiiiebant ; psallentes tamen lej;umine
in causa vocis assidue utebanlur. Unde et can-
lori's apiid (îentiles Fabarii dicti sunt. »
VI. Rède nous apprend dans son Histoire
d'Angleterre, ([ue l'Ejflise d'York, en l'absence
de l'évèque, fut longtemps frouvernée par le
diacre Jaccjues, dont la science, la sainteté et
les prédications enlevèrent au démon un riche
butin, et un j^rand nombre de personnes qu'il
hiptisa ilurant la persécution. Et la paix ayant
été ensuite rendue à l'Ef^lise, comme il avait
ranfc entre les excellents chantres, il ne fut
^uère moins utile à édifier les fidèles par son
chant et |)ar sa piété.
« Reliciuerat l'aulinus in Ecclesia sua Ebo-
raci .lacobum diaconum, virum utique eccle-
siasticum et sanctum, (|ui multo ex bine teni-
pore in Ecclesia inanens, magnas antiquo hosti
praîdas docendo etbaptizando eripuit. Qui quo-
niiuu cantandi in ecclesia erat [leritissimus ,
recui)erata ]iostm()duin pace, in Provincia cre-
scente numéro fidelium, etiam magister eccle.
sia?tica' canlionis, juxta morem Romanoriim,
seu Cantuariorum, mullis cœpit existere (L. ii,
c. ult.). »
Le célèbre Théodore, archevêque de Cantor-
béry, réjiandit dans toute l'Angleterre ce trésor
de la science et du chant ecclésiastique, con-
forme aux usages de Rome. « Et quicumque
leclioiiibus sacris cuperent erudiri , haberent
in promptu magistros qui docerent : et sonos
cantandi in ecclesia , quos eatenus in cantia
tantum noveraiit, ab hoc tempore per omnes
Anglorum ecclesias discere cœperunt (L. iv,
c. 2). »
Le promoteur de cette communication du
chant de Rome et de Cantorbéry par toute
l'Angleterre fut le saint et illustre évêque Wil-
frid, (]ui fut si zélé pour la foi et la discipline
catholiques. « Qui primus inler e|)iscopos, qui
de Anglorum gente essent, catholicum vivendi
morem Ecclesiis Anglorum tradere didicit. »
VU. Le même archevêque Théodore vit as-
sister à un de ses synodes Jean, archichantre
de l'église de Saint-Pierre et abbé du monastère
de Saint-Martin à Rome, que le pape Agathon
avait envoyé en Angleterre pour s'instruire et
pour l'informer ensuite de la pureté de la foi
des Anglais et pour y enseigner aux monastères
le chant de l'Eglise romaine.
« Intererat huic synodo, pariterque Calho-
licœ fidei décréta flrmabat vir venerabilis Joan-
nes, archicantor ecclesi;psancti Pétri, et abbas
monasterii R. Martini, qui nuper venerat a
Roma, duce reverendissimo abbate Biscopo,
quatenus in monasterio suo cursum canendi
aniumm, sicut ad sanctum Petrum Rom;e
agebatur, edoceret. Egitque abbas Joannes, ut
jussionem acceperat pontificis, et ordinem vi-
delicet, ritumque canendi etiegendi, viva voce
prœfati monasterii cantores edocendo, et ea
qu;e totius ainii circulus in celebratione die-
rum lestorum poscebat, etiam lilteris man-
dando : qu;e hactenus in eodem monasterio
servata. et a multis jam sunt circumqua(|ue
transcripta. Non solum autem idem Jo.uines
i|isius monasterii fratres docebat, verum de
onmibus pêne ejusdem provinciœ monasteriis,
ad audiendum eum, qui cantandi erant periti,
confluebant (L. iv, c. 48). »
Ce passage de Bède nous fournit les réflexions
suivantes :
Voilà un archichcmtre dans l'église de Saint-
Pierre de Rome qui était en même tem|>s abbé
d'un monastère de Rome. Cette dignité était
donc im|iorlante, ce qui paraît encore |)ar le
soin que le pape lui avait donné d'examiner
l'état de l'Eglise et de la foi en Angleterre.
« Non solum autem idem Joannes ipsius mo-
DES SOUS-DIACRES ET DES LECTEURS.
513
nasterii fratrcs docebat, etc. Excepio cantandi
vel legt'iuli munere, in mand.itis acceperat al)
apostolico papa, ut ciijus osset fidei Aiigloiuin
Ecclesia diligenter edisceret, Komanu]ue re-
diens referre. »
On tint pour cela un synode en Angleterre :
il y assista et en prit les actes pour ks [wrter
à Rome. Cela nous conflrme dans la pensée
que les lecteurs et les chantres, en ces siècles,
étaient souvent très- habiles dans toutes les
sciences saintes. Il est probable que les dignités
de chantre ou archichantre commencèrent en
même temps dans les autres églises, à l'imita-
tion de Rome.
Un abbé d'un monastère était membre et
tenait une dignité du chapitre de Saint-Pierre
de Rome.
Le chant, l'ordre des offices et toutes les
cérémonies romaines furent communiquées à
l'Eglise anglicane, qui, ne faisant que de re-
naître pour ainsi dire de ses cendres, ne pou-
vait pas encore avoir eu le temps de se donner
à elle-même tous ces avantages, avec cette
perfection qui éclatait dans la plus ancienne
et la première de toutes les Eglises.
Vlil. Le même Bède parle ailleurs d'un reli-
gieux anglais qui avait reçu du ciel un don
miraculeux de faire des vers sur les choses
saintes, et de chanter si mélodieusement que
plusieurs en étant touchés quitt. lient le monde
pour gagner le ciel. « Cujus carniinibns mul-
torum sa?pe animi ad contemptum sa^culi, et
ad appetitum sunt vitœ cœleslis accensi (L. iv,
G. 24). »
Cela montre qu'on ne se trompait pas à cul-
tiver le chant dans les seules vues d'enflammer
la piété. Aussi le même auteur dit que saint
W'ilfrid, étant encore jeune religieux, résolut
d'aller apprendre à Rome la pureté de la vertu,
de la foi et du chant. « In monasterio cum ali-
quot annos Deo serviret, animadvertit adole-
scens animi sagacis , minime perfectam esse
virtutis viam, quse tradebatur a Scolis ; propo-
suitque animo venire Romam, et qui ad Se-
dem Apostolicam ritus ecclesiastici, sive mo-
nasteriales servarentur, videre (L. v, c. 20). »
Le successeur de saint Wilfiid, dans l'éjjis-
copat, ne fut pas moins curieux du chant que
lui, ni moins persuadé de l'importance de cette
occupation tonte céleste des ecclésiastiques,
qui leur fait déjà sur la terre goûter Us saints
plaisirs, et faire les fonctions des bienheureux.
Ce fut Acca, qui ne crut pas que l'olfice de
chantre déshonorât l'épiscopat , ou pût êde
malséant à un homme consonuné dans la
vertu et dans les lettres saintes. « Nam et ipse
epifcopiis Acca cantor erat iierilissimus, quo-
modo etiam in lilteris sanctis doctissimus, in
ecclesiasticœ quoque institutionis regnlis for-
tissiinus, etc. (C. xxi). » Il avait été à Rome,
étant jeune, avec saint Wilfrid , « Romam ve-
niens, multa iltic, qua? in patria necpiiverat,
Ecclesiœ sanctae institutionis ulilia didicit. »
Mais il fît depuis venir dans son église, et y
conserva l'espace de douze années, un excel-
lent chantre, qui avait été di?ci[tle des dis-
ciples de saint Grégoire Je Grand, à Cantor-
béry : « Cantorem quoque egregium , qui a
successoribus discipulorum beati papœ Grego-
rii in Cantia fuerat cantandi sonos edoclus, ad
se suosque instituendos accersiit, ac per annos
duodecim tenuit. »
IX. Il est donc vrai que les mêmes disciples
de saint Grégoire, pape, qui furent les ajiôtres
de l'Angleterre, y furent aussi les instituteurs
et les premiers maîtres du chant ecclésiastique;
et après avoir appris aux Anglais a connaître
Dieu, ils leur enseignèrent aussi à chanter ses
louanges. Saint Grégoire lui même, qui a été
le plus admiiable théologien qui ait jamais
rempli le siège de Pierre, ne croyait pas s'a-
baisser trop, ou avilir la première dignité de
l'Eglise, et la majesté du royal sacerdoce, en
enseignant le chaut aux jeunts chantres de
l'Eglise.
M Propter musicœ compunctionem dulcedinis
antiphonarium centonem, cantorum studio-
sissimus, nimis utiliter compilavit : scholam
quoque cantorum, quœ haclenus eisdem insti-
tulionibus in sancta Romana Ecclesia modu-
latur, constituit, etc. Usque hodie lectus ejus,
in que recubans modulabatur , et flagellum
ipsius , quo pueris minabatur , veneratione
congiua, cum authentico antiphonaiio reser-
vatur (Jean Diac, in ejus vita, 1. ii, c. 6). »
Le même Jean Diacre dit ensuite que les
Français et les Allemands ont tâché d'imiter
la douceur du chant grégorien , mais qu'ils
n'ont pu en atteindre la perfection à cause des
additions qu'ils y ont faites, et que leur voix
n'a pu s'adoucir jusqu'au point qu'il fallait.
« Hnjus modulationis dulcedinem inter alias
Europae gentes Geimaiii seu Galli discere, cre-
broque rediscere insigniter potuerunt ; incor-
ruptam vero , tam levilate animi , quia non-
nuUa de proprio Gregorianis cantibus nuscue-
Th. — TouE L
33
5U
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-DEUXIÈME.
nint, quam ferilate quoque naturali, servare
minime potiierunt (C. 7, 8. Ibid.j. »
Cet auteur n'a pu parler que de son temps
ou de celui qui l'avait précédé. Il ajoute que
ce fut à l'occasion de la mission d'Augustin en
Angleterre , que saint Grégoire commença à
faire part à tout l'Occident de la sainte suavité
du chant romain. « Hujus Gregorii tempore
cum Augustino lune Brilannias adeunle, per
Occidenlem quoque Romanae institntionis can-
tores dispersi, barbaros insigniter docuerunt.»
X. Grégoire, évêque de Tours, ne donne ni
moins de piété, ni moins de science à ses
chantres. « Unus ex clericis meis Armentarius
nomine, bene eruditus in spiritualibus scrip-
luris, cui tam facile erat sonorum modulatio-
nes appendere, ut eum non putares hoc medi-
tari, sed scribere, in servitio valde strenuus,
et in commisso fidtdis (Mirac, 1. i, c. 33). »
Il fait voir ailleurs ce que nous avons déjà
dit, que les chantres n'étaient plus ce qu'ils
avaient été, c'est-à-dire que ce n'étaient pas seu-
lement des jeunes enfants ou des jeunes clercs,
m.iis que c'étaient des prêtres, des ahbés, des
évèques, saint Grégoire nous oblige presque à
dire des papes, qui faisaient gloire de chanter
et d'apprendre à chanter dans l'église de la
terre ce (jue les anges et les saints chantent
dans le ciel. « Valentinus igitur cantor, qui
tune presbyter habebatur, etc. (Vitic Patruni,
c. vi). »
XI. Mais outre ces dignités de chantres ouar-
chichanlres, qui étaient plutôt des offices que
des ordres, il y avait toujours un nombre con-
sidérable de jeunes clercs, dont les uns étaient
simplement chantres, les autres lecteurs, sous-
diacres, portiers. L'empereur Jusiinien défen-
dit , par une de ses constitutions nouvelles ,
qu'il y eût dans la grande église de Constanti-
nople plusde quatre-vingt-dix sous-diacres, cent
dix lecteurs, vingt-cinq chantres et cent por-
tiers ; et il régla aussi avec proportion leur
nombre dans les autres églises (Nov. ui, c. i).
CHAPITRE TRENTE-DEUXIEME.
DES SOUS-DIACRES ET DES AUTRES CLERCS INFÉRIEURS SOUS L EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
I. Le concile Vil condamne les clercs, lesquels étant simple-
ment tonsurés, sans avoir reçu l'ordre de lecteur, lisaient dans
l'église.
II. La tonsure monastique ne surfisait pas non plus pour être
lecteur; mais les abbés prêtres et bénis pouvaient donner l'ordre
de lecteur à leurs religieux.
III. Ces lecteurs qui lisaient sans l'ordre, étaient peut-être
ceux que leurs parents avaient habillés de noir, en leur coupant
les cheveux.
IV. Dans l'Arménie, les lecteurs et les chantres avaient été
des laïques sans tonsure.
V. Au temps de Balsamon, les chantres et les portiers étaient
des laïques.
VI. En quelle vénération étaient les clercs inférieurs dans
l'Eglise latine. Lois de Charlemagne pour cela.
VU. Les ordres rameurs se donnaient encore séparément.
Vlll. Des lecteurs et des sous-diacres oblationuaires.
I.\. Des domestiques et des portiers.
!. Le Vil"' concile général condamna une
pratique irrégulière qui s'était glissée dans l'E-
glise; c'est que les clercs, après avoir été ton-
surés, sans avoir reçu l'imposition des mains
de l'évêque, lisaient publiquement les livres
sacrés. Les religieux prétendaient aussi que
l'exercice et la fonction de lecteur était insé-
parable de leur tonsure religieuse.
Ce concile (Can. xix) abolit encore cette
prétention , permettant seulement aux abbés
qui sont prêtres et qui ont été bénis par l'é-
vêque, d'imposer les mains à leurs religieux
pour les ordonner lecteurs, comme les anciens
canons avaient permis aux chorévêques d'or-
donner des lecteurs avec la permission de l'é-
vêque.
« Et quoniam videmus sine manus imposi-
tione a parvula œtate tonsuram cleri qnosdam
accipientes nondum ab episcopo manus ini[io-
sitiune percepla, super ambonem irregulariler
in collecta legentes ; praecipirnus amodo id
minime fieri. Idipsum quoque conservandum
DES SOUS-DÎACRES ET DES CLERCS LNFÉRIEURS.
515
est inter monachos. Lectoris autem manus
imposilionem licentia est iiniciiique abbati in
proprio nionasterio solumniodo fiiciendi ; si
duntaxat abbali manus iin[)ositio facta nasca-
tur ab episcopo secundum niorem praeficiun-
dorum abbatuni , dum constet illum esse
presbyttTuni. Simili modo secundum anti-
quam cousuetudiiiem cborepiscopos prœce-
plione episcopi oportet promovere lectores. »
H. Il est donc permis non-seulement aux
chorévèques , qui n'étaient que des prêtres,
mais aussi aux abbés bénis qui sont prêtres,
d'ordonner des lecteurs, pourvu qu'ils ne con-
fèrent cette dignité qu'à leurs religieux ; et il
est défendu aux clercs qui n'ont reçu que la
tonsure, de lire publiquement dans l'église,
s'ils n'ont reçu l'ordination des lecteurs par
l'imposition des mains de l'évèque.
Ce dernier abus était apparemment provenu
de ce que, durant l'espace de plusieurs siècles,
il n'y avait point de clerc qui n'eût reçu quel-
qu'un des ordres inférieurs, et c'était le lec-
torat qui était le plus ordinairement conféré
avec la tonsure : ainsi ce n'était presque qu'une
même chose d'être tonsuré et d'être clerc, et
d'être lecteur. 11 arriva de là que lorsqu'on
commença de séparer la tonsure ou la clérica-
ture des ordres mineurs, les clercs simples se
persuadèrent facilement qu'ils pouvaient faire
l'office de lecteurs.
Quant aux religieux, ils crurent aussi fort
longtemps que la tonsure monastique était
équivalente à la cléricature, et qu'elle pouvait
paraître suffisante pour exercer les offices des
ordres inférieurs. En effet, nous avons mon-
tré ailleurs que la profession monastique a
souvent tenu lieu des ordres inférieurs pour
être élevé ensuite au diaconat et au sacerdoce.
C'était donc alors aux abbés à donner ces
offices des ordres inférieurs à ceux de leurs
religieux qu'ils en jugeaient les plus dignes;
et ce qui ne se faisait peut-être d'abord que
par un commandement , se fit ensuite avec
cérémonie, et avec une imitation plus expresse
des ordinations é[)iscopales.
Balsamon reconnaît bien que Photius met
les moines au rang des clercs dans son Nomo-
canon (ri' voaozivcvov), et qu'il justifieson sentiment
par le canon de Laodicée : « Nota , patriarcha
quidem qui hoc Nomocanonum composuit,
doclurus quinam sint clerici, transmisil sta-
tim ad XXIV Canonem synodl Laodicenae, qui
etiam monachos clcricis conuuuurat. » Mais il
ne peut se résoudre à suivre cette doctrine de
Photius, et il tâche d'en faire voir les inconvé-
nients, dont celui-ci n'est pas le moindre, que
si la tonsure suffit pour faire que les moines
soient lecteurs, il s'ensuivra que pour être lec-
teur il suffira que le religieux ait été tonsuré
par un autre religieux prêtre, quoiqu'il ne soit
pas abbé, et qu'il n'ait pas reçu ce pouvoir de
l'évèque : ce qui est opposé au canon ci-dessus
allégué du Vil' concile général. 11 s'ensuivrait
que les religieuses auraient le même droit,
puisqu'elles ont aussi la tonsure monastique.
« Si datum fuerit ex sola tonsura monachos
esse lectores, monachi indistincte lectoris mu-
nia omnino exercebunt, etiamsi a monachis
sacerdotibus tonsi fuerint, qui nec sunt anli-
stites monasteriorum, nec ab episcopis faculla-
tem acceperunt. Quod absurdum est. Porro
autem monachis quoque feminis hoc conce-
detur propter tonsuram. Quod est absurdis-
simum (In Nomocan. Phot., tit. i, c. 31).»
Le même Balsamon propose ailleurs un
autre doute qui partageait les sentiments des
canonistes : savoir si les abbés, outre leur or-
dination, ou la bénédiction qu'ils reçoivent de
l'évèque, ont encore besoin d'une permission
particulière de sa part pour ordonner des lec-
teurs dans leurs monastères.
Quelques-uns croyaient que cette permission
était nécessaire , parce que le pouvoir d'or-
donner est réservé aux évêques; et les autres
prêtres ne pouvant pas ordonner des lecteurs,
même avec la permission des évêques : « Cum
nuUus sacerdos possit lectorem ordinare ,
etiamsi ei ab antistite hoc permissum fuerit
(In Can. xix. Synod. TrulL), » c'est toujours
un privilège assez singulier des abbés de pou-
voir le faire avec la permission de l'évèque.
Balsamon est pourtant d'avis que cette permis-
sion expresse n'est plus nécessaire, mais qu'elle
est renfermée dans l'ordination, ou dans la
bénédiction même de l'abbé par l'évèque ;
puisque le canon xiv du concile Vil donne
en général ce droit à tous les abbés. « Ego
vero intelligo hoc monasteriorum prœfeclis
indistincte a canone concessum esse. »
III. Cet auteur dit au même endroit que ce
pouvoir a été donné aux abbés, parce qu'il ne
leur est pas facile, ni à leurs religieux, à cause
de léloignement de leurs monastères, de venir
dans les villes pour demander cette ordination
des lecteurs aux éNèques.
Il sera peut-être encore plus utile de remar-
516 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-DEUXIÈME.
qucr, avec le môme Balsamon, que ces jeunes
lecteurs qui sont cassés dans ce même canon,
ne sont peut-être pas ceux que l'évêque aurait
tonsurés, sans les faire lecteurs par l'iniposi-
tion des mains, parce que rimposition des
mains de l'évèque n'était autre que celle qu'il
leur faisait en leur coupant les cheveux en
forme de croix. Mais c'étaient des enfants tout
petits, que leurs parents liabillaient de noir
dès lors et consacraient à Dieu en leur coupant
les cheveux.
Ce canon ne soullie jilus que ces enfants qui
n'avaient été ni tonsures ni ordonnés lecteurs
par l'évêiiue, fassent roffice de lecteur dans
l'église. « Uuoniam videnius nonnullos a pue-
ris nigris vestibus indutos, tanquam Dec con-
secratos, tonsuraque suseepta , non per sui
cpiseojii manuum imiiosilionem audentes ,
postquam ad aitatem pervenerint, divinas Scri-
pturas in snggestu légère, non canonice, etc. »
IV. Le concile in Trullo (Can. xxxui) avait
déjà condamné la pratique des Fglises d'Ar-
ménie , où la fonction des lecteurs et des
chantres était exercée par ceux qui n'avaient
jamais reçu la tonsure de l'évèque. « Scriptu-
ras nulli liceat in suggestu recitare, nisi is sa-
cerdotali tonsura nsus fuerit, et benedictionem
a suu paslori' c uionice susceperit. » D'où il est
encore manifeste i|ue l'évèque créait des lec-
teurs par la lonsuie même, qui était accompa-
gnée de l'imposition des mains, et de la béné-
diction en forme de croix.
Bilsamon dit encore plus nettement sur ce
canon, que (pioiiiue ce ne fût pas son avis,
c'était celui de plusieurs autres que la tonsure
monacale tenait lieu de la cléricale, et don-
nait le même droit de lire dans l'église. « Sed
et mouaehos (|ui non liabent episcopales coro-
nas, sed monachieam tonsuram,dieunt(|uidam
posse in suggestu légère Apostolum et reliqua,
queinadmodum et clerici, tanquam monacha-
lis tonsura utique sufficiat pro tonsura cléri-
cal i. »
Ceux-ci étaient mieux fondés sur l'ancienne
discipline, l'opinion de Biilsamon était ()lus con-
forme à la police de son siècle, et aux intentions
des évoques de son tenqis.
V. Le même l'alsamon dislingue les ordres
et les offices des chantres et des lecteurs et dit
que les chantres de son temps n'étaient que
des cunufiues , ce qui n'était pas de la sorte
dans les siècles passés. « Nota (]uod olim can-
toiiim ordo non ex eunucliis solum, iil ho lie
fit, constituebatur, sed ex iis qui non eranl
ejusmodi (In Can. iv, Synod. Trull.) » Il ajoute
que les lecteurs lisaient les livres saints après
(|ue les matines étaient finies. « Ut in ambone
divinas Seripturas legerent post finilnm ma-
tutinum (Nemocan., tit. i, c. 31). »
Il remarque ailleurs que les exorcistes et les
])ortiers étaient aussi dans le rang des clercs,
et jouissaient des mêmes privilèges, mais que
l'église de son temps avait d'autres portiers qui
n'étaient plus du corps des ecclésinstiques : ce
qui montre que ces offices étaient déjà com-
muniqués à des laïques. Zonare était entré dans
les mêmes sentiments que Balsamon sur l'ordi-
nation des lecteurs par les abbés (In Can. xiv,
synod. 7).
VI. Quant à l'Eglise latine, il y a peu de
chose à ajouter à ce que nous en avons dit ci-
dessus. Le rang honorabb qu'on y donnait
encore aux clercs inférieurs, paraît excellem-
ment dans une lettre du pape Adrien. Ce pape
parlant des quatre envoyés de Chirlemagne
vers le Siège apostolique, il donne la qualité de
religieux à un abbé et à deux diacres, et celle
de magnifique à un portier, « magnificum ostia-
rium. »
Le concile II de Reims, de l'an 813 (Conc.
Call., tom. n, p. 122, t23], avertit tous ks
clercs mineurs que leur profession est une
milice, par laquelle ils se sont engagés à com-
battre pour la cause de Dieu, « Deo n)ililare. »
Il y est marqué en particulier que l'olfice de
sous-diacre est de lire à l'autel les épîtres de
saint Paul, comme celui du diacre est de lire
l'évangile (Can. ni, iv, v).
L'empereur Charlemagne (Capitul., 1. vu,
c. 30H) conunanda à tous ses sujets, en quelque
èminente digintè qu'ils pussent être élevés, de
révérer avec les plus profonds respects les
moindres ecclésiastiques et de leur obéir comme
à Dieu même dont ils sont les vicaires, protes-
tant (]u'il ne croirait jamais que ceux qui ne
sont pus fidèles à Dieu, ou qui ne veulent pas
se soumettre à tous ceux qui sont revêtus de
(|uelques rayons du royal sacerdoce de J.-C.
pussent jamais garder la foi et la soumission
tju'ils doivent aux princes de la terre.
« Vohmius atque praecipimus, ut omnessuis
sacerdotibus, tam m.ijoris ordinis, ijuam et in-
ferioris, a minimo usque ad maximum, ut
snnuno Deo, cnjus vice in Ecclesia legitione
fuiiguntur obedientes existant. Nam nullo
p.uto agnoscere possumus, qualiter nobis fide-
DES SOUS-DIACIIES ET DES CLEKCS INFERIEURS.
517
les existcre possiint, qui Dco infidèles et suis
facerdotibus iiiobedientes exiileriiit; aul qu:i-
liler riobis obedieiiles, nostrisqiie Illiui^tli> ac
le{,'atis obtempérantes erunt, qui illis in Dei
cansis et Ecclesiarum utilit.itibus non obtem-
pérant. ;)
Ce pieux et admirable prince n'excepte pas
même ses propres enfants, auxquels il proteste
aussi bien qu'à tous ses seigneurs qu'il inter-
dira son palais et sa communion , s"ils ne s'en
rendent dignes par leur respect et leur obéis-
sance envers les ministres des autels. « Qui
autem in his, quod absit, aul négligentes, aut
inobedientes fuerint inventi, sciant se nec in
nostro imperio honores retinere, licet eliam
lilii nostri fuerint, nec in palalio locum, neiiue
nobiscum aut cum nostris societatcm , aut
communionem uUam liabere, sed magis sub
magna districlione et aridilute pœnas luere. »
VII. On a pu observer dans ce qui a été dit
que l'ancienne police subsistiit encore de ne
conférerles ordres mineurs que successivement
les uns après les autres, et de ne les conférer
pas tous à la même personne , puisqu'elle ne
pouvait pas les exercer tous ensemble. Les por-
tiers dont nous avons parlé étaient sini|)lement
liortiers; les lecteurs n'avaient point d'autre
ordre inférieur, puisqu'il n'était ni nécessaire,
ni même possible qu'ilsen fissent les fonctions.
Saint Bernard, qui fut depuis évéque d'Hildes-
lieim, fut d'abord créé exorciste, afin que celle
dignité excitât son zèle pour en mériter une
plus relevée (Surius, die xx Nov.).
Vlli. Le lectorat était celui de tous les moin-
dres ordres qui était le plus ordinairenunt
conféré, parce que c'était celui qui pouvait i)lus
facilement être exercé par les jeunes enfants
qui se dévouaient à la milice ecclésiastique. Le
sous-diaconal était le plus relevé; entre les
sous-diacres, celui qui était commis pour por-
ter les oblations à l'autel, élait le ilief de tons
les autres. Le pape (jiégoirc 111 (l('|)utail un
jirètre |iour aller célébier le divin sacrifice
dans les cimetières aux jours solennels, et y
faisait porter les offrandes par un sous-diacre
qui empruntait son nom de cette fonction.
« Et oblationes de patriarchio per oblaliona-
rium deportarentur ad celebrandas missas
(Anastas. Bibl., in ejus vita). »
C'est ce qu'en dit Anastase, bibliothécaire,
dans la vie de ce pape, et il remarque lui-
même ailleurs que le premier des sous-diacres
que les Grecs appelaient domestique des sous-
diacres, était appelé par les Latins oblationaire.
« Primum subdiaconorum Grœci Domesticum
vocant, quera Romani Oblationarium. » Cette
qualité d'oblationaire est néanmoins aussi attri-
buée à un diacre dans le concile romain , qui
canonisa saint Udalric. « Johannes diaconus et
oblalionariiis ' Anno 99o. — Act. -2, synod. 8). »
IX. La qualité de domeslique parmi les Grecs
signifie le chef et le président d'un corps. Curo-
palute et les autres Grecs jiarlent souvent du
général de la soldatesque , qu'ils appellent
« Domesticum scholarum (Du Cliesne , Hist.
Franc, tom. ii, p. 71-2, 713). » Le titre de por-
tier dont nous avons parlé ci-dessus pourrait
aussi être pris pour un office dans le palais
imjiérial. Il nous resle deux lettres de Frota-
rius, évêque de Tout, écrites au premier por-
tier du sacré palais. « Illustrissimo viro, et
toto atfectu colendo ac desiderando Gerungo ,
summo sacri palatii ostiario, Frolharius episco-
pus, etc. »
Ainsi le titre de magnifique, dont il a été
parlé ci-dessus, pourrait avoir été donné à un
officier du palais, ou à un portier du clergé du
palais, dont les prérogatives singulières trou-
veront un chapitre à part dans la suite de ce
livre.
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DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
DO DIACONAT, DD SOCS-DIACONAT, ET DES AUTRES ORDRES INFÉRIEURS, APRÈS LAN MIL
jusqu'à PRÉSENT.
I. Tous ces ordres conservent encore dans les plus saintes
lois de l'Eglise leur élévation ancienne, et la qualité dî bénéfice.
II. Le diaconat conserve encore son ancienne prérogative. Le
sous-diaconat commença sous Urbain 11 a s'approcher davantage
des ordres sacrés.
III. Innocent 111 acheva de le mettre au rang des ordres
sacrés.
IV. Les théologiens avaient jugé que l'Eglise avait institué
les ordres mineurs.
V. Saint Boniface les renferme tous dans le diaconat.
VI. C'est le sens du concile de Trente.
Vil. Les diacres ont longtemps exercé quelques fonctions sa-
cerdotales.
Vin. On a quelquefois donné des églises à conduire k des
diacres.
IX. On a passé quelquefois sa vie dans le diaconat.
X. Diversités entre les Grecs et les Latins dans les ordres
mineurs.
XL Relâchement des Latins en les donnant tous ensemble, et
n'en exigeant pas l'ciercice. Le concile de Trente y remédie.
XII. Ce concile travaille aussi à en refaire autant des béné-
fices. Les autres conciles le secondent.
XIII. Des universités et des séminaires.
XIV. Autres oflices au-dessous des ordres mineurs,
XV. Des marguilliers,
XVI. Du béuélice de l'eau bénite.
XVU. Offices encore plus bas donnés à des clercs.
I. La longue révolution des siècles et la muta-
bilité inévitable de la discipline ecclésiastique ,
n'a pu encore altérer la vérité constante de ces
deux maximes que nous avons avancées ci-
dessus, savoir que le diaconat possède un rang
et une éniinence toute particulière aAcc 1 epis-
copat et la prêtrise au-dessus des autres ordres
et que tous les ordres, tant supérieurs qu'infé-
rieurs, doivent être en même temps considérés
comme des bénéfices. Ce sont les deux points
que nous tâcherons d'éclaircir dans ce cha-
pitre.
IL Quant au premier, savoir que le diaconat a
été encore considéré comme une portion illiisti e
du sacerdoce ctde la hiérarchie diviiiemenl ins-
tituée, c'est ce que nous remarquons encore
dans le concile de Limoges, en 1031, où se
trouvèrent les évêqucs, les prêtres et lesdiacrcs.
0 Convenerunt omnes simul episcopi, cuin
presbyleris et diaconibus. » Le concile de
Bénévent, en lO."}!, voulut que les évêques ne
fussent choisis que d'entre ceux qui seraient
déjà dans les ordres sacrés, c'est-à-dire dans la
prêtrise ou le diaconat, qui sont les seuls ordres
de l'Eglise primitive. Néanmoins dans la néces-
sité et avec la dispense du pape ou du métro-
politain, ce concile permet de les élire d'entre
les sous-diacres.
Ce décret n'est rapporté que fort imparfaite-
ment dans la dernière édition des conciles,
mais il se trouve entier dans le décret d'Ives
de Chartres, sous le nom du concile de Déné-
vent, et dans celui de Gratien, sous le nom du
pape Urbain, c'est-à-dire d'Urbain II, qui pré-
sida à ce concile.
« Nullus in episcopum eligatur, nisi in sacris
ordinibus religiose vivens fuerit inventus.
Sacros autem ordines dicimus diaconatum et
presbyteralum. Hoc siquidem solos primiliva
legilur habuisse Ecclesia subdiaconos vero quia
etipsi altaribus ministrant, opportunitate exi-
gente concedimus, si tamen spectatce sint reli-
gionis et scientiae. Quod ipsum non sine
Romani pontificis, vel metropoiilani licentia
fieri concedimus (Ivo, p. v, c. 7; Gratian., d. lx,
c. 4-). »
Le pape Innocent III rapporte ce décret dans
une de ses décrétales, et il l'attribue au pape
Urbain I", mais c'est une faute des copistes.
(;ar c'est Urbain II qui présidait au concile de
Bénévent. Et quand Innocent III parle en ces
termes : « Urbanus ad statum primitivae Eccle-
sia' se referens, etc. (C. A multis. De setate et
(jualit. praeflc.), » il fait assez connaître que
c'est d'Urbain II qu'il parle; car Urbain I"
n'avait pas besoin de remonter jusqu'aux pre-
miers siècles de l'Eglise, puisqu'il en était lui-
même une brillante lumière.
Innocent III tâche, dans celte décrétale, de
nous jiersuader cjuT'ibain II avait déjà reconnu
le sous-diaconat entre les ordres sacrés; ce
(pi'il prouve par ses pro|)res paroles : « Cum
hoilie subdiaconalus inter sacros ordines com-
DU DIACONAT, DU SOUS-DIACONAT, etc.
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putetur, sicut Urbanus papa II sub bis vcibis
expressit : Qui in sacris ordinibus, presbyterahi,
diaconatu, siibdiaconatu sunt po?ili. »
Mais les termes formels d'Urbain II et du
concile de Bénévent semblent signifier le con-
traire : « Sacros ordines presbyteratum dici-
mus et diaconatum. Hos siquidem solos primi-
tiva Ecclesia legitur habuisse. » Enfin ne
permettant d'élever les sous-diacres à l'épis-
copat que par dispense, c'est une preuve qu'il
ne leur donnait pas encore rang entre les ordres
sacrés, puisque la règle générale dont il s'a.^'is-
sait, et dont on dispensait dans la nécessité
pour les sous-diacres , était qu'on ne pût être
élu évêque, si l'on n'était déjà dans les ordres
sacrés.
III. Ce fut donc proprement Innocent III qui
donna l'élévation et le rang d'ordre sacré au
sous-diaconat, lorsque dans la même décré-
tale il ne voulut plus qu'il fût besoin de dis-
pense, pour faire un évêque d'un sous-diacre.
a Slatuimus, ut subdiaconus in episcopum
valeat libère eligi . sicut diaconus , vel sacer-
dos. »
En effet la loi subsistant de ne prendre les
évêques que d'entre les ordres sacrés, et Inno-
cent III ordonnant qu'on pourrait librement
les prendre d'entre les sous-diacres, aussi bien
que d'entre les diacres et les prêtres , c'est
manifestement mettre le sous-diaconat au rang
des ordres sacrés. Si ce pape cherche les fon-
dements de cet établissement au temps et avant
le temps d'Urbain II , c'est peut-être pour ne
pas se donner la gloire de cet établissement,
ou pour lui donner plus de poids, en faisant
remonter son origine à un temps plus reculé.
En efTet, dans une autre décrétale ce pape
étend aux sous-diacres le privilège des diacres,
quant à l'état de servitude, confessant qu'avant
lui cela était autrement, et que les sous-diacres
ordonnés sans le consentement de celui dont
ils étaient esclaves étaient renvoyés dans
leur première servitude. « De subdiaconali
ordine, quia de eo non fit mentio in Patriun
statulis expresse, videtur nobis, quod etiscum
diaconat i gradu , privilegio gaudet eodem
(C. Miramur. De servis non ordin.). »
Ce pape ajoute avec beaucoup d'adresse ^\ue
quoique le sous-diaconat ne fût pas un ordre
sacré dans l'ancienne Eglise, il l'était indubi-
tablement de son temps, depuis les constitutions
de Grégoire et d'Urbain. « Nam licet sacer ordo
non reputaretur in Ecclesia primitiva , tamen
a Constilutione Gregorii atque Urbani, secun-
dum moderna tempora sacer gradus esse
minime dubitatur. »
.Saint Grégoire le Grand I", mit en vigueur
et en exécution la loi précédente de Léon
pour le célibat des soiisdiacres. Mais ce ne fut
])as cela qui fit compter entre les ordres sacrés
le sous-diaconat. Ni le pape Urbain II, ni le con-
cile de Bénévent, n'eussent pas parlé comme ils
ont fait, si depuis cinq cents ans le sous-diaconat
eût été un ordre sacré. Ils n'eussent pas dé-
fendu de faire d'un sous-diacre un évêque, si ce
n'est dans la nécessité, et avec dispense du
canon qui réserve cet avantage aux ordres
sacrés, si depuis cinq cents ans le sous-diaconat
eût été de ce nombre.
C'estdonc le sens, et l'intention d'Innocent III
de dire que s'il a mis le sous-diaconat entre les
ordres sacrés, s'il a permis d'élire des évêques
d'entre les sous-diacres, s'il a communiqué aux
sous-diacres les franchises desdiacres, il n"a rien
fait de surprenant, puisque saintGrégoire obli-
geant les sous-diacres à la continence, et Urbain II
voulant bien qu'on en fît des évêques, au moins
par dispense, ils avaient déjà jeté les fonde-
ments de cette nouvelle élévation du sous-
diaconat.
IV. Le maître des sentences dit nettement
que c'est l'Eglise qui a institué les sous-diacres :
« Levitas ab Apostolis ordinatos legimus, sub-
diaconos vero et acolylhos procedentetempore
Ecclesia sibi constituit (L. iv, d. 2i). » Saint
Thomas dit excellemment que l'Eglise primi-
tive n'eut que trois ordres, des évêques, des
prêtres et des minisires, c'est-à-diredes diacres,
tous les ordres mineurs étantencore renfermés
dans le diaconat. « In primiliva enim Ecclesia
solum erant très ordines, ut dicit Dionysius,
scilicetepiscoporum, presbyterorum, et mini-
£trorum,et non dividebanlur per diverses gra-
dus, sed omnia erant in uno ordine, propter
paucitatem ministrorum, et propter novitatem
Ecclesiœ(In. c. ni, episl. i. ad Timotli.)»
Hugues de Saint-Victor, qui écrivait après
Urbain II etavant Innocent III, se tient unique-
ment au décret d'Urbain II, dont il ne fait que
copier les paroles, et nie par conséquent que le
sous-diaconat soit un ordre sacré. « Sacros au-
tem ordmesdiaconatuselpresbyteratus tantum
appellandos consent ; quia hos sulos primitiva
legitur Ecclesia habuisse (De Sacraïuent., 1. ii,
part. 3,c. 1.3). » Piûlippe, abbé de Bonne Espé-
rance, en ditau'ant: «Presbyter et diaconus
520 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
sacris ordinibus dicuntur insigniti, etc. Sunt
prœlcr i?tos alii, etc. Non tamen conim sacri
ordines appellantur (De Continent., c. cvii). »
V. Saint Bonavenlureadilfort excellemment
que le sous-diaconat et Its quatre autres ordres
mineurs ne laissent pas d'être de la première
antiquité, et même d'être d'institution divine,
en tant qu'ils sont renfermés originairement
dans le diaconat, et qu'ils en ont été comme
démembrés dans la suite des siècles, qui déve-
loppe admirablement et déploie pour ainsi dire
les divines semences que le Fils de Dieu même
a répandues dans la fondation de son Eglise.
« Fuerunt et alii ordines, sed implicite daban-
tur, in impositione manuum, quoniam manus
est organum organorum. Ratio autem qiiare
non distinguebantur, erat propter pancitatcm
ministrantium et propter paucitatem tidelium.
Ideo oportebat, quod omnia officia darentur
uni (In. IV, d. 24, art. 2, q. 1). »
Saint Thomas est dans le même sentiment :
» In priniitiva Ecclesia propter paucitatem
miiiistrorum omnia inferiora ministeria dia-
conis committebantur, ut palet per Dionysium,
etc. Nihilominus erant ou)nes pracdictœ jiote-
states, sed implicite in una diaconi potestate ;
sed postfa amiilialiis est cultus divinus, et
Eccle;ia quod implicite habebat in uno online,
explicite tradidil diversis (Ibidem, q. ii, art. 1). »
VI. C'est peut-être le véritable sens du canon
du concile de Trente (Sess. 23, can. vi), qui
porte qu'il y a dans l'Eglise une divine hiérar-
chie divinement instituée, et composée d'évc-
qiies, de prêtres et de ministres, allierarchiam
divina ordinatione institutam, quœ constat ex
episcopis, presbyteris et ministris. »
Il paraît effectivement que ces ministres ne
sont autres que les diacres, comme contenant
en eux- mêmes la plénitude, et comme l'essence
de cette portion du sacerdoce, qui se répand
ensuite dans tous les ordres inférieurs.
Vil. Ce n'est pas une petite marque de la
vénération singulière qu'on avait pour les
diacres, que le long usage où on les a laissés,
(juoiiiu'il s'y mêlât aussi de l'abus, d'adminis-
trer la pénitence, d'entendre les confessions, de
faire les réconciliations des pénitents en l'absence
des prêtres ci des évèiiues. Je ne parlerai que
de ce (]u\ s'est passé après l'an mil.
Le concile d'York, en IIOS (Can. iv), leur
laisse ce pouvoir dans la nécessité: « l'I non-
nisi suinma urgente nec( ssitate diaconus
baplizet, vel corpus Christi cuiquam erogel,
vel pœnitentiamconfitenti imponat.» Le concile
de Londres, l'an 1200 (Can. ni) : « N(m liceat
diaconibus biptizare vel pœnilentias dare, nisi
diiplici necessitate, videlicet, quia sacerdos non
pottst, vel absens est, vel, stulte, non vult, et
mors imminet puero, vel œgro. »
Cela est réitéré en mêmes ternies dans les
constitutions de saint Edmond, archevêque de
Cantorbéry, vers l'an 1236. Le synode de Wor-
cester (Can. xii), en 1240, ordonna que les
curéseussenttantde prêtres dans leurs jiaroisses
qu'on ne se vît jamais réduit à la nécessité de
recevoir des diacres, ce qu'ils ne peuvent
donner. « Diaconi (juandoque confessiones au-
diunt, et alla tractant sacramenla, quae solis
sacerdotibus sunt commissa. Quod ne de cœ-
tero fiai. » Le synode d'Exeter, en 1287
(Can. xxi), fit encore la même itrohibition.
Cette pratique n'était pas moins commune
en France. Les constitutions d'Eudes de Sully,
évê(|ue de Paris, défendentaux diacres d'enten-
lire les confessions, si ce n'est dans l'extrême né-
cessité, puisqu'ils ne peuvent absoudre. « Nec
diaconi ullo modo audiant confessiones, nisi
in arctissima necessitate, claves enim non ha-
bent, necpossuntabsolvere(Can. lvi, Spiciieg.,
toin. il, pag. 220). »
Les constitutions synodales d'Angers, en
1273, condamnent les curés qui laissaient
usurper à leurs diacres plusieurs fonctions
sacerdotales. « Qui sine necessitatis articulo
confessiones audiunt, etabsolvunt indifferenter
corpusque Dominicuin infirmis deferunt et
ministrant, qutc facere non possunt, nisi in
necessitatis articulo. »
Le synode de Poitiers, en 1280 (Can. v], dé-
clare nulles les absolutions des diacres. « Abii-
sum erroneum eradicari volentes, inliibenins
ne diaconi confessiones audiant, et ne in foro
pœiiitentiali absolvant, cum cerlum sit, ipsos
al)S(jlvere non posse, cum claves non lia-
beau t, etc. »
Le synode de Nîmes, en 1284, permettait aux
simples clercs même d'absoudre les excom-
numics dans l'extrémité de la vie. « In uiortis
articulo (|iiilibet excommunicatus absolvi
potest, eliam a simplici sacerdole,vel clerico. i>
Si l'un joint a ce i|ue nous venons de dire,
tout ce (]ui a été dit ailleurs des réconciliations
des (téniteiits, qui se faisaient par l'entremise
(les diacres, dès le t(-inps de saint (>prieii , on
liouveraijuedurautrespaee de dui/e cents ans
les diacres ont cNercé plusieurs fonctionssucer-
DU DIACONAT, DU SOUS-DIACONAT, etc.
5-21
dotales, quelquefois avec une usurpation in-
soutenable, quelquefois par la permission des
conciles et des synodes dans l'extrême né-
cessité, en sorte que même dans l'extrême
nécessité les absolutions qu'ils donnaient
n'étaient nnllemenl sacramentelles, parce (^l'ils
n'ont pas les clefs : « Claves non Labent^ nec
possunt absohere. »
VIII. 11 n'est pas surprenant après cela qu'on
donnât des Eglises à des diacres. Le pai)e
Adrien IV, en iio9, écrivant à l'empereur
Frédéric I", l'assure que c'a été particulière-
ment à sa recommandation, qu'ayant fait
sous-diacre de l'Eglise romaine Guy, fils du
comte Guy de Blanderat, il lui a donné un
titre etune église, comme s'il eût été diacre.
« Tanqiiam si in diaconum jam fueral ordina-
tus, Ecclesiam ei specialiter assignavimus, etc.
Cum a Sede Apostolica in subdiaconum sil
promotus, etei tanquam si jam diaconusesset,
a nobissit Ecclesia specialiter assignata (Baron,
an. 1159, n. 3). »
Les titres des c udiiiaux diacres à Rome sont
encore des monuments éternels de la plus an-
cienne discipline de l'Eglise, qui confiait des
Eglises à des diacres. C'étaient ces églises qui
étaient ap|)ellées Diaconia, parce qu'on y four-
nissait aux nécessités des pauvres.
IX. Ce n'est pas aussi une légère preuve de
l'élévation du diaconat, que plusieurs ecclésias-
tiques d'un mérite singulier y bornaient toutes
leurs prétentions, et y passaient toute leur vie.
Pierre de Blois raconte comme le papeCélestin
avait déjà passé soixante-cinq ans dans le
degré et les fonctions du diaconat, lorsqu'il fut
élevé au comble de la dignité aposloliciue, et
qu'à Rome ces exemples étaient ordinaires des
diacres vénérables par leur extrême vieillesse,
et encore plus par leur admirable modestie.
a Vidimus comi>lures in Ecclesia Komana in
ordine diaconatus usque ad decrepitam getalem
et exaltalionem extremi spirilus niinistrasse.
Certe dominus Cœlestinus qui hodiesedet, sicut
ex ipsius ore fréquenter accepi, in offlcio levila?
sexaginta quinque annos expleverat, anle-
quam ipsum Dominus in sunimi pontilicalus
apicem sublliiiasset (Petrus Blesens., e|iist.
CXXIll). n
On ne doutera pas après cela que le diaconat
n'ait encore passé pour un bénéfice, puisqu'on
voit des titres et des églises paroissiales ré-
servées à des diacres , et puisque ces diacres
autrefois, pour ne pas passer d'un bénéfice à
un autre, passaient toute leur vie dans le mi-
nistère du diaconat. Enfin c'est à cela même
qu'il faut rapporter ce qui a été dit, que les
évêques devaient être clioisis d'entre les prêtres,
ou d'enire les diacres, parce que c'étaient des
dignités dans li squelles les i)lus |)ieux ecclé-
siasti(jues bornaient souvent leur espérance et
leur vie.
Depuis que le sous-diaconat fut mis au nombre
des onires sacrés, on eut aussi la liberté de
jirendre des évêques du corps des sous-diacres,
et il est apparent que par la même raison plu-
sieurs saints ecclésiastiques étant moulés jus-
qu'au sous-diaconat, renoncèrent à toutes les
|)ensées d'une plus liante élévation.
X. Je passe aux autres ordres inférieurs avec
le même l'ieraî de Blois, qui nous apprend
que ce sont autant de degrés que la suite des
siècles a élevés, pour faire monter et pour pré-
parer les jeunes clercs audiaconat. «Productior
est ascensus ad diaconatus gradum niuic,
«liiam in primitiva Ecclesia. In qua qui tantum
lidelis erat, diaconus fiebtt, vel sacerdos. In-
troducti sunt postea quidem minorum ordi-
num gradus, per quos tanquam per cantica
graduum, ascendilur ad sacerdotium (Serin.
XLVIIJ.»
Aussi les Grecs n'ont pas toujours eu la
même conformité pour ces ordres mineurs
que pour les autres avec l'Eglise romaine.
Quand le pape Innocent IV travailla à les ré-
unir parfiitementavec les Latins, il les obligea de
conférer à l'avenir trois de nos ordres mineurs,
qu'ils avaient jusqu'alors négligés. «Praecipimus
(|und episcopi Gra:'ci septem ordines secun-
duni morem Ecclesi.'C Romana> de ca'tero confé-
rant, cum hue usque très de minoribns circa or-
dinandosneglexissc, vel prœlerm'.sisse dicantur
(Epist. X, Rainald., an.l2iru,n.9).)) Maiscomme
ce pape ne veut pas qu'on su[>plée ces ordres
mineurs à ceux qui par le passé ne les ont pas
reçus, il montre bien en quel rang il les met ;
car il n'eût pas parlé de la sorte des ordres
majeurs.
Au reste il eût été fort désirable que les
(irccs, surtout ceux de l'île de Chypre, pour
qui ce statut fut fait, et qui vivaient parmi les
Latins, se fussent conformés en ce point à la
discipline de l'Eglise romaine. En effet, quoi-
que l'unité de la foi, et la solidité de la chanté
ne soit pas incompatible avec cette diversité de
cérémonies, il est néanmoins très-certain que
Il malice, ou l'inconsidération des hommes
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
charnels et préoccupés en a fait la cause, ou le
prétexte de plusieurs funestes divisions. La
célébration de la fête de Pâques, et la consé-
cration des pains azymes en sont des preuves
mémorables.
Arcudius dit que les Grecs ont incorporé ces
trois ordres mineurs, dont parle Innocent IV,
savoir des acolytes, des exorcistes et des [lor-
tiers, avec les autres ordres; et qu'ainsi ils ne
les ont pas tout à fait mis en oubli, et que si ce
pape eût été plus précisément informé de la
vérité du fait, il eût peut-être donné un autre
résolution (Arcud., de sacr. Ordin.,lib. vi, c.U).
Cet auteur montre qu'entre un grand nombre
d'ofliciers de l'Eglise grecque, ceux qu'ils
appellent les députés, depiitati, Js-cùTàTci, sont
les mêmes que nos acolytes, et exercent les
mêmes fonctions. Siméon de Thessalonicjue
donne cette charge aux lecteurs, et semble
partager entre les lecteurs et les sous-diacres les
fonctions de nos ordres mineurs.
XL Les Latins ont à la vérité conservé cette
distinction des ordres mineurs, mais ils n'en
ont pas peu terni le lustre, en les donnant tous
ensemble, ce qui était comme les confondre
tous en un.
Le concile de Lambeth en Angleterre, en
1281 (Can. v), enjoignit aux évêijues de ne
plus conférer en un même jour à la même
jiersonne, les (|uatre ordres mineurs, avec un
ordre sacré, de donner tout au plus deux
ordres mineurs à la fois, et d'imiter ])liitôt les
églises où les ordres mineurs se donnaient
encore séparément. « Pro sacramenti reveren-
tia dentur aliquoties combinati, elc. In non-
nullis aliis provinciis (juatuor minores ordines
non simul faciliter conceduntur. »
On avait donc commencé de les donnerions
ensemble avant l'an 1300, l'abus se rendit bientôt
universel, non-seulement de les conférer tous
ensemble, mais de n'en réserver que le nom, et
en conunetlre toutes les fondions à des laïques.
C'est de quoi se plaignait le concile 1" de Co-
logne, en lo30 : « Il pra?ter nomen nihil in Ec-
clesia retinuerint, illorum(|ue loco tenues ali-
quot homines jaici, etc. (Part, ni, c. 31).»
Le concile de Trente enjoignit auxéxêijucs
de ne plus conférer les ordres mineurs (|ue
S(''|iarénient, et à des intervalles raisoimables,
pour donner le loisir d'exercer les fonctions
saintes de chacun de ces ordres : u Per tempo-
runi inlerstilia couferantur, ut eo accuratius,
(luanluui sit luijus disciplinée pondus possint
edoceri, ac in unoquoque munere juxta pra»-
scriiitum episcopi se exerceant (Conc. Trident.,
Sess. xxui, c. I). » Comme ce concile permet à
l'évêquede dispenser de ces intersiices : « Nisi
aliud ei)iscopo expedire magis videretur, » la
facilité de ces dispenses a rendu entièrement
inutile le décret du concile.
XII. Mais ce fut pour ériger ces ordres mi-
neurs en titre de bénéfice, pour attacher ceux
qui en seraient honorés à une église, pour leur
alfecter des revenus certains, et pour les lier
d'autant |ilus étroitement à l'exercice continuel
de leurs fonctions, (jue le concile de Trente se
porta avec plus de zèle.
«Exerceanl sein ea, cui adscripti erunt ec-
desia , etc. Curent praelati in ecclesiis cathe-
dralibus, coUegiatis, et parochialibus, hnjus-
modi functiones restituendas , et ex aliqua
jiaite redituum aliquorum simplicium benefi-
ciorum , \el fabricae ecclesiœ si proventus
suppetant, aut utriusque illorum , eas fun-
ctiones exercentibusassignent. Unibussi négli-
gentes fuerint, ordinarii judicio, aut ex parte
muictari, aut in totum privari possint (Sess.
xxui, C.2). »
Ces statuts furent renouvelés dans le concile
de Reims, en 1564, (Cap. x, xi); dans le I" de
Milan, en 1563, dans le IV" de Milan, en 1376
(Cap. vm); où les revenus que les églises parti-
culières avaient assignés à des laïtiues pour
ces sortes de fonctions furent destinés à l'ave-
nir des clercs qui s'acquitteraient des mêmes
charges. Le concile V de Milan (Cap. m)
proposa à ces clercs des derniers ordres
l'exemple de tant d'excellents ecclésiastiques
de l'anticjuité, qui passaient toute la carrière
d'une vie très-sainte dans l'exercice d'un seul
ordre mineur, sans aspirer à un degré plus
relevé.
XIII. La fondation de tant d'universités, de-
puis environ cinq cents ans, semble avoir avan-
tageusement répare la perte que l'Eglise avait
faite, par la négligence et par l'interruption
des fonctions de ces ordres. Mais afin que ce
remède lût efficace, il eût fallu que toutes les
écoles des universités eussent toujours été au-
tant d'écoles de piété, aussi bien que de science,
ainsi qu'elles avaient été dans la ferveur de
leiu's premiers commencements.
Le concile de Trente a remédié à tout en ré-
tablissant d'un côté l'exercice de toutes les fonc-
tions des ordres mineurs, et de l'autre en enjoi-
gnant atous ks évêques d'érigerdes séminaires.
DU DIACONAT, DU SOUS-DIACONAT, etc.
523
Car la première ardeur de la piété s'élaiit
ralentie dans les anciens séminaires, qui n'é-
taient autres que les écoles des universités, il
a fallu substituer d'autres séminaires, où, sans
négliger la science, on ait une infatigable ap-
plication à la piété, de même que dans les uni-
versités, sans négliger la piété, on cultive les
sciences avec une attention merveilleuse.
XIV. Il y a d'autres offices qui n'ont pas mé-
rité d'avoir rang entre les ordres, mais dont
les fonctions sont néanmoins presque les
mêmes. Le synode de Cologne, en 1300, dési-
rait que les sonneurs de cloches aient quelque
teinture des lettres afm de pouvoir servir la
messe eu surplis. « Campanarii nisi litterali ne
assumantur, qui in defectu respondentis ad
altare cum camisislineis assistant. »
Le concile de Cologne, en 1.310 (Cap. xviij,
renouvela la même ordonnance. Le concile de
Cologne, en 1.536 (Cap. xvi), veut qu'ils soient
vêtus de l'habit ecclésiastique et d'un surplis
quand ils allumeront les cierges, et qu'ils ser-
viront à l'autel. Le concile II de Cologne, en
1349, les confond avec les gardes des églises, et
avec les marguilliers : « Custodes, campana-
rios, quos alii matricularios vocant ;» et il leur
défend de laisser croître leur barbe, ou de pa-
raître dans l'église sans surplis, quand ils s'y
acquittent de leur ministère (Part. 3, c. xxxi,
cap. xni). Le concile de Cambrai, en 1363, leur
donne les mêmes noms et les mêmes charges :
« Matricularii et custodes ecclesiarum, etc. »
Les décrétales grégoriennes traitent en deux
titres divers des offices du sacristain, et du
garde de l'église (de Offlcio Sacrista'. De Offi-
cie Custodis, part. 7, cap. x). Ils sont chargés
des ornements et des lampes de l'église, le
dernier doit sonner les cloches : l'un et l'autre
est également soumis aux ordres et a la juri-
diction de l'archidiacre. Ce sont ces sortes d'of-
fices et leurs appointements, que les derniers
conciles ont souhaité être affectés aux clercs
des ordres mineurs, et érigés eu manière de
bénéfice.
XV. Ce statut ne tend qu'cà rétablir les cho-
ses dans leur première nature. Originairement
tous ces offices n'étaient confiés qu a des clercs
et c'étaient souvent des bénéfices qu'on accorda
ensuite quelquefois à des laïques d'obscure
condition , à cause de l'insuffisance des reve-
nus. Voici une preuve merveilleuse de tout
cela, empruntée de l'histoire des évêques
d'Auxerre, ou les marguilliers sont destinés à
sonner les cloches et à d'autres offices sembla-
bles; ils sont en partie clercs, en partie laïques,
les uns et les autres bénéficiors, mais les bé-
néfices des laïques sont si petits qu'ils passent
plutôt pour des appointements.
« Sacrista providere tenetur et e.xhibere cle-
ricum unum malricularium, et alios, qui cam-
panas pulsare valeant, etc. E|)iscopus prœter
illos instituit très matricularios, unum videli-
cetclericum, quem attitulavit altari sanctœ cru-
els ineadem ecclesia, ut ibi serviret in officio
sacerdolis : medietatem beneficii ejusdem alta-
ris illi matriculariœ perpetuo jure annectens,
cum centum solidis, etc., et duos laicos, qui-
bus siugulis deceni libras in reditibus assigna-
vit , etc. (Bibl. MMSS. Labbœi , tom. i,
pag. 48"). »
Un de ces marguilliers était donc prêtre, les
autres étaient clercs mineurs, il y en avait de
laïques ; à la fin ils furent tous laïques, qu'on
revêtait néanmoins du surplis, comme il a
paru dans les citations précédentes. Il est éton-
nant comment les marguilliers laïques ont pu,
d'une naissance si basse, monter à un si haut
point de puissance, où on les voit présentement
élevés dans les églises et les villes les plus flo-
rissantes de la chrétienté. Si l'on n'aime mieux
entrer dans des sentiments de joie, et d'actions
de grâces à Dieu, de ce que les personnes de
la qualité la plus éminente veulent bien hono-
rer ces sortes de charges, qui sont les moindres
de l'Eglise, la joie sera parfaite, si considérant
l'origine de ces charges, ils prennent une
sainte résolution de demeurer dans la dépen-
dance entière des curés et des évêques mêmes
(Fevret, de l'Abus, I. iv, c.vii).
XVI. En effet nous venons de voir que ces
charges, ou ces bénéficesde marguilliers étaient
de la collation des évêques, des curés ou des
autres ecclésiastiques, aussi bien que le béné-
fice de l'eau bénite en Angleterre, que les
curés ou leurs vicaires donnaient à un pauvre
clerc, pour l'aider à ses études.
Voici ce qu'on lit dans les ordonnances syno-
dales d'un évêque d'Angleterre, en 1236.
a Personœ, vel vicarii dabunt beneficium aqua?
benedicta?, clerico pauperi scholari, ita quod
veuiat omnibus solemnibus diebus ad eccle-
siam serviendum, de qua habet dictum bene-
ficium (Concil. Angl., tom. ii, pag. 379, 304).»
Le peuple prétendait nommer à ces bénéfi-
ces, dont les revenus ne consistaient qu'en des
aumônes charitables, que des particuliers leur
521
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-TROISIÈME.
faisaient, quand on leur portait de Teau bénite.
Mais le synode dExeler, en 1287, confirma
ce droit aux curés, ou à leurs vicaires, voulut
qu'on pût contraindre les laïques à ne pas refu-
ser ces libéralités si justes, « nioneantur, et si
necesse fuerit , com|iellantur, » ordonna que
les paroisses des villes mêmes fonderaient de
semblables bénéfices, (|ui avaient été des fruits
très-excellents de la cbarité de leurs ancêtres.
M A nostris .. ajoribus s;epe audivimus recilari,
bénéficia aquœ benedictae intuitu chaiilatis
fuisse ab initio institula, ut ex eoium proven-
tibus paujieres clerici exliiberentur in scbolis :
ibidem taliter proficerent, ut aptiores fièrent
ad majora. «
L'évêque de Coventry, dans ses ordonnances
synodales, en 1237, avait fondé ces bénéfices
pour la même fin : « Quia plerique scbolares
carent necessariis, quorum scientia mulli ]ier
gratiam Dei poterunt aedificari ; vohuniis ut
sciiuiares feiant aquam benedictam per villas
rurales, si sint qui postulent etindigeant (Ibid.
pag. 209,645). »
Guillaume de Courtenay, en 1393, employa
les excommunications et les interdits , (jour
maintenir dans (|uelques |)aroisses une cou-
tume si louable, répandue jusqu'alors dans
toute l'Angleterre. « De consuetudine lauda-
bili légitime pra-seripta, {|uasi ubique p( r to-
luni regnum Anglue, per ciericos aquaj baju-
los, ex donalione rectorum tt \icariorum,
parociiianorum sumptibus sustentandosdeferri
cuusuevit. »
XVII. 11 y a quelque chose de plus étonnant
dans la cléricature des ]dus bas ofticiers. tels
(jue sont les estaflers et les palelrenicrs. (]ar
dans le concile de Latran, sous le pape Léon X
en loU (Sess. ix\ il est fait menlion des pale-
freniers, à qui l'on iiermet d'user de soutanes
un peu plus courtes, s'ils sont clercs, pourvu
qu'ils ne soient pas prêtres, à cause de l'agita-
tion pénible et continuelle, à laquelle leur
profession les oblige. « Paiafifenaiii quia in as-
siduo sunt motu , ministerioque funguntur
laboriosiore, brevioribus ac niagis expedilis
\estibus uti possunt etiamsi fuerint clerici;
dummodo in presbyteratus ordine non sint
conslituti : ila tamen ut ab honestate non di-
scedaiit, sed ila vivant, ut mores Ecclesiasticis
suis ordinibus non discn-pent. »
On sera peut-être moins choqué de cette ap-
jiarence d'inrlécence, qui surprend d'abord, si
l'on consiilère que saint Grégoire le Grand
avait absolument banni du palais pontifical
tous les la'iqucs, et en avait réservé tous les
offices à des clercs, comme nous avons dit ail-
leurs; et que dès la naissance de l'tglise les
ordres inférieurs ont été confiés à des gens
maiiés, qui pouvaient en même temps être en-
gagés, eux et leurs enfants, aux métiers les plus
^ils, mais innocents, et par conséquent agréa-
bles aux yeux de Celui à qui rien n'est vil,
rien n'est désagréable que le péché.
On sera encore moins surpris de ce que Gios-
san rapporte de saint Charles Borromée , (jue
ce digue prélat chassa les Iaïi|ues du nombre
des chantres et des musiciens de son église, et
qu'il voulut que tous les chantres portassent
des surplis dans l'église, et fissent leurs fonc-
tions dans cet habit : ce qui se rapporte assez à
ce que nous avons dit ailleurs, que les chantres
étaient clercs dans la primitive Eglise (L. vui,
c. n). (t).
(1) Rome, coranie on sait, est la gardienoe fidèle de la discipline.
C'est la seule Eglise du monde cù il y ait encore des diacres dans
tout l'éclat de leur puissance et de leurs prérogatives, avec titres dé-
terminés pour leurs diaconies. Dans le Sacré-Collége il y a toujours
quatorze cardinaux-diacres, qui ne sont bien réellement que diacres.
Ils ont dans leurs diaconies respectives une juridiction qi:aai épisco-
pale ; ils ont le droit de visite, d'excommunication, de suspense et
d'interdit dans le ressort de leur église titulaire. Ils peuvent intenter
une procédure canonique contre les membres du clergé qui dessert,
leurs diaconies ; ils ont la collation de tous les beiéfices qui s'y trou-
vent, canonicals ou cures ; ils peuvent recevoir et valider la permuta-
lion ou la résignation de ces bénéfices, et faire accomplir par un
vicaire tous les actes qui demandent le pouvoir de l'ordre. Les car-
dinaux-diacres ont voix active dans le conclave et peuvent être élus
papes, quoique n'étant que dans l'ordre du diaconat. Témoins Inno-
cent m et Grégoire XI. Ils exercent le pouvoir de leur ordre lorsque
le souverain pontife officie solennellement, et, revêtus de la dalma-
tique, de la mitre et de la bague précieuse, ils entourent au trône le
vicaire de Jésus-Christ. Lts églises de Rome qui portent le titre de
diaconies sont : Sainte-Marie i>i Vm /aïû, Sainte-Marie înAquiro^
SaiuLs-Côrae et Damien, Saint-Nicolas m Tarcere , Sainte-Marie ad
Martyres, Saint-Adrien m Camjo Voccino , Sainte-Marie in Cos-
mefiin y Sainte-Marie in Domnica^ Saint-Césaire , Saint-Ange in
Peschcna^ Sainls-Vite et Modeste, Sainte-Marie delln Scnla, Saint-
Georges tn Veliibro^ Sainte-Agathe al/a xuburra, Saint-Eiistache. Le
cardinal-diacre Jacques Aotonelli est sans contredit le plus célèbre
priucc de L'Eglise de nos jours.
(Dr AndrË.)
DES CLERCS A SIMPLE TONSURE.
CHAPITRE TRENTE-IKTATRIEME.
s'il y avait des clercs a simple TONSl RE SANS ORDRES ET SANS FONCTION,
PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Puile (les questions qui se présentent.
II. Qu'il n'y avait point de clercs à simple tonsure sans ordre
et sans office.
III Autre preuve tirée du concile de Nicée et de saint Basile,
deux sortes de clercs. Distinction du clergé et du canon.
IV. Preuves des autres conciles grecs.
V. Le concile de Calcédoine distingue les clercs et les offi-
ciers, l'ordination de ceux-là, la promotion de ceux-ci.
VI. VII. Dans l'Eglise latine il en élait de même. Preuves ti-
rées de saint Cvprien. Les clercs ne sont clercs, et ne sont
exempts que par l'ordination et pour le service des autels.
VIII. Preuves tirées des lettres des papes. Le pape Corneille
ne compte que des clercs ordonnés entre ses clercs et ses béné-
ficiers.
IX. Sirice n'admet personne dans le clergé que par quelqu'un
des ordres mineurs.
X. Les ordres mineurs n'ont été institués que pour servir de
préparation aux ordres sacrés.
XI. Les irrégularités donnent l'exclusion des ordres et de la
cléricature, comme n'étant qu'une même ctiose.
XII. Il y avait aussi parmi les Latms des offices sacrés équiva-
lant aux ordres mineurs, et donnant aussi entrée dans la cléri-
cature. Pieuves du pape Gélase et des conciles de Carihage.
XIII. Nouvelles preuves des conciles de Cartilage.
L II sera bon d'éclaircir d'abord trois points
importants touchant ces ordres inférieur.-, et
les bénéfices qui en étaient inséparables. On de-
mande 1° si dans ces cinq preiniers siècles de l'E-
glise ily a en des clercs qui n'eussentreçu aucun
ordre. 2° Si l'on donnait en même temps tous
les ordres mineurs à la même personne, et si
on les donnait tous, au moins successivement,
à ceux qu'on faisait monter jusqu'au comble
de la dignité sacerdotale. 3° Si on montait tou-
jours par degrés aux ordres sacrés, et quels en
étaient les interstices.
II. Nous traiterons dans ce chapitre la pre-
mière de ces trois questions, et nous ferons
voir tine quoiqu'il y eiit des clercs sans aucun
ordre, il n'y en avait point sans quelque office ;
et par conséquent on peut dire en quelque
sens qu'il n'y en avait jioint sans quelque ordre,
puifi|iie l'on ne dislin;;uait pas toujours ces
offices des ordres mineurs, et on regardait sou-
vent les ordres mineurs comme des offices ius-
tihiés pour la décharge et le soulagement des
diacres, qui eussent été accablés du poids du
ministère universel de l'Eglise.
Saint Ignace dans ses lettres, Clément dans
ses constitutions apostoliques, et saint Epi-
ptiane dans son exposition de la foi calholiijue,
font mention de queli|ues officiers qui ne par-
ticipent nullement aux ordres, et qui néan-
moins étant attachés au service de l'Eglise,
sont as^ociés au clergé. Tels sont les fossoyeurs,
les portiers, les interprètes : « Laborantes qui
mortuoruin corpora curant, custodes sacro-
ruin veslibulorum , linguarum interprètes. »
C'étaient des officiers agrégés au clergé, sans
avoir reçu aucune ordination véritable.
m. Le concile de Nicée (Can. xvii) ordonne
que les clercs qui s'attacheront à des trafics
infâmes et usuraires soient dégradés de la
cléricature , et rayés du canon . c'est-à-dire de
la niatiicule et du catalogue des bénéficiers
iini reçoivent leur subsistance de l'Eglise.
T'.j /.";./, pc j , x.al Toj /.xvivo;. Cfux qui avaicut reçu
quehiue ordre , étaient dans le clergé , les
autres officiers de l'Eglise étaient dans le
canon.
Siint Rasile déclare que les peines décernées
dans les canons contre les clercs en général,
comprennent également les deux sortes de
clercs qui sont ordinaires dans l'Eglise. Les
uns selon ce Père, sont =•< [îi6iiw, « in gradn, »
en dignité. Les autres sont dans un office qui
se donne sans imposition des mains, it ù-cçea'.^
a/.£if07o<T;™, « in ministerio, quod sine manuum
imposilione datur ( Epist. ad Ain|)hiioc. ,
c. Ll). »
Ralsamon explique ce canon i!e saint Basile
dans le même sens que nous , en sorte (]ue les
prêtres, les diacres et les sous-diacres soient
dans le premier rang, parce qu'ils sont ordon-
nés par l'imposition des mains; les lecteurs, les
chantres , les portiers, et autres semblables,
« Lectures, canlores,janilores, et similcs, » sont
dans le second, parce que leur ordination se
fait par une simple bénédiction, sans imposi-
tion des mains.
'i-2(i
Dr SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-QUATRIÈME.
Saint Basile a confondu dans ce second rang
les clercs des ordres mineurs, avec ceux (jui
sont simplement officiers, parce qu'il a regardé
les ordres mineurs comme des offices qui ne
sont pas dans ce premier rang d'autorité, où
une institution toute divine a élevé les évêques,
les prêtres et les diacres. En tout cela il ne
paraît aucim clerc sans ordre, ou sans office,
car quand saint Basile n'ayant nommé que des
officiers, ajoute : et autres semblables, il ne
peut entendre (|ue d'autres officiers.
IV. Le concile de Laodicée (Can. xxiv) dé-
fendant à tous les clercs, et aux moines d'en-
trer dans les tnvernes , nomme les prêtres, les
diacres, les sous-diacres, les lecteurs, les chan-
tres , les exorcistes , les portiers , et ajoute im-
médiatement a|)rès les moines. Par là il témoi-
gne certainement qu'il n'y avait point d'autres
clercs que ceux (|u"il a nommés.
Le concile I" de Constantinople (Can. iv) dé-
clare nulles toutes ordinations faites par Maxime,
usurpateur du siège épiscopal de cette ville
impériale; et il semble renfermer tous les
clercs dans ce terme d'ordination, ou d'impo-
sition des mains, qiioi<]u'on n'imposât pas les
mains à tous les clercs inféi leurs.
Dans les actes du concile d'Ephèse (Conc.
Ei)hes., part, i, c. 13), on trouve une protesta-
tion du clergé de Constantinople , contre les
erreurs de Neslorius, où le clergé est désigné
par les évêques, les prêtres, les diacres, les
lecteurs ; et inuuédiatement après on parle des
laïques. Ce qui marque qu'entre les lecteurs
et les laïijues il n'y avait point d'autres ecclé-
siasticpies.
V. Le canon ii du concile de Calcédoine ,
pour bannir la simonie de tout le clergé, ne
se sert que du terme d'imposition des mains,
xe'.poTovia, pour les véritables clcrcs ; et de celui
de promotion, irfofSoXf,, pour les officiers. Dans
le premier rang il nomme les évêques ; les
chorévèques, les prêtres, les diacres, et tous
les autres qui sont comptés entre les clercs,
71 ËTîpov Tivà TMv Èv xAxpw xaTapi6jj.ou(J.Évâ)V. Et dSHS le
second rang il nomme les économes, les défen-
seurs, les mansionnaires, et en général tous
ceux qui sont dans le canon, t, w.w; Tiva nû xaMovoç.
Ainsi ce concile distingue les clercs d'avec ceux
qui étaient dans le canon, c'est-à-dire d'avec
les officiers qui étaient bénéficiers, puisqu'ils
étaient inscrits dans la matricule de ceux que
l'Eglise nourrissait.
Les clercs étaient donc tous bénéficiers, mais
fous les bénéficiers n'étaient pas clercs, en pre-
nant le nom de clerc dans cette signification
précise du concile de Calcédoine qui n'en re-
connaît point d'autres que ceux qui étaient
dans les ordres. Mais tant les clercs que les
bénéficiers, étaient asservis à leur office, et
c'était une chose inouïe qu'il y eût des clercs
sans ordre et sans office.
Il est bien vrai que quelques-uns de ces offi-
ces étaient quelquefois donnés à des clercs. Les
économes étaient ordinairement prêtres, on
trouve même des prêtres défenseurs : mais
cela n'était pas toujours de la sorte. 11 y a eu
des économes laïques. 11 y a eu des défenseurs,
des notait es, des sacristains, ou gardes des
tombeaux des martyrs qui n'avaient aucun au-
tre ordre, et qui néanmoins étaient associés au
clergé, et jouissaient de tous les privilèges et
des avantages des bénéficiers , comme nous le
ferons voir dans la suite de ce livre.
VL La chose n'est pas moins certaine, ni
moins évidente dans l'Eglise latine. Tout ce
qui en a été dit dans le chapitre i)récédent, n'a
pu nous faire apercevoir le moindre vestige
d'un clerc sans office et sans ordre. Mais outre
cela saint Cyprien dit en termes formels, (|ue
tous les clercs sont appliqués à un ministère,
qui les attache au service des autels. « Cuncti
in dericali minislerio constituti, nonnisi allari
et sacrificiis deservire, et precibus atque ora-
tionibus vacare debent (L. i, epist. ix). » Et
c'est de cette assiduité qu'il faut avoir au ser-
vice des autels que ce Père fait dépendre le
privilège des clercs, d'être exempt des tutelles
et des autres charges, qui sont comme autant
de liens qui attachent au monde les personnes
séculières.
VII. Le même saint Cyprien écrivant à son
clergé et à son peu()le, au sujet de l'ordre de
lecteur qu'il avait conféré au jeune Aurélius
comme le prix de son illustre confession, mon-
tre clairement qu'on n'entrait dans le clergé
que par l'ordination. « In ordinandis clericis
solemus vos ante consulere, etc. Merebatur
talisclericœ ordinafionis ulteriores gradus.etc.
Intérim placuit, ut ab olficio lectionis incipiat
(L. H , epist. v). » Selon ce langage on fait des
clercs quand on les ordonne; et le premier
vestibule de la clèricature, c'est l'ordre des
lecteurs.
Saint Cyprien parlant encore ailleurs d'un
autre confisseur non moins admirable, dit
qu'il a été juste de l'honorer du minL-tère de
DES CLERCS A SIMPLE TONSCRE.
K27
l'Eglise, et de l'associer an clergé, en le faisant
lecteur: « Ut qui sublimiter Cliristum contessi
essent,cleruni postinoiiuni Ciinsti ecclesiasticis
ministeriis honorarent (L. iv, c. 5). » Les
clercs simples du siècle présent participent
aussi peu au ministère de l'Eglise qu'à l'ordi-
nation.
VIII. Mais que peut-on désirer de plus con-
vaincant que la lettre du pape Corneille rap-
portée par Eusèbe, où le p;ipe fait le dénom-
brement de tous les clercs de l'Eglise romaine,
et de tous les autres qui tiraient leur subsistance
des trésors inépuisables de l'opulence et de la
charité de cette Eglise? Il marque le nombre
précis des prêtres, des diacres, des sous-diacres,
des acolytes, des exorcistes, des lecteurs, et des
portiers ; et après cela il passe immédiatement
aux veuves, aux pauvres, et aux malades.
11 est donc certain que tous les clercs y
avaient quelque ordre et quelque office. Et il
n'est pas moins certain que s'il y en avait eu
d'autres, ils auraient été incapables des distri-
butions et des bénéfices de l'Eglise, puisque
ce pape les omet entièrement , n'ayant pas
omis le nombre des veuves, et des autres pau-
vres.
IX. La lettre du pape Sirice ne parle pas
moins clairement. Ce pape déclare que ceux
qui se destinent à l'état ecclésiastique doivent
dès leur enfance se faire baptiser, et recevoir
l'ordre des lecteurs. Et quoi qu'ils choisissent
ensuite le mariage, ils pourront passer à l'ordre
des acolytes, et des sous-diacres. « Quicumque
se Ecclesiœ vovit obsequiis, a sua infantia ante
pubertatis annos baptizari, et lectorum débet
ministerio sociari. » Quant à ceux qui dans un
âge plus avancé , se veulent consacrer à Dieu ,
ce pape veut qu'aussitôt après avoir reçu le
baptême, i's soient mis au rang des lecteurs,
ou des exorcistes. « Eoquo baptizatur tempore,
statim lectorum , aut exorcistarum numéro
societur (Ep. i, c. 9, 10). »
C'était encore un langage inconnu, de dire
qu'il fallait entrer dans le clergé par la ton-
sure, sans ordre, et sans s'asservir à quelque
Eglise. On ne peut pas désirer des expressions
plus claires et plus précises pour faire entendre
qu'on n'entre dans l'ordre des clercs que par
quelqu'un des ordres inférieurs.
X. En tffet, ces ordres inférieurs n'ont été
institués que pour servir de noviciat pour les
ordres sacrés. C'est manifestement ce que ce
pape vient de nous dire, et c'est nous dire
aussi fort clairement, qu'il n'y en avait point
d'autre, pour ne pas passer précipitamment
des impuretés de la vie du siècle, à ce qu'il
y a iIl' plus saint et de plus relevé dans l'E-
giisc.
Ce i)ape dit ensuite que comme les clercs ne
peuvent pas faire la pénitence luibliijue, aussi
les pénitents publics ne peuvent jamais pré-
tendre à la cléricature, parce qu'ayant une
fois souillé leurs mains de queli]ue crime ,
quelque soin qu'ils aient eu de les laver, et de
les blanchir par la pénitence, ils ne doivent
jamais approcher des autels, ni toucher aux
choses saintes. « Quamvis sint oumium pec-
catorum contagione mundati , nuUa tamen
debent gerendoruni sacramentorum instru-
menta suscipere,qui dudum fuerint vasa vitio-
rum (Ibid., c. xiv, xv). »
Si par une ignorance grossière des canons,
on a élevé un pénitent, ou un bigame à la
dignité des clercs, ce pape, par condescendance,
leur permet d'exercer l'ordre qu'ils ont reçu,
sans pouvoir jamais monter plus haut. «Adem-
pta sibi omni spe promotionis, in hoc quo
invenietur ordine . perpétua stabilitate per-
maneat. »
XI. Ainsi la cléricature et l'ordre n'étaient
qu'une même chose, et les irrégularités ne
donnaient l'exclusion de la cléricature, que
parce qu'elles avaient quelque incompatibilité
avec les ordres. C'est de quoi le pape Inno-
cent demeure d'accord avec Sirice son prédé-
cesseur.
Ce pape marque les irrégularités qui empê-
chent que les laïques ne soient ordonnés, c'est-
à-dire qu'ils ne soient faits clercs. « De laicis
quos canones ordinare prohibeant , etc. Nec
enim cierici nasci, sed fleri possunt, et Nec
cito quilibet leclor,citoacolylhus fiât (Epist.iv,
c. 3 et o). » Il dit ailleurs, que ceux qui ont été
ordonnés par les hérétiques, « Ordinatos ab
hereticis, » ne peuvent point tenir le même
rang dans l'Eglise (Epist. xxu, c. 3).
Saint Léon, dans sa lettre à Ruslii]ue évèque
de Narbonne, dit que les laïques et les lecteurs
se peuvent marier ; mais que les diacres, les
prêtres, et les évêques sont obligés à la conti-
nence. «Cum essent laici.sive leclores :Cap. v).»
11 est manifeste que par les lectturs il entend
tous les clercs inférieurs ; et qu'entre les laïques
et l'élat des ordres inférieurs, il n'y avait point
de milieu.
Enfin le pape Gélase ordonne que si les
528
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-CINQUIÈME.
mciiies doivent entrer dans la cléricatiire, il
f lul premièrement examiner s'ils ne sont fioiiit
alteints de quelque irrégularité : s'ils en sont
exempts, il faut d'abord leur donner l'office
du lecteur, ou de notaire , ou de défenseur;
trois mois après les faire acolytes, et par degrés
les faire monter où les besoins de l'Eglise, et
leurs vertus les appellent. « Continuo ledor,
aul notarius, aut cerle defensor elfectus. post
ires menses acolylhus existât (Epist. ix). »
XII. Voilà une preuve de ce qui a déjà été
rrmaniué dans l'Eglise grecque ; que si l'on
ne conférait pas un ordre, au moins on donnait
un office à tous ceux qu'on incorporait au
clergé. Ce pa[ie ne voulait parler que de l'en-
trée à la cléricature : » Si quis ad cléricale
miMius accédât ; » et il y fait entrer aussi bien
{)ar la charge de notaire, ou de défenseur, qne
par l'ordre des lecteurs. On peut donc avouer
dans l'Eglise latine , aussi bien que dans la
grec(iue, qu'il y avait des clercs sans aucun
ordre ; mais qu'il n'y en avait point sans un
office qui Tasservissait à l'Eglise et l'y occupait
saintement.
Cela se confirme par le concile HI de C;.r-
thage , (jui nous a appris dans le chapitre pré-
cédent,que Il s chantres étaient au nombre des
clercs. Le concile IV de Carthage nous y a
appris aussi que les prêtres pou\aicnt établir
des chantres sans la i)articipati()n des évèques ,
et par là on juge que c'était plutôt un olfice.
qu'un ordre , quoi(iu'on en parlât souvent
comme d'un ordre, et qu'on mît les chantres
au nombre des clercs de même (]ue s'ils avaient
reçu l'un des quatre ordres mineurs.
Xlll, Le concile III de Carthage (Can. m)
veut que l'évèque , avant l'ordination des évè-
ques et des clercs , leur lise les canons qui
regardent les ordres , afin qu'il ne s'y passe
rien qui blesse la sainteté des lois ecclésiasti-
ques. « Placuit ut ordinandis episcopis, vel
clericis , prius ab nrdinatoribus suis décréta
concilioruui auribus eorum incuiccntur, ne se
ali(|uid contra .'tatutaconcilii fecisseasseranl.»
Et ailleurs : «Clerici,qui ordinantur , etc, »
Ces expressions font voir qu'on n'entrait dans
la cléiicalure ()ue par l'ordination (Can, xlix).
Le concile IV de Carthage (Caii. u, ui, etc.)
nous apprend la forme ^\^\e l'on observait dans
l'.Vt'riiiue jiour les ordinations des évèques, des
l)rètres,des diacres, sous-diacres, acolytes, exor-
cistes, lecteurs, portiers ; et il passe ensuite
aux psalmisles, aux vierges consacrées à Dieu,
aux veuves, et aux religieuses. S'il y avait eu
des clercs à simple tonsure , ce concile n'eiit
pu se disi)en.ser d'en parler.
Le concile I de Tolède (Can, x) ne permet
pas que les personnes engagées en quelque
servitude soient ordonnées et mises au rang
des clercs, « Clericos non ordinandos, » sans
le consentement de celui dont ils relèvent.
CHAPITRE TRENTE-CINQUIÈME.
SI LON DONNAIT TOLS LES ORDRES MINEURS ENSEMBLE, ET AUX MEMES PERSONNES,
D.iNS LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Pourquoi l'on traite ici cette question.
II. On donnait séparément les ordres [nineurs, et on en omet-
tait souvent quelqu'un. Preuves. On les donnait alors comme des
oflices, que tous ne pouvaient p s exercer.
III. Après on les a donnés comme des dignités, comme des
ornemenis, comme des marques de religion, et des ruisseaux de
sainteté.
IV. Preuves que dans l'Eplise grecque on ne donnait pas les
ordres mineurs tous ensemble, ni tous à la niéuie personne.
V. Preuves pour l'Eglise latine. Du décret du pape Sylvestre.
VI. Du pape Sirice.
VII. Du pape Innocent.
VIII. Du pape Gélase. On omettait quelquefois quelqnes-uns
de ces nrilres, surtout celui des portiers.
IX. Objection d'un décret du pape Zozime, et la réponse,
X. Exemple tiré de Sidoine Apollinaire. On n'était point alors
ordonné per sntium, quand on sardait de fort longs inlerstices,
quoiqu'on omit quelqu'un des ordres mineurs.
XI. Exemple de samt Hilaire de Poitiers, et de saint Martin
de Tours.
nES ORDRES MINEURS.
529
XII. Saint Arabroise veut qu'on proportionne les petits orjres
au génie et à la rapacité des particuliers.
XIII. Celle raison les faisait quelquefois tous omettre.
XIV. Exemple de saint Ambroise même.
XV. On lui donna les ordres mineurs, sans avoir dessein de
les lui faire exercer.
1. 11 eût peut-être été assez naturel de parler
(le la Itnisure et de l'habit propre aux clercs,
imnicdiatenient ai)rès la question traitée dans
le chapitre précédent. Car s'il eût paru, comme
il paraîtra clairement dans un des chapitres
suivants, que pendant les quatre premiers siè-
cles les clercs ne se distingnaient des laïques
ni par la tonsure ni par leurs habits , on ei'it
bien pu conclure de là qu'il n"y avait point
alors de clercs à simple tonsure, puisque ce
n'a été que dans les siècles suivants qu'il s'est
introduit une espèce particulière de clercs,
qui ne sont tels que par la tonsure et par l'habit
ecclésiastique.
Mais nous avons jugé plus à propos de ne
point séparer les trois questions qui ont été
proposées au commencement du chapitre pré-
cédent, à cause de l'cvlrèine liaison qu'elles
ont entre elles, et parce qu'il serait difficile d'y
revenir après nous être étendus sur la tonsure
et sur riiabit ecclésiastique.
Nous examinerons donc ici les deux autres
questions proposées, puis nous passerons à
celle de l'habit et de la tonsure des clercs.
II. Si nous repassons sur tout ce qui a été
dit dans le chapitre précédent, nous trouve-
rons évidemment que la question du chapitre
présent y a été décidée par avance. En etTet, si
les ordres mineurs étaient originairement des
offices, comme on ne pouvait pas les exer-
cer tous ensemble, il eût été inutile de les con-
férer toujours tous ensemble à une même per-
sonne. Si c'étaient des offices où l'on s'exerçait
comme dans un noviciat pour se purifier et se
préparer aux ordres supérieurs, auxquels il ne
fallait pas se précipiter en sortant de la fange
du siècle, le long exercice de quelques-uns
de ces ordres ou même d'un seul pouvait suf-
fire pour cela. Erifin, chaque particulier n'a
pas toujours toute l'aptitude ni toutes les qua-
lités nécessaires pour exercer ces quatre ordres
divers. Les plus jeunes sont d'autant plus pro-
pres à cire lecteurs, qu'ils le sont moins à faire
les fonctions des acolytes, des portiers ou des
exorcistes. Et au contraire, ceux qui ont l'âge
et la force pour les fonctions plus pénibles de
ces autres ordres, manquent souvent de la dis-
position qu'il faut pour être lecteurs.
m. Quchpie palpables que soient ces rai-
sons, elles n'ont lieu (|ue pour les premiers
siècles, où ces ordres étaient considérés comme
des offices efTectirs, (]u'il fallait exercer avec
une extrême assiduité. Elles n'ont pas la même
vigueur pour les derniers siècles, où les fonc-
tions en ayant été presque oubliées, ces ordres
ont été regardés comme des dignités saintes,
comme des ornements sacrés, comme des
marques vénérables de l'antiquité ecclésias-
litpie, comme des liens et des engagements
sacrés, qui nous lieut très-étroitement, et en
des manières différentes, à l'Epouse de J.-C,
connue des protestations humbles de notre
vénération et de nos sincères respects pour
tous les moindres services qui se peuvent ren-
dre à l'Eglise comme des ruisseaux de grâce et
de sanctification pour tous ceux qui touchent,
pour ainsi parler, aux franges et aux extrémi-
tés de la robe du grand Pontife du ciel et de
la terre. Car, soit que ces ordres aient été ins-
titués de J.-C. immédiatement par lui-même
ou par l'entremise de son Eglise, qui est un
autre lui-même, conjointement avec le diaco-
nat ou séparément , ce sont des rayons et des
participations du divin sacerdoce du Grand
Prêtre éternel, et il en coule des ruisseaux de
grâce et de sainteté, non-seuletnent sur ceux
qui les reçoivent et les exercent, mais aussi,
quoique moins abondanuuent, sur ceux qui
les reçoivent simplement avec cette profonde
vénération qui est due à Celui qui est la gran-
deur même, et dont les moindres participations
sont des grandeurs excessives pour nous.
Le concile de Trente a tâché de rétablir les
fonctions de ces ordres : aussi a-t-il désiré en
même temps qu'on ne les conférât que sépa-
rément.
Nous dirons ensuite que dans les premiers
siècles même on les a quelquefois conférés
sans dessein de les faire exercer, et néanmoins
avec une pleine confiance que, sans déshono-
rer la sainteté de ces ordres, on honorait et on
sanctifiait ceux à qui on les conférait.
IV. Mais il faut venir aux preuves histori-
ques et aux canons, ou aux déci'ets qui confir-
ment ces vérités.
Les constitutions apostoliques permettent,
comme il a été dit ci-dessus, de donner le dia-
conat et les autres ordres supérieurs à un con-
fesseur, ou à un exorciste, quoi(|u'il y soit dé-
claré que ce n'est point un ordre qui les a
faits confesseurs ou exorcistes. Si l'on pouvait
Th. — Tome L
34
530
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-CINQUIÈME.
passer aux ordres sacrés sans aucun des ordres
inférieurs, qui doute qu'on ne iiùt recevoir
quelques-uns des ordres inférieurs, et omettre
les autres?
Et puisque les Grecs n'ont pas mis et ne met-
tent point encore au nombre des ordres mi-
neurs, ni nos acolytes, ni nos portiers, on ne
peut non plus douter que l'on n'ait ju^^é que
quelques-uns de ces ordres inférieurs (jou-
taient être omis, sans rien omettre de ce qui
est essentiel à l'ordination.
V. Le décret du pape Sylvestre dans un con-
cile romain semble d'abord nous être contraire
et il ne l'est néanmoins pas. En voici les pa-
roles, qui marquent la succession de tous les
ordres mineurs : «Si cpiis desiderat in Ecilesia
militare , aut proCcere, sit prias ostiarius,
lector, exorcista, per tempora quœ episcopus
constituerit. Deindo acolylbus annis quinque,
subdiaconus annis iiuincjue, cuslos martyrnm
annis quinque, diaconus annis quinque, pre-
sbyter annis tribus, etc. »
Les actes de ce synode romain ne sont pas
au goût des critiques, ils sont néanmoins de
quelque antiquité, ayant été cités il y a envi-
ron neuf cents ans. Quoiqu'il en soit, ce décret
n'exprime pas nettement qu'il faille nécessai-
rement passer i)ar les trois premiers ordres; il
en laisse peut-élre la disposition à révé(]ue.
L'ordre du sacristain y est mis après le sous-
diaconat, avec un interstice de cin(| ans ; ainsi
il est en plus grande considération (|ue les
quatre ou cinq ordri'S mineurs. Or cet ordre
ou cet office a été aboli, et il l'a été bientôt
après, comme nous allons voir, par les décré-
tales des papes du même siècle. On peut donc
conclure de la que les quatre ordres mineurs
ne peuvent pas passer dans ce décret pour être
d'une plu.-i jurande nécessité.
Au reste, ces gardes des uiartyrs n'étaient
autres que les sacristains de leurs églises, ([u'on
a|ipclait Martyrin.
M. Mais on ne peut rien demander de plus
clairet de plus convaincant que la décrétale du
pape Sirice (Ep. i, c. 9. 10), ([ui veut que ceux
qui se consacrent dès leur enfince à l'état
ecclésiastique soient d'abord ordonnés lec-
teurs : « Lectorum débet ministerio sociari ; »
(]ue jusqu'à l'âge de trente ans cai les fasse
acolytes et sous-diacres : « Ab accessu adoles-
centiœ usque ad tricesinuun œtatis annuni
acolytbus et subdiaconus esse debebit. » Ajirès
cela on les élèvera au diaconat : « Post quœ ad
diaconii gradum accédât. » Des quatre ordres
mineurs, ce pa[)e en fait omettre deux. Il ne
donne aux jeunes enfants que l'ordre de lec-
teurs, parce que c'est le seul dont ils pouvaient
remplir la fonction. Comment leur eût-il fait
donner l'ordre des acolytes, qui demandait un
âge plus avancé et plus de forces?
Si ce sont des personnes âgées qui désirent
de passer de la dissipation et de la corruption
du siècle au sacré repos et à la milice toute
sainte du clergé, ce pape ordonne qu'aussitôt
après leur baptême ils soient mis aux rangs
des lecteurs ou des exorcistes, et deux ans après
à celui des acolytes et des sous-diacres, d'où
ils passeront cinq ans après au diaconat. « Sta-
tim lectorum aut exorcislarum numéro socie-
lur. Qui dum initiatus fuerit, expleto biennio,
per quinquennium alius acolytus et subdiaco-
nus fiât ; et sic ad diaeonalimi ]irovebatur. »
Connue les personnes un peu âgées n'étaient
pas toujours propres à l'office des lecteurs, ce
pape leur donne le cboix de l'ordre des lecteurs
ou de celui des exorcistes. Mais il paraît aussi
clairement que des quatre ordres mineurs, il
ne leur en propose que deux, qu'ils doivent
prendre et exercer successivement.
VIL C'était alors vraisemblablement la pra-
tique de l'Eglise romaine, connue il paraît par
la décrétale du pape Innocent I" (Ep. iv, c. 3)
lorsqu'il prescrit (lar quels degrés il faut arri-
ver aux ordres sacrés, et combien doit être
long l'apprentissage des ordres mineurs. « Nec
cito quilibet lector, cito acolylbus, cilo diaco-
nus, cito sacerdos fiât. Quia in minoribus offi-
ciis si diu perdurent, et vita eorum pariter et
obsequia comprobantur. »
Voilà encore deux ordres mineurs seulement
remarqués, et les deux mêmes ; mais avec
cette condition iju'on y exercera et ([u'on y
éprouvera fort longtemjis ceux qu'on destinera
à (le plus liautes dignités. « In minoribus offi-
ciis si diu ])erdurent. »
(;e pape n'a pas déterminé le temps, parce
qu'il a suivi de fort |)rès Sirice, dont la décré-
tale avait déterminé les intervalles canoniques
lies ordres. Mais au fond, il était bien jikis iin-
j)ortant et plus sûr d'arrêter durant l'espace de
sej)t années, dans les exercices des exorcistes,
des acolytes et des sous-diacres, les personnes
\\n peu âgées qui as[)iraient au diaconat,
comme a fait le pape Sirice, que de leur faire
parcourir en beaucoup moins de temps tous
ces mêmes ordres, et encore deux autres. Et
DES ORDRES MINEURS.
531
quant ù ceux qu'on faisait lecteurs dès leur
enfance, il ne faut i)as non plus avoir éjiard à
l'oniission de deux ordres mineurs, mais aux
longues épreuves par où on les faisait passer
jusqu'tà l'âge de trente ans, où on les ordonnait
diacres.
VIII. Le pape Gélase nous a déjà dit que si
uu religieux, exempt de crime, devait être or-
donné, il fallait commencer par le faire lecteur
ou notaire, ou défenseur ; trois mois après aco-
lyte; au sixième mois sous-diacre; au neu-
vième diacre, et à la fin de l'an prêtre. « Con-
tinno lector, vel notarius, vel certe defensor
effectus, post très menses existât acolytlius,
mense sexto subdiaconus, etc. Epist. ix.) »
Voilà l'onlre des exorcistes et des portiers
omis : voilà le choix donné de prendre l'ordre
des lecteurs, ou l'office de notaire, ou de dé-
fenseur. Ni Sirice, ni Innocent, ni Gélase n'o-
mettent point l'ordre des acolytes : ils omet-
tent tous trois celui des portiers. C'est une
manpie qu'on avait donné dès lors cet office à
des laïques.
IX. Il est vrai que le pape Zozime (Epist. ii.)
semble exii^er i[u'on passe par tous les ordres.
« Adsuescat in Uomini castris, in lectorum jiri-
rnitus gradu divini rudimenta servitii : nec ilii
vile sit exorcistani, acolytlinm, snb'liaconutn,
diacoiiuin per ordinein lieri. » Mais outre (|ue
ce pape omet aussi l'ordre des portiers, il n'im-
pose pas une nécessité absolue de passer i)ar
tous ces degrés : il vent seulement ([u'on soit
disposé à suivre la conduite des évêques, et les
règlements anciens de l'Eglise, auxquels il s'en
rapporte. «Nec hoc saltu,sed slatutisinajoruni
ordinatione temporibus. » Or les décrets que
nous venons de citer ont condamné comme un
vol précipité, saltimi, non [las l'omission de
quelque ordre inférieur, mais l'irruption faite
dans les ordres sacrés, sans avoir exercé quel-
ques-uns des ordres mineurs durant ce long
espace de temps fixé jiar les lois de l'Eglise.
X. Ainsi on ne peut pas accuser de cette pré-
cipitation si contraire aux canons, ce célèbre
archidiacre, qui tutenfin faitévèque de Chàlon,
mais cjui ayant été faitlecteur dès son enfance,
était enfin parvenu à cet archidiaconé, comme
le raconte Sidoine Apollinaire. « Lector hic
primum,sic minister altaris, idque ab infantia.
Post laborum, temporumque processu archi-
diaconus (L. iv, epist. xxv). » Ce n'était pas un
saut, ou une inqiéluosité, c'était une marche fort
lente, fort sage et fort vertueuse, d'avoir depuis
sa plus tendre enfance exercé l'office de lecteur
et s'être enfin élevé à la dignité d'archidiacre.
(hi n'a appelé les ordinations pei' saltutn,
lorsqu'il y avait omission de (|uelque ordre
inléiii'ur, cpTaprès que ces onlres inférieurs
n'ont plus été des offices longs et effectifs, mais
des dignités honoraires et sans fonction. Quand
quelqu'un avait exercé l'office de lecteur ou
d'acolyte, un fort grand nombre d'années, on
ne lui faisait pas un procès s'il était fait sous-
diacre sans avoir été portier ou exorciste; mais
quand on n'a plus traité ces ordres mineurs
que comme des cérémonies religieuses, on a
fait scrupule d'en omettre aucun, (>arce que la
même raison du respect et de la vénération
religieuse les embrasse tous également.
A peine les pouvait-on exercer tous, même
successivement ; ainsi on ne les prenait pas tous
quand on les prenait pour les exercer : maison
doit les respecter tous, et en attendre quebiue
degré de sanctification ; ainsi on doit les re-
cevoir tous dans la discipline nouvelle de
l'Eglise, qui est toujours sainte et apostolique.
XL Sévère Sulpice assiu'e que saint Hilaire
voulut d'abord donner le diaconat à saint Mar-
tin, qui fut depuis archevêque de Tours ; mais
que n'ayant pu surmonter sa résistance, il le fit
premièrement exorciste, |(ersuadé qu'il était
que saint Martin n'oserait refuser un ordre qui
semblait [ilutôt l'humilier que l'élever. Il ne se
trompa point, saint Martin jugea que ce serait
man(iuer d'humilité que de refuser la fonction
d'exorciste.
« Tentavit Hilarius imposito diaconii officio,
sibi eum artiusimplicare, et ministerio \mcire
divino. Sed cum sœpissime restilisset, indi-
gnum se esse vociterans, intellexit vir allions
ingeiiii, hoc eum modo constringi, si id ai
olficii im[toneret, in quo (juidam locus injuriae
videretur. Itaque exorcislam eum esse prœ-
cepit. Quam ille ordinationem ne despexisse
tau(iuam humiliorem videretur, non repu-
diavit (L. de vila B. Martini). »
Cet exemple seul pniuTaitêtre suffisant, pour
nous convaincre qu'il ne tint pas à saint Hi-
laire, qu'il ne donnât le diaconatà saint Martin
sans lui avoir auparavant conféré aucun des
ordres inférieurs, (ju'il lui donna le seul ordre
d'evorciste séparément, et qu'après cela saint
Mirtin fut encore plus disposé à passer immé-
diatement aux ordres sacrés.
532
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-CINQUIÈME.
A l'égard de ce que Sévère croit que ce fut
par mépiis que l'on ordonna Martin exorciste,
sans ado|)ter son opinion, je pense que c'est
parce qu'il était d'usage pour lors, quand il se
trouvait di's personnes recomniandables par
leur mérite et par leur piété, de leur conférer
tout d'un couple diaconat, sans les faire passer
par les ordres mineurs. Cette induction se tire
des termes luèmes de Sévère, et du fait, ou du
moins de ce qu'a tenté de faire l'évèque
Hilaire, d'aut.uit qu'il n'est pas vraisemblable
qu'il eut voulu rien entreprendre contre la
disposition des canons ou contre l'usage.
XII. Saint Ambroise nous fournira et des
preuves dans ses écrits, et un exemi>le dans
sa personne de ce que nous avançons dans ce
chapitre.
Cet admirable et éloquent prélat a excel-
lemment représenté dans ses offices, que tous
n'étant jjas également propres à toutes les fonc-
tions des ordres mineurs, il ne fallait charger
chaque [)articulit'r(iue de l'ordre et de la fonction
dont il était le plus capable, puisque ce ne sont
pas seulement des titres, ou des dignités, dont
on veut les honorer, mais des fonctions saintes
et nécessaires qu'on veut leur faire remplir.
0 Alius dislinguendœ lectioni aptior, alius
psalmo gralior, alius exorcizandis, (pii malo
laborant spiritu, soUicitior; alius sacrario op-
portuniorhabetur. Hœc omniaspectet sacerdos
et quid (■iii(|uecongruat, id officii deputet. Quo
etenim unumqucmque suum ducit ingenium,
aut quod officium decet, id majore implet gra-
tia (L. I, c. -4-4).))
XIII. De ces exemples, il faut tirer deux
conclusions conformes à la règle que saint
Ambroise vient de donner. La première, que
l'on proportionnait ceux des ordres mineurs
qu'on conférait, à ceux(|ui devaient lesexercer.
Ainsi saint Hilaire jugea que saint Martin
n'était plus en àj^e d'être ordonné lecteur, il le
fit exorciste. La seconde est, que les évètpies
jugeaient même qu'il y avait des personnes si
éminentesen vertu, ipi'il fallait d'abord les por-
ter aux ordres sacrés. Saint Hilaire eut passion
de faire saint Martin de laïque diacre.
La chose était si fortement établie dans la
créance des hommes, (|ue la seule raison t|ui
rempêclia de refuser l'ordre d'exorcist(;, c'est
parce que cette ordination était dans l'estime
des hommes comme humiliante et injurieuse
à une personne de son rang.
XIV. Finissons par l'exemple même de saint
Ambroise, dont Paulin, qui a écrit sa vie, ra-
conte qu'en huit jours il fut ba|)tisé, il reçut et
exerça tous les ordres. « Baptizatus itaque fer-
tur omnia ecclesiastica officia implesse, atque
ocfava die episcopus ordinatus est. »
Paulin aurait peut-être pu nous délivrer de
la peine de deviner quels ordres saint Ambroise
reçut avant répiscojiat, puisqu'il se passa six
jouis entiers entre son bai>tênie, et son ordina-
tion |iour l'épiscopat. Ce qu'il y a de [dus
certain, c'est qu'il reçut le diaconat et la
prêtrise.
En effet, comme ce sont incontestablement
les ordres les plus nécessaires et les plus es-
sentiels avant ré[iiscopat, Paulin n'aurait pas
dit qu'il avait exercé tous les offices sacrés, si
les deux plus éminents avaient été omis.
Quant aux autres, les décrétales ci-dessus
alléguées ont fait assez connaître que l'on
commençait par l'ordre des lecteurs, puis on
passait à celui des exorcistes ; de là on montait
à celui des acolytes, et on arrivait enfin à celui
des sous-diacres. Mais c'est deviner, de dire que
saint Ambroise les exerça tous, et en même
ordre.
XV. Ce qu'il y a de plus singulier dans cet
exemple illustre d'un des plus grands et des
plus saints évêques de l'Eglise, c'est qu'il reçut
au moins quelques-uns des ordres mineurs, et il
ne les reçut pas pour les exercer, parce que ce
n'est pas les exercer, que de ne les exercer
qu'une fois ou deux. Si c'est une pure formalité,
quoique religieuse, de recevoir ces ordres mi-
neurs sans les exercer ; c'est aussi une jiure
formalité de ne les exercer qu'une ou deux fois.
L'intention de l'Eglise était de les faire exercer
longtemps, pour se purifier aussi longtemps
avant d'approcher de l'hostie sainte et céleste
de nos autels. Saint Ambroise ne laissa pas
d'être mis au nombre des néo|)liytes faits évo-
ques, quoi(|u'il eût peut-être reçu tous les ordres
mineurs en huit jours.
Voilà donc un exemple de l'omission que les
derniers siècles ont fait des exercices des ordres
mineurs. Mais plût à Dieu ([u'on n'eût fait cette
omission que pour des Ambroises !
DES INTERSTICES DES ORDRES.
533
CHAPITRE TRENTE-SIXIEME.
DES INTERSTICES DES ORDRES, ET SI L ON N OMETTAIT JAMAIS AUCUN DES ORDRES MAJEURS
PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES DE L'ÉGLISE.
I. Liaison de ces malières.
II. Le concile de Sardique décide la nécessité d'observer les
inlerslices, et de n'omeltre aucun des ordres mineurs.
III. Longueur des inlerstices.
IV. Le temps en est marqué par le pape Sirice pour les
jeunes gens.
V. Pour les personnes plus âgées.
VI. Pour les moines. Ce temps était trop long.
Vil. Zozime confirme la même longueur des inlerslices.
VIII. Ces papes permettaient d'omettre quelques-uns des or-
dres mineurs, mais non pas de réduire le temps des interstices.
IX. Le pape Gélase commença à se relâcher dans une ei-
trême nécessité, et avec des précautions merveilleuses.
X. Jusqu'où se relâcha ce pape.
XI. Observation des inlerstices dans l'Orient. Si on y a omis
le diaconat avant la prêtrise, ou la prêtrise avant l'épiscopat.
XII- Ischyras condamné pour avoir été fait évéque, sans avoir
été prêtre.
XIII. Que saint Basile fut ordonné diacre avant d'être fait
prètne.
XIV. Divers exemples de ceuï qu'on prétend avoir été ordon-
nés prêtres sans le diaconat.
XV. On répond que le diaconat avait précédé, et on le
prouve par des esemples.
XVI. De l'ordination de saint Grégoire Thaumaturge absent.
XVII. Autres ordinations d'èvêques, en omettant la prêtrise.
Et la réponse.
XVIII. Si le Fils de Dieu a exercé tous les ordres.
XIX. Dans l'Eglise latine on n'a donné la prêtrise qu'à des
diacres, ni l'épiscopat qu'à des prêtres. Réponse aux objections.
XX. Preuve tirée de Photius.
I. Nous navons pu démêler la question
précédente sans entamer celle-ci, tant elles
ont de rapport et de connexion entre elles.
C'est la troisième que nous nous étions \n-o-
posée, comme une suite de celle qui regardait
les clercs à simple tonsure.
Elle contient deux articles, dont le premier
est des intervalles de temps, ou des interstices
qu'il fallait laisser couler selon les lois canoni-
ques, entre les ordresdivers qu'on recevait, soit
majeurs, soit mineurs ; le second est de l'omis-
sion des ordres majeurs, savoir, si l'on a jamais
ordonné, ou des évèques qui ne fussent pas
déj;i prêtres, ou des prêtres à (jui le diaconat
n'eût jamais été conféré.
II. Le concile de Sardi(iue(Can. xiii), semble
résoudre la question, quand il ordonne qu'on
ne consacrera point d'évêquequi n'ait fait au-
paravant l'office de lecteur, de diacre et de
prêtre, et qui ne soit monté par un progrès
modeste et réglé, d'un degré à l'autre. « Ut
non prius ordinetur eiiiscopus, nisi ante et
lectoris munere, et olficio diaconi, aut presby-
teri fuerit perfunctus : et ita per singulos gra-
dnssi dignusfuerit, ascendatadculmen episco-
patus. »
J'ai cru que ce terme aut avait la même si-
gnification ijue la conjonction e^ selon l'usage
fi équent de queli|ues siècles. La cliose est évi-
dente dans le texte grec de ce même canon
(Can. \], où se trouve la même particule con-
jonctive, qui avait précédé, pour faire succédtr
l'ordre de diacre à celui de lecteur. KxI ivi-p'waroj,
y.%\ ^•.%/.i-m, /.v. TCjEirpjTsfcj. IKùt été ridîcule de faire
un canon exprès pour faire monter par degrés
à répisi;opat, et omettre, ou relâcher dans ce
même canon le principal et le plus important
de ces degrés, qui est la prêtrise.
Si ce canon a été fait contre le fameux
Ischyras, que les Ariens avaient fait évéque,
sans qu'il eût jamais été prêtre, il y avait une
nécessité toute particulière d'y ex[)rimer que
les évêques ne pouvaient être évèques, s'ils
n'avaient auparavant été ordonnés prêtres.
III. Il est donc certain que ce canon décide
les deux articles de la question proposée, en
déclarant que les intervalles des ordres doivent
être gardés, et que ni le diaconat ne peut être
omis avant la prêtrise, ni la prêtrise avant
l'épiscopat.
Le temps de ces interstices n'y est pas à la
vérité marqué, mais il est remarqué qu'il doit
être long, et qu'on y doit faire de longues
épreuves de la foi, de la modestie, et de toutes
les vertus (jui doivent accompagner le sacer-
doce. « Potcst enim lier bas proiuotiones, quee
liabebiuit utiiiue longum tem|)us, probari qua
fide sit. quave modestia, qua gravilate et vere-
cumiia. »
Ces interstices sont principalement néces-
534
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME.
saires avant les ordres sacrés, parce que c'est
des trois ordres sacrés qu'il faut entendre (|ue
les néopliytes sont exclus par l'Apôtre. « Con-
veniens non est, nec ratio, vel disci|)Iina pati-
tur, ut tenereet leviterordinetur, aiit c|iisco|ms
aut presbvler, aut diaconus, qui neopliytus
est. » Or ce n'est que par les exercices d'un
long apprentissage dans les ordres précédents,
qu'on évite le blànie et l'irrégularité des néo-
phytes, en recevant les ordres suivants. « Ili
quorum per longuni tenipus exaniinata sit
vila, et mérita fuerint com|>robata. »
IV. Le pape Sirice détermine plus précisé-
ment le temps des interstices, et ce n'est que la
praliiiue réunie qu'il nous apprend ; la même
apparemment que le concile de Sardique sup-
posait être connue de tout le monde. 11 veut
que dès l'enfance on se fasse baptiser, et (]u'on
reçoive l'ordre des lecteurs avant l'âge de pu-
berté. « Quicum(pieseEcclesi?p vovitobseciuiis,
ab infantia, anle pubcrtatis annos baplizari, et
lectorum débet ministerio sociari. » Depuis
l'âge de puberté jusqu'à l'âge de trente ans,
soit qu'on se marie, ou non, il veut qu'on re-
çoive les ordres, et qu'on exerce les fonctions
d'acolyte et de sous-diacre. « Qui ab accessu
adolescenlia; uscjuc ad tricesimum œtatis an-
num, una uxore contentus, etc., acolythus et
subdiaconus esse debebit (Epist. i, c. 9). »
11 f.iut donc exercer selon ce pape l'office
de lecteur, depuis l'enfance jusqu'à l'âge de
pubeité ; et celui d'acolyte ou de sous-diacre
depuis la puberté jusqu'à l'âge de trente ans.
Ce sont à peu près vingt ans de pré|iaralion
avant le diaconat. Entre le diaconat et la prê-
trise, il y a cinq ans d'intervalle. « Post quaî
ad diaconi gradum accédât, ubi si ultra (luin-
que annos lauilabilittr ministrarit, congrue
presbyterium consequetur. » Après vingt-cinq
ans d'épreuves (|ui ont précédé la prêtrise, il
en reste encore dix avant cpie de parvenir à
l'épiscopat. « Exinde post decennium episco-
palem catliedram poterit adipisci : si tamen
per liiEC tempora inlegritas fldei ac vitœ ejus
fuerit approbata. »
V. Voilà ce qu'on exigeait de ceux qui se
consacraient dés leur enfance à l'état ecclésias-
ticjue. On ne pouvait |)as attendre les mêmes
exercices de trente-cinq ans de ceux qui ne
pensaient à se lier à la cléricature que dans
un âge LUI peu avancé. Aussi ce pape use d'une
grande modération à leur égard. 11 se contente
qu'ils exercent l'espace de deux ans l'ordre des
lecteurs ou des exorcistes, a Qui vero jam
a'tate grandœvus, etc. Eo quo baiiti/.alur tem-
pore, slalim lectorum, aut exoreislarum nu-
méro societur (Ibid. c. x). »
A|)rès Cl s deux années expirées, ils rece-
vront l'ordre des acolytes et des sous-diacres,
pour les exercer l'espace de cinq ans :« Expleto
biennio, per qninquenniuni aliud acolythus
et subdiaconus fiât, et sic ad diaconatum pro-
vebatur. »
Voilà sept ans d'interstice avant le diaconat,
pour les personnes âgées même, en f.iveur des-
quelles on adoucissait certainement la sévérité
des lois de l'Eglise.
VI. La sainteté éprouvée dans un monastère
méritait bien aussi qu'on tempérât la rigueur
des canons, et qu'on accourcît le tem|)S des
interstices. Ce pape n'en relâche pourtant
guère; car il ordonne qu'on ménage les ordres
mineurs aux moines jusqu'à l'âge de trente
ans. Alors on les fera diacres , après quoi on
leur conlèrera la prêtrise. Mais du diaconat à
la prêtrise, et de la prêtrise à l'épiscopat, il
veut absolument qu'on garde les mômes in-
terstices de cinq et de dix ans, qui ont déjà été
nianiués. « Ita ut qui intra tricesimum œtatis
annum sunl digni, in niinoribus per gradus
sirigulos, crescente tempore , [iromoveantur
ordinibus : et sic ad diaconatus, vel presby-
terii insignia , niaturœ œtatis consecratione
perveniant. Nec staiim saitu ad e|)iscopatus
culmen ascendant, nisi in his eadem, quœ sin-
gulis dignitatibus superius pncfiximus, tem-
pora fuerint custodita (Cap. xui). » C'est-à-dire
qu'il exige encore cinq ans d'intervalle entre
le diaconat et la prêtrise, et le double entre la
prêtrise et l'épiscopat.
C'est ce qui est marqué par ces paroles :
« Maturœ œtatis consecratione , » parce qu'il
fallait alors être âgé de trente ans pour le dia-
conat, de trente-cinq pour la prêtrise, et de
quarante-cinq pour l'épiscopat.
Voilà une confirmation bien claire de ce
que nous avons dit dans le chapitre précédent,
que les ordinations irrégulières per salttim,
étaient alors celles où l'on ne gardait point les
interstices canoniques, pour exercer à loisir
les fonctions de chaque ordre.
VII. Le pape Zozime n'exige pas moins ri-
goureusement cette démarche lente et mesu-
rée dans un chemin si glissant et si dangereux.
Il s'en tient au temps réglé par ses prédéces-
seurs, en sorte qu'on n'arrive à la prêtrise
DES INTERSTICES DES ORDRES.
535
qu'à lin âge qui approche de la vieillesse .
puisque le nom même des prêtres nous dé-
clare que ce sont les anciens et les sénateurs
de l'Egrlise. « Nec vile sit exorcistani . acoly-
thuni, subdiaconum, diaconum per ordineni
fieri ; nec hoc saltu, sed statutis majoruin or-
dinafione leniporibus. ,Iam vero ad presbyterii
fastiginm taiis accédai^ ut et nomen œlas ini-
pleat (Epist. i). »
Ce saint pape témoigne au même endroit
que l'amljition de quelques évêques était la
cause de tous les abus qui se commettaient en
cette matière.
La passion démesurée d'avoir un clergé fort
nombreux et d'étendre les limites de leur
diocèse les portait à donner les ordres avec
une facilité et une préci[)itation très-dange-
reuse. L'exactitude et la sévérité n'est nulle
part plus nécessaire que dans la collation des
ordres; rien n'avilit tant le sacerdoce que
la multitude superflue de clercs et de prê-
tres. Tout ce qui devient commun perd son
prix.
« Facit hoc nimia remissio consacerdotura
nostrorum qui pompam multitudinis qu;T-
runt, et putant ex hac turba aliquid sibi di-
gnitatis ac(iuiri , etc. Parochias extendi cu-
piunt. Quibus aliud prapstare non possunt ,
divinos honores largiuntur ; quod oportet di-
stricti semper esse judicii. Rarum est enim,
omne quod magnimi est. »
Voilà les saintes maximes de l'Eglise pour les
ordinations. On doit y apporter beaucoup de
sévérité pour l'observance des insterstices.
« Oportet districli semper esse judicii. » On
doit être persuadé que le trop grand nombre
de clercs en diminuera l'estime et la vénéra-
tion, a Rarum omne quod magnum est. » La
succession de tant d'ordres les uns après les
autres^ et ces lenteurs affectées dans les inter-
valles, sont des marques certaines que l'Eglise
en a voulu rendre l'abord difficile et le pro-
grès lent et mesuré.
Aussi ce pape demande que, si dès l'enfance
on s'est consacré à la cléricature. on passe dans
les exercices des lecteurs jusqu'à l'âge de vingt
ans : si c'est dans un âge un peu plus avancé
qu'on se veut engager dans l'état ecclésiasti-
que, qu'aussitôt après le baptême on prenne
l'ordre de lecteur ou dexorciste, qu'on l'exerce
l'espace de cinq ans ; qu'on passe ensuite
quatre années dans les fonctions d'acolyte ou
de sous-diacre ; on recevra après cela le diaco-
nat, et on l'exercera cinq ans pour passer en-
suite à la prêtrise et à l'épiscopat.
« Si ab iufantia ecdesiasticis ministeriis no-
men tk'derit , inter lectores us(|ue ad vicesi-
iiiiiin œtatis annum continuata observalione
perduret. Si major jam et grandaevus accesse-
rit, ita taiiien ut post ba[)ti<minn statim se
divina' milili;p desideret mancipari, sive inter
lectores , sive inter exorcist;is quinquennio
teneatur. Exinde acolylhus vel subdiaconus
quatuor annis, et sic ad benedictionem diaco-
natus accédât, in quo ordine quinque annis
hœrere debebit. »
VIII. 11 semble que ces papes fassent deux
classes des ordres mineurs, mettant les lec-
teurs et les exorcistes dans la première ; les
acolytes et les sous-diacres dans la seconde; et
ne parlant point des portiers, mais mettant
toujours le sous-diaconat au rang des ordres
mineurs.
Bien loin de donner ces ordres mineurs tous
ensemble, ils veulent qu'on n'arrive à ceux de
la seconde classe que par de longues épreuves
et un long exercice des fonctions de ceux de
la première. Enfin ils donnent toujours l'al-
ternative de prendre l'un ou l'autre des deux
ordres de chaque classe; ainsi l'omission de
quelqu'un de ces ordres mineurs n'a rien de
dangereux, ou d'irrégulier ; mais l'omission,
ou raccourcissement du temps des interstices,
est un défaut qui leur paraît insupportable.
La raison en est évidente : 11 importe peu
qu'on emploie un grand nombre d'années
dans les exercices des ordres mineurs, sans en
omettre aucun, pour se préparer dignement
aux ordres sacrés : mais il importe extrême-
ment (]ue ce grand nombre d'années soit fidè-
lement employé sans en rien diminuer, soit
dans les fonctions de tous ces ordres, soit de
quelques-uns seulement. En etiet, ces papes
avaient déjà presque retranché les fonctions
du portier. Celles des exorcistes ne pouvaient
être que rares. Le pape Célestin écrivit une
lettre fort pressante aux évêques des Gaules,
sur la nécessité de ces interstices (Ep. ii, c. 3).
IX. Le pape Gélase a été le premier qui se
soit relâché de cette inflexible sévérité, mais il
ne l'a fait que dans une nécessité si pressante,
et avec des précautions si sages, qu'on peut
dire que sa condescendance même conserve
tout l'esprit des canons et toute la rigueur de
ses prédécesseurs.
11 proteste d'abord qu'il ne souffre la dirai-
536
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME.
nution des interstices que dans l'inévitable né-
cessité de donner des minisires à des églises
qui en sont entièrement destituées. « Ecclesiis
quœ cunctis sunt privatfe ministris, vel suf-
ficientjbus usque adeo dispoliatœ servitiis ut
plebibus ad se pertinenlibus divina munera
supplerc non valeant. »
II déclare ensuite que la dispense qu'on ac-
corde en faveur de ces éylises désolées ne
pourra préjudicier à l'observation exacte des
anciens décrets , liors de ces cas extraordi-
naires. « Priscis pro sui reverentia nianen-
tibus constitutis, quœ ubi nulia vel rerum, vel
temporum iieruryel angustia, regulariter con-
venit custodiri. »
Enfin il proteste que ce n'est pas une nou-
velle loi qu'il |iropose, mais une dispense qu'il
donne; que toutes I.s autres Eglises s'en tien-
dront à la rigueur des anciens décrets, et que
les Eglises mêmes à ([ui celte dispense n'a pu
être refusée dans cette nécessité extrême, re-
prendront la rigoureuse observance des an-
ciens décrets dès qu'elles seront délivrées de
cette fàclieuse nécessité.
« Quie eatenus indulgenda credidimus, ut
illis Ecclesiis, qu:e infestatione bellorum, vel
nulla penitus, vel exigua remanserunt mini-
steria, renovenlur. Quatenus lus Deo propitio
restitutis, in ceclesiasticis gradibussubrogandis
canonum paternorum vêtus forma servetur :
nec contra eos ulla ratione prœvaleat , quod
pro accidentis detectus remedio providetur^
non adversus scita majorum nova lege propo-
nitur : c;pteris Ecclesiis ab bac occasione ces-
santibus ; quas non simili clade vaslutas, pri-
stinam faciendis ordinationibus convenit tenere
sentenliam. »
X. -Après tant de sages précautions, ce pape
permet de dispenser les moines de la plus grande
partie du temps des interstices canoniques, en
leur faisant prendre et exercer seulement du-
rant trois mois l'ordre et l'office de lecteur, ou
de nolnire ou de défenseur : trois autres mois
celui d'acolyte; trois autres mois celui de sous-
diacre et autant de temps celui de diacre, en
sorte qu'à la fin de l'année on les ordonne
prêtres. « Nono mcnse diaconus, completoque
anno sit presbyter (Epist. ix). »
Outre la nécessité des Eglises qu'il fallait
pourvoir de ministres, ce pape considérait en-
core que les longues austérités de la vie claus-
trale pouvaient bien tenir lieu d'interstices à
ces religieux. « Cui tamen quod annorum in-
terstitia fuerant collatura , sancli proposili
sponte suscepta doceatur prœslitisse devotio. »
C'est-à-dire qu'en ne prenant que les plus fer-
vents et les plus vertueux d'entre les religieux
pour les élever aux ordres, on trouvait en eux
une juste compensation de ces interstices ca-
noniques dont on les dispensait.
Aus^i ce pape voulant étendi'e cette dispense
aux laïi|ues, il exige premièrement qu'on n'en
ordonne point que d'une vertu éprouvée , et
(]ui ayent déjà acquis ce degré de piété, et
celle pureté de vie où l'on tâclie d'ariiver par
les interstices. « Tanto magis ijuod sacris aptum
possit esse servitiis, in eoruni qu;rrendum est
institutis, quantum de teuipore , quo fuerant
hœc assequenda , decerpitur: ut morum ha-
bere doceatur boc probitas , quod prolixior
consueludo non conlulit. »
Il exige secondement, qu'au lieu d'une année
qu'on avait destinée aux interstices des reli-
gieux, on prenne dix-buil mois pour les laïques
avant que de les élever à la prêtrise, jmisqu'il
faut mettre quelque différence entre les i)er-
sonnes séculières, et celles qui se sont déjà
consacrées à une sainte retraite. « Quorum
lironiolionibus super anni metas sex menses
niliiloininus subroganius : quoniam distare
convenit inter personam divino cultui dedi-
tim, et de laicorum conversatione venieu-
tem. »
XI. Nous avons sujet de croire que la même
loi des interstices était rigoureusement obser-
vée dans l'Orient. Théodure, diacre d'Alexan-
diie, protesta dans sa requête au concile de
(^akédoine, qu'après avoir re(;u la cléricature
dans l'Eglise d'Alexandrie , il avait attendu
•piinze ans dans l'esiiérance d'un ordre su|)é-
rieur. « (Juindeciin annos in eodem clero
permansi , sperans et majorem lionorem me-
reri (Conc. Calced., act. 3). »
Saint Crégoire de Nazianze assure que saint
Atbanase passa par tous les degrés des ordres
avant que de parvenir à l'épiscopat (Orat. i. in
Laudem Allumas.). On sait ([ue saint Basile
fut lecteur; (jne saint Cbrysostome fut lecteur
et diacre avant que d'être évêque. Mais comme
il y en a qui croient que saint Basile reçut
Tordre de la prêtrise, sans avoir jamais reçu
celui (lu diaconat, il faut examiner cet excnqile
et (luebiues autres qu'on rapporte, pour nous
persuader q'ie l'on a (pielquefois omis le dia-
conat avant la préirise , et la prêtrise même
avant l'épiscopat. Comme les preuves en sont
DES INTERSTICES DES ORDRES.
S37
plus violentes clans rEjj:li=e grecque, nouscom-
niemerons par elle.
XII. Nous pourrions attribuer à l'Eglise grec-
que le concile de Sirdique, puisque les canons
en furent répandus enfin et autorisés dans
rOrient, et que c'est la version grecque de ces
canons qui nous a plus clairement découvert
ci-tlessus la nécessité indispensable de passer
par le diaconat et la prêtrise, avant que d'at-
teindre à l'épifcopat. Le canon de ce concile fut
fait parliculièrenient contre l'infâme accusa-
teur de saint Allianase, Ischyras, que les ariens
voulurent accréditer en le faisant évoque,
quoiqu'il n'eût jamais été prêtre.
Saint Atlianase protesta bautement que
c'était un attentat contre toutes les lois de
l'église, et qu'Ischyras , après sa prétendue
oniination. était aussi peu évèque que prêtre :
a Honiintui , qui ne presbyler (]uidem erat,
pnpter majorum traditionem , episcopum sci-
licet appellaverunt; non quidem ignari , ne
quidein ipsi. quam boc absurdum esset, sed
promissis redeniptœ calumniaî adacti et eliani
il'ud siisliiienduni putaverunt, etc. Inanc ille
nomen episcopi detiuet, etc. Atbanas. Apul. u;
Tbeodoret., 1. n, c 8; Socrat., lib. i. c. 20.) »
La lettre synodale du concile de Sardiijue,
rapiiortée par Théodoret. fait la même jjrotes-
tation de la nullité de i'épiscopat d'Iscbyras,
qui n'avait point été précédé de la prêtrise.
On ne peut aussi nier que l'impie Timotbée,
qui se fit ordonner évêque d'.\le\andrie, après
la mort inbumaine du bienheureux martyr
Protérius, n'ait été ordonné évêque sans avoir
jamais été prêtre. Mais ce fut aussi une des
raisons pourquoi le concile des évoques d'E-
gypte déclara que son ordination était nulle.
« Episcopus sine manus impositione existens,
sed neque priorem habens presbyteratus ordi-
nem (Conc. Calced., part, ni, c. 22). »
Ces exemples n'auraient pas été le sujet de
l'horreur et de l'indignation des Pères et des
conciles, si l'on n'avait été bien persuadé qu'il
était d'une nécessité indispensable d'être prê-
tre avant que d'être fait évèque.
Théodoret a rapporté la lettre synodale du
concile d'illyrie, aux Eglises d'Asie, où il est
décidé qu'on ne doit élire les évèques que
d'entre les prêtres, ni les prêtres et les diacres
que d'entre les clercs (Théodoret., I. iv, c. 8;
Hieron., epist. Lxxxr. Saint Jérôme a écrit
dans une de ses lettres que dans Alexandrie la
coutume avait été, depuis saint Marc jusqu'à
I'épiscopat d'Héraclas et de Denys, que les
prêtres élisaient l'un d'entre eux pour évê-
que.
Xlll. Si saint Grégoire de Nazianze ne parle
que du lectorat, de la prêtrise et de I'épiscopat
de saint Basile, il n'en faut pas conclure qu'il
n'a jamais été diacre. Socrale parle de son
ordination au diaconat (Orat. xx). Le silence
de saint Grégoire de iNazianze n'est pas une
preuve suffisante pour une chose de si grande
conséquence. 11 peut avoir omis le diaconat,
ou parce qu'il l'exerça très-peu de temps, ou
parce qu'il le reçut conjointement avec la prê-
trise, comme nous avons dit ci-devant, que
saint .\mbroise reçut tous les ordres et I'épis-
copat même en six ou sei)t jours. Le progrès
ordinaire, même des grands hommes, était de
passer du lectorat , c'est-à-dire des ordres
niiuturs, au diaconat.
Palladius raconte comme saint Chrysostome
fut ordonné lecteur après son baptême et
qu'ayant ensuite passé six ans dans la solitude,
il revint àAntioclie, ou Mélèce l'ordonna diacre
(Paliad., in \ita Chrysoslom., c. v, xvl. lien dit
autant d'un nonnné Constance, qui fut lecteur
dès son enfance et puis diacre.
Il est vrai que Socrate s'est mépris, quand il
a dit dans son livre vi. chapitre m, que ce
Basile qui fut ordonné diacre par Mélèce , et
qui fut depuis évêque de Césarée, en Cappa-
doce, était l'ami intime de saint Chrysostome.
Mais sa méprise n'est qu'en ce qu'il confond
l'ami de saint Chrysostome avec l'évêque de
Césarée. Ce sont évidemment deux Basile diffé-
rents; mais le diaconat conféré par Mélèce
peut certainement convenir et à l'un et à
l'autre, et si l'on examine les époques de tous
ces prélats, il ne s'y trouvera rien (jui soit in-
com[iatible.
11 est au reste d'une assez grande consé-
quence de ne |ias laisser monter saint Basile à
la prêtrise autrement que par le diaconat, pour
ne pas laisser échapper ce passage de Socrate,
s'il peut servir à cela. Mais ce n'est pas pour
une fois que Socrate a voulu nous assurer du
diaconat de saint Basile. U en parle encore
plus positivement dans le livre iv, chapitre
XXVI, ou après avoir touché les combats de
saint Grégoire et de saint Basile contre les
ariens il use de ces paroles : « Ac Basilius
quidcm primum a Meletio Antiocbenfe urbis
episcopo ad officium diaconi promotus, inde
ad patriœ suse, Csesareœ scilicet Cappadociae
538
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME.
episcopatum evectus, Ecclesiarum curam sus-
cepit. »
Cet endroit regarde uniquement le grand
saint Basile et n'a nul rapport avec l'ami parti-
culier de saint Clirysostome. Aussi saint Basile
donna les ordres comme il les avait reçus, et
étant venu chercher dans un monastère un
excellent religieux pour le faire prêtre, il le fit
premièrement diacre ' Dorotlieus, docirina i ;
Coteler, Monum. Eccles. Gnecœ, p. 102).
\IV. Si nous en croyons Tliéodoret dans son
histoire religieuse (Hist. rel., c. xiii) , Fiavien,
évoque d'Antioche, ayant été informé de la
sainteté tout extraordinaire du solitaire Macé-
donius, il le fit venir à Antioclie, comme pour
l'obliger de se justifier de quelque accusation,
le fit assister à sa messe, pendant laquelle il
l'ordonna prêtre, sans l'avoir averti de rien.
Tc.;;UfsO(jivÈ-Y)caTax=-y£i. Ce bon hon)me ayant appris
son ordination de ceux qui étaient ])résents , il
les chargea d'injures, voulut frapper révè(iue
même de son hàlon, et s'en retourna dans sa
solitude , ayant le cœur percé de douleur.
Comme on le pressait le dimanche suivant de
se trouver à la cêlchralion des saints mystères,
il refusa en demandant si on voulait encore
une fois le faire prêtre, npopàxxssaai TCpEuiiûTspov.
Un autre solitaire , nommé Acepsimas ,
ayant prédit qu'il devait mourir après cin-
quante jours, l'évêque du lieu vint pour l'or-
donner prêtre ; il i)rotesla (ju'il n'y consentait
que parce qu'il savait bien que la mort le déli-
vrerait bientôt d'une si pesante et si périlleuse
charge (Ibid. c. xv, xvi). Il reçut l'ordre de prê-
trise, et mourut. C'est là encore un exemple
des ordres donnés à des personnes saintes,
sans dessein et sans espérance qu'ils les exer-
çassent jamais.
L'histoire du saint reclus Salamane est encore
plus étrange. Il menait une vie très-pénitente
dans une cellule murée de tous côtés, sans
porte et sans fenêtre. L'évê(iue de la ville voi-
sine fit faire une ouverture à la muraille, lui
imposa par là les mains et l'ordonna prêtre.
Mais après cela n'ayant pu tirer de lui une
seule parole, il fit refermer le trou, et s'en
retourna.
Nous pourrions ajouter l'exemple du saint
anachorète Abraham , que l'évêque du lieu
obligea de sortir de sa cellule, de recevoir le
sacerdoce et de prendre la conduite d'ime pa-
roisse. « Educens eum de cellula efiiscopus in
civitatem introduxit; ibique per impositionem
manuum preshyter ordinatus, etc. (Vita Pa-
trum, fiosveid., p. tid;. » Oiigène passant par
la l'ulcstine, n'étant encore (juc laïque, fut or-
donné prêtre parles évêques du pays, au rap-
port d'Eusèbe (Eusehius., 1. vi, c. 23).
XV. Mais quelque pressants que semblent
ces exemples, ils n'ont rien de convaincant.
Car il n'y en a pas un seul où en termes for-
mels on marque l'omission du diaconat. On
peut donc croire, et c'est le plus sûr, que dans
les dilfi'reuls endroits de la même messe, qui
sont désignés poiu' cela, on donnait première-
ment le diaconat, et ensuite la prêtrise, quoi-
que les auteurs u'ayent parlé (pie de la prê-
trise, parce qu'on sait bien (|ue le diaconat est
un degré |iar lequel il y faut monter.
Pour justifier cette réponse, je rapporterai
l'exemple de saint E[)ipliane, lequel ayant pro-
testé plusieurs fois à l'évêque Pappus qu'il
n'était pas encore clerc, cet évêciue ne laissa
pas, dans la célébration d'une seule messe, de
l'ordonner diacre, prêtre et évêque (Vita Epi-
phan. apud Surium, Maii die xn, c. 3). « Eum
itaque ordinal diaconum ; et rursus dat ei
pacem, et ipsum ordinal presbyterum. Rursus
sit cousequcntia, et eum ordinal episcopum. »
Le terme de « consequentia » iwXou6ia , signifie
la continuation de la messe.
Si la vie de saint Epiphane n'est pas à l'é-
preuve des critiques, voici un autre exemple
du même sujet, où les plus sévères censeurs
ne trouveront rien à redire. Saint Epiiihane
nous apprend lui-même qu'il conféra le dia-
conat et la prêtrise à Paulinien, frère de saint
Jérôme, en une seule messe. « Ignorantem
eum, et nullam penitus habentem suspicionem,
per multos diaconos apprehendi jussimus, et
tencri os ejus, etc. Et primum diaconum ordi-
uavimus, et compellentes eum ministrare, etc.
Et eum ministraret in sanctis sacrificiis rursus
euni,ingenti difficultate, lento ore ejus, ordina-
vimus presbyterum (Epist. lx, inter Epist. Hie-
ron.). »
Saint Jérôme ne laisse pas de dire que son
frère fut ordonné y)rêtre par saintEpiphane. Et
saint Eiiiiihane dit lui-même qu'on n'avait
besoin que d'un prêtre dans ce monastère où il
ordonna Paulinien premièrement diacre, et
puis iirêtre.
11 faut donc conclure qu'on ne laissait pas de
donner le diaconat, (pioiqu'on n'eût besoin
que d'un prêtre, et de conférer la iirétrise à
ceux qu'on voulait en même temps faire évè-
DES INTERSTICES DES ORDKES.
539
ques. Enfin, ipiand on aurait (|uel(]iiofois omis
le diaconat, ou la prêtrise, ce stMaicnt des laits,
et non i)as des lois; ce seraient ijeul-èlrc (!( s
abus , et non pas des exemples. Tliooiloicl
témoigne lui-même, en racontant ITiisloire du
solitaire Macédonius, (jue ce récit ne plaira |ias
à tout le monde.
XVI. Il faut a [ii'u près dire la même chose
d'une autre sorte d'exemples, aussi jieu imi-
tables.
Saint Grégoire de Nysse semble dire dans la
vie de saint C.régoircTliaumaturge, (ju'il fut or-
donné évèqiie de Néocésarée par IMiediiie,
évéque d'Amasée, quoiqu'il fût éloigné de lui
de l'espicc de trois journées. On conte aussi,
que Daniel Styiite fut ordonné prêtre |)ar
Gennadiu^, patriarche de Constantinople, pres-
que en la même manière. Ce sont des faits
paiticuliers (pii tiennent be:iucou|) du merveil-
leux, mais qui n'ont rien d'imitable. Les lois
l'emporteront toujours sur les exemples, et les
exemples seront toujours au moins douteux
et suspects quand ils seront contraires aux lois.
Il faut ajouter à cela que la prière de l'he-
dinc ne fut que comme une destination de
Grégoire au sacerdoce, qu'il lui conféra ensuite
lui-même en supidéant toutes les cérémonies
saintes qui avaient manqué. C'est le sens de
ces paroles de saint Grégoire de Nysse, dans la
vie qu'il a écrite de saint Grégoire le Thau-
maturge. nxvTwv Ttbv v&u.caâ>v £v auTw T£X£(j7aTwv. Ce
père se sert presque des mêmes termes, pour
décrire la consécration d'Alexandre le char-
bonnier, que le même Grégoire le Thauma-
turge ordonna évèque.
XVII. Laissons celte digression pour revenir
aux autres ordinations, qu'on prétend avoir
été faites avec omission de l'un des ordres
hiérarchiques. On nous propose les exem-
ples de saint Barnabe, de Silas, de Barsabas,
de Tite, de Timolhée, et de tant d'autres
hommes aposloliijues qu'on croit avoir été tout
d'un coup ordonnés évoques, sans passer par le
diaconat, ni même par la prêtrise. 11 est aisé
de répondre que ce ne sont que des conjec-
tures, puisque les saintes lettres ne disent rien
sur ce sujet de clair et de [)récis.
C'est donc le meilleur pour ne point s'égarer,
de se tenir dans le sentiment commun et de
croire que l'usage de l'Eglise est le plus fidèle
interprète des institutions apostoliques. Or
nous avons vu dans l'Eglise grecque, et nous
Talions ,voir encore bien plus évidemment
dans l'Eglise latine, qu'on n'a donné la prê-
lris(; (pi'a des diacres, ni l'épiscopat qu'à des
pleins.
S il se trouvait des personnes qui ne fussent
pas pleinement satisfaites de celte réponse, il
n(! leur en resterait point d'autre pour résou-
dre cette difficulté, que de dire (|ue les apôtres,
dans ces premiers commencements, avaient
t\u 'Iquefois commnniciué le sacerdoce en la
même manière qu'ils l'avaient reçu eux-mêmes
du Fils de Dieu, c'est-à-direqu'ils en avaient tout
d'un coup répandu toute laiilénitude, en don-
nant répi;copalaceux(|ui n'avaient reçu aucun
des ordies inférieurs. Mais outre que cette doc-
trine est hardie, et cpie par cette raison nous
ne |iou\ons nous résoudre à la suivre, il ne
nous paraît nullement nécessaire de rien ajou-
ter à la solution (|ue nous avons a|iportée.
XVIII. Je ne puis passer sous silence l'ima-
gination ingénieuse d'un auteur grec, rapporté
par Bosveidus de l'ancienne traduction latine de
Ji an, sous-diacre de l'Eglise romaine (Rosveid.
Vitœ Pair., p. 698). Il n'est rien de mieux ima-
giné que ce que cet auteur dit, pour montrer
(]ue le Fils de Dieu a exercé sur la terre toutes
les fonctions des ordres. « Factus est lector,
acci|)iens libruin legit in synagoga. Factus est
subiliaconus, faciens nani{|ue de fune flagel-
lum, oinnes ejecit de templo, oves et boves,
etc. Factus est diaconus. Pr;ccingens namque
se linteo, lavit pedes discipulorum. Factus est
presbyter, et resedit in medio magistrorum
docens. Factus est episcopus. Et accipiens
panem benedixit ac fregit. »
Une critique rigoureuse ne serait pas de sai-
son pour des choses si bien imaginées : mais
il serait bien aisé aussi, en prenant cette façon
de raisonner, de faire passer tous les hommes
apostoliques par tous les ordres.
XIX. Finissons ce chapitre par la constance
de l'Eglise latine à ne donner l'épiscopat qu'à
des ])rêtres, ni la prêtrise qu'a des diacres.
Les décrets qui ont été allégués dans ce cha-
pitre et dans les précédents, des papes Sirice,
Innocent, Zozime, Célestin, Gélase, ont gardé
une uniformité admirable en ce point. Ils ont
donné le choix et l'alternative de tous les
ordres inférieurs en y comprenant même le
sous-diaconat, il n'y en a aucun, dont ils n'ayent
toléré l'omission en particulier ; mais pour les
trois ordres suiiérieurs, il ont toujours très-
nettement décidé qu'on n'en pouvait omettre
aucun.
MO
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME.
Les lois étaient si claires, les exemples même
(le saint Ambroise et de P.iulinien, frère de
saint Jérôme, étaient si évidents, il ne faut pas
se laisser entraîner dans un sentiment con-
traire , par des conjectures fondées sur des
suppositions arbitraires. Saint Paulin, après
avoir dit que le bienheureux martyr Félix avait
été premièrement lecteur , puis exorciste, le
fait aussitôt monter au sacerdoce.
Il ne serait ni nouveau, ni surprenant qu'on
eût exprimé le diaconat et la prêtrise par le
sacerdoce, comme il a été dit ci-devant. 11 y a
bien plus de difficulté dans ce que saint Paulin
raconte de lui-même, qu'il fut fait prêtre par
la violence (luetout le peuple de lîarcelone lui
fit, quoiqu'il eût toujours souhaité de com-
mencer par l'ordre le plus bas, et par l'office le
plus humble de l'Eglise. « Repentina vi multi-
tudinis corrcplus , et |)resbyleratu iniliatus
sum, fateor inxitus; non fastidio loci; quia et
ab œditui noniine et offlcio optavi sacram inci-
pere servituteni (Carm. iv). » Possidius en dit
presque autant de saint Augustin : « Soitbat lai-
cus ab eistantumEcclesiis, quœ non habebant
episcopos , suam abslinere |)i;efenti;un, etc.
Euin ergo tenuerunt, episcopoordinandum in-
tulerunt, etc. Factus ergo presbyter, etc. »
Pontiiis dit (pie saint Cyprien fut ordonné i)rê-
tre et évéque sans |iarler des autres ordres.
« Presbylerium et sacerdotiuni simul accepit
(Epist. ad SeviMiim). »
Si saint Cvprien reçut en même temps la
prêtrise et l'épiscopat, pourquoi ne croira-t-on
pas qu'on recevait aussi le diaconat et la prê-
trise dans une même messe? Et si suint Cyprien
fut ordonné prêtre et aussitôt après évêqne,
pourquoi ne dirons-nous pas de même de Céci-
lien, évêqne de la même ville de Carlhage,
(pioiijue Oiilat, évêque de Milève, dise simple-
ment qu'étant diacre il fut ordonné évêcpie.
0 SuIVragio tolius populi CiTcilianus eligilur, et
manus imponcnte Felice Aptungilano episco-
pus ordinatur (L. i). »
Cécilien lui-même voyant que les donatistes
décriaient son ordination conune nulle, les
conviait de le venir ordonner, puiscjue selon
leur pensée il n'était encore que diacre, a Ite-
rum a CiPciliano mandatum est, ut si felix in
se, sicut illi arbitraiiaiitni-, niliil coriluiisset,
ipsi tanquam adliuc diaconum ordinarcnt
Cœcilianum. »
Mais en tout cela il n'y a rien qui dise affir-
mativement ([ue le diacre Cécilien ne hil point
ordonné prêtre dans la même solennité où
immédiatement après il fut ordonné évêque.
Ces exem|des et ces arguments négatifs, fondés
sur le silence, ne peuvent balancer ni les ca-
nons et les décrets positifs , qui ordonnent
très-expressément et très-clairement de ne
jamais omettre aucun des ordres supérieurs,
cpiand on passe à ceux qui sont plus élevés, ni
les exemples contraires où il a été expressément
remarqué que quoiqu'on eût élu un diacre
évêque, on lui donnait la prêtrise, et quoiqu'on
eût élu un laïque prêtre, on lui conférait le
diaconat.
Saint Jérôme est encore un de ceux qu'on
s'imagine avoir été ordonné prêtre, sans passer
par le diaconat. Cela est d'autant moins vrai-
semblable, que ce savant Père i»arlant du prêtre
Népolien, dit qu'il avait été ordonné prêtre
a|)rès avoir i)assé par tous les ordres et par
tous les degrés ordinaires. «Fit clericus, et per
solitos gradus presbyter ordinatur (Epist. ad
Heliodor.). »
XX. Photius raconte à la vérité qu'il y avait
des pays dans l'Orient où il était libre et indif-
férent de conférer l'épiscopat à des prêtres ou
à des diacres sans les faire prêtres. « Si quis
apud nos presby terii consecrationem prœteriens,
episcopi honore diaconum alTecerit, utpolequi
maxime dellipierit, condemnalur. Quibusdam
vero jiari ducitur loco, e presbytère provehere
cpiscopiun, et e diacono, médium transilienti-
bus ordinem, ab ei)iscoi)i abripere dignitatem
(Barouius, an. 801, n. Ai). »
Photius n'aurait pas parlé de la sorte, si étant
aussi versé (pi'il était dans la lecture de l'anti-
quité, il eût reconnu que les anciens Pères de
l'une ou de l'autre Eglise ne désapprouvaient
pas, et pratiquaient eux-mêtncs quelquefois
cette sorte d'ordinations désultoires. Ce ne fut
que fort tard (jue les Crées reprochèrent aux
Latins ces ordinations désordonnées de faire des
évèiiues qui n'eussent jamais été prêtres et des
prêtres à qui on n'eût jamais conféré le diaco-
nat. Mais par ces reproches injustes, les Grecs
ne laissèrent fias de faire voir combien kur
Eglise avait toujours été éloignée de cette pra-
tique, et pour ce qui regarde les Latins, ils se
lavèrent sans peine de cette fausse accusa-
tion [l).
(1) Le concile de Trente a prescrit que les interstices entre chaque
ordre sacré devaient être d'un an. Pour les ordres mineurs, il suffit
qu'ils soient d'une ordination générale à une autre. Les évèques ont
le pouvoir de dispenser leurs sujets des interstices. Grégoire XIU accorda
DR LA TONSURE CLÉRICALE.
511
CHAPITRE TRENTE-SEPTIEME.
DE LA TONSURE CLÉRICALE PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Liaison des matières traitées et à traiter.
II. Durant les quatre ou cinq premiers siècles on n'obligeait
les clercs qu'à pniler les cheveux courts. Le temps des persé-
cutions ne souffrait ni la couronne, ni aucune singularité. Saint
Pierre n'ordonna rien de plus.
m. Ni saint Paul, ni le pape Anicel, quoiqu'on ait pris de là
occasion de rendre celui-ci auteur de la couronne des clercs.
IV. Jusrement d'Amalarius sur cela, approuvé par Baronius.
Comment on peut atlribuer à ces apôtres et à l'Eglise romaine
la tonsure et la couronne des clercs.
V. Preuves d'Optat, qu'on ne portait point encore de conronne.
VI. Autre preuve tirée de saint Jérôme.
VII. Preuves tirées des auteurs profanes.
VIII. Exemples de nos saints évéques.
IX. Quelle était la couronne des évéques par laquelle on les
conjurait.
X. Preuves tirées du concile IV de Cartilage.
XI. Usage des moines de porter les cheveux longs.
XII. D'autres moines plus mortifiés; s'en rasent une partie pour
se rendre méprisables au monde, et le clergé les imite.
XIII. La couronne n'a donc commencé qu'au cinquième siècle.
XIV. Sommaire de la discipline des Eglises grecques sur cette
matière.
L Les trois questions que nous venons de
résoudre n'avaient été excitées qu'à l'occasion
de celle qui concernait les clercs à simple ton-
sure, sans ordre et sans office. 11 faut revenir à
la même question, et conûrmer ce qui en a été
dit par cette considération nouvelle et impor-
tante, qu'il n'y avait point encore dans les
quatre ou cinq premiers siècles de tonsure, ou
d'habit propre aux clercs, qui les distinguât
généralement des laïques. 11 résulte manifeste-
ment de là qu'on ne peut pas même penser
qu'il y eût des clercs qui ne fussent clercs que
par la réception de la tonsure et de l'habit
ecclésiasticiue.
Ce sont donc là les deux sujets que nous
avons à traiter présentement. Après avoir parlé
des habits communs des clercs, nous ne pour-
rons nous dispenser de dire quelque chose de
ceux qui n'étaient en usage que dans l'Eglise.
Nous commencerons par ce moyen de faire
connaître les devoirs en général des ecclésias-
tiiiues, en les obli:.'eant de se distinguer par
la modestie de leurs cheveux et de leurs habits.
Cela nous engagera à traiter de deux autres
obligations des clercs, au moins de ceux qui
sont dans les ordres mnjeurs, savoir de la réci-
tation de l'office divin et du célibat.
Après avoir éclairci ces quitre devoirs qui
sont communs à tous les bénéficiers, nous des-
cendrons à une division plus jiarliculière de
tous les bénéfices par les offices et les églises
oii ils sont attachés, n'ayant jusqu'à présent
considéré (]iie celle ()ui vient des ordres.
11. Nous disons donc qu'il est bien plus pro-
bable, selon le savant M. Kallier, de qui nous
faisons gloire de suivre ici les sentiments, que
durant les quatre ou cinq premiers siècles, les
clercs n'eurent qu'une obligation encore plus
particulière que les autres fidèles, de ne point
porter les cheveux trop longs; mais qu'on ne
parlait point encore ni de porter une couronne,
ni de raser une partie de la tète. Quelle appa-
rence y a-t-il que les ecclésiastiques affectassent
une marque si publique de leur état et de leur
profession en un temps, oit au contraire ils
étaient le plus souvent obligés de se cacher
pour ne pas attirer sur eux et sur toute l'Eglise
l'orage d'une sanglante persécution.
Si Grégoire de Tours dit que ce fut saint
Pierre qui obligea les chrétiens de couper leurs
cheveux : « Petrus apostolus ad humilitatem
docendam, caput desuper tonderi instituit; » il
parle généralement de tous les fidèles , et non
pas des ecclésiastiques seuls. Aussi cette obliga-
aux rel'.gieuï de la compagnie de Jésus le privilège de pouvoir se
faire ordonoer sans garder les interstices, même pour la prêtrise,
même sans avoir eu le temps d'exercer l'ordre précèdent, en toiu
temps et par tout évcque quelconque en communion avec te Saint-
Siège. Clément VIlî, par la coDstilution Batio postoraîis^ accorda
cette faveur aux Frères-Mineurs. Au commencement du xvius siècle,
Benoit XllI publia la constitution Preliosus pour communiquer ce
privilège aux Frères-Précheurs et à quelques autres ordres. Enfin,
voulant mettre un terme à ces concessions, Benoit XIV fit paraître la
constitution Impositif déclarant que parmi tes réguliers U n'y avait
que ceux qui étaient nommément désignés dans les bulles de ses
prédécesseurs qui pourraient jouir de ces privilèges.
La dispense des interstices des ordres mineurs n'exige qu'une rai-
son quelconque laissée à la prudence de l'évèque, de façon que dans
la même ordination, un clerc peut recevoir les quatre ordres mi-
neurs. Pour dispenser des interstices entre les ordres sacrés, il faut,
disent tous les canonistes, « causam necessitatis aut utilitatis Eccle-
siœ. o Le vicaire capltulaire a le pouvoir d'accorder dispense des
interstices. (Dr André.)
542
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SEPTIÈME.
tion ne regarde que la modestie des cheveux,
sans dire un seul mot, ni d'eu raser une partie,
ni d'en former une couronne (De gloria Mart.,
1. I, c. 28 .
m. 11 eut pu dire que saint Paul avait lait
la même ordonnance avec encore plus de cer-
titude T Corinlli. ii, 1 i'. Car ce divin apôtre,
parlant aussi à tous les tidôles, leur remontrait
ce que la nature même nous apprend : Qu'il
est aussi honteux aux lionimes de nourrir une
grande chevelure, (ju'il est glorieux aux fenimes
de le faire. « Nec ipsa natura vos docet, quod
vir quidem si comam nutriat, ignominia est
ilH. Mulier vero si comiun nutriat, gloiia est
illi. » Le livre pontifical attribué à Damase,
approprie plus particulièrement aux clercs
cette obligation, et en fait un décret du pape
Anicet. « Constiluil, ut ciericus comam non
nutriat sccundum |)r;eceptum apostolicum. »
Autant que ce récit et ce décret ont de vrai-
semblance par la conformité qu'ils ont avec la
discipline dece temps-là, iMiis(jne, comme nous
l'avons vu, cette obligation n'allait pas alors
pins loin, et que d'ailleurs on sait bien qu'une
partie des devoirs (|ui avaient été au connnen-
cement comnmns à tous les fidèles devinrent,
pai' leur négligence, avec le tcmiis, jiroprcs et
particuliers aux clercs : autant est éloigné de
la vraisemblance même l'autre décret, qu'on
attribue au même Anicet, pai' lequel les clercs
eussent dès lors lité obligés à raser une parlie
de leurs cheveux en forme de couronne. « Ut
juxta Aposlolum comam non nutriant, sed desu-
jier cajint in uioduni spluerie radani; quiasicut
discreti esse in conversatione debent, ita et in
tonsura et in hibitu discreti debent apparere. »
Cela est tiré d'une leltce de ce jiape aux é\ê-
ques des Gaules. On est maintenant persuadé
de la supposition de toutes ces lettres fausse-
ment attribuées aux pajies qui ont vécu avant
Sirice. Mais on voit bien que le fabricateur de
cette lettre prétendue d'Anicet a pris occasion
de ce qui est dit dans l'abiégé de sa vie, comme
nous l'avons rapporté, que ce pape enjoignit
aux clercs de couper les cheveux; d'y ajouter
qu'ils en raseront ime parlie pour faire une
espèce de couronne. De même que saint Pierre
ayant seulement ordonné, selon Crégoire de
Tours, qu'on portât les cheveux courts, «Caput
desupiu- tonderi, » on lui a faussement atliibué
l'institution de la couronne cléricale.
IV. Amalarius a parlé fort sagement, quand
il a écrit que ceux qui font saint Pierre l'auteur
de la couronne cléricale, ne sont pas d'une si
grande autorité qu'il faille les en croire sur
leur parole. Mais qu'il est certain que c'est
(|uel(|u"un de ses successeurs; enfin que c'est
l'Eglise romaine qui a autorisé cet usage.
Voici ses paroles rapportées et approuvées
par le cardinal Baronius. « Interrogatur ab ali-
«luibus, quis primus tonsus sit more nostro?
Legi in Epistola cnjusdam \iri, Petrus. Sed
quia non tantœ autoritatis est, ut ex illa fir-
mare valeamus nostram sententiam, maluimus
eam silentio prœterire. Non tamen abs re est,
si dixerimus illum, vel ali(|uem ejus successo-
rem primo fuisse lonsum nostro more, quo-
niani ab illa Ecclesia sumptus est talis usus,
in qua illi sederunt Baronius, an. Christ, lvui,
n. 13(1; Amalarius, de div. Offlc, c. v). »
Ce que le même Amalarius ajoute, est d'une
sagesse encore plus grande, savoir : qu'il ne
faut pas se donner la gêne pour trouver dans
les décrets de quehiue i)ape l'institution de la
tonsure et de la couronne cléricale, puiscjne
l'Eglise |)rati(|ue tant d'autres choses, dont on
ne ])i'ut trouver ni le commencement, ni l'au-
teur, et dont on ne doit [lointclierchirr d'autre
plus solide fondement que l'autorité inébran-
labl(! et élernelle de l'Eglise même dans tous
les siècles. « Sed quid ad nos, cum mulla aga-
mus ex consuetudine prœsentis Ecclesia;, quo-
rum autores non [)erferuntur sptcialittr. » Et il
est vnii (|ue dansées sortes de choses mêmes,
on aime naturellement de s'appuyer sur l'auto-
rité (les grandes églises (|ui donnent toujours
certainement du jjoids et du crédit aux choses
mêmes, dont la première oiigine ne vient jias
d'elles.
V. On peut dire néanmoins qu'on ne s'est pas
tout-à-fait trompé, lorsque dans les siècles sui-
vants on a attribué à saint Pierre et à saint
Paul linslitution de la tonsure cléricale, puis-
(pie CCS bienheureux apôtres ont obligé les
liilèles, et encore plus par conséiiuent les ecclé-
siastiijues, à une grande modestie dans les
cheveux, et que la tonsure clei icale des (|uatre
ou cinq premiers siècles n'a élé autre chose.
Ceux ()ui leur ont attribué une couronne de
cheveux rasés, ont fait parler aux premiers
siècles le langage de leur temps.
Si les clercs eussent porté dans le quatrième
siècle une tonsure cléricale, non-seulement en
coupant leurs cheveux, ce que nous accordons,
et ce qui leur était commun avec les plus ver-
tueux d'entre les fidèles, et avec ceux mêmes
DE LA TONSURE CLERICALE.
113
d'entre les païens qui faisaient gloire de modes-
tie; mais en se faisant aussi raser le haut de la
tête, en quoi consiste principalement la ton-
sure cléricale; Opiat, évè(]ue de Milève, n'eut
pas re()roclié au.v donatistes d'avoir, par une
violence et un emportement étrange, outragé
nos prêtres et nos évê(|ues en leur rasant la
tète. « Dicite ubi vobis inandafum sit, radere
capita sacerdotibus, cuni e contrario tôt sint
exempta proposita fieri non debere. »
Je ne sais si les donatistes rasaient les prêtres
et les évèques catboliques, pour les exposer
simplement à la risée et au mépris, ou pour les
mettre en pénitence, sachant bien que la péni-
tence était inconciliable avec lacléricature. Mais
Optât ne se fût pas expliijué de la sorte, si nos
ecclésiastiques eussent déjà eu une partie de
la tète rasée.
VL Ce Père semble faire allusion à la loi de
Moïse, où il est défendu aux prêtres de se raser
la tète, aussi bien que de porter les cheveux
trop longs. « Caput suuni non radent, neque
coniam nutrient, sed attondebunl capita sua. »
C'était justement l'usage des ecclésiastiques
dans ces iiremiers siècles. Aussi saint Jérôme
expliquant ces paroles de la loi dans ses com-
menlaires sur Ezéchiel, parle d'une manière
qui fait bien connaître que les clercs se con-
formaient alors d'autant plus volontiers à cet
usage de la synagogue, qu'on ne pouvait alors
s'en éloigner, qu'en s'approcbant des manières
superstitieuses des idolâtres.
« Perspicue demonslratur, nec rasis capiti-
l)us, sicut sacerdotes culloresque Isidis atqne
Serapis, nos esse debere : nec rursus comam
demittere, quod proprie luxuriosorum est, bar-
barorumque et mililantium; sed ut lionestus
habilus sacerdolum facie demonstrelur. Disci-
mus nec calvilium novacula esse faciendum,
nec ita ad pressum fondendum caput, ut raso-
riun similes esse videanuir; sed in fautnm ca-
pillos esse demittendos, ut opertum sit caput
(In c. XLiv. Ezéchiel). »
11 ne se peut rien dire de plus précis, ni de
plus clair pour faire connaître que l'Eglise ob-
servait encore la même pratique qui était mar-
quée dans la loi de Moïse : ([u'elle ne voulait
point qu'on se rasât la tête, ni même qu'on
coupât les cheveux de si près par la tonsure :
« Nec ita ad |)ressum tondeadum caput, » que
la tête ne fût pas couverte.
VU. Ammien Marcellin dit bien qu'on fit
mourir, sous l'empire de Julien l'Apostat, un
chrétien nonmié Diodore, parce qu'ayant le
soin de bâtir une église, il coupait les cheveux
à plusieurs enfants. « Quod dum ledificandœ
pra'esset Ecclesi;e, cirros [tnerorum licentius
detondebat, id (|uoqii(.' ad eorum cullum existi-
nums perlinere (Anun. Marcel., 1. xxii). » 11 y a
peu d'apparence que ce Diodore fût évêque. II
disposait peut-être ces enfants â la ctéricature
en les tondant, mais il ne leiu- faisait point de
couronne. Lucien, dans un de ses dialogues,
fait paraître un de nos clercs avec les cheveux
courts, mais il ne parle point de la couronne
(Dialog. Philopatris). Nous dirons un peu plus
bas, «lue dès (]ue les moines parurent dans
l'Afrique et ailleurs avec h;urs têtes rasées, on
leur fit cent insultes.
On ne lit rien de semblable dans l'histoire de
nos martyrs, au teni[)s des persécutions. C'est
donc une preuve, que ni [)Our les cheveux, ni
pour les habits, ils n'atrectaienl aucune singu-
larité qui les distinguât des autres hommes, au
moins de ceux qui aimaient la modestie.
Vlll. Les histoires |)articulières de nos évè-
ques ne nous les représentent (loint autrement
([u'avec des cheveux et des babils modestes.
Le poète Prudence parlant de saint Cyprien au
connnencement de sa conversion , dit qu'il
coupa ses grands cheveux, il commença à les
porter fort courts, et ensuite il fut fait évè(|ue.
« Jamque figura alla est, quam quœ fuit oris,
et nitoris. Dutlua ca;saries compescitur, ad brè-
ves capillos, etc. His igitur merilis dignissimus
usque episcopale provehitur solium doctor (De
Coronis. Ilymno. 1-2). »
Sidoine Ai)ollinaire parlant du saint prêtre
Claudien, remarque seulement qu'il ne laissait
|)as croître ses cheveux, ni sa barbe. « Licet cri-
men barbanniue non |>ascerel (L. i v, ep. ii, xsi v). »
En un antre endroit, faisant la iieinture d'un
honune de ([ualité, dont la vertu porta les ci-
toyens à le faire prêtre par force, il dit seule-
ment qu'il avait la chevelure courte et la barbe
longue. « Coma brevis, barba prolixa. »
Le prêtre Constance, dont la vie de saint Ger.
main. évê(|ued'Auxerre, dit que saint Amateur,
évêque de la même ville, ayant appris du ciel
que Germain devait lui succéder, demanda au
gouverneur de la province le pouvoir de le ton-
surer. « Licentiam tribuas Germanu m tonsu-
rare. » Ce qu'ayant obtenu , il prit de force
Germain, qui gouvernait le pays en (jualité de
du(,', et lui coupa les cheveux. « Germauum
apprehendit, et invocato nomiue Domini, cae-
544
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-SEPTIÈME.
sariem cjiis c.ipiti detraliens, liabitu religionis,
rejectis s;cculanbus oniamentis, eum i)roiiio-
tionis honore induit (Surius, die 31. April.). »
Cet évêiiue tonsura Germain , mais il n'est
point parié de couronne. Et il le tonsura
comme le principal auteur de cette sainte vio-
lence (|u'un autre n'eût osé avouer.
Hors de ces rencontres particulières, chacun
se coupait ou se faisait couper les cheveux.
IX. Il est vrai qu'on conjurait souvent les
anciens év("(|ues par leur couronne.
Saint Augustin le dit en parlant aux évêques
donatistes. « Per coronam nostram nos adju-
rant vestri, per coronam vestram vos adjurant
nostri (Ejiist. cxlvu).» Et saint Jérôme écrivant
à saint Auj^tustin : « Fratres tuos, ut mco no-
mine saintes, precor coronam luam(Ep. xxvi). »
Et saint Paulin écrivant à Alype : « Ad vene-
randum socium coronœ tuœ, patrem nostrum
Aurelium ita scripsimus (E|iist. xxxv). » Et Si-
doine Apollinaire à l'évèque Léonce : « Auto-
ritas coronœ imv (Sidon., I. vi, epist. m). » Et
révè(|ue Paschasin au pape Léon : « Jiibere
dignata est corona veslra L. vu, epist. vin). »
Les évêques du concile de Tarragone dans leur
lettre au pape Ililaire : « Drbita coronœ vestnc
obse(iuia déférentes (Epist. ii). »
Le concile de Vannes, en 453, adressant ses
ordonnances aux évêques, il les traite comme
les têtes couronnées du sacerdoce. « Incolunie
regnum et coronam vestram Ecclesite su;e Deus
protegat. »
Si cette couronne eût été celle qui est com-
mune à tous les ecclésiastiques depuis plus de
mille ans, surtout à ceux des ordres supé-
rieurs, on ne l'aurait pas regardée dans ce con-
cile comme une mar(|ue de royauté, Reijniim
et coronam. On ne l'aurait pas réservée aux
évêques seuls dans tous ces témoignages qui
ont été cités, et une infniité d'autres qu'on y
eût pu ajouter. Il est donc hien plus apiiarent
que c'est la royauté spirituelle du sacerdoce de
J.-C. qui éclate avec plus de gloire dans les
évêques qu'on voulait remarquer par cette
couronne.
X. Le concile IV de Carthage (Can. xliv.), ne
commande aux clercs i|ue la modestie dans les
cheveux, c'est-à-dire (|u'il leur ordonne de les
porter fort courts. « Clericus nec coniam nu-
Iriat, et liarham radat. »
Ce concile n'eût pas manqué de faire la des-
cription de la cérémonie de la tonsure cléri-
cale et de la couronne, si elle eût des lors été
en usage, puisqu'il a fait une description si
exacte des cérémonies de l'ordination non-seu-
lement des clercs supérieurs, mais des infé-
rieurs aussi, et même des psalmistes. Passons
des clercs aux moines, afin de repasser des
moines aux clercs, après avoir trouvé l'origine
de la couronne.
XI. Les moines mêmes s'étudièrent d'abord
à une modération qui était propre à leur état.
Saint Jérôme se moiiue de ces histoires fabu-
leuses, qui racontaient que le chef des soli-
taires Paul avait porté des cheveux pendant
jusqu'à terre : « Crinilum calcaneo tenus
hnminem (In vila Pauli). » Ce Père louait
saint Hilarion de ce qu'il coupait ses cheveux
une fois l'an, au temps de Pâques. « Capillum
semel in anno die Paschœ tonderet(In vita Hi-
larion., r])ist. xxu). » Il inveclive ailleurs contre
des moines extravagants, qui avaient de grands
cheveux comme des femmes, la barbe à pro-
portion et les pieds uns. « Viros fnge, quibus
feniinei contra A|)oslolum crines : hircorum
barba, nudi in patientia frigoris pedes.»
Saint Augustin ne censtu-a jias avec moins
d'aigreur les longs cheveux de certains moines
vains et fainéants, qui voulaient par ce singu-
lier ornement de leur tête, s'ac(iuérir de la
vénération , et passer |)our des hommes ex-
traordinaires. « Venalem circumferentes hy-
pocrisim, liment ne vilior habeatur tonsa san-
clitas, ut videlicet quieos videt, aniiquos illos,
quos legimus, cogitet, Samuelem, et reliques,
qui non tondebantur (De opère Mona. c. xxxi). »
Ces blâmes et ces louanges nous font égale-
ment voir qu'on n'exigeait des moines mêmes
lû la couronne, ni de raser leiu' tête, mais seu-
lement de couper souvent leurs cheveux, et de
n'y affecter ni de la propreté, ni de la singu-
larité.
XII. Mais comme la vanité de ces moines
amateurs de leurs longs cheveux avait scanda-
lisé l'Eglise, il s'en éleva d'autres qui l'édifiè-
rent beaucoup par le mépris qu'ils firent de
ces ornements afl'ectés, et jiar le plaisir (|u'ils
prirent à se faire mépriser du monde, en cou-
|)ant ou rasant une partie de leurs cheveux,
avec une difformité qui blessait les yeux des
âmes charnelles, mais qui paraissait belle et
édifiante aux yeux de l'humilité chrétienne.
Saint Paulin a fait une peintme admirable
de ces têtes demi-rasées, (lui cherchaient à se
rendre méprisables, et qui en étaient d'autant
l^lus vénérables aux âmes vraiment détrom-
DE LA TONSIIU-: CI.EIUCALE.
Si3
pées (les illusions du siècle, et lorlemLiil per-
suadées des vériti'sde l'Evaiijiile et de la gloire,
lie la croix. Il tut lui iiièiiie un teiii[)S de ce
nombre, et voici aussi connue il en parle.
« Couservuli et conipallidi uostri, liorrentihus
ciliciis luuniles, sagulis palliali, veste succin-
cli, casta inforinilale ca|iillurn ad culeni ca;si :
et iiia'([ualitcr seniitonsi , et dcsiitula IVoiîte
pra'rasi, et liouorabililerde5pical)iles(Epist. vu
et iv). »
Quand ce Père désire ailleurs que ses péchés
représentés par les cheveux, soient non |ias
coupés à demi, mais comme rasés : « Non ac-
cisione medii tondeanlur, sed ad vivum quasi
novacula radente perimantur, b il ne fait nul-
lement allusion à la couronne rasée, mais à la
longueur des cheveux, dont on coui>ait la moi-
tié. C'est évidemment le sens de ces paroles,
« accisione medii tondeantur. » Salvien témoi-
gne qu'aussitôt que ces saints religieux parurent
dans rAtri(]ue et surtout à Carthage avec cette
manière nouvelle et dilTorme de couper et de
raser leurs cheveux, ils furent traités avec in-
jure et avec outrage de la part des infidèles.
Cet auteur dit t[ue ce fut en partie pour cela
que la colère du ciel éclata sur l'Afrique. « Non
sine causa ilaque istud fuit, cjuod inter Africa'
civitates, et maxime intra Cartliaginis muros
pallialum, et pallidum, et recisis fluentium co-
marum jubis usque ad cutem tonsuni videre,
tam infelix ille populus, quam inlidelis, sine
convitio atque execratione vix poterat (De gu-
bernatione Del, 1. viii . »
Si après rétablissement de l'Empire chré-
tien, et lors même que la religion chrétienne
dominait dans le monde avec le plus d'éclat, ces
singularités de nos moines attiraient sur eux
tant d'insultes, que serait-il arrivé, et quelle
tempête n'aurions-nous pas vu fondre sur
nous, si au temps des empereurs païens tout le
clergé se fût distingué par une tonsure et une
couronne rasée?
XIII. Et au contraire, si pendant les trois
premiers siècles le clergé n'a fait gloire (jue
d'une grande modestie dans les cheveux , on
n'a nul sujet de faire aucun changement sur
ce point pendant tout le (|uatrième siècle.
Aussi on n'en voit aucune trace ni dans les
conciles ni dans les Pères. Ce n'a été qu'au
commencement du sixième siècle ou à la fin
du cinquième, que la couronne cléricale parut
évidenunent introduite.
Ce fut en ce temps-là que naquit saint Ni/ior
avec un filet de clieveux autour de sa tète, en
façon de la couronne des clercs, dit Crégoire
de Tours, ce qui fut im présage de la dignité
poiilificalt; ;i lai]iU'll(! le ciel le destinait.
Ce fut donc dans le cin(|uièni(' sicilc (\uf la
pralique de la couronne cléricale telle qu'elle
est encore préscnteniiut, couuuença à prendre
cours dans l'Eglise. Or il ne se jiassa rii n dans
ce siècle qui ait pu vraisemblablement doiuier
commencement à cette pratique, que le désir
d'imiter la sainteté et toutes les vertus de la
vie monastique, dont nos prélats furent alors
animés.
Nous dirons dans la suite qu'une grande
paitie des évéques fut tirée des cloîtres, qu'ils
affectèrent de prendre les mêmes habits (jue
les moines; enfin ils s'appliquèrent à trans-
planter dans le clergé toutes les vertus monas-
tiques.
Rien n'est donc plus probable que de dire
qu'en ce temps-là se fit ce changement dans le
clergé, par une très louable passion d'imiter
la mortification et l'humilité des plus saints
religieux, et le mépris ([u'iis faisaient des ajus-
tements et des vanilés du siècle.
Les chapitres suivants feront voir comme
nos i^rélats empruntèrent en même temps une
partie des habits monasti(jues, par le même
amour de l'humilité et de la croix.
XIV. Il est temps de venir à l'Eglise grecque.
Clément, dans les constitutions apostoliciues, y
exhorte tous les fidèles à la modestie des che-
veux. « Non capillum nutriens, nec pexus, nec
comatus [L. i, c. m). » Ensèbe, parlant de saint
Jaci[ues, apôtre et évèque de Jérusalem , dit
que le rasoir ne passa jamais sur sa tète. Hr.jiv i-i
zi.; xîvxXt.v àjTOÙ eux ivsp^r, (Eusèb.. 1. XXV, C. XXIl).
Clément d'Alexandrie se conforme aux con-
stitutions apostoliques. « Virorum sit rasum
caput, nisi forte pilos crispos habent; barba
aulem hirsuta (Ptïdag. I. 2-j, c. 11). »
C'était la pratique des chrétiens grecs de
porter la barbe grande et les cheveux courts.
Ce fut ce qui anima le zèle de saint Epipliane
contre des moines hérétiques, qui faisaient
tout le contraire par une folle passion de sin-
gularité. " Hi barbam, formam viri resecant;
capillos autem capitis sappe nutriunt. Et de
barba quidem in Constitutionibus Apostolo-
rum dicit divina Scriptura, ac doctriua : Ne
corrum|ia5. hoc est. ne seces barb;e pilos, ne-
que meretriciuscultusassumatur.Hœresi. 80). »
L'Ecriture nous apprend que c'est une marque
Th.
Tome I.
33
U6
DU SECOND ORDRE DES CLERCS.
CHAPITRE TRENTE-SEPTIÈME.
de deuil d'avoir les cheveix et le poil de la
barbe rasés. « Omne caput calvitiuni, et om-
nis barba rasa erit. »
Isuïe, Jéréniie et Ezéeliiel parlant de la sorle
pour exprimer une extrême affliction, saint
Jérôme l'exjdiquede la sorte: « Apiid antiques
barbîP capiti5(iMe rasnra, lucfus indieinm fuit
(Hiereni. c. XLViii). » La raison est que dans le
deuil on se distingue eu faisant le contraire des
autres. Ainsi saint Clirysostome dit qu'on por-
tait de longs cheveux dans le deuil aux lieux
où le reste du monde liîs portait courts, et
qu'on les y portait courts où le reste du monde
les iiorfait longs. » Inler nos fientes inulti nu-
tiiunt coniam, Job totondit. Quare? Id uimi-
rum proiiosilum est ei, qui fiel, ut contrariam
in formani constituât liabilum. Lbi enim lio-
noiatui' coma, signum tlelns est londeri ; ubi
vero tondetur, sigruun flelus est non tonderi.
Ubique cnini asianlibus contraria sumitur
forma (Sermo m, de Propbela Job). »
Les clercs se conformèrent donc d'abord aux
laïcs dans l'Orient, et évitèrent seulement
d'avoir les cbe\eux longs. Le pape Damase dit
que le philosophe cyni(|ue Maxime ne rem-
porta de la prétention qu'il avait à l'évcclié de
Constaulinople que la honte de s'être fait cou-
per ses grands cheveux pour y parvenir. « Ut
amputatis capillis, jacturam capitis sustineret
(Orat. II). 0 Saint Grégoire de Nazianze en dit
autant.
Depuis les moines se rasèrent la tête, comme
faisant profession de deuil et de pénitence. So-
crate dit que Julien l'Aposlat, voulant contre-
faire le moine, se fit ra«er la tète. Les clercs
firent définis gloire d'imiter les moines. Je ne
sais si ceux qui ont porté les cheveux longs
|iarmi eux l'ont fait fiour se rendre dissem-
blables aux séculiers qui les portaient courts,
selon saint Chrysostome. Mais je sais bien que
le saint évoque des Scythes, Théotime, porta
toujours de longs cheveux, selon Sozomène,
tenant cela de la jibilosophie, dont il avait fait
profession. « Aiunt quod in coma nntrienda
perseveraverit, pliilosophi;e studium, uti cœpe-
rat, prosecutus (Sozom., 1. vu, c. 25). » Cette
lihilosophie consistait à faire le contraire de ce
(jue le monde fait.
Finissons par saint Denis, qui a décrit dans
sa hiérarchie ecclésiastique la cérémonie de la
vêlure et de la tonsure d'un moine, mais sans
dire un seul mot de la couronne, dont il n'eût
pas oublié de développer ks significations mys-
térieuses (Cap. vi).
FIN DU TOME PREMIER.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DMS LE PREMIER VOLUME.
Avertissement sur cette nouvelle édition.
AvtRTissF.MENT de Tédilion de 1723.
Vie du père Louis Thomassin.
Catalogl'e des ouvrages du père Thomassin.
I Eloges ou Jugements que plusieurs auteurs ont portés
V du père Tboujassin et de ses ouvrages. x.tl
VI! Préface du père Ttiomassm. xsm
PREMIERE PARTIE
QUI TRAITE : 1° DU PRE.MIER ORDRE DES CLERCS. — 2" DU SECOND ORDRE.
— 3° DES CONGREGATIONS MONASTIQUES.
LIVRE PREMIER.
Où il est traité du premier ordre des Clercs, c'est-à-dire, des Evêques, de leur origme,
progrès, droits, privilèges, fonctions, obligations, etc., etc
Chapitre Premier.— De l'épiscopat en général, qui est
la pléuilude et la souveraineté spirituelle du sacerdoce.
Chap. h. — On justiDe, par les saints Pères, que l'épis-
copat est la plénitude et la souveraineté spirituelle du
sacerdoce.
ChaP. m. — Des titres de métropolitain, d'archevêque,
d"esarquc de diocèse, de patriarche et de pape.
Chap. IV. — Que les titres glorieux de pape, d'apotre,
de prélat apostolique, de siège apostolique, ont été au-
trefois communs à tous les évèques, et qu'ils ont été
néanmoins singulièrement attribués au poutife romain.
Chap. V. — L'union et la coirespondance des papes avec
les empereurs, les rois et les évèques de Fiance, éga-
lement glorieuse et avantageuse au,\ uns et aux autres,
pendant le règne de Charlemagne et de ses descendants.
Chap. VI. — Si, après le dixième siècle de l'Eglise, le
pape a exercé une iuridicliim immédiate dans tous les
diocèses particuliers de l'Eglise universelle, saus le con-
sentement des evêques diocésains.
Chap. VII. — Des patriarches anciens en général pendant
les ciaq premiers siècles de l'Eglise.
CiiAP. VIII. — Des trois patriarches anciens en particu-
1 lier, savoir : de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche,
pendant les cinq premiers siècles de l'Eglise.
Chap. IX — Des patriarches anciens de Rome, d'Alesan-
3 dric, d'Antioche, de Jérusalem et de Constantinople.
Les pouvoirs et les privilèges des patriarches, aux six,
11 sept et huitième siècles.
Chap. X. — Des patriarches de Constantinople pendant
les cinq premiers siècles.
Chap. XI. — De la contestation qui s'éleva sur le titre de
17 patriarche œcuinénii|ue entre le pape saint Grégoire et
Jean le Jeiincur, évèque de Constantinople.
Chap. Xll. — Du patriarche de Jérusalem pendant les
cinq premiers siècles.
20 Cu.vp. XIII. — Des patriarches anciens, selon les senti-
ment? des Grecs du Moyeu Age.
Chap. XIV. — Des anciens patriarches, selon les senti-
ments des Latins du .Moyen Age.
30 Chap. NV.— Des patriarches grecs en général depuis l'an md.
Chap. XVI. — Des patriarches en particulier depuis Tan
43 mil.
46
56
60
ô'*
74
80
83
83
97
548
TABLE DES MATIÈRES.
Chap. XVU. — Des Irnis exarques d'Ephèse, d'Héracléc
el de Césarée, pendant les cinq premiers siècles.
Chap. XVIII. — Des exarques ou primais de Chypre el
de Tliessalonique, pendant les cinq premiers siècles.
CcAP. Xl.\. — l'es archevêques ou exarques, ou primats
d'Acridc, de Sirmich , de Thessalonique , etc., aux
sixième, septième et huitième siècles.
Cbap. XX. — De l'archevêque de Carthase, des pouvoirs
des patriarches, exarques, ou archevêques, dans les cinq
premiers siècles. _
Chap. XXI. — Des exarqnes, primats on petits patriar-
ches, d'Héracléc, d'Ephèse, de Césarée, de Carthage,
d'.\quilée, de Grade, des Golhs, des Lombards, des
Français, etc., des catholiques, des jacobites, des nes-
loriens, des cophtes, etc., aux sixième, seplième et
huitième siècles.
Chap. XXII. — Des patriarches nouveaux des Latins aux
huitième, neuvième el dixième siècles.
Chap. XXIll. — Des patriarches de Grade, de Venise,
d'Aquiléeetdes Rulgares après l'an mil.
Chap. XXIV. — Des patriarches catholiques, nu primats
de r.\sie, qui se sont élevés dans les siècles moyens, par
le démembrement des patriarcats d'.^nlioche et de Jé-
rusalem.
Chap. XXV. — Des autres patriarches de l'Europe et de
l'Afrique qui ont dénieuibré les patriarcats de Coustan-
tinople et d'Alexandrie.
Chap. XXVL — Des patriarches latins en Orient.
Chap XXVIl. — Des évèques titulaires.
Chap. XXVllI. — De l'origine des évèques titulaires.
Chap. XXIX. — Uépouse à quelques difiîcultés sur la
pluralité des évèques en une mèine ville, et sur l'ordi-
nation des évèques pour des lieux peu habités. De la
pluralité des curés en une même paroisse.
Chap. XXX. — Des archevêques, ou primats, ou vicaires
apostohqncs d'Espagne et de France, depuis l'an 500
jusqu'en 900.
Chap. XXXI. — Continualion des primats en France, en
Allemagne et en Angleterre.
Chap. XXXII. — Remarques générales sur les primats ou
vicaires apostoliques, et leurs pouvoirs.
Chap. XXXIll — Des primats ou exarques dans l'Occident
et dans l'Orient sous l'empire de Charlemagne et de ses
successeurs.
GuAP. XXXIV. — Dc.5 primats, depuis l'an mil jusqu'à
présent, et prcmiêrenient de celui de Lyon.
Chap. XXXV. — De la primatie de Bourges; de celles de
Bordeaux, de Narbonne et de Vienne.
Chap XXXVI. — Des primats d'Angleterre el d'Irlande.
Chap. XXXVII. — Des primats d'Allemagne, d'Italie, de
Danemark, de Pologne el de Hongrie.
Chap. XXXVIII. — Des primats d Espagne.
Chap. XXXIX. — De la création des nouvelles méiropoles
dans les cinq premiers siècles.
Chap. XL. — Des pouvoirs et des devoirs des métropo-
litains pendant les cinq premiers siècles.
Chap. XI. L— De.; métropolitains de France, d'Angleterre
et d'Allemagne, aux sixième, seplième et huitième
siècles.
CuAP. XLII. — Des métropolitains d'Espagne, et des pays
102 éloignés. 224
Chap. Xl.lll. — Des métropolitains en général, leur insti-
lOi tution, leurs droits et leurs devoirs, sous l'empire de
Charlemagne el ses successeurs. De quelques métropoles
en particulier. 227
109 Chap. XLIV. — De quelques autres métropolitains en
particulier. Du rang des méiropoles grecques. Des évè-
ques prololrones dans chaque province. 236
III Chap. XLV. — De l'érection des nouvelles méiropoles,
depuis l'an mil jusqu'à présent. ^ 241
Chap. XLVI. — Des[iouvoirsel des devoirs des métropo-
litains en général, el de leur mutuelle communication
avec leurs sull'raganls. En particulier de leur juridiction
sur les sujets de leurs sulTragants selon le droit des dé-
IIG crétales. 2.^6
Chap. XLVII. — Des pouvoirs du métropolitain sur les
1 19 sulTraganls, selon le droit des déerélales. Pouvoirs siu-
gulieis des archevêques de Cantorbéry. 2()1
121 Chap. XLVIII. — Des causes de l'allaihlissemenl de l'auto-
rité el de la juridiction des métropolitains dans ces
derniers siècles. Pouvoirs des métropolitains après le
concile de Trente. 266
123 Chap. XLIX. — De l'ancien el du protolrone entre les
évèques de la même province. 273
CflAP. L. — Les évèques sont de droit divin, el institués
131 par Jésus-Christ ; ils sont successeurs des apùtres, el
136 en ipielque sens même de saint Pierre. 278
146 Chap. LL — La prééminence el l'antiquité des trois or-
151 dres hiérarchiques, et des trois premiers bénélices de
l'Eglise, l'épiscop.il, la prêtrise, le diaconat, selon les
Pères grecs. 283
Chap. LU. — Suite de la prééminence el antiquité des
1.j9 trois ordres hiérarchiques, et des trois premiers bénéfices
de l'Eglise, l'épiscopal, la prêtrise, le diaconat, selon
les Pères latins. 288
162 Chap. LUI. — Suite de la même excellence des trois or-
dres supérieurs, et des trois premiers bénéfices, selon
166 les Pères latins et grecs. 295
Chap. LIV. — De l'érection des nouveaux évêchés aux
170 cinq premiers siècles. 299
Chap. LV. — Des évèques et des évêchés nouveaux,
surtout dans les pays nouvellement convertis, aux
173 sixième, seplième et huitième siècles. 303
Chap. LVL — Des évèques el de l'élahhssement des nou-
ISO veaux évêchés sous 1 empire de Charlemagne et ses suc-
cesseurs. 310
186 Chap. LVH — De l'institution des nouveaux évêchés en
193 France, de leur union, division el translation depuis l'an
mil jusques à présent 317
200 Chap. LVlll. — De l'érection des nouveaux évêchés hors
203 de la Fiance, après l'an mil. 324
Chap. LIX. — Des missions apostoliques, pour la conver-
209 sion des infidèles, après l'an mil. 331
Chap. I.X. — De la qualité el des pouvoirs des délégués
213 du siège apostolique. Des évèques qui se disent évèques
par la grâce de Dieu et du Sainl-Siége. 33q
220
LIVRE DEUXIEME.
Où il est traité du second ordre des Clercs, savoir : des Chorévêques, des Archiprêtres, des Vicaires-Généraux,
des Pénitenciers, des Officiaux, des Curés, des Diacres, des Ordres mineurs, de la Tonsure, des Habits des
clercs, du Célibat, de l'Office divin, etc.
CHAPnnK pRF.MiKR. — Des chorévêques pemlant les huit
premiers siècles.
CiiAp. II. — Des chorévêques sous l'empire de Charle-
■i'-i'J magne et de ses descendants. 344
TABLE DES MATIÈRES.
519
r.HAP. m. — Des archiprèlres peudaut les cinq premiers
siècles. 349
Chap. IV. — Des archiprèlres aux siiième et septième
siècles. 353
Chap. V. — Des archiprèlres sous Charlemagne. 333
CiiAP. VI. — Des archiprèlres de la ville el de la campa-
gne, des doyens ruraux, des vicaires forains, suivanl
les droils des décrélales, après l'an mil. 338
CriAP. VII. — Des grands-vicaires des évèqucs, el des pé-
nitenciers peudanl les premiers siècles de l'Eglise. 364
Chap. Vill. — Des grands-vicaires el des ofliciaux en
général, el des grands-vicaires en particulier, suivanl la
discipline de l'Eglise, après l'an mil. 3"5
Chap. IX. — Des officiau-t. 375
Chap. X. — Du théologal el du pénitencier. 379
Cuap. XI. — De l'administration du sacrement de péni-
tence par les curés, sous l'empire de Charlemagiie. 392
Chap. XII. — Des ministres du sacrement de pénitence,
surtout des religieux, sous l'empire de Charlemagne et
de ses successeurs. 399
Chap. XIII. — Où l'on traite des cas réservés, à l'occa-
sion du pénitencier, et premièrement de ceux qui sont
1 réservés au pape, après l'an mil. 406
Chap. XIV. — Des cas réservés à l'évèque. 413
Chap. XV. — Des indulgences. 418
Chap. XVI. — De la pénitence publique après l'an md. 422
Chap. XVII. — Des archidiacres pendant les cinq pre-
miers siècles de l'Eglise. 432
Chap. XVlll. — Des archidiacres dans les septième, hui-
tième et neuvième siècles. 4.'17
Chap. XIX. — Des archidiacres sous l'empire de C.harle-
magnc. 440
Chap. XX. — Des archidiacres après l'an mil. 442
Chap. XXI. — Des curés pendant les premiers siècles de
l'Eglise. De l'origine des paroisses. 432
Chap. XXII. — Continuation de l'origine cl de l'antiquité
des paroisses. 457
Chap. XXUI. — Les pouvoirs el les obligations des curés
pendant les huit premiers siècles.
Chap. XXIV. — Des curés sous l'empire de Charlemagne.
Chap. .XXV. — Diverses remarques sur les curés; leurs
droils et devoirs sous l'empi'e de Charlemagne el ses
successeurs.
Chap. XXVI. — Des curés. De leur divine origine. De leur
ancienne juridiction, depuis l'an mil jusques à présent.
Chap. XXVII. — Des vicaires perpétuels el amovibles,
après l'an mil.
Ch\p. XXVIII. — Des bénéfices donnés à ferme à des
ecclésiastiques.
Chap. XXIX. — Des diacres pendant les cinq premiers
siècles
Chap. XXX. — Des sous-diacres el des autres clercs mi-
neurs, pendant lescinq premiers siècles.
l'.HAP. XXXI. — Des sous-d'.acres, des lecteurs el des
autres ordres inférieurs, aux sixième, septième et hui-
tième siècles
Chap. XXXII. — Dessous-diacres eldes autres clercs in-
férieurs sous l'empire de Charlemagne.
Chap. XXXIIl. — Du diaconat, du sous-diaconat, et des
autres ordres inférieurs, après l'an mil jusqu'à présent.
Chap. .XXXIV. — S'il y avait des clercs à simple tonsure
sans ordres et sans fonction, pendant les cinq premiers
siècles.
Chap. XXXV. — Si l'on donnait tous les ordres mineurs
ensemble, el aux mêmes personnes, dans les cinq pre-
miers siècles.
Chap. XXXVl. — Des interstices des ordres, et si l'on
n'omettait jamais des ordres majeurs pendant les cinq
premiers siècles de l'Eglise.
Chap. XXXVII. — De la tonsure cléricale pendant les
cinq premiers siècles.
461
470
474
481
488
494
499
oit
511
518
325
528
533
541
FIN DE LA T.\BLE DES MATIERES.
Bar-le-Duc. — Typographie Louis GcÉBiiN, rue de la Rochelle, 49-51.
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