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Full text of "Ancienne & nouvelle discipline de l'Eglise"

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ANCIENNE  &  NOUVELLE 


DISCIPLINE  DE  L'ÉGLISE 


TOME  PREMIER 


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Cet  ouvrage,  par  les  corrections  el  les  additions  considérables  qui  y  ont  été  opérées,  est  devenu     ^ 
la  propriété  de  l'Editeur,  qui  se  réserve  tous  ses  droits.  Toute  contrefaçon  ou  imitation ,  quelle  que 
soit  la  forme  sous  laquelle  elle  se  présente,  sera  poursuivie  rigoureusement,  conformément  aux  lois 


Présentée  to  the 

LIBRARY  ofthe 

UNTVERSITY  OF  TORONfTO 

by 
WALTEB  GOFFART 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/anciennenouvelle01thom 


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C  3ERTIN   Edil' 
Paris.SrS'Suloire 


Bar-lfDuc 


A;^,  f'Ju£j!n  <•  Je  /^Wvrt'  CàlMft i-  /•  j'urit 


ANCIENNE  &  NOUVELLE 


I)I8( 'Jl'LINlî  TiE  L'ÉGLISE 


Al!  Lt1^î,S^LUMASSIX 

Prêtre 'de' WJratoire  "^^, 


NOIVEIM:    KltlTION.    UEVIK.    i:(mRIi.ÉK   ET    Ali.MENTÉE 


PAR  M.  ANDRÉ 

Curé  de  Vaucluse,  (lorieur  en  ilioit  canociiiuo ,  membre  de  plnsieiirs  sociélés  savantes 


TOME    PREMIER 


VIE   DL  P.  THOMASSIN.  —  Dl    FKEMIER  ET  DL  SECOND  UKDRE  DES  CLERCS 


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BÔR-LE-DUC 

LOUIS  OIÉRLN,  IMPRIMEUR-ÉDITEUR,  RUE  DE  LA  ROCHELLE,  49-51 

l'AItlS.  —  MÈ.Mt;  MAISON,  GtUEt:  PAR  H.  LAG.NV.   IJllHAlHb; 

rue  de  Grenelie-Saiot-Germ^in  ,  II. 


M  DCCC  LXIV 


AVERTISSEMENT 
SUR    CETTE    NOUVELLE    ÉDITION. 


Au  moment  où  le  Droit  Canon,  si  tristement  négligé  en  France ,  depuis  près 
d'un  siècle ,  commence  à  refleurir  ,  lorsque  le  clergé  et  même  les  laïques  qui 
s'occupent  de  jurisprudence,  recherchent  avidement  les  livres  dans  lesquels  ils 
espèrent  trouver  ces  matières  bien  traitées,  il  m'a  semblé  opportun  de  publier 
là-dessus,  comme  je  le  fais  pour  l'histoire  et  la  théologie,  non  pas  un  de  ces 
abrégés,  copiés  les  uns  sur  les  autres,  où  l'on  cite  sans  vérifier,  où  l'on  donne 
la  science  de  deuxième  ou  de  troisième  main,  mais  un  traité  puisé  aux  sources. 
Il  ne  m'appartenait  pas  de  faire  moi-même  un  choix  en  matière  aussi  grave. 
J'ai  consulté  un  des  hommes  les  plus  savants  de  Rome  et  lui  ai  demandé  quel  était 
celui  des  canonistes  classiques  qui  serait  le  plus  utile  au  clergé  pour  sa  science 
et  ses  principes.  —  Rééditez  V Ancienne  et  nouvelle  Discipline  de  V Eglise  du  Père 
Thoraassin,  m'a-t-il  répondu,  tout  est  là.  D'un  autre  côté,  l'homme  si  compétent, 
à  qui  j'ai  proposé  de  revoir  et  de  continuer  cet  ouvrage,  m'a  dit  :  «  Vous  ne 
pouvez  mieux  choisir  :  c'est  le  commentaire  le  plus  complet  du  Droit  Canon , 
qui,  nulle  part  ailleurs,   n'est  aussi  bien  expliqué.  » 

«  De  ce  grand  nombre  d'ouvrages  qu'a  laissés  le  P.  Thomassin,  celui  qui 
sans  comparaison  fait  le  plus  d'honneur  à  la  mémoire  de  ce  savant  et  laborieux 
auteur,  est  son  ample  et  docte  Traité  de  la  Discipline  de  l'Eglise  ;  il  le  composa 
en  français,  et  le  fit  imprimer  en  trois  vol.  in-fol.,  l'an  1679;  ensuite,  pour 
obéir  au  pape  Innocent  XI ,  qui  témoigna  désirer  qu'un  ouvrage  qui  pouvait 
être  utile  à  l'Eglise,  se  répandît  partout  par  une  traduction  latine,  le  P.  Tho- 
massin l'entreprit  et  l'acheva  en  dix-huit  mois »  {Mémoires  de  Trévoux,  octo- 
bre 1717). 

Cet  auteur,  à  la  fois  érudit  et  judicieux,  pour  décider  chaque  question  sans 
Th.  —  ToM.  I.  a 


j,  AVERTISSEMENT 

parti  pris,  parcourt  tous  les  siècles,  y  ramasse  une  multitude  presque  infinie 
de  faits,  de  lois,  de  canons,  de  décrets,  de  témoignages  des  Pères  :  il  les  inter- 
prète ,  il  les  compai-e ,  il  cherche  la  vérité  avec  le  zèle  le  plus  scrupuleux  ,  et 
quand  il  croit  l'avoir  trouvée  il  la  montre  sans  l'imposer  (1).  C'est  un  de  ces 
rares  savants  à  qui  l'on  peut  se  fier,  pai'ce  qu'ils  ne  se  forment  jamais  une  opi- 
nion qu'avec  de  solides  motifs,  et  qu'ils  vous  mettent  toujours  à  même  de  juger 
vous-mêmes,  en  vous  remettant  les  pièces  avec  sincérité.  Le  P.  Thomassin  nous 
introduit  dans  les  divers  âges  de  l'Eglise,  et  nous  y  fait  voir  les  maximes  éter- 
nelles qui  ne  varient  jamais ,  et  celles  qui ,  pour  la  plus  grande  gloire  de  Dieu , 
changent  selon  les  besoins  de  l'humanité  et  les  exigences  des  temps  et  des  heux. 
Aux  quatre  âges  qu'il  nous  fait  connaître,  il  fallait  en  ajouter  un  cinquième  : 
c'est  celui  où  nous  vivons  depuis  la  Révolution  française,  et  pour  lequel  l'EgUse 
a  dû  modifier  sa  discipline.  C'est  cette  discipline  actuelle  qu'il  nous  importe  sur- 
tout de  connaître,  puisqu'elle  est  d'une  application  journahère.  M.  l'abbé  J.-F. 
André,  docteur  en  droit  canonique,  s'est  chargé  de  ce  travail.  A  qui  pouvais-je 
mieux  m'adresser  qu'à  un  homme  qui  a  passé  sa  \ie,  depuis  près  de  trente  ans, 
à  approfondir  l'étude  du  droit  ecclésiastique  ;  que  W^  Berardi ,  archevêque  de 
Nicée,  substitut  du  secrétaire  d'Etat  à  Rome,  dans  une  lettre  publiée  dans  les 
journaux,  a  proclamé  maître  consommé  dans  le  droit  canonique;  qui  s'est  fait  un 
nom  au  sein  du  clergé  par  son  savant  et  courageux  livre  :  Les  Lois  de  l'Eglise 
sur  la  nomination,  la  mutation  et  la  révocation  des  curés.  —  Situation  anormale  de 
l'Eglise  de  France;  qui,  enfin,  jurisconsulte  éclairé,  donne  chaque  jour  des  con- 
sultations à  ses  confrères  dans  un  recueil  ecclésiastique. 

J'ai  choisi  l'édition  française,  parce  que,  objet  de  plus  de  soins  de  la  part  du 
P.  Thomassin ,  le  style  en  est  meilleur  ;  mais  on  y  a  introduit  l'ordre  et  les 
augmentations  de  l'édition  latine;  dans  l'édition  française,  le  P.  Thomassin  avait 
adopté  l'ordre  des  temps,  de  sorte  que  pour  voir  la  suite  d'une  même  question  il 
fallait  passer  d'un  volume  à  un  autre  et  la  poursuivre  avec  beaucoup  de  difficul- 
tés. L'édition  latine,  au  contraire,  est  faite  selon  l'ordre  des  matières.  Une  fois 
qu'il  a  abordé  un  sujet ,  il  le  suit  à  travers  les  diverses  époques  et  ne  le  quitte 
qu'après  l'avoir  épuisé.  M.  André,  se  conformant  à  cet  ordre,  prend  la  question 
oïl  l'a  laissée  Thomassin  et  la  conduit  jusqu'à  nos  temps.  Les  grandes  divisions 
sont  donc  logiques  et  les  subdivisions  chronologiques. 

{i)  Il  faul  bien  remarquer  que  toutes  les  citations  sont  en  latin;  de  sorte  que  cet  ouvrage  peut  être  considéré  comme  un  cours 
de  Droit  Canon  en  latin  avec  un  coinmentaire  français. 


SUR  CETTE  NOUVELLE  ÉDITION.  m 

L'éditeur  de  1725  a  cherché  à  donner  à  certaines  phrases  du  P.  Thomassin 
plus  de  clarté ,  tantôt  en  substituant  à  des  termes  vieillis  d'autres  termes  plus 
récents  et  plus  usités,  tantôt  en  coupant  des  phrases  qui,  par  leur  longueur 
excessive,  fatiguaient  et  même  troublaient  l'esprit  du  lecteur.  On  l'a  imité  dans 
cette  nouvelle  édition,  mais  avee  une  grande  réserve. 

Il  serait  superflu ,  croyons-nous ,  de  montrer  l'immense  utilité  de  Thomassin 
pour  le  clergé  paroissial.  Eloigné  en  général  des  grandes  bibliothèques,  man- 
quant de  livres,  le  prêtre  employé  dans  le  ministère  sait  à  peine  où  se  trou- 
vent les  sources  du  droit  canonique.  Thomassin,  en  commentant  tout  le  droit 
avec  tant  de  science,  dispense  de  tout  autre  auteur.  Là,  en  effet,  se  trouvent 
traités  à  fond  les  droits  et  les  devoirs  des  évoques,  des  chanoines,  des  curés  et 
de  tous  les  bénéficiers.  Chaque  article  est  un  traité  complet.  Quelle  vaste  éru- 
dition, par  exemple,  lorsqu'il  commente  le  Titre  I",  si  important,  du  Livre  III 
du  Droit  de  vita  et  honestate  clericorum .'  Avec  l'édition  que  j'offre  au  clergé, 
augmentée  des  modifications  que  les  révolutions  modernes  ont  introduites  dans 
la  législation  ecclésiastique ,  tout  prêtre  studieux  pourra  étudier  à  fond  le  droit 
canonique. 

Cette  publication,  comme  toutes  mes  autres,  se  recommande  par  des  avan- 
tages ,  qui ,  s'ils  m'occasionnent  des  frais  énormes ,  m'attirent  de  précieuses  et 
universelles  sympathies.  On  y  trouvera  le  portrait,  la  biographie  de  l'auteur; 
une  analyse  raisonnée  avant  chaque  chapitre  ;  des  tables  très-complètes  ;  un 
papier  d'excellente  fabrication  ;  une  impression  bien  soignée.  Il  y  aura  7  vol. 
in-8°  à  deux  colonnes  :  même  format ,  même  caractère  que  Bossuet ,  Chryso- 
stome,  Augustin,  etc.  Les  volumes  paraîtront  de  trois  mois  en  trois  mois. 


L.    GUERIN 

Imprimeur-Editeur,  à  Bar-le-Duc  [Meuse). 


AVERTISSEMEM  DE  L'ÉDITIOA'  DE  1725. 


L'estime  particulière  que  les  savants  font  de  cet  ou-vrage,  dispense  de  prévenir  le  public  sur 
son  mérite  et  sur  son  utilité.  C'est  pour  cette  raison  qu'on  se  renferme  ici  à  faire  connaître  que 
cette  nouvelle  édition  est  beaucoup  plus  correcte,  moins  défectueuse,  et  d'un  usage  beaucoup 
plus  facile  que  n'ont  été  les  précédentes. 

L'auteur  donna  d'abord  cet  ouvrage  en  français  ,  distribué  en  trois  volumes  ,  par  ordre  des 
temps,  de  sorte  que  les  mêmes  matières  se  trouvaient  traitées  dans  le  premier,  dans  le  second  et 
dans  le  troisième  :  ce  qui  en  rendait  l'usage  très-incommode,  puisque  sur  un  même  sujet 
on  était  obligé  de  consulter  successivement  ce  qui  était  répandu  dans  les  trois  tomes  sur  la 
matière  qu'on  étudiait. 

On  ne  fut  pas  longtemps  sans  s'apercevoir  de  l'embarras  que  causait  un  tel  arrangement ,  et 
combien  il  est  incommode  de  ne  pouvoir  trouver  la  suite  d'une  même  question,  qu'en  passant 
d'un  volume  à  un  autre.  L'auteur  même,  n'en  pouvant  disconvenir,  publia  quelques  années 
après  ce  même  ouvrage  en  langue  latine,  et  le  distribua  en  trois  tomes,  mais  dans  un  autre 
ordre  que  l'on  trouva  plus  convenable  :  au  lieu  de  suivre,  comme  il  avait  fait  dans  l'édition 
française,  l'ordre  des  temps,  il  en  lit  un  des  matières  dans  l'édition  latine,  de  sorte  qu'il 
expliqua  dans  chaque  volume  des  sujets  tout  différents,  et  les  traita  sans  interruption  aux 
endroits  où  il  avait  jugé  à  propos  de  les  placer.  Par  ce  moyen  il  épargna  aux  lecteurs  la 
fatigante  peine  de  passer  d'un  volume  à  un  autre  sur  un  même  sujet. 

On  ne  peut  pas  nier  que  son  style  latin  ne  soit  bon;  mais  il  faut  aussi  demeurer  d'accord  qu'il 
est  un  peu  dur  et  en  même  temps  trop  ampoulé,  pour  être  à  la  portée  de  tout  le  monde.  C'est 
une  des  raisons  qui  ont  déterminé  à  donner  cet  ouvrage  en  français  plutôt  qu'en  latin.  11  y 
en  a  encore  une  autre,  qui  ne  peut  pas  échapper  à  ceux  qui  ont  négligé  d'acquérir  la  connais- 
sance de  la  langue  latine,  ou  qui  s'y  étant  adonnés  pendant  quelque  temps  ,  ont  depuis  cessé 
de  la  cultiver. 

Enfin,  une  autre  raison,  qui  ne  regarde  pas  moins  les  savants  que  les  autres,  c'est  que  les 
noms  latins  des  villes  étant  pour  la  plupart  inconnus  à  ceux  même  qui  sont  dans  l'usage  de  la 
langue  latine,  on  est  obligé  de  consulter  les  dictionnaires  pour  s'en  instruire;  et  ces  noms 
de  villes  ou  de  pays  qui  sont  très-fréquents  dans  cet  ouvrage,  se  trouvent  en  français  dans  cette 
réimpression. 

Mais  si  l'on  a  jugé  à  propos  de  donner  cette  nouvelle  édition  de  la  Discipline  de  l'Eglise  en 


VI  AVERTISSEMENT  DE  L'ÉDITION  DE  1725. 

français,  on  a  en  même  temps  compris  qu'il  était  d'une  nécessité  absolue  de  suivre  l'ordre  qui 
se  trouve  dans  l'édition  latine,  afin  d'éviter  l'embarras  dans  lequel  jetait  celui  qu'on  avait  suivi 
dans  rédition  française. 

L'auteur,  en  rédigeant  son  ouvrage  en  langue  latine,  y  a  fait  plusieurs  additions.  On  a  pris  un 
très-grand  soin  de  les  traduire  toutes  en  français,  et  de  les  placer  aux  endroits  où  l'auteur  les 
avait  lui-même  insérées  dans  son  édition  latine. 

On  a  eu  aussi  toute  l'attention  possible  à  donner  à  sa  diction  plus  de  clarté,  et  à  substituer  à 
quantité  de  termes  qui  sont  aujourd'hui  hors  d'usage  ,  ceux  qui  sont  plus  convenables  et  plus 
récents.  On  a  même  coupé  une  inflnité  de  phrases,  qui  par  leur  longueur  excessive  fatiguaient 
beaucoup  l'esprit  du  lecteur. 

Pour  ne  rien  omettre  de  ce  qui  peut  contribuer  à  rendre  un  ouvrage  utile,  on  a  fait  à  chaque 
volume  des  tables  à  l'aide  desquelles  il  sera  facile  de  trouver  les  endroits  dont  on  pourra  avoir 
besoin. 

Enfin,  comme  la  beauté  des  caractères  et  du  papier  ne  laisse  pas  d'entrer  pour  quelque  chose 
dans  le  mérite  d'un  livre,  aussi  bien  que  la  correction  ,  on  n'a  rien  épargné  pour  que  le  public 
fût  pleinement  satisfait  à  cet  égard. 


VIE 


DU 


PERE    LOUIS   THOMASSIN 


PRETRE    DE    L'ORATOIRE. 


Quoique  les  vies  des  savants  ne  soient  pas  or- 
dinairement remplies  de  cette  variété  et  de  cette 
multiplicité  de  faits  qui  font  rechercher  les  autres 
histoires,  toutefois  l'intérêt  qu'où  prend  à  leurs 
ouvrages,  fait  qu'on  recueille  leurs  vies  avec  soin, 
et  qu'on  les  lit  avec  empressement.  Plus  leur  mé- 
rite a  éclaté,  plus  on  est  curieux  de  connaître  leur 
caractère,  d'apprendre  jusques  aux  moindres  cir- 
constances de  leur  vie,  et  de  savoir  par  quelle 
route  ils  sont  parvenus  à  ce  haut  degré  de  con- 
naissance que  nous  admirons  en  eux  et  les  motifs 
ou  les  occasions  qui  les  ont  engagés  à  composer 
leurs  divers  ouvrages.  Occupé  dans  la  retraite,  ou 
à  composer  ou  à  prier,  le  père  Thomassin  ne 
nous  fournit  pas  plus  de  faits  que  les  autres  :  mais 
le  rang  distingué  qu'il  tient  parmi  les  savants,  les 
services  qu'il  a  rendus  à  l'Eglise,  sa  vaste  éru- 
dition, le  grand  nombre  de  ses  ouvrages,  et  la  vie 
édifiante  qu'il  a  menée,  sont  des  motifs  suffisants 
pour  faire  souhaiter  de  nous  un  détail  circonstan- 
cié des  actions  de  ce  grand  homme;  c'est  ce  que 
nous  allons  tâcher  d'exécuter. 

Les  mémoires  conservés  dans  la  famille  des 
Thomassin,  nous  font  connaître  qu'elle  est  ori- 
ginaire du  comté  de  Bourgogne,  d'où  elle  s'est 
répandue  dans  diverses  provinces  du  royaume.  11 
n'est  pas  de  mon  dessein  de  la  suivre  dans  ses 
différents  établissements.  Il  me  suffira  de  dire  que 
Jean  Thomassin  quitta  Vesoul  sa  patrie  pour  suivre 
en  Provence,  René,  roi  de  Sicile,  auquel  il  s'était 
attaché  pendant  que  ce  prince  était  détenu  pri- 
sonnier par  le  duc  de  Bourgogne,  dans  le  château 
de  Blacon.  11  eut  même  quelque  paît  à  sa  déli- 
vrance, comme  il  conste  par  deux  actes  passés  à 
ce  sujet,  les  16  novembre  et  -22  décembre  de  l'an 
1436,  auxquels  il  a  signé  comme  témoin.  Comblé 
de  biens  et  d'honneurs  par  ce  prince,  il  s'arrêta  en 


Provence,  où  l'on  vit  sa  famille  se  distinguer  dans 
l'Eglise  et  dans  les  armées,  et  produire  un  nombre 
si  considérable  de  magistrats,  qu'il  y  a  peu  de  fa- 
milles dans  le  royaume  qui  puissent  en  compter 
autant.  En  effet,  il  y  a  eu  dans  la  cour  des  comptes, 
des  aides  et  finances  d'Aix,  des  maîtres  rationaux, 
des  conseillers  et  quatre  avocats  généraux  de  ce 
nom  ,  tous  recommandables  par  leur  probité  et 
par  leur  savoir  :  et  dans  le  parlement  de  la  même 
province,  seize  avocats  généraux,  conseillers,  ou 
présidents.  Un  historien  de  Provence  relève  le 
savoir  et  la  probité  de  Jean-André  Thomassin  , 
conseiller  au  parlement.  Etienne  Thomassin 
exerça  pendant  trente  ans  la  charge  d'avocat  gé- 
néral avec  une  très-grande  réputation.  François 
Thomassin  son  fils,  qui  fut  pourvu  d'une  charge 
de  conseiller,  marcha  dignement  sur  les  traces  de 
son  père  pendant  trente-huit  ans.  Alexandre  Tho- 
massin, aussi  conseiller  au  même  parlement, 
soutint  pendant  quarante  ans  la  gloire  de  sa 
famille  et  sut,  comme  ses  ancêtres ,  joindre  un 
profond  savoir  à  une  plus  grande  intégrité.  Je  ne 
finirais  point  si  je  voulais  parler  de  tous  les  autres. 
J'ajouterai  seulement  que  cette  famille,  qui  remplit 
encore  aujourd'hui  les  principales  charges  de  ce 
même  parlement,  n'est  pas  moins  connue  par  les 
savants  qu'elle  a  produits,  que  par  les  grands  ser- 
vices qu'elle  a  rendus  à  la  république  des  lettres. 
Car  outre  les  savauts  magistrats  dont  j'ai  parlé, 
Louis  Thomassin,  mort  évê  ]iie  de  Sisteron,  que 
l'illustre  M.  Godeau  avait  choisi  pour  son  coadju- 
teur  à  Venre,  a  laissé  au  public  des  preuves  de 
son  savoir.  Claude  Thomassin,  théologal  de  Fréjus 
nous  a  donné  des  paraphrases  sur  Tobie  et  sur 
Job.  Louis  Thomassin  Mazaugues,  conseiller  au 
parlement,  mort  en  1712,  et  Henri-Joseph  Tho- 
massin Mazaugues,  son  fils,  président  aux  enquê- 


VIII 


VIE  DU  PÈRE  THOMASSIN. 


tes,  sont  très-connus  des  savants.  On  n'oubliera 
jamais  que  c'est  à  la  générosité  du  premier  qu'on 
est  redevable  de  l'excellent  ouvrage  du  père 
Antoine  Pagi,  surBaronius.  Le  second  a  non-seu- 
lement hérité  des  vertus  de  son  père  et  de  son 
amour  pour  les  lettres,  mais  il  marche  encore  sur 
les  traces  du  célèbre  M.  de  Peiresc  son  parent,  qui 
a  été  regardé  avec  raison  comme  le  Mécène  de 
son  siècle. 

C'est  d'une  famille  si  féconde  en  grands  hom- 
mes que  le  père  Louis  Thomassin,  dont  je  donne 
la  vie,  tira  son  origine.  11  naquit  à  Aix  en  Pro- 
vence, le  vingt-huit  du  mois  d'août  de  l'an  mil  six 
cent  dix-neuf  et  fut  le  quatrième  fils  de  Joseph 
Thomassin,  seigneur  de  Taillas,  de  la  Garde  et  du 
Loubel,  avocat  général  en  la  cour  des  comptes, 
aides  et  fmances  de  Provence  ;  et  de  Jeanne  Latil, 
des  seigneurs  d'Entraigues  et  de  Vilosc.  On  con- 
nut dès  son  enfance  tout  ce  qu'il  devait  être  un 
jour.  A  un  génie  élevé  et  fort  au-dessus  de  son 
âge,  il  joignait  une  sagesse  prématurée  et  un  heu- 
reux penchant  à  la  vertu  :  en  sorte  qu'on  peut  dire 
de  lui  qu'il  fut  dès  sa  jeunesse  le  même  qu'il  a  été 
pendant  toute  sa  vie  ;  je  veux  dire  que  l'on  a 
admiré  en  lui,  dans  tous  les  temps  de  sa  vie,  sa  sa- 
gesse, son  inclination  pour  l'étude,  l'étendue  de 
ses  connaissances,  et  cette  égalité  d'àme  que  rien 
ne  fut  capable  de  troubler. 

Dès  l'Age  de  dix  ans  on  l'envoya  en  pension 
chez  les  prêtres  de  l'Oratoire  de  Marseille.  Son  père 
crut  ne  pouvoir  confier  plus  sûrement  son  éduca- 
tion. Charmés  de  son  bon  naturel,  ces  pères  s'ap- 
pliquèrent à  le  cultiver  et  à  faire  profiter  ses  heu- 
reux talents.  Us  en  recueillirent  bientôt  les  fruits  : 
car  il  n'avait  pas  encore  quatorze  ans  qu'il  de- 
manda avec  instance  d'entrer  dans  leur  congréga- 
tion. Son  père,  qui  l'aimait  beaucoup,  n'hésita  pas 
néanmoms  à  faire  ce  sacrifice  au  Seigneur.  11  fut 
lui-même  le  présenter  au  père  Jacques  de  Rez, 
supérieur  de  l'institution  d'\ix.  Ce  père,  qui  con- 
naissait le  mérite  de  ce  jeune  enfant,  le  reçut  avec 
plaisir  et  l'admit  dans  l'Oratoire  à  la  fin  du  mois 
de  septembre  de  l'an  Kiiti.  Le  jeune  Thomassin 
fil  sous  la  direction  du  père  de  Rez  de  si  grands 
progrès  dans  la  piété,  qu'on  a  toujours  reconnu 
depuis  et  admiré  en  lui  les  vertus  de  ce  pieux  et 
zélé  directeur. 

Après  avoir  jeté  d'aussi  solides  fondements  il 
retourna  à  Marseille  pour  y  étudier  en  rhétorique 
sous  le  (lère  de  Souvigiiy,  si  connu  depuis  à  Rome 
eleii  France;  et  ensuite  en  philosophie  sous  le 
père  Uertliad,  l'un  des  plus  habiles  philosophes  et 
théologiens  (ju'ait  produits  la  congrégation  (1036). 
De  Marseille,  le  jeune  Thomassin  lut  envoyé  à 
Saumur  pour  y  faire  sa  théologie  (1638).  Au  sortir 
de  Saumur,  il  alla  enseigner  la  grammaire  et  les 
liumauilés  à  Pézenas,  et  de  là  à  Vendôme,  et  la  rhé- 
torique à  Troyes  et  à  .Marseille.  H  s'acquitta  paitout 
de  ces  diflérents  emplois  avec  beaucoup  de  dis- 
tinction :  car  étant  exliémenient  réglé  et  exact,  il 
trouvait  encore  du  temps  après  le  devoir  ordinaire 


pour  donner  à  ses  écoliers  une  teinture  du  blason, 
de  la  géographie  et  de  l'histoire  ,  et  pour  leur 
apprendre  les  premiers  principes  des  langues  ita- 
lienne et  espagnole.  C'est  ainsi  qu'en  mettant  à 
profit  jusqu'aux  moindres  moments  il  formait 
d'excellents  écoliers. 

Dans  le  temps  qu'il  enseignait  la  rhétorique  à 
Marseille,  ses  supérieurs  l'envoyèrent  à  Aix  pour 
y  recevoir  la  pièlrise;  et  le  vingt  et  un  décembre 
1643  il  alla  célébrer  sa  première  messe  dans  la 
chapelle  de  Notre-Uanie  des  Anges,  située  dans 
un  désert  entre  Aix  et  Marseille  ,  persuadé  que  ce 
serait  dans  la  solitude  que  le  Seigneur  lui  commu- 
niquerait plus  abondamment  ses  grâces.  Il  ne  se 
trompait  pas,  la  retraite  qu'il  y  fit  ne  servit  qu'à 
l'alVermir  davantage  dans  la  pratique  de  toutes  les 
vertus. 

Après  avoir  employé  plusieurs  années  à  l'ins- 
truction des  autres ,  il  était  temps  que  le  père 
Thomassin  songeât  à  s'instruire  lui-même  ;  il 
demanda  donc  à  ses  supérieurs  la  permission  de 
se  reposer  une  année  à  Lyon,  ce  qu'ils  lui  accor- 
dèrent avec  plaisir.  Il  l'employa  toul  entière  à  se 
préparer  à  la  philosophie  et  à  la  théologie  ;  et  tous 
ses  moments  se  trouvant  ainsi  remplis,  on  ne  peut 
croire  quelle  provision  de  science  il  fit  pour 
l'avenir.  En  164o,  il  enseigna  à  Pézenas  la  philo- 
sophie avec  tant  de  succès  et  de  réputation,  que 
plusieurs  professeurs  très-habiles  de  diflérents 
ordres  se  firent  honneur  de  dicter  publiquement 
ses  écrits.  Il  s'était  surtout  attaché  à  la  philosophie 
de  Platon,  qu'il  regardait  avec  justice  comme 
devant  servir  d'introduction  à  la  théologie  des 
Pères;  et  quoiqu'il  possédât  à  fond  les  systèmes 
de  Descaries  et  de  Gassendi,  il  ne  voulut  adopter 
des  opinions  de  ces  nouveaux  philosophes  que 
celles  qui  lui  paraissaient  s'accorder  avec  les  sen- 
timents des  meilleurs  auteurs  ecclésiastiques,  par- 
ticulièrement de  saint  Augustin  ;  et  il  était  si  per- 
suadé de  la  bonté  de  sa  méthode,  qu'il  ne  cessait 
depuis  de  la  conseiller  à  ses  meilleurs  amis. 

Son  érudition  était  si  connue,  qu'après  lui  avoir 
fait  dicter  un  nouveau  cours  de  philosophie  à 
Lyon,  on  l'envoya  enseigner  les  mathématiiiues  à 
Juilly,  et  l'année  suivante  professer  la  théologie 
à  Saumur,  qui  élail  alors  l'école  la  plus  célèbre  de 
l'Oratoire.  11  y  fut  le  collègue  du  père  Berlhad, 
dont  il  avait  été  (juelques  années  auparavant  le 
disciple.  Rien  ne  marque  mieux  la  grande  opi- 
niim  et  l'estime  que  l'on  avait  conçues  de  lui  dans 
son  corps,  puisque  n'étant  pas  encore  âgé  de 
trente  ans,  on  lui  donnait  un  emploi  qui  deman- 
dait, pour  ainsi  dire,  une  érudition  consommée, 
et  qu'on  le  préférait  à  un  grand  nombre  d'excel- 
lents théologiens,  dont  la  congrégation  de  l'Ora- 
toire était  dès  lors  suffisamment  pourvue. 

Un  homme  moins  laborieux  ou  plutôt  moins 
savant  que  le  père  Thomassin,  se  serait  borné  à 
sa  classe  de  théologie;  mais  ce  grand  homme,  qui 
ne  ménageait  point  ses  forces  lorsqu'il  s'agissait 
de  l'utilité  du  prochain  et  de  la  gloire  de  Dieu  el 


VIE  DU  PÈRE  TIIOMASSIN. 


m 


de  l'Eglise,  ne  crut  pas  devoir  s'en  tenir  là  :  il  en- 
treprit donc  d'y  faire  toutes  les  semaines,  outre 
ses  leçons  ordinaires  de  théologie  scolastique, 
plusieurs  conférences  de  théologie  positive;  et 
soit  l'importance  des  matières  qui  y  étaient  trai- 
tées, soit  la  profondeur  et  la  nouveauté  de  la  mé- 
thode ,  ces  conférences  lui  altirèrenl  un  grand 
nombre  d'auditeurs,  tant  catholiques  que  protes- 
tants. 

La  théologie  scolastique  avait  tellement  pris  le 
dessus  depuis  Pierre  Lombard  et  saint  Thomas, 
que  la  lecture  des  Pères  était  presque  négligée. 
Le  savant  |)ère  Pétau,  jésuite,  et  le  père  Morin, 
prêtre  de  l'Oratoire,  furent  les  premiers  qui,  dans 
le  dernier  siècle,  osèrent  reprendre  la  méthode  de 
la  théologie  positive;  le  premier  dans  ses  dogmes 
théologiques,  le  second  dans  ses  traités  de  la  pé- 
nitence et  des  ordinations  sacrées.  Les  trois  pre- 
miers volumes  des  dogmes  théologiques  étaient 
imprimés  dès  1614,  le  quatrième,  aussi  bien  que 
les  ouvrages  du  père  .Morin,  étaient  sur  le  point 
de  paraître.  Soit  donc  que  la  lecture  du  premier 
ouvrage,  soit  que  les  avis  et  les  conseils  de  l'au- 
teur des  seconds  eussent  déterminé  le  père  Tho- 
massin  à  quitter  l'élude  sèche  de  la  scolastique 
pour  apprendre  la  religion  dans  ses  sources,  je 
veux  dire  l'Ecriture,  les  Pères  et  les  conciles,  il 
parait  qu'il  fut  le  premier  qui  entreprit  de  traiter 
cette  théologie  dans  des  conférences  publiques. 
Mais  ce  qui  me  porterait  à  croire  que  les  conseils 
domestiquesdu  père  Morin  l'avaient  engagé  à  celte 
étude,  c'est  qu'en  la  même  année  1649,  on  or- 
donna des  conférences  de  positive  à  Saint-Ma- 
gloire,  lesquelles  y  ont  toujours  continué  depuis, 
et  s'y  font  encore  avec  beaucoup  de  succès  (1). 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  continua  pendant  quelques 
années  ses  conférences  de  posiiive  à  Saumur.  11  y 
traitait  les  matu'îres  théolopiques  d'une  manière 
savante;  et  les  dégageant  des  subtilités  de  l'école, 
il  appuyait  tous  les  points  qu'il  se  proposait  d'éta- 
blir sur  le  témoignage  de  l'Ecriture,  des  Pères  et 
des  conciles.  11  fut  secondé  dans  cette  pénible 
carrière  par  quelques-uns  de  ses  confrères;  ce 
qui  leur  acquit  une  si  grande  réputation,  que  le 
célèbre  r.\mirault,  ministre  à  Saumur,  disait  que  la 
maison  de  Xotre-Dame  des  Ardil tiers  des  prêtres  de 
l'Oratoire  était  un  fort  que  rEylise  romaine  oj)j)os(u(  à 
la  place  d'armes  que  les  protestants  avaient  établie  dans 
cette  ville.  En  effet,  cette  théologie  mettait  seule 
en  état  de  répondre  aux  arguments  des  hérétiques, 
qui  voulant,  disaient-ils,  s'en  tenir  à  la  pure  doc- 
trine enseignée  durant  les  quatre  premiers  siècles 
de  l'Eglise,  rejetaient  avec  mépris  toutes  les  opi- 
nions de  l'école.  Aussi  a-t-elle  été  depuis  em- 
ployée contre  eux  avec  beaucoup  de  succès  par 
nos  plus  habiles  controversistes.  C'est  cette  nou- 
velle méthode  qui  a  produit  tant  d'excellents  ou- 
vrages qui  ont  fait  le  triomphe  de  l'Eglise  et  la 
honte  des  nouveaux  sectaires. 

(1)  Baral  et  Bordes,  m  Vila  Lad.   Thom. 


Tant  d'occupations  demandaient  qu'il  procurât 
à  son  esprit  quelque  lehiche.  Le  père  Thomassin 
n'en  voulait  employer  d'autres  que  ceux  (jui  étaient 
joints  à  quelipie  utilité.  Il  se  ménagea  donc  un 
jardin  qu'il  planta  lui-même  d'arbustes  et  de 
plantes  médicinales,  dont  il  connai.ssail  la  vertu 
et  les  propriétés.  C'est  ainsi  que  les  grands  hommes 
savent  mettre  à  profit  jusqu'à  leur  loisir,  et  qu'ils 
se  délassent  agréablement  par  la  variété  de  leurs 
exercices. 

Il  quitta  cette  maison  avec  regret  environ  l'an 
I6.b4,  lorsque  le  père  Bourgoin,  son  général,  le  ht 
venir  à  Paris,  au  séminaire  de  Saint-Magloire,  que 
MM.  de  Gondy ,  archevêques  de  Paris ,  avaient 
attaché  à  notre  congrégation.  Ce  fut  là  que  son 
mérite  parut  dans  tout  son  jour.  On  ne  peut  croire 
avec  quels  applaudissements  il  y  continua  les 
conférences  de  positive  qu'il  avait  commencées  à 
Saumur.  C'était  un  théâtre  trop  borné  ;  la  capitale 
de  la  France  était  seule  digne  de  lui.  .\  peine  y 
fut-il  arrivé  qu'on  vil  accourir  de  toutes  parts  un 
graud  nombre  d'ecclésiastiques,  que  le  désir  de 
profiter  de  ses  leçons  y  attirait.  Les  personnes 
même  que  leur  mérite  a  élevées  aux  premières 
charges  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  ont  souvent  avoué 
que  rien  n'était  plus  propre  que  ses  maximes  pour 
former  un  jeune  homme  au  gouvernement  ecclé- 
siastique. 

Le  fameux  père  Senault,  alors  supérieur  du  sé- 
minaire, reconnut  en  lui  tant  de  taienls  pour  l'élo- 
quence, qu'il  dit  qu'il  aurait  pu  devenir  un  des 
plus  excellents  prédicateurs  du  royaume,  s'il  avait 
voulu  donner  de  ce  côté-là.  Et  le  père  Jules  Mas- 
caron,  prédicateur  du  roi,  mort  en  1703,  évêque 
d'Agen,  avouait  lui  devoir  les  plus  beaux  endroits 
de  ses  sermons.  Ce  dernier  avait  fait  espérer  un 
ouvrage  sur  la  meilleure  manière  de  prêcher  la 
parole  de  Dieu,  qui  devait  être  le  fruit  de  ses  fré- 
quents entretiens  avec  ce  savant  homme.  Il  con- 
tinua ses  conférences  depuis  environ  l'an  1654 
jusques  en  I66S.  Sa  joie  fut  complète  loi-squ'il  vit 
qu'elles  étaient  d'un  grand  secours  pour  les  con- 
troverses contre  les  hérétiques. 

Les  deux  dernières  années  il  parut  deux  ou- 
vrages de  lui,  l'un  sur  les  conciles,  et  l'autre  sur 
la  grâce,  qui  firent  beaucoup  de  bruit,  et  dont  je 
ne  saurais  me  dis|)enser  de  parler  ici  avec  quel- 
que détail.  Le  premier  fut  intitulé  :  Dissertations  mir 
les  conciles  généraux  et  particuliers.  Elles  étaient  au 
nombre  de  vingt,  et  furent  imprimées  in -4°,  à  Pa- 
ris, chez  Dezailler,  l'an  1667,  et  dédiées  à  M.  de 
Péréfixe,  archevêque  de  Paris.  Ses  principes  paru- 
rent si  opposés  aux  maximes  de  France,  qu'on  en 
arrêta  les  exemplaires;  l'ouvrage  fut  même  déféré 
au  clergé  de  France.  On  ne  sera  pas  fâché  de 
trouver  ici  deux  lettres,  l'une  du  père  Seuault,  gé- 
néral de  l'Oratoire  à  M.  l'archevêque  de  Paris,  et 
l'autre  du  père  Thomassin  au  père  de  Sainte- 
Marthe.  Elles  Héritent  d'avoir  place  dans  cet  ou- 
vrage, d'autant  plus  qu'elles  n'ont  jamais  été  im- 
primées; on  verra  dans  la  première  les  sentiments 


VIE  DU  PÈRE  THOMASSIN. 


de  sa  congrégation  sur  les  points  que  trailail  le 
père  Tliomassin,  et  la  sage  conduite  que  tint  a'ors 
le  père  Senault,  comme  on  remar{iuera  avec  plai- 
sir dans  la  seconde,  la  docilité,  la  sagesse,  la  mo- 
dération du  père  Tliomassin,  et  ce  grand  amour 
de  la  paix  demi  il  a  donné  pendant  toute  sa  vie  tant 
de  preuves  admirables  :  l'une  et  l'autre  nous  four- 
nissent un  détail  exact  de  cette  afTaire.  Voici  celle 
du  père  Senault  (1670)  : 

c<  Monseigneur,  je  n'eusse  jamais  pensé  que 
notre  congrégation  eiît  été  obligée  de  se  détendre 
devant  l'assemblée  du  clergé  contre  les  calomnies 
(ju'on  y  a  l'ait  voir  depuis  peu  sous  le  nom  de 
factum,  ou  plutôt  de  libelle  difTamatoire.  Car  vous 
savez.  Monseigneur,  que  notre  congrégation  est 
née  dans  la  France,  instituée  par  un  cardinal  fran- 
çais, qui  a  eu  l'honneur  d'entrer  souvent  dans  le 
conseil  de  nos  rois,  et  d'être  employé  dans  les 
an'aires  les  plus  importantes  du  royaume;  compo- 
sée de  seuls  Français,  et  qui  par  conséquent  ne 
peut  avoir  d'autres  intérêts  que  ceux  de  la  France. 
Vous  savez  aussi.  Monseigneur,  qu'elle  fait  une  pro- 
fession particulière  de  dépendre  de  MM.  les  arche- 
vêques et  évéques,  qu'elle  n'a  point  d'autres  privi- 
lèges et  d'autres  emplois  que  ceux  qu'elle  reçoit 
d'eux  dans  leurs  diocèses.  Cependant,  à  entendre 
parler  quelques  régents  sous  le  nom  de  l'Université, 
il  semble  que  celte  congrégation  ait  perdu  le  respect 
et  la  fidélité  envers  les  rois,  la  soumission  et  l'o- 
béissance envers  MM.  les  prélats.  El  parce  qu'ils 
fondent  leur  calomnie  sur  un  livre  composé  par 
le  père  Tliomassin  et  supprimé  par  mon  ordre, 
permettez-moi  de  vous  rendre  compte,  et  en  votre 
personne  à  toute  l'assemblée  du  clergé,  de  ma 
conduite  en  cette  allaire.  Il  y  a  trois  ou  quatre 
ans  qu(;  le  père  Tliomassin  ayant  fait  quelques 
dissertations  sur  les  conciles  généraux  et  particu- 
liers, et  les  voulant  donner  au  public,  il  les  (it 
voir  à  des  docteurs  de  la  Faculté  de  théologie  qui 
les  approuvèrent.  Sur  leur  approbation ,  M.  le 
chancelier  donna  le  privilège,  et  ensuite  je  don- 
nai la  permission  au  libraire  de  les  imprimer  : 
mais  comme  je  sus  qu'il  y  avait  dans  ce  livre  quel- 
ques propositions  qui  pouvaient  choquer  les  droits 
et  les  libertés  de  l'Eglise  Gallicane,  j'ordonnai  au 
père  Thomassin  de  les  faire  voir  encore  à  d'autres 
docteurs  pour  adoucir  ou  expliquer  tout  ce  qui 
pourrait  troubler  la  paix,  qui  m'a  toujours  été  en 
singulière  recommandation.  Ces  docteurs  y  chan- 
gèrent plusieurs  choses.  On  refit  jusqu'à  trente- 
six  cartons,  ce  qui  me  faisait  espérer  ipi'il  pour- 
rait revoir  le  jour,  et  être  utile  au  luiblic.  Mais 
ayant  appris  qu'avec  toutes  ces  correclions  il  res- 
tait encore  des  propositions  qui  renouvelaient  les 
disputes  qu'on  avait  essayé  d'étouffer  avec  tant 
de  prudence  dans  la  Faculté  de  théologie,  je  le  sup- 
primai de  mon  propre  mouvement,  et  de  l'avis  de 
nos  assistants,  sans  en  avoir  reçu  aucun  ordre  ni 
du  conseil  du  roi  ni  du  parlement.  J'empêchai 
qu'il  ne  fiit  ni  vendu  ni  débité,  et  si  l'on  en  a  vu 
quelques  exemplaires,  ce  sont  ceux  qui  avaient  été 


mis  entre  les  mains  des  approbateurs,  ou  qui  ont 
été  donnés  à  quelques  prélats  qui  les  ont  deman- 
dés, et  à  qui  on  n'a  pu  les  refuser.  Cependant, 
Monseigneur,  nonobstant  tontes  ces  précautions, 
(pielques  particuliers  de  l'Université  ont  déterré  l'e 
livre,  et  en  ont  inséré  quelques  propositions  dans 
leur  libelle,  qu'ils  ont  répandu  avec  malignité 
dans  Paris  et  par  toutes  les  provinces,  non-seule- 
ment pour  nous  rendre  odieux,  mais  encore  pour 
diviser  la  Faculté  de  théologie,  et  pour  exciter  des 
orages  qu'elle  avait  essayé  de  calmer.  On  voit  par 
là  de  quel  esprit  sont  poussés  ces  messieurs,  et 
combien  l'intérêt  du  collège  que  M.  rarchevô(pie 
de  Sens  nous  a  offert  (t)  les  aveugle.  J'ai  cherché 
la  paix  et  lui  ai  sacrifié  un  livre  qui  la  pouvait 
troubler.  J'en  ai  prévenu  la  censure  par  une  sup- 
pression, et  j'ai  fait  connaître  atout  le  monde  que 
nous  n'avons  point  d'autres  intérêts  que  ceux  de 
l'I'lglise  et  de  l'Etat,  ni  d'autres  sentiments  que 
ceux  de  MM.  les  évéques.  Je  vous  supplie  de 
prendre  la  peine  de  leur  représenter  toutes  ces 
vérités,  avec  cette  éloquence  qui  a  tant  de  fois 
triomphé  dans  rassemblée  du  clergé  ,  d'ajouter 
cette  nouvelle  faveur  à  toutes  celles  que  j'ai  reçues 
de  vous,  et  de  croire  que  je  suis,  etc.  » 

Le  père  Senault  eut  toute  la  satisfaction  qu'il 
avait  lieu  d'attendre.  Mais  les  bruits  s'élant  renou- 
velés six  ans  après,  le  père  Thomassin  écrivit 
au  père  de  Sainte-Marthe  son  général,  la  lettre 
suivante  : 

«  Mon  très-révérend  père ,  aussitôt  que  j'eus 
appris  de  mon  cousin  de  Mazaugues,  conseiller  au 
parlement  d'Aix,  que  M.  le  cardinal  Grimaldi 
avait  porté  à  Rome  le  livre  de  mes  Dissertations 
sur  les  conciles ,  et  que  Son  Eminence  lui  avait 
écrit  qu'on  y  aurait  dessein  de  l'y  faire  réimpri- 
mer si  nous  y  consentions:  je  vous  en  donnai 
avis,  et  vous  assurai  en  même  temps  que  mon 
cousin  avait  écrit  à  Son  Eminence  selon  mes  pré- 
tentions, que  le  plus  grand  déplaisir  qu'il  pourrait 
me  faire  ,  c'était  de  souffrir  que  ce  livre  s'impri- 
mât à  Rome,  puisque  cela  ne  se  pourrait  sans  nous 
attirer  un  orage.  Depuis  que  ce  cardinal  a  été  de 
retour  en  Provence  ,  et  que  mon  cousin  a  appris 
que  Son  Eminence  a  laissé  le  livre  à  M.  Suarez, 
évêque  de  Vaison ,  avec  assurance  de  sa  part  de 
ne  le  faire  jamais  imprimer  sans  notre  consente- 
ment ,  mon  cousin  a  témoigné  que  ce  serait  nous 
faire  un  extrême  tort  que  de  penser  à  celle  im- 
pression. Je  lui  ai  écrit  de  ne  point  donner  de 
repos  à  M.  le  cardinal  Grimaldi,  qu'il  n'eût  fait 
revenir  le  livriî  de  Rome.  M^''  l'évêque  de  Vence  (2) 
a  écrit  à  Son  Eminence  pour  cela  même.  Je  vous 
conjure,  mou  très-révérend  père,  de  lui  en  écrire 
vous-même  ;  et  au  cas  que  Dieu  dispose  de  Son 
Eminence,  comme  le  bruit  de  sa  mort  a  couru 
depuis   peu  ,  d'écrire  à  M.  le  cardinal  d'Estrées 

(1)  C'est  celui  de  Provins,  qui  fut  uni  à  l'Oratoire  cette  mémo  an- 
née 16T0. 

(•J)  Louis  Thomassin,  évèque  de  Vence,  était  son  neveu;  il  est  mort 
évcque  de  Sisteron. 


VIE  DU  PÈRE  THOMASSIN. 


XI 


à  Rome,  afin  qu'il  retire  ce  livre  d'entre  les  mains 
de  >16'  l'évêqne  de  Vaison  ;  car  quoique  ce  livre 
n'ait  été  imprimé  qu'après  avoir  été  lu  par 
M.  Grandin,  et  que  le  privilège  y  ait  élé  accordé 
après  que  M.  le  procureur  général  et  M.  le  Pelle- 
tier, prévôt  des  marchands,  eurent  assuré  à  M.  le 
Chancelier  qu'ils  l'avaient  l'ail  lire  à  M.  Faure, 
docteur  deSorhoune,  et  lui  eurent  montré  tous  les 
cartons  que  M.  Faure  avait  désiré  qu'en  y  mit  ; 
néanmoins  l'amour  et  l'intérêt  que  nous  avons  de 
conserver  la  paix  et  de  ne  déplaire  à  personne , 
me  porte  moi-même  à  désirer  que  ce  livre  soit 
supprimé.  Le  chemin  le  plus  court  pour  cela  est 
d'écrire  à  M.  le  cardinal  d'Eslrées.  J'espère,  mon 
tiès-révérend  père,  que  vous  prendrez  ce  parti» 
etc.  » 

Cette  lettre  fut  écrite  de  la  maison  de  l'institu- 
tion de  Paiis  le  24  janvier  1676. 

Pour  achever  l'histoire  de  cet  ouvrage,  je  dois 
ajoulerque  le  cardinal  Cibo,  minislred'lnnocentXI, 
l'ayaut  demandé  avec  instance  au  père  le  Blanc, 
prêtre  de  l'Oratoire  de  France  qui  résidait  alors  à 
Rome,  dans  l'état  qu'il  était  parti  de  la  main  de 
l'auteur,  en  l'assurant  de  mettre  à  couvert  sa 
congrégation  ,  ce  père  lui  répondit  que  la  chose 
n'était  pas  possible.  Néanmoins  il  en  écrivit  de 
Rome  au  père  de  Sainte-Marthe  le  27  juillet  et  le 
16  novembre  de  l'an  167S,  et  la  réponse  de  celui-ci 
fut  conforme  à  celle  qu'il  avait  faite  lui-même. 
Cet  ouvrage  fut  sous  la  clef  avec  beaucoup  d'exac- 
titude pendant  plus  de  vingt-cinq  ans.  Après  ce 
temps ,  une  personne  en  vendit  plusieurs  exem- 
plaires qu'elle  avait  eu  le  moyen  d'enlever  secrète- 
ment. M.  de  Harlai,  archevêque  de  Paris  (que 
quelques-uns  soupçonnèrent  alors,  mais  sans  au- 
cun légitime  fondement,  d'avoir  laissé  passer 
sourdement  le  livre,  soit,  disaient-ils,  qu'il  vou- 
lût par  là  se  concilier  la  bienveillance  de  la  cour 
de  Rome,  soit  par  complaisance  pour  celui  qui  le 
débitait ,  homme  qui  lui  était  entièrement  dévoué 
et  zélé  disciple  du  père  Thomassin)  sur  les  plain- 
tes qu'eu  fit  M.  le  premier  président  de  Harlai,  or- 
donna aux  prêtres  de  l'Oratoire  de  remettre  sous 
la  clef  les  exemplaires  qui  restaient,  ce  qui  fut 
exécuté.  Cet  ouvrage,  quoique  fait  en  faveur  de  la 
cour  romaine,  ne  fut  pas  tout  à  fait  de  son  goût, 
à  cause  de  certains  principes  fort  opposés  à  ceux 
de  Bellarmin  et  de  Baronius  (1). 

Passons  à  son  traité  de  la  grâce,  que  nous  avons 
dit  avoir  paru  peu  de  temps  après  celui  des  con- 
ciles, et  qui  eut  presque  le  même  sort.  11  était 
intitulé  :  Mémoires  sur  la  Grâce.  Il  avait  dicté  cet 
ouvrage  à  Saint-Magloire  en  1668.  M.  le  chan- 
celier Séguier,  à  qui  on  déféra  ce  livre,  voulut 
l'arrêter,  de  peur  qu'il  ne  renouvelât  les  vieilles 
querelles.  11  y  enseigne  que  la  délectation  victo- 
rieuse dont  parle  saint  Augustin  est  la  grâce  habi- 
tuelle. La  grâce  efficace,  selon  lui,  n'est  point  une 
grâce  actuelle ,  prédéterminante,  invincible  ;  mais 

(1)  Voyez  les  Mémoires  d'Amelotdela  Houssaye,  tom.  n,  p.  119. 


un  assemblage  de  plusieurs  secours  par  lesquels 
Dieu  opère  infailliblcmenl  la  conversion  des  pé- 
cheurs, et  la  persévérance  des  justes,  ((u'il  a  gia- 
tuilemenl  prédestinés  à  la  gloire  (I).  La  même 
année  deux  docteurs  de  Sorlionne  lireiil  imprimer 
ces  mémoires  en  français  à  Louvain,  en  3  vol.  in-12, 
mais  il  les  redonna  lui-même  à  Paris  en  2  vol. 
in^"  en  1682.  L'n  des  plus  savants  hommes  de 
son  temps  en  entreprit  la  réfutation.  La  vérité 
m'oblige  d'ajouter  que  si  le  père  Thomassin  n'eût 
jamais  donné  que  ces  deux  ouvrages  ,  il  n'eût 
pas  méiité  cette  grande  réputation  dont  il  est  si 
digne.  Il  lui  ai'riva  ce  qui  arrive  d'ordinaire  aux 
conciliateurs;  en  voulant  réunir  les  différents  sen- 
timents, il  ne  contenta  personne. 

Cependant  le  père  de  Sainte-Marthe  voulut  l'avoir 
auprès  de  lui.  11  l'attira  dans  la  maison  de  Saiiil- 
Honoré,  où  il  lui  faisait  espérer  plus  de  loisir  et 
de  commodité  pour  travailler;  mais  trois  jours 
après  il  en  sortit,  ne  trouvant  point  dans  cette 
maison  de  jardin  pour  se  promener  régulièrement 
à  certaines  heures  du  jour  selon  sa  coutume.  On 
l'envoya  à  la  maison  de  l'institution,  où  il  demeura 
depuis  le  mois  de  décembre  1673  jusques  envi- 
ron l'an  1690.  11  n'y  fut  pas  plutôt  retiré  qu'il 
enrichit  le  public  de  plusieurs  ouvrages  aux- 
quels de  grands  prélats  et  ses  supérieurs  l'avaient 
engagé. 

Sa  Discipline  ecclésiastique  ancienne  et  moderne 
commença  à  paraître  en  1679,  et  fut  achevée  en 
1684.  Elle  comprend  3  vol.  in-fol.  Quelque  ména- 
gement que  le  père  Thomassin  eût  gardé  pour  les 
opinions    ultramontaines,    leurs    défenseurs    ne 
laissèrent  pas   d'y  trouver  à  redire.   Le    cardinal 
Casanata  lui  envoya  un  mémoire  des  endroits  qui 
avaient  été  jugés  répréhensibles.  Le  père  Thomas- 
sin fit  imprimer  dans  la  suite  ces  difficultés  avec 
ses  réponses.  On  n'y  voit  rien   qui  fasse  honneur 
aux  auteurs  de  ces  observations.  C'est  là  que  pour 
se  justifier  dans  l'espiit  des  ultraraontains,  il  dit 
que   depuis  vingt  ans  il  s'est  rendu  odieux   en 
France,  comme  si,  en  voulant  soutenir  les  droits 
du  pape,    il   les    avait  poussés  au  delà  de   leurs 
justes  boraes.  Quelquefois  il   adoucit  ses  expres- 
sions pour  ménager  la  délicatesse  de  ses  censeurs; 
d'autre  fois  il  soutient  fortement  son  sentiment,  et 
c'est  lorsqu'il  croit  que  la  vérité  exige  cela  de  lui. 
Il  soutient  entre  autres  que  les  papes  ne  sont  que 
les  dispensateurs  des  biens  de  l'Eglise,  et  les  exé- 
cuteurs des  canons  :  partout  il  proleste  qu'il  a  la 
vénération  la  plus  profonde  pour  le  chef  de  l'Eglise. 
C'est  la  seule  critique  de  ses  ouvrages  à  laquelle 
il  ait  répondu  :  il  tenait  pour  maxime  qu'il  ne  faut 
pas  détourner  le   public  de  la  recherche    de   la 
vérité,  par  des  disputes  personnelles  auxquelles 
conduisent  ordinairement  ces  réponses  (2). 
On   a  prétendu  qu'il  n'avait  pas  donné  assez 

(1)  Vie  du  P.  Thom.  à  la  tète  de  l'Abrégé  de  sa  Discipl.  par  M.  ••• 
avocat  en  Pari.  C'est  M.  d'Héricourt,  auteur  des  Lois  Ecclés.,  et  l'on 
des  auteurs  du  Journal  des  Savants. 

(2)  M.  —  avocat  ut  svp.  12.  Journal  des  Savants  de  1688. 


XII 


VIE  DU  PÈRE  THOMASSIN. 


d'élendue  au  titre  de  son  ouvrage  :  car  non-scu1e- 
menl  il  traite  de  l'ancienne  et  nouvelle  discipline 
de  l'Eglise  touclianlles  bénéficeset  lesbénéficicrs; 
mais  encore  de  tous  les  ordres,  fonctions,  devoirs, 
dignités,  droits,  et  prérogatives  des  ecclésiastiques 
et  des  moines  ;  des  biens  de  l'Eglise  et  de  l'usage 
qu'on  en  doit  faire  ,  et  des  variations  de  la  disci- 
pline en  diflérenis  temps.  Ce  livre  a  mérité  les 
éloges  de  presque  tous  les  auteurs  ecclésiastiques; 
aussi  en  est-il  peu  d'un  plus  grand  usage,  qui  soit 
cité  davantage  dans  les  livres,  dans  les  écoles, 
dans  le  barreau,  et  dont  on  ait  relire  une  plus 
grande  utilité. 

Tout  ce  qu'on  pourrait  y  souhaiter,  dit  M.  Du 
Pin  H],  ce  serait  plus  d'ordre  et  plus  de  méthode; 
c'est  à  quoi  il  a  remédié  dans  sa  traduction  latine 
sur  laquelle  on  a  réformé  cette  troisième  édition 
française.  Le  même  auteur  souhaiterait  encore  plus 
de  principes  et  de  raisonnements.  Mais  ne  nous 
doune-t-il  pas  ceux  des  saints  Pères?  11  n'eût  pu 
que  répéter  les  mêmes  choses  en  en  usant  autre- 
ment. On  se  plaint  aussi  qu'il  a  laissé  un  grand 
nombre  de  questions  indécises;  mais. M.  Basnage(-2) 
le  loue  au  contraire  de  ne  s'être  pas  déterminé 
lorsqu'il  n'a  pas  vu  clairement  la  vérité,  et  d'avoir 
pris  un  juste  milieu  entre  la  sévérité  et  le  relâche- 
ment. On  lui  reproche  :  que  ses  principes  ne  sont 
ni  certains  ni  uniformes  ;  mais  la  discipline  est-elle 
invariable,  et  l'Eglise  la  change-t-elle  sans  fon- 
dement'? qu'il  s'écarte  quelquefois  pour  traiter  des 
questions  étrangères;  mais  étant  utiles,  et  en  quel- 
que sorte  de  la  dépendance  du  sujet,  nous  ne  pou- 
vons que  lui  en  savoir  gré,  bien  loin  de  l'en  blâ- 
mer ;  qu'il  aurait  du  s'étendre  davantage  sur  la 
discipline  présente  de  l'Eglise,  surtout  par  rapport 
à  celle  de  France.  Mais  l'usage  ne  la  fait-il  pas 
suflisammenl  connaître?  Personne  n'est  censé 
l'ignorer.  Cela  n'empêche  pas,  dit  M.  Du  Pin,  que 
ce  ne  soient  d'excellents  recueils,  très-instruclits, 
et  très-utiles  à  ceux  qui  voudront  tiavailler  sur  les 
mêmes  matières.  M.  Du  Pin  parle  avec  trop  d'in- 
différence d'un  si  excellent  ouvrage,  en  le  traitant 
de  simple  recueil.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  y  trouve 
un  assemblage  étonnant  de  passages  des  Pères, 
des  historiens  ecclésiastiques,  etc.  Le  père  Tho- 
niassin  a  lait  comme  les  abeilles ,  qui  vont  sucer 
une  infinité  de  fleurs  pour  en  composer  leur  miel. 
Cet  ouvrage  sera  toujours  une  démonstration  de 
ses  vastes  et  profondes  lectures  ;  on  y  trouvera  un 
précieux  assemblage  de  tout  ce  que  l'antiquité 
ecclésiastique  a  jamais  produit  de  meilleur;  le  tout 
écrit  d'un  style  si  modeste,  qu'on  ne  sait  ce  qu'on 
doit  y  estimer  davantage,  ou  le  profond  savoir,  ou 
l'humble  simplicité  de  l'auteur. 

Le  cardinal  Cibo,  à  qui  le  père  Le  Blanc  fit  pré- 
sent de  ce  livre  au  nom  du  père  de  Sainte-Marthe 
cl  du  père  fliomassin,  le  reçut  avec  plaisir  et  lui 
eu  témoigna  beaucoup  de  reconnaissance  :  cette 

(1)  NouT.  Biblioth.  des  auteurs  Ecclésiast.  du  dii-seplième  siècle, 

4  TOl. 

(2)  Hist.  des  Ouviag.  des  Savants,  mai  1688. 


Emincnce  promit  ensuite  au  père  le  Rlanc  sa  pro- 
tection pour  la  congrégation  en  général  et  pour 
l'auteur  en  particulier,  ajoutant  qu'elle  empêche- 
rait bien  qu'on  ne  put  lui  nuire  (1).  Ce  cardinal 
procura  ensuite  au  père  Le  Blanc  une  audience 
d'Innocent  XI,  auquel  il  présenta  aussi  le  même 
ouvrage.  Sa  Sainteté  le  reçut  très-gracieusement, 
et  parla  de  l'auteur  et  du  livre  avec  beaucoup  d'es- 
time; elle  ajouta  qu'elle  le  lirait  avec  plaisir,  qu'il 
était  fait  pour  elle  aussi  bien  que  pour  les  autres; 
qu'elle  souhaitait  que  tous  les  bénéficiers  en  lissent 
leur  profit.  En  etfet,  ce  pape  en  fit  tant  de  cas, 
qu'il  voulut  s'en  servir  dans  le  gouvernement  de 
l'Eglise  :  pour  cela,  il  tâcha  d'attirer  l'auteur  à 
Rome,  afin  de  profiter  de  ses  lumières.  Le  cardi- 
nal Cibo,  son  ministre,  en  écrivit  à  l'auteur,  au 
père  de  Sainte-.Martlie ,  alors  général  de  l'Oratoire, 
et  à  M.  de  Harlai,  archevêque  de  Paris,  pour  l'en- 
gager à  obtenir  de  Sa  Majesté  qu'elle  consentit  au 
départ  de  ce  père.  Le  cardinal  Casanata,  bibliothé- 
caire du  Vatican  ,  qui  lui  destinait  un  emploi  de 
sous-bibliothécaire,  lui  offrit  un  logement  dans 
son  palais.  Le  père  Thomassin  l'en  remercia  :  il 
ne  consentait  de  se  retirer  à  Rome  qu'à  condition 
qu'il  lui  serait  permis  de  loger  dans  un  séminaire. 
Sur  la  proposition  qui  en  fut  faite  au  roi,  par 
M.  l'archevêque  de  Paris,  de  la  paît  du  cardinal 
Cibo,  la  réponse  de  Sa  Majesté  fut  qu'on  ne  devait 
point  enlever  à  la  France  un  sujet  qui  lui  faisait 
tant  d'honneur.  Cette  réponse  qui  retenait  en  France 
le  ]ière  Thomassin  simple  particulier,  lui  donna 
une  des  plus  grandes  joies  qu'il  ait  eues  de  sa 
vie;  et  assurément  si  le  pape  l'eût  fait  cardinal^ 
comme  on  assure  qu'il  en  avait  eu  plusieurs  fois  le 
dessein,  sa  modestie  eût  eu  beaucoup  à  souffrir,  et  il 
est  presque  hors  de  doute  qu'on  eût  eu  beaucoup  de 
peine  à  lui  faire  accepter  cet  honneur,  car  la  vie 
privée  et  retirée  faisait  toutes  ses  délices.  Le  refus 
que  Sa  Majesté  fit  de  laisser  sortir  le  père  Thomas- 
sin du  royaume  fut  três-sensible  à  Sa  Sainteté  et 
au  cardinal  ministre  qui  avaient  conçu  l'un  et 
l'autre  une  grande  estime  pour  le  père  Thomassin, 
comme  il  parait  par  les  lettres  du  dernier;  car  le 
père  de  Sainte-Marthe  lui  ayant  écrit  que  la  mau- 
vaise santé  du  père  Thomassin  ne  lui  permettait 
pas  d'entreprendre  un  tel  voyage,  encore  moins 
de  changer  d'air  dans  un  âge  déjà  avancé,  le  car- 
dinal lui  récrit  (2),  qu'il  est  sensiblement  alfligé 
d'apprendre  que  ce  père  soit  indisposé,  et  qu'il 
n'y  ait  plus  d'espérance  de  le  voir  à  Rome,  et  de 
l'y  recevoir  avec  les  marques  de  distiuction  dues 
à  son  éminente  piété  et  à  sa  profonde  érudition. 

(1)  Lettres  MS.  du  P.  Le  Blanc  au  P.  de  Sainte-Marthe,  du  27  juil- 
let 1678. 

(2)  Nous  avons  cru  devoir  rapporter  ici  les  propres  termes  dont  se 
servit  cette  Eroinence  dans  fa  lettre  au  P.  de  SaiDle-Manhe,  du  19 
mai  16S0.  Ad  Pnlrem  Thomnssimm  qiiod  prrlinel,  hoc  meiim  gau- 
dium  tion  Im  molestin  aspmil  nunlius  incomviodn  «se  valelurline, 
ncc  ^p'm  n/fulijere  ii,sum  Bnmœ  vulendi.  et  rimiinlissime,  ut  tnsiqJlis 
viri  pielas  et  ertidilio  postulat,  amplectendi.  Quod  superest,  Deum 
precamiir  ut  eum  gui,  quocumque  tandem  loco  degat,  prœclarts  lu- 
cubrntionibus  suis  Ecclesiœ  prodesse  plurimum  polerit,  lœtum  algue 
inrolumem  diu  servet. 


VIK  DU  PÈRE  THOMASSIN. 


XIII 


Au  reste,  ajoule-t-il,  je  ne  cesserai  de  prier  le 
Seigneur  qu'il  conserve  longtemps  en  santé  un 
homme  qui,  en  quelque  lieu  qu'il  soit,  peut  ren- 
dre des  services  très-considérables  à  l'Eglise  par 
ses  savantes  productions.  Noire  savant  auteur 
n'ayant  pu  donner  cette  satisfaction  au  pape,  il  lui 
en  donna  une  autre  en  traduisant  son  livre  en 
latin,  ce  qu'il  exécuta  en  dix-huit  mois.  Sa  tra- 
duction parut  en  trois  volumes  in-folio.  Cette  édi- 
tion est  préférable  aux  deux  premières  éditions 
françaises  pour  ce  qui  regarde  l'ordre  et  l'arran- 
gement des  matières;  car  quoiqu'il  partage  toujours 
le  temps  en  quatre  âges,  il  rapporte  sur  chaque 
matière,  en  propres  termes ,  ce  qu'on  en  trouve 
dans  les  conciles,  dans  les  Pères,  dans  le  droit 
canon,  dans  riiistoire,  dans  les  lois,  dans  les  or- 
donnances et  dans  les  monuments  ecclésiastiques 
anciens  et  modernes.  11  met  sous  les  yeux  des 
lecteurs  une  infinité  d'autorités  qu'on  ne  trouve- 
rait qu'après  des  recherches  infinies.  Les  passages 
sont  suivis  ou  précédés  de  réflexions,  pour  faire 
connaître  l'application  qu'on  en  peut  faire.  «  Sans 
doute,  dit  Basnage  (i),  le  plus  rude  travail  n'épou- 
vante point  le  père  Thomassin,  puisqu'après  tant 
d'ouvrages  qu'il  nous  a  donnés  et  qui  demandent 
une  prodigieuse  lecture,  il  ne  s'est  point  rebuté 
par  la  fatigue  de  traduire  son  traité  de  la  Disci- 
pline ecclésiastique.  Mais  la  solidité  des  choses 
qui  y  sont  renfermées,  et  deux  éditions  françaises 
qui  en  ont  été  faites,  ont  pu  exciter  son  courage, 
et  l'assurer  que  son  livre  méritait  bien  d'être  mis 
dans  la  langue  des  habiles  gens,  afin  que  toute 
l'Europe  savante  en  ressentit  l'ulililé.  » 

Sa  Discipline  fut  suivie  de  ses  Dogmes  théolo- 
giques. Il  les  avait  commencés  trente  ans  aupa- 
ravant par  ordre  du  père  Bourgoin  son  général  ;  et 
le  savant  ouvrage  du  père  Pétau  qui  parut  sur  cette 
matière,  non-seulement  ne  lui  fit  pas  abandonner 
son  des.sein,  mais  encore  le  fortifia  à  le  poursuivre. 
11  en  doit  être,  dit-il  dans  une  de  ses  préfaces,  de 
la  théologie  des  Pères,  comme  de  celle  de  l'école. 
La  Somme  de  saint  Thomas  n'a  point  arrêté  la 
plume  de  plusieurs  scolastiques  qui  ont  suivi  la 
môme  méthode  que  cet  illustre  docteur  de  l'Eglise. 
Quelqu'un  même  a  dit  que  le  père  Thomassin  avait 
cru  honorer  la  mémoire  du  père  Pétau  en  suivant  ses 
traces  (2).  «  Ce  savant  jésuite,  dit  M.  Perrault  (3), 
a  eu  la  gloire  d'avoir  traité  cette  matière  impor- 
tante en  excellent  historien,  et  le  père  Thomassin 
d'avoir  pénétré  heureusement  dans  ce  que  les  uiys- 
tères  ont  de  plus  caché  et  de  plus  relevé;  surtout 
à  l'égard  de  l'Incarnation,  où  l'on  ne  peut  voir 
sans  être  ébloui,  les  rapports,  les  convenances,  les 
desseins,  les  vues  et  les  autres  merveilles  qu'il  y 
découvre.  J'appelle  souvent  à  témoin  le  savant 
père  Thomassin,  pour  ce  qui  concerne  la  science 
du  Verbe  incarné,  dit  un  autre  auteur,  parce  que 
l'ouvrage  qu'il  en   a  composé   renferme  tout  ce 

(1)  Hist.  des  Oavrag.  des  Savants,  mai  1688. 
(2,  M.  Cousin  19.  Journ.  des  Savants  de  16S9. 
(3)  Perrault,  Hommes  itlust,  tom.  i. 


que  h's  saints  Pères  ont  dit  de  plus  beau  sur  les 
mystères  d(!  riiicarnalion  et  sur  ses  dépendances, 
(|u'il  y  explique  d'une  manière  fort  lumineuse,  et 
d'un  style  noble  et  digne  de  la  majesté  du  sujet.  » 
M.  Arnauld  (l),  parlant  des  images  de  Dieu  :  «  Il  y  a 
peu  d'auteurs  nouveaux,  dil-il,  qui  aient  traité  cette 
matière  avec  plus  d'exactitude  que  le  père  Tho- 
massin, à  la  fin  de  son  volume  du  Verbe  incarné; 
il  rapporte  tout  ce  qu'il  a  cru  se  pouvoir  dire  de 
part  et  d'autre  pour  improuver  ou  approuver  les 
images  de  Dieu  (2).  »  «  C'est  dans  ses  dogmes,  dit 
-M.  Bayle,  que  le  père  Thomassin  tâche  de  réduire 
les  principes  de  cette  divine  science,  à  ceux  de  la 
plus  sublime  philosophie,  et  il  prétend  que  les 
Pères  se  sont  tellement  servis  de  celte  méthode, 
([u'on  ne  peut  les  bien  entendre  sans  avoir  quelque 
teinture  de  la  philosophie  de  Platon  et  des  mathé- 
matiques. »  J'iijoulerai  enfin,  avec  .M.  Perrault  [3), 
«  que  Ton  voit  le  père  Thomassin  remonter  avec  une 
force  et  une  pénétration  incroyable  dans  tout  ce 
que  la  philosophie  des  platoniciens  a  de  plus  su- 
blime, lorsque  le  suiet  qu'il  traite  le  lui  permet.  » 

Ses  Dogmes  théologiques  ont  paru,  non  selon 
l'ordre  le  plus  naturel  pour  les  matières,  mais  selon 
qu'ils  ont  été  achevés.  Us  composent  trois  volumes 
in-folio;  le  second  volume  qui  comprend  le  traité 
de  l'Incarnation,  parut  le  premier  en  IGSO.  Quatre 
ans  après,  l'auteur  publia  le  traité  de  Dieu  et  des 
attributs  qui  composent  le  premier  volume.  Le 
troisième  et  dernier  parut  en  1689,  et  renferme  les 
prolégomènes  de  la  théologie,  qui  sont  suivis  des 
traités  de  la  Trinité  et  de  la  Grâce;  il  raisonne 
toujours  suivant  les  pensées  des  Pères  Grecs  et 
Latins  dont  il  rapporte  les  autorités  fort  au  long. 
Partout  oii  il  parle  de  quelque  matière  qui  a  du 
rapport  à  la  Grâce,  il  suit  son  nouveau  système, 
c'est-à-dire  le  même  qui  avait  déjà  paru  dans  ses 
mémoires  sur  la  Grâce.  Je  dis  son  nouveau  sys- 
tème, car  le  père  Thomassin  nous  apprend  lui- 
même  qu'il  avait  été  dans  d'autres  sentiments  : 
non  par  aucun  esprit  de  parti,  mais  parce  que  je  )i  avais 
pas  eu,  dit-il,  tout  le  temps  de  m'éclaircir  sur  ces 
points,  en  conférant  les  divers  écrits  des  sairits  Pères 
sur  cette  matière  (4).  C'est  ce  qu'il  fit  depuis  à  la 
persuasion  de  quelques  personnes  pour  lesquelles 
il  avait  beaucoup  de  déférence.  En  effet  on  le  trouve 
cité  dans  plusieurs  écrits  de  ces  temps-là  comme 
un  des  plus  zélés  disciples  de  saint  Augustin,  et 
les  écrivains  postérieurs  ou  le  louent  ou  le  blâ- 
ment d'avoir  changé  de  sentimeut,  selon  qu'ils 
sont  eux-mêmes  ditleremment  affectés  (3). 

Dans  le  même  temps  que  le  père  Thomassin 
faisait  paraître  sa  Discipline  et  ses  Dogmes  théo- 
logiques, il  publiait  d'autres  ouvrages  aussi  très- 
importants.  Tels  sont  les  Méthodes  d'étudier  et 

(1)  Difficultés  propos,  à  M.  Steyaert.  ixe  part.  p.  271. 

(2)  Nouv.  de  la  Républ.  des  Lettres,  avril  1684. 
(3}  Perrault,  ut  sup. 

(4)  lu  Prœfat.  tom.  l.  Dog.  T/ieol. 

(5)  Défense  de  l'Histoire  des  cinq  Propos.  Mém.  de  Trévoux,  etc. 
MM.  Ârnauld  et  Nicole  Grâce  générale.  L' auteur  de  la  Paix  de  Clé- 
ment IX. 


XIV 


VIE  DU  PÈRE  THOMASSIN, 


d'enseigner  clirélionnement  les  sciences  humaines, 
qu'il  n'entreprit  que  par  ordre  de  ses  supérieurs. 
H  lui  fallut  relire  tous  les  auteurs  profanes,  ayant 
Li'ùlé  tout  ce  qu'il  en  avait  colliiîé  autrefois.  Ce 
dessein  a  quelque  chose  de  prand.  Aussi  dès  qu'il 
commença  à  paraître  (1081)  le  père  de  Sainte- 
Marthe  écrivit  une  lettre  circulaire  pour  exhorter 
tous  les  professeurs  de  sa  congrégation  à  se  ré- 
gler dans  leurs  études  sur  de  si  excellents  prin- 
cipes. La  première  qui  parut  fut  la  Méthode 
d'étudier  et  d'enseigner  chrétiennement  et  soli- 
dement les  poètes,  par  rapport  aux  divines  Ecri- 
tures et  aux  lettres  saintes,  c'est-à-dire  aux  con- 
naissances que  nous  acquérons  dans  la  lecluio 
des  Pères  et  des  auteurs  ecclésiastiques.  Elle  fut 
divisée  en  3  vol.  qui  furent  imprimés  à  Paiis.  Le 
premier  en  1681,  et  les  deux  autres  l'année  sui- 
vante. «  Le  but  du  Père  Thomassin,  dit  M.  Bail- 
let  (I),  était  de  montrer  dans  ce  bel  ouvrage  que 
l'Eglise  a  regardé  dans  les  siècles  même  do  la 
plus  grande  ferveur  la  liberté  de  faire  enseigner 
les  poètes  par  des  professeurs  chrétiens,  comme 
un  des  points  les  plus  importants  de  sa  discipline 
et  de  sa  morale  :  ce  qu'il  prouve  par  l'utilité  que 
ces  professeurs  en  retiraient  autrefois  contre  le 
paganisme.  Il  ajoute  qu'il  est  même  utile  et  né- 
cessaire, pour  les  avantages  de  la  religion  et  de 
la  morale  cliiélienne,  qu'on  ne  laisse  point  perdre 
la  mémoire  de  tant  d'ennemis  que  nos  ancêtres 
ont  terrassés,  de  tant  de  fausses  divinités  qui 
avaient  imposé  au  momie,  de  tant  de  vices  où  la 
créance  de  ces  divinités  avait  précipité  l'univers  ; 
enfin  do  tant  de  poètes  et  de  tant  d'écrivains  qui 
n'ont  pu  défendre  une  si  mauvaise  cause  sans  la 
trahir  et  sans  combattre  la  vérité.  » 

Cet  ouvrage  regarde  moins  les  règles  de  l'art 
poétique  (|ue  l'usage  que  l'on  doit  faire  de  la  lec- 
ture des  poètes.  11  nous  suggère  les  précautions 
qu'il  faut  prendre  et  les  règles  qu'il  faut  garder 
dans  celte  lecture,  afin  qu'elle  soit  utile;  c'est  ce 
qui  est  contenu  dans  le  premier  livre.  Les  avan- 
tages qu'on  peut  retirer  des  poètes  par  rapport  à 
l'Ecrituie  sainte  sont  le  sujet  du  second,  où  l'on 
trouve  aussi  la  censure  que  quelques-uns  des  an- 
ciens philosophes  et  des  Pères  de  l'Eglise  ont 
faite  d'Homère  et  des  fables.  Dans  le  troisième  il 
ti'alle  des  personnes  illustres  de  l'Ancien  Testa- 
ment dont  les  païens  ont  fait  leurs  divinités,  et 
des  fausses  divinités  dont  il  est  parlé  dans  les 
livres  saints.  Il  parle  dans  le  quatrième  des  dieux 
naturels,  ou  du  culte  de  la  nature  ;  des  dieux  his- 
toriipies,  ou  des  béros.  La  religion  des  poètes  fait 
le  sujet  du  cinquième;  et  leur  morale  celui  du 
sixième  et  dernier  livre.  Après  que  M.  Baillel  nous 
a  donné  cette  idée  de  l'ouvrage,  il  ajoute  :  «  que  la 
corruption  de  notre  temps  et  de  nos  mœurs  n'a 
pas  peu  contribué  à  gâter  les  fruits  que  toute  la 
France  et  l'Europe  même  devaient  recueillir  d'un 
ouvrage  si  laborieux  pour  sou  auteur,  et  si  utile 

(1)  Jug.  des  Sav.,  lom.  IV,  l"-'  part. 


pour  le  public.  Il  n'a  point  été  facile  jusqu'ici, 
continue-t-il,  de  persuader  aux  libertins,  aux  dé- 
bauchés et  aux  esprits  volages  qu'ils  doivent  lire 
les  poètes  pour  y  apprendre  la  morale  et  la  ré- 
forme de  leurs  inclinations;  et  pour  autre  chose, 
en  un  mot,  que  pour  se  divertir  et  satisfaire  leurs 
passions.  » 

Le  but  du  père  Thomassin  n'est  pas  de  persua- 
der aux  libertins  de  chercher  à  s'édifier  dans  les 
poètes,  comme  M.  Baillet  semble  le  croire,  mais 
de  montrer  comment  un  esprit  solide  et  chrétien 
peut  tourner  à  son  profit  et  à  celui  de  la  religion 
les  lectures  qui  en  paraissent  les  plus  éloignées , 
telles  que  sont  celles  des  poètes  profanes.  «  Ils  se 
contentent,  poursuit  M.  Baillel,  de  louer  l'érudi- 
tion profonde  de  notre  auteur,  et  comme  s'ils 
craignaient  de  devenir  honnêtes  gens  par  la  lec- 
ture de  cet  ouvrage,  ils  tâchent  de  se  défaire  de 
ses  charmes  et  de  ses  attraits,  en  nous  alléguant 
que  notre  religion  nous  met  d'autres  livres  en 
main  pour  réformer  nos  mœurs  ;  voilà  peut-être 
une  des  principales  raisons  de  la  froideur  et  de 
l'aversion  que  quelques  esprits  chagrins  ont  té- 
moignées pour  un  ouvrage  qu'on  ne  saurait  trop 
estimer.  » 

Des  poètes  il  passa  aux  philosophes.  Sa  Mé- 
thode d'étudier  chrétiennement  et  solidement  la 
philosophie,  par  rapport  à  la  religion  chrétienne 
et  aux  Ecritures,  parut  en  1683,  à  Paris,  in-S".  Il 
y  a  dans  cet  ouvrage  tant  de  rechercht^s,  et  des 
réfiexions  si  solides  sur  les  autorités  qu'il  cite, 
que  rien  n'est  plus  propre  à  donner  à  notre  esprit 
beaucoup  de  grandeur  et  d'étendue.  Il  faudrait  le 
transcrire  tout  entier  si  nous  voulions  rap|)orter 
ce  qu'il  dit  de  l'origine  de  la  philosophie,  de  ses 
sectes,  des  difl'érenls  sentiments  des  philosophes. 
Ce  (ju'il  y  a  de  plus  surprenant,  c'est  de  voir  dans 
les  œuvres  de  Platon  et  de  quelques  autres  tant 
de  notions  vives  du  mystère  de  la  Trinité,  que  le 
père  Thomassin  rapporte  amplement  avec  des  re- 
marques qui  les  éclaircissent.  Il  n'oublie  pas  leur 
politique  et  leur  morale.  Il  fait  voir  qu'ils  ont 
connu  que  Dieu  est  le  premier  principe  et  la  der- 
nière fin  de  notre  être  et  de  toutes  nos  actions  ; 
que  sa  vérité  et  sa  charité  sont  la  règle  de  toutes 
nos  vertus  ;  et  que  l'origine  des  vertus  est  dans 
st>nVerlie,  d'où  elles  descendent  dans  lésâmes. 
11  répète  souvent  ce  grand  principe  :  que  la  même 
Saijcase  éternelle  qui  a  dicté  l'Evangile  avait  déjà 
écrit  la  loi  naturelle  dans  le  fond  des  âmes  raison- 
nables. Il  découvre  enfin  plusieurs  grandes  vérités 
dans  les  anciens  philosophes  ,  en  développant 
leurs  raisonnements.  Son  exemple  peut  servir 
beaucoup  aux  lecteurs  pour  leur  enseigner  l'art 
de  lire,  qui  est  une  chose  peu  connue.  Le  père 
Thomassin  fait  voir,  en  finissant,  que  les  ora- 
teurs ont  pris  des  philosophes  ce  qu'ils  ont  de 
jilus  beau. 

Je  parlerai  plus  bas  de  sa  Méthode  pour  ensei- 
gner la  grammaire.  Je  passe  maintenant  à  celle 
qui  regarde  les  historiens  profanes.  Cette  méthode 


VIE  DU  l^ERE  THOMASSIN. 


XV 


fut  imprimée  en  2  vol.  in-S»,  en  1G93,  et  divisée 
eu  (i  livres,  précédés  d'une  préface  qui  sert  do 
suiiplémcnl  à  la  préface  générale  imprimée  au 
connnuncement  de  la  première  métliode  sur  les 
poêles.  L'établissement  des  grands  empires  du 
monde,  la  religion  et  la  morale  des  liistoriens 
profanes,  par  rapport  à  la  religion  chrétienne, 
font  la  matière  du  premier  volume.  La  politique 
de  ces  historiens,  les  réflexions  sages  et  édifiantes 
que  les  Pères  de  l'Eglise  et  les  historiens  eux- 
mêmes  ont  faites  sur  la  conduite  des  Etats  et  des 
empires  du  monde  ;  enfin  les  riches.ses,  la  magni- 
ficence des  bâtiments  et  des  monuments  les  plus 
superbes,  la  vanité  et  la  fragilité  de  toutes  ces 
beautés  passagères  sont  traitées  solidement  dans 
le  second.  Le  tout  est  rempli  de  pensées  chré- 
tiennes et  d'une  érudition  infinie.  Après  cela  on 
ne  peut  qu'être  surpris  d'entendre  M.  Huet  nous 
dire  gravement  que  le  père  Thomassin  aurait 
mieux  fait  s'il  se  fût  borné  à  écrire  sur  la  Disci- 
pline ecclHiiistique,  en  quoi  consistait  son  talent,  que 
d'écrire  sur  les  belles-lettres  dont  il  n'avait  qu'une  légère 
teinture.  (1)  Ou  se  flatte  que  ce  jugement  ne  fera 
impression  sur  l'esprit  de  personne.  En  effet, 
M.  Bayle  (2),  critique  plus  équitable  en  ce  point, 
dit  que  «  le  père  Thomassin  était  non-seulement 
un  liomme  très-savant  dans  l'Iiisloire  ecclésias- 
tique, dans  les  Pères  et  dans  la  lliêulogie  ,  mais 
qu'il  possédait  à  fond  les  humanités;  ce  qu'il  a 
fait  voir,  dit-il ,  dans  les  3  vol.  in-S"  qu'il  a  don- 
nés au  public  sur  la  manière  d'étudier  les  sciences 
humaines.  Dans  un  autre  endroit,  parlant  de  sa 
méthode  d'étudier  la  philoso[)hie,  il  dit  qu'il  y 
avait  longtemps  qu'on  n'avait  fait  un  livre  où  il  y 
eût  tant  de  savoir  et  des  choses  si  curieuses  et  si 
relevées  (3).  » 

Il  s'est  encore  trouvé  depuis  un  auteur  (4)  d'un 
mérite  fort  inférieur  à  M.  Huet  qui  s'est  avisé  de 
porter  un  jugement  encore  plus  extraordinaire 
sur  le  père  Thomassin  :  c'est,  dit-il  avec  cet  air 
méprisant  qui  parait  dans  tout  ce  qu'il  écrit,  un 
compilateur,  un  homme  de  passages,  non  de  raisonne - 
inent,  qui  lisait  par  lui-même  et  qui  méditait  par  au- 
trui :  rapporter  ce  jugement,  c'est  en  faire  voir 
toule  la  fausseté  et  la  malignité.  L'équitable  pos- 
térité comparera  un  jour  les  ouvrages  de  cet  au- 
teur avec  ceux  du  père  Thomassin,  et  iie  sera 
guère  en  peine  de  décider  qui  des  deux  aura  le 
plus  contribué  à  l'inslruction  des  membres  de 
l'Eglise;  ce  qui  doit  être  tout  le  but  des  études 
ecclésiastiques. 

Il  est  teuips  de  parler  de  ses  Traités  historiques 
et  dogmatiques,  dont  la  plupart  ont  précédé  ses 
méthodes,  mais  que  la  nécessité  de  mettie  quelque 
ordre  dans  celle  vie  nous  a  fait  renvoyer  ici. 

(1)  Oplime  sime  cûnsuhisset  fnmœsiiœ,  si  intra  hnrum  liiternrum 
in  quibus  regnahat  eontvtuûiset  inyenium  SHum^  nec  ad  humnnarum 
prœierea  disciptinnrum  laudent  ita  ùspirosset ,  ut  eariim  prœcepta 
effunderet  in  vtityns,  guas  l'i-r  primoribus  tabris  degustasset, 

(2)  Nouv.  de  la  Répabl.  des  Lettres,  avril  1681. 

(3)  Mars  1686. 

(4)  L'auteur  de  la  Méthode  pour  étudier  l'histoire. 


Ces  traités  sont  sur  le  jeûne,  sur  les  fêles,  sur 
riiiiié  do  l'Eglise,  sur  la  vérité  et  le  mensonge, 
sur  les  jurements  et  les  parjures,  sur  l'office  di- 
vin, sur  l'auun'me;  tous  in-S".  (juelques-uns  n'ont 
paru  qu'aju-ès  sa  mort;  coiiime  le  traité  sur  le 
négoce  et  l'usure,  iii-8",  publié  par  le  père  Bordes 
en  1697,  ainsi  que  le  traité  dogmatique  et  histo- 
rique des  édits  et  des  autres  moyens  temporels  et 
spirituels  dont  on  s'est  servi  dans  tous  les  temps 
pour  rétablir  et  pour  maintenir  l'unilé  de  l'Eglise 
catholique  ;  celui-ci  est  divisé  en  deux  parties  :  la 
première  contient  depuis  le  premier  siècle  jusques 
au  neuvième;  la  seconde  depuis  le  neuvième  jus- 
ques au  dernier.  Le  père  Bordes,  pré  Ire  de  l'Ora- 
toire, y  a  ajouté  un  supplément  qui  comprend  les 
huit  derniers  règnes  de  nos  rois,  dans  lequel  il 
répond  à  divers  écrits  séditieux,  et  particulière- 
ment à  l'histoire  de  l'édit  de  Nantes.  Ce  sont 
3  vol.  imprimés  au  Louvre  en  1703.  M.  Benoit,  ci- 
devanl  ministre  d'Alençon  et  ensuite  de  Délit,  et 
auteur  de  l'histoire  del'Edil  de  Nantes,  fit  insérer 
dans  les  journaux  de  Hollande  un  mémoire  contre 
ces  deux  auteurs  :  il  avait  tort  de  s'en  prendre  au 
père  Thomassin  qui  n'avait  jamais  pensé  à  l'atta- 
quer, qui  n'était  plus  en  état  de  se  défendre  quand 
il  publia  la  première  partie  de  son  histoire,  et  qui 
était  mort  lorsque  les  autres  volumes  lurent  don- 
nés au  public.  Celui  contre  qui  ce  ministre  dé- 
charge davantage  sa  bile,  est  le  père  Bordes,  qui 
lui  a  répondu  par  une  petite  brochure  imprimée  au 
Louvre  en  170ii.  M.  Basnage  (1)  faisant  l'analyse  de 
la  première  édition  qui  avait  paru  sous  le  titre  de 
Traité  Dogmatique  et  Historique  de  l'Unité  de  V Eglise, 
dit  que  Cl  le  père  Thomassin  a  fait  paraître  une 
grande  connaissance  des  Pères  et  une  profonde 
lecture  :  il  le  compare  à  saint  Grégoire  de  Nazianze, 
qu'on  appelait  un  fleuve  de  paroles.  Parlant  ail- 
leurs (2)  de  la  seconde  édition  du  môme  ouvrage 
il  ajoute  :  ([ue  le  style  du  continuateur  est  bien 
moins  soutenu  et  plus  aigre  que  celui  du  père 
Thomassin.  »  Tous  ces  traités  sont  excellents  et 
pleins  de  recherches  curieuses  sacrées  et  profanes. 
Aussi  M.  BaiUet  (3)  ne  fait  pas  difficulté  de  placer 
le  Père  Thomassin  entre  les  savants  de  ce  dernier 
temps  à  qui  l'on  est  redevable  des  plus  grands 
services,  et  parmi  les  hommes  laborieux  que  Dieu 
semble  avoir  suscités  pour  délivrer  la  vérité  de  la 
servitude  des  ignorants.  Le  cardinal  Noris,  dom 
Mabillon,  dom  Thierry  Ruinart,  le  père  Honoré  de 
Sainte  Marie,  et  plusieurs  autres  savants,  ne  par- 
lent jamais  de  lui  qu'avec  des  éloges  infinis.  Le 
premier  (4)  relève  son  génie,  l'ulililé  de  ses  pro- 
ductions, et  l'appelle  un  auteur  d'un  très-grand 
nom.  Le  plus  considérable  M  S.  qu'il  ail  laissé,  est 
celui  qui  a  pour  tilie  :  Remari/ues  sur  les  Conciles, 
avec  des  tables  très-amples  et  des  noies  margina- 
les, 3.  vol.  in-fol.  Le  baron  de  Hohendorf  en  avait 

(1)  Hist.  des  Ouvrag.  des  Savants,  oclob.  1687,  pag.  181. 

(2)  Wcra,  juillet  lïuô,  pag.  310. 

(3)  Préf.  de  la  Vie  des  Saints. 

(4)  Aoris.  Âpol.  MonacU.  Scythiœ  vind,  50,  52,  60,  67. 


XVI 


VIE  DU  PÈRE  THOMASSIN. 


une  copie  qui  est  à  présent  dans  la  bibliothèque  de 
l'Empereur. 

On  ne  peut  qu'être  surpris  quand  on  considère 
la  quantité  de  livres  que  le  père  Thomassin  a  été 
obligé  délire,  et  la  viisle  érudition  qu'on  y  trouve. 
Il  écrivait,  soit  en  latin  soit  en  français,  avec  plus 
de  facilité  que  d'élégance.  Tant  d'ouvrages,  qui 
semblent  rendre  un  compte  si  exact  au  public  et 
de  son  loisir  et  de  ses  études,  ne  l'avaient  pas 
empêché  de  trouver  du  temps  pour  apprendre  les 
langues  savantes,  et  surtout  l'hébraïque  :  il  l'avait 
étudiée  depuis  son  enfance:  et  pendant  plus  de 
trente  ans,  il  s'était  attaché  au  texte  hébreu  qu'il 
avait  lu  tout  entier  chaque  année  ;  il  avait  ensuite 
cru  voir  une  correspondance  entière  des  mots 
grecs  et  latins  avec  les  mots  hébreux.  Scaliger, 
Casaubon  et  Vossius,  sont  demeurés  d'accord  de 
cette  dérivation.  Il  suivit  ces  modèles  ,  et  nous 
donna  en  16'.i0  la  Méthode  d'étudier  et  d'enseigner 
la  grammaire  elles  langues  par  rapport  à  l'Ecriture 
sainte  et  à  la  langue  hébraïque.  Sa  méthode  con- 
tient deux  in-8°.  Le  premier  tome  est  divisé  en 
quatre  livres,  dont  le  premier  comprend  la  pré- 
face et  un  plan  général  de  tout  l'ouvrage.  Le  secoud 
prouve  que  toutes  les  langues  du  monde  sont 
émanées  de  la  langue  hébraïque.  Il  prétend  dans 
le  troisième  que  les  colonies  des  enfants  de  Noé, 
des  Babyloniens,  ou  des  Assyriens,  des  Phéniciens, 
et  par  conséquent  des  Hébreux  qui  ont  peuplé 
toute  la  terre,  ont  répandu  partout  la  langue  hébraï- 
que. On  trouve  trois  glossaires  dans  le  quatrième. 
Le  glossaire  de  la  langue  Runique  ou  ancienne 
Danoise;  de  la  Saxonne,  d'où  semblent  être  sorties 
toutes  les  langues  de  l'Europe  vers  le  xNord  ;  enfin 
de  la  langue  .Malaye  qu'on  dit  être  la  langue  des 
savants  de  l'Orient.  Dans  le  deuxième  tome  il  n'y 
a  précisément  que  deux  glossaires,  l'un  de  la  lan- 
gue grecque  et  l'autre  de  la  latine.  Le  père 
Thomassin  réduit  tous  ces  glossaires  à  l'hébreu. 
Je  ne  dois  pas  taire  que  dans  les  corrections  et 
additions  qui  sont  à  la  fin  du  premier  volume  il 
confesse  ingénument  avoir  souvent  varié  sur  ce 
point,  si  le  syriaque  et  le  chaldaïque  ont  emprunté 
du  latin  et  du  grec,  ou  si  les  termes  grecs  et  latins 
ne  sont  point  dérivés  eux-mêmes  du  syriaque  et 
du  chaldaïque.  Il  a  donné  dans  la  première  opinion 
dans  cet  ouvrage,  soit  en  y  travaillant,  soit  pen- 
dant l'impression  ;  mais  il  a  cru  ensuite  devoir 
embrasser  la  seconde.  Il  convient  même  que  de- 
puis la  captivité  le  grec  el  le  latin  n'ont  guère 
emprunté  de  l'hébreu  que  par  la  médiation  des 
langues  syriaque  et  chaldaï'iue.  11  s'excuse  après 
de  ces  variations,  el  se  flatte  qu'on  les  lui  pardon- 
nera, sur  ce  qu'il  n'a  pu  commencer  cet  ouvrage 
plus  jeune,  ni  le  finir  plus  âgé  ;  et  qu'il  ne  peut 
mieux  se  justifier,  qu'en  disant  avec  saint  Augus- 
tin, proficienter  scribo  :  je  tâche  de  profiter  moi- 
même  en  écrivant  pour  les  autres.  Il  était  telle- 
ment prévenu  de  son  système  que  toutes  les  lan- 
gues venaient  de  la  langue  hébraïque,  qu'il  entre- 
prit sur  la  même  malière  un  grand  ouvrage,   ou 


pour  mieux  dire  qu'il  traduisit  en  latin  ses  diflé- 
rents  glossaires,  et  en  composa  un  in-fol.  que 
M.  le  chancelier  de  Pontchartrain  fit  imprimer  au 
Louvre  l'an  1697,  sous  le  litre  de  Glossarnim  itriiver- 
sale  Hebrukum,  quo  ad  Eebraicœ  linguœ  fontes  linguœ 
et  Diaiccti  pêne  om7ies  revocantur.  Le  père  Bordes  de 
l'Oratoire,  el  M.  Barat,  de  l'Académie  des  belles- 
lettres  el  qui  avait  été  disciple  du  père  Thomassin, 
prirent  soin  de  l'édition  après  sa  mort,  et  mirent 
à  la  tête,  outre  sa  vie,  une  préface  divisée  en  quatre 
parties,  où  ils  expliquent  son  système.  Ce  glossaire 
épuisa  tellement  les  forces  du  père  Thomassin, 
qu'il  se  vit  obligé  de  renoncer  à  toute  sorle  d'étude 
tant  soit  peu  pénible.  Il  fil  à  Dieu  un  sacrifice  de 
cet  état,  qui  édifia  encore  plus  le  séminaire  de 
Saint-Magloire,  où  il  était  retourné  depuis  1690,que 
tous  ses  travaux  et  toutes  ses  veilles.  Il  disait  sou- 
vent alors  qu'on  l'avait  plus  aimé  et  plus  consi- 
déré qu'il  ne  méritait,  et  que  c'était  un  effet  de  la 
divine  bonté  qu'il  fût  humilié  avant  sa  mort  el  re- 
connu inutile  à  toutes  choses  (t).  Son  épuisement 
alla  toujours  en  augmentant  durant  près  de  trois 
ans.  Il  perdit  même  l'usage  de  la  parole  les  quinze 
derniers  jours,  et  cessa  de  vivre  le  vingt-quatrième 
jour  de  décembre  1695,  étant  âgé  de  76  ans  et  quatre 
mois,  dont  il  avait  passé  63  dans  la  Congrégation. 
Sa  vie  avait  toujours  été  extrêmement  réglée;  et  il 
suffisait  de  l'avoir  étudié  un  jour  pour  savoir 
quelle  serait  à  l'avenir  sa  conduite.  Après  avoir 
consacré  à  Dieu  les  premières  heures  de  la  jour- 
née par  les  exercices  de  piété,  il  employait  le  malin 
quatre  heures  à  l'élude,  et  trois  l'après-midi.  11 
n'étudiait  jamais  la  nuit,  ni  immédiatement  après 
les  repas;  il  faisait  ses  prières  toujours  aux  mêmes 
heures;  et  nulle  visite,  sans  un  pressant  besoin, 
ne  dérangeait  ses  exercices.  Le  reste  de  son  temps 
se  passait  ou  en  entretiens  familiers  avec  ses  amis, 
sur  les  sciences,  sur  l'histoire,  sur  la  géographie, 
ou  enfin  à  cultiver  quelques  arbres;  car  il  avait 
un  goût  particulier  pour  l'agricullure  (2).  Sa  con- 
versation était  douce,  agréable,  et  innocente  :  il 
évitait  celle  des  femmes,  et  l'on  regardait  comme 
une  chose  extraordinaire  de  le  voir  avec  elles. 
Une  dame  d'une  haute  naissance,  et  qui  était  visi- 
tée par  les  savants  du  premier  ordre,  par  les  per- 
sonnes les  plus  distinguées  de  l'Etat,  et  par  les 
princes  du  sang,  le  fit  prier  de  l'aller  voir,  mais 
en  vain;  elle  fut  obligée  d'employer  l'autorité  de 
certaines  personnes  à  qui  il  ne  pouvait  rien  re- 
fuser. Il  fallut  se  rendre,  mais  ce  fui  à  condition 
qu'il  ne  ferait  qu'une  seule  visite.  La  dame,  qui 
était  charmée  de  son  entretien,  sachant  qu'il  ne 
s'était  engagé  qu'à  une  seule  visite,  fil  durer  la 
conversation  le  plus  longtemps  qu'elle  put,  mais 
cela  ne  servit  qu'à  le  lui  faire  goûter  davantage; 
en  sorle  que  le  voyant  près  de  partir  :  Quoi,  mon 
Père  I  dit-elle,  sera-ce  donc  la  seule  fois  que  j'au- 
rai le  bonheur  de  jouir  de  voire  entretien  ?  Oui, 
Madame,  lui  répondit-il  en  souriant;  et  quelque 

(1)  Le  Brun,  Journal  des  Sav.,  mars  1696. 

(2)  Perrault,  Hom  illust.;  Le  Brun,  M.  *",  etc. 


VIE  DU  PÈRE  TIIOMASSIN. 


XVII 


cliose  qu'elle  put  faire  ensuite,  il  lui  tint  exacte- 
ment parole  (1).  Il  était  si  modeste  et  si  pacifique, 
qu'il  se  faisait  aimer  de  tout  le  monde.  S'il  s'est 
trompé  en  voulant  prendre  le  milieu  entre  les  dif- 
férents sentiments  ,  un  ne  doit  l'attriluier  qu'à  son 
amour  pour  la  paix,  qui  n'avait  point  d'autre  prin- 
cipe que  son  humilité  et  sa  modestie.  11  n'était 
point  de  ces  savants  qui  veulent  l'emporter  sur 
les  autres,  qui  méprisent  ceux  qui  ne  pensent  pas 
comme  eux.  Il  se  contentait  de  proposer  sou  avis, 
et  les  raisons  qu'il  avait  de  le  soutenir,  sans  vou- 
loir tyranniser  les  esprits.  C'était  sur  les  questions 
libres  de  la  théologie  qu'il  voulait  qu'on  suivit 
ses  maximes.  L'EyIisc,  disait-il,  toujours  attachée  à 
ses  décrets  ne  déaairprouve  point  les  différentes  Ecotes  et 
leurs  opinions  opposées  ;  ayons  entre  nous  la  même  mo- 
dération. 11  ajoutait  que  comme  les  homtnes  ont  la 
raison  en  partage,  et  que  crailleurs  ils  ont  leur  faible  , 
il  faut  prendre  une  partie  de  leur  système  et  retrancher 
ce  qu'il  y  a  de  défectueux  de  part  et  d'autre,  et  que  par 
là  on  découvre  facilement  la  vérité;  c'est  ce  qu'il  éta- 
blit dans  la  préface  de  ses  Mémoires  ;  préface  que 
dom  .Mabillon  (2)  conseille  de  lire.  On  admirait  en 
lui  tout  à  la  fois,  la  simplicité  d'un  enfant,  et  l'éru- 
dition la  plus  profonde  :  on  ne  voit  guère  dans  le 
même  sujet  tant  de  vertu  et  tant  de  savoir.  L'inno- 
cence de  sa  vie  ne  lui  laissait  voir,  disent  ceux 
qui  ont  composé  son  éloge  (3),  que  le  bien  dans 
les  livres,  dans  les  auteurs,  dans  les  personnes, 
dans  les  Communautés.  Pénétré  de  sa  religion,  il 
l'aimait  souverainement,  il  la  trouvait  et  la  faisait 
trouver  partout  ;  les  pensées  les  plus  chrétiennes 
naissaient  naturellement  dans  ses  entretiens,  ainsi 
que  sous  sa  plume.  Ce  qu'il  y  avait  de  plus  profane 
dans  les  auteurs  prenait  un  sens  édifiant  en  pas- 
sant ou  par  sa  bouche  ou  par  sa  plume.  Tout 
marquait  qu'il  portait  J.-C.  dans  le  cœur,  et  qu'il 
ne  cherchait  que  la  gloire  de  son  Eglise.  Ln  tour 
d'esprit  élevé  joint  à  une  profondeur  de  science 
presque  sans  bornes  faisait  le  caractère  particulier 
de  cet  excellent  homme,  .\joutons  que  quoiqu'il 
fût  si  estimé  dans  le  monde,  il  avait  de  si  bas 
sentiments  de  lui-même,  qu'on  lui  a  ouï  dire  plus 
d'une  fois  qu'il  aurait  souhaité  qu'on  lui  eût  per- 
mis d'être  toute  sa  vie  au  rang  des  frères  (4),  et 
comme  dit  le  père  Bordes,  «  qu'il  ambitionnait 
sérieusement  la  condition  d'un  sacristain.  Celte 
humilité  lui  faisait  trouver  uu  singulier  plaisir  à 
converser  avec  les  petits  plutùt  qu'avec  les  grands 
et  les  personnes  de  distinction.  Aussi  pendant  les 
seize  années  qu'il  a  passées  à  l'institution,  charmé 
de  se  mêler  avec  la  jeunesse  simple  et  modeste 
qui  habite  cette  maison,  il  ne  se  prêtait  qu'à  re- 
gret aux  visites  que  sa  réputation  et  l'étendue  de 
ses  connaissances  lui  attiraient.  «  Il  laut  avouer 
toutefois  qu'il  y  avait  en  cela  un  peu  de  tempéra- 
ment joint  à  un  grand  fonds  de  modestie  et  d'hu- 

(1)  Bord,  et  Borat,  in  vit,  Lud.  Thùrtx. 

(2)  Etud.  iMonast. 

(.1)  Le  Brun,  Perrault,  etc. 

(4)  Cloyseault,  Vie  MS.  du  P.  Thomassin. 


milité;  étant  naturellement  si  timide,  ([ii'il  n'a 
jamais  pu  se  résoudre  à  chanter  une  antienne, 
encore  moins  à  chanter  la  messe  (l).  J'ai  même 
ouï  dire  à  plusieurs  de  ceux  qui  l'ont  connu,  que 
quand  il  faisait  les  Conférences  à  Saint-Magloire, 
on  n'avait  pu  venir  à  bout  d'arrêter  l'elfroi  qui  le 
saisissait  et  lui  ôtait  prescjue  la  parole,  i|u'en 
m(!ttant  une  espèce  de  rideau  entre  ses  auditeurs 
et  lui. 

Il  avait  tant  de  respect  et  d'estime  pour  tout  le 
monde ,  qu'il  ne  pouvait  souffrir  qu'on  dit  en  sa 
présence  le  moindre  mot  désavantageux  de  qui 
que  ce  fût  :  la  délicatesse  de  sa  conscience  sur  ce 
point  ne  peut  s'exprimer ,  surtout  lorsqu'on 
parlait  des  prélats  et  des  pasteurs  de  l'Eglise  (2). 

Quoiqu'il  fût  naturellement  propre,  il  aimait  la 
pauvreté  dans  ses  habits,  dans  ses  meubles,  dans 
sa  chambre ,  sur  sa  personne  ;  il  ne  pouvait  rien 
souffrir  en  tout  cela  qui  ressentît  tant  soit  peu  le 
monde  et  la  vanité.  Rien  de  curieux ,  rien  de  su- 
perflu ;  c'était  sa  grande  maxime.  Il  était  aussi 
généreux  pour  les  autres  qu'il  l'était  peu  pour 
lui-même.  Aussi  donnait-il  presque  tout  ce  qu'il 
avait  aux  pauvres ,  jusque-là  qu'il  avait  recom- 
mandé à  celui  qui  avait  soin  de  sa  bourse  de  ne 
faire  aucune  difficulté  de  leur  donner  même  à  son 
insu  tout  ce  qu'il  voudrait  ;  et  qu'une  partie  de  son 
argent  était  le  plus  souvent  entre  leurs  mains 
avant  que  d'avoir  passé  par  les  siennes. 

Ses  amis  particuliers,  outre  les  PP.  de  Monchy 
et  Mascaron,  furent  M.\l.  Du  Hame!  et  Du  Cange, 
célèbres  par  leurs  ouvrages.  Le  premier  avait  été 
pendant  plusieurs  années  dans  la  congrégation  de 
l'oratoire,  et  fut  le  compagnon  de  ses  études.  Il  n'y 
avait  guère  de  savants  dont  il  ne  fût  connu. 
MM.  le  Tellier,  chancelier  de  France,  le  Pelletier, 
ministre  d'Etat,  De  Lamoignon ,  premier  président 
au  parlement  de  Paris  ,  et  Jérôme  Uignon ,  avocat 
général ,  l'ont  souvent  consulté.  MM.  de  Péréfixe, 
de  Marca,  de  Harlai,  du  Bousquet,  etOodeau,  tous 
les  prélats  distingués  par  leur  profonde  érudition, 
avaient  pour  lui  une  estime  particulière.  Les  non- 
ces même  l'allaient  visiter  de  la  part  du  jiape.  Enfin 
sa  gaieté  et  le  caractère  de  son  esprit  lui  attiraient, 
autant  que  sa  science ,  l'affection  et  la  confiance 
des  personnes  illustres. 

M.  le  curé  de  Saint- Jacques ,  du  Haut-Pas,  pro- 
che Saint-Magloire,  fit  son  éloge  au  prône  le  len- 
demain de  sa  mort  jour  de  Noël,  et  déclara,  ce 
qu'il  avait  été  obligé  de  tenir  caché,  que  le  père 
Thomassin  lui  avait  donné  tous  les  ans  pour  les 
pauvres  la  moitié  de  la  pension  de  1,000  livres  qu'il 
recevait  du  clergé.  Le  père  Le  Brun,  prêtre  de  l'Ora- 
?  toire,  fit  imprimer  son  éloge  dans  le  Journal  des 
Savants  du  mois  de  mars  1696,  et  M.  Perrault  l'a 
mis  avec  justice  au  nombre  des  hommes  illustres 
du  dernier  siècle.  Outre  la  vie  latine  que  le  père 
Bordes  et  M.  Barat  ajoutèrent  à  son  glossaire  uni- 
versel, on  mit  un  petit  éloge  à  la  tète  de  son 

(1)  Cloyseault,  etc. 

(2)  Bordes,  Cloyseault. 


Th.  —  Tome  I. 


xvii,  VIE  DU  PÈRE  THOMASSIN. 

Traité  sur  l'Usure;  et  M.  d'Héricourt  en  inséra  un  gloire  la  nombreuse  et  belle  bibliothèque  qu'il 

autre  dans  l'Abrégé   de  sa  Discipline  ecclésias-  avait  ramassée  pendant  plus  de  quarante  ans  ;  que 

tique  qu'il  donna  au  public  en  1717.  Le  père  Cloy-  le  père  de  Sainte-Marthe,  général  de  la  congré- 

seault,  prêtre  de  l'Oratoire,  faisant  les  vies  des  galion,  pour  lui  marquer  sa  reconnaissance,  a  fait 

illustres   de   sa   congrégation,    n'a    pas    oublié  placer  son  buste  dans  la  bibliothèque  de  ce  sémi- 

celle  du  père  Thomassin.  Ce  sonl-là  les  sources  où  naire;et  que  le  cardinal  Casanata,  qui  l'avait 

j'ai  puisé  les  principaux  faits  qui  composent  cet  désigné  vice-bibliothécaire  du  Vatican ,  demanda 

éloge.  avec  instance  son  portrait  pour  être  mis  dans  cette 

Avant  que  de  finir,  je  dois  remarquer  que  le  fameuse  bibliothèque, 
père  Thomassin  a  légué  à  la  maison  de  Saint-Ma- 


CATALOGUE    DES    OUVRAGES 


DU    PERE    THOMASSIN. 


Dissertationum  in  concilia  rjeneralia  et  partkulan'n.Tom. 
I.  10-4",  Parisiis.  Dezallier,  1GC7.  Ce  traité  est  composé  de 
20  dissertations.  Il  n'a  donné  que  ce  volume. 

Mémoires  sur  la  GrJce  en  français.  Louvain,  Dupral.  in-12, 
3  vol. 

Les  mêmes,  où  il  représente  les  sentiments  de  saint  Augustin 
et  des  autres  Pères  grecs  et  latins;  de  saint  Thomas,  et  de 
presque  tous  les  théologiens  jusques  au  concile  de  Trente;  et 
depuis  ce  concile  ceux  des  plus  célèbres  docteurs  des  univer- 
sités de  l'Europe,  deuxième  édition,  Paris  IC82,  in-'i». 

Ancienne  et  nouvelle  Discipline  de  l'Eglise  touchant  les  béné- 
fices et  les  bénéficiers,  etc.  Paris,  Muguet.  3  vol.  in-fol.  le 
premier  en  1G78,  le  deuxième  en  11179  et  le  Iroisième  en  IGSl. 

Deuxième  édition,  Paris.  Muguet.  16S2. 

Troisième  édition,  selon  l'ordre  de  la  latine.  .V  Paris,  chez 
Montalant  1723. 

Table  générale  ou  concorde  des  trois  tomes  ou  des  quatre  par- 
ties de  la  Discipline  de  l'Eglise  touchant  les  bénéliciers,  avec 
laquelle  on  pourra  lire  chaque  matière  de  suite.  Paris,  Muguet, 
1681,  10-4°. 

Velus  el  nova  Ecclesiœ  Disciplina  circa  bénéficia  et 
beneficiarios ,  disiributa  in  très  partes  sive  tomos ,  quœ  et 
ipse  in  très  libros  singulœ  distributœ  sunt.  Pai's  prima , 
sive  tomus  prinms  ;  ubi  agitur  L.  l  :  De  primo  Cleri  or- 
dine.  L.  2:  De  seciindn  Cltri  ordine.  L.  3  :  De  Clericonim 
et  Monachorum  conyrcyalionibus ,  (jtiœslionibus  sinyulis  ex 
ordine  tempormn  ub  exordio  Ecclesiœ  ad  Clodovw.um,  inde 
ad  Carolum  Magnum,  rursus  inde  ad  Hugonem  Capetium ,' 
denique  ad  liœc  usque  tempora  pertrnctatis^  nvsquarn  tamen 
interrupto  earum  contextu.  Opus  ex  SS.  Patribus,  ex  Con- 
ciliis,  ex  quorumque  temjiorum  historicis  decerpium.  Edi- 
tio  latina  post  duas  Gallicanas  auctior  et  emendatior. 
Parisiis,  Muguet  1688,  3.  iu-fol. 

Ediiio  secundo,  Tgpis  Posuel  et  Anisson,  Lugduni,  1706. 

Ancienne  et  nouvelle  Discipline  de  l'Eglise  touchant  les 
bénéfices  et  les  bénéliciers ,  extraite  de  la  Discipline  de  l'Eglise 
du  père  Thomassin ,  prêtre  de  l'Oratoire  ,  par  le  père  Julien 
Loriot  de  la  même  congrégation.  (  U  ne  s'est  attaché  dans  son 
extrait  qu'à  la  Morale.)  In-i",  1702. 

Abrégé  de  la  nouvelle  et  de  l'ancienne  Discipline  de  l'Eglise 
touchant  les  bénéfices  et  les  bénéficiers,  par  M"*,  avocat  au 
parlement  de  Paris,  1717,in-4°.  Cet  abrégé,  qui  est  tait  par  un 
habile  homme  (M.  d'Héricourt),  comprend  un  extrait  exact  de 
tout  ce  qui  est  dans  la  Discipline  du  père  Thomassin ,  soit  sur 
la  morale,  soit  sur  la  discipline  ecclésiastique,  soit  sur  Tbisloire 
de  l'Eglise. 

Dugtnatum  Theologicorum  pars  prior  prodil  de  Verbi 
Dei  Incarnat.,  tomus  unicus  iu-fol.  Pans,  Muguet.  Cet  ouvrage 
est  dédié  au  clergé  de  France.  Quoiqu'il  ait  paru  le  premier, 


il  n'est  cependant  que  le  second  de  ses  Dogmes  théologiques 
dans  les  éditions  postérieures. 

Dogmalum  thrologicarum,  de  Deo,  Deique  prnprietatibus. 
Muguet,  1684,  tom.  1.  in-fol. 

DiKjmutum  theologicorum  tom.  \\\  et  ultimiis,  quo  reliqui 
tractatus  theologici  continentur.  Muguet,  1689,  in-fol. 

La  Méthode  d'étudier  et  d'enseigner  chrétiennement  et  soli- 
dement les  poètes ,  par  rapport  aux  leltres  divines ,  et  aux 
Ecritures  saintes.  A  Paris,  in-8",  3  vol.,  le  l<"  en  1681,  le  2» 
et  le  S' en  1682. 

La  Méthode  d'enseigner  chrétiennement  la  philosophie. 
16S.J,   in-8». 

La  Méthode  d'étudier  et  d'enseigner  cbréliennemonl  la  gram- 
maire et  les  langues  par  rapport  il  l'Ecriture  sainte  et  à  la  lan- 
gue hébraïque,  avec  cinq  glossaires.  Le  1"  de  la  langue  runique 
ou  ancienne  danoise;  le2»  de  la  langue  malaye,  qui  est  la  lan- 
gue des  savants  de  l'Oiient;  le  3=  de  la  saxonne,  d'où  sont  sor- 
ties les  langues  de  l'Europe  vers  le  Nord;  le  i<=  de  la  langue 
grecque;  le  :>'  de  la  langue  latine.  A  Paris  chez  RouUand,  in-S°, 
2  vol.,  1690. 

La  Méthode  d'enseigner  chrélienncmcnt  et  solidement  les 
historiens  profanes  par  rapport  à  la  religion  ,  et  aux  Ecritures 
saintes.  A  Paris  chez  Roulland,  1694,  2  vol.  in-8". 

Traités  historiques  et  dogmatiques  sur  divers  points  de  la 
Discipline  de  l'Eglise  et  de  la  morale  chrétienne  :  tom  l'-"'' conte- 
nant un  traité  des  jeunes  de  l'Eglise  ,  divisé  en  deux  parties.  A 
Paris,  chez  Muguet,  1680,  in-8''.  Tom.  ii  des  fêles  de  l'Eglise, 
divisé  en  trois  parties  :  des  fêtes  eu  général,  des  fêtes  en  parti- 
culier, et  de  la  manière  de  les  célébrer  saintement.  A  Paris 
chez  Muguet,  1083. 

Traité  de  l'Office  Divin  pour  les  ecclésiastiques  et  les  laïques, 
divisé  en  deux  parties  ;  la  première,  de  la  liaison  avec  l'oraisou 
mentale  et  d'autres  prières  vocales,  avec  la  lecture  des  Ecri- 
tures, des  Pères,  des  Vies  des  Saints.  La  seconde,  de  ses  ori- 
gines et  des  changements  qui  s'y  sont  faits  dans  la  révolution 
des  siècles.  A  Paris,  chez  Muguet,  1686,  in-8°. 

Traité  de  la  Vérité  et  du  Mensonge,  des  juremenis  et  des 
parjures,  divisé  en  deux  parties.  A  Paris,  chez  Roulland,  1693, 
iu-8°. 

Traité  de  l'Unité  de  l'Eglise  et  des  moyens  que  les  princes 
chrétiens  ont  employé  pour  y  faire  rentrer  ceux  qui  en  étaient 
séparés  :  divisé  en  deux  parties.  La  première  contient  les  lois 
du  code  Théodosien,  les  conciles  et  les  Pères  anciens  qui  les 
ont  soutenues  ,  et  une  digression  sur  la  réunion  des  sectes 
orientales  :  ou  trouve  dans  la  deuxième  la  doctrine  des  autres 
Pères  et  des  conciles,  à  laquelle  Justinien  s'est  conformé  dans 
les  lois  de  son  code  sur  ce  sujet,  et  une  digression  sur  la 
communion  sous  les  deux  espèces.  A  Paris,  chez  Muguet, 
1686,  in-8». 


XX 


CATALOGUE  DES  OLTRÂGES  DU  PÈRE  THOMASSIN. 


Traité  de  l'Antnône  et  du  bon  nsage  des  biens  temporels, 
tant  pour  les  laïques  que  pour  les  ecclésiastiques.  A  Paris, 
chez  Roulland,  1695,  in-S". 

Traité  du  Négoce  et  de  l'Usure,  divisé  en  deus  parties.  A 
Paris,  chez  Roulland,  1697,  in-8». 

Glossarium  universale  Hebraicum ,  guo  ad  JJebraicœ 
linguœ  fontes,  linguœ  et  dialecii  pêne  omnes  revocanlur. 
Parisiis,  e  ti/pof/rajjliia  rerjia,  1G97,  in-fûl. 

Traité  des  Edits  et  des  autres  moyens  spirituels  et  tempo- 
rels dont  on  s'est  servi  dans  tous  les  temps  pour  rétablir  et 
pour  maintenir  l'uuité  de  l'Eglise  catholique  :  divisé  en  deux 
parties.  La  première,  depuis  le  commencement  de  l'Eglise  jus- 
ques  au  ix=  siècle  ;  la  deuxième,  depuis  le  ix«  siècle  jusques 
au  dernier,  par  le  feu  père  Thomassiu ,  avec  un  supplément 
par  un  prêtre  de  la  même  congrégation  (le  père  Bordes)  pour 


répondre  à  divers  écrits  séditieux,  et  particulièrement  à  l'His- 
toire de  l'Edit  de  Nantes ,  qui  comprend  les  huit  derniers 
règnes  de  nos  rois.  A  Paris ,  de  l'imprimerie  royale,  1703, 
3  vol.  in-4''. 

M.  Benoit,  ancien  ministre  d'Alençon,  ayant  fait  imprimer 
un  .Mémoire  dans  les  journaux  de  Hollande,  le  père  Bordes  lui 
répondit  en  1706.  Sa  réponse  est  une  brochure  de  onze  pages 
in^",  d'impression  du  Louvre. 

Jugement  du  père  Thomassin  sur  la  Dissertation  de  dom  Jean 
Mabillon  de  Azymo  ac  Fermentato,  tom.  !<■■■  des  Œuvres 
posthumes  de  dom  Jean  Mabillon,  pag.  204  et  suiv. 

M5S.  Remarques  sur  les  Conciles  avec  des  tables  amples  et 
des  notes  marginales,  3  vol.  in-fol. 

Remarques  sur  les  Décrétâtes  de  Grégoire  IX. 

Traité  des  Libertés  de  l'Eglise  Gallicane. 


<f»^ 


ÉLOGES  OU  JUGEMENTS 


QUE  PLUSIEURS  AUTEURS  ONT  PORTÉS  DU  PÈRE  THOMASSIN  k  DE  SES  OUVRAGES. 


Le  R.  P.  de  Sainte-Mailhe,  Lettres  à  l'abbé  de  lu  Trappe, 
pag.  122,  l'appelle  Le  samnt  père  Thomassin. 

L'auteur  de  V Apologie  de  l'abbé  de  la  Trappe,  qu'on 
croit  être  M.  Tliiers,  pag.  497,  lui  donne  le  même  litre  ,  aussi 
bien  que  le  R.  P.  dom  Tliuillier,  pag.  21  de  la  Préface  des 
Œuvres  posthumes  de  dom  Mabillon. 

L'excellent  ouvrage  du  feu  père  Thomassin,  de  la  Discipline 
de  l'Eglise...  est  trop  connu  et  trop  généralement  estimé  pour 
qu'il  soit  nécessaire  d'en  faire  ici  l'éloge.  {Mémoires  de  Tré- 
voux, août  1702,  pag.  142.  Edit.  de  Hollande.) 

Le  père  Thomassin,  aussi  humble  que  savant,  etc.  (pag.  88 
du  v«  tom.  des  Mémoires  de  Trévoux,  Edit.  de  Hollande.) 

Le  R.  P.  Lamy,  Entretiens  sur  les  sciences.  Entretien  vu, 
pag.  334  :  Avant  que  d'entreprendre  de  puiser  dan^'  les  grandes 
sources  des  Pères,  il  sera  à  propos  de  choisir  les  auteurs  qui 
ont  rapporté  les  sentiments  de  ces  maîtres  de  la  théologie  sur 
chacun  des  articles  de  notre  foi,  comme  a  fait  le  père  Pétau 
dans  ses  Dogmes  Théologiques,  où  l'on  voit  avec  étendue  toutes 
les  disputes  que  l'Eglise  a  eues  avec  les  hérétiques  au  sujet  de 
la  Trinité  et  de  l'Incarnation.  Le  père  Thomassin  a  aussi  ramassé 
avec  un  travail  prodigieux  les  sentiments  des  Pères. 

Ibid.  pag.  338  :  Pour  ce  qui  regarde  la  Discipline,  les  livres 
du  père  Thomassin  suffisent.  Outre  les  trois  gros  volumes 
qu'il  en  a  composés ,  il  en  a  fait  plusieurs  autres  où  l'on  voit 
à  fond  de  quelle  manière  l'Eglise  s'est  conduite.  On  voit,  par 
exemple,  dans  son  ouvrage  du  Jeûne,  tout  ce  qui  s'est  pratiqué 
pour  le  jeune  ;  comme  dans  celui  des  Fêtes  tout  ce  qui  s'est 
fait  et  pensé  au  sujet  des  fêtes. 

Pag.  365  ;  Le  cardinal  du  Perron,  le  père  Sirmond,  le  père 
Morin,  le  père  Pétau,  M.  de  Marca,  le  père  Thomassin  sont 
d'excellents  modèles. 

Le  père  Thomassin,  si  zélé  pour  l'ordre  et  la  subordina- 
tion hiérarchique.  (L'auteur  des  Droits  des  Evéques  sur  les 
exempts,  pag.  20.) 

M.  Arnaud,  dans  sa  neuvième  partie  des  Difficultés  propo- 
sées à  M.  Steijaert,  pag.  271,  dit  :  Il  y  a  peu  d'auteurs 
nouveaux  qui  aient  traité  cette  matière  (des  images  de  Dieu) 
avec  plus  d'exactitude  que  le  père  Thomassin,  à  la  fin  de 
son  volume  de  Verbo  incarnato. 

Et  pag.  274,  il  l'appelle  un  savant  auteur...  sa  savante 
dissertation,  etc. 

M.  Huet,  évêque  d'Avranches,  in  Commentariis  vitœ  suœ, 
pag.  206,  dit  :  Tune  Lutetiœ  hospiiio  utebar  San-Maglo- 
riano  Oratorianœ  congrerjationis ,  in  quod  me  invitaverat 
Ludovicus  Thomassinus,  per  quem  multum  accessit  decoris 
sodalitio  hiiic,  lueulento  et  perutili  opère,  quo  Disciplina; 
Ecclesiastica;  ritiis,  ex  bonorum  autorum  et  priscorum  mo- 
numentorum  fide  descripsit  :  atque  optime  sane  consuluis~ 


set  famœ  suœ  si  intra  harum  litterarum,  in  quibus  regna- 
bat,  fines  continuisset  ingenium  suwn  ;  nec  ad  humanarum 
pnrterea  disciplinarum  laudem  ita  aspirasset,  ut  earum 
etiam  prœcepta  effiundere  in  vulgus,  quas  vix  primoribus 
labris  dcgustasset.  Glossarium  vero  illud  Ebraicum  uni- 
versale,  uti  prœ  se  fert  titulus,  post  ejus  mortem  editum, 
quod  nobis  velut  Orientalis  omnis  litteraturœ  ditissimum 
penu  obtrusum  est,  si  eruditi  admoveanlur  oculi,  ad  pri- 
mum  intuitum  fœtus  apparebit  non  novato  et  iterato  exor- 
tus  agro,  sed  semel  tantum  et  leniter  arato.  Frustra  au- 
tem  commendationem  quœsivit  Thomassinus  scriptionibus 
suis  nb  elegantia  dictionis  cnm  res  omnem  respuentes  orna- 
tum  et  simplici  cultu  ac  levi  scriptura  tradendas ,  pingui 
et  operosa  oratione  convesiiret. 

L'Eminentissime  cardinal  Noris,  Apologiœ  Monachorum  Scy- 
thiœ  vindicatœ ,  pag.  50:  En  tibi  duo  prœstantissimi... 
Scriptores  qui  Theologiam  Dngmnticam  nullo  unquam  œvo 
interiltiris  voluminibus  in  Gallia  illustrarunt,  Petavius... 
et  Ludovicus  Thnmassi?ms,  tôt  editis  de  rébus  Ecclesiasticis , 
itemque  Dogmaticis  libris  celeberrimus. 

Ibid.  pag.  52,  il  l'appelle  ucutissimi  ingenii  virum... 
recita  testimotiium  viri  doctissimi...  Thomassinus  magni 
nominù  scriptor. 

Pag.  57  :  Theologi  gravissimi  et  er-uditissimi  Petavius  et 
Thomassinus. 

Page  60:  Verum  cum  viri   illi  prœstaiitissimi  (Vasquez 
Petavius,  et  Thomassinus)  in  universo  litterario  orbe  optime 
audiant. 

La  même,  page  67  :  11  ajoute  ob  hujtts  {antiquitatis)  noti- 
tiam  Petavius  et  Thomassinus ,  de  Dogmatica  Theologia 
bene  meriti. 

M.  Dupin,  dans  soniv  tom.  de  la  Bibliothèque  des  Ecrivains 
eccle'siastiquesdu^vw  siècle,  après  avoir  parlé  assez  au  Ion»  du 
père  Thomassin  et  de  ses  ouvrages,  finit  ainsi  :  Ce  grand  nom- 
bre d'ouvrages,  donnés  en  moins  de  25  ans,  font  voir  combien 
il  était  laborieux.  Us  sont  remplis  de  tant  de  passages  et  de 
matières  si  différentes,  qu'on  ne  peut  les  lire  sans  être  surpris 
de  sa  grande  lecture,  et  que  l'on  admire  l'étendue  de  son  éru- 
dition. Tout  ce  qu'on  pourrait  y  désirer  serait  plus  d'ordre, 
plus  de  méthode ,  plus  de  principes  et  de  raisonnement.  Cela 
n'empêche  pas  que  ce  ne  soient  d'excelleuts  recueils,  très- 
instructifs  et  très-utiles  à  ceux  qui  voudront  travailler  sur  les 
mêmes  matières.  11  écrit  avec  plus  de  faciUté  que  d'élégance, 
tant  en  français  qu'en  latin. 

M.  Simon,  dans  sa  Bibliothèque  des  Auteurs  de  Droit,  mee 
292,  dit  que  la  Discipline  ecclésiastique  du  père  Thomassin  est 
un  des  meilleurs  livres  qui  ait  été  fait  en  ce  siècle. 

Le  sieur  de  Rocoles,  dans  son  Introduction  à  l'Histoire 


XXII 


ELOGES  OU  JUGEMENTS  DE  PLUSIEURS  AUTEURS  SUR  THOMASSLN. 


tome  II,  page  344,  parlant  du  père  Thomassin,  dit  que  c'est  un 
personn3};e  consommé  en  !a  scolastique ,  la  positive,  l'histoire 
ecclésiastique,  et  autres  sciences  sacrées. 

M.  liaillet,  page  133  de  son  Discours  sur  IHistoire  de  la 
Vie  des  Saitils  :  Depuis  que  les  lumières  de  la  critique  ont 
ramené  le  bon  goût  avec  la  connaissance  de  la  vérité  ...  on  a 
rétabli  la  connaissance  des  temps ,  celle  des  lieux ,  celle  des 
mœurs  et  des  usages  de  chaque  siècle. 

Et  dans  sa  note  :  Entre  les  savants  de  ces  derniers  temps 
à  qui  l'on  est  redevable  de  tant  de  services  rendus  principa- 
lement depui.*  le  milieu  du  xvii«  siècle,  outreM.de  Tillemont... 
il  faut  comiiier....  le  père  Thomassin,  etc. 

Le  père  Honoré  de  Sainte-.Marie ,  carme  déchaussé,  dans  ses 
R'iflexiuns  sur  les  règles  et  l'usage  de  la  Critique,  tomei, 
page  43  :  On  ne  Tait  pas  moins  de  cas  du  Lexicon  Penlaghtton, 
des  concordances  hébraïques  de  Buxtorf,  des  grecques  de  Ro- 
bert Etienne....  aussi  bien  que  de  la  méthode  d'étudier  et 
d'enseigner  la  grammaire  ou  les  langues  par  rapport  à  l'Ecriture 
sainte,  en  les  réduisant  toutes  à  l'hébreu,  par  le  père  Tho- 
massin, 2  vol.  in-8".  Paris,  1690.  Tous  ces  ouvrages  paraissent 
très-utiles  pour  ceux  qui  veulent  s'instruire  dans  les  langues 
savantes,  etc. 

Là-même,  pag.  62.  Il  ajoute  :  c'est  suivant  ces  règles  que  la 
critique  a  fait  naitre  dans  le  siècle  passé  plusieurs  ouvrages 
dogmatiques,  où  la  théologie  positive  parait  avec  éclat.  Le  pre- 
mier qui  se  présente  est  le  Traité  des  Lieux  Ihéologiqucs,  de 
Melchior  Canus.  On  peut  y  ajouter  les  cinq  volumes  des  Dogmes 
Tbéologiques  du  savaut  père  Pétau;  aussi  bien  que  ses  Dis.^er- 
tations  Ecclésiastiques...  On  peut  y  ajouter  les  Dogmes  Théolo- 
giques du  père  Thomassin,  les  trois  volumes  de  sa  Discipline 
Ecclésiastique,  ses  Mémoires  sur  la  Grâce,  et  divers  Traités  Dog- 
matiques et  Historiques  des  jeûnes,  des  tètes,  de  l'unité  de  l'E- 
glise... et  un  grand  nombre  de  semblables  ouvrages,  qui  ne 
peuvent  être  que  le  fruit  d'une  critique  très-judicieuse. 

Ihid.,  pag.  1Ô5  :  Le  père  Thomassin...  ce  savant  critique. 

lijid.,  pag.  267  :  On  peut  établir  ce  double  principe...  sur 
une  excellente  réflexion  du  savant  père  Thomassin. 

Mémoires  de  Trévoux,  octobre  1717,  art.  122,  pag.  1392  : 
De  ce  grand  nombre  d'ouvrages  qu'a  laissés  le  père  Thomassin, 
celui  qui  sans  comparaison  fait  le  plus  d'honneur  à  la  mémoire 
de  ce  savant  et  laborieux  auteur,  est  sou  ample  et  docte  Traité 


de  la  Discipline  de  l'Eglise.  Il  le  composa  en  français,  et  le  fit 
imprimer  en  trois  volumes  in-folio,  l'an  1679.  Ensuite,  pour 
obéir  au  pape  Innocent  XI,  qui  témoigna  désirer  qu'un  ouvrage 
qui  pouvait  être  utile  à  l'Eglise  se  répandit  partout  par  une  tra- 
duction latine ,  le  père  Thomassin  l'entreprit  et  l'acheva  en 
dii-huit  mois,  temps  qui  semble  à  peine  suffisant  pour  le  dé- 
crire, etc. 

Thnmassinus ,  doctissinms  vir,  c'est  ainsi  que  l'appelle 
M.  Rasnage  (Jacques)  dans  la  troisième  de  ses  lettres  imprimées 
à  la  fin  de  l'édition  de  la  Lettre  de  saint  Jean  Chrysostome  à 
Césaire. 

Le  père  Lombard,  jésuite,  dans  la  Préface  du  livre  qu'il  a 
fait  imprimer  chez  Louis  Coignard,  en  1715,  sous  le  titre  de 
Méthode  courte  et  facile  pour  discerner  la  véritable  religion 
chrétienne,  dit  que  le  père  Thomassin,  .M.  l'abbé  d'ArgenIré, 
sans  parler  de  quantité  d'autres,  ont  soutenu  et  prouvé  avec 
force  la  religion  chrétienne. 

Dom  Jean  iMabillon,  dans  sa  Réponse  aux  chanoines  réguliers 
sur  la  préséance  au£  Etats  de  Bourgogne,  pag.  106  du  deuxième 
tome  de  ses  Œuvres  posthumes,  publiées  par  dom  Thuillier, 
après  avoir  cité  un  passage  du  père  Thomassin,  ajoute  :  Un  au- 
teur si  sage  et  si  modéré  ne  parlerait  pas  d'une  manière  si  dé- 
cisive, s'il  n'en  était  convaincu. 

Pag.  10  de  la  Préface  du  premier  volume  des  Annales  de  l'or- 
dre de  saint  Benoit  :  Ludovicus  Thomassinus,  Oratorii  Galli- 
cani  eruditus  presbyter. 

Pag.  44  de  ce  même  volume  :  Eruditissiinus  Thomassinus. 

Et  pag.  247  :  Vir  cximiœ  cruditionis  et  pictatis  Thomas- 
sinus prœclare  subdil,  etc. 

Pag.  181  de  son  Trailé  des  Etudes  monastiques,  in-4'',  il  ren- 
voie ceux  qui  veulent  apprendre  la  discipline  de  l'Eglise  à  l'ou- 
vrage du  père  Thomassin,  et  conseille  généralement  la  lecture 
des  autres  ouvrages  de  ce  Père  dans  la  suite  de  ce  traité.  (Voyez 
les  pag.  187,  196,  216,  258,  349,  359,  429,  4i3,  et  444.) 

Dom  Tliicrri  Ruiuart,  dans  sa  Préface  sur  Grégoire  de  Tours, 
art.  106  :  Vadem  hujus  rei  apud  omnes  ob  summum  erudi- 
iionem  et  sinceru/n  unimi  cnndorem  nuiximi  ponderis,  pro- 
féra Ludovicum  Thomassinum.  Voyez  les  différents  jugements 
que  les  savants  ont  portés,  tant  de  l'auteur  que  de  ses  ouvrages, 
cités  au  long  dans  sa  vie  :  nous  ne  croyons  pas  devoir  les  ré- 
péter ici. 


PRÉFACE 
DU    PÈRE    THOMASSIN. 


Le  seul  titre  de  ce  livre  est  la  condamnation  de  son  auteur.  Il  y  a  trop  peu  de  proportion  entre 
l'un  et  l'autre,  et  j'en  suis  moi-même  très-persuadé.  J'avouerai  de  plus  que  je  ne  mérite  nulle 
excuse,  puisque  connaissant  comme  je  fais  la  médiocrité  de  mon  esprit,  je  ne  devais  pas 
entreprendre  un  aussi  grand  travail.  Je  puis  dire  néanmoins  avec  vérité,  moins  pour  me  justifier 
que  pour  satisfaire  le  lecteur,  qu'à  le  bien  prendre,  je  ne  suis  pas  l'auteur  de  ce  titre,  et  que  je 
ne  me  suis  jamais  proposé  un  si  grand  dessein,  quoique  j'y  aie  travaillé  longtemps. 

J'avais  donné  à  cet  ouvrage  un  titre  très-simple,  l'intitulant  Traité  des  Bénéfices;  et  je  m'étais 
prescrit  des  bornes  assez  étroites,  afin  que  si  mon  livre  ne  pouvait  avoir  d'autres  agréments,  il 
eût  au  moins  celui  de  la  brièveté.  J'avais  fait  dessein  de  traiter  par  les  conciles,  les  Pères  et  les 
historiens  de  chaque  siècle,  une  partie  des  grandes  matières  qui  y  sont  contenues  ;  mais  ne 
voyant  ces  choses  que  de  loin,  je  n'en  concevais  pas  l'étendue,  et  je  croyais  pouvoir  les  renfenner 
dans  un  volume  assez  médiocre. 

Ce  titre  et  ce  projet  ne  me  semblaient  pas  surpasser  les  forces  d'un  homme  qui  a  d'assez  longues 
éludes  et  assez  de  loisir.  Dans  la  suite  de  l'ouvrage  la  grandeur  des  matières  que  je  traite  s'est 
développée  et  je  me  suis  trouvé  engagé  dans  une  infinité  de  questions,  ou  absolument  néces- 
saires, ou  au  moins  très-utiles  :  ainsi  m'étant  embarqué  d'abord  sur  une  petite  rivière,  je  me 
suis  laissé  emporter  bien  avant  dans  la  grande  mer;  mais  on  doit  attribuer  cet  événement  au 
hasard  ou  à  la  Providence,  plutôt  qu'au  dessein  que  j'avais  formé. 

La  multitude  des  matières  qui  sont  liées  les  unes  aux  autres  m'a  mené  plus  loin  que  je  ne 
pensais  :  c'est  un  torrent  rapide  qui  m'a  entraîné  ;  je  n'ai  plus  été  maître  après  cela  ni  de  mon 
temps,  ni  de  mon  travail  ;  il  m'a  occupé  plus  d'années  que  je  n'y  avais  destiné  de  mois.  Quand 
il  m'a  fallu  ensuite  rendre  compte  de  mes  veilles  au  très-illustre  prélat  auquel  les  lois  de  l'Eglise 
m'ont  assujetti,  et  au  Père  charitable  à  qui  ma  vocation  particulière  m'a  soumis,  ils  n'ont  rien 
tant  désapprouvé  que  le  frontispice  de  l'ouvrage  ;  et  il  a  fallu,  pour  leur  obéir,  en  substituer  un 
autre  plus  étendu,  et  qui  expliquât  mieux  la  riche  abondance  et  la  grande  diversité  des  matières 
qui  y  sont  renfermées. 

Ainsi  je  puis  assurer  qu'étant  l'auteur  de  ce  livre,  je  ne  le  suis  ni  du  titre,  ni  du  livre  même. 


XXIV  PRÉFACE  DU  PÈRE  THOMASSIN. 

C'est  la  richesse  et  l'abondance  de  tant  de  matières  importantes  qui  m"a  forcé  de  l'étendre  au 
delà  des  bornes  que  j'avais  marquées;. et  c'est  l'autorité  des  puissances  que  je  suis  obligé  de 
révérer  qui  y  a  fait  mettre  une  inscription  qui  répondît  mieux  à  leur  zèle  et  à  leur  désir.  La 
même  Providence  qui  m'a  poussé  plus  loin  que  je  ne  prétendais  aller,  en  suscitera  peut-être 
d'autres  qui  fourniront  cette  carrière,  et  qui  ayant  autant  de  jiouvoir  que  j'ai  eu  de  bonne 
volonté,  donneront  la  dernière  main  à  un  ouvraf^e  que  la  mienne  n'a  fait  qu'ébaucher. 

Cette  ébauche  néanmoins,  quelque  légère  qu'elle  soit,  a  des  traits  assez  étendus.  Mais  pouvais- 
je  me  résoudre  k  développer  tant  de  questions  également  curieuses  et  importantes,  autrement 
que  par  l'autorité  des  conciles  et  des  Pères,  dont  les  oracles  souvent  un  peu  obscurs  ont  besoin, 
pour  être  éclaircis,  de  la  lumière  de  l'histoire  et  de  la  recherche  exacte  des  choses  qui  se  sont 
passées  de  leur  temps. 

Cette  manière  d'écrire  est  un  peu  longue,  mais  il  n'y  en  a  pas  d'autre  qui  soit  solide,  et  qui 
réponde  dignement  à  la  grandeur  du  sujet.  De  deux  inconvénients  qui  étaient  à  craindre,  j'ai 
évité  ce  me  semble  le  plus  grand  ;  et  j'ai  mieux  aimé  courir  le  ris([ue  d'être  (juelquefois  un  peu 
ennuyeux  que  de  paraître  trop  superficiel.  Je  ne  sais  même  si  les  savants  ne  me  blâmeront  point 
d'avoir  passé  trop  légèrement  beaucoup  de  choses  ;  mais  je  les  prie  de  considérer  que  je  n'aurais 
pas  assez  de  respect  pour  leur  science,  si  je  pensais  écrire  pour  eux  ;  que  j'aimerais  bien  mieux 
profiter  de  leurs  lumières,  que  leur  communiquer  les  miennes. 

J'eusse  pu  trailcr  chaiiue  question  plus  à  fond,  si  je  n'eu  avais  pas  entrepris  un  si  grand 
nombre  ;  un  corps  entier  ne  laisse  pas  d'avoir  sa  beauté,  quoique  toutes  les  parties  n'en  soient 
pas  finies.  Je  n'ai  pas  dessein  de  faire  un  ouvrage  savant,  cela  surpasse  mes  forces;  mais 
un  ouvrage  utile  et  édifiant,  ce  (jui  convient  mieux  à  mon  état  et  à  la  profession  que  j'ai 
embrassée. 

C'est  le  sort  de  ceux  qui  écrivent  d'être  souvent  obligés  de  satisfaire  à  des  plaintes  tout 
opposées.  Les  uns  ne  sont  pas  contents,  quelque  foule  de  preuves  qu'on  entasse  ;  les  autres  en 
trouvent  toujours  trop,  quelque  soin  que  l'on  prenne  d'en  retrancher.  Les  uns  veulent  qu'on 
s'attache  à  une  matière,  et  qu'on  l'épuisé  entièrement  ;  les  autres  voudraient  au  contraire 
qu'on  en  embrassât  plusieurs  à  la  fois,  dût-on  ne  faire  que  les  effleurer.  Peut-on  satisfaire  par 
un  ouvrage  à  des  goûts  si  opposés?  Pour  plaire  aux  uns,  il  faut  être  court;  pour  contenter  les 
autres,  il  faut  être  long.  Où  trouvera-t-on  ce  juste  tempérament,  entre  la  brièveté  et  la  longueur, 
pour  satisfaire  tout  le  monde?  Je  ne  sache  rien  de  plus  embarrassant  pour  un  homme  qui 
voudrait  i)laire  à  tout  le  monde,  ou  qui  voudrait  au  moins  ne  déplaire  à  personne. 

Cei)endant  ceux  qui  forment  ces  plaintes,  départ  et  d'autre,  pourraient  aisément  se  satisfaire, 
et  se  rendre  justice  eux-mêmes  ;  il  ne  faut  pour  cela  qu'avoir  pour  autrui  ces  justes  égards 
que  la  prudence,  la  justice  et  la  charité  semblent  prescrire.  Car  comment  auraient-ils  tant  d'em- 
pressement pour  exiger  de  nous  ce  qu'ils  désirent  voyant  que  tant  d'autres  ont  la  même  ardeur 
pour  exiger  de  nous  tout  le  contraire?  Chacun  met  la  justice  et  la  raison  de  son  côté  :  mais  fut- 
il  jamais  rien  de  moins  juste  ni  de  moins  raisonnable  que  de  croire  être  le  seul  qui  soit  doué 
de  la  justice  et  de  la  raison?  On  doit  modérer  ses  sentiments  et  régler  ses  désirs  par  le  balance- 


PRÉFACE  DU  PÈRE  THOMASSIN.  xxv 

ment  des  désirs  contraires  des  autres ,  et  faire  consister  sa  force  et  sa  victoire,  plus  à  céder  et  à 
s'accommoder  aux  faibles,  qu'à  les  faire  plier  sous  ses  volontés. 

J'ai  encore  bien  plus  d'intérêt  à  demander  cette  retenue  et  cette  modération  d'esprit,  pour 
faire  goûter  la  manière  dont  je  traite  les  questions.  La  plupart  des  gens  aiment  un  air  décisif, 
qui  donne  des  résolutions  précises  sur  toutes  les  choses  qu'on  propose,  sans  (ju'il  reste  aucun 
doute  dans  l'esprit.  Ils  veulent  que  l'on  parle  en  maître  et  avec  une  entière  certitude  de  ce 
qu'on  avance.  Ce  n'est  pas  pourtant  la  manière  dont  il  faut  s'y  prendre  pour  pénétrer  bien  avant 
dans  la  connaissance  de  l'ancienne  discipline.  Comme  c'est  un  pays  éloigné  du  nôtre  et  assez 
rempli  de  ténèbres,  il  faut  y  aller  pas  à  pas  et  avec  beaucoup  de  précaution.  Il  faut  écarter  tous 
les  préjugés  des  usages  de  notre  siècle,  et  surtout  cette  fausse  préoccupation  qui  s'est  saisie  de 
tous  les  esprits,  que  les  maximes  de  la  police  ecclésiastique  des  derniers  siècles  sont,  ou  toutes 
les  mêmes,  ou  toutes  différentes  de  celles  des  siècles  précédents.  Enfin,  il  faut  supposer,  comme 
un  premier  principe  de  cette  science,  que  l'étude  de  la  discipline  universelle  est  si  difficile,  que 
quelque  parfaite  connaissance  qu'on  en  puisse  avoir,  on  ne  saurait  lever  tous  les  doutes,  ni  dis- 
siper toute  l'ignorance.  11  faut  donc  se  convaincre  qu'on  ignore  beaucoup  de  choses,  lors  même 
qu'on  croit  les  savoir;  que  souvent  même  on  a  raison  de  douter  de  celles  qui  paraissent  indu- 
bitables, tant  cette  matière  est  vaste  et  comme  infinie. 

Etant  aussi  convaincu  que  je  l'étais  de  la  vérité  de  cette  maxime,  j'ai  toujours  tâché  de  me 
tenir  sur  mes  gardes  pour  éviter  les  surprises,  ou  des  préjugés  de  mon  esprit,  ou  des  pentes 
secrètes  de  ma  volonté.  J'ai  assez  souvent  commencé  par  rapporter  et  examiner  les  canons  des 
conciles,  et  les  autorités  des  Papes  et  des  Pères  sur  les  questions  que  j'ai  proposées  ;  je  les  ai 
confrontées  et  comparées  les  unes  aux  autres;  j'y  ai  fait  diverses  réflexions,  et  lorsque  la  vérité 
que  je  cherchais  ne  s'est  pas  découverte  avec  clarté,  j'ai  suspendu  mon  jugement,  aimant  mieux 
demeurer  dans  l'irrésolution  que  de  prendre  une  résolution  téméraire. 

Je  n'ai  jamais  pris  de  parti  dans  les  questions  douteuses  que  lorsque  la  force  des  preuves  m'y 
a  contraint  ;  je  n'ai  rien  déterminé  que  lorsque  la  multitude  et  l'évidence  des  décisions  cano- 
niques ont  elles-mêmes  déterminé  mon  esprit;  enfin,  ma  règle  inviolable  a  toujours  été  de  ne 
prévenir  point  la  raison,  mais  de  la  suivre,  et  de  ne  rien  conclure  sans  preuves. 

Je  vois  bien  que  cette  méthode  ne  plaira  pas  aux  amateurs  de  cet  air  affirmatif  qui  commence 
par  avancer  une  proposition,  qui  en  recherche  ensuite  les  preuves,  qui  ne  manque  jamais  d'en 
trouver  dans  une  foule  innombrable  de  lois  et  d'exemples  dont  tous  les  siècles  sont  remplis,  quj 
prévient  le  jour  et  qui  le  fait  naître  où.  il  lui  plaît;  et  qui,  enfin,  se  forme  à  plaisir  des  idées 
claires  et  distinctes  d'un  pays  inconnu  avant  que  d'y  avoir  été. 

Cette  méthode  est  courte  et  décisive,  et  elle  plaît  naturellement  à  tout  le  monde,  parce  qu'elle 
flatte  cette  précipitation  et  cette  impatience  naturelle  que  nous  avons  tous.  Mais,  parlant  géné- 
ralement, rien  ne  me  paraît  plus  dangereux  dans  la  recherche  des  sciences  que  cette  ardeur 
précipitée  qui  ne  craint  point  de  s'égarer  pourvu  qu'elle  avance,  et  le  danger  de  se  tromper  et 
de  tromper  ensuite  les  autres  me  paraît  plus  grand  dans  les  études  dont  nous  parlons,  qui  ne 
consistent  souvent  que  dans  la  connaissance  des  faits  et  des  lois  toutes  positives. 


XXVI  PKÉFACE  DU  PÉUE  IHOMASSiN. 

Ceux  qui  feront  autant  de  réflexion  qu'il  faut  sur  la  discipline  de  tant  de  siècles  différents,  et 
qui  concevront  la  peine  qu'il  y  a  à  accorder  tant  de  lois  souvent  contraires  les  unes  aux  autres,  à 
en  éclaircir  tant  qui  sont  obscures,  à  en  développer  tant  d'autres  qui  sont  embrouillées,  n'au- 
ront pas  de  peine  à  nie  pardonner  les  fautes  que  j'aurai  faites  en  me  tirant  de  cet  embarras. 

On  trouvera  dans  mon  ouvrage  des  résolutions  quelquefois  flottantes,  des  répétitions  peut- 
être  ennuyeuses,  des  délibérations  réitérées,  et  des  manquements  d'ordre,  de  méthode,  de  suite 
et  de  liaison.  Je  n'ai  pas  toujours  eu  soin  de  les  éviter,  pour  m'attacher  à  une  maxime  dont  je 
me  suis  fait  une  loi,  qui  est  de  suivre  les  choses  et  de  m'accorder  avec  elles,  plutôt  que  de  les 
dominer  et  de  vouloir  les  entraîner  comme  par  force  jjour  les  assujettir  à  mes  desseins.  Il  ne 
s'agit  pas  dans  l'étude  que  je  fais  de  raisonner  ni  d'inventer,  il  s'agit  de  chercher  et  de  décou- 
vrir, ce  qui  ne  se  peut  faire  qu'en  suivant  les  traces  de  la  vérité  avec  une  entière  indifférence, 
(|uelque  part  qu'elles  nous  conduisent. 

C'est  la  méthode  que  j'ai  suivie  avec  une  grande  exactitude  :  et  cette  conduite  m'ayant  réussi 
comme  je  le  crois,  j'ai  cru  aussi  que  je  devais  conduire  mes  lecteurs  par  les  mêmes  routes,  afin 
que  suivant  pas  à  pas  les  mêmes  traces^  ils  aient  aussi  les  mêmes  lumières  pour  découvrir  la 
vérité. 

Cette  manière  d'étudier  et  de  raisonner  paraît  d'abord  peu  méthodique  et  quelquefois  même 
un  peu  embarrassée  :  elle  est  sujette  à  des  redites  et  à  des  contradictions  apparentes,  et  la  lon- 
gueur y  est  inévitable.  Un  homme  qui  cherche  avec  empressement  une  chose  qu'il  n'a  pas  pré- 
sente, garde  souvent  peu  d'ordre  dans  cette  recherche  :  il  va,  il  vient,  il  avance,  il  recule,  il 
fouille  souvent  au  même  endroit.  Cela  ne  se  fait  i)as  sans  quelque  trouble;  mais  c'est  ainsi  que 
l'on  cherche  ce  qu'on  veut  trouver. 

Dans  l'étude  de  la  discipline,  comme  l'éloignement  des  temps  la  cache  <à  nos  yeux  et  qu'on 
n'en  ]ieul  découvrir  distinctement  les  règles  anciennes  que  par  une  recherche  très-exacte,  il 
faut  nécessairement  s'arrêter  beaucoup,  lire  et  relire  les  mêmes  canons,  repasser  souvent  les 
yeux  sur  une  même  histoire,  examiner  plusieurs  fois  un  même  fait,  et  suivre  enfin  sans  se  lasser 
les  vestiges  de  la  vérité,  quoiqu'ils  soient  à  demi  effacés  ;  ce  qui  ne  se  peut  faire  sans  quelque 
désordre  et  sans  quelque  espèce  de  confusion. 

Il  peut  quelquefois  arriver  qu'on  découvre  les  dogmes  d'une  autre  manière,  à  cause  de  l'en- 
chaînement qu'ils  ont  les  uns  avec  les  autres,  qui  fait  (ju'ils  se  suivent  naturellement.  Mais  les 
points  de  discipline  varient  de  telle  sorte,  et  ils  sont  si  différents  entre  eux,  selon  la  différence 
des  lieux  et  des  temps,  qu'il  faut  de  longues  suspensions  d'esprit  et  une  attention  infatigable 
pour  les  débrouiller. 

C'est  ce  qui  rend  absolument  nécessaire  à  un  ouvrage  de  cette  nature  celte  multitude  presque 
infinie  de  faits,  de  lois,  de  canons,  de  décrets  et  de  témoignages  des  saints  Pères  dont  il  ne  con- 
tient ([ue  le  résultat.  Car  ce  n'est  pas  moi  qui  dois  décider,  ce  sont  les  conciles,  les  papes  et  les 
saints  docteurs.  Je  ne  dois  être  que  leur  interprète;  mais  si  leurs  oracles  sont  longs,  s'ils  sont  en 
grand  nombre,  je  ne  puis,  sans  être  infidèle,  ni  les  taire  ni  les  abréger;  ainsi  la  longueur  est 
chose  (lue  je  n'ai  pu  éviter. 


l'RÉFAŒ  DU  PÈRE  THOMASSIN.  xxvii 

Les  vérités  spéculaiives  sont  simples,  et  toujours  les  mêmes  ;  on  peut  les  proposer,  et  les  prou- 
ver avec  beaucoup  de  brièveté,  parce  que  leur  Inmière  paraît  aussitôt,  et  (ju'elle  s'insinue 
d'abord  dans  l'esprit.  Mais  les  vérités  de  pratique  et  les  points  de  discipline  étant,  comme  je  l'ai 
déjà  dit,  d'une  nature  variable  et  dans  une  révoluîion  continuelle,  on  ne  peut  ni  les  établir,  ni 
leur  donner  de  la  certitude  et  de  la  clarté  que  par  une  foule  de  preuves  et  de  témoignages  qu'il 
faut  recueillir  de  toutes  paris,  en  justifiant  même  tous  leurs  changements  par  une  autre  foule 
de  preuves  et  d'autorités.  - 

11  est  aisé  de  juger  de  là  qu'il  est  difficile  à  un  homme  qui  fait  tant  de  citations,  et  qui  entasse 
tint  de  témoignages,  de  ne  se  méprendre  jamais,  quelque  soin  i[u'il  prenne  d'être  sur  ses 
gardes.  Dans  la  révision  que  j"ai  faite  de  mon  ouvrage  après  l'avoir  achevé,  j'en  ai  remarqué 
moi-même  un  grand  nombre  que  j'ai  corrigées;  j'y  ai  aussi  trouvé  des  manquements  de 
mémoire,  des  redites,  des  choses  touchées  trop  légèrement.  Je  ne  doute  point  que  les  savants 
n'y  en  découvrent  encore  davantage,  et  qu'ils  n'y  trouvent  un  juste  sujet  d'y  exercer  leur 
critique,  s'ils  n'aiment  mieux,  comme  je  les  en  conjure,  y  exercer  leur  charité. 

Je  les  prie  de  croire  que  la  seule  faute  dont  par  la  grâce  de  Dieu  je  suis  presque  incapable , 
est  celle  de  croire  que  je  puisse  être  exempt  de  faute,  et  que  je  suis  prêt  à  corriger  toutes  celles 
qu'ils  me  feront  la  grâce  de  me  découvrir.  Ils  doivent  considérer  qu'il  sera  et  plus  glorieux  pour 
eux  et  plus  édifiant  pour  le  public,  de  m'aider  à  me  relever  de  mes  chutes  en  me  donnant  la 
main  par  des  avis  pleins  de  charité,  qu'en  exerçant  sur  mon  ouvrage  une  censure  im- 
pitoyable. 

Je  ne  laisserais  pas  néanmoins  de  profiter  de  leur  critique,  quelque  rigoureuse  qu'elle  pût 
être,  et  de  corriger  les  fautes  qu'ils  m'auraient  fait  reconnaître.  Mais  ne  serait-il  pas  plus  avan- 
tageux et  pour  eux  et  pour  moi  de  concourir  unanimement  à  édifier  le  public,  de  traiter  avec 
une  charité  réciproque  les  mystères  de  la  vérité,  de  ne  mettre  ni  fiel  ni  aigreur  dans  les  correc- 
tions que  l'on  veut  faire,  et  de  recevoir  avec  une  douce  humilité  celles  dautrui;  d'avoir  une 
indulgence  réciproque  pour  les  fautes  qui  nous  échappent;  enfin  de  bannir  loin  de  nous  cet 
orgueil  qui  fait  que  l'on  se  croit  incapable  de  tomber  dans  les  défauts  que  l'on  remarque  dans 
les  autres,  et  qui  nous  empêche  de  rendre  justice  à  leurs  talents?  Si  ces  talents  nous  manquent, 
n'avons-nous  pas  la  consolation  de  les  retrouver  dans  nos  frères,  qui  nous  les  communiquent 
par  leurs  productions? 

Je  crois  avoir  quelque  sujet  d'espérer  un  traitement  favorable,  ne  m'étant  jamais  déclaré 
contre  personne.  J'ai  quelquefois  loué  les  auteurs  modernes  quand  j'ai  suivi  leurs  traces,  mais  je  ne 
les  ai  jamais  nommés  quand  j'ai  rejeté  leurs  sentiments.  Ne  pouvant  pas  suivre  leurs  pensées  , 
j'ai  respecté  leurs  personnes  et  épargné  leur  réputation.  J'ai  toujours  cru  que  l'animosité  des 
sentiments  et  des  personnes  est  un  des  plus  grands  obstacles  qu'on  puisse  trouver  dans  la 
recherche  de  la  vérité. 

Mais  le  point,  à  mon  avis,  où  il  est  le  plus  dangereux  de  se  partialiser,  ou  de  se  prévenir  d'un 
sentiment  particulier,  est  celui  qui  regarde  la  manière  de  traiter  les  points  contestés,  soit  sur  la 
juridiction  des  dignités  ecclésiastiques,  soit  sur  la  réformation  de  tous  les  ordres  qui  sont  dans 


xxvm  PREFACE  DU  PÉKE  THOMAbSliN. 

l'Eglise.  Peu  de  personnes  gardent  un  juste  inilieu;  toutes  passent  presque  aux  extrémités,  et 
même  à  des  extrémités  tout  opposées. 

Les  uns  voudraient  qu'on  leur  fît  voir  la  police  des  premiers  siècles  entièrement  semblable  à 
celle  de  nos  jours,  et  les  autres  ne  peuvent  souffrir  qu'on  y  remarque  ressemblance.  Ceux-ci 
sont  les  admirateurs  éternels  de  l'antiquité  et  les  censeurs  inexorables  du  dernier  âge  de 
l'Eglise,  et  ceux-là,  par  des  scrupules  mal  fondés,  ou  par  un  amour  excessif  du  temps  où  ils 
vivent,  et  peut-être  même  des  relâchements  qui  s'y  sont  glissés,  ne  peuvent  se  persuader  que  la 
discipline  de  l'Eglise  ait  pu  se  relâcher  en  quelques  points,  comme  elle  a  pu  en  d'autres  se  for- 
tifier et  se  rendre  plus  parfaite. 

Lu  modération  est  toujours  louable  ;  mais  elle  ne  fut  jamais  plus  nécessaire  que  dans  cette 
comparaison  délicate  que  l'on  fait  de  la  police  ancienne  de  l'Eglise  avec  la  nouvelle.  L'Eghse, 
qui  est  l'épouse  du  divin  Agneau,  est  toujours  la  même.  La  foi  ne  change  point,  et  elle  est  la 
même  durant  tous  les  siècles  ;  mais  sa  discipline  change  assez  souvent,  et  elle  éprouve  dans  la 
suite  des  années  des  révolutions  continuelles. 

La  police  de  l'Eglise  a  donc  sa  jeunesse  et  sa  vieillesse  ,  le  temps  de  ses  progrès  et  celui  de  ses 
pertes.  Sa  jeunesse  a  eu  plus  de  vigueur,  mais  elle  a  eu  bien  des  défauts.  On  y  remédia  dans  les 
âges  qui  suivirent;  mais  en  lui  acquérant  de  nouvelles  perfections,  on  lui  laissa  perdre  l'éclat 
des  anciennes.  La  ^^eillesse  est  plus  languissante,  comme  il  paraît  par  les  condescendances  que 
l'on  croit  nécessaires  en  ce  temps;  mais  si  l'on  prend  la  balance  en  main,  et  {]ue  l'on  pèse 
juste  toutes  choses,  l'on  trouvera  que  sa  vieillesse,  comme  sa  jeunesse,  a  ses  avantages  et  ses 
manquements. 

Les  conciles,  les  papes  et  les  Pères  ont  corrigé  ce  qui  manquait  à  la  discipline  primitive  et 
tant  de  règles  du  dernier  concile ,  et  tant  de  belles  ordonnances  de  plusieurs  prélats  qui  par 
leur  doctrine  et  leur  piété  brillent  comme  des  astres  dans  l'Eglise,  ont  remédié  et  remédient 
encore  tous  les  jours  à  ce  qu'il  y  a  d'imparfait  dans  la  discipline  de  ces  derniers  temps. 

Ces  considérations  m'ont  porté  à  prendre,  autant  que  j'ai  pu,  de  justes  mesures  pour  louer  les 
avan'agcs  de  la  discipline  des  premiers  siècles,  sans  flétrir  la  gloire  de  celle  qu'on  suit  aujour- 
d'hui ;  à  relever  les  beautés  de  l'Eglise  primitive,  de  manière  que  je  fisse  voir  en  même  temps 
(lu'il  lui  en  manquait  d'autres,  qu'elle  n"a  acquises  que  par  la  suite  des  temps,  et  enfin  à 
rechercher  dans  la  plus  ancienne  police,  les  vestiges  obscurs  et  cachés  des  changements  qu'elle 
a  soufferts  jusqu'à  notre  temps. 

Car  pour  peu  qu'on  ait  d'intelligence  de  la  police  et  de  la  morale  de  l'Eglise  ,  l'on  sait 
(lu'il  faut  distinguer  deux  sortes  de  maximes  dans  sa  discipline.  Les  unes  sont  des  règles 
immuables  de  la  vérité  éternelle,  qui  est  la  loi  première  et  originelle  dont  il  n'est  jamais  permis 
de  se  dispenser.  On  ne  peut  prescrire  contre  ces  maximes  ;  ni  la  différence  des  pays,  ni  la  diver- 
sité des  mœurs,  ni  la  succession  des  temps,  ne  les  peuvent  jamais  altérer.  Les  autres  ne  sont  que 
des  pratiques  indifférentes  en  elles-mêmes ,  qui  sont  plus  autorisées,  plus  utiles,  ou  plus  néces- 
saires en  un  temps  et  en  un  lieu,  qu'en  un  autre  tem|)s  et  en  un  autre  lieu,  parce  qu'elles  n'ont 
été  établies  que  pour  faciliter  l'observation  de  ces  lois  premières  qui  sont  éternelles.  Ainsi  laPro- 


PRÉFACE  DU  PÈRE  TIIOMASSIN. 


XXIX 


videncc,  qui  a  fait  succéder  l'Eglise  à  la  Synagogue,  qui  forme  ses  âges  et  qui  règle  tous  ses 
changements,  ménage  avec  beaucoup  de  sagesse  et  de  charité  ce  trésor  de  pratiques  différentes, 
selon  qu'elle  le  juge  plus  utile  pour  conduire  par  ces  changements  la  divine  épouse  de  son  Fils 
à  un  état  immuable  de  gloire  et  de  sainteté. 

C'est  de  cette  dernière  sorte  de  maximes  (jue  j'ai  dit  qu'il  faut  regarder  tous  les  changements 
qui  s'en  font  dans  l'Eglise  avec  beaucoup  de  modération  et  de  retenue.  Les  uns  semblent  à  la 
vérité  plus  propres  que  les  autres  à  faire  observer  exactement  les  devoirs  indispensables  des  lois 
éternelles  :  il  se  peut  faire  néanmoins  qu'elles  y  soient  moins  propres  dans  une  nouvelle  con- 
joncture de  temps,  de  lieux,  et  de  personnes.  - 

L'exactitude  et  la  rigueur  du  droit,  généralement  parlant,  sont  préférables  aux  condescen- 
dances et  aux  relâchements  ;  néanmoins  il  y  a  des  occasions  où  cette  rigueur  si  exacte  pourrait 
nuire,  et  où  une  condescendance  charitable  est  nécessaire  pour  ne  rien  gâter.  Nous  apprendrons 
des  saints  Pères  dans  la  suite  de  ce  livre,  que  J.-C.  qui  est  le  fondateur,  et  les  apôtres,  qui  sont 
les  architectes  de  l'Eglise,  en  ont  jeté  les  fondements  sur  des  dispenses  salutaires.  L'établisse- 
ment ou  le  rétablissement  du  chef  de  FEglise  dans  sa  dignité  après  sa  chute  ne  fut-il  pas  l'effet 
d'une  dispense  qui  peut  servir  d'exemple  à  tous  les  siècles  ? 

Il  n'est  jamais  pardonnable  à  des  particuliers  de  se  relâcher  des  pratiques  saintes  de  l'Eglise  : 
mais  quand  l'Eglise  même  autorise  quelque  adoucissement  pour  une  utilité  évidente  ,  ou  pour 
quelque  nécessité  pressante  des  Qdèles,  ces  accommodements,  quoique  contraires  en  apparence  à 
la  lettre  des  canons,  sont  effectivement  conformes  à  leur  esprit  :  et  bien  loin  d'être  opposés  aux 
maximes  toutes  pures  de  la  loi  éternelle,  ils  sont  des  oracles  et  des  ordonnances  de  la  Charité  qui 
est  elle-même  la  loi  éternelle. 

C'est  encore  de  cette  sorte  de  pratiques,  libres  et  indifférentes  en  elles-mêmes,  et  unique- 
ment introduites  pour  rendre  plus  facile  l'observation  de  la  loi  éternelle,  que  nous  nous  sommes 
proposé  de  rechercher,  non-seulement  le  premier  établissement,  mais  encore  les  traces  presque 
imperceptibles  des  changements  qui  s'y  sont  faits  dans  la  longue  durée  des  siècles  :  ce  qui  paraît 
surtout  dans  l'exeixice  de  la  juridiction  ecclésiastique,  où  ces  changements  ont  été  très-fré- 
quents. 

La  principale  autorité  passa  d'abord  de  J.-C.  à  saint  Pierre  et  aux  apôtres;  des  apôtres  aux 
évèques  ;  et  ensuite  des  évoques  aux  conciles;  des  conciles  elle  retomba  entre  les  mains  des 
évèques  ;  et  enfin  une  grande  partie  de  cette  autorité  a  passé  des  évèques  au  fiape.  Il  serait  peut- 
être  inutile,  ou  du  moins  il  n'est  pas  nécessaire  d'examiner  laquelle  de  ces  polices  différentes  est 
la  plus  naturelle  et  la  plus  avantageuse  à  l'Eglise.  Quelque  parti  que  nous  prenions,  il  n'en  sera 
rien  autre  chose  que  ce  qu'il  a  plu  à  Dieu  d'en  ordonner  par  sa  providence  pleine  de  sagesse. 
C'est  Lui  qui  a  fait  ces  changements,  ou  qui  du  moins  les  a  permis  ;  et  puisqu'il  ne  fait  ni  ne 
permet  rien  que  pour  la  plus  grande  gloire  de  son  nom  et  pour  le  salut  de  ses  élus  nous  devons 
agréer  ce  qu'il  agrée,  et  nous  soumettre  avec  respect  à  toutes  ses  sages  dispositions. 

Il  importe  bien  moins  d'examiner  par  quelles  mains  la  juridiction  principale  de  l'Eglise  est 
administrée,  que  de  savoir  par  quelles  règles  et  avec  quelle  conformité  à  la  loi  éternelle  elle  est 


XXX  PRÉFACE  DU  PÈRE  THOiMASSIN. 

exercée.  Que  ce  soient  les  évoques,  ou  les  conciles,  ou  les  papes  qui  l'exercent ,  ce  sont  toujours 
les  vicaii'cs  de  J.-C,  les  successeurs  des  apôtres,  les  dépositaires  de  l'autorité  apostolique,  qui 
sont  assis  au  gouvernail  et  qui  exercent  sur  toute  l'Eglise  un  Empire  céleste  et  divin.  L'im- 
portance est  qu'ils  l'exercent  selon  les  règles  de  la  vérité  et  de  la  charité,  qui  sont  les  deux  lois 
éternelles,  ou  plutôt  la  loi  unique  qui  subsiste  éternellement.  Soit  qu'ils  usent  des  rigueurs  du 
droit,  soit  qu'ils  en  adoucissent  la  sévérité ,  il  faut  nécessairement  qu'ils  n'aient  point  d'autre 
vue  que  d'édifler  l'Eglise  et  de  l'assister  selon  ses  besoins. 

C'est  ce  saint  usage  de  l'autorité  qui  est  d'une  nécessité  indispensable.  Mais  quant  à  ceux  qui 
sont  les  dépositaires  et  les  ministres  d'une  si  sainte  autorité,  suivant  les  ordres  de  la  Providence 
dans  chaque  âge  et  dans  chaque  siècle,  il  est  bon  de  travailler  toujours  à  aCfermir  leur  trône  et 
de  faire  remarquer  quelques  rayons  de  la  puissance  qu'ils  ont  exercée  dans  les  siècles  les  jilus 
purs,  les  plus  reculés  et  pour  cela  même  les  plus  révérés. 

Il  ne  me  reste  presque  plus  qu'à  rendre  compte  au  lecteur  de  la  distinction  d'âges  que  j'ai 
faite,  pour  régler  les  matières  que  je  dois  traiter.  Je  distingue  quatre  âges  de  l'Eglise,  depuis  sa 
naissance  au  temps  des  apôtres  jusqu'à  notre  temps. 

Je  finis  le  premier  au  commencement  de  l'empire  de  Clovis. 

Le  second  à  celui  de  Charlemagne. 

Le  troisième  à  Hugues  Capet. 

Et  le  quatrième  au  temps  où  nous  sommes. 

Quand  la  gloire  de  la  France  ne  m'eût  i)oint  engagé  dans  ce  partage,  pouvais-jc  me  fixer  à  des 
époques  plus  illustres  et  plus  mémorables  que  celles  (jui  se  prennent  des  trois  augustes  races 
de  nos  rois  ?  Clovisse  trouve  le  seul  monar({ue  catholique  environ  Fan  500,  ce  qui  le  rend  bien 
digne  de  paraître  à  la  tète  du  second  âge  de  l'Eglise. 

On  peut  ajouter  à  cela  que  l'empire  d'Occident  ayant  été  en  même  temps  démembré  en  i)hi- 
sieurs  Etats,  la  police  de  l'Eglise  changea  aussi  de  face ,  par  la  sympathie  comme  naturelle 
qu'elle  paraît  avoir  avec  l'empire.  Pépin  et  Charlemagne,  qui  parurent  au  huitième  siècle,  ne 
relevèrent  pas  seulement  l'Etat,  mais  aussi  l'Eglise,  qui  était  comme  enveloppée  dans  la  même 
ruine.  Leurs  ca|)itulaircs  donnèrent  une  nouvelle  face  à  sa  discipline,  et  la  firent  refleurir  avec 
une  beauté  nouvelle. 

Saint  Grégoire  a  dit  des  rois  de  l'auguste  famille  de  Clovis,  qu'ils  étaient  autant  élevés  au- 
dessus  des  autres  rois  du  monde,  que  les  rois  le  sont  au-dessus  des  autres  hommes.  Mais  on  peut 
dire  que  du  sang  et  du  trône  impérial  de  Charlemagne  sortirent  des  rois  qui  dominèrent  l'Eu- 
rope presque  entière,  et  qui  exercèrent  un  empire  tout  ecclésiastique.  La  décadence  de  cette 
auguste  famille  entraîna  l'Eglise  et  l'Etat  dans  une  horrible  désolation.  Enfin  Hugues  Capet  et 
ses  illustres  descendants  recueillirent  les  débris  de  ce  double  naufrage,  et  donnèrent  à  l'Eglise  et 
à  l'Etat  ce  nouveau  jour  et  ce  sage  tempérament  (jui  a  fait  l'esjiril  et  le  caractère  du  droit  nou- 
veau. 

Il  est  donc  certain  que  l'Eglise  et  notre  monarchie  ont  eu  les  mêmes  révolutions,  les  mêmes 
défaillances  et  les  mêmes  ressources,  pour  reprendre  leur  ancien  lusti-e.  Ainsi  nous  n'avons  pu 


PR^':FACE  nu  père  THOMASSIN.  XXXI 

prendre  de  plus  insignes  époques  des  trois  derniers  âges  de  1 1  discipline  ecclésiastique.  Pour  le 
premier  nous  ne  pouvions  ignorer  que  l'époux  et  l'épouse  ne  faisant  qu'une  même  personne,  la 
naissance  du  Sauveur  du  monde  avait  été  celle  de  l'Eglise  même.  C'est  donc  le  Roi  éternel,  né 
dans  le  temps,  qui  a  commencé  le  premier  âge  de  l'Eglise;  et  ce  sont  trois  de  nos  rois,  ses  plus 
vives  images,  qui  ont  marqué  les  commencements  des  trois  âges  suivants  (1). 

(1)  Le  P.  Thomasbin,  au  début  de  cette  préface,  a  écrit  ces  prophétiques  paroles  :  «  La  même  Providence  qui  m'a  poussé  plus 
«  loin  que  je  ne  prétendais  aller,  en  suscitera  peut-être  d'autres  qui  fourniront  cette  carrière,  et  qui,  ayant  autant  de  pouvoir 
«  que  j'ai  eu  de  bonne  volonté,  domieront  la  dernière  main  à  un  ouvrage  que  la  mienne  n'a  fait  qu'ébaucher.  »  11  pressentait 
qu'un  temps  viendrait  où  son  œuvre,  quoique  parfaite,  aurait  besoin  d'un  supplément  pour  pouvoir  être  utile. 

Une  tâche,  bien  rude  sous  deus  rapports,  nous  a  été  départie  par  cette  même  Providence  qui  poussait  Thomassin.  La  pre-, 
mière  difficulté  se  trouvait  pour  nous  dans  l'acte  même  de  continuer  l'œuvre  d'un  homme  tel  que  le  P.  Thomassin.  Mais  notre 
bonne  volonté  et  l'absence  chez  nous  de  toute  prétention  nous  ont  fait  passer  outre.  La  seconde  difficulté  n'était  pas  moins 
grande.  Il  nous  incombait  d'exposer  la  discipline  de  l'Eglise  dans  le  cinquième  âge,  celui  qui  s'est  écoulé  depuis  Thomassin  jus- 
qu'en 1864,  âge  fatal  que  nous  appelons,  avec  raison,  l'âge  des  révolutions  et  des  pertes  éprouvées  par  l'Eglise.  Quelle  distance 
nous  sépare  de  Thomassin!  Quand  ce  grand  canoniste  écrivait,  l'Eglise  était  partout  constituée  légalement  avec  ses  droits,  ses  pri- 
vilèges, ses  prérogatives,  ses  exemptions;  sa  hiérarchie  était  partout  acceptée,  ses  couvents,  ses  biens  légalement  reconnus  et 
protégés;  ses  tribunaux  fonctionnaient  ;  sa  législation,  connue  sous  le  nom  de  droit  canonique,  étendait  partout  sa  salutaire  in- 
fluence ;  l'immunité  couvrait  ses  personnes  et  ses  propriétés  ;  les  personnes  ecclésiastiques  jouissaient  des  privilèges  Fori  et  Ca- 
nonis;  le  cathohcisme  était  la  religion  d'Etat  de  tous  les  pays  catholiques  ;  l'Eglise  était  indépendante,  libre  dans  ses  actions,  co  lé- 
gislatrice, puisque  le  clergé,  dans  les  états  généraux,  était  le  premier  corps  de  l'Etat.  Mais  aujoMd'hui,  hélas!  que  resle-t-il  de 
tant  de  puissance? 

Depuis  Thomassin  ont  surgi  les  fatales  et  destructives  lois  joséphines  en  .Allemagne  et  en  Toscane,  suivies  du  schismatique  con- 
grès d'Ems,  tenu  en  1785  par  les  principaux  archevêques  d'.\llemagne  pour  déclarer  que  l'Eglise  serait  nationale,  et  que  désor- 
mais l'empereur  en  serait  te  chef;  puis  la  révolution  française  qui  détruisit  tout  en  Europe,  et  mit  la  déesse  Raison  sur  l'autel 
du  Rédempteur  des  hommes;  puis  la  révolution  d'Espagne  en  1833,  qui  bouleversa  de  fond  en  comble  l'Eglise  dans  cette 
cathohque  nation;  puis  la  révolution  d'itahe  qui,  en  trois  ans,  a  mis  l'Eglise  dans  le  triste  état  où  nous  la  voyons  en  ISCl,  cou- 
vents changés  en  casernes,  évèques  proscrits  ou  emprisonnés,  clergé  fidèle  persécuté. 

Et  ce  sont  les  changements  survenus  dans  la  discipline  à  la  suite  de  ces  catastrophes  néfastes  que  nous  avons  à  faire  connaître. 
Heureux  Thomas-in! 

Il  est  vrai  qu'en  1801  est  survenu  le  Concordat  français  pour  empêcher  la  religion  de  disparaître  complètement  de  dessus  la 
face  de  l'Europe.  .Mais  la  joie  qu'en  resseulirent  le  pape  et  tous  les  catholiques  fut  empoisonnée  par  l'addition  obreptice  et  subreptice 
des  tristes  articles  organiques,  fruits  de  l'EgUse  constitutionnelle,  qui  navrèrent  de  douleur  Pie  VU  et  jetèrent  l'Eglise  esclave  dans  les 
mains  de  la  bureaucratie  civile.  Voici  ce  qu'en  dit  dans  ses  Mémoires,  publiés  en  1864,  le  grand  cardinal  Consalvi,  nommé  légat 
pour  la  conclusion  du  Concordat  :  «  On  ne  comprenait  pas  les  raisons  de  ce  mystérieux  retard,  mais  on  en  eut  bientôt  la  clef 
«  quand,  à  Pâques  de  l'année  suivante,  on  vit  apparaître  un  gros  volume  portant  pour  litre  :  Concordat.  La  première  et  la 
«  seconde  page  contenaient  seules  le  véritable  texte  du  traité,  en  dix-sept  articles,  si  j'ai  bonne  mémoire.  Les  lois  organiques 
«  fabriquées  par  le  gouvernement  français  remplissaient  tout  le  volume.  Pour  persuader  aux  lecteurs  superficiels  et  vulgaires  que 
«  ces  articles  organiques  avaient  été  acceptés  par  le  pape,  on  les  avait  frauduleusement  placés  sous  le  titre  et  sous  la  date  du 
«  Concordat.  Et  cependant  ils  étaient  postérieurs  au  moins  d'un  an  à  ce  traité.  Je  renonce  à  dépeindre  le  chagrin  que  ces  articles 
«  organiques  causèrent  au  pape.  Il  comprenait  que  le  Concordat  était  bouleversé  et  anéanti  au  moment  même  de  sa  publication,  et 
«  qu'on  portait  ainsi  un  immense  préjudice  à  la  reUgion  et  aux  règles  essentielles  de  l'Eghse.  Il  ne  restait  à  Pie  VII  d'autre  moyen 
«  de  protester  quo  de  déclarer  hautement,  en  face  du  monde,  dans  une  allocution  consistoriale,  imprimée  à  l'heure  même  où  le 
«  Concordat  paraissait  à  Rome,  que  ces  lois  organiques  lui  étaient  absolument  inconnues,  qu'il  n'y  avait  pris  aucune  part,  qu'elles 
«  lui  infligeaient  la  plus  vive  peine,  et  qu'il  allait  présenter  au  premier  consul  ses  plus  pressantes  réclamations,  —  ce  qu'il  fit.  » 
(Tome  II,  page  377.) 

Nous  ferons  comme  Thomassin,  nous  marcherons  dans  notre  travail  avec  les  documents  authentiques  et  les  témoignages  les  plus 
irrécusables.  Les  choses  d'opinion  douteuse  et  libre,  nous  les  laisserons  telles.  Mais  nous  ne  transigerons  jamais  sur  ce  (\m\.\exAà  l'essence 
de  la  discipline  immuable.  On  peut  voir  par  là  que  les  ai'ticles  organiques,  qui  ont  aviU  et  anéanti  le  ministère  pastoral  en  France, 
nous  les  traiterons  pour  ce  qu'ils  valent.  Cependant  nous  nous  empressons  de  rendre  justice  au  gouvernement  sur  un  point  fon- 
damental. Bien  convaincu  que  le  ministère  pastoral  finirait  par  périr  s'il  était  ce  que  semblent  le  faire  les  articles  organiques,  en  le 
rendant  révocable  sans  raison,  il  se  hàla  d'abandonner  ces  principes  funestes,  et  par  deux  décrets  impériaux  de  1811  et  de  1813, 
il  déclara  et  reconnut  inamovibles  tous  les  curés  ruraux  dits  improprement  desservants.  Dans  notre  livre  Les  lois  de  l'Eglise  sur 
la  nomination,  la  mutation  et  la  révocation  des  curés.  — Situation  anormale  de  FE/jHse  de  France,  nous  avons  demandé 
respectueusement  pourquoi  les  sommités  ecclésiastiques  et  préfectorales  ont  constamment  tenu  un  voile  épais  sur  ces  deux  provi- 
dentiels décrets,  et  nous  avons  montré  comment,  à  travers  les  plis  amoncelés  de  ce  voile,  ils  se  sont  constamment  tendus  une 
main  amicale  poar  opérer  une  infinité  de  changements  qui  n'avaient  pas  leur  raison  canonique,  qui  étaient  une  violation  des  dé- 
crets impériaux  de  1811  et  1813  et  des  lois  du  concile  de  Trente.  Nous  avons  indiqué  le  remède  à  ce  mal. 

En  terminant  cette  addition  nécessaire  à  la  préface  de  Thomassin,  nous  croyons  devoir  ajouter,  en  nous  inclinant  humblement 
devant  Celui  qui  est  la  voie,  la  vérité  et  la  vie  :  Da,  Domine,  sedium  tuarum  assislricem  sapieniiam,  ut  mecum  sit  et 
mecum  laborel.  (D'  André.) 


m  •       • 

ANCIENNE  Eï  NOUVELLE       *  •  ■ 

DISCIPLINE    DE    L'ÉGLISE 

TOUCHANT  LES  BÉNÉFICES  ET  LES  BÉNÉFICIERS. 


-  PREMIERE   PARTIE. 

Qn  TRAITE  :  1°  DU  PREMIER  ORDRE  DES   CLERCS.  —  2"  DU  SECOND  ORDRE. 
—  3°  DES  CONGRÉGATIONS  MONASTIQUES. 


LIVRE   PREMIER. 

Où  il  est  traité  du  premier  ordre  des  Clercs,  c'est-à-dire,  des  Evêques,  de  leur  origine, 
progrès,  droits,  privilèges,  fonctions,  obligations,  etc.,  etc. 


CHAPITRE  PREMIER. 

DE    l'ÉPISCOP.\T    en    GÉNÉR.\L,  yil  EST  L.\    PLÉNITUDE    ET   LA    S01VER.\1NETÉ  SPIRITUELLE  DU     SACERDOCE 

I.  Le  Fils  de  Dieu  est  la  loi  vivante,  et   le   pontife   éternel  V  prêtrise  d'une  manière  incomparablement  plus  noble,  et   il   en 
de  son  Eglise.  exerce  d'autres. 

II.  Allant  exercer  son  sacerdoce  dans  le  ciel,  il  a  laissé  ses-  XII.  Autrefois    les  prèlres  n'exerçaient   les  fonctions   de  la 
substituts  e!  ses  minis'res  sur  la  terre.  prêtrise  même,  qu'en  l'absence  de  l'évêque. 

III.  Ce  sont   les  apôtres,   et  les  évèques  successeurs    des  .  XIII.  L'évêque  seul  peut  communiquer  le   sacerdoce,  parce, 
apùtres.  qu'il  en  a  la  plénitude. 

IV.  Auxquels  il  a  communiqué  la  plénitude  et  la  souverai-  XIV.  J.-C.  institue,  l'évêque   communique,  le  prêtre  exerce 
neté  de  son   sacerdoce,  ainsi  qu'il   élait   dlune,  et   de   lui,   et  le  sacerdoce. 

d'eux.  XV.   L'évêque  a  non-seulement  la  fécondité  du   sacerdoce, 

V   L'épiscopat  n'est  donc   pas  une   simple   extension   de  la  mais  aussi  le  pouvoir  de  communiquer  cette  fécondité. 

prêtrise,  si  l'on  considère   comment  J.-C.    l'a  possédé   et   l'a ^ 

communiqué  à  ses  apôtres.  I.  Le  Fils  de  Dieu  éfaiit  venu  sur  la  ferre. 
VI.  Saint  Paul  et  saiul  Jérôme  insinueut  seulement  que   l'E-  v  établit  une  uouvelle  loi.  et  en  même  temps  UIl 

glise,  daus  tes   commencement?,  n'avait   que   des   évêques,   et  ,             ..            i    »    -x        i             • 

avait  besoin  que  tous  les  prèires  fussent  évêques.  nouveau  sacenioce  ;  il  Voulut  être  lui-même 

vil.  Ceux  qui  donnèrent  naissance  aux  Eglises  étaient    tous  notre  SUi)rèliie  lei ,  et  notre  Souverain  I»iiiitife. 

des  hommes  apostoliques.  \\  ^.Jt  la  \ér:té  éternelle  ,  et  en  cette  uiialile  il 

'  VIII.  La  prédication,  la  propagation   des  Eglises,  la   conveN  ,        ii-i        xi'-ii         ij               ii 

sion  et  la  conduite  des  grandes  villes  demandaient  des  évêques.'  ^st  notre  loi  et  notre  législateur  tout  ensemble. 

IX.  On  connaît  mieux  la  nature  de  l'épiscopat  dans  sa  source.  Sa  charité  éternelle  La  porté  à  se  revêtir  de 
en  J.-C.  et  daus  les  apôtres.  notre  cliair  dans  le  temps,  et  en  ce  sens  il  est 

X.  Un  prêtre   qu'on  fait  évêque    reçoit   la  plénitude   et   la  ,               ,          ,,         i  i        ■   .•           , 

souveraineté  du  sacerdoce  qu',1  n'avait  pas.  'le^t^n"  le  prêtre  et  la  Victime  de  son  nouveau 

XI.  Etant  fait  évêque,  il  exerce  les   fonctions   mêmes  de   la  Sacerdoce. 

Th.  —  Tome  I.  • .             1 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  PREMIER. 


Une  loi  nouvelle  demandait  un  sacerdoce 
nouveau,  selon  le  raisonnement  de  saint  Paul 
(Heb.  VII,  11);  un  pontife  accompli  devait 
être  lui-même  la  loi  vivante  de  son  peuple  : 
enfin  la  loi  d'un  peuple  et  d'un  Etat  qui  ne  doit 
jamais  finir  ne  pouvait  être  autre  que  la  loi 
et  la  vérité  éternelle. 

H.  11  est  aussi  le  pontife  éternel  de  la  Jérusa- 
lem céleste,  selon  le  même  apôtre,  oîi  il  s'offre 
et  offre  tout  ensemble  toute  l'Eglise  bienheu- 
reuse du  cielj  comme  un  holocauste  éternel  à 
la  gloire  de  son  Père.  Mais  en  s'élevant  dans  le 
ciel,  il  n'a  pas  abandonné  la  terre,  il  est  de- 
meuré en  la  personne  de  ceux  qu'il  y  a  associés, 
et  qu'il  y  associe  perpétuellement  à  son  divin 
sacerdoce  ;  et  dans  la  victime  éternelle  qu'il 
leur  a  ordonné  dimmoler.  Resserrons- nous 
dans  notre  sujet,  qui  n'est  déjà  que  trop  vaste 
I)our  nous,  et  revenons  au  sacerdoce  qu'il  a 
lui-même  exercé  et  qu'il  exerce  encore  par  ses 
ministres  sur  la  terre. 

III.  Car  il  est  certain  que  le  Verbe  incarné 
possédait  sur  la  terre  la  plénitude  du  sacerdoce, 
et  qu'étant  résolu  de  se  retirer  dans  le  ciel,  il 
l'a  comnumiquée  à  ses  apôtres ,  pour  la  trans- 
mettre à  leurs  successeurs,  et  la  l'épandre  dans 
rEj,4ise  juscju'à  la  fin  des  siècles.  L'apostolat, 
ou  l'épiscopat  institué  par  le  Fils  de  Dieu, était 
donc  la  plénitude  même  du  sacerdoce,  et  il  en 
contenait  avec  éminence  tous  les  degrés,  tous 
les  ordres  et  toutes  les  jterfections. 

IV.  Les  apôtres  n'ont  point  été  ordonnés  par 
le  Fils  de  Dieu  en  la  même  manière  (]ue  le 
sont  à  présent  ceux  qui  depuis  les  moindres 
ordres  montent  successivement  et  comme  jiar 
degrés  jusqu'aux  plus  hauts,  et  arrivent  enfin 
au  comble  du  sacerdoce.  La  dignité  des  apôtres, 
et  encore  bien  plus  l'incomiiréhensible  ma- 
jesté du  Verbe  incarné,  demandait  une  manière 
plus  noble ,  plus  riche  et  plus  divine ,  de  rece- 
voir et  de  donner  l'auguste  (jualité  de  Pères  et 
de  souverains  '  prêtres  de  l'Eglise.  Tous  les 
hommes  reçoivent  l'être  par  ces  faibles  com- 
mencements, et  par  ces  accroissements  lents  et 
pénibhss  (jui  les  avertissent  de  leur  bassesse. 
Mais  celui  que  Dieu  créa  pour  être  le  premier 
et  le  commun  père  de  tout  le  genre  humain, 
reçut  en  ini  instant  toute  la  perfection  de  sa 
nature  et  de  sa  dignité,  de  la  main  toute-puis- 
sante de  ce  divin  Ouvrier  qui  ne  peut  rien 
jiroduire  que  de  pariait,  et  (jui  ne  peut  com- 
uicnccT-  SCS  ouvrages  sans  les  achever.  Le  ImIs 
de  Dieu  formant  son  Eglise  comme  un  inonde 


nouveau,  et  voulant  que  ses  apôtres  fussent  les 
pères  de  tous  les  peuples  qu'il  y  appellerait , 
il  leur  donna  en  même  temps,  par  la  toute- 
])uissance  de  sa  [larole  et  de  son  es]irit,  la  plé- 
nitude entière  et  tous  les  avantages  du  sacer- 
doce divin,  qui  devait  donner  naissance  à 
tous  les  enfants  de  Dieu  dans  la  suite  des 
siècles. 

V.  Ceux  qui  ont  considéré  le  sacerdoce  en  la 
manière  (pie  nous  y  parvenons,  en  montant 
depuis  les  ])lus  bas  degrés  jusqu'aux  plus  émi- 
nents,  se  sont  trouvés  embarrassés  k  expliquer 
ce  que  l'épiscopat  ajoutait  à  l'ordre  et  au  carac- 
tère de  la  prêtrise.  Car,  les  deux  iiouvoirs  admi- 
rables de  consacrer  le  corps  du  Fils  de  Dieu 
et  de  remettre  les  péchés  ayant  été  accordés 
aux  prêtres,  (|ue  peut-on  attribuer  de  |«lus  re- 
levé et  de  plus  divin  à  l'épiscopat?  De  là  il  est 
arrivé  que  plusieurs  théologiens  célèbres  dans 
l'école,  et  quelipics-uns  même  de  ceux  qui 
se  sont  avec  plus  de  soin  applitiués  à  la  lecture 
des  Pères  et  des  conciles,  ont  pensé  que  l'épis- 
copat n'était  (ju'une  extension  du  caractère  de 
la  prêtrise  ;  et  ce  qu'on  ne  peut  dire  sans  quel- 
iiue  étonnement,  ils  ont  même  avancé  que  ce 
n'était  qu'une  extension  morale.  Il  était  diffi- 
cile de  rien  imaginer  qui  rabaissât  et  qui  obs- 
curcît davantage  le  i)lus  haut  et  le  plus 
éclatant  de  tous  les  ordres  et  de  tous  les 
divins  ministères  que  J.-C.  a  établis  dans  son 
Eglise. 

VI.  Il  est  vrai  que  ce  n'a  pas  été  le  dessein 
de  ces  théologiens  de  rien  diminuer  de  l'éclat 
et  des  avantages  de  l'épiscopat,  et  que  leur  but 
n'a  été  (|ue  de  donner  (jnelque  éclaircissement 
aux  paroles  de  saint  Jérôme  et  de  tant  d'autres 
écrivains  ecclésiastiques,  qui  semblent  dire 
{|u'au  temps  des  apôtres  et  dans  les  i)remiers 
siècles  les  évoques  et  les  prêtres  ont  été  les 
mêmes ,  et  que  c'est  pour  cela  que  saint  Paul 
les  a  souvent  confondus.  Mais ,  sans  blesser  le 
respect  qui  est  dû  à  des  théologiens  si  savants, 
ne  peut-on  pas  croire  que  les  termes  de  saint 
Paul ,  et  par  conséquent  ceux  de  saint  Jérôme 
et  des  autres  écrivains  sur  le  même  sujet,  ne 
signifient  autre  chose  si  ce  n'est  que  dans  ces 
premiei-s  commencements  de  l'Eglise  on  imi- 
tait de  plus  jirès  l'exemple  que  le  Fils  de  Dieu 
avait  donné  :  et  comme  il  avait  tout  d'un  coup 
tlouné  à  ses  apôtres  la  dignité  et  les  pouvoirs 
de  la  prêtrise  et  de  réi)iscopat,  les  apôtres  en 
usaient  ou  pres(]ue  toujours,  ou  souvent  de 
même,  et  donnaient  l'épiscopat  à  tous  ceux  à 


DE  L'ÉPISCOPAT  EN  GENERAL. 


qui  ils  conféraient  l'ordre  et  le  rang  de  prêtres 
et  de  sacriliealeurs    I  . 

Vil.  La  même  raison  nui  avait  porté  le  Fils  de 
Dieu  à  ne  pas  séparer  la  communication  de 
ces  deux  digiiit(''s,  aussi  relevées  en  sainteté 
qu'en  puissance,  obligea  aussi  les  apôtres  à  les 
conférer,  ou  toujours,  ou  presque  toujours  en- 
semble, et  aux  mêmes  personnes,  qu'ils  éle- 
vaient aussi  en  quelque  façon  au  rang  d'apô- 
tres ou  d'hommes  apostoliques.  Nous  verrons 
dans  la  suite  que  ces  premiers  évoques ,  sacrés 
par  la  main  des  apôtres,  furent  honorés  non- 
seulement  du  nom  dhommes  apostoliques, 
mais  aussi  de  celui  d'apôtres.  Ils  n'en  avaient 
le  nom  que  parce  qu'ils  avaient  aussi  part 
au  même  esprit ,  au  même  zèle ,  et  au  même 
pouvoir.  Qu'on  ne  s'étonne  donc  plus  si  leur 
ordination  avait  aussi  beaucoup  de  ressem- 
blance avec  celle  des  apôtres. 

VIll.  Comme  leur  zèle  et  leur  charité  n'avaient 
point  de  bornes,  leur  puissance  et  leur  juridic- 
tion n'en  devaient  point  avoir  .On  les  ordonnait, 
non   pas  simplement  pour  sacrifier  ou  pour 
guérir  les  plaies  que  le  péché  fait  aux  âmes, 
mais  principalement   pour    annoncer   Jésus- 
Christ,  pour  |iublier  lEvangile  où  il  n'avait 
jamais  été  entendu,  pour  augmenter  le  nombre 
des  fidèles,   enfin  pour  exercer  les  fonctions 
apostoliques.   On  ne  les  consacrait  que  pour 
aller  ou  convertir,  ou  gouverner  les  meilleures 
villes  et  les  cités  de  chaque  province ,  afin  que 
de  là  la  foi  se  répandît  dans  tous  les  moindres 
lieux  du  voisinage.  Car  il  n'est  nullement  pro- 
bable que  la  foi  s'étendît  d'al)ord  dans  les  vil- 
lages avant  les  villes.  Les  apôtres  donnèrent 
l'exemple,  en  se  jetant  sur  les  plus  importantes 
villes  de  l'empire.  Le  prince  des  apôtres  entre- 
prit la  conquête  des  trois  principales ,  et  qui 
étaient  comme  les  reines  des  trois  parties  du 
monde,  Rome,  Alexandrie,  Antioche.  Les  autres 
apôtres  attaquèrent  à  son  exemple  les  plus  fa- 
meuses d'entre  les  autres  villes.  Saint  Jean  se 
rendit  maître  de  ces  sept  illustres  cités  dont 
il  parle  dans  son  Apocalypse.  Saint  Paul  ne 
s'arrêta  que  dans  des  villes  considérables  ;  et 
ce  n'est  qu'à  elles  qu'il  adressa  ses  divines 
Epitres.   Ni  eux   ni  leurs  premiers  disciples 
n'eussent  jamais  pu  fournir  à  un  nombre  in- 
nombrable de  petits  lieux  ou  de  villages.  Enfin 

(1)  Il  parât,  ea  1810  ,  un  ouvrage  obscur  et  qui  est  resté  tel,  inti- 
tulé :  Du  Bespotùme  en  matière  de  religion ,  qui ,  abusant  étrange- 
ment du  passage,  allégué,  de  saint  Jérôme,  s'efforçait  de  prouver  que 
révéque  n'était,  parmi  les  prêtres,  que  primus  inter  pares.  Ce  livre 
n'eut  pas  même  les  honneurs  d'une  réfutation,  tant  cette  proposition 
parut  condamnable  aux  yeux  de  tout  le  monde.  (Dr  André.) 


ces  divins  conquérants ,  en  gagnant  les  princi- 
pales villes  à  J.-C. ,  prenaient  le  plus  court 
et  plus  assuri'î  moyen  de  donner  en  peu  de 
temps  beaucoup  d'étendue  à  son  empire. 

Aussi  saint  Paul  commaudiiil  à  son  disciple 
lAd  Titum,  c.  I.)  d'ordonner  des  prêtres  dans 
les  cités  (Ut  constituas  per  ci  vitales  Presbi/- 
tei'os)  .Ces  prêtres,  qui  subjuguaient  des  cités  à 
J.-C.  ou  qui  les  gardaient  en  son  nom,  ne 
pouvaient  être  que  des  évêques,  dont  ça  tou- 
jours été  depuis  les  premiers  siècles,  et  dont 
c'est  encore  l'avantage  propre  et  particulier, 
de  gouverner  les  Eglises  des  cités  et  des  villes 
considérables,  en  laissant  aux  prêtres  la  con- 
duite des  moindres  lieux.  Nous  n'en  dirons  pas 
davantage  présentement  sur  ce  sujet,  mais 
après  avoir  éclairci  les  paroles  de  rAjiôtre  et  la 
doctrine  de  saint  Jérôme. 

IX.  Revenons  à  l'êpiscopat,  ([ui  est  et  l'ordre 
et  le  bénéfice  le  plus  ancien  et  le  plus  éminent 
de  l'Eglise,  comme  étant  la  véritable  source  et 
la  divine  origine  de  tous  les  ordres  et  de  toutes 
les  puissances  ecclésiastiques.  La  première 
origine  et  la  plénitude  de  l'êpiscopat  s'est 
trouvée  en  J.-C.  que  l'Apôtre  appelle  avec 
justice  l'Evêque  de  nos  âmes  :  Episcopiim 
animarum  vestrarum.  Cette  plénitude  s'est  pre- 
mièrement communiquée  aux  apôtres,  et  par 
le  ministère  des  apôtres  à  ces  premiers 
hommes  apostolitiues .  avec  une  abondance 
proportionnée  à  l'éminence  de  leurs  vertus, 
aussi  bien  que  leurs  fonctions.  C'est  dans  cette 
admirable  source  (lu'il  faut  considérer  l'êpis- 
copat, pour  en  connaître  la  nature,  pour  en 
comprendre  la  grandeur,  pour  en  admirer  les 
droits  et  les  iiouvoirs. 

Quand  le  Fils  de  Dieu  donnaàses  apôtres  cet 
ordre  et  ce  ministère  divin,  et  par  eux  aux 
évêques  qui  sont  leurs  successeurs,  il  leur 
donna  la  plénitude  de  tout  le  sacerdoce,  et  non 
pas  une  simple  extension  de  l'ordre  des  prê- 
tres :  il  leur  donna  la  souveraine  autorité,  et  la 
puissance  en  queUiue  façon  infinie  de  toutes 
les  fonctions  sacerdotales  et  de  tout  le  gouver- 
nement de  son  Eglise.  De  cette  divine  fontaine 
émanèrent  ces  admirables  ruisseaux,  je  veux 
dire  tous  les  ordres  et  toutes  les  dignités  ec- 
clésiastiques au-dessous  de  l'êpiscopat.  11  n'est 
donc  pas  même  vraisemblable  que  l'êpiscopat 
ne  soit  qu'une  extension  de  l'ordre  et  du  carac- 
tère des  prêtres  :  mais  il  est  au  contraire  très- 
véritable  que  l'êpiscopat  est  la  source  et  la 
liléniiiidf  de  tous  les  ordres  sacrés,  de  tous  les 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  PREMIER. 


ministères  ecclésiastiques,  de  tous  les  droits  et 
de  tous  les  pouvoirs  attachés  au  sacerdoce;  et 
que  tous  les  ordres  inférieurs,  sans  en  excepter 
la  prêtrise,  ne  sont  que  les  écoulements  et 
comme  des  ruisseaux  émanés  de  cette  riche  et 
abondante  plénitude. 

X. Ainsi,  lors  même  qu'un  prêtre  reçoit  la  con- 
sécration de  l'épiscopat.  il  faut  concevoir  quil 
reçoit  la  plénitudedu  sacerdoce,  dont  il  n'avait 
au|iaravaiil  qu'un  écoulement,  et  qu'il  devient 
connue  le  tronc  de  cet  arbre  divin  dont  il 
•  n'était  auparavant  qu'une  branche.  Il  pouvait 
engendrer  des  enfants  à  Dieu  par  le  baptême, 
mais  il  ne  pouvait  pas  leur  donner  la  |)erfection 
et  la  vigueur  du  christianisme.  II  pouvait  re- 
mettre les  péchés,  mais  il  n'avait  pour  cela 
qu'un  pouvoir  borné  en  autant  de  manières 
qu'il  plaisait  à  l'évêquede  le  limiter.  Il  pouvait 
saci'ifier,  mais  ce  n'était  qu'en  l'absence  et  au 
défaut  de  l'évêque,  ou  par  ses  ordres,  et  avec 
imeextrème  dépendancede  lui  pour  les  temples, 
pour  les  autels,  et  ])Our  les  vases  nécessaires  à 
ce  divin  ministère.  Enfin  il  pouvait  annoncer 
l'Evangile,  mais  par  commission  de  l'évoque, 
qui  lui  en  donnait  la  charge ,  et  lui  en  mar- 
quait le  temps  et  le  lieu.  Le  prêtre  avait  donc 
ces  pouvoirs,  mais  fort  limités,  et  comme  par 
emprunt  et  avec  dépendance  de  l'évêque.  Enfin 
il  avait  ces  pouvoirs,  mais  il  ne  pouvait  pas 
les  coniiuuniipicr  à  d'autres  :  son  abondance 
lui  suffisait,  mais  elle  ne  |)ouvait  pas  se  ré- 
pandre au  dehors  ;  sa  dignité  était  grande,  mais 
stérile. 

XI .  Lorsque  ce  prêtre  sera  élevé  à  l'épiscopat, 
il  recevra  la  souveraineté,  l'indépendance,  la 
plénitude  et  la  fécondité  de  ces  divins  pou- 
voirs. Il  sera  le  véritable  époux  de  l'Eglise,  et 
lui  engendrera  des  enfants  par  le  baptême  qu'il 
donnera  alors  avec  une  plénitude  d'autorité, 
et  y  ajoutera  le  sacrement  de  confirmation, 
sans  kMpiel  le  baptême  ne  |)roduit  (juc  des 
chretiensimparfaits.il  réconciliera  les  |  écheurs 
à  Dieu  par  une  plénitude  de  puissance  qui  ne 
souffrira  aucunes  limites.  II  immolera  sur  les 
autefs  (|u'il  aura  lui-même  consacrés.  Il  pu- 
bliera la  parole  de  Dieu,  connue  en  étant  le 
seul  dispensateur  souverain  et  indépendant. 
Enfin  non-seulement  il  exercera  tous  ces  pou- 
voirs, mais  il  les  conununi(|uera  aux  autres;  sa 
puissance  sera  féconde,  ses  richesses  seront 
inépuisables,  et  sa  plénitude  se  répandra  sans 
lin  et  sans  diniiniitiou. 
•        Xll.   Dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise, 


toutes  ces  vérités  étaient  encore  plus  incontes- 
tables. Car  les  canons  des  plus  anciens  conciles, 
et  les  autres  monuments  qui  nous  sont  restés 
de  ces  siècles  d'or,  nous  font  connaître  que 
les  prêtres  ne  prêchaient,  ne  baptisaient,  ne 
réconciliaient  les  pénitents  et  ne  célébraient 
l'auguste  sacrifice  qu'en  l'absence  ou  par  le 
commandement  de  l'évêque,  qui  remplissait 
ordinairement  lui-même  toutes  ces  divines 
fonctions.  Confessons  donc  que  la  consécration 
épiscopale  donne  la  propriété,  la  souveraineté, 
l'indépendance  et  la  plénitude  du  sacerdoce. 
En  sorte  que,  lors  même  que  révêc[ue  célèbre 
les  mêmes  sacrements  qu'il  célébrait  aupara- 
vant comme  prêtre,  il  le  fait  d'une  manière 
tout  autre  et  incomparablement  plus  auguste 
et  plus  excellente.  Ce  sont  les  mêmes  eaux 
dans  la  fontaine  et  dans  les  ruisseaux ,  ce  sont 
les  mêmes  rayons  de  lumière  dans  l'air  et  dans 
le  soleil,  mais  il  ne  laisse  pas  d'y  avoir  une  dif- 
férence extrême  ;  ce  sont  les  mêmes  fonctions 
qu'un  roi  et  ses  lieutenants  exercent,  mais 
quand  il  plaît  à  un  monarque  de  s'y  appliquer 
lui-même,  on  a  toutes  les  raisons  du  monde 
de  penser  et  dédire  que  ce  n'est  plus  la  même 
chose. 

XIII.  De  là  vient  aussi  que  révê(]ue  seul 
peut  donner  ces  sublimes  pouvoirs  par  l'ordi- 
nation. Car,  en  ayant  lui-même  la  propriété, 
l'indépendance,  la  souveraineté  et  la  plénitude, 
il  en  a  aussi  la  fécondité.  Un  prêtre  ne  ])eut 
donner  le  sacerdoce  ,  j)arce  qu'il  ne  le  possède 
lui-même  qu'avec  dépendance  et  avec  une 
mesure  si  médiocre,  (ju'elle  lui  suffit  à  peine, 
bien  loin  d'en  pouvoir  faire  part  aux  autres. 
Mais  l'évêque,  en  l'épandant  le  sacerdoce  sur 
tous  ceux  qu'il  en  juge  dignes,  nous  apprend 
manifestement  (ju'il  en  |)ossède  la  source,  la 
plénitude  et  fa  souveraineté.  Ainsi  quand  saint 
Jérôme  dit  :  Qlie  fait  l'évêque  que  le  prêtre  ne 
fasse,  exceptét'oriliiiatiou?  if  n'ôte  rien  à  l'évê- 
que, quoiqu'il  semble  lui  laisser  peu  de  chose. 
Car  de  laisser  à  l'évêque  seul  le  pouvoir  d'or- 
donner, c'est  confesser  ()u'il  possède  lui  seul  le 
sacerdoce  avec  cette  riche  piénitude  et  avec 
cette  souveraineté  qui  sont  nécessaires  pour  le 
répandre  dans  toute  l'Eglise  et  dans  les  siècles 
à  venir. 

XIV.  Le  Fils  de  Dieu  a  baptisé,  a  remis  les 
péchés,  a  célébré  son  divin  sacrifice,  a  annoncé 
son  Evangile,  mais  il  l'a  fait  d'une  manière 
(pii  fui  est  toute  ]iro|)re  et  particulière,  et  avec 
une    exceilence   et  une  souveraineté  qui  ne 


L'ÉPISr.OPAT  EST  I  A  PTÉNITIDE  DU  SACERDOCE. 


pouvaienf  convenir  (|u'à  lui  seul,  llu'empruntait 
cette  puissance  céleste  tpie  de  lui-même,  il  en 
était  la  source  primitive  de  laquelle  émanaient 
non  pas  des  ruisseaux,  mais  d'autres  sources 
qui  devaient  faire  couler  des  eaux  pures  et  vives 
jusqu'à  la  fin  des  siècles,  et  jusqu'aux  extrémi- 
tés de  la  terre.  11  a  institué,  il  a  exercé,  il  a 
communiqué  sou  sacerdoce  :  et  nous  pouvons 
dire,  ce  me  semble  avec  raison,  qu'il  s'est  ré- 
servé à  lui  seul  l'avantage  de  l'instituer,  qui 
est  sans  doute  le  plus  haut  et  le  plus  divin.  11  a 
donné  aux  apôtres  seuls  et  aux  évèques  qui 
leur  succèdent  le  pouvoir  de  le  communiquer: 
et  enfin  il  a  fait  part  à  tous  les  prêtres  du  pou- 
voir de  l'exercer.  Or  il  est  visible  que  ceux  qui 
ont  le  droit,  non-seulement  d'exercer,  mais 
aussi  de  communiquer  le  sacerdoce,  ont  in- 
comparablement plus  de  part  à  cette  plénitude 
avec  laquelle  le  Fils  de  Dieu  le  possède.  Car  il  ne 
l'a  institué  qu'une  fois,  et  cette  excellente  pré- 
rogative lui  était  réservée  à  lui  seul.  Mais  il  le 
faut  communiquer  autant  de  fois  qu'il  faut  or- 
donner des  prêtres  et  des  diacres  ;  et  c'est  cette 


riche  fécondité  et  cette  abondante  plénitude 
(|u'il  a  réservées  aux  évè(iues. 

XV.  Disons  enfin  que  les  évèques  participent 
non-seulement  à  la  fécondité  du  Pontife  éter- 
nel en  donnant  le  ])ouvoir  d'exercer  le  sacer- 
doce et  en  ordonnant  des  prêtres  et  des  diacres, 
mais  aussi  en  ordonnant  d'autres  évèques, 
connue  autant  de  nouveaux  apùfres,  et  leur 
communiquant  le  pouvoir  d'ordonner  eux- 
mêmes  des  prêtres  et  d'autres  évèques.  On  ne 
peut  douter  que  ce  ne  soit  posséder  le  sacer- 
doce avec  une  abondance  et  une  plénitude  in- 
concevables, que  d'avoir  non-seulement  la  fé- 
condité de  le  communicpier,  mais  aussi  le 
pouvoir  de  communiquer  cette  fécondité.  Qui 
doute  qu'un  soleil  qui  en  pourrait  produire 
d'autres,  et  qui  pourrait  même  communiquer 
cette  même  fécondité  à  ceux  qu'il  aurait  pro- 
duits, ne  fût  dune  nature  tout  autre  et  in- 
comparablement plus  excellente  que  celui  qui 
roule  dans  les  cieux  ,  et  qui  semble  donner  à 
tant  d'autres  natures  une  fécondité  qu'il  n'a 
pas  lui-même  dans  la  sienne? 


CHAPITRE  DEUXIEME. 

ON    JISTIFIE.    P\R   LES    SAINTS    PÈRES,    QUE    l'ÉP1SC0P.\T    EST   hX   PLÉNITUDE 
ET    LA    SOUV^R.\INETÉ   SPIRITUELLE    DU    SACERDOCE. 


I.  Preuves  tirées  de  saint  Epiphane.  Réfutation  d'Aërins  qai^ 
égalait  les  prêtres  aux  évèques.  L'évèque   seul  engendre  des 
Pères  à  l'Eglise. 

II.  Des  constitutions  apostoliques.  L'évèque  seul  a  la  royauté 
du  sacerdoce  de  J.-C. 

UI.  De  saint  Ignace.  L'évèque  tient  la  place  du  Père  éternel 
dans  l'Eglise,  on  de  J.-C.  parmi  ses  apôtres. 

IV.  De  saint  Denis.  L'évèque  seul  possède  et  donne  la  su- 
prême perfection  du  sacerdoce. 

V.  De  Siméon,  archevêque  de  Thessalonique.  L'évèque  re- 
présente dans  le  clergé  le  Père  éternel  dans  la  Trinité  sainte 
où  il  est  le  .principe  sans  principe. 

VI.  Saint  Jérôme  même,  réservant  aux  évèques  le  pouvoir  de 
confirmer  et  d'ordonner,  établit  nettement  leor  excellence  sin- 
gulière. 

Vil.  Ces  deux  sacrements  sont  des  sacrements  de  perfection 
et  de  plénitude  du  Saint- Espril. 

VUI.  Saint  Hilaire  et  Optât  donnent  à  l'évèque  la  souverai- 
neté universelle  du  sacerdoce. 

IX.  Saint  Pacien  adjuge  aux  évèques  la  succession  entière  de 
la  plénitude  de  puissance  des  apôtres. 

X.  Enéas,  évêque  de  Paris,  découvre  comment  l'épiscopal 
contient  éminemment  tous  les  autres  ordres. 

XI.  Geoffroy,  abbé  de  Vendôme,  dit  que  J.-C.  a  consacré  ses 
apôtres  comme  ses  vicaires  et  les  dépositaires  de  son  excel- 
lence et  de  sa  toute-puissance  sacerdotales. 

XII.  Guillaume,  évêque  de   Paris,  donne  aux  évèques  une 


prérogative  de  souveraineté  dans  l'administration  de  tous  les 
sacrements. 

XIII.  Et  par  conséquent  la  collation  de  toutes  les  dignités  ec- 
clésiastiques et  de  tous  les  bénéfices. 

XIV.  Pêtrus    Aurelios  a  recueilli   et   confirmé    toutes  ces 
maximes. 

XV.  Raisons  générales  qui  montrent  le  consentement  nnanime 
des  saints  Pères. 

I.  Saint  Epiphane  nous  apprend  que  l'héré- 
siarque Aërius  avait  autrefois  voulu  égaler  les 
prêtres  aux  évèques,  parce  qu'ils  administrent 
les  mêmes  sacrements  et  jouissent  des  mêmes 
honneurs.»  Nullum  inter  utrumque  discrimen 
est.  Est  enini  amborum  unus  ordo,  par  et  idem 
ordo  ac  dignitns.  Manus  imponit  episcopus, 
imponitet  presbyter  ;  baptizat  episcopus.  idem 
facit  et  presbyter.  OEconomiam  latri»  admini- 
strât episcopus,  non  minus  id  facit  et  presbyter; 
episcopus  in  îhrono  sedet,  sedet  et  presbyter.» 
Saint  Epiphane,  réfutant  cette  erreur,  fait  voir 
que  la  différence  essentielle  de  ces  deux  ordres 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DEUXIÈME. 


divins  consiste  en  ce  que  l'évèque  seul  engen- 
dre il  l'Eglise  non  pas  des  enfants,  mais  des 
Pères  et  des  sacrificateurs.  «  Siquidem  ordo 
cpiscoporum  ad  proponendos  Patres  prœ- 
cipue  pcrtinet.  Hujus  enim  est  Patrum  in 
Ecclesia  propagatio.  Presb^ier  cum  Patres 
non  possit,  filios  Ecciesiœ  regencrationis  lo- 
tione  producit,  non  tamen  Patres  aut  magi- 
stros  (Epiphan.  haer.  lxxv,  n.  3).  »  Le  prêtre 
n'est  donc  que  comme  un  ruisseau  qui  ne 
peut  ])as  même  produire  d'autres  ruisseaux 
(]ui  lui  soient  semblables  ;  au  lieu  que  l'évèque 
est  une  fontaine  inépuisable  qui  donne  nais- 
sance non-seulement  à  une  infinité  de  ruis- 
seaux, mais  aussi  à  d'autres  fontaines  qui  au- 
ront la  même  abondance  et  la  même  fécondité. 

II.  L'auteur  des  constitutions  apostoliques  a 
compris  tous  les  avantages  de  l'épiscopat  en  un 
mot,  quand  il  a  dit  que  le  sacerdoce  appartient 
au  prêtre,  Ti  tt;  Uçamn;  ;  mais  que  la  royauté  du 
sacerdoce  appartient  à  l'évèque,  Ta  tx;  àpy.iEOMTjvr.ç  : 
Enfin,  que  J.-C.  est  par  sa  propre  nature  le 
premier  prêtre,  roi  et  souverain,  ■TvpâTo;,  Tf;  owti 
ip/.t£:='j;  (Const.  apost.  L.  vui.  c.  40).  Qui  peut 
douter  qu'il  n'y  ait  une  différence  infinie  entre 
J.-C.  administrant  ou  la  parole  divine,  ou  le 
baptême,  ou  (juelqu'autre  sacrement,  et  un  des 
prêtres  de  son  Eglise  exerçant  la  même  fonction 
sacerdotale,  puisque  J.-C.  avait  la  royauté  du  sa- 
cerdoce, dont  les  jirêtres  n'ont  que  le  ministère? 
Or,  c'est  cette  royaulédu  sacerdoce  qu'il  a  com- 
muniquée à  ses  apôtres  et  aux  évoques,  qui  sont 
les  héritiers  et  les  dépositaires  de  l'autorité 
ajiostolique.  Autantqu'il  y  a  donc  de  différence 
entre  la  dignité  royale  et  les  autres  dignités 
qui  en  relèvent,  autant  il  en  faut  reconnaître 
entre  l'ordre  des  évoques  et  celui  des  prêtres  ; 
et  encore  avec  cet  avantage  singulier,  que  les 
dignités  humaines  ne  sont  (jue  des  ornements 
extérieurs  qui  ne  pénètrent  pas  jusqu'au  fond 
de  l'âme  ,  au  lieu  que  ces  ordres  sacrés  impri- 
ment dans  le  plus  profond  de  l'âme  des  carac- 
tères brillants  qui  ne  pourront  jamais  être 
efl'acés. 

III.  Saint  Ignace  nous  a  quelquefois  repré- 
senté révê(iue  comme  la  personne  proju'e  du 
Père  éternel.  «  Omnes  e[tisco])um  se(Hiiinini, 
ut  J.  C.  Patrem.  »  Car  comme  foule  la  divi- 
nilé  est  dans  le  Père  comme  dans  sa  pre- 
mière source,  d'où  elle  se  connnunitiue  aux 
autres  i)crsonnes  divines,  ainsi  la  divinité  i)ar- 
ticip(''e  du  sacerdoce  est  tout  entière  dans 
l'évèque  connue  dans  son  origine,  d'où  elle 


s'écoule  dans  tous  les  autres  ministres  de  l'au- 
tel. Aussi  cet  homme  apostolique  ajoute  au 
même  endroit  que  les  fonctions  sacerdotales 
ne  doivent  jamais  se  faire  sans  la  présence  ou 
sans  l'autorité  de  l'évèque.  «  Ubi  utique  apparet 
episcopus,  illic  multitudo  sit,  quemadmodnm 
utique  ubi  estC.  J.  illic catholica Ecclesia.  Noa 
licitum  est  sine  episcopo  neque  baptizare,  ne- 
que  agapenfacere  (Ignatii  epist.  ad  Smyrn.).  » 
J.  C.  disait  aussi  que  son  Père  faisait  en  lui  tout 
ce  qu'il  faisait  :  «  Pater  in  me  manens,  ipse  facil 
opéra.  »  La  gloire  des  opérations  sublimes  ap- 
partient à  celui  qui  en  est  la  première  origine  en 
communiquant  la  vertu  divine  de  les  opérer. 
Dans  une  autre  de  ses  lettres,  saint  Ignace  dit 
qu'en  obéissant  à  l'évèque  on  obéit  au  Père 
de  J.  C.  comme  à  celui  qui  est  l'Evêque  uni- 
versel. «  Consentientes  ipsi,  non  ipsi  autem, 
sed  Patri  J.  C.  omnium  episcopo,  tw  nriTpi  Iykioù 
XpKrroû,  TW  irâvTuv  èiriTOOTVM  (Epist.  ad  Magucs.)  »  Et  un 
peu  plus  bas  :  «  Quemadmodum  igitur  Dominus 
sine  Pâtre  nihil  fecit,  unitus  existens,  sic  nec 
nos  sine  episcopo,  nec  presbyter,  nec  diaconus.» 
En  d'autres  endroits,  il  nous  fait  considérer 
l'évèque  comme  revêtu  de  la  propre  personne 
et  de  l'autorité  de  J.  C,  et  dans  cette  vue  il  veut 
bien  que  l'on  regarde  les  prêtres  comme  les 
apôtres,  éclairés  de  la  présence  et  tout  rayon- 
nants de  l'éclat  de  la  majesté  de  J.-C.  «  Reve- 
reantur  omnes  episcopum,  ut  J.  C.  existentem 
Filium  Patris  ;  presbyteros  autem ,  ut  conci- 
lium  Dei  et  conjunctionem  apostolorum  (Epist. 
ad  Traites).  »  Voila  la  plus  haute  élévation  où 
l'on  pouvait  porter  les  prêtres  ;  cependant  ils 
ne  peuvent  pas  s'y  égaler  à  lévêque  ,  non  plus 
que  les  apôtres  à  J.-C.  dans  la  dispensation 
même  des  mêmes  sacrements.  Et  dans  sa  lettre 
à  ceux  de  Smyrne  :  «  Omnes  episcopum  sequi- 
mini,  ut  Christus  Patrem;  et  presbyterorum' 
coUegium,  ut  apostolos.  Sine  episcopo  nemo 
quidquam  faciat  eorum ,  quaî  ad  Ecclesiam 
spectant,  et  honora  Deuin ,  ut  omnium  auto- 
rem  et  Dominum  :  episcopum  vero ,  ut  princi- 
pem  sacerdofum ,  imaginem  Dei  referentem  : 
Dei  inquam  propter  iirincipatum,  Christi  vero 
propter  sacerdotium.  » 

IV.  Ces  conq)araisons  affectées  de  l'évèque 
avec  le  Père  éternel  et  avec  J.-C.  montrent 
êvjdununenl  ([ue  les  anciens  Pères  ont  reconiui 
celle  primauté,  cette  principauté,  cette  pléni- 
tude originale  et  primitive  du  sacerdoce  et  de 
toutes  les  prérogatives  pontificales,  qui  est 
essentielle  à  l'épiscopat,  et  qui  est  absolument 


L'EPISCOPAT  EST  LA  PLÉNITUDE  DU  SACERDOCE. 


inimitable  et  inaccessililc  à  tous  les  ordres  infé- 
rieurs. Saint  Denis  donne  aux  diaeres  le  pou- 
voir d'expier,  aux  prêtres  celui  d'éclairer ,  mais 
aux  évèipies  celui  de  donner  la  suprême  per- 
fection tDiGnysius,Eccles.  Hier.  ci).  Cetauteur 
même  représente  que  rillumination  que  le 
prêtre  donne  par  le  baptême  ne  se  peut  faire 
sans  le  chrême  quel'évêque  a  consacré;  l'autel 
ou  il  célèbre  doit  avoir  aussi  été  consacré  par 
l'évèque  ;  il  doit  lui-même  avoir  reçu  l'ordina- 
tion de  l'évèque  :  ce  sont  autant  de  marques 
d'un  pouvoir  limité  et  dépendant  dans  les  prê- 
tres, et  d'une  puissance  indépendante  et  sans 
limites  dans  les  évêques,  lors  même  qu'ils  exer- 
cent les  mêmes  fonctions  sacerdotales. 

V.  Siméon ,  archevêque  de  Thessalonique.  a 
si  heureusement  expliqué  la  doctrine  de  saint 
Denis,  et  il  y  a  si  clairement  renfermé  presque 
toutes  les  considérations  qui  ont  été  touchées 
dans  le  chapitre  précédent,  que  je  ne  puis 
m'empêcher  de  rapporter  ici  un  peu  au  long 
ses  paroles.  On  croit  que  cet  auteur  écrivait  au 
temps  que  les  Français  possédaient  l'empire  de 
Constanfinople  ;  ainsi  il  semble  nous  assurer 
que  jusqu'à  son  tenqis  l'Eglise  i;recque  avait 
conservé  l'inviolable  tradition  de  la  doctrine 
que  nous  avançons:  «Nam  gratiam  comnumi- 
calivam  non  habet  presbyter,  neque  ali(|uid 
aliud  perfectivum,vel  illuminativumproducere 
potest,  sed  baptisma  solum  et  mysteria  perll- 
cere  :  verum  eiiiscopus  illuminandi  viin  habet 
60  (pioil  Patrem  luminum  imitatur,  ipsiusque 
virtutem  abunde  possidet,  et  per  ipsum  onmis 
ordo,  omne  mysterium,  omne  sacramentum. 
Ipscenim  ordinatione  suaet  baptizare  valet,  si- 
mul  et  sacrum  unguentum  conticere.et  cpuï  ad 
ministerium  et  perfectiouem  et  illuminatio- 
nem  perlinert  ;  perficere.  etc.  Omnia  deni(iue 
per  gratiam  Christi  prœstare.  Onmia  enim  ec- 
clesiastica  ab  ipso  veluti  luminis  fonte  perli- 
ciuntur  (Simeon,  Thessalon.  Desacris  ordinal. 
c.  I).  »  Ce  savant  prélat  a  ûdèlemenl  ex|irimé 
les  sentiments  de  saint  Ignace  et  de  saint  Denis, 
quand  il  nous  a  mis  devant  les  yeux  l'évêtiue 
comme  une  image  achevée,  dans  l'Eglise  de  la 
terre ,  de  Celui  qui  dans  la  Trinité  sainte  porte 
seul  le  nom  de  Père,  comme  étant  le  premier 
principe  sans  principe, et  la  source  féconde  des 
autres  personnes  et  de  toutes  les  perfections 
divines.  Il  dit  encore  un  peu  plus  bas  que  l'é- 
vèque communique  le  sacerdoce  connue  Celui 
qui  n'a  point  de  principe  dans  la  divinité,  et 
qui  pour  ce  sujet  est  appelé  Père ,  et  peut  être 


aussi  fort  justement  appelé  Evèque,  communi- 
que la   di^inité  au  Fils   et  au   Saint-Esprit. 
«  Etsi  enim  una  est  episco])atus  gratia,  et  virtus 
et  ordo,  ex  Deo  primo,  et  solo  Pâtre,  et  episcopo 
emanans.  » 

VI.  Passons  aux  Pères  de  l'Eglise  latine,  entre 
lesquels  saint  Jérôme  même  reconnaît  que  l'é- 
vêtiue seul  donne  le  sacrement  de  laconlirma- 
tion,  qui  contient  la  plénitude  du  Saint-Esprit, 
parce  qu'il  a  reçu  lui  seul  la  suprême  pléni- 
tude du  même  Saint-Esprit  en  recevant  la  plé- 
nitude du  sacerdoce.  «  In  Ecclesia  baptizatusnisi 
])er  manus  episcopi  non  accipit  Spirihnn  san- 
ctum(Hieronym.adver.  LuciL).  »  Il  dit  (lue  cela 
a  été  ainsi  ordonné  plutôt  pour  honorer  le 
sacerdoce  que  par  aucune  nécessité  de  la  loi 
diAÙne.  «  Ad  honorem  potius  sacerdotii,  quam 
ad  legis  necessitatem.  »  C'est-à-dire  que  cela  a 
été  réglé  de  la  sorte  pour  honorer  cette  pléni- 
tude du  sacerdoce  qui  ne  se  trouve  que  dans 
l'évèque,  et  dont  les  prêtres  et  les  diacres  n'ont 
qu'une  participation.  Il  ajoute  que  le  salut  de 
l'Eglise  dépend  de  cette  souveraine  plénitude 
de  la  puissance  sacerdotale  qui  réside  dans 
révêt[ue  seul  comme  dans  le  chef,  qui  fait  sen- 
tir sou  abondance  et  son  empire  sur  tous  les 
membres  qui  lui  demeurent  unis  par  les  sacrés 
liens  de  leur  dépendance,  et  par  les  influences 
qu'ils  reçoivent  de  lui.  «  Ecclesiœsalusinsummi 
sacerdotis  dignitate  pendet.cui  si  non  exors 
quidam  et  eminens  datur  j>olestas ,  lot  in 
Ecclesiis  efflciuntur  schismata ,  quot  sacer- 
dotes.  » 

Ml.  L'excellence  de  l'épiscopat  sur  les  prêtres 
ne  pouvait  se  mieux  établir  qu'en  réservant 
aux  évêques  celte  plénitude  du  Saint-Es[irit  et 
de  la  puissance  sacerdotale,  qui  leur  donne  le 
pouvoir  de  donner  eux  seuls  la  ])erfection  du 
baptême  par  la  confirmation  à  tous  les  fidèles, 
et  la  participation  du  sacerdoce  par  l'ordination 
à  tous  les  ministres  de  l'autel.  C'est  là  le  double 
lien  indissoluble  qui  lie  et  unit  d'un  côté  tous 
les  fidèles,  et  de  l'autre  tous  les  ecclésiastiques 
à  leur  évêque ,  comme  au  divin  chef  de  qui  ils 
tiennent  toute  la  perfection  de  la  vie  chrétienne 
et  du  sacerdoce.  Que  si  le  même  saint  Jérôme 
dit  ailleurs  ({ue  le  seul  pouvoir  de  conférer  les 
ordres  distingue  les  évê(|ues  d'avec  les  |irê- 
tres,  «Quid  enim  facit  excepta  ordinatione  epi- 
scopus,  quod  non  faciat  presbyter  (Epist.  ad 
Evagri.)  ?»  il  a  peut-être  considéré  dans  cette 
rencontre  la  pratique  de  quelques  Eglises  grec- 
ques où  les  prêtres    avaient    commencé   de 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DEUXIÈME. 


donner  la  confirmation;  mais  dans  ces  Eglises 
mêmes,  les  {irètres  ne  la  pouvaient  donner 
qu'en  se  servant  du  chrême  que  l'évêque  avait 
consacré^  et  auquel  il  avait  en  quelque  manière 
communiqué  cette  divine  verlu  de  répandre  le 
Saint-Esprit  dans  l'àme  en  mèine  temps  qu'il 
était  répandu  sur  le  corps.  Au  reste,  nous  avons 
assez  montré  ipie  le  seul  pouvoir  d'engendrer 
à  l'Eglise  des  Pères  et  des  prêtres  est  une 
preuve  évidente  d'une  abondance  très-singu- 
lière de  toute  la  grâce  et  de  toute  l'autorité 
pontificales. 

Quand  saint  Jérôme  dit  ailleurs  qu'Hilaire , 
chef  des  schismatiques  lucifériens,  n'étant  que 
diacre  n'a  pu  former  une  Eglise,  parce  qu'il  n'a 
pu  ordonner  des  clercs,  ettiu'une  Eglise  ne  peut 
subsister  sans  sacrificateurs  :  «  Cum  liomine 
secta  interiit,  (juia  post  se  nullum  clericum 
diacoiuis  potuit  ordinare.  Ecclesia  autem  non 
est ,  quœ  non  habet  sacerdotem  (Adversus  Lu- 
cifer.) ;  »  ce  père  nous  montre  comment  l'Eglise 
ne  subsiste  que  par  la  fécondité  et  la  puissance 
qu'ont  les  évêques  d'ordonner.  Enfin  saint 
Jérôme  reconnaît  (|ue  les  évêques  sont  tous 
successeurs  des  apôtres  :  «  Caîterum  omnes  apo- 
stolorum  successores  sunt  (Epist.  ad  Marcellam. 
Adv.  Mot.).»  Or  les  apôtres  avaient  reçu  la  plé- 
nitude du  sacerdoce  dans  sa  source,  et  non  pas 
par  des  ruisseaux  assemblés.  Et  en  un  autre 
endroit  :  «  .\i)ud  nos  apostolorum  locum  epi- 
scopi  tenent.  » 

VIII.  Ililaire,  ou  l'auteur  des  commentaires 
sur  sailli  Paul  (]ui  ont  été  altrilniés  a  saint 
Ambroise,  confesse  que  l'épiscopat  contient 
tous  1(!S  ordres,  parce  que  c'est  l'origine  et  la 
plénitude  de  tout  le  sacerdoce  :  «  In  e|>iscopo 
onines  ordines  sunt,  quia  jirinuis  sacerdos  est, 
id'est,  princeps  sacerdotum,  et  proplieta,  et 
evangelista,  et  caetera  adimi)lenda  officia  Eccle- 
siae  in  ministerio  fidelium.  (In  epist.  ad  Ephes. 
c.  i).  »  Optât  reconnaît  dans  l'évêque  celte  sou- 
veraine principauté  du  sacerdoce  :  «  Quid  dia- 
conos  commemorem  in  tertio,  quid  presbyteros 
in  secundo  sacerdotio  constitutos?  Ipsi  apices 
et  i)rincipes  omnium  episcopi,  etc.  » 

IX.  Saint  Pacien,  évêque  de  Barcelone,  recon- 
naît dans  les  évèijues  toute  la  puissance  des 
apôtres,  et  dans  les  uns  et  dans  les  autres  toute 
la  plénitude  du  sacerdoce  de  J.-C,  qui  leur  a 
communiipié  son  nom  d'évê(iue  et  de  past(!ur, 
et  a  voulu  cpie  ce  nom  fût  accompagné  d'une 
vertu  toute-puissante.  «  Totuin  ad  nos  ex  apo- 
stolorum forma  et  potestate  deductum  est.  Et 


episcopi  apostoli  nominantur ,  sicut  de  ei)a- 
plirodito  Paulus  edisserit;  fratrem  et  comniili- 
tonem,  incpiit,  ineum,  vestrum  autem  aposto- 
lum,  etc.  Deus  illud  nobis,  ut  apostolorum 
cathedram,  non  negabit,  qui  episcopis  etiam 
unici  sui  nomen  induisit.  Nemo  episeopum 
hominis  contemplatione  despiciat.  Recorde- 
inur  quod  Petrus  apostolus  Dominum  episco- 
liiiin  nominarit.  Sed  conversi,  inquit,  modo 
ad  episco[)um  et  jjastorem  animarum  nostra- 
rum.  Quid  episcopo  negabitur,  in  quo  Dei 
nomen  operatur?  (Epist.  1.)  »  Voilà  comme  le 
nom  auguste  de  J.-C,  évêque  et  pasteur  éternel 
de  nos  âmes,  ne  pouvant  être  séparé  de  son 
divin  et  infini  pouvoir,  les  apôtres  et  les  évê- 
(pies  ont  reçu  de  lui  l'un  et  l'autre  :  «  Nos  epi- 
scopi, quia  et  apostolorum  nomen  accepimus, 
et  Christi  appellatione  signamur  (Epist.  3).» 
Ainsi,  selon  ce  Père,  douter  du  pouvoir  des 
évêques,  c'est  révoquer  en  doute  celui  de  J.  C. 
qui  réside  en  eux  dans  sa  plénitude,  et  qui 
opère  par  euxdanssatoute-puÎFsance  :  «  Quare 
sive  ba|)tizamus,  sivead  (lœnitentiam  cogimus, 
sive  veniam  pœnitentibus  relaxamus,  Christo 
id  autorc  tractamus.  Tibi  videndum  est,  an 
Cluistus  lioepossit.  »  La  plénitude  de  puissance 
que  J.-C.  donna  aux  apôtres  s'est  pleinement 
répandue  et  se  répand  continuellement  dans  les 
évêques  de.  tous  les  siècles  :  «  Vides  qua>cum- 
que  Ecclesi;e  nascenti  dicta  sunt,  ad  plenitudi- 
nem  Ecclesiœ  pertinere.  » 

X.  Enéas,  évêtpie  de  Paris,  répondant  aux 
objections  des  Grecs  contre  l'Eglise  latine , 
qu'ils  accusaient  d'ordonner  des  évêques  qui 
n'avaient  jamais  reçu  la  prêtrise  ,  s'etîbrce 
de  montrer  cpie  ceux  qui  se  sont  laissé  aller 
à  des  ordinations  si  contraires  aux  canons  ne 
l'ont  i>u  faire  (pie  dans  la  créance  que  l'épisco- 
pat contient  en  éminence  la  perfection  et  les 
pouvoirs  de  tous  les  ordres  inférieurs;  de 
même  (juc  la  royauté  embrasse  très-avanta- 
geusement toute  la  gloire  et  la  juridiction  des 
dignités  subalternes  :  «  Quia  cpii  benedictione 
pontificali  perfungitur,  benedictionum  reliciua- 
rum  honore  decoratur.  Sicut  enim  in  terrarum 
régi  diversai  dignitates  ascribuntur,  etc.  (Spici- 
leg.  Tom.  VII.  p.  1  li.  etc.  Edit.  172.'j.  tom.  i, 
fol.  113.)  »  Enéas  même  n'approuvait  pas  cette 
pratique,  et  néanmoins  il  approuvait  apparem- 
ment la  maxime  ipi'il  avançait,  pour  la  rendre 
plus  pardonnable  s'il  eût  été  possible. 

XI.  Ceotl'roy,  abbé  de  Vendôme,  parlant  de 
l'ordination  des  évêques,  déclare  que  J.-C. 


L'ÉPISCOPAT  EST  LA  PLENITUDE  DI'  SACERDOCE. 


en  .1  été  le  premier  consécrateur,  lorsqu" ayant 
élu  les  apôtres  il  les  consacra  lui-même, 
et  donna  l'exemple  à  ses  vicaires  à  l'avenir, 
c'est-à-dire  aux  apôtres  et  aux  évêques,  de 
ce  qu'ils  devaient  faire  :  «  Christus  i)rimus 
et  elegit  apostolos,  et  consecravit,  etc.  Hoc 
sanctum  sacramentum ,  electionem  videlicet 
et  consecrationom  apostolonim.  Cliristus  pri- 
mus  omniimi  fecit,  per  quod  cœtcra  tîerint  sa- 
cramenta,  etc.  Hœc  prius  per  seipsum  Cliristus 
fecit,  deinde  vicarii  ejus,  etc.  (Opuscule  n)  » 

XII.  Le  savant  Guillaume,  évèque  de  Paris, 
a  excellemment  expliqué  comment  l'épiscopat 
ajoute  à  la  prêtrise  une  éminence  ineffable,  et 
une  abondance  de  toute  la  sainteté  et  de  tous 
les  pouvoirs  qui  peuvent  être  compris  dans  la 
plus  vaste  idée  du  sacerdoce.  «  Et  quia  in  solis 
episcopis  plénitude  potestatis  et  istorum  offl- 
ciorum  perfectio  est,  manifestum  est  episco|)a- 
tum  plénum  et  perfectum  esse  sacerdotium. 
Ofûcium  enim  sacramentandi  plénum  atque 
perfectum  minores  sacerdotes  non  liabent.  quia 
nec  sacramentum  couflrniationis,  nec  sacros 
ordines,  nec  majora  sacramentalia  impendere 
possunt.  Similiter  autoritatem  docendi,  seu 
magistros  instituendi  modicam  habent.  (Guil- 
lelm.  Parisien,  p.  .5-23).»  Il  montre  ensuite  que 
les  évêques  seuls  ont  recueilli  Ibéritage  et  la 
succession  tout  entière  de  la  pleine  puissance 
des  apôtres  :  «Quidquidenim  apostoliscomniis- 
sum  fuit,  commissum  fuit  et  episcopis.  Inde 
et  in  sedibus,  in  quibus  sederunt  apostoli, 
sedent,  tanquam  pleni  juris  successores.  taii- 
quam  loco  apostolica"  potestatis.  »  Il  dit  ensuite 
qu'on  consacre  les  évêques  pour  les  remplir  de 
toute  la  plénitude  de  la  grâce  et  de  la  puis- 
sance pontificales  :  «  Consecrantur  ad  complen- 
dum  et  perficiendum,  atque  ad  summum  per- 
ducendum  ipsos.  non  solum  offlcii  plenitudine 
et  amplitmline  potestatis,  sed  efiam  ad  cumu- 
landum  gratia  et  pinguedine  sanctitatis.  »  Ce 
style,  tout  barbare  qu'il  est,  ne  laisse  pas 
d'avoir  ses  grâces,  et  d'exprimer  heureuse- 
ment de  grandes  choses. 

XIII.  Il  remaniue  ensuite  que  s'il  y  a 
divers  degrés  d'archevêques,  de  primats  et  de 
patriarches,  ce  n'est  toujours  que  le  même 
épiscopat  :  Que  le  pape  même  n'a  que  le  même 
ordre  qui  lui  est  commun  avec  les  autres 
évêques.  (luoiqu'il  ait  une  juridiction  plus 
étendue.  Enfui,  que  J.-C.  tient  lui-même  le 
premier  rang  dans  l'ordre  des  évêques  :  «  Ipse 
Dominus  J.  C.  non  plusquam  episcopus  est  in 


dignitatibus  ecclesiasticis  secundum  quod 
homo.  »  U'où  il  conclut  (pie  c'est  aux  évêques 
qu'appartient  originellement  la  disposition  de 
toutes  les  dignités  ecclésiastiques  et  de  tous  les 
bénéfices ,  comme  aux  successeurs  des  apôtres 
qui  avaient  reçu  ce  pouvoir  du  Fils  de  Dieu, 
de  qui  le  ciel  et  la  terre  relèvent  :  «  Scire  autem 
debes  ad  episcopos,  tanquam  apostolorum  suc- 
cessores, et  tanquam  ad  apostolica-  dignifatis 
pertinere  ministres  ex  ipso  episcepali  officie, 
institutienes  clericerum  in  Ecclesiispra'benda- 
riis,  et  sacerdotum  in  capellis  et  parochiis  : 
institutionem  inquam  plenam,  quantum  est  de 
jure  communi  :  licet  ex  speciali  coUatiene 
episcoporum,  nonnuUis  jura  patronorum  con- 
cessasint.  »  Voilà  ce  qui  nous  a  fait  commencer 
ce  traité  des  bénéfices  par  l'exiilication  de 
l'excellence  de  l'épiscopat ,  qui  est  le  plus 
ancien  et  le  plus  éminent  de  tous  les  autres, 
qui  les  comprend  tous  ,  d'où  ils  émanent  tous 
dans  leur  origine,  et  d'où  ils  relèvent  tous 
dans  leur  disposition. 

XIV.  Je  finirai  ce  chapitre  par  le  témoignage 
d'un  célèbre  théologien  de  nos  jours,  qui 
semble  avoir  le  plus  approfondi  cette  matière. 
On  y  trouvera  comme  le  sommaire  de  tout  ce 
qui  a  été  dit  ci-dessus.  L'évèque  étant  l'image 
et  le  vicaire  de  Jésus-Christ  sur  la  terre,  il 
possède  la  plénitude  et  la  perfection  du  sacer- 
doce même  dont  le  Fils  de  Dieu  est  revêtu  par 
son  Père,  u  Clu-islum  refert  episcopus,  et  vicem 
ejus  in  terris  gerit  :  ut  saepe  décent  sancti 
Patres.  Sicut  ergo  Christi  sacerdotium  vim 
oninem  sacerdotalem  perfectamque  pascendi 
gregis  potestatem  complectitur,  ita  ut  varias 
in  ea  plenitudine  et  perfectione  conclusas  pote- 
states  distinguere  quidem  discernereque  liceat  ; 
dissociare  vero  et  inter  se  quodanimodo  dis- 
cindere,  sit  piaculum  ;  non  secus  ac  divinitatis 
ij)sius  dotes  |)erfectionesque  ita  distinguimus, 
ut  non  dividanius  :  sic  episcepatus  plenitu- 
dinein  sacerdotii,  et  pastoralis  muneris  per- 
feclionem  natura  sua  continet,  etc.  Christus 
enim  perfectionem  sacerdotii  a  Pâtre  accepit, 
quando  ab  illomissusest.  Perfectionem  deinde 
sacerdotii ,  sive  episcopalem  utramque  pote- 
statem simili  dédit  apostolis,  quando  misif  eos, 
sicut  ipse  a  Pâtre  missusfuerat.  Eaindemdeui- 
que  perfectionem  ipsi  tradiderunt  episcopis, 
mitteutes  eos,  sicut  ipsi  missi  fuerant  a  Christo 
(Petrus  Aurelius,  Toni.  ii,  pag  87).  »  D'où  il 
conclut  que  les  évêques  sont  Pères  par  la 
plus  noble  participation  de  la  paternité  divine 


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DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DEUXIÈME. 


sur  la  terre.  «  Ut  vera  sit  Pauli  vox,  a  quo  omnis 
paternitas  in  cœlo  et  in  terra  nominatur.  Nulla 
enini  major  in  terris  paternitas  quam  apo- 
stolica  et  episcopalis  :  quam  sibi  Paulus  idem 
sumpsit,  cumdiceret,  seduon  multos  Patres.  » 
Il  en  conclut  aussi  que  l'épiscopat  seul  est 
ime  royauté  divine  et  une  souveraineté  spiri- 
tuelle :  ce  qui  paraît  évidemment  en  ce  qu'on 
n'a  jamais  consacré  et  on  ne  consacrera  jamais 
d'évêque  à.  qui  on  ne  donne  en  même  temps 
un  diocèse,  comme  lui  petit  royaume,  à  gou- 
verner ou  à  conquérir. 

On  fait  et  on  a  toujours  fait  des  prêtres  et 
des  diacres  auxquels  on  n'a  point  d'abord 
donné  de  sujets,  ni  de  juridiction  :  Mais  l'évê- 
que  embrassant  toute  la  plénitude  du  sacer- 
doce royal  de  J.-C,  étant  son  lieutenant  en 
terre ,  étant  même  revêtu  de  l'autorité  et  de 
la  personne  de  Celui  qui  est  le  premier  principe 
dans  la  Divinité,  il  ne  peut  recevoir  la  consé- 
cration qui  le  fait  évêque  sans  recevoir  en 
même  temps  la  juridiction  et  la  souveraineté 
qui  est  inséparable  de  son  caractère.  «  Atque 
ha-c  est  eminentia  difj;nitatis  e])iscoi)alis  supra 
sacerdotalem ,  quod  sacerdotalis  nullam  per  se 
jurisdictionem  nec  includat,  nec  exigat,  ut- 
jiote  imperfectior  et  cpiscopali  subjecta,  cujus 
nutu  régi,  et  ad  o])erationes  admoveri ,  non 
ipse  prosilirc  débet  ;  ut  canones  jampridem 
sanxcrunt.  At  episcojjalis  dignitas,  ut  sunmia, 
et  in  suo  génère  perfecla  ,  jurisdictionem  ne- 
cessario  complectatur,  nec  sine  ea  consistât, 
non  magis  (piam  regia  dignitas ,  cui  sancli 
Patres  episcopalem  dignilatem  passim  compa- 
rant, sine  imperio  concijii  nequit.  «  11  en  con- 
clut encore,  avec  la  même  évidence ,  que 
(juant  aux  sacrements  mêmes  que  les  prêtres 
peuvent  administrer,  ils  ne  peuveid  jamais  les 
administrer  avec  cette  souveraine  puissance 
et  avec  cette  autorité  royale,  que  J.-C.  a 
accordée  aux  évêcpies  seuls ,  comme  aux  sou- 
verains pontifes  de  son  royal  sacerdoce.  «  Sum- 
ma  illa  potestas  episcopis  propria ,  quœ  non  ad 
sacramentum  solum  ordinis,  sed  ad  cœlera 
etiam  onuiia  iicrtinet,  rêvera  suppleri  non 
potcst  a  presbyteris,  qui  quandiu  presbyteri 
manent,  summam  illam  ordinis  potostatem, 
seu  sununum  iliud  sacei'dotiiuu  asse(|ui  ne- 
(iu(!unt,  ita  ut  summi  sacerdotes  etficiantnr, 
quales  sunt  episcopi  sensu  Patrnm,  (juales 
Christus  iusiituit.  »  En  effet,  l'Evangile  nous 
montre  (pie  c'est  au\  a])ôtres ,  dont  les  évê(]ues 
sont  les  successeurs  ,   à  qui  J.  -  .C  a  donné 


le  pouvoir  d'administrer  les  sacrements;  d'oii 
il  s'ensuit  que  si  les  évêques  font  part  de  ce 
pouvoir  aux  prêtres,  ils  s'en  réservent  toujours 
la  souveraineté  :  Ainsi  le  caractère  de  l'épis- 
copat ne  renferme  pas  seulement  le  pouvoir 
d'ordonner,  mais  aussi  la  suprême  jui'idiction 
et  la  royauté  spirituelle  de  l'Eglise,  et  outre 
cela  une  souveraine  éminence  dans  l'adminis- 
tration de  tous  les  sacrements  et  dans  toutes 
les  fonctions  hiérarchiques.  «  Pra?ter  consecra- 
tionemsacerdotum  episcopalis  ordo  est  potestas 
summa  in  sacramenta  omnia,  et  in  omnes 
actiones  hierarchicas,  quœ  ab  eo  omnes,  ut  a 
capite  et  fonte  in  Ecclesiis  particularibus  fluere 
ac  manare  debent,  ex  Christi  lege,  sicut  ab 
universali  episcopo  in  tolam  Ecclesiœ  univer- 
salis  amplitudinem.  Quod  perspicue  docuerunt 
concilia  et  Patres,  dmu  nihil  a  presbyteris  aut 
diaconis  sine  nutu  episcopi  agendum  esse  dé- 
clarant (Pag.  99,  109).  » 

Enfin  il  conclut  que  cette  excellence  singu- 
lière et  royale  de  l'épiscopat  est  absolument 
incommunicable  à  tous  les  autres  ordres  infé- 
rieurs. «Atque  hoîc  est  excellentia ordinis  epi- 
scopalis ,  cuilibet  ministrorum  inferiorum 
incommunicabilis.  Quod  nimirum  sit  amplis- 
simus  quidam  fons  onniis  sacerdotalis  func- 
tionis,  in  (|uaque  Ecclesiasingulariconstitutus, 
a  qua  omnem  aliam  in  eadeni  Ecclesia  pote- 
statem  et  operationem  hierarchicam  necessario 
scaturire  oporteat.  » 

XV.  Après  cela  nous  pouvons  dire  tpie  tous 
les  Pères  et  tous  les  conciles  des  premiers 
siècles  ont  établi  celte  vérité  constante  en 
établissant  ces  maximes  générales,  sur  les- 
quelles elle  est  fondée,  i.  Que  les  évêques  ont  re- 
cueilli la  succession  entière  de  la  puissance  apos- 
tolique, ce  qu'on  ne  peut  dire  lû  des  prêtres  ni 
des  diacres,  i.  Qu'ils  sont  les  souverains  [irêtres. 
«  Summi  sacerdotes,  summi  antistites.  »3.  Qu'ils 
peuvent  seuls  administrer  la  confirmation  et 
l'ordination,  ijui  sont  les  deux  sacrements  où 
la  plénitude  du  Saint-Esprit  est  plus  particu- 
lièrement conférée.  4.  Qu'ils  confèrent  tous  les 
autres  sacrements  de  leur  propre  autorité,  au 
lieu  que  le  prêtre  ne  les  peut  administrer 
qu'avec  dépendance  ;  et  autrefois  même  il  ne 
les  conférait  (pi'en  leur  absence,  tî.  Qu'on  ne 
IHMit  consacrer  un  évêcpie,  non  jikis  ([n'établir 
un  roi,  sans  lui  désigner  un  royaume,  (i.  Que 
l'Eglise  ne  peut  subsister  sans  évêque,  non 
]ilns  (pi'im  corjis  sans  âme  et  sans  un  chef  qui 
liossède  la  plénitude  de  la  vie,  et  qui  vivifie 


DES  TITIIES  DE  METROPOLITAIN,  n'ARCIIEVÉQUE ,  ETC. 


11 


tous  les  membres  par  ses  influences  conli- 
nuelies.  «Non  enim  Ecclesiaesse  sine  e()isco[)0 
potest ,  »  disait  autrefois   saint  Chrysoslome  , 

(1)  NoD-seulemeut  1  evêque  a  toutes  ces  prérogatives  émincntes, 
mais  notre  grand  canoniste  oublie  de  mentionner  son  incontestable 
pouvoir  judiciaire  fur  tous  les  prêtres  de  son  troupeau.  Nous  traite- 
rons cette  question  tout  au  long  dans  Tarticle  que  nous  consacrerons 
aux  ofËcialités.  Dans  le  corps  du  Droit  nous  voyons  tous  les  différents 
noms  donnés  à  lëvéque,  et  qui  tous  expriment  ses  prérogatives  : 
Episcopijs^  qui  signifie  Speculatùr  ou  Superintendens,  voir  le  cha- 
pitre Cleros  de  la  dist.  21  ;  ailleurs  Summus  Sacerdos  dans  le  chapitre 
J)eus  ergo^  quest.  I  ;  il  est  appelé  Prœsul  parce  qu'il  préside  l'assem- 
blée, dans  le  chapitre  Translationem  du  titre  de  Tempori  ordinal.  ; 
AntisteSy  comme  ayant  la  prééminence  sur  tout,  ainsi  qu'on  le  voit 
dans  un  grand  nombre  de  chapitres  du  Droit  ;  PontifeXy  des  deux 
verbes  posse  et  facere^  dont  l'un  exprime  la  souveraine  puissance  du 
sacerdoce   et  l'autre,  selon  Âiciat}  l'action  du  sacrifice  ;  quelquefois 


exhortant  ses  confidents  niêmesd'olxîirà  l'évè- 
que  ([ui  reniiilirait  sa  [)lace  après  son  injuste 
condamnation  (I). 

Legatus  Christi,  commis  à  la  direction  des  âmes,  selon  la  Clémen- 
tine 1,  chapitre  Nec  super,  du  litre  de  Pœnis  ;  mais  surtout  il  est 
appelé  Pastor  dans  une  infinité  de  textes,  à  cause  de  son  obligation 
de  nourrir  ses  ouailles  du  pain  de  la  parole  de  Dieu  et  des  grâces  des 
sacrements  ;  Prœco^  pour  dénoncer  au  peuple  ses  péchés  dans  le 
chapitre  Sit  rector  de  la  dislinction  43»;  ;  la  distinction  lie,  chapitre 
Disciplin'ty  l'appelle  Medicus  pour  adoucir  le  vin  par  l'huile  dans  la 
guéridon  des  maladies  morales  ;  ailleurs  encore  il  reçoit  ses  beaux 
titres  de  Lucenia^  pour  répandre  au  loin  les  rayons  de  la  \Taie  sagesse 
et  de  la  vertu  ;  Sal  terrœ,  pour  préserver  de  la  corruption  par  de  salu- 
taires enseignements  ;  Angélus,  pour  annoncer  la  bonne  nouvelle  de 
l'Evangile  -,  la  Clémentine  susmentionnée,  chapitre  Nec  super,  l'appelle 
Sanctissimus  pour  sanctifier  les  autres  et  se  sanctifier  soi-même. 

(Dr  André.) 


CHAPITRE  TROISIEME. 

DES  TITRES  DE  MÉTROPOLITAIN",  d'ARCHE\"ÊQUE,  d'EXARQIE    DE  DIOCÈSE.  DE  PATRIARCHE  ET  DE  PAPE. 


-  I.  Tous  ces  litres  sont  compris  dans  l'épiscopat.  Le  titre  de 
métropolitain  est  le  plus  ancien  de  tous. 

II.  Saint  Pierre  et  les  autres  apôtres  commencèrent  à  annon- 
cer la  foi  dans  les  grandes  métropoles  de  l'empire. 

m.  Ainsi  les  Eglises  de  ces  grandes  villes  furent  les  mères  et 
les  supérieures  des  autres.  Preuves  tirées  de  l'Ecriture. 

IV.  Les  plus  anciens  canons  ne  donnent  que  le  titre  de  mé- 
Iropolilain  aux  évèques  mêmes  des  sièges  apostoliques. 

V.  Explication  du  canon  vi  de  Nicée,  qui  confirme  ce  qui  a 
été  dit,  et  distingue  les  trois  grands  métropolitains  des  autres 
qui  n'avaient  chacun  qu'une  province. 

VI.  Pourquoi  les  trois  grands  métropolitains  ordonnaient  les 
évèques  de  plusieurs  provinces. 

VII.  L'èvèque  d'Alexandrie  commence  d'être  appelé  arche- 
vêque. Pourquoi  ? 

VIU.  Le  concile  de  Nicée  laissait  terminer  toutes  les  affaires 
dans  le  concile  provincial.  On  commença  à  recourir  à  l'empe- 
reur pour  celles  qui  ne  pouvaient  pas  s'y  décider.  Le  concile 
d'Antioche  remédie  à  ce  désordre  en  appelant  les  évèques 
voisins  au  concile  provincial. 

IX.  Le  concile  d;  Sardique,  en  permettant  de  recourir  au 
pape. 

X.  Le  titre  d'archevêque  était  encore  rare. 

XI.  Les  évèques  d'Afrique  le  censurèrent.  Il  ne  laissa  pas 
d'être  communiqué  aux  grands  métropolitains  dans  le  concile 
d'Ephèse. 

XII.  Les  exarques  des  diocèses,  ou  primats,  furent  établis 
dans  le  concile  i^'  de  Constantinople,  pour  les  différents  qui  ne 
pouvaient  se  décider  dans  le  concile  provincial. 

XIII.  Le  concile  de  Calcédoine  commença  à  mettre  en  usage 
le  titre  de  patriarche. 

XIV.  Origine  de  ce  titre. 

I.  Nous  avons  dit  que  l'épiscopat,  dont  il  a  été 
parlé  dans  les  deux  chapitres  précédents,  com- 
prenait les  métropolitains,  les  archevêques, 
les  patriarches  ou  primats,  et  le  pape;  car  enfin 
ce  n'est  que  le  même  ordre  qui  leur  est  com- 
mun à  tous,  et  dans  lequel  ils  sont  tous  égaux, 


la  seule  inégalité  de  la  juridiction  ayant  causé 
toute  cette  diversité  de  dignités  et  de  trônes  (jui 
composent  la  suprême  hiérarchie  de  TEdise. 

Le  titre  de  métropolitain  fut  le  premier  qu'on 
ajouta  à  celui  d'évèque.  comme  étant  le  plus 
simple  et  le  plus  modeste  pour  désigner 
l'évêque  de  la  ville  qui  était  la  métropole  et  la 
première  de  la  province,  selon  la  disposition 
ciAile  réglée  par  les  empereurs  :  car  la  métro- 
pole civile  fut  aussi  honorée  d'une  pareille 
primauté  dans  la  police  ecclésiastique,  à  cause 
de  la  plus  grande  facilité  qu'il  y  avait  pour  les 
évèques  de  la  province  de  s'assembler,  et  de 
conférer  souvent  avec  celui  qui  était  comme 
leur  chef  et  supérieur. 

IL  11  est  aussi  extrêmement  probable  que 
les  apôtres  et  les  hommes  apostoliques  com- 
meucèrentà  annoncer  l'Evangile  dans  les  villes 
les  plus  célèbres  de  Lempire  romain,  et  dans 
les  capitales  de  chaque  province  :  c'était  la 
gloire  et  l'avantage  de  l'Eglise  d'attaquer  et  de 
renverser  l'idolâtrie  dans  les  lieux  mêmes  où 
elle  régnait  plus  insolemment  :  il  n'était  pas 
difficile  après  cela  de  l'abattre  dans  les  moin- 
dres places.  La  lumière  de  la  vérité  se  répandait 
facilement  des  villes  capitales  dans  le  reste  de 
chaque  province  :  ce  fut  ce  qui  porta  saint 
Pierre  à  aller  établir  la  prééminence  de  son 
trône  dans  les  trois  plus  grandes  villes  du 
monde,  Rome,  Alexandrie  etAntioche.  Saint 


12 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TROISIÈME. 


Paul  n'adressa  ses  lettres,  et  par  conséquent 
n'avait  plus  particulièrement  donné  ses  soins 
qu'aux  villes  les  plus  considérables  de  chaque 
province  ou  de  tout  l'empire.  Saint  Jean,  dans 
son  Ai)ucalypse,  ne  s'adresse  aussi  qu'à  des 
villes  importantes  ;  il  fit  lui-même  son  séjour 
le  plus  ordinaire  à  Ephèse,  qui  dominait  sur 
toute  l'Asie  mineure. 

11  résulte  de  là  que  si  les  métropoles  civiles 
sont  devenues  aussi  les  métropoles  ecclésiasti- 
ques, c'est  principalement  parce  que  l'Eglise 
de  la  ville  métropole  a  été  etfectivement  la 
mère  et  la  fondatrice  de  toutes  les  autres  Egli- 
ses de  la  province,  de  même  que  l'église  ca- 
thédrale de  chaque  cité  a  donné  naissance  à 
toutes  les  autres  églises  des  villages  voisins,  et 
s'est  acquis  par  là  un  juste  titre  d'une  domina- 
tion paternelle. 

111.  Ce  sont  donc  les  afrôtres  et  les  premiers 
prédicateurs  apostoliijues  (jui  ont  d'abord  fait 
le  choix  des  plus  importantes  villes  de  l'em- 
pire, non  par  des  vues  liumaines,  mais  par  le 
même  esprit  qui  fit  choisir  au  Fils  de  Dieu  la 
ville  de  Jérusalem  pour  y  publier  sa  doctrine , 
et  pour  l'y  sceller  de  son  sang.  Saint  Pierre 
écrit  aux  fidèles  du  Pont,  de  la  Bilhynie,  de  la 
Galatie,de  l'Asie  et  de  la  Cappadace  (Epist.  i, 
ci].  Ephèse  était  la  capitale  de  l'Asie,  Césarée 
de  la  Cappadoce,  Nicomédie  de  la  Bithynie, 
Amasée  du  Pont  :  et  on  sait  que  toutes  ces  villes 
ont  été  de  célèbres  métropoles  dans  l'Eglise 
même  des  premiers  siècles.  Saint  Paul  écrivit 
aux  Corinthiens  et  aux  Galates,  dont  Ancyre 
était  la  capitale  ;  Corinthe  et  Ancyre  eurent  im 
rang  fort  considérable  dans  l'Eglise. 

Le  même  apôtre  laissa  Tite  à  Crète,  pour 
établir  des  prêtres,  c'est-à-dire,  des  évêques 
dans  les  cités.  11  montre  bien  l'union  de  la  pro- 
vince entière  avec  sa  métro[)ole  ecclésiastique, 
quand,  écrivant  aux  Corinthiens  et  aux  Thessa- 
loniciens.  il  déclare  (jue  son  discours  s'adresse 
aussi  à  tous  ceux  de  la  province,  c'est-à-dire,  de 
l'xVchaïe  qui  relevait  de  Corinthe  et  de  la  Macé- 
doine, dont  Thessaloniquc  était  le  chef  :  «  Qui 
sunt  in  Acliaia  fratres,  etc.  (II  Cor.  ij.Etcœteros 
(]ui  sunt  in  Macedonia  T  Tliess.  iv).  »  S'il  écrit 
aussi  aux  Pliilippiens,  cest  que  la  ville  de  Phi- 
lilipes  partageait  aussi  avec  Thessaionique  la 
gloire  d'être  caiiitale  de  la  Macédoine.  Tout 
cela  se  peut  confirmer  par  Tertullieu,  lorsque, 
pour  ne  point  s'égarer  des  traditions  apostoli- 
ques, il  veut  (ju'on  ait  recours  aux  Eglises  qui 
ont  été  fondées  par  les  apôtres  ;  «  Proxime  est 


tibi  Acliaia,  halies  Corinthuni.  Si  non  longe  a 
Macedonia,  habes  Philippos,  habes  Tliessaloni- 
censes.  Si  potes  in  Asiam  tendere,  habes  Ephe- 
sum.  Si  autem  Italiœ  adjaces,  habes  Romam 
(L.  de  PrtTscript,  c.  36'.  » 

IV.  Le  canon  apostohque  ne  désigne  le  mé- 
tropolitain que  par  la  qualité  de  premier  et  de 
chef  dans  la  province  :  «  Episcopos  uniuscu- 
jusque  gentis  nosse  oportet  eum,  qui  in  eis  est 
primus,  et  existimare,  ut  caput,  ^iûtov,  râ;  Mçax-r.v 
^Can.  xxxm).Le  concile  d'Antioche ,  renouve- 
lant ce  canon,  donne  le  nom  de  métropolitain  au 
premier  évêque  de  chaque  province  :  «  Per  sin- 
gulas  proviucias  episcopos  convenit  nosse  eum, 
qui  inmetropoli  prœest  episcopum.  »  xx6'  h.iarr,y 
ÈKapxtav  TC.V  i;  u.r-}'.-ù.v.  È-'.rac-cv.  (Cau.  ix).  Parmi  les 
Latins  on  le  nommait  avec  la  même  simplicité 
l'évêque  du  premier  siège.  Le  concile  d'Elvire 
lui  attribue  la  principale  autorité  pour  donner 
les  lettres  de  communion  :  «  Maxime  in  eo  loco 
inquo  prima  cathedra  constituta  estepiscopa- 
tus.  etc.  (Can.  Lvni  .  »  Le  concile  de  Laodicée 
nomme  le  métropolitain  comme  président  aux 
élections  des  évêques  (Can.  xn). 

Le  concile  de  Nicée  confirme  tous  les  pou- 
voirs des  métropolitains,  leur  attribue  ce  même 
nom,  et  ne  nomme  aucun  titre  d'une  dignité 
supérieure,  quoiqu'il  parle  des  évêques  de 
Rome,  d'Alexandrie,  d'Antioche  et  de  Jérusa- 
lem. C'est  une  marque  assez  évidente  que  ceux 
qu'on  appela  depuis,  ou  archevêques,  ou  exar- 
ques, ou  iiatriarches,  n'étaient  encore  nommés 
que  métropolitains ,  quoique  leur  juridiction 
fût  beaucoup  plus  étendue  que  celle  des  autres 
métropolitains  de  chaque  province  :  «  Firmitas 
eorum  qua>  per  imamquanique  provinciam 
geruntur ,  metropolitano  tribuatur  episcopo 
(  Can.  IV,  vi).  » 

Y.  Si  ce  concile  confirme  à  l'évêque  d'Alexan- 
drie le  pouvoir  ancien  qu'il  avait ,  et  qui  lui 
était  alors  contesté  par  les  Méléciens,  d'ordonner 
tous  les  évoques  d'Egypte,  de  la  Libye  et  de  la 
Pentapole,  quoicjue  chacune  de  ces  trois  pro- 
vinces eût  apparemment  son  métropolitain 
particulier  ;  et  si  un  semblable  pouvoir  d'or- 
donner les  évêques  de  iilusienrs  provinces  qui 
conqiosaient  l'Orient,  estaussi  confirméà  l'évê- 
que d'Antioche,  parce  que  l'évêque  de  Rome 
était  aussi  dans  mie  possession  incontestable 
d'ordonner  les  évêques  de  plusieurs  pro- 
vinces, savoir  de  toute  l'Italie,  et  des  îles  voi- 
sines; c'est  une  preuve  assez  évidente  qu'on 
peut  tirer  de  ce  canon  du  concile  de  Nicée 


DES  TITRES  DE  MÉTKOPOLITAIN,  D'ARCHEVÊQUE,  ETC. 


(Can.  VI ),  (jue  ces  trois  grands  évèiiues  étaient 
les  trois  grands  métropolitains  de  l'Egiisi!  pri- 
mitive, et  (|u'ils  avaient  élé  originairement  les 
seuls  métro()olitains  de  tontes  ces  provinces 
ipii  lenr  étaient  soumises.  Car  d'où  aurait  pris 
eonnnencenient  celte  coutume,  ipn;  révè<|ue 
d'Alexandrie  onionnùl  les  évèijues  de  ces  trois 
provinces,  et  que  l'évéque  d'Antioclie  ordon- 
nât les  évèqnes  des  quinze  provinces  (jui 
étaient  renl'erniées  dans  l'Orient  proiirement 
dit,  si  ce  n'est  que  les  évoques  de  ces  deux 
grandes  villes  où  l'Eglise  avait  pris  d'abord  de 
très-grands  accroissements^  avaient  conmumi- 
qué  la  lumière  de  la  vérité  et  donné  des  évè- 
ques  à  toutes  les  villes  de  leur  ressort,  et  en 
avaient  été  les  métropolitains  immédiats.  Il  est 
sans  doute  que,  selon  les  règles  canoniques,  le 
droit  d'ordonner  les  évêques  de  chaque  pro- 
vince appartient  au  métropolitain. 

La  coutume  de  ces  deux  grands  évêques 
ne  provenait  donc  que  de  l'étendue  ancienne 
et  prodigieuse  de  leur  métropole ,  et  de  ce 
qu'ayant  depuis  consenti  à  la  création  des 
métropolitains  jtarticuliers  de  chaque  i>ro- 
vince,  ils  s'étaient  toujours  réservé  leur  ancien 
pouvoir  pour  l'ordination  de  tous  les  évêi|ues. 
La  chose  est  encore  jdns  évidente  pour  le 
pape  ;  car  il  est  certain  que  lors  du  concile  de 
Nicée,  il  n'y  avait  point  encore  d'autre  métro- 
politain que  lui  dans  toute,  ou  presque  toute 
l'Italie,  dans  la  Sicile  et  la  Sardaigne.  Aussi  le 
concile  de  Nicée  propose  l'Eglise  de  Rome  pour 
exemple;  car  n'y  ayant  point  d'autre  métropo- 
litain dans  tontes  ces  provinces,  il  était  clair 
que  le  pape  seul  devait  en  ordonner  les  évê- 
ques; ainsi  la  première  de  toutes  les  Eglises  du 
monde  fournissait  ime  preuve  constante  qu'un 
métropolitain  pouvait  ordonner  les  évêques 
d'un  grand  nombre  de  provinces.  Que  si  dans 
celte  vaste  métropole  de  Rome  il  n'y  avait 
point  d'autre  métropolitain  que  le  pape,  quoi- 
que les  évêques  d'Antioche  et  d'Alexandrie 
eussent  laissé  créer  des  métropolitains  dans  le 
vaste  ressort  de  leur  ancienne  mélro])ole  ,  cela 
avait  pu  se  faire  par  diverses  raisons  qui  ne 
pouvaient  point  préjudicier  au  droit  de  ces 
deux  évêques  de  se  réserver  les  ordinations  de 
tous  les  prélats  de  leur  ancien  ressort. 

Voila  à  mon  avis  le  sens  du  fameux  canon 
de  Nicée  (Can.  vi)  :  «  Antiqua  consuetudo  ser- 
vetur  per  .-Egyptum,  Lihyam,  et  Pentapolim, 
ila  ut  Alexandrinus  ei)iscopus  liorum  omnium 
babeat  potestatem.  Quia  et  urbis  Romœ  epi- 


scoi)0  parilis  mos  est.  Simililer  autem  et  apud 
Antiochiam  c;i;teras(|ue  provincias  suis  privi- 
légia serventur  Ecclesiis.  Illiid  aulem  genera- 
liler  claruniest,  (|uodsi  cpiis  prielersentenfiam 
metropolitani  fuerit  faclns  ejjiscopus ,  hinic 
magna  synodus  delinivit  episco|]uni  esse  ntwi 
oportere.  » 

VI.  Les  métroiiolitains  de  ces  provinces  par- 
ticulières de  la  Libye  et  de  la  Pentapole  pré- 
tendaient à  l'ordination  des  évêques  de  leur 
province,  à  l'exemple  de  tous  les  autres  mé- 
tropolitains, à  qui  ce  droit  était  acquis  dans 
leur  province  :  mais  il  y  avait  cette  dillérence 
que  les  autres  métropoles  n'étaient  pas  les  dé- 
membrements d'une  plus  grande  et  plus  an- 
cienne métropole  qui  se  fût  réservé  ces  droits. 

Il  n'est  pas  même  hors  d'apparence  que  les 
évêques  de  quantité  de  provinces  voisines  se 
faisaient  ordonner  à  Rome ,  à  Antioche  et  à 
Alexandrie,  parce  que  les  affaires  civiles  et 
ecclésiastiques  se  traitaient  plus  ordinaire- 
ment dans  ces  villes  royales  ;  comme  la  suite 
de  l'histoire  ne  fait  que  trop  voir,  combien  il 
est  ordinaire  et  en  quel<iue  façon  inévitable, 
qu'un  grand  nombre  d'évêques  se  trouvent 
dans  les  villes  capitales  de  chaque  Etat  ,  et 
que  plusieurs  d'entr'eux  y  reçoivent  leur  consé- 
cration. 

VII.  Comme  ce  furent  les  évêques  d'Alexan- 
drie, dont  les  pouvoirs  furent  le  plus  contestés 
par  les  métropolitains  de  lem-  ressort,  ou  par 
les  évêques  de  chaque  province  qui  voulaient 
avoir  un  métropolitain  particulier  ,  ils  afîec- 
tèrent  aussi  les  premiers  de  se  distinguer 
d'avec  les  autres  métropolitains,  en  prenant  le 
titre  à' archevêque.  Saint  Epiiihane  donne  cette 
(jualité  à  Alexandre,  évêque  d'Alexandrie,  et 
même  au  bienheureux  martyr  Pierre  qui  l'avait 
précédé. 

II  remarque  au  même  endroit  les  provinces 
([ui  relevaient  de  cet  archevêque  :  «  Hic  enim 
mos  est  Alexandrinorum  archiepiscoporum  , 
ut  per  totam  /Egyptum  ac  Thebaidem,  Mareo- 
tidem,  Libyam,  Ammonitideni  ac  Pentapolim, 
ecclesiasfica  negotia  administrent  (  Epiphan, 
heresi.  Lxxvui,n.2,7).  »  Mais  il  faut  remanjuer 
([ue  saint  Epiphane  donne  aussi  le  nom  d'ar- 
clievèque  k  Mélèce,  métropolitain  de  la  Thé- 
baïde  et  somnis  à  l'archevêque  d'Alexandrie  : 
M  Meletius  Thebaidis  in  ^^Lgy|)to  archiepiscopus, 
et  Alexandro  subjectus,  rem  omnem  ad  archie- 
piscoi)i  Alexandri  aures  detulit.  » 

Il  ne  laisse  pas  d'être  douteux,  si  ce  nom 


44 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TROISIÈME. 


d'archevêque  était  déjà  en  usage  au  temps  des 
évèques  d'Alexandrie,  Pierre  et  Alexandre;  ou 
si  c'est  saint  f^iipliane  qui  le  leur  a  donné, 
l'ayant  emprunte  de  l'usage  de  son  temps. 
Saint  Epiphane  rapporte  lui-même  une  lettre 
d'Arius  et  de  ses  impies  partisans  à  Alexandre, 
où  ils  ne  lui  donnent  cpie  la  qualité  de  pape  et 
d'évèque,  et  nullement  celle  d'archevêque.  Le 
concile  d'Antioche  ne  nomme  que  des  métro- 
politains, non  plus  (jue  celui  de  Nicée  :  étant 
même  comme  nécessité  de  reconnaître  ou  d'é- 
tahlir  quel(iue  tribunal  supérieur  à  celui  du 
concile  provincial,  afin  d"y  terminer  les  af- 
faires que  le  concile  provincial  n'aurait  pu 
décider,  il  ne  nomme  point  darchevcque .  ni 
d'exanjuc  ,  ni  de  patriarche  pour  assembler 
m\  concile  jilus  universel  que  celui  de  la 
province. 

VIll.  Car  il  faut  savoir  que  jusqu'au  concile 
de  Nicée,  toutes  les  affaires  ecclésiastiques  s'é- 
taient terminées  dans  les  conciles  de  chaiiue 
province,  et  il  n'y  avait  eu  que  très-peu  de  ren. 
contres  où  il  eût  été  nécessaire  de  convoquer 
une  assemblée  de  plusieurs  provinces.  Le  con- 
cile de  Nicée  même  ne  parle  que  des  conciles 
proAinciaux,  et  veut  que  toutes  choses  s'y  ré- 
solvent. 

Les  restes  de  la  première  ferveur  du  chris- 
tianisme, et  la  difficulté  de  faire  de  grandes 
assemblées  parmi  les  orages  des  persécutions, 
avaient  été  les  véritables  causes  de  cette  police 
si  modeste  et  si  pacifique.  Mais  depuis  il  arriva 
souvent  que  les  dissensions  et  le  partage  des 
voix  dans  les  conciles  provinciaux,  les  démêlés 
de  plusieurs  métroi)olitains,  ou  de  plusieurs 
provinces  entr'elles,  découvrirent  l'impossibilité 
qu'il  y  avait  de  finir  tous  les  différends  par  la 
seule  autorité  des  conciles  de  la  province.  On 
eut  souvent  recours  aux  empereurs  chrétiens, 
(jui  convoquèrent  des  conciles  ou  universels, 
ou  au  moins  jilus  amples  que  les  provinciaux 


pour  y  juger  ces  causes  communes  à  plusieurs 
provinces  :  Mais  les  évèques  mêmes  qui  avaient 
ainsi  fait  intervenir  l'autorité  impériale  dans 
les  causes  ecclésiastiques  et  spirituelles,  s'aper- 
çurent des  suites  dangereuses  que  cette  police 
pourrait  avoir.  Ils  s'efforcèrent  donc  d'établir 
une  nouvelle  jurisprudence  pour  empêcher 
que  les  causes  ecclésiastiques  fussent  portées 
au  tribunal  séculier  (1). 

Le  concile  d'Antioche  et  celui  de  Sardique, 
qui  furent  tenus  presque  en  même  temps,  l'un 
dans  l'Orient,  l'autre  dans  l'Occident,  s'y  pri- 
rent d'une  manière  bien  différente,  ne  tendant 
néanmoins  qu'à  un  même  but.  Le  concile  d'An- 
tioche ordonna  que  les  évèques,  les  prêtres  et 
les  diacres,  qui  auraient  été  condamnés  par  le 
concile  de  la  ])rovince.  pourraient  recourir  à 
ini  plus  grand  concile  d'évêques  :  «  Oportet 
ad  inajus  episcoporum  converti  concilium  ,  et 
(piod  pu  laver  inthabere  jus  ad  plures  episcopos 
referre  ;  eorumque  examinationem  et  judicium 
suscipere  (Can.  xn)  :  »  mais  que  s'ils  portaient 
leurs  plaintes  à  l'empereur,  ils  ne  pourraient 
jamais  être  rétabhsdans  leur  dignité  «  :  Si  mo- 
lesti  fuerint  imperatori,  hos  nuUa  venia  dignos 
esse.  » 

Ce  même  concile  découvre  quel  sera  ce  con- 
cile plus  nombreux  qui  fera  la  révision  d'une 
affaire  déjà  jugée,  ou  qui  n'aura  pu  être  jugée 
dans  le  concile  provincial ,  quand  il  dit  que  si 
dans  la  cause  criminelle  d'un  évc(|ue,  les  évè- 
ques du  concile  provincial  se  trouvent  parta- 
gés, le  métropolitain  appellera  ijuelques  évê- 
(pios  des  provinces  voisines  pour  terminer 
1  allaire  avec  les  prélats  de  la  même  province. 
«  Metropolitanus  ex  propinqua  provincia  alios 
evocetjudicaturos,  etcontroversiam  decisuros  : 
et  cum  provincialibus  quod  i)robatum  fuerit 
confirmet(Can.  xiv).  »  Enfin  ce  concile  veut  que 
si  un  évêque  est  condamné  par  tous  les  évè- 
ques du  concile  provincial,  sans  qu'il  y  ait 


l\)  Il  V  a  un  grand  nombre  de  textes  dans  le  Droit  qui  repoussent 
cnergiquement  les  ingérences  laïques  dans  le  domaine  spirituel. 
Nous  ne  ferons  qu'indiquer  le  chapitre  Benique,  3,  de  la  Hislinc- 
(l'on  90  ;  Denique  hi,  q'iilus  tanlum  humanis  rébus  et  non  ditiinis 
prccessê  pervMsum  est,  quomodo  de  his,  per  quos  divina  ministran- 
turjudicare  prœsumant,  penilus  ignoramus.  Le  ïl«  canon  Si  impe- 
ratOT  de  la  même  distinction  n'est  pas  moins  précis.  Il  dit,  entre 
autres  choses  :  jVen  a  potestatibus  sœculi,  sed  a  pontifidbus  et  sa- 
cerdoiibus  omnipotens  Deus  christianœ  religionis  clericos  et  sacer- 
dotes  voluit  ordinari.  disnitique  et  recipi.  Nous  ne  faisons  qu'indi- 
quer les  canons  x»  de  Constitutionibus,  xvne  de  Judiciis,  ne,  ixe 
et  ni':  de  l'on  competatti,  ne  de  Foro  eompetenti  in  sexto. 

Nos  révolutions  modernes  ont  profondément  modifié  la  discipline 
de  l'Eglise  sur  la  tenue  des  conciles.  Les  gouvernements  se  sont 
généralement  arrogé  le  droit  de  permettre  ou  de  défendre  la  tenue 
des  conciles  provinciaux.  En  ce  qui  concerne  la  France,  l'article  4 
des  organiques,  ajoute  subrepticement  au  concordat  à  l'insu  du  pape, 


dit  :  0  Aucun  concile  national  ou  métropolitain ,  aucun  synode  dio- 
Q  césain,  aucune  assemblée  délibérante  ne  peut  avoir  lieu  sans  la 
n  permission  expresse  du  gouvernement,  n  Nous  comprendrions  cela 
pour  les  temps  où  les  conciles  traitaient  les  affaires  de  l'Etal  ainsi 
que  celles  de  l'Eglise,  mais  aujourd'hui,  qu'ils  se  bornent  au  domaine 
purement  spirituel ,  la  seule  chose  que  l'Etat  puisse  exiger,  c'est 
d'être  prévenu  de  répoque  et  du  lieu  de  leur  tenue,  afin  de  prendre 
les  mesures  de  police  nécessaires.  L'article  3  des  mêmes  organiques 
défend  de  publier  en  France  les  décrets  des  synodes  étrangers,  fus- 
sent-ils même  généraux,  et  de  les  faire  mettre  à  exécution  avant  que 
le  gouvernement  en  ait  examiné  la  forme,  leur  confoimité  avec  les 
lois,  droits  et  franchises  de  la  France.  De  la  rigoureuse  observation 
de  cet  article  il  s'en  sui\Tait  que  la  religion  catholique  n'aurait  d'autre 
liberté  en  France  que  celle  que  le  pouvoir  civil  voudrait  lui  laisser. 
Mais  cette  conséquence  est  contraire  à  l'article  1er  du  Concordat 
de   1801,  au  principe  de  la  liberté  des  cultes  et  à  la  Constitution. 

(Dr  André.) 


DES  TITRES  DE  MÉTnOl'OLITAliN.  D'ARCIIEVKQl'E,  KIC 


enlr'oux  aucun  partage  do  voix,  il  ne  iMiuna 
l»lus  recourir  à  un  plus  grand  concile  (Can.xv). 

IX.  Il  faut  confesser  de  bonne  foi  (]ue  celte 
police  a\ait  l)caueou|)  de  confornulc';  avec  ce 
i|ui  s'était  pratii[ué  dans  les  premiers  siècles 
d'obscurité  et  de  perséeulion  :  car  c'était  de  la 
même  manière  que  s'asseiublaient  les  conciles 
.extraordinaires,  tels  que  furent  ceux  d'Anfio- 
che,  contre  Paul  de  Saniosate,  évèiiue  de  cette 
grande  ville.  C'étaient  les  métropolitains  et  les 
évoques  du  voisinage  qui  s'assemblaient  avec 
ceux  de  la  province  où  s'était  allumé  le  feu 
d'une  grande  dissension. 

Le  concile  de  Sardii[ue,  poussé  du  même  dé- 
sir de  rompre  le  cours  de  la  coutume  (jui  s'in- 
troduisait, d'avoir  recours  à  l'empereur  pour 
le  jugement  des  causes  spirituelles  de  l'Eglise, 
s'avisa  d'un  antre  moyen  qui  n'était  pas  moins 
conforme  à  la  pratique  des  siècles  précédents, 
qui  avait  outre  cela  beaucoup  de  fondement 
dans  les  divines  Ecritures.  Car  J.-C.  ayant 
donné  la  primauté  et  la  qualité  de  chef 
à  saint  Pierre,  au-dessus  des  autres  apôtres,  et 
ayant  donné  des  successeurs  tant  aux  apôtres, 
savoir  tous  les  évoques,  qu'à  saint  Pierre,  sa- 
voir les  pontifes  romains  ;  enfin  ayant  voulu 
que  son  Eglise  demeurât  éternellement  une 
par  l'union  de  tous  les  évoques  avec  leur  chef, 
il  est  visible  que  si  les  évoques  d'une  province 
ne  pouvaient  s'accorder  dans  leur  concile  pro- 
vincial, et  si  les  évêciues  de  plusieurs  provinces 
avaient  des  démêlés  entre  eux,  la  voie  la  plus 
naturelle  de  finir  ces  différends  était  de  faire 
intervenir  l'autorité  du  chef  et  de  celui  (\ne 
J.-C.  a  établi  [>our  centre  d'unité  de  son  Eglise 
universelle. 

Ce  fut  cet  ex])édient  que  le  concile  de  Sar- 
dique  embrassa  pour  honorer  la  mémoire  de 
saint  Pierre  :  a  Sancti  Pétri  memoriam  hono- 
remus,  etc.  (Can.  ni,  iv,  vu)  ;  »  et  pour  suivre 
les  ouvertures  que  la  Providence  divine  avait 
faites  elle-même  par  le  recours  de  Cocilien, 
archevêque  de  Carthage,  et  de  saint  Athanase, 
archevêque  d'Alexandrie  à  Rome,  ni  l'un  ni 
l'autre  n'ayant  pu  espérer,  ni  chez  les  évê(|ues 
voisins,  ni  ailleurs  qu'à  Rome,  aucun  asile 
contre  l'injustice  des  faux  conciles  qui  les 
avaient  condamnés. 

X.  Cependant ,  ni  le  concile  de  Sardique, 
ni  celui  d'Antioche  ne  faisant  encore  men- 
tion que  des  métropolitains,  il  faut  confesser 
qu'il  n'y  avait  point  encore  de  titre  pins  magni- 
fique dans  l'usage  ordinaire  de  l'Eglise.  Marc, 


diacre,  (jui  a  écrit  la  \ie  de  saint  Porphyre, 
évêque  de  Gaze,  y  donne  souvent  le  nom  d'ar- 
chovê(|uo  à  saiid  Chrysoslome,  évê(pie  do  Con- 
slaiitinople;  et  à  .lean,  melropolilain  de  Césa- 
réo  en  Palestine. 

On  pourrait  peut-être  conclure  do  là  (|iie  le 
nom  <rarchevêque  commoiuail  à  se  rendre 
plus  conmnin,  et  que  c'est  ce  qui  donna  occa- 
sion au  troisième  concile  de  Carthage,  où  saint 
Augustin  se  trouva,  do  juger  que  ce  nouveau 
titre  d'archevêque  ou  de  prince  dos  évêcjues  et 
do  souverain  prêtre,  ressentait  plus  le  faste  et 
la  domination  du  siècle  que  l'humilité  et  la 
modestie  ecclésiastique  :  ainsi  ce  concile  no 
laissa  au  métropolitain  que  le  titre  ancien  d'é- 
vêque  du  premier  siège.  «  Ut  primœ  sedis  epi- 
scopus  non  appelletur  prince|is  sacerdoluni  :  aut 
summus  sacerdos,  sed  tantum  primto  sedis 
episcopus  (Can.  xxvi).  » 

XI.  Comme  ce  n'est  que  la  nouveauté  qui 
fait  naître  les  fâcheuses  interprétations  des 
noms,  l'idée  de  faste  et  de  domination  qu'on 
avait  attachée  au  nom  d'archevêque  se  dissipa 
bientôt,  et  on  fit  réflexion  que  tous  ces  termes 
d'archevêque,  de  prince  des  prêtres  et  de  sou- 
verain prêtre,  n'avaient  effectivement  qu'une 
même  signification  et  la  même  que  le  terme 
d'évêque  du  prenuer  siège  :  car  enfin  tous  ces 
termes  divers  n'expriment  que  la  primauté  ou 
le  premier  rang  :  de  même  que  les  noms  d'ar- 
chiprêtre  et  d'arcliidiacre  ne  signifient  rien 
moins  qu'une  donnnation  tyrannique  sur  les 
autres  prêtres  ou  diacres. 

11  fallut  néanmoins  un  assez  long  espace  de 
temps  pour  etfacer  les  défiances  qu'on  avait 
conçues  contre  le  nom  d'archevêque,  et  ce  ne 
fut  que  dans  le  concile  I"  d'Ephèse  qu'il  fut  at- 
tribué aux  trois  inomiers  évoques  du  monde. 
Saint  Cyrille  y  prend  quelquefois  cette  qualité 
d'arcliovêtiue,  et  elle  lui  est  très-souvent  attri- 
buée :  le  concile  même  la  lui  donne  dans  sa 
lettre  à  l'empereur  sur  la  déposition  de  Nesto- 
rius.  Saint  Cyrille  y  donne  la  même  qualité 
au  pape  Célestin,  à  qui  elle  y  fut  aussi  donnée 
on  plusieurs  autres  rencontres  (An.  430.  Cône. 
E])hes.  Act.  i). 

Le  même  nom  est  donné  à  Jean  d'Antioche 
dans  les  actes  du  faux  concile  qui  se  tenait  en 
même  temps  à  Ephèse  par  les  amis  de  Nesto- 
rius.  Enfin  ce  nom  y  est  aussi  attribué  à 
Jlemnon,  évoque  d'Ephèse  ;  ainsi  il  n'est  ac- 
cordé qu'aux  primats,  exarques  ou  chefs  des 
diocèses. 


16 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS. 


XII.  On  appelait  déjà  exarques  de  diocèse^, 
dans  l'Orient,  les  grand?  métropolitains  qui 
avaient  sous  leur  juridiction  yihisieurs  moin- 
dres métropolitains,  et  plusieurs  provinces 
dont  l'assemblage  sous  un  même  chef  s'appe- 
lait diocèse. 

Pour  distinguer  le  diocèse  particulier  ilu 
chaque  évêque  d'avec  cette  diocèse  des  exarques 
qui  comprenait  plusieurs  provinces,  nous  par- 
lerons toujours  de  celle-ci  au  genre  féminin.  L;i 
disposition  civile  de  Constantin,  ou  de  quel- 
que autre  empereur,  avait  établi  ces  grandes 
diocèsesdans  les  provinces  de  l'empire.  L'Eglise 
n'y  eut  nul  égard,  ni  dans  le  concile  de  Nicée, 
ni  dans  celui  d'Antioche,  comme  il  a  assez 
paru  par  ce  que  nous  en  avons  dit. 

Ce  fut  le  premier  concile  de  Constantinople 
qui  les  établit,  ou  les  supposa  établies  dans  la 
police  ecclésiastique.  En  voici  le  canon  :  «  Epi- 
scopi  qui  extra  diœcesini  sunt  ad  Ecclesias,  (lUiu 
extra  terminos  eorum  sunt,  non  accédant,  ne- 
que  confundant  et  permisceant  Ecclesias.  Sed 
secundum  régulas  constitutas,  Alexandria;  qui- 
dem  episcopus  ea  qiuc  sunt  in  .^ilgypto  tantnni 
gubernet.  Orientisautemepiscopi.  soliusOrien- 
tis  curam  gérant,  servatis  honoribus  prima- 
tus  Ecclcsiiu  Antiocliena',  qui  in  regulis  Nica;- 
nœ  synodiconfinentur.  Sed  et  xVsian»  diœcesis 
episcopi  ea  (|n:e  sunt  in  Asia,  et  qu;e  ad  Asia- 
nam  tantunimodo  Ecclesiam  pertinent,  guber- 
nent.  Pontici  auiem  episco[ii  Ponticie  tantum 
diœcesis  liabeant  cnram  ;  Thraciœ  veroipsius 
tantummodo  Thraciœ  (An.  386.  Can.  n).» 

Voilà  trois  diocèses  anciennes,  celles  de 
Rome,  d'Alexandrie  et  d'Antioche;  et  trois 
nouvelles,  celles  de  l'Asie,  du  Pont  et  de  la 
Thrace.  Celle  de  Romeest  assez  marquée  parla 
citation  du  canon  de  Nicée  ;  et  elle  est  ex])ressé- 
ment  nommée  dans  le  canon  suivant,  lorsqu'on 
donne  à  l'Eglise  de  Constantinople  la  préséance 
snr  les  autres,  après  celle  de  l'ancienne  Rome 
(Can.  ui).  Suciate  dit  que  les  patriarches  furent 
institués  dans  ce  concile  I"  de  Constantino|)le. 
Il  faut  l'entendre  ou  de  ces  exarques,  ou  decjuel- 
(jues  évèciues  qu'on  nomma  comme  pour  être 
les  chefs  de  la  coninuuiion  catholique.  Ce 
titre  leur  donna  peut-être  quelque  rang  au- 
dessus  d(!S  autres  évoques. 

Saint  Crégoire  de  Nysse,  qui  en  était  un,  est 
mis  entre  les  métropolitains  dans  le  concile  de 
Nectarius,  lors(|u'il  jugea  la  cause  des  cvèques 
d'Arabie.  Mais  ce  privilège  d'être  chefs  de  la 
conuuunion  fui  pmunient  personnel. 


Revenons  aux  exarques  :  le  concile  de  Calcé- 
doine ordonna  que  si  un  ecclésiastique  ou  un 
évèque  même  avait  quelque  différend  avec  son 
métropolitain,  il  pourrait  le  faire  juger  àl'exar- 
quedudiocèse, «Petatexarchumdiœceseos,»  ou 
à  l'évèque  de  Constantinople  fCan.  ix,  xxvn). 
Dans  ce  concile  le  nom  d'exarque  est  aussi  donné 
à  l'évèque  d'Antioche.  Le  nom  d'exarque  de  die-- 
cèse  avait  été  employé  dans  le  concile  de  Be- 
rith,  qui  fut  lu  dans-l'action  x  du  concile  de 
Calcédoine. 

XIII.  Enfin  ce  fut  dans  ce  même  concile  de 
Calcédoine  qu'on  commença  de  donner  le  titre 
de  patriarche.  L'empereur  Théodose,  dans  sa 
lettre  à  l'empereur  Valentinien,  et  dans  celle 
qu'il  écrivit  à  Galla  Placidia,  donna  la  qualité 
de  patriarche  au  pape  Léon.  Dans  l'action  ni 
du  concile  même  de  Calcédoine,  les  quatre  re- 
quêtes d'un  prêtre,  de  deux  diacres  et  d'un 
laïque  contre  Dioscore,  furent  adressées  au 
pape  Léon,  avec  le  titre  d'archevêque  univer- 
sel et  de  patriarche,  ou  de  patriarche  œcumé- 
nique (Concil.  Chai.  part,  i,  c.  29,  30).  Les  re- 
quêtes hirent  lues  dans  le  concile  auquel  elles 
étaient  adressées.  Le  nom  de  patriarche  fut 
encore  donné  à  ce  pape  dans  les  acclamations 
du  concile,  et  ne  fut  donné  (|u'à  lui  seul.  «  Leonis 
multi  anni,  patriarcha^  miilti  anni ,  îrjTvâpxou 
•:;ox~Aà  -k  ï-rr,.  n  On  ne  peut  nier  néanmoins 
que  dans  l'action  u  de  ce  concile  les  ma- 
gistrats qui  y  assistaient  n'aient  nommé  les 
autres  exarques,  patriarches  des  diocèses. 

XIV.  11  y  a  donc  bien  de  l'apparence  que 
comme  le  nom  d'archevêque  avait  commencé 
par  les  évêques  d'Alexandrie,  puisqu'on  lit  ce 
terme  même  dans  saint  Athauase  (Athan.  Apol. 
2.  p.  612.  édit.  Commet)  ;  aussi  le  nom  de  pa- 
triache  commença  jiar  le  pape,  et  se  communi- 
qua ensuite  à  tous  les  exarques  ou  primats  ; 
en  sorte  qu'avant  la  fin  du  cinquième  siècle  il 
fut  commun  aux  cinq  premiers  évêques  de 
l'Eglise. 

Je  compte  pour  rien  l'attribution  qui  fut  faite 
du  patriarche  œcuménique  à  Dioscore  dans  le 
faux  concile  d'Ephèse  (In  subscript.  Olympii 
Ejtisc.  evazorum). 

Il  ny  a  nulle  apparence  au  reste  que  l'Eglise 
ait  emprunté  ce  nom  de  pahiarche  des  pa- 
triarches des  Juifs,  et  encore  moins  de  ceux  des 
Montanistes  dont  paiie  saint  Jérôme.  (Hier. 
Ep.  ai.  Socrat.  1.  v,  c.  8  .  Socrate  avait  donné 
la  qualité  de  patriarches  aux  exarques  des 
diocèses  ou  aux  chefs  de  la  communion  établis 


DES  TITRES  DE  PAPE.  DAPOTIŒ,  ETC. 


dans  lo  (.oiicile  iK;  (iouslaiitiuoiile.  Naziaiizcn. 
orat.  30,  il,  1-2).  Saint  Grégoire  de  Nazianze  et 
saint  Gréiroire  de  Nysse  avaient  aj)i)elé  patriar- 
eiies  les  plus  illustres  évèques  de  leur  teni[)s 
connue  les  com[>arant  aux  patriarches  du  Vieux 
Testament  dont  ils  faisaient  revivre  les  vertus 
Nyssen.  orat.  de  niagno  Episc.).  11  y  a  (luelcjue 


loudenienl  de  croire  (jue  c'est  plutôt  de  la  (jue 
l'usage  de  ce  terme  est  entré  dans  l'Eglise. 
Ouant  au  titie  de  i*ape,  nous  en  [larlerons  ci- 
dessous  dans  le  chapitre  suivant,  qui  compren- 
dra le  temps  où  il  commença  d'être  uni(iue- 
ment  afi'ectti  au  chef  de  l'Eglise  universelle. 


CHAPITRE  QUATRIÈME. 

OIE  LES  TITRES  GLORrErX  DE  PAPE  ,  d'aPÔTRE  ,  DE  PRÉLAT  APOSTOLIQUE  ,  DE  SIÈGE  APOSTOLIQUE  , 
ONT  ÉTÉ  AUTREFOIS  COMMUNS  A  TOUS  LES  ÉVÈQUES,  ET  QU'iLS  ONT  ÉTÉ  NÉANMOINS  SINGULIÈRE- 
MENT ATTRIBUÉS  AU   PONTIFE   UO.MAIN. 


I.  Ces  titres  marquent  une  puissance  toute  céleste  et  une 
sainteté  toute  divine. 

II.  Tous  les  évèques  de  France  nommés  papes,  et  leurs  évè- 
cliés  sièges  apostoliques. 

m.  On  y  distingue  pourtant  les  singulières  prééminences  du 
siège  romain. 

IV.  Nos  évêques  s'appellent  serviteurs  des  serviteurs  de 
Dieu,  et  les  rois  même  leur  donnent  le  nom  d'apostoliques. 

V.  En  Espagne  les  niètropolilains  passent  pour  sièges  apos- 
toliques, sans  rien  diminuer  de  la  supériorité  du  pape. 

VI.  Les  papes  reconnaissent  l'unité  et  l'égalité  de  l'épis- 
copat  par  rapport  à  l'adorable  Trinité,  sans  blesser  la  subordi- 
nation. 

VII.  En  Afrique  le  litre  d'apostolique  donné  à  l'évèque  de 
Carthage. 

VIII.  Le  pape  précède  te  patriarche  de  Constantiaople,  dans 
Constantinople  même. 

IX.  Cette  préséance  reconnue  dans  les  conciles. 

X.  Du  nom  de  pape,  et  quand  il  fut  affecté  au  pontife  ro- 
main. 

I.  Il  faut  d'abord  confesser  que  le  nom  de 
pape,  d'apôtre,  de  prélat  apostoli([ue,  de  siège 
apostolique,  a  été  encore  commun  à  tous  les 
évèques,  même  durant  ces  trois  siècles  qui  se 
sont  écoulés  depuis  le  règne  de  Clovis  jusqu'à 
l'empire  de  Charlemagne  ;  quoique  ces  titres 
éclatants  de  gloire  et  de  sainteté  aient  été  et 
idus  souvent  et  plus  particulièrement  attri- 
bués aux  successeurs  de  Pierre  dans  le  siège 
romain,  et  aux  vicaires  de  Jésus-Christ  en 
terre. 

Ce  sont  les  deux  points  importants  i[ue  nous 
tâcherons  d'établir  dans  ce  chapitre,  pour  la 
gloire  de  l'épiscopat  universel  et  pour  la  préé- 
minence du  chef  et  du  centre  de  l'épiscopat. 
Car  ces  noms  augustes  ne  sont  pas  comme  ces 
titres  vains  et  superficiels  dont  l'orgueil  des 
hommes  se  repaît  ;  ce  sont  des  marques  solides 

Th.  —  TO.ME  1. 


d'une  puissance  toute  céleste,  et  d'une  sainteté 
toute  divine. 

IF.  Fortunat,  qui  fut  depuis  évèque  de  Poi- 
tiers, écrivant  à  Euphronius,  évèque  de  Tours, 
le  traite  de  sainteté,  d'apostoli([ue,  de  pape  : 
<i  Domino  sancto  et  meritis  apostolico  domino 
Euplironio  papœ,  etc.  Apostolice  et  peculiaris 
Domine  et  Pater,  etc.  Apostolatui  vestro  me 
commendans,  etc.  Sanctitati  vestr»  me  com- 
mendans,  etc.  (L.  ni,  Poemat.  et  Opusc.)  »  Et 
écrivant  à  Félix,  évèque  de  Nantes  :  «  Domino 
sancto  et  apostolica  sede  dignissimo  Patri,  Fe- 
lici  papfe  iL.  iv).  »  Et  dans  celle  qu'il  écrit  à  Avi- 
tus,  évèque  de  Clermont:  «  Domino  sancto  et 
ai»ostolicisactibusprœconando  (Gregor.  Turon. 
1.  IX,  c.  42).  »  Et  dans  celle  à  Syagrius,  évèque 
d'Autun  :  «  Domino  sancto  et  apostolica  sede  di- 
gnissimo.» Et  la  reine  sainte  Radegonde  dans 
sa  lettre  aux  évèques  :  «  Dominis  sanctis  et  apo- 
stolica sede  dignissimis  Patribus  (Baron.  An. 
190,  n.  29).  » 

m.  Saint  Avit,  évèque  de  Vienne,  donne  à 
révêque  de  Jérusalem  ces  titres  avantageux  de 
pape,  d'apôtre  et  de  prince  dans  l'Eglise  uni- 
verselle :  «  Papœ  Hierosolymitano.  Exei'cet  apo- 
stolatus  vester  concessos  a  divinitate  primatus, 
et  quod  principem  locum  in  universali  Eccle- 
sia  teneat,  non  privilegiis  solum  studet  mon- 
strare,  sed  meritis  'Epist.  xxiii  .  » 

Mais  ce  savant  prélat  sait  bien  faire  la  diffé- 
rence du  pape  et  des  autres  évèques  de  l'Eglise, 
lorsiiue  dans  une  autre  lettre,  il  l'appelle  sim- 
plement le  pape  :  «  De  his  quœ  papie  dicebantur 
objecta  (Epist.  xxxi)  ;  »  il  ne  veut  pas  que  les 

2 


18 


DU  PREMIER  UKDKE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRIÈME. 


Romains  soient  nioin?  passionnés  pour  lu  |iri- 
mauté  ecclésiastique  du  siège  de  Pierre,  que 
pour  l'empire  de  Rome  sur  tout  le  monde  : 
«Nec  minus  diligatis  in  Ecclesia  vestra  sedeni 
Pétri,  quani  in  civitale  apicem  mundi.  » 

Enfin  il  juge  qu'en  la  personne  du  pape 
l'on  attaque  ou  l'on  défend,  non  pas  un  évèqiie, 
mais  lépiscopat  universel:  « At  si  papa  lu'bis 
Aocatur  in  dubium,  episcopatus  jani  videbi- 
tur,  non  episcopus  vacillare.  »  Aussi  il  pro- 
l(!ste  (jne  le  jiaiie  Synnnaque  devait  être  jugé 
par  le  juge  et  le  pasteur  éternel,  qui  lui  avait 
confié  toute  son  Eglise  :  «Reddet  rationem  qui 
ovili  Dominico  pr;eest,  qua  conunissam  sibi 
agnorum  euram  administratione  dispenset. 
Caeteruni  non  est  gregis  propriuni  pastorem 
terrere,  sed  judicis,  etc.  Qua  ratione  vel  Icge 
ab  intérioribus  judicetur.  » 

Le  synode  romain  était  entré  dans  ces  mêmes 
sentiments,  lorsqu'il  avait  renvoyé  à  Dieu  le 
jugement  de  la  cause  de  Symmaciue  :  «  (^au- 
samquam  pêne  temere  susceperat  in(]uirentlani 
divine  potius  servavit  examini.  »  Après  cela  on 
jugera  bien  en  ([uel  sens  il  faut  pi-endre  ce 
(|ue  le  même  Avitus  écrit  au  |iatriarclie  de 
Constantinople,  «  papœ  Constantinopolitano,  » 
(jue  le  pape  et  lui  sont  comme  les  deux  princes 
des  ajjntres,  et  comme  les  deux  astres  Inillants 
du  ciel  de  l'Eglise  :  «  Velut  geminos  a|iostol(>- 
rum  principes,  etc.  Velut  in  cœlo  positum  reli- 
gionis  signuin,  ])ro  gemino  sidère  (Epist.  vu).  » 

Ce  Père  sa\ail  bien  qu'entre  les  asires  il  n'y 
en  a  (pi'im  (|ui  soit  le  dispensateur  du  jour  et 
le  père  de  l'univers,  et  ciu'entre  les  aitôlres 
Pierre  siuil  ètiùt  le  chef,  comme  le  prince  des 
princes  de  l'Eglise  :  «  Sic  (|uondam  Petrus 
apostolornm  caput,  id  est,  principum  prin- 
ceps  (In  fragment.  i)ag.  -ir)')).  » 

IV.  Didier,  évèque  de  Cahors,  ne  prenait 
dans  ses  lettres  que  la  qualité  humble  et  sain- 
tement glorieuse  de  serviteur  des  serviteurs  de 
Dieu,  «  servus  servorum  Dei,  »  qualité  émanée 
du  roi  de  gloire,  (jui  est  vAui  servir  ses  esclaves, 
«  non  venit  minislrari,  sed  ministrare  (Malth. 
XX,  2S)  :  Ego  in  medio  vestrum  sum,  sicut  (pii 
ministrat(Luc.  xxu,  ±1):  »  aussi  est-elle  enfin 
demeurée  à  celui  qui  est  plus  particulièrement 
i|uc  les  aulres  son  vicaiic  dans  loule  la  Ici le, 
l'tqui  doit  èlre  aussi  singidierement  rimilateur 
de  son  liumilité,  (pi'il  est  le  dépositaire  de  sa 
puissance. 

Miiis  ci^t  évèque  donne  à  ses  confrères  les 
mêmes  lilics  d'honneur  dont   nous  parlons. 


«  Aposlolico  patri,  Dadoni  papœ  (Biblioth.  Pair, 
lom  m.  p.  413,  etc).  »  Et  à  un  autre  évèque  : 
«  Rogo  aiiostolicam  dignafionem  vestram  (E- 
pist.  X,  xij.»  Il  les  reçoit  aussi  d'eux:  «Aposto- 
lica  sede  dignissimo  patri,  et  papae  (Ibid.  Ep.  i, 
ni,  vi).»  Les  rois  même  honoraient  les  èvêques 
de  ces  éniinentes  qualités  :  «  Apostolica  sede 
dignissimo  patri  paj)»  Desiderio,  Sigebertus 
rex.  Domino  sancto  et  apostolico  in  Christo 
patri  Desiderio  Sigebertus  rex.  (Ibid.  Ep.  ix, 
xvM.)  ))  Ce  sont  les  mêmes  termes  dont  se  servit 
le  roi  Childebert,  écrivant  au  pai)e  :  «  Domino 
sancto  et  apostolica  sede  colendo  in  Christo 
])atri,  Joanni  ejjiscopo  Childebertus  rex  (Quer- 
cet.  Hisl.  Franc,  tom.  i,  p.  803).» 

Le  grand  Clovis  écrivant  aux  évêques  de  son 
royaume  ,  en  308,  usa  de  mêmes  termes  : 
«  Orale  pro  me  ,  domini  sancti,  et  apostolica 
sede  dignissimi  papae.»  Charles,  maire  du  palais, 
rend  le  même  honneur  à  tous  les  évê(]ues,  en 
leur  reconniKuidanl  le  légat  du  pajie  saint  Bo- 
niface  :  «  Dominis  sanctis  et  apostolicis  in 
Christo  patribiis  episcopi,  etc.  (Bonifacii  Mari, 
et  Archiep.  Epist.  xxxu).  «Mais  les  conciles  III. 
IV  et  V  d'Orléans,  et  le  II  de  Clermont  ne  don- 
nent la  qualilé  de  siège  apostolique  qu'àFEglise 
de  Rome. 

V.  Isidore,  évèque  de  Sèville,  place  tous  les 
jiatriarches  et  tous  les  archevêques  dans  le 
trône  apostolicjue  :  «  Patriarcha  grœca  lingua 
sumnnis  paier,  (|iiia  primum,  id  esl,  apostoli- 
cum  iclinet  locum.  Archieiiiscopus  gnecc, 
sumnms  episcoporum,  tenet  enim  vicem  apo- 
stolicam  (Origen.  lib.  vu,  c.  2).  » 

Et  en  un  autre  endroit  il  fait  monter  tous  les 
évêques  sur  des  sièges  apostoli(pies  :  «  Si  qui- 
dem  et  cieteri  apostolornm  Petro  par  consor- 
tium honoris  et  iiufestatis  acceperunt,  ipii 
etiam  in  loto  orbe  dispersi  Evangelium  pnedi- 
caverunt;  quibusque  decedentibus  successe- 
runt  episcopi,  (\m  sunt  constituti  per  totuni 
iiumdîim  in  sedibus  apostolorum  (De  offic. 
Eccl.  1.  n,  c.  5).  » 

Mais  ce  pieux  prélat  n'a  pas  ignoré  la  prèfé- 
icnce  que  ,I.-C.  a  donnée  à  saint  Pierre  sur  les 
aulres  apôtres,  en  le  substituant  en  sa  propre 
place  (Ibid.)  :  «Innove  Testamcnto,  post  Chri- 
stum,  sacerdotalisordo  a  Pedro  apostolocœpit, 
ipsienim  primusdatus  esl  poidificalus  in  Eccle- 
sia Christi.  Sic  enim  ad  eum  Dominus  :  Tibi  dabo 
claves  regni  cœlorum  (Epist.  ad  Eugen.  Episc. 
Tolet.  pag.  ()97).  «  Et  dans  un  autre  endroit  : 
«Quod  vt^rodc  pari litateagitur apostolorum,  Pe- 


DES  TITUES  UE  l'Al'E,  D'APOTKE,  ETC. 


1!) 


truspr,TomiiiPtcri'l('ris,(|iiial)()iiiin();uKlireiiu'- 
niit  :  Tu  os  l'clnis,  clr.  l'ascc  ajiiios  iiu'os,  elc. 
Ilonorein  pontificaliis  in  Cliris-li  Ecclesia  pri- 
mas susccpil.  Ciijiis  difiiiitas  polcsiaiis  etsi  ad 
oimies  catliolicdfiini  cpiscopos  est  transfusa, 
specialius  tainen  Roniano  antisliti,  singnlari 
(|uodan]  privilejiio,  velut  capiti,  ca^leris  nuin- 
Ijiis  colsior  pernianet  in  a>terniun.  Quid  igitur 
debitani  ci  non  exliibet  reveri'nterobi'dientiam, 
a  capite  sejnnctus,  acci)lialornni  sciiisniati  se 
reddit  olmoxiuni  (Si)icil.  i,  p.  313.  Edit.  1723, 
t.  ni  p.  31()\  »  Idalus,  évt'uue  de  P.aieelene, 
écrivant  a  l'archevêque  de  Tolède  :  «  Juliano 
Toletanœ  primce  sedis  apostolo.  » 

VI.  Le  pape  Symniatiue  exprime  admirable- 
ment cette  égalité  et  cette  unité  de  l'épiscopat 
et  de  l'apostolat,  entre  le  pape  et  tous  les  évè- 
ijues,  sans  blesser  le  moins  du  monde  l'obli- 
gation indispensable  qu'ont  les  inférieurs  d'o- 
béir aux  ordres  de  leurs  supérieurs,  par 
l'exemple  de  l'adorable  Trinité  des  personnes 
divines,  où  légalité  subsiste  nonobstant  les 
origines,  les  émanations,  et  les  missions  incom- 
prébensibles,  et  où  l'unité  règne  dans  l'ordn;  : 
«  Nam  dum  ad  Trinitatis  instar,  cujiis  una  est, 
atque  iudividua  potestas  ,unum  sit  per  diversos 
antistites  sacerdotiuni  :  quemadmodum  prio- 
rum  statuta  a  sequentibus  convenit  violari  '? 
(Epist.  I  Symmachi).  » 

Le  pape  Hormisde  prescrivit,  et  tous  les 
évêques  de  l'Orient  souscrivirent  après  le  pa- 
triarche Jean  de  Constantinople,  un  fornni- 
laire  de  foi  et  de  communion  catholique,  où 
entre  autres  articles  remarquables  celui  -  ci 
était  digne  d'une  particulière  attention  ;  que 
comme  toutes  les  Eglises  ne  font  qu'une  Eglise, 
aussi  tous  les  trônes  de  l'apostolat  et  tous  les 
sièges  de  l'épiscopat  ré[)andus  par  toute  la  terre 
ne  font  qu'un  seul  siège  apostolique,  insépa- 
rable du  siège  de  Pierre  :  «  Sanctissimas  Dei 
Ecclesias,  id  est,  superioris  vestne,  et  novelUc 
istius  Roma'  unam  esse  accipio  :  illani  sedem 
apostoli  Pétri  et  istius  augustœ  civitatis  unam 
esse  definio  (  Inter  Epist.  Hormisdœ  post 
epist.  XL).  Le  diacre  Rustique,  dans  sa  dispute 
contre  les  acéphales,  dit  que  cette  confession 
fut  souscrite  par  deux  mille  cinq  cents  prélats 
de  l'Orient. 

VII.  L'Eglise  d'Afrique,  quoiqu'opprimée  en 
ce  temps  par  la  domination  des  Vandales . 
nous  fournit  des  exemples  de  cette  pratique. 
Voici  le  commencement  d'une  requête  présen- 
tée à  Boniface,  évêque  de  Carthage,  |)ar  les  reli- 


gieux et  lenrabiié  dans  un  concile  de  Carthage 
tenu  en  .')-2.")  :  «  Uogaïuus,  beatissime  l't  ajioslo- 
lica  dignitate  pra'dite,  Christi  venerandi'  |ii>iili- 
fex,  etc.  Tui  apostolatus  oi'alionibus  nos  com- 
niendainus,  etc.  (Spicilegii,  toni.  vi,  p.  2,  3,<i. 
Edit.  17-23,  tom.i,  p. 482).» 

il  esl  fort  probable  qu'on  avait  égar<i  à  l'au- 
torité de  l'évèque  de  Carthage  sur  tous  les  évê- 
ques de  toute  rAfri(iue  :  «  Ut  tant<e  sedis  quit 
|)rimatum  totius  Ecclesiœ  Africœ  tenere  cogno- 
scitur  defensione  muniti,  etc.  »  Aussi  ces  reli- 
gieux, s'élant  mis  sous  la  protection  derévèipie 
de  Carthage,  s'exemptaient  de  la  juridiction  des 
évètjues  diocésains,  connue  nous  le  dirons  dans 
la  suite. 

Vlll.  Mais  011  sait  que  dans  cette  égalité  et 
cette  unité  de  l'apostolat  et  du  siège  de  Pierre, 
dont  tous  les  évè([ues  ont  une  portion,  ils  cé- 
daient tous  à  celui  de  Rome,  comme  au  suc- 
cesseur particulier  de  Pierre,  et  comme  au  chef 
de  tous  les  évêques.  Aussi  saint  Fulgence,  évo- 
que de  Rus[)e  en  Afrique,  reconnut  l'Eglise  de 
Rome  comme  le  chef  de  toutes  les  autres,  parce 
qu'(;lle  avait  recueilli  la  succession  tout  entière 
de  Pierre  et  de  Paul  :  «  Duoruni  niagnoruin 
luminarium  Pétri  et  Pauli  verbis,  tanquam 
splendentibus  radiis  illustrata,  eorumque  de- 
corata  corporibus,  Romana,  quœ  niundi  caput 
est,  Ecclesia  (L.  de  Incarn.  et  Gratia).  »  Et 
Possesseur,  évèque  d'Afrique,  écrivant  au  pape 
Hormisde,  le  reconnaît  comme  le  principal 
successeur  de  saint  Pierre  :  «  Quis  majorem 
circa  subjectos  sollicitudineni  gerit,  aut  a  quo 
magis  nutantis  fidei  stabilitas  expecfanda,  quam 
ab  ejus  sedis  prœside,  cujus  primus  a  Cliristo  '*' 
rector  audivit  :  Tu  es  Petrus,  et  super  banc 
petram,  etc.  (Inter  Epist.  Hormisdae  ).  » 

Quand  à  l'Orient,  le  pape  Jean  ,  successeur 
d'Hormisde,  étant  allé  à  Constaiitinoi)le,  et  y 
ayant  rencontré  dans  le  siège  patriarchal  Epi- 
phane,  successeur  de  Jean,  il  prit  toujours  le 
dessus  dans  Constantinople  même  :  «  Joannes 
Byzantium  veniens  et  invitatus  ab  Epiplianio 
patriarcha,  nonconsensit,  usquequo  Epiplianio 
praesideret,  utpote  papa  Romanus  ».  Voila  ce 
qu'en  dit  Anastase,  bibliothécaire,  dans  son  his- 
toire, après  Théophane  dans   sa  chronogra- 

pllie,  £t  y.aT£^£^c-TO,  £w;  »vC=xx6iC£v   'E'TTiîpaViûu  o  *PoJar,ç. 

Le  comte  Marcellin  lui  donne  la  droite  : 
«  dexler  dexteroEcclesiœseditsolio.  »  Le  même 
Théophane  dit  un  peu  plus  bas,  que  le  nom  du 
patriarche  de  Constantinople  Menas,  qui  était 
le  premier  dans  les  dyptiiiues  sacrées  de  Cous- 


■20 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUIÈME. 


laiitiii(i|il(\  fut  rc'cul(''  jifiur  faire  place  à  celui  tlu 
|ia|)e  \  iiiile,  qui  y  fut  (''crit  et  récité  le  premier. 
JX.  Dans  le  sixième  concile  le  nom  de  pape 
semble  être  réservé  au  pontife  romain,  avec 
(les  manjues  évidentes  de  préférence  sur  l'évè- 
(jue  de  (k)nstantinople,  (pii  y  est  appelé  pa- 
triarche, et  sur  celui  d'Antioche,  qu'on  nomme 
archevêque  :  «  Agathoni  orthodoxo  papte,  mul- 
tos  annos,  etc.  Georgio  orthodoxo  patriarchic, 
multos  annos.  etc.  Audiens  Macarius  archiepi- 
scopus  Antiochœ,  etc.  (Act.  8).  »  Ces  mêmes 
distinctions  s'y  [)euvent  souA'ent  observer. 

La  lettre  synodale  au  pape  porte  cette  ins- 
cription :  M  S.  E.  Papœ  senioris  Romœ,  etc.  » 
11  est  vrai  (jue  les  inseri|)tions  des  cint]  exem- 
plaires des  actes  du  concile,  envoyés  aux  ciu(i 
premiers  sièges  de  l'Eglise,  donnent  la  qualité 
de  siège  ajiosfolique  à  celui  de  ConstantinopK', 
et  à  celui  d'Alexandrie,  aussi  bien  qu'à  celui 
de  Rome  ;  mais  il  n'y  a  que  celui  de  Rome  qui 
soit  apfielé  le  siège  de  Pierre,  comme  celui 
d'Alexandrie  le  siège  de  Marc  :  «  Ajiostolicie 
sedi  saneti  et  principis  apostolorum  Pétri,  sive 
Agathonis  papœ,  etc.  »  Aussi  ce  concile  aban- 
donna à  la  volonté  et  à  la  disposition  du  pape, 
Maeaire,  jiatriarche  d'Antiodie,  et  les  autres 
sur  ([ui  leur  opiniâtreté  dans  l'hérésie  avait 
attiré  une  sentence  de  déposition  :  «  Probationi 
sanctissinii  papa'  tratlili  sunt.  » 

Quelc|ue  égalité  que  les  évè(jues  du  sNiJode 
m  Triillo  aient  voulu  établir  entre  le  pape 
et  le  patriarche  de  Constantinople  :  «  œ(jualia 
pri\  ilegia,  »  ïsmv  -T^izai-iiio»,  ils  ont  reconnu  eux-mê- 
mes que  celui  de  Constantinople  n'était  que  le 
second  :  «  utqui  sif  secunduspost  ilium  ^Synodi 
Trullanae,  c.  3(1).  »  Aussi  les  évèques  de  Cons- 
tantinople n'en  avaient  jamais  eux-mêmes  pré- 
liiKhi  davantage,  ni  dans  le  premier  concile 
de  Constantinople,  ni  dans  celui  de  Calcédoine. 


X.  Pour  dire  encore  quel(|ue  chose  du  nom 
de  pape,  outre  ce  que  nous  venons  d'en  dire, 
nous  pouvons  remarquer  que  le  nom  de  i)ape 
qui  avait  été  commun  à  tous  les  évêques,  de- 
uieura  affecté  au  pontife  romain  vers  le  com- 
mencement du  sixième  siècle.  Libéral  l'appelle 
bien  ([uelquefois  l'èvêque  de  Rome  ou  le  pape 
de  Rome.  Mais  depuis  le  pape  Agapet,  il  lui 
donne  simplement  le  nom  de  jiape.   «  Aga- 
petus  papa  cu'ilinatur,  etc.  (C.  18).  Papa  Con- 
stantinopolin  profectus  est,  etc.  (C.  21).  Augusta 
papœ  minas  intentante,  in  hoc   papa  pcrsti- 
tit,  etc.  Tune  papa  Menam  urdinavit  {C.  2-2).  » 
Quand  il  raconte  l'exil  du  pape  Sylvestre  à 
Patare,  il  fait  parler  l'èvêque  de  Patare  même 
a    l'empereur  eu   ces  termes  :  Qu'il  y  a  plu- 
sieurs rois  dans  le  monde,   mais  qu'il  n'y  a 
qu'un  pape  :  «Multos esse diccns  in  hoc  mundo 
reges,  et  non  esse  inium  sicut  ille  papa  est  su- 
per Ecclesiam  totius  mundi.  » 

Le  concile  sixième,  ]>arlant  à  l'empereur,  ap- 
pelle Agathon  le  père  counnun  et  le  souverain 
[lape  :  «  Sanctissimi  patris  nostri,  et  summi 
pap;c  (Actio.  18).  »  La  lettre  synodale  est  aussi 
adressée  au  pape  de  l'ancienne  Rome.  «  Papic 
senioris  Rom»,  n  Le  même  empereur  écrivant 
au  pape  Léon  II  l'appelle  archevêque  île  Rome 
et  «  pape  œcuménique.  » 

En  voila  assez  pour  faire  connaître  (|ue  l'u- 
sage avait  déjà  réservé  au  pape  seul  le  titre  de 
pape  dans  l'Orient  et  dans  l'Occident;  en  sorte 
que  si  l'on  trouve  encore  îles  exemples  con- 
traires après  cela,  ce  n'est  que  parce  que  l'u- 
sage n'établit  les  choses  qu'avec  lenteur,  et 
qu'à  peine  peut-on  trouver  un  usage  si  univer- 
sellement reçu,  ([u'il  n'y  ait  encore  (pielques 
exceptions  contraires  :  comme  dans  le  concile  \'I 
Cyrus  d'Alexandrie  est  encore  appelé  pape  (Ci- 
après,  1.  I,  c.  50,  n.  14). 


> 


CHAPITRE  CINQUIÈME. 

L'iNION     et    la     COIUtESPOXDANCE     DES    PAPES     AVEC    LES   EMPEUEtltS  ,    LES    ROIS    ET     LES    ÉVÈQLES    DE 

france,  également  glorieuse  et  avantageise  aux  l'ns  et  al  x  al  tres,  pendant  le  règne  de 
ciiarlemagm:  lt  de  ses  descendants. 


I.  La  grandeur  de  l'Eglise  romaine  et  la  majesté  de  la 
inonarohie  française  ont  des  correspondances  mutuelles  et  des 
liaisons  Irès-éiroites. 

II.  Nonienoy,  duc  de  Bretagne,  ne  put  s'élever  contre  nos  rois, 
saus  armer  coutre  lui  loute  l'autorité  des  évéques  et  du 
pape. 


III.  Le  roi  Charles  le  Chauve  maintenu  contre  les  desseins 
ambitieux  du  roi  son  frère  par  les  évêques  et  le  pape. 

IV.  La  religion  affermit  les  trônes,  en  affermissant  les  sujets 
dans  l'obéissance. 

V.  Les  évéques   ont   quelquefois  besoin  d'être   soutenus  de 
l'autorité  du  pape. 


L'IINION  DES  PAF'F.S  AVEr.  I.KS  EMPRUElIiS.  KTC. 


21 


VI.  Hinciiiar  éprouva  et  confessa  qu'il  était  avantageux 
pour  la  sûreté  des  évèqucs,  de  ne  pouvoir  être  cnticrcnienl 
déposés,  sans  l'inlenentioa  du  pape. 

VII.  .\utrcs  exemples  dans  l'Occident  et  dans  l'Orient,  que  le 
Siège  apostolique  est  raffermissement  de  tous  les  évèques  dans 
leurs  trùnes. 

VIII.  Le  pape  était  le  lien  de  la  paix  et  le  médiateur  des 
alliances  entre  les  deu.\  empires. 

IX.  Hincmar  confesse  que  l'Eglise  romaine  est  la  Jérusalem 
du  Nouveau  Testament,  qu'il  faut  consulter  dans  les  questions 
douteuses. 

X.  Il  fait  voir  la  nécessité  que  les  grandes  questions  qui 
naissent  dans  les  royaumes  particuliers  se  traitent  en  commun 
sous  le  chef  de  toute  l'Eglise. 

XI.  Il  croit  que  le  pape  peut  dispenser  et  faire  grâce  après 
que  les  évèques  ont  jugé  selon  la  rigueur  des  canons. 

XII.  Suite  des  sentiments  de  Hincmar  sur  la  majesté  et  l'élé- 
vation du  Saint  -Siège. 

XIII.  Sentiments  de  Foulques,  son  successeur,  et  d'Alcuin. 

XIV.  Réflcsions  sur  la  créance  qu'on  donna  par  le  monde  à 
la  prétendue  donation  de  Constantin,  qui  revêtait  les  papes  des 
rayons  de  la  majesté  impériale. 

XV.  Charlemagne  consulte  les  papes  dans  les  doutes  impor- 
tants de  la  religion.  Il  eût  été  utile  aux  empereurs  de  l'Orient 
d'être  ses  imitateurs. 

XVI.  Du  schisme  de  la  .Maison  Impériale  sous  Louis  le  Dé- 
bonnaire, qui  partagea  aussi  les  évèques. 

i.  Il  semble  ([ue  la  Providence  divine  n'ait 
élevé  à  l'empire  la  royale  famille  de  Charlema- 
gne  au  même  temps  qu'elle  voulait  purter  au 
comble  de  la  gloire  le  trône  a|)ostolique  de  son 
Eglise,  qu'afin  de  faire  connaître  par  une  rencon- 
tre sisinguliereet  si  éclatante,  que  la  grandeur 
de  l'Eglise  romaine  et  l'élévation  de  la  monar- 
chie française  ont  des  liaisons  très-étroites  et 
des  correspondances  mutuelles. 

On  ne  doute  pas  que  la  puissance  temporelle 
des  papes  ne  soit  un  effet  de  la  libéralité  et  de 
la  lii'otection  toute-i)uissante  de  nos  rois  :  mais 
j'espère  de  faire  voir  dans  la  suite  de  ce  traité, 
([ue  c'a  été  aussi  par  leur  piété  vraiment  chré- 
tienne, par  leurs  lois  et  par  leurs  religieuses 
déférences  que  l'autorité  spirituelle  du  Saint- 
Siège  a  été  plus  glorieusement  maintenue,  et 
plus  profondément  respectée  qu'elle  n'avait 
jamais  été. 

11  nest  pas  facile  de  renfermer  dans  un 
cliai)itre  un  si  riche  sujet,  qui  demanderait  un 
livre  tout  entier.  Mais  comme  nous  n'avons 
pas  pu  l'omettre  tout  à  fait,  aussi  nous  n'avons 
pas  di'i  nous  y  étendre  davantage;  puisque 
quelque  vaste  que  soit  cette  matière,  ce  n'est 
qu'une  partie  de  celle  que  nous  nous  sommes 
proposés  d'éclaircir. 

11.  Nomenoy,  duc  de  P.retagne,  s' étant  en 
même  temps  révolté  contre  deux  puissances 
dont  il  jugeait  les  droits  et  les  intérêts  insépa- 
rables :  celle  du  saint  Siège,  et  celle  de  la  cou- 


roime  de  France,  les  évèques  du  IV  concile  de 
Tours  lui  écrivirent  ([u'en  refusant  de  recevoir 
les  lettres  et  les  légats  du  Saint-Siège  il  avait 
otl'ensé  toute  la  chrétienté,  dont  il  avait  méprisé 
le  chef,  et  avait  attiré  sur  lui  l'itidignation  de 
tous  les  évèques,  les(]uels  étant  les  successeurs 
des  apôtres,  èt^iieiit  aussi  intéressés  dans  la 
cause  et  dans  l'offense  du  prince  des  apôtres: 
«  Omnem  hesisti  Christianitatem  ;  dum  vica- 
riuiu  H.  Pétri  aimstolicnui,  cui  dédit  l»eus 
primatum  in  omni  orbe  terrarum,  sprevisti, 
etc.  Ne  litteras  (juidetn  ipsas  recejjisti.  In  eo 
igitur  hesisti  a])Ost(ilos  ,  quorum  est  princeps 
Petrus  ;  hesisli  episcopos,  qui  jam  cum  Ueo 
régnant  in  cielis  et  miraculis  coruscaut  in 
terris:  hesisti  et  nos,  ijui  etsi  non  habemus 
eorum  merituiu,  idem  tamen  divina  gratia 
possidemus  officium.»  Ces  lettres  du  pape  ten- 
daient à  faire  rentrer  ce  rebelle  dans  son 
devoir  et  dans  l'obéissance  de  nos  rois  (Au. 
Christ.  349;. 

III.  Les  évèques  du  concile  de  Crècy  rendi- 
rent inutiles  les  sollicitations  de  Louis,  roi 
d'Allemagne,  (jui  tâchait  de  les  débaucher  de 
l'obéissance  du  roi  Charles  le  Chauve ,  son 
frère,  en  lui  représentant  que  le  roi  Charles  le 
Chauve  avait  été  sacré  par  les  évècjues,  et  re- 
connu par  les  lettres  du  Saint-Siège  :  «  Cum 
illis  archiepiscopis  et  episcopis,  qui  consensu 
et  voluntale  populi  regni  istius  doinnum 
nostrnni  fratrem  vestrum  unxerunt  in  regem, 
sacro  chrismate ,  divina  traditione  :  quemque 
sancta  Sedes  apostolica  mater  nostra  lilteris 
apostolicis  ut  regem  honorare  studuit,  et  con- 
flrmare  (Ann.  858).  » 

IV.  Ces  deux  exemples  nous  découvrent  la 
vérité  de  ce  que  le  pape  Nicolas  I"  écrivit  au 
même  roi,  Charles  le  Chauve,  que  les  avan- 
tages du  Siège  apostoliiiue  sont  le  soutien  et 
ratfermissement .,  non-seulement  de  toutes  les 
autres  Eglises,  mais  de  toutes  les  grandeurs  et 
de  toutes  les  puissances  de  la  terre  ;  parce  que 
la  religion  qui  les  fait  regarder  comme  divine- 
ment établies,  les  fait  aussi  iiirmiment  plus 
res[)ecter  que  la  force  et  la  terreur  des  armes  : 
«  Privilégia  namque  Romauœ  Ecclesiœ,  totius 
sunt  Christi,  ut  ita  dicamus,  remédia  Ecclesia^ 
catholicaî.  Privilégia,  inquam.  Pétri  arma  sunt 
contra  omnes  impetus  pravitatum,  et  niuni- 
mentaatquc documenta  Uominisacerdolum,  et 
omnium  prorsusqui  in  sublimitaleconsistunf, 
imo  cunctorum  qui  ab  eisdem  potestatibus 
diversis  afliciuntur  incommodis    Epist.  xxx;.  » 


y  » 


UU  PREMIER  ORDRE  DES    CLERCS.  —  CHAl'lTliE   CINQUIÈME. 


C'est  néaninoins  bien  iilus  souvent  aux  puis- 
sances ecclésiastiques  que  la  protection  du 
Saint-Siège  est  nécessaire. 

V.  Lesévèques  du  concile  II  de  Troyes  con- 
jurèrent le  pape  Jean  Vlll,  avec  les  termes  les 
plus  liumbles  et  les  plus  respectueux,  de  sou- 
tenir de  sa  souveraine  autorité  la  sentence 
dexconnnunication  qu'ils  étaient  prêts  de 
lancer  sur  les  usurpateurs  des  biens  de  l'E- 
glise, dont  l'audace  effrénée  ne  pouvait  être 
réprimée  par  le  seul  pouvoir  des  évêques  : 
«  Nos  famuli  ac  discipuli  vestrœ  autorilatis, 
etc.  Vcsfra  antoritate  nobis  subveniri  cum 
onnii  mentis  liuniilitate  deposcimus,  ut  cen- 
sura apostolicœ  Sedis  muniti,  robustiores  et 
promptiores  deinceps  contra  ecclesiasticarum 
reruni  raptorcs  sacrique  niinisterii  episcopalis 
conteniptores,  nos  successoresque  nostri  jier 
sistere  valeamus  (Ann.  878).  » 
:  VI.  Nous  parlerons  ailleurs  de  l'assistance 
que  les  têtes  couronnées  ont  (jnelquefois  été 
obligées  de  demander  au  vicaire  de  J.-C.  sur 
la  terre,  afin  de  soutenir  leur  trône  chancelant. 
Je  m'airèterai  ici  à  considérer  comment  les  plus 
grands  évêcjues  di;  l'Eglise  n'ont  pas  cru  |iou- 
Toir  mieux  affermir  leur  auguste  dignité  , 
qu'en  conjurant  les  papes  de  maintenir  leurs 
anciens  ])riviléges  ,  en  ne  permettant  point 
qu'on  pût  les  déposer,  sans  la  partici|ialioii  du 
Siège  apostoli(iue.  llincmar  ,  arclievêipie  de 
Reims,  (jue  l'empereur  Lothaire  avait  autre- 
fois tâché  de  di'trôner,  afin  de  rétablir  Elibon 
en  sa  place,  écrivit  lui-même  en  cette  sorte  au 
pape  Nicolas,  avec  cinq  autres  métropolitains 
et  plusieurs  évêcjues  français  du  concile  de 
Troyes  :  «  Summiss;c  devotionis  obsetiuio 
♦•  vestri  apostolatus  exoramus  magnificam  beati- 
tudinem,  ut  more  pra'decessoruni  vestrorum, 
(pia"  de  statu  sacri  |)ontificalis  ordinis  ab  eis 
statuta  et  imprœvaricabili  autoritate  lirmata 
sunt,  ut  iinmota  deea'tero  maneant  :  nmcrone 
a|iostolico  quorumcuuKiue  metropolilaninuin 
temeraria  prœsumptione  suppressa,  etc.  lia  ut 
nec  vestris,  ncc  f'uturis  temporibus,  pra-ter 
consultum  Romani  pontilieis  de  gradu  suo 
(luilibet  episcoporum  dejiciatur,  sicut  corum- 
dem  antecessorum  vestrorum  multiplicibus 
decretis  et  numerosis  jirivilegiis  slabililum 
modis  mirificis  extat.  Videlicet  ne  ali(|ua  Aa- 
riotate  et  vilitate  sumnuis  ordo  diaboli  adnii- 
nistratione  nutare,aul  irregulariter  labefactari 
sinalur  (Ann.  8(17).  » 
Ces  évêques  avaient  reconnu  par  leur  jtropre 


expérience,  (pie  leur  dignité  serait  aussi  incer- 
taine et  aussi  flottante  que  la  faveur  des 
princes,  si  elle  n'était  appuyée  sur  l'immo- 
bilité de  la  pierre,  et  si  elle  n'était  protégée 
par  celui  pour  (jui  les  souverains  ont  bien 
d'autres  égards  que  pour  les  évêques  qui  sont 
leurs  sujets. 

Le  roi  (liiarles  le  Chauve  ne  disconvenait  jias 
de  cette  vérité,  lorsqu'ensuite  du  même  con- 
cile de  Troyes  il  écrivit  au  pape  Nicolas,  que 
l'empereur  Louis  le  Débonnaire  n'avait  pu 
(iriver  Ebbon  de  l'archevêché  de  Reims,  sans 
le  consentement  du  pape  Grégoire,  a  cpii  il  en 
écrivit,  et  dont  il  n'est  pas  vraisemblable  qu'il 
ait  obtenu  le  consentement,  puis(]u'il  ne  donna 
point  de  successeur  à  Ebbon  ;  ce  qui  facilita  le 
rétablissement  d'Ebbon  après  la  mort  de  Louis 
le  Débonnaire  :  «  Domnus  imperator  Gregorio 
pap»  dirigit,  ejus  assensum,  si  fieri  posset,  in 
deposilione  Ebbonis  expostulans,  etc.  Credi- 
nms,  quia  si  in  abjectionem  Ebbonis  domnus 
imperator  ])r;rdecessorem  vestrum  fautorem 
habuisset,  continuo  vacanti  Ecclesiœ  illi  alium 
pontificem  subrogasset.  » 

Vil.  Aussi  le  pape  Nicolas  remontrait  aux 
évêques  qu'ils  étaient  les  plus  intéressés  de 
tous  à  défendre  les  prééminences  du  Siège 
apostolicpie,  dans  lesquelles  ils  trouvaient  leur 
propre  défense  ;  et  sans  lesquelles  ils  avaient  à 
appréhender  les  mêmes  attaipies  ipii  avaient 
renversé  l'évèciue  Rothald  :  «  Privilégia  Sedis 
aiiostolica'  legmina  sunt,  ut  ita  diraniu? ,  to- 
tiusEcclesia'  catholicœ.  Privilégia,  inqnam,  hu- 
jus  Ecclesia'  munimina  sunt  contra  onines  im- 
petus  pravitatmn.  Nam  quod  liothaldo  liodie 
contigit,  unde  scitis,  quod  cras  cuilibet  non 
eveniat  vestrum  (Ep.  xxxu)  ?  « 

Ce  grand  jvape  ajouta  (ju'il  était  prêt  de 
verser  son  sang  povu'  la  défense  de  ces  privi- 
lèges, et  il  rendit  un  illustre  témoignage  de 
cette  magnanimité  vraiment  apostolique  . 
(]uand  il  déposa  Pliotius,  usurpateru-  du  trône 
pafriarchal  de  Constantinople  rétablit  Ignace, 
sépara  de  la  communion  le  sénat  et  l'empe- 
reur (pu  avaient  conspiré  contre  leur  pa- 
triarche, et  envoya  ces  lettres  à  tons  les  pa- 
triarches orientaux,  comme  autant  de  trophées 
d'ime  générosité  incomparabl(>  dans  une  su- 
pivuie  autorité  :  «  Pliotium  tyranuum  pro- 
uuntiat  et  deponit,  asseclas  illius,  ipsumi|uc 
imperatorem  cum  senatu  ejus  onmi,  per  litte- 
ras  à  cœiu  fidelium  excludit.  Qu:v  Nieolaus 
cum  di\ino  zelo  inflammatus  egisset,  aMjuissi- 


-"W 


L'UNION  DES  PAPES  A\TC  LES  EMPEREIlîS,  ETC 


23 


iiKUii  judicii  siii  sonii'iiti.iin  ad  Ori(Milis|)atriar- 
chas  traiisiiiisit  iNicolas  in  \ila  l^natii  .  » 

VUE  Cette  autorité  souveraine  n'éclatait  pas 
moins  dans  les  respects  et  les  déférences  .  ipie 
les  rois  et  les  empereurs  de  la  terre  faisaient 
paraître  envers  le  Saint-Siège  dans  les  occa- 
sions importantes.  Le  pape  Grégoire  III ,  ré- 
pondant avec  une  fermeté  toute  sainte  aux 
insultes  violentes  et  aux  menaces  de  Tem- 
pereur  Léon,  qui  fut  le  premier  ennemi  des 
saintes  images,  il  lui  déclara  d'abord ,  que  si 
les  rois  d'Occident  avaient  encore  quelques 
sentiments  de  respect  pour  l'empereur  de 
Onistantinople,  pour  ses  lettres  et  pour  ses 
images,  ce  n'était  que  par  la  complaisance 
((u'ils  avaient  pour  le  Siège  apostolique;  que 
les  pontifes  romains  avaient  toujours  été  les 
médiateurs  de  la  paix  et  de  la  bonne  intelli- 
gence entre  l'Orient  et  l'Occident;  enfin  (juc 
tous  les  souverains  d'Occident  regardaient 
saint  Pierre  dans  la  personne  de  ses  succes- 
seurs, avec  la  même  vénération  que  si  c'était 
un  Dieu  sur  la  terre. 

«  Testis  est  Deus,  quascumque  ad  nos  misisti 
epistolas  auribus  cordibuscpie  regum  Occiden- 
lis  obtuliuuis.  pacem  illorum  tibi  ac  benevo- 
lentiam  conciliantes,  teque  laudantes  ac  miri- 
fice  etVerentes.  Idcirco  etiam  laureaii  tua  re- 
ceperunt,  etc.  Scire  debes  pontifices  qui  pro 
temjtore  Rom;e  luerunt,  conciiianda?  pacis 
causa,  sedere  tanquam  parietem  intergerinum, 
seplunKjue  medianum  Orientis  et  Occidentis, 
ac  pacis  arbitros  et  moderatores  esse,  etc. 
Sanctum  Petrum  omnia  Occidentis  régna  velut 
Deum  terrestrem  habent,  etc.  Totus  Occidens 
sancto  principi  apostoloriun  fuie  fructus 
offert  ;ln  anteactis  Nicœn;e  secund;e  synodi;.» 
La  vérité  de  ces  propositions  parut  avec  encore 
bien  plus  d'éclat,  lorsque  Charlemagne  par  la 
pureté  de  sa  foi,  et  par  sa  bonne  intelligence 
avec  les  pontifes  romains,  attira  le  secours 
tout-puissant  du  ciel,  ([ui  le  combla  de  tant  de 
victoires  et  soumit  à  son  obéissance  presque 
tout  l'Occident. 

Le  pape  Adrien  fit  espérer  l'amitié  de  ce 
prince  à  l'empereur  de  Constantinople  Cons- 
tantin, lils  d'Irène,  s'il  voulait  rétablir  dans 
l'Orient  l'ancien  culte  des  saintes  images  : 
('  Sicut  Carolus,  rex  Francorum  et  Longobar- 
dorimi  et  iiatricius  Ilomanorum,  nostris  ob- 
temperans  monitis  atque  adimpkns  in  omni- 
bus voluntates.  omnis  Hesperia>  Occidua'([ue 
partis  barbaras  nationes  sub  suis  prosternens 


conculcavif  pcdibus.  (inuiipntriii.-ilnut  ilNiruiii 
domans,  et  suo  subjiciensregno  adunaxit  (AcI. 
■■2.  Xicani.  syn.2).  » 

Anastase  ,  bibliotbécaire  ,  raconte  ipi'il  fut 
en  même  tenqisenvoyé  àC.onstantinople  counni! 
ambassadeur  de  l'empereur  Louis,  et  connue 
légal  du  pape  Adri<'n  II.  pour  trailiT  du  ma- 
riage entre  le  fils  de  Louis  et  la  fille  de  l'em- 
pereur Basile  de  Constantinople.  Il  assun; 
que  la  médiation  du  pape  était  absolument 
nécessaire  pour  conclure  une  atfaire,si  néces- 
saire et  si  avantageuse  à  la  paix  des  deux  em- 
pires, et  à  la  liberté  de  l'Eglise  universelle: 
«  In  tam  pio  enim  negotio,  et  quod  ad  utrius- 
que  imperii  unitatem,  imo  totius  Christi  Ec- 
desia;  libertatem  pertinere  proculdubio  crede- 
batur,  praîcipue  summi  pontificis  veslri  quœ- 
rebatur  assensus  fin  pratfat.  Act.  synodi).  » 

IX.  Le  savant  Hincmar,  archevêque  de  Reims, 
nous  apjirendra  encore  mieux  quels  ont  été  les 
sentiments  des  plus  grands  et  des  plus  habiles 
]>rélats  touchant  les  prérogatives  de  LEglise 
romaine  pendant  ces  deux  ou  trois  siècles. 
Hincmar  reconnaît  lui-même  (]ue  l'Eglise  ro- 
maine jouit  des  mêmes  prééminences  parmi 
les  lldèles.  dont  Jérusalem  jouissait  parmi  les 
Juifs  :«  Privilegium  quod  Jérusalem  propler 
infidelitatem  et  negationem  Filii  Dei  pcrdidit. 
bac  confessione  beatri  Pétri  jjromeruit,  et  non 
ab  homine.  neque  per  hominem.  sed  per  Jesum 
Christum,  sicut  Petrus  et  Paulus  aposlolalum. 
itaet  ha?c  sanctaSedes  onmium  civitatum  mc- 
ruit  principatum  Tom.  i,  p.  loO).  » 

Or.  comme  toutes  les  difficultés  inqiortanles, 
soit  pour  la  doctrine  orthodoxe,  soil  pour  les 
uKinirs,  devaient  être  raiiportèes.  selon  la  loi 
de  Moïse,  au  jugement  du  souverain  pontife 
et  du  suprême  tribunal  de  Jérusalem,  ainsi 
Hincmar  assure  que  c'est  du  Siège  de  saint 
Pierre  que  l'on  doit  attendre  la  résolution  de 
toutes  les  questions  semblables  dans  l'Eglise, 
surtout  dans  les  provinces  occidentales  qui 
lui  sont  redevables  de  la  pureté  de  leur  foi  et 
de  la  sainteté  de  leur  discipline. 

«  De  omnibus  dubiis  ac  obscuris.  quœ  ad 
rcctœ  fidei  tenorem  vel  ad  pictatis  dogmata 
pertinent,  sancta  Romana  Ecclesia,  ut  omnium 
Ecclesiarum  mater  et  magistra.  nutrix  ac  do- 
ctrix,  est  consulenda,  et  ejus  salubria  monita 
sunt  tenenda,  maxime  ab  bis  qui  in  illisregioni- 
bus  habitant,  in  rpiibus  divina  gratia  per  ejus 
pra'dicatiouem  omnes  in  fide  genuit,  et  catho- 
licolacte  nutrivit,  etc.  (Tom.  i,  p.  TiGI).  » 


24 


Dt"  PREMIER  ORLIRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUIÈME. 


X.  C'est  par  où  Hincin;ir  coinriience  son 
traité  du  divorce  du  roi  Lotliaire  et  de  la  reine 
Tetberge.  Et  comme  quelques-uns  mettaient 
en  avant  que  cette  atfaire  devait  être  terminée 
par  lesévcijueset  les  métrojiolitains  du  royaume 
de  Lothaire,  sans  que  les  autres  évoques  s'en 
mêlassent,  Hincmar  leur  montre  admirable- 
ment ,  que  tous  les  royaumes  de  la  Chré- 
tienté ne  composent  (ju'un  seul  royaume  du 
Roi  des  rois,  et  ne  font  qu'une  seule  Eglise  où 
toutes  les  grandes  causes  sont  communes,  et 
où  après  les  assemblées  particulières  elles 
doivent  être  traitées  dans  des  conciles  géné- 
raux, et  devant  le  Saint-Siège,  qui  y  préside,  et 
où  se  fait  la  révision  et  la  ratification  de 
tout  ce  qui  a  été  concerté  dans  les  autres 
Eglises. 

al'num  regnum,  una  Christi  columba,  vide- 
licet  saucta  Ecclesia^  unlus  christianitatis  lege, 
regni  unius  et  unius  Ecclesia?,  quanquam  per 
I)lures  regni  principes  et  Ecclesiarum  pra^su- 
les  gubernacula  moderentur.  Sed  et  ba'c  de 
qua  agitur,  lalis  est  causa,  quœ  generaliter  ad 
omnes  christiano  nominc  insignitos  pertineie 
noscatur.  De  rege  enim  et  regina,  de  lege  coii- 
jugii  ratio  versatur,  etc.  Quapropter  sic  eam 
necesse  est  definiri,  vel  definitam  a  cunctis 
agnosci,  sicut  débet  ab  omnibus  observari 
(Pag.  (183.  etc.).  »  Et  un  iiou  jilus  bas,  après 
avoir  allégué  les  conciles  d'Afrique  :  «  Uuibus 
omnibus  dcmonstratur,  quia  synodus  com|)ro- 
vincialium  episcoiiorum  judicia,  generalis 
autein  synodus  comprovincialium  dijudica- 
tiones,  sive  dissensiones,  vel  probet  vel  corri- 
gat;  a|)oslolica  vero  Sedes  comprovincialium 
et  generalium  rctractet,  refricet  vel  conflrmet 
judicia  (Pag.  086].  » 

XI.  Hincmar  donna  lui-même  im  illustre 
exem|)le  de  cette  soumission  au  Saint-Siège, 
lorsciu'ayant  déposé  Rothald,  évcque  de  Sois- 
sons,  dans  un  concile,  il  confessa  après  cela 
que  le  pape  avait  pu  exannnor  le  jugement  de 
ce  concile,  et  même  rétablir  ou  faire  grâce  à 
Rothald,  par  cette  clémence  (jui  est  si  ordinaire 
et  si  convenable  à  la  })uissance  suprême. 

«  Xullani  habere  possumus  verecundiam  de 
restitutione  illius,  si  foret  facta  a  vestri  summi 
pontiflcatus  pietate,  (juia  onnies  senes  cum 
junioribns  scimus  nostras  Ecclesias  subditas 
esse  liumana^  Ecclesia' ,  et  nos  episcopos  in 
primatu  R.  Pétri  subjectos  esse  Romano  pon- 
lifici,  et  ob  iil  salva  fide,  (pur  in  Ecclesia  sem- 
per  viguit,  et  Domino  coopérante  llorebit, 


nobisest  vestrœ  apostolica;  autoritati  obedien- 
dum  iTom.  n,  p.  ■2.jO;.  » 

Et  après  avoir  dit  que  J.-C.  a  fondé  son 
Eglise  sur  la  pierre,  et  l'a  singulièrement  con- 
fiée à  saint  Pierre  et  à  ses  successeurs  :  »  Supra 
fundamentum  apostolicœ  Petrœ  suam  fun- 
davit  Ecclesiam,  cjuam  et  ante  passionem,  et 
post  resurrectionem  suam  speciali  cura  et  sin- 
gulari  privilégie  B.  Petro,  et  in  illo  suis  com- 
misit  vicariis  Pag.  251,  -2).  »  11  proteste  ([u'en- 
suite  de  cette  incontestable  primauté  les 
grands  de  la  terre  et  lesévèques  se  soumettent 
avec  d'autant  plus  de  respect  aux  ordonnances 
du  Siège  apostolique,  qu'ils  sont  persuadés  que 
leurs  projires  sujets  leur  en  seront  d'autant  plus 
soumis,  et  (jue  leur  souveraineté  sur  la  terre 
demeurera  plus  ferme  et  plus  inébranlable, 
par  leur  soumission  aux  ordres  du  ciel  :  «  Et 
(inioumque  viderit  vel  audierit,  ([uod  rex  et 
episcopi  apostolicœ  Sedis  sumnmm  pontiflcem 
prompte  obaudiunt  et  honorant,  et  promptius 
et  humilius  ei  subjecti  sui  obedient.  » 

En  parlant  plus  bas  du  rétablissement  de 
révê(jue  Rothald  :  «  Si  vestrœ  pietati  ])lacuerit 
illum  reslituere,  ut  primœ  sedis  ac  matris  et 
magistra'  onunum  Ecclesiarum  pontificis,  cun- 
ctorumquc  episcoporum  Patris  at(iue  magistri 
regulare  judicium  ferre  convenit,  œquo  animo 
feram.  »  Et  encore  plus  bas  :  «  Si  judicium  no- 
strum  pro  quacumque  causa  forte  rationabi- 
liore  et  adhuc  nobis  incognita  vestrae  suinnue 
autoritati,  tpiam  multa  nobis  occulta  non 
transeunt,  placuerii  refragari,  ([uia  meum  est, 
mea  vobis  obediendo  committere  et  non 
vestra  judicia  discutere,  sustinebo  et  non  re- 
calcitrabo.  » 

Enfin  il  ne  se  peut  rien  dire  de  plus  respec- 
tueux ({ue  ce  ([u'il  ajoute,  (|ue  c'est  au  ]tape  à 
examiner  les  jugements  (ju'il  doit  rendre,  mais 
que  les  autres  évoques  en  particulier  les  doi- 
vent considérer  comme  émanés  de  la  bouche 
de  Dieu  même,  dont  il  est  le  vicaire  et  l'organe. 
«  Vos  videbitis  quid  inde  facto  melius  erit,  et 
nobis  in  judicio  vestro  videndum  est,  (juid 
Deus  velit ,  (pioniam  injusta  esse  non  poterunt 
divina  judicia,  quœ  a  soliditate  coiifessionis 
apostolicLC  Petraî,  adversus  quam  inferi  portœ, 
id  est  suggestiones  vel  operationes  pravœ  non 
|M\evalebunt,  dictante  justitia  proferentur.  » 

Ce  sont  là  les  paroles  et  les  sentiments  noii- 
seulemeid  du  plus  savant  évêque  de  son  siècle, 
mais  du  plus  zélé  défenseur  des  libertés  de 
1  Eglise  gallicane  et  des  droits  de  lépiscopat. 


LIMON  ni:S  I>A1>ES  AVEC  LES  EMI'Eni.lUS,  ETC. 


g-i 


■  Vdici  on  iraiitrcs  reucdiiti'os  les  terinos  dont  il 
su  sert  [lonrlénioiiînersa  souniissionau  souve- 
rain pontife.  «Non  ciuotl  veslris  apostolicis  jus- 
sionil)ns  vel  (IcIiniliiHiibu?  l'esultare  modo , 
(|uolibet  in  inodico  velini,  (jui  siont  Domino 
fimuilus  et  Patrifilius  in  onmibus  i'actis  facere 
et  parère  aposlolicœ  vestrœ  autoritati  desidero 
(Ibid.  p.  301).  » 

11  dit  ailleurs  que  c'est  Dieu  même  qui  dis- 
pense du  trône  apostolique,  qui  est  le  sien,  les 
grâces  pour  les  uns,  les  justes  rigueur  pour 
les  autres,  selon  les  règles  d'une  équité  et  d'une 
cliarité  admirables.  «  Quoniam  in  eadem  sede 
Dominus  velut  in  throno  sno  prœsidens  alio- 
runi  facta  examinât  ,  et  cuncla  mirabili- 
ter  ut  videlicct  de  sede  sua  dispensât  (  pag. 
i05).» 

Il  déclare  ailleurs  aux  évoques  d'une  pro- 
vince qu'ils  doivent  et  leurs  prières  et  leur 
obéissance  à  leur  métropolitain,  après  le  pape. 
«  Jussnm  esse  per|ienditur .  ut  papa  Romano 
pra^lato,  ei  a  vobis  orationis  devotio  et  obedi- 
lionis  dilectio  expcndatur  (pag.  435).  » 

Xil.  Hincmar  ne  doutait  pas  que  ce  ne  fût  le 
pape  Sylvestre  ({ui  eût  présidé  au  concile  de 
Nicée  par  ses  légats  :  «  Cui  ad  viceni  Sylvestri 
pr;usederuntOsiusCordubensisepiscopus,Vicfor 
et  Vincentius  prœsbyteri  urbis  Roniœ.  «  Que 
Jules  et  Sylvestre  n'eussent  confirmé  le  concile 
de  Nicée  :<(Julins  Niciraam  synodum  apostolic;e 
Sedis  autorilate  per  se,  sicut  praedecessor  illius 
Sylvester  per  legatos  suos  ûrmavit  ipag.  400).  » 
Enfin  il  ne  doutait  pas  que  les  jugements  et  les 
sentiments  de  tous  les  évoques  de  l'Eglise  ne 
fussent  en  queUiue  manière  les  jugements  elles 
sentiments  du  siège  apostolique  de  Pierre,  du- 
quel, comme  d'une  vive  source,  sont  émanées 
tant  de  lois  et  tant  de  règles  des  jugements  ec- 
clésiastiques. 

«Quique  catliolici  episcopi  secundum  sacres 
canones  et  décréta  Sedis  apostolicac  pontificum, 
qua'qne  decernimus  et  judicanuis,  apostolica 
sedes  et  catholica  Ecclesia,in  nobis  pro  aposto- 
lis  creatis  episcopis,ut  in  ordinandis  coordinat, 
ita  et  in  decernendis  canonice  comlecernit.  et 
in  judicandis  conjudicat.  Nos  autem  qui  sacros 
canones  et  décréta  sedis  Romana;  pontificum 
snb  ipsius  apostolica'  Petrœ  judicio  exe(iuiniur, 
nihil  aliud  quam  juste  judicantium  fautores, 
et  justorum  jndiciorum  executores,  obedicn- 
tiam  sancto  Spiritui,  qui  per  eos  locutus  est, 
et  Sedi  apostolica',  a  qua  rivus  religionis,  et 
ecclesiasticœ  ordinationis,  atque  canonicœ  ju- 


(licationis    prolluxil .    di  pendcnles    cvisfinms 
ipag.  i(i:2).  » 

Il  est  difficile  de  se  former  uni'  idi'c  plus 
magnili(pie  de  la  majesté  et  île  la  grandeni'  du 
Siège  apostoli(pie,  (pfen  concexaiit  avec  ce  sa- 
vant prélat  l'origine  d'ofi  la  religion  s'est  ré- 
|)andue  dans  les  royaumes  di\ers  de  rOccideiit, 
d'oii  les  évè(ines  ont  été  ordonnes  cl  envoyés 
dans  les  Eglises  pour  les  gouverner  ;(roii  enfin 
tant  de  lois  du  gouvernement  et  des  jugements 
sont  écoulées  :  en  sorte  que  dans  tous  ces  ruis- 
seaux divers  on  reconnaisse  la  piu-eté,  la  lé- 
condité  et  la  majesté  dé  la  divine  source  d'où 
ils  sont  émanés,  et  d'où  ils  émanent  continuel- 
lement. 

XIII.  Le  célèbre  et  savant  Foul([ues,  qui  suc- 
céda à  Hincmar  dans  l'archevêché  de  Reims, 
ne  témoigna  pas  moins  de  vénération  et  de  dé- 
pendance pour  le  Saint-Siège.  Flodoard  nous 
a  conservé  le  sommaire  de  ses  lettres  et  de  ses 
consultations  sur  toutes  les  rencontres  im|)or- 
tântes. 

Sou  profond  respect  paraît  particulièrement 
dans  la  qualité  ([u'il  prenait  de  sujet  du  Saint- 
Siège,  le  pape  llionorant  au  contraire  de  celle 
de  frère  :  «  Stephano  gratiarum  actiones  referre 
curavit,  quia  fratris  eum  et  amici  vocabulo  vo- 
luerit  honorare,  quod  ipse  tamen  nolit  aii|(e- 
lere .  sed  magis  servus  subjectus  existere 
(Flodoard.  1.  iv,  c.  1).  » 

Ce  n'est  pas  sans  beaucoup  de  fondement 
qu'on  se  persuade  ([ue  le  savant  et  pieux  Akuin. 
écrivant  àCharlemagne  même,  luiexprime  leurs 
communs  sentiments  sur  le  rang  des  person- 
nes que  la  Providence  a  établies  sur  le  condile 
des  trois  plus  éminentes  dignités  :  ce  sont  le 
pape,  l'empereur  de  Conslautinople ,  et  le  roi 
Charlemagne. 

«  Nam  très  i)erson;B  in  nuuido  altissimœ 
usque  hue  fuerunl  :  apostolica  sublimitas,  qu;e 
R.  Pétri  principis  aiiostolorum  sedem  vicario 
numere  regere  solet.  Alia  est  imperialis  digni- 
las,  et  secundse  Romae  sœcularis  potentia.  Ter- 
tia  est  regalis  dignitas,  in  qua  vos  Christi 
disi)eiisatio  rectorem  populi  christiani  dispo- 
suit  (Epist.  xi).  » 

XIV.  Il  semble  qu'Alcuin  fasse  allusion  dans 
cette  lettre  à  la  créance,  qui  s'était  alors  répan- 
due dans  tout  l'Occident  aussi  bien  que  dans 
rOrient,  de  la  donation  de  l'empereur  Cons- 
tantin en  faveur  de  l'Eglise  romaine.  Il  n'est 
pas  de  mon  sujet  de  traiter  de  la  vérité  de  celle 
donation;  cette  discussion  a  déjà  été  faite  i>ar 


26 


nr  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUIÈME. 


(le  iilup  savantes  phinips  que  la  mienne.  Il  me 
sullit  (jue  cette  |)ièce  ait  passé  pour  certaine 
pendant  ces  deux  ou  trois  siècles.  Car  de  là  il 
résulte  évidemment  que  la  splendeur,  la  ma- 
jesté et  la  puissance  des  papes,  était  alors  mon- 
tée à  un  si  haut  degré,  qu'elle  donnait  au 
moins  quelque  couleur  et  quelque  yraisem- 
l)lance  aux  articles  contenus  dans  cette  dona- 
tion. Enée,évêque  de  Paris,  en  a  fait  un  abrégé 
dans  son  ouvrage  contre  les  Grecs.  Il  assure 
(jue  (Constantin  céda  à  l'empire  céleste  et  sacer- 
dotal des  papes  la  ville  impériale  du  monde  : 
et  afin  que  deux  empereurs,  comme  deux  so- 
leils, ne  s'obscurcissent  pas  l'un  l'autre .  il  se 
relira  à  (Constantinoiile. 

u  Conslantiuus  imi)eralor,  pro  Dei  amore  et 
principisapostolorum  honore,  sua  sponto  thro- 
num  Roman;e  urbis  reliipiit,  dicens  non  esse 
competens,  duos  imperalores  in  una  civitate 
simul  traclare  commune  imperium,  cum  alter 
foret  terra",  aller  EcclesiïP  princeps ,  etc. 
l'.yzautium  adiit.  Constaniino[iolim  scdem  re- 
giani  fecit,  Romanam  ditionem  apostolicœ  Sedi 
subjugavit,  necnon  etiam  maximam  partcm 
div(^rsarum  pro\iiK-iarum  cidem  subjccit,  etc. 
Ut  ai>icem  omnis  principatus  Romanus  papa 
super  omuem  Ecclesiam,  cjusque  jiontitices 
perenniter  vehitjure  regio  retineret  Spicilegii, 
lom.  vu,  p.  1 1 1).  » 

II  ajoute  (pie  les  exemplaires  de  cette  dona- 
tion étaient  dans  les  bibliothèques  do  France  : 
"  Cujus  (•\('nq)laril>us  Kcclcsiarum  in  ('.allia 
consistentium  ariuariaex  integro  |K)tiuntui'.  » 
Ce  savant  évèque  de  Paris  n'eiit  pas  employé 
cette  j)ièce  contre  les  (irecs,  s'il  n'eût  été  assuré 
i|iiCll('  axait  autant  de  cours  et  autant  de  cré- 
dit (liez  eux.  (pie  parmi  les  Latins.  Balsamon 
en  sera  encore  un  bon  garant.  Car  il  l'a  insérée 
tout  entii're  dans  ses  commentaires  sur  le 
.Nomocanon  de  Photius.  Constantin  y  élève  les 
jiapes  au-dessus  des  empereurs  en  honneur 
et  en  puissance  :  «  l"t  sicut  sanctus  Petriis  est 
l>('i  in  terris  vicarius,  ita  etiam  episcopi,  suc- 
ccssores  principis  apostolorum,  principalem 
in  terra  habcanl  i)ot('stateni,  am]iliiis  (|iiam 
nostnc  gloria'  imperatoria  majestas.  Et  sicut 
imperatoria  nostra  polcstas  in  terra  honoratur 
cl  colitur.  ita  etiam  (ieceniimus  coli  et  hono- 
rari  sanctam  liomanam  Ecclesiam  :  et  pliis(piam 
imiierium  nostrum,  terrenam  sedem ,  sancli 
Pétri  calhedram  gloria  affici  et  extolli  (Nonio- 
can.  Tit.  vm,  c.  1).  » 

11  leur  accorde  ensuite  tous  les  ornements 


pompeux  de  la  majesté  impériale,  comme  des 
suites  nécessaires  de  la  suprême  élévation,  où 
il  venait  de  les  porter  :  «PraMerea  etiam  diade- 
ma.  seu  coroiiam  capitis  nostri.  simul  etiain 
lonmi,  et  sii|ierlinmerale,  ([uod  imperatoriuni 
collum  circumdat,  et  purpuream  clamydem, 
etc.  »  Il  déclare  qu'il  a  fait  l'office  d'écuyer  au 
])ape.  tenant  les  rênes  de  son  cheval  :  «  Tcnen- 
tes  equi  fra-num  ejus,  propter  reverentiam 
sancti  Pétri,  stratoris  officio  functi  sumiis.  » 

Enfin  il  témoigne  qu'il  a  transféré  en  (Prient 
le  siège  de  son  empire,  parce  qu'il  n'a  pas  cru 
que  les  souverains  de  la  terre  dussent  exercer 
aucun  pouvoir  dans  la  ville  où  le  monarcpio 
du  ciel  a  établi  le  premier  trône  de  son  royal 
sacerdoce  :  <(  Qnod  ubi  est  principale  sacerdo- 
tiuni  et  caput  christiana^  religionis  datum  a 
Rege  cœlorum,  non  est  a'(pium  ut  terreuusim- 
perator  illic  liabeat  potestatem.  » 

La  supposition  apparente  de  cette  pièce  n'af- 
faiblit aucunement  la  force  de  notre  raison- 
nement. On  n'eût  pas  donné  créance  à  cette 
donation,  si  l'état  présent  des  choses  ne  l'eût 
rendue  Maiscmblable.  Mais  voyant  que  les 
pa|)es  jouissaient  ell'cctivement  de  toutes  ces 
prééminences  d'honneur,  ou  au  moins  d'une 
grande  partie,  on  se  laissa  facilement  persua- 
der ipie  Constantin  les  avait  accordées;  et  on 
se  mit  peu  en  peine  de  découvrir  précisément, 
et  au  vrai  le  temps  et  l'origine  d'une  |niissance, 
(pi'on  avait  vu  éclater  depuis  longtemps  dans 
le  monde,  et  dont  on  n'avait  ]ias  reinaniué 
d'autre  commencement. 

Les  Latins  étaient  intéressés  à  soutenir  un  si 
grand  avantage  et  une  si  haute  i)r(''fi''rence  de 
l'Eglise  occidentale  sur  l'oiicutale;  et  ils  ne  se 
défiaient  pas  d'une  donation,  ipii  ne  donnait 
au  pape  (pie  les  choses  dont  ils  le  voyaient 
depuis  longtemps  en  possession.  Les  (Irccs 
eussent  eu  idus  de  sujet  de  former  opposition 
contn^  cet  acte,  s'ils  n'eussent  espéré  de  faire 
découler  une  partie  de  ces  avantages  sur  le  pa- 
triarche de  Constantinople,  à  qui  le  concile  I 
de  (Constantinople  avait  communiqué  les  privi- 
lèges de  l'ancienne  Rome  après  elle  ;  ou  s'ils 
n'eussent  pensé  (ju'il  leur  était  avantageux  de 
rapjiorter  les  principales  prérogatives  de  la 
primauté  du  pape  à  la  libéralité  de  Constantin, 
au  lieu  (|ue  nous  remontions  jusipi'à  la  [ire- 
mière  origine  de  l'établissement  de  sa  pri- 
mauté, par  J.-C.  même  (Ibidem). 

Il  est  vrai  que  cette  pièce  fait  perdre  aux 
empereurs  grecs  toute  l'espérance  de  recouvrer 


LI'NION  DES  PAPES  AVEC  LES  EMPEREIRS.  ET<: 


les  [iroviiicos  occidculak's  :  mais  coininc  elle 
n'a  été  apparcnimeiit  fabri(iuée  qu'après  ([iic 
Pépin  et  Cliarlenuifine  eurent  fait  au  pape 
toutes  ces  gratitications,  les  Grecs  ne  ?e  sont 
pas  mis  en  peine  de  contester  sur  les  titres, 
n'ayant  pas  eu.  ou  le  courage,  ou  les  forces  de 
disputer  les  retranclieinents  eflectii's  de  toutes 
ces  grandes  provinces  (Ibidem). 

Hincmar  et  Adon  ont  reconnu  cette  donation, 
le  pape  Adrien  1  y  faisait  allusion  dans  une  de 
ses  lettres  à  Cliarlemagne,  (jui  se  trouve  dans 
les  li^Tes  Carolins  (Hincmar.  tom.  n,  pag.  fiiHi). 
Au  reste,  ce  n'a  été  que  la  puissance  spirituelle 
du  pape,  que  nous  avons  tâché  d'ébaucher  dans 
ce  chapitre,  où  il  a  assez  paru  que  la  domi- 
nation temporelle  n'en  a  été  que  comme  ime 
suite,  par  la  piété  et  les  libéralités  des  princes 
chrétiens  (1). 

Le  pape  Nicolas  I  a  été  celui  de  tous  les 
papes  qui  a  témoigné  plus  de  zèle  et  plus  de 
vigueur  à  faire  observer  la  rigueur  des  lois 
ecclésiasti(jues  aux  personnes  les  plus  émi- 
nentes  de  l'Eglise.  Les  annales  de  Metz  disent 
(juil  commandait  aux  rois  et  aux  souverains 
de  la  terre .  comme  s'il  eût  été  le  maître  de 
l'univers  ;  mais  ce  n'était  que  pour  faire 
observer  les  lois  évangéliques  :  car  autant  qu'il 
était  redoutable  aux  impies,  autant  il  témoi- 
gnait de  douceur  et  d'humilité  envers  les 
fidèles  observateurs  de  la  loi  divine.  C'est  ce 
qui  a  fait  dire  avec  vérité,  qu'il  n'y  en  a  point 
eu  qui  ait  suivi  déplus  près  l'humble  modestie, 
et  en  même  temps  l'inébranlable  fermeté  du 
grand  saint  Grégoire. 

«  Denique  post  beatum  Gregorium  usque  in 
praesens,  nullus  prœsul  in  Romana  urbe  illi 
videtur  sequiparandus.  Regibus  ac  tyrannis 
imperavit,  eisqueacsidominus  orbis  terrariuu 
autoritate  prœfuit.  Religiosis  ac  mandata 
domini  observantibus  humiiis.  blandus.  pins. 


mansuelus  a|)paruit  ;  irreligiosis  et  a  recto 
traniite  exorbitantibus  terribitis  atque  austeri- 
talc  pleiuis  extitit.  Annales  Metenses.  Duclies- 
ne  liist.  l'rancor.  toin.  m,  png.  310].  » 

XV.  Cliarlemagne  avait  fait  la  leçon  à  sa 
royale  jiostérité.  en  consultant  le  Siège  aposto- 
liqne  dans  toutes  les  importantes  atVaires.  et 
en  recevant  ses  réponses  ou  ses  paternelles 
remontrances  avec  cette  sounn"ssion  si  par- 
faite qui  parait  dans  ses  ca|iitiilaires.  Il  fail 
gloire  lui-même  de  s'être  corrigé,  et  d'avoir 
corrigé  un  ancien  abus  sur  les  remontrances 
du  pape  et  des  évêques  de  son  royaume,  en  ne 
])ermettant  plus  aux  ecclésiastitjuesde  prendre 
emploi  dans  les  armées. 

«  Apostolicœ  Sedis  hortatu.  o!uniunii|ue  fide- 
lium  nostrorum  et  maxime  episcoporum,  ac 
relifjuorum  sacerdotum  consultu  ,  servis  Dei 
ai  innturam  portare  aut  pugnare  prohibenuis, 
elc.  Seconda  vice  propter  nmpliorem  obser- 
vantiam ,  apostolica  autoritate  et  multorum 
sanctorum  episcoporuni  admonitione  instructi, 
nosmelipsos  corrigentes  posteris(iue  nostris 
exemplum  dantes  volumus  .  !it  nullus  sacerdos 
in  hostem  pergat,  etc.  (Capitular.  L.  v,  c.  33. 
31.  An.  800,  conc.  (Jall..  tom.  u.  pag '235;.  » 

Il  consulta  le  pape  Léon  lli  sur  la  manière 
de  juger  les  prêtres  qui  étaient  suspects,  mais 
(ju'on  ne  pouvait  convaincre  d'un  infâme  com- 
merce avec  les  fenunes.  ilbid.  pag.  :237,  i'.iH.) 
Il  consulta  ce  même  pape  sur  la  question  des 
chorévêques,  pour  se  conformer  aux  canons, 
qui  rapportent  au  souverain  pontife  toutes  les 
causes  d'une  extraordinaire  importance  :  «Pla- 
cuit  nobiscx  hoc  apostolicam  Sedem  consulere, 
jubente  canonica  autoritate  atque  dicente , 
si  majores  causas  inmedio  fuerint  devolutcç,  ad 
Sedem  apostolicam.  utsancta  syuodus  statuil, 
et  beata  consuetudo  exigit,  incunclanter  refe- 
ratur  (Pag.  âSa).  »  La  résolution  du  Saint-Siège 


Le  grand  historien  Troya,  mort  récemment,  après  avoir  apporté 
tant  de  lumière  et  de  certitude  à  la  science  historique,  dans  son  ira- 
mortel  Codice  diplomatico  Longobardo,  a  démontré  victorieusement 
que  le  Sénat  romain,  seul  légitime  dépositaire  du  pouvoir,  même 
sous  les  empereurs  qui  n'étaient  que  ses  ^landataires ,  a  continué, 
après  la  translation  à  Byzance,  de  posséder  le  pouvoir  ;  telle  était  du 
moins,  dit-il,  la  conviction  générale  des  peuples.  L'exercice  de  ce 
pouvoir  fut  restreint,  il  est  vrai,  par  l'invasion  des  Barbares  qui  dé- 
membrèrent l'empire  et  lui  enlevèrent  les  plus  grandes  provinces  , 
même  une  partie  de  l'Italie.  Mais  le  droit  du  Sénat  resta  tou- 
jours ferme  et  solide.  Or,  dans  le  vine  siècle ,  le  Sénat  romain  ne 
fil  que  constater  la  déchéance  de  l'empereur  byzantin  sur  les  pro- 
vinces de  ritalie,  qu'il  ne  pouvait  ou  ne  voulait  plus  défendre  contre  les 
Lombards,  abdiquant  sa  propre  autorité,  transféra  aux  papes  la  sou- 
veraineté de  Rome,  de  Ravenne  et  de  la  Pentapole,  c'est-à-dire  les 
Marches  et  l'Emilie  ;  il  y  ajouta  l'Orahrie,  le  Patnmoine  et  les  provinces 
maritimes.  Cette  démonstration  scientifique  a,  comme  on  le  voit, 
une  grande  importance  pour  l'incontestable  légitimité  du  pouvoir 
temporel  du  Saint-Siége.  Pépin  ne  donna  pas,  il  ne  fit  que   recon- 


naître et  protéger  ce  qui  existait  déjà  contre  les  Lombards.  11  recon- 
quit sur  eux  les  domaines  de  l'Eglise  pour  les  restituer  à  son  légitime 
prince. 

Ce  fut  pour  implorer  le  secours  des  Francs  contre  les  usurpations 
lombardes,  que  le  pape  Etienne  II  passa  les  Alpes  et  conclut,  en  751, 
avec  Pépin  le  célèbre  traité  de  Qiiiersy,  qui  con'euait  la  promesse 
formelle  de  rendre  au  pape  toutes  ses  possessions  territoriales  après 
l'expulsion  des  Lombards.  Après  les  éclatantes  victoires  de  Pépin  sur 
Astolphe,  survint  le  traité  définitif  de  Pavie  en  756,  qui  restituait 
au  Pontife  la  pleine  souveraineté  de  l'Exarcat  et  de  la  Pentapole. 
Dans  l'ouvrage  susmentionné,  le  savant  Troya  a  cité  le  diplôme 
original  où  sont  mentionnées  toutes  les  provinces  restituées  à 
Etienne  II.  Elles  sont  bien  plus  nombreuses  que  celles  que  la  révo- 
lution de  1860  a  enlevées  au  Saint-Siége,  car  on  y  voit  la  Vcnétie, 
rislrie,  la  Corse,  Vérone,  Mantoue  etc.  Ces  notions,  incontestable- 
ment démontrées  par  la  science  moderne,  ne  sont  pas  superflues  en 
une  époque  oii  l'on  a  tant  écrit  de  mensonges  contre  la  principauté 
temporelle  du  Saint  Siège.  (Dr  ANDRÉ.) 


J8 


UU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUIÈME. 


l'iit  suivie  avec  respect.  «  l'tquidquitl  super  liis 
ileliiiiemium  esset  aposlolica  autoritatc  ,  a 
nostris  episcofiis  re^'ularitcr  sopiretur  (Ibid. 
jiag.  2i0,  et  Capitul.  L.  vu,  c.  187).  » 

II  est  vTai  que  nos  prélats  apportèrent  quelque 
ailducissement  aux  peines  décernées  par  le 
pupe  contre  les  chorévèques,  mais  ce  fut  avec 
sa  permission  :  «  Ista  permittente  eodem  aposto- 
lico  milius  tractantes,  etc.» 

Le  moine  (rAngoulême  raconte  dans  la  vie 
ilr  cet  inii)ereur  qu'il  envoya  deux  évèques  et 
un  abbé  vers  le  |)ape  Léon,  pour  le  consulter 
sur  la  procession  du  Saint-Esprit  que  les  Grecs 
continuaient  d'attribuer  au  Père  seul  (An.  809, 
Duchesne  tom.  u,  |)ag.  84).  Ce  fut  vraisembla- 
blement le  Saiiil-Siége  qu'il  consulta  sur  la 
fête  de  r.\ssomplion  de  la  sainte  Vierge  :  «  De 
Assum[itione  D.  Mariœ  interrogandum  relin- 
(juinuis.  »  Et  il  en  reçut  une  réponse  favo- 
rable, puisque  cette  fête  se  trouve  depuis  so- 
lennisée  dans  les  capitulaires  et  dans  les  ordon- 
nances d'Hérard,  archevêciue  de  Tours  (Capitid. 
1.  I,  c.  to8;  1.  n,  c.  35;  1.  vi,  c.  180.  Hérard, 
c.  01).  Mais  rien  n'est  plus  capable  de  nous 
convaincre  de  la  i)arfaite  correspondance  et 
(le  l'union  inviolable  du  Saint-Siège  et  de  la 
monarcbie  française,  (jue  ce  que  nous  dirons 
vers  la  lin  de  ce  premier  livre  des  archichape- 
lains  de  nos  rois,  ijui  étaient  en  même  temps 
les  apoci'isaires  ou  les  nonces  du  Saint-Siège 
dans  leur  [lalais.  Nos  rois  choisissaient  un  de 
leurs  prélats  pour  être  leur  arcliicliapelain, 
sur  leipiel  ils  se  reposaient  des  affaires  ecclé- 
siastiques; et  les  papes  honoraient  ensuite  ce 
même  prélat  de  leur  confidence,  lui  donnant 
la  même  créance  et  la  même  nonciature,  que 
leurs  apocrisaires  avaient  eue  autrefois  dans  le 
palais  de  Constantinople. 

Si  les  empereurs  d'Orient  eussent  eu  b^s 
mêmes  déférences  pour  le  premier  siège  de 
l'Eglise,  remi)ereur  Constantin  n'y  eût  pas  fait 
contirmcr  dans  un  synode  la  répudiation  de  sa 
fenune  légitime  et  son  mariage  avec  une  se- 
conde, du  vivant  de  la  première. 

Le  savant  et  généreux  Théodore  Stutlite  en 
écrivit  de  la  part  de  tous  les  saints  n^ligieux 
persécutés  au  pa|>e  Léon,  conmie  au  Chef  de 
l'Eglise  et  au  seul  médecin  de  tant  de  grands 
maux  :  »  Ad  Petrum  uliqne  vel  cjus  successo- 
rem,  quidquid  in  Ecclesia  calbolica  per  eos 
imiovatur,  (jui  a  veritate  aberrant,  necesse  est 
rd'erri  (Apud  Raron.an.  8(l'.t,  n.  1-4, etc.).»  U  le 
conjure  ensuite  de  remédier  par  un  concile 


général  aux  désordres  d'un  faux  concile,  qu'on 
ne  pouvait  pas  même  assembler  sans  ses 
ordres. 

Lorsque  les  enq)ereurs  suivants  renouve- 
lèrent les  anciennes  persécutions  contre  les 
défenseurs  des  saintes  images,  le  même  Théo- 
dore Studite  écri\it  de  toutes  parts  que  selon 
les  Ecritures  et  les  canons  il  fallait  recourir  au 
trône  de  saint  Pierre,  et  c'est  la  protestation 
solennelle  (ju'il  en  fit  aux  empereurs  mêmes 
'An.  .417). 

«  Qiiod  si  quid  est  hujusmodi,  de quo  ambigat 
aut  diffidat  divina  magnificcntia  vestra,  a  pa- 
triarcha  posse  dissolvi,  jubeat  ad  conmumem 
utilitatem  a  vetere  Roma  suscipi  declaratio- 
nem  ;  prout  olim  et  ab  initio  paternatraditione 
transmissiis  mos  fuit  ;  luec  enini  suprema  est 
Ecclesiarum  Dei,  in  qua  Petrus  sedem  primus 
tenuit,  ad  quem  Dominusdixit  :  Tu  es  Petrus, 
et  suiter  banc  petram  œdiflcabo  Ecclesiani 
meam,  et  portaî  inferinon  pncvalebunf  adver- 
sus  eam  (An.  8^1.  Baron,  n.  38).  » 

XVI.  11  n'y  eut  qu'une  rencontre  fâcheuse, 
où  l'empire  pensa  se  brouiller  avec  le  sacer- 
doce, pendant  le  temps  de  l'auguste  famille  de 
Charlemagne,  mais  ce  ne  fut  (jne  i)arce  que 
l'enqjire  était  troublé  et  divisé  contre  lui- 
même.  Lorsque  les  enfants  de  Louis  le  Débon- 
naire s'élevèrent  et  prirent  les  armes  contre 
leur  père,  les  évê(iues  se  trouvèrent  aussi  i)ar- 
tagés  ;  et  quelques-uns  d'entr'eux  furent  op- 
posés à  l'empereur  Louis,  parce  qu'ils  étaient, 
ou  étroitement  attachés  aux  intérêts,  ou  mal- 
heureusement entraînés  par  la  violence  de 
celui  de  ses  enfants  (|u'il  avait  lui-même  élevé 
à  l'empire. 

La  plus  déplorable  rencontre  fut  lorscjuc 
l'empereur  Lothaire  enleva,  pour  ainsi  dire, 
le  pape  Crégoire  IV,  et  l'opposa  aux  évêques 
français  (|ui  étaient  demeurés  inflexibles  dans 
la  fidélité  due  à  lenqiereur  Louis.  Paschase 
Ratbert  était  alors  dans  le  camp  de  Lothaire, 
avec  Wala,  abbé  de  Corbie,  et  il  raconte  lui- 
même  dans  la  vie  de  ce  saint  abliê,  ([ue  quel- 
([ue  violents  et  injustes  que  fussent  les  desseins 
de  renq)ereiu'  Lothaire  et  de  ses  frères,  le  pape 
ne  les  avait  suivis  (pie  dans  l'espérance  de 
rétablir  la  paix  entre  eux  et  l'empereur  leur 
père.  «  Miltitur  sanctuset  summus  pontifex  in- 
tercessor,  vicarius  R.  Petr.  (S;rculum  bene- 
dict.  IV,  p.  514).  »  Le  pai)e  protesta  lui-même  à 
r(!mpereur  Louis  qu'il  n'était  venu  que  pour 
l)rocurer  une  paix  et  une  concorde  inviolable 


L'UNION  DES  PAPES  AVEC  LES  EMPEREURS,  ETC. 


29 


eiiUe  lui  et  ses  enfants  ;  que  rien  netait  jiliis 
convenable  à  son  ministère;  ([ue  si  elle  n'était 
pas  acce|>téc,  il  ne  premlrait  |ioint  d'anlre  parli 
que  de  se  retirer  en  paix ,  et  de  demander  a 
Uieu  ce  qu'il  u'aurait  pu  obtenir  des  honunes 
(An.  821). 

«  Nos  bene  venisse  scias,  quia  pro  pace  veni- 
raus  et  concordia,  quam  salutis  Autor  nobis 
reliquit,  et  milii  priedicanda  universis  com- 
missa  est  et  proferenda  omnibus.  Idcirco . 
imperator,  si  nos  et  pacem  Christi  digne  sus- 
ceperis,  reciuiescet  in  vobis  ipsa,  necnon  in 
reyno  vestro  :  sin  autem,  pa\  Cliristi  ad  nos 
revertetur ,  ut  legistis  in  Evangelio ,  et  nobis- 
cum  erit.  » 

L'auteur  de  la  vie  de  l'empereur  Louis  tlit 
que  le  pape  menaça  dexcomnmnication  les 
évèques  du  parti  de  l'empereur,  et  que  ces 
évèques  firent  de  leur  part  les  mêmes  menaces. 
«Si  excommunicaturus adveniret,  exconununi- 
catus  abiret.  »  C'était  une  double  guerre  des 
pères  coutre  leurs  enfants,  mais  il  est  visible 
([ue  la  dissension  tlu  [lape  et  des  évtnpies  ne 
provenait  que  de  l'attache  extrême  qu'ils  avaient 
de  part  et  d'autre  aux  intérêts,  à  la  gloire  et  à 
la  paix  des  i)rinces  de  la  famille  impériale, 
entre  lesquels  ils  se  partageaieut,  parce  qu'ils 
les  trouvaient  divisés  enlr'eux. 

Ces  princes  n'avaient  pas  un  moindre  at- 
tacbement  aux  pontifes  de  J.-C.  dans  la  chaleur 
même  de  leurs  divisions.  L'empereur  Louis 
faisait  un  crime  à  ses  enfants  de  lui  avoir  en- 
levé la  personne  du  pape,  dont  il  était  lui  seul 
chargé  de  la  défense,  par  le  droit  et  les  obliga- 
tions de  l'empire.  «Scire  vos  oportet  quia  longe 
diu  defensionem  Sedis  apostolicie  devotissiiae 
suscepi  ;  quaravis  nunc  indebite  usurpetis  con- 
tra me  illud,  ut  excludatis  me  ab  bujusmodi 
oificio  ;  quod  quandiu  advixero,  pnetermittere 
non  queo  iPascbasius  ubi  supra  pag.  513).» 
Lothaire  répondit  à  l'empereur  son  père,  qu'en 
lui  faisant  l'honneur  de  l'associer  à  l'empire 
il  l'avait  aussi  associé  à  la  charge  de  la  défense 
de  l'Eglise  ;  qu'au  reste  il  n'avait  amené  le 
pape  que  comme  le  plus  digne  médiateur  de  la 
paix.  «^-Eque  me  pra-stantissima  inChristo  pro- 
videntia  vestra  suscipere  fecit  banc  curam,  et 
defensionem  ipsius  permaxime,  coeterarumque 
Ecclesiarum  ,  quando  me  confortem  totius 
imperii  celsitudo  vestra  constituit,  etc.,  utessem 
socius  et  consors  non  minus  sanctificatione 
quam  potestate  et  nomine,  etc.  Pro  pace  et 
concordia  conduxi  vicarium  beati  Pétri  ad  ves- 


tri  reconciliandam  serenissiniam    animi  pie- 
tatem.  » 

.\gobard  nous  a  consi>rvé  la  lettre  du  pape 
(iregoire  IV  aux  évè(iues  jjartisans  de  renqie- 
reur  Louis,  ou  plutôt  la  réponse  à  leur  lettre. 
Elle  nous  apprend  ijue  les  évè([ues  l'avaient 
menacé  (jue,  s'il  ne  venait  pour  entrer  dans 
leur  iKirti  et  dans  leurs  intérêts,  il  ne  trouverait 
personne  dans  leurs  diocèses  qui  déférât  à  ses 
ordres  ou  à  ses  sentences.  «  Subjungitis,  (piia 
nisi  secundum  voluntatem  vestram  venero, 
non  liabeo  Ecclesias  vestras  consentancas,  sed 
in  tantum  contrarias,  ut  niliil  milii  in  vestris 
l)arochiis  agere  vel  disponere  liceat,  necquem- 
quam  exconimunicare,  vobis obsistentibus.  »  Le 
pape  leur  répliqua  qu'il  ne  travaillait  (|ue  pour 
la  paix,  qu'au  reste  lesévè(iues  ne  pouvaient  sé- 
parer les  Eglises  de  leur  chef.  «  Legatione  fun- 
gimur  pacis,  etc.  Noveritis  vos  non  posse  divi- 
dere  Ecclesiam  Gallicanam  et  Germanicam  ab 
unitate  tunicaî  quicsubjacet  capitio.  »  Le  pape 
leur  fit  assez  voir  qu'il  ne  resiiirait  que  la  i)aix, 
puisque  voyant  les  invincibles  obstacles  qu'on 
y  apportait,  il  ne  se  retira  entièrement,  et  ne 
prit  point  de  part  à  l'exécrable  attentat  des  en- 
fants qui  déposèrent  l'eniitereur  leur  jièrc. 
Ouant  à  la  menace  des  évèques  et  la  réplique 
du  pape,  si  nous  les  examinons  sans  prévention, 
nous  reconnaîtrons  facilement  :  1°.  Qu'hors  de 
ces  aventures  funestes,  la  bonne  intelligence 
qui  règne  entre  les  évèques  et  le  Saint-Siège 
laisse  toujours  au  pape  l'exercice  libre  d'une 
juridiction  immédiate  dans  leurs  diocèses. 

2°  Que  lors  même  de  ces  dissensions,  quoi- 
([ue  l'on  use  de  menaces  et  de  réjiliques,  on 
n'en  vient  que  très-rarement  aux  effets,  et  l'on 
cède  de  part  ou  d'autre,  pour  ne  pas  rompre 
l'union  indissoluble  du  sacerdoce. 

3°  Que  quoique  le  pape  Grégoire  n'oublia 
pas  d'alléguer  ce  qui  pouvait  servir  à  la  défense 
de  son  autorité ,  il  se  retira  néanmoins  sans 
rien  entrei>rendre  sur  les  diocèses  de  ces 
évèques,  parce  qu'il  savait  que  ([uelque  grande 
t|ue  soit  l'autorité  du  Saint-Siège,  sa  modé- 
ration et  sa  sagesse  ne  sont  pas  moindres,  et  elle 
règle  toujours  l'usage  de  sa  puissance  par  les 
vues  de  la  charité  et  de  l'édification. 

Enfin  nous  finirons  par  cette  dernière  ré- 
flexion ,  qu'il  était  comme  inévitable  que 
l'empereur  Louis  le  Débonnaire  ayant  élevé 
son  fils  Lothaire  à  la  qualité  d'empereur  et  de 
défenseur  des  Eglises,  ets'étant  ensuite  brouillé 
avec  lui,  les  évèques  ne  se  trouvassent  aussi 


"/ 


m  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SIXIÈME. 

parta;,'és  entre  eux  deux  ,  ])uisque  les  devoirs  cerdoce  et  l'empire.  Mais  ce  fut  une  dissension 

connnuns  de  la  naissance  et  de  la  religion  les  dans  Tenipire  même  et  dans   la  famille  ini- 

altacluiient  à  leurs  jirinces.  Ainsi  on  ne  peut  [lériale,  (]ui  partagea  le  sacerdoce, 
(lin'  que  c'ait  été  une  dissension  entre  le  sa- 


CHAPITRE  SIXIÈME. 

SI,  APRÈS  LE  DIXIÈME  SIÈCLE  DE  l' ÉGLISE  .  LE  PAPE  A  EXERCÉ  LNE  JURIDICTION  IMMÉDIATE  DANS 
TOIS  LES  DIOCÈSES  PARTICULIERS  DE  l'ÈGLISE  UNIVERSELLE,  SANS  LE  CONSENTEME>T  DES  ÉVÈyUES 
DIOCÉSAINS. 


I.  Maxime  générale,  que  ces  tiuestions  imporlanles  se  iloi- 
veiil  plutôt  traiter  par  l'usage  de  cliaque  siècle,  réglé  par  les 
lois  de  la  charité,  par  les  besoins  publics  de  l'Eglise,  et  par  la 
bonne  intelligence  des  évèques  avec  leur  chef,  que  par  une 
discussion  exacte  des  limites  du  pouvoir,  de  laipielle  aussi 
nous  nous  abstiendrons  entièrement,  ne  nous  altacliant  qu'aux 
faits  et  il  l'usage. 

II.  Preuve  tirée  de  la  dédicace  de  l'église  de  lieaulieu,  faile, 
selon  Glaber,  par  un  légat  du  pape,  nonobstant  les  oppositions 
de  l'archevêque  de  Touis. 

m.  La  vérité  de  cette  histoire  tirée  des  chartes  de  cette 
église,  contre  la  fausse  narration  (|ue  Glaber  en  a  faite. 

IV.  Tout  s'y  passa  dans  une  parfaite  correspondance  et  une 
inuluelle  déférence,  entre  le  pape  et  l'archevêque  de  Tours. 

V.  Exemples  des  excommunications  fulminées  par  les  évè- 
ques, et  respectées  par  le  pape,  selon  le  concile  de  Limoges. 

VI.  Contestation  entre  Léon  IX  et  l'archevêque  de  Mayence. 
Entre  Urbain  H  et  l'archevêque  de  Sens. 

VII.  L'envoi  des  légats  par  toute  la  terre  est  une  marque  de 
juridiction,  quoique  la  concorde  du  sacerdoce  et  de  l'empire 
ait  rendu  le  consenlement  des  rois  nécessaire. 

VIII.  La  fuhninalion,  ou  la  révocation  des  censures  en  est 
une  autre  marque. 

IX.  Les  indulgences,  les  absolutions  des  crimes,  la  réserva- 
tion des  cas  au  Saint-Siège  en  sont  il'autres  marques. 

X.  Autre  preuve  tirée  des  privilèges  que  les  papes  n'accor- 
daient que  du  consenlement  des  évèques,  et  qu'ils  ne  com- 
mencèrent à  accorder  d'une  autre  manière  que  lorsque  le  dé- 
bordement de  la  simonie  entre  les  évèques  les  y  contraignit. 

XI.  Dans  les  courses  que  les  papes  ont  faites  dans  les 
royaumes  de  la  Chrétienté,  les  évèques  ne  leur  ont  point  dis- 
puté l'exercice  libre  de  leur  autorité,  surtout  dans  leur  voyage 
il  Constantinople  et  en  î'rance. 

XII.  Des  ordinations  faites  par  les  papes. 

XIII.  Des  privilèges  demandés  par  saint  Louis  et  par  les  rois 
suivants. 

XIV.  Le  sentiment  de  Gerson  est  que  les  papes  ont  ce 
pouvoir,  mais  que  l'usage  en  est  limité  aux  nécessités  et  à 
l'unité  de  l'Eglise. 

XV.  Sentiments  de  saint  Bernard  et  de  Pierre,  ahhé  de 
Cluny. 

XVI.  Réponse  à  des  exemples  contraires. 

XVII.  Sentiments  de  Pierre  Bertrand,  cardinal  et  évêque 
d'Anton,  qui  fut  l'oracle  de  l'Eglise  gallicane. 

XVIII.  tiéiluclion  plus  étendue  des  sentiments  de  Gerson. 

XIX.  Sentiments  d'Alraahin,  de  Major,  et  de  Pierre  d'Ailly. 

XX.  Sentiments  de  saint  ïboiuas. 

XXL  Quels  ont  été  les  sentiments  de  saint  Grégoire  le 
Grand . 


XXII.  Les    archevêques    de   Cantorbèry    prétendaient   avoir 
une  juridiction  immédiate  dans  toute  l'étendue  deleurpriinatie. 
XXIII    Saint  Anselme  l'a  prétendu  lui-même. 

I .  Comme  cette  question  est  également  impor- 
tante et  difficile,  nous  n'avons  garde  d'entre- 
prendre d'en  traiter  par  nos  pro])res  lumières, 
ou  par  nos  f;iibles  raisonnements.  Nous  en 
chercherons  l'éclaircisseinent  dans  lesexemples 
les  plus  mémorables  des  siècles  passés,  où  ces 
contestations  se  sont  élevées,  et  où  elles  ont  été 
terminées  avec  cet  esprit  de  charité  et  de  paix 
qui  règne  toujours  dans  le  royal  sacerdoce  de 
l'Eglise,  et  qui  doit  régner  dans  le  cœur  et  dans 
l'esprit  de  tous  ceux  qui  examinent  ces  sortes 
de  questions.  Car  la  maxime  la  plus  constante 
(jue  je  puis  proposer  par  avance,  et  qui  se  pour- 
laitensuitejuslifier  par  une  infinité  d'exemples, 
est  que  les  pnpes  et  les  évèques  n'ont  jamais 
guère  contesté  sur  les  limites  de  leur  pou- 
voir et  de  leur  juridiction,  mais  sur  le  saint 
usage  de  ce  pouvoir  et  de  cette  juridiction. 

Les  évèques  ont  toujours  prévenu  les  papes, 
et  de  leur  propre  mouvement  ils  leur  ont  ré- 
servé les  pouvoirs  qu'ilsavaienttoujours  exercés 
eux-mêmes  ;  les  papes  n'ont  entrepris  dans  les 
diocèses,  ou  sur  les  diocésains  de  leur  confrères 
(|ue  ce  qu'ils  ont  cru  leur  devoir  être  non- 
seulement  utile,  mais  aussi  agréable.  L'esprit 
de  concorde  et  de  charité  et  l'amour  du  bien 
public  de  l'Eglise  ont  réglé  tous  leurs  sen- 
timents, et  toute  leur  conduite  de  part  et  d'au- 
tre. Ils  ont  bien  plus  considéré  ce  qui  se  devait, 
que  ce  qui  se  pouvait.  Us  ont  cru  que  dans  un 
empire  de  paiv  et  de  charité,  où  l'institution 
liiimilive  des  dignités  ecclésiastiques,  où  la 
bonne  intelligence  de  ceux  cpii   les  possèdent, 


SI  LE  PAPE  A  EXERCÉ  UNE  JIKIDICTION  DANS  LES  DIOCÈSES. 


31 


rendait  et  tout  le  j)uuvoir  et  tout  l'exercice  ilu 
pouvoir  légitime,  lorstiu'il  ne  teudail  qu'à 
rédiûcation  de  l'Ei^lise,  et  a  rattViinisseuient 
de  la  religion. 

Si  dans  quelque  rencontre  on  s'est  emporté 
au  delà  de  ces  bornes,  c'est  ce  qu'il  est  bon  de 
laisser  dans  l'oubli  et  dans  le  silence,  et  dont 
on  ne  pourra  jamais  tirer  des  règles  de  con- 
duite pour  les  siècles  à  venir. 

11.  Je  commencerai  la  justification  de  cette 
maxime  par  la  fameuse  histoire  de  la  dédicace 
de  l'abbaye  et  de  l'église  bàlies  près  de  Loches 
par  Foulques,  comte  d'Anjou.  L'archevêque  de 
Tours,  Hugues,  ayant  rétusé  de  consacrer  celte 
église,  jusqu'à  ce  que  ce  comte  eût  restitué 
quelques  terres  qu'il  avait  usurpées  sur  son 
Eglise  de  Tours,  le  coiute  s'en  alla  lui-même  à 
Rome,  et  lit  une  si  douce  et  si  forte  violence 
au  pape  Jean  XVIII  par  ses  présents,  qu'il  en 
obtint  tout  ce  qu'il  désira,  et  le  cardinal  Pierre 
fut  envoyé  en  France  pour  faire  cette  célèbre 
consécration. 

Le  moine  Glaber,  ijui  conte  cette  histoire, 
assure  que  les  évêques  de  France  désapprou- 
vèrent cette  conduite,  comme  irrégulière  et 
intéressée  :  «  Quod  utique  audientes  (ialiiarum 
(juique  prasules,  prœsumptionem  sacrilegam 
cognoverunt  ex  cseca  cupiditate  processisse 
I Glaber.  1.  v.  24);  »  qu'ils  détestèrent  un  viole- 
meut  si  manifeste  des  canons,  qui  défendent 
aux  évêques  de  rien  entreprendre  dans  les 
diocèses  de  leurs  confrères,  sans  leur  agrément; 
Fautorité  du  Siège  apostolique  ne  leur  parais- 
sant établie  que  pour  maintenir  la  sainteté 
des  canons,  et  pour  en  venger  les  injures  : 
«  Univers!  etiam  pari  1er  détestantes,  quoniam 
nimium  indecens  videbatur,  ut  is  qui  apostoli- 
licam  regebat  Sedem  a[)Ostolicum  prinuis  ac 
cauonicum  trcnsgrederetur  tenorem.  Cum 
insuper  multiplici  sit  anti(iuitus  autoritate 
roboratuni,  ut  non  quisquam  episco[)orum  in 
alterius  istud  diœcesi  praesumat  exercere,  nisi 
prœsule,  cujus  fuerit,  compellente,  seu  per- 
mittente.» 

Cet  écrivain  ne  doute  pas  que  le  pape  ne 
doive  observer  les  canons  aussi  religieusement 
que  les  autres  évêques,  qui  sont  les  véritables 
époux  de  leurs  Eglises,  et  les  dépositaires  de 
toute  Fautorité  de  J.-C.  dans  toute  l'étendue 
de  leurs  diocèses:  «  Licet  namque  pontifex 
Ecclesitp  Romanae  ob  dignitatem  apostolicœ 
Sedis  ca'teris  in  orbe  conslitutis  reverentior 
habeatur,   non   lainen  ci  licet  transgredi   in 


alit|uo  canonici  moderaminis  tenorem.  Sicut 
enini  unus(iuisque  orthodoxcC  Ecclesiœ  poii- 
tiléx  ac  spoiisus  in'oju'i;e  sedis ,  uniformiter 
speciem  gerit  Sahaloris;  ita  generaliler  nuUi 
convenit,  quidpiam  in  alterius  procaciter 
patrare  diœcesi.  » 

Enlin,  [lar  la  chute  miraculeuse  de  celte 
église,  aussitôt  ai)rès  sa  consécration,  le  ciel 
sembla  se  déclarer  pour  Farclievêque  contre 
le  pape,  si  nous  en  croyons  cet  auteur. 

III.  On  pourra  juger  de  la  sincérité  de  ce 
récit  de  Glaber,  par  le  cartulaire  de  la  même 
abbaye  de  Beaulieu,  dont  nous  parlons.  M.  de 
Marca,  archevêque  de  Paris,  témoigne  en  avoir 
vu  les  chartes,  et  y  avoir  remarqué  que  le  pape 
Jean  XVIII  reçut  sous  la  protection  du  Saint- 
Siège  ce  monastère  bâti  par  le  comte  d'Anjou 
en  l'honneur  de  la  sainte  Trinité,  des  chéru- 
bins et  des  séraphins,  et  interdit  à  tous  les 
évê([ues  d'y  exercer  aucune  juridiclion  (Marca, 
de  Concord.  I.  iv,  c.  8, . 

Hugues,  archevêque  de  Toiu's  eut  de  la  peine 
à  digérer  une  exemption  si  étendue ,  parce 
qu'il  n'y  en  avait  point  encore  d'exemple.  Il  se 
rendit  à  Rome,  et  conjura  le  pape  Serge  IV, 
(}ui  avait  succédé  à  Jean,  de  lui  laisser  consa- 
crer cette  église,  selon  les  canons  et  les  lois  de 
Juslinien.  Le  pipe  lui  persuada  qu'il  avait  été 
libre  au  comte  de  donner  à  l'Eglise  romaine 
une  église  etune  abbaye  qu'il  avait  fondées  sur 
son  propre  domaine  ;  qu'au  reste  la  consécra- 
tion était  une  suite  nécessaire  de  la  propriété  : 
«  Quia  cujus  est  hœreditas,  ipsius  et  conse- 
cralio  AnnoChristi  iOlO).»  Alors  Farchevèque 
voulut  bien  remettre  entre  les  mainsdupape,  et 
céder  à  l'Eglise  romaine  tous  ses  droits  sur 
cette  nouvelle  abbaye,  qui  fut  ensuite  con- 
sacrée par  l'evêque  Pierre,  envoyé  pour  cela 
de  Rome. 

IV.  Tous  les  esprits  raisonnables  donneront 
assurément  plus  de  créance  aux  originaux  et 
aux  chartes  authentiques,  qu'au  récit  de 
Glaber.  Ainsi  on  ne  pourra  douter  que  la  con- 
sécration de  l'église  de  Beaulieu  n'ait  été  faite 
avec  le  consentement  de  l'archevêque  de  Tours. 
Les  plaintes  des  autres  évêques  de  France 
n'eussent  pas  été  mieux  fondées  que  celles  de 
l'archevêque  de  Tours. 

Il  y  a  donc  bien  de  l'apparence  que  toute 
cette  narration  de  Glaber  a  été  envenimée  par 
de  faux  rapports,  et  que  la  chute  subite  de 
l'église  de  Beaulieu  est  aussi  fabuleuse  dans 
le  récit  qu'il  en   fait,  iiue  les  preuves  de  sa 


32 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SIXIÈME. 


méprise  sont  constantes  et  manifestes.  Enfin 
la  suite  de  ce  traité  nons  fera  voir  que  les 
Pères  et  les  grands  hommes  de  l'Eglise  qui  ont 
été  les  moins  favorables  aux  exemptions,  n  ont 
|)U  néanmoins  désapprouver  celles  qui  ont  pris 
leur  naissance  dans  la  fondation  même  des 
Eglises,  et  dans  la  volonté  [)ropre  des  fon- 
dateurs. 

Ce  fut  avec  raison  que  l'archevêque  Hugues 
en  demeura  d'accord,  et  qu'il  renonça  à  toutes 
ses  prétentions  en  faveur  de  l'Eglise  romaine. 
Tous  les  autres  évèques  de  France  en  eussent 
fait  autant,  .\insi  ils  n'avaient  garde  d'en  mur- 
iiun-i;r,  quoi  qu'en  dise  Glaber. 

«  Repulsus  fuit  Hugo  hac  exceptione,  quod 
Kulconi  libennn  fuerit  in  fundo  suo,  pro- 
jiriaque  lucredilate  monasterium  construenti, 
monasterium  ipsiusque  consecrationem  Ko- 
manm  Ecclesiic  conferre.  Quia  cujus  est 
Ih-ereditas,  ipsius  et  consecratio.  Quare  Hugo 
jus  onme  quod  sibi  competebat,  in  Romanam 
Ecclesiam  transtulit.  Sergius  vero  Petrum 
cpiscopuin  in  (iallias  direxit,  monasterium 
illud  sua  vice  consecraturum.»  Voilà  ce  qu'en 
dit  M.  lie  Marca,  sur  l'autorité  des  chartes  pro- 
pres de  l'abbaye  de  Beaulieu. 

Si  l'on  veut  inférer  de  ce  fait  ainsi  redressé, 
(|u'au  moins  le  pape  demeurait  d'accord  qu'il 
n'eût  i)u  entreprendre  la  consécration  de  l'église 
de  Beaulieu  dans  le  diocèse  de  Tours,  si  elle  ne 
lui  eût  été  particulièrement  appropriée  par  le 
fondateur  :  nous  nous  contenterons  de  répondre 
(prefîectivement  il  ne  l'eût  pas  entreprise,  et 
(pien  ce  temps-là  on  ne  porta  pas  la  contes- 
talion  jusqu'à  l'examen  du  droit,  et  à  la  discus- 
sion des  bornes  de  la  puissance. 

V.  Cela  se  jieut  conlirmer  par  la  réponse  du 
l>ape  Benoît  XI  à  l'évèque  de  Clermont  Estienne, 
([ui  s'était  plaint  de  lui  à  lui-même,  pour  avoir 
levé  l'excommunication  dont  Ponce,  comte 
d'Auvergne  ,  avait  été  lié  par  tous  les  évè(iues 
de  la  province.  Ce  pape  protesta  qu'il  avait 
ignoré  l'excommunication  lancée  contre  le 
comte  ;  que  s'il  en  eût  été  informé,  il  l'eût  cer- 
tainement coniirmée  ;  enfin  qu'il  révoquait 
absolument  la  grâce  et  l'absolution,  qu'il 
n'avait  accordée  que  par  surprise. 

«  Proliteor  onuûbus  consacerdolibus  meis, 
ubiquc  terrarum  adjutorem  me  potius  et  con- 
solatorem  esse,  quam  contradictorem.  Absit 
enim  schisma  a  me  et  coepiscopis  niuis.  Itaque 
illam  pœnitentiam  et  al)Solutionem,  quam  tuo 
cxconmmnicato   ignoranter   dederam,  et  ille 


fraudulenter  accepit,  irritam  facio  et  cassam 
lu  Concil.  Lemov.  An.  1031).  » 

Les  évèiiucs  du  concile  de  Limoges,  où  cette 
lettre  du  pape  fut  lue,  se  reconnurent  eux- 
mêmes  coupables  de  n'avoir  pas  informé  le  pape 
du  nom  et  de  la  cause  de  ceux  (ju'ils  avaient 
excommuniés.  Etant  entièrement  persuadés, 
comme  ils  devaient  l'être,  que  le  Saint-Siège 
confirmerait  toujours  plutôt  leurs  justes  réso- 
lutions ([u'il  ne  les  casserait  :  et  que  le  divin 
chef  de  l'Eglise  ne  contristerait  jamais  ses  plus 
illustres  membres  :  «  Sic  apostolici  Romani 
episco[iorum  omniimi  sentenfiam  confinnare, 
non  dissolvere  debent  (juia  sicut  membra  ca- 
put  suum  sequi,  ita  caput  membra"  sua  non 
necesse  est  contristare  (Ibidem).  » 

VI.  Les  choses  se  passaient  (juelquefois  avec 
un  peu  i)lus  de  chaleur,  quand  le  pape  se 
trouvait  présent  avec  des  évèipies ,  ou  des 
archevêques ,  dans  leurs  Eglises.  L'abbé  d'Lls- 
perg  raconte  comment  le  pape  Léon  IX  et 
l'empereur  célébrèrent  les  fêtes  de  Noël  à 
Worms.  Le  pape  y  fit  l'office  le  premier  jour; 
le  lendemain  fut  assigné  à  l'archevêque  de 
Mayence.  comme  au  métropolitain  de  la  pro- 
vince. Pendant  qu'il  célébrait  le  divin  sacri- 
fice, l'immodestie  d'un  de  ses  diacres  qui  chan- 
tait la  leçon ,  obligea  le  pape  de  le  dégrader. 
L'archevêque  pressa  le  pape  de  lui  rendre  son 
diacre,  et  pour  vaincre  la  résistance  que  le 
pape  faisait,  il  i)rotesta  (jue  i)ersonne  n'achè- 
verait ce  jour-là  le  divin  mystère,  que  son 
diacre  n'eût  été  rétabli  en  son  rang  :  «  Con- 
testans,  nec  se,  nec  alium  quempiam  com- 
plelurum  illud  officium,  nisi  reci[)eret  pro- 
cessionis  suœ  ministrum.  »  Le  pape  céda  à 
la  fermeté  de  l'archevêque,  en  réhabilitant 
et  lui  rendant  son  diacre.  (An.  1052.) 

Cette  action  est  une  preuve  certaine  que 
dans  ces  sortes  de  différends  il  n'y  a  pas  beau- 
coup de  lieu  de  se  promettre  des  décisions 
exactes  et  rigoureuses,  mais  que  les  choses  se 
ménagent  sagement  avec  des  avantages  réci- 
proques de  part  et  d'autre.  Le  pape  céda  à 
l'archevê(iue,  mais  l'archevêque  lui  avait  cédé 
l'office  du  premier  jour,  et  il  reconnaissait  que 
le  jtape  avait  pu  dégrader  un  de  ses  diacres  en 
sa  présence  et  dans  sa  propre  Eglise,  contre  sa 
volonté,  et  que  ce  diacre  dégradé  de  la  sorte 
ne  ]Miu\ait  être  revêtu  de  ses  ornements  et  de 
son  premier  pouvoir  que  par  le  pape  même. 

Enfin,  l'abbé  d'Usperg,  qui  juge  que  le 
jtape  avait  dû  céder  à  l'archevêque   dans  sa 


SI  LK  PAPE  A  KXERCÉ  UNE  .IlUiniCTION  DANS  LES  DIOCÈSES. 


■y.i 


|)io\iiice,  se  iléclaro  lui-nièine  radiiiiralL'ur  l't 
de  la  fermeté  de  l'archevc(|ue  et  de  l'humililé 
(lu  p'ipe  :  «  Qiia  in  iv  et  iiontifif  is  aiiloritas, 
et  aposloliei  coiisideramla  est  liuiiiililas,  (liiiu 
et  ille  officii  siii  dignitatem  defendere  conleii- 
d(_l)at,  et  iste  licet  majoris  dii;'iiitalis.  nu  fropo- 
litaiio  taiiien  in  sua  diœcesi  CL-deaduni  perpeu- 
debat.  » 

Le  dilîcrend  entre  l'archevêque  de  Sens  et 
le  pape  l'rliain  11  ne  se  termina  pas  avec  la 
même  facilité.  Geoffroy,  évèque  de  Chartres, 
s'étant  demis  de  son  évèché  entre  les  mains  de 
ce  pape,  Yves  fut  élu  en  sa  j)lace,  et,  comme 
rarchevèi|ue  de  Sens  usait  de  délais  artificieux 
pour  différer  sa  consécration,  il  s'en  alla  à 
Rome,  où  le  pape  le  consacra  lui-même.  L'ar- 
chevêque convoqua  un  concile  à  Etampes. 
où,  ayant  pris  les  avis  des  évéques  de  Paris,  de 
Meaux  et  de  Troyes,  il  était  prêt  de  déclarer 
nulle  la  consécration  d'Yves  et  de  rétablir 
révèque  Geoffroy,  lorsqu'Yves  conjura  cette 
tempête  et  en  arrêta  le  progrès  par  un  appel 
au  Saint-Siège  (Ann.  t092,  1093). 

Voici  ce  que  le  même  Yves  de  Chartres  en 
écrivit  au  pape  (Yvo.  Epist.  xiij  :  «Me  inordinate 
satis  accusavit  archiepiscopus,  dicens  me  in 
inajestatem  regiam  offendisse ,  quia  a  Sede 
apostolica  consécrationem  praesumpseram  ac- 
cepisse.  Cum  itaque  conarentur  Gaufredum 
deposituni  contra  decretum  vestrum  in  statum 
pristinuin  reformare,  et  in  me  depositionis 
sentenliampro ferre,  Sedem  apostolicam  appel- 
lavi,  etc.  » 

L'archevêque  eut  bien  de  la  peine  à  déférer 
là  cet  appel,  et  ce  ne  fut  que  la  longueur  du 
temps  et  l'embarras  d'autres  grandes  affaires 
qui  le  raccommodèrent  avec  Yves.  Mais  passons 
à  des  considérations  plus  générales. 

VIL  La  possession  où  les  papes  se  sont  main- 
tenus pendant  tant  de  siècles,  d'envoyer  des 
légats  a  latere  dans  toutes  les  provinces  et 
dans  tous  les  royaumes  de  l'Eglise,  est  encore 
une  marque  assez  évidente  de  la  juridiction 
immédiate  qu'ils  y  exerçaient,  ou  qu'ils  faisaient 
exercer  par  leurs  délégués. 

Henri,  roi  d'Angleterre,  obtint  cette  grâce  du 
pape ,  qu'il  n  enverrait  point  de  légat  en 
Angleterre  qu'a  sa  demande,  lorsi|u'il  s'élève- 
rait quelque  dilticulté  que  les  évèques  du 
royaume  ne  pourraient  résoudre  :  «  Rex  a  papa 
impetrat,  ut  neminem  aliquando  legati  offlcio 
in  Anglia  fuiigi  permilteret,  si  non  ipse,  aliqua 
prœcipua  querela  exigente,  quae  ab  episcopis 

Th.  —  Tome  I. 


sui   rcgni    lerminari    non    |io-set,    lioc   tieri  a 
papa  postularet  (Rogerius,  an.  1119).» 

Plusieurs  autre-;  royaumes  oïd  depuis  obtenu 
le  même  ani'anchissement.  Mais  ce  consente- 
ment des  princes,  ([ui  est  devenu  nécessaire 
pour  l'envoi  des  légats  a  latine,  n'est  pas  ce 
tiui  leur  donne  juridiction  :  (junique  ce  soit 
unecondition  sans  laquelle  ils  ne  l'exerceraient 
pas,  et  un  sage  tempérament  pour  conserver 
l'inviolable  concorde  du  sacerdoce  et  de 
l'empire  (1). 

VIII.  Les  interdits,  les  suspensions,  les  ex- 
communications et  les  autres  sentences  juri- 
diques, (jue  les  papes  ont  ou  révoquées  ou 
eux-mêmes  prononcées  dans  tous  les  royaumes 
particuliers,  ne  font  pas  voir  moins  clairement 
l'exercice  de  la  même  juridiction  immédiate 
du  Saint-Siège ,  avec  l'agrément  des  évéques 
qui  n'y  ont  jamais  résisté. 

Gerbert,  archevêque  de  Reims,  fit  tous  ses 
efforts  pour  persuader  à  l'archevêque  de  Sens, 
et  aux  autres  évéques  qui  avaient  déposé 
Arnulphe.dans  le  concile  de  Reims,  de  ne  pas 
garder  l'interdit  au(|uel  le  pape  les  avait 
soumis.  Il  tâchait  de  leur  faire  appréhender 
les  suites  dangereuses  d'une  juridiction  aussi 
étendue  que  toute  l'Eglise,  et  néanmoins  su- 
jette aux  égarements  de  l'ignorance,  aux  illu- 
sions de  la  faveur,  et  aux  intérêts  d'une  cu|ji- 
dité  insatiable  :  «  Non  est  dandaoccasio  nostris 
itmulis,  ut  sacerdotiiun  quod  ubiijue  unum 
est,  sicut  Ecclesia  Catholica  una  est,  ita  uni 
subjici  videatur,  ut  eo  pecunia,  gratia,  nietu, 
vel  ignorantia  correpto,  nemo  sacerdos  esse 
possit,  nisi  quem  sibi  hœ  virtutes  connnen- 
darint  (An.  993).  » 

Néanmoins  le  même  Gerbert  fut  obligé  lui- 
même  de  se  soumettre  à  l'excommunication 
qui  lui  fut  signifiée  de  la  part  du  pape  après  le 
concile  de  Mouzon.  Ce  fut  l'archevêque  de 
Trêves  qui  arrêta  pour  lors  la  pente  qu'il  avait 
à  une  désobéissance  si  scandaleuse.  «  Ne  occa- 
sionem  scandali    suis    œmulis    daret,    quasi 


(1)  Les  ancieûs  parlements  avaient  bien  limité  la  juridiction  des 
légats.  Mais  le  droit  nouveau,  inauguré  par  la  révolution,  est  allé  plus 
loin  encore.  Le  deuxième  des  articles  organiques  est  ainsi  formulé  : 
(1  Aucun  individu  se  disant  nonce,  légat,  vicaire  ou  commissaire  apos- 
tolique, ou  se  prévalant  de  toute  autre  dénomination,  ne  pourra,  sans 
l'autorisation  du  gouvernement,  exercer  sur  le  sol  français  m  ailleurs, 
aucune  fonction  relative  aux  affaires  de  l'Eglise  gallicane,  o 

Lorsque  le  cardinal  Caprara  fut  envoyé  en  France  comme  légat  a 
latere  ,  un  arrêté  (■onsu!a;ro  du  itî  germinal  an  X  l"autor:sa  a  t:xercer 
en  France  les  facultés  que  lui  octroyait  la  bulle  qui  l'instituait  à  cette 
haute  fonction,  et  lui  imposa  les  obligations  suivantes  : 

10  De  se  conformer  entièrement  aux  règles  et  usages  conservés  en 
France  en  pareil  cas  ; 

20  De  jurer  et  promettre,  suivant   la  formule  usitée,  de  se  confor- 


3i 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  SIXIÈME. 


jussionibus  apostolici  Donini  resultare  vellet.  » 
Saint  Fulbert,  évèque  de  Chartres,  pria  le  pape 
Jean  d  excommunier  et  de  ranger  au  devoir 
le  comte  Rodolphe,  révolté  contre  son  cvê(}ue 
et  son  roi.  «  Te  rogamus,  cui  totius  Ecclesiaî 
cura  commissa  est  (Epist.  xxii,  lxii).  » 

Le  pape  Grégoire  V,  dans  un  concile  romain, 
suspendit  de  la  communion  Archimbaut,  ar- 
chevêque de  Tours,  et  les  autres  évêques  qui 
avaient  autorisé  par  leur  présence  les  noces 
incestueuses  du  roi  Robert  avec  Berthe.  sa 
parente.  11  y  décerna  aussi  une  pénitence  de 
sept  ans  au  roi  Robert  et  à  Bcrlhe  (An.  998). 
Ces  évèques  allèrent  recevoir  leur  absolution 
à  Rome,  comme  nous  l'apprenons  d'une  lettre 
du  pape  Léon  IX  écrite  au  roi  Henri,  fds  de  Ro- 
bert, et  rapportée  par  Yves  de  Chartres.  (Decre- 
lum  Ivonis.  pa.  9,  c.  8  . 

IX.  La  multitude  de  ceux  qui  allaient  à 
Rome  pour  y  obtenir  ]ilutôt  rabsolulion  et 
l'indulgence  que  la  pénitence  de  leurs  pé- 
chés, obligea  enfin  les  conciles  provinciaux 
d'interdire  ces  voyages  aux  fidèles,  si  ce  n'était 
avec  la  permission  de  leurs  évèques,  et  après 
avoir  reçu  la  pénitence  de  leurs  crimes  de 
leurs   propres  cui-és. 

Voici  lecanonducouciledeSeligenstadtsur  ce 
sujet  'Au.  l()-2-2):  «  Quia  uiulli  tanta  mentis  sua; 
l'allunlur  stultilia,  ut  in  aliquo  inculpati  cri- 
mine  capitali,  |)œnitentiam  a  sacerdotibussuis 
accipcre  nolint,  iu  lioc  maxime  confisi,  ut  Ro- 
mani euntibus,  Apostolicus  ouinia  sibi  dimitlat 
peccata,  sancto  visum  est  concilio,  ul  talis 
indulg(>ntia  illis  non  prosit,  sed  prius  juxta 
modiuu  delicti  pœniteiitiam  sibi  datani  a  suis 
sacerdotibus  adiuipleant,  et  tune  Romam  ire 
si  velint,  ab  ejiiscopo  proprio  licentiam  et 
litteras  ad  Ai)ostolicum  iisdem  de  rébus  de- 
ferendas  accipiant  (Can.  xvi,  xvni).  » 

C'est  aux  surprises  et  aux  artifices  des  cri- 
minels impénitents,  et  non  pas  à  toute  l'éten- 
due de  l'autorilé  du  pape  (|ue  ce  concile  s'op- 
posait, aussi  bien  «jue  celui  de  Limoges,  dont 
les  évèques  confessèrent  qu'ils  étaient  eux- 

mer  aux  lois  de  l'Etat  et  aux  libertés  de  l'Eglise  gallicane,  et  de 
cesser  ses  ronctio)^  quand  il  en  serait  averti  par  le  premier  consul  de 
la  République  ; 

30  De  ne  rendre  public  aucun  acte  de  la  légation,  ni  mettre  à 
exécution,  sans  la  permission  du  gouvernement  ; 

4o  De  n»  commettre  ni  déléguer  personne  sans  la  même  permis- 
sion t 

50  De  tenir  ou  faire  tenir  registre  des  actes  de  la  légation  ; 

60  De  remettre  à  la  fin  de  sa  légation  le  registre  et  le  sceau  de  sa 
légation  au  conseiller  d'Etat  cliargé  de  toutes  les  affaires  concernant 
'es  cultes,  lequel  les  déposerait  au  secrétariat  du  conseil  d'Etat; 

70  De  ne  pouvoir,  à  la  fin  de  sa  légation,  exercer  directement  ou 
indirectement,  soit  en  France,  soit  hors  de  France,  aucun  acte  relatif 


mêmes  coupables,  s'ils  n'avertissaient  le  pape 
de  ceux  qu'ils  ne  voulaient  pas  qu'on  récon- 
cilicât  à  Rome,  après  avoir  été  excommuniés 
dans  leurs  diocèses  :  '  Potius  nos  culpabiles 
sumus,  nisi  litteris  nostris  ei  notum  facimus, 
de  quibus  nolumus ut  absolvantur  (An.  1032). » 

Ce  mêiue  concile  déclare  ces  absolutions 
nulles,  non  pas  par  défaut  de  puissance  en 
celui  qui  les  accordait,  mais  par  rimpénitence 
de  ceux  qui  s'opiniâtraient  à  ne  pas  satisfaire 
leur  propre  évèque,  et  qui  surprenaient  le 
])ape  par  leurs  déguisements  :  «  Cum  ergo 
taies  deceperint  Apostolicum,  ut  fraudulenter 
absolvantur  ab  eo.  irrita  est  eis  illa  absolutio, 
ideoque  nec  ab  eo,  nec  a  nobis  confirmanda.  » 

Dans  les  occasions  où  les  intérêts  de  la  piété 
et  de  la  religion  n'ont  point  été  blessés,  les 
évèques  n'ont  jamais  trouvé  mauvais  que  les 
pénitents  eussent  recours  à  Rome,  et  y  reçus- 
sent le  pardon  et  en  même  temps  le  remède  de 
leurs   fautes. 

Henri,  évèque  de  Liège,  ayant  témoigné  de 
l'aigreur  et  ayant  usé  de  paroles  piquantes 
dans  sa  lettre  au  pape  Grégoire  VII  sur  l'absolu- 
tion qu'il  avait  donnée  à  un  de  ses  diocésains , 
ce  pape  lui  apprit  par  sa  réponse  que  les  suc- 
cesseurs de  saint  Pierre  avaient  reçu  du  Fils 
de  Dieu  la  puissance  de  lier  et  de  délier  sans 
aucunes  limites,  ni  des  temps,  ni  des  lieux, 
ni  des  matières  :  et  que  c'était  l'ancienne 
erreur  des  Orientaux,  d'avoir  blâmé  le  pape 
.Iules  de  ce  qu'il  avait  absous  l'archevêque 
Athanase  sans  leur  consentement  (An.  1078; 
1.  VI,  Ep.  iv). 

«  Mirati  sumus,  non  ea  te  qua  decuit,  ad 
aposlolicam  Sedem  reverentia  scripsisse,  sed 
nos  absolutione  illius  parochiani  tui.  qui  olim 
ad  nos  venit,  mordaci  invectione  reprehendisse 
tanijuam  a|)ostolica'  Sedis  non  essct  autori- 
tas,  quoscumque  et  ubicumque  vult  ligare  et 
absolvere  (Synodicum  I^arisiense,  p.  8,33).  » 

.le  laisse  la  réservation  des  cas,  ou  des  crimes 
les  plus  énormes,  dont  l'absolution  est  réservée 
au  Saint-Siège.  Je  laisse  la   destination  des 

à  l'Eglise  gallicane.  Dans  son  discours  au  premier  consul  et  dans 
une  promesse  lue  et  signée  par  lui,  le  légat  prit  l'engagement  de 
n'exercer  qu'autant  de  temps  qu'il  plairait  au  premier  consul,  de  ne 
rien  se  permettre  qui  fut  contraire  aux  droits  du  gouvernement  et  de 
la  nation,  et  de  laisser  en  se  retirant  les  actes  de  sa  légation.  Le  car- 
dinal Caprara  exerça  sa  légation  jusqu'au  30  mars  1808,  époque  à  la- 
quelle il  annonça  au  gouvernement  la  cessation  de  ses  pouvoirs.  Por- 
tails, dansson  rapport  sur  les  articles  organiques,  ne  craint  pas  d'émet- 
tre la  pensée  que  les  légats  n'exercent  leur  pouvoir  que  par  la  per- 
mission et  l'autorité  du  souverain  temporel.  Chacun  comprendra  que 
le  délégué  exerce  par  la  permission  et  sous  l'autorité  de  celui  dont  il 
lient  ses  pouvoirs  et  qu'il  représente.  (Dr  A.ndrê.} 


SI  LE  PAPE  A  EXERCÉ  l'NE  JlKIltlCTIOX  |>ANS  LES  DIOCÈSES. 


3r> 


confcssein's  privilof^àés,  ([iii  ticnnciil  leur  juri- 
diction du  pape,  (juoiiiirils  n'en  puissent  user 
qu'en  la  nianiiMe  (jue  les  pajies  et  les  évèques 
mêmes  du  concile  de  Trente  leur  ont  prescrite. 
En  effet,  les  théolo^nens  et  les  canonistes 
conviennent  que  le  Fils  de  Dieu  ayant  rendu 
ses  apôtres  dépositaires  de  sa  plénitude  de 
puissance  spirituelle,  il  s'ensuit  de  là  que  leur 
juridiction  n'avait  point  d'autres  limites  ipie 
celles  de  la  terre.  Les  évèques  ont  bien  succédé 
aux  apôtres,  mais  ils  n'ont  pas  recueilli  l'héri- 
tage entier  de  cette  puissance  universelle.  C'est 
le  seul  Siège  apostolitiue  de  Pierre  (|ui  a  reçu 
avec  le  nom  d'apostolique,  toute  la  succession 
de  la  puissance  universelle  des  apôtres,  et  sur- 
tout de  saint  Pierre  qui  la  possédait  avec  des 
avantages  tout  particuliers. 

C'est  ce  que  le  pape  Grégoire  VII  a  voulu  in- 
sinuer en  ces  termes  :  «  Tanquam  apostolicœ 
Sedis  non  esset  autoritas ,  ([uoscumque  et 
ubicumque  ^^ilt  ligare  et  absolvere.  » 

X.  Si  nous  jetons  les  yeux  sur  l'état  déplo- 
rable de  l'Eglise  universelle  pendant  le  ponti- 
ficat de  ce  pape,  il  ne  nous  paraîtra  que  trop 
combien  il  fut  nécessaire  qu'il  déployât  celte 
autorité  universelle,  qui  a  été  commise  au  suc- 
cesseur de  Pierre,  pour  rétablir  la  tliscipline 
qui  était  entièrement  renversée,  et  pour  pur- 
ger l'Eglise  par  la  déposition  de  tant  de  prélats 
et  tant  de  clercs,  ou  incontinents,  ou  simonia- 
ques.  L'universalité  d'une  maladie  si  conta- 
gieuse demandait  un  médecin  dont  la  puis- 
sance et  l'autorité  fût  générale  pour  retrancher 
tant  de  membres  pourris  dans  le  clergé  de 
toutes  les  contrées  de  l'Eglise. 

Il  est  vrai  que  les  papes  n'avaient  encore 
exempté  les  religieux  de  la  juridiction  des 
évèques  que  du  consentement  des  évèques 
mêmes.  Mais  ce  fut  à  l'occasion  de  ce  débor- 
dement effroyable  de  l'incontinence  et  de 
la  simonie  dans  tout  le  corps  du  clergé,  qu'ils 
se  crurent  obligés  d'en  user  quelquefois  au- 
trement, et  de  donner  ces  exem[)tions  sans 
attendre  l'agrément  des  évèques.  Les  évèques 
firent  quelquefois  éclater  leur  ressentiment  sur 
une  innovation  qui  semblait  si  préjudiciable  à 
l'honneur  de  leur  caractère. 

Le  concile  tenu  dans  l'église  de  Saint-Romain 
où  se  trouvèrent  les  archevêques  de  Lyon,  de 
Vienne  et  de  Tarantaise,  avec  plusieurs  évè- 
ques, rejeta  un  semblable  privilège  accordé  à 
l'abbaye  de  Cluny,  conmie  entièrement  op- 
posé aux  canons  du  concile  de  Calcédoine,  qui 


sounu't  les  moines  aux  evèqeus,  et  défend  aux 
évèques  de  rien  entreprendre  dans  les  diocèses 
les  uns  des  antres:  «Deci'everunt  chaitam  non 
esse  ratam,  (juiecanonieis  non  soluni  non  con- 
cordaret,  sed  etiam  contrairetsententiis.»  Mais 
enfin  toute  l'Eglise  a  déféré  à  ces  privilèges,  et 
les  évèques  s'y  sont  rendus,  n'ayant  pas  cru 
pouvoir  s'opposer  à  un  changement  (|ui  se 
faisait  alors  pour  l'utilité  évidente  et  |iour 
les  pressantes  nécessités  de  l'Eglise  Coucilium 
Ansanum.  An.  tO-2oj. 

II  s'agissait  effectivement  dans  ce  concile 
d'une  ordination  faite  par  l'archevêque  de 
Vienne  dans  l'abbaye  de  Cluny ,  dont  labbé 
eût  dû  recourir  pour  cela  à  l'èvèque  diocésain, 
qui  est  celui  de  Màcon,  si,  par  un  privilège  du 
pape,  il  ne  lui  eût  été  permis  d'appeler  pour 
les  ordinations  de  ses  religieux  tel  èvêque 
qu'il  lui  plairait  :  «  Quemcumque  vellent,  vel 
de  qualibet  regione  adducerent  episcopum, 
qui  faceret  ordinationes,  vel  consecrationes  in 
eorum  Ecclesia.  »  Or  le  Saint-Siège  ne  com- 
mença d'accorder  ces  sortes  de  privilèges 
aux  abbayes  qu'en  un  temps  où  une  grande 
partie  des  évèques  étaient  devenus  simonia- 
ques,  et.  par  une  infâme  prostitution  des  choses 
saintes,  ne  voulaient  plus  conférer  les  ordres 
(ju'en  la  manière  qu'ils  les  avaient  reçus  eux- 
mêmes,  en  vendant  à  prix  d'argent  le  don 
inappréciable  du  Saint-Esprit.  C'est  ce  que 
nous  ferons  voir  dans  la  suite  de  ce  traité 
(Ibidem) . 

XI.  L'exemple  suivant  nous  apprendra  en- 
core plus  clairement  la  déférence  que  les  rois 
et  les  évèques  avaient  pour  le  Saint-Siège  dans 
de  semblables  conjonctures.  Le  pape  Léon  IX 
ayant  résolu  de  venir  célébrer  un  concile  à 
Reims,  et  y  faire  la  dédicace  de  l'abbaye  de 
Saint-Remy ,  les  prélats  qui  n'étaient  pas  en- 
trés dans  l'Eglise  par  la  porte  d'une  vocation 
canonique,  et  qui  appréhrndaient  avec  raison 
d'être  déposés  dans  ce  concile,  persuadèrent  au 
roi  de  les  emmener  tous  à  une  expédition  mi- 
litaire et  d'écrire  au  pape  pour  le  prier  de  re- 
mettre le  concile  en  un  autre  temps  plus 
conunode  pour  les  affaires  du  coyaume.  Le 
pape  ne  laissa  pas  de  venir  à  Reims,  d'y  as- 
sembler le  concile,  d'y  faire  la  dédicace  de 
Saint-Remy,  assisté  des  archevêques  de  Reims 
et  de  Trêves,  d'y  faire  le  procès  aux  prélats 
simoniaques,  et  d'y  faire  voir,  par  toutes  ces 
marques  d'autorité,  la  vérité  de  ce  qui  y  fut 
déclaré  en  termes  formels,  que  le  pa|)e  est  lui 


36 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SIXIÈME. 


seul  le  premier  et  apostolique  pontife  derEglise 
universelle  :  «  Quod  solus  Romanac  Sedis  pon- 
tifex,  universalis  Ecclesiae  primus  esset  et 
apostolicus  (An.  1049).  » 

On  j)eut  remarquer  que  ce  pape  et  ceux 
qui  l'ont  suivi  dans  le  même  siècle  et  dans  les 
siècles  suivants,  ayant  été  forcés  de  faire 
diverses  courses  dans  l'Italie,  dans  la  France 
et  dans  l'Allemagne,  il  n'est  jamais  arrivé 
qu'aucun  évèque  ou  archevêque  ait  prétendu 
les  pouvoir  précéder  dans  son  propre  diocèse, 
ou  avoir  le  premier  rang  d'autorité  en  leur 
présence,  ou  les  obliger  de  n'exercer  les  fonc- 
tions pontificales  que  de  leur  consentement. 

Il  paraît  au  contraire  dans  toutes  les  histoires 
du  temps,  que  les  pontifes  romains  ont  été 
reçus  dans  chaque  Eglise  comme  les  évè(|ues 
propres  du  lieu,  et  comme  les  pasteurs  sou- 
verains à  qui  la  bergerie  entière  de  J.-C.  a 
été  immédiatement  confiée.  Quand  les  papes 
Jean,  Agapet,  Vigile  et  Constantin  traversèrent 
autrefois  la  Grèce  pour  se  rendre  à  Constan- 
tinople,  ils  furent  reçus  partout,  comme  la 
personne  propre  de  saint  Pierre,  et  on  ])eut 
juger  par  les  respects  que  les  empereurs 
mêmes  leur  rendirent,  de  ce  que  les  évêques 
pouvaient  leur  contester. 

Nos  rois  n'ayant  pas  rendu  de  moindres  té- 
moignages de  leur  vénération  sincère  pour  le 
Siège  apostolijjue,  quand  les  jiapes  sont  venus 
en  France,  il  y  a  sujet  de  croire  qu(!  nos  prélats 
se  conformaient  avec  joie  à  l'exemple  du 
prince. 

Si  quelque  évêque  a  témoigné  de  la  jalousie 
dans  quelque  cas  pareil,  les  papes  n'ont 
pas  refusé  de  leur  donner  tout  l'éclaircisse- 
ment nécessaire,  et  de  leur  offrir  de  faire  juger 
ce  différend  par  la  rigueur  des  lois  et  des 
canons.  C'est  ainsi  que  le  pape  Urbain  II  en  usa 
à  l'égard  de  Farchevêque  de  Saleriie,  qui  avait 
peine  de  lui  céder  la  dédicace  d'iuie  église 
exempte.  L'archevê(|ue,  ayant  plus  mûrement 
délibéré  sur  cette  affaire,  ne  voulut  jamais 
comparaître  en  jugement. 

«  Nobis  dis|)onerifilius  basilicaiu  illius  loci 
dedicare,  archiepiscopus  su;e  Eccicsiaj  minui 
juraclamitahaf.  Cui  nos  ex  abundanti  salisfac- 
tioiiem  juris  obtulinius.  111e  aufem  cum  ad 
postidatum  et  acceiitatum  actionis  tenuinum 
pervenisset,  actionem  aggredi  refutavit  (Ur- 
ban.Il.  Epist.  x).» 

XII.  Nous  confirmerons  dans  la  siiile  de  cet 
ouvrage  ce  (pii  a  été  déjà  prouvé  par  la  prati- 


que des  siècles  précédents,  que  le  pape  était 
en  droit  et  en  possession  d'ordonner  et  d'at- 
tacher au  service  de  l'Eglise  de  Rome  les  diocé- 
sains et  les  clercs  de  linéique  diocèse  que  ce 
|)uisse  être. 

C'est  une  de  ces  maximes  générales  qu'on 
attribue  au  pape  Grégoire  VII,  et  qu'on  appelle 
«  Dictatuspapae.  »  En  voici  les  termes:  «  Quod 
de  omni  Ecclesia  quemcumque  voluerit,  cleri- 
cuni  valeat  ordinare  (Gregor.  VII.  I.  u.  Epist 
Lxxvi).  »  C'était  une  preuve  de  son  autorité 
innnédiate  sur  tous  les  diocésains  particuliers 
des  autres  diocèses. 

Ce  même  pape  ordonna  à  Rome  l'évèque  de 
Màcon,  et  écris it  à  l'archevêque  de  Lyon,  qui 
aurait  dû  l'ordonner,  qu'il  ne  l'avait  fait  que 
pour  des  causes  justes  et  imporlaides'  «  Inter- 
venientibus  quibusdam  rationabilibus  causis.  » 
L'histoire  ne  nous  apprend  pas  cjue  cet  arche- 
vê(|ue  ait  été  dans  cette  rencontre  d'aussi  mau- 
vaise hiuueiu'  iiue  fid  depuis  l'archevêque  de 
Sens,  lorsque  le  pape  Urbain  II  consacra  à 
Rome  Yves,  évêque  de  Chartres,  comme  nous 
l'avons  dit  ci-dessus. 

XIII.  Lorsque  saint  Louis  obtint  du  pape 
Innocent  IV  un  privilège  qui  suspendait  l'au- 
torité de  tous  les  archevêques  et  évêques,  pour 
ne  pouvoir  interdire  le  royaume  sans  un 
ordre  particulier  du  pape  (Innoc.  IV.  Ep.  xviu); 
et  (juand  les  autres  rois  ont  impétré  de  sem- 
blables concessions,  ne  sont-ce  pas  là  autant 
de  marques  certaines  que  tous  les  diocèses  et 
tous  les  diocésains  particuliers  sont  les  diocèses 
et  les  diocésains  inunédiats  du  pape,  quand 
l'utilité  et  le  besoin  de  l'Eglise  le  demandent 
de  la  sorte  :  «  Intervenientibus  rationabilibus 
«  causis.  » 

XIV.  Et  c'est  peut-être  la  voie  d'accommode- 
ment qu'il  faut  prendre  pour  accorder  les  dif- 
féi'cnts  sentiments  qui  ord  jiartagé  les  esprits 
sur  cette  matière.  Savoir,  que  les  souvei^ains 
pontifes  exercent  une  juridiction  immédiate 
dans  les  diocèses  et  sur  les  diocésains  particu- 
liers de  toute  l'Eglise,  mais  dans  les  occur- 
rences justes  et  importantes,  pour  le  salut  et 
pour  l'avantage  de  l'Eglise.  C'est  la  doctrine 
de  Gerson,  qui  nous  propose  et  condanme 
en  même  tem|)S  deux  erreurs  opposées  entre 
elles  et  également  éloignées  de  la  vérité. 
L'une,  que  le  pape  n'est  pas  le  pasteur  immé- 
diat (le  chaque  fidèle  ;  l'autre,  (lu'il  est  telle- 
ment le  pasteur  innnédiat  de  tous  les  diocèses, 
qu'il  peut  sans  nécessité  et  sans  aucune  utilité 


SI  LE  PAPE  A  EXERCÉ  l'NE  JURinK.TFON  DANS  IJ'.S  DIOCÈSES. 


37 


y  exercer  toutes  les  fonctions  des  évèqiies 
particuliers. 

«  Qnod  papa  non  est  iinmediatus  prfclatns 
omnium  fideliimi.  nec  sponsus  Ecdesiœ  uni- 
versalis,  sed  solius  Homan»;  alioiiuiiicjuiclibet 
Ecclesia  cathedralis  hal)eret  duos  sponsos,  pa- 
pam  et  episcopum.  Qiidd  papa  est  sic  inmie- 
diatus  pnclatus  onmium  lidelium,  quod  potest 
pro  libito  per  se  vel  alios  commissos  omnia 
exerccre  licite,  quœ  potest  qnicumque  praelatus, 
vel  curatus  inferior,  etiam  ubi  non  subcst  né- 
cessitas ,  propter  defectum  inferiorum,  neijue 
rationabilis  utilitas  (Gerson.  tom.  i,  pag. 
337).  » 

11  ne  serait  donc  pas  licite,  licite,  pour  nous 
servir  des  termes  de  Gerson.  que  sans  nécessité 
et  sans  utilité,  le  pnntilicat  du  Siège  aposto- 
lique attirât  à  lui  toute  la  juritliction  des  évê- 
ques  particuliers.  Mais  lorsqu'il  a  été  ou  utile, 
ou  nécessaire  pour  l'avantage  de  l'Eglise,  que 
ce  suprême  Chef  lit  lui-même  immédiatement 
la  fonction  de  quelques-uns  de  ses  plus  excel- 
lents membres  ,  on  n'a  jamais  contesté  qu'il 
n'en  eût  le  pouvoir. 

XV.  Je  confesse  que  dans  des  conjonctures 
singulières  il  arrive  queUpiefois  que  le  pape  et 
les  évêques  jugent  diversement  de  ce  qui  est 
nécessaire  ou  utile  pour  le  salut  de  l'Eglise. 
Mais  dansées  rencontres  fâcheuses  les  évèijues 
ne  laissent  pas  de  céder  ordinairement  à  l'au- 
torité supérieure  de  leur  chef,  dont  ils  n  ap- 
prouvent ou  ne  comprennent  pas  alors  la 
conduite.  Cela  parait  admirablement  dans  les 
lettres  ijue  saint  Bernard  écrivit  à  l'occasion 
de  l'interdit  que  l'archevêque  de  Sens  et  ses 
suffragants  avaient  fulminé,  pour  contraindre 
le  roi  Louis  le  Jeune  de  cesser  les  violences 
qu'il  exerçait  contre  l'Eglise.  Le  pape  leur  en- 
joignit de  le^e^  l'interdit,  ce  qui  était  comme 
soustraire  les  terres  du  roi  et  ses  officiers  à 
leur  juridiction.  Us  obéirent,  et  ce  ne  fut  pas 
sans  se  plaindre  que  c'était  exposer  l'épiscopat 
au  mépris  et  mettre  en  proie  tous  les  biens  de 
l'Eglise  :  «  Soluto  ad  vestrum  imperium  epi- 
scopi  justo  interdicto,  etc.,  intérim  facti  sumus 
opprobrium  vicinis  nostris,  etc.  (Bernard,  Ep. 

XLVn.  XLVIU,  XLIX).    » 

Quand  il  arriverait  que  dans  quelque  ren- 
contre on  s'affermît  de  part  et  d'autre  dans 
des  sentiments  contraires,  il  faut  croire  que 
celui  qui  aurait  le  plus  de  charité  plierait  tou- 
jours le  premier,  quoique  ce  fût  peut-être  lui- 
même  qui  eût  une  plus  grande  autorité.  Car 


rien  ne  sied  mieux  à  l'autorité  suprême  que  la 
parfaite  charité. 

On  sait  (pi'au  temps  de  saint  Bernard  il  était 
libre  à  tous  les  particuliers,  par  un  usage  alors 
reçu,  de  porter  imméiliatenient  toutes  leurs 
causes  au  Saint-Siège,  de  quelque  nature 
qu'elles  pussent  être.  Ce  savant  et  intréj)ide 
défenseur  de  la  plus  |)ure  discipliiîe  de  l'E- 
glise ne  désapprouva  jamais  celte  police  , 
pourvu  que  les  intérêts  de  la  justice,  de  la 
piété  et  de  la  compassion  pour  les  niisérabtes 
y  fussent  conservés. 

«  Venlum  est  ad  commune  refngium;  illo 
confugiinus,  ubi  conlidinuis  liberari.  Tantuni 
adsit  pietas,  nam  facultas  non  deest.  Et  qui- 
deni  ex  privilegio  Sedis  a|iostolicfe  constat , 
sununam  reruin  ad  vestram  putissimum  res- 
picere  summam  autorilatem  et  plenariam 
poteslalem  (Epist.  cxcviu).  » 

Voilà  ce  qu'il  écrit  au  pape  Innocent  II.  Ecri- 
v<int  au  pape  Eugène  lll,  il  l'appelle  l'évêque 
de  toute  l'Eglise  :  «  Hœc  digna  sunt  vestro 
apostolatu ,  décent  pline  orbis  episcopum.  » 
Parlant  à  ceux  de  Tolède,  il  les  exhorte  de  n'é- 
couter point  d'autres  prédicateurs  que  ceux  qui 
auront  la  mission  du  pape,  ou  la  permission  de 
leur  évèque  :  «  N'uilum  prœdicatorem  recipia- 
tis,  nifi  qui  missus  a  summo,  seu  a  vestro  per- 
missus  pontifice  prœdicaverit.  (Epist.  ccxli).  » 

Le  même  saint  Bernard  écrivant  au  pape 
Eugène  111,  dans  la  plus  grande  ardeur  et  dans 
la  plus  sainte  liberté  de  son  zèle,  confesse  que 
le  successeur  de  Pierre  est  généralement  le 
propre  pasteur  de  toutes  les  brebis  de  J.-C. 

«  Potestate  Petrus ,  unctione  Christus  ,  etc. 
Sutit  et  alii  gregum  jjastores  ,  etc.  Habent  illi 
sibi  assignâtes  grèges,  singuli  singulos,  tibi 
universi  crediti.  uni  unus.  Non  mudo  ovium, 
sed  et  pastorum ,  tu  unus  omnium  pustor. 
Pasce  oves  meas  ,  inquit.  Quas?  lllius,  vel  il- 
lius  populos  civitatis,  aut  regionis,  aut  certi 
regni  ?  Cui  non  planum  est,  non  désignasse 
ali(|uas,  sed  assignasse  omnes?  Nihil  excipitur, 
ubi  dislinguitur  nihil.  Et  forte  prfesentes  cœ- 
teri  condiscipuli  erant,  cum  committens  uni 
unitatem,  omnibus  commendaret.  Inde  est 
quod  alii  singuli  slngulas  sortit!  sunt  plèbes, 
scientes  sacramentum.  Denique  Jacobus,  qui 
videbatur  columna  Ecclesiae,  contentus  est  Je- 
rosolyma,  Petro  universitatem  cedens  (L.  ir.  de 
Consid).  » 

Quand  il  parle  ensuite  des  appels  et  des 
exemptions  ,  il  montre  bien  que  l'exercice  de 


38 


Dr  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS. 


CHAPITRE  SIXIEME. 


cette  puissance  avait  une  étendue  universelle. 
Car  (pioiiiu'il  dcsapiJrouve  les  appellations 
avant  la  sentence  ,  (lui  soumettaient  innnédia- 
tement  au  jugement  du  ])ape  toutes  sortes  de 
causes,  il  reconnaît  néanmoins  qu'on  n'en 
peut  blâmer  que  l'abus  qu'en  faisaient  les  mé- 
chants; que  le  pape  seul  peut  remédier  à  ces 
abus;  enlin  que  le  pouvoir  en  serait  reconnu 
sans  peine,  si  l'on  espérait  qu'il  lût  ménagé 
avec  justice. 

Ce  grand  honnne  n"a  pas  plus  de  complai- 
sance j>our  les  exemptions;  mais  lise  réduit 
enfm  à  souhaiter  que  la  puissance  se  laisse 
régler  par  la  raison,  et  que  les  dispenses  ne 
s'accordent  qu'à  l'utilité  publique  et  aux  né- 
cessités de  l'Eglise  :  «  Quomodo  non  indecens 
tibi,  voluntatu  pro  lege  uti;  et  quia  non  est  ad 
quein  appelleris,  poteslatem  exercere,  negli- 
gei-e  ralionem?  Ubi  nécessitas  urget,  excusa- 
bilis  dispensalio  est.  Ubi  nécessitas  provocat, 
dispensalio  laudabilis  est.  Utilitas  dico  com- 
munis,  non  propria  (L.  ni.  ibid).  » 

Enfin  ce  sage  et  inexorable  censeur  juge  que 
ces  marques  d'une  suprême  puissance  peuvent 
être  licites,  mais  qu'elles  ne  sont  pas  toujours 
avantageuses,  et  peut-être  même  qu'elles  ne 
sont  pas  licites,  puisque  l'autorité  des  aidres 
évèques  est  aussi  fondée  sur  le  droit  divin  ,  et 
que  par  conséquent  il  n'est  pas  juste  d'en  in- 
terrompre le  cours  et  l'usage  réglé  :  «  Omnia 
mihi  licent,  sed  non  onmia  expediunl?  Quid 
si  forte  nec  licel?  Erras,  si  ut  suinmam,  ita  et 
solam  institulam  a  Deo  vestram  aposlolicam 
poteslatem  exislimas.  » 

Pierre  le  Vénérable,  abbé  de  Cluny ,  n'avait 
garde  de  s'éloigner  de  ces  sentiments.  Voici 
comme  il  parle  de  ce  pouvoir  universel  et  im- 
médiat du  pape  dans  toute  l'Eglise  :  «  Licet 
majorem  aliis  Ecdesiai  Patribus  Romani  ponti- 
fices,  hoc  est,  etsi  |)er  omnem  Ecclesiam  I^etri 
autoritatem  habeant,  etc.  sicut  Romani  pra'su- 
les  onun,  et  sicnl  alii  |)ontitices  singulis  Eccle- 
siis  prœsunt,  etc.,  (Bibl.  Cluniac.  pag.  689).  » 

Voici  ce  (|ue  .iean  de  Salisbury  en  a  écrit  : 
«  Ronianum  poiitilicem  non  anibiginms  priii- 
cipis  apostolorum  esse  vicarium  ,  qui  sicut 
rector  clavo  navem,  ita  sigilii  sui  moderamine 
Ecclesiam  régit,  coiaigit,  et  dirigit  imivcrsam. 
(Epist.  Lxxxni).  » 

XVI.  Ce  n'est  donc  pas  au  pouvoir  du  Saint- 
Siège,  mais  au  mauvais  usage  d'un  légitime 
jtouvoir,  et  aux  suites  dangereuses  cpii  en  jinu- 
vaient  naître,   que  (luehjues  vigoureux  prélats 


ont  fait  une  généreuse  résistance.  Galon,  évèque 
de  Metz,  ayant  reçu  du  pape  Jean  VIII  l'usage 
du  iiallium,  sans  rien  diminuer  de  la  sounds- 
sion  qu'il  devait  a  son  métropolitain  :  «  Salva 
in  omnibus  metropolitani  subjectione  :  »  Rer- 
tolfe,  archevêque  de  Trêves,  qui  était  son  mé- 
tropolitain, lui  défendit  de  i)orter  le  i)allium 
sans  sa  permission,  quoique  Calon  lui  repré- 
sentât qu'il  était  le  cinquième  évêque  de  Metz 
à  (jui  celte  grâce  avait  été  accordée  par  le  Sainl- 
Siége.  Ilincmar,  arclievèciue  de  Reims,  accom- 
moda enfin  ce  différend  entre  deux  prélats, 
dont  lim  était  soutenu  de  l'autorité  du  ])ape, 
et  l'autre  soutenait  courageusement  les  droits 
des  métropolitains  :  »  Cum  Walo  apostolicam 
autoritatem  prœtenderet,  archiepiscopus  me- 
tnipolitanoium  jura  defeuderet  :  »  Mais  ce  fut 
en  persuadant  à  Galon  de  se  soumettre  de 
boime  grâce  aux  lois  de  l'obéissance  qu'il  de- 
vait à  sou  métropolitain  :  «  Ad  metropolitani 
sui  eam  instruxit  obedientiam  ,  et  sic  restituit 
concordiam.  » 

L'histoire  de  Trêves,  d'où  est  tiré  ce  récit, 
assure  que  le  même  Rertolfe  fit  paraître  en 
])lusieurs  rencontres  une  inflexible  fermeté 
])our  la  iléfense  de  ses  droits,  et  refusa  même 
de  recevoir  les  lettres  du  pape,  lorsque  les 
sulfragants  les  avaient  obtenues  contre  sa  vo- 
lonté :  «  Nam  lifteras  Romani  pontificis  pro 
eadem  Walonis  pricsumptione,  vel  episcopi 
Vinlunensis  contra  suam  voluntatem  sibi 
transnussas  suscipere  noiuit  (Spicileg.  tom. 
XII,  pag.  'âio  ;  preuves  des  Libert.  Gallic. 
pag.  -4GS). 

Hugues,  évêque  de  Die  et  légat  du  Saint- 
Siège,  ayant  entrepris  de  consacrer  un  évèque 
à  Meaux,  Richer,  archevêque  de  Sens,  ne  put 
soullVir  ([u'on  eût  ordonné  un  de  ses  sullra- 
gants  sans  son  consentement  ;  il  excommunia 
ce  nouveau  prélat,  et  en  substitua  un  autre 
en  sa  place  (Monacli.  Altisiod.  in  Chronol. 
an.  1031).  » 

Il  y  a  bien  de  ra|)parence  que  ce  légat  avait 
excédé  les  pouvoirs  de  sa  commission.  Ainsi 
on  ne  peut  blâmer  le  zèle  de  l'archevêque 
liicher.  Mais  (|uant  a  la  fermeté  de  Rertolfe, 
dont  nous  venons  de  parler,  elle  ne  jieut  être 
considérée  (|ue  dans  le  sens  et  les  termes  que 
saint  Rernaitl  même  nous  fournit,  en  parlant 
de  ceux  (pii  ne  (hjféraient  jjas  toujours  aux 
ap|iellations,  (|ueli|ue  légitimes  qu'elles  fus- 
st'iii  en  général  :  «  Plures  sua  amiticrc  non 
ferentes,  appellaliones   minus  op|)ortunas  et 


SI  LE  PAPE  A  EXERCÉ  UNE  .IL'RIDICTION  DANS  LES  DIOCÈSES. 


39 


celsa  nomina,  importunius  contenipsenml 
(L.  iii.deConsid.:.  »  Il  l'aut  pourtant  croire  iiiic 
c'était  bien  moins  la  jalousie  <ie  son  propre 
pouvoir  ([ue  le  zèle  vif>oureu\  de  la  discipline 
(jui  animait  cet  arcbevè(iue. 

XVII.  Pierre  Bertrandi,  évèque  d  Autun,  et 
depuis  cardinal,  ([ui  défendit  avec  tant  de 
succès  la  cause  du  clergé  de  France  et  de  la 
juridiction  ecclésiasti(|ue,  sous  le  roi  Philippe 
de  Valois,  nous  a  appris,  dans  le  traité  (ju'il 
dressa,  quels  étaient  alors  les  sentiments  de  la 
France  sur  cette  matière.  Car  il  était  français, 
et  il  prétendait  expliquer  les  sentiments  du 
clergé  de  France  dans  cette  rencontre.  11  y 
établit  celte  maxime,  comme  empruntée  de 
saint  Léon  et  des  saints  Pères,  que  J.-C.  a 
donné  la  puissance  des  clefs  à  saint  Pierre 
et  à  ses  successeurs,  de  qui  il  s'en  fait  une 
effusion  sur  les  autres  :  «  Origo  hujus  pote- 
statis  etluit  a  Deo  inunediate.  videlicet  a  Christo 
tradente  eam  certœ  personœ,  scilicet  Petro,  pro 
se  et  suis  successoribus,  a  (|uibus  in  alios  deri- 
vatur  (Bibliotb.  Patr.  toni.  iv,  part.  I.)  » 

II  ajoute  que  cette  autorité  imiverscUe  em- 
brasse tous  les  lieux  et  toutes  les  personnes,  et 
que  tous  les  fidèles  doivent  obéir  comme  les 
fidèles  de  chaque  diocèse  doivent  obéir  à  leur 
évéque  :  «  Cuin  pnedictam  jurisdictionem 
habeat  papa,  sine  limitatione  loci  et  per- 
sonarum  ;  ideo  omnes  christiani  uhicum(|ue 
sint ,  debent  ei  obedire.  Ca'teris  vcro  prse- 
latis,  episcopis,  archiepiscopis  et  patriarchis, 
in  territoriis  seu  diœcesibus  sibi  commissis, 
lenentur  obedire  omnes  christiani  nianenles 
ineis  (Qusest.  3).  » 

Enfin  ce  prélat  conclut  que  le  Fils  de  Dieu, 
étant  la  sagesse  éternelle,  a  donné  au  chef  visi- 
ble de  son  Eglise  tout  le  pouvoir  qui  était  né- 
cessaire jtour  le  salut  et  pour  lavantage de  son 
Eglise.  «  Christus  commisit  Petro  regimeu  Ec- 
clesi»  tantum  ,  quantum  necessarium  erat  et 
expediebat  cum  regimine  Ecclesiœ.  »  Voilà  la 
raison  fondamentale  pourquoi  les  évèques  n'ont 
pas  cru  devoir  contester  avec  le  pape  sur  Té- 
tendue  du  pouvoir  :  mais  ils  ont  eu  (luelque- 
fois  des  démêlés  sur  ce  qui  était  avantageux 
ou  préjudiciable  à  la  pureté  de  la  discipline. 

XVIU.  11  ne  sera  pas  inutile  de  faire  voir 
que  la  docti'ine  de  ce  cardinal ,  qui  paraissait 
alors  à  la  tète  de  toute  l'Eglise  gallicane .  et  de 
tout  le  clergé  dont  il  soutenait  si  glorieuse- 
ment les  intérêts,  fut  ensuite  défendue  par 
Gerson .   par  le  cardinal  Pierre  d'.Villy,  par 


Alniahin  ,  par  Major,  et  par  tous  ces  célèbres 
docteurs,  (pii  sont  les  moins  suspects  d'a- 
voir donné  tro|)  d'étendue  à  la  puissance  des 
papes. 

Gerson  établit  iiremièrement  cette  proposi- 
tion, que  la  plénitude  do  la  puissance  et  de  la 
juridiction  ecclésiasti(|ues  se  peut  étendre  sur 
tous  les  particuliers  de  l'Eglise,  et  que  si  cette 
autorité  s'emportait  à  des  excès  dangereux,  ce 
serait  à  l'Eglise  assemblée  d'y  apporter  les  re- 
mèdes convenables. 

11  ajoute  à  cela  que  cette  plénitude  de  puis- 
sance réside  dans  le  pape,  ce  qui  fait  que 
l'Eglise  est  une  véritalile  monarchie  :  non  que 
le  pape  puisse  sans  raison  et  sans  nécessité 
s'ingérer  dans  les  fonctions  de  chaque  évèque 
particulier,  mais  il  use  de  ce  pouvoir  innné- 
diat  quand  il  y  est  convié ,  ou  par  le  défaut  et 
la  négligence  des  pasteurs  immédiats,  ou  ])ar 
le  besoin  et  l'utilité  évidente  de  l'Eglise,  qui 
sont  aussi  les  cas  où  les  évèques  exercent  par 
eux-mêmes  la  charge  des  curés. 

«  Plenitudo  potestatis  ecclesiasticae  comple- 
ctitur  in  se  plenitudinem  duplicis  potestatis, 
scilicet  ordinis  et  jurisdictionis,  tam  in  foro 
interiori,  quam  exteriori,  quœ  circa  quemlibet 
de  Ecdesia  potest  immédiate  et  absque  limita- 
tione exerceri,  clave  non  errante.  Sed  si  errât, 
potest  per  Ecclesiam  synodaliter  congregatam 
error  judicialiter  corrigi,  etc.  Gerson.  tom.  i, 
pag.  11,^,  l-2r),  120^.  »  Voila  la  première  pro- 
position. 

Voici  la  seconde,  (jui  n'est  ni  moins  claire, 
ni  moins  décisi-ve:  a  Plenitudo  potestatis  Eccle- 
siœ  sic  proprie  sumpta,  non  potest  esse  de  lege 
ordinata,  nisi  in  unico  summo  pontiCce.  AJio- 
quin  ecclesiasticum  regimeu  non  esse  monar- 
chicum,  etc.  Nec  tamen  plenitudo  potestatis 
papalis  sic  intelligenda  est  immédiate  super 
omnes  christianos,  quod  pro  libito  possit  juris- 
dictionem in  omnes  per  se,  vel  alios  extraordi- 
narios  [lassim  exercere.  Sic  enim  pra?judicaret 
ordinariis,  qui  jus  habent  immediatum,  imo 
inunediatissimum  super  plèbes  eis  commissas 
actushierarchicos  exercendi.Extenditur  igitur 
plenitudo  potestatis  papœ  super  omnes  inferio- 
res,  solum  dum  subest  nécessitas,  ex  defectu 
ordinariorum  inferiorum  ;  vel  dum  apparet 
evidens  utiiitas  Ecclesice.  Qu^madmodum  dici> 
potest  de  episcojjis  respectu  plebanorum,  vel 
propriorum  sacerdutum,  ([uorum  possunt  sup- 
plere  defectus.  » 

Cette  comparaison  de  Gerson  ne   doit  pas 


40 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SIXIEME. 


être  passée  trop  Irgèrement.  Il  était  persuadé 
que  la  dignité  des  curés  etiiil  aussi  de  droit 
divin.  Cela  a'einpècliait  pas  qu'il  ne  crût  que 
les  évèques  pouvaient  remplir  immédiatement 
par  eux-mêmes  les  fouclious  des  curés,  quand 
rulililé  de  l'Eglise  le  demandait.  11  fornje  le 
même  jugement  du  pape  à  l'égard  des  évéques. 
L'elat  nioiiareliiipie  et  essentiellement  monar- 
chique de  l'Eglise,  selon  ses  sentiments  et  ses 
expressions,  ne  doit  pas  être  moins  considéré. 
Car  (ierson  en  infère  qu'on  ne  peut  pas  dire 
sans  erreur  que  chaque  évêque  est  pape  dans 
son  diocèse. 

«  Nullam  aliam  rolitiam  instituit  Christus 
immutaljililer  monarcliicam,  et  (piodam  modo 
regalem,  nisi  Ecclesiam;  et  oppositum  sen- 
tientes  de  Ecclesia ,  quod  fas  est  esse  plures 
papas,  aut  quod  ([uilibet  eijiscopus  est  in  sua 
diœcesi  papa,  vel  jiastor  suprenuis,  lequalis 
papsB  Romano,  orrani  in  lide  et  unitate  Eccle- 
siœ,  contra  illuiii  aiticulum  :  Et  in  unam 
sanctam,  etc.  (Ibidem,  p.  lo8).  » 

Cet  auteur  ajoute  que  si  les  évêques  se 
voyaient  léduits  trop  à  l'étroit  par  le  pape  dans 
l'exercice  de  leurs  pouvoirs  essentiels  :  «  in 
suis  juribus  essentialibus,  »  soit  dans  l'exemp- 
tion accordée  à  leurs  sujets,  soit  dans  la  réser- 
vation des  cas  ou  des  bénéfices,  et  que  cela  se 
fit  trop  communément  et  sans  un  plus  grand 
avantage  pour  l'Eglise  :  «  passim,  communiter 
absiiueutilitatemajori  Ecclesite  (Ibidem.  ])ag. 
190,  290),  »  alors  ils  pourraient  en  porter 
leurs  plaintes,  non-seulement  au  pape  même 
et  au  concile,  ce  qui  est  le  remède  le  plus  con- 
venable :  «  <|U(id  estconvenientissimumreme- 
dium,  1)  mais  aussi  aux  princes  temporels,  en 
implorant  leur  secours. 

Il  conclut  aussi  ailleurs  que  le  pape  ne  peut 
pas  changer  la  disposition  générale  de  l'Eglise, 
ni  empêcher  qu'il  y  ait  des  évêques,  des  curés 
et  des  cardinaux,  en  tant  que  les  cardinaux 
reiiresentent  les  apôtres,  qui  étaient  comme 
les  conseillers  et  les  assesseurs  de  saint  Pierre. 

XIX.  Le  docteur  Almahin  marchait  sur  les 
pas  de  Gcrson.  11  reconnaissait  que  par  ces 
paroles  :  «  Pasce  oves  meas ,  »  le  Fils  de 
Dieu  avait  dorme  à  saint  Pierre  le  pouvoir  de 
distribu(  r  les  iliguités  ecclésiastiques,  les  évê- 
'  chés  et  les  cures  :  «  Fuit  Petro  data  potestas, 
etiam  iiistituendi  ministros,  ad  pascendum,  et 
instituendum  et  distribui-ndum  caeteras  digni- 
tates  eccle-iasticas,  episcopatus,  curas  (Ibidem, 
pag.  751,  70."),  708).  » 


Comme  on  lui  opposait  qu'il  pourrait  y  avoir 
plusieurs  papes,  comme  il  y  a  eu  quelquefois 
|)lusieurs  évêques  en  un  évêché,  et  plusieurs 
cures  en  une  cure,  puisque  le  pape  est  comme 
le  curé  universel  de  toute  l'Eglise  :  «  Quoniam 
papa  niliil  aliud  est,  quam  curatus  universalis 
Ecciesiae:»  il  répond  que  la  comparaison  n'en 
est  pas  juste,  parce  que  ce  n'est  qu'un  point 
de  |)olice  humaine  ou  ecclésiastique  (ju'un 
évêché  soit  gouverné  par  un  seul  évêque; 
mais  c'est  une  loi  divine  et  immuable  à  notre 
égard,  (|ue  toute  la  chrétienté  soit  régie  par 
un  seul  grand  prêtre  :  «  Quod  sit  aliciuis,  ([ui 
habeat  regere  totam  christianitatein,  est  ex 
iiislitutioneChristi;  et  ([uod  aliquis  regat  hune 
episcoiiatum,  estex  institutione  humaiia  :  idée 
potest  committi  duobus  ex  œquo  :  alia  vero 
quœ  est  ex  institutione  Christi,  non  potest.   » 

Le  docteur  Major  ne  disconvient  pas  des 
mêmes  principes,  que  le  pape  peut  exercer  les 
mêmes  droits  dans  chaque  Eglise  et  sur  tous 
les  fidèles  en  particulier,  que  chaque  évêque 
exerce  dans  son  diocèse  et  sur  ses  diocésains, 
pourvu  qu'on  n'étende  pas  ce  même  ])ouvoir 
sur  tout  le  corps  de  l'Eglise  assemblée  (Ibidem, 
pag.  887,  888). 

Pierre  d'Ailly,  dans  Pexcellent  traité  (|u'il 
écrivit  de  l'Autorité  de  l'Eglise,  pendant  la 
tenue  du  concile  de  Constance,  dit  cpie  d'abord 
le  Fils  de  Dieu  communiqua  à  tous  les  apôtres 
la  même  infinie  étendue  de  la  puissance  sacer- 
dotale; mais  ipie  prévoyant  la  confusion  qui 
en  naîtiait  infailliblement,  si  tous  les  succes- 
seurs des  apôtres,  c'est-à-dire,  si  tous  les  évê- 
(jucs  en  usaient  de  même,  il  donna  à  Pierre  et 
à  ses  successeurs  la  conduite  générale  de  toute 
sa  bergerie,  et  le  pouvoir  de  partager  les  dio- 
cèses et  l'exercice  de  cette  divine  juridiction 
entre  les  autres  évêques. 

«  Quia  ex  hoc  confusio  sequi  poterat,  ideo 
Doniimis  hoc  prœvidens  contulit  Petro  pro  se 
et  suis  successoribus  auloritatem  dis|)onendi 
ministros  Ecclesiœ,  et  determinandi  jurisdic- 
tionem,  dicens  :  Pasce  oves  meas,  id  est,  sis 
[)astor  generalis,  ad  quem  pertinet  dispositio 
et  regimen  générale  ovium  etovilis,  etc.  Et  ita 
in  Petro  fuit  isia  pieniludo  potestatis,  quam 
taiiien  postea  divisim  aliis  dédit,  vocans  eos 
in  parlem  solliciludinis  (Ibid.  pag.  898).  » 

On  se  (lersuadera  sans  peine  que  les  autres 
théologiens  de  l'Eglise  étaient  alors  dans  des 
seiiliments  aussi  favorables  aux  intérêts  du 
pa])e.  On  n'aura  lias  plus  de  peine  à  croire  que 


SI  LE  PAPE  A  EXERCÉ  UNE  JURIDICTION  DANS  LES  DIOCÈSES. 


41 


la  pratiiiue  reçue  en  ce  temps-là  dans  lonte 
l'Eglise  était  le  [nincipal  toiitieniint  de  la  doc- 
trine lie  ces  tliéoloi;iens.Cai'  on  sait  bien  qu'ils 
n'étaient  pascanonistes  de  profession,  et  qu'ils 
ne  faisaient  jias  leur  principale  occupation  de 
l'étude  des  canons  et  des  conciles  anciens,  et 
de  la  discqiline  des  premiers  siècles  de  TEglise. 

C'était  donc  sur  la  disposition  présente  de 
l'Eglise,  et  sur  les  usages  reçus  de  leur  tenq)s, 
qu'ils  appuyaient  leurs  raisonnements.  Si  leurs 
discours  semblent  faire  croire  qu'ils  faisaient 
aussi  remonter  jusqu'aux  premiers  siècles  de 
l'Eglise  les  raisonnements  et  les  conclusions 
qu'ils  tiraient  de  la  discipliiie  de  leur  temps, 
il  faut  ajouter,  pour  leur  justification,  qu'ils  se 
fondaient  aussi  sur  la  primauté  du  Saint-Siège, 
et  sur  les  paroles  propres  du  Verbe  incarné, 
qui  en  est  l'instituteur.  Or  il  faut  confesser  de 
bonne  foi  que  tous  les  avantages  et  tous  les 
pouvoirs  de  cette  primauté  instituée  par  J.-C. 
qui  ne  se  sont  développés,  pour  l'utilité  de 
l'Eglise,  que  les  uns  après  les  autres  dans  la 
longue  suite  de  tant  de  siècles,  y  étaient  tous 
en  quelque  façon  contenus  dès  sa  première 
origine.  Ainsi  ces  excellents  théologiens  ne 
laissaient  pas  de  raisonner  fort  solidement, 
lorsqu'ils  étalaient  les  droits  singuliers  de  cette 
primauté  dans  sa  source  et  dans  sa  primitive 
institution,  puisqu'ils  y  étaient  effectivement 
renfermés ,  quoique  les  premiers  siècles  n'aient 
pas  vu  germer  toutes  les  fleurs  et  tous  les 
fruits  de  cette  divine  semence. 

L'exercice  de  cette  prééminence  du  Siège 
apostolique  n'a  pas  été  le  même  dans  tous  les 
siècles;  mais  il  est  toujours  vrai  de  dire,  selon 
le  raisonnement  de  ces  théologiens,  que  J.-C. 
a  donné  à  saint  Pierre  toutes  les  grandeurs  et 
toutes  les  prérogatives  qui  ne  se  sont  décou- 
vertes et  qui  ne  se  découvriront  que  dans  la 
longue  succession  des  siècles.  Le  même  Verbe 
éternel,  qui  a  parlé  dans  sa  chair,  parle  et 
opère  incessamment  dans  son  Eglise,  pour  y  ac- 
complir avec  autant  de  fidélité  que  de  puis- 
sance toutes  ses  divines  promesses  :  et  quoi- 
qu'on ne  puisse  pas  dire  que  ces  pouvoirs, qui 
n'ont  éclaté  qu'après  plusieurs  siècles,  soient 
proprement  et  immédiatement  de  di'oit  divin, 
on  ne  peut  néanmoins  nier  qu'ils  ne  soient 
très-convenables  et  comme  naturels  à  une  pri- 
mauté qui  est  immédiatement  établie  sur  le 
droit  divin. 

C'est  en  ce  sens  qu'il  faut  entendre  les  pa- 
roles de  saint  Bernard,  dans  sa  lettre  à  ceux  de 


.Milan  :  «  Plenitudo  potestatis  super  universas 
orbis  Ecck'sias  singulari  prîerogativa  aposto- 
lica'  Sedi  donala  est.  Qui  igitur  huic  potesfati 
résistif,  Dei  ordinationi  resistit.  Potest,  si  utile 
judicaverit,  novos  ordinare  episco|)atus;  potest 
eos  qui  siint ,  alios  dcprimere,  alios  subli- 
mare,  etc.,  potest  a  finibus  terra;  sublimes  quas- 
cumque  personas  ecclesiasticas  evocare  et 
cogère  ad  suam  pra?sentiam,  non  semel  et  bis, 
sed  quoties  expedire  videbit,  etc.  i Ejjist.  cxxxi^ .  » 
Cette  plénitude  de  pouvoir  a  toujours  été  la 
même  en  elle-même,  mais  l'usage  en  a  été  réglé 
par  ime  sage  et  charitable  dispensation  pour 
l'utilité  ou  pour  les  nécessités  de  l'Eglise,  en 
autant  de  différentes  manières  qu'il  y  a  eu  de 
diversités  dans  la  discipline  et  dans  la  révolu- 
tion de  tant  de  siècles,  et  dans  un  si  grand 
nombre  de  royaumes  qui  composent  l'Eglise 
catholique. 

XX.  11  Y  a  beaucoup  d'apparence  que  dès  la 
naissance  des  Eglises  particulières,  les  apôtres, 
qui  en  étaient  les  pères  et  les  fondateurs,  ne  se 
dépouillaient  pas  lorsqu'ils  y  établissaient  des 
évèques,  du  droit  qu'ils  s'étaient  acquis  sur 
chaque  fidèle,  par  la  régénération  spirituelle. 
Or,  c'est  le  seul  Siège  apostolique  qui  a  recueilli 
la  succession  de  ces  pouvoirs  apostoliques  dans 
leur  universalité. 

C'est  ce  que  saint  Thomas  a  fort  ingénieuse- 
ment conclu  de  ces  paroles  de  l'apôtre  saint 
Paul,  dont  le  pape  est  aussi  le  seul  successeur. 
M  In  omni  loco  ipsoruin  et  nostro.  »  Car  voici 
comme  il  explique  ces  paroles:  «  In  omni  loco 
ipsorum ,  id  est ,  eoruni  juri^dictioni  subjecto. 
Et  nostro  :  quia  per  hoc  quod  subjiciebantur 
episcopo  civitatis,  non  eximebantur  a  potestate 
apostoli.  Quiiiimo  magis  erant  ipsi  apostolo 
subjecti,  quam  his,  quibus  ipse  eos  subjecerat 
(In  Epist.  I  ad  Corinth.  c.  i).  » 

Tous  ces  théologiens  considéraient  avec  les 
yeux  d'une  foi  éclairée  le  Fils  de  Dieu  même, 
comme  le  chef  invisible ,  résidant  très-singu- 
lièrement dans  le  chef  visible  de  son  Eglise,  et 
déployant  successivement  dans  la  révolution 
des  siècles  les  pouvoirs  célestes  de  son  sacer- 
doce, à  mesure  que,  suivant  sa  divine  sagesse 
et  son  incompréhensible  charité  ,  il  le  jugeait 
avantageux  à  la  formation,  au  progrès,  et  à  la 
consommation  de  son  corps  mystique. 

C'était  sans  doute  le  sentiment  de  Pierre  de 
Cluny,  quand  il  parlait  en  ces  termes  au  pape 
Innocent  II  :  «  Niliil  nos  a  pastore,  nihil  a 
Petro,  nihil  a  Christo,  quae  oninia  in  te  uno 


42 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS. 


CHAPITRE   SIXIÈME, 


habcmus ,  separare  {loterit  (Epist.  lib.  i, 
E|)ist.i;.» Et  quand  il  écrivait  presque  en  mêmes 
termes  au  pape  Célestin  :  «  Ipsos  apostolorum 
siiniinns  Petruni  et  Paulum.  imo  ipsum  Chri- 
sliim  in  vobis  solo  se  habere  gloriabitur  orbis 
terrarum  L.  iv.  Ep.  xviii).  » 

Au  reste,  si  j'ai  rapporté  et  étendu  les  senti- 
ments de  tous  ces  tbéologiens,  ce  n'a  point  été 
pour  donner  une  décision  d'une  question  spé- 
culative qu'on  traitait  alors,  et  où  je  ne  veux 
]ioint  entrer  ;  mais  pour  faire  comprendre 
quelle  était  dans  la  pratique  la  déférence  des 
ôvêques  pour  le  pape,  lorsqu'ils  étaient  dans 
*  les  sentiments  de  ces  docteurs,  et  combien 
étaient  éloignées,  même  de  leur  pensée,  les 
contestations  spéculatives  sur  les  bornes  de 
leurs  pouvoirs  et  des  pouvoirs  du  Saint- 
Siège. 

XXI.  Il  résulte  de  tout  ce  qui  a  été  dit  sur 
cette  matière,  que  l'Esprit-Saint ,  qui  préside 
au  collège  épiscopal  et  à  l'unité  des  pasteurs 
de  l'Eglise  universelle,  n'a  jamais  pei-mis  (|u'on 
y  ait  contesté  au  chef  la  plénitude  de  ses  pou- 
voirs apostolitiues  :  et  ([ue  si  dans  (juelques 
conjectures  particulières,  on  lui  a  fait  de  la  ré- 
sistance ,  ce  n'a  été  que  pour  en  faire  modérer 
l'usage,  selon  qu'il  était  convenable  pour  l'ob- 
servance des  canons,  pour  la  paix  des  Eglises, 
et  pour  la  vigueur  de  la  discipline. 

On  peut  dire  que  lorsque  saint  Grégoire  le 
Grand  faisait  de  si  sanglantes  invectives  contre 
la  qualité  de  patriarche  œcnméni(|ue,  et  pro- 
testait (jue  les  pontifes  romains  n'avaient  ja- 
mais pris  le  titre  d'évèque  universel,  il  n'avait 
en  vue  que  les  abus  (|ui  pouvaient  être  palliés 
■•  et  connue  autorisés  par  celte  universalité  de 
puissance.  Et  il  était  juste  d'entrer  facilement 
dans  cette  appréhension,  lorsque  cette  (|ualité 
était  encore  nouvelle,  et  qu'elle  pouvait  servir 
de  voile  à  une  ambition  dont  on  n'avait  déjà 
(pie  trop  senti  la  violence. 

Après  tout,  on  peut  dire  (|ue  jamais  aucun 
pape  n'a  porté  si  loin  la  plénitude  et  l'univer- 
salité de  la  puissance a])ostoliipie (pie  lui;  mais 
il  faut  l'econnaîli'e  en  même  l('mps(piejamaison 
n'en  a  usé  ni  plus  saintement,  ni  plus  hum- 
blement, ni  plus  purement  jaiur  les  seuls  avan- 
tages (le  l'Eglise.  Ainsi  il  faut  expliquer  les 
paroles  de  ce  saint  pape  par  ses  actions,  et  con- 
clure de  ses  paroles  et  de  ses  actions  que  la 
idénitude  et  l'universalité  de  la  puissance  ai)0S- 
tdliipie  n'csl  pas  une  aifection  démesiu'ée  de 
puissance  et  de  doniiualion,  mais  une  eilusion 


de  charité,  qui  ne  peut  souffrir  de  limites,  et  à 
laquelle  rien  n'est  impossible,  pendant  qu'elle 
ne  travaille  qu'a  l'édification  de  l'Eglise,  et  à 
l'observance  inviolable  des  lois  de  la  justice  et 
de  la  piété. 

XXII.  Eadmer  raconte  comment  le  pape  Ca- 
lixte  H,  dans  le  concile  de  Reims,  en  l'an  1119. 
se  disposant  à  consacrer  Turstan,  archevêque 
d'York,  Jean ,  archidiacre  de  Cantorbéry  ,  pro- 
testa que  ce  droit  appartenait  à  l'archevêque 
de  Cantorbéry,  dont  il  ne  jiouvait  sans  injus- 
tice être  dépouillé;  et  par  conséquent  il  ne  pou- 
vait en  être  dépouillé  par  le  pape,  qui  faisait 
justice  à  tout  le  monde.  «  Nec  ipsum,  licet 
ofticio  papœ  fungeretur  ,  jure  posse  Ecclesiae 
Cantuariensi  jus  suum  pra'ripere;  cum  con- 
staret  eum  nulli  quod  juste  debebat,  eo  usque 
denegasse  (Histor.  uov.  lib.  v).  »  Le  pai)e  ne 
laissa  [)as  de  passer  outre,  et  enfin  l'accommo- 
dement se  lit. 

On  eût  pu  opposer  à  cet  archidiacre  les  pré- 
tentions et  les  droits  mêmes  de  rai'chevcque 
de  Cantorbéry  dans  les  diocèses  des  autres 
évèques  d'Angleterre.  Car  l'évêque  de  Salisbury 
prétendant  que  c'était  à  lui  à  faire  la  cérémonie 
du  mariage  du  roi ,  parce  qu'elle  devait  se 
faire  dans  la  chapelle  du  château  de  Windsor, 
(jui  était  de  son  diocèse,  l'archevêque  de  Can- 
torbéry ,  Radulphe,  l'emporta  hautement  sur 
lui,  non-seulement  parcette  première  raison  que 
le  roi  et  la  reine  étaient  ses  paroissiens,  quel- 
que part  qu'ils  fussent,  mais  aussi  par  cette 
seconde,  qui  mérite  bien  plus  d'attention,  et 
qui  entraîne  après  soi  bien  d'autres  consé- 
quences :  c'est  que  toute  l'étendue  de  la  pri- 
matie  de  Cantorbéry  était  en  même  temjjs 
l'étendue  de  son  diocèse,  tous  les  autres  évo- 
ques d'Angleterre  ne  tenant  leurs  diocèses  que 
de  l'archevêque  de  Cantorbéry. 

«  CumepiscopusSerberiensis,  quiacastrum 
ipsum  in  diœcesi  sua  consisfit,  officiuni  i|)sius 
copula'  niteretiu'  adniinistrare,  contradictum 
et  comprobatum  ab  aliis  est,  magis  ad  archie- 
piscopum  Cantuariensem  id  perfinerc,  ea  ra- 
lione  (piod  rcx  et  rcgina  s])eciales  ae  domestici 
pariochaui  sunt  ipsius;  nec  diœcesim  cnjusvis 
episco|)i  ei  possit  prœripere,  quod  sui  juris 
dignoscilur  esse:  cum  tota  terra lege  primatus 
(^antuariœ  parochia  sua  sit,  et  onmes  e|)isco|>i 
tolius  insula-  parochias  quas  habent,  nonnisi 
ab  ipso,  et  per  ipsmn  liabeant.  Sedata  igiturin 
]n<  cdiihoversia  est  (Ibid.  Idi.  vi;.  » 

XXIU.  Je  vois  bien  que  celle  dernière  rai- 


DES  PATRIAIICHES  ANCIENS,  ETC. 


i:i 


son  ,  (|iioiqiie  proposée  en  ternies  jiénénuix, 
est  néanmoins  ici  déterminée  aux  seules  per- 
sonnes lin  roi  et  de  la  reine,  q\ii  sont  toujours 
les  paroissiens  de  l'archevêque  de  Cantorbéry. 
Mais  outre  que  nous  aurions  en  cela  même  un 
exemple  de  ce  que  nous  clierclions,  il  laut  con- 
fesser que  saint  Anselme  même,  c'est-à-dire  un 
des  plus  modestes  et  des  plus  saints  prélats,  a 
poussé  bien  plus  loin  ses  prétentions  étant  ar- 
chevêque de  Cantorbéry,  selon  le  même  Ead- 
mer.  Car  il  déclara  hautement  que  le  droit  lui 
permettait  aussi  bien  qu'à  ses  prédécesseurs, 
de  faire  les  fonctions  épiscopales  par  toute  l'An- 
gleterre :  «  Antecessorum  meorumjuris  fuit, 
et  mei  est,  indifferenter  per  Angliam,  ubicum- 
que  voluntas  tulit,  episcopale  oflicium  admi- 
nistrare  (Ibid.  lib.  iv.)  » 

Nous  traiterons  plus  au  long  de  ce  pouvoir 
ci-dessous,  en  parlant  de  la  iirimatie  de  Can- 


torbéry. Mais  il  liiul  ajoiili'i-  ici  ([uc  la  sagesse 
de  saint  .\iiselme  |>rotcsta  aussitôt  après  ijuil 
nuscrait  de  ce  |)ouvoJr  ([ue  dans  les  conjonc- 
tures où  la  coutume  reçue  l'aurait  affermi,  en 
le  rcmlanl  ai^n'able  aux  évèiiucs.  «  llicocoiisue- 
tudinis  illud  non  esse,  etc.  Hoc  unile  agilur, 
quamvis  si  tieret,  non  esset  lidei  contrarium  ; 
fieri  tamen  ex  consuefudine  non  débet,  eo 
(jucd  non  nimis  inconveniens  esset.  »  C'est 
ainsi  qu'autrefois  les  archevêques  de  Carthage 
ont  usé  du  droit  des  ordinations  ;  c'est  ainsi  (|uc 
les  i)apes  ont  toujoiu's  usé  de  ce  pouvoir  uni- 
versel, selon  la  co^^<«»^e  universellement  agréée 
des  évcques  de  leur  siècle,  et  sans  s'exposer 
jamais  au  plus  ^randde  tous:  les  incoiivén/'ents, 
qui  est  la  division  et  le  schisme  dans  l'épis- 
copat.  Cet  exemple  des  archevêques  de  Can- 
torbéry nous  conduit  à  parler  des  patriarches 
et  des  primats. 


CHAPITRE  SEPTIEME. 


DES   P.4TR1.\RCHES   ANCIENS   EN    GENERAL    PENDANT    LES    CINQ    PREMIERS   SIECLES    DE    L  EGLISE. 


I.  Nécessité  des  exarques  el  des  patriarches  pour  juger  dans 
*     les  conciles  de   leur   ressort  les  diOérends  qu'on   ne   pouvait 

terminer  dans  les  conciles  provinciaus. 

II.  Subordination  de  divers  degrés  dans  l'épiscopat,  expliquée 
par  saint  Léon. 

III.  Il  n'y  a  que  la  primauté  du  pape ,  et  celle  de  cliaque 
évèque  dans  son  diocèse,  qui  soient  vraiment  de  droit  divin. 

IV.  Quoique  le  droit  des  métropoles  et  des  exarchats  ap- 
proche beaucoup  du  droit  divin. 

V.  Tous  les  termes  des  dignités  ecclésiastiques  n'ont  rien  de 
fastueux  ou  de  dominant  dans  leur  véritable  idée. 

VI.  Si  l'Eglise  a  été  quelque  temps  gouvernée  par  les  pa- 
triarches seuls,  sans  évêques. 

VII.  Les  trois  évèques  de  Rome,  d'Alexandrie  et  d'Antioche 
ont  possédé  une  prééminence  singulière  sur  les  autres  dès  la 
naissance  de  l'Eglise.  Preuves  tirées  des  conciles. 

VIII.  Preuves  tirées  des  papes  Innocent,  Léon  et  Pelage. 

IX  Ce  n'est  point  la  grandeur  naturelle  de  ces  villes  qui 
leur  a  donné  tant  de  considération  dans  l'Eglise. 

X.  Autres  preuves  tirées  des  saints  Pères;  d'Eusèbe.  Com- 
ment on  a  considéré  la  puissance  temporelle  de  ces  trois 
villes. 

XI.  Fondation  de  ces  trois  Eglises  par  saint  Pierre,  selon 
Eusèbe. 

XII.  Saint  Epiphane,  saint  Grégoire  de  Nazianze,  saint  Théo- 
doret. 

XUI.  La  tradition  très-ancienne  de  l'Eglise  grecque  même, 
que  saint  Pierre  fonda  ces  trois  Eglises. 

I.  On  a  pn  remarquer,  dans  le  chapitre  pré- 
cèdent, qu'après  diverses  tentatives,  on  na  pu 


s'empêcher  de  reconnaître  des  exarques ,  ou 
des  patriarches  au-dessus  des  métropolitains, 
aûn  de  terminer  dans  leur  concile  diocésain  ou 
national  les  différends  qu'on  n'avait  pu  finir 
dans  les  conciles  provinciaux,  soit  a  cause  du 
partage  des  voix  entre  les  évêques  de  la  pro- 
vince, soit  a  cause  des  diftérends  qu'on  avait 
avec  le  métropolitain,  soit  enfin  jjour  décider 
les  procès  qui  survenaient  entre  diverses  pro- 
vinces. 

Ce  fut  ce  qui  porta  les  évêques  du  concile  I 
de  Constantinople  à  établir  ou  à  affermir  les 
grandes  diocèses ,  à  l'imitation  des  diocèses 
civiles,  et  les  chefs  de  chaque  diocèse,  qu'ils 
a|)pelaient  exar(|ues,  et  enfin  les  conciles  dio- 
césains, où  s'assemblaient  les  métropolitains 
et  les  députés  de  toutes  les  provinces  d'une 
diocèse.  Mais  ni  le  concile  d'Antioche,  qui 
avait  tenté  une  autre  voie  pour  éviter  le  recours 
aux  empereurs  pour  les  jugements  des  causes 
spirituelles,  ni  celui  de  Constantinople,  qui 
autorisa  cet  autre  moyen,  ne  purent  éviter  la 
nécessité  de  recourir  a  un  chef  ([ui  fût  au-dessus 


44 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS. 


CHAPITRE  SEPTIÈME. 


des  exarques,  comme  les  exarques  étaient  au- 
dessus  des  métropolitains.  Car  les  évoques  et 
les  métropolitains  pouvaient  aussi  avoir  des 
démêlés  avec  l'exarque.  11  pouvait  survenir 
des  ditlérends  entre  les  exarques  ouïes  mélro- 
polit<iins,  ou  les  évêques  de  diverses  diocèses. 
Ces  causes  ne  iioiivaient  être  terminées  que 
par  un  juge,  et  dans  un  concile  qui  fût  au- 
dessus  des  exarques  et  des  conciles  diocésains. 

Si  les  Grecs  avaient  pu  établir  des  exanjues 
au-dessus  des  métropolitains,  sans  violer  le 
canon  de  Nicée,  qui  semblait  n'avoir  point  re- 
connu d'autre  tribunal,  ni  d'autre  concile  par- 
ticulier quecelui  des  métropolitains,  le  concile 
de  Sardique  n'avait-il  pas  aussi  pu  reconnaître 
le  successeur  de  saint  Pierre  comme  un  primat 
élevé  par  J.-C.  même,  pour  vider  les  diflerends 
qui  n'auraient  pu  se  décider  dans  les  conciles 
des  provinces  et  des  diocèses,  et  pour  lesquels 
l'Eglise  ne  jugerait  pas  toujours  à  projios 
d'assembler  un  concile  œcuménique  ?  En  cela 
on  ne  blessait  ni  l'autorité  ni  les  canons  du 
concile  de  Nicée,  mais  on  suivait  son  esprit  et 
on  suppléait  à  son  silence,  en  appli(iuant  aux 
nouveaux  besoins  de  l'Eglise  des  remèdes  nou- 
veaux à  la  vérité,  mais  conformes  à  ceux  que 
ce  concile  avait  appliqués  aux  maladies  de  son 
temps. 

Enfin  on  ne  peut  pas  dire  que  le  concile  de 
Nicée  eût  renfermé  tous  les  jugements  ecdc- 
siasticiues  dans  les  seuls  conciles  provinciaux, 
puisqu'il  avait  confirmé  l'autorité  des  trois 
grands  métroiiolitains  ([u'on  appela  dei)uis 
arclievèques  et  patriarcbes,  dont  cbaciui  or- 
donnait les  évêques  et  réglait  la  police  de  plu- 
sieurs ])rovinccs. 

11.  Le  grand  saint  Léon  a  fort  bien  représenté 
cette  disposition  des  puissances  et  des  tribu- 
naux ecclésiastiques  et  la  nécessité  inévitable 
de  monter  par  degrés  jusqu'ià  un  cbef,  confor- 
mément à  l'ordre  que  J.-C.  même  avait  établi 
entre  les  apôtres  (]ui  étaient  tous  égaux  dans 
l'ordre  de  l'apostolat,  et  (jui  avaient  néanmoins 
un  cbef  (|ui  présidait  à  leur  auguste  collège. 

«  Connexio  totiuscorporis  unam  sanitatem, 
unani(|ue  pukbritudinem  facit.  Et  hœc  con- 
nexio totius  quiiiein  corporis  unaniniitaltMU 
reiiuirit,  sed  pranipueexigitconcordianisacer- 
dotum.  Quibus  etsi  dignitasnonsitcommunis, 
est  tanien  onio  generalis.  Quoniani  et  inter 
beatissiinos  ajjostolos  in  similitudine  bonoris 
fuit  ipuedam  discretio  potestatis  ;  et  cuui 
omnium  par  esset  electio.  uni  tamen  datuni 


est,  ut  cseteris  prœemineret.  De  qua  forma 
episcoporum  quoque  est  orta  dislinctio,  et 
magna  dispositione  provisum  est  ,  ne  omnes 
omnia  sibi  vendicareut,  sed  essent  in  singidis 
provinciis  singuli,  quorum  inter  fratres  liabe- 
retur  prima  sententia;  et  rursus  quidam  in 
majoribus  in-Mbus  constitidi.  sollicitudinem 
suseiperent  anipliorem;  per  quos  ad  unam 
Pétri  Sedem  universalis  Ecclesice  cura  con- 
flueret,  et  nibil  usquam  a  suo  capite  dissideret 
lEpist.  Lxxxiv,  c.  ult.).  » 

111.  Dans  cette  subordination  de  puissances 
ecclésiastiques,  il  faut  reconnaître  que  la  pri- 
mauté des  évêques  dans  leur  diocèse  et  celle 
du  pape  sur  les  évêques  sont  de  droit  divin; 
au  lieu  que  la  supériorité  des  métropolitains 
et  des  exarques,  ou  des  patriarcbes,  est  d'insti- 
tution ecclésiastique.  Carie  Fils  de  Dieu  même 
institua  le  sacré  collège  des  apôtres,  leur  donna 
pour  cbef  saint  Pierre  comme  son  vicaire;  et 
par  la  toute-puissance  de  sa  divine  parole, 
comme  il  doiuia  une  stabilité  et  une  durée 
éternelle  à  son  Eglise,  il  s'engagea  aussi  à  don- 
ner une  suite  éternelle  de  successeurs  à  ses 
apôtres  et  à  leur  auguste  cbef. 

C'est  ce  que  le  même  saint  Léon  a  encore  re- 
manpié  dans  une  autre  kttre,  oii  il  montre 
excellemment  comment  le  Fils  de  Dieu  s'est  en 
quelque  manière  associé  saint  Pierre  dans  la 
qualité  de  cbef  de  son  Eglise.  «  Hujus  mimeris 
sacramentum  ita  Dominus  voluil  ad  omnium 
apostolorum  officium  pertinere  ,  ut  in  beatis- 
simo  Petro  apostolorum  onmiumsummoprin- 
cip:diter  coUocaret;  ut  ab  ipso  quasi  quodam 
capite  dona  sua  velut  in  corpus  omne  diffun- 
deret:  ut  exortem  se  mysterii  intelligeret  esse 
divini,  qui  ausus  fuisset  a  Pétri  soliditate  re- 
cedere.  Hune  enim  in  consortium  individuœ 
unitatis  assumptum,  id  quod  ipse  erat,  voluit 
noniinari,  diceudo:  Tu  es  Petrus,  et  super 
banc  petrani  œdificaboEcclesiam  meam{Epist. 
XXX  ix).   » 

IV.  Si  j'ai  dit  que  l'iustitution  des  métropo- 
litains et  des  patriarcbes  n'était  que  d'un  droit 
ecclésiastique ,  je  n'ai  pas  prétendu  rien  dé- 
truire de  ce  qui  a  été  dit  ci-dessus  des  Eglises 
métropolitaines  et  patri.ircliales  fondées  parles 
apôtres  mêmes  et  autorisées  par  les  témoin 
gnages  de  l'Ecriture  qui  ont  été  allégués.  Mais 
il  faut  avouer  que  cet  établissement,  qui  est 
jiresque  aussi  ancien  que  l'Eglise,  est  comme 
une  émanation  immédiate  du  droit  divin;  c'est 
une  institution  apostolique,  c'est  une  imitation 


DES  PATRIARCHES  ANCIENS,  ETC. 


(le  la  disposition  du  coll(''};x>  ai)ostoli(iue,  et  de 
la  supériorité  que  le  Fils  de  Ui.  u.niéuie  a\ait 
donnée  à  saint  Pierre  sur  les  antres  apôtres. 

V.  Au  reste ,  (inoiqne  nous  ayons  attaché 
des  idées  de  grandeur  et  de  domination  à  ces 
titres  d'exarque,  d'arclievèque  et  de  patriar- 
che, ou  de  pape ,  il  n'y  a  rien  de  plus  modeste, 
ni  de  plus  proportionné  à  l'humilité  chrétienne 
(|uc  le  [jreniier  usage  et  la  première  institulion 
de  ces  noms  dans  l'Eglise.  Le  mot  de  pape 
signifie  un  père,  et  il  fut  d'abord  commun  à 
tous  les  évêques.  Voiiiscus  a  rajiporté  une  let- 
tre de  l'emptreur  Adrien,  où  il  est  parlé  des 
prêtres  et  des  évoques  des  chrétiens  dans  l'E- 
gypte, et  même  d'un  jiatriarche:  «  111e  ipse 
patriarcha  cum  .4''gyptum  venerit,  ab  aliis  co- 
gitur  Christum ,  ab  aliis  Serapideni  adorare 
(Tn  vita  Saturnini''.  »  M.  de  Marca  a  eu  raison 
de  l'entendre  du  i>atriarche  des  Juifs,  puisque 
ce  terme  a  été  inconnu  à  l'Eglise  même  durant 
deux  ou  trois  siècles  après  cela. 

Saint  Jérôme  fait  souvent  mention  des  pa- 
triarches des  Juifs  et  de  leurs  richesses,  expli- 
quant ces  paroles  d'Isaïe  :  «Etfaeniinatidoniina- 
buntur  eis;  »  il  les  rapporte  à  ces  patriarches, 
qui  ne  se  faisaient  pas  moins  remar(|uer  par 
leur  luxe  que  par  leur  souveraine  autorité  dans 
les  jugements  :  «  Consideremus  patriarchas 
Hebrîporum  effanuinatos ,  ae  deliciis  affliieu- 
tes,  et  impletam  esse  |)rophetiam  cernemus.  » 
Mais  quand  nous  eussions  emprunté  deux  le 
titre  de  patriarche  ,  ce  qui  n'est  pas  probable, 
ce  n'aurait  pu  être  (pie  dans  la  vue  qn'origi- 
nairenient  ce  terme  vient  des  patriarches,  c'est- 
à-dire  des  saints  Pères  du  Vieux  Testament. 

Les  évèques  trouvent  leur  nom  dans  l'Ecri- 
ture même,  aussi  bien  que  l'établissement  de 
leur  empire  charitable  et  paternel  qui  est  si- 
gnifié parce  nom.  Les  qualités  d'archevêque  et 
d'exarque  ne  maniuent  que  la  primauté  ou  le 
premier  rang  qu'il  a  été  nécessaire  d'établir 
pour  mettre  l'ordre  dans  l'ordre  le  plus  émi- 
nent  de  tous. 

Enfin  nul  de  ces  titres  magnifiques  n'a  été 
pris  ni  affecté  par  les  évêques,  mais  c'a  été  ou 
la  piélé  et  la  vénération  des  particuliers  qui  les 
leur  ont  donnés,  ou  l'usage  qui  les  a  insensi- 
blement introduits ,  et  ils  ne  se  les  ont  jamais 
attribués  à  eux-mêmes  pendant  que  leur  nou- 
veauté pouvait  les  rendre  suspects  d'une  osten- 
tation affectée.  Il  y  a  de  l'apparence  que  les 
évêques  d'Afri(]ue  comprirent  enfin  eux-mêmes 
(jue  ces  termes  primiis,  princeps,  '\^-fat,  signi- 


fient la  même  chose,   et  ainsi   rexanjue    ou 
l'ai'clievéque  n'est  (|uele  premier  évê(iue  d'un(!  v 
province  ou  d'une  diocf'se. 

VI.  Je  ne  sais  s'il  faut  tout  à  fait  ajoiiter  foi 
à  ce  (jui  est  raconté  par  le  patiiarche  d'Alexan- 
drie lùitychius,  dans  la  chroTii(pie  de  son 
Eglise,  que  jusqu'à  Démétrius,  onzième  évê(|ue 
d'Alexandrie,  après  saint  Marc,  il  n'y  avait 
point  en  d'autre  évêtiueque  celui  d'Alexandrie 
dans  toute  l'Egypte  ;  que  Démétrius  y  en  or- 
donna trois,  etHéraclas,son  successeur,  vingt: 
«  Ab  Auania  ([uem  constifuit  Marcus  évange- 
lisla  patriarciiam  Alexandriic,  us(iue  ad  tem- 
])ora  Demetrii,  undecimi  ibidem  |iatriarcli;c, 
mdlus  in  .-Egypti  provinciisfuitepiscopus,  uec 
ante  eum  patriarchse  crearunt  ejiiscopos.  Ille 
autem  faclus  patriarcha,  très  constituit  epi- 
sco[)os,  et  primus  hic  fuit  patriarcha  Alexan- 
drinus,  qui  episeopos  fecit.  Mortuo  Demetrio 
sulfectusest  Heraclas  jtatriarcha  Alexandrinus, 
qui  episeopos  constituit  viginti.  » 

Il  y  a  très-|)eu  d'ap|)arence  que  l'Egypte  ait 
été  si  longtemps  sans  évêques.  Mais  sur  ce  ré- 
cit d'Eutyclùus,  nous  pourrons  trouver  un 
assez  solide  fondement  pour  les  réflexions  sui- 
vantes :  1.  Que  les  évêques  doivent  effective- 
ment leur  création  aux  évêques  des  grandes 
Eglises  et  des  sièges  apostoliques  oii  la  foi  a  été 
premièrement  annoncée.  ■2.  Que  rien  n'est  plus 
juste  que  de  retenir  dans  la  dépendance  des 
|)atriarches  anciens  ceux  qui  leur  doivent 
leur  naissance.  3.  Que  les  métro])olitains  ne 
doivent  pas  moins  leur  établissement  aux  pon- 
tifes des  Eglises  patriarchales,  comme  à  ceux 
qui  sont  encore  plus  particulièrement  les  suc- 
cesseurs des  apôtres  qui  ont  été  les  fondateius 
des  Eglises.  4.  Que  les  patriarches  d'Alexan- 
drie, aussi  bien  que  ceux  de  Rome  et  d'An- 
tioche,  ont  pu  se  réserver  l'ordination,  non- 
seulement  des  métropolitains,  mais  aussi  des 
évê(|ues  de  leur  ressort.  Et  ce  fut  ce  droit  qui 
fut  confirmé  à  l'évêque  d'Alexandrie  par  le 
canon  VI  de  Nicée,  contre  les  entreprises  de 
Mélétius,  qui  les  lui  avait  contestées  dans  la 
province  dont  il  était  métropolitain.  5.  Conmie 
les  autres  apôtres  avaient  aussi  fondé  des  Egli- 
ses, les  trois  Eglises  patiiarchales  foiulées  par 
saint  Pierre  ne  purent  pas  prendre  le  même 
empire  sur  elles.  6.  Tout  cet  empire  était  un 
empire  de  charité,  et  une  domination  paternelle 
fondée  sur  la  naissance  que  les  Eglises  avaient 
données  les  unes  aux  autres.  7.  Il  a  bien  pu  se 
faire  que  les  évèques  des  grandes  métropoles 


46 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEPTIÈME. 


de  l'empire,  Rome,  Alexandrie,  Antioche,  Car- 
tilage, aient  gouverné  pendant  quelque  espace 
de  temps  les  provinces,  et  peut-être  même  les 
grands  diocèses  de  leur  ressort,  sans  métropo- 
litains, puisqu'on  a  écrit  que  celui  d'Alexan- 
drie avait  gouverné  son  diocèse  sans  évèques. 
L'évêque  deCarthage  n'est  appelé  que  métro- 
politain dans  le  concile  d'Ephèse.  Ilavait  sans 
doute  alors  des  primats,  comme  on  les  appe- 
lait en  Afrique,  c'est-à-dire,  des  métropolitains 
sous  lui  :  mais  quoiqu'au  temps  de  saint  Cy- 
prien  on  voie  bien  des  conciles  fort  nombreux 
assemblés  à  Cartbage,  je  ne  sais  si  l'on  pourrait 
remaniucr  d'autre  jjrimat  ou  d'autre  métro- 
politain que  l'évêque  de  Cartliage.  Dans  le  con- 
ciliabule des  Nestoriens  à  Ephèse  on  mit  celte 
diirérence  entre  Jean  d'Antioclie  et  les  autres 
métroi>olitains,  qu'on  l'appela  l'archevêque 
de  la  métropole  d'Antioche,  et  on  nomma  les 
autres  simplement  évèques  chacun  de  leur 
métropole. 

VII.  Mais  si  nous  considérons  la  puissance 
plutôt  que  les  noms,  il  est  indubitable  (jue  les 
trois  évèques  de  Rome,  d'Alexandrie  et  d'An- 
tioche, ont  toujours  possédé  une  autorité  et 
une  prééminence  fort  singulières  depuis  les 
premiers  siècles,  et  on  a  toujours  cru  que  cela 
venait  de  ce  (jue  c'était  par  la  présence  ou  par 
l'autorité  pai'ticulière  de  saint  Pierre  que  ces 
trois  Eglises  avaient  été  fondées  ;  ce  qui  avait 
fait  couler  sur  elles  ou  la  plénitude,  ou  une 
participation  singulière  de  cette  primauté  dont 
J.-C.  avait  honoré  saint  Pierre.  Le  canon  du 
concile  de  Nicée  distingue  ces  trois  évèques  de 
tous  les  autres,  et  leur  donne  une  étendue  de 
juridiction  sur  plusieurs  provinces,  bornant 
tous  les  autres  métropolitains  dans  leur  i)ro- 
vince  (Can.  vi).  Celui  de  Sardique  renvoya  au 
jugement  du  pape  l'appel  ou  la  révision  du 
procès  des  évèques  déposés,  afln  d'honorer  la 
mémoire  de  saint  Pierre. 

Le  concile  I.  de  Constantinople  ajouta  trois 
autres  exarques  de  diocèse  a  celui  d'Alexandrie 
et  d'Antioche  ;  et  voulant  élever  l'évêque  de 
Constantinople  au  comble  des  honneurs  .  il 
lui  décerna  la  préséance  sur  tous  les  autres 
évèques  après  celui  de  Rome  (Can.  u,  ui). 
Comme  ces  évèiiues  préféraient,  aussi  bien 
que  les  empereurs,  la  nouvelle  Rome,  c'est-à- 
dire  Constantinoi)le ,  à  l'ancienne,  comme 
étant  présentement  ce  que  l'autre  avait  été, 
ils  eussent  apjiarenmient  tenté  d'y  transférer 
tout  à  fait  la  primauté  de  l'Eglise,  s'ils  n'eussent 


été  persuadés  que  c'était  par  une  institution 
divine  qu'elle  avait  été  affectée  immuablement 
à  saint  Pierre  et  à  ses  successeurs. 

Vlll.Le  pape  Innocent  I"  expliquant,  le  canon 
VI  deXicéedans  sa  lettre  à  Alexandre,  évêque 
d'Antioche  ,  montre  clairement  que  ce  concile 
a  reconnu  et  confirmé  l'autorité  et  l'empire  de 
l'évêque  d'.\ntioche,  non  pas  sur  une  province, 
mais  sur  une  diocèse  ;  que  cet  avantage  ne  lui 
vient  pas  tant  de  ce  que  la  ville  d'Antioche 
avait  été  la  capitale  de  l'empire  grec  dans  la 
Syrie,  que  de  ce  que  c'avait  été  le  premier 
siège  de  saint  Pierre,  et  qu'elle  ne  cédait  à 
l'Eglise  de  Rome  qu'en  ce  qu'elle  n'avait 
possédé  que  pour  un  peu  de  temps  et  en  pas- 
saut  ce  divin  apôtre,  que  l'Eglise  de  Rome 
avait  possédé  jusqu'à  sa  consommation  par  le 
martyre,  et  qu'elle  posséderait  jusiju'à  la  con- 
sommation des  siècles. 

«  Revolventes  autoritatem  Nicaenœ  synodi, 
quœ  una  omnium  per  orbem  terrarum  ex- 
plicat  mentem  sacerdotum,  de  .\.ntiochena 
Ecclesia,  etc.  Super  diœcesim  suam,  non  super 
aliquam  provinciam,  praedictam  Ecclesiaui 
recognoscinms  constitutani.  Unde  adverlimus 
non  tam  pro  civitatis  magnificentia  hoc  eidem 
attributum ,  quam  quod  prima  primi  apo- 
stoli  Sedes  esse  monstretur,  ubi  et  nomen  ac- 
cepit  reliijio  christiana,  et  qua;  conventum 
apostolorum  apud  se  fieri  celeberrimum  me- 
ruit,  qUiTque  urbis  Romœ  Sedi  non  cederet, 
nisi  quod  illa  in  transitu  meruit,  susceiitum 
ista  apud  se  consummatumque  gauderet  (Epist. 
xni,  c.  4.)  » 

Saint  Léon,  pape,  reprochait  à  Anatolius. 
évêque  de  Constantinople,  d'avoir  voulu  profiter 
de  la  déposition  de  Dioscore,  évêque  d'Alexan- 
drie, et  de  l'embarras  où  se  trouvait  l'évê- 
que d'Antioche  lors  du  concile  de  Calcédoine, 
pour  s'y  faire  attribuer  une  autorité  et  une 
préséance  qui  le  mît  au-dessus  du  second  et 
du  troisième  trône  de  l'Eglise,  ce  (|ui  ne  se 
pouvait  sans  renverser  l'ordre  établi,  ou  plu- 
tôt conQrmé  par  le  concile  de  Nicée  :  «  Tan- 
quam  op|)orfune  se  tibi  hoc  tempus  obtule- 
ril,  quo  secundi  honoris  privilegium  sedes 
Alexandriua  perdiderit,  et  Antiochena  Ecclesia 
proprietatem  tertiœ  dignitatis  amiserit,  etc. 
Tanquam  illa  Nicaniorum  canonum  per  san- 
etum  vere  Spiritum  ordinata  conditio,  in  ali(|ua 
sit  unquam  parte  solubilis  (Epist.  lui).  » 

Les  prééminences  de  ces  sièges  furent,  selon 
ce  pape,  reconnues  par  le  concile  de  Nicée, 


DES  I>ATUIAUC11ES  ANCIENS,  ETC. 


Al 


émanôes  do  la  inimaiilo  de  saint  l'ierro,  (jiii 
avait  fondé  par  lui-inraK^  l'Kj^iisc  d'Aiiti()cli(\ 
et  par  son  disciple  Marc,  celle  d'Alexandrie  : 
«  Xiliil  Alexandrina-  scdi.  cjtis  (piain  \K'r  saii- 
ctiini  Maicuni  cvanticlistain  It.  l'etri  discipuluni 
meriiit,  pereat  diy^nitatis  :  nec  Uioscoro  inipie- 
tatis  sua;  pertinacia  corruenle,  si)londor  tanta; 
Ecclesiœ  teiiebris  obsciiretiir  alienis.  Antio- 
cliena  (pioque  Ecclesia  in  (|iia  prinnim  piNudi- 
cante  apostolo  Petro  Cbristiannni  nonieii  e\or- 
turn  est,  in  paternEe  constitutionis  online 
perseveret ,  et  in  ^radii  tertio  collocata  nun- 
quam  se  fiât  inferior.  Aliud  euim  sunt  sedes, 
aliiid  praîsidentes.  » 

C'a  été  non  pas  les  trois  \illes  royales  de 
l'empire  romain ,  de  l'empire  des  Grecs  en 
Egypte  et  en  Syrie,  mais  la  primauté  de 
la  pierre  fondamentale  de  l'Eglise  (]ui  a 
élevé  ces  trois  Eglises  au-dessus  de  toutes  les 
autres  :  «  Alla  ratio  est  rerum  sœcularium, 
alla  divinarum.  Nec  prœter  illam  Petram 
quam  Doniinus  in  fundamento  posuit  ;  stabilis 
erit  uUa  constructio  (Epist.  liv,  lxu).  »  La  pré- 
sence de  la  majesté  impéiiale  pouvait  faire  un 
séjour  royal,  mais  elle  ne  i)ouvait  pas  faire  un 
Siège  apostolicjue  :  «  Non  dedignetur  regiam 
civitatem,  quamapostolicam  non  potest  facere 
Sedem.  » 

On  ne  pouvait  donner  un  sens  plus  naturel 
à  la  vieille  coutume  dont  parle  le  concile  de 
Nicée  :  «  Antiqua  consuetudo  servetur  àf/.ai» 
Eôr,,  »  qu'en  disant  qu'elle  était  fondée  sur  la 
disposition  môme  de  ces  trois  sièges  éminents 
dès  le  temps  des  apôtres  ;  et  sur  l'application 
qui  y  avait  été  faite  de  l'autorité  de  coUii 
d'entre  les  apôtres  que  i.-C.  leur  avait  donné 
pour  chef  (Can.  vi).  Le  pape  Gélase  déclara 
cette  unité  et  cette  effusion  du  Siège  a[)ostoli- 
que  dans  les  troi.;  premières  Eglises  du  inonde, 
dans  le  concile  romain  del'an  i94. 

«  Quamvis  universic  per  orbem  catholicam 
Ecclesiœ  unus  thalamus  Cbristi  sit,  sancta  tamen 
Romana  Ecclesia  nullis  synodicisconstitutiscœ- 
teris  Ecclesiis  prœlala  est,  sed  evangelica  voce 
Domini  et  Salvaloris  nostri,  primatum  ob- 
tinuit  :  Tn  es  Petrus,  et  super,  etc.  Est  ergo 
prinla  Pétri  apostoli  seJes  Romana  Ecclesia. 
Secunda  autem  sedes  apud  Alexandriam  R. 
Pétri  nomiue  a  Marco  ejus  discipulo  et  evan- 
gelista  consecrata  est,  ipseque  a  Petro  apo- 
stolo in  .Egyptum  directus  verbum  veritatis 
pnedicavit,  et  gloriosum  consunmiavil  mar- 
iyrium.  Tertia  vero   sedes  apud  Antiocbiam 


ejusdem  R.  apostoli  Pétri  nomine  habetnr 
bonoiaiiilis,  eo  (|uoil  illic  prinsipiani  Romani 
vcnissct,  babitavit,  et  illic  ])rinunn  nomen 
cliiistiaiiorun)  novellai  genlis  exortum  est.  » 

IX.  Cl!  même  pape,  pour  réprimei'  la  har- 
diesse d'Acacius,  (jui  |iensait  élever  l'autorilèet 
la  gloire  de  son  Eglise  de  Coiistantinople  sur 
celles  d'Alexandrie  et  d'Antioche,  lui  représenta 
i]ue  tant  d'autres  villes  où  les  emiuM-eurs 
avaient  fait  longtemps  leur  séjour,  étaient  de- 
meurées dans  le  même  rang  oii  elles  étaient 
auparavant,  au  moins  quant  à  la  dis|iosilion 
des  <lignitus  ecclésiastiques  :  «  Risinuis,  cpiod 
prœrogativam  volunt  Acacio  comparari,  (juia 
efiiscopus  fnerit  regiœ  civitatis.  Numquid  apud 
Ravennam,  apud  Mediolauum,  apud  Syniiium, 
a[)ud  Treviros,  multis  temporibus  non  eonstitit 
imperator?  Numquid  harum  urbinm  sacer- 
doles  ultra  mensuram  sibimet  anliquitus  de- 
l)Utatam,  quidpiam  suis  dignitatibus  usurpa- 
runt  ?  1  Epist.  xui).  » 

Ces  exemples  de  Ravenne,  de  Milan,  de  Syr- 
mich,  de  Trêves,  dont  les  évêques  n'ont  jjoint 
acquis  de  nouvelle  élévation  par  le  séjour  tiue 
les  empereurs  y  ont  fait,  peuvent  servir  non- 
seulement  pour  rabattre  les  vaines  prétentions 
de  l'évèque  de  Constantinople ,  mais  aussi 
pour  nous  [)ersuader  entièrement  que  ce  n'a 
point  été  l'éclat  de  la  majesté  royale  ou  im- 
périale qui  a  fait  alTecler  aux  trois  premières 
villes  du  monde  la  prééminence  de  leurs  Egli- 
ses sur  les  antres  Ey,lises  du  monde  :  car  les 
I)remieis  siècles  de  lEgiise  ne  furent  pas  plus 
disposés  que  les  suivants  à  se  laisser  éblouir 
par  le  vain  lustre  des  grandeurs  passagères  du 
siècle. 

X.  Les  Pères  de  l'Eglise  ont  été  persuadés  de 
ces  mêmes  sentiments  touchant  la  |irimauté  de 
ces  trois  premières  Eglises  du  montle,  et  tou- 
chant l'écoulement  de  leur  primauté,  de  cette 
l)rimauté originale  et  primitive  dont  J.-C.  avait 
lionoré  saint  Pierre.  Eusèbe  fait  excellemment 
remarquer  la  toute-puissance  de  la  vérité  de  la 
religion  chrétienne  par  les  trophées  quelle 
avait  érigés  dans  les  trois  villes  royales  du 
inonde,  c'est  à-dire  sur  les  trois  superbes 
trônes  de  l'idolâtrie,  n'ein|)loyant  que  des  pé- 
cheurs pour  soumettre  à  la  croix  de  J.-C.  tout 
ce  (lu'il  y  avait  de  plus  éminent  dans  tous  les 
empires  du  monde. 

«  Dum  pofeniiam  verbi  respicio,  ut  ab  agre- 
stibus  Jesu  iliscipulis  numerosissimœ  Ecclesiœ 
constitula:'  siut,  non  in  quibusdam  obscuris  lo- 


iS 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEPTIÈME. 


cis,  sed  in  clarissimis  civitatibiis,  in  ipsa.  in- 
quam,  aiiarnni  iirbium  regina  Romana  urbe, 
in  Ak'Nandrina,  in  Antiocbensi,  cogor  fatcri 
non  aliter  amlax  adeo  facinus  ipsos  obtinuisse, 
quam  diviniore  qiiadam  longeque  humana 
superante  potentia  ejus  qui  dixerat  :  Docete 
omnes  gentes,  etc.  Ecce  ego  vobiscnm  sum 
omnibus  diebus  usque,  etc.  !  Praeparat.  Evan- 
gel.  lib.  111,  p.  138).  » 

Voilà  la  noble  idée  qu'il  faut  se  former  de 
cette  \érité,  que  les  grands  trônes  de  l'Eglise 
ont  été  affectés  aux  grandes  \illes  de  l'empire 
grec  et  romain,  afin  de  faire  triomiilier  la  croix, 
rhumilité,  lapauvretéet  la  vérité  de.l.-C.  dans 
les  plus  triomphantes  places  de  l'orgueil  et  de 
l'impiété  du  siècle 

XI.  Le  même  Eusèbe  assure  dans  son  his- 
toire ecclésiastique,  que  ce  fut  pour  cela  que 
Dieu  appela  à  Rome  le  plus  généreux  des  apô- 
tres :  «  Clementissima  Dei  providentia  fortissi- 
mum  ac  maximum  inter  apostolos  Petium,  et 
virtutis  merito  reliquorum  omnium  primum 
ac  patronum,  Romam  perducit.  (Hist.  Eccl. 
1.  u,  c.  li,  \r>,  Ki)  :  »  Qu'ikn  écrivit  une  lettre 
(ju'il  data  de  Babylone,  et  où  il  lit  mention 
de  son  fils  saint  Marc,  par  ces  paroles  :  «  Salutat 
vos  lîabyionis  Ecclesia.  a  Deo  perinde  ac  vos 
electa,  et  Marcus  lilius  meus.  » 

Cet  historien  dit  aussi  que  la  tradition  cons- 
tante était  (|ue  saint  Marc  était  allé  de  Rome 
<à  Alexandrie  jiour  y  fonder  ce  siège  aposto- 
lique, en  y  publiant  l'Evangile  qu'il  avait  écrit 
et  que  saint  Piei-re  avait  confirmé  :  «  Librum 
illum  sua  autoritate  confirmasse  Petrus  dici- 
tur,  etc.  Ilunc  Marcum  in  ^-Ëgyptum  i^rofectum, 
Evangelium  quod  conscripserat,  primum  prœ- 
dicasse  perhibent,  et  in  ipsa  urbe  xMexaiidrina 
Ecclesiam  constituisse.  »  Enfin  ce  savant  histo- 
rien a  pris  un  soin  tout  particulier  de  remar- 
(|uer  dans  son  histoire  la  succession  conti- 
nuelle des  évè(|ues  de  ces  trois  villes  également 
éclatantes  dans  l'enqjire  el  dans  l'Eglise. 

XII.  Saint  p;pi|iliane  nous  a  apj)ris  ci-dessus 
(|ue  rarchevè(iue  d'Alexandrie  dominait  sur 
cin(|  ou  six  provinces,  et  c'est  pour  cela  que 
l'archevêque  IMerre  avait  pris  le  mi'tropo- 
litain  Mélèce  pour  son  aide  el  son  coadjuteur 
(Iheres.  i,xviii,c.  I).  Saint  (Jrégoirede  Nazianze 
faisant  l'éloge  de  saint  Athanase  dit  que  celui 
par  une  élection  très-canoni(|ue  (|u"il  monta 
sui'  le  trône  de  saint  Marc  :  «Aposlolico  ac  spi- 
ritali  modo  ad  Marci  thronuni  evehitur  (Oi\it. 
XXI  ).  » 


Saint  Chrysostome,  étant  encore  prêtre  d'An- 
tioche,  reconnaît  que  la  prééminence  de  cette 
Eglise  était  écoulée  de  la  primauté  de  saint 
Pierre  qu'elle  avait  possédée,  mais  qu'elle  avait 
enfin  cédée  à  Rome  :  «  Hiïc  est  ima  nostrœ  ci- 
vitatis  prtTrogativa  dignitalis,  quod  principem 
apostolorum  ab  iuitio  doclorem  acceperit. 
iEquumenini  erat,  utea  quœ  nomine  christia- 
norum  ante  universum  orbem  terrarum  or- 
iiata  hiit,  primum  apostolorum  pastoremacci- 
peret.  Sed  cum  eum  doclorem  accepissemus. 
non  in  pcrpetuum  retinuimus,  sed  regiœ  civi- 
tati  Roma'  i!liunconcessinuis(Tom.  i,  Hom.  -W; 
Tom.v,  p.  180).  » 

Entre  les  lettres  (]ui  se  trouvent  à  la  fin 
de  la  seconde  partie  du  concile  premier  d'E- 
phèse  on  trouve  celle  du  prêtre  Alyi)e  à  saint 
Cyrille,  archevêque  d'Alexandrie,  où  il  tâche  de 
l'égaler  à  saint  Athanase,  qui  avait  porté  à  un 
si  haut  point  de  gloire  le  trône  de  saint  Afarc  : 
«  Orthodoxiam  denuo  erexit,  ac  sancti  Marci 
evangelistae  sedem  in  sublime  extulit.  » 

Le  saint  et  savant  Théodoret,  écrivant  à  l'é- 
vèque  de  Constantinople,  Flavien,  et  se  plai- 
gnant des  insolentes  entreprises  de  l'impie 
Dioscore,  archevêque  d'Alexandrie,  dit  que 
violant  en  même  temps  les  canons  du  concile 
de  Nicée  et  de  celui  de  Constantinople,  qui  ont 
renfermé  les  pouvoirs  des  exarques  dans  les  li- 
mites de  leur  diocèse,  il  prétendait  autoriser 
ses  attentats  violents  par  l'ostentation  du  siège 
de  saint  Marc,  ne  considérant  i)as  que  l'Eglise 
d'Antioche  avait  été  le  trône  de  saint  Pierre, 
dont  saint  Marc  n'était  cjuele  disciple. 

«  lu  regia  tua  urbe  congregati  beati  Patres, 
cum  lis  qui  apud  Nicœam  convenerant,  conspi- 
rantes, diœcesesdistinxerunt,  et  suaunicuique 
diœcesi  adsignarimt,  aperte  interdicentes  ex 
altéra  quosquam  diœcesi  alteram  invadere  :  sed 
AlexandriiT?  episcopum  .-Egypti  tantummodo 
res  administrare,  et  sua  singulas  diœceses.  Hic 
vero  legibus  istis  aciiuiescere  non  viilt,  sed 
siu'sum  ac  deorsum  15.  Marci  sedem  obfendit, 
i(l(]ue  cum  lic|uido  intelligat  Megalopolim  An- 
tiocham  magni  Pétri  sedem  habere,  qui  B. 
Marci  magister  erat,  choriciue  apostolorum 
princeps  ac  coryjdiœus  (Kpist.  lxxxvi).» 

XIII.  On  ne  peut  donc  plus  douter  que  cen'ait 
été  la  tradition  de  l'Eglise,  et  même  de  l'Eglise 
grecipie,  que  depuis  la  naissance  de  l'Eglise  ces 
trois  grands  sièges  ont  eu  la  primauté  de  l'é- 
piscopat,  et  (jue  cette  primauté  n'a  été  autre 
(jue  celle  de  saint  Pierre,  sans  que  ni  les  Pères, 


DES  TROIS  l'ATlUARCHES  ANCIENS,  ETC. 


49 


ni  les  papes,  ni  les  conciles,  aient  parlé  de  la 
grandeur  temporelle  de  ces  \illes  que  dans  le 
sens  que  nous  avons  remarqué,  comme  d'une 
matière  ])lus  éclatante  pour  faire  triompher  la 
croix  et  l'humilité  de  J.-C. 

Il  est  encore  hon  d'observer  dans  cette  lettre 
de  Théodoret  comment  les  canons  sont  d'accord 
avec  ceux  de  Nicée  sur  ce  sujet  des  exarques  et 
des  diocèses,  quoiqu'en  apparence  il  semble  y 


avoir  (pielipie  conti-ariété  :  car,  bien  ipie  le  con- 
cile ilu  Nicée  sendilàl  toulliniiter  dans  les  pro- 
vinces et  les  métropoles,  reconnaissant  néan- 
moins trois  f,'rands  évèques  qui  avaient  chacun 
plusieurs  provinces  dans  leur  dépendance,  il 
donnait  un  légitime  toudement  aux  grandes  dio- 
cèses et  aux  exarchats  (pi'on  établit,  ou  (ju'on 
confirma  depuis  dans  le  concile  de  Constanti- 
nople. 


CHAPITRE  HUITIÈME. 


% 


DES    TROIS   PATRIARCHES   ANCIENS   EN    PARTICULIER    :    SAVOIR,    DE   ROME,    d'aLEXANDRIE   ET   d'ANTIOCHE, 
PENDANT   LES    CINQ    PREMIERS   SIÈCLES    DE    L'ÉGLISE. 


1.  Du  patriarcat  d'Antioche  fondé  par  saint  Pierre. 

n.  Anlioche  élait  la  métropole  de  l'Orient  proprement  dit, 
mais  sa  primauté  ecclésiastique  ne  provenait  que  de  saint 
Pierre. 

m.  Elle  a  été  défendue  par  les  papes  contre  les  vastes  pré- 
tentions des  évèques  de  Cnnstantinople. 

IV.  Son  ressort  contenait  quinze  provinces  et  la  Palestine 
même. 

V.  Du  patriarcat  d'Alexandrie.  Diverses  autorités  de  son  éta- 
blissement, de  son  étendue,  de  ses  pouvoirs. 

VI.  11  en  résulte  que'  cette  Eglise  fut  fondée  par  saint  Marc 
au  nom  de  saint  Pierre,  que  c'est  de  là  qu'elle  a  tiré  sa  pri- 
mauté. Pourquoi  elle  a  eu  rang  avec  celle  d'Antioche,  fondée 
immédiatement  par  saint  Pierre.  Sentiment  de  ceux  qui  croient 
que  saint  Pierre  fut  à  Alexandrie  avant  que  d'aller  à  Anlioche, 
et  que  Babjlone,  d'où  il  date  sa  lettre,  est  celle  qui  est  sur 
l'Euphrate,  ou  celle  d'Egypte  même. 

VII.  Du  patriarcat  de  Rome  dont  l'Eglise  fut  fondée  par 
saint  Pierre  et  saint  Paul. 

VlU.  La  Providence  conduit  k  la  protection  du  Saint-Siège 
Cccilien,  évèque  de  Carthage,  Denis,  évèque  d'Alexandrie. 

IX.  Saint  Athanase,  évèque  d'Alexandrie. 

X.  Saint  Cbrysostonie,  évèque  de  Conslantinople. 

XI.  Trois  évèques  d'Antioche  en  même  temps  s'autorisent  de 
la  communion  du  preuiier  siège. 

XII.  Nestorius  de  Conslantinople  ,  et  Dioscore  d'Alexandrie, 
sont  déposés  par  l'autorité  du  premier  siège. 

XIU.  Autres  exemples  de  patriarches  déposés  par  le  premier 
siège. 

XIV.  Double  avantage  du  premier  siège  sur  les  autres  patriar- 
ches. Pourquoi  le  pape  n'ordonnait  pas  tous  les  évèques  de  son 
patriarcat. 

1.  C'est  indubitablement  des  plus  anciens 
monuments  de  l'Eglise  qu'Eusèbe  (in  Chro- 
uol.)  avait  tiré  ce  qu'il  dit,  qu'en  l'an  de 
J.-C.  39  saint  Pierre  fonda  l'Eghse  d'Antioche, 
et  alla  ensuite  fonder  celle  de  Rome  :  «  Petrus 
apostolus  Antiochenam  Ecclesiam  fundavit, 
ibique  cathedram  adeptus  sedit.  »  Et  ailleurs  : 
«  Cum  primum  Antiochenam  fundasset  Eccle- 

Th.  —  Tome  I. 


siam,  Romam  profectus  est  (Raron.  An.  .39, 
n.  9,  19).  » 

La  même  chronique  d'Eusèbe,  le  livre  ancien 
de  la  vie  des  papes,  et  le  pape  saint  Grégoire 
dans  sa  lettre  à  Euloge,  évèque  d'Alexandrie, 
font  foi  qu'il  gouverna  l'espace  de  sept  ans 
l'Eglise  d'Antioche.  Voici  les  paroles  du  der- 
nier :  «  Ipse  firmavit  sedem  in  qua  septem 
annis,  qnamvis  discessiirus,  sedit.  » 

Saint  Cbrysostonie  fit  merveilleusement  valoir 
cette  prérogative  de  l'Eglise  d'Antioche,  qui  l'é- 
galait en  quelque  façon  à  toute  l'Eglise  du 
reste  de  l'univers  :  «  Petrus  cui  clavcs  regni 
cœlorum  dédit,  cujus  arbitrio  et  potestati  cuncta 
permisit,  hune  longo  hic  tenipore  jussit  coni- 
morari.  Quamobrem  universo  orbi  ex  altéra 
parte  civitas  nostra  respondet.  d 

II.  Eusèbe  dit  bien  qu'Antioche  était  la  mé- 
tropole de  tout  l'Orient,  àvaTox.xr,-  ;«Tfo-ci-A£Mî  (De 
vila  Constant.  1.  m,  c.  50).  Mais  le  pape  Inno- 
cent I"  nous  a  déjà  avertis  dans  le  chapitre  pré- 
cédent que  la  supériorité  ecclésiastique  de 
cette  Eglise  ne  provenait  pas  tant  de  la  magni- 
ficence de  celte  ville,  que  de  ce  qu'elle  avait 
été  le  premier  siège  du  premier  des  apôtres  : 
«  Non  tam  pro  civilatis  magniflcentia  hoc 
eidem  attributum,  quam  quod  prima  primi 
apostoli  sedes  esse  monstretur  (Ejtist.  xvni).  » 

Le  concile  de  Nicée,  qui  avait  nommé  les  di- 
verses provinces  qui  relevaient  de  l'évèque 
d'Alexandrie,  s'était  contenté  d'insinuer  que  les 
Eglises  de  Rome  et  d'Antioche  en  avaient  aussi 

4 


jO 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  HUITIÈME. 


plusieurs  dans  leur  sujétion.  Mais  ce  pape  dit 
en  termes  formels  que  leconcile.de  Nicée 
avait  soumis  à  l'autorité  de  l'évèijue  d'Antioche 
non  pas  une  province  seulement,  mais  un  dio- 
cèse de  plusieurs  provinces. 

Enfin  ce  pape  ayant  réuni  plus  étroitement 
en  son  temps  l'Eglise  d'Anlioclie  à  celle  de 
Rome,  après  la  réunion  de  plusieurs  partis  de 
catholiques  (]ui  avaient  partagé  cette  Eglise,  il 
assure  que  la  mésintelligence  n'avait  pu  être 
longue  entre  deux  Eglises  qui  étaient  comme 
deux  sœurs,  dont  saint  Pierre  était  le  saint  et 
illustre  père  :  «  Ecclesia  Antiochena,  quam 
priusquam  ad  urbem  perveniret  Romani  li. 
apostolusPetrus  suaprœsentia  illustra\it,  velut 
germana  Romanae  Ecclesiae,  diu  se  ab  eadem 
alienam  esse  passa  non  est  (Episl.  xxu).  » 

III.  Les  évèques  de  Constantinople  eurent  de 
vastes  prétentions  pour  s'assujettir  les  évê(iues 
d'Antioche.  Acacius,  évêque  de  Constantinople, 
persuada  de  son  temjis  à  l'empereur  Zéiion  (|ue 
les  troubles  de  l'Eglise  d'Antioche  ne  pouvaient 
alors  se  calmer  qu'en  ordonnant  à  Constanti- 
nople  un  nouvel  é\èque  d'Antioche.  Il  l'y  or- 
doiuia  en  effet  lui-même.  Le  pape  Sinqilicius 
en  fit  ses  plaintes  à  Zenon  et  a  Acacius,  et  ne 
se  rendit  qu'à  l'assurance  qu'ils  lui  donnèrent 
que  la  chose  serait  sans  conséquence  (Raron. 
An.  479,  n.  T),  10). 

Anatolius  avait  autrefois  usurpé  le  même 
droit;  le  pape  saint  Léon  s'en  plaignit  à  l'em- 
pereur Marcien  (Epist.  i.ivj.  Le  pajie  Félix  III, 
qui  succéda  àSimplice,  déposa  dans  un  synode 
romain  l'impie  Pierre  le  Foullon,  usurpateur 
du  siège  (i'Anlioche,  et  écrivit  en  ces  ternies  à 
l'empereur  Zenon  :  «  Pelrus  primogenitus  et 
diaboli  filius,  qui  sancta>  Antiochenir  Ecclesia» 
indignissime  se  ingessit,  saiictanique  sedeni 
pontilicatus  Ignatii  martyris  j)olluit,  qui  Pétri 
dextera  episcopus  ordinatus  est  (E|)ist.  l).  » 

Maxime,  évêque  d'Antioche,  protesta  dans  le 
concile  de  Calcédoine  que  son  siège  était  le 
siège  de  saint  Pier-re.  tov  Tfo'vcv  Avtioxémv  fi.t-ja.icm- 

Xew;,  TOV  «û  àfiou  HETfou.  (CoHC.  Clialce.  Act.  7). 

IV.  Quant  à  l'èfendiie  du  |iatriaicat  d'An- 
tioche, il  est  certain  (pi'il  comprenait  la  diocèse 
particulière  d'Orient,  (|ui  était  composée  de 
ipiinze  iirovinces  où  étaient  comprises  les  trois 
l'alestiiies.  Saint  Jérôme  le  dit  clairement  dans 
sa  lettre  à  Pamniachius,  où  il  se  plaint  de  ce 
i|ue  Jean  ,  évêque  de  Jérusalem,  étant  chargé 
d'accusations  en  Orient ,  allait  se  justilier  à 
Alexandrie.  Il  lui  montre  <pie  selon  les  canons 


de  Nicée,  Césarée  étant  la  métroj)ole  de  la  Pa- 
lestine, et  Antioche  étant  la  capitale  de  tout 
l'Orient,  il  devait  donner  des  |)reuvesjuridiques 
de  son  innocence  ou  à  Césarée,  ou  à  Antioche, 
c'est-à-dire  ou  au  métropolitain,  ou  au  patriar- 
che dont  il  relevait. 

«  Tu  qui  régulas  quaeris  Ecclesiasticas,  et 
Nicseni  concilii  canonibus  uteris,  responde 
milii.  Ad  Alexandrinum  episcopum  Palestina 
([uid  |iertinet?  Ni  lallor,  hoc  ibi  decernitur,  ut 
Palestina»  metropolis  Cœsarea  sit ,  et  totius 
Orienlis  Antiochia.  Aut  igitur  ad  Cœsariensem 
episcopum  relérre  debueras;  aul  si  procul  ex- 
l)eteiKliim  judicium  erat,  Aiitiochiam  potius 
litter»  dirigendie  (Epist.  lx).»  Où  il  paraît  que 
les  patriarches  ne  portaient  encore  que  le  nom 
de  métropolitains. 

V.  Quant  a  Alexandrie,  outre  ce  qui  en  a  été 
dit  dans  le  chapitre  précédent,  saint  Jérôme 
demem-e  d'accord  que  Rome  est  la  Dabylone 
d'où  saint  Pierre  écrivait  sa  lettre,  où  il  parle 
de  son  disci|)le  saint  Marc;  que  ce  divin  apôtre 
envoya  Marc  pour  jeter  les  fondements  de  l'E- 
glise d'Alexandrie,  et  (pie  les  chrétiensd'Alexan- 
drie  furent  regardés  comme  les  discijdes  de 
saint  Pierre  :  il  croit  même  que  ce  fut  cette 
Eglise  florissante  d'Alexandrie  à  laquelle  Phi- 
Ion,  (ju'on  disait  avoir  connu  saint  Pierre  à 
Rome,  donna  tant  de  louanges  sous  le  nom 
des  Esséniens.  «  Meminit  hujus  Marci,  et  Pe- 
trus  in  cpistola  prima  sua,  nomine  Rabylonis 
figuraliter  Romam  signilicans  (Hieronym.  de 
Scriptor.  EccL).  »  Et  parlant  de  Pliilon  en  un 
autre  endroit  :  «Aiunt  hune  sub  Caïo  Caligula 
Ronue  periclitatum ,  (juo  legatus  gentis  suœ 
missus  fuerat;  cum  secunda  vice  venisset  ad 
Claudium,  in  eadem  urbe  locufum  esse  cum 
Petro  a|)ostolo,  ejusdemque  habuisse  amicitias 
et  ob  hanc  causam,  etiain  Marci  discipuli  Pétri 
apud  Alexandriam  sectatores,  ornasse  laudibus 
suis  (In  Marco.  In  Philon.).  » 

Eiisèhe  a  donné  la  suite  des  successeurs  de 
saint  Marc  à  Alexandrie,  ou  dans  sa  chronique, 
ou  dans  son  histoire,  quoiqu'il  n'ait  pu  donner 
celle  de  (anl  d'aulres  Eglises  où  les  apôtres 
avaient  ])résidè.  Nous  avons  déjà  dit  que  saint 
Epiphane  avait  donné  plusieurs  provinces,  et 
même  l'évêque  Mèlèce  pour  coadjuteur  à  l'ar- 
chevé(|ue  Pierre  d'Alexandrie,  pour  le  soulager 
dans  l'exercice  d'une  si  vaste  juridiction. 

II  y  en  a  même  (]ui  croient  que  saint  Epi- 
jiliane  a  donné  à  Mélèce  même  quelque  part 
la  (pialitè  d'archevêque,  quoiqu'il  ne  fût  d'ail- 


DES  TROIS  PATIUAUCHES  ANCIENS,  ETC. 


51 


leurs  qu'un  simple  métropolitain  :  «  Videbaliir 
Meletiiis  pra'emuiere  iiiter  episcopos  ^-Efiyiiti, 
ut  i|ui  secundum  locum  habebat  |>ost  Petrum  in 
arcliiepiscopatu,  velut  adjuvandi  ^rratia  sub 
ipso  existons,  et  siib  ipso  Ecclesiastica  curans 
(Epiph.  hacr.  Lxvml.» 

Alexandre,  évêque  d'Alexandrie,  assembla 
près  de  cent  évèques  d'Efrypte  et  de  Libye, 
dans  son  concile  de  Tan  318.  où  il  condamna 
Arius  et  farianisme  :  «  Nos  cum  aliis  fere  cen- 
tum  /Egypti  et  Libyae  episcopis  in  unum  con- 
\enientes,  anatbema  denuntiavimus  Baron. 
An.  318,  n.  63).  »  Ce  qui  rend  encore  moins 
probable  ce  que  nous  avons  raconté  ci-dessus 
de  la  chronique  d'Alexandrie,  que  l'évèque  d'A- 
lexandrie avait  longtemps  gouverné  l'Egypte, 
en  étant  le  seul  évêque.  Un  si  grand  nombre 
d'évéques  n'aurait  pu  s'y  former  en  ce  peu  de 
temps  qui  s'écoula  depuis  jusqu'à -Mexandrie, 
quand  même  on  limiterait  ce  que  dit  la  chro- 
nique à  la  seule  province  d'Egypte. 

Le  savant  évêque  de  CyTène,  Synésius,  attri- 
buait à  Théophile,  archevêque  d'Alexandrie, 
l'éminence  de  la  succession  évangélique,  fai- 
sant allusion  à  l'évangéliste  saint  Marc,  aùBsvTîav 
TTÎ;  Eùa^fiXtxr;;  hoL^/j.;  «  Autoritateiu  cvangelicaB 
successionis  (Epist.  lxvij.  »  La  seconde  ville  et 
la  seconde  Eglise  du  monde  n'eussent  pas  tant 
fait  de  montre  de  l'autorité  de  saint  Marc,  si  où 
ne  l'eût  considérée  comme  une  effusion  et  un 
rejaillissement  de  celle  de  saint  Pierre.  Aussi 
saint  Jérôme  témoigne  que  les  évèques 
d'Alexandrie  avaient  une  attache  et  une  défé- 
rence toute  particulière  pour  les  inclinations 
et  pour  les  sentiments  de  l'Eglise  romaine. 
«  Tu  scito  nihil  nobis  esse  antiquius  quani 
meminisse  Romanam  fldem  apostolico  ore 
laudatam,  cujus  se  esse  participem  Alexan- 
drina  Ecclesia  gloriatur  (Epist.  lxvui,  78).  » 
Et  ailleurs  exhortant  le  pape  à  confirmer  la 
sentence  de  l'évèciue  d'Alexandrie  contre  les 
Origénistes  :  «  Prœdicationem  cathedrfe  Marci 
evangelista;,  cathedra  Pétri  apostoli  sua  praedi- 
catione  confirme!  lEpist.  lxxxh.  » 

Saint  Léon ,  pape ,  ayant  été  consulté  par 
Dioscore,  archevêque  d'Alexandrie,  sur  quel- 
ques points  de  discipline,  il  lui  répondit 
d'abord  que  saint  Pierre  ayant  été  le  chef  et  le 
fondateur  de  l'Eglise  de  Rome,  et  ensuite  saint 
Marc  de  celle  d'Alexandrie,  il  était  malaisé  de 
croire  qu'il  n'y  eût  beaucoup  de  convenance  et 
d'uniformité  dans  la  police  de  ces  deux  Eglises, 
puisque  ce  n'avait  été  qu'un  même  esprit  divin 


i|ui  avait  animé  le  maître  et  le  disciple.  «  Cum 
l'etrus  apostolicum  a  Itoinino  acceperit  princi- 
patum,  et  Romana  Ecclesia  in  ejus  permaneat 
instilutis  ,  nefas  est  crcdere  quod  saiiclus  dis- 
ciiiulus  ejus  Marcus,  (jui  Alexandrinam  primas 
Ecclesiam  gubernavit,  aliis  regulis  traditio- 
num  suaruni  décréta  formaverit,  cum  sine 
dubio  de  eodem  fonte  gratiœ  unus  spiritus 
fuerit  et  discipuli,  et  magistri  (Epist.  lxxxi).  » 

Ce  fut  ce  même  Dioscore  qui  présida  peu  de 
temps  après  au  faux  concile  d'Ephèse,  ayant  eu 
ordre  de  l'empereur  de  s'y  rendre  pour  cela 
avec  dix  d'entre  les  métropolitains  de  son 
ressort,  et  autant  d'autres  évèques.  a  Sumptis 
tecum  decem  metropolitanis  episcopis  qui  sub 
tua  degunt  diœcesi,  et  aliis  similiter  decem 
episcopis  (Baron.  An.  449,  n.  24).  »  Dans  le 
concile  de  Calcédoine,  le  diacre  Isquyriou  se 
plaignit  dans  sa  supplique  au  pape  Léon  de  la 
conduite  scandaleuse  de  Dioscore,  qui  avait 
honteusemeut  profané  le  trône  évangélique. 
«Non  sicut  jdecebat  episcopum,  et  maxime 
tanta;  civitafis  et  evangelicœ  illius  sedis  prse- 
sulem  constitutum  (Act.  3).  » 

Après  la  déposition  de  Dioscore  dans  ce  con- 
cile, tous  les  évèques  de  la  diocèse  d'Egypte 
écrivirent  à  l'empereur  pour  l'assurer  de  leur 
immuable  fermeté  dans  la  foi  de  l'évangéliste 
saint  Marc,  et  de  ses  illustres  successeurs  Pierre, 
Athanase ,  Cyrille  (Act.  4).  Quelque  instance 
que  ce  concile  eût  faite  à  ces  prélats  de  sous- 
crire à  la  lettre  de  saint  Léon,  pape,  à  laquelle 
tout  le  concile  avait  souscrit,  ils  refusèrent 
opiniâtrement  de  le  faire,  quoiqu'ils  fissent 
gloire  de  suivre  la  même  foi.  Leur  raison 
était  que  c'était  la  coutume  du  patriarcat 
d'Alexandrie  que  les  évèques  ne  fissent  rien 
sans  l'ordre  et  le  mandement  de  l'archevêque. 
Le  concile  se  rendit  par  une  prudente  condes- 
cendance à  cette  raison,  qui  marquait  une 
autorité  fort  éminente  dans  les  archevêques 
d'Alexandrie  (Act.  15.  Can.  xrs). 

Enlin  ce  fut  dans  ce  concile  qu'Anatolius, 
ayant  voulu  se  faire  attribuer  la  seconde  place 
de  l'Eglise  après  le  pape ,  ce  qui  ne  se  pouvait 
faire  sans  reculer  les  archevêques  d'Alexandrie, 
qui  l'avaient  jusqu'alors  occupée ,  le  pape  saint 
Léon  prit  la  défense  de  l'Eglise  d'.\lexandrie, 
qui  était  alors  vacante  par  la  déposition  de 
Dioscore,  et  força  Anatolius  de  désavouer  et 
de  relâcher  ses  poursuites  ambitieuses(Conc. 
Chalced.  Par.  m,  c.  3,  6,7). 

VI.  Cette  foule  confuse  d'autorités  montre 


52 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  HUITIÈME. 


assez  clairement  que  le  patriarcat  d'Alexan- 
drie a  été  reconnu  dès  les  premiers  siècles  de 
l'Eglise^  qu'il  a  toujours  eu  le  second  rang, 
que  c'a  moins  été  la  grandeur  temporelle  qui 
lui  donnait  la  seconde  place  après  Rome,  que 
le  nom  de  saint  Marc,  disciple  de  saint  Pierre, 
qui  lui  a  donné  cette  jjréémineuce,  selon  le 
sentiment  uniforme  des  anciens  Pères  ;  enfin 
que  cette  excellente  iirimauté,  qui  a  élevé  cette 
Eglise  au-dessus  de  tant  d'autres  Eglises  fon- 
dées par  d'autres  Apôtres,  a  été  selon  les  Pères 
une  émanation  de  la  primauté  de  saint  Pierre. 

11  y  a  une  difficulté  qui  n'est  pas  facile  à 
résoudre  sur  ce  sujet  :  pourquoi  le  second  rang 
n'a  pas  été  plutôt  donné  à  Antioche,  dont  l'E- 
glise avait  été  fondée  et  gouvernée  pendant  un 
temps  considérable  par  saint  Pierre  même,  au 
lieu  que  celle  d'Alexandrie  n'était  que  l'ou- 
vrage de  son  disciple. 

Ceux  qui  ont  cru  que  saint  Pierre,  après 
avoir  prêché  aux  Juifs  de  la  Palestine,  alla  an- 
noncer la  même  vérité  de  l'Evangile  à  ceux  de  la 
dispersion  auxquels  il  adressa  sa  lettre  cano- 
nique, et  (}u'il  conuuença  par  ceux  d'Alexan- 
drie; qu'après  y  avoir  établi  saint  Marc  pour 
évéque  en  sa  place,  il  |)assa  de  là  à  Antioche  ; 
ceux,  dis-je,  i|ui  sont  dans  ce  sentiment,  et  qui 
croient  qu'après  cela  il  alla  à  Babylone  sur 
TEuphrate,  d'où  il  data  sa  lettre,  se  démêlent 
sans  peine  decettodifticulté.  Mais  il  faut  avouer 
que  les  anciens  Pères  ont  communément  es- 
timé que  celte  ville  de  Babylone  n'est  autre 
(|ue  Rome.  Sans  s'opiniàtrer  à  ce  qui  regarde 
Babylone,  on  peut  encore  se  laisser  persuader 
(|ue  ce  fervent  apôtre,  ayant  écrit  et  indu- 
bitablement prêché  aux  Juifs  hellénistes  de 
la  dispersion ,  n'avait  jias  négligé  la  ville 
d'Alexandrie,  où  il  est  certain  que  les  Juifs 
étaient  en  plus  grand  nombre  et  en  plus  grande 
juiissance  que  dans  aucune  autre  ville  du 
monde.  Saint  Luc  n'en  a  point  parlé,  parce 
qu'il  s'était  particulièrement  attaché  à  nous 
(lonner  l'histoire  de  saint  Paul,  aux  courses  du- 
(pul  il  avait  eu  tant  de  part. 

D'autres  pensent  que  la  ville  d'Alexandrie 
étant  la  seconde  ville  de  l'empire  romain,  elle 
avait  eu  la  préséance  sur  Antioche,  même 
dans  la  disposition  ecclésiasti(]ue.  (|uoi()ue 
d'ailleurs  les  dignités  ecclésiastiques  aient  été 
dispensées  par  rapport  aux  rangs  que  le  Fils  de 
l>ieu  même  avait  donnés  à  ses  apôtres. 

Nil.  UuanI  au  patriarcat  de  Rome,  il  lu; 
serait  presque  pas  besoin  d'en  parler,  puisqu'il  a 


déjà  paru  que  les  deux  autres  n'étaient  que  des 
écoulements  et  des  participations  de  la  divine 
primauté  de  saint  Pierre.  Aussi  le  concile  de 
Nicée  confirme  un  droit  contesté  au  patriarche 
d'Alexandrie,  par  l'exemple  de  l'Eglise  de 
Rome  à  qui  ce  droit  n'était  pas  contesté.  Et  le 
concile  I"  de  Coustantiuople  régla  tous  les 
autres  patriarcats,  sans  parler  de  celui  de 
Rome.  Et  désirant  porter  l'évêque  de  Conslan- 
tinople  au  plus  haut  degré  d'honneur,  il  le 
plaça  immédiatement  au-dessous  du  pape. 
Connue  le  Fils  de  Dieu  avait  donné  à  saint  Paul 
ime  éminence  extraordinaire  sur  les  autres 
apôtres,  Eusèbe  et  les  autres  anciens  écrivains 
ont  reconnu  que  son  admirable  providence 
l'avait  aussi  conduit  à  Rome,  pour  concourir 
avec  saint  Pierre  à  fonder  cette  Eglise,  qui  de- 
vait être  la  première  et  la  plus  éclatante  de 
toutes  les  autres. 

TertuUien ,  montrant  comme  avec  le  doigt 
les  Eglises  apostoliques  qui  étaient  comme  les 
sources  vives  de  la  plus  pure  doctrine ,  re- 
]irésente  celle  de  Rome  comme  possédant  le 
corps  et  l'esprit  des  deux  princes  des  Apôtres. 
«  Habes  Romam,  unde  nobis  quoque  autoritas 
[irœsfo  est.  Statu  felix  Ecclesia,  cui  toiam  do- 
cfrinam  apostoli  cum  sanguine  suo  profude- 
runt  (Tertull.  de  Prœscript.,  c.  xxxvi).  » 
.  Saint  Irénée  désigna  aussi  l'Eglise  de  Rome 
comme  celle  dont  la  fondation  par  les  apôtres, 
et  la  succession  non  interrompue  des  évèques, 
était  la  plus  incontestable  :  «  Maxiinas  et  anti- 
quissimse  et  omnibus  cognitœ,  a  gloriosissimis 
(iuobus  ay)ostolis  Petro  et  Paulo  fundatte  et 
constituta;  EcdesicC,  eam  quam  habet  ab  apo- 
stolis  tradilionem,  et  anuuntiatam  hominibus 
fidem,  per  snccessiones  episcoporum  perve- 
nientem  usqueadnos  indicantes,  etc.  Ad  hanc 
enim  Ecclesiam  propter  potentiorem  principa- 
litatem  necesse  est  omnem  convenire  Ecclesiam 
(Iren.  1.  ni,  c.  3).  » 

La  raillerie  sanglante  de  TertuUien  contre  le 
pape  Zéphyrin  (Tertull.  1.  de  Pudicitia,  c.  i) 
ne  laisse  pas  d'être  une  preuve  que  ce  pape, 
qui  fut  un  illustre  martyr  de  J.-C,  usait  d'une 
fort  grande  autorité  dans  les  choses  ecclésias- 
tiques, puisqu'on  lui  donnait  les  qualités  de 
grand  pontife  et  d'évêque  des  évoques,  «  pon- 
tifex  maxinuis,  episcopus  episcoporum  dicit 
(Baron.  An.  216,  n.  4).  » 

Saint  Cy])rien  faisait  aussi  un  tacite  reproche 
de  ces  glorieuses  ([ualités  au  pape  Etienne, 
quand  il  parlait  en  ces  termes  aux  évèques  de 


DES  TROIS  PATRIARCHES  ANCIENS,  ETC. 


33 


son  concile  :  Nul  de  nous  ne  prétend  être 
l'évêqne  des  évèqiies,  nul  de  nous  ne  prétend 
faire  violence  à  ses  confrères  pour  les  points  de 
discipline  :  «  Neque  enini  quisquam  nostnnn 
episcopum  se  episcoporuni  constituit,  aut 
tjTannico  terrore  ad  observandi  necessilatem 
collegas  suos  adigit  (Conc.  (^arthag.  sub  Cy- 
priano.  Baron.  An.  238,  n.  i2).  » 

C'était  sous  le  pape  Zépbyrin  que  le  savant 
Origène  était  venu  à  Rome,  pour  avoir  la  satis- 
faction d'avoir  vu  la  plus  ancienne  et  la  pre- 
mière de  toutes  les  Eglises.  «  Cum  ipsi  in  votis 
esset,  sicut  ipsemet  alicubi  dicit,  Romanam 
Ecclesiam  omnium  antiquissimam  coram  vi- 
dere  :  tt.v  iy/x-.'.-i-rr.i  h./:i:i.o:n.'>  (L.  VI,  c.  -44).  C'cst 
ainsi  qu'en  parle  Eusèbe. 

VllI.  La  providence  du  divin  Epoux  de  l'E- 
glise a  si  sagement  disposé  les  faits  divers 
et  les  révolutions  qui  composent  son  bistoire, 
qu'ils  ont  servi  à  développer  et  à  faire  écla- 
ter les  plus  importantes  vérités  dont  il  est 
nécessaire  que  nous  soyons  instruits,  et  entre 
autres  celles  de  la  supériorité  du  premier  des 
patriarcbes  au-dessus  de  tous  les  autres.  Céci- 
lien,  arcbevèque  de  Cartbage.  ne  put  éviter 
l'orage  dont  le  menaçait  une  troupe  perni- 
cieuse d'évèques  schismatiques,  qu'en  se  retirant 
dans  le  port  de  l'Eglise  apostolique  de  Rome. 
Il  y  trouva  une  retraite  assurée  et  son  réta- 
blissement. Voici  comme  en  parle  saint  Augus- 
tin :  «  Posset  non  curare  conspirantem  multi- 
tudinem  inimicorum  .  cum  se  videret  et 
Romanse  Ecclesia;.  in  qua  semper  apostolicœ 
catbedrœ  viguit  principatus,  et  cœteris  terris, 
uude  Evangelium  ad  ipsam  Africam  venit,  per 
tommunicalorias  litteras  esse  conjunctum 
Epist.  CLXu).  » 

Denis,  évêque  d'Alexandrie,  avait  déjà  aupa- 
ravant été  accusé  devant  le  pape  Denis,  comme 
ennemi  de  la  consubstantiabté  du  Fils.  Le  pape 
assembla,  un  concile  à  Rome;  Denis  se  justifia 
(levant  ce  pape  par  un  grand  nombre  d'excel- 
lentes apologies.  Voici  ce  qu'en  dit  saint 
Athanase  dans  son  \\sx&  des  Synodes  :  a  Cum 
ipiidam  Alexandrinum  episcopum  apud  Roma- 
num  accusantes,  etc.  Synodus  Roma:'  coacta  in- 
digne tulit,  et  Romanus  ad  cognominem  sibi 
episcopum  onmium  sententiam  perscripsit  ;  et 
jam  inde  ille  se  ad  defensionem  parans  libello 
suo  litulum  refutationis  et  apologiœ  indi- 
dil  et  in  ha?c  verba  ad  Romanum  scripsit 
lAn.  263).  » 

IX.  Les  évêques  de  Carthage  et  d'Alexandrie 


confessaient  donc  par  leur  propre  conduite 
qu'il  y  avait  un  siège  singulièrement  et  unique- 
ment apostolique,  élevé  au-dessus  de  tous  les 
autres  sièges  des  apôtres.  C'est  ce  qu'Optât, 
évèque  d'Afrique,  montre admirablementdans 
sa  défense  de  l'Eglise  et  de'Cécilien  contre  les 
(lonatistes  ses  ennemis.  «  Negare  non  potes 
scire  te  in  urbe  Roma  Petro  primo  catbedram 
episcopalem  esse  collatam,  in  qua  sederit 
omnium  apostolorum  caput  Petrus  ;  in  qua 
uua  catbedra  unitas  ab  omnibus  servaretur, 
nec  ca>teri  apostoli  caeteras  sibi  quisque  defen- 
deret  (Optât.  lib.  u).  » 

Saint  Athanase  ne  put  éditer  les  poursuites 
des  ariens  qu'en  se  jetant  entre  les  bras 
de  l'Eglise  romaine.  Constance  ,  empereur, 
ne  jugea  pas  qu'Atbanase  fût  terrassé  par  la 
conspiration  d'une  infinité  d'autres  évêques 
contre  lui.  pendant  que  le  premier  des  évêques 
du  monde  serait  déclaré  pour  sa  défense. 
Ammien  Marcellin  est  témoin  que  ce  cruel 
empereur  n'avait  point  de  passion  plus  ardente 
que  de  faire  consentir  le  pape  Libère  à  la  con- 
damnation d'Atbanase.  «  Athanasium  synodus 
removit.  etc.  id  princepslicet  sciretimpletum, 
tamen  autoritate  qua  potiuntur  feterna:'  urbis 
episcopi,  firmari  desiderio  nitebatur  ardenti 
Baron.  An.  353,  n.  39).  » 

Socrate  dit  que  le  pape  Jules  avait  d'abord 
rétabli  Athanase  et  les  autres  évêques  déposés 
par  les  ariens,  et  qu'en  cela  il  avait  usé  du 
privilège  de  son  Eglise.  «  Quoniam  Ecclesia 
Romana  prcPter  caeteras  privilégia  obtinebat, 
in  Orientem  litteras  mittit,  quo  etsuus  cuique 
locus  restitueretur,  et  eos,  qui  illos  temere  ab- 
dicaverant,  graviter  reprebenderet.  Illi  dece- 
dunt  Roma,  litterisque  Julii  episcopi  confisi  ad 
suas  ipsorum  Ecclesias  redeunt  Socrat.  1.  i 
c.  2  .  » 

Les  ennemis  de  l'Eglise  ne  déférèrent  pas  à 
celte  sentence  du  pape  Jules,  maisles  catholiques 
y  déférèrent,  saint  Athanase  y  déféra,  le  concile 
de  Sardique  la  confirma,  et  fit  un  règlement  gé- 
néral pour  laisser  juger  de  nouveau  au  pape  les 
causes  criminelles  des  évêques  dé})Osés;  enfin 
les  Orientaux  mêmes  se  soumirent  à  ce  décret 
du  concile  de  Sardique.  Théodoret  dit  que  le 
pape  Jules,  suivant  la  loi  de  l'Eglise,  avait  cité  à 
Rome  les  évêques  orientaux,  accusateurs  d'A- 
tlianase.  «  Canonem  Ecclesisesecutus,jussiteos 
Romam  convenire  :  t<>  tt;  iwAr.sîaç  k-r.'.'x'.v.-,  voVu 
;Tbeodoret.  I.  u,  c.  4).  »  Sozomène  assure  que  le 
pape  Jules  rétablit  Athanase  et  tous  les  autres 


54 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  HUITIÈME. 


défenseurs  de  la  foi  dans  leurs  Eglises,  parce 
que  la  supériorité  de  son  siège  lui  donnait  cette 
autorité.  «  Cum  propter  sedis  dignitatcm  cura 
omnium  ad  ipsum  spectaret,  singulis  suam 
Ecclesiaui  restituit.  oi».  tt.s  iravTwv  ■/.t.i-Miixi  iùtû 

•!tpGOT,xoO<rT.;,   Sia    tt.v    aÇ'iav   T.\t   ôpovou.    (SoZOm.    1.    UI, 

C.  7).  » 

X.  Lorsque  saint  Chrysostome  eut  été  déposé 
par  ses  adversaires,  il  implora  aussi  le  secours 
du  Siège  apostolique,  et  le  pape  Innocent,  con- 
damnant la  condamnation  d'un  si  saint  prélat, 
le  rétablit  dès  lors  dans  le  droit  de  sa  dignité, 
et  travailla  à  ly  rétablir  en  effet,  en  faisant 
assembler  un  concile  œcuménique.  C'est  ce 
qu'en  dit  le  même  Sozomène  :  «  Innocentius 
(jute  acta  erant  adversus  .loannem  indigne  tu- 
lit;  utque  ea  damnavit,  ita  œcumcnicuni  con- 
cilium  convocare  sluduit  (L.  viu,  c.  26,28).  » 

Palladius  dit  nettement  que  ce  pape  cassa 
le  jugement  que  Théophile,  évèque  d'x\lexan- 
drie,  avait  rendu  contre  saint  Chrysostome  : 
oJudicium  Tlieophili  cassum  atque  irritum 
esse  decrevit  (In  Vita  Chrysost.).  »  L'Eglise  de 
Constantinople  députa  aussi  à  Rome,  et  Cas- 
sien,  diacre  de  saint  Chrysostome,  fut  un  des 
députés.  L'empereur  Honorius  travailla  aussi 
à  la  convocation  d'un  concile  général.  L'opi- 
niàlreté  invincible  d'Arcadius  et  la  mort  de 
saint  Chrysostome  rendirent  tous  ces  etiorts 
inutiles.  (Baroiiius.  An.  404,  n.  36,  73,  74,78; 
Ann.  403,  408,  n.  42). 

Mais  Théodore!  témoigne  que  ni  le  pape  ni 
les  évêques  d'Occident  ne  rendirent  point 
leur  conuuimion  aux  évêques  d'Egy])te , 
d'Orient,  de  Bosphore  et  de  Thrace,  ni  aux 
évêques  de  Constaiilinople,  qu'après  qu'ils  eu- 
rent rétabli  Chrysostome  sur  son  trône  ,  en 
la  manière  (ju'on  le  [lonvait  faire  a])rès  sa 
mort,  en  faisant  revivre  sa  mémoire  et  remet- 
tant son  nom  dans  les  sacrés  dyptiques  (Théo- 
doret.  1.  V,  c.  34). 

XI.  Le  siège  d'Antioche  s'était  aussi  trouvé 
dans  des  conjonctures  où  le  secours  du  j)re- 
mier  siège  lui  fut  nécessaire.  11  y  avait  trois 
évêques  et  trois  différents  partis  dans  cette 
ville  ;  ils  se  vantaient  tous  d'être  catholiques, 
et  se  disaient  tous  participants  de  la  connnu- 
nion  de  l'Eglise  romaine.  Saint  .lèrùuie,  (jui 
était  alors  dans  l'Orient,  et  qui  était  en  peine 
avec  lequel  de  ces  trois  évêques  il  devait  com- 
municpier,  étant  d'ailleurs  bien  persuadé  qu'il 
ne  devait  entrer  dans  la  connuiuiion  (|ue  de 
celui  qui  jouissait  de  la  communion  indivisible 


du  siège  de  Pierre ,  écrivit  sur  ce  sujet  au 
pape  Damase  pour  apprendre  de  lui  lequel 
de  ces  trois  évêques  était  de  sa  communion 
(Hieron.  Epist.  lvu).  «  Ego  clamito,  si  quisca- 
thednc  Pétri  jungitur,  meus  est.  Meletius,  Vi- 
talis,  Paulinus  tibi  hœrere  se  dicunt.  Possem 
credere,  si  hoc  unus  assereret.  Nunc  aut  duo 
menliuntur,  aut  omnes.  Idcirco  obtestor  beati- 
tudinem  tuam,  ut  mihi  litteris  fuis  apudquem 
in  Syria  debeani  communicare  signifiées  (Ba- 
ron. An.  372,  n.  48).  » 

Ce  savant  Père  ne  voulait  reconnaître,  de  ces 
trois  évêques  d.Vntioche,  que  le  seul  (jui  était 
lié  de  communion  avec  le  centre  de  l'unité 
catholique,  puisque  des  trois  il  n'y  en  pouvait 
avoir  qu'un  qui  jouît  vraiment  de  cet  avan- 
tage. Et  ce  savant  honnne  n'était  pas  moins 
persuadé  que  ce  privilège  du  premier  patriar- 
che au-dessus  des  autres  était  fondé,  non  pas 
sur  le  faste  et  la  gloire  de  la  ville  capitale  de 
l'empire,  mais  sur  la  primauté  (|ue  J.-C.  a 
donnée  de  sa  divine  bouche  à  saint  Pierre,  et 
qu'il  conserve  à  ses  successeurs  dans  cette 
longue  révolution  de  siècles  par  sa  même  di- 
vine toute-puissance.  «  Facessat  invidia  Ro- 
mani culminis,  recédât  anibitio,  cum  succes- 
sore  piscatoris  et  discipulo  crucis  loquor,  ego 
nullum  prinuMu  nisi  (Jn-istum  sequens,  bea- 
titudini  tuae,  id  est  cathedrœ  Pétri,  commu- 
nione  consocior  ;  super  illam  petram  œdifica- 
tam  Ecclesiam  scio.  » 

XII.  Lorsque  saint  Cyrille  entreprit  de  faire 
le  procès  à  Nestorius,  il  s'autorisa  toujours  des 
ordres  et  du  pouvoir  qu'il  avait  reçus  du  Saint- 
Siège.  Hors  de  là  un  archevêque  de  Constanti- 
nople n'eût  pas  été  justiciable  de  l'archevêque 
d'Alexandrie  ,  puisque  les  canons  défendaient 
aux  exarques  e(  ;iu\  |ialri;irclies  même  ,  aussi 
bien  qu'aux  métropolitains,  de  rien  entrepren- 
dre hors  de  leur  ressort  (Nicaen.  cap.  vi.  Con- 
stant, c.  II,  ni).  Il  t  cris  il  a  Nestorius  même  en 
ces  termes  :  «  Cceiestino  jubenle,  investigare 
cogor,  etc.  »  Le  ]iape  le  revêtit  de  son  autorité, 
et  lui  manda  de  ne  donner  que  dix  jours  de 
terme  à  Nestorius.  «  Nostrœ  sedis  autoritate 
ascita,  etc.  nisi  deceindierum  intervallo  nefa- 
riain  doctrinamanalhematizet  (Baron.  An.  429, 
n.2i);  An.  430,  n.  2.5,  52;  431,  n.  39,  104).» 
Enfin  le  concile  d'Ephèse  prononça  la  sentence 
de  déposition  contre  Nestorius,  comme  y  étant 
forcé  par  les  canons  et  par  la  lettre  du  pape 
Cèlestin.  «  Coacti  per  sacros  canones  et  episto- 
lam  sanctissimi  Patris  nostri  et  comministri 


DES  TROIS  PATKIARCIIES  ANCIE.N'S,  ETC. 


55 


Cœlestini,  ad  Inpubrem  hanc  sententiam  ne- 
cessario   veiiinius  (Coiic.  Eplies.  Act.  I).  » 

Le  concik'  de  Calcédoine  déposa  Uioscore, 
archevêque  d'Alexandrie  de  la  même  manière, 
en  mettant  la  sentence  de  déposition  dans  la 
bouche  nicnu'  du  pape  Léon,  qui  n'y  assistait 
que  par  ses  légats.  «Unde  S.  et  B.  archiepisco- 
pus  magnse  et  senioris  Romœ  Léo,  per  nos  et  pcr 
prœsentem  sanctam  synodum,  nudavit  euni 
episcopatus  dignitate.  (Conc.  Chalced.Act.  3).  » 
Quatre  ans  auparavant  le  même  pape  Léon  avait 
déposé  Bassien,  usurpateur  du  siège  primatial 
ou  patriarcal  d'Ephèse.  C'est  ce  qui  fut  lu 
dans  le  concile  de  Calcédoine  même.  «  Hodie 
quatuor  anni  sunt,  et  Romanus  episcopus  eum 
deposuit.  (Act.  2!.  »  Dioscore  avait  déposé  Fla- 
vien,  archevêque  de  Constantinople,  dans  le 
faux  concile  d'Ephèse,  et  Flavien  en  avait  appelé 
au  Siège  a[)Ostolique,  au  rapport  de  Libérât. 
«Flavianus,  contra  se  prolata  sententia,  per 
ejus  legatos  Sedem  apostolicam  appellavit  li- 
bello.  n  Valentinien  écrivant  à  Tliéodose  le 
jeune,  dit  que  cet  appel  avait  été  fait  selon  les 
lois  des  conciles  :  «  Secundum  solemnitatem 
conciliorum,  et  Constantinopolitanus episcopus 
eum  per  libelles  appellavit  [Cap.  xu  .  » 

XIII.  L'interposition  de  l'autorité  du  pre- 
mier siège  fut  encore  bien  plus  souvent  néces- 
saire dans  ces  temps  malheureux  qui  suivirent 
la  fin  du  concile  de  Calcédoine.  Protérius, 
qu'on  avait  donné  pour  successeur  à  Dioscore 
sur  le  siège  d'Alexandrie,  ayant  été  martyrisé, 
Timothée  Flure ,  qu'il  avait  excommunié 
connue  partisan  de  l'impiété  de  Dioscore,  fut 
mis  sur  son  trône  ,  ayant  encore  les  mains 
toutes  dégouttantes  de  son  sang".  Libérât  dit 
que  depuis  ce  temps-la  il  y  eut  deux  évèiiuesà 
Alexandrie  :  «  .\b  isto  Timotheo  duo  episcopi 
AlexandricE  esse  cœperunt  (Cnp.  xv).  »  11  est 
visible  que  pour  soutenir  l'orthodoxe  contre 
l'eutychien  la  protection  du  premier  siège 
fut  souvent  demandée. 

Jean  Talaïa,  ayant  été  chassé  du  siège  de  saint 
Marc  par  l'impie  Pierre  Moggus,  se  retira  à 
Antioche,  d'où,  par  le  conseil  du  patriarche  Ca- 
lendion,  lien  appela  au  pape  Simplice, comme 
avait  fait  autrefois  saint  Athanase.  selon  les 
termes  propres  de  Libérât.  «  Sumptis  a  Calen- 
dione  patriarchaAntiocheno  intercessionis  lit- 
teris,  Romanum  pontificem  Simplicium  appel- 
lavit, sicul  beatus  fecit  Athanasius.  i.\nno. 
483  ,  cap.  xvui].  »  Félix  ayant  succédé  à 
Simplice,  donna  l'évêché  de  Noie  à  Jean  Ta- 


la'ia.  «  Joannes  Talaia  habens  episcopi  dignita- 
tem  Roma^  roniansit,  cui  papa  Nolanam  dédit 
Lcck'siam  Epist.  xvn;.  »  La  lettre  de  Sim[)lice 
à  .\cacius.  [lalriarche  de  Constantinople,  fait 
foi  que  le  synode  d'Egypte  lui  avait  de- 
mandé la  confirmation  de  Jean  Tala'ia,  dès 
qu'il  eut  été  élu  :  u  Ut  quod  catholicus  in  de- 
functi  ministerium  succcssisset  autistes,  apo- 
stolicœ  quoque  moderatioais  assensu  votivam 
sumeret  firmitatem.  »  Le  pape  Félix  témoigne 
dans  une  de  ses  lettres  qu'il  n'avait  pu  refu- 
ser l'appel  de  Jean  Talaïa,  qui  s'autorisait  de 
l'exemple  de  son  prédécesseur  Athanase  :  «  Li- 
bellum  nobis,  quemdecessorinostro  paraverat, 
ingessit.  Quem  morem  majoris  sui  beatae  me- 
mori;T?  .\tlianasii  exomplo,  et  priorum  nostro- 
rum,  non  potuimus  refufare  ^Baron.  An.  48-2, 
n.  U  ;  483,  n.  46).  » 

Ce  fut  ce  vigoureux  pape  qui  prononça  la 
même  année  une  sentence  de  déposition  contre 
Pierre  le  Foullon,  ce  détestable  profanateur 
du  siège  d'Antioche,  et  qui  l'année  d'après 
frappa  de  même  le  lâche  patriarche  de  Cons- 
tantinople Acacius,  lequel,  par  une  même  cri- 
minelle complaisance,  avait  secrètement  favo- 
risé et  même  admis  à  sa  communion  tous  les 
sacrilèges  usurpateurs  des  Eghses  patriarcales 
de  rOrient. 

Le  pape  Gélase  réforma  dans  une  de  ses  let- 
tres, en  l'an  493.  toutes  ces  dèiiositions  des 
patriarches  orientaux,  et  quelques  autres  que 
nous  avons  omises  :  «  In  hac  ipsa  causa  Ti- 
molheus  .\lexandrinus.  et  Petrus  Antiochenus, 
Petrus,  Paulus  et  Joannes,  etcaeteri,  non  solum 
uaus,  sed  plures  utique  nomen  sacerdotii  prae- 
ferentes,  sola  Sedis  apostolicœ  sunt  autoritate 
dejecti.  Ciijns  rei  testis  etiani  ipse  docetur  Aca- 
cius, qui  praeceptioiiis  hujus  exslitit  executor. 
Hoc  igitur  modo  recidens  in  consortium  dam- 
natorum  est  danuiatus  .\cacius,  etc.  » 

Les  défenseurs  d'.\cacius  prétendant  que  les 
papes  n'avaient  pu  le  condamner  que  dans  un 
synode,  c'est-à-dire,  dans  un  concile  général  , 
le  même  pape  Gélase  leur  fit  voir  que  le  Saint- 
Siège  avait  rétabli  Athanase  d'Alexandrie,  Chry- 
sostome  et  Flavien  de  Constantinople,  par  le 
seul  refus  ([u'il  avait  faitde consentir  au  synode 
qui  les  avait  déposés  :  «  Sedes  apostolica  sola, 
quia  non  consensit,  absolvit  (Epist.  xiii).  » 

XIV.  Il  résulte  de  ce  qui  a  été  dit  que  la  pré- 
rogative du  premier  patriarche  sur  les  autres 
ne  consiste  pas  seulement  dans  l'étendue  de 
son  ressort,  avant  eu  tout  l'Occident  dans  sa  dé- 


56 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  NEUVIÈME. 


pendance,  au  lieu  que  l'Orient  était  partagé  en 
cini]  diocèses  et  en  autant  de  patriarcats. 
D'où  vient  que  le  concile  d'Arles  écrivait  au 
pape  Sylvestre,  en  314:  «  Tu  qui  majores  diœ- 
ceses  tenes.  »  Mais  qu'elle  consiste  principale- 
ment dans  la  juridiction  qu'il  a  toujours  exer- 
cée sur  les  autres  patriarches,  par  la  seule 
nécessité  d'édifier  et  de  secourir  l'Eglise  dans 
ses  besoins,  selon  les  diverses  conjonctures  que 
la  Providence  faisait  naître.  J'ajouterai  ici  au 
sujet  de  cette  vaste  étendue  du  patriarcat  de 
Rome,  que  ce  fut  vraisemblablement  cette 
multitude  de  grandes  diocèses  qui  y  étaient 
comprises,  qui  fit  que  les  papes  se  réservaient 
seulement  les  ordinations  desévêques  de  l'Italie 
et  des  îles  voisines;  c'est  ce  que  Ruffm  a[)- 

(1)  Dans  Vannuaire  romain  de  1864,  on  lit  ce  qui  suit  au  chapitre 
de  !a  hiérarchie  catholique  ;  u  Rome,  —  dont  l'évéque  est  —  vicaire 
<i  de  Jésus-Chnst,  —  successeur  du  prince  des  apôtres,  —  souverain 
"  pontife  de  TKglise  universelle,  —  Patriarche  de  t'Occidejit^  — 
•1  primat   d'Italie,   archevêque  et  métropolitain   de    la   province   ro- 


pelle  les  provinces  suburbicaires  ;  au  lieu  que 
les  patriarches  d'Alexandrie  et  d'Antioche  or- 
donnaient tous  les  évèques  et  tous  les  métro- 
politains de  leur  ressort.  Chacun  de  ces  deux 
patriarches  n'avait  qu'un  diocèse  ;  le  pape  en 
avait  lui  seul  plusieurs  ;  et  si  le  diocèse  d'Orient 
comprenait  quinze  provinces ,  ces  provinces 
n'étaient  nullement  comparables  en  étendue 
à  celles  qui  composaient  le  patriarcat  de 
Rome.  Ainsi  il  était  comme  impossible  ([ue 
pendant  les  premiers  siècles  de  persécution, 
avant  le  concile  de  Nicée,  les  ordinations  de 
tous  les  métropolitains  et  de  tous  les  évè- 
ques d'Afrique,  d'Espagne,  des  Gaules,  et  des 
autres  diocèses  éloignées  eussent  été  réservées 
au  pape(l). 

Il  maine,  —  souverain  des  domaines  temporels  de  la  sainte  Eglise 
u  romaine.  "  Ce  document  officiel  nous  montre  que  le  titre  de  pa- 
iriarche  de  l'Occident  n'est  pas  du  tout  tombé  en  dcsuétuile. 

(Dr  ANDRE.) 


CHAPITRE  NEUVIÈME. 

DES    PATRIARCHES    ANCIENS    DE     ROME  ,    d' ALEXANDRIE  ,    d'ANTIOCHE  ,    DE    JÉRUSALEM    ET     DE   CONSTAN- 
TINOPLE.  LES   POUVOIRS  ET  LES  PRIVILÈGES  DES  PATRIARCHES    AUX    SIX,  SEPT  ET  HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  Les  trois  patriarches  anciens,  selon  saint  Grégoire,  étaient 
assis  sur  un  seul  tn'me  apostolique,  comme  successeurs  du 
siège  de  saint  Pierre. 

IL  Les  trois  sièges  n'en  faisaient  qu'un,  et  les  trois  patriar- 
ches n'étaient  qu'un  seul  patriarche  avec  saint  Pierre,  et  avec 
Jésus-Christ. 

m. -IV.  Cela  se  peut  dire  en  quelque  sens  de  tous  les  évè- 
ques, et  de  là  on  voit  quelle  sujétion  ce  pape  pouvait  exiger 
d'eux. 

V. -VI. -VII.  Conciliations  admirables,  selon  ce  pape,  de  l'éga- 
lité qui  est  entre  les  hommes,  et  de  la  supériorité  des  puissances 
diviufmput  établies. 

VIII. -IX. -X.  Pouvoirs  et  privilèges  communs  à  tous  les  pa- 
triarches. L'unité  de  l'Eglise.  Lettres  de  communion.  Diptyques. 

XL  Les  importantes  alTaircs  leur  étaient  réservées. 

XII.  Ils  ordimnaicnt  les  métropolitains,  quelquefois  les  évo- 
ques mêmes  de  leur  ressort. 

XIII.  Ils  jugeaient  les  métropoUtains.  Le  titre  d'oecuménique 
ne  lut  dooné  que  dans  ces  occasions. 

XIV.-XV.  Ils  assemblaient  les  conciles,  et  donnaient  des  pri- 
vilèges aux  moines. 

I.  Les  patriarches  anciens  furent  toujours 
considérés  i)ar  le  saint  pape  Grégoire  comme 
les  successeurs  du  Siège  de  Pierre,  comme 
assis  dans  le  Siège  apostolique,  et  connue  pos- 
sédant un  même  trône  avec  celui  qui  est  le 
principal  héritier  de  la  plénitude  d'autorité  et 


de  puissance  que  J.-C.  communiqua  à  saint 
Pierre.  Les  sièges  de  Rome  et  d'Alexandrie,  de 
Pierre  et  de  Marc,  du  Maître  et  du  disciple,  ne 
sont  qu'un  seul  siège  apostolique ,  comme  ce 
grand  pape  écrit  à  Euloge,  évoque  d'Alexan- 
drie, y  Sicut  omnibus  liquet,  ([uod  beatus 
evangelista  Marcus  a  sancto  Petro  apostolo 
magistro  suo  Alexandriam  sit  transmissus,  sic 
luijus  nos  magistri  et  disci|)uli  unitate  con- 
stiingimur;  ut  et  ego  sedi  discipuli  prœsidere 
videar  propter  magistrum,  et  vos  sedi  magistri 
propter  tliscipulum  (Liv.  v,  ep.  lx).  » 

II.  Le  Fils  de  Dieu,  établissant  son  Eglise 
dans  l'unité,  lui  donna  un  chef,  et  par  une 
admirable  disposition  de  son  ineffable  sagesse, 
il  voulut  que  ce  chef  présidât  aux  sièges  des 
trois  villes  royales  du  monde ,  et  qu'il  consa- 
crât plus  particulièrement  par  un  plus  long 
séjour,  et  par  sa  propre  mort,  le  siège  épis- 
copal  de  la  capitale  de  l'empire,  afin  <|ue  ces 
trois  sièges  fussent  liés  par  une  unité  indisso- 
luble, et  conservassent  toutes  les  Eglises  dans 


DES  PATRIARCHES  DE  ROME,  D'ALEX.,  D'ANT..  DE  JÉRUS.  ET  DE  CONST. 


une  union  étroite  avec  leur  chef  divinement 
établi,  pour  être  le  centre  de  leur  unité.  Ce 
sont  les  sentiments  de  ce  même  pape,  écrivant 
au  même  Euloge,  qui  l'avait  entretenu  des 
éniinences  du  siège  de  Pierre  à  Rome.  Ce  pape 
fait  entrer  les  autres  patriarches  dans  la  parti- 
cipation de  cette  suprême  dignité  de  la  chaire 
de  saint  Pierre,  afin  que  les  trois  sièges  n'en 
soient  qu'un,  les  trois  patriarches  ne  fassent 
qu'un  patriarche,  les  trois  héritiers  de  Pierre 
ne  soient  qu'un  même  pasteur  souverain  avec 
Pierre  et  avec  J.-C. 

«  Ille  milii  de  Pelri  cathedra  locutus  est.  qui 
Pétri  cathedram  tenet.  Petro  dicitur  :  Tibi 
daho  claves  regni  cœlorum  ;  confirma  fratres 
tuos ,  pasce  oves  meas.  Itaque  cum  multi  sint 
apostoli,  jtro  ipso  tamen  principatu,  sola  apo- 
stolorum  principis  sedes  in  autoritate  convaluit, 
qutC  in  tribus  locis  unius  est.  Ipse  enim  siibli- 
mavit  sedœ  in  qua  etiam  quiescere.  et  prœsen- 
tem  vitam  flnire  dignatus  est.  Ipse  decoravit 
sedem  in  qua  evangelistam  discipulum  mi- 
sit.  Ipse  flrmavit  sedem ,  in  ijua  septem  annis 
quasi  discessurus  sedit.  Cum  ergo  unius,  at- 
que  una  sit  sedes,  cui  ex  autoritate  divina  très 
nunc  episcopi  praesident  :  quid  ego  de  vobis 
boniaudio,  hoc  mihi  imputo.  Si  quid  de  me 
boni  creditis,  hoc  vestris  meritisimputate,  quia 
in  illo  unum  sumus,  qui  ait  :  Ut  omnes  unum 
sint  sicut  et  tu  Pater  in  me ,  et  ego  in  te  ,  ut  et 
ipsi  ia  nobis  uuum  sint  (Lib.  vi,  ep.  xxxvu  ; 
lib.  vin,  ep.  xxxv,  xlii)  (1).  » 

111.  On  peut  bien  juger  après  cela  quelle 
sujétion  ce  pape  pouvait  exiger  des  autres 
patriarches,  qu'il  regardait  comme  assis  dans 
son  même  trône,  et  ses  cohéritiers  dans  la  suc- 
cession de  Pierre.  Aussi  il  ne  put  endurer 
qu'Euloge  d'Alexandrie  l'appelât  pape  uni- 
versel, ni  qu'il  crût  avoir  reçu  de  lui  quelque 
commandement  :  protestant  que  sa  primauté, 
qui  lui  donnait  droit  d'avertir  ses  frères,  ne  lui 
permettait  pas  de  leur  commander  :  «  Quod 
verbum  jussionis  peto  a  meo  auditu  removete, 
quia  scio  quis  sum,  qui  estis.  Loco  enim  mihi 
fratres  estis,  moribus  Patres.  Non  ergo  jussi, 


sedquœutiliavisasunt,  indicare  curavi  (L.  vu. 
ep.  xxx).  » 

IV.  Ce  saint  et  humble  pape  en  usa  de  la 
même  manière  avec  tous  les  évèques,  qu'il  re- 
garda comme  ses  égaux,  pendant  que  leur  con- 
duite était  irréprochable,  et  à  qui  il  ne  fit  sentir 
le  poiils  de  son  autorité  que  dans  les  rencontres 
où  leurs  iautes  les  soumirent  aux  justes  répri- 
mandes de  leur  supérieur.  «Nam  quod  se  dicit 
Bizacenus  primas  apostolicœ  Sedi  subjici.  si 
qua  culpa  in  episcoi)is  inveaitur,  nescio  quis 
ei  episcopus  subjectus  non  sit.  Cum  vero  culpa 
non  exigit,  omnes  secundum  rationem  humi- 
litatis  œquales  sunt  [L.  vu,  ep.  lxv).  » 

V.  Jean  Diacre,  qui  a  composé  la  vie  de  ce 
grand  pape,  remarque  excellemment  que  cette 
humble  modestie  de  saint  Grégoire,  et  cette 
modeste  égalité  dont  il  a  fait  gloire  avec  tous 
les  évèques,  au  lieu  d'avilir  sa  suprême  auto- 
rité, l'a  au  contraire  rehaussée.  «  Autoritateai 
([uorumlibet  summorum  pontificumGregorius 
autoritatis  sueb  magnitudine  nuUo  modo  nii- 
nebat,  quin  potins  multipliciter  roborabat.  Et 
quamvis  inter  culpabiles  autoritatem  sui  jirio- 
ratus  agnosceret ,  tamen  inter  iusontes  epi- 
scopos  se  praebebat  prorsus  aequalem  i^L.  iv, 
c.  29).  » 

L'humilité,  la  modestie,  l'égalité,  la  douceur, 
sont  la  gloire  et  le  véritable  affermissement 
dun  empire  légitime,  comme  les  vices  con- 
traires en  sont  la  ruine  après  en  avoir  été  le 
déshonneur.  Les  fautes  des  inférieurs  ne  font 
pas  naître  une  nouvelle  juridiction  dans  leur 
supérieur.  Mais  elles  font  éclater  celle  ijui  y 
était,  et  forcent  la  justice  de  l'emporter  sur  la 
modestie. 

VI.  Ce  même  auteur  prouve  admirable- 
ment par  le  même  saint  Grégoire  que  cette 
règle  embrasse  également  tous  les  empires  et 
toutes  les  juridictions  des  hommes  sur  les 
autres  hommes,  c'est-à-dire  sur  leurs  ég^aux. 
Car  cette  inégalité  qui  distingue  si  étrangement 
les  hommes,  et  qui  élève  les  uns  si  fort  au- 
dessus  des  autres,  ne  vient  pas  de  la  natuie.  qui 
la  est  même,  mais  de  l'institution  divine  et  de  la 


(1)  C'est  comme  preuve  matérielle  de  cette  idée  qu'il  y  a  à  Rome 
ce  qu'on  appelle  les  églises  patriarcales  avec  une  ptéémijjence  bore 
ligne  et  des  privilèges  particuliers.  Elles  ne  furent  d'abord  que  trois, 
savoir,  saint  Jean  de  Latran,  pour  le  patriarche  d'Occident,  l'évéque 
de  Rome  ;  saint  Paul,  pour  le  patriarche  d'Alexandrie  ;  sainte  Marie 
Majeure,  pour  celui  d'Antioche,  qui  étaient  les  trois  églises  fondées 
par  saint  Pierre.  Au  ive  siècle  la  basilique  de  Saint-Pierre  devint  la 
patriarcale  du  patriarche  de  Constanlioople,  et  Saint-Laurent-hors- 
des-Murs  celle  du  patriarche  de  Jérusalem.  Elles  portent  encore 
aujourd'hui  le    titre  et  les  honneurs  de    patriarcales.  Le    cardinal 


Rasponi  dans  son  savant  ouvrage  de  basiUea  et  patriarchio  Latera- 
nensi,  nous  donne  la  raison  de  ces  titres  :  Ita  fiebat  ^  dit-U,  ut  quo- 
ties  hos  patriarchas,  vel  ad  generalia  concilia ,  vel  ad  alla  chri- 
stianœ  religionis  seu  propriarum  Ecclesiarum  negotia  obeunda  ad 
Vrbeni  se  cùnferre^  in  eaque  morari  contingeret,  suas  quisque  œdes 
suamque  ecclesiam^  quasi  propriam  sedeni^  ac  in  sua  quodammodo 
provincia  positam  haberet;  qua  ex  re  incredibite  dictu  est  quantum 
dignitatis  atque  ornamenti  ad  Romanam  Ecclesiam  pervenirety  quœ 
speciem  ea  ratione  vere  gubernantis  omnia,  et  orbi  chrisliano  uni- 
verso  prcesidentis  pulcherrimim  referebat.  (Dr  André.) 


38 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  NEUVIÈME. 


miséricordieuse  providence  du  médecin  céleste, 
qui  s'en  sert  pour  faire  régner  sajustice  toute- 
puissante  sur  la  terre,  et  pour  remédier  aux 
désordres  du  péché.  Ainsi  ce  n'est  que  le  péché 
qui  doit  faire  éclater  les  marques  de  la  supé- 
riorité, qui  a  été  divinement  établie  pour  ré- 
parer ses  désordres. 

«IdemGregorius,  inlibro  regulaepastoralis  : 
liquet,  inquit,  quod  omnes  homines  natura 
aequalesgenuit,scd,  variante  meritorumordine, 
alios  aliis  culpa  postjHHiif.  Ipsa  autcm  diversi- 
tas,  quae  accessit  ex  Nitio,  diviiio  judicio  dis- 
pensatur  ;  ut  quia  onmis  homo  a^(iue  stare  non 
valet,  aller  regatur  ab  altero.  Unde  omnes  (jui 
prœsimt,  non  in  se  dchent  pofestalem  ordinis, 
sed  aequalitatem  pensare  conditionis  :  nec 
prœesse  sehominihusgaudeant,  sed  prodesse.» 
Et  dans  la  suite  :  "  Quia  contra  naturam  super- 
bire  est,  ab  aMpiali  velle  tinieri.  El  tamen 
necesse  est  ut  rectores  h  subditis  timeanlur, 
(juando  ab  eis  Deum  minime  timeri  depreiien- 
dunt  (Ibidem).  » 

Si  saint  Pierre,  qui  ne  put  souffrir  les  hon- 
neurs que  lui  faisait  Corneille,  donna  des  mar- 
(jucs  etlroyables  de  sa  puissance  à  Ananias  et  à 
Saphire,  c'est  que  celui-là  était  innocent,  et 
ceux-ci  étaient  coupables.  «  Summum  se  intra 
Ecclesiain  contra  ])eccata  recoluit,  quod  coram 
bene  agcntibus  fralribus  non  agnovit.  Illic 
quippe  conununionem  cpqualitatis  meruit  san- 
ctitas  aciionis,  liic  zelus  ultionis  jus  aperuit 
potestalis.  » 

Enfin  saint  Paul  nous  assure  que  la  loi  n'est 
pas  pour  les  justes,  qui  sont  eux-mêmes  leur 
loi,  parce  qu'ils  la  portent  écrite  dans  le  [ilus 
profond  de  leur  cœur.  M.iis  cette  loi  divine  et 
humaine  prépare  et  fait  déjà  quelquefois  sentir 
aux  niéciiants  les  sanglantes  marques  de  l'au- 
torité suiMènic  (pii  règne  dans  l'univers. 

VII.  Voilà  la  vraie  idée  et  le  vrai  caractère 
de  l'empire  et  de  la  Juridiction  ecclésiasticpie, 
qui  n'a  jamais  brillé  avec  plus  de  gloire  ni 
avec  plus  d'étendue  que  dans  le  pontificat  du 
pape  Grégoire,  |)arce  qu'elle  n'a  jamais  été 
accompagnée  d'une  modestie  plus  sincère,  ni 
d'une  humilité  plus  proldiide.  Disons  main- 
tenant quelque  chose  des  pouvoirs  et  des  obli- 
gations, ou  des  fonctions  des  patriarches. 

VIII.  Outre  l'unité  de  l'Eglise,  dont  leur  con- 
corde était  connue  le  fondement,  ainsi  que 
nous  venons  de  voir,  leur  conspiration  pour  la 
doctrine  orthodoxe  était  sans  dout<'  un  grand 
allermissement  l'our  la  foi  de  l'Eglise  univer- 


selle. Ce  qui  fait  dire  à  Justinien  :  «  In  sacro- 
sancta  Ecclesia  communicare,  in  qua  omnes 
beatissiniipatriarchœunaconspiratione  et  con- 
cordia  fidem  rectissimam  praedicant  (Novell, 
cxv,  c.  3,§4).  » 

IX.  Ils  s'entr'écrivaient  des  lettres  de  commu- 
nion les  uns  aux  autres,  aussitôt  après  leur 
])ron)otion.  C'est  ce  (}ue  nous  apprend  saint 
(irégoire  :  «  Hinc  est  enim,  ut  quoties  in  (jua- 
luor  prœcipuis  sedibus  antistites  ordinantur, 
synodales  sibi  epistolas  vicissim  mittant,  in 
quihus  se  sanctam  Chalcedonensem  synodum 
cum  aliis  geueralibus  synodis  custodire  fateau- 
tur  (L.  vu,  epist.  liv).  » 

X.  Ils  récitaient  réciproquement  leurs  noms 
dans  les  diptyques  sacrés  ,  pendant  qu'ils 
étaient  unis  par  les  liens  d'une  même  foi 
et  d'une  même  communion.  ,Iean  Diacre  le 
fait  voir  jiar  les  lettres  de  saint  Grégoire,  et  il 
ajoute  que  de  son  temps  les  patriarches  orien- 
taux nommaient  dans  leurs  dijityques  les 
patriarches  précédents  des  autres  sièges,  quoi- 
que déjà  morts ,  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  reçu 
de  leurs  successeurs  les  lettres  de  communion 
avec  une  confession  de  foi.  «  lia  orientales 
praccipue  relinent  usque  jjactenus  sedes,  ut  in 
suis  di[)tychis  nullius  jiontificis  notnen  descri- 
bant,  quousque  synodicam  ipsius  suscipiant  ; 
et  taudiu  dcfunctum  pontificem  inter  viventes 
annumerent,  quandiu  successor  iilius  suas 
lifteras  studuerit  destinare  (L.  iv,  c.  23).  »  C'a 
été  le  sujet  d'une  infinité  de  contestations  dans 
les  Eglises,  où  on  a  ôté  et  remis  dans  les  dipty- 
ques les  noms  des  patriarches, 

XI.  Toutes  les  importantes  affaires  de  l'Eglise 
ne  ])Ouvaient  se  terminer  (ju'ils  n'y  concou- 
russent, suilout  dans  les  conciles  œcuméni- 
(pics,  où  ils  étaient  toujours  ap|)elés,  et  oh  ils 
se  trouvaient  au  moins  |)ar  leurs  légats.  Ce 
sont  les  suites  naturelles  de  la  qualité  de  siège 
apostolicpie  qui  leur  appartient,  au  moins  aux 
trois  anciens  patriarches.  Celui  de  Jérusalem  a 
été  |)remièrcnH'nt  honoré  de  la  persoiuie  d'un 
apôtre.  Il  n'y  a  que  celui  de  Constantinople, 
auijuel  toute  la  majesté  de  l'empire  n'a  pu 
donner  ce  divin  éclat  que  les  autres  ont  reçu 
de  la  personne  de  ces  célestes  pêcheurs,  au 
tombeau  desquels  les  empereurs  mêmes  ont 
tenu  à  honneur  de  se  prosterner.  Le  pape  Léon 
le  disait  de  fort  bonne  grâce  à  l'empereur 
Marcien  :  «  Non  dedignetur  Anatolius  regiam 
civitatem,  (juam  apostolicam  non  i)otest  facere 
sedem  (Epist.  liv).  » 


DES  PATRIARCHES  DE  ROME.  D'ALEX..  DANT..  DE  JÉRUS.  ET  DE  CONST.   :,'.) 


Les  évèques  du  concile  de  Calcédoine,  dans 
leur  lettre  synodale  au  même  pape  Léon, 
l'avaient  conjuré  avec  toutes  les  instances  pos- 
sibles d'agréer  le  pouvoir  patriarcal  qu'ils 
avaient  accordé  à  l'évêque  de  Constanlino[)k' 
sur  les  trois  grandes  diocèses  et  sur  les  métro- 
politains d'Asie,  de  Pont  et  de  Tbrace;  et  de 
répandre  sur  ce  siège  de  la  ville  royale  un 
rayon  de  la  plénilutle  de  l'apostolat,  qui  réside 
comme  dans  son  origine  dans  le  siège  romain. 
«  Confidentes  quia  lucente  apud  vos  apostolico 
radio ,  et  usque  ad  Constantinopolitanorum 
Ecclesiam  illum sfiargentes,  huncsa?piusexpan- 
distis.  eo  quod  absque  invidia  consueveritis 
vestrorum  bonorum  parlicipatioue  ditare  do- 
mesticos.  »  Les  papes  suivants  accordèrent  ce 
que  le  pape  Léon  refusa,  et  il  a  bien  paru  que 
saint  Grégoire  était  déjà  accoutumé  de  traiter 
révêque  de  Constantinople  de  la  même  manière 
que  les  autres  patriarches. 

XII.  Revenons  aux  pouvoirs  des  patriarches, 
et  disons  qu'ils  ordonnaient  ou  par  eux-mêmes, 
ou  par  leurs  délégués,  tous  les  métropolitains 
de  leur  ressort.  Le  concile  de  Nicée  nous  ap- 
prend que  l'évêque  d'Alexandrie  ordonnait 
même  tous  les  évèques  de  son  patriarcat. 
Celui  de  Constantinople  extorqua  enfin  des 
papes  un  consentement  tacite  de  jouir  du  droit 
que  le  concile  de  Calcédoine  lui  avait  donné, 
d'ordonner  les  métropolitains  des  diocèses 
d'Asie,  de  Pont  et  de  Tbrace.  Ce  même  concile 
lui  avait  permis  de  donner  aussi  des  évèques 
aux  barbares  nouvellement  convertis  au  nord 
de  Constantmople,  c'est-à-dire,  aux  Alains  et 
aux  Russes,  comme  l'explique  R.dsamon.  Le 
patriarche  d'Antioclie,  celui  de  Jérusalem  et  le 
pape,  ordonnaient  aussi  pkuieurs  évèques, 
outre  ceux  de  leur  métropole,  comme  l'histoire 
ecclésiastique  le  fait  voir,  et  comme  nous  avons 
déjà  dit  ci-devant.  Xous  en  parlerons  encore 
plus  bas,  quand  nous  traiterons  de  l'ordination 
et  de  la  confirmalion  des  évèques  élus  par  leurs 
métropolitains,  primats  et  patriarches. 

XUI.  Les  métropolitains  ne  pouvaient  être 
jugés  que  par  les  patriarches  ou  primats  : 
les  évèques  appelaient  du  jugement  des  métro- 
politains à  celui  des  i)riniatsou  des  patriarches  : 
les  prêtres  même  et  les  simples  clercs  pouvaient 
porter  leur  cause  ou  leur  appel  jusqu'au 
patriarche,  comme  il  est  aisé  de  voir  dans  la 


Novelle  de  Justinien  et  dans  l'histoire  de 
l'Eglise  (Novell,  cxxni,  c.  10,  2:3  .  Ilya  de  l'ap- 
parence qu'on  conmienya  de  donner  le  titre 
de  j)atriarche  «  œcuméni(|ue  »  à  Dioscore 
d'Alexandrie.  lorsi[u'il  jugea  Flavien.i)atriarche 
de  Constantinople  ;  an  pape  Léon,  lorsqu'il  dé- 
posa Dioscore  dans  le  concile  de  Calcédoine  ; 
au  pape  Agajiet,  quand  il  détrôna  Antime  du 
siège  de  Constantinople  ;  à  Jean  et  à  .Menas  de 
Constantinople,  quand,  de  l'aveu  tacite  des 
papes,  ils  usèrent  du  pouvoir  de  juger  les 
primats  ou  les  petits  patriarches  de  l'Asie,  de 
la  Thrace  et  du  Pont  ;  enfin  à  Jean  le  Jeûneur, 
quand  il  jugea  la  cause  de  Grégoire,  patriarche 
d'Antioche.  Car  dans  toutes  ces  rencontres,  un 
patriarche  devenant  le  juge  des  autres  pa- 
triarches semblait  s'élever  au-dessus  de  la 
qualité  de  patriarche  particulier,  et  mériter  un 
titre  qui  eût  rapport  à  l'autorité  universelle 
qu'il  exerçait.  .Mais  comme  il  n'y  a  eu  que  le 
[)ape  qui  ait  exercé  cette  autorité  sur  les  pa- 
triarches, et  sur  tous  les  patriarches  avec  un 
droit  incontestable  ,  on  peut  aussi  dire  qu'on 
n'a  pu  donner  qu'à  lui  la  qualité  «  d'oecumé- 
nique. »  Saint  Grégoire  nous  montre  dans  ses 
lettres  que  Jean,  prêtre  de  Calcédoine,  qui 
avait  été  condamné  comme  hérétique  par  les 
juges  que  le  patriarche  de  Constantinople  avait 
commis  pour  cela,  en  ayant  appelé  au  Saint- 
Siège,  il  jugea  lui-même  de  cet  appel  dans  un 
concile  romain,  cassa  la  sentence  donnée  contre 
ce  prêtre  et  le  déclara  catholique  (L.  v,  epist. 
CLVui,  16.  24). 

XIV.  Les  patriarches  assemblaient  des  con- 
ciles de  toute  l'étendue  de  leur  ressort,  y 
jugeaient  les  grandes  causes,  et  y  faisaient  des 
statuts  et  des  lois.  Le  Droit  Oriental  donné  au 
public  par  Leunclavius  nous  fait  voir  une  in- 
finité de  ces  lois  ;  et  toute  l'histoire  ecclésias- 
tique fournit  un  grand  nombre  d'exemples  de 
conciles  assemblés  par  les  patriarches. 

XV.  Je  pourrais  encore  parler  du  droit  des 
patriarches  sur  les  monastères  de  leur  vaste 
ressort  ;  mais  il  vaut  mieux  le  réserver,  aussi 
bien  que  quelques  autres,  à  des  lieux  plus 
propres,  dans  la  suite  de  cet  ouvrage,  où  nous 
donnerons  aussi  un  peu  plus  de  jour  et  plus 
d'étendue  à  ce  que  nous  n'avons  ici  touché 
(juen  passant. 


60 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE   DIXIÈME. 


CHAPITRE  DIXIÈME. 


DU    PATRIARCHE    DE    CONSTANTINOPLE    PENDANT   LES   CINQ    PREMIERS   SIECLES. 


I.  Accroissement  prodigieux  de  l'évêque  de  Constantinople 
ilopuis  la  Iranslation  du  siège  de  l'empire  à  CoDStmliiiople. 

il.  Le  concile  l"  de  Constantinople  lui  donne  le  premier 
rang  après  le  pape.  Ce  décret  ne  fut  point  reçu  dans  l'Occi- 
dent. 

III.  Les  évê(iucs  de  Constanlinople  étendirent  ce  privilège 
iniléterrainé  à  tout  ce  qu'ils  voulurent. 

IV.  Esemples  des  entreprises  de  Nectarius,  évêque  de  Cons- 
tanlinople, sur  les  autres  exarques. 

V.  iraint  Chrysostome  continue  les  mômes  entreprises  par  un 
principe  de  charité  et  dans  la  nécessité  de  secourir  l'Eglise. 
Les  évèqucs  recouraient  de  tous  cùtés  à  l'empereur,  qui  ren- 
voyait leurs  causes  à  l'évêque  de  Constantinople. 

VI.  Entreprises  d'Atticus. 

VU.  De  Sisinnius  et  de  Proclus. 

VIII.  La  plupart  de  ces  entreprises  se  faisaient  sur  les  exar- 
ques de  Thrace,  d'Asie  et  do  Pont,  comme  plus  voisins  et  plus 
faibles. 

IX.  Entreprises  de  Flavien  sur  le  patriarche  d'Antioche. 

X.  Entreprises  d'Anatoluis  sur  le  même  patriarche. 

XI.  Entreprises  plus  ordinaires  sur  la  diocèse  d'Ephèse. 

XU.  Etat  des  choses  disposé  pour  faire  réussir  l'ambition  des 
èvèqnes  de  Constantinople  dans  le  concile  de  Calcédoine. 
Deux  canons  lui  donnent  l'alternative  ou  la  prévention  dans  les 
autres  exarchats. 

XIII.  Le  canon  xxviii  de  ce  concile  lui  soumet  les  trois 
petits  patriarcats. 

XIV.  Les  légats  du  Saint-Siège  s'y  opposent. 

XV.  Le  concile  en  demande  la  confirination  au  pape. 

XVI.  11  la  refuse.  Ses  raisons. 

XVII.  L'empereur  et  le  patriarche  de  Constantinople  cèdent 
aux  raisons  du  pape. 

XVIII.  Preuves  que  les  évêques  de  Constantinople  se  sont 
abstenus  ensuite  des  avantages  usurpés  dans  le  concile  de  Cal- 
cédoine. 

XIX.  Ils  en  conservèrent  néanmoins  quelques-uns  fort  consi- 
dérables, 

XX.  On  ne  s'est  plus  opposé  à  leur  titre  de  patriarche,  mais 
leur  droit  même  sur  les  trois  petits  exarchats  lui  a  été  con- 
testé. 

I.  L'évêque  de  Byzancc  ou  de  Consfantinoiile 
n'avait  été  originairement  qu'un  suilrajAant  dti 
métropolitain  d'HéracIée,  en  Thrace,  comme  le 
|i,i|h;  C.élase  le  reprochait  fortjustemenl  à  l'om- 
liilieux  Acacius  :  «  An  Sedem  a])ostoiicam  con- 
;;ruehat,  Parœciœ  Heracliensis  Ecclesiœ,  id  est 
Constantinopolitani  pontilicis  judicium  ex- 
peclure  (Epist.  xm).  »  La  translation  du  siège 
impérial  et  la  (jualilé  de  la  nouvelle  Rome 
dimnèrent  à  cette  ville  et  à  FEj^lise  même  de 
(■.ciiislaniiiiople  une  considération  et  une  émi- 
nence  toutes  particulières.  Le  concile  I"  de 
(Constantinople  donna  au  prélat  de  la  ville 
impériale    le    premier  rang   après    l'évêque 


de  l'ancienne  Rome  (Can.  ni)  :  «  Conslan- 
tiuopolitanus  episcopus  habeat  primatus  hono- 
rem,  Ta -ptafiEix  TTi;  Tiu.Tiî,  post  Romauum  episco- 
pum,  eo  quod  sit  nova  Ronia.  »  Le  concile  de 
Nicée  avait  donné  à  l'évêque  de  Jérusalem  le 
même  privilège,  i)resque  en  mêmes  termes, 
sans  le  soustraire  de  la  juridiction  du  niétro- 
])olitain  de  Césarée  :  «  Habeat  consequentiam 
honoris,   salva  metropolis  propria  dignitale, 

£/_=T(u  — f.v  ày.'/(w6iav  rf.i  z:ij.r,ç  (Can.   VU).  » 

Ce  ne  fut  donc  aussi  qu'un  rang  et  une  |)ré- 
séance  honorable  que  le  concile  de  Constanti- 
nople attribua  k  Tévêiiue  de  la  ville  impériale, 
sans  lui  doiuier  même  la  qualité  de  métropo- 
litain, bien  loin  de  le  placer  entre  les  exarques 
ou  les  patriarches.  Car,  dans  tous  les  monu- 
ments publics,  l'évêque  d'HéracIée  parait  tou- 
jours depuis  avec  sa  qualité  de  métropolitain. 
Et  (juant  à  l'institution  des  exarques,  le  même 
concile  de  Constantinople  avait  partagé  tout 
l'Orient  en  cinq  grandes  diocèses  dans 
un  canon  précédent,  et  les  avait  assignées  à 
cin(|  exarques  ou  i)atriarches.  Ces  diocèses 
étaitiit  l'Egypte,  l'Orient,  l'Asie,  le  Pont,  la 
Thrace  ;  les  exarques  étaient  les  évêques 
d'Alexandrie,  d'Antioche,  d'Ephèse,  de  Césarée 
en  Cappadoce,  et  d'HéracIée. 

IL  Je  ne  m'amuserai  pas  à  distinguer  non- 
seulement  deux  assemblées,  mais  deux  conciles 
de  Constantinople  tenus  en  deux  années  con- 
sécutives, dont  l'un  ait  été  un  concile  général, 
et  l'autre  n'ait  été  qu'une  assemblée  particu- 
lière de  laquelle  ce  canon  soit  émané.  Il  est 
constant  que  ce  concile  n'a  été  absolmueiit 
(ju'inie  assemblée  des  évêques  de  l'Orieul,  sans 
aucune  participation  des  Occidentaux  ;  et  ce 
n'a  été  (|ue  le  consenlenient  postérieurdu  (lape 
et  des  Occidentaux,  (|ui  lui  a  donné  le  rang  et 
le  crédit  d'un  concile  oecuménique,  (|uant 
aux  décisions  de  la  foi  ;  car  les  canons  (|ui  y 
furent  faits  ne  furent  point  reçus  dans  l'Occi- 
dent. Le  ]iape  saint  Grégoire  le  dit  en  termes 
formels  :  «  Romaua  Ecclesia  eosdem  canones 
vel  gesta  illius  synodi  hactenusnon  habet,  nec 


Dr  l'AÏKlAHCIIE  \)E  CONSTANTINOPLK 


(-.1 


açcipit.  In  hoc  autt>ni  eaindem  syiiodiini  aicc- 
pit,  (luod  per  eaiii  contra  .Maccdoniuni  detini- 
tum  (Grcgor.  1.  vi,  cpist.  xlxi).  »  Ce  canon  ne 
pouvait  donc  passer  que  pour  un  règlement 
d'un  concile  particulier,  (jui  est  sans  doute  de 
quelque  autorité,  mais  (jui  ne  peut  clianger  le 
rang  et  la  situation  des  membres  principaux 
de  l'Eglise  universelle. 

III.  La  suite  de  l'iiistoire  et  la  conduite  des 
évèques  de  Constautiuople  ont  bien  l'ait  voir 
néanmoins  depuis  ce  temps-là,  que  ces  prélats 
avaient  donné  aux  termes  de  ce  canon  un  sens 
bien  plus  étendu  et  bien  plus  favorable  ou 
aux  entreprises  de  leur  vaste  ambition,  ou  au 
zèle  excusable  de  leur  charité.  Car,  quoique 
rien  ne  soit  effectivement  et  au  fond  plus  con  - 
traire  à  la  cupidité  que  la  charité,  celle-ci  étant 
toujours  humble  et  modeste,  celle-là  toujours 
ambitieuse  et  entreprenante,  néanmoins  il  n'y 
a  rien  de  si  semblable  et  de  si  uniforme  eu  ap- 
parence que  leur  conduite.  La  préséance  d'hon- 
neur n'était  pas  le  seul  avantage  à  quoi  les 
évèques  de  Constantinople  limitèrent  l'intelli- 
gence de  ce  canon  :  ils  se  donnèrent  en  di- 
verses rencontres  une  juridiction  plus  ample 
non-seulement  que  celle  des  métropolitains, 
mais  aussi  que  celle  des  exarques,  en  se  met- 
tant au-dessus  d'eux  tous  et  jugeant  des 
causes  de  toutes  leurs  diocèses  particulières. 

IV.  Nectarius,  qui  lut  fait  évéque  de  Constan- 
tinople dans  ce  concile  même,  estimant  bien 
plus  et  faisant  bien  i)lus  valoir  les  suites  de 
cette  qualité  d'évèque  de  la  nouvelle  Rome 
que  la  préséance  et  le  rang  qu'on  lui  avait  dé- 
cerné, jugea  dans  iin  concile  de  Constanti- 
nople, en  394,  le  différend  entre  Agapins  et 
Gabadius,  compétiteurs  de  l'évèché  de  Bostre, 
en  Arabie,  du  patriarcat  d'Antioche,  prenant 
la  première  place  au-dessus  de  Théophile  d'A- 
lexandrie, de  Flavien  d'Antioche,  de  Helladiùs 
de  Césarée ,  et  de  plusieurs  autres  évèques  qui 
assistèrent  à  ce  concile.  Balsamon  nous  en  a 
conservé  les  actes.  Saint  Ambroise  écrivit  au 
même  Nectarius  de  déposer  Géroutius,  évéque 
de  Nicomédie,  qui  avait  été  autrefois  clerc  de 
l'Eglise  de  Milan,  et  dont  la  conduite  scandali- 
sait alors  toute  l'Eglise.  Nicomédie  était  de  la 
l)ro\ince  de  Bithynie,  et  de  la  diocèse  du  Pont. 
(]ela  est  rapporté  par  Sozomène  iLiv.  vui,  c.  S). 

V'.  Saint  Chrysostome  succéda  à  Nectarius, 
et  le  respect  que  nous  devons  à  une  sainteté  et 
à  un  mérite  si  extraordinaires,  nous  oblige  de 
regarder  comme  autant  de  démarches  d'une 


charité  aiiostoli(|ue  ce  (]ui  ne  passerait  |peut- 
èlre  que  jiour  des  entreprises  et  des  innova- 
tions audacieuses  en  d'autres  évèques.  Ce  saint 
prélat  étant  allé  en  .\sic  y  déposa  non-seule- 
nieut  Gérontius,  ce  que  Nectarius  n'avait  pu 
faire,  mais  encore  seize  autres  évèques  de  la  dio- 
cèse d'Asie,  si  nous  eu  croyons  Théophile,  ar- 
chevêque d'Alexandrie,  dans  les  accusations 
qu'il  forma  contre  ce  saint,  et  qui  sont  rappoi-- 
tées  par  Palladius.  Palladius  ditqu'il  n'en  avait 
déposé  que  six,  Sozomène  en  compte  huit. 
L'ordination  de  ces  prélats  avait  été  simonia- 
que.  C'est  le  crime  dont  on  les  chargeait. 

On  fit  aussi  un  crime  à  saint  Chrysostome 
d'avoir  usurpé  la  juridiction  des  autres  évè- 
ques et  d'avoir  ordonné  des  évèques  hors  de 
son  territoire.  «  Quod  aliorum  invadat  provin- 
cias,  ordinetque  ibidem  episcopos  (Baron.  An. 
403,  n.  19;  Phot.  cod.  lix).  »  Mais  ce  saint  pré- 
lat pouvait  alléguer  pour  sa  justification  que 
vingt-deux  évèques  des  trois  diocèses  de  l'Asie, 
du  Pont  et  de  la  Thrace,  s'étant  trouvés  à 
Constantinople  pour  leurs  affaires  particulières, 
et  y  assistant  au  concile  où  il  présidait,  l'un 
d'eux  lui  avait  présenté  une  requête  contre 
l'évêque  d'Ephèse.  auteur  de  toutes  ces  ordi- 
nations simoniaques  ;  qu'il  avait  député  trois 
évèques  pour  aller  faire  des  informations  ; 
([ue.  l'évêque  d'Ephèse  étant  mort  en  même 
temps,  les  évèques  de  la  province  et  le  clergé 
de  la  ville  d'Ephèse  avaient  député  vers  lui, 
pour  le  conjurer  de  venir  relever  leiu'  Eglise 
de  la  désolation  dont  elle  était  menacée  ;  enfin 
qu  il  u'avait  rien  fait  que  dans  un  concile  des 
évèques  des  provinces  voisines;  et  que  lui- 
même  avait  pu  être  appelé  au  secours  par  ceux 
d'Ephèse,  au  moins  comme  un  évéque  voisin  de 
quelque  autorité,  selon  l'usage  reçu  dans  les 
premiers  siècles,  et  autorisé  par  les  canons. 

Conmie  ces  raisons  peuvent  paraître  suffi- 
santes pour  justifier  la  conduite  de  saint  Chry- 
sostome, aussi  il  faut  avouer  qu'elles  ne  peu- 
vent donner  aucun  solide  fondement  pour 
attribuer  a  l'évêque  de  Constantinople  une  juri- 
diction semblable  dans  les  autres  diocèses.  En 
effet,  Palladius  confesse  lui-même  que  tous  les 
évêi[ues  nouveaux  que  saint  Chrysostome  avait 
ordonnés  à  la  place  des  autres  furent  depuis 
déposés.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  certain  est 
que  la  police  et  la  jurisprudence  des  Orientaux 
n'était  pas  encore  tout  à  fait  parfaite  dans  les 
jugements  ecclésiastiques.  Car  il  est  bien  vrai 
qu'ayant  établi  des  exarques  au-dessus  des  mé- 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


Iropolitains,  ils  avaient  désifiné  un  tribunal  où 
l'on  pouvait  citer  les  métropolitains,  avec  les- 
quels on  était  en  diiïérencl,  et  où  les  causes 
nées  entre  diverses  provinces  pouvaient  se  vi- 
der. Mais  s'il  survenait  un  différend  de  diverses 
diocèses  entre  elles,  ou  des  évêques  et  des  mé- 
tropolitains contre  leur  exarque,  il  n'y  avait 
point  de  juge  réglé  par  leurs  canons.  Us  re- 
tournaient encore  aux  empereurs,  qui  les  ren- 
voyaient ordinairement  à  l'évèque  de  Constan- 
tinople  et  à  l'assemblée  des  évêques  qui  se 
rencontraient  à  Constantinopie,  dont  il  était 
le  président  né. 

Ce  tribunal  extraordinaire  était  fondé  sur  la 
nécessité  inévitable  de  décider  au  moins  par 
cette  voie  des  procès,  qui  autrement  auraient 
été  interminables.  Mais  n'étant  établi  sur  au- 
cune loi  canonique,  il  n'était  pas  encore  si 
bien  appuyé  sur  un  long  usage  qu'on  ne  crût 
jiouvoir  s'en  plaindre,  quand  on  n'y  avait  pas 
reçu  de  satisfaction.  Les  évêques  de  Constanti- 
nopie se  flattaient  volontiers  de  cette  pensée, 
([ue  la  préséance  et  la  qualité  d'évêque  de  la 
nouvelle  Rome,  qui  leur  avait  été  donnée  dans 
le  concile  de  Constantinopie,  convenait  assez 
bien  avec  cette  juridiction  extraordinaire  seu- 
lement, mais  universelle.  En  elfet,  ce  concile 
ayant  expressément  limité  les  évêques  de  cha- 
que exarchat  dans  leur  exarchat  même,  il  sem- 
blait avoir  laissé  à  penser  que  la  juridiction 
extraordinaire  qui  s'élèverait  au-dessus  des 
exan|ues,  ou  qui  envelopperait  plusieurs  exar- 
chats, serait  commise  à  quehiue  autre. 

VI.  Soerate  nous  ajiprend  ([u'Atticus,  évêquc 
de  Constantinopie,  arracha  une  loi  a  la  facilité 
dujeune  Théodose,  par  laquelle  il  était  défendu 
d'ordonner  des  évêques  sans  l'agrément  de  l'é- 
vê(|ue  de  Constantinopie.  «  Lege  qua»  jubet,  ne 
quis  episcopus  designetur  ,  absque  sententia  et 
autoritate  episcopi  Constantinopolitani  (Liv. 
VII,  c.  28,  :JG).  »  Que  ce  prélat  (jui  avait  suc- 
cédé à  Arsacius ,  successeur  de  saint  Chryso- 
stome,  donna  l'évôché  de  Philippopolis,  dans  la 
Thrace,  à  Sylvain,  lecjuel.  trois  ans  après,  il 
transféra  dans  l'évêché  de  Troade  en  Phrygie, 
les  habitants  de  Troade  étant  venus  à  Constan- 
tinopie lui  demander  un  évêque. 

On  trouve  dans  le  code  Théodosien  une  autre 
loi  par  la(iuelle  llUyrique  est  soumise  à  l'évê- 
(jue  de  Constantinopie,  parce  que  Constanti- 
nopie est  la  nouvelle  Rome  :  «  Romac  veteris 
pncrogativa  hetalur  (Cod.  Tlieod.  de  Episc.  et 
Cler.  Liv.  xlvi).  »  C'étaient  autant  de  surprises 


(|u"on  faisait  aux  empereurs:  à  quoi  il  faut 
ajouter  que  l'on  manquait  souvent  de  per- 
sonnes capables  dans  les  provinces,  et  que,  ve- 
nant chercher  des  évêques  à  Constantinopie 
on  n'était  pas  fâché  de  faire  sa  cour  au  patriar- 
che et  à  l'emijercur. 

VII.  Je  laisse  les  autres  exemples  des  usur- 
pations fartes  par  Atticus  sur  les  exarques  voi- 
sins.Sisinnius,  quiluisuccéda. ayant  appris  que 
l'Eglise  de  Cysiiiue  était  vacante,  nomma  Pro- 
clus  pourévéque.  Ceux  de  Cysique  croyant,  ou 
faisant  semblant  de  croire  que  la  loi  de  Théo- 
dose  n'était  qu'un  privilège  personnel  pour  At- 
ticus, avaient  déjà  élu  et  fait  ordonner  le  moine 
Dalmatius  :  «  Legem  propterea  neglexerunt, 
quod  Atlico  soli,  ut  illi  putabant,  nominatim 
autoritatem  illam  concederet  (Socrat.  1.  vu, 
c.  28,  -i").  »  A  Sisinnius  succéda  Nestorius;  à 
Nestorius  Maximiuien,  et  à  Maximinien  le 
même  Proclus,  dont  nous  venons  de  parler. 
Soerate  raconte  que  ceux  de  Césarée  en  Cap- 
padoce  étant  venus  à  Constantino[)le  chercher 
un  évêque ,  Proclus ,  ayant  considéré  tous  les 
sénaleuis  (]ui  assistaient  à  l'office  de  l'Eglise 
un  samedi ,  imposa  les  mains  à  l'un  d'eux , 
qui  ne  s'attendait  à  rien  moins  que  cela,  et 
l'ordonna  évêque.  C'était  Thalassius,  gouver- 
neur de  l'Illyrique,  qui  avait  déjà  reçu  ordre 
de  l'empereur  de  quitter  ce  gouvernement,  et 
daller  prendre  C(;lui  d'Orient. 

VIII.  Avant  (|ue  de  passer  outre,  il  est  bon 
de  remarquer  que  la  plus  grande  partie  de  ces 
invasions  n'a  été  faite  que  dans  les  diocèses 
des  exarques  du  Pont,  de  l'Asie  et  de  la  Thrace, 
comme  plus  faibles  et  plus  voisines.  L'ambi- 
tion de  ces  prélats  semblait  marcher  sur  les 
pas  du  grand  saint  Chrysostome,  qui  n'avait 
l)Ourtant  été  conduit  (lue  par  un  esprit  de 
charité  et  jiar  un  zèle  très-ardent  de  la  pureté 
dé  la  discipline.  Nous  ne  pouvons  pas  en 
désirer  un  témoin  plus  irréprochable  que 
Théodoret,  qui  assure  que  ce  divin  pasteur 
applitiua  particulièrement  ses  soins  à  réformer 
les  pasteurs  et  les  évêques  mêmes  ;  ce  qu'il  lit 
dans  la  diocèse  de  Thrace,  qui  avait  six  métro- 
poles, dans  celle  d'Asie,  qui  en  avait  onze,  et 
dans  celle  du  Pont,  qui  en  avait  autant  (L.  v, 
c.  28).  «  ,\t(|ue  hoc  modo  prospexit  non  illi 
solum  civilati,  verum  etiam  toli  Thraciœ,  qure 
est  in  sex  prœfecluras  divisa,  et  cunctae  Asiae, 
(pue  imdecim  habet ,  et  Ponticam  Ecclesiam, 
(|ua'  totidem  habet,  iisdem  adornavit  legibus 
(Raron.   An.  i30,  n.  75).  »   Palladius  nomme 


DU  PATRIARCIIK  DE  CONSTANTINOPLE. 


C3 


es  évêqiies  de  ces  trois  niriiics  dioci'ses,  en 
y)arlaiit  (lu  concile  de  Coiislanlinople  ou  saint 
Chrysostome  présida  en  l'an  iOO. 

IX.  Mais  outre  rexeni|)Ie  (jui  a  été  raiiporté 
de  l'entrepiise  de  Xectarius  sur  les  di'oits  du 
patriarche  d'Antioclie  dans  le  diiïérend  tou- 
chant l'évèché  de  Bostre  en  Arabie,  en  voici 
un  autre  qui  nest  pas  moins  évident.  Les 
clercs  d'ibas,  évèque  d'Edesse  en  Syrie,  étant 
mal  édifiés  de  sa  conduile, eurent  d'abord  des- 
sein de  le  déférer  au  tribunal  de  Domnus,  ar- 
chevècjue  d'Antioche,  qui  était  son  supérieur 
légitime,  mais  changeant  de  résolution  ils  vin- 
rent l'accuser  à  Constantinople.  Flavien,  qui 
en  était  archevêque,  délégua  les  trois  métro- 
politains de  Tyr,  de  Béryth,  et  d'Hymère.  Us  en 
connurent  dans  le  synode  de  Béryth,  dont  les 
actes  furent  lus  dans  la  session  x  du  concile 
de  Calcédoine.  On  y  déclara  nettement  (jue 
c'était  par  les  ordres  de  l'archevêque  Flavien, 
et  de  l'empereur,  que  ce  ditférend  se  jugeait 
dans  ce  synode  :  «  Archie(iiscopo  Flaviano  de- 
cernente,  piissimo  imperatore  disponente.»  Ce 
style,  quoique  déguisé,  fait  encore  assez  voir 
que  l'empereur  avait  renvoyé  cette  cause  à 
Flavien,  et  Flavien  l'avait  ensuite  déléguée  à 
ces  trois  métropolitains.  Cela  parait  encore 
plus  clairement  dans  les  actes  mêmes  de  ce 
jugement  qu'on  relut  dans  les  ix  et  x  sessions 
du  concile  de  Calcédoine. 

X.  Comme  Flavien  avait  succédé  à  Proclus , 
aussi  Anatolius  succéda  à  Flavien  ,  l'un  et 
l'autre  marchant  toujours  sur  les  mêmes  traces, 
et  imitant  ou  la  charité,  ou  la  cupidité  de 
•eurs  prédécesseurs.  Béryth  ayant  été  érigée 
en  métropole  de  la  Phénicie  par  une  pragma- 
tique impériale,  outre  Tyr  qui  l'était  déjà, 
révèque  de  Béryth  prétendit  tirer  cela  en  con- 
séquence pour  s'ériger  aussi  en  métropolitain. 
L'ancien  métrofuditain  de  Tyr  s'y  opposant ,  la 
cause  fut  jugée  dans  un  concile  de  Constanti- 
nople où  Anatolius  présidait,  et  dont  il  pro- 
nonça la  sentence.  Il  l'envoya  même  signer  à 
Maxime,  archevê(iue  d'Antioche,  qui  était  alors 
à  Constantinople,  et  qui  n'avait  pas  assisté  au 
concile.  11  n'osa  le  refuser,  comme  il  avoua 
lui-même  dans  la  session  v  du  concile  de  Cal- 
cédoine, quoique  ce  fût  de  lui  que  la  Phénicie 
relevait. 

XL  Lorsque  l'archevêché  d'Ephèse  avait  été 
disputé  par  plusieurs  compétiteurs,  les  grands 
archevêques  de  l'Eglise  s'en  mêlaient  bien 
plus  souvent,  soit  que  les  deux  partis  s'ef- 


forçassent de  s'accréditer  par  leur  faveur,  soit 
que  l'amoin-  de  la  paix  et  de  l'uniti';  les  y  poussât 
eux-mêmes.  Mais  celui  de  Constantinople  y 
intervenait  toujours  le  premier,  soit  par  le 
droit  de  voisinage,  soit  par  les  ordres  de  l'em- 
pereur ,  soit  par  ses  propres  intérêts.  Bassien, 
évoque  prétendu  d'Ephèse,  assura,  dans  le  con- 
cile de  Calcédoine ,  ([u'il  était  venu  à  Ephèse 
avec  des  lettres  synodales  de  Proclus,  évêque 
de  Constantinople,  adressées  à  la  ville  d'Ephèse, 
aux  évê(|ues  et  au  clergé.  Etienne ,  son  rival , 
protesta  au  contraire  (lue  n'étant  qu'iui  usur- 
pateur il  avait  été  chassé  de  cet  évêclié  par  le 
pape  Léon,  par  Flavien  de  Constantinople  ,  par 
les  archevêques  d'Alexandrie  et  il'Antioche. 

Ces  deux  évêques  ayant  été  déposes  dans  le 
concile  de  Calcédoine,  les  évêques  de  la  diocèse 
d'Ephèse  prétendirent  que  l'élection  d'un  nou- 
vel évêque  devait  se  faire  à  Ephèse  même.  L'un 
d'eux  protesta  que  depuis  saint  Timothée  jus- 
qu'au temps  présent  vingt-sept  évêques  avaient 
été  consacrés  à  Ephèse.  Au  contraire  le  clergé 
de  Constantinople  assura  <iue  saint  Jean  Chry- 
sostome avait  déposé  quinze  évê(|ues  de  la 
diocèse  d'Asie ,  et  en  avait  ordonné  d'autres  ; 
que  Memnon  et  Castin  avaient  été  ordonnés  à 
Constantinople  ;  que  Héraclide  et  d'autres 
avaient  été  ordonnés  avec  le  consentement  de 
rarchevêi|ue  de  Constantinople  ;  que  Proclus 
avait  ordonné  Basile.  Les  évêques  demandant 
à  haute  voix  que  les  canons  fussent  observés, 
canones  ohlineant,  les  clercs  de  Constantinople 
s'écrièrent  qu'il  fallait  observer  les  décrets  du 
concile  l"  de  Constantinople  ,  et  respecter  les 
privilèges  de  la  ville  impériale  :  «  Ea  (juœ  san- 
ctoi'um  Patrum  centuin  quinquaginta  sunt, 
teneant  ;  privilégia  Constantinopolis  ne  depe- 
reant.  » 

Voilà  sans  doute  une  preuve  constante  que 
le  clergé  et  les  évêques  de  Constantinople  fon- 
ilaient  ces  vastes  prétentions  d'autorité  et  de 
juridiction,  dont  nous  venons  de  rapporter  tant 
d'exemples,  sur  le  canon  du  concile  de  Constan- 
tinople, et  sur  ce  second  rang,  après  l'ancienne 
Rome  ,  qui  n'exprimait  rien  en  particulier,  et 
([ui  pouvait  servir  à  colorer  toutes  sortes  d'en- 
treprises. 

XII.  Les  choses  s'étaient  passées  de  la  sorte 
depuis  le  temps  du  premier  concile  de  Cons- 
tantinople justju'à  celui  de  Calcédoine;  et  le 
concile  de  Calcédoine  ayant  déposé  le  patriar- 
che d'Alexandrie,  Dioscore,  sans  oser  en  créer 
un  nouveau;  les  deux  compétiteurs  de  l'évèché 


i6É 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


d'Ephèse  y  ayant  été  déposés;  l'archevêque 
d'Antioche  se  trouvant  embarrassé  dans  de 
fâcheuses  affaires;  Juvénal  de  Jérusalem  ayant 
aussi  de  grandes  prétentions  à  faire  réussir ,  il 
n'est  pas  surprenant  que  rarchevèque  de  Cons- 
tantinople  Auatolius  ait  extorqué  de  ce  concile 
des  privilèges  singuliers,  dont  ses  prédéces- 
seurs n'avaient  joui  que  rarement,  par  adresse, 
ou  à  la  dérobée.  Le  canon  ix  de  ce  concile 
ordonna  que  si  un  évèque  ou  un  ecclésiasti- 
que était  en  procès  avec  son  métropolitain,  il 
lui  serait  libre  de  le  faire  juger  ou  par  l'exar- 
que de  la  diocèse,  ou  par  l'archevêque  de  Cons- 
tantinople.  «  Si  adversus  metropolitanum  epi- 
scopus  vel  clericus  habet  querelam,  pctat  aut 
primatem  diœceseos ,  aut  sedem  regiœ  urbis 
Constantinopolitana;,  et  apud  ipsam  judicelur 
(Conc.  Chalced.  act.  11).  »  La  même  alternative 
est  accordée  dans  le  canon  xvn.  C'était  donner 
un  droit  de  juridiction  universelle  à  l'évèque 
de  Constantinople  dans  les  causes  des  métro- 
politains dans  tous  les  cinq  diocèses  qui  com- 
posaient l'empire  oriental. 

Le  pape  jouissait  de  ce  même  avantage  dans 
l'Occident,  et  il  y  avait  un  rescrit  de  l'em- 
pereur Gratien  en  faveur  du  pape  Daniase,  (pii 
se  trouve  dans  l'appendix  du  code  Théodosien, 
donné  par  le  père  Sirmond.  Aussi  les  légats 
du  pape  ,  qui  présidaient  au  concile  de  Calcé- 
doine, ne  firent  nulle  opposition  à  ces  deux 
canons.  Les  évoques  de  Constantinople  avaient 
déjà  quelquefois  usé  de  ce  droit  de  prévention 
au  gré  des  i)artics  ;  nous  en  avons  allégué  des 
exemples  :  le  concile  de  Calcédoine  n'y  trouva 
rien  à  redire.  Aussi  ces  deux  canons  furent  in- 
sérés dans  la  compilation  des  canons  par  Denis 
le  Petit. 

XIII.  Mais  ce  fut  le  canon  xsviii  du  même 
concile  ([ui  établit  formellement  le  patriarcat 
de  Constantinople.  On  y  allégua  que  l'ancienne 
Home  avait  eu  des  privilèges,  parce  que  c'était 
la  capitale  de  l'empire  :  «  Eo  quod  urbs  illa 
iniperaret.  »  Ce  ([ui  ne  se  peut  entendre  avec 
vérité  qu'au  sens  que  nous  avons  dit ,  que  ce 
fut  la  raison  qui  convia  saint  Pierre  d'y  établir 
sa  chaire  et  sa  primauté  divinement  instituée, 
afin  que  personne  ne  i)ùt  ignorer  les  célestes 
vérités  que  Rome  avait  apprises,  comme  le  dit 
excellemment  le  grand  saint  Léon:  «  Petrus 
princeps  apostolici  ordinis  ad  arccm  Romani 
destinatur  imperii,  ut  lux  veritatis  (pue  in  om- 
nium gentium  revelabatur  salutem ,  efficacius 
se  ab  ipso  capite  per  totum  mundi  corpus  effun- 


deret.  Cujus  autem  nationis  homines  in  hac 
tune  urbe  non  essent,  aut  qua;  usquam  gentes 
ignorarent,  quod  Romadidicisset  (Leo.M.Serm. 
I.  in  Natali  Apost.).  » 

Le  canon  de  Calcédoine  ajoute  que  les  Pères 
du  concile  I  de  Constantinople  touchés  de  la 
même  raison,  avaient  décerné  des  privilèges  à 
l'Eglise  de  Constantinople,  comme  étant  la 
nouvelle  Rome  ;  lui  donnant  le  pouvoir  d'or- 
donner les  métropolitains  des  trois  petites  dio- 
cèses du  Pont ,  de  la  Thrace  et  de  l'Asie,  après 
avoir  examiné  et  confirmé  leur  élection,  et  lais- 
sant aux  métropolitains  l'ordination  libre  de 
leurs  suffragants.  C'était  faire  un  droit ,  et  un 
droit  ordinaire,  de  ce  qui  n'avait  été  qu'une 
suite  d'entreprises  extraordinaires.  Enfin  ce 
canon  donna  à  l'évèque  de  Constantinople  le 
pouvoir  d'ordonner  les  évèques  des  nations 
barbares.  Saint  Chrysostome  avait  donné  des 
évèques  aux  Goths. 

XIV.  Les  légats  du  Saint-Siège  n'avaient  pas 
^é  présents  quand  ce  dernier  canon  fut  fait. 
Ils  demandèrent  qu'il  fût  lu  dans  la  session  xv. 
On  le  lut  :  ils  s'y  opposèrent  et  protestèrent 
que  le  règlement  allégué  du  concile  I"  de  Cons- 
tantinople, ne  se  trouvait  point  dans  le  code 
des  canons  ;  que  si  les  évèques  de  Constantino- 
ple avaient  joui  de  ces  avantages  à  la  faveur 
d'un  semblable  canon,  il  n'avait  pas  été  besoin 
de  faire  un  autre  canon  sur  le  même  sujet  ; 
([ue  s'ils  n'en  avaient  pas  joui,  il  ne  fallait  rien 
innover.  «  Si  his  temporibus  hoc  beneficio  usi 
sunt,  quid  nunc  requirunt?  si  nunquam  usi 
sunt,  quare  requirunt?»  Ils  produisirent  un 
mandement  exprès  du  pape  de  s'opposer  à 
toutes  les  innovations  qui  se  pourraient  faire 
à  l'avantage  de  quelque  autre  Eglise,  et  au  dé- 
savantage du  Siège  apostolique.  Enfin  comme 
les  légats  étaient  persuadés  que  les  évèques 
n'avaient  souscrit  à  ce  canon  que  par  violence, 
les  juges  impériaux  ordonnèrent  aux  évèques 
du  Pont  et  de  l'Asie  de  déclarer  s'ils  avaient 
été  forcés.  Ils  assurèrent  qu'ils  avaient  souscrit 
très  -  volontairement  ;  plusieurs  dirent  qu'ils 
avaient  été  faits  évèques  par  l'archevêque  de 
Constantinople,  qu'il  en  était  de  même  de  leurs 
prédécesseurs  ;  que  c'était  la  coutume ,  que 
c'étaient  les  canons  ;  enfin  qu'ils  étaient  très-re- 
devables à  l'évèque  de  Constantinople  pour  la 
]irotection  continuelle  qu'ils  recevaient  de  lui; 
l'évèque  de  Dorylée  protesta  même  qu'il  avait 
lu  ce  canon  lui-même  au  pape  à  Rome,  en  pré- 
sence de  quelques  clercs  de  Constantinople,  et 


'9 


DU  PATHIARCIIE  DE  CONSTAMINOPLE. 


65 


qu'il  l'avait  agréé.  Les  juges  proïKnicèn'iit  en- 
suite en  faveur  de  l'cvèque  de  Constautinniilt', 
nonobstant  l'opposition  des  légats  du  pape.  Il 
ne  fut  point  parlé  de  la  diocèse  de  Thnice . 
parce  que  lévèque  de  Constantinople  ayant 
droit  d'assister  à  ses  conciles  et  par  conséquent 
d'y  présider,  en  suite  du  canon  du  concile  de 
Constantinople,  il  l'avait  déjà  entièrement 
soumise  à  la  puissance. 

XV.  La  lettre  du  concile  au  pape  fut  la  plus 
obligeante  et  la  plus  respectueuse  du  monde. 
On  l'y  nomma  le  chef  de  l'Eglise  et  du  concile: 
«  Tu  sicut  membris  caput  pra^eras.  «On  le  pria 
de  répandre  un  rayon  de  sa  primauté  sur  l'E- 
glise de  Constantinople  :  «  Lucente  ainid  vos 
apostolico  radio,  et  uscjue  ad  Constantinopoli- 
tanam  Ecclesiam  ilkim  spargentes .  eo  quod 
absque  invidia  consueveritis  vestroriuu  bono- 
rum  participatione  ditare  domesticos.  »  On 
l'assura  qu'à  l'égard  de  l'évêque  de  Constanti- 
nople on  n'avait  fait  ([ue  confirmer  la  coutume 
et  la  possession ,  où  il  était  depuis  longtemps. 
Ce  qui  était  fort  véritable,  mais  il  y  avait  de 
fréquentes  et  de  justes  résistances  qu'on  faisait 
à  cette  possession ,  qui  n'était  au  fond  qu'une 
usurpation.  «  Eam  namque  consuetudinem  , 
qUcB  ex  longo  jam  tempore  permansit.  ad  ordi- 
nandum  metro{)olifanos  diœceseon,  tam  A:  ian;p 
quam  Ponticae  et  Thracite.  »  Enfin  que  celait 
moins  l'avantage  de  lévèque  de  ConsUmlino- 
ple.  que  celui  des  provinces  mêmes,  où  ces 
ordinations  ne  pouvaient  se  faire  sans  beau- 
coup de  trouble  et  de  confusion.  «  Non  tani 
sedi  ConstantinopolitanfB  aliquid  prœstantes , 
quam  metropolitanis  urbibus.  etc.  » 

Ce  sont  là  les  principales  raisons  du  concile 
pour  obtenir  du  pape  la  confirmation  de  ce 
canon;  car  à  peine  pouvait-on  douter  que 
pour  faire  un  changement  si  considérable  dans 
la  disposition  générale  des  membres  les  plus 
éminents  de  l'Eglise ,  l'autorité  et  l'agrément 
du  chef  ne  fût  nécessaire.  «  Rogamus  tuis  de- 
cretis  nostrum  honora  judicium  ;  et  sicut  nos 
capiti  in  bonis  adjecimus  consonantiam.  sic 
et  summitas  tua  filiis ,  quod  decet ,  adim- 
pleat.  » 

XVI.  Jamais  le  Saint-Siège  ne  reçut  de  si 
grands  honneurs  et  de  si  profonds  respects 
que  dans  le  concile  de  Calcédoine.  Et  néan- 
moins ce  saint  pape  prévoyant  les  funestes 
excès  où  se  pourrait  un  jour  porter  l'archevê- 
que de  Constantmople .  contre  le  fondement 
inébranlable  de  l'unité  ecclésiastique,  il  écrivit 

Th.  —  Tome  I. 


à  l'empereur  Marcien  et  à  l'archevêque  .^na- 
tolius  qu'il  ne  souffrirait  jamais  qu'on  ren- 
versât la  disposition  des  trois  grands  sièges , 
autorisée  par  le  concile  de  Nicée ,  ni  qu'A- 
lexandrie perdit  son  second  rang,  etAntioche  le 
troisième  :  que  le  canon  de  Constantinople, 
qu'on  alléguait,  n'avait  jamais  été  comnnuii(|ué 
au  Saint-Siège,  et  qu'il  ne  pouvait  avoir  main- 
tenant de  vigueur,  n'en  ayant  point  eu  dans  ses 
commencements  :  «  Persuasioni  tuœ  in  nullo 
penitus  suilragatur  quorumdam  episcoporum 
ante  sexaginta,  ut  jactas,  annos  faclasubscriptio, 
nunquam  a  prœdecessoribus  tuis  ad  apostolica" 
Sedis  transniissa  notitiam  ;  cui  ab  initio  sui 
caduc» ,  dudumque  coUapsa- .  sera  nunc  et 
inutilia  subjicere  fulcimenta  voluisti  (Léo.  Ep. 

LUI,  LVIl).  » 

XVII.  L'empereur  et  Anatolius  se  rendirent 
aux  oppositions  vigoureuses  du  pape,  et  relâ- 
chèrent tout  ce  qu'ils  avaient  prétendu.  Ana- 
tolius assura  que  ce  n'avait  été  qu'un  empor- 
tement du  clergé  de  Constantinople ,  où  il 
n'avait  point  eu  de  part.  L'empereur  se  rendit 
garant  de  la  vérité  de  ce  que  disait  Anatolius. 
Le  pa[)e  Léon  raconte  lui-même  tout  cela  dans 
sa  réponse  à  Anatolius,  où  il  fait  mention  des 
lettres  et  des  assurances  qu'il  a^ait  reçues  de 
lui  et  de  l'empereur  sur  cette  matière  :  «  lllam 
autem  culpam.  quam  de  augcnda  potestate 
aliéna ,  ut  asseris ,  adhortatione  contraxeras, 
efficaciusatque  sincerius  tuacharitasdiluisset, 
si  quod  tentari  sine  tua  voluntate  non  potuit, 
non  ad  sola  clericorum  consilia  translulisses. 
Sed  gratum  mihi  est ,  quod  dilectio  tua  profi- 
tetur  sibi  displicere,  quod  tune  etiam  placere 
non  debuit.  Sufficit  in  grafiœ  commuuis  re- 
gressu,  professio  dilectionis  tuœ,  et  attestatio 
princ'ipisChristiani.  NecviJeturtardacorrectio, 
cui  iani  venerabilis  asserlor  accessit  ^Epist. 
Lxxi;.  » 

De  même  saint  Léon  remercia  l'empereur  de 
ce  (lu'il  avait  approuvé  la  vigueur  de  son  zèle, 
et  qu'il  voulait  que  toutes  les  Eglises  conser- 
vassent leurs  anciennes  jjrérogatives  :  «  Pro- 
basse vos  observantiam  meam  de  custodia 
canonum  paternorum  pietatis  vestrœ  affatibus 
indicastis  .  etc..  ut  fides  Xica-na  suam  teneat 
firniitatem,  et  |)rivilegia  Ecclesiarum  illibata 
permaneant  Epist.  lixI.  »  Le  pape  Gèlase  fait 
mention  de  ce  désaveu  d'Anatolius  et  de  Mar- 
cien dans  sa  lettre  aux  évêques  de  Dardanie  : 
«  Audiant  Marcianum  sancta?  memori:c  papam 
Leonem  suramis  laudibus  prosecutum  ,  quod 


66 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


canonum  régulas  iilla fiierit  ratione  perpessiis. 
Audianl  Aiiatoliuin,  clerum  Constaiitiiio|ioli- 
tanum  potius  quam  se  talia  tentasse  confiten- 
teni.  atque  iii  apostolici  pivTesulis  iotuni  ili- 
cenfum  positum  potestate  (Episl.  xiii).  »  Hols- 
ténius  a  publié  dans  sa  collection  romaine  la 
lettre  et  le  désaveu  d'Anatolius,  dont  les  pajtcs 
Léon  et  Gélase  font  mention. 

XVIII.  En  etlet,  l'histoire  ne  fournit  pas 
d'exemples  qu'on  ait  apiielé  des  autres  exar- 
ques, ou  de  leurs  évèques,  ou  de  leurs  métro- 
l)olitainp,  ou  qu'on  ait  porté  en  première  ins- 
tance les  causes  de  leurs  métropolitains  à 
l'archevêque  de  Constantinople  après  le  concile 
de  Calcédoine.  Au  contraire  l'empereur  Justi- 
nien  se  conformant  à  l'usage  reçu  lit  diverses 
constitutions  pour  ordonner  (jue  les  évèques 
ne  seraient  jugés  que  par  leurs  propres  métro- 
politains, et  les  métropolitains  par  rexaripie 
propre  :  o  Si  contra  episcopum  fiât  aditio 
[iropter  quamlibet  causam,  apud  metropolitam 
ejus  secundum  sacros  canones  et  nostras  leges 
causa  judicetur.  Et  si  quis  jvidicatis  contra- 
dixerit,  ad  archiepiscopum,  seu  patriarcham 
diœceseos  illius  causa  referatur.  Si  vero  contra 
metropolitanum  lalis  fiât  aditio  al)  episcopo, 
aul  clero,  aut  alla  quacumque  persona,  diœce- 
seos illius  patriarcha  simili  modo  causam  ju- 
dicet  (iNovel.  cxxui,  c.  2'2;  Novel.  cxxxvu,  c. .")).» 

Il  est  donc  assez  probable  cpie  si  les  légats 
du  Saint-Siège  ne  firent  point  de  résistance  aux 
canons  ix  et  xvu  du  concile  de  Calcédoine, 
qui  donnaient  la  prévention  àlévèiiue  de  Cons- 
tantinople, et  si  ces  canons  se  trouvent  dans  les 
collections  de  Denys  le  Petit,  et  de  Cresconius , 
c'est,  outre  ce  qui  en  a  été  dit,  parce  que  ces 
canons  contenaient  d'autres  articles  incontes- 
tables, suivant  le  sentiment  d'Hincmar,  qui 
dit  que  ces  privilèges  et  ces  canons,  quanta 
l'innovation  (ju'ils  faisaient,  furent  sans  ellèt, 
par  la  résistance  du  pa|)e  Léon  (Opuscul.  L.  v). 
La  loi  Satichnus  du  code  dit  encore  fort  net- 
tement (ju'on  n'aiiiieile  point  des  [)afriarclies, 
et  que  de  la  sentence  des  métropolitains  on  ne 
peut  app(!ler  qu'à  leur  propre  patriarche.  C'est 
le  sens  véritable  de  cette  loi ,  selon  le  texte 
grec,  peu  fidèlement  traduit  en  latin,  et  par  ce 
moyen  rendu,  sans  y  penser,  favorable  à  l'è- 
vêque  de  Constantinople. 

XIX.  Il  faut  néanmoins  avouer  qu'après  le 
concile  de  Calcédoine  les  évèques  de  Constan- 
tinople ont  continué  de  jouir  d(!  (piel(|ues 
a\antages  fort  considérables ,    sans  (jue    les 


papes  fissent  paraître  aucune  opposition.  Us 
ont  toujours  conservé  la  préséance  au-dessus 
des  patriarches  même  d'Alexandrie  et  d'An- 
tioche.  Paschasin,  légat  du  pape,  se  plaignit 
au  concile  de  Calcédoine  de  ce  «pie  dans  le  faux 
concile  d'Ephèse  on  n'avait  donné  que  la 
cin(]uième  place  à  Flavien  ,  archevêque  de 
Constantinople,  au  lieu  que  la  première  lui 
était  due,  ajirès  les  légats  du  Saint-Siège, 
comme  eflèctivement  Anatolius  la  remplissait 
dans  le  concile  de  Calcédoine,  et  on  ne  peut 
douter  après  cela  que  ses  successeurs  ne  l'aient 
renqilie  après  lui.  «  Paschasinus  dixit  :  Ecce 
nos,  Deo  volente ,  dominuni  Auatolium  pri- 
miun  habemus,  lii  quintnm  posueruntbeatum 
Flavianum  (Act.  1.  conc.  Chalced.).  »  Usent 
toujoiu-s  exercé  une  très-grande  juridiction 
dans  les  trois  petits  exarchats  d'Asie,  du  Pont 
et  de  Thrace.  Les  légats  du  Saint-Siège  souf- 
frirent sans  peine  qu'Anatolius  prononçât  le 
premier  la  sentence  de  déposition  contre  les 
deux  prétendus  évèques  d'Ephèse ,  et  ils  ne 
firent  que  confirmer  ce  qu'il  en  avait  jugé. 

Connue  ces  trois  exarchats  n'avaient  été  éta-, 
blis  que  dans  le  concile  de  Constantinople, 
dont  le  Saint-Siège  prétendait  ignorer  les  dé- 
crets, le  pape  se  mettait  peu  en  peine  de  les 
voir  ou  rabaissés  ou  étoutfés.  Saint  Léon, 
dans  ses  lettres  ci-dessus  alléguées,  et  le  pape 
Gélase,  ne  font  gloire  que  de  maintenir  les  ca- 
nons du  concile  de  Nicée  ,  où  il  n'est  fait  nulle 
mention  de  ces  trois  exarques,  et  de  conserver 
dans  leur  ancien  rang  d'autorité  et  de  juri- 
diction les  sièges  apostoliques  d'Alexandrie  et 
d'Autioche. 

C'est  peut-être  aussi  une  des  raisons  qui  re- 
tint dans  le  silence  les  légats  du  pape  ,  quand 
ils  virent  [iromulguer  les  canons  ix  et  xvn  de 
Calcédoine,  |)ersuadès  qu'ils  étaient  que,  sui- 
vant la  coutume,  cela  aurait  seulement  lieu 
dans  ces  trois  petites  diocèses.  Enfin  il  est  pro- 
bable (pae  dans  les  lois  mêmes  de  .lustinien  que 
nous  avons  touchées,  ces  trois  petits  exarques 
ne  sont  pas  mis  au  rang  des  patriarches  dont 
on  ne  peut  appeler,  et  qu'on  peut  éviter  en  re- 
courant par  prévention  à  celui  de  Constant! 
nople. 

Quant  aux  autres  grands  patriarches,  quoi- 
que de  droit  l'archevêque  de  Constantinople  ne 
pût  rien  entreprendre  sur  leur  juridiction,  il 
est  certain  néanmoins  qu'ils  l'ont  fait  en  quel- 
ques rencontres.  Acacius  fit  cent  entreprises 
siu-  les  droits  des  Eglises  d'Alexandrie  et  d'An- 


DU  PATRIAUCIIE  DE  CONSTANTINOPLE. 


07 


tioclie;  le  pape  Simplico  lui  eu  délégua  ([iit-l- 
qucfois  le  pouvoir,  mais  il  passa  bien  an  di'la  : 
il  consacra  un  ùvcque  d'Anliodie  ;  le  mémo 
pape  le  toléra  parce  que  l'empereur  l'avait 
ainsi  jugé  nécessaire  pour  conserver  la  pai\ 
(Sinipl.  Ep.  xv;.  Le  pape  Gélase  se  plaignit 
aussi  fort  souvent  de  celte  violation  des  canons 
(Gelas.  Ep.  xnij.  H  y  a  de  l'apparence  quelle 
fut  encore  plus  fréquente  pendant  le  schisme 
d'Acacius  et  de  ses  successeurs. 

On  sait  (jue  Jean  le  Jeûneur,  évêque  de  Cons- 
tantinople,  au  teraf)s  du  grand  saint  Grégoire, 
entreprit  de  juger  le  patriarche  d'Antioche 
Grégoire.  Il  ne  s'était  rien  fait  de  si  hardi  de- 
puis le  concile  de  Calcédoine;  car  le  patriarche 
Jean,  qui  mit  fin  au  schisme  d'Acacius  en  effa-- 
eant  des  tables  sacrées  et  en  sacrifiant  à  la  paix 
tant  de  noms  de  ses  prédécesseurs,  patriarches 
de  Constantinople,  étant  sollicité  d'ordonner  à 
Constantinople  un  prêtre  de  son  Eglise,  qui  y 
avait  été  élu  patriarche  d'Antioche ,  refusa 
absolument  de  le  faire  pour  ne  pas  désobéir  au 
pape  Hormisde.  comme  il  paraît  par  la  relation 
du  diacre  Dioscore  à  ce  pape  'Post.  Epist.  lxv. 
Horm.]. 

C'est  néanmoins  ce  patriarche  Jean,  à  qui 
notre  saint  et  éloquent  Avitus,  évêque  de  Vienne, 
avait  écrit  une  lettre  de  congratulation  au  su- 
jet de  la  paix  et  de  l'unité  qu'il  avait  rendues  à 
l'Eglise  en  se  soumettant  au  pape  Hormisde; 
ce  qui  obligeait  les  amateurs  de  la  paix  et  de 
l'Eglise  de  les  regarder,  le  pape  et  lui,  comme 
les  deux  princes  des  apôtres  :  u  Concordiam  vos 
habere,  et  velut  geminos  apostolorum  princi- 
pes mimdo  vos  adsignare  convenit  (Avitus 
Epist.  vu);  »  et  comme  les  deux  astres  les  plus 
majestueux  et  les  plus  brillants  du  ciel  et  de 
l'Eglise  :  «  Quis  catholicus  de  talium  ac  tanta- 
rum  Ecclesiarum  pace  non  gaudeat.  quas  velut 
in  cœlo  positum  religionis  signum,  pro  gemino 
sidère  mundus  exspectat?  » 


XX.  Quoique  les  conciles,  les  lois,  et  presque 
tous  les  monuments  ecclésiastiques  donnent  la 
ijualité  de  patriarche  à  l'évèiiue  de  Constanti- 
nople deiiuis  le  concile  de  ('aleédoine,  aussi 
bien  (jue  celle  d'archevêque,  (jui  était  alors  la 
même,  en  sorte  que  saint  Grégoire  le  Grand, 
dont  on  connaît  assez  la  d('!licatesse  sur  cette 
matière,  ne  la  lui  a  pu  refuser,  en  conq)tant 
quatre  patriarches,  sans  y  comprendre  le  pape; 
et  ([uoique  le  droit,  patriarcal  de  ce  prélat 
s'étendit  particulièrement  sur  les  trois  petits 
diocèses  ,  ce  droit  néanmoins  n'a  pas  laissé 
d'être  quelquefois  fort  ébranlé  [I^.  i,  ep.  v,  liv.) 

L'empereur  ou  plutôt  le  tyran  Basilic,  pour 
faire  déplaisir  à  Acacius,  rétablit  le  patriarcat 
d'Ephèse,  comme  nous  le  dirons  plus  expressé- 
ment dans  un  chapitre  suivant,  après  avoir 
parlé  du  patriarcat  de  Jérusalem  (Evagr.  lib. 
lu,  c.  U]. 

Dans  tous  les  conciles  qui  ont  suivi  celui  de 
Calcédoine,  et  dans  celui  de  Calcédoine  même, 
ces  trois  exarques  continuèrent  toujours  à  se 
distinguer  des  autres  métropolilains,  soit  dans 
le  rang,  soit  dans  les  souscriptions,  prenant  le 
milieu  entre  les  grands  patriarches  et  les  au- 
tres métropolitains  et  se  qualifiant  toujours 
exarques  de  diocèses.  Il  est  vrai  que  Zenon  re- 
prenant l'empire  après  eu  avoir  chassé  Basilic, 
rétablit  le  patriarche  de  Constantinople  dans 
tous  ses  anciens  droits,  mais  il  ne  parla  qu'en 
termes  généraux,  sans  expliquer  quels  étaient 
les  villes,  les  provinces,  ou  les  diocèses  soumis 
au  patriarche  Acacius  Cod.  de  sacros.  Eccl. 
1.  \\i\  C'est  apparemment  ce  qu'Acacius  ju- 
geait plus  avantageux  pour  lui,  de  s'expliquer 
peu  et  de  faire  beaucoup,  sachant  bien  que  le 
pouvoir  impérial,  et  le  besoin  où  tous  les  pré- 
lats étaient  de  son  entremise  auprès  des  empe- 
reurs lui  feraient  naître  assez  d'occasions  d'é- 
tendre son  autorité,  et  de  l'autoriser  par  des 
termes  généraux  des  lois  et  des  canons  1). 


(I)  Aujourd'hui  encore,  parmi  les  hauts  dignitaires  de  la  cour  de 
Rome,  il  y  a  trois  prélats  qui  sont  revêtus  des  titres  patriarcaux  des 
anciennes  grandes  Eglises,  Constantinople,  Alexandrie,  Anlioche.  Le 
patriarche  de  Constantinople  est  toujours  vice-gérant  de  Rome,  c'est- 
à-dire  vicaire  du  cardinal-vicaire  qui  rempht  les  fonctions  et  la  ju- 
ridiction d'ordinaire  pour  le  diocèse  de  Rome.  Le  vice-gérant  fait  les 
ordinations  et  autres  fonctions  qui  compétent  à  l'ordinaire. 

Pour  clore  ici  tout  ce  qui  concerne  la  dignité  de  patriarche,  nous 
dirons  que  ce  n'est  plus  qu'un  titre  honorifique,  même  daus  ceux 
chez  lesquels  U  pourrait  être  effectif  comme  étant  à  la  tète  d'un 
diocèse  patriarcal.  En  605,  le  clergé  d'Aquilée  s'étant  divisé  en  deux 
partis,  à  la  mort  du  patriarche  Sévère,  il  y  eut  deux  élections.  L'un 
des  élus  se  retira  dans  lUe  de  .Grado,  qui  était  une  dépendance  du 
diocèse.  11  en  résulta  plus  tard  qu'il  y  eut  un  patriarche  d'Aquilée 
et  un  patriarche  de  Grado.  En  1450  ,  le  pape  Nicolas  V  éteignit  ce 
dernier  titre  et  le  transféra  à  l'évéque  de  Venise  qui,  depuis  lors  , 
s'est  appelé  patriarche  de  Venise  ,  mais  sans  plus  de  juridiction  que 


celle  des  métropolitains  ordinaires.  Enfin,  en  1755,  Benoit  XIV  étei- 
gnit pareillement  le  titre  de  patriarche  d'.^quilée  ,  et  diNisa  ce  vaste 
diocèse  en  deux  archevêchés,  celui  d'Udine  ,  dans  le  Frioul,  et  celui 
de  Goritz,  dans  la  Carniole  autrichienne.  Dans  le  siècle  dernier,  Lis- 
bonne fut  aussi  érigé  en  patriarcat.  Le  grand-aumônier  de  la  cour 
d'Espagne  porte  aussi   le  titre  de  Patriarche  des  Indes. 

Innocent  IIÎ  ,  dans  le  quatrième  concile  général  de  Latran  ,  avait 
ainsi,  par  le  cinquième  canon  ,  établi  le  rang  des  grands  patriarches  : 
Constituit  ut  post  Romnnam  Ecclfisiam ,  qutp  ^  disponente  Domino  ^ 
super  omnes  alias  ordinariœ  potestatis  habet  priiicipatum,  utpote 
mater  unwersorurn  Christi  fidelium  et  magistra,  Constantinopoïitana^ 
primum^  Alcxandrina  serundum^  Autiockena  tertium,  Hierosoly- 
mitana  quartum  locum  obtineat,  servata  cuilibet  propria  dignitate. 

Le  seul  de  tous  ces  patriarches  qui  aient  conservé  une  juridiction 
un  peu  plus  étendue  que  celle  des  métropolitains  ordinaires,  c'est  ce- 
lui de  Jérusalem,  dont  le  titre  a  été  rendu  effectif  dans  la  personne 
de  Mgr  Joseph  Valerga,  par  le  pape  Pie  DC.  Désormais  le  patriarche 


Dr  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS. 


CHAPITRE  ONZIÈME. 


CHAPITRE  ONZIÈME. 


DE    IX     CONTEST.iTION    OU    S  ELEV.t     SIR    LE    TITRE    DE    PATRI.4RCHE    (ÏCIMEMOI E    E>TRE    LE    PAPE 
SAINT    GRÉGOIRE    ET   JEAN    LE   JEUNEUR,    ÉVÈQUE    DE    CONST.\NTINOPLE. 


l.-ll.  Le  litre  de  patriarche  œcuménique  donné  au  pape 
Léon  I"  dans  le  concile  de  Calcédoine,  sans  que  le  concile  s'y 
oppose. 

III.-IV.-V.  11  fut  encore  donné  à  quelques  autres  papes  en- 
suite, et  à  quelques  évèques  de  Constantinople,  sans  aucune 
opposition  de  la  part  des  papes. 

VU  Raisons  de  n'en  rien  appréhender  alors. 

VU.  Jean  le  Jeûneur,  patriarche  de  Constantinople,  prend  ce 
titre  dans  un  concile,  où  il  entreprend  de  faire  le  procès  au 
patriarche  d'Anlioche.  Les  papes  Pelage  11  et  saint  Grégoire  en 
conçoivent  une  juste  indignation. 

v'ill.-IX  II  était  très-dangereux  que  Jean  prit  le  titre  de 
patriarche  universel,  en  même  temps  qu'il  usurpait  une  autorité 
universelle,  ce  que  ses  prédécesseuns  n'avaient  pas  fait. 

X.  XI.  Eu  quel  sens  saint  Grégoire  dit  que  le  titre  d'œcumé- 
nique  a  été  olîert  au  pape  par  le  concile  de  Calcédoine,  et  que 
c'est  un  titre  profane  et  tiès-périlleu.x.  Deux  sens  de  ce  nom 
d'évèque  œcuménique,  comme  chef  des  évéques,  et  comme 
seul  évèque. 

XII  XIII.  Pourquoi  saint  Grégoire  prend  le  titre  d'évèque 
œcuménique  us'irpé  par  Jean,  au  plus  mauvais  sens  qu'il  se 
puisse  prendre.  Combien  ce  pape  était  éloigné  du  laste  et  dune 
basse  jalousie. 

XIV.  Cinq  raisons  pourquoi  ce  pape  devait  tout  appréhender, 
et  tout  interpréter  très-rigoureusemeiit  dans  cette  rencontre. 

XV.  Humilité  prodigieuse  de  saint  (irégoire. 

XVI.  Il  commence  de  prendre  le  titre  de  serviteur  des  servi- 
teurs de  Dieu. 

XVII.  Le  titre  de  patriarche  œcuménique  avait  déjà  été 
donné  à  Dioscore  dans  le  faux  concile  d'Ephèse. 

XVIII  Les  patriarches  de  Constantinople  continuèrent  de 
prendre  ce  titre. 

XIX.  Maximes  des  saints  Pères  pour  accorder  la  sainteté  de 
Jean  le  Jeûneur,  avec  les  sanglantes  invectives  de  saint  Gré- 
goire contre  lui.  Les  saints  se  font  quelquefois  la  guerre  les  uns 
aux  autres,  comme  les  anges  et  les  Israélites,  par  un  motif  égal 
de  piété. 

I.  Le  différend  qui  s'éleva  entre  le  grand 
saint  Grégoire,  pape,  et  Jean  le  Jeûneur,  pa- 
Iriarclie  de  Constantinople,  sur  le  titre  de  [la- 
triarche  œcuménique  ,  ou  universel,  mérite 
bien  que  nous  y  fassions  quelques  réflexions  ; 
moins  pour  justifier  la  conduite  et  le  zèle  de 
ce  grand  pape,  dont  le  seul  nom  est  capable  de 
dissiper  les  [ikis  noires  calonuiies,  que  pour 
éclaircir  les  divers  changements  et  les  bizarres 
aventures  de  ce  titre  glorieux  *Vo;cummi(pte. 

II.  On  avait  présenté  et  on  avait  lu  au  con- 
cile de  Calcédoine  plusieurs  requêtes  de  qucl- 

dc  Jérosalem  résidera  dans  son  siège  et  n'aura  plus  comme  aupara- 
vant un  titre  in  pariibus  infitiflium  comme  les  autres. 

Parmi  les  prélats  catholiques  qui  sont  revêtus  de  cette  haute  dignité 
chei  les  nations  orientales,  nous  trouvons  le  patriarche  de  Babylone 


ques  ecclésiastiques  d'Alexandrie,  adressées  au 
pape  Léon,  qui  lui  donnaient  la  qualité  de 
patriaicbe  œcuménique.  Ce  concile  de  six 
cent  trente  évéques  ne  fit  .aucune  opposition 
à  ce  titre  nouveau;  et  bien  loin  d'en  conce- 
voir de  la  jalousie,  il  traita  le  pape  Léon,  dans 
la  lettre  synodale  qu'il  lui  écrivit,  comme  le 
Père  et  le  Chef  de  toute  l'Eglise,  et  comme 
celui  auquel  J.-C.  avait  confié  sa  vigne.  Le 
prêtre  et  les  deux  diacres  d'Alexandrie,  qui 
avaient  adressé  ces  requêtes  «  au  patriarche 
œcuménique  Léon,  et  au  synode  œcuménique  » 
de  Calcédoine  ,  faisaient  assez  connaître  quelle 
étendue  ils  donnaient  à  ce  titre  d'œcumé- 
nique. 

m.  Ce  titre  d'œcuménique  porta  donc  d'a- 
bord les  marques  d'une  supériorité  universelle 
sur  tous  les  évéques  de  l'Eglise;  et  c'est  encore 
en  ce  sens  que  les  archimandrites  de  la  seconde 
Syrie  le  donnèrent  au  pape  Horinisde  dans  la 
relation  qu'ils  lui  adressèrent,  comme  au  dé- 
fenseur universel  de  la  foi  et  de  la  communion 
catholique,  persécutée  et  presque  anéantie  dans 
tout  l'Orient.  «  Universœ  orbis  terra-  Patriar- 
ch;e  Horinisd;c,  supplicatio  archimandritaruni 
vestrae  secunda3  Syriae ,  etc.  Nam  caput  estis 
omnium,  etc.  Vobis  occurrit  grex  cognoscere 
suuin  pastorem,  etc.  (Post.  Epist.  xxn,  Horm.).  » 
Tous  ces  termes  marquent  clairement  une  au- 
torité universelle  dans  toute  l'Eglise. 

IV.  Dans  le  concile  de  Constantinople,  sous 
Agapet  et  Menas,  en  lut  une  supplique  des  ar- 
chimandrites de  Constantinople,  de  Jérusalem 
et  lie  l'Orient,  adressée  au  pape  Agapet,  Pa- 
triarche œcuménique  (.\ct.  1).  La  même  qua- 
lité a  été  donnée  plusieurs  fois  à  Menas  même, 
patriarche  de  Constantinople,  dans  les  actes 
de  ce  concile  (Act.  2,  3,  4);  mais  si  le  secrétaire 
la  lui  donne,  il  ne  la  prend  pas  lui-même  dans 
les  souscriptions,  et  il  fait  gloire  dans  ces  actes 

pour  les  Chaldéens  résidant  dans  ta  Mésopotamie;  le  patriarche 
d'Antioche  des  Grecs  Melchiles  ;  le  patriarche  d'Antioche  des  Maro- 
nites ;  le  patriarche  d'Antioche  des  Syriens;  le  patriarche  de  Cilicie 
des  Arméniens.  (Dr  André.) 


DE  LA  CONTESTATION  SUR  LE  TITRE  DE  PATRIARCHE  OECUMÉNIQUE. 


69 


de  sa  soumission  au  Saint-Siège  :  «  Nos  enim 
apostolicam  Sedein  sequiniur,  et  obedimus,  et 
i|)sius  coiiuiiunicatores,  comniunicatores  ha- 
benius;  et  condemnatos  ab  ipsa,  et  nos  con- 
demnanius  (Act.  4).  » 

V.  Il  est  vrai  (|ue  dans  la  session  v  de  ce 
même  concile  on  lut  une  relation  du  concile 
tenu  dix-huit  ans  auparavant  par  les  évè(|ues 
qui  s'étaient  rencontrés  à  Conslantino[)le  , 
adressée  au  patriarche  Jean,  qui  avait  fait  la 
réunion  des  Eglises  grecques  avec  le  pape 
Horniisde  ,  où  ce  patriarche  est  plusieurs  fois 
nonuné  œcuménique.  Les  moines  et  le  se- 
crétaire des  actes  de  ce  concile  lui  donnent 
souvent  la  même  qualité  îlbidein.  Act.  3).  iMais 
cette  réunion  de  l'Eglise  de  Constautinople  et 
de  toutes  les  Eglises  orientales  se  faisait  avec 
tant  de  marques  évidentes  de  leur  sujétion  à 
l'Eglise  de  Rome,  que  ni  Horniisde,  ni  Agapet, 
ni  Vigile  ne  purent  raisonnablement  entrer 
dans  aucune  juste  défiance  que  ce  titre  spé- 
cieux à'œcuménique  pût  jamais  servir  de  pré- 
texte ou  d'occasion  pour  faire  sortir  les  patriar- 
ches Jean  et  Menas  des  bornes  légitimes  de 
leur  ancienne  autorité.  Ainsi  ces  pa[iesdissinai- 
lèrent  sagement  ces  innovations,  et  souffrirent 
volontiers  que  les  évèques  de  Constautinople 
repussent  leur  vanité  d'un  titre  glorieux,  pen- 
dant que  leur  siège  était  étrangement  humilié 
par  la  condamnation  de  tant  de  patriarches, 
prédécesseurs  de  Jean ,  et  par  la  déposition 
d'Anlhime,  à  qui  Menas  succéda. 

\'I.  En  effet,  le  patriarche  Menas  montra  bien 
que  cette  qualité  d'œcuméni(iue  n'avait  pro- 
duit en  lui  aucune  vanité  dangereuse  et  capa- 
ble de  le  porter  à  de  nouvelles  entre[)cises, 
lorsqu'étant  forcé  par  l'empereur  Justinien  de 
souscrire  à  la  condamnation  des  trois  Chapitres, 
il  ne  le  fit  qu'après  qu'on  lui  eut  juré  de  lui 
rendre  sa  parole  et  sa  signature  si  le  jiape  ne 
l'approuvait  pas,  sans  l'autorité  duquel  il  avait 
promis  de  ne  faire  aucune  démarche.  C'est  ce 
que  nous  apprenons  de  Facundus,  évèque  d'Her- 
miane  en  Afrique:  «  De  quibus  se  nihil  actu- 
rum  sine  apostolica  Sede  promiserat,  etc.  Snb 
ea  se  condilione  cessisse,  et  juratum  sibi  fuisse 
respondit,  quod  chirograplium  suuni  recipe- 
ret,  si  haec  Romanus  episcopus  non  probaret 
(Lib.  IV,  c.  4).  » 

Les  autres  patriarches  ne  croyaient  pas  non 
plus  que  ce  nom  A'œcuménique  relevât  ou 
étendit  davantage  le  pouvoir  de  l'évèque  de 
Constantinople.  Puisque  dans  la  même  occur- 


rence, Zoile,  évê(|ue  d'Alexandrie,  envoya  faire 
ses  excuses  au  pape- d'avoir  cédé  à  la  force  en 
souscrivant,  et(|ue  tous  les  autres  évèques  mi- 
rent entre  les  mains  d'Etienne,  diacre  et  nonce 
de  ce  même  i)ape,  leurs  iirote^tations  contre 
les  violences  de  lévéque  de  Constautinople 
pour  arracher  de  leurs  mains  ces  lâches  sous- 
crii)tions:  «  C;eieri  episcoi>i,  post  subscriplio- 
neni  Ste[)hano  romnno  diacono  libellos  dede- 
rint,  Sedi  apostolicae  transmittendos,  confifentes 
in  eis,  quod  a  Conslantinopolitano  episcopo 
coacti  subscriberent.  » 

VII.  Mais  lorsque  Jean  le  Jeûneur,  évèque  de 
Constantinople  ,•  assembla  un  concile  à  Cons- 
tautinople et  y  jugea  la  cause  de  Grégoire,  pa- 
triarche d'Antioche,  le  nom  iju'il  y  prit  de  pa- 
triarche œcuynéniqtte,  jetta  le  pape  Pelage  II  et 
saint  Grégoire  le  Grand,  son  successeui',  dans 
des  défiances  très-justes,  et  dans  la  nécessité 
d'en  prévenir  toutes  les  funestes  conséquences. 
Car  ce  n'était  plus  comme  auparavant  un  nom 
glorieux  qui  servît  à  adoucir  des  hiunilialions 
effectives  :  c'était  un  titre  qu'on  voulait  rendre 
permanent,  pour  autoriser  un  attentat  sur  l'au- 
torité du  premier  siège  et  inie  juridiction 
usurpée  sur  les  autres  patriarches. 

Ce  concile,  que  Jean  assembla,  devait  être 
estimé  général,  puisqu'on  devait  y  décider  la 
cause  dun  patriarche.  .Mais  un  concile  général 
ne  de\ait  être  ni  convoqué,  ni  tenu  sans  lau- 
forilè  dippape.  Un  patriarche  ne  pouvait  être 
ni  absous,  ni  condamné  sans  l'aveu  du  pre- 
mier siège  de  l'Eglise.  Ces  grandes  causes  qui 
regardent  la  disposition  de  l'Eglise  universelle, 
ne  jieuvent  se  terminer  sans  l'intervention  du 
chef.  Le  patriarche  de  Constantinople  ne  pou- 
vait étendre  sa  juridiction  hors  du  ressort  de 
son  patriarcat;  bien  moins  sur  la  personne 
d'un  patriarche,  dont  l'autorité  était  sans  com- 
paraison, et  plus  ancienne,  et  mieux  fondée 
que  la  sienne.  Lors  donc  tiue  ce  patriarche 
and)itieiix  affecta  de  prendre  une  qualité  qui 
sendilait  marquer  une  autorité  universelle  sur 
toute  l'Eglise,  dans  une  occasion  où  il  en  exer- 
çait même  la  juridiction  ,  ne  donnait-il  pas  un 
juste  fondement  de  croire  qu'il  prétendait  s'é- 
lever au-dessus  de  tous  les  autres  patriarches, 
et  au-dessus  de  tous  les  autres  sièges  de  l'E- 
glise ? 

VIII.  Pelage  et  Grégoire  ne  pouvaient  donc 
plus  user  de  cette  sage  condescendance  dont 
Hormisde  et  Vigile  avaient  autrefois  usé,  en 
laissant  prendre  ou  donner  le  titre  d'œcumé- 


TO 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  ONZIÈME. 


nique  à  .leaii  et  à  Menas.  Car  alors  le  siège  de 
Coiistantiiioj)k'  était  humilié  jiar  la  condam- 
nation de  plusieurs  de  ses  patriarches  précé- 
dents, et  par  la  déposition  récente  d'Anthime. 
Ici  Jean  le  Jeûneur  se  rendait  lui-même  le 
juge  des  autres  patriarches  ;  là  le  premier 
siège  exerçait  son  autorité  légitime,  à  laquelle 
tout  rOrient  et  tout  l'Occident  et  les  évo- 
ques môme  de  Constantinople se  soumettaient; 
ici  l'évoque  de  Constantinople  usurpait  une 
autorité  nouvelle  sur  un  autre  patriarche  ;  là, 
le  concile  était  assemt)lé  du  gré  du  pape,  et  le 
ditlérend  qui  intéressait  toute  l'Eglise  était 
vidé  avec  le  -consentement  de  tous  les  grands 
sièges  de  l'Eglise  qui  y  concouraient;  ici  le 
seul  patriarche  de  Constantinople  convoquait 
et  tenait  un  concile  général  ;  au  moins  il  y 
terminait  une  cause  qui  demandait  l'interven- 
tion, ou  du  clief,  on  de  l'Eglise  universelle. 

IX.  Voilà  les  raisons  qui  animèrent  d'une 
juste  indignation  le  pape  Pelage  11,  (|ui  cassa 
tous  les  actes  de  ce  concile  de  Constantinople, 
excepté  l'ahsolution  de  Crégoire,  évèque  d'An- 
tioilie,  et  déclara  que  ni  ces  sortes  de  conciles 
ne  pcuv<'nl  être  assemblés  sans  la  participation 
du  chef  de  l'Eglise  :  «  Delatum  est  ad  aposto- 
licam  Sedem,  Joannem  Constnntinopolitanum 
episcopnm  imiversalem  se  scribere,  et  syno- 
dnm  convocare  generalem,  cum  generalium 
synodornm  convocandi  auctoritas,  apostolica? 
Sedi  heati  Pétri  singulari  privilcgio  sit  tradita  : 

'et  nulla  tm(iuam  synodus  rata  legatnr,  qua^ 
apostolica  auctoritatc  non  fuerit  t'nlta  (Epist. 
vni  Pelagii  11);  »  ni  aucun  évèque  ne  peut  se 
mettre,  jrar  le  titre  A' universel ,  au-dessus  de 
tons  les  autres  évè(|ues,  si  ce  n'est  Jésus-Christ 
ou  celui  (ju'il  a  établi  lui-même  pour  être  son 
vicaire  sur  la  terre,  et  le  chef  visible  de  tonte 
son  Eglise.  «  Qui  jejuniis  occnpatus  videhatur, 
jactantiam  tantam  snmpsit,  ita  nt  univorsa 
sibi  tentet  adscribere,  et  omnia  qn;e  soli  mii 
capili  coluTrent,  videlicet  Christo,  i)er  ele- 
ctionein  pompatici  sermonis,  ejusdem  Christi 
sibi  sindeat  membra  subjugare.  »  Et  un  peu 
plus  bas  :  «  Oratc  ne  Roniana  Sedes,  qure  iivsti- 
tnente  Domino,  caput  est  (unnium  Ecclesia- 
rum,  privilegiis  suis  unquam  carcal,  aut  ex- 
spolietur.  » 

X.  Le  pape  saint  Crégoin;  le  Crand,  dans  ses 
lettres  à  Euloge,  patriarche  d'Alexandrie,  et 
Anastase  d'Anliochc,  remarquent  que  Jean  de 
Constantinople  n'avait  pas  seulement  souffert 
(pi'iiii  lui  ddunàl  commi'  (inchincs-uns  de  ses 


prédécesseurs,  mais  avait  aussi  affecté  de  pren- 
dre lui-même  le  titre  A' universel ,  ce  que  ni 
ses  prédécesseurs  ni  les  autres  patriarches,  ni 
les  pontifes  romains  même  n'avaient  jamais 
fait.  «  Ex  alla  causa  occasionem  quœrens  syno- 
dnm  fecit,  in  (jua  se  imiversalem  appellare 
conatus  est.  (Liv.  iv,  epist.  xxxvi). 

Ce  pape  ajoute  que  le  concile  de  Calcédoine 
avait  offert  ce  titre  glorieux  iV universel  au 
pape  Léon,  mais  que  ni  lui,  ni  aucun  de  ses 
successeurs  n'en  avait  usé  ;  parce  qu'un  pa- 
triarche ne  peut  être  appelé  universel,  ou 
œcuménique,  qu'en  dépouillant  tous  les  autres 
patriarches  du  nom  et  des  pouvoirs  de  cette 
éminente  dignité.  «  Uni  per  sanctani  Calcedo- 
nensem  synodnni  pontifici  Sedisaiiostolic;r,  hoc 
universitatis  nomen  oblatum  est.  Sed  nuUns 
imquam  decessorum  meorum  hoc  tam  pro- 
fano  vocaliulo  uti  consensit.  Quia  videlicet 
si  unus  patriarcha  universalis  dicitur,  patriar- 
charum  nomen  cœteris  derogatur.  » 

XI.  Si  le  concile  de  Calcédoine  avait  offert 
au  pape  la  qualité  d'universel,  comment  ce 
saint  et  savant  pape  peut-il  appeler  ce  nom 
profane?  et  conunont  peut-il  avancer  que  ce 
titre  attribué  à  im  patriarche  renverse  les  sièges 
et  l'autorité  de  tous  les  autres?  Le  concile  de 
Calcédoine  pôuxait-il  otfrir  au  pape  Léon  ime 
qualité  profane  et  outrageuse  à  tous  les  au- 
tres patriarches?  Cette  difficulté  mérite  bien 
quelque  éclaircissement. 

Le  concile  de  Calcédoine  autorisa  au  moins 
par  son  silence  la  qualité  A'cvcunwniqiu;  ^\\n 
fut  donnée  aii  pape  Léon  dans  plusieurs  re- 
quêtes qu'on  y  lut.  Ainsi  saint  Grégoire  a  pu 
dire  avec  xérité  ((ue  ce  concile  avait  olTert  au 
pape  le  nom  (Vuniversel.  Le  sens  de  ce  terme 
dans  ces  requêtes  ne  contenait  rien  de  pro- 
fane ou  d'injmieux  aux  antres  patriarches , 
jiarce  (ju'il  n'était  pas  attribué  au  pape  Léon 
connue  patriarche,  mais  comme  pape  et  chef 
de  l'Eglise  universelle.  Car  encore  qu'on  le 
nonnuât  en  termes  formels  patriarche  œcu- 
ménique, il  faut  concevoir,  ou  que  le  terme 
d'œcuménique  était  comme  une  différence 
qui  déterminait  I(!  terme  générique  de  pa- 
triarche :  ou  plutôt  que  le  titre  de  patriarche 
n'ayant  connnencé  à  être  mis  en  usage  que 
dans  c(!  concile,  on  en  honora  premièrement  le 
pape,  avant  (]ue  de  le  connnuniiiuer  aux  autres 
grands  archevê(|ucs,  et  on  en  honoi'a  premiè- 
rement le  pai)e,  comme  pape  et  comme  chef 
de  l'Eglise.  En  cette  qualité  il  est  unique  et 


DE  LA  CONTESTATION  SUR  LE  TITIIE  DE  I>ATRL\RCHE  OECrMENIQL*E. 


:i 


universel,  étant  lui  seul  vicaire  de  J.-C.  et  chef 

(le  l'Eglise  universelle.  Ainsi  eett!M|iiali(é  (l'uni- 
versel n'est  nullement  préjudiciable  aux  autres 
patriarches,  parce  que  le  pape,  comme  pa- 
triarche, n'est  pas  universel,  n'tfant  patriarche 
nue  (Je  son  ressort  dans  l'Occident,  et  laissant 
aux  autres  patriarches  la  pleine  jouissance  de 
leurs  patriarcats  dans  les  vastes  régions  de 
l'Orient.  La  qualité  d'iin/versef  on  d'œcumé- 
nique  a  (ionc  pu  être  légitimement  donnée  au 
pape,  comme  pape,  dans  le  concile  de  Calcé- 
doine :  et  elle  n'a  pu  être  donnée  au  patriarche 
de  Constantinople,  ni  au  pape  même,  comme 
patriarche,  sans  une  profanation  et  sans  un 
renversement  général  des  autres  patriarcats. 
Car,  comme  l'Eglise  est  universelle,  catholique 
et  œcuménique,  parce  qu'elle  est  une  et  seule, 
et  embrasse  toute  la  terre;  comme  le  concile 
général  est  universel  et  œcuinéni(iue,  parce 
qu'il  est  uni(iue,  et  qu'il  comprend  toute  l'au- 
torité de  l'Eglise  assemblée  dans  la  personne 
de  ses  pasteurs  ;  comme  le  pape  est  imiversel 
et  œcuménique,  parce  qu'il  est  unique  chef 
de  l'Eglise  universelle  :  aussi  le  patriarche  de 
Constantinople  pourrait  être  appelé  œcumé- 
nique ,  s'il  était  seul  patriarche  de  toute 
l'Eglise. 

Rien  n'est  donc  si  juste  et  si  exact  (jue  le 
raisonnement  de  saint  Grégoire,  qui  prévoyait 
bien  que  toutes  les  démarches  de  l'évéque  de 
Constantinople  tendaient  à  renverser  l'ordre 
établi  par  J.-C;  et  au  lieu  de  Pierre,  et  du 
successeur  de  Pierre,  qu'il  a  donné  pour  chef 
à  son  Eglise,  par  la  seule  toute-puissance  de 
sa  grâce,  victorieuse  de  toutes  les  forces  et  de 
toutes  les  attaques  de  l'empire  romain  ,  établir 
un  autre  chef  dans  l'Eglise  par  la  seule  auto- 
rité impériale,  et  par  les  seules  forces  de  l'am- 
bition et  de  la  vanité  des  hommes. 

XII.  Ce  pape  semble  passer  outre,  et  pré- 
tendre que  l'ambitieuse  innovation  de  Jean  de 
Constantinople  allait  à  détrôner  non-seulement 
les  autres  patriarches,  mais  à  faire  descendre 
de  leurs  sièges  tous  les  évèques  de  l'Eglise. 
«  Si  hoc  dici  libenter  permittitur,  honor  pa- 
triarcharum  omnium  negatur.  Etcum  fortasse 
is  in  errore  périt,  qui  universalis  dicitur, 
nullus  jam  episcopns  l'emansisse  in  statu  veri- 
tatis  invenitur  ilbid.).  »  Et  en  une  autre 
lettre  :  «  Nullus  apostolicne  Sedis  antistitum 
hoc  temerarium  nomen  arripuit,  ne  si  sibi  in 
pontiflcatus  gradu  gloriam  singularitatis  arri- 
peret,  banc  omnibus  fratribus  denegasse  vide- 


retur  (Liv.  iv,  epist.  xxxvui).  »  Et  ailleurs  : 
«  Si  unus  e|)isco|)us  vocatur  imiversalis ,  uni- 
versa  Ecclesia  corruit  Liv.  vi,  epist.  xxiVj.  « 
Et  dans  sa  réponse  à  Euloge,  évèque  d'Alexan- 
drie, (|ui  l'avait  traité  de  pa|)e  universel,  il 
proteste  (jne  cette  qualité  ne  peut  lui  con- 
venir à  lui-même,  sans  détruire  le  nom  et 
l'autorité  de  tous  les  autres  évèques  de  la 
terre. 

«  Vobis  subtrahitur,  quod  alteri  plus  (piam 
ratio  exigit  pr;ebefur.  Ego  enim  non  verbis 
(puero  prosperari,  sed  moribus;  nec  honorem 
esse  depulo.  in  tpio  fratres  meos  honorem 
suuni  perdere  cognosco.  Meus  namque  honor 
est  honor  universalis  Ecclesiae.  Meus  honor 
est  fratrum  meorum  solidus  vigor.  Tune  ergo 
vere  honoratus  sum,  cum  singulis  (|uibusque 
honor  debitus  non  negatur.  Si  enim  imiversa- 
lem  me  papam  vestra  sanctitas  dicit,  negat  se 
hoc  esse,  quod  me  fatetur  universum  (L.  vu, 
epist.  xxxl.  » 

XIII.  Les  dernières  paroles  de  ce  saint  pape 
nous  font  voir  (}ue  ce  n'était  pas  une  basse  ja- 
lousie qui  le  faisait  agir,  mais  un  zèle  très-pur 
et  un  amour  très-ardent  de  la  modestie,  de 
l'humilité  et  de  la  charité  qui  doit  régner  entre 
les  évèques.  Il  ne  voulait  pas  souffrir  qu'aucun 
évèque  prit  le  nom  fastueux  à' universel ,  et  il 
ne  le  i)renait  pas  lui-même,  quoiqu'il  put  le 
faire  sans  faste.  Il  voulait  que  les  évèques  fis- 
sent consister  leur  honneur,  non  pas  en  des 
noms  magnifiques,  mais  en  une  conduite  sainte  • 
et  modeste.  Il  ne  pouvait  permettre  qu'aucun 
évèque  s'élevât  en  rabaissant  les  autres,  et  lui- 
même,  qui  était  élevé  au-dessus  de  tous  les  au- 
tres, mettait  sa  grandeur  à  soutenir  la  leur,  et 
sa  gloire  à  ne  pas  les  laisser  déshonorer.  Non- 
seulement  il  ne  voulait  pas  prendre,  mais  il  ne 
pouvait  souffrir  qu'on  lui  attribuât  le  nom 
A\miversel ,  de  peur  qu'on  n'ôtàt  aux  autres 
évèques  ce  qu'on  lui  donnait,  et  qu'en  le  re- 
haussant on  n'abaissât  ses  frères. 

XIV.  Car  qui  doute  que  ce  terme  d'évêque, 
ou  de  pape ,  ou  de  patriarche  universel  ne 
puisse  avoir  ce  sens  dangereux  d'un  évèque 
seul,  et  qui  donne  l'exclusion  à  tous  les  autres; 
de  même  cpie  le  terme  de  concile  universel  ou 
œcuménique,  et  celui  d'Eglise  universelle  ne 
permet  pas  (pi'il  y  ait  en  même  temps  d'autre 
concile  ou  d'autre  Eglise  dans  toute  la  terre? 
Il  est  donc  vrai  (jue  saint  Grégoire  pouvait ,  et 
même  qu'il  devait  donner  ce  mauvais  sens  au 
litre  ambitieux  d'œcuménique   que   l'évéque 


7î 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  ONZIÈME. 


de    Constanfinople    commençait    dusurper. 

i.  Parce  (\ue  celte  innovation  était  odieuse, 
et  méritait  ([u'on  en  prévînt  l'établissement  ou 
les  périlleuses  suites.  Et  pour  cela  il  était  im- 
portant de  découvrir  tous  les  mauvais  sens,  et 
les  pernicieux  artifices  qui  pouvaient  y  être  ca- 
cliés. 

2.  Celui  qui  commença  à  faire  cette  tentative, 
usurpait  en  même  temps  une  juridiction  effec- 
tivement universelle  ([ui  ne  pouvait  lui  a|)par- 
tenir,  d'assendder  un  concile  général  et  d'y 
juger  lui  seul  un  patriarche,  sans  avoir  appelé 
les  autres  palriarciies  et  sans  l'aveu  du  pape. 
On  pouvait  foii  l'aisonnablement  présumer  (|ue 
cette  fastueuse  (jualité  et  cette  insolente  usur- 
palion  concourant,  ensendjle,  avaient  du  rap- 
|)Ort  l'une  avec  l'autre,  et  que  les  pensées  et  les 
paroles  n'étaient  pas  moins  ambitieuses  que  les 
actions. 

3.  Jean  de  Constanfinople  marchait  sur  les 
pas  de  sesi)rédécesseurs,(iui  avaient  tenté,  dans 
le  concile  de  Constantinople,  et  ensuite  dans 
celui  de  Calcédoine,  de  s'élever  au-dessus  des 
autres  patriarches  ,  et  (pii  s'étaient  maintenus 
dans  leurs  usurpations  i)ar  l'autorité  impériale  ; 
car,  quoiqu'Anatolius  eût  semblé  désavouer  le 
l)a])e  Léon  et  renoncer  à  ce  (jue  le  concile  de 
Calcédoine  a\ait  innové  pour  satisfaire  à  son 
ambition  ,  Libérât  nous  apprend  que  ce  décret 
injuste  subsistait  toujours  en  quelque  manière 
par  la  faveur  des  enq)ereurs,  malgré  les  oppo- 
sitions du  Siège  apostolique  :  «  Et  licet  apo- 
stolica  Sedes  nunc  us(iue  conlradicat,  (luod  a 
synodo  (irmatuin  est,  inqteratorio  patrocinio 
permanet  quodannnodo  (Liber,  in  Breviar.  c. 
xiu).  B  Si  Jean  le  Jeûneur  poussait  toujours  plus 
loin  les  entreprises  de  ses  prédécesseurs,  il  était 
bien  juste  que  i'élage  et  saint  Grégoire  fussent 
aussi  les  inntaleurs  du  zèle  du  grand  saint 
Léon  à  s'opposer  à  toutes  les  nouveautés  (lui 
menaçaient  l'unité,  et  (|ui  détruisaient  l'hiuni- 
lité  qui  est  la  conservaliice  de  l'unité  de  l'E- 
glise :  «  Hocabunitate  atque  humilitate  Eccle- 
slte  nialuni  supi'rbia'  et  coiifusionis  anioveat 
Deus.  Ôblesfor  ut  constaiiter  ac  sine  |ira'juilitio 
servetis,  sicut  accepistis  Ecclesias  (L.  iv,  epist. 
xxxvi),  ))  disait  saint  Crégoire,  écrivant  à  Euloge 
ti'Alexandrie. 

A.  Ce  grand  pa|)e  n'ignorait  pas  combien  les 
évè(iues  de  Constantinople,  soutenus  de  la 
puissance  imjjériale,  avaient  excité  d'orages 
dans  l'Eglise  par  les  (urems  nouvelles  dont 
ils  avaient  été  ou  les  auteurs,  ouïes  {lartisans. 


C'est  ce  i|ue  saint  Grégoire  écrivit  à  l'évèque 
d'AntiocheAnastase  :  aScitis,  quanti  non  solum 
haerelici,  sed  etiam  hceresiarchoe  de  Constanti- 
iiop(ditana  Ecclesia  sint  egressi  (L.  vi ,  e|)ist. 

XXIV).  » 

5.  L'événement  justifia  la  sage  conduite  de 
ce  grand  \)i\\w.  Car  peu  de  temps  ajtrès  sa 
mort  l'empereur  Phocas ,  piqué  d'ailleurs 
contre  Cyriaque,  évêque  de  Constantinople,  (|ui 
avec  le  titre  d'œcuménique  prétendait  ouver- 
tement a  la  première  place  de  l'Eglise  ,  le  fit 
rentrer  dans  son  rang,  et  atfermit  par  un  décret 
solennel  la  primauté  du  Siège  romain  : 
«  Bonilacius  III  papa  obtinuit  a|)ud  Phocam 
princi|)eni  ,  ut  Sedes  apostolica  beati  Pétri 
apostoli  Caput  esset  omnium  Ecclesiarum  :  id 
est  Ecclesia  Romana;  ([uia  Ecclesia  Constanti- 
nopolitana  jirimam  se  omnium  Ecclesiarum 
scribebat  (Paul.  Diac.  L.  iv.  degest.  Longob. 
Anastas.  Biblioth.  Ado  anno  604).  » 

L'ambition  des  évoques  de  Constantinople 
fut  alors  arrêtée  par  cet  obstacle  que  la  Provi- 
dence lui  opposa  ;  mais  elle  éclata  plus  auda- 
cieusement  dans  les  siècles  suivants,  et  en  dé- 
chirant l'unité  de  l'Eglise  universelle ,  elle  fit 
reconnaître  combien  on  avait  justement  appré- 
hendé les  suites  funestes  de  ce  titre  d'unicersel. 

XV.  Saint  Grégoire  n'avait  pas  donné  un 
moindre  témoignage  de  cette  humble  magna- 
nimité, ou  de  cette  humilité  magnanime,  qui 
fait  le  caractère  des  souverains  jiasleurs  de 
l'Eglise,  en  tempérant  la  majesté  et  la  gloire  du 
premier  siège  ,  qu'en  prescrivant  aux  sièges 
inférieurs  la  même  modestie.  Bien  loin  de  se 
dire  évèque  universel,  il  n'avait  reconnu  ni 
saint  Pierre,  ni  aucun  de  ses  successeurs  ,  que 
comme  le  premier  entre  les  membres  de  l'E- 
glise universelle ,  comme  chacun  îles  autres 
apôtres  et  des  évèques  qui  leur  ont  succédé 
est  le  premier  des  membres  des  Eglises  parti- 
culières :  M  Certe  Petrus  apostolus  primum 
membrum  sanclœ  et  universalis  Ecclesiae  est. 
Paulus,  Andréas,  Joannes,  quid  aliud,  quam 
singularum  sunt  plebium  ca|iita?  Et  tamen 
sub  uno  cai>ite  onmes  meinbra  sunt  Ecclesiae 
(L.  IV,  epist.  xviii).  » 

XVI.  Jean  Diacre  (L.  ii,  c.  t),  remanpie  dans 
la  vie  de  ce  saint  pape  (pi'il  commença  de 
s'aiipeler  le  serviteur  des  serviteurs  de  Dieu, 
au  commencement  de  ses  lettres,  pour  laisser  à 
ses  successeurs  l'héritage  glorieux  de  cette  hu- 
milité vraiment  apostolique  ,  ()ui  est  la  seule 
\  oie  de  rehausser  le  plus  haut  troue  de  l'Eglise, 


DE  LA  CONTESTATION  SIR  LE  TITRE  DE  PATRIARCHE  ŒCUMÉNIQUE. 


73 


et  pour  confondre  l'orgueil  des  inférieurs  ]iar 
la  modestie  de  ceux  que  J.-C.  a  placés  dans  le 
premier  siège  :  «  Universalis  vocabulum  rc- 
futavit,  et  prinuis  omnium  se  in  princijjio 
epistolarum  suaruin  servum  servoriuu  Dei 
scribi  satis  humiliter  defmivit  ;  cunclisiiue 
suis  successoribus  documentum  suœ  humili- 
tatis  liaireditarium  relii[uit  :L.  iv.  c.  08'.  » 
Ce  grand  et  humble  pape  était  bien  persuadé, 
et  il  tâchait  de  persuader  à  toute  la  terre  (pie 
la  vraie  grandeur  des  évèques  était  l'humilité, 
et  que  l'épiscopat  n'était  qu'une  divine  servi- 
tude, qui  rendait  les  évéques  les  serviteurs  de 
tous  ceux  dont  ils  semblaient  devenir  les 
maîtres  :  «  Ego  (jui  per  episcopatus  onera 
servus  sum  omnium  factus.  » 

Il  est  vrai  qu'avant  saint  Grégoire  .  saint 
Augustin  avait  pris  la  qualité  de  serviteur  des 
serviteurs  de  Dieu  dans  quelques-uues  de  ses 
lettres;  et  qu'après  lui  quelques  évéques  de 
France,  saint  Boniface,  évèque  de  Mayence.  et 
plusieurs  autres  évéques  particuliers  l'ont  aussi 
prise.  Mais  cela  n'empêche  pas  que  Jean  Diacre 
n'ait  dit  avec  vérité  que  saint  Grégoire  laissa 
ce  titre  héréditaire  à  tous  ses  successeurs , 
comme  un  titre  de  la  suprême  gloire  du  pre- 
mier siège ,  <iui  ne  se  peut  rehausser  ([ue  [)ar 
son  hiunililé,  a  l'exemple  du  prince  des  pas- 
teurs, dont  la  croix  a  été  l'exaltation  :  a  Ego  si 
exaltatus  fuero  a  terra ,  omnia  traham  ad 
meipsum.  » 

XVII.  II  est  vrai  aussi  que  le  titre  de  pa- 
triarche œcuménique  avait  été  la  première 
fois  donné  à  Dioscore,  évêque  d'Alexandrie, 
par  Olymjiius,  évèque  d'Evasé,  dans  le  second 
concile  d'Ephèse ,  et  que  ce  faux  concile  fut 
relu  dans  le  concile  de  Calcédoine,  sans  que  ce 
titre  orgueilleux  y  fût  nommément  condamné. 
Mais  Olympius  ne  coula  ce  mot  qu'une  fois 
en  passant ,  et  le  concile  second  d'Eiihèse  ne 
peut  que  servir  de  flétrissure  à  celui  qui  y  a  été 
honoré,  comme  il  a  relevé  la  gloire  de  ceux  qui 
y  ont  été  flétris  ou  même  martyrisés  :  l'on  ne 
peut  dire  aussi  que  le  concile  de  Calcédoine  ait 
entendu  la  lecture  de  ce  terme  sans  opposition, 
puisqu'il  a  condamné  et  tout  ce  faux  concile 
d'Ephèse,  et  tous  les  infâmes  monuments  de 
l'ambition  de  Dioscore.  et  la  personne  de  Dios- 
core même  ,  et  sa  présidence  à  un  concile  gé- 
néral, qui  semblait  avoir  donné  occasion  à  ce 
prétendu  nom  d'universel.  Car  c'est  apparem- 
ment conune  au  président  d'un  concile  pré- 
tendu œcuménique,  et  comme  à  un  patriarche 


<|ui  avait  juridiction  sur  les  autres  patriarches, 
etquientreprenaitladépositiondeceluideCons- 
tantinoplo  ,  que  ce  titre  fut  donné  à  Dioscore. 
Voici  les  ternies  d'Olympius  ,  évè(|ue  d'Evasé  : 
«  Présente  universali  concilio,  cui  Prœsul  est  et 
primus.  ^anctissimus  pater  noster  et  univer- 
salis  episcopus  Dioscorus  (Act.  1 .  Conc.  Chal- 
ced).  » 

II  est  donc  vrai  que  même  dans  cette  fausse 
et  injuste  attribution  du  nom  A' universel  à 
Dioscore  ce  nom  signifiait  un  évoque -sTaiment 
universel,  président-né  des  conciles  œcumé- 
ni(]ues,  soutenu  d'une  légitime  autorité  pour 
la  déposition  des  patriarches  .  comme  Pelage 
et  Grégoire  l'entendirent.  Et  il  est  aussi  faux 
que  le  concile  de  Calcédoine  n'ait  pas  désap- 
prouvé l'insolente  attribution  de  ce  nom  à 
Dioscore,  comme  il  est  faux  qu'il  n'ait  pas  con- 
damné le  brigandage  d'Ephèse  et  tous  les  pou- 
voirs qui  y  avaient  été  usurpés  ,  et  tous  les 
attentats  qui  y  avaient  été  commis  par  Dioscore, 
qui  avait  même  porté  son  insolence  jusqu'au 
comble,  en  prononçant  une  sentence  d'excom- 
munication contre  le  pape,  tant  il  se  |irétendait 
être  devenu  vraiment  universel  par  l'appui  de 
l'autorité  impériale.  Et  au  contraire  ce  nom 
d'universel  fut  donné  au  pape  Léon  dans  le 
plus  nombreux  et  le  plus  solennel  des  conciles 
vraiment  œcuméniques,  dans  quatre  requêtes 
vues  par  l'empereur  Marcien,  renvoyées  et  pré- 
sentées au  concile,  non-seulement  sans  oppo- 
sition du  concile,  mais  avec  l'applaudissement 
de  tout  le  concile ,  non  pas  au  nom ,  mais  à 
l'actuel  exercice  de  tous  les  suprêmes  pouvoirs 
contenus  en  ce  nom  de  président-né  des  con- 
ciles œcuméniques ,  de  juge  des  patriarches, 
de  chef  de  l'Eglise  universelle. 

XVIII.  Les  évéques  de  Constantinople  ne  lais- 
sèrent pas  de  se  donner  dans  les  siècles  suivants 
la  qualité  d'universel.  Sergius  la  prend  dans 
les  pièces  qui  furent  lues  dans  le  concile 
romain,  tenu  sous  le  pape  Martin.  Mais  on 
peut  dire  que  toutes  ces  usurpations  furent  en 
quelque  façon  désavouées  dans  le  sixième  con- 
cile œciunénique  ,  où  les  trois  légats  du  pape 
nomment  dans  leurs  souscriptions  le  pape 
Agathon /j^7/je  œcuménique,  et  où  George,  dans 
la  sienne ,  se  nomme  simplement  évêque  de 
Constantinople,  la  nouvelle  Rome  :  ce  qui  est 
encore  observé  dans  les  souscriptions  de  la  ha- 
rangue ,  ou  de  la  remontrance  faite  à  l'em- 
pereur (Act.  18). 

XIX.  Au  reste ,  si  le  patriarche  de  Constan- 


74 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DOUZIÈME. 


tinople,  Jean  le  Jeûneur,  a  été  aussi  relevé  en 
sainteté  (|ue  les  histoires  grecques  semblent 
nous  fain;  croire  ,  il  ne  faut  pas  pour  cela  être 
surpris  des  saints  emportements  de  saint  Gré- 
goire contre  lui  ;  car  c'est  plutôt  contre  cette 
action  qu'il  s'est  emporté  ,  que  contre  sa  per- 
sonne :  et  on  sait  bien  que  les  plus  grands 
saints  n'ont  i)U  s'empêcher  de  faire  voir  en  quel- 
([ues  rencontres  qu'ils  étaient  hommes;  et  que 
s'ils  étaient  les  soleils  de  l'Eglise  de  la  terre, 
ils  n'étaient  ni  sans  éclipse,  ni  sans  tache. 

Si  Jean  de  Constantinople  a  poussé  les  pré- 
tentions de  son  siège  plus  loin  qu'il  ne  devait, 
il  considérait  peut-être  moins  ses  intérêts 
propres  que  ceux  de  son  Eglise,  et  il  ne  pré- 
voyait pas  les  effroyables  excès  où  se  porteraient 
en  suite  de  cela  les  successeurs  de  sa  dignité, 
<|ui  ne  seraient  pas  en  même  temps  les  imita- 
teurs de  sa  piété.  Si  saint  Grégoire  s'est  pris  à 
la  piété  même  de  Jean ,  (ju'il  a  cru  jilus  appa- 
rente que  solide,  ce  ne  peut  être  qu'un  amour 
excessif  de  l'humilité  et  de  la  modestie,  qui  l'a 
transporté  contre  tout  ce  cpii  en  chocjuait  même 
les  apparences.  Ses  invectives  contre  Jean  ont 
été  justes  et  même  nécessaires;  parce  i|u'il 
était  nécessaire  de  combattre ,  non-seulement 
les  intentions  (|u'il  avait ,  mais  aussi  celles 
([u'il  pouvait  avoir,  et  celles  que  ses  successeurs 
n'ont  que  trop  fait  éclater  à  la  ruine  de  leur 
Eglise. 

L'ignorance  où  les  |)lus  saints  hommes  sont 
de  leurs  intentions  réciproques  cause  souvent 
entre  eux  des  différends  et  des  contestations, 
où  l'amour  de  dillérenles  vertus  semble  à  la 
vérité  se  combattre  lui-même  ,  mais  où  il  se 
fortifie  et  se  jmrifie  liù-uiême  par  ces  inno- 


cents combats ,  qui  n'en  veulent  qu'aux  vices 
et  non  pas  aux  hommes.  Ce  sont  de  ces  divins 
combats  et  de  ces  saintes  animosités  qui  |)ar- 
tagent  quelquefois  les  anges ,  au  rapport  de 
Daniel,  et  qui  s'allumèrent  autrefois  entre  les 
Israélites,  également  zélés  de  part  et  d'autre 
poiu-  le  culte  du  vrai  Dieu,  selon  la  même 
Ecriture, 

«  Vides  igiturquod  proeademreligione,  qua 
recte  colitur  Deus  ,  non  soliuii  dissenlire  a  se 
invicem  ,  veriuu  etiani  laudabiliter  pugnare 
adversum  se  religiosi  ac  rectissimi  possunt, 
dum  eos  non  ratio  divini  cultus  ,  sed  alterius 
alterum  latet  intentio;  »  ce  sont  les  paroles  du 
savant  Facundus,  évêque  d'Hermiane,  à  l'em- 
jicreur  Justinien  (L.  vu,  c.  (i).  11  ajoute  qu'il  y 
avait  des  prophètes  parmi  les  Israélites  qui 
étaient  prêts  de  faire  la  guerre  à  la  tribu  de 
Cad,  prenant  pour  une  violation  de  la  religion 
ce  qui  en  devait  être  un  monument  éternel. 
Au  reste,  que  les  évêques  ne  doivent  pas  péné- 
trer dans  le  cœur  des  hommes  plus  avant  que 
les  prophètes.  Enfin  .  que  le  concile  premier 
d'Ejjhèse  d'un  côté,  et  Jean  d'Antioche  à  la  tête 
de  dix  provinces  de  l'autre,  conte  fièrent  autre- 
fois de  la  même  manière  avec  beaucoup  de 
chaleur,  par  une  simple  et  innocente  mé|)rise, 
n'en  voulant  de  part  et  d'autre  qu'à  l'erreur  ; 
mais  ne  pénétrant  pas  les  replis  des  cœurs,  où 
ils  la  croyaient  cachée  :  «  Quare  intentionem, 
et  inventes  utramque  partem  pro  divino  cultu 
fuisse  soUicitam.  Quœre  ignorantiam,  et  neu- 
tram  invenies,  qu*  ad  divinum  cultum  perti- 
nent, sed  alteram  partem  alterius  intentionem 
ignorasse.  » 


CHAPITRE  DOUZIÈME. 


nu    PATHIARCIIE    DE   JEIIUSALEM,    PENDANT    LES   CINQ   PREMIERS    SIECLES. 


I.  Les  grands  avantages  de  l'Egliso  de  Jérusalcin. 

II.  Ils  ne  lui  furent  pas  conservés  après  que  cette  ville  eût 
été  détruite  par  Adrien,  qui  reb;Uit  A'M  proche  de  là. 

III.  Ce  ne  lut  qu'au  tcuips  de  Constantin  qu'.I'.lia  redevint  Jé- 
rusalem. 

IV.  Avant  l'euipire  de  Conslajilni,  on  respectait  toujours  beau- 
coup l'évèquc  d'.Elia  et  des  lieux  saints. 

V.  Le  concile  de  Nicée  lui  donna  un  rang  et  une  préséance 
d'honneur,  sans  le  soustraire  à  la  juridiction  du  métropolitain 
(le  Césarée. 


VI.  Ce  n'était  pas  la  seule  qualité  de  protolrône  ou  Je  pre- 
mier sulTragant  qu'on  lui  donna. 

Vil.  Cette  préséance  d'honneur  lit  revivre  les  prétentions  de 
siège  apostolique. 

Vlll.  Juvénal  trouva  une  conjoncture  favorable  dans  le  con- 
cile d'Kphèse  pour  établir  son  patriarcat  sur  le  démembrement 
de  celui  d'Antioche.  Saint  Cyrille  lui  résiste. 

l\.  Juvénal  ne  laisse  pas  de  se  maintenir  par  des  rescrits  de 
l'empereur  Théodose. 

X.  Il  fait  un  concordat  avec  le  patriarche  d'Antioche,  le  con- 


DU  PATRIARCHE  DE  JÉRISALEM. 


cile  de  Calcédoine  le  confirme  et  lui  adjuge  les  trois  Palestines. 

XI.  Pourquoi  le  pape  y  résista  faiblement,   ayant  résisté  si 
vijjourcuseinenl  à  l'évèque  de  Constantinople. 

XII.  .\ffennissenienl  de  ce  nouveau  patriarcat. 

XIII.  Le  concile  V  le  confirme  et  l'augmente. 

XIV.  Ce  qu'il  faut  croire  des  rescrils   de  l'empereur  dont  il 
a  été  parlé  ; 

XV.  Et  de  ces  poursuites  des  patriarches  pour  leur  agrandis- 
sement propre. 

l.  Comme  ce  fut  dans  le  concile  de  Calcé- 
doine que  fut  établi  le  patriarcat  de  Jérusalem, 
aussi  bien  que  celui  de  Constantinople  ,  et  que 
ce  fut  le  ein([uiéme  et  le  dernier  des  grands 
patriarcats,  j'ai  jugé  plus  à  propos  d'eu  traiter 
immédiatement  après,  quoique  la  matière  où 
nous  étions  engagés  nous  conviât  de  parler 
des  trois  petits  exarchats  qui  furent  entin  ab- 
sorbés dans  celui  de  Constantinople. 

11  est  d'abord  surprenant  comment,  entre  les 
Eglises  patriarcales,  celle  de  Jérusalem  n'a  eu 
que  la  dernière  place,  puisque  l'empereur  Jus- 
tin écrivit  avec  tant  de  vérité  au  pape  Hor- 
misde  que  cette  Eglise  était  la  mère  du  nom 
chrétien,  et  qu'on  n'eût  osé  s'en  séparer  : 
«  Ilierosolymitanœ  Ecclesifc  omnes  favent,  cum 
sit  mater  Christiani  nominis  ;  ut  nemo  audoat 
ab  ea  sese  discernere  Post.  Epist.  lxxiv.  Hor- 
misd.).  »  Et  puisque  saint  Epiphane  ne  dit  pas 
moins  véritablement  que  saint  Jacques  en  fut 
le  [iremier  évéque,  y  remplissant  le  trône  de 
J.-C.  même  sur  la  terre  :  «  Primus  ille  episco- 
palem  cathedram  cepit,  cum  ei  ante  ca'teros 
omnes  siuim  in  terris  thrommi  Dominus  tra- 

didisset ,  w  Tz-mii-vy/^  '.Jfc;  tov  Sw/ov  aÙTC'j   i—\  tt,;  -ff; 

K5<iTcv.  (Havres,  lxxviii,  n.  7), 

II.  L'étonnement  cessera  sans  doute,  si  l'on 
considère  que  la  ville  de  Jérusalem  ne  garda 
pas  après  sa  désolation  le  même  rang  qu'elle 
avait  eu  auparavant  :  mais  ayant  été  détruite 
par  les  Romains ,  et  la  nouvelle  ville  d'.^^lia 
n'ayant  été  bâtie  et  nommée  par  Adrien  que 
quelques  années  après,  dans  une  place  diffé- 
rente, quoique  proche  de  l'ancienne  Jérusalem, 
ce  ne  fut  plus  ni  la  même  ville  ni  le  même 
évèché.  Le  concile  de  Nicée  ne  lui  donne  point 
d'autre  nom  que  celui  d'évèque  d'.Elia.  Saint 
Hilaire,  saint  Athanase,  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze,  disent  que  de  leur  temps  Jérusalem 
n'était  plus.  Saint  Jérôme  se  flattait  un  peu, 
quand  il  la  prenait  pour  la  même,  comme  si 
JElia  avait  été  bâtie  des  ruines  de  Jérusalem  (In 
Epitapliio  Paulœ;.  Il  a  peut-être  jtarlé  plus 
exactement  ailleurs,  eu  appelant  ce  nouvel 
éyêché  :  «  i4îliense  territorium,  »  et  disant, 


comme  par  raillerie,  que  Jean,  qui  en  était 
évoque,  se  vantait  d'avoir  un  siège  aposto- 
lique :  M  Apostolicam  cathedram  haberese  jac- 
tans  (Epist.  a<i  Tlieopliil.  cont.  error  Joan. 
Hieros.)  ;  »  enfin  (juand  il  dit  ([ue  l'évèque  de 
Jérusalem  relevait  de  la  métropole  de  Césarée 
et  de  l'exarque  d'Antioche  :  a  Palestina;  metro- 
polisCaesarea  :  Orienlis  Antiocliia.  .\ut  igitur  ad 
Cffsariensem  episcopum  referre  debueras ,  aut 
ad  Antiochenum  (Epist.  ad  Pammac.  cont.  er- 
ror. Joan.  Hierosol.  .  »  Ce  sont  là  les  su])érieurs 
auxquels  il  renvoie  lévéque  de  Jérusalem. 

m.  En  efïet,  cette  prétention  de  siège  apos- 
tolique n'entra  dans  l'esprit  des  évoques  d'^'f^lia 
qu'après  ([ue  la  piété  de  Constantin  et  d'Hélène 
y  eut  bâti  les  plus  superbes  temples  du  monde 
au  nom  de  J.-C.  .+>lia  redevînt  Jérusalem  dans 
restime  et  finclination  des  fidèles.  Eusebe  dit 
que  Constantin,  élevant  ces  temples  magni- 
fiques, rebâtit  en  quelque  façon  une  Jérusalem 
nouvelle,  vis-à-vis  de  l'ancienne,  qui  avait  été 
détruite  :  «  In  ipso  Servatoris  nostri  martyrio, 
fabricata  est  nova  Jérusalem,  ex  adverse  veteris 
illius  celeberrimœ  ,  qua>  post  nefariam  Domini 
ca'dein,  ultimam  vastitatem  experta  est  L.  iii. 
de  vita  Constant.,  c.  33;.  » 

C'est  en  ce  sens  qu'il  faut  entendre  Eusèbe, 
(p.iand  il  dit  que  le  siège  apostolique  s'y  était 
conservé  :  a  Hermon  apostolicam  cathedram, 
quœ  illic  etiamnunc  servatur,  obtinuit  (L.  vu. 
Hist.^  c.  ult.>.  »  11  parle  selon  le  langage  nou- 
veau, après  Constantin,  et  selon  les  prétentions 
des  évêques  de  cette  nouvelle  Jérusalem,  qui 
après  un  si  long  naufrage  se  trouvèrent  si  re- 
culées qu'on  ne  put  les  faire  réussir  que  cent 
vingt  ans  après  dans  le  concile  de  Calcédoine. 
Et  quant  à  ce  que  saint  Epiphane  dit  du  trône 
de  J.-C.  sur  la  terre.  Pierre  de  Uamien  répond 
excellemment  que  J.-C.  n'est  pas  l'évèque 
d'une  Eglise  en  particulier,  mais  de  toutes  les 
Eglises  :  qu'ainsi  la  primauté  des  patriarches 
ne  vient  que  de  la  primauté  de  saint  Pierre  : 
«  Constat  Uominum  Salvatorem  non  uni  cuili- 
bet  cathedrœ  speciali  jure  pra;esse,  sed  cunclis 
unumpastoremuniversalilerprfesidere.  Liquet 
ergo  Ecclesiarum  ordinem  esse  dispositum 
juxta  privilegium  Pétri,  non  secundum  incom- 
parabilem  exccUentiam  majestatis  Opusculo 
33,  c.  4).  »  A  quoi  on  [leut  ajouter  que  le  Fils 
de  Dieu  ayant  prédit  en  termes  si  formels  la 
ruine  entière  de  Jérusalem,  il  ne  pouvait  pas  y 
fixer  le  premier  trône  de  son  Eglise,  surtout  si 
l'un  considère  ses  desseins  éternels  et  incom- 


1& 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DOUZIÈME. 


préhensibles,  d'abandonner  les  Juifs  qui  l'a- 
vaient si  souvent  et  si  cruellement  abandonné, 
et  d'établir  l'empire  de  son  Eglise  dans  la  geu- 
tilité. 

IV.  Quoique  ces  vérités  soient  constantes,  il 
ne  laisse  pas  d'être  véritable  que  les  fidèles  et 
les  écrivains  des  trois  ou  quatre  premiers  siècles 
ont  eu  une  vénération  toute  particulière  pour 
l'éminence  et  la  sainteté  de  l'Eglise  de  .lérusa- 
lem.  Clément  d'Alexandrie,  cité  par  Eusèbe, 
dit  ((ue  Pierre,  Jacques  et  Jean  ne  contestèrent 
point  sur  le  droit  de  la  primauté,  mais  qu'ils 
cédèrent  tous  l'épiscopat  de  Jérusalem  à  saint 
Jacques  :  a  Quamvis  ip?os  Doniinus  ca'teris 
prfetulisset ,  non  idcirco  de  primo  bonoris 
gradu  inter  se  coiitendisse,  sed  Jacobum  co- 
gnomine  justum  llierosolymorum  episcopum 
elegisse  (Eusèb.  I.  ii,  c.  i).  » 

Eusèbe  dit  qu'après  la  mort  de  saint  Jacques 
on  croyait  que  les  a|)àlres  s'étaient  assemblés, 
et  lui  avaient  donné  j)0ur  successeur  Siméoii, 
«[ui  était  aussi  des  parents  de  J.-C.  selon  la 
chair  iL.  iii,  c.  H)  ;  qu'il  y  eut  quinze  évèques 
à  Jérusalem  avant  la  désolaliim  qui  en  lut  laite 
par  l'empereur  Adrien;  qu'ils  furent  tous  de 
la  circoncision;  qu'a|)rès  cela  ce  furent  des 
gentils  convertis  (L.  iv,  c.  .V.  Il  dit  (ju'au  con- 
cile de  Palestine,  pour  la  |)àque,  sous  le  pape 
Victor,  les  évèques  de  Césarée  et  de  Jérusalem 
présidèrent  (L.  v,  c.  12,  i^>'<.  Il  nomme  l'évèijue 
de  Césarée  avant  celui  de  Jérusalem  dans  l'or- 
dination d'Origène  (L.  vi,  c.  8)  ;  mais  il  nonnne 
aussi  celui  de  Jérusalem  avant  celui  de  Césaiée, 
en  parlant  du  concile  d'Anlioclie  contre  Paul 
de  Saniosate  :  a  llymenœus,  qui  Ecclesiam 
Hierosolymitanam  regebaf,  et  Tlieotecnus.  (]ui 
Ca'sariensem  illi  linitimam  adniinistrabal  L. 
vu,  c.  28).  M  II  s'est  appliqué  avec  soin  à  don- 
ner la  suite  non  interrompue  des  évèques  de 
Jérusalem  aussi  bien  que  des  autres  Eglises 
a[)osloli(iiies.  Et  (|uoiiiu'il  eût  intérêt,  comme 
métropolitain  de  Césarée,  de  se  précautionner 
contre  la  puissance  excessive  de  l'un  des  sullra- 
gants,  non-seulement  il  traite  Jérusalem  de 
siège  aposlolicpie,  ct)mnie  nous  avons  vu,  mais 
après  avoir  rapporté  lason)ptuositédestem|)les 
<pie  Constantin  et  Ib'lèiie  y  tirent  bâtir,  etavoir 
dit  que  ce  fut  une.  nouvelle  Jérusalem  (jii'ils 
fondèrent  vis-à-vis  de  l'ancienne,  il  ajoute  ijuc 
c'élait  là  peut-être  cette  nouvelle  Jérusalem, 
dont  le  propbcte  avait  relevé  les  avantages  jus- 
qu'au ciel.  «  At(pie  liœc  forsitan  fuerit  recens 
illa  ac  nova  Jérusalem,  propbetarum  vaticiniis 


praedicata,  etc.  (De  vita  Const.  L.  m,  c.  33).  » 
V.  Si  Eusèbe  suivait  en  cela  les  inclinations 
de  Constantin,  il  faut  croire  que  toute  l'Eglise 
s'y  était  accommodée.  Sozomène  dit  que  de 
toutes  les  Eglises  du  monde  on  accourut  pour 
célébrer  durant  huit  jours  la  dédicace  des 
églises  magnifiques  que  ce  pieux  empereur 
avait  élevées  dans  Jérusalem  (L.  u,  c.  23.)  Le 
concile  de  Nicée  ne  put  refuser  un  rang  d'hon- 
neur tout  particulier  à  l'évêque  de  cette  Jéru- 
salem nouvelle,  en  la  laissant  néanmoins  sous 
la  juridiction  de  la  métropole  de  Césarée,  à 
laquelle  elle  avait  été  sujette  depuis  la  ruine 
de  l'ancienne  Jérusalem  sous  Adrien ,  et  la 
translation  de  ce  siège  épiscopal  des  évèques 
circoncis  aux  ])rélats  convertis  de  la  gentilité. 
Car,  il  est  fort  apparent  que  les  quinze  pre- 
miers évèques  de  l'Eglise  juda'isante  de  Jéru- 
salem avaient  dominé  sur  toutes  les  Eglises 
voisines.  Après  la  dernière  désolation  de  Jé- 
rusalem sous  -i^lius  Adrianus,  qui  en  fit  une 
nouvelle  ville  qu'on  appela  .Elia,  ces  évèques 
furent  soumis  au  métropolitain  de  Césarée ,  et 
il  y  a  néanmoins  quelque  sujet  de  croire  (|u'ils 
conservi'rent  toujours  quelque  rang,  sinon  de 
juridiction,  au  moins  d'honneur  et  de  pré- 
séance sur  les  autres  évèques  ,  par  une  défé- 
rence respectueuse  et  volontaire  de  leur  part 
envers  les  prélats  d'im  lieu  si  respcclé  par 
tous  les  fidèles,  qui  y  accouraient  de  toute  la 
terre  pour  baiser  les  adorables  traces  du  Sau- 
veur du  monde.  Cela  est  expressément  marqué 
dans  le  canon  vu  du  concile  de  Nicée ,  qui 
confirme  seulement  la  coulume  et  l'ancienne 
tradition  de  donner  une  honorable  préséance  à 
l'évêque  d'.ïlia.  «  Quia  consuetudo  obtinuit, 
et  antiqua  traditio,  ut  .iliœ  episcopus  hono- 
retur,  babeat  consequentiam  bonoris,  I/.é™ 
-r.-é  à«>.o'j(iiav  T-r.î.Tt(i.-ii;  ;  salva  mctropoli  propria 
dignitate.  » 

\l.  Comme  c'était  en  quchpie  manière,  et 
que  ce  n'était  pas  en  rigueur  l'ancienne  Jéru- 
salem, aussi  on  lui  laisse  les  honneurs  des 
anciens  èvêciues  de  Jérusalem,  mais  on  ne  lui 
en  donne  point  la  juridiction.  Quelques-uns 
ont  cru  que  par  ce  canon  on  donnait  seule- 
ment à  l'évêque  d'.4<^lia  la  qualité  de  prototrône, 
c'est-à-dire,  de  premier  sullragant  sous  le  mé- 
fidl>olilain  de  Césarée.  Mais  cela  s'accorde  mal 
a\ec  tout  ce  qui  a  été  dit  des  avantages  et  des 
prétentions  à  la  (jualitè  de  siège  apostolique 
dont  on  a  flatté  ces  évèques.  Cela  s'accorde 
encore  moins  bien  avec  ce  qui  nous  reste  à  dire. 


nr  PATRIARCHE  DE  JERISAI.EM. 


V' 


77 


Le  concile  de  Constantinoplc,  qui  <l('clar;i  les 
ciiiii  exarchats  de  l'empire  de  l'Ej^lise  de  l'O- 
rient, ne  donna  point  de  place  dans  cet  énii- 
nent  collège  à  l'évêque  de  Jérusalem,  parce 
qu'il  n'en  avait  pas  la  juridiction.  Mais  dans  sa 
lettre  synodale  au  pape  Damase,  et  aux  Occi- 
dentaux, il  leur  propose  Cyrille,  comme  évêque 
de  l'Eglise  de  Jérusalem,  mère  de  toutes  les 
autres  Eglises.  «  Ecclesise  Hierosolymitanae , 
quœ  est  aliarum  omnium  mater,  Cyrillum 
episcopum  vobis  ostendimus  (Theodoret.  lib. 
V,  c.  9.)  » 

Theodoret,  qui  a  inséré  cette  lettre  dans  son 
histoire  ,  rapporte  ailleurs  les  contestations 
scandaleuses  qui  s'allumèrent  entre  Acacius, 
métropolitain  de  Césarée,  et  Cyrille,  évèque  de 
Jérusalem,  sur  la  primauté,  ws?!.  ^pwTsiMv.  .\cace 
déposa  Cyrille ,  dont  la  déposition  fut  encore 
confirmée  dans  le  concile  de  Séleucie,  au  rap- 
port de  Sozomène ,  parce  qu'il  ne  voulait  pas 
se  soumettre  à  son  métropolitain,  prétendant 
être  évèque  d'un  siège  apostolique.  «  Uuod 
cum  episcopus  Hierosolymorura  constitutus 
essef,  de  jure  metropolitico  altercaretur  cum 
episcopo    CaesarctE ,    velut    apostolicœ    sedis 

antisteS,  i^epi  [iriTpowoXtTtxwv  Jiy.a((i)v  îieçs'paTOjâ;  àîrcsTS- 
Xixcii  ejcvoj  T.vwu.=vo;.   (Sozoui.  lib.  U,  C.  24). 

VII.  Cyrille  tirait  apparemment  à  consé- 
(juence  la  préséance  d  honneur  qui  lui  avait 
été  donnée  par  le  concile  de  Nicée.  Et  comme 
elle  ne  pouvait  avoir  eu  d'autre  fondement  que 
la  succession  continuée  depuis  saint  Jacques 
jusqu'à  lui ,  il  tirait  de  ce  principe  des  conclu- 
sions un  peu  plus  étendues  que  celles  du  con- 
cile de  Nicée.  Jean,  évèque  de  Jérusalem,  avec 
qui  saint  Jérôme  fut  si  longtemps  brouillé . 
flattait  aussi  son  ambition  de  l'idée  maguilique 
d'un  siège  apostolique,  mais  ce  n'était  qu'une 
idée  en  l'air  :  car  l'évêque  de  Césarée  présida 
effectivement  au  concile  de  Diospolis,  où  Pelage 
fut  examiné,  quoi([ue  l'évêque  de  Jérusalem  fût 
présent.  Saint  Porphyre,  évèque  de  Gaze,  au 
rapport  de  Marc,  diacre,  avait  bien  été  ordonné 
jirêtre  par  Prailius, évèque  de  Jérusalem  ;  mais 
ce  fut  Jean,  métropolitain  de  Césarée,  ([ui  le  fit 
évêque,  et  qui  l'ordonna. 

VIII.  On  s'accoutuma  enfin  à  confondre  l'an- 
cienne et  la  nouvelle  Jérusalem,  comme  tant 
d'autres  villes  sont  demeurées  les  mêmes  après 
des  révolutions,  des  chutes  et  des  changements 
tout  semblables,  et  cjue  le  titre  d'apostolii[ue 
ne  pouvait  être  refusé  à  ce  prélat  par  cette 
foule  innombrable  de  pieux  pèlerins  qui  allaient 


à  Jérusalem  :  d'où  vient  que  Ruffin  faisant 
rénumération  des  èvèques  des  premiers  sièges 
de  Rome,  d'Alexandrie  et  d'Antioche,  leur  joint 
Je, m  de  Ji'rusalem,  avec  le  nom  d'a|)Ostolique  : 
M  In  urbe  Roma  post  Damasum  Syricius,  etc. 
Apud  Alexandriam  Timolheus,  in  Hierosoly- 
mis  post  Cyrillum  Joannes  apostolicas  repara- 
vit  sedes  :  apud  Antiochiam  defuncto  Meletio 
substituitur  Flavianus(L.  ii,  c.ai).»  Sozomène 
fait  la  même  énumération  de  ces  quatre  pré- 
lats ensemble. 

Ce  fut  sans  doute  ce  qui  encouragea  Juvènal, 
évèque  de  Jérusalem,  dans  le  concile  iireuùcr 
d'Ephèse.  Il  y  fit  éclater  ses  prétentions  sur  la 
Palestine,  et  il  les  appuya  par  des  manifestes 
artificieux.  Saint  Cyrille,  évêque  d'Alexandrie, 
qui  présidait  à  ce  concile,  et  qui  avait.à  api)ré- 
liender  que  si  présentement  Juvènal  démem- 
brait le  patriarcat  de  Jérusalem,  ou  lui-même 
ou  (jnelqu'un  de  ses  successeurs  n'entrepris- 
sent lui  jour  sur  celui  d'Alexandrie,  résista 
vigoureusement  à  cette  entreprise  et  en  écrivit 
à  Rome. 

C'est  saint  Léon,  pape,  qui  nous  a  appris  cette 
histoire  dans  sa  lettre  a  Maxime,  évêque  d'An- 
tioche :  «  Subrependi  occasiones  non  pra^ter- 
mittit  ambitio,  et  quoties  ob  intercurrentes 
causas  generalis  sacerdotum  facta  fuerit  con- 
gregatio,  difficile  est  utcupiditas  improborum 
non  aliquid  supra  mensuram  suam  nioliatur 
api)etere.  Sicut  etiam  inEphesinasynodo,  quae 
impium  Nestorium  perculit,  Juvenalis  episco- 
pus ad  obtinendum  Palestina;  provinciœ  jirin- 
cipatum  crcdidit  se  posse  sufficere,  et  insolen- 
tes ausus  per  conmientitia  scripta  probare. 
Quod  sanctœ  mémorise  Cyrillus  Alexandrinus 
episcopus  merito  perhorrescens,  scriptis  suis 
milù,  quod  prœdicta  cupiditas  ausa  sit,  indica- 
vit,  et  sollicita  prece  multum  poposcit,  ut  nulla 
sollicitis  conatibus  prceberelur  assensio  lEpist. 
Lxm.  » 

Juvéual  avait  sans  doute  voulu  profiter  de 
l'occasion  favorable  à  ses  projets,  pendant  (jue 
Jean,  évêque  d'.\ntioche,  paraissait  à  la  tête 
du  faux  concile  qui  se  tenait  en  même  temps 
dans  Ephèse  pour  la  défense  de  la  personne, 
plutôt  tjue  des  erreurs  de  Nestorius  ;  il  eût  bien 
mente  d'ètie  sévèrement  châtié  d'une  si  auda- 
cieuse partialité,  si  la  peine  eût  été  linùtée  à  sa 
personne,  sans  blesser  les  droits  de  son  Eglise. 
Le  pape  Léon  ne  monta  que  longtemps  après 
sur  le  Siège  apostolique,  mais  il  gouvernait 
déjà  eu   partie   l'Eglise  romaine   en    ([ualité 


78 


DU  PREiMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DOUZIÈME. 


d'archidiacre.  C'est  pour  cela  que  saint  Cyrille 
lui  écrivit,  pour  empêcher  que  Juvénal  ne 
fît  quelque  surprise  au  pape  pour  se  faire 
adjuger  le  patriarcat  de  la  Palestine. 

IX.  Juvénal  ne  se  rebuta  pas  de  ce  mauTais 
succès.  Il  crut  quil  pourrait  être,  et  il  fut  effec- 
tivenient  plus  heureux  dans  le  concile  de 
Calcédoine.  On  pourrait  néanmoins  douter 
si  dans  le  concile  dEphèse  même  il  avait 
cédé  aux  résistances  de  saint  Cyrille  :  car 
il  y  fit  cette  déclaration  surprenante,  que 
l'évè(jue  d'Antioche  devait  être  ju^é  |)ar  ce- 
lui de  Jérusalem  :  «  Oportebat  Joannem  An- 
tiochiœ  episcopum,  obedientiam  déferre  apo- 
slolico  Ihrono  HierosolymorumEcclesia!,apud 
qucm  niaxinii'  mos  est  ex  a|)ostolico  online  et 
traditione,  ut  ipsa  sedes  Anliocliena  dirigalur. 
etapud  eum  judicetur  Con.  Ephes.  Act.  -i).  » 

(  les  paroles  sont  étrangement  surprenantes,  et 
je  ne  vois  pas  en  quel  sens  on  peut  les  prendre , 
si  ce  n'est  que  les  deux  archevêques  dAntioche 
et  de  Constantinople.  Jean  et  Nestonus,  étant 
ré\oltés  contre  le  concile,  et  tenant  une  as- 
semblée schismatique  à  part,  Cyrille  seul  pré- 
sidait aji  concile  au  nom  du  pape  et  au  sien  ; 
le  premier  évêque  a[irès  lui  était  celui  de  Jéru- 
salem, lequel,  étant  d'ailleurs  voisin  de  l'arche- 
vêque d'Antioche  devait  aussi  avoir  un  des 
|)remiers  rangs  entre  ses  juges,  selon  la  cou- 
tume des  temps  a|)ostoliques,  (jue  pour  le 
jugement  des  grandes  causes  on  appelait  les 
plus  illustres  des  évê(]ues  voisins.  Ainsi  ce  rang 
ne  [)Ouvait  être  disputé  à  l'évêque  de  Jérusa- 
lem, qui  se  vantait  avec  quelque  fondement 
de  posséder  un  siège  apostolique,  à  (jui  le 
concile  de  Nicée  avait  donné  une  préséance 
extraordinaire,  et  qui  par  la  révolte  de  Jean  cl 
de  Nestorius  se  trouvait  le  premier  en  rang 
après  l'évêque  d'Alexandrie. 

Juvénal,  nonobstant  le  refus  de  saint  Cyrille, 
suivi  apparemment  de  celui  du  siège  romain. 
ne  laissa  pas  de  demander  et  d'obtenir  un 
rescrit  impérial,  par  lequel  Thèodose  lui  sou- 
mellaitk's  trois  Palestines,  les  deux  Pliènicies, 
et  l'Arabie.  L'archevêque  d'Antioche  obtint  des 
rescrils  contraires.  La  contestation  fut  lon- 
gue. Théodose  ayant  indi(iué  le  concile  II 
d'Ephèse,  il  enjoignit  par  des  rescrits  parti- 
culiers à  Dioscore.  archevêque  d'Alexandrie,  et 
à  Juvénal,  archevêque  de  Jérusalem,  de  s'y 
lrou\er.  Ce  titre  d'archevêque  ne  se  donnail 
alors  (|u'aux  cxanpies  et  aux  patriarches. 

X.  Enlin  le  ixmcile  de  Calcédoine   termina 


le  différend  qui  partageait  depuis  si  longtemps 
toute  l'Eglise  entre  ces  deux  archevêques,  en 
confirmant  le  concordat  qu'ils  avaient  fait,  par 
lequel  les  deux  Phènicies  et  l'Arabie  revenaient 
au  patriarche  d'Antioche,  et  les  trois  Pales- 
tines demeuraient  à  celui  de  Jérusalem.  Les 
légats  du  Saint-Siège  y  consentirent  pour  le 
bien  de  la  paix  :  «  pro  bono  pacis,  »  c'est-à- 
dire,  pour  finir  les  longs  diffèrenilsde  ces  deux 
Eglises  (Conc.  Calced.  act.  ,7). 

Le  pape  Léon  se  contenta  de  protester  en  gé- 
néral (ju'il  (h'sapprouvait  tout  ce  qui  avait  été 
fait  au  concile  de  Calcédoine  contre  les  canons 
de  Nicée,  sans  rien  exprimer  en  particulier  de 
ce  nouvel  agrandissement  de  l'évêque  de  Jéru- 
salem. Il  écrivit  queliiue  temps  après  à  Juvénal 
de  Jérusiilem  ,  sans  lui  témoigner  en  façon 
aucime  que  cette  innovation  lui  déplût  (Epist. 
Lxxii).  Il  agit  avec  tant  de  force  contrôles  usur- 
pations de  l'archevêque  de  Constantinople,  qaoi- 
qu'autorisées  dans  le  même  concile  de  Calcé- 
doine, qu'il  l'obligea  de  les  relâcher.  Mais  il  se 
mit  peu  en  peine  de  l'entreprise  de  l'évêque  de 
Jérusalem.  11  est  vrai  que  Maxime,  évêque 
d'Antioche,  lui  ayant  écrit  pour  tâcher  de  ren- 
trer dans  ses  droits,  il  lui  fit  réponse  ([u'il  con- 
damnait toutes  les  contraventions  faites  au 
concile  de  Nicée,  etqu'ilne  confirmerait  jamais 
ce  que  ses  légats  pourraient  avoir  fait  dans  le 
concile,  horsde  lamatière  de  la  foi  (Epist.  lxu); 
mais  il  ne  s'expliqua  pas  davantage,  ni  il  ne 
poussa  jtasla  chose  plus  loin. 

XL  Ce  pape  avait  certainement  des  raisons 
et  de  justes  intérêts  pour  garder  ce  tempéra- 
ment, et  pour  prendre  d'autres  mesures  avec 
l'évêque  de  Constantinople,  qu'avec  celui  de 
Jérusalem.  Ce  ne  fut  qu'une  partie  du  concile 
qui  lit  le  xxvm  canon,  si  favorable  a  l'évêque  de 
Constantinople  ;  les  légats  du  Saint-Siège  con- 
firmèrent le  concordat,  et  ils  s'o])posèrent  for- 
mellement au  canon.  Le  concordat  était  néces- 
saire pour  terminer  un  procès  interminable, 
l'un  et  l'autre  de  ces  deux  prélats  étant  munis 
de  rescrits  impériaux  ;  il  n'en  était  pas  de 
même  de  l'archevêque  de  Constantinople  et 
des  trois  petits  exarcjues. 

On  ne  pouvait  presque  plus  nier  que  Jérusa- 
lem ne  fût  un  siège  apostoliiiue,  puisque  dans 
ces  sortes  de  choses,  qui  dépendent  de  l'estime 
et  de  la  volonté  des  hommes,  il  était  vrai  que  la 
nouvelle  Jérusalem  était  la  même  que  l'an- 
cienne, comme  tant  d'autres  villes  sont  les 
mêmes  après  leur  rétablissement  (ju'elles  ont 


DF  PATRIARCHE  DK  JÉRUSALEM. 


»'t 


79 


été  avant  leurchutc;  et  elles  peuvent  redevenir 
ce  quelles  étaient  p;ir  leur  pro^irés ,  connue 
elles  avaient  pu  n'être  plus  ce  qu'elles  avaient 
été,  par  leur  décadence.  Enfin  les  événements 
n'ont  que  trop  justifié  les  trois  appréliensions 
de  sainl  Léon  à  l'égard  des  accroissements 
excessifs  de  l'archevêque  de  Constantinople,  et 
son  inditlérence  pour  ceux  de  l'évêque  de  Jéru- 
salem, puisque  ce  sont  ces  prodigieux  progrés 
de  l'archevêque  de  Constantinople  ijui  ont 
divisé  l'Eglise,  et  qui  l'ont  séparé  lui-même  de 
cette  divine  et  si  nécessaire  unité,  qui  conserve 
tous  ceux  qui  la  i^ardeut. 

XII.  Depuis  ce  temps-là  tous  les  monuments 
ecclésiastiques  nous  font  voir  l'archevêque  de 
Jérusalem  comme  métropolitain  de  la  première 
Palestine,  et  patriarche  du  diocèse  qui  les  em- 
brassait tous  les  trois.  Avitus,  évêque  de  Vienne, 
écrivant  à  l'évêque  de  Jérusalem,  lui  donne  de 
l'apostolat  en  termes  fort  magnifiques  :  «  Exer- 
cet  apostolatus  vester  concessos  a  divinitate 
primatus,  et  quod  principem  locumin  Ecclesia 
uuiversali  teneat,  non  privilegiis  soluni  studet 
monstrare,  sed  meritis  (Epist.  xxuf.  » 

On  donna  depuis  toujours  rang  aux  cinq 
patriarches  avant  tous  les  autres  évêques  du 
monde  ;  Constantinople  était  le  second,  Jéru- 
salem le  cinquième.  Dans  les  séances  des 
conciles  généraux,  dans  les  souscriptions,  dans 
les  lois  de  Justinien,  dans  les  lettres  du  grand 
saint  Grégoire,  ces  cinq  patriarches  paraissent 
toujours  dans  une  grande  élévation  au-dessus 
de  tous  les  autres  prélats  (Act.  5,  Conc.  Con- 
stantin, sub  Mena; .  L'évêque  de  Jérusalem  prési- 
da au  concile  des  trois  Palestines  tenu  en  518, 
et  à  plusieurs  autres. 

XIII.  Guillaume  de  Tyr  a  cru  que  le  patriar- 
cal de  Jérusalem  n'avait  été  établi  qu'au 
concile  V  général  (Vuillel.  Tyrius,  1.  xiv,c.  12). 
Il  pourrait  avoir  eu  égard  au  canon  xxxvi  du 
concile  in  Trid/o,  qui  veut  que  le  patriarche 
de  Constantinople  ait  le  premier  rang  après  le 
pape,  et  qu'il  soit  suivi  de  ceux  d'Alexandrie, 


d'Antioche  et  de  Jérusalem  ;  on  sait  que  les 
canons  de  ce  concile  furent  attribués  aussi  au 
ciiKiuième  concile;  ou  bien  il  a  eu  en  vue  une 
augmentation  du  patriarcat  de  Jérusalem, 
qui  fut  faite  dans  le  concile  cinquième,  en  lui 
attribuant  quelques  nouvelles  métropoles  dans 
la  Syrie  et  la  Phénicie,  comme  Béryth  et  Ruba. 

XIV.  11  ne  nous  reste  plus  que  doux  remar- 
ques à  faire.  La  première  est  que  si  l'empereur 
avait  donné  divers  rescrils  pour  démembrer 
le  patriarcat  d'Antioche  et  en  attribuer  une 
partie  à  l'évêque  de  Jérusalem,  il  avait  été  sur- 
pris par  les  artifices  de  Jnvénal.  Aussi  le  pa- 
triarche d'Antioche  obtint  ensuite  des  rescrits 
contraires,  et  c'était  cette  contrariété  de  res- 
crits qui  donnait  matière  à  ce  procès. 

Jnvénal  avait  lâché  auparavant  d'impétrer 
ce  privilège  du  concile  d'Ephèse,  sachant  bien 
que  c'était  à  l'Eglise  (jue  ce  pouvoir  a|)par- 
tenait.  Le  concile  de  Calcédoine  respecta  néan- 
moins la  majesté  de  l'empire,  et  ne  se  mêla 
point  de  révoquer  ou  de  casser  ces  rescrits. 
Ce  furent  les  magistrats  de  l'empire  qui  le 
firent,  en  ayant  obtenu  le  pouvoir  de  l'em- 
pereur Marcien  :  «  Cessantibus  secunduni 
jussionem  divinissimi  et  piissinii  principis 
omnibus  iiragmaticis,  et  quocumque  modo 
sacris  ab  utraque  parte  litteris  impetratis,  in- 
super et  mulctatione,  quse  in  eis  hujus  rei 
causa noscitur  contineri  (Con. Chalced.  Act.  7).  » 

XV.  La  seconde  remarque  est  que  les 
efforts  des  évêques  de  Jérusalem  pour  rétablir 
leur  Eglise  dans  l'éminence  d'un  siège  aposto- 
lique, dont  elle  était  déchue,  ont  été  fort  par- 
donnables, et  peutrètre  même  louables,  s'ils 
ont  eu  plus  d'ardeur  pour  les  intérêts  et  l'agran- 
dissement de  leur  Eglise  que  de  leur  per- 
sonne. Après  tout,  ces  fautes  peuvent  avoir 
été  légères,  puisque  les  a[)ôtrcs  disputaient 
encore  entre  eux  de  la  primauté,  lors  même 
(jue  J.-C.  leur  rendit  ce  témoignage  avanta- 
geux ,  qu'ils  étaient  purs  et  justes.  Il  s'en  faut 
beaucoup  que  les  justes  soient  sans  péché. 


•  ,.•'11 


80 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TREIZIÈME. 


CHAPITRE  TREIZIEME. 


DES    PATBI.\RCHES    A>CIENS,    SEI,0>    LES    SEMIMEMTS    DES    GRECS    Dl    MOyE>    AGE. 


I.  Balsaœon ,  quoiqn'ennemi  déclaré  des  Latins,  reconnaît  la 
préémioence  du  pape  sur  les  antres  patriarches.  De  la  mitre 
envoyée  à  saint  Cyrille  d'Alexandrie  pour  présider  au  concile 
général  d'Eplièse. 

II.  Sentiment  des  Grecs  sur  le  densième  canon  du  concile  de 
Constantiuople,  et  sur  l'appel  de  la  sentence  des  patriarches. 

III  Balsa;non  croit  que  si  l'on  n'appelle  point  du  pape,  du 
patriarche  de  Constantinople  et  du  concile  général,  c'est  par  la 
concession  des  empereurs.  Extravagance  de  ce  sentiment. 

IV.  Il  rencontre  mieux  ailleurs,  quand  il  dit  que  les  patriarches 
sontles  successeurs  des  apùlres,  et  qu'ils  sont  tous  primitive- 
ment émanés  du  siège  de  Saint-Pierre. 

V.  Balsaœon  croit  que  les  cinq  patriarches  sont  les  cinq  chefs 
de  l'Eglise  qui  n'en  font  qu'un. 

VI.  Les  Grecs  mêmes  ont  reconnu  que  le  patriarche  de  Cons- 
tantinople avait  un  territoire  limité,  quoiqu'il  se  dit  œcuménique; 
et  que  le  concile  était  œcuménique ,  si  le  pape  y  présidait, 
quoique  les  autres  patriarches  ne  pussent  s'y  trouver. 

VII.  Longtemps  avant  Balsamon,  les  Grecs  avaient  commencé 
d'attribuer  à  l'union  et  à  la  conspiration  des  cinq  patriarches  les 
victoires  de  l'Eglise  sur  ses  ennemis.  Diverses  preuves  de  cela. 

VIII.  Prérogatives  des  patriarches. 

IX.  Des  conciles  des  patriarches. 

I.  Les  patriarches  anciens  sont  les  premiers 
L't  les  plus  cininents  de  tous  les  membres  de 
ce  divin  corps,  dont  le  j>ape  est  le  chef.  Ce  sont 
les  termes  de  la  donation  de  Constantin,  dont 
l'auteur  n'était  pas  un  Grec,  puistju'il  donne 
le  dernier  rang  au  [j.itriarche  de  Constan- 
tinople :  «  Et  sit  caput  (iiiafiior  sedium,  sedis 
Alexandrinœ,  Antiochense.  Hierosolymitana». 
et  Constantinoiiolitana',  et  ut  semel  dicaiii 
omnium  totius  orbis  Ecclesiarura  (In  Nonio- 
can.  Tit.  viii,  c.  1).  » 

J'ai  déjï  dit  iju'en  conséquence  de  ce  que  le 
concile  premier  de  Constantinople  avait  ac- 
cordé aux  évèques  de  cette  ville  impériale  les 
privilèges  de  l'ancienne  Rome,  queltjues  pa- 
triarches de  Constantinople  avaient  préteudii 
s'attribuer  tous  les  avauUiges  que  cette  dona- 
tion accorde  au  pape;  mais  Balsamon  remar- 
que que  leurs  efforts  avaient  été  inutiles.  «  Sed 
eis  non  recte  cessit.  » 

Le  même  Balsamon  racont(>  au  même  en- 
droit ([ue  l'évêque  d'Alexandrie  portait  encore 
dans  les  cérémonies  solennelles  la  mitre  pré- 
cieuse que  le  pape  Célestin  avait  autrefois  en- 
voyée à  saint  Cyrille,  comme  une  manpie  ho- 
norable de  la  commission  dont  il  l'honorait,  de 
présider  en  son  nom  au  concile  général  d'Ephèst; 


et  d'y  condamner  l'hérésie  et  la  personne  de 
Xestorius.  évèque  de  Constantinople.  «  Cum 
non  posset  Cœlestinus  adesse  Ephesi,  et  judi- 
care  Nestorium  :  visum  est,  ut  sancto  Cyrillo 
a  Cœlestino  permitteretur  huic  synodo  pi'cEsi- 
dere.  Ut  itaque  constaret  eum  habere  jus  et 
auforitatem  papae,  sedit  cum  Phry^o,  et  con- 
deninavit  Nestorium.  Ab  eo  ergo  tempore  cum 
eodem  Phrygio  sacrificant,  et  procedunt  Pa- 
triarchaî  Alexandrini ,  et  non  verentur  re- 
prehendi.  » 

On  peut  évidemment  conclure  de  là  les 
différences  que  les  Grecs  mêmes  mettaient 
entre  les  papes  et  les  autres  patriarches,  non- 
seulement  au  temps  de  Balsamon,  mais  dans 
les  siècles  précédents,  et  même  dans  les  pre- 
miers siècles,  puisqu'ils  croyaient  qu'il  n'ap- 
partenait qu'au  pape  de  présider  à  un  concile 
a^cimiiniquc,  et  d'y  faire  le  procès  aux  autres 
]iatriarches,  et  que  les  patriarches  d'AIe.xau- 
drie  s'étaient  cru  si  honorés  d'avoir  une  fois 
été  revêtus  de  la  personne  et  de  l'autorité  du 
pape  par  une  commission  extraordinaire,  qu'ils 
en  avaient  transmis  les  marques  d'honneur  à 
leurs  successeurs,  pour  en  éterniser  la  gloire 
dans  leur  Eglise  patriarcale. 

II.  Eu  effet,  quoique  Balsamon  fût  lui-même 
patriarche  d'Autioche ,  et  qu'il  ait  répandu 
dans  tous  ses  écrits  le  venin  d'une  aversion  et 
d'une  inimitié  mortelle  contre  l'Eglise  latine 
et  contre  les  papes,  la  lumière  et  la  force  de  la 
vérité  n'a  pas  laissé  de  le  contraindre  de  se 
déclarer  en  cent  endroits  pour  la  piiniauté  du 
siège  romain,  -i  7Ts■(Jg£;^  -rf,;  T-ar;.  En  explicpiant  le 
canon  ii  du  concile  de  Constantinople,  qui  ad. 
juge  à  l'évêque  de  Constantinople  la  jiréséance 
d'iionneur  après  celui  de  Rome,  il  se  rit,  aussi 
bien  que  Zonare,  de  ceux  qui  ne  faisaient  con- 
sister le  sens  de  ce  terme  après,  que  dans  le 
temps,  et  non  pas  dans  la  différence  du  rang, 
et  qui  soutenaient  leur  sentiment  par  le 
canon  xviii  du  concile  de  Calcédoine,  qui  at- 
tribue à  celui  de  Constantinople  les  mêmes 
avantages  qu'au  pape ,  -k  \<i%  irfEaj^Eîa. 

Il  est  vrai   qu'il  ne  veut  pas  qu'on  puisse 


DES  PATllI ARCHES  ANCIENS. 


SI 


appeler  de  la  sentence  des  patriarches  au  [lajie 
ou  à  l'euipeceur.  Mais  il  ne  dissimule  i>as  lui- 
même  qu'il  avait  peu  de  partisans  dans  cette 
opinion.  Car  les  uns  croyaient  qu'on  pouvait 
appeler  de  celui  d'Antioclie  à  Alexandrie,  et 
ainsi  des  autres  selon  leur  ranf;  ;  «  et  sic  dein- 
ceps  secundum  majorem  uniuscujusque  ordi- 
nem  (In  Can.  xii.  Synodi  Anlioch.):  »  c'est-à- 
dire  de  celui  d'Alexandrie  à  Constantinople, 
et  de  Constantinople  à  Home. 

D'autres  estimaient  en  général  que  les  sen- 
tences des  ])atriarches  étaient  absolinncnt  su- 
jettes à  rap|)el,  puisque  les  lois  n'en  exemptent 
que  celles  des  préfets  du  prétoire,  et  que  la 
Novellc  de  Justinien,  qui  a  été  mise  dans  les 
basiliques,  comme  n'ayant  rien  perdu  de  sa 
vigueur  par  le  long  cours  des  années ,  rend  le 
patriarche  comptable  à  l'empereur,  qui  le 
corrigera,  s'il  excède  dans  ses  ordinations  le 
nombre  des  clercs  déterminé  i)ar  les  lois  : 
«  Novella  tertia  Justiniani  decernit  :  Patriar- 
cham  imperatori  ratiouem  reddere,  et  ah  im- 
])eralore  corrigi,  si  Clericum  ultra  numerum 
ordinarit.  » 

Quelques-uns  permettaient  l'appel  aux  laï- 
([nes,  mais  non  pas  aux  ecclésiastiques,  ni  aux 
religieux,  dont  les  différends  avaient  été  déci- 
dés par  une  sentence  des  patriarches.  D'autres 
réservaient  l'appel  aux  causes  pécuniaires,  et 
ne  le  permettaient  pas  à  celles  qui  sont  s[)iri- 
tuelles  ou  ecclésiastiques.  Enûn ,  il  y  en  avait 
qui  ne  soumettaient  à  l'appellatiou  les  sentences 
du  patriarche,  que  lorsqu'il  jugeait  par  déléga- 
tion de  l'empereur  avec  d'autres  juges,  ou  avec 
son  propre  synode.  D'autres,  au  contraire^  ne 
l'exemptaient  de  l'appellation  que  lorsqu'il 
terminait  une  cause  qui  n'avait  été  portée  à 
son  tribunal  que  par  appellation. 

III.  Dans  cette  variété  d'opinions,  Balsamon 
dit  que  si  les  lois  n'ont  pas  donné  aux  patriar- 
ches le  privilège  des  préfets  du  prétoire,  c'est 
parce  que  ces  lois  ont  été  faites  avant  rétablis- 
sement des  patriarches.  Si  Justinien  semble 
n'en  avoir  pas  parlé  dans  ses  Novelles ,  c'est 
parce  qu'il  n'a  pas  cru  que  l'impudence  pût 
monter  jusqu'à  ce  point,  et  il  s'est  contenté  de 
recommander  qu'on  respectât  les  résolutions 
des  patriarches.  Au  reste,  que  Constantin  ayant 
accordé  dans  sa  donation  tous  les  droits  impé- 
riaux au  pa])e,  et  le  second  concile  de  Constan- 
tinople ayant  rendu  participant  l'évêque  de 
Constantinople  des  prééminences  du  pape ,  il 
s'ensuit  de  là  que  ce  sont  là  les  trois  seuls 

Th.  —  Tome  I. 


tribunaux  dont  il  n'y  a  point  d'a])i)el ,  en  y 
ajoutant  les  statuts  des  synodes  généraux,  puis- 
qu'on les  publie  connue  des  ordonnances  im- 
périales. «  Projiterea  enim  ut  est  consenlaneum, 
et  synodalia  edicta  instar  privilegiorum  rega- 
linm  edictorum  emiltuiilur.  »  Et  ]ilus  bus  : 
«  A  synodo  non  cadit  appellatio,  ut  a  papa  et 
a  patriarcha  Couslantinoi>olitano  (Ibidem  et  in 
Can.  XV.  Ant.).  » 

Voilà  les  ténèbres  épaisses  dont  le  schisme  a 
couvert  ces  grandes  lumières  de  l'Orient.  Us 
sont  ol)liyés  de  mendier  et  d'enqirunter  de  la 
])uissance  séculière  les  principaux  avantages 
de  l'Eglise  et  du  sacerdoce,  au  lieu  de  recourir 
au  Roi  des  rois,  qui  a  prévenu  son  épouse  dans 
l'abondance  de  ses  célestes  bénédictions.  Il 
faut  au  moins  retirer  ce  fruit  des  égarements 
de  Ralsamon,  que  l'usage  était  tel  en  son  temjjs 
et  dans  les  siècles  qui  l'avaient  inunédiatement 
précédé,  que  les  seules  sentences  du  concile 
général,  du  pape  et  du  patriarche  de  Constan- 
tinople étaient  exemiites  d'appel,  et  i|ue  la  pré- 
rogative du  patriarche  de  Constantinople,  de 
l'aveu  même  des  grecs  schismatiques,  n'était 
qu'un  écoulement  et  une  prétendue  communi- 
cation de  celle  du  pape. 

IV.  Balsamon  (In  Supplem.  pag.  iHi)  s'était 
ailleurs  lui-même  moqué  de  cette  communi- 
cation imaginaire ,  comme  nous  l'avons  déjà 
dit,  et,  dans  la  profonde  obscurité  du  schisme, 
il  n'a  pas  laissé  d'entrevoir  ailleurs  qu'il  y 
a  d'autres  plus  légitimes  origines  de  ces  émi- 
nences  patriarcales  ,  que  celles  qu'on  veut 
faire  couler  d'une  fabuleuse  donation.  Il  a  re- 
connu que  les  patriarches  sont  encore  plus 
particulièrement  que  les  autres  évê(|ues  suc- 
cesseurs des  apôtres,  et  héritiers  de  leur  puis- 
sance :  a  Apostolorum  successores,  eos  qui 
nunc  sunt  patriarchae,  appellat  (Balsamon  in 
Epist.  Dion.  pag.  1109).  »  Cette  succession  de 
l'autorité  souveraine  des  apôtres  était  un  titre 
bien  plus  authentique  et  plus  glorieux  qu'une 
prétendue  concession  de  Constantin.  Mais  quel 
moyen  de  donner  au  patriarche  de  Constanti- 
nople la  succession  des  apôtres,  i)uisqu'il 
avoue  lui  même  que  Bxzance  n'était  qu'un 
simple  évêché  sous  la  métropole  d'Héraclée,  et 
que  le  zèle  qu'il  fait  gloire  d'avoir  pour  la  ville 
impériale,  dont  il  était  citoyen,  ne  l'a  pas  empê- 
ché de  confesser  que  le  patriarche  de  Constan- 
tinople était  encore  sacré  par  le  métropolitain 
d'Héraclée,  parce  qu'il  avait  été  autrefois  son 
sutfragant.  L'exemple  du  contraire  qu'il  rap- 

6 


H-2 


UU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE   TREIZIÈME. 


porte  d'Etienne,  frère  de  l'empereur  Léon  le 
Sa^'^i;,  qui  tut  sacré  par  Ttiéopliane,  métropo- 
litain de  Césarée,  était  sinfrulier  et  contraire  à 
la  rè^^le  générale  (In  Su|>plem.  pag.  lli-i). 

Mais  le  nième  Balsamon  confesse  sans  dégui- 
sement, dans  un  autre  traité  (jui  se  trouve  dans 
le  droit  oriental,  que  lorigine  primitive  et  tous 
les  privilèges  des  Eglises  patriarcales  ne  sont 
qu'un  rejaillissement  de  la  primauté  céleste 
dont  J.-C.  honora  saint  Pierre,  qui  ordonna 
ensuite  Evodius  à  Antioche,  Marc  son  disciple 
à  Alexandrie,  Jacques  à  Jérusalem,  André  en 
Tlirace  (Juris  (Jrient.  1.  vu,  pag.  442).  11  ajoute 
que  les  cinq  patriarches  sont  égaux  entre  eux, 
parce  qu'ils  sont  comme  les  cinq  sens  qui  com- 
posent, à  son  avis,  le  divin  chef  de  l'Eglise  sur 
la  terre  :  «  Cuni  instar  quinque  sensuum  ca- 
])itis  unius  (qui  lot  esse  numéro  dicuntur,  nec 
dividuntur  tamen  in  partes)  apud  poi)ulum 
cliristianum  hal)uantur,  dignitate  nihilominus 
pares  sunt  m  onmihus;  et  cuni  capila  sancla- 
rum  per  universum  orbem  Ecclesiarum  Dei 
juredicanlur,  locum  in  eis  discrimenabhomi- 
nihus  statutum  liabere  non  potest.  »  Cette  éga- 
lité et  cette  unité  mystérieuse  que  Balsamon 
tâche  détahlir  entre  les  patriarches  n'empêche 
pas  qu'il  n'y  mette  lui-même  une  grande  ddlé- 
rence,  quand  il  n'accorde  qu'au  pape  et  au 
patriarche  de  Constantinople  de  prononcer 
sans  appel. 

V.  (À;  savant  écrivain,  dont  il  s'en  faut  pour- 
tant bien  (pie  nous  approuvions  tous  les  sen- 
timents, prétend  (pie  l'Eglise  universelle  a 
premièrement  été  jiarlagée,  confiée  et  soumise 
aux  cinc]  patriarches,  en  sorte  (pie  comme  tous 
ces  déparlements  divers  ne  sont  qu'une  seule 
Eglis(;,  aussi  ces  cin(j  chefs  n'en  composent 
qu'un.  D'oii  vient  (pi'on  les  nomme  conjointe- 
ment dans  les  dyptiques  de  toutes  les  Eglises  : 
«  Qnamohrem  statntum  est.  ut  in  quavis  Kc- 
clesia  Dei  sive  ad  Eupiiratem,  sive  ad  Tigrin, 
sive  ad  ipsuni  perlingal  Oceanum,  conjuiictim 
eorum  iiomina  referantur.  Acccperunt  enim, 
uli  scripluiii  legimus,  regiones  gentium,  et 
eorum  throni  sunt  instar  luna3  perfecta) ,  ac 
solis  instar  coram  me  sunt.  » 

De  là  vient  encore  (pion  ne  laisse  jias  de 
créer  toujours  des  patriarches  d'Aiitioclie  et 
de  Jérusalem,  quoique  ces  villes  aient  été  oc- 
ciii>ées  par  les  infidèles  ;  parce  que  la  désola- 
lion  de  leurs  villes  et  de  leurs  Eglises  n'a  pu 
ell'acer  la  gloire  de  leur  immortelle  dignité  : 
«  Uuamvis  enim  gloria   thronorum  pervim 


exciderunt,  tamen  siiiritalis  gratia  non  exole- 
scel.  « 

De  là  vient  aussi  que,  quoique  l'on  ail  singu- 
lièrement allècté  le  nom  de  pape  au  pontife  ro- 
main, celui  d'archevêque  à  Constantino|)le,  à 
Alexandrie  et  à  Jérusalem,  celui  de  patriarche 
à  .\nlioche ,  le  nom  de  patriarche  ne  laisse  pas 
d'être  communiqué  aux  quatre  autres,  parce 
que  l'unité  indissoluble  de  ces  cinq  chefs  des 
Eglises  leur  rend  tous  leurs  avantages  com- 
muns, afin  qu'ils  se  réunissent  tous  en  un  seul 
chef:  «  Omninosithoc  propter  idenlitatem  ho- 
noris, et  quod  hi  quiiKiue  [jatriarchœ  vicem 
unius  capilis  univers!  corporis  oblineanl,  san- 
clarum  videlicet  Ecclesiarum  Dei.  »  Les  noms 
de  pai)e,  de  patriarche  et  d'archevêque  n'ont 
(pi'une  iiK'me  signification  de  père  ;  aussi  ils 
s'appellent  tous  patriarches,  et  le  titre  même 
de  pape  fut  communiqué  aux  patriarches  d'A- 
lexandrie, depuis  que  le  pape  Célestin  revêtit 
saint  Cyrille  de  sa  personne  et  de  sa  dignité 
dans  le  concile  d'Ephèse  :  «  Et  Alexandrinus 
vocatus-fuit  papa,  quod  sanclus  ille  Cyrillus  in 
terlia  synodo  privilégia  pap;e  Romani,  Cœle- 
stini  scilicet  acceperit.  » 

Nous  avons  rapporté  ci-dessus  ce  (pie  dit 
Balsamon  sur  ce  sujet.  Voyons  ce  que  d'autres 
en  ont  dit. 

VI.  Anastase,  bibliothécaire,  étant  à  Constan- 
tinople, apprit  de  la  pro])re  bouche  des  Grecs, 
que  s'ils  donnaient  le  litre  de  patriarche  œcu- 
ménique ou  universel  à  leur  évêque,  ce  n'était 
pas  (pi'ils  le  crussent  patriarche  de  toute  la 
terre,  mais  |)arce  qu'il  en  dominait  une  partie, 
le  terme  grec  ùy-ay-Wr.  signifiant  non-seulement 
la  terre  universelle,  mais  aussi  un  seul  pays 
habité  :  "  Quod  non  idco  œcumenicum  dice- 
reiit  patriaicham,  quod  universi  oibis  leneat 
prœsulatum,  sed  quod  cuidam  prœsit  orbis 
parti,  (luœ  a  christianis  inhabilalur.  NaiiKiuod 
Grœci  œcumenen  vocaiil ,  a  Latinis  non  soluni 
orbis,  veriim  etiam  habitatio  vel  locus  liabita- 
bilis  nuncupalur  (Pncfal.  in  vu.  Synod.).  » 

Les  trois  patriarches  orientaux  d'Alexandrie, 
d'Antiocheetde  Jérusalem,  n'ayant  pu  se  trou- 
ver au  Vil  concile  général,  non  plus  qu'au  VI 
à  cause  de  la  domination  des  princes  infidèles, 
sous  hupielle  ils  gémissaient,  ni  y  envoyer  au- 
cun de  leurs  évè(pies,  écrivirent  (pie  leur 
absence  ne  pouvait  préjudicier  à  l'aulorité  du 
concile,  surtout  puisque  le  pape  y  assistait  par 
ses  légats  :  «  N'uUum  ex  hoc  sancta;  synodo 
adluEsil  prœjudicium,  prœcipue  cum  sanctissi- 


DES  PATillAKCllES  ANCIEiNS. 


83 


mus  et  apostolit'iis  papa  Roniaiius  concDnla- 
verit,  et  iu  ca  imciilus  sit  per  apociisarios 
suos  (  Act.  3  Synodi  7).  » 

De  ces  reinaiiiues  il  ]taiaîl  clairement  ([lie 
les  patriarches  (irientaux  n'aspiraient  pas  eux- 
mêmes  à  une  égalité  entière avecle  pape,  puis- 
(|u'ils  reconnaissent  que  leurressortestliniilé, 
et  que  leur  présence  n'est  pas  aussi  nécessaire 
à  un  concile  universel,  qui  est  la  représenta- 
tion et  comme  l'abrégé  de  toute  l'Eglise,  (|ue 
celle  du  pape.  Car,  (luant  a  l'imagination  de 
Balsamon,  ([ui  prétend  que  l'imité  de  l'Eglise 
dépend  de  l'union  des  cinq  patriarches,  connue 
de  son  centre,  elle  se  détruit  assez  d'elle-même. 
Il  ne  croit  pas  que  l'hérésie  ou  le  schisme  puisse 
rompre  cette  union  ou  cette  unité  des  cinq 
chefs  de  l'Eglise  :  ce  qui  est  la  plus  manifeste 
et  tout  ensemble  la  |)lus  grande  de  toutes  les 
extravagances.  11  confesse  que  ui  Jérusalem,  ni 
Constantinople  n'ont  pas  joui  de  cette  suprême 
dignité  avant  le  I,  le  II  et  le  IV  concile  œcumé- 
niques. Le  chef  et  l'unité  de  l'Eglise  auraient 
donc  après  cela  pris  une  autre  nature. 

Enfin  il  n'y  arien  de  solide  dans  toute  la  doc- 
trine de  Balsamon  sur  ce  sujet,  que  lorsqu'il 
donne  à  Alexandrie  et  à  Antioche  une  partici- 
pation singulière  et  extraordinairement  abon- 
dante de  la  grandeur  et  des  prérogatives  du 
Siège  apostolique  de  Pierre.  Cela  suffisait,  si  la 
passion  ne  lui  avait  bandé  les  yeux,  pour  aper- 
cevoir un  véritalde  centre  d'unité  dans  l'Eglise 
universelle,  fondé  sur  les  Ecritures,  reconnu 
dans  la  police  des  premiers  siècles  de  l'Eglise, 
et  absolument  nécessaire  pour  l'union  même 
des  Eglises  patriarcales.  Cela  étant  présup- 
posé, il  a  pu  dire,  connue  il  a  fait,  que  J.-C.  a 
premièrement  donne  la  terre  universelle  et  l'é- 
tendue infinie  de  son  Eglise  aux  trônes  aposto- 
liques des  patriarches ,  qui  ne  sont  au  vrai  que 
le  seul  trône  de  saint  Pierre. 

VII.  Il  est  certain  que  les  Grecs  avaient  com- 
mencé, longtemits  avant  Balsamon,  d'attribuer 
la  gloire  des  principaux  avantages  et  des  plus 
importantes  victoires  de  l'Eglise  sur  ses  adver- 
saires, à  la  conspiration  unanime  des  cinq  )ia- 
triarches,  ou  au  moins  du  plus  grand  nombre 
d'entre  eux,  contre  les  autres  ijui  viendraient 
à  s'égarer  de  la  règle  de  la  vérité.  Le  syncelle 
de  l'évêcjue  de  .lérusalem  ,  qui  tenait  sa  jilace 
dans  le  Vlll  concile  général,  était  assurément 
dans  cette  pensée,  cpiand  il  y  parla  de  la  sorte  : 
«  Nostis  ([uia  Siiiritus  sanctus,  ([ui  locutus  est 
in  prophetis,  ipse  in  apostolis  etfatus  oimiia,  etc. 


Ideo  iiatriarchalia  cajiita  in  mundo  |)<isuil  Spi- 
rilus  sanctus ,  ul  in  Ecclesia  Dei  puUulanlia 
scandala  i)er  ea  exterminentur,  etc.  (Act.  1 
Sxnodi  Vlll).  »  D'où  il  conclut  ([ue  le  pape 
ayant  condamné  l'hotius ,  et  les  trois  autres 
patriarches  ne  l'ayant  pas  reçu ,  il  n'était  pas 
seulement  besoin  de  lui  faire  son  procès.  «  Cum 
pra'sidens  et  piu'cedeiis  senioris  Homœ  Sedes 
iiequa(iuam  receperit  Photium  ,  nec  etiam 
Orientis  très  throni ,  non  erat  opus  vocare 
illiiiu  ad  examinationem.  »  Photius  se  trouva 
alors  bien  loin  de  son  compte  et  de  ses  folles 
prétentions  ,  pour  se  faire  reconnaître  patriar- 
che des  patriarches ,  «  Patriarcha  patriarcha- 
rum  (Ibid.  Act.  2).  » 

Jlétrophane,  métropolitain  de  Smyrne,  com- 
para les  cinq  patriarcats  à  ces  flambeaux  im- 
mortels que  Dieu  a  allumés  dans  le  ciel  pour 
éclairer  la  terre,  et  qu'il  a  distingués  des  moin- 
dres étoiles  par  une  lumière  et  une  chaleur 
incomparablement  plus  grandes  :  "  Tanquam 
quœdani  luminaria  magna,  videlicet  quinque 
patriarchalia  capita  in  illuminationem  totius 
lerrœ  quo  prœsint  diei  et  nocli,  et  séparent 
inter  lucem  et  tenebras.  »  L'empereur  Basile 
sembla  entrer  dans  cette  pensée,  a  Protectione 
veri  Dei  nostri  quinque  patriarchia  orbis  terra- 
rum  recta  sentiunt,  et  non  est  lœsio  fldei  (Ibid. 
Act.  6).  » 

Le  patrice  Bahanes  en  forma  un  argument 
contre  Photius  et  ses  partisans  :  «  Ostendite 
hac  hora,(|uia  sive  hseresis  mota  est,  sive  sclii- 
sma  emersit  in  qualibet  parte,  et  sensit  aliquis 
extra  quatuor  patriarchia  et  salvatus  est  ;  et 
autlio  vos.  Hodie  quatuor  i)atriarchia,  imo  vero 
quinque  condcmnant  vos,  quid  vobis  videtur 
ad  haec?  Est  qui  adjuvet  vos  (Act.  7)  ?  » 

Il  poussa  cet  argument  bien  plus  loin  dans 
la  suite,  quand  il  dit  (jue  les  cinq  patriarcats 
n'étaient  jamais  tombes  dans  l'erreur  tous  en- 
semble ,  mais  que  la  providence  de  l'éternel 
Epoux  de  l'Eglise  lui  en  avait  toujours  conservé 
au  moins  un  sur  la  pierre  immobile  de  la 
vérité,  pour  relever  tous  les  autres.  «  Posuit 
Deus  Ecclesiam  suam  in  quinque  patriarchis, 
et  defini\it  in  Evangeliis  suis,  ut  nunquam 
aliquando  penitus  décidant,  eo  quod  capita 
Ecclesiœ  sunt.  Etenini  illud  quod  dicitur  :  Et 
]iorta'  inferi  non  pra'valebunt  adversus  eam, 
hoc  denuntiat  :  Quando  duo  ceciderint,  cur- 
runt  ad  tria ,  cum  tria  ceciderint ,  currunt  ad 
duo  ;  cum  vero  quatuor  forte  ceciderint,  tune 
unum  quod  perinanel  in  omnium  capite  Christo 


84 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TREIZIÈME. 


Deo  nostro  ,  revocat  iterum  reliquum  corpus 
Ecclesiae.  » 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  découvrir  ce  qu'il 
pouvait  y  avoir  de  malin  et  d'artificieux  dans  ce 
raisonnement.  Je  remarquerai  seulement  que 
de  quelque  déguisement  que  les  Grecs  aient 
usé,  et  quelque  é^-^alité  qu'ils  aient  affecté  d'é- 
tablir entre  les  cinq  patriarches.  l'expérience 
de  tant  de  siècles ,  qui  est  la  plus  forte  leçon 
que  la  Providence  nous  jmisse  faire  et  la  plus 
certaine  interprétation  de  ses  Ecritures  ;  cette 
longue  expérience,  dis-je,  ne  nous  a  que  trop 
fait  connaître  combien  le  premier  de  ces  cin(i 
patriarches  a  retiré  souvent  les  autres  de 
l'abîme  de  diverses  erreurs,  sans  (ju'il  ait 
eu  besoin  d'une  semblable  assistance  des  au- 
tres. 

Enfin  quoiqu'on  n'ait  ]m  arrêter  toutes  les 
saillies  de  la  vanité  grecque,  il  est  certain  néan- 
moins que  dans  ce  VIII  concile  général,  on  mit 
jiartout  tant  de  différence,  et  dans  les  acclama- 
tions même  qui  se  faisaient  à  la  fin  des  sessions 
entre  le  pape  et  les  autres  patriarches,  qu'il  ne 
faut  point  d'autres  arguments  pour  demeurer 
entièrement  convaincu  de  l'excellence  incon- 
testable de  sa  singulière  primauté.  Daronius  a 
inséré  dans  ses  Annales  une  lettre  du  saint  et 
savant  Théodore  Studite,  où  il  confirme  admi- 
rablement ces  vérités  :  «  Qua^cumque  ligave- 
ritis  super  terrani,  eruntligata  et  incœlis,  etc. 
fRaron.  Anno  8-23,  n.  11).  » 

VIII.  Au  reste,  pour  ce  qui  regarde  les  jiré- 
rogatives  de  la  dignité  patriarcale,  ou  elles  ont 
été  touchées  ci-dessus  en  passant,  comme  d'être 
le  centre  d'unité  ,  sinon  dans  l'Eglise  univer- 
selle, au  moins  dans  un  très-grand  ressort  qui 
dépend  de  leur  juridiction;  d'avoir  les  pre- 
mières places  dans  les  diptyques  sacrés  de 
toutes  les  Eglises,  d'entretenir  entre  eux  une 
communion  plus  particulière  par  les  lettres 
ecclésiastiques,  d'assis'er  aux  conciles  géné- 
raux avec  les  marques  d'une  autorité  très-énii- 
iiente,  de  recevoir  les  appels  et  qu'on  n'appelât 
])oint  d'eux  dans  leur  ressort:  ou  elles  seront 
expliquées  i)lus  au  long  dans  la  suite  de  ce 
traité,  quand  nous  parlerons  de  la  croix,  du 
feu,  du  pallium  qui  leur  était  propre,  et  de 
la  puissance  extraordinaire  qu'ils  avaient  de 


fonder  et  de  dominer  sur  des  monastères  hors 
de  leur  diocèse  dans  toute  l'étendue  de  leur  pa- 
triarcat (Synod.  VIII,  Ad.  3). 

IX.  Je  me  contenterai  de  rapporter  ici  un 
canon  du  VIII  concile  général ,  qui  renouvelle 
les  deux  plus  considérables  excellences  du  pa- 
triarcat, savoir,  d'investir  les  métropolitains  de 
leur  ressort,  soit  en  les  ordonnant,  soit  en  leur 
envoyant  le  pallium.  et  de  les  convoquer  à  un 
concile  universel  de  toute  l'étendue  du  pa- 
triarcat, avec  autorité  d'examiner  leur  con- 
duite et  de  leur  faire  leur  procès  :  «  Ita  ut  uni- 
versorum  nietropolitanorum  qui  ab  ipsis 
])romoventur,  etsive  per  manus  impositionem, 
sive  per  pallii  donationem  episco[ialis  digni- 
tatis  firmitatera  accipiunt,  habeant  potestatem, 
videlicet  ad  convocandum  eos,  urgente  neces- 
sitate,  ad  synodalem  conventum,  vel  etiam  ad 
coercendum  illos  et  corrigendum,  cum  fama 
eos  super  quibusdam  delictis  forsitan  accu- 
saverit  'Can.  xvu).  » 

Les  métropolitains  s'excusaient  sur  les  com- 
mandements des  souverains  de  la  terre,  qui  ne 
leur  permettaient  pas  de  sortir  de  leurs  Etats, 
ou  sur  lobligation  de  se  trouver  à  leurs  deux 
conciles  provinciaux  chaque  année.  Mais  ce  con- 
cile condamne  tous  ces  faux  prétextes,  parce 
cpie  la  police  des  empereurs  chrétiens  ne 
doit  jamais  êtie  contraire  à  la  sainteté  de  la 
discipline  édifiante  de  l'Eglise,  et  que  les  con- 
ciles provinciaux  doivent  être  postposés  à  ceux 
des  ]ialriarches,  qui  sont  d'autant  plus  utiles 
et  plus  nécessaires  à  la  conservation  du  corps 
de  l'Eglise,  qu'ils  sont  plus  universels  et  qu'on 
y  traite  de  matières  plus  importantes.  «  A  me- 
troiiolita  quippe  unius  quidem  provincia?  dis- 
l)ositio  efficitur:a  patriarcha  vero  sœpe  totius 
causa  diœccseos  dispensatur;  ac  jier  hoc  com- 
nmnis  utilitas  providetur.  Propter  quod  et 
spéciale  lucrum  propter  générale  bonum  post- 
])one  convenit.  »  Nous  parlerons  plus  à  loisir 
de  ces  assemblées  patriarcales  dans  son  propre 
lieu  ;  et  nous  découvrirons  les  justes  raisons 
ijuc  peuvent  avoir  les  souverains  dans  des 
conjonctures  périlleuses ,  de  ne  pas  laisser 
sortir  de  leurs  Etats  les  évêques  de  leur  obéis- 
sance (1). 


(1)  L'article  4  des  organiques  prescrivant  qu'aucun  concile  national 
ou  métropolitain,  aucun  synode  diocésain  ne  pourra  avoir  lieu  saus 
la  permission  du  gouvernement,  a  dépassé  de  beaucoup  les  limites 
raisonnables  du  droit  public  ancien.  Aujourd'hui  les  traditions  de 
l'Eglise  sur  la  nécessité  de  la  fréqueute  tenue  des  conciles,  ses  inté- 
rêts les  plus  légitimes,  quelquefois  même  ses  besoins  les  plus  impé- 


rieux sont  méconnus  et  subordonnés  aux  caprices  variables  de  ta 
politique.  On  comprend  en  effet  qu'en  prohibant  tout  concile,  dont 
l'unique  mission  est  de  s'occuper  de  tout  ce  qui  se  rattache  à  la  foi, 
à  la  doclrme,  aux  sacrements,  à  la  discipline,  l'Etat  se  rend  maître 
de  l'Eglise.  Nous  croyons  donc  que  les  évêques,  en  se  concertant, 
pourraient  obteiur  du  gouvernement  l'abrogation   de  cet  article  qui, 


DES  PATRIARCHES  ANClEiNS. 


85 


CHAPITRE  QUATORZIÈME. 


DES   ANCIENS   PATRIARCHES.    SELON    LES   SENTIMENTS    DES    LATINS    Dl     MOYEN-AGE. 


I.  Senlimenls  du  jiape  Nicolas  I'"''  sur  l'orifine  des  trois  an- 
ciens patriarches,  et  sur  la  nouveauté  de  celui  de  Constanti- 
nople  et  de  Jérusalem. 

il.  La  primauté  des  patriarches  émanée ,  selon  ce  pape,  de 
celle  de  saint  Pierre. 

III.  Selon  le  pape  Jean  VIII,  les  grands  luminaires  de  l'Eglise 
ne  sont  point  les  cinq  patriarches,  mais  saint  Pierre  et  saint 
Paul,  qui  ont  transféré  dans  l'Occident  rOrieut  himineui  de 
l'Eglise. 

IV.  Hincmar  regarde  toute  la  supcriorilé  des  patriarches,  des 
primats  et  des  métropolitains  sur  les  autres  évèques,  comme 
une  imitation,  ou  un  rayonnement  de  celle  que  J.-C.  donna  à 
saint  Pierre  sur  les  apùlres. 

V.  Comment  la  juridiction  des  évéques  est  de  droit  divin, 
ce  qu'on  ne  peut  dire  de  celle  des  patriarches  et  des  métropo- 
litains. 

VI.  PoHrquoi,  selon  Hincmar,  Alexandrie  est  le  second  siège 
patriarcal,  Antioche  le  troisième. 

VII.  Pourquoi,  selon  Ralram,  la  primauté  divinement  établie 
par  J  -C.  s'est  attachée  au.x  trois  premières  villes  du  monde, 
quoiqu'elle  n'ait  établi  son  trône  qu'à  Rome. 

VIII.  Les  plus  éclairés  des  Grecs  convenaient  de  ces  vérités. 

I.  Après  avoir  examiné  dans  le  chapitre  pré- 
cédent les  sentiments  des  Grecs  touctiant  les  pa- 
triarches, il  faut  rapporter  ici  ce  que  les  Latins 
en  ont  pensé.  Le  pape  Nicolas  l",  répondant 
aux  consultations  des  Bulgares  sur  ce  sujet, 
leur  déclare  que  les  Eglises  patriarcales  ne 
peuvent  être  que  celles  oii  les  apôtres  ont  étahli 
leur  siège.  Or,  il  n'y  a  eu  que  Rome,  Alexan- 
drie et  Antioche,  où  saint  Pierre  ait  singulière- 
ment présidé,  soit  par  lui-même,  soit  par  son 
plus  fidèle  disciple.  Quoique  les  autres  apôtres 
aient  fondé  diverses  Eglises,  il  n'y  a  eu  que 
celles  où  saint  Pierre  a  présidé,  qui  aient  ac- 
([uis  un  rang  d'honneur  et  de  puissance  au- 
dessus  des  autres. 

La  vigilance  amoureuse  du  divin  Fondateur 
de  l'Eglise  ayant  ainsi  disposé  le  cours  et  le 

outre  qu'il  est  fatal  à  l'Eglise,  est  peu  conforme  aux  dispositions 
géDérales  de  notre  droit  public  actuel,  puisque  tous  les  corps  légale- 
ineot  reconnus  peuvent  s'assembler  pénodiquement  ou  non  périodi- 
quement sans  autorisation  du  eouvemement. 

Nous  croyons  que  le  pouvoir,  mieux  inspiré,  finira  par  comprendre 
que  les  conciles  lui  sont  aussi  profitables  qu'à  l'Eglise  elle-même,  et 
qu'il  laissera  tomber  dans  l'oubU  des  prohibitions  tout  au  moins 
tyranoiques  et  contraires  à  la  liberté  des  cultes  proclamée  dans  la 
Constitution.  Dans  les  Etats-Unis,  les  évéques  catholiques,  eu  vertu 
même  de  la  Constitution,  se  réunissent  périodiquement  en  concile; 
pourquoi  donc  nos  évéques  seraient-ils  moins  libres  en  France  pour 
l'exercice  de  cet  acte  important  de  leur  ministère  ?  On  saa  que 
l'Eglise  a  toujours  recommandé  de  la  manière  la  plus  formelle  ta 
tenue  régulière  des  conciles  provinciaux,  qui  sont  la  vie  de  la  dis- 
cipline. De  cette  proscription  des  conciles  il  est  résulté  les  plus 
déplorables  conséquences.  Plus  d'unité  dans  les  administrations 
diocésaines,  l'arbitraire,  le  vague,  un  peu  partout,  l'absolutisme  indi- 


])rogrcs  de  l'Evangile,  aliu  ([iie  toute  la  suite 
des  siècles  reconnût  pour  unique  chef  celui 
(|iril  avait  lui-même  honoré  de  cette  auguste 
(luaiitè,  lorsqu'il  formait  son  Eglise,  et  que 
dans  ses  premiers  commencements  il  traçait 
l'image  et  les  règles  de  tous  les  siècles  à  venir. 
«  Desideratis  nosse ,  (luotquot  sint  veraciter 
patriarchœ?  Veraciter  illi  habendi  sunt  pa- 
triarche, qui  sedes  apostolicas  per  succes- 
siones  pontiticum  oblinent,  id  est,  qui  illis 
prœsuntEcclesiis,  quasapostoli  instituisse  pro- 
bantur,  Romanam,  Alexandrinam,  Antioche- 
nam.  »  Il  ajoute  que  le  concile  de  Nicée  a 
distingué  ces  trois  sièges  de  tous  les  autres, 
mais  que  celui  de  Constantinople  n'y  était  pas 
seulement  nommé,  comme  n'ayant  possédé  la 
qualité  de  patriarche  que  fort  tard,  et  par  la 
seule  faveur  des  princes.  «  Favore  potius  prin- 
cipum  quam  ratione,  patriarcha  pontifex  ejus 
nominatur.  fAd  Consult.  Bulg.  c.  xcii).  » 

L'éAèque  de  Jérusalem  obtint  au  concile  de 
Nicée  une  préséance  d'honneur,  mais  ce  fut 
sans  rien  diminuer  de  la  dépendance  et  de  la 
soumission  qu'il  devait  au  metroiiolitain  de  Cé- 
sarée.  En  effet,  la  véritable  Jérusalem  n'est  plus 
que  dans  le  ciel,  celle  de  la  ferre  ayant  été 
entièrement  détruite  par  l'empereur  Adrien. 
Aussi  le  concile  de  Nicée  ne  donna  que  le 
nom  d'évèque  d'.^Llia  à  ce  patriarche ,  parce 
qu'Adrien  bâtit  la  nouvelle  .Elia  dans  une 
autre  place  voisine  de  l'ancienne  Jérusalem. 
Ce  n'est  donc  plus  le  siège  de  Jérusalem,  mais 
celui  d'.Elia. 

II.  Voilà  la  doctrine  solide  des  Latins,  établie 

viduel  mis  à  la  place  des  canons,  l'avilissement  progressif  du  minis- 
tère pastoral  abandonné  à  la  merci  des  maires  de  village.  Nous  ren- 
voyons à  la  deuxième  partie  de  notre  livre  :  Lps  lois  de  V Etflise  sxtf 
ta  nomination,  ta  mutation  et  ta  révocntion  des  curés.  —  Situation 
anormale  de  t'Egli^e  de  France,  pour  apprécier  ce  triste  é'at  des 
choses  qui  met  réellement  la  religion  en  danger. 

A  la  suite  de  la  révolution  de  1818,  le  gouvernement  permit  pro- 
visoirement la  tenue  des  conciles  provinciaux.  C'était  quelque  chose, 
mais  ce  n'était  pas  assez.  Il  aurait  fallu  un  retrait  absolu  de  prohibi- 
tions anti-libérales  et  anti-canoniques.  Néanmoins  les  conciles  pro- 
vinciaux qui  se  tinrent  alors  par  suite  de  celte  permission  produisi- 
rent un  grand  bien,  dont  le  principal  sans  contredit,  et  qui  produira 
les  plus  heureux  fruits,  fut  la  résurrection  du  droit  canonique  et  un 
rapprochement  vers  Rome.  Le  clergé  depuis  lors  a  appris  qu'il  y 
avait  à  Rome  un  souverain  juge  qui  révisait  en  dernier  ressort  toutes 
les  sentences  portées  en  dehors  ou  en  dessus  du  droit. 

(Dr  ASDRÉ.) 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATORZIÈME. 


sur  les  fondements  inébranlables  de  l'Ecriture, 
et  sur  les  expériences  incontestables  de  tant  de 
siècles,  qui  ont  vérifié  par  tant  de  merveilleux 
événements  la  vérité  des  promesses  et  des  pré- 
dictions de  la  Vérité  même,  lorsqu'elle  parlait 
à  saint  Pierre,  comme  à  une  pierre  immobile, 
sur  laquelle  il  fonderait  son  Eglise. 

Ce  qui  fait  dire  ailleurs  à  ce  même  pape  : 
a  Prœsertim  cum  Ecclesiaî  Romanœ  privilégia, 
Christi  ore  in  beato  Petro  firmata  in  Ecclesia 
ipsadisposita,  antiquitus  observata,  et  a  san- 
ctis  universalibussynodiscelebrata,  nullatenus 
possint  minui,  nullatenus  infringi,  quoniam 
fundamentum  quod  Deus  posuit,  bumanus 
non  valet  amovere  conatus.  Privilégia,  inquani, 
istius  sedis  vel  Ecclesiœ  perpétua  sunt,  divi- 
nitus  radicata,  atque  plantata  sunt;  impingi 
possunt,  transferri  non  possunt,  trabi  possunt, 
avelli  non  possunt  Epist.  vui).  » 

Ce  sont  là  des  fondements  et  des  sentiments 
dignes  de  l'Eglise,  et  proportionnés  à  la  divine 
toute-puissance  de  son  céleste  fondateur,  bien 
différents  des  ridicules  imaginations  des  Grecs, 
sur  la  prétendue  donation  de  Cbarlemagne.  Il 
n'est  que  trop  visible  que  c'a  été  l'artifice  des 
évèques  de  Constantinople,  ou  de  leurs  flat- 
teurs, de  rendre  les  prérogatives  des  autres 
Eglises  aussi  nouvelles,  et  aussi  dépendantes 
de  rautorité  des  princes,  que  celles  de  Cons- 
tantinople. 

III.  Le  pape  Jean  Vlll,  écrivant  au  roi  des 
Bulgares  et  tâchant  de  l'incorporer  à  l'Eglise 
romaine  plutôt  qu'à  celle  de  Constantinople, 
lui  avança  une  vérité,  qui  n'a  pas  été  moins 
confirmée  par  les  événements  uniformes  de 
tant  de  siècles.  Au  lieu  que  les  Grecs  se  van- 
taient de  la  conspiration  unanime  et  de  la  cor- 
respondance réciproque  des  cinq  Eglises  j)a- 
triarcales,  qui  s'enlre-secouraient  et  se  rele- 
vaient réciproquement  les  unes  les  autres  de 
leurs  cbutes,  ce  pa[)e  lui  fait  remarquer  au 
contraire  que  les  quatre  autres  Eglises  patriar- 
cales, et  surtout  celle  de  Constantinople,  se  sont 
assez  souvent  laissé  aller  aux  illusions  du 
mensonge,  de  Ibérésie  ou  du  scbisme;  mais 
([ue  l'Eglise  romaine ,  qui  les  en  a  toujours 
retirées,  ne  s'est  jamais  vue  engagée  dans  le 
même  malheur  ou  dans  le  même  besoin. 

«  Credimus  quod  jam  vos  non  lateat  nuii- 
quam  apostolicam  B.  Pétri  sedem  ab  aliis 
sedibus  reiirehensam  ,  cum  i|isa  alias  omncs. 
et  pr;ecipue  Constantinoiiolitanam  sa>pissiinr 
reprebendens,  aut  ab  errore  liberaverit,  ant 


certe  in  bis  qui  resipiscere  noluerunt,  sententiœ 
suœ  judicio  condemnaverit.  Noli  ergo  sequi 
Grsecos,  etc.  (Epist.  lxxv).  » 

Le  funeste  succès  de  la  séparation  de  la 
Bulgarie  et  des  autres  Eglises  orientales  d'avec 
le  siège  de  Pierre,  n'a  que  trop  vérifié  les  pro- 
positions avancées  par  ces  deux  papes ,  et  sur- 
tout celle  de  Nicolas  I",  que  les  grands  lumi- 
naires du  firmament  de  l'Eglise  n'étaient  nulle- 
ment les  cinq  sièges  des  patriarches,  comme  les 
Grecs  prétendaient,  mais  que  c'étaient  les  deux 
fondateurs  de  l'Eglise  occidentale  et  du  siège 
romain,  Pierre  et  Paul,  dont  les  vives  et  pures 
lumières  avaient,  pour  ainsi  parler,  transféré 
dans  l'Occident  l'Orient  lumineux  et  resplen- 
dissant de  l'Eglise.  «  Ili  ergo  tanciuam  duo 
luminaria  magna  cœli  in  Ecclesia  Romana 
divinitus  constituti,  totum  orbem  splendore 
fulgoris  sui  mirabiliter  illusfrarunt,  et  Occi- 
dens  eorum  prœsentia,  veluli  rutilante  sole, 
factus  est  Oriens  (Epist.  xxs).  » 

IV.  Hiocmar  pourrait  nous  servir  de  garant 
du  consentement  de  toute  l'Eglise  occidentale, 
et  surtout  de  celle  de  France,  (}uand  il  écrit 
que  dans  le  privilège  dont  J.-C.  releva  saint 
Pierre  au-dessus  des  autres  apôtres,  sont  com- 
pris tous  les  privilèges  des  patriarches,  des 
primats  et  des  métropolitains  de  l'Eglise.  Car 
tous  ces  privilèges  ne  consistent  qu'en  une  su- 
périorité de  (juelques  èvêques  sur  d'autres  évè- 
ques. Or  J.-C.  ne  donna  qu'à  saint  Pierre  la 
supériorité  sur  les  autres  apôtres.  Il  résulte 
donc  de  là  que  toute  la  supériorité  des  èvêques 
les  uns  sur  les  autres,  est  une  imitation  et  un 
rayonnement  de  cette  éclatante  prérogative  de 
saint  Pierre.  Car  J.-C.  formait  et  réglait  tous 
les  siècles  à  venir,  quand  il  disposait  et  mettait 
en  ordre  les  divins  membres  de  son  Eglise;  et 
connue  il  établissait  l'autorité  divine  des  èvê- 
ques sur  les  peuples,  quand  il  parlait  à  Pierre, 
comme  représentant  l'universalité  de  tout  l'é- 
piscopat,  aussi  il  posait  le  fondement  de  toutes 
les  métropoles  et  de  tous  les  patriarcats,  quand 
il  donnait  à  Pierre  la  primauté  et  la  supériorité 
sur  les  autres  apôtres. 

Voici  les  paroles  de  Hincmar  touchant  les 
])alriarcbes,  car  nous  parlerons  plus  bas  des 
primais  et  des  métropolitains:  o  In  ilHus  pri- 
niatu  ipse  B.  Petrus  cuuctorum  oncra  portât, 
cujus  princi]>atus  autoritate  Mediator  Dei  et 
Immimun  iiomo  Christus  Jésus  sedem  Roma- 
nam  super  onmes  sedes  sublimavit,  Alexan- 
drinam  decoravit,  Antiochenam  confirmavit 


DES  PATRIARCHES  ANCIENS. 


87 


et  per  capteras  provincias  privilégia  suis  Ecclc- 
siis  conservari  ac  corroboiari(]ecrevit(Toni.  ii, 
p. -402).  » 

Il  est  clair  dans  ces  paroles  que  Hincmar  re- 
prend l'origine  des  trois  patriarcats  et  des 
métropoles  de  rétablissement  de  J.-C.  même. 
Mais  il  n'est  pas  moins  évident  ([uc  c'est  jiarce 
qu'il  renferme  tous  ces  privilèges  dans  la  pri- 
mauté de  saint  Pierre,  comiue  dans  runii[ue 
sujiériorité  que  J.-C.  ait  établie  sur  lesapôties, 
c'est-à-dire,  sur  les  évèques. 

V.  Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  l'auloiifé 
des  patriarebes  soit  inuiiédiatement  d'un  droit 
divin,  aussi  bieu  que  celle  des  évèques.  Parce 
que  J.-C.  n'a  pas  seulement  fondé  l'épiscopat 
dans  la  personne  de  saint  Pierre,  mais  aussi 
dans  celle  de  tous  les  autres  apôtres,  dont  les 
évèques  ont  recueilli  la  succession.  Mais  la  su- 
périorité et  la  primauté  sur  les  apôtres  et  leurs 
successeurs  n'a  été  donnée  par  le  même  Fils 
de  Dieu  qu'à  Pierre  et  à  ses  successeurs.  Ainsi 
ce  doit  être  par  un  écoulement  ou  par  une  imi- 
tation de  cette  puissance,  que  les  patriarches 
et  les  métropolitains  en  soient  participants. 
Voilà  la  manière  de  faire  remonter  les  ruisseaux 
à  leur  source,  et  de  ramener  à  une  céleste  ori- 
gine et  au  droit  divin  ce  qui  ne  paraissait 
d'abord  que  d'une  institution  ecclésiastique. 

VI.  Hincmar  a  traité  cette  matière  bien  plus 
au  long  en  un  autre  endroit,  où  il  dit  que  les 
autres  apôtres  ont  bien  donné  naissance  à  plu- 
sieurs Eglises,  oij  ils  ont  ensuite  établi  leurs 
sièges,  comme  saint  Jactpies  à  Jérusalem,  saint 
Jean  à  Ephèse,  oùTimotbée  lui  succéda;  mais 
que  les  seules  Eglises  qui  ont  été  plus  particu- 
lièrement le  siège  de  saint  Pierre  ont  été  pa- 
triarcales; parce  que  Pierre  seul,  connne  clief 
divinement  établi  sur  les  apôtres,  pouvait  trans- 
mettre à  ses  successeurs  une  supériorité  suré- 
minente  sur  les  autres  évoques,  qui  ne  jiou- 
vaient  tenir  des  autres  apôtres  que  leur  juri- 
diction sur  les  (leuples  (Ibid.  p.  i32). 

«  Sedes  Ecdesiarum  Romanœ,  Alexandrinse, 
atque  Antiocbente,  idcirco  specialiter  legimus 
sedes  dici,  cum  idurimœ  sedes,  etapostolorum, 
sicut  Jacobi  Hierosolymœ,  et  Joaunis  apud 
Ephesum,  in  qna  sedit  Timotheus,  B.  Pauli 
discipulus,  et  multa^  alia^  principalinm  civi- 
tatum  ;  quoniam  sedes  sunt,  quin  potins  una 
sedes  sunt  magni  Pétri  apostolorum  princi- 
pis.  n 

Il  ajoute  (lu'Alexandrie  est  le  second  siège, 
parce  que  Marc  mérita  ce  privilège  pour  avoir 


été  comme  le  secrétaire  de  saint  Pierre  ,  en 
écrivant  son  évangile  :  «  Et  licet  B.  Petrus 
aniea  in  Aniiocbia  sederit  quam  Bomam  ve- 
nerit,  unde  Marcum  Alexandriam  misit  ;  non 
tamen  ideo  .Vntiocltia  secunda  sed  lertia  sedes; 
et  .Vlcvandrina  Erclesia  secunda  sedi's  dicitur 
propter  ])ri\ilegium  Evangelii,  quod  sanctus 
Mardis  evangelista  ore  Pétri  excepit,  atque 
con-cripsit.  » 

Antioclie  reçut  saint  Ignace  de  la  main  pro- 
pre de  saint  Pierre,  (piand  il  (juitta  cette  Eglise 
pour  aller  fonder  celle  de  Rome.  Tout  cela 
n'est  ici  rapporté  que  jiour  nKJulrer  le  ditfè- 
rent  génie  qui  dominait  alors  dans  l'Orient  et 
dans  l'Occident.  Car  autant  que  les  Grecs  re- 
cherchaient des  sources  terrestres  dans  les 
volontés  humaines,  pour  donner  commence- 
ment aux  }iuissances  ecclésiastiques,  autant  les 
Latins  étaient  jaloux  de  les  faire  naître  d'une 
céleste  fontaine. 

VII.  Le  moine  Ratram,  écrivant  contre  les 
Grecs,  et  s'apercevant  que  tous  leurs  vains 
efforts  pour  élever  les  |)atriarches  orientaux 
ne  tendaient  à  d'autre  but  qu'à  égaler  le  pa- 
triarche de  Constantinople  a.u  pape,  ou  même 
de  le  préférer  :  il  montre  par  les  Ecritures,  par 
les  conciles,  par  la  suite  et  les  révolutions  de 
tant  de  siècles,  que  la  primauté  n'a  été  donnée 
qu'à  Pierre .  à  qui  la  Providence  a  fait  ser- 
vir et  a  enfin  assujetti  la  ville  de  Rome,  qui 
était  la  maîtresse  du  monde,  afin  que  la  royauté 
du  sacerdoce  éclatât  avec  plus  de  'gloire  dans 
la  ville  impériale,  et  répandît  avec  plus  de 
facilité  les  rayons  de  la  vérité  sur  tout  l'uni- 
vers. 

Ce  n'est  donc  pas  la  ])rééminence  temporelle 
de  ces  trois  villes  (jui  a  formé  ces  trois  pa- 
triarcats. Mais  la  iirèèminence  établie  par 
J.-C.  dans  son  Eglise,  en  la  personne  de  saint 
Pierre,  a  été  conduite  connue  par  la  main  de 
la  Providence,  et  a  été  fixée  dans  les  trois  plus 
grandes  villes  du  monde,  afin  qu'elles  lui  ser- 
vissent de  trône,  d'oii  comme  d'un  théâtre 
élevé,  elle  se  fit  voir,  et  attirât  le  respect  de 
toute  la  terre.  Aussi  Rome  a  toujours  été  de- 
puis le  propre  trône  de  la  primauté  divinement 
instituée.  Alexandrie  et  Antioche,  nonobstant 
le  rabaissement  et  la  désolation  de  ces  villes, 
ont  toujours  conservé  sur  les  autres  Eglises 
une  prééminence  qu'elles  ne  peuvent  avoir 
empruntée  que  de  saint  Pierre. 

«  Quosambos,  Petruni  et  Paulum^id  Ecclesiée 
principntum  a  Christo  positos  ,  et   Roma?  dire- 


88- 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUINZIÈME. 


dos.  tum  Ecclesiastica  verilas.  tum  ipsius  pas- 
sionis  monstrat  autoritas.  Illuc  narnque  anibo 
principes  sunt  directi,  ubi  principatus  emine- 
baf  munfli;,  (juatenus  Romana  civitas  sicut 
iiiiperiali  potentia  tolumsibisubjeceratorbem, 
sic  religionis  culmine  et  apostolatus  dignitate, 
fotius  mundi  regnis  pra^sideret.  Et  sicut  voluit 
Salvafor  Hierosolymam  nativitatesua.  doctrina, 
niiracuiis,  morte,  sepultura.  resurrectione  red- 
dere  sublimem  ;  sic  eiiam  delegit  Romanam 
urbem  apostolorum  princi|>um  sanguine,  sé- 
pulcre, iiiemoria.  doctrina  reddere  gloriosam  ; 
ut  quoniam  Christns  Hierusaiem  cœlcstis  in 
dextera  Patris  confidens,  Rex  et  Dominus  ho- 
noratur,  angelorum  et  snnctorum  omnium 
lamulatu  :  sic  Pelrus  et  Paulus  Hierusaiem 
peregrinantes  obtineant  principatum,  subjectis 
sibi  per  totius  orbis  latifudinem  Cliri;;ti  Eccle- 
siis  (Ratram.  contra  ojiposila  Cra'c.  1.  iv, 
c.  8).  » 

VIll.  Les  plus  sincères  et  les  ])lus  éclairés 
d'entre  les  Crées  demeuraient  facilement 
d'accord  de  ces  vérités.  Témoin  l'illustre  martyr 
Etienne,  qui  rejeta  le  faux  concile  œcumé- 
ni(jue  des  Iconoclastes,  par  cet  argument  in- 


Ainrible,  qu'il  ne  pouvait  passer  pour  tel . 
n'ayant  point  été  approuvé  ni  par  le  pape,  sans 
lequel  on  ne  peut  terminer  les  grandes  affaires 
de  l'Eglise,  ni  par  les  autres  trois  Patriarches. 
«  Qui  œcumenicum  istud  conciliima  vocari 
(]ueal  ;  quodnec  Romanus  antistes,  cilracujus 
autoritatem  nullomodo  fieri  potest ,  ut  res 
Ecclesiastica' ad  normam  dirigantur;  gratum 
habuit.  nec  Alexandrinus  comprobavit,  nec 
Antiochenus.  nec  Hierosolymitanus  (Vita  ejus 
apud  Surium  die  28  Novem.  c.  10).  » 

Taraise,  patriarche  deConstantinople,  parlait 
dans  le  même  sens,  et  sur  le  même  sujet,  (juand 
il  prolestait,  avant  que  d'accepter  cette  sublime 
dignité,  qu'il  nimerait  mieux  être  enseveli  tout 
vivant  que  d'être  frappé  de  l'anathème  des 
quatre  autres  patriarches.  «  Recuso  esse  pastor 
cœfus  Iippretici  et  stalui  pntius  baliitare  sepul- 
crum,  quam  esse  obnoxius  anathemalibus  sacrsc 
quaternionis  sedium  apostolicarum.  »  En  effet, 
il  procura  la  tenue  d'un  vrai  concile  œcumé- 
nique, où  le  pape  présida,  et  où  la  vraie  foi  fut 
rétablie.  Le  grand  Théodore  Studite,  qui  a  été 
cité  dans  le  chapitre  pi'écédenf,  convenait  de 
ces  vérités  (t). 


(I)  Les  plus  grands  caoonistes  et  les  plus  accrédités  des  tliéolo- 
piens,  tels  que  Barbosa,  Cano,  saint  Anlonio,  Pellarmino,  sont  una- 
nimes à  déclarer  que  la  primaulé  de  l'Eglise  est  inhérente  de  DROIT 
r:)!VlN  à  la  ville  de  Home.  Quoique  les  papes  aient  résidé  pendant 
soiianlc-dix  ans  à  Avignon,  cependant  le  Sainl-Siêge  était  toujours 
inhérent  à  l'évéché  de  Home;  et  les  sept  papes  qui,  pendant  le  xive 
siècle,  se  succédèrent  dans  Avignon,  s'appelaient  toujours  les  pontifes 
romainSt  comme  les  vrais  et  légitimes  succsseurs  de  saint  Pierre. 
De  là  l'adage  éminemment  vrai  ubi  Papa  ibi  lioma.  Mais  il  ne  faut 
pas  qu'on  perde  de  vue  que  le  pape  est  avant  tout  évéque  de  Home, 
et  qu'il  n'est  souverain  pontife,  vicaire  de  Jésus-Christ  et  chef  de 
l'Eglise  que  parce  qu'il  est  évêquc  de  Rome.  Par  là  on  comprendra 


aisément  la  folie  d'une  brochure  écrite  de  nos  jours  par  un  ecclé- 
siastique, qui  donnait  pour  solution  aux  redoutables  questions  qui 
agitent  le  monde,  de  transférer  pour  toujours  le  pape  à  Jérusalem,  et 
d'abandonner  Rome  aux  chances  de  l'avenir.  Mais  Rome,  grande  ville, 
ne  pourrait  se  passer  d'un  évéque,  et  le  lendemain  de  l'arrivée  du 
pape  à  Jérusalem,  le  nouvel  évéque  de  Rome  serait  par  son  titre 
même  chef  de  l'Eglise,  et  dès  lors  voilà  le  schisme  établi  peut-être 
pour  toujours.  Avant  d'émettre  de  telles  utopies  sur  cette  redoutable 
question,  il  serait  bon  d'étudier  à  fond  l'histoire,  le  droit  divin,  le 
droit  canonique,  le  droit  des  gens,  la  nature  humaine,  la  théologie, 
l'organisation  de  l'Eglise,  les  besoins  de  l'Europe  et  mille  autres 
choses  encore.  (Dr  André.) 


CHAPITRE  QUINZIEME. 


nrs    IVVTRUHCIIES    (iUECS    EN    (iKNEUAL    DEPl'IS   LAN    MIL. 


I.  Le  patriarche  de  Conslanlinoplo  lAohe  d'obtenir  du  Paint- 
Siége  la  qualité  d'œcuméniquc. 

II.  Cette  tiniversalilé  n'aiiparticnt  qu'au  Saint-Siège,  duquel 
les  autres  patriarcats  sont  (•manés. 

III.  Celte  émanation  est  très-avantageuse  aux  quatre  autres 
patriarcats,  qui  en  empruntent  en  quelque  façon  une  origine 
(lirine. 

IV.  L'ambition  particulière  des  prélats  n'est  pas  capable  de 
détourner  le  cours  et  les  elTets  de  la  Providence,  qui  veille  sur 
l'Kglise. 

V.  La  discorde  se  renouvelle  entre  l'Eglise  latine  et  l'Eglise 


grecque.  Sentiments  remarquables  d'Olhon,  évéque  de  Freisingcn, 
sur  la  primauté  de  l'Eglise  romaine. 

VI.  Les  deux  Eglises  demeurèrent  néanmoins  presque  toujours 
dans  l'unité  de  la  foi  et  de  la  communion,  nonobstant  les 
inésintellieonccs  assez  fréquentes  entre  les  papes  et  les  pa- 
triarches de  Constantinople.  Preuves. 

VII.  Autres  preuves  de  saint  Bernard  et  de  Pierre  de 
CUiny. 

VIII.  Preuves  tirées  des  Grecs  mêmes.  Raison  des  emporte- 
ments de  lîalsamon. 

IX.  Nouvelles  preuves. 


DES  PATRIARCHES  GRECS  EN  (iENERAL. 


m 


X.  Preuves  des  conciles  de  Lalrau  et  de  Lyon. 

XI.  El  de  celui  de  Florence. 

Xil.  D°s  célèbres  ciinférences  tenues  Ji  Constantinople,  au 
lenips  de  remjiercur  I.olhaire  II. 

XIII.  Nouvelle  preuve  tirée  de  nos  croisades,  où  nous  trai- 
tâmes avec  les  Grecs,  comme  avec  de  vrais  membres  de  l'Eglise 
catliolique. 

XIV.  Sentimenis  d'Othon  de  Freisingen  sur  les  quatre  pa- 
triarches d'Orient. 

I.  Le  patriarclie  de  Consfanfinople,  soutomi 
(le  la  laveur  de  renipereur  Basile,  tâcha  de 
surprendre  par  ses  ambassadeurs  et  par  ses 
présents  le  pape  Jean  X\,  afin  qu'il  lui  accor- 
dât la  qualité  de  patriarche  universel  dans 
l'Orient,  comme  le  pape  possède  cette  qualité 
d'évèque  universel  dans  toute  l'Eglise.  «  Qiia- 
fenus  cum  conseusu  Romani  pontilicis,  liceret 
P^cclesiam  Constantiuopolitanam  in  suo  orbe, 
sicut  Roma  in  universo  universalem  dici  et 
iiaberi  (Anno  10'2i.  Glaber.,  lib.  iv,  c.  I).  » 
(daber,  de  qui  ceci  est  tiré,  dit  (jue  l'avarice 
qui  domine  dans  foule  la  terre,  mais  qui  sem- 
ble avoir  établi  son  trône  dans  Rome:  «  Licet 
philargyria  mundi  regina  queat  appellari  :  in 
Romanis  inexplebilecubile  locavit;  »  l'avarice, 
dis-je,  commençait  à  flétrir  l'esprit  des  Ro- 
mains, lorsque  toute  l'Italie  se  souleva  contre 
une  nouveauté  si  dangereuse,  et  la  France 
même  fit  connaître  à  ce  pape  sa  juste  indigna- 
tion, par  l'organe  de  Guillaume,  abbé  de  Saint- 
Bénigne.  Ce  pieux  et  savant  abbé  écrivit  au 
pape  que  la  seule  pensée  de  cet  attentat  avait 
scandalisé  tous  les  gens  de  bien  :  qu'au  reste 
la  monarchie  romaine  avait  bien  pu  se  jiarta- 
ger  entre  plusieurs  souverains,  mais  que  l'or- 
dre invariable  du  ciel  n'avait  commis  qu'au 
siège  de  Pierre  la  puissance  universelle  des 
clefs,  et  que  le  pa[)e,  qui  en  était  chargé,  de- 
vait en  faire  ressentir  les  effets  par  la  réfor- 
mation universelle  de  l'Eglise. 

«  Est  fama  rei ,  de  qua  qui  audiens  non  scanda- 
lizatur,  noverit  se  longe  ab  amore  stipernodis- 
parari.  Quoniam  licet  potestas  Romani  imperii, 
(\u,v  olini  in  orbe  terraruni  monarchez  vjguit, 
nunc  per  divcrsa  terraruni  innumcris  regatur 
sceptris;  ligandi  solvendique  in  ferra  et  in 
cœlo  potestas,  dono  inviolabili  incumbit  ma- 
gisterio  Pétri.  De  cœtero  optamus,  ut  univer- 
salem decel  antistitem,  vos  acrius  in  corre- 
cfione  ac  disciplina  sancto'  et  apostolicae  Ec- 
clesise  vigere.» 

Voilà  quelle  était  alors  non-seulement  la 
créance,  mais  aussi  l'ardeur  et  le  zèle  de  la 
France  pour  l'universalité  des  droits  du  Saint- 


Siège  sur  les  Eglises  patriarcales  de  l'Orient. 
La  lettre  (jue  les  chartreux  en  corps  écrivirent 
(ineI(|U(^  temps  ajirès  au  pape  Innocent  11,  et 
(jui  fut  lue  dans  le  concile  de  Reims,  n'en  est 
pas  un  témoignage  moins  illuslie. 

En  voici  les  [)aroles  sur  le  même  sujet  :  «  Non 
enitn  pars  una,  sed  potius  lotus  orbisest  vestra 
diœcesis.  Nam  sicut  Deus  est  unus  ,  Mediator 
luius,  inundus  unus,  sol  unus;  et  ut  minora 
inseramus,  in  aiiimalibus  cunctiscaput  unuiu  : 
Ita  beati  Pétri  vicarius,  id  est,  papa  non  potest 
esse  nisi  unus.  Universo  itaque  mundo  rigo- 
rem  disciplina?,  rectifudinem  justitiœ,  lumen 
doctrinœ,  et  ipsius  quam  nomine  quoque  pnc- 
fertls,  incomprehcnsibilis  debetis  exemplar 
esse  innoccnliœ  (An.  ll.'îl).  »  Tous  ces  sainis 
hommes  conspirent  à  reconnaître  et  à  affermir 
cette  plénitude  de  puissance  spirituelle,  pour\  u 
quelle  serve  à  éfaldir  ou  à  rétablir  par  touf(! 
la  terri!  la  pureté  de  la  plus  sainte  discipline. 

11.  Or,  c'est  de  cette  unité  et  de  cette  pléni- 
tude tout  ensemble  de  l'autorité  et  de  la  juri- 
diction spirituelle  dans  sa  source  et  dans  sou 
chef  di\inement  établi,  ([ue  le  Fils  de  Dieu  a 
voulu  faire  découler  dans  la  succession  des 
siècles  toutes  les  dignités  les  plus  éminentes 
de  l'Eglise,  dont  nous  allons  parler,  c'est-à- 
dire  les  dignités  des  primats  et  des  patriar- 
ches. 

Gerson  l'a  fort  bien  compris,  quand  il  parle 
en  cette  sorte  des  différents  états  de  la  dignité 
pastorale:  «  Fuerunt  priinitns  velut  in  quodam 
seniinario  vivifico,  [lositi  in  Ecdesia  per  Ghri- 
stimi,  et  posfmodum  crescente  Ecclesia,  discre- 
fio  talium  magis  innotuit;  velut  si  stipes  vi- 
neoî  se  in  folia,  et  flores,  et  ramos  explicuerif 
(Gerson.  tom.  i,  pag.  137).  » 

C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  l'Extrava- 
gante de  Benoît  XI,  que  l'Eglise  romaine  a 
inslifné  les  quatre  autres  Eglises  patriarcales, 
et  leur  a  donné  le  rangd'honneur  et  de  dignité 
qu'elles  possèdent  :  «  Sancta  Romana  Ecclesia 
((uatnor  patriarcales  sedes  instituit ,  ipsasque 
nuiltis  pnerogativis  et  honoribus  ac  privilegiis 
decoravit  (E.xtravag.  Comm.  Lib.  i,  Tit.  ni, 
c.  .'i).  »  A  quoi  se  peut  aussi  rapporter  la  lettre 
du  pape  Innocent  III  et  l'explication  (|u'il 
donne  à  ces  quatre  animaux  mystérieux  de 
l'Apocalypse,  qui  environnaient  le  siège  de 
l'Agneau  céleste,  qui  n'est  autre  chose  que  le 
Siège  apostolique.  »  In  medio  sedis,  et  in  cir- 
cuitu  sedis  erant  quatuor  auimalia,  plena  oc»i- 
lis,  etc.  sedes  ista  Romana  Ecclesia  intelligitur 


90 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUINZIÈME. 


quap  séries  apostolica  nunciipatur.  Utique  se- 
des  Agni,  sedes  Viventis  in  ssecula  saeculorum. 
In  medio  cnjus  quasi  filife  in  gremio  résident, 
et  in  circuitu  adstant  quasi  famulpp  in  obse- 
quio  quatuor  patriarchales  Ecclesia?,  etc.  (Inno- 
cent, m.  Reg.  XV,  epist.  cuv).  » 

III.  Ces  expressions,  qui  semblent  d'abord  si 
avantageuses  au  Saint-Siège,  le  sont  encore  da- 
vantage au.\  autres  anciens  patriarches,  qui 
en  peuvent  se  donner  l'ombre  ou  l'image 
d'une  divine  origine  que  par  leur  très-étroite 
union,  et  par  leur  mélange  avec  le  trône  de 
Pierre,  qui  est  le  trône  même  visible  de  J.-C. 
C'est  ce  que  les  anciens  papes  et  les  plus  sa- 
vants hommes  de  l'antiquité  nous  ont  admi- 
rablement expliqué  dans  les  différentes  parties 
de  cet  ouvrage  ;  et  c'est  ce  que  nous  pouvons 
encore  édaircir  par  la  pensée  de  Siméon,  ar- 
chevê(|ue  de  Tbessalonique,  dans  le  livre  (ju'il 
écrivait  des  Ordinations  sacrées,  au  temps  que 
les  Français  dominaient  encore  dans  la  Grèce. 

Ce  savant  prélat,  parlant  des  divers  degrés 
du  sacerdoce  dans  les  patriarches,  les  arche- 
vêques et  les  évêques,  a  cru  pouvoir  les  com- 
parer aux  effusions  incompréhensibles,  et  aux 
commimicalions  inetfablcs  d'une  même  divi- 
nité dans  l'adorable  Trinité  des  personnes  di- 
vines. Le  Père  est  le  principe  sans  principe, 
ducpiel  émanent  les  autres  personnes  dans  une 
parfaite  égalité.  «  Etsi  enim  una  est  episcopa- 
tus  gralia,  et  virtus,  et  ordo,  ex  Deo  primo  et 
solo  Pâtre  et  Episcopo  emanans:  Patriaslamen 
habet  lihationes,  et  gratias  dilîerentes,  ut  unus- 
quif(|ue  ordo  postulat,  cum  Pater  et  Filius  et 
S|iiritus  sanclus  una  sint  in  Trinitate  divinitas 
et  natiira  iCap.  7;.  «  L'ap[)lication  en  est  bien 
plus  juste  et  |ilus  glorieuse  aux  autres  quatre 
patriarches  à  l'égard  du  Saint-Siège,  dans  le- 
(jnel  ils  rencontrent  une  naissance  foule  divine 
en  devenant  comme  des  écoulements  et  des 
ruisseaux  de  cette  source  de  plénitude  et  de 
perfection  sacerdotale,  que  J.-C.  renferma 
dans  saint  Pierre,  et  (|u'il  ne  cesse  de  déployer 
et  de  manifester  dans  la  révolution  successive 
des  siècles. 

IV.  On  n'ignore  pas  les  efforts  et  les  artifices 
de  l'ambition  des  hommes,  ])Our  l'elablisse- 
menl  ou  pour  l'agrandissement  de  quelques- 
uns  de  ces  y)alriarcats.  Saint  Pierre  n'avait 
peut-être  pas  toujours  été  exempt  des  atteintes 
de  l'ambition,  non  plus  que  les  autres  apôtres, 
dans  leurs  premiers  conuuencenients.  Mais  la 
sage  et  toute-puissante  i)rovidence  de  Celui 


qui  ne  permet  le  mal  que  pour  en  tirer  du 
bien,  et  pour  faire  servir  le  mal  même  au  pro- 
grès miraculeux  du  bien ,  ne  laissa  pas  de 
donner  une  primauté  admirable  sur  foute  la 
terre  à  tons  ses  apôtres,  et  une  suréminente 
primauté  à  saint  Pierre  sur  tous  ses  collègues; 
elle  n'a  pas  aussi  laissé  de  faire  couler  comme 
quatre  grands  fleuves  dans  les  quatre  Eglises 
patriarcales,  qui  sont  comme  autant  de  riches 
effusions  de  la  plénitude  du  divin  Chef  de  l'E- 
glise, sans  jamais  souffrir  que  la  vanité  ou  la 
malice  des  houunes  puisse  arrêter  le  cours  de 
ses  bontés  sur  son  Eglise. 

V.  Le  pape  Léon  IX,  répondant  aux  consul- 
tations de  Pierre,  [)atriarche  d'Antioche,  «  ab 
apostolica  tua  sede  apostolicam  nostram  Se- 
dem  consulendo  ,  »  l'exhorte  de  maintenir  les 
droits  de  son  siège  apostolique,  ijui  avait  été  le 
siège  de  Pierre,  avant  qu'il  vînt  établir  la  pri- 
mauté éternelle  de  l'Eglise  à  Rome,  où  il  pré- 
side encore  et  y  attend  la  bienheureuse  résur- 
rection :  «  Quatenus  principalis  dignitafis  et 
totius  Ecclesiasticae  disciplina;  venerabilis  apex 
ibi  prœfulgeat  et  prœcellat,  ubi  ipse  vertex  et 
cardo  apostolorum  Petrus,  carnis  sua^  resurre- 
clionem  in  novissimo  die  expectat  (.\nno  1053. 
Léo  IX.  Ep.  v).  B  Au  reste,  il  l'avertit  que  ce 
ne  doit  pas  être  une  ambitieuse  jalousie  de  sa 
propre  grandeur,  mais  un  zèle  religieux  de 
l'honneur  ancien  de  son  Eglise,  qui  le  doit 
animer  à  cette  défense  :  «  Tertiam  a  Romana 
Ecclesia  dignitatem  te  defendere  summopere 
monemus  ,  non  tuœ  gloria;  causa ,  sed  pro 
sedis,  cui  ad  tempus  prœsides,  antiqua  hono- 
rificentia.  » 

Le  patriarche  de  Constantinople,  Michel,  n'a- 
vait pas  cette  humble  et  respectueuse  déférence 
pour  les  rangs  que  la  Providence  et  l'Esprit- 
Saint  qui  gouverne  l'Eglise  y  avait  établis  dès 
le  conunencement,  puisqu'il  tâchait  de  sou- 
mettre à  sa  puissance  les  patriarches  d'Alexan- 
drie et  d'Antioche,  comme  nous  apprenons  de 
la  lettre  (pie  ce  même  pajjc  lui  écrivit  :  «  Nova 
anibitione  Alexandrinum  et  Antiochenum  pa- 
triarcas  antiquis  dignitatis  sute  privilegiis  pri- 
vare  contendens,  contra  omne  fas  et  jus  tuo 
doniinio  subjugare  conaris  (Epist.  vij.  »  Cet 
empire  tyrannique  du  patriarche  de  Constan- 
tinople n'était  donc  pas  encore  bien  établi , 
(judicpTil  continuât  toujours  de  prendre  la 
qualité  de  patriarche  œcuménique;  de  quoi  ce 
pape  lui  fait  un  juste  reproche,  lui  représen- 
tant que  ni  saint  Pierre,  ni  aucim  de  ses  suc- 


DES  PATRIARCHES  GRECS  EN  GÉNÉRAL. 


01 


cessenrs  n'avaient  jamais  pris  un  titre  d'une  si 
monstrueuse  ambition  :  a  Nullus  tam  prodi- 
jrioso  prœnomine  consensit  penitus  appellari.  » 

Comme  le  patriarciie  de  Coiistantiiiople  pré- 
tendait que  la  primauté  et  l'universalité  de 
l'Eglise  romaine  n'avait  pour  fondement  que 
la  majesté  et  l'autorité  de  l'emiiire  et  de  la  ville 
de  Rome  sur  le  reste  du  monde  ;  et  (ju'il  se 
flattait  par  conséquent  d'une  prééminence,  ou 
égale,  ou  fort  approchante,  parce  que  Constan- 
tinople  était  la  nouvelle  Rome,  et  que  Tempire 
y  avait  été  transféré  ,  j'estime  à  propos  de  rap- 
porter ici  les  sentiments  et  les  paroles  d'im 
savant  et  illustre  prélat.  C'est  Othon,évêque  de 
Freisingen,  qui  dit  que  Dieu  n'ayant  formé  l'u- 
nivers que  pour  sa  gloire  et  pour  son  Eglise,  et 
étant  le  souverain  distributeur  des  empires,  si 
l'on  demande  pourquoi  il  a  plutôt  donné  le 
plus  durable  des  empires  à  la  ville  de  Rome 
qu'à  tant  d'autres  qu'il  aurait  pu  en  honorer, 
on  ne  saurait  peut-être  faire  une  réponse  plus 
raisonnable  ([u'en  disant  que  c'est  parce  qu'il 
voulait  un  jour  y  établir  le  premier  trône  de 
son  Eglise. 

«  Non  ergo  fortuitis  casibus ,  nec  falsorum 
deorum  cultui,  sed  Deo  vero,  formanti  lucem, 
et  creanti  tenebras  adscribendum  reor,  quod 
ad  tantum  fastigium  princi|)atusque  monar- 
chiam,  ex  liuiniliac  ])aupere  statu  Romanorum 
respublica  crevit.  Quare  autem  illi  populo,  vel 
illi  urbi,  hanc  potius  gratiam,  qiiam  aliis  coii- 
tulerit,  discutere  non  possumus,  nisi  forte  ex 
Principis  Apostoloruni  raeritis,  quem  ibi  ses- 
surum  pncvidit,  su[)er  quem  Ecclesiam  suam 
etiani  se  fundaturum  promisit,  faclum  dicam. 
Ut  videlicet  locus  qui  propter  iirincipis  apusto- 
lorum  cathedram  super  universam  principa- 
turus  erat  Ecclesiam,  genlium  quoque,  unde 
fldeles  congregandi  erant,  ante  perfîceret  nio- 
narciiiam.  Pulclire  igitur  eadem  urbs,  antea 
fuit  caput  mundi ,  qutc  postmodum  futura  fuit 
caput  Ecclesia;  (Chronic.  1.  ni,  in  prologol.  « 

Ce  savant  et  saint  évèque  était  oncle  de  l'em- 
pereur Frédéric  Barberousse,  et  frère  utérin  de 
Conrad  III.  Il  fut  fort  employé  dans  les  affaires 
d'Etat,  et  cependant  il  était  persuadé  ([ue  le 
monde  est  fait  pour  l'Eglise,  que  tous  les  em- 
pires sont  dispensés  pour  l'empire  de.I.-C.,  que 
la  grandeur  temporelle  de  Rome  avait  |)our  but 
rétablissement  plus  facile  de  l'Eglise  et  de  la 
première  de  toutes  les  Eglises.  Ceux  qui  ne 
sont  pas  accoutumés  comme  ce  prélat  à  consi- 
dérer les  ressorts  secrets  de  la  Providence,  cjui 


causent  tous  ces  mouvements  visibles  dans  l'u- 
nivers, et  qui  font  servir  le  temps  à  l'éternité, 
auront  de  la  peine  à  entrer  dans  ses  sentiments. 
Mais  il  faut  revenir  aux  jjatriarches  de  Cons- 
taiilinopli!. 

VI.  Ce  fut  l'ambition  de  ce  patriarche  Michel, 
qui  sépara  alors  entièrement  l'Eglise  grec(]ue 
de  l'Eglise  romaine  (  Anno  I  KKJ.  Baron,  u.  17  ). 
L'empereur  Manuel  se  fiit  résolu  de  réunir 
parfaitement  et  de  soumettre  tout  l'empire 
oriental  au  pape  Alexandre  III,  si  ce  i)ape,  (jui 
était  alors  cruellement  persécuté  par  l'empe- 
reur d'Allemagne,  Frédéric  Barberousse,  eût 
voulu  rendre  l'empire  d'Occident  aux  empe- 
reurs de  Constantinople,  aux(iuels  il  avait  au- 
trefois appartenu.  Manuel  [irétendait  se  servir 
de  cette  occasion  favorable,  pour  faire  servir  la 
religion  à  ses  intérêts  :  «  Ut  sub  uno  Ecclesia? 
capite  uterque  populus  et  clerus,  Latinus  et 
Graîcus,  perpétua  unitate  subsistèrent  ;  petebat 
ut  Romani  coroiia  imperii  a  Sede  apostolica 
redderetur  ,  ([uod  non  ad  Friderici ,  sed  ad 
suum  jus  assereret  pertinere  (Anno  1170. 
Baron,   n.  .54).  » 

Cette  tentative  fut  souvent  réitérée ,  mais 
inutilement ,  parce  que  le  pape  ne  jugea  pas 
qu'un  intérêt  d'ambition  pût  être  un  solide 
fondement  de  paix  dans  l'Eglise.  C'était  peut- 
être  dans  ces  mêmes  vues  basses  et  intéressées, 
(|ue  les  empereurs  de  Constantinople  s'étaient 
associés  aux  religieux  de  Cluny,  par  une  parti- 
cipation de  prières,  et  qu'ils  leur  avaient  donné 
une  Eglise  dans  Constantinople  même,  comme 
il  paraît  par  les  lettres  de  Pierre,  abbé  de  Cluny. 

VII.  Ce  n'est  pas  néanmoins  sans  dessein  (|ue 
j'ai  dit  que  l'empereur  Manuel  olïrit  de  réunir 
parfaitement  l'Eglise  orientale  à  l'Eglise  ro- 
maine, si  le  pape  le  faisait  rentrer  dans  l'an- 
cienne possession  de  l'empire  d'Occident,  parce 
qu'effectivement  c'était  plutôt  une  longue  mé- 
sintelligence, qu'une  entière  séparation,  qui 
avait  désuni  les  Grecs  des  Latins.  Saint  Bernard 
en  parle  en  ce  sens,  comme  si  c'était  plutôt  une 
diversité  de  police  que  de  créance,  qui  causât 
cette  division  :  «  Addo  et  de  pertinacia  Graeco- 
rum,  (jui  nobiscum  sunt,et  nobiscum  non 
sunt  :  juncli  fuie,  pace  divisi.  Quanquam  et  in 
tide  ipsa  claudicaverint  à  semitis  rectis  {  De 
Consid.  1.  ni).  »  Ces  dernières  paroles  ne  signi- 
fient pas  que  les  Grecs  fussent  dans  l'erreur, 
mais  qu'ils  y  [lenchaient.  Autrement  il  n'aurait 
pas  dit,  (ju'ils  nous  étaient  unis  par  le  lien  de 
la  foi,  fide  juncti. 


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DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUINZIÈME. 


Pierre  le  Vénérable,  abbé  de  Cluny ,  et 
toute  sa  congrégaiion ,  entretenait  un  com- 
merce de  prières  et  d'amitié  avec  les  empereurs 
de  Constantinople,  qui  aurait  été  également 
contraire  à  la  pureté  de  sa  loi  et  de  sa  vertu, 
s'il  les  eût  considérés  comme  des  gens  engagés 
dans  le  schisme  ou  dans  l'hérésie.  Au  temps 
même  de  Michel  Cérulaire ,  patriarche  de 
(Jonstantinople,  les  patriarches  de  Jérusalem, 
d'Alexandrie  et  d'Antioche  récitaient  le  nom 
du  {lape  dans  les  diptyques  sacrés,  comme  il 
paraît  par  la  lettre  même  du  patriarche  Michel 
(Baron.  Anno  lO.^i,  n.  .')2). 

VIII.  Il  n'en  faut  donc  pas  croire  Balsamon, 
patriarche  grec  d'.Vntioche,  quand  il  dit  que  le 
pape  était  en  horreur  parmi  les  Grecs,  et  que  les 
Eglises  orientales  mettaient  les  Latins  au  rang 
des  hérétiques.  Les  Crées  même  se  sont  o|)- 
posés  à  ces  impostures  de  Ralsamon,  et  entre 
autres  Démétrius  Chomatérus,  archevêque  de 
Bulgarie,  dans  ses  réponses  à  Constantin  Caha- 
silas,  archevê(iue  deDurazzo,  qui  confesse  <|ue 
Balsamon  a  parlé  avec  trop  de  dureté  et  trop 
d'aigreur  des  Latins,  puisqu'ils  n'ont  jamais 
été  rejetés  dans  aucun  synode  parmi  les  Grecs, 
ni  condamnés  |iubli(iuemcnt  comme  héré- 
tiques, et  que  les  deux  nations  conservaient 
encore  entre  elles  une  conununion  publi(iue, 
non -seulement  de  civilité  ,  mais  aussi  de 
prières. 

«  Huic  responso  Balsamonis  prœclari  mulli 
viri  tune  non  sunt  suffragafi,  ut  cpiod  nnilfum 
duriliei  et  acerbitalis  haheret  :  nec  convenienlis 
reprehensionis  Latinicarum  formarum  et  nio- 
rum.  Et  (piod  ,  inquiunt,  h.ec  synodaliter  dé- 
créta non  sint,  ne(jue  ipsiut  lurrclici,  publiée 
rejecti  fuerint,  scd  et  simul  nobiscum  cibum 
sumant,  et  precentur.  »  Démétrius  ajoute  ipie 
le  savant  archevêque  de  Bulgarie  Théophylacte 
était  dans  le  même  sentiment,  contraire  à  celui 
de  Balsamon   (  .Unis  Orient.  )).  ;ti>l,  322,  .'iâ:!). 

II  n'est  pas  difficile  de  deviner  les  causes  qui 
avaient  aigri  l'esprit  et  envenimé  la  jilume  de 
Balsamon  contre  les  Latins.  Il  était  patriarche 
d'Antioche  i)our  les  Grecs.  Mais  il  y  avait  un 
patriarche  latin,  qui  y  résidait  avec  une  auto- 
rite souveraine  ,  comme  nous  dirons  dans  la 
suite,  et  qui  ne  lui  permettait  seulement  pas 
il'en  approcher.  Il  n'a  pu  s'en  taire  hii-même, 
(^t  il  a  exprimé  sa  douleur  avec  son  emporte- 
ment ordinaire,  en  disant  (jne  les  Grecs  avaient 
été  bannis  par  les  Sarrasins  de  Jérusalem  , 
d'Antioche  par  les  Latins ,  et  par  les   Armé- 


niens de  Tarse  (In  Can.  xvi.  Antioch.  Synodi]. 

IX.  Au  reste,  nous  n'opposons  pas  seulement 
à  Balsamon  le  témoignage  de  ces  deux  savants 
archevêques  grecs,  mais  la  pratique  générale 
de  tous  les  Grecs,  qui  entraient  et  offraient 
leurs  vœux  dans  toutes  les  églises  latines 
d'Italie,  et  surtout  dans  celles  de  Rome,  et 
dans  celle  de  Saint-Pierre  même ,  et  (jui  ne 
refusaient  pas  la  communion  aux  catholiques 
latins  dans  les  églises  grecques,  quand  ils  se 
présentaient  pour  participer  aux  divins  mys- 
tères (Jus  Orient.  1.  i,  p.  321,  32-2). 

Je  laisse  les  lettres  du  ])ape  Adrien  IV  à 
l'archevêque  de  Thessalonique  Basilique,  et  la 
réponse  de  cet  archevêque,  ra|i|)ortée  dans  le 
même  volume  du  droit  oriental ,  où  il  paraît 
que,  quoique  le  pajie  se  plaignit  du  schisme  de 
l'Eglise  de  (;onstantino])le ,  l'archevêque  lui 
témoigna  que  les  deux  Eglises  étaient  liées  du 
lien  indissoluble  de  la  même  doclrine  :  «  Eadem 
tccum  praîdicamus et  docemus, ego  iique  omnes 
qui  ad  magnam  apostolicamque  Sedem  Con- 
stantinopolitanam  pertinemus:  »  et  des  mêmes 
sacrements  :  «l'niis  in  idrisqueEcclesiis  perso- 
nat  sermo  fldei,  idemquesacrificatur  Agnus  ;  » 
Et  que  s'il  y  avait  quelque  petite  matière  de 
division,  c'était  à  sa  sainteté  de  l'ôter,  à  cause 
de  la  prééminence  de  son  siège,  à  (juoi  l'empe- 
reur Manuel  était  disjiosé  de  contribuer  de  tous 
ses  soins  et  de  toute  son  autorité  (P.  30,'),   307). 

Cette  remarque  m'a  paru  nécessaire ,  pour 
faire  voir  que  c'a  été  avec  aidant  de  fausseté 
i|ue  (le  malice,  que  Balsamon  assurait  qu'on 
(levait  refuser  la  communion  aux  Latins  dans 
les  Eglises  grecques,  parce  (]ue  depuis  long- 
temps l'Eglise  (le  Rome  était  séparée  de  la 
communion  des  autres  (piaire  patriarches  : 
«  Quoniam  ante  annos  multos  Occidentalis 
Ecclesia>,  Romaiia  in(piam  celebris  conventus 
divisus  est  ab  aliorum  quatuor  sanctorum 
patriarcharum  spiritali  communione  (  Ibid. 
pag.  37(t).  »  C'est  à  (juoi  il  a  été  bon  de  faire 
voir  que  les  avdres  savants  prélats  de  l'Eglise 
grec(]ue  se  sont  unanimement  opposés,  recon- 
naissant (]ue  les  mésintelligences,  qui  se  renou- 
velaient souvent  entre  Rome  et  Constanti- 
noi)le  ,  n'étaient  pas  capables  île  détruire 
entièrement  l'ancienne  unité  des  cinq  patriar- 
cats, qui  étaient  comme  les  cin(|  chefs  d(î 
l'Eglise,  qui  n'en  faisaient  qu'un,  parce  qu'ils 
ne  composaient  tous  ensemble  qu'un  même 
siège  de  Pierre ,  d'où  ils  étaient  tous  émanés, 
selon  le  langage  des  anciens  Pères  (Anno  12iri. 


DES  PATRIARCHES  GRECS  EN  GÉNÉRAL. 


93 


Abbas  l'sperg.  Conc.  Gen.  toni,  xi,  par.  i.  pag. 
15.3,  2:W,  2;36). 

De  là  vient  que  les  patrianlies  grecs  as- 
sistèrent, ou  en  personne,  ou  par  leurs  députi's 
au  concile  IV  de  Lalran  ,  sous  Innocent  111 , 
et  voulurent  en  avoir  les  décrets  en  langue 
grecque ,  comme  il  parait  dans  la  dernière 
édition  des  conciles  à  Paris. 

X.  Aussi  ce  concile  ne  se  plaint  (jne  du  peu 
d'obéissance  que  les  Grecs  avaient  rendu  au 
Saint-Siège  depuis  quelque  temps,  et  de  l'aver- 
sion extravagante  que  quelques-ims  d'entre  eux 
avaient  témoignée  des  cérémonies  latines. 
Enfin  après  leur  avoir  ordonné  de  se  con- 
former à  la  discipline  de  leur  chef  comme 
des  enfants  d'obéissance  :  «  Conformantes  se, 
tanquam  obedientiœ  fllii,  sacrosanctœ  Roman;e 
Ecclesiœ  matri  suae,  ut  situnum  ovile  et  unus 
Pastor  (Can.  iv,  v),  »  ce  concile  confirme  le  rang 
et  l'ordre  des  patriarches  ,  mettant  par  une 
sage  condescendance  Constantinople  avant 
Alexandrie  ,  Antioche  et  Jérusalem ,  et  les 
obligeant  tous  de  recevoir  le  pallium  du  pape, 
afin  de  le  pouvoir  donner  ensuite  à  leurs  suf- 
fragants,  de  qui  ils  exigeront  en  même  temps 
un  serment  d'obéissance  ,  pour  eux  et  |)our  le 
pajjc,  auquel  ils  l'auront  prêté  eux-mêmes, 
comme  un  devoir  inséparable  du  pallium. 

On  peut  lire  dans  les  éditions  des  conciles  et 
dans  les  Annales  ecclésiastiques  toutes  les  réu- 
nions qui  se  sont  faites  depuis  entre  les  deux 
Eglises,  et  surtout  celle  du  concile  II  de  Lyon, 
qui  est  appelée  la  treizième  par  les  auteurs  du 
temps.  La  principale  difficulté  y  a  toujours  été 
de  faire  plier  l'orgueil  du  patriarche  de  Cons- 
tantinople, sous  la  primauté  du  Saint-Siège. 
Cette  soumission  était  devenue  d'autant  plus 
nécessaire,  que  la  foi  même  des  deux  Eglises 
commençait  à  n'être  plus  la  même  ,  parce 
que  la  multiplicité  ou  la  longue  mésintel- 
ligence des  chefs  produit  aussi  infaillible- 
ment la  diversité  des  sentiments.  (Anno  1-274. 
Conc.  Général,  tom.  n,  pag.  460,  61-2,  9'2S. 
939,  958,  9G(>,  994,  103-2,  etc.) 

XI.  Pour  juger  équitablement  de  toutes  ces 
désunions  et  réunions  avec  le  Saint-Siège,  il 
faut  remarquer  que  tous  les  èvêques  et  tous 
les  patriarches  Grecs  furent  reçus  et  reconnus 
dans  le  concile  de  Florence,  avec  les  mêmes 
honneurs  que  dans  les  anciens  conciles  des 
deux  Eglises ,  comme  des  èvêques  et  des  pa- 
triarches catholiques  ;  et  la  conclusion  de  la 
paix  qui  se  renoua  à  la  fin  de  ce  concile,  sup- 


posa (pie  tous  les  Grecs  jusqu'alors  avaient  été 
dans  la  même  créance  (pie  les  Latins,  touchant 
la  procession  même  du  Saint-Esprit;  les  divi- 
sions des  Grecs  et  des  Latins  n'étant  jirovenues 
(jue  de  la  diversité  des  termes,  dont  les  uns  et 
les  autres  exposaient  leur  conunune  créance 
(Anno  1439). 

XII.  On  vient  de  nous  donner  les  dialogues 
admirables  que  révê(jue  d'Havelberg,  Anselme, 
composa  par  ordre  du  jiape  Eugène  111,  et 
qu'il  lui  dédia  pour  instruire  l'Eglise  latine 
des  conférences  qu'il  avait  eues  autrefois  avec 
les  plus  savants  des  Grecs  à  Constantinople, 
lorsqu'il  y  était  ambassadeur  pour  l'empereur 
Lothaire  IL  Ce  sage  et  savant  ijrélat  avoue  bien 
que  l'on  disait  que  les  Grecs  ne  croyaient  pas 
que  le  Saint-Esprit  procédât  du  Fils  :  Uicuntur 
non  credere^  mais  il  ne  dit  pas  cela  que  fût  (Spi- 
cilegii  tom.  xni,  pag.  1-20,  I7C,  187,  190,  194, 
-209,  -211,  -25-2). 

Au  contraire  Nécliite,  archevêque  de  Nico- 
médiCf  qui  disputait  avec  lui  dans  ces  confé- 
rences publi(iues,  proteste  que  les  Grecs  n'ont 
jamais  dit  que  le  Saint-Esprit  ne  procédait  point 
du  Fils,  mais  ils  se  sont  abstenus  seulement  de 
dire  qu'il  en  procédât,  parce  qu'ils  ne  l'avaient 
lias  lu  en  termes  formels  dans  l'Ecriture  ;  que 
si  l'on  s'était  quelquefois  échappé  de  le  dire, 
ce  n'avait  été  (|ue  dans  la  chaleur  de  la  dis- 
pute, pour  repousser  l'inconsidération  et  les 
emportements  de  ([uelques  Latins  qu'on  avait 
envoyés  à  Constantinople:  «  Si  (piidem  majores 
nostri  hujus  processionis  Verbum  aftirmati vum 
procedit  a  Filio,  humiliterhactenus  vitaverunt 
ignorantes  quidem  rei  verilatem,  et  caventes 
vocis  temeritatem.  Verbum  vero  negalivum, 
non  procedit  a  Filio,  etiam  nunquam  dixerunt 
metuentes  errorem,  et  fugientes  offensionem 
Scripturas,  neutrum  manifeste  dicentis  :  Nisi 
forte  irritati,  et  aliquorum  Latinorum  hoc 
temere  affirmantium  improbitate  comnioti  ; 
qui  in  supercilio  suo  ad  nos  venientes,  scien- 
tiolam  suam  voluerunt  ostendere,  et  conati 
sunt  faslu  superbia;  magnam  Grœcorum  sa- 
pientiam  opprimere,  etc.  » 

11  paraît  de  là  que  ce  n'avait  été  que  la 
jalousie  et  l'animosité  entre  ces  deux  grandes 
nations,  qui  avait  causé  la  plupart  de  leurs 
mésintelligences.  Aussi  quand  l'évèque  An- 
selme eut  exposé  notre  créance  avec  la  modes- 
tie et  l'humilité  que  demande  toujours  la  cause 
de  la  religion  et  de  la  piété,  l'archevêque  de 
Nicomédie  confessa  que  rien  n'était  plus  catho- 


94 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUINZIÈME. 


lique,  parce  que  rien  n'était  plus  éloigné  du 
faste  de  ceux  d'entre  les  Latins  qui  avaient 
Jusqu'alors  traité  avec  les  Grecs:  «Viileor  niihi 
invenisse  honiineni  Latinum  vere  calliolicum. 
Utinani  taies  Latiui  islis  temporibus  ad  nos 
venirent.  IN'ani  si  aliqui  veniunt,  ambulant  in 
nia^qiisetin  nuiabilibus  super  se,  et  nuutiuani 
talia,  nec  latn  catholica,  nec  tam  humilia,  sed 
superba  et  intolerabilia  nobis  loquuntur.  » 

Enfin  Tarcbevèquc  grec,  après  avoir  ouï 
exposer  notre  créance  avec  la  sagesse  et  la  mo- 
dération d'un  théologien  humble  et  égale- 
ment éclairé  dans  les  sentiments  des  Pères 
anciens  de  l'une  et  de  l'autre  Eglise,  ne  put 
s'emiiècher  de  reconnaître  que  les  Grecs  et  les 
Latins  de  son  temps  étant  aussi  attachés  qu'ils 
l'étaient  aux  Pères  de  leurs  Eglises,  étaient 
sans  doute  dans  les  mêmes  sentiments  aussi 
bien  que  ces  Pères  mêmes,  quoiqu'ils  ne  s'ex- 
primassent pas  en  mêmes  termes  :  «  Nechites 
archiepiscopus  Nicomediœ  dixit  :  Satis  videnmr 
jam  posse  convenire,  quia  et  nostri  et  vestri 
doctoresnon  inveniuntiu'  usquequa(iue  in  hac 
sententia  discrepare;  si  tameu  eorum  scripta 
recte  intelligantur,  qui  vel  apud  nos,  vel  apud 
vos  de  hac  quœstione  diligentius  scripsisse 
inveniunlur.  » 

Ce  n'était  pas  moins  la  sagesse  et  l'humilité 
d'Anselme  qui  avaient  touché  l'archevêque  grec 
(jue  la  force  de  ses  raisonnements.  L'archevê- 
que même  ne  le  dissimula  pas  :  «  Tuam  iiumili- 
talem,  frater  charissime,  amplector,  nequa- 
(juam  possum  non  conmioveri  te  lofjuente, 
ass{!ntio  etiam  omnibus  (|ua>  dixisti,  et  accedo 
loto  auimo,  et  toto  cor|)ore.  »  L'évêijue  An- 
selme passa  de  la  dispute  de  la  procession  du 
Saint-Esprit  à  celles  qui  regardent  les  autres 
points  contestés  ;  il  s'étendit  beaucoup  sur  ce 
qui  concerne  le  pajie  et  l'archevêque,  demeura 
d'accord  de  tous  les  points  ([ui  sont  de  (juelque 
importance,  témoignant  même  de  désirer  la 
tenue  d'un  concile  général,  pour  mettre  l'uni- 
formfté  jus(|ue  dans  les  moindres  choses  entre 
les  deux  Eglises  :  «  Quia  vero  non  in  niagnis, 
sed  in  minimis  ali(|ualenus  discrepare  vide- 
mur,  ([uœ  licet  sahitem  animarum  non  impe- 
diant,  tamen  charitatem  non  œdilicant;  sum- 
mo  studio  elahorandum  esset  ut  concilium 
générale  lieret,  etc.  » 

Le  cardinal  Ressarion,  au  tenais  du  concile 
de  Florence,  entra  dans  la  même  conduite,  et 
fut  animé  du  même  esprit  dune  sainte  adresse 
de  l'evêque    Anselme,  et  consomma  par  ce 


moyen  lunion  parfaite  des  deux  Eglises,  en 
leur  faisant  voir  qu'elles  n'avaient  jamais  été 
entièrement  désunies.  Otlion  de  Freisingen  dit 
qu'Anselme  étant  de  retour  reçut  de  l'empe- 
reur l'archevêché  de  Ravenne  et  le  gouverne- 
ment de  la  même  province,  pour  réconqtense 
de  son  heureuse  ambassade  :  «  Laboris  sui  ma- 
gnificam  recompensationem  a  principe  accepit 
(L.  11.  De  gest.  Frid.,  c.  20,  21).  » 

Xlll.  iXous  pourrions  ajouter  un  autre  point 
important,  savoir,  que  lors  de  nos  croisades  et 
de  nos  conquêtes  dans  l'Orient,  nous  traitâmes 
toujours  les  Eglises  et  les  évêipies  des  Grecs 
comme  vraiment  catholiques,  et  comme  d'une 
même  créance  et  d'iuie  même  communion 
avec  nous.  Les  Grecs  eurent  alors  les  mêmes 
sentiments  de  nos  Croisés,  et  les  regardèrent 
dans  les  commencements  connue  leurs  libéra- 
teurs. 

L'archevêque  ou  l'évèque  de  Dol ,  Baldéric, 
dans  son  Histoire  de  Jérusalem  ^L.  ni),  parlant 
du  siège  et  de  la  prise  d' Antioche  par  nos  Croisés, 
dit  que  cette  ville  contenait  trois  cent  quarante 
églises,  et  avait  un  patriarche  duquel  relevaient 
cent  cinquante-trois  évéques.  Albert,  chanoine 
d'Aix,  qui  écrivit  aussi  l'histoire  de  nos  croisa- 
des (L.  n),  raconte  connue  l'empereur  de  Cons- 
tantinopleadopta  Godefroy  de  Bouillon  pour  son 
fils,  et  Godefroy  se  déclara  vassal  de  l'empe- 
reur, en  lui  faisant  hommage  avec  les  princi- 
paux seigneurs  de  l'armée.  Ils  n'en  eussent  j)as 
usé  de  la  sorte  de  part  et  d'autre,  s'ils  se  fus- 
sent considérés  comme  de  diverse  religion, 
en  une  occasion  sm-touf  oi'i  l'on  allait  combat- 
tre pour  la  religion.  Cet  auteu  r  dit  plus  bas  (L.v), 
qu'api'ès  que  nous  eûmes  pris  Antioche,  nous 
rétablîmes  les  Grecs  et  le  patriarche  grec  même 
dans  leurs  églises,  comme  étant  catholiques. 
«  Cultores  catholicos  in  excquendis  ibidem 
divinis  mysteriis  restituentes ,  in  omni  clero 
tam  Grœcorum,  (juam  Latinorum,  patriar- 
cham,  quem  Turci  dum  adhuc  christianorum 
ohsidionc  circumdarentur,  sœpius  ad  mœnia 
funibussus|)enderant,  decenter  in  cathedra  sua 
relocaverunt.  » 

Après  la  prise  de  Jérusalem,  nos  Croisés  élu- 
rent un  nouveau  patriarche,  parce  que,  suivant 
le  même  Albert,  le  patriarche  grec  était  mort 
pendant  le  siège,  dans  l'île  de  Chypre,  où  il 
s'était  retiré  pour  éviter  les  insultes  des  Turcs. 

Au  reste,  jiendant  toute  la  durée  dusiége,  ce 
bon  [)atriarche  envoya  à  nos  croisés  toutes 
sortes  de  présents,  de  fruits  et  de  rafraîchisse- 


DES  PATRIARCHES  GRECS  EN  GENERAL. 


9r> 


iiienls,  L'spéniul  du  itiitrtii'  (huis  son  siège 
((iiaïKl  la  ville  serait  prise.  «  Speraiis  sub  iis- 
ilem  |)rinci|piljus  Eeclesia  i-eslaiirata  paeifice 
servire,  aUiuc  i)iu'esse  (L.  vi).  »  Mais  il  passa  à 
la  Jérusalem  céleste  avant  la  lin  du  siège,  et 
DOiis  mit  dans  la  nèecssitè  de  rem[)Iir  le  trône 
liatriarcal  |)ar  une  nouvelle  élection  :  «  Sieciue 
Eeclesia  suc  pastore  viduataremansit.  Quapro- 
pter,  etc.  » 

Guillaume  de  Tyr  fait  [)arler  le  patriarche 
Siméou  de  Jérusalem  à  Pierre  l'Ermite,  ce  gé- 
néreux prêtre  qui  fut  depuis  le  promoteur  de 
la  première  croisade,  connue  si  lespérance  des 
chrétiens  grecs  de  la  Palestine  n'eût  été  ap- 
puyée que  sur  les  armes  et  les  prières  des  ca- 
tholiques de  l'Eglise  latine.  «  Si  vester  vere  Dei 
cultor  populus,  prœsentibus  fraterna  pietate 
compati  vellet  (L.  i,  c.  M).  »  Ce  patriarche 
écrivit  en  même  temps  des  lettres  au  pape  et 
aux  princes  de  l'Occident,  (lour  les  animer  à 
la  guerre  sainte,  et  il  fut  assez  heureux  pour 
la  leur  persuader. 

Le  pape  Urbain  II,  dans  le  concile  de  Cler- 
mout,  publiant  la  première  croisade,  exhorta 
tous  les  fidèles  à  aller  secourir  leurs  frères  et 
leurs  propres  membres,  les  fidèles  Grecs  de  la 
Palestine  :  «  Ut  fralribus  vestris  et  cœlestis  re- 
gni  cohœredibus,  omnes  enim  sumus  invicem 
membra,  qui  in  Hierosolymis  et  in  finibus  ejus 
habitant,  compatientes,  etc.  (Ibidem,  c.  xv).  » 

Le  même  Guillaume  de  Tyr  parle  du  patriar- 
che d'Antioche  au  temps  que  nous  enlevâmes 
cette  ville  aux  intideles,  comme  d'un  prélat 
catholique,  auquel  il  soumet  vingt  provinces, 
liartagèes  entre  quatorzes  métropolitains,  et 
deux  primats  ou  exarques,  qui  avaient  sous 
leur  juridiction  les  six  autres  provinces:  «  Vi- 
ginti  provincias  in  sua  jurisdictione  ejusdem 
Ueo  amabilis  civitatis  dicitur  habere  patriar- 
clia,  quarum  quatuordecim  singulos  habent 
metropolitas  cum  suis  sufTraganeis  ;  sex  vero 
rcdiquaî  sub  duobus  primatibus,  qui  vulgari 
appellatione  dicuntur  catholici,  quorum  aller 
est  Aniensis.  aller  vero  Hirinopolitanus,  quiest 
Baldacensis,  cum  eorum  sutVraganeis  dispo- 
nuntur.  Quœ  omnes  Oriens  videlicet  nuncu- 
pantur,  etc,  (Ibid.  L.  iv,  c.  9).  » 

Cet  historien  ajoute  que  le  patriarche  grec 
avait  beaucoui>  soutlèrl  delà  part  des  infidèles, 
pendant  que  nous  assiégions  Antioche,  et  avait 
fait  paraître  la  constance  invincible  d'un  vrai 
confesseur  de  J.-C.  «  Taïuiuam  verus  Christi 
contessor  (L.  vi ,  c.  23).  »  Aussi  dès  le  moment 


que  la  \ille  fut  prise,  nous  le  relablimes  sur 
son  trône;  et  nous  n'eûmes  pas  seulement  la 
pensée  de  créer  un  autre  patriarche  pendant 
sa  vie,  juscju'a  ce  que  lui-même,  jugeaut  deux 
ans  a|)rès,  qu'étant  Grec  il  n'était  pas  tout  à 
fait  pidpre  à  gouverner  les  Latins,  il  se  retira  à 
Couslauliiio|)le,  et  nous  élûmes  alors  un  pa- 
triarche latin d'.\ntioehe.  «  In  sede  propria  cum 
multo  lionoreeum  locaverunt.  Nostrie  vero  La- 
tinitatis  patriarcham,  eoviventequi  pridem  ibi 
ordinatus  fuerat,  eligere  vel  consecrare  non 
pnesumpserunt.  Sed  postmodum  vix  evoluto 
bieunio  videus  ipse  quod  non  satis  uliliter  iirœ- 
esset  Graicus  Latinis,  urbe  cedensConstantino- 
polim  abiit.  Postcujusdiscessum  convenicntes 
civitatis  clerus  et  populus  sibi  pnrfecerunt  pa- 
triarcham (L.  VI,  c.  -23).  M 

Il  est  manifeste,  par  ce  récit,  que  les  Grecs 
et  les  Latins  se  considéraient  alors  comme  les 
enfants  et  les  membres  d'une  même  Eglise  ca- 
tholi(iue.  Aussi  lorsque  nos  armées  approchè- 
rentd'.\ntioche  et  de  Jérusalem  L.  ii,  c.  27),  une 
infinité  de  Grecs  ou  de  Syriens  furent  assommés 
parles  infidèles,  qui  leur  reprochaient  de  nous 
avoir  appelés  à  leur  secours,  a  Multos  occide- 
runt,  suspectes  eos  habeutes,  quod  Occidentales 
princijjes  litteris  et  nuntiis  evocassent  ^L.  xxu, 
c.  10).  »  Ce  fut  ce  qui  fit  que  la  ville  de  Jéru- 
salem se  trouva  si  étrangement  dépeuplée  après 
que  nous  l'eûmes  conciuise  ,  et  ce  qui  obligea 
le  roi  Baudouin  d'y  appeler  des  Syriens  d'assez 
loin  pour  la  repeupler. 

Ce  n'est  qu'après  la  mort  de  l'empereur  Manuel 
et  sous  la  minorité  de  son  fils  et  son  successeur 
Alexis,  que  Guillaume  de  Tyr  confesse  que  les 
Grecs,  pour  se  venger  de  la  préférence  que  les 
Latins  avaient  toujours  eue  auprès  de  l'empe- 
reur Manuel  au-dessus  d'eux,  commencèrent 
à  nous  traiter  d'hérétiques  à  cause  de  la  diver- 
sité des  cérémonies  des  deux  Eglises  :  «  Odio- 
rum  fomitem  nûriistrante  sacran)ent(5rum 
inter  nos  et  eos  differentia.  Arrogantes  supra 
modum  et  a  Romana  Eeclesia  separati  pér  in- 
solentiam,  hœreticum  omnem  eum  reputant, 
qui  eorum  frivolas  non  sequitur  traditiones.  » 
Mais  ce  ne  fut  qu'un  renouvellement  de  mé- 
sintelligence qui  ne  fut  pas  de  longue  durée, 
comme  il  a  déjà  paru  par  le  récit  de  ce  qui  se 
passa  sous  le  pontificat  d'Innocent  111. 

Nous  [fourrions  confirmer  une  partie  de  ce 
que  (iuillaume  de  Tyr  vient  de  nous  dire  par 
l'histoire  de  Jérusalem,  écrite  jiar  Jacques  de 
Vitry.  11  y  ajoute  que  le  métropolitain  latin  de 


96 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUINZIÈME. 


Pétra  ou  de  Crac,  dans  l'Arabie,  a  pour  sullra- 
gant  l'évèque  grec  du  Mont  deSinaï,  qui  est  en 
même  temps  abbé  du  célèbre  monastère  de 
Sainte-Catherine,  où  il  réside  (Cap.  56,  7-4).  » 

11  dit  un  peu  plus  bas  que  les  Syriens  et  les 
Grecs  traitaient  quelquefois  les  Latins  comme 
des  excommunies;  mais  il  montre  clairement 
que  ce  n'était  qu'un  effet  de  leur  ignorance, 
que  les  plus  sages  d'entre  eux  ne  niaient  point 
que  le  Saint-Esprit  procède  aussi  du  Fils,  quoi- 
(|u'ils  ne  l'expriniasscnt  point,  parce  que  cela 
ne  se  trouve  point  exiirimé  dans  leurs  confes- 
sions de  foi  :  «  Sicut  omnes  Latini  Spirilum 
sancfum  a  Filio  procedere  confitentur,  ita  (}ui 
sapienfioressunt  inter  Grœcos  camdemsenten- 
tiam  non  negant,  licet  formam  verborum  non 
recipiant,  eo  quod  nusquam  apud  se  talem 
verborum  formam  reyieriant.  » 

Enfin  ce  prélat  ne  dit  jamais  que  les  Latins 
missent  les  Grecs  au  rang  des  hérétiques,  parce 
que  les  Latins  étaient  assez  éclairés  poiir  mettre 
une  différence  entre  les  aversions  réciproijues 
des  nations  ou  les  diversités  de  la  discipline,  et 
les  points  essentiels  de  la  foi. 

Arnold,  alilié  de  Lubeck,  parlant  du  pèleri- 
nage du  duc  de  Saxe  dans  la  Terre  sainte,  et 
de  la  dispute  de  ses  ]irélats  avec  les  Grecs  à 
Constantinople  sur  la  procession  du  Saint- 
Esprit,  montr(^  rpTiis  tinitèrent  toujours  les 
Grecs  en  catli(ili(|ues  :  «  i\unc  erratis  catholici 
ctreligiosi  viri  (L.  ni,  c.  ;>).  » 

XIV.  Le  même  Otbon  de  Freisingen,  qui  a 
jKU'u  avoir  ci-dessus  des  sentiments  si  nobles 
du  siège  romain,  et  qui  a  cru  que  l'empire 
temporel  même  n'avait  été  donné  à  la  ville  de 
Itome  (]ue  iiour  faciliter  et  pour  mieux  affer- 
mir la  primauté  spirituelle  du  souverain  pon- 
tife de  l'Eglise  ,  dit  ensuite  que  les  villes  qui 
suivaient  Rome  de  jikis  près,  et  qui  avaient 
été  les  capitales  de  l'empire  grec,  Alexandrie 
et  Anlioche,  eurent  aussi  des  Eglises  patriar- 
cales dès  les  premiers  siècles  de  la  fondation 

(l)  Ceux  qui  voudront  approfondir  davantage  tout  ce  qui  concerne 
les  quatre  grands  patriarcats  de  rOrieot,  leur  histoire.  la  succession 
chronologique  de  leurs  prélats,  trouveront  dans  le  grand  ouvrage  des 
BoUandistes  l'histoire  des  patriarches  de  Jérusalem  par  le  P.  Pape- 
broch,  des  patriarches  d'Ale:ïandrie  du  P.  Soller,  de  ceux  d'An- 
tioche  par  le  P.  Boscbi,  et  de  ceux  de  Coostantirtople  du  P.  Cuper. 
Rcnaudot  a  également  publié  UiKtoria  putriarchuTum  Alexandri- 
norum.  Mais  celui  qui  a  traité  cette  matière  avec  le  plus  d'ampleur, 
c'est  sans  contredit  le  savant  dominicain  Lequien.  qui  a  publié  VOrietis 
l'hrisîianus  in  quatuor  palriarchalus  diyeslus^  en  trois  volumes 
in-folio.  Cet  ouvrage,  fait  sur  le  modèle  de  la  Gatlia  Christiatta, 
renferme  toutes  les  Eglises  orientales,  sous  les  quatre  grands  patriar- 


des  Eglises  ;  Constantinople  et  Jérusalem  en 
curent  plus  'ard,  celle-là  à  cause  du  siège  de 
]'em|»ire,  celle-ci  à  cause  du  sépulcre  du  Fils 
de  Dieu  :  «  Unde  liœ  duœ  civitates  processu 
temporis  cum  Ecclesia  a  priniitivis  Patribus 
secundum  distributionem  gentiiim  ordinare- 
tur,  tantiuam  post  Romanam  urbem  dignissi- 
m;e.  ad  instar  i|isiiis  urbis  solœ  patriarchales 
sedes  habere  meruere.  Constantinopolitana  si- 
quidem  et  Hierosolymitana  postmodum  cres- 
cente  Ecclesia,  altéra  ob  imperii  sedem,  altéra 
ob  sanctum  sepulcrum  et  antiquum  illud , 
ac  toti  orbi  venerabile  Domini  templum  Pa- 
triarchales sedes  permissione  Patrum  sortitae 
sunt.  » 

Ainsi  cet  auteur  semble  accorder,  des  trois 
dignités  patriarcales  d'Alexandrie,  d'Autioche 
et  de  Constantinople,  ce  (jue  nous  ne  pouvons 
nier  des  primatiales  et  des  métropolitaines; 
(jue  l'Eglise  les  a  placées  dans  les  plus  puis- 
santes villes  de  l'empire,  ou  des  royaumes,  ou 
des  provinces,  atin  de  donner  plus  de  facilité  à 
l'exercice  de  la  juridiction  s]>iriluelle,  par  cet 
accommodement  à  la  grandeur  et  aux  commo- 
dités tem])orelles  des  villes.  Ainsi  on  aurait 
moins  de  peine  à  deviner  pourquoi  l'Eglise 
d'Alexandrie  a  eu  la  préséance  avant  celle 
d'Antiocbe  (1). 

Nous  ne  doutons  jias  que  l'épiscopat  ne  soit 
d'institution  divine  ;  et  néanmoins  l'Eglise  a 
sagement  ordonné  qu'on  n'établît  aucun  siège 
épiscojial  (lue  dans  des  villes  considérables.  La 
foi  nous  apprend  ([ue  la  primauté  du  chef  visi- 
ble de  toute  l'Eglise  est  de  droit  divin.  La  Pro- 
vidence a  néanmoins  jugé  à  proi)OS  d'établir 
son  trône  dans  la  capitale  du  monde.  A  plus 
forte  raison  nous  jugerons  que  les  autres  digni- 
tés des  iiatriarches,  des  primats  et  des  métro- 
politains ont  dû  être  placées  dans  les  plus  ini- 
poi tantes  villes  de  leur  ressort,  quoique  leur 
éminence  soit  toute  sainte  et  tout  ecclésias- 
tique. 

cats  de  Constantinople,  d'Alexandrie,  d'Antiocbe ,  de  Jérusalem. 
L'auteur  y  donne  la  dei^cription  géographique  de  chaque  diocèse.  Il 
rapporte  l'origine  et  l'établissement  des  Eglises,  leur  étendue,  leur 
juridiction,  leurs  droits,  leurs  prérogatives,  leurs  prétentions,  la 
succession  et  la  suite  de  leurs  évéques,  le  gouvernement  politique, 
les  changements  qui  y  sont  arrivés. 

Nous  répétons  encore  q»ie,  dans  la  discipline  actuelle  de  l'Eglise, 
tout  ce  qui  concerne  les  patriarches  n'est  plus  que  de  l'histoire  et 
n'a  plus  d'application  dans  la  réalité.  Le  schismatique  patriarche  de 
Constantinople  a  seul  conservé  dans  l'Orient  la  suprématie  sur  toute 
l'Eglise  grecque,  frappée  de  stérilité  depuis  qu'elle  est  séparée  du 
tronc  immortel  dont  la  sève  est  à  Rome.  (Dr  ANDRÉ.] 


DES  PATRIAKOIES  (UiECS  EN  PAHTICIIJEH. 


CHAPITRE  SEIZIÈME. 


DES   PATRIARCHES   GRECS  EN   PARTICULIER   DEPLIS   L  AN   MIL. 


I.  Le  patriarche  de  Constantioople  avait  des  monastères  qui 
relevaient  immédiatement  de  lui  dans  tout  l'Orieut. 

II.  Il  était  mailrc  de  l'électmn  des  abbés  par  la  collusion  des 
moines  qui  en  élisaient  deux  alin  qu'il  en  choisit  uu,  ou  qu'il  en 
diinnât  un  autre. 

III.  Il  envoyait  des  légats  a  lalere  avec  les  mêmes  pouvoirs 
ù  proportion  que  ceuï  du  pape. 

IV.  Le  concile  IV  de  Latran,  où  les  patriarches  grecs  assis- 
tèrent, régla  les  droits  des  patriarches,  tant  pour  les  Grecs  que 
pour  les  Latins. 

V.  Le  patriarche  latin  de  Constantinople  ,  après  que  nous 
l'eûmes  conquise  ,  voulait  marcher  sur  les  pas  du  patriarche 
grec. 

VI.  La  vaste  étendue  du  patriarcat  d'Alexandrie ,  de  l'Eglise 
de  Carihage,  de  celle  de  Thessalonique. 

Vil.  De  l'Eglise  d'Antioche. 

VIII.  L'état  présent  de  ces  Eglises. 

IX.  Les  Grecs,  les  Melquites  et  les  Syriens,  sont  les  mêmes. 

X.  Combien  tous  ces  patriarches  sont  disposés  à  leur  parfaite 
réunion  avec  l'Eglise  romaine. 

I.  Un  des  plus  considérables  avantages  du 
patriarche  de  Constantinople  sur  les  autres 
patriarches  d'Orient,  était  le  pouvoir  et  l'inten- 
dance qu'il  avait  sur  plusieurs  monastères  ré- 
pandus dans  toute  l'étendue  de  l'empire.  La 
colère  de  l'empereur  Michel  Paléologue  con- 
tre le  patriarche  Jean  Yeccus  éclata  particu- 
lièrement dans  la  Novelle  qu'il  publia  pour 
soumettre  aux  évéques  diocésains  tous  les  mo- 
nastères qui  se  trouvaient  dans  leur  ressort, 
quoiqu'ils  eussent  été  jusqu'alors  dans  la  dé" 
pendance  du  patriarche  seul  de  Constantinople. 
«  Prodiit  Novella  imperatoris,  ut  quœ  ubicum- 
que  loca  vel  monasteria  patriarchœ  uni  sub- 
jecta  eatenus  censebantur ,  ea  deinceps  epi- 
scopis,  quorum  ilte  propriœ  diœceses  essent, 
jure  ordinario  subjacerent  (Pachymeres,  1.  vi, 
c.  11).  » 

Les  évèques  avaient  jus([u"alors  soutlért  avec 
peine  cette  juridiction  extraordinaire  de  l'évê- 
que  de  Constantinople  hors  des  bornes  de  son 
diocèse  :  «  Episcopos  multos  olïendebant  istœ 
in  propriis  diœcesibus  exceptiones  locorum 
subtractorum  ordinariœ  ipsorum  potestati,  ac 
patriarcbœ  autorilati  subjectoruin.  »  Ils  ne 
déguisaient  plus  leur  véritable  sentiment,  que 
le  patriarche  n'avait  pas  plus  d'autorité  dans 
leurs  diocèses  qu'il  leur  en  donnait  dans  le 
sien,   a  Passim  conteudebanl  non  plus  juris 

Th.  —  Tome  I.        .    . 


Constantinopolitano  in  aliénas  diœceses,  quam 
cuiqueipsoruni  inConstantinopolitanam  esse.  » 
Mais  cependant  ils  ne  prenaient  pas  garde  que 
c'était  anéantir  ce  titre  magnifique  d'œcumé- 
nique,  dont  ilsflattaient  leur  patriarche.  «Quod 
qui  dicebat,  non  iiitelligebat  eripere  se  pa- 
triarcha'  titulum  OEcumenici,  quijipe  quem 
circumcluderet  urbe  Constantinopoli.  »  C'était 
donc  renfermer  l'œcuménicat  du  patriarche 
de  Constantinople  dans  la  seule  ville  et  le 
diocèse  de  Constantinople,  au  jugement  de 
Pacliymère,  qui  fait  cette  narration,  que  de  lui 
ôter  l'autorité  qu'il  s'était  donnée  dans  tous  les 
autres  évéchés  de  l'empire  oriental,  en  y  fai- 
sant dépendre  immédiatement  de  lui  un  grand 
nombre  de  monastères. 

11.  Comme  ce  n'était  qu'une  rencontre  parti- 
culière qui  avait  animé  cet  empereur  contre 
le  patriarche  et  qui  lui  avait  arraché  des  mains 
cette  déclaration,  il  y  a  aussi  fort  peu  d'appa- 
rence qu'elle  ait  été  longtemps  eu  vigueur.  11 
était  bien  plus  ordinaire  (|ue  l'empereur  s'in- 
téressât pour  l'augmentation  du  pouvoir  et 
des  droits  de  son  patriarche,  parce  qu'il  y 
avait  lui-même  beaucoup  de  jiart.  En  voici  un 
exemple,  oi^i  nous  apprendrons  le  mal  et  le 
remède  tout  ensemble. 

Le  pape  Célestin  condamne  l'abus  introduit 
dans  tiuel([ues  chapitres  ou  dans  quelques 
monastères,  ([ui  au  lieu  de  faire  l'élection  ca- 
nonique d'un  prélat,  pour  remplir  leur  Eglise 
vacante  ,  en  nonunaient  secrètement  deux  au 
patriarche  ou  au  prince ,  afin  qu'il  en  choisît 
un,  ou  qu'il  en  nommât  un  autre  à  son  gré  : 
«  Conventus  duas  personas  nominal,  latenter 
auribus  patriarchœ  vel  principis  exprimendas, 
ut  sic  alterius  eligendœ,  vel  totius  electionis 
potius  irritand;c,  idem  patriarcha  vel  princeps 
plenariam  habeat  facultatem  (C.  Cum  terra. 
Extra,  de  Electione).  »  Où  l'on  peut  remarquer 
une  secrète  collusion  des  électeurs  avec  le  pa- 
triarche, à  qui  il  appartenait  de  confirmer  l'é- 
lection, ou  de  nommer  lui-même,  si  la  personne 
élue  était  incapable  de  remplir  cette  place,  lis 


08 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEIZIÈME. 


élisaient  des  personnes  indij,^nes  et  iasiifti- 
santes,  afin  que  l'autorité  d'élire  retombât  entre 
les  main?  du  |)atriarche  ou  du  prince,  (jui  ne 
s'entendaient  (jue  trop  dans  ces  conjonctures, 
et  dcminaient  par  ce  moyen  dans  les  élections. 

III.  Nous  parlerons,  dans  un  chapitre  parti- 
culier, des  patriarches  latins  dans  les  Eglises 
patriarcales  de  l'Orient;  mais  nous  dirons  icj 
par  avance  qu'il  se  pourrait  bien  faire  (jue 
les  usurpations  exorbitantes  du  patriarche  latin 
de  Constantinople ,  après  que  nous  l'eûmes 
conijuise,  les  usurpations,  dis-je,  que  le  pajic 
Honoré  III  tâcha  de  réprimer,  ne  fussent  que 
les  prééminences  dont  le  patriarche  grec  de 
Constantinople  s'était  mis  depuis  longtemps 
en  i)Ossession.  On  peut  tout  comprendre  et 
tout  dire  ,  en  disant  qu'il  faisait  le  pape  dans 
l'Orient.  Car  il  envoyait  dans  toute  l'étendue 
de  son  patriarcat  des  légats  a  latere ,  avec  la 
même  plénitude  de  puissance  que  les  légats 
a  latere  du  jiape. 

Ces  légats  jugeaient  toutes  sortes  de  causes 
en  première  instance,  aussi  bien  que  par  appel, 
excomrmmiaient  les  diocésains  des  autres  é\è- 
ques  à  leur  insu ,  déliaient  les  excommuniés  , 
exemptaient  les  évèques  de  la  sujétion  de  leurs 
méti'opolitains ,  ne  souffraient  point  qu'on 
appelât  de  leur  sentence  au  Saint-Siège,  absol- 
vaient ceux  qui  avaient  encouru  l'excommuni- 
cation par  des  violences  sacrilèges  contre  la 
personne  des  clercs  ;  enfin  ils  conféraient  à  leur 
gré  les  bénéfices,  sans  se  vouloir  asservir  aux 
règles  prescrites  i)ar  le  concile  de  Latran  (Rai- 
nald.  An.  1218,  n.  2C,  27). 

Voilà  la  fidèle  énumération  des  usurpations 
du  j)atriarche  latin  de  Constantinople,  qu'il  ne 
pouvait  colorer  que  du  prétexte  ap])arent 
d'avoir  succédé  aux  pouvoirs  et  aux  usages  du 
siège  de  Constantinople,  et  que  le  pape  au  con- 
traire lui  d('c]are  être  autant  d'attentats  contre 
les  droits  du  Siège  apostolique,  ou  autant  d'en- 
treprises sur  les  autres  évèques. 

IV.  Le  concile  de  Latran,  sous  le  pape  Inno- 
cent 111  (Anno  12t">),  donna  bien  au  ]iatriarclie 
de  Constantino|)le  un  rang  honorable  avant 
tous  les  auties  patriarches,  et  voulut  même 
assurer  t[nv  cet  ordre  était  ancien  :  «  Aiiti- 
qua  patriarcalium  sedium  privilégia  rénovan- 
tes, etc.,  »  mais  il  ne  lui  donna  aucune  auloriié 
sur  eux.  Au  contiaire,  il  rendit  tous  ces  privi- 
lèges connnuns  à  tous  les  patriarches,  avec 
ime  parfaite  égalité.  Ces  privilèges  consistent,  1" 
à  recevoir  le  pallium  immédiatement  du  Saint- 


Siège,  et  lui  faire  en  même  temps  serment  de 
fidélité  et  d'obéissance  :  «  Praestito  sibi  fideli- 
tatis  et  obedientiœ  sacramento.  »  2°  A  donner 
ensuite  le  pallium  à  leurs  sutfragants,  en  rece- 
vant d'eux  pour  eux  et  pour  le  pape  une  pro- 
fession canonique  d'obéissance  :  «  Et  ipsi 
suffraganeis  suis  pallium  largianturrecipientes 
pro  se  professionem  canonicam,  et  pro  Ecclesia 
Romana  sponsionem  obedientiix;  ab  iisdem.  » 
3"  A  faire  porter  devant  eux  la  croix  partout, 
excepté  dans  Rome,  et  dans  les  lieux  où  se 
trouve  présent  le  pape,  ou  un  de  ses  légats  a 
latere.  4"  A  recevoir  les  appels  dans  tout  le 
ressort  de  leur  patriarcat,  sauf  les  appels  au 
Saint-Siège. 

V.  Le  patriarche  latin  de  Constantinople, 
dont  le  pape  Honoré  III  tâcha  d'arrêter  les 
entreprises,  était  donc  bien  loin  de  son  compte 
de  vouloir  marcher  sur  les  pas  de  l'ancien 
patriarche  grec ,  puisqu'au  contraire  le  pape 
Innocent  III ,  dans  le  concile  de  Latran,  avait 
marqué  des  limites  si  étroites  aux  patriarches 
grecs  mêmes,  les  resserrant  presque  dans  les 
])riviléges  des  métropolitains  ou  des  primats. 
C'étaient  effectivement  les  justes  mesures  que 
l'antitiuité  leur  avaient  prescrites.  Les  pa- 
triarches grecs  ayant  assisté  à  ce  concile  de 
Latran,  on  ne  i)eut  mettre  en  doute  que  l'in- 
tention du  concile  ne  fût  de  les  comprendre 
dans  son  décret. 

Si  les  Grecs  eussent  pu  briser  leur  orgueil, 
et  réduire  leurs  vastes  prétentions  à  ce  juste 
tempérament,  en  s'assujettissant  au  pape  et  se 
renfermant  dans  le  sein  de  l'Eglise  romaine, 
ils  eussent  trouvé  dans  l'universalité  de  sa  paix 
et  de  sa  communion  plus  de  fermeté,  plus  de 
liberté  et  plus  d'étendue  qu'ils  n'en  ont  pu 
rencontrer  dans  une  petite  partie  du  corps 
qu'ils  ont  osé  déchirer.  C'est  ce  déplorable 
dV'sordre  que  le  concile  de  Latran  tâcha  de 
|irévenir,  c'est  à  quoi  celui  de  Lyon  et  celui 
de  Florence  tâchèrent  de  remédier,  mais  inutile- 
ment. 

Le  moine  Matthieu  Dlastares,  ([ui  composa 
en  1335  sa  compilation  alphabétique  des  canons 
et  (les  lois,  dit  (]ue  l'empereiu'  et  le  patriarche 
sont  Icsdeux  personnestjui  soutiennent  l'Eglise, 
(juc  le  patriarche  de  Constantinople  a  été  dé- 
claré le  iiremier  des  ]»atriarches  orientaux  par 
les  conciles  ,  à  cause  du  siège  de  l'empire  ;  et 
que  l'empereur  renvoie  au  patriarche  de  Cons- 
tantinople le  jugement  de  toutes  les  causes  qui 
lui  sont  rapportées  de  tous  les  autres  patriar- 


DES  PATRIARCHES  GRECS  EN  PARTICILIER. 


90 


cats  :  «  l'iide  imperatorum  sanctiones ,  lites 
in  aliis  sedibus  si  qiiro  oriantiir,  ad  iiiijiisce 
sedis  cofjnitionem  et  jiuiicium  rd'erri  julu'ut.» 

Il  ajoute  à  cela  les  autres  pouvoirs  dont  jouis- 
sait le  patriarche  de  Constantinople,  après  que 
les  Grecs  eurent  repris  cette  ville  sur  nous,  et 
dont  il  jouissait  même  dans  les  autres  patriar- 
cats de  l'Orient.  «  Prfesuli  vero  Constantino- 
politano  licet  etiam  in  aiiornni  flironorum  di- 
strictu  stauroi)egia  lar^'iri  ubi  necduin  sunt 
templa  dedicata  ;  et  lites  quse  in  aliis  provin- 
ciis  movenlur,  observare  et  moderari,  et  penitus 
determinare.  Ipse  pariter  et  pœnitentise  atque 
conversionis  a  delictis,  ac  hœresibus.  et  quideni 
solus  constituitur  exactor  et  explorator.  »  C'est- 
à-dire  qu'on  lui  réservait  et  la  concession  des 
indulgences ,  et  l'absolution  des  plus  grands 
crimes  ,  surtout  de  l'hérésie  ,  et  le  pouvoir  de 
donner  des  privilèges  aux  réguliers,  et  le  juge- 
ment des  grandes  causes.  Toute  cette  imitation 
des  privilèges  du  Saint-Siège  n'était  fondée  que 
sur  la  faveur  des  empereurs,  que  les  Grecs 
mettaient ,  comme  Blastares  même  le  con- 
fesse en  plusieurs  endroits,  au-dessus  des  con- 
ciles. 

C'est  ici  le  lieu  propre  pour  dire  un  mot  de 
l'archevêque, ou  de  l'exarque  deThessalonique. 
Il  s'y  établit  un  petit  royaume  lorsque  les  La- 
tinseurent  pris  Constantinople  au  temps  du  pape 
Innocent  111.  Ce  pape  écrivit  une  lettre  fort  sa- 
vante à  l'arcbevêque  latin  de  Thessalonique , 
où,  après  avoir  exposé  la  grande  étendue  des 
anciens  pouvoirs  des  archevêques  de  Thessalo- 
nique, au  temps  qu'ils  étaient  légats-nés  et  vi- 
caires perpétuels  du  Siège  apostolique,  et  qu'ils 
avaient  rang  dans  les  conciles  après  les  quatre 
patriarches,  il  confirma  ou  renouvela  cette  an- 
cienne légation  du  Saint-Siège. 

Ce  pape  nous  apprend  dans  cette  même  let- 
tre quel  jugement  il  faut  faire  des  dissensions 
précédentes  entre  les  Eglises  orientales  et  le 
Saint-Siège.  Il  ne  dit  pas  qu'elles  fussent  sépa- 
rées de  la  communion  ou  de  la  foi  du  Siège 
apostolique ,  mais  seulement  de  la  dévotion 
qu'elles  devaient  avoir  pour  lui,  et  de  la  fami- 
liarité qu'elles  devaient  entretenir  avec  les 
papes  :  ajoutant  (ju'enfin,  par  la  prise  de  Cons- 
tantinople ,  elles  étaient  revenues  à  leur  an- 
cienne dévotion  pour  le  Saint-Siège.  «  Etsi 
pra'fata  Thessalonicensis  Ecclesia  a  devotione 
ac  familiaritate  Sedis  apostolicœ  se  subduxerit 
per  schisma  illud  diutinum,  quo  Ecclesia  Grae- 
corum  a  via  veritatis  ad  erroris  invium  decli- 


navit;(|uia  (amen  hoc  tempore  per  Dei  grafiam 
ad  devotioneiu  iiristinani  est  reversa:  et  ipsam 
in  eadem,  te  studiosius  opérante ,  credinms 
permansuram  i  Regesto.  xv,e|)ist.  xvin).  » 

Cette  bonne  intelligence  ainsi  renouvelée 
duia  autant  de  temps  cpie  Constantinople, 
Thessalonique  et  la  Grèce  demeurèrent  dans 
l'obéissance  des  princes  latins.  Si  ce  pape  parle 
de  schisme,  d'égarement  et  d'erreur,  c'est 
parce  que  ces  longues  mésintelligences  se  ter- 
minent enfin  à  des  malheurs  semblables  et  en 
sont  déjà  les  commencements  et  comme  les 
avant-coureurs,  .\ussi  ce  pape  n'a  pas  toujours 
parlé  du  schisme  des  Grecs  avec  la  même  mo- 
dération (Regest.  XVI,  epist.  cv). 

Enfin  ce  pape  renouvela  l'ancienne  primatie 
de  Trinone  dans  le  royaume  des  Bulgares 
Gesta  Innoc.  ui.  pag.  oi  .  ayant  fait  établir 
par  son  légat  deux  métro|ioles  nouvelles  dans 
ce  royaume,  et  les  ayant  soumises  au  primat , 
à  qui  il  envoya  une  mitre,  un  anneau  et  le 
pallium ,  et  en  reçut  le  serment  de  fidélité  et 
d'obéissance.  Nous  reprendrons  au  chapi- 
tre xviii  l'origine  et  le  progrès  de  l'exarchat 
de  Thessalonique. 

VI.  Je  passe  au  patriarche  d'Alexandrie,  au- 
quel il  semble  que  le  concile  de  Nicée  n'ait 
assujetti  que  l'Egypte,  la  Libye  et  la  Pentapole 
(Can.  VI)  :  mais  c'est  apparemment  que  c'é- 
taient alors  les  seules  provinces  qui  eussent 
été  éclairées  des  rayons  de  la  foi  dans  son  voi- 
sinage. Les  canons  arabiques  de  ce  concile,  qui 
ont  été  grossis  de  plusieurs  additions  dans  les 
siècles  postérieurs ,  et  les  relations  de  ces  der- 
niers temps,  nous  apprennent  «pie  les  vastes 
contrées  des  Ethiopiens  et  toutes  les  Eglises 
qui  y  ont  été  répandues  en  grand  nombre  ont 
autrefois  relevé  de  ce  patriarche. 

L'itinéraire  éthiopique  d'Alvarès  nous  ensei- 
gne (pie  l'abuna  des  Abyssins,  (c'est  le  nom  qu'ils 
doiment  à  leur  primat  ou  patriarche^  devait 
être  confirmé  et  ordonné  par  l'évêque  d'Alexan- 
drie ^Cap.  xcviiii.  11  ajoute  que  deux  empereurs 
d'Ethiopie  s'étant  résolus  de  ne  point  recevoir 
d'abuna  qui  ne  fût  confirmé  par  le  pape,  sans 
avoir  recours  au  patriarche  d'Alexandrie  , 
lise  ])assa  vingt -trois  ans  sans  que  le  siège 
de  l'abunat  pût  être  rempli.  Et  comme  c'est 
lui  seul  qui  ordonne  des  clercs  dans  tout  ce 
grand  empire,  les  Eglises  se  trouvèrent  pour 
la  plupart  destituées  de  pasteurs.  L'empereur 
fut  donc  obligé  de  changer  de  résolution  et  de 
demander  un  abuna  au  patriarche  d'Alexan- 


V- 


100 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEIZIÈME. 


(Irie,  qui  en  eriToya  deux,  à  condition  que 
l'un  succéderait  à  l'autre.  Alvarès  assure  les 
avoir  vus  tous  deux  (Morin.  Exer.  Eccl.  l.i,c.  5). 

Il  faut  néanmoins  confesser  que  les  six  pro- 
vinces d'Afrique,  qui  relevaient  de  Carthage,  ne 
reconnurent  jamais  le  patriarche  d'Alexandrie. 
Comme  elles  étaient  beaucoup  plus  proches  de 
Romeque  d'Alexandrie, et  que  la  langueromaine 
yétaitenusageàcausedecevoisinageetdcsfré- 
(juentes  colonies  romaines,  et  qu'elles  n'avaient 
jamais  été  sounu'ses  h  l'empire  des  Grecs,  d'où 
vient  que  la  langue  grecque  y  était  inconnue, 
l'Evangile  ne  put  y  être  annoncé  que  par  les 
pasteurs  envoyés  de  Rome.  Le  pape  Innocent  1" 
en  fait  foi  dans  une  de  ses  lettres.  Il  s'ensuit 
de  là  que  ces  six  provinces  relevèrent  du  pa- 
triarche de  Rome  plutôt  que  de  celui  d'Alexan- 
drie. 

L'archevêque  de  Carthage  semble  bien  y 
avoir  eu  beaucoup  de  crédit,  mais  ce  ne  peut 
avoir  été  qu'en  qualité  de  primat  ou  d'exarque, 
et  non  pas  de  patriarche ,  puisque  toute  l'anti- 
quité lui  a  refusé  ce  titre. 

Cette  (pialité  même  de  jirimat  lui  fut  dispu- 
tée peu  avant  l'an  \*).>'A  par  l'évêque  de  Gommi. 
Il  en  porta  ses  plaintes  au  pape  Léon  IX  en 
cette  année,  et  ce  pape  écrivit  quelques  lettres 
en  Afri(iue  pour  maintenir  cet  archevêque  dans 
son  ancienne  dignité,  quoique  la  ville  de  Car- 
thage fût  alors  ruinée,  sm-  quoi  l'évêque  de 
Gonnui  fondait  ses  prétentions.  Ce  ]>ape  y  dé- 
plore le  malheur  de  l'Eglise  de  Carthage,  ipii 
avait  eu  autrefois  plus  de  deux  cents  évêfjues 
dans  sa  dépendance  et  qui  n'en  avait  plus  alors 
quccinq  :  encore  ne  lui  étaient-ils  guère  soumis. 

Ces  lettres  du  pape  Léon  IX  sont  rapportées 
par  Haronius  en  10r»3  (Num.  4.1,  i2).  Il  en  rap- 
porte d'autres  du  pape  Grégoire  Vil  en  l'an 
1073  (Num.  64,  Ori)  adressées  au  clergé  et  au 
peuple  de  Carthage ,  qui  avaient  accusé  leur 
projjre  archevêque  Cyria(pie  devant  le  prince 
des  Arabes,  et  l'avaient  exposé  a  une  cruelle 
persécution.  Ce  pape  écrivit  d'autres  lettres  à 
l'archevêque  même  |)our  louer  et  pour  alfermir 
encore  davantage  son  courage  et  sa  vertu  dans 
une  conjoncture  si  fâcheuse.  •     '     .' 

Ceux  d'Hippone  ayant  élu  pour  leur  arche- 
vè(iue  un  nonnué  Servandus,  ils  l'envoyèrent 
aupape  GrégoireVII  en107(J  pour  être  consacré 
à  Rome.  Le  roi  des  Arabes,  qui  commandait 
dans  la  province  de  Silili ,  envoya  en  même 
temps  à  ce  pape  des  lettres  et  des  présents.  Ce 
qui  montre  ([u'il  ne  mettait  point  d'obstacle 


à  la  liberté  des  Eglises  de  son  Etat.  Mais  le  long 
silence  des  siècles  suivants  ne  nous  montre  (lue 
trop  clairement  l'entière  désolation  de  cette 
Eglise  (Num.  71,  72). 

VII.  Le  patriarche  d'Antioche  semblait  aussi 
n'avoir  d'abord  étendu  son  autorité  que  sur  les 
quinze  petites  provinces  qiii  composaient  l'O- 
rient proitrement  dit,  et  qui  environnaient  de 
plus  près  Antioche.  Mais  il  est  difficile  de  ne 
]tas  reconnaître  que  dans  les  siècles  suivants  le 
reste  de  l'Asie  était  aussi  en  (pjelque  façon  dans 
sa  dépendance. 

Les  paroles  de  saint  Jérôme  le  témoignent 
assez  clairement  :  «  .\d  Alexandrinum  episco- 
pum  Palestina  quid  pertinet?  Ni  fallor,  hoc  in 
Nicsenis  canonibus  decernitur,  ut  PalestinsB 
metropolis  Ctcsareasit,  et  totius  Orientis  An- 
tiochia.  » 

Antioche  était  effectivement  la  capitale  de 
toute  l'Asie,  et  non  pas  seulement  du  pays  où 
élnient  les  cpiinze  petites  provinces  de  l'Orient. 
Elle  avait  été  longtemps  le  séjour  de  l'empire 
grec  en  Asie,  comme  Alexandrie  l'était  dans 
l'Afrique.  On  sait  que  la  police  ecclésiastique, 
([uant  au  partage  des  juridictions,  s'accommoda 
aux  dispositions  civiles  ;  à  quoi  il  faut  ajouter 
(pie  ce  furent  vraisemblablement  les  patriar- 
ches d'Alexandrie  etd'.Vntiochequi  envoyèrent 
des  prédicateurs  et  qui  communiquèrent  les 
célestes  lumières  de  l'Evangile  aux  contrées 
les  plus  éloignées  de  l'Afrique  et  de  l'Asie. 
Ainsi  ils  conservèrent  avec  justice  une  inten- 
dance et  une  juridiction  pastorales  sur  toutes 
ces  conquêtes. 

En  voici  encore  ime  preuve  conAaincante, 
tirée  des  canons  arabi(iues  (Can.  xxxin,  xxxiv, 
xxxv),  qui  font  dépendre  le  catholique,  c'est-à- 
dire  le  ])rimat  de  Séleucie,  aussi  itien  que  tous 
les  archevêques  qui  relèvent  de  lui  du  patriar- 
che d'Antioche.  Jacques  de  Vitryen  fait  dépen- 
dre le  catholique  de  Bagdad  (Hist.  Orient., 
c.  32),  qui  est  ap|taremment  le  même  que 
celui  de  Séleucie,  et  le  catholique  de  Perse  ou 
de  Romagyre ,  qui  est  aussi  fort  probable- 
ment celui  des  Arméniens.  Ces  deux  catholiques 
ou  primats  dominent  sur  un  grand  nombre 
d'archevêques  et  d'évêques ,  dont  les  Eglises 
sont  réiiandues  par  toute  l'Asie  et  au  delà  du 
Gange  même.  Il  faut  donc  confesser  qu'au 
moins  depuis  le  temps  des  canons  arabiques, 
c'est-à-dire  dejiuis  huit  ou  neuf  cents  ans,  le 
patriarche  d'Antioche  a  été  respecté  comme  le 
chef  de  toutes  les  Eglises  de  l'Asie,  consi- 


DES  PATRIARCHES  GRECS  EN  PARTICILIER. 


Kil 


dérée  dans  la  sijinilication  la   plus  étendue. 

Vlll.  Quant  a  l'étal  jiréseut  de  ces  Eglises. 
Léo  AUatius  nous  a[)|irend  (De  perpet.  consens. 
1.  1,  c.  2i  ,  sur  la  foi  d'un  auteur  grec  nommé 
Nilus  Doxopatrius,  que  dans  le  onzième  siècle 
le  jiatriarche  de  Constantino|ile  dominait  en- 
core sur  soixante -cinq  métropolitains  et  sur 
plus  de  six  cents  évêques ,  outre  trente-quatre 
archevêques  indépendants  du  métropolitain,  et 
eux-mêmes  aussi  sans  sullragauts. 

Ce  patriarche  se  vantait  alors,  selon  cet  au- 
teur, de  la  primatie  de  saint  André  qui  avait 
été  le  premier  appelé  à  lapostolat  et  avait  été 
le  premier  évéque  de  Constantinople.  11  domi- 
nait ensuite  sur  toutes  les  Eglises  (|ue  l'empereur 
de  Constantinople  avait  prises  ou  retenues  de- 
puis l'érection  de  l'empire  français  dans  l'Occi- 
dent, ou  la  désolation  de  l'Orient  par  les  Sarra- 
sins. Mais  depuis,  les  papes  d'une  part,  avec  le 
secours  des  Français,  ayant  recouvré  leur  ju- 
ridiction sur  la  Calabre  et  sur  la  Sicile ,  que 
les  évêques  de  Constantinople  avaient  usurpée, 
et  les  nations  barbares  ayant  continué  de  déso- 
ler une  partie  des  villes  et  Eglises  de  l'Orient , 
ce  patriarche  n'a  plus  sous  sa  puissance  qu'en- 
viron cent  cinquante  évêques,  sur  lesquels 
trente-cinq  de  métropolitains,  selon  Christo- 
phorus  Angélus ,  auteur  grec  assez  nouveau , 
traduit  en  latin  par  George  Flavius,  lutliérien . 
et  imprimé  à  l'nmciort  eu  tO-'id.  Les  evèches 
de  son  obéissance  sont  répandus  dans  l'Asie 
Mineure,  les  îles  de  l'Archipel,  la  Tlirace,  la 
Grèce,  la  Valachie,  la  Moldavie,  la  Servie,  la 
Mingrélie  et  la  Circassie. 

Le  patriarche  d'.\lexaudrie  réside  maintenant 
au  Grand-Caire,  celui  d  Antioche  à  Damas,  celui 
de  Jérusalem  réside  dans  Jérusalem  même.  Les 
chapitres  suivants  montreront  combien  leur 
juridiction  est  raccourcie  par  un  grand  nombre 
de  patriarcats  qui  se  sont  élevés,  et  qui  ont 
vengé  leur  révolte  contre  le  chef  de  l'Eglise  et 
le  centre  de  l'unité  par  une  semblable  révolte 
contre  eux. 

IX.  Les  Eutychieus, dont  nous  parlerons  dans 
le  chapitre  xxiv,  donnèrent  le  nom  de  Melchi- 
tes,  c'est-à-dire  im|)érialistes,  aux  sectateurs  du 
concile  de  Calcédoine,  comme  si  la  seule  auto- 
rité de  l'empereur  Marcien  les  eût  arrêtés  dans 


la  foi  du  concile  de  Calcédoine.  Ce  sont  les 
chrétiens  grecs  des  j)alriarcats  d'Antioche,  de 
Jérusalem  et  d'Alexandrie,  à  qui  ce  nom  est 
demeuré.  Quoique  quelt|ues-uns  distinguent  les 
Syriens  des  Melchites,  il  est  néanmoins  bien 
])lus  probable  que  c'étaient  les  mêmes  ,  et 
qu'ainsi  les  Grecs,  les  Melchites  et  les  Syriens 
étaient  les  mêmes,  distingués  par  divers  noms 
en  divers  royaumes.  Jacques  de  Vitry  ne  laisse 
pas  lieu  d'en  douter,  il  est  néanmoins  depuis 
arrivé  qu'on  a  donné  le  nom  de  Syriens  aux 
Jacobites  de  Syrie ,  et  c'est  l'usage  présent 
(Cap.  Lxxiv  . 

X.  Au  reste,  quoique  ces  patriarches  grecs 
nous  paraissent  tlaiis  un  grand  éloignement  de 
l'Eglise  romaine,  il  est  certain  néanmoins  qu'ils 
s'en  approchent  quelquefois  de  fort  près,  et 
que  si  la  tyrannique  domination  du  Turc  n'em- 
pêchait leur  réunion  avec  le  pape ,  nous  pour- 
rions espérer  la  consommation  d'une  paix  dont 
on  n'a  encore  vu  que  des  essais.  L'an  158-2 ,  le 
patriarche  Jerémie  de  Constantinople,  après 
avoir  condamné  tout  ce  que  les  hérétiques 
derniers  avaient  insolemment  innové  contre 
la  foi  de  FEglise ,  accepta  la  réformation  du 
calendrier  Spondan.  An.  158-2,  n.  18i.  faite 
par  le  pape  Grégoire  Xlll.  et  promit  de  la  faire 
accepter  aux  Ruthéniens  et  aiLX  Grecs.  Le  Grand 
Seigneur  entra  en  jalousie  de  sa  trop  bonne 
intelligence  avec  le  pape  ;  et  il  l'eût  lait  mou- 
rir ,  si  l'intervention  de  l'ambassadeur  de 
France,  sollicité  [lar  le  pajie,  n'eût  fait  changer 
la  peine  de  mort  en  un  exil.  Le  pape  était  ré- 
solu de  faire  ce  patriarche  cardinal,  s'il  eût  i)U 
l'avoir  en  sa  disposition. 

Cyrille  Lucar,  calviniste,  s'étant  élevé  par  son 
adresse  au  patriarcat  d'Alexandrie  (lG2"i,puis  à 
celui  de  Constantinople.il  y  publia  une  confes- 
sion de  foi  conforme  aux  erreurs  des  calvinistes. 
Les  Grecs  le  déposèrent  et  élurent  après  lui 
Cyrille  de  Béroée,  qui  assembla  un  concile,  où 
se  trouvèrent  les  patriarches  d'Alexandrie  et  de 
Jérusalem,  avec  vingt-trois  évêques  d'Orient. 
Ce  concile  anathematisa  la  confession  calvi- 
nienne  de  Cyrille  Lucar.  Ce  qui  a  fait  dire  aux 
calvinistes  que  Cyrille  de  Béroée.  patriarche 
de  Coustautinople,  était  uni  avec  lEghse  ro- 
maine. :   XM! 


=^ 


103 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME. 


CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME. 


& 


DES   TROIS    EXARQIES   d'ÉPHÈSE  ,    d'HÉRACLÉE   ET   DE   CÉSARÉE  ,    PENDANT   LES   CINQ  PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  Si  ces  trois  exarques  étaient  déjà  connus  au  temps  du 
concile  de  Nicée.  Si  ce  fut  celui  de  Conslanlinople  qui  institua 
les  patriarcats. 

II.  Quelles  étaient  les  provinces  de  ces  trois  exarchats  : 
Leur  autorité  prit  son  établissement  ou  son  affermissement 
entre  le  concile  d'AnliOflie,  et  celui  de  Conslanlinople. 

III.  Quand  on  commença  à  parler  de  diocèses  civils.  Com- 
ment insensiblement  le  mélropolitain  de  la  capitale  d'un  dio- 
cèse civil,  devint  l'exarque  et  le  supérieur  des  autres  métropo- 
litains. 

IV.  Raisons  particulières  pour  l'exarchat  d'Ephèse. 

V.  tt  pour  celui  de  Césarée  en  Cappadoce. 

VI.  Déroute  de  ces  trois  exarques  dans  le  concile  de  Calcé- 
doine. Rélablissement  et  seconde  déroute  de  celui  d'Ephèse. 
Ils  ne  conservèrent  depuis  que  le  rang  et  le  titre. 

1.  Le  canon  du  concile  de  Nicée,  qui  parle 
nommément  des  trois  grands  métropolitains 
ou  archevêques  de  l'Eglise,  qu'on  appela  de- 
puis i)atriarches ,  ne  dit  rien  expressément  de 
ces  trois  dont  nous  traitons  dans  ce  chapitre  ; 
mais  il  pourrait  bien,  sans  les  nommer,  les 
avoir  insinués  dans  ces  paroles  :  «  Similiter, 
iw^',„K  ,  aptid  Antiochiam  et  ca'teras  iirovincias 
privilégia  ser\entur  Ecclesiis,  xi  ^pEafiti*.  »  Ce 
qui  semble  dire  qu'il  y  avait  d'autres  prélats 
qui  avaient  aussi  bien  que  celui  d'Antioche 
plusieurs  provinces  sous  leur  juridiction. 
Mais  il  faut  avouer  que  ce  n'est  qu'une  con- 
jecture. 

Le  concile  1"  de  Constantinople  nomma  ex- 
pressément ces  trois  exarques  après  ceux  d'A- 
lexandrie et  d'Antioclie,  mais  ce  ne  fut  que 
pour  empêcher  qu'ils  n'étendissent  leur  juridic- 
tion au  delà  des  bornes  de  leurs  diocèses,  dont 
chacune  contenait  plusieurs  provinces.  II  ne  pa- 
raît donc  pas  clairement  ([ue  ce  concile  ait  ins- 
titué ces  trois  exarchats  :  au  contraire  il  est  vrai- 
semblable qu'il  les  a  seulement  confirmés. 

Socrate  s'est  trom])é  ([uand  il  a  dit  que  les 
patriarcats  furent  institués  dans  ce  concile 
(Socrat.  1.  V,  c.  «).  Son  erreur  est  venue  de  ce 
([ue  remi)erein-  Théodose  concertant  avec  le 
concile  les  moyens  les  plus  efficaces  de  réta- 
blir la  paix  et  la  jun-eté  de  la  foi  et  de  la 
conmimiidii  callioliiiue  dans  l'empire  oriental, 
il  désigna  (|U(l(|iies  évêcpies  d'une  doctrine  et 
d'iuie  saiulclé  éprouvée  pour  être  les  chefs  de 


la  coiumunion  catholique,  en  sorte  que  les 
évêiiucs  ne  pussent  plus  passer  pour  calholi- 
(jucs  s'ils  n'étaient  admis  à  la  communion  de 
ceux  qu'on  avait  désignés  dans  chacun  des 
cinq  exarchats,  ou  des  cinq  grands  diocèses 
qui  composaient  l'empire  d'Orient. 

Sozomènc  l'a  expliqué  de  la  sorte  (Sozom. 
1.  vu,  c.  7),  et  il  l'a  mieux  pris  que  Socrate, 
comme  il  paraît  par  la  loi  même  que  le  grand 
Théodose  publia  sur  ce  sujet  et  qu'on  lit  encore 
dans  son  code  (Cod.  Théod.  de  FideCathol., 
1.  ni).  On  pourrait  excuser  Socrate,  en  disant 
qu'il  a  seulement  prétendu  qu'on  distingua  les 
ressorts  des  cinq  patriarches  en  termes  plus 
clairs  et  plus  formels  qu'on  n'avait  encore 
jamais  fait ,  qu'on  nomma  les  grands  diocèses 
de  suite,  et  qu'on  enjoignit  aux  exarques  d'y 
renfermer  tout  l'exercice  de  leur  juridiction. 

II.  Dans  la  notice  de  l'empire,  le  diocèse 
d'Asie  contenait  dix  provinces ,  l'exarchat 
ecclésiastique  en  contenait  onze.  Le  diocèse 
ponli(pie  en  contenait  aussi  dix  dans  le  gouver- 
nement civil ,  l'exarque  de  l'Eglise  en  avait 
onze.  Cela  venait  des  divers  changements  qui 
se  faisaient  dans  la  police  civile,  et  qui  n'étaient 
pas  toujours  imités  dans  la  disposition  ecclé- 
siastique. Le  diocèse  de  Thrace  en  comprenait 
six.  Théodore!  nous  a  assuré  ci-dessus  de  ce 
nombre.  Les  exarques  résidaient  à  Ephèse,  à 
Césarée  en  Cappadoce  ,  et  à  Héraclée  ,  qui 
étaient  les  capitales  civiles  de  ces  diocèses,  et  où 
les  gouverneurs  par  conséquent  faisaient  leur 
résidence. 

Nous  avons  déjà  reitiarqué  ci-devant  que  les 
canons  du  concile  d'Antioche  semblent  faire 
connaître  <]ue  la  police  des  diocèses  et  des 
exarques  n'était  pas  encore  établie  dans  les  ju- 
gements ecclésiastiques,  puisque  ce  concile  ne 
donne  point  d'autre  recours  qu'aux  évêques 
voisins,  (piand  une  affaire  importante  ne  pourra 
se  terminer  dans  le  concile  de  chaque  [)rovince. 
C'est  donc  ce  qu'il  y  a  de  plus  probable ,  que 
lautorité  de  ces  trois  exarques  dont  nous  par- 
lons ne  fut  étaljie,  ou  au  moins  qu'elle  ne  fut 


DES  EXARQUES  DÉPHÈSE,  D  HÉKACLEE  ET  DE  CÉSARÉE. 


103 


bien  afTerniie  que  dans  l'intervalle  qui  s'écoula 
entre  le  concile  li'Antioche  et  celui  'le  Constan- 
tinople.  C'est  ce  qui  pourrait  encore  servir  à 
excuser  Socrate  ,  puisque  le  concile  de  Cons- 
tantinople  a  été  etlectivenient  le  premier  de 
tous  les  conciles  où  le  rang  et  l'empire  de  ces 
trois  petits  patriarches  soit  autiientiquement 
reconnu  et  affermi.  Car  on  ne  peut  l'excuser 
d'avoir  confondu  la  désignation  des  chefs  de  la 
communion  catholique  avec  celle  des  patriar- 
ches. 

III.  On  avait  commencé  à  parler  des  diocèses 
civils  dès  l'empire  de  Constantin.  Cet  empereur 
nomme  lui-même  les  diocèses  de  Pont  et  d'Asie 
dans  une  lettre  qu'il  écrivit  aux  Eglises  après 
le  concile  de  Nicée,  chez  Eusèhe  et  Théodoret 
(Eusebius,  de  vitaConst.  1.  lu,  c.  18).  Le  grand 
Théodose  en  fait  aussi  mention,  et  y  ajoute 
aussi  la  Thrace  chez  le  même  Théodore!  (Theo- 
doret.  lib.  i.  c.  20).  Cicéron  même,  longtemps 
auparavant,  avait  fait  mention  des  diocèses  de 
ce  pays.  Voici  comme  il  en  parle  :  «  Cum  ergo 
iter  ita  fecerim,  ut  me  omnium  illarum  diœ- 
cesium  quae  cis  Taurum  sunt,  omnium  civi- 
talum  earum  magistratus  legalionesque  conve- 
niunt  Cicero  Epistol.  fam.  lib.  i,  epist.  vui).  » 
Cet  auteur  dit  dans  un  autre  endroit  :  «  Si  (piid 
habebit  cum  aliquo  Hellespontio  controverfiœ, 
ut  in  illam  .ïr.UT.awrejicias  i^Lib.  xui,  epist.  lui  .» 
11  finit  enfin  par  ces  termes  :  «  Ex  provincia 
mea  Ciliciensi,  cui  scisTâ;  Sioxr.aEi;  Asiaticas  esse 
aitribulas  iLib.  xui ,  epist.  lxvu).  »  11  y  avait 
donc  du  temps  de  Cicéron  des  diocèses  dans 
l'Asie,  mais  il  n'en  marque  pas  le  nombre.  Au 
surplus  une  preuve  qu'ils  étaient  petits,  c'est 
que  l'on  en  attribue  trois  à  la  province  seule 
de  Cilicie. 

Aussi  on  pert  croire  avec  quelque  vraisem- 
blance que  dès  le  temps  de  Constantin  les  dio- 
cèses civils  étant  établis,  les  métropohtains  de 
la  capitale  de  chaque  diocèse  commencèrent 
aussi  il  être  plus  considérés  que  les  autres. 
Leurs  Eglises  étaient  plus  grandes  et  plus  puis- 
santes à  proportion  des  villes  ;  les  aflaires  ci- 
viles y  attiraient  les  évêciues  et  les  métropoli- 
tains de  tout  le  diocèse;  ils  y  étaient  soutenus 
et  protégés  par  les  métropolitains  du  lieu,  et 
cette  protection  était  comme  un  doux  engage- 
ment à  les  lui  assujettir.  Les  conciles  s  y  te- 
naient plus  souvent;  les  métropolitains  elles 
évèques  de  tout  le  diocèse  qui  s'y  rencon- 
traient pour  leurs  affaires  particulières  assis- 
Uiient  à  ces  conciles,  et  saccoulumaieut  iuseu- 


siiilement  à  composer  un  concile  diocésain  ou 
national,  dont  le  niétro|iolitain  de  la  ville  ca- 
pitale était  le  président-né. 

Voilà  une  partie  des  occasions  et  des  cir- 
constances ([ui  élevaient  insensiblement  C(! 
métropolitain  de  la  capitale  de  tout  un  diocèse 
à  la  dignité  d'exarque  par  les  intérêts  propres 
de  ceux  qui  s'assujettissaient  à  lui.  Depuis 
leinpire  de  Constantin,  qu'on  commença  a 
parler  de  diocèses  civils,  jusqu'au  temps  du 
concile  d'Antioche,  la  chose  n'avait  pu  en- 
core mûrir  ;  elle  se  trouva  dans  sa  parfaite 
maturité  au  temps  du  concile  I"  de  Constanti- 
nople. 

IV.  Outre  ces  raisons  générales,  les  villes 
(rE[ihèse,  de  Césaréeetd'Héraclée,  avaient  en- 
core quelques  avantages  particuliers  qui  leur 
donnaient  de  la  considération.  Eusèbe  dit  t|ue 
l'Asie  était  échue  à  saint  Jean,  apôtre,  qu'il  y 
avait  fait  un  fort  long  séjour,  et  (ju'il  était 
mort  à  Ephèse.  «  Joanni  Asiaobvenit,  qui  jilu- 
rinuun  lemporis  in  ea  commoratus,  Ephesi 
tandem  diem  obiit  (L.  ni,  c.  1,  i).  »  Il  dit  que 
l'illustre  disciple  de  saint  Paul,  Timothée,  en 
fut  le  premier  évèque.  «  Timotlieus  Ephesinœ 
Ecclesiœ  episcopatuni,  primus  accepisse  dici- 
tur.  »  11  cite  saint  Irénée,  évèciue  de  Lyon, 
qui  assure  que  l'Eglise  d'Ephèse  ayant  été 
fondée  par  saint  Paul  et  gouvernée  par  saint 
Jean  jusqu'au  temps  de  Trajan,  pouvait  être 
un  irréprochable  témoin  des  traditions  aposto- 
liques, a  Sed  et  Ephesina  Ecclesia,  qute  a 
Paulo  quidem  fundata  est,  Joanuem  vero  us- 
que  ad  Trajani  tempora  habuit  pra'sidentem, 
testis  locupletissima  est  apostolica;  traditio- 
nis  (Cap.  xxui).  » 

Le  concile  d'Ephèse  tira  avantage  du  long 
séjour  de  la  divine  mère  du  Sauveur  et  de 
saint  Jean  dans  cette  ville  lAct.  i.  in  Epist.  ad 
Cler.  Constantin.).  Saint  Chrysostome  dit  ijue 
saint  Paul  confia  presque  toute  l'Asie  à  Timo- 
thée, quand  il  le  fit  évèque  d'Ephèse.  «  Ephe- 
sina Ecclesia  crédita  fuit  Timotheo.  imo  gens 
fere  tota  Asiatica  ^In  epist.  i.  ad  Timot,  Eu- 
sèbe I.  V.  epist.  .31).  »  Eusèbe  raconte  comment 
Polycrate ,  évèque  d'E|)hèse ,  présidait  les 
évêques  d'Asie  au  temps  du  pape  Victor,  selon 
les  ordres  duquel  il  assembla  un  concile  pour 
terminer  la  question  de  la  Pàque.  Il  n'en  faut 
pas  davantage  pour  faire  voir  que  l'exarcliat 
de  cette  Eglise  ne  fut  pas  fondé  sur  des  consi- 
dérations iiurement  humaines. 

V.  Il  ne  nous  est  pas  resté  de  si  éclatants 


104 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-HUITIÈME. 


vestiges  de  l'excellence  des  deux  autres  Eglises 
de  Césarée  en  Cappadoce,  et  dHéraclée  en 
Thrace.  La  longue  et  violente  résistance  que 
Firniilicn,  évèque  de  Césarée  en  Cajjpadoce, 
fit  au  pape  Etienne,  et  la  grande  suite  d'évê- 
ques  qu'il  avait  attirés  à  son  sentiment  de  la 
rebaptisation  des  hérétiques,  est  une  fâcheuse 
preuve  du  grand  crédit  quil  avait  dans  les 
provinces  voisines.  Ce  n'en  est  peut-être  pas 
une  moins  forte  que  le  roi  et  le  royaume 
d'Arménie  s'étant  convertis  à  la  religion  chré- 
tienne, Grégoire,  leur  évèque,  fut  envoyé  à 
Léonce,  évèque  de  Césarée,  afln  qu'il  l'ordon- 
nât, et  ce  célèbre  ajjôtre  des  Arméniens  com- 
manda à  tous  ses  successeurs  de  se  faire  or- 
donner par  les  successeurs  de  celui  de  qui  il 
tenait  lui-même  l'épiscopat  (Baron.  An.  311. 
n.  24). 

Si  les  monuments  de  la  fondation  des  Egli- 
ses nous  avaient  été  conservés,  nous  y  trou- 
verions vraisemblablement  des  marques  aussi 
illustres  de  l'éminence  de  l'Eglise  d'Héraclée, 
et  on  dirait  peut-être  du  fondateur  de  cette 
Eglise,  qu'il  aurait  été  le  père  de  toutes  les 
Eglises  des  provinces  voisines,  comme  saint 
Jérôme  dit  de  saint  Jean,  qu'il  avait  fondé  et 
gouverné  toutes  les  Eglises  d'Asie,  «  Totas 
Asi;p  fiuidavit  rexitque  Ecclesias  (De  script. 
Eccles.).  » 

VI.  Je  ne  répéterai  pas  ici  ce  qui  a  été  dit 
ci-dessus  des  combats  que  l'archevêque  de 
Constanlinopli-  donna  à  ces  trois  exarques,  et 
de  la  victoire  (piil  remporta  enfin  sur  eux 
dans  le  concile  de  Calcédoine,  les  faisant  en 
quelque  manière  consentir  à  leur  propre 
extinction.  Ces   exarques  se  contentèrent  de- 


puis delà  qualité  d'exarque  de  diocèse,  qu'ils 
ajoutaient  toujours  à  celle  de  métropolitain 
dans  leurs  souscriptions  à  la  fin  des  conciles, 
où  ils  avaient  aussi  une  place  honorable 
après  les  cinq  grands  patriarches.  Mais  c'était 
tout  :  car  il  ne  parait  aucun  vestige  certain 
qu'il  leur  soit  demeuré  quelques  restes  de  ju- 
ridiction. 

Justinien  nomme  quelquefois  les  cinq  pa- 
triarches, mais  il  ne  met  jamais  en  rang  ces 
trois  exarques.  Il  adresse  ses  lois  aux  grands 
patriarches,  et  leur  ordonne  de  les  communi- 
quer à  leurs  métropolitains.  11  ne  met  au-des- 
sus des  évèques  que  les  métropolitains,  et  au- 
dessus  des  métropolitains  les  grands  patriar- 
ches. Enfin  dans  tout  le  corps  de  ses  Novelles 
on  découvre  partout  des  marques  de  cette 
entière  suiipression.  Nous  avons  dit  que  le 
patriarcat  d'Ephèse  fut  comme  ressuscité  pour 
un  moment,  par  l'éditdu  tyran  Basilisque,  mais 
que  Zenon  le  replongea  dans  l'oubli  et  dans 
le  silence  par  ledit  qui  rétablit  l'archevêque 
de  Constant!  nople  dans  la  possession  de  ses 
premiers  privilèges.  (Evagr.  1.  in,  c.  G.)  Ainsi 
ces  trois  exarchats  commencèrent  bien  tard, 
finirent  bientôt,  remplirent  à  peine  un  siècle, 
et  pendant  qu'ils  subsistèrent  avec  le  plus  de 
gloire,  c'est-a-dire,  depuis  le  concile  de  Cons- 
tantinople  jusqu'à  celui  de  Calcédoine,  ils  fu- 
rent si  souvent  attaqués  et  ébranlés  par  l'ar- 
chevêque de  Constantinople,  qu'il  leur  fut 
enfin  en  (juebiue  manière  plus  avantageux  de 
céder  à  la  nécessité,  et  de  se  soumettre  à  une 
puissance  à  laquelle  ils  ne  pouvaient  p!us  ré- 
sister. 


CHAPITRE   DIX-HUITIÈME. 


DES  EXARQUES   OU   PRIMATS   DE   CHYPRE   ET   DE  THESSALONIQIE .    PE>DA>T   LES    CINQ   PREMIERS  SIÈCLES. 


1.  L'ile  de  Chypre  était  du  diocèse  d'Orient.  Les  évêques  de 
Chypre  se  rendent  indépendants  des  exarques  d'Antiochc,  à 
cause  de  l'arianisme  et  du  long  schisme  d'Antioche.  Le  schisme 
fini,  l'exarque  d'Antioche  les  redemande,  et  Innocent  I"  les  lui 
adjuge. 

IL  Le  Concile  1"  d'Ephèse  confirme  leur  indépendance. 

III.  Diverses  réflexions  sur  ces  résolutions  contraires. 

IV.  L'indépendance  de  Chypre  attaquée  par  Pierre  le  Foulon, 
et  miraculeusement  soutenue. 

•     V.  Le    métropolitain  de  Ch\-pre  était  donc  un  exarque   on 


primai  d'un  ordre  inférieur,  comme  ne  relevant  d'aucun  exarque. 

VI.  L'exarque  de  Thessalonique  dominait  dans  le  diocèse  de 
l'Illyrique  orientale,  comme  vicaire  du  pape. 

vil.  Les  commencements  et  les  progrès  de  cet  exarchat  ou 
vicariat  apostolique. 

VIII.  Pourquoi  le  patriarche  d'Occident  nommait  nn  vicaire 
apostolique  dans  un  diocèse  de  l'empire  oriental. 

I.\.  Pouvoirs  et  prééminences  de  l'archevêque  de  Thessalo- 
nique. Sa  décadence. 


y 


DES  EXARQUES  DE  CHYPRE  ET  DE  THESSALONIQUE. 


105 


I.  Ce  chapitre  fera  voir  avec  combien  de  jus- 
tice nous  mettons  au  nombre  des  exanjucs  les 
métropolitains  de  Chypre  et  de  Tliessaloniiine. 
Et  pour  commencer  par  celui  ([ui  a  plus  de 
rapport  aux  patriarciies  orientaux,  dont  nous 
venoiisde  parler,  le  métropolitain  de  ConsUmtia. 
dans  l'île  de  Chypre,  eut  de  lon^^s  démêlés  avec 
le  patriarche  d'Antioche,  duquel  il  prétendait 
être  indépendant,  se  faisant  ordonner  par  les 
évêques  de  son  île,  et  les  ordonnant  aussi  sans 
aucune  participation  de  l'évèque  d'Antioche. 

Alexandre,  archevè<iue  d'Antioche,  s'en  plai- 
gnit au  pape  Innocent  1"  :  «CypriosolimArian» 
impietatis  polentia  fatigatos  ,  non  retulisse 
Nicaenos  canones  in  ordinandis  sihi  einscopis, 
et  usque  adhuc  habere  praesumptum  ,  ut  suo 
arbitratu  ordinent.  »  Selon  ces  paroles,  la  cause 
ou  le  prétexte  de  l'indépendance  prétendue  jtar 
le  métropolitain  et  les  évèquesde  Chypre,  était 
la  longue  domination  des  ariens  dans  l'Eglise 
d'Antioche ,  qui  avait  été  suivie  d'un  schisme 
de  quarante-huit  ans.  jiendant  lesciuels  il  y 
avait  deux  ou  trois  évêques  dans  cette  Eglise, 
entre  lesquels  l'Orient  et  l'Occident  s'étaient 
partagés,  l'Orient  communiquant  avec  l'mi,  et 
l'Occident  avec  l'autre  de  ces  évêques.  Pendant 
ce  temps-là,  l'Eglise  de  Chypre  prit  le  parti  de 
la  neutralité  qui  lui  parut  le  ])kis  sûr,  et  pré- 
tendit ensuite  avoir  protestécontre  son  ancienne 
dépendancederarchevè(iue  d'Antioche.  Alexan- 
dre, archevêque  d'Antioche,  ayant  mis  fin  à 
cette  longue  division ,  et  ayant  réuni  en  sa  per- 
sonne l'amitié  et  la  communion  de  l'Orient  et 
de  l'Occident,  se  plaignit  au  pape  Innocent  1" 
de  la  révolte  des  évêques  de  Chypre  contre 
l'autorité  de  son  siège.  Le  pape,  dans  sa  réponse, 
condamna  ces  évêques  à  rentrer  dans  l'ancienne 
obéissance  qu'ils  devaient  au  siège  apostolique 
d'Antioche  :  «  Persuademus  eis,  ut  curent 
juxta  canonum  lidem  catholicam  sapere,  atque 
unum  cnm  caeteris  sentire  provinciis,  ut  ap- 
pareat,  sancti  Spiritus  gratia,  ipsos  ([uoque,  ut 
omnes  Ecclesias  gubernari   Epist.  xvui,  c.  2).  » 

Ces  paroles  tendent  à  soumettre  de  nouveau 
les  évêques  de  Chypre  à  l'exarchat  d'Antioche , 
afin  qu'ils  soient  par  là  conformes  aux  autres 
Eglises,  tant  pour  le  dogme  que  pour  la  disci- 
pline. 

II.  Mais  les  évêques  de  Chypre  n'acceptè- 
rent pas  cet  exposé  d'Alexandre,  évêque  d'An- 
tioche, lorsqu'ils  se  présentèrent  au  concile 
d'Ephèse,  pour  être  maintenus  dans  leur 
ancienne  liberté.  Us  protestèrent  au  contraire 


que  c'était  contre  les  canons  apostoliiiues  , 
contre  les  décrets  du  concile  de  Nicée,  contre 
la  coutuine,  (|ue  l'archcvêciue  d'Antioche  pré- 
tendait pouvt)ir  ordonner  leur  mèli'opolitain  et 
les  autres  pièlats  de  l'île  :  «  Contra  apostolicos 
canones  et  delimfioiies  Nicieiue  synodi,  ordi- 
nandijus  ad  serapere  attentat,  prœter  canones 
et  consueludmem  ,  (|uic  jam  olim  invahiil 
(K|ilies.  Synod.  .\ct.  7;.  »  Ils  assurèrent  que 
depuis  le  temps  des  apôtres  jamais  l'archevêque 
d'Antioche  n'avait  fait  des  ordinations  dans 
leur  île,  ce  pouvoir  ayant  été  réservé  au  seul 
concile  de  la  [irovince  «  A  sanctis  apostolis 
nuuquam  possunt  osteudere  ,  (juod  adfueril 
Antiochenus  et  ordinaverit ,  etc.  Sed  svnodus 
nostne  provinciie  congregatio  constituehat  me- 
tropolitanum.» 

Sur  ces  allégations,  le  concile  d'Ephèse  pro- 
nonça qu'on  avait  pu  user  de  l'autorité  du  ma- 
gistrat impérial  pour  violenter  les  évêques  de 
Chypre  contre  les  canons  ;  que  si  l'èvêque 
d'Antioche  n'avait  point  jusqu'alors  ordonné 
les  èvêijues  de  Chypre,  il  ne  devait  point  y 
prétendre  à  l'avenir,  mais  qu'il  fallait  laisser 
chaipie  Eglise  dans  la  liberté  sainte  (jne  J.-C. 
nous  a  ac(iuise  par  son  sang  ;  enfin  que  dans 
tous  les  diocèses  et  dans  toutes  les  provinces 
on  garderait  cette  loi  inviolable,  de  ne  rien 
entreprendre  hors  de  son  propre  ressort. 

«  Si  non  est  vêtus  mos,  quod  episcopus  An- 
tiochenus ordinet  in  Cypro ,  sicnt  docuerunl 
religiosissimi  viri  qui  ad  synodum  accesserunt, 
habebunt  jus  suum  intaclum  et  inviolatum. 
qui  sanctis  in  Cypro  prœsunt  Ecclesiis,  secun- 
duni  canones  et  veterem  consuctudinem.  Illud 
in  aliis  diœcesibus  et  provinciis  servelur,  ut 
nuUus  episcoporum  aliam  provinciam  occu- 
pet.etc.  Xeve  sub  praetextu  sacerdotii  mun- 
danie  potestatis  fastus  irrepat ,  etc.  Ne  clam 
paulatim  libertas  amittatur,  (juam  nobis  dona- 
vit  sanguine  suo  Dominus  noster  Jésus  Chri- 
stus.  » 

III.  Voilà  deux  résolutions  bien  contraires , 
et  néanmoins  bien  conformes  à  la  justice  et 
aux  canons,  selon  les  diirérents  exposés  qu'on 
avait  faits  de  part  et  d'autre.  Il  en  coûta  cher  à 
Jean ,  archevêque  d'Antioche ,  de  s'être  élevé 
avec  Nestorius  contre  saint  Cyrille  et  le  vrai 
concile  d'Ejjhèse,  et  d'avoir  formé  un  concile 
schismatique  à  part.  Ceux  de  Chypre  ménagè- 
rent cette  occasion,  et  Jean  n'ayant  point  pro- 
duit de  défenses,  ils  gagnèrent  leur  cause  sans 
peine. 


106 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-HUITIÈME. 


De  cette  narration ,  il  parait  assez  cvidem- 
nient  :  1°  (jue  toutes  ces  sortes  de  contestations 
sont  toujours  décidées  par  la  coutume  et  par 
la  possession  ;  H"  que  la  conservation  des  cou- 
tumes anciennes  de  cliaiiue  Eglise  est  ce  qu'on 
appelle  la  liberté  des  Ejjlises  et  la  liberté  même 
qu'on  regarde  connue  étant  ac(]uise  par  le  sang 
de  J.-C.  ;  3°  que,  (juoi  (ju'il  en  soit  du  fait  par- 
ticulier de  l'Eglise  de  Chypre  ,  il  résulte  tou- 
jours clairement  de  la  résolution  du  concile 
d'Ephèse  qu'il  pouvait  y  avoir  des  provinces 
indépendantes  des  grands  patriarches  ;  4"  que 
c'est  le  sens  des  canons  de  Nicée,  selon  le  con- 
cile d'Ephèse,  que  les  exarques  des  diocèses 
gouverneront  leurs  diocèses  selon  la  coutume, 
et  (jue  les  provinces  qui  ne  sont  point  renfer- 
mées dans  ces  diocèses,  ni  sujettes  à  leurs  exar- 
ques, se  gouverneront  elles-mêmes;  5"  cpTil 
n'est  pas  véritable  que  les  anciens  patriarches 
comprissent  toutes  les  provinces  dans  leur 
juridiction  ;  6°  ces  provinces  indépendantes 
avaient  des  métropolitains,  qui  étaient  élus  et 
ordonnés  par  le  synode  de  la  province,  sans 
demander  la  confirmation  d'aucun  su])érieur  ; 
7"  ce  n'est  pas  sans  raison  qu'on  contestait  sur 
le  droit  des  ordinations,  parce  que  la  maxime 
constante  du  droit  canoni(iiie  était  t|ue  celui 
(jui  ordonne  a  juridiction  sur  ceux  qu'il  a 
ordonnés. 

Nous  dirons  dans  la  seconde  partie  de  cet 
ouvrage,  et  nous  justifierons  i)ar  toute  la  tra- 
dition ,  ([ue  c'était  l'ordination  (}ui  assujet- 
tissait et  liait  aux  évèques  tous  les  ecclésiasti- 
ques. 

IV.  Quoique  la  résolution  du  concile  d'Ephèse 
fùtconditionnelle,  «Si  non  est  velus  mos,  etc.  » 
Si  la  coutume  et  la  possession  était  telle  qu'on 
l'avait  alléguée ,  l'histoire  néanmoins  nous 
apprend  qu'elle  eut  lieu  ,  et  que  les  Eglises  de 
Chypre  demeurèrent  «ÙTOMc^aXol ,  c'est-à-dire 
libres  et  indépendantes  ,  n'ayant  point  d'autre 
chef  que  leur  proi)re  métropolitain.  Car  l'iei  le 
le  Foulon ,  cet  infâme  profanateur  du  siège 
d'Antioche ,  eut  recours  à  l'empereur  Zenon 
pour  être  rétabli  dans  ses  droits  anciens  sur 
l'île  de  Chypre.  Anthyme,  métropolitain  de 
Constantia,  en  Chypre,  était  si  peu  agréable  à 
la  cour,  (ju'il  désespérait  du  succès  de  sa  cause, 
Iorsi]ue  saint  Barnabe,  (jui  avait  autrefois  porté 
les  premiers  rayons  de  la  foi  dans  cette  île,  lui 
a|iparul  en  songe  et  lui  découvrit  son  corps  et 
l'Evangile  de  saint  Mattliien,(ju'il  avait  éciit  de 
sa  |)ropre  main ,  lui  enjoignant  de  défendre 


courageusement  les  droits  de  son  Eglise  comme 
étant  vraiment  aj)Ostolique.  L'empereur  Zenon 
fut  touché  de  cet  agréable  prodige  et  imposa 
silence  à  Pierre  le  Foulon,  dont  la  perfidie  et 
l'attache  aux  erreurs  d'Eutychès  ne  contribua 
pas  peu  à  faire  agréer  à  toute  l'Eglise  et  à  alîer- 
mir  cetlc  immunité  des  évèques  de  Chypre. 
C'est  Cédrénus  qui  raconte  cette  histoire,  dont 
il  résulte  que  cette  indépendance  de  Chypre, 
maintenue  par  le  concile  d'Ejdièse  ,  fut  en  vi- 
gueur jusqu'à  l'emiiire  de  Zenon  où  elle  fut 
encore  vigoureusement  défendue. 

V.  Il  résulte  encore  de  là  que  le  métropoli- 
tain de  Chypre  était  véritablement  un  exarque 
ou  un  primat  d'un  ordre  inférieur,  puisque, 
bien  qu'il  n'eût  point  de  métropolitains  sous  sa 
juridiction  il  avait  aussi  cette  gloire  de  n'être 
sujet  a  la  juridiction  d'auciui  primat.  Le  con- 
cile de  Nicée  suppose  assez  clairement  ces  pro- 
vinces exemptes.  «  Similiter  et  privilégia  scr- 
ventur  Ecclesiis  in  aliis  provinciis.  » 

On  pourrait  dire  que  ce  fut  cette  partie  du 
canon  de  Nicée  (Can.  vi)  qui  fut  développée 
dans  le  canon  du  concile  de  Constantinoi)le 
qui  ajouta  les  trois  petits  exarques  à  ceux 
d'Alexandrie  et  d'Antioche,  et  leur  désigna  à 
chacun  leur  diocèse  particulier  (Can.  ui).  Mais 
la  décision  du  concile  d'Ephèse  montre  claire- 
ment par  l'exemple  de  l'île  de  Chypre  qu'il  y  a 
toujours  eu  des  provinces  ecclésiastiques  exemp- 
tes de  l'autorité  des  exarques ,  soit  que  cette 
inuuunité  leur  fût  naturelle  depuis  leur  pre- 
mière naissance,  soit  qu'elles  l'eussent  acquise 
et  prescrite  par  des  conjonctures  et  des  révolu- 
tions favorables.  Connue  en  effet  il  n'est  pas 
hors  d'apparence  que  l'Eglise  de  Chypre,  ayant 
été  d'abord  la  fille  de  celle  d'Antioche,  elle 
prit  occasion  de  s'en  séparer  et  de  prescrire 
contre  elle,  premièrement  lors  de  la  tyrannie 
que  les  Ariens  y  exercèrent;  ensuite  lors  du 
long  schisme  (jui  s'y  forma  entre  les  évèques 
calholiiiues  mêmes;  enfin  dans  l'union  dange- 
reuse du  patriarche  Jean  avec  Nestorius ,  et  de 
plusieurs  de  sessuccesseurs  avec  les  Eutychiens. 
C'était  ce  patriarche  Jean,  qui  avait  eni]iloyé  le 
comte  Denys,  duc  du  diocèse  oriental ,  pour 
rétablir  son  autorité  dans  l'élection  et  l'ordina- 
tion (lu  méti'opolitain  de  Constantia,  ou  de 
Salamine  en  Chypre.  Ce  patriarche  estimait 
(lue  l'île  de  Chypre  étant  du  diocèse  oriental 
civil,  elle  devait  aussi  relever  du  patriarche 
d'Orient. Mais  il  ruina  son  droit  |)ar  ses  em|)or- 
tements  dans  le  concile   d'Ephèse.  Je  couti- 


•«» 


DES  EXARQUES  DE  CHYPRE  ET  DE  THESSALONIQUE. 


107 


nuerai  dans  les  chapitres  suivants  l'histoire  de 
cette  primauté  de  l'ile  de  Chyine. 

VI.  Passons  de  l'Orient  en  Occident,  et  com- 
mençons par  l'exarchat  de  Thessalonique  tiiii, 
étant  compris  dans  l'empire  de  l'Orient  ne  lais- 
sait pas  d'être  du  patriarcat  occidental,  qui 
est  celui  du  pape.  Pour  mieux  comprendre  la 
raison  de  cela,  il  faut  savoir  que  l'empereur 
Constantin  ayant  divisé  l'empire  en  t|uatre  pré- 
fectures du  prétoire ,  savoir  celle  des  Gaules . 
de  l'Illyrique,  de  l'Italie  et  de  l'Orient,  l'illy- 
rique  fut  attribuée  à  l'empire  d'Occident,  et 
Sirmich  en  fut  la  capitale.  On  divisa  depuis 
l'Illyrique  en  deux,  savoir  l'Illyrique  orien- 
tale et  l'occidentale.  L'orientale  ([ui  compre- 
nait les  deux  .Macédoines  ,  les  deux  Epires ,  la 
Thessalie  etl'Achaïe,  avait  Thessalonique  pour 
sa  capitale  ;  le  préfet  du  prétoire  de  l'Illyricjue 
y  résidait,  et  elle  fut  une  partie  de  l'empire 
d'Orient.  La  Pannonie,  la  Norique,  et  quelques 
autres  provinces  voisines  de  l'Italie  ,  demeu- 
rèrent unies  à  l'emjiire  d'Occident  sous  le 
préfet  du  prétoire  d'Italie ,  dont  un  vicaire 
résidait  à  Sirmich.  Il  eût  donc  fallu  que  l'Illy- 
rique orientale  ,  faisant  partie  de  l'empire 
oriental ,  eût  été  soumise  à  (}ueUiue  exarque 
de  l'Eglise  orientale  ;  et  néanmoins  elle  a  tou- 
jours été  sous  l'obéissance  du  pape,  comme 
faisant  partie  du  patriarcat  d'Occident  et  étant 
l'un  de  ces  grands  diocèses  que  le  concile 
d'Arles  reconnaissait  être  immédiatement  sou- 
mis au  pape  (Marca  dePrimatu  Lugdun.,  n.  31 
et  36). 

La  raison  de  cette  irrégularité  est  fort  claire 
après  ce  qui  a  été  dit,  (]ue  l'Illyriiiue  avait  été 
d'abord  tout  entière  sous  l'empire  de  l'Occi- 
dent. M.  de  Marca  a  fait  voir  que  ce  ne  fut 
que  l'empereu-  .\rcadius  qui  usurpa  l'Illy- 
rique orientale  sur  Hoiiorius,  son  frère.  Les  his- 
toriens qu'il  cite  le  disent  assez  clairement.  Il 
n'était  pas  juste  que  cette  augmentation  de 
l'empire  oriental  fût  une  diminution  du  pa- 
triarcat du  pape.  Puis  donc  que  les  papes 
avaient  déjà  commencé  d'établir  à  Thessalo- 
nique un  vicaire  apostolique,  avec  une  auto- 
rité d'exarque  sur  les  métropolitains  de  tout 
son  diocèse,  rien  n'était  plus  raisonnable  que 
de  ne  point  discontinuer  de  le  faire  après 
qu'Arcadius  et  ses  successeurs  à  Constanti- 
nople  eurent  réuni  pour  jamais  ce  diocèse  à 
l'empire  oriental. 

VII.  Car  on  ne  peut  douter  que  dès  le 
temps  du  pape  Damase  il  n'y  eût  des  vicaires 


apostoliques  à  Thessalonique.  Dans  le  synode 
romain  qu'llolsténius  vient  de  nous  donner,  le 
pape  Boniface  III,  qui  y  présidait  et  qui  y  vou- 
lait autoriser  ses  droits  sur  rillyri(]ue  et  sur 
Thessaloni(jue  contre  les  nouvelles  usurpations 
de  révè(|ue  de  Constantinople,  ce  pape,  dis-je, 
y  fit  lire  toutes  les  lettres  de  ses  prédécesseurs 
qui  [louvaient  justifier  cette  délégation  ou  ce 
vicariat  donné  au  métropolitain  de  Thessalo- 
niipie  ]iar  les  anciens  papes. 

H  conunence  par  Damase  et  Sirice,  (|ui  com- 
mettent etlectivement  l'évèque  de  Thessalo- 
nique pour  l'inspection  de  quelques  causes.  11 
vient  ensuite  aux  lettres  d'Innocent,  qui  dit  que 
conuue  saint  Paul  a\ait  commis  Tite  et  Timo- 
tliee  pour  gouverner  l'ile  de  Candie  et  r.\sie, 
il  jugeait  aussi  à  propos  de  commettre  l'évèque 
de  Thessalonique  pour  le  gouvernement  s[iiri- 
tuel  des  dix  provinces  qu'il  nomme,  imitant  en 
cela  Damase  et  Sirice  qui  avaient  donné  la 
même  délégation  à  .\cholius  et  .\nisius,  évè- 
ques  de  Thessalonique.  LeslettresdePioniface  I" 
donnent  ensuite  à  RutTus,  évêque  de  Thessalo- 
nique, le  vicariat  du  Saint-Siège,  Vices  Sedis 
apostolicœ ,  et  lui  soumettent  nommément  les 
mêmes  provinces.  Ainsi  il  paraît  que  Damase 
et  Sirice  avaient  comme  jeté  les  premiers  fon- 
dements de  ce  vicariat  apostolique  ;  Innocent 
y  mit  le  comble  vers  le  même  temps  que 
l'Illyrique  orientale  fut  séparée  de  l'occidentale 
et  usurpée  par  les  empereurs  d'Orient.  Boni- 
face  1",  Léon  I",  et  les  papes  suivants,  le  con- 
firmèrent et  raffermirent  de  plus  en  plus. 

On  lut  ensuite  dans  ce  synode  romain  la 
lettre  d'Honorius  à  Théodose  le  Jeune  pour  lui 
demander  la  conservation  des  droits  du  pape 
sur  l'Illyrique,  que  cet  empereur  de  Constanti- 
nople venait  de  blesser  par  un  édit  qui  or- 
donnait que  les  appels  du  synode  national  ou 
diocésainde  rillyriquese  relevassent  par  devant 
l'archevêque  de  Constantinople.  Théodose  ju- 
geait peut-être  que  c'était  une  flétrissure  de  la 
majesté  de  l'empire  d'Orient,  si  les  appels  des 
provinces  de  l'Orient  se  relevaient  et  se  ju- 
geaient dans  l'Occident  ;  et  que  le  Saint-Siège 
ne  perdrait  rien  de  ses  avantages,  si  l'évèque 
de  Constantinople  en  jugeait,  puisqu'il  pouvait 
passer  pour  un  délégué  du  Siège  apostolique, 
la  nouvelle  Rome  ayant  reçu  des  conciles  la 
communication  des  privilèges  de  l'ancienne 
Rome.  Le  ])ape  ne  goûta  pas  ces  raisons. 

Tliéodose  même  demeura  persuadé  des  re- 
montrances de  son  frère,  à  qui  il  écrivit  une 


108 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-HUITIÈME. 


lettre  qui  fut  lue  dans  ce  mcnie  synode  romain^ 
et  où  il  conlusse  qu'il  a  reconnu  la  surprise 
dont  on  avait  usé  en  son  endroit;  qu'il  y  a  re- 
médié, et  qu'il  a  écrit  auprélet  du  prétoire  de 
rillyriciue,  pour  remettre  sous  la  juridiction 
du  pa|)e  tout  ce  qui  lui  avait  appartenu.  Sui- 
vent les  lettres  des  papes  Célestin,  Sixte,  Léon, 
toutes  contirmalives  du  vicariat  de  Tliessaloni- 
(jue.  Celle  de  Léon,  où  il  rabat  les  prétentions 
d'Anatolius,  évèque  de  Conslanlinople,  pous- 
sées Iroj)  loin  dans  le  concile  même  de  Calcé- 
doine ;  et  celle  d'Anatolius,  où  il  se  désiste  de 
ses  prétentions  audjitieuses. 

VIII.  Il  y  en  a  qui  ont  cru  que  pour  satisfaire 
en  ([ueliiue  manière  au  désir  des  empereurs 
de  Constanlinoplcj  (jui  soutiraient  avec  peine 
que  les  causes  des  provinces  de  l'empire  orien- 
tal fussent  juirlées  en  Occident,  les  papes  éta- 
blirent un  vicaire  apostolique  à  Tliessalonique, 
qui  les  jugeait  presque  toutes  eu  dernier  res- 
sort, de  la  même  manière  que  les  archevêques 
et  évoques  de  Trauce  constituent  des  olliciaux 
et  des  grands  vicaires  dillerents  dans  les  villes 
de  leur  diocèse  ou  de  leur  province  qui  ressor- 
tissent  à  divers  parlements.  Mais  le  vicariat  de 
Tliessalonique  semble  être  un  peu  trop  ancien 
pour  cela.  11  y  a,  ce  semble,  plus  d'apparence 
que  la  grande  distance  et  la  diversité  des  lan- 
gues a  été  la  cause  de  cette  disposition.  Nous 
allons  voir  ensuite  bien  d'autres  vicariats  qui 
n'ont  point  eu  d'autre  fondement  que  cette  dis- 
tance et  la  conunodité  des  i)ays  à  (jui  on  les 
accordait. 

IX.  J'ai  dit  à  dessein  que  l'archevêque  de 
Tliessaloniquejugeait  pres(iiie  toutes  les  causes 
qui  se  présentaient  en  dernier  ressort,  parce 
que  les  plus  importantes,  au  moins  par  appel, 
pouvaient  être  portées  à  Rome.  Il  confirmait 
l'élection  des  évêques  et  des  métropolitains,  et 
les  faisait  ensuite  ordonner.  Les  papes  Sirice 
et  Damase  lui  avaient  réservé  la  consécration 
de  tous  les  évê(|ues.  Le  pape  Léon  écouta  les 
l)laintes  des  métropolitains  et  leur  laissa  la  con- 


sécration de  leurs  suffraganis,  ne  réservant  au 
vicaire  apostolique  que  la  consécration  îles 
métropolitains,  comme  il  se  voit  par  les  lettres 
qu'Ilolsténius  a  publiées. 

Cet  archevêque  présidait  au  concile  de  toutes 
les  provinces  de  son  diocèse,  il  y  jugeait  tousles 
dillérends,  renvoyant  seulement  au  pape  ceux 
qu'il  ne  pouvait  terminer.  11  eut  séance  et 
souscrivit  aux  IIL,  IV"^  et  Vf  conciles  œcumé- 
niques après  les  patriaixhes ,  et  quelquefois 
même  avant  l'exarque  de  Césarée  en  Cappa- 
doce.  Son  pouvoir  fut  beaucoup  diminué  par 
le  retranchement  que  lit  Justinien  de  quel- 
ques-unes de  ses  provinces,  pour  en  faire  le 
département  de  la  première  Juslinienne.  Mais 
il  fut  tout  à  fait  éteint,  lorsijue  l'empereur 
Léon  d'Isaurie,  irrité  de  la  constance  invin- 
cible des  papes  Grégoii'e  II  et  III  pour  la  dé- 
fense des  saintes  images,  sépara  du  patriarcat 
de  Rome  l'IUyrique,  la  Sicile  et  la  Calabre, 
et  les  attribua  à  l'évêque  de  Conslanlinople,  ne 
laissant  à  l'évêque  de  Thessalonique  que  la 
seule  province  de  Macédoine,  dont  il  demeura 
métropolitain.  Cet  empereur  ne  démembra  ces 
provinces  du  patriarcat  d'Occident  que  j)our 
les  sé|)arer  tout  ensemble  de  la  foi  et  de  la 
créance  romaine. 

11  lui  coûta  à  lui-même  la  perte  de  tout  ce 
que  l'Empire  possédait  encore  dans  l'Occident. 
Tant  il  est  vrai  que  c'est  ruiner  l'enqnre  que 
de  vouloir  l'accroître  aux  dépens  de  la  religion. 
Au  reste,  si  Thessalonique  l'cdevint  une  simple 
métro|iole,  il  faut  savoir  qu'étant  dans  le  même 
état  au  temps  du  concile  de  Sardique,  son 
Eglise  ne  laissait  pas  d'être  grande  et  très- 
considérée,  connue  il  parait  par  un  canon  de 
ce  concile  (Can.  xx). 

C'est  ce  ([ui  fait  que  l'exarchat  de  Thessa- 
loni(iue  s'est  lui-même  relevé  de  sa  décadence 
par  le  moyen  des  guerres  excitées  pour  la  re- 
ligion entre  les  Latins  et  les  Grecs,  et  qu'il  y 
est  retombé  peu  de  temps  après,  connue  nous 
l'avons  ci-dessus  remarqué  chapitre  xvi. 


DES  EXARQUES  D'ACRIDE,  DE  SIKMICH,  ETC. 


109 


CHAPITRE    DIX-NEUVIEME. 


DES   ARCHEVÊQUES   OU    EX-iRQL"ES,    Olî    PRIMAT-;    D  ACRIDE,    DE   SIRMICH.    DE    THESSALOMyLE,    ETC. 
AUX   SIXIÈME,    SEPTIÈME    ET    111  ITIÈME    SIÈCLES. 


I.  Le  nom  d'archevêqne  ne  se  donna  autrefois  qu'anx  trois 
grands  palriarcbes,  puis  aux  exarques,  qui  dominaient  sur  plu- 
sieurs métropolitains. 

II-III.  Des  archevêques  de  la  première  Justinienne  et  de  Thes- 
saloniqae.  dataient  des  vicariats  du  Saint-Siège,  et  ils  ressor- 
tissaient  de  Rome. 

IV.  De  la  nouvelle  Justinienne  en  Cbypre,  son  indépendance. 

V.  Des  évêqnes  titulaires. 

I.  Il  faut  passer  aux  titres  et  aux  pouvoirs 
des  archevêques,  des  exarques  et  des  primats. 
Nous  avons  di'jà  dit  que  la  qualité  d'archevêque 
commença,  vers  le  temps  du  concile  de  Nicée, 
d'être  donnée  aux  trois  premiers  évoques  du 
monde,  et  que  ce  ne  fut  g^uère  qu'à  eux  qu'elle 
fut  donnée,  et  seulement  dans  l'Orient.  Ils 
n'ont  point  de  titre  plus  éminent  dans  le  pre- 
mier concile  d'Ephese,  où  il  est  néanmoins 
communiqué  à  l'évêque  d'Ephèse,  à  qui  l'em- 
pereur Théodose  le  donne  aussi,  aussi  bien 
qu'à  celui  de  Césarée  en  Cappadoce,  dans  sa 
lettre  de  convocation  du  II'  concile  d'Ephèse. 
Mais  on  sait  que  les  évêques  d'Ephèse  et  de 
Césarée  étaient  aussi  exarques  de  leurs  diocèses 
(Athanas.  Apol.  ii). 

Cependant  depuis  qu'on  affecta  la  iiualité  plus 
auguste  de  patriarche ,  le  nom  d'archevètjue 
fut  donné  aux  métropolitains  qui  avaient 
d'autres  métropolitains  dans  leur  ressort  (Epiph. 
haeres.  lxviii,  lxix).  C'étaient  ceux  (jue  les 
Grecs  appelaient  aussi  exarques,  et  que  les  Lati  ns 
nommèrent  primats  au  .Moyen  \se.  Isidore . 
évêque  de  Séville,  le  dit  clairement.  Car  ayant 
donné  le  nom  de  patriarche  aux  seuls  évèques 
de  Rome  ,  d'Alexandrie  et  d'Antioche ,  il  ne 
laissa  au-dessous  deux  et  au-dessus  des  métro- 
politains que  Je  titre  d'archevêque  :  «  Archie- 
piscopus  ^œce  dicitur  summus  episcoporum; 
tenet  enim  vicem  apostolicam,  et  prœsidet  tam 
metropolitanis,  quam  episcopis  creteris,  metro- 
politani  autem  singuli  provinciis  pncminent 
(Orig.  1.  VII,  c.  12).  »  L'empereur  Justinien 
voulut  que  l'évêque  de  la  première  Justinienne, 
sa  patrie ,  ne  fut  pas  seulement  métropolitain 


d'une  province,  mais  aussi  archevêque  de  plu- 
sieurs ])rovinces  :  «  Ut  prima?  Justiniana?  patriœ 
nostrae  antistes,  non  solum  metropolitanus,  sed 
etiam  archiepiscopus  fiât,  et  ca-terse  provinci;p 
sub  ejus  sint  autorilate  Novel.  xi'.  » 

Saint  Boniface.  apôtre  d'Allemagne,  prit  la 
même  qualité  d'archevêque .  et  on  peut  s'ima- 
giner (jue  c'était  à  cause  du  pouvoir  extraor- 
dinaire et  universel  que  la  légation  du  Siège 
apostolique  lui  donnait  sur  tous  les  métropo- 
litains d'Allemagne  :  «  Universalis  Ecclesia? 
legatus  Germanicus,  servus  Sedis  apostolica^, 
sine  prœrogativa meritorum  nominatus  archie- 
piscopus 'Epist.  vi).  »  Béda  donne  le  nom 
d'archevêque  à  Augustin,  apôtre  d'Angleterre, 
et  à  Laurent,  son  successeur  Histor.  .\ngl. 
1.  II.  c.  3,  i,  7).  Et  c'est  vraisemblablement 
pour  la  même  raison .  parce  ([ue  les  papes 
avaient  donné  à  Augustin  et  à  ses  successeurs 
une  légation  universelle  en  .Angleterre  ,  non- 
seulement  pour  y  présider  sur  les  métropoli- 
tains, mais  aussi  pour  y  en  établir. 

Le  concile  premier  de  Màcon,  tenu  en  581, 
où  présida  Priscus ,  défend  à  l'archevêque  de 
dire  la  messe  sans  avoir  son  pallium  :  «  Ut 
archiepiscopus  sine  pallio  missas  dicere  non 
prœsumat  iCan.  vi).  »  En  ce  temps-là.  tous  les 
métropolitains  de  la  France  n'avaient  pas 
encore  le  pallium.  Les  papes  ne  l'envoyaient 
ordinairement  qu'à  l'archevêque  d'Arles,  qui 
était  légat  ou  vicaire  apostolique  sur  plusieurs 
métropoles  des  Gaules,  .\insi  il  est  bien  vrai- 
semblable que  ce  terme  d'archevêque  regarde 
la  même  personne  de  Priscus  ,  qui  était  aussi 
appelé  patriarche ,  et  à  qui  Contran  pouvait 
avoir  obtenu  le  pallium.  pour  le  mettre  à  la 
tête  de  tous  les  évêques  de  son  royaume. 

11.  Revenons  à  l'archevêque  de  la  première 
Justinienne.  patrie  de  l'empereur  Justinien, 
qu'on  appelait  auparavant  Acride,  et  qui  était 
soumise  à  l'archevêque  de  Thessalonique.  Cet 
empereur  l'érigea  et  la  fit  ériger  par  le  pape 


110 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-NEUVIÈME. 


Vigile  en  archevêché  ou  en  exarchat,  lui  sou- 
mettant une  partie  des  provinces  que  ce  pape 
démembra  de  Thessalonique,  en  lui  donnant 
un  vicariat  du  Siège  apostolique,  tout  semblable 
à  celui  dont  avait  joui  depuis  si  longtemps 
l'évèque  de  Thessalonique.  C'est  ce  qu'en  dit 
Justinien  même  dans  une  de  ses  Novelles  :  car 
après  avoir  nommé  les  cinq  ou  six  provinces 
dont  cet  archevêque  doit  ordonner  les  évêques, 
il  ajoute  :  «  Ipsum  vero  a  pioprio  ordinari  con- 
cilio.  et  in  suhjectis  sibi  provinciis  locum  obti- 
nerc  Sedisapostolic»  Roma^,  secundum  ea(|ua> 
definita  sunt  a  sanctissimo  papa  Vigilio  (Novel. 
cxxxi,  c.  3).  » 

Cet  emjK'reur  raconte  dans  une  autre  Novelle 
que  cette  souveraine  juridiction,  tant  civile 
qu'ecclésiastique,  avait  été  autrefois  dans  la 
I  ville  de  Syrmium  en  Illyrique.  Mais  que  cette 
ville  ayant  été  ruinée  par  Attila,  ceux  (jui  en 
étaient  gouverneurs  se  retirèrent  à  Thessalo- 
nique, et  l'évèque  de  Thessalonique  prit  de  là 
occasion  de  s'apfiroprier  les  provinces  (jui  en 
avaient  dépendu.  Mais  qu'à  présent  ayant  re- 
couvré et  rétabli  ces  provinces,  il  jugeait  à 
propos  d'en  commettre  le  gouvernement  à  ce 
nouvel  archevè(|ue. 

111.  Anunien  appelle  Syrmium  la  mère  des 
villes,  Malrem  rtrhium,  parce  que  c'était  la 
niitnipole  de  toute  l'IUyriciue  :  «  Caput  lllyrici 
nonnisi  eivilas  Syrmium,  «  dit  l'évèque  de  la 
même  ville  dans  le  synode  d'Aquilée,  en  381. 
L'lllyii(|U('  ayant  depuis  été  divisée  en  deux, 
l'occidentak'  demeura  soumis  à  Syrmium  ,  et 
l'orientale  à  Thessalonique  ,  qui  ne  laissa  pas 
d'api)artenir  au  pape,  comme  patriarche  d'Oc- 
cident. Mais  queliiue  prétention  que  pût  avoir 
eue  Justinien  de  pouvoirlui  seul  transférer  la  ju- 
ridiction ecclésiastique  de  Syrmich  à  Acride,  il 
reconnut  hii-nième  (juil  fallait  pour  cela  re- 
courir au  pape  Vigile,  comme  il  vient  de  la- 
vouer.  de  même  que  l'empereur  Théodose  le 
Jeune  tâcha  en  vain  d'empêcher  que  les  causes 
et  les  jugements  des  synodes  de  rill\ri(|ue 
orientale  fussent  enfin  portés  au  pape  dans 
l'Occident,  (^ar  l'ordonnance  qu'il  fit  pour  cela 
([u'on  les  j)ortàt  en  dernier  ressort  à  révê(|ue 
de  Constantinople,  connue  tenant  la  place  du 
pape,  dont  les  privilèges  lui  avaient  été  en  qucl- 
i|ue  façon  ((iinuiuniquèsdans  le  concile  [jcemifr 
de  Constantinople  ^Cod.Theod.  deE[iisc.  l.  \i.\  r, 
cette  ordonnance,  dis-je,n'eutpoint  de  vigueur. 

Cela  parait  par  les  lettres  du  pape  Léon  à 
l'ésèiiue  de  Tliessaloni(jue,  où  il  ne  lui  soumet 


pas  moins  la  Macédoine  et  le  reste  de  l'Hly- 
rique  orientale  ,  que  l'occidentale  ;  et  par  le 
canon  xxvui  du  concile  de  Calcédoine,  où  le 
ressort  de  Constantinople  est  étendu  sur  les 
giands  diocèses  du  Pont,  d'Asie  et  de  Thrace, 
mais  non  pas  sur  la  Macédoine  et  sur  Illlyrique. 
D'oii  il  faut  conclure  que  le  pouvoir  impérial 
ne  s'étendait  pas  jusqu'à  ériger  de  nouveaux 
archevêchés  ou  exarchats ,  ou  à  transférer  la 
juridiction  des  uns  aux  autres  ,  si  l'autoritédes 
souverains  pontifes  n'y  concourait. 

Saint  Grégoire,  pape,  écrivant  à  Jean,  évê- 
que  de  la  première  Justinienne,  et  lui  envoyant 
le  pallium,  lui  confirme  en  même  temps  ou 
lui  renouvelle  la  légation  ou  le  vicariat 
dn  Siège  apostolique  :  «  Pallium  ex  more 
transmisimus,  et  vices  vos  apostolicae  Sedis 
agere,  iterata  innovatione  decernimus  (L.  iv, 
epist.  m).  »  Cet  èvêque  Jean  avait  eu  un  prédé- 
cesseur de  même  nom,  à  qui  le  même  saint 
Grégoire  interdit  de  célébrer  l'auguste  sacrifice 
et  cassa  le  jugement  qu'il  avait  rendu  contre 
l'évèque  de  Thèbes  (L.  n,  epist.  vi).  Et  cela 
suffit  pour  demeurer  convaincu  que  cet  arche- 
vêcpie  demeura  soumis  au  pape  de  la  même 
manière  que  celui  de  Thessalonique,  quelque 
instance  que  les  empereurs  eussent  fait  pour 
l'empêcher. 

L'empereur  Justinien  donna  le  nom  de  Jus- 
tinienne à  la  ville  de  Carthage  en  Afrique,  et 
lui  accorda  les  mêmes  privilèges  qu'à  la  pre- 
mière Justinienne  sa  patrie  (Novel.  cxisiiCi). 
Mais  ce  ne  fut  (jue  renouveler  les  pouvoirs 
des  archevêques  de  Carthage ,  qui  étaient 
les  plus  anciens  de  tous  ceux  de  ce  rang,  et 
très-ètendus,  comme  il  paraît  par  les  canons 
des  conciles  d'Afrique,  que  nous  avons  ci- 
devant  touchés. 

IV.  Le  même  empereur  Justinien  donna  son 
nom  à  Constantia ,  métropole  de  lîle  de  Chy- 
pre, et  voulut  (ju'on  la  nommât  la  nouvelle 
Justinienne,  Justinlanopnlis  nova.  Ce  ne  fut 
alors  (]u'un  changement  de  nom,  plutôt  qu'une 
augmentation  de  puissance.  Mais  les  Sarrasins 
s'ètant  quelque  temps  après  rendus  maîtres  de 
cette  île,  Jean,  (jui  en  était  métropolitain, 
se  retira  dans  ITlellespont  avec  ime  partie  des 
habitants  de  Chypre.  Le  concile  de  Constan- 
tinople, (|u'on  appelle  in  Tnillo,  fit  deux 
décrets  à  SOU  avantage,  en  étant  sollicité  par 
l'empereur.  Le  premier  fut  de  lui  conserver 
la  primatie  ou  l'autocèphalie;  c'est-à-dire 
l'entière    indépendance  du  patriarche  d'An- 


DE  i;ar(,iikvéquk  de  cartiiage. 


III 


lioclie,  ([ui  lui  avait  tHé  ou  donnée  ou  conservée 
par  le  concile  d'Eplièse.  Le  second  fut  de  lui 
assujettir  tous  les  évoques  et  le  métropolitain 
même  de  la  province  d'ilellespont,  dont  le  siéf^e 
était  à  Cyzique. 

Le  premier  de  ces  privilèges  lui  fut  con- 
servé jusqu'à  la  fin  du  neuvième  siècle,  car  la 
collection  des  canons  arabiques,  ipii  fut  faite 
en  ce  temi)s-là,  le  soumet  au  patriarche  d'An- 
tioche  ;  au  lieu  que  la  notice  faite  sous  Tem- 
péreur  Léon  le  Philosophe  l'en  faisait  encore 
indépendant  (Can.  xxxvu). 

Le  second  fut  purement  personnel,  et  ce  fut 
comme  un  patriarcat  limité  à  la  vie  d'un 
évèque,  qui  n'avait  néanmoins  été  accordé 
qu'à  l'instance  de  l'empereur  et  par  l'autorité 
du  concile.  L'empereur  voulut  gratifier  cet  évè- 
que, (jui  avait  témoigné  tant  de  zèle  pour  n'être 
soumis  qu'à  l'empire  romain  :  «  Ut  christianis- 
simœpotenti»  sceptrispuresubjicerentur, etc.» 
Et  le  concile  déclara  que  Jnstinianople  devait 
jouir  des  mêmes  avantages  que  Constantinople, 
c'est-à-dire  que  l'ancienne  Constantia  de  Chy- 
pre que  le  concile  d"E|)hèse  avait  déclarée,  ou 
reconnue  exemjite  du  pouvoir  et  de  la  sujétion 
du  patriarche  d'Antioche;  ou  si  on  l'entend  de 
la  ville  impériale  de  Constantinople,  cette 
égalité  ne  consistera  que  dans  ces  deux  avan- 
tages remarqués  par  le  concile  (Synod.  Trul. 
Can.  xxsix).  C'est  apparemment  ce  Jean,  évé- 


(|U('  lie  Jll^lillian(l|lle,  (|ui  souscrit  à  ce  même 
concile,  après  les  (jualre  grands  patriarches, 
avant  les  autres  petits  patriarches  ou  exarques. 

V.  Ce  ipie  nous  avons  remanpjé  des  évèques 
de  Chypre,  ti-ansportés  dans  l'Hellespont,  nous 
fait  encore  faire  cette  rètlexion,  (pu;  ce  fut  une 
manière  admirable  de  conserver  à  l'Egline  les 
grands  sièges  et  les  titres  des  grandes  Eglises, 
après  tjue  les  nations  infidèles  en  eurent  sub- 
jugué les  villes.  Le  même  concile  in  Trullo  fil 
un  canon  au  sujet  de  ces  évèques,  (ju'on  or- 
donnait pour  des  villes  où  ils  ne  pouvaient 
jamais  se  faire  recevoir. 

Ce  canon  lem-  conserve  toute  leur  autorité 
pour  les  ordinations  et  pour  tout  l'exercice  de 
leur  juridiction  dans  le  lieu  de  leur  résidence: 
«  Ut  et  diversorum  clericorum  ordinationes 
canonice  faciant  et  jiontilicafus  autoritate  in 
proprio  termino  utantur,  et  sit  firma  ac  lé- 
gitima qua?cunique  sub  ea  proceditadministra- 
tio  (Can.  xxxv). 

Ces  termes  se  peuvent  entendre  en  deux  fa- 
çons, ou  que  ces  évèques  exerceront  leur  juri- 
diction dans  quelque  endroit  de  leur  diocèse, 
puisqu'ils  n'ont  pu  se  faire  recevoir  dans  la 
ville  capitale,  ou  bien  qu'on  leur  assignera 
ailleurs  quelque  lieu,  connue  à  celui  de  Cons- 
tantia en  Chypre.  Nous  parlerons  plus  au  long 
dans  la  suite  des  évèipies  titulaires. 


CHAPITRE    VINGTIÈME. 


DE    L  ARCHEVEQUE    DE    CARTIIAGE,    DES    POUVOIRS   DES   PATRIARCHES,    EXARQUES, 
ou   ARCHEVÊQUES,    DANS    LES    CINQ    PREMIERS    SIÈCLES. 


I.  Origine  de  l'exarchat  de  Cartilage.  La  foi  y  a  été  portée 
de  Rûcae. 

II.  Ce  ne  fut  pourtant  pas  un  vicariat  du  Siège  a,uistolique. 
Diverses  preuves. 

III.  Pourquoi  saint  Cyprien  n'a  pas  bien  connu  la  subordina- 
tion des  tribunaux  ecclésiastiques. 

IV.  Cartliace  ne  fut  d'abord  qu'une  métropole  ecclésiastique 
pour  toute  l'Afrique. 

V  Quand  on  lit  la  division  des  six  provinces  d'Afrique,  qui 
eurent  chacune  leurs  primats  ou  métropohlaius,  qui  étaient 
tous  soumis  à  celui  de  Carthage. 

VI.  Pourquoi  les  métropolitains  d'Afrique  s'appelaient  pri- 


mats, et  n'étaienljantres  que  les  plus  anciens  évèques  de  chaque 
province,  sans  avoir  égard  à  la  métropole  civile. 
VIL  Raisons  de  douter. 

VIII.  L'archevêque  de  Carthage  avait  l'intendance  sur  toute 
l'Afrique,  ordonnait  des  évèques  pour  toutes  les  Eglises. 

IX.  Il  donnait  les  grandes  dispenses. 

X.  II  convoquait  le  concile  universel,  et  y  présidait. 

XL  11  conservait  toujours  une  particulière  liaison  avec  le 
pape.  ■  ,• 

XII.  Sommaire  des  privilèges  et  des  pouvoirs  des  patriarches 
en  général. 


11-2 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


I.  Autant  (ju  il  est  difficile  de  trouver  les 
premiers  commencements  de  leminente  au- 
torité des  archevêques  de  Cartilage,  autant 
est-il  indubitable  (jumelle  a  été  et  très-ancienne, 
et  d'une  très-grande  étendue.  Tertidlien  dit 
bien  que  l'Afrique  regardait  Rome  comme  la 
première  origine  d'où  elle  avait  reçu  les  pre- 
mières instructions  de  la  foi  :  «  Si  Italiae  adja- 
ces,  habesRomam,  unde  nobisquoque  autori- 
tas  pra?sto  est  (L.  de  Prœscript.).  »  On  sait  que 
Cartilage  était  la  capitale  de  rAfricpie,  (pii 
était  une  des  grandes  parties  du  montle,  et 
(ju'elle  dominait  sur  plusieurs  grandes  pro- 
vinces. La  mer  la  séparait  de  Rome,  mais  la 
distance  en  était  fort  jietite,  et  en  très-peu  de 
journées  on  se  rendait  de  l'une  à  l'autre.  Ainsi 
il  était  impossible  (pic  la  lumière  de  la  reli- 
gion ne  passât  de  l'une  à  l'autre. 

Le  pajie  Innocent  1"  assure  que  l'Afrique, 
aussi  bien  que  la  Sicile,  l'Espagne,  les  Gaules 
et  l'Italie,  n'ont  \>n  recevoir  d'autres  prédica- 
teurs évangéliques  que  ceux  qui  y  ont  été  en- 
voyés par  saint  Pierre,  ou  par  ses  successeurs. 
«Cumsit  manifestum  in  Africam,  etc.,  nnlliim 
instituisse  Ecclesias,  nisi  quos  Petrus  aut  ejus 
snccessores  constituerintsacerdotes  (Epist.  i).  » 

Saint  .\iigustin  semble  être  du  même  senti- 
ment (|uand  il  dit  que  Cécilien,  évêque  de 
(Cartilage,  aurait  pu  mépriser  les  conspirations 
séditieuses  d'une  foule  d'évêques  donalisics, 
(Haut  uni  de  coinimiiiion  avec  le  Siège  a[iosto- 
liipie,  et  avec  les  autres  Eglises  qui  ont  com- 
niuiii(iué  les  célestes  rayons  de  la  foi  à  celle 
d'Aliiiiuc.  "  Posset  non  curare  consiiiranteiu 
multiludiuem  inimicorum,  cum  se  vidcret,  et 
Romanœ  Ecclesiœ,  in  qua  seinper  apostolicœ 
Catlicdrip  viguit  |iiinci|iatiis,  et  cunctis  terris, 
unde  Evangeliuni  ad  ijjsani  Africam  venit,  per 
communicatorias  litteras  esse  conjunctum.  l'bi 
parafus  esset  suam  caiisam  dicere,  si  advcrsa- 
rii  ejus  ab  eo  illas  Ecclesias  alienare  conareii- 
tiir  (Epist.  cLXii).  »  .,  ,,,     ,, 

M.  Mais  si  la liiiincrede l'Evangile  a  passé  di' 
l'Italie  et  de  l'iouu!  en  Atri(pie  et  a  Carlliagc,  il 
ne  s'ensuit  pas  de  là  que  l'autorité  si  ancienne 
et  si  étendue  des  arclievê(pies  de  Cartliagc  n'ait 
été  qu'un  vicariat  du  Saint-Siège,  comme  (|u<'l- 
(|ues-uns  l'ont  iirètendii.  Les  preuves  convain- 
cantes (jui  ont  été  rapportées  dans  le  cliapiire 
précèdent,  du  vicariat  a|)ostolique  de  Tliessa- 
lonique,  peuvent  servir  à  nous  persuader  (ju'il 
nous  en  resterait  encore  (pielques-unes,  au 
moins  de  semblables  ou  d'a|iprocliaiites,  du 


vicariat  apostolique  de  Carthage,  s'il  avait  ja- 
mais été  établi  ou  reconnu  dans  l'anticiuité. 
Saint  Cyprien  ne  se  serait  pas  plaint  au  pape 
Corneille  même  de  ce  que  quelques  clercs  et 
un  èvèque  hérétique,  qu'il  avait  retranchés  de 
la  communion,  avaient  été  reçus  à  Rome,  et 
qu'on  y  avait  douté  si  on  ne  les  admettrait  pas 
aussi  à  la  communion,  s'il  s'était  regardé 
comme  un  délégué  et  un  vicaire  du  Saint-Siège  : 
«  Postista  navigare  audent  ad  Pétri  cathe- 
drain,  etc.  Oportet  eos  quibus  pra-sumus,  non 
circumcursare,  nec  episcoporum  concordiam 
coha'rentem  sua  subdola  et  fallaci  temeritate 
collidere,  etc.  Nisi  si  minor  videtur  esse  au- 
toritas  episcoporum  in  Africa  constituto- 
ruin,  etc.» 

La  longue  et  opiniâtre  résistance  que  saint 
Cyprien  lit  au  pape  Etienne  sur  la  matière  du 
liaptême  des  hérétiques,  montre  fort  claire- 
ment qu'il  s'en  fallait  beaucoup  qu'il  ne  crût 
être  un  vicaire  du  Saint-Siège.  Saint  Augustin 
même  qui,  traitant  souvent  de  cette  contesta- 
tion, a  reconnu  la  prééminence  du  Siège  apos- 
toli(|ue  sur  l'èpiscopal  et  sur  cha(|ue  évêque 
particulier,  n'a  pourtant  jamais  dit  ni  même 
insinué  que  l'archevêque  de  Ciiihage,  tenant 
son  autorité  comme  une  commission  ou  un 
vicariat  du  Saint-Siège,  devait  obéir  à  ses  or- 
dres. Enfin,  saint  Cyprien  protesta  au  commen- 
cement de  son  concile  de  Carlhage  (\i\e,  comme 
il  ne  prétendait  pas  imiioser  nécessité  aux 
autres  évêi|ues  d'imiter  sa  conduite,  il  ne  pen- 
sait pas  aussi  qu'on  pût  le  contraindre  de  s'ac- 
commoder à  la  conduite  des  autres,  chaque 
èvèque  étant  libre  et  comptable  à  Dieu  de  sa 
conduite. 

«  Non  enim  (piisquam  nostrum  episcopum 
esse  episcoporum  constituit,  aut  tyrannico  ter- 
rore  ad  obsequendi  necessitatem  collegas  sucs 
adigit  ;  i|iiando  habeat  omiiis  episco|)us  pro 
licentia  libertatis  et  potestatis  suœ  arbitrium 
proprium,  tanciuamjudicariabalio  non  possit, 
cum  nec  ipsc  possit  alteium  jiidicare.  Sed  ex- 
licclemus  luiiversi  juiiicium  Cliristi,  qui  unus 
et  solus  habet  potestatem,  et  prœponendi  nos 
in  Ecclesia^  suœ  gubernalione,  et  de  actu  no- 
slro  judicandi.  » 

III.  Je  ne  sais  si  saintCyprien  serait  demeuré 
d'accord  de  toutes  ces  maximes,  si  (jnelqu'un 
de  ses  sulfragants  se  fût  élevé  audacieusement 
contre  lui  et  contre  son  concile  provincial, 
|)rcleiidant  ne  relever  que  de  Dieu  et  n'être 
comptable  (lu'à  lui  seul.  Mais  cet  excès  est  plus 


DE  L'ARCHEVÊQUE  DE  CARTHAGE. 


113 


panloimable  eu  uu  siècle  où  la  police  de 
l'EijIise  n'était  pas  encore  si  éclairée,  et  où  la 
violeiicf  des  persécutions  n'avait  pas  encore 
l)eruns  de  marquer  exactement  les  bornes  de 
tous  les  tribvuiaux  ecclésiastiques. 

Saint  Aui^ustiii  vient  de  nous  dire  que  Céci- 
lien.  archevêque  deCarlbaj^e,  avait  pu  se  sous- 
traire au  jugement  des  évêques  d'Afrique,  et 
réserver  le  jugement  de  sa  cause  aux  évêques 
d'outre  mer  et  au  Siège  apostolique.  Cécilien 
montre  assez  par  sa  conduite  qu'il  l'avait  cru 
de  la  sorte. 

Saint  Cyprien  aurait  suivi  l'exemple  de  Céci- 
lien, et  le  sentiment  de  saint  Augustin,  s'il 
s'était  trouvé  dans  une  conjoncture  semblable  ; 
mais  les  occasions  ne  s'étaient  pas  encore  pré- 
sentées pour  faire  agréer  cette  subordination 
de  tribunaux  et  de  juges  ecclésiastiques.  Eu 
cela  même  nous  avons  une  preuve  certaine  qu'il 
n'y  avait  pas  encore  nulle  part  de  vicaire  apos- 
tolique, bien  moins  à  Cartbage  qu'ailleurs, 
puisque  saint  Cyprien  en  était  si  peu  per- 
suade. 

IV.  Il  faut  donc  reconnaître  que  Carthage 
n'a  été  d'abord  qu'une  simple  métropole,  sem- 
blable à  Rome,  à  Alexandrie,  à  .\ntiocbe.  ou 
approchante,  et  ayant  sous  elle  plusieurs  pro- 
vinces, où  il  n'y  avait  que  des  évêques  qui 
étaient  suffragants  du  métropolitain  de  Car- 
thage. Saint  Cyprien,  parlant  de  son  prédéces- 
seur Agrippin.  qui  avait  le  premier  réitéré  le 
baptême  des  hérétiques  quarante  ans  avant 
lui.  dit  qu'il  avait  pris  cette  résolution  avec  les 
évêques  de  la  province  d'Afrique  et  de  Numi- 
die  assemblés  en  uu  concile  :  «  Agrippinus 
cum  coepiscopis  suis,  qui  in  illo  tempore  in 
provincia  Africa  et  Xumidia  Ecclesiam  Domini 
gubernabant,  statuit,  etc.  ^Cypr.  ad  Quiri- 
num).  B 

Le  concile  de  Carthage,  où  saint  Cyprien 
présida  pour  le  même  sujet  du  baptême  des 
hérétiques,  était  composé  des  évêques  d'Afri- 
que, de  Numidie,  de  Mauritanie.  «  Cum  epi- 
scopi  plurimi  convenisseut  ex  provincia  Africa, 
Numidia  et  Mauritania  (Epist.  xlv).  »  Saint  Cy- 
prien insinue  peut-être  lui-même  que  sa  pro- 
vince d'Afrique  comprenait  la  Numidie  et  les 
deux  Mauritanies  :  «  Quoniam  latins  fusa  est 
provincia  nostra.  habet  etiam  Numidiam,  et 
Mauritanias  duas  sibi  cohaerentes.  »  Ces  deux 
Mauritanies  étaient  la  Tingitane  et  la  Césa- 
rienne. Les  députés  de  ces  trois  mêmes  pro- 
vinces assistèrent  au  concile  d'Arles.  On  par- 

Th.  —  Tome  I. 


tagea  néannioius  sous  l'empire  même  de  Cons- 
tantin l'Atrique  en  six  provinces,  savoir  l'Afri- 
que pi'iiconsiilaire  oii  était  Cnrtliage,  la 
Ryzacène,  la  Tripulitaine,  la  Numidie.  la  .Mau- 
ritiuûe,  qu'on  divisait  en  deux,  savoir  : 
«  Sitisensis  et  Ca-sariensis,  »  la  province  Tin- 
gitane ayant  été  jointe  à  l'Espagne. 

V.  C'est  donc  peut-être  vers  le  temps  de  cette 
division,  sous  Constantin,  qui  ordonna  à  Abla- 
vius  d'envoyer  des  évêques  au  concile 
d'Arles,  que  ces  six  provinces  d'Afrique  com- 
mencèrent à  avoir  chacune  leur  métropolitain, 
l'évcque  de  Carthage  ayant  jusqu'alors  été  le 
seul  qui  eût  eu  la  supériorité  de  métropolitain 
sur  tous  les  évêques  d'Afrique.  Il  était  appa- 
remment de  ces  évêques  semblables  à  celui 
d'Antioche,  a  qui  le  concile  deNicée  avait  con- 
lirmé  de  semblables  privilèges  dans  leurs  pro- 
vinces. Après  les  trois  reines  du  monde.  Rome, 
.Vlexandrie  et  Antioche,  il  n'y  avait  point  de 
ville  ni  d'Eglise  qui  pût  aussi  justement  j)rè- 
tendre  de  dominer  sur  plusieurs  provinces 
comme  Carthage.  Elle  avait  été  la  capitale  d'un 
empire  qui  n'avait  été  guère  moins  étendu  ni 
moins  formidable  que  celui  des  Romains  et 
des  Grecs. 

Les  éxêques  de  toutes  ces  provinces  se  trou- 
vèrent au  concile  général  de  Carthage  sous 
l'évêque  de  Carthage  Gratus.  en  l'an  3  iil.  L'évê- 
que  d'Adrumète ,  qui  était  de  la  province 
Byzacène,  y  proposa  un  décret  du  concile  de 
sa  province,  qui  défendait  l'usure  aux  clercs, 
et  demanda  qu'il  fût  confirmé  par  le  concile  de 
Carthage  et  par  Gratus  :  «  In  nostro  concilio 
statutum  est,  ut  non  liceat  clericis  fœnerari. 
Quod  si  et  sanctitati  tuœ  et  praesenti  concilio 
vidcatur.  pra?senti  placito  designetur.  » 

Voilà  un  concile  provincial  dont  on  de- 
mande que  le  décret  soit  confirmé  par  le  con- 
cile universel.  C'est  une  preuve  que  toutes  ces 
provinces  avaient  leur  chef,  qui  présidait  à 
leurs  conciles  particuliers,  et  qu'elles  rele- 
vaient encore  de  l'archevêque  de  Carthage  et 
du  concile  de  tout  le  diocèse  d'Afrique,  dont  il 
était  le  président  et  l'exarque.  Au  temps 
d'Agrippin,  de  saint  Cyprien  et  de  Cécilien, 
on  ne  xoit  point  de  conciles  particuliers  qui 
ressortissent  à  un  concile  universel.  Il  a  assez 
paru  ci-dessus  que  saint  Cyprien  n'avait  pas  la 
moindre  idée  de  cette  police,  qui  ne  parut  au 
monde  que  quelque  temps  après  sa  mort. 

VI.  C'est  encore  probablement  la  raison  pour 
laquelle  les  métropolitains  des  provinces  par- 

8 


Ili 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


ticulières  d'Afrique  ne  prirent  point  le  nom 
de  métropolitains,  m.iis  de  primats;  et  ce  ne 
fut  point  l'évè(|ue(le  la  mélropolecivile,  mais  le 
plus  ancien  d'ordination  de  chaque  province. 
qui  eut  la  qualité  et  l'autorité  de  primat.  Car- 
tliaji-e  avait  toujours  t-té  connue  la  seule  mé- 
tropolede  toute  I  Afri(|ue;  ainsi  revé(|uedeCar- 
tliafje  avait  été  le  seul  métropolitain  de  toute 
l'Afrique. 

Le  concile  de  Nicée  ayant  trouvé   bon  que 
chaque  province  eiït  un  métropolitain,  et  vers 
le  mèmeten)|)S,  Constantin  ayant  divisé  l'Afri- 
que en  |)lusieurs  provinces,  les  évètiues  d'Afri- 
que continuèrent  à  vivre  dans  la  même  dépen- 
dance, où  ils  avaient  été  jusiju'alors.  de  l'évèque 
de  Cartilage  ;  mais  ils  commencèrent  d'assem- 
bler leurs  conciles  particuliers  dans  chaque 
province,  y  faisant  présider  le  plus  ancien  des 
évêques,   ou  par  un  respect  i)lus   jiarticulier 
])our  les  anciens,  qui  ont  aussi  d'ordinaire  plus 
d'expérience;  ou  parce  qu'il  n'y  avait  pas  dans 
chaque  ])rovince  une  métropole  ijui  se  distin- 
guât des  autres  villes  par  sa  grandeur  et  par 
le  concours  extraordinaire  des  hommes,  attirés 
par  la  commodité  ou  par  la  nécessité  de  leurs 
affaires.  Car  nous  dirons  en  son  lieu  que  c'est 
ime  des  raisons  (|ui  a  fait  fixer  le  père  des  évê- 
ques d'une  province  dans  la  mélro|)ole  civile. 
Le  concile  de  Nicée  ayant  ordonné  (jue  les  con- 
ciles provinciaux  se  tinssent  deux  fois  chaque 
année,  il  était  nièuie  bien  diflicile  que  le  con- 
cile de  toute  l'Afrique  se  tînt  une  fois  l'an  à 
Cartilage.  Il  fallut  donc  nécessairement  établir 
les  conciles  prosinciaux  et   leurs   présidents. 
Le  concile  III  de  Carthage  ordonna  t|ue  le  con- 
cile universel  s'assemblât  une  fois  tous  les  ans, 
au(iuel  toutes  les   |)rovinces  qui   avaient  des 
primats  enverraient  trois  députés.  «  Provincite 
qua;  primas  sedes  babent,  ternos  legatos  mit- 
tant  (Can.  m).» 

Il  y  avait  donc  des  provinces  qui  n'avaient 
point  de  primats,  c'est-à-dire  de  métropoli- 
tains, même  à  la  lin  du  iV  siècle.  La  province 
Tingitane  n'en  avait  point,  ses  déput(;s  ne  pa- 
raissent jamais  dans  les  conciles  universels 
d'Afri(|ue  ;  mais  connue  elle  se  joignait  au 
concile  de  la  Mauritanie,  ses  évêques  pou- 
vaient en  être  députés.  On  peut  donc  bien 
s'imaginer  aussi  que  les  autres  provinces  de 
l'Afi  ique  avaient  l'Ié  aussi  autrefois  sans  pri- 
mats; Cdinuic  on  ne  peut  douter  (|ue  toute  ou 
presque    toute    l'Italie,    et    les    îles   voisines 


n'aient  été  fort  longtemps  sans  autre  métropo- 
litain tjue  le  pape. 

Vil.  Ce  ne  sont  là  an  fond  que  des  conjec- 
tures; car  quoii|u'il  ne  paraisse  (]ue  peu  ou 
point  du  tout  de  traces  de  métropolitains  par- 
ticuliers de  cbacjue  province  durant  les  trois 
premiers  siècles,  et  que  l'arclievèque  de  Car- 
tilage |)araisse  en  exercer  seul  toutes  les  fonc- 
tions, surtout  dans  les  conciles,  il  se  pouvait 
faire  néanmoins  qu'il  y  en  eût.  En  effet,  dans 
le  concile  de  Cirte,  tenu  en  ;jo;j,  on  voit  pré- 
sider Secundus,  primat  de  Numiilie  :  «  Epi- 
scoinis  i)rimie  catbedraî.  »  Il  est  vrai  aussi 
qu'on  n'a  point  de  preuve  certaine  du  temps 
précis  où  se  lit  la  division  des  provinces  d'A- 
frique. Quoique  ce  (jue  nous  avons  dit  ne  soit 
pas  d'une  entière  certitude,  on  ne  laisse  pas 
d'en  tirer  des  connaissances  assez  utiles  de 
l'Eglise  d'Afrique. 

VIII.  II  faut  maintenant  dire  un   mot  des 
privilèges    de    l'archevêque  de  Carthage  sur 
toutes  les  provinces  d'Afrique.  Le  concile  IIP 
de   Carthage  reconnut  que   révê(|ue  de  Car- 
thage |)Ouvait  demander  et  prendre  quelque - 
ecclésiastique  que  ce  fût  dans  l'Afrique ,  pour 
l'ordonner  évêque  de  la  ville  qui  l'aurait  de- 
mandé. Un  évêque  y  assura  que  l'évêque  de 
Carthage  avait  toujours  eu  ce  pouvoir  :  a  Fuit 
semper  hœc  licentia  liuic  sedi,  unde  vellct  et 
de  cujiis  nomine  fuisset  conventus,  pro  desi- 
derio  cujusque  Ecclesiœ  ordinareepiscopum.» 
Un  autre  dit  à  Aurèle,  évêque  de  Carthage, 
(lu'ayanl   à  soutenir  toutes  les  Eglises  d'Afri- 
(]ue,  ce  pouvoir  lui  était  absolument  néces- 
saire; que  le  concile  ne  lui  donnait  pas  cette 
autorité,  mais   qu'il  reconnaissait  qu'il  l'avait 
toujours  eue  :   «  Necesse  habes  tu  onines  Ec- 
clesias  sutfulcire.  Unde    tibi  non  potestatem 
damus.sed  tuam  agnoscimus,  utliceat,etc. 
(Can.  xi.v).  »  Aurélius  se  confessa  lui-même 
être  chargé  du   soin  de  toutes  les  Eglises  d'A- 
frique :  «  Ego  cunctarum  Ecclesiarum,  digna- 
tione  Dei,  ut  scitis,  fratres,  soUicitudinem  su- 
stineo.  » 

Cet  usage  de  toutes  les  Eglises  d'Afrique  de 
demander  des  évoques  à  l'archevêque  de  Car- 
thage, et  cet  ancien  (louvoir  de  l'archevêque 
de  leur  en  donner,  après  les  avoir  enlevés  à 
quelque  Eglise  et  quelque  évêque  que  ce  fût 
dans  l'Afrique,  vient  assez  vraisemblablement 
(lune  ancienne  autorité  qu'il  exerçait  comme 
métropolitain  universel  de  l'Afrique;  caries 
canons  donnent  au    métropolitain  la  princi- 


.1 


DE  L AKCHEVÉUIE  M:  CAinHAGE. 


li; 


pale  autorité  dans   les  élections  des  évèques. 

IX.  Les  dispenses  importantes  se  deman- 
daient à  l'arclievèque  de  Cartilage.  Possidius 
raconte  (]ne  Valérius,  évèque  d'Hippone,  vou- 
lant faire  saint  Augustin  son  coadjuteur  dans 
son  évèclié  et  son  successeur,  il  en  demanda 
et  en  obtint  la  permission  du  primat  de  Car- 
tilage Aurélius  :  «  Egit  secretis  litleris  apud 
priniateni  episcopuni  sedis  Carthaginensis  ,  ut 
Hipponensi  Ecclesia'  ordinaretur  episcopus  , 
(jui  suic  cathedrœ  non  jam  suecederet,  sed  ac- 
cederet.  Quw  igitur  beatus  Yalerius  o[ita\it  et 
rogavit,  satagens  rescripto  impetravit. 

Cette  dispense,  selon  les  canons,  devait  en- 
core être  accordée  par  le  métropolitain  et  dans 
le  concile  provincial.  C'est  donc  aussi  une 
marque  que  le  primat  de  Carthage  avait  été 
autrefois  le  seul  primat  ou  métropolitain  d'A- 
frique. 

X.  C'était  encore  un  des  droits  les  plus  im- 
portants de  l'archevêque  de  Cartbage  de  con- 
voquer le  concile  universel  ou  diocésain,  d'y 
présider,  et  d'y  juger  toutes  les  grandes  causes 
qui  n'avaient  pu  se  terminer  dans  les  conciles 
particuliers  des  provinces,  ou  qui  regardaient 
le  bien  universel  de  toute  l'Afrique.  Nous  di- 
rons en  parlant  des  conciles  dans  la  seconde 
partie,  que  les  conciles  provinciaux  furent  les 
premiers  qu'on  célébra;  que  les  conciles  uni- 
versels furent  rares  et  extraordinaires  seule- 
ment; que  les  évèques  d'Afrique  les  rendirent 
ordinaires  et  annuels,  mais  iju'ensuite  ils  ré- 
solurent de  ne  les  plus  assembler  que  dans  les 
nécessités  générales  de  l'Afrique  ;  et  c'était 
encore  l'archevêque  de  Carthage  qui  les  con- 
voquait alors. 

XL  Mais  quoique  nous  ayons  dit  que  l'exar- 
chat de  Carthage  ne  fut  pas  un  vicariat  du 
Saint-Siège,  non  plus  que  ceux  d'Ephèse,  de 
Césarée  et  dHéraclée,  il  ne  laisse  pas  d'être 
très-véritable  que  les  archevêques  de  Carthage 


ont  toujours  fait  paraître  une  union  plus  étroite 
et  Luie  dépendance  plus  exacte  du  Saint-Siège, 
que  tous  les  autres  patriarches  de  l'Eglise, 
comme  reconnaissant  que  rAfiii|ue  entière 
était  comprise  dans  les  limites  du  jiatriarcat 
d'Occident,  (jui  était  celui  du  pape. 

L'histoire  de  Cécilien  et  de  saint  Cyprien 
même,  tout  ce  qui  se  passii  dans  le  siècle  de 
saint  Augustin,  soit  pour  la  condaumation  des 
Pelagiens,  soit  pour  celle  du  prêtre  Apiarius, 
les  démêlés  mêmes  de  l'Afrique  avec  Rome, 
montrent  clairement  l'étroite  corresiiondance 
qui  était  entre  Rome  et  Carthage.  Durant  le 
plus  grand  embrasement  de  la  persécution  des 
Vandales,  l'êvêque  de  Carthage  refusa  d'entrer 
en  dispute  avec  les  ariens,  sans  ra\eu  du  pa[)e 
et  de  l'Eglise  romaine,  qui  est  le  chef  de  toutes 
les  Eglises. 

XII.  Je  ne  dirai  rien  davantage  des  droits 
des  autres  patriarches,  ou  archevêques  et  exar- 
ques, parce  que  ce  sont  les  mêmes  que  ceux 
que  nous  avons  touchés  en  parlant  des  arche- 
vêques de  Thessalonique  et  de  (Carthage.  Ils  or- 
donnaient les  métropolitains,  et  quelquefois 
même  tous  les  évèques  de  leur  ressort.  Ils  ac- 
quéraient par  là  un  droit  de  les  juger.  Ils  rece- 
vaient les  appels  des  métropolitains,  et  les 
jugeaient  dans  le  concile  diocésain  ou  univer- 
sel qu'ils  convoquaient,  et  y  présidaient.  Ils 
entretenaient  par  leurs  lettres  rècipro(iues  et 
]iar  leur  bonne  intelligence  entre  eux  la  paix  et 
l'unité  de  l'Eglise;  on  récitait  leiu's  noms  dans 
les  diptyques  sacrés;  toutes  les  grandes  causes 
devaient  leur  être  rapportées;  leur  présence 
était  nécessaire  aux  conciles  œcuméniques;  ils 
y  précédaient  tous  les  autres  évèques  ;  ils  étaient 
considérés  comme  les  successeurs  des  a|iùtres, 
encore  plus  particulièrement  que  les  autres 
évèques.  On  a  yu  ci-dessus  les  preuves  de  tout 
cela. 


II  fi 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  VINGT-L'NIÈME. 


J  CHAPITRE  VINGT-UNIEME. 

DES   EXARQl'ES,    PRIMATS    OL   PETITS  PATRURCHES,    d'HÉRACLKE,    d'ÉPHÉSE  ,  DE  CÉSARÉE,  DE  CARTHAGE  , 

d'aqiilée,  de  grade,  des  goths,  des  lombards,  des  français,  etc.,  des  catholiques,  des 

JACOUITES,    des   1^EST0R1E^S,    DES   COPHTES,    ETC.,    AIX   SIXIÈME,    SEPTIÈME    ET   HUITIÈME    SIÈCLES. 


I.  Des  exarques  d'Héraclée,  d'Ephèse  et  de  Césarée. 

II.  Du  primat  de  Caithage, 

III.  Même  après  qu'elle  eut  été  reprise  par  Jusiinien  sur  les 
Vandales. 

IV.  Les  Vandales  ariens  d'Afrique  eurent  un  patriarche. 

V.  Du  catholique  de  Perse.  Du  patriarche  des  jacobitcs. 
\'l.  Du  patriarche  des  maronites. 

VII.  Des  catholiques,  ou  patriarches  des  eulychiens,  des 
nestoriens,  des  cophtes  et  des  abyssins. 

VIII.  Du  patriarche  d'Aquilée,  né  du  schisme  des  trois  cha- 
pitres. 

IX.  Du  patriarche  de  Grade  catholique,  opposé  par  les  empe- 
reurs de  ConstantinopICj  à  celui  d'Aquilée  qui  avait  abandonné 
la  foi  catholique. 

X.  Les  Goths,  les  Lombards  et  les  Français  donnèrent  le 
titre  de  patriarche  à  leur  premier  métropolilaiu. 

■  XI.  Du  patriarche  de  Lyon  et  de  Bourges. 

I.  Je  ne  (lirai  rien  des  exarques,  ou  des  jiri- 
inals  ([u'on  pourrait  a|i|ieler  les  petits  patriar- 
ches d'Héraclée  en  Tbrace,  de  Césarée  de  Cap- 
padoee  dans  le  Pont,  et  d'Ephèse  dans  l'.Vsie  ; 
tant  parce  qu'ils  avaient  déjà  été  ahsorbés  dans 
le  seul  patriarcat  de  Coiislantiiuiple,  avant 
l'an  r>00,  que  parce  qu'ils  étaient  a  peu  prés 
de  même  nature  i|ue  les  anciens  patriarches 
dont  nous  venons  de  parler,  ne  relevant  d'au- 
cun patriarche,  et  ayant  sous  eux  plusieurs 
métropolitains. 

II.  Je  ne  dirai  rien  non  plus  de  celui  de  Car- 
thafie,  [)arce  qu'il  ne  subsista  que  très-peu  de 
temps  dans  l'âge  dont  nous  traitons  à  présent. 
Justinien  reprit  Carlharre  sur  les  Vandales  et  y 
retaltlit  la  majesté  de  l'Eglise,  en  même  temps 
(jue  celle  de  l'empire;  mais  les  Sarrasins  peu 
d'années  après,  comme  un  torrent  de  barbarie 
et  d'imiiiété.  inondèrent  toutes  ces  belles  pro- 
vinces et  n'y  ont  depuis  laissé  (jue  les  tristes 
débris  d'un  effroyable  ntiufrage. 

III.  Apres  ()ue  l'empereur  .lustinien  eut  re- 
conquis l'Afrique  à  J.-C.  et  à  l'empire^  tous  les 
évêques  d'Afritiue  assemblés  à  Cartilage,  avec 
Uéparatus  (jni  en  était  évêque,  s'adressèrent  au 
pape  Jean  11  i)oiir  se  conformer  à  teins  ancê- 
tres, et  api)rendre  du  Siège apostolic|ue  la  règle 
de  la  discipline.  «  Convenire  charitati  credidi- 


mus,  ut  quid  habeat  sensus  noster  in  publicam 
notitiam  nemo  pcrduceret,  nisi  prius  vel  con- 
suetudo  nobis,  vel  definilio  Romanœ  Ecclesiae 
proderetur  (Inter  epist.  Joan  II.  papa;).  »  Nous 
avons  déjà  dit  comment  saint  Grégoire  prit 
soin  de  celte  Eglise  désolée  ,  et  exerça  sur  elle 
une  autorité  vraiment  paternelle. 

IV.  Les  évê(}ues  ariens  de  l'Afrique  sous 
l'empire  des  Vandales  avaient  un  ]iatriarche. 
Et  dans  la  conférence  qu'ils  eurent  avec  les 
évêques  catholiques,  Cyrola  qui  portait  cette 
qualité  ne  put  répondre  au\  nôtres  cjui  lui  de- 
mandaient quel  en  était  le  fondement,  qu'en 
les  faisant  cruellement  tourmenter  (Victor,  de 
persécut.  Afri.).  Enellèt,  l'état  ecclésiasticiue  et 
royal  de  ces  ariens  n'était  fondé  que  sur  la  vio- 
lence et  la  tyrannie.  Mais  cet  exemple  nous  fait 
voir  (pie  les  grandes  sectes  des  hérétiques  se 
donnèrent  des  patriarches,  après  (|ue  cette  qua- 
lité de  jiatriarche  eut  été  mise  en  usage  et  re- 
vêtue d'une  autorité  éclatante  dans  le  concile 
de  Calcédoine  et  dans  les  siècles  suivants  de 
l'Eglise.  Saint  Jérôme  écrivant  à  Marcelle  con- 
tre Montan  dit  que  les  montanistes  avaient  des 
patriarches  jiour  chefs  de  leur  secte  impie, 
«  Habent  primos  tle  Pepuza  Phrygiac  patriar- 
chas.  »  Le  même  saint  Jérôme  parle  souvent 
des  patriarches  des  Juifs  en  son  temps. 

V.  Les  chrétiens  de  Perse  se  contentèrent  de 
donner  le  nom  de  catholique  à  leur  évêque, 
comme  nous  l'apprend  Procope  (L.  ii.  De  bcllo 
Persicoj.  Cette  ([ualité  approche  de  celle  A'unl- 
versel.  Sozomène  donne  le  nom  A" archevêque  à 
celui  qui  ])résidait  aux  villes  royales  de  la 
Per.'ie,  Séleucie  et  Ctésiphon,et  partant  qui 
dominait  sur  tous  les  évêques  de  ce  grand 
royaume  (L.  ii,  c.  9).  Théophane  parle  en 
(piehiue  endroit  de  son  histoire  du  patriarche 
des  jacobites,  qui  s'était  séparé  de  la  foi  et  de 
la  communion  catholique. 

VI.  Il  y  a  de  l'apparence  que  ce  fut  vers  ce 


DES  EXARQUES.  l'IilMAlS  (»['  PETITS  l'ATRIAKCIIES. 


"I 


117 


Tii^me  tomps  que  riiéré^ianiiie  Maron  doniui 
iKiissaiicc  à  la  secte  et  aux  [latiaarclîes  des  ma- 
ronites, qui  suivirent  les  erreurs  dcsinonotlié- 
lites  .  et  no  rentrèrent  dans  la  connnnnion 
romaine  et  dans  la  foi  orthodoxe  (ju'au  temps 
de  nos  guerres  saintes  dans  la  Palestine.  (>"est 
le  sentiment  de  (".uillanme,  archevêque  de  Tyr 
(L.  xxn,  c.  H\ 

VU.  Les  nestoriens  eurent  aussi  leur  [)a- 
Iriarche  (|u'ils  appelaient  catholique  ,  et  à  (jui 
obéissait  un  grand  nombre  de  métropolitains 
et  d'évê(iues  répandus  dans  la  Mésopotamie  et 
dans  tout  l'Orient  ,  comme  nous  rapprend 
Anastase  le  Sinaïte.  Cet  auteur  parle  aussi  des 
jacobites  qui  étaient  eutychiens,  et  qui  avaient 
un  patriarche  dans  l'Orient,  et  un  autre  dans 
l'Egypte  qui  gouvernait  les  cophtes  ;  et  de  ce 
dernier  relevaient  les  patriarches  et  les  évo- 
ques des  abyssins  ,  infectés  de  la  même  erreur 
(In  cSt,-jô>,  c.  4).  Tous  ces  patriarches  ou  catho- 
liques ont  pris  commencement  après  le  troi- 
sième, quatrième  et  sixième  concile  (ocnmé- 
nique,  et  subsistent  encore  avec  un  pouvoir 
fort  étendu  dans  les  mêmes  régions.  Il  y  en  a 
eu  quelques-uns  qui  se  sontde temps  en  temps 
réunis  à  l'Eglise  romaine  ;  mais  toutes  ces 
unions,  excepté  celle  des  maronites,  ont  été 
ordinairement  ou  peu  sincères,  ou  peu  fermes. 

VllI.  Le  patriarche  d'Aquiléo ,  dans  l'Italie. 
doit  aussi  sa  naissance  ou  son  établissement 
au  schisme  qui  se  fonnaà  l'occasion  de  la  con- 
ilnmnation  dos  trois  chapitres  dans  le  V"  concile 
œcuménicpie.  Les  rois  Goths  d'Italie  donnaient 
le  nom  de  patriarche  aux  métropolitains  de 
leur  Etat,  comme  il  paraît  par  la  lettre  d'Ata- 
laric  au  pape  Jean  (Cassiod.  1.  ix,  ep.  xv\  Les 
Lombards  ne  furent  pas  moins  jaloux  d'ho- 
norer leurs  évoques.  Ces  évêques,  étant  depuis 
tombés  dans  le  schisme,  trouvèrent  que  ce 
nom  de  patriarche  était  propre  à  fortifier  leur 
rébellion  et  l'indépendance  où  ils  étaient  en- 
trés. On  peut  ajouter  à  cela  qu'après  la  ruine 
de  Sirmicli,  Aquilée  semblait  être  devenue  le 
chef  de  l'illyrique  occidentale  ;  et  dans  tout 
l'empire  oriental  les  grands  diocèses  ,  qui 
étaient  composés  de  plusieurs  provinces  . 
avaient  dans  la  principale  métropole  des 
chefs  qui  se  distinguaient  des  autres  métro- 
politains par  la  qualité  d'exarque  ou  de  pa- 
triarche. 

Ainsi,  soit  que  l'on  considère  la  grandeur 
de  l'illyrique  occidentale,  soit  (pie  l'on  ait 
égard  à  l'intérêt  des  rois  Goths  ,  et  après  eux 


dos  Lombards,  qui  ayant  démembré  leur  Etat 
de  l'empire,  étaient  bien  aises  d'établir  aussi 
une  |ietitc  souveraineté  dans  leurs  Eglises; 
soit  enfin  ([uc  l'on  regarde  le  schisme,  on 
trouvera  que  toutes  ces  causes  ont  ajiparem- 
menf  concouru  pour  faire  (pie  ce  titre  do  pa- 
triarche ait  été  donné  au  métropolitain  d'A- 
(pjilée,  et  que  d'un  honneur  purement  titulaire 
et  superficiel,  puisque  cv  patriarche  n'avait 
aucun  métropolitain  sous  lui,  il  ail  passé  a 
un  rang  effectif,  qui  le  met  au-dessus  de  tous 
les  autres  métropolitains,  et  même  au-dessus 
des  primats. 

IX.  Paul  Diacre,  qui  a  écrit  l'histoire  de  sa 
nation,  c'est-tà-dire  des  Lombards,  dit  qu'au 
temps  du  pape  Benoît  Paulin,  patriarche  d'A- 
quilée,  appréhendant  la  fureur  des  Lombards, 
se  retira  d'.Vquilée  à  Grade  et  y  emporta  le 
trésor  de  son  Eglise  :  «  Aquileiensi  civitati 
ejusquo  populis  Paulinus  patriarcha  prierai, 
qui  Longobardorum  barbariem  metuens  ex 
Aquileia  ad  Gradi  insulam  confugif,  secumque 
omnem  Ecclesiff  sua?  thesaurum  deportavit 
(L.  H,  c.  8).  »  A  Paulin  succéda  Elie,  et  à  Elle 
Sévère,  qui  fut  enlevé  avec  trois  autres  évê- 
ques de  l'ilo  de  Grade  à  Ravenne  par  l'exaniue 
(le  Ravenne  Smaragde,  et  là  il  fut  contraint  de 
renoncer  au  schisme  des  trois  chapitres. 

Cette  abjuration  forcée  demeura  sans  effet. 
Plusieurs  de  ces  évoques  schismatiques  se  las- 
sèrent néanmoins  de  leurs  égarements  et  ren- 
trèrent dans  l'unité  catholique;  savoir  les 
évêques  d'Atino  ,  de  Trente ,  de  Vérone ,  de 
Vicence,  de  Trévjse,  de  Feltre,  de  Relkm,  de 
Polo  et  ipielques  autres  'L.  ni,  c.  12.  Il  n'y  en 
eut  que  trois  ou  (piatre  qui  s'attachèrent  au 
patriarche  relaps.  Après  la  mort  de  Sévère, 
l'abbé  Jean  fut  ordonné  patriarche  à  .Vquilée, 
même  avec  l'agrément  du  roi  Agilulphe;  et  en 
même  temps  à  Grade  on  ordonna  Candidien, 
Ie(iuel  étant  mort  peu  de  temps  après ,  les 
évêques  qui  étaient  de  l'obéissance  des  empe- 
reurs romains  et  de  la  connnnnion  de  l'Eglise 
romaine,  lui  substituèrent  a  Grade  le  patriar- 
che Epiphane,  qui  avait  été  officier  du  palais 
impérial  :  «  Defuncto  Severo  patriarcha  ordi- 
natus  est  loco  ejus  Joannes  .  abbas  ,  |iatriarcha 
in  Aquileia  vetere  cum  consensu  régis  Agi- 
lulphi.  In  Grado  (junque  ordinatus  Romanus 
Candidianus  autistes.  Candidiano  quoque  de- 
functo apud  Gradum,  ordinatus  est  patriarcha 
Epiphanius,  qui  fuerat  primicerius  notaric- 
rum ,  ab  episcopis  qui  erant  sub  Romanis.  Et 


118 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-UNIÈME. 


ex  illo  tempore  cœperunt  duo  esse  patriarclui' 
(L.  IV,  c.  10).  » 

Voilà  comment  par  degrés  les  patriarches 
schismaiiques  d'Aquilée  sous  les  Goths  se  reti- 
rèrent à  Grade  pour  éviter  les  insultes  des 
Lombards  ;  ils  y  firent  un  assez  long  séjour,  et 
après  qu'ils  furent  revenus  à  Aquilée  par  la 
permission  des  rois  lombards,  on  créa  premiè- 
rement un  évèque,  puis  un  patriarche  à  Grade, 
pour  les  evècjues  qui  avaient  quitté  le  schisme 
ou  qui  avaient  toujours  été  de  la  communion 
romaine,  ou  enfin  (jui  obéissaient  à  rem|)ire, 
non  lies  Lombards ,  mais  des  empereurs  de 
Constiuilinople,  qui  avaient  repris  Grade  et  plu- 
sieurs autres  places.  Ce  fut  là  l'occasion  de  divi- 
ser ce  patriarcat  en  deux.  Car  il  était  bien  juste 
que  les  évê(iues  de  la  conuuunion  catlioliipie 
et  de  l'obéissance  romaine  eussent  un  métropo- 
litain, honoré  d'un  titre  aussi  éminent  que  ceux 
(|ui  obéissaient  aux  Londwrds,  ou  qui  s'opiniâ- 
traient  encore  a  leur  schisme. 

Le  pape  Grégoire  II  écrivant  à  Sérénus,  évê- 
qut;  d'Acjuilée,  et  au  patriarche  de  Grade 
Donat,  apiielle  effectivement  celui-ci  patriarche, 
et  non  pas  le  premier.  Mais  en  permettant  à 
celui  d'A(|uilée  de  dominer  dans  tout  l'enijjire 
des  Lombards  :  «  Necamplius  cjuam  in  linibus 
gentis  Longobardorum  existenlibus,  gressum 
tendere  pru'sumas,  »  et  protestant  qu'on  ne  le 
reçut  qu'à  condition  de  ne  rien  prétendre  sur 
les  droits  du  patriarche  de  Grade  :  «  Ei  con- 
sensumad  hancconditionem  esse  sciatis  (Episl. 
XV,  xvi) ,  »  il  reconnaît  en  effet  la  dignité , 
dont  il  a  jieine  de  lui  donner  le  nom,  parce 
(pi'il  n'y  avait  pas  longtemps  qu'il  était  rentré 
dans  l'unité  de  l'Eglise. 

\.  En  même  tenqis  (jue  les  Golhs  et  les 
Lombards  llatl^iient  leur  métropolitain  de  la 
qualité  de  i)atriarche,  nosévêques  de  France  y 
prirent  (|uel(|ue  goût.  Priscus,évè(juedeLyon, 
est  appelé  paliiarche  dans  le  concile  IT  de 
Mâcon,  tenu  en  585.  Il  est  pourtant  appelé 
méfropiilitain  dans  le  dernier  canon  de  ce  con- 
cile. Et  cela  nous  montre  que  ce  nom  de  pa- 


triarche ne  donnait  pas  des  pouvoirs  plus 
amples  que  celui  de  métropolitain.  Grégoire 
de  Tours  avait  aussi  donné  le  nom  de  patriarche 
à  Nicélius,  évèque  de  Lyon.  «  Quod  cum  rex 
Gunlramnus  comperisset,  congregari  synodum 
ajiud  urbem  Lugdunensem  jussil.  Conjuncti- 
que  e|iisco()i  cum  patriarcha  Nicetiobealo,etc. 
(L.  v,  c.  20).  » 

Le  concile  11'  de  Màcon  fut  aussi  assemblé 
par  ordre  du  même  roi  Contran.  On  pourrait 
conjecturer  de  là,  avec  assez  d'ai)parence,  (pie 
cette  qualité  de  patriarche  était  donnée  avec 
(jueUpie  affectation  au  principal  métropolitain 
de  toute  la  domination  d'un  roi.  Car  on  sait 
que  les  rois  de  la  lignée  de  Clovis  partageaient 
entre  eux  le  royaume.  Le  métropolitain  de 
Lyon,  Priscus,  j)résida  au  concile  de  Mâcon, 
où  se  trouvèrent  après  lui,  outre  les  évêques, 
cinq  autres  métropolitains  de  Vienne,  de  Rouen, 
de  Bordeaux,  de  Sens  et  de  Bourges.  Enfin  ce 
concile,  qui  était  comme  national,  ordonna 
qu'on  en  tiendrait  un  semblable  tous  les  trois 
ans,  et  que  l'évèiiue  métropolitain  de  Lyon 
l'indiquerait,  après  avoir  concerté  avec  le  roi- 
le  lieu  de  l'assemblée.  Ce  titre ,  cette  prési- 
dence, ce  pouvoir,  cette  conspiration  avec  le 
roi,  et  enfin  le  nom  de  concile  universel,  qui 
se  lit  au  dernier  canon,  sont  des  preuves  assez 
probables  de  notre  conjecture. 

XL  Mais  connue  le  roi  Contran  n'eut  point 
de  fils,  et  que  les  partages  de  l'empire  français 
changèrent  très-souvent  dans  les  temps  de  la 
première  et  de  la  seconde  race,  ce  nom  de 
|)atriarclie  et  les  pouvoirs  qui  commençaient 
à  s'y  attacher  n'eurent  point  de  suite,  et  ne 
passèrent  pas  aux  successeurs  de  Priscus  et  de 
Nicétius.  Il  se  pourrait  faire  que  les  principaux 
metroiMililains  des  provinces  d'un  autre  nom 
avaient  trop  de  peine  à  se  soumettre  à  celui  de 
Lyon  ;  et  c'est  peut-être  ce  qui  porta  Didier, 
évèque  de  Cahors,  à  donner  la  qualité  de  pa- 
triarche à  Sulpice  de  Bourges  son  métropoli- 
tain, et  chef  de  la  première  aquitanique. 


DES  PATRiAKCIlKS  NUI  VEAl  \  LATINS. 


11 '.t 


CHAPITRE    VINGT-DEUXIÈME. 


DES    PATRIARCHES    NOUVEAUX  DES  L.VT1.>S    AUX    IH  ITIÈ5IE,    NEUVIÈME    ET    DIXIÈME   SIÈCLES. 


I.  Ces  patriarcats  n'ont  clé  que  des  titres  d'haaoear,  le  plus 
souvent  même  sans  droit  de  préséance.  Exemples  des  patriar- 
ches de  Grade  et  d'Aquilée. 

II.  Diverses  révolutions  de  ces  deux  petits  patriarcats,  qui 
n'avaient  point  de  métropoles  subalternes. 

III.  Les  Bulgares  demandant  un  patriarche ,  le  pape  Nico- 
las l"  leur  lit  connaître  que  ce  patriarche  ne  serait  autre  chose 
qu'un  métropolitain , 

IV.  Et  qu'ils  ne  pouvaient  l'attendre  que  du  Saint-Siège. 

V.  Le  patriarcal  de  Bourges  ne  fut  non  plus  d'abord  qu'une 
métropole. 

VI.  Mais  quand  Charlemagne  érigea  le  royaume  d'Aquitaine, 
Bourges,  qui  en  était  la  capitale,  devint  un  patriarcat,  ou  une 
primalie,  qui  eut  sous  sa  juridiction  les  métropoles  de  Bor- 
deaux, d'Auch  et  de  Narbonne. 

VII.  L'extinction  du  royaume  d'Aquitaine  et  l'érection  des 
dachés  de  Narbonne  et  de  Guienne  rumèrent  la  primatie  de 
Bourges. 

I.  Les  patriarches  nouveaux  des  siècles  moyens 
n'ont  efTectivement  possédé  que  des  titres 
d'honneur,  sans  aucune  prérogative  considé- 
rable, et  peut  être  même  sans  avoir  le  pas  ou 
la  i)réséance  sur  ks  autres  métropolitains. 
L'empereur  Charlemagne ,  dans  sa  lettre  à 
Elipand  et  aux  autres  évèques  d'Espagne , 
nomme  l'archevêque  de  Milan  avant  le  pa- 
triarche d'A(]uilée  ou  de  Frioul.  «  Sacerdotes 
Ilaliœ  cum  l'etro  Mediolanensi  archiepiscopo  et 
Paulino  Foi'ojulianensi,  vel  Aquiiiaacnsi  pa- 
Iriarcha,  viris  in  Domino  venerabilibus  Conc. 
Gallic.  tom  ii,  p.  185  ;  ibid  p.  284  ;  epist.  cxii, 
cxiii).  » 

Le  pape  Adrien  envoya  au  même  Charle- 
magne une  lettre  du  patriarche  de  Grade  dans 
le  concile  de  Pavie,  tenu  en  833;  le  patriarche 
André  n'est  nonnué  qu'après  l'archevêque  An- 
gilhert.  Alcuin  donne  toujours  la  qualité  de 
patriarche  a  Paulin,  dans  les  lettres  qu'il  lui 
écrit.  Le  moine  de  saint  Gai  montre  bien  (jiie 
ce  n'est  qu'un  nom  magnifique,  qui  netait 
soutenu  d'aucune  juridiction  extraoïdinaire, 
quand  il  dit  que  Charlemagne  alla  visiter  l'évê- 
que  de  Frioul,  que  les  modernes  appelaient 
patriarche.  «  Episcopus  civitatis  illitis,  aut 
ut  modernorum  loquar  consuetiidiiie ,  jm- 
Iriarcha,  etc.  (L.  ii.  2ij.  .\nno  831).  »  Eginbard, 
dans  ses  annales,  donne  le  titre  de  patriarche  a 
l'évéque  de  Crade  Forlunat. 


IL  Nous  avons  remarqué  ailleurs  que  les 
rois  d'Italie  donnaient  la  qualité  de  patriarche 
à  leurs  mélro|)olitains  ;  ipie  cette  qualité  fut 
encore  pluso|iiniàtrénient  affectée  par  les  évè- 
ques d'Aiiuilée.  Elie  et  ses  successeurs,  pour 
donner  plus  de  couleur  et  un  éclat  imaginaire 
au  schisme  des  trois  chapitres,  dans  leiiuel  ils 
s'étaient  jetés. 

Quand  les  empereurs  de  Constantinople  eu- 
rent reconquis  cette  contrée,  ils  donnèrent  la 
([uahté  de  patriarche  de  la  nouvelle  Aquilée  à 
l'évéque  Candidien  de  la  conununion  catho- 
lique, et  le  firent  résider  dans  l'île  de  Crade, 
où  les  évèques  schismati(iuesd'A(|uilée  avaient 
aussi  ijuelquefois  résidé  et  lui  avaient  donné  le 
nom  de  nouvelle  Aquilée.  Ainsi  cette  métropole, 
sous  le  titre  de  patriarche,  fut  coupée  en  deux  ; 
les  Lombards  appuyèrent  toujours  le  pa- 
triarche schismatique,  comme  les  papes  et  les 
exarques  prirent  la  défense  du  catholi([ue. 

Le  patriarche  d'Aquilée  renonça  enfin  au 
schisme,  et  retint  sa  qualité  en  transférant  son 
siège  premièrement  au  village  de  Cormans, 
puis  à  la  ville  de  Frioul,  au  rajiport  de  Paul 
Diacre  dans  son  histoire  des  Lombards,  qui  dit 
iiue  ce  dernier  changement  arriva  sous  le  roi 
Luitprand.  Depuis  les  mêmes  prirent  le  nom 
de  patriarches  d'Aquilée  et  de  Frioul.  Voilà 
donc  deux  titres  de  patriarches  catholiques, 
Aquilée  et  Grade,  sans  aucun  privilège  sur  les 
autres  métropolitains ,  jusqu'au  temps  de 
Léon  VIII.  pape,  en  l'an  980,  qui  leur  donna  la 
préséance  au-dessus  de  tous  les  autres  métro- 
politains d'Italie.  Ce  qui  ne  fut  encore  (juune 
préséance  d'honneur  sans  aucune  juridiction 
sur  d'autres  métropolitains.  Enfin  le  pape 
Léon,  en  10.30,  fit  un  nouveau  partage  entre 
ces  deux  patriarclios,  dont  celui  de  Crade  fut 
transféré  à  Venise. 

m.  Pour  faire  mieux  connaître  que  ces  pa- 
triarcats n'étaient  cjue  de  simples  métropoles, 
il  faut  appeler  l'attention  sur  la  lettre  du  pape 
Nicolas  L%  qui  fut  sa  réponse  aux  consultations 
des  Bulgares.  Car  ces  peuples  lui  avaient  de- 


1-20 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS,  —  CHAPITRE  YINGT-DEI'XIÈME. 


mandé  s'il  leur  était  permis  de  créer  un  pa- 
triarclie  :  «  Requisislis,  si  liceat  in  vobis  patriar- 
cham  ordinari  Cap.  7-2].  »  Ce  titre  sjiécieux  de 
patriarche  tlattait  apparenunent  l'ambition  du 
roi  et  de  la  nation  des  Bulgares,  pour  suivre 
de  prés  les  empereurs  de  Constantinople.  dont 
l'empire  était  rehaussé  par  les  Eglises  patriar- 
cales. Le  pape  leur  répondit  qu'il  fallait  pre- 
mièrement leur  donner  des  évêques,  au-dessus 
desquels  ou  établirait  avec  le  temps  sinon  un 
patriarche,  au  moins  un  archevêque  :  «  Qui  si 
non  patriarcha,  certe  archiepiscopus  appellan- 
dus  sit.» 

IV.  Les  Bulgares  ayant  ensuite  demandé 
qui  est-ce  qui  leur  devait  ordonner  uu  patriar- 
che :  «  A  quo  sit  patriarcha  ordinandus,  inter- 
rogatis,  »  le  pape  leur  répondit  ([u'iin  nouveau 
patriarcat  ou  archevêché  ne  pouvait  être  créé 
que  par  une  puissance  ecclésiasticiue  supé- 
rieure :  «  Scitote  (|uia  in  loco,  ubi  nunquam 
patriarcha  vel  arcliiepiscopus  coustitutus  est, 
a  majori  est  penitus  instituendus  (Cap.  73).  » 
Enfin,  ce  pape  répond  qu'ils  ne  doivent  atten- 
dre leur  patriarche,  ou  leur  archevêque,  (jue 
du  siège  de  saint  Pierre,  qui  est  comme  le 
sommet  de  l'épiscopat  et  de  l'apostolat  :  «  Vos 
sive  patriarcham,  sive  archiepiscupiuu,  sive 
eijiscopum  vobis  ordinari  postuletis,  a  nemiue 
uunc  velle  congruentius,  ([uam  a  pontifice  se- 
dis  beali  Pétri,  a  quo  et  ejiiscopatus  et  apitsto- 
latus  sumpsit  initium,  hune  ordinari  vale- 
tis,  etc.  » 

V.  Le  titre  patriarcal  de  Bourges  est  tout 
semblable  à  ceux  dont  nous  venons  de  parler. 
Le  pape  Adrien  1"  accorda  aux  prières  de 
Charlemagne  le  pallium  qu'il  avait  demandé 
pour  Ermembert,  archevêque  de  Bourges  (An. 
78G).  Ce  i)ape  apprélienda  d'abord  (|ue  ce  pré- 
lat ne  fut  lui-même  soumis  à  quelque  autre 
métropolitain,  mais  enfin  Ermembert  lui  ayant 
fait  connaître  qu'il  ne  rele\ail  d'aucun  autre 
métropolitain  :  «  Confessus  est,  ut  sub  nuUius 
archiepiscopi  jurisdictione  videretur  esse,  »  il 
satisfit  à  ses  désirs,  et  eu  lui  donnant  le  pallium 
le  déclara  archevêciue  et  métropolitain  de 
Bourges  :  «  Archiepiscopo  constituto  in  metro- 
politanam  civitutem,  qux  lïiturica  cognomi- 
natur;  sicut  dudum  mos  extitit;  sub  jure 
sanctic  Romana;  Ecclesiœ  degenti,  usum  |)allii 
concessimus,etc.  (Conc.Gallic.tom.  m,  \).  llS).» 
Si  cet  archevècjue  eût  dès  lors  prétendu  (jud- 
que  droit  sur  d'autres  métroi)oles,  il  l'eût  sans 
doute  fait  valoir  dans  une  occasion  si  favorable, 


et  il  en  eût  demandé  la  confirmation  au  Saint- 
Siège. 

VI.  Mais  le  même  Charlemagne  ayant  érigé 
le  royaume  d'A(iuitaine  en  faveur  de  son  fils 
Louis  le  Débonnaire,  et  lui  ayant  soumis  les 
trois  Aquitaines,  Bourges,  Bordeaux  et  Eause 
ou  Auch,  qui  s'éleva  eu  la  place  d'Eause,  après 
(|u'elle  eut  été  désolée,  Bourges,  qui  était  la 
capitale  de  la  première  Aquitaine,  devenant 
aussi  la  capitale  de  ce  nouveau  royaume,  et 
commençant  d'exercer  une  nouvelle  juridiction 
sur  Bordeaux  et  sur  Auch,  et  même  sur  Nar- 
bonne  (jui  n'était  pas  comprise  dans  les  Aqui- 
taines, mais  qui  se  trouvait  renfermée  dans  les 
bornes  de  ce  nouveau  royaume  ;  la  qualité  de 
patriarche  fut  apparemment  donnée  au  prélat 
de  cette  nouvelle  primatie,  comme  très-conve- 
nable au  premier  métropolitain  d'un  royaume 
entier.  Nous  avons  fait  remarquer  ailleurs  plu- 
sieurs exemples  semblables  du  titre  patriarcal 
attribué  au  premier  archevêque  d'un  royaume. 

Cratien  a  inséré  dans  son  décret  une  partie 
de  la  lettre  du  pape  Nicolas  I"  à  Rodolphe,  ar- 
chevêque de  Bourges,  où  ce  pape  lui  fait  sa- 
voir qu'il  a  reçu  les  plaintes  de  Sigebod,  ar- 
chevêque de  Narbonne,  sur  les  entreprises 
(ju'il  a  faites  dans  son  diocèse,  comme  si  son 
|)atriarcat  lui  avait  acquis  ce  droit  :  Quasi  jure 
liatriarchatus  lui  disponas  i9.  i\.  ;i,  c.Conques- 
tus;.  »  Et  comme  il  n'avait  aucim  juste  fonde- 
ment d'exercer  cette  juridiction  inuuédiate 
sur  un  autre  diocèse  que  le  sien,  il  lui  ordonne 
de  se  contenter  de  recevoir  et  de  juger  les  ap- 
pel? qui  seront  iiortés  devant  lui  comme  de- 
vant lui  patriarche,  qui  a  cette  sorte  de  juri- 
diction sur  les  métropoles  de  son  ressort.  «  Nisi 
forte  i)ro  causis  (]ua?  a|nid  se  terminari  non 
possunt,  ad  te  quasi  ad  patriarcham  suum  pro- 
vocaverint  per  appellationes,  vel  si  episcopus 
suus  decesserit,  res  Ecclesiœ  sua'  judicio  tuo 
dispensare  voluerit  (Conc.  Callic.  tom.  lu, 
p.  -235).  » 

VII.  Si  cette  lettre  du  pape  Nicolas  \"  est  bien 
avérée,  elle  confirme  sans  doute  le  patriarcat, 
c'est-à-dire  la  ])rimatie  de  Bourges  sur  Nar- 
bonne  même.  Car  rarchevêipie  de  Narbonne 
n'avait  formé  de  plaintes  (jue  sur  la  juridiction 
iuunédiate  que  le  primat  exerçait  dans  son 
diocèse,  et  le  pape  ne  blâme  que  cet  exercice 
inuuédiat  de  juridiction,  autorisant  d'ailleurs 
les  ;ip])els  i|ui  se  feront  au  primat,  comme  un 
droit  fondé  sur  l'antiquité.  «  Primates  enim 
vel  palriarchasniliilprivilegii  habereprae  caete- 


1>ES  l'ATRlAHGHES  DE  (".RA1>E,  DE  VENISE,  ETC. 


I    t.i 


121 


ris  episcopis,  nisi  quantum  sacri  canonrs  con-  (".uifiine  ayant  ('té  dissipé,  la  (lucliù  de  Nav- 

cediint,  et  prisca  constietiulo  illis  anticiuiliis  Iioiuil' cl  cfllo  do  ("iiiionnc  furent  enfin  érigées, 

eontiilit,  dolininius.  »  Ives  de  (Miarlres  avait  ce  (nii  fit  (pie  Xarluinne   et  Kordeaux  «econc- 

eité  cette  lettre  avant  Ciratien.  Nous  dirons  ci-  renl  le  jonu  de  la  priinatie  de  Bourges, 
après  (chap.  xxxv),  comment  le  royaume  de 


CHAPITRE  VINGT-TROISIEME. 


■/.i 


•». .  i 


DES   PATRIARCHES    PE    CRAnE.    VF.    VENISE.    n'AQVII.ÉE    ET   DES   BULGARES    APRÈS    l'AN    MU..       '     " 


I.  Le  corps  de  saint  Marc,  retrouvé  à  Venise,  semblait  y  pré- 
sager la  dignité  patriarcale. 

II.  Quand  et  comment  le  patriarcat  de  Grade  y  fut  transféré. 

III.  Etendue  du  patriarcat  de  Grade. 

IV.  Sa  différence  avec  celui  d'Aqnilée. 

V.  EléTulion  de  ces  deux  patriarches  au-dessus  des  patriar- 
ches anciens. 

VI.  .ancienne  grandeur  de  Grade  et  d'.^quilée. 

VII.  Du  patriarcat  ou  priinalie  des  Bulgares,  à  Trinove,  qui 
est  l'ancienne  Justinicnne. 

VIII.  De  la  priniatie  de  Thessalonique.  ' 

I.  Le  corps  du  bienheureux  saint  Marc,  évan- 
géliste,  ayant  été  retrouvé  à  Venise  (Anno  1094), 
on  y  célébra  une  solennité  «pii  semblait  pré- 
sager à  celte  puissante  ville  la  dignité  patriar- 
cale qui  y  fut  transférée  de  l'île  de  (irade, 
comme  nous  Talions  voir.  Pierre  Daniien  avait 
comme  auguré  cet  accroissement  de  dignité, 
lorsque,  parlant  de  cette  découverte,  il  disait 
([ue  cette  Eglise  montait  en  quelque  façon  au 
rang  des  Eglises  apostoliques .  en  possédant 
le  corps  d'un  prélat  apostolique,  et  qu'elle  s'ap- 
Itrochait  de  plus  près  du  siège  suréminent  de 
Pierre  en  devenant  elle-même  le  trône  de  son 
cher  disciple.  «  Dum  in  tuo  gremio  virum  apo- 
stolicœ  gratiae  suscepisti ,  et  ipsa  quodammodo 
sedes  apostolica  fieri  meruisti.  Quamobreiu 
sicut  mater  urbium  Roma  super  omnia  régna 
terrarum  sublimatur  in  Petro  ,  sic  et  tu  velut 
ejus  insignis  fllia ,  per  Marcum  gloriaris  in 
Cliristo  iBaron.  Anno  Hmi.num.  3.S,  36,  Tf'.  » 

II.  Si  ce  ([ue  Dandule  a  écrit  est  véritable , 
que  Léon  IX  transféra  le  siège  patriarcal  de 
(".rade  àVenise  dans  le  concile  romain  en  loriO, 
et  que  dans  celui  de  Mantoue,  sous  Alexandre  II, 
la  même  chose  fut  confirmée  ;  il  faut  croire 
qu'on  ne  se  rendit  pas  à  ces  décrets,  ou  que 
l'obéissance  ne  fut  pas  longue.  J'ai  peine  d'en 


croire  Dandule  sur  sa  parole.  Ce  fut  le  pape 
Nicolas  V  qui  transféra  la  dignité  patriarcale 
de  (irade  à  Venise  (Baron.  An.  tO.'iO, n.  3).  vou- 
lant honorer  de  cette  éminente  qualité  la  vertu 
éminente  de  saint  Laurent  Juslinien,  qui  en 
était  déjà  évèque.  Ce  pape  fit  cette  démarche, 
sans  en  avoir  pris  l'avis  du  duc  et  du  sénat, 
parce  qu'il  n'en  voulait  pas  avoir  le  refus,  sa- 
chant bien  (|ue  son  prédécesseur  Eugène  IV 
avait  inutilement  tenté  de  les  y  faire  consentir 
(Anno  14o0,  Rainald.  ad  eum  annum,  n.  19). 

Le  nouveau  patriarche  ayant  appris  que  le 
sénat  se  disposait  à  traverser  son  élévation, 
dans  la  crainte  que  ce  nouveau  degré  d'auto- 
rit(''  donnât  de  la  fierté  aux  évcques,  avec  les- 
quels il  ne  s'était  déjà  que  trop  souvent  brouillé, 
pensa  à  ménager  cette  occasion  favorable  non- 
seulement  pour  éviter  cette  augmentation  de 
dignitt'.  mais  pour  se  faire  entièrement  dé- 
charger de  l'épiscopat,  qui  lui  avait  toujours 
été  à  charge.  Mais  comme  ce  saint  homme 
ppnsait  à  faire  servir  à  son  rabaissement  les 
efforts  que  le  pape  faisait  pour  son  exalta- 
tion, le  duc  et  le  sénat  au  contraire  jugè- 
rent qu'une  humilité  et  une  modestie  si 
extraordinaires  méritaient  aussi  un  rehaus- 
sement dont  la  gloire  rejaillirait  sur  toute 
la  république.  «  Sic  quod  invidiosum  fuerat 
iii  (lignitate,  ex  mausuetissimis  saneti  ^iri  mo- 
ribus  gratissimum  factum  est.»  dit  fauteur 
de  la  vie  de  ce  saint  et  humble  patriarche 
Rolland.  Vita  B.  Laur.  Justin,  die  K  Januaris, 
cap.  s  . 

III.  Ce  ne  fut  effectivement  qu'une  transla- 
tion du  siège  patriarcal  de  Crade  h  Venise.  Car 
le  patriarche  de  Grade  avait  déjà  une  étendue 


1-2-2 


DU  l'IîEMIEli  Or.DIŒ  DKS  CLtKCS.  —  CIIAPITHE  VINGT-TUOISIÈME. 


fort  vaste  d'autorité,  selon  que  l'Etat  des  Véni- 
tiens portait  toujours  i)ius  loin  les  limites  de 
son  em|)ire.  ]>e  pape  Alexandre  IV  écrivant  au 
patriarche  de  Grade,  ne  se  contenta  pas  de  con- 
firmer  les  anciens  privilèges  accordés  à  son 
Efflise  [lar  tous  les  papes  précédents, en  remon- 
tant juscjua  Urbain  11  et  Léon  IX,  mais  il  lui 
donna  ou  confirma  aussi  la  supériorité  sur 
rarclit'vê(|ue  de  Zara  et  sur  tous  ses  suffraj^anls, 
avec  pouvoir  de  le  consacrer,  à  cette  condition 
néanmoins  (pi'il  ne  pourrait  recevoir  le  pal- 
liuui  (jne  du  jiape  :  «  Romano  quidem  ponti- 
fici  tradilioiie  pallii  reser\ala  (Kainal<l.  aniio 
1240,  n.  40).  »  Cette  autorité  du  patriarche 
de  Grade  sur  le  métropolitain  de  Zara  était 
plus  ancienne,  puisque  Innocent  III  écrivit 
aux  Vénitiens  que  le  Siège  apostoliciue  avait 
érigé  Zara  en  métropole,  afin  cju'ils  pussent 
avoir  un  vrai  patriarche,  qui  eût  des  mé- 
tropolitains sous  lui  :  «  Ut  Ecclesia  vestra  non 
solo  nomine  ,  sed  pleno  jure  patriarchalem  di- 
gnitatem  haheret,  cum  ei  subjecta  foret  melro- 
jiolis  Jadertina  (Gesta  Innoc.  III,  pag.  ll'i.  Et 
Regist.  I,  epist.  Dxxxvn).  » 

Les  mêmes  actes  de  ce  pape  font  néanmoins 
voir  (jiie  le  métropolitain  de  Zara  ne  pouvait 
recevoir  le  pallium  ([ue  du  pape.  En  (juoi  ces 
petits  patriarches  étaient  distingués  des  vrais 
palriarches  de  l'Orient,  qui  donnaient  le  pal- 
lium a  leurs  métro[iolitnins.  Enfin,  connue 
nous  le  dirons  plus  amplement  ailleurs  (chaii. 
2'.») ,  ce  pape  donna  au  |iatriarche  de  Grade  la 
charge  et  la  conduite  de  tous  les  sujets  de  la 
républi(iue  répandus  dans  les  Etats  de  l'em- 
])ire  de  Gonstantinople,  avec  pouvoir  d'y  éta- 
blir des  évèiiues  dans  tous  les  lieux  où  les  Vé- 
nitiens posséderaient  plusieurs  Eglises. 

Après  cela  il  faut  avouer  que  la  qualité  de 
patriarche  de  Grade  et  de  Venise  était  appuyée 
d'une  puissance  assez  grande  et  assez  étendue, 
puis(|u'elle  dominait  sur  des  archevêques  et 
(prdle  s'èlendait  en  quelque  façon  aussi  loin 
(|ue  l'empire  de  Gonstantinople.  Le  pouvoir 
même  de  créer  de  nouveaux  évéchès  pour  ceux 
de  la  naliou  n'est  pas  un  avantage  peu  consi- 
diMahle. 

IV.  Les  empereurs  de  Gonstantinople  s'étant 
autrefois  saisis  des  contrées  maritimes  des  |vro- 
vinces  d'Istrieet  de  Venise,le  patriarcat  d'Aijui- 
lée  futdivis('  en  deux,  dont  le  patriarche  d'A(iui- 
lée  ,  (ju'on  appela  aussi  de  Friouli ,  parce  qu'il 
transféra  son  siège  à  Frioul ,  gouverna  les 
Eglises  sujettes  à  l'empire  grec  :  et  le  patriar- 


che de  Grade  prit  la  conduite  du  reste  de  l'is- 
trie,  qui  demeiu'ait  sous  les  Vénitiens  et  était 
plus  étroitement  attaché  à  la  comnmnion  ro- 
maine. Aussi  on  appela  le  patriarche  de  Grade 
patriarche  du  pays  de  Venise  et  d'Istrie.  On  lui 
donna  aussi  le  nom  de  patriarche  de  la  nou- 
velle A(iuilèe,  parce  que  Grade  même  fui  nom- 
mée la  nouvelle  Aquilèe  comme  étant  un  dé- 
membrement du  italriarcat  d'A(|uilée. 

G  est  ajiiiarenunent  de  ce  jialriarcatd'Aquilèe 
qu'il  faut  entendre  Luitprand,  quand  il  dit  que 
saint  Pierre,  ayant  établi  le  trône  de  ra|)()stoiat 
a  Rome,  envoya  son  disciple  Marc  forider  l'Eglise 
d'Alexandrie,  mais  que  saint  Marc  en  passant 
fonda  auparavant  l'Eglise  d'A(]uiIée.  «  Ita  ut 
A(]uileiensemipse  primo  institueret(Luitprand. 
ilist.  1.  IV,  c.  3).  »  C'était  un  bruit  (|ui  avait 
cours  en  ce  temps-là.  L'an  1044  le  pape  Be- 
noit IX  se  laissa  surprendre  par  Popon,  patriar- 
che d'.\(|uilèe.  et  lui  donna  un  privilège  de  su- 
périorité sur  Grade,  mais  il  le  révoijua  après  la 
mort  de  Popon,  aux  instances  du  duc  de  Venise 
(Baron,  ad  An.  1044,  n.  3). 

Le  pape  Léon  IX  ordonna  par  une  de  ses  iet-' 
très  aux  évêques  du  pays  de  Venise  et  d'Istrie  de 
rendre  obéissance  au  patriarche  de  Grade,  au- 
quel il  donne  toutes  ces  qualités  que  nous  ve- 
nons de  rapporter  :  «  Relectis  privilegiis  a 
sancta  et  aposlolica  Sede  sibi  concessis,  judicio 
tolius  synodi  hoc  definiUun  fuit, ut  nova  Acjui- 
leia  totius  Venetiaj  et  Istriic  caput  et  metropolis 
perpetuo  haberetur,clc.  Cum  Gradensis,  id  est, 
nov;e  Aquileiic  patriarcha,  etc.  (Léo  IX,  e|).  u, 
Anno  lO'iO).  »  Le  même  concile  romain  ,  ([ui 
ri'gla  le  ressort  du  patriarche  de  Grade,  resserra 
le  patriarcat  d'Aiiuilèe  dans  la  seule  Lombardie, 
suivant  l'ancien  règlement  du  pape  Grégoire  II 
confirmé  ])ar  Grégoire  III  :  «  Forojuliensis  vero 
aniistes  tantunnnodo  flnibus  Longobardorum 
csset  conlentus,  juxta  privilegium  Gregorii  II 
et  retractationem  m.  » 

Ce  pape  se  plaint  au  même  endroit  des  fré- 
(|iieiites  désobéissances  du  patriarche  de  Frioul, 
(pii  avait  relusé  quatre  diverses  fois  d'assister 
au  synode  romain  où  il  avait  été  convié,  au  lieu 
(pie  celui  de  Grade  s'y  était  trouvé  cinq  fois 
sans  y  être  appelé.  Il  est  probable  que  le  pa- 
triarche de  Friouli  conservait  ses  anciennes 
iiilelligences  avec  l'empereur  et  le  patriarche 
de  Gonstantinople,  qui  eut  alors  et  qui  avait 
fort  souvent  des  démêlés  avec  l'Eglise  romaine. 
Après  cela  il  n'est  pas  surprenant  (|ue  l'Eglise 
de  tirade  ait  emporté  de  grands  avantages. 


DES  PATUIAHCHES  1>K  (.KAIH:.  HK  VKMSK.  KTC. 


i-13 


Le  patriarche  Domiiiujue  de  Grade,  en  la- 
veur duquel  Léon  IX  écrivit  cette  lettre,  fut 
envoyé  lui-niènic  a  (loiistanlinopie  vers  IVin- 
pereur  Michel  par  le  pape  (.ré^'oire  VU  pour 
rétahlir  la  bonne  intellitîence  entre  les  deux 
E^dises,  et  il  nous  a  api)ris  lui-niênie  dans  sa 
lettre  a  Pierre,  patriarclie  d'Antioche,  ipie  sou 
Ej<lise  se  vantait  d'avoir  pour  fondateur  l'évan- 
î^éliste  saint  Marc,  d'être  la  seule  patriarcale 
d'Italie,  et  ijue  dans  les  conciles  roniauis  elle 
avait  l'honneur  de  prendre  séance  à  la  (Irt)ite 
du  pape.  Le  patriarche  d'Antioche  lui  répliqua 
qu'il  ne  reconnaissait  que  ciiKj  patriarclics, 
que  la  qualité  même  de  patriarche  était  pro- 
prement affectée  à  celui  d'.\ntioche,  parce  (jue 
les  pontifes  de  Rome  et  d'Alexandrie  ont  pris  le 
titre  de  pape,  ceux  de  Constantinople  et  de  Jé- 
rusalem ont  reçu  celui  d'archevêques  ;  mais 
que  l'évéque  de  Grade  se  dit  peut-êlre  patriar- 
che de  la  même  manière  que  les  prélats  orien- 
taux, qui  ont  séance  dans  les  conciles  inuue- 
diatement  après  les  patriarches,  sont  appelés 
prototrônes,  exarques  et  procdres  (Marca  de 
Primatu  Lugdun.j. 

V.  Le  patriarche  de  Grade  ne  prétendait  pas 
lui-même  s'élever  au  rang  des  anciens  patriar- 
ches, lui  qui  ne  pouvait  pas  même  avoir  joui 
depuis  fort  longtemps  de  cette  séance  d'hon- 
neur à  la  droite  du  pape.  Car  nous  apprenons 
d'une  lettre  du  pape  Clément  11  (jue  tlans  un 
concile  romain,  après  une  longue  contestation 
sur  ce  sujet  entre  les  archevêques  de  Ravenue 
et  de  Milan  et  le  patriarche  d'Aquilée,  il  avait 
enfin  été  résolu  que  la  droite  du  pape  serait 
occupée  par  l'empereur,  s'il  était  présent,  et 
par  l'archevêque  de  Ravemie  en  son  absence. 
Le  pape  Grégoire  Ml  fut  obligé  de  faire  res- 
souvenir le  duc  et  le  peuple  de  Venise  que 
leur  pays  était  honoré  de  la  dignité  de  pa- 
triarche :  «  Scitis  qiioniam  pra'  multis  terra- 
rum  partibus  divina  dispensatio  terram  ve- 
stram  patriarchalus  honore  sublimavit  (Ann. 
i0i6.  Concil.  tom.  ix,  pag.  12oii  :  »  et  qu'il  était 
houleux  qu'ils  eussent  laissé  tomber  une  di- 
gnité si  relevée  dans  une  si  extrême  pauvreté, 
que  le  patriarche  Dominique,  prédécesseur 
immédiat  de  celui  en  faveur  duquel  il  écrivait, 
avait  été  en  résolution  d'abandonner  son 
siège. 

Un  patriarche  si  peu  respecté  parmi  les  siens 
n'avait  garde  de  s'en  faire  accroire  ailleurs. 
Mais  il  est  vrai  que  le  Saint-Siège  a  toujours 
pris  sa  défense.  Le  pape  Adrien  lY  confirma  la 


dignité  patriarcale  de  l'évéque  de  Grade,  cl  sa 
supériorité  sur  l'archevêque  de  Zara  (Conc. 
tom.  X.  .\drian.  iv,  epist.  xxxvu,  xxxvui). 
l>ans  le  concile  l"  de  Lyon  on  dres.si  d'abord 
trois  sièges  plus  éminenis  (pic  les  autres  vis-a- 
vis de  celui  du  jiape,  iioiir  les  palriaiclies  de 
Corislautiuople,  d  .\iitioclie  et  d'.Vtpiilee.  Les 
[trélals  s'opposèrent  à  cette  préférence  du  pa- 
triarche d'.\quilée,  et  son  trône  fut  renversé  ; 
mais  le  pape  le  fit  rétablir  (Aiiuo  I:2i5.  Concil. 
tom.  u,  part,  i,  p.  6:^^).  Et  pour  le  temporel,  le 
pape  Eugène  IV  ayant  transféré  de  l'évêchè 
de  Florence  au  patriarcat  d'Aquilée,  le  vénitien 
Louis ,  il  écrivit  au  duc  de  Venise  de  remet- 
tre entre  les  mains  de  ce  patriarche  vénitien 
la  province  de  Frioul  que  les  Vénitiens  avaient 
usur[iéc  sur  son  prédécesseur  qui  la  possédait 
comme  le  patrimoine  de  son  Eglise  ;  ce  qui 
avait  porté  le  concile  de  Bàle  à  lancer  sur  eux 
les  foudres  de  rexcommuiiication.  Enfin,  ce 
pape  proteste  (jue  si  le  duc  refuse  une  restitu- 
tion si  juste,  il  donnera  la  conduite  d'une 
autre  Eglise  au  patriarche  Louis,  et  que  la  no- 
mination du  patriarche  d'Aquilée  tombera 
entre  les  mains  de  l'empereur,  qui  se  gardera 
bien  d'y  nommer  un  vénitien,  parce  que  c'est 
un  poste  important  et  une  des  premières  di- 
gnités de  l'empire  :  «  Cum  sit  ex  principaliori- 
bus  regni  dignitatibus  (Rainald.  An.  440,  n. 
11).  1) 

Il  y  a  apparence  que  les  empereurs  y  avaient 
ordinairement  pourvu,  jinisque  le  i)a[)e  assure 
au  même  endroit  qu'il  n'y  avait  jamais  eu  de 
|iatriarche  vénitien.  iNous  avons  vu  cette  con- 
t(  station  renaitre  eu  nos  jours  entre  le  pape  et 
l'empereur,  le  pape  Urbain  VIll  y  ayant  nommé 
un  vénitien,  et  l'emiieieur  lui  en  ayant  fait 
faire  des  protestations  pour  la  défense  de  ses 
droits  (Spondanus.  Anno  1628). 

VI.  11  n'est  pas  étrange  que  la  ville  d'Acjuilée 
qui  était  une  seconde  Rome  pendant  la  puis- 
sance des  romains,  qui  a  été  si  signalée  entre 
les  Eglises  Occidentales  pendant  les  premiers 
et  les  plus  florissants  siècles  de  l'Eglise,  qui 
a  tenu  un  si  gTand  rang  pendant  l'empire  des 
Goths  dans  l'Italie,  et  qui  a  peut-être  dès  lors 
pris  la  qualité  de  patriarche,  comme  prédomi- 
nante dans  l'empiredes  Goths  en  Italie,  comme 
plusieurs  autres  Eglises  se  donnèrent  le  même 
titre  par  une  raison  toute  semblable:  il  n'est 
pas  étrange,  dis-je,  que  même  après  tant  de 
désolations  qu'on  peut  lire  dans  l'histoire,  elle 
se  soit  encore  conservée  dans  ses  anciennes 


1-21 


Dr  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VlNGT-TROISlÉME. 


prérogatives;  puisque  dans  les  siècles  moyens 
se  trouvant  sur  les  frontières  des  deux  empires, 
et  des  <leux  Eglises  de  Rome  et  de  Constan- 
tinople.  elle  a  pu  se  ménager  en  sorte  ([ue  les 
pa])es,  les  patriarches  de  Constantinojjle  et  les 
empereurs,  ont  travaillé  comme  par  émulation 
à  l'agrandir  et  à  la  joindre  à  leurs  intérêts  par 
les  siens  propres. 

Paul  Diacre  assure  lui-même  ([uavant  la 
descente  des  Loml)ards  en  Italie,  Paul,  évêque 
dAcjuilée,  prenait  la  qualité  de  patriarche  ;  et 
que  ce  fut  p<Mn-  éviter  les  insultes  de  ces  l)ar- 
hares  (pi'il  transféra  son  siège  dAquilée  en  lîle 
de  Grade:  «  Paulus  patriarcha,  Longobardorum 
barhariem  mcluens.  ex  Aquileia  ad  Cradi  in- 
sulain  confugit,  secumquc  omnem  thesaurum 
Ecclesiœ  suae  portavit  (Anno  568,  Paulus  Dia- 
con.  1.  u,  c.  7  et  1.  iv.  c.  3i,  et  I.  vi.  c.  RI).  » 
Sigonius  ajoute  que  Cisulfe,  duc  lombard  de 
Frionli,  s'élant  converti,  fit  élire  un  patriar- 
che à  Aquilée,  qui  présida  aux  conquêtes  des 
I.omliards  dans  le  continent  Anno  m^,,  Sigo- 
nius L.  II  de  regno  Ital.).  Ceux  de  Grade  con- 
tinuèrent d'élire  un  patriarche,  ta  qui  les  côtes 
delà  mer  et  tous  les  paysdistrie,  qui  obéissent 
encore  aux  empereurs  de  Constantinople  fturnt 
soumis.  Paul  Diacre  dit  la  même  chose,  et 
assure  qu(!  dès  lors  il  y  eut  deux  patriarches  : 
«  Ex  illo  tempore  duo  cfpperunt  esse  patrinr- 
chic.  11  Les  courses  des  ennemis  Ibrcéreril  les 
patriarches  d'Aquilée  de  se  retirer  dans  la 
]ihue  forte  de  Ciutatde  Frinuli.  onFnnimJiih'i. 
d'où  ils  jiassèrent  encore  à  Udin.  l'thnim.  Ce 
(|ui  fiiit  donner  tant  de  ditt'érents  noms  à  ce 
patriarche  di'  l'ancienne  Aquilée. 

VIL  II  est  temps  de  passer  à  rarchevèque 
des  Bulgares,  à  qui  le  pape  .Nicolas  I"  donna 
je  titre  de  patriarche,  en  la  manière  que  cette 
auguste  (piaiité  était  limitée,  et  réduite  à  un 
(■tat  fort  médiocre  quand  on  rattril)uait  a 
d'autres  qu'aux  quatre  anciens  patriarches 
(Epist.  ad  consulta  Rulgar.).  La  métropole  des 
Rulgares  était  celle  qu'on  avait  autrefois  aj)- 
peléc  la  première  .lustinienne,  l'ouvrage  de 
l'empereur  Justinien.  (pii  lui  avait  procuré 
tous  les  avantages  possibles,  et  entre  autres  le 
vicariat  du  Saint-Siège,  c'est-à-dire  la  qualité 
de  primat.  On  n'y  parla  point  alors  du  nom 
de  patriarche.  Mais  après  que  Nicolas  I"  eut 
comnumiqué  ce  titre  de  patriarche  à  rarche- 
vèque des  Bulgares  qui  avait  alors  établi 
son  séjour  dans  .\cride  ou  dans  la  Justinienne 
première,  le  [lape  Innocent  111  ne  lit  nulle  dif- 


ficulté de  le  lui  confirmer  ai)rès  (ju'il  eut  trans- 
féré son  siège  dans  Trinove.  ville  de  la  Vala- 
chie,  qu'on  nommait  alors  Blachie. 

Voici  les  termes  du  pape  Innocent  à  l'arche- 
vê<|ue  de  Trinove  :  «  Te  quoque  in  regno  Bul- 
gai'oiiun  et  Rlacchorum  priniatem  statuimus, 
nt  et  tu  et  successores  tui.  ([ui  tilii  in  apostolicîe 
Sedis  devotione  successerint ,  cfeteros  mefro- 
jiolitanos  lîulgaris  et  Blacchiip  pnecellatis  ra- 
fione  primatia?;  et  ipsi  tibi,  et  eisjuxta  formam 
canonicam,  reverentiam  primati  debitam  exhi- 
beant  et  honorem  (Rainald.  an  l-JOi.  n.  'M, 
;{S;.  »  Ce  savant  pape  ajoute  cet  article  consi- 
dérable pour  faire  estimer  la  gi'àce  qu'il  accor. 
(lait  au  roi  et  au  palriarche  des  Rulgares  ,  que 
la  qualité  de  primat  est  la  même  que  celle  de 
patriarche  :  «  Fraternitatem  tuam  scire  volentes, 
quod  ha-c  duo  noniina  apud  nos ,  primas  et 
patriarcha  pêne  periitus  idem  sonant ,  cum 
])atriarch;r  et  primates  unam  formam  teneant, 
licet  eorum  nomina  sint  diversa.  »  Enfin  ce 
pa[ie  ordonne  ([ue  les  métropolitains  qui  relè- 
veront de  ce  patriarche  reçoivent  de  lui  leur 
confirmation  et  leur  consécration  ,  mais  qu'ils 
envoient  demander  le  pallium  au  pape,  qui 
ne  le  leur  refusera  pas.  non  plus  (pi'à  leur  pa- 
triarche, quand  il  sera  nouvellement  élu. 

NicéphorusGrégorasfL.  n)  raconte  comment 
l'empereur  Basile  cliassa  les  Rulgares  de  la 
Macédoine,  et  par  conséquent  de  la,Instinienne 
première,  qui  s'appelait  aussi  Acride,  et  les 
obligea  de  se  retirer  dansIaMysie.  sur  le  Danube. 
C'est  où  les  Rulgares  érigi-rent  Trinoveenarche- 
vêché,  l'ayant  fait  exempter  de  la  dépendance 
on  elle  avait  toujours  été  de  la  première  Justi- 
nieiuie,  au  temps  qu'ils  firent  épouser  la  fille 
de  leur  roi  à  Théodore  Lascaris  ,  fils  de  l'em- 
jiereur  des  Grecs  :  «  Tune  Ternobi  episcopus 
libertatem  periieluam  impeirat  .  cum  ad  id 
us(iue  tempus  priniic  .lustiniantr  archiepiseopo, 
propter  veterem  illius  gentis  cognationem  pa- 
ruisset.  »  Le  pape  Innocent  III  se  renditd'autant 
])lns  facile  à  accorder  la  couronne  royale  au 
prince  des  Bulgares,  et  la  qualité  de  patriarche 
à  leur  nouvel  archevêque,  que  par  les  liens  de 
tant  de  bienfaits  il  attachait  plus  étroitement 
ci'tlc  nation  belliqueuse  au  parti  des  Latins, 
(pii  doiuinait  alors  dans  l'enqjire  de  Cons- 
tantinople. 

VIII.  Ce  même  pape  rétablit  aussi  l'ancrenne 
dignité  des  archevêques  deThessalonique,  dont 
l'ancien  vicariat  apostolique  méritait  avec  tant 
de  justice  le  titre  de  patriarcat;  il  est  hors  de 


DES  PRIMATS  DE  L'ASIE  DES  SIECLES  MOYENS. 


12." 


doule  que  culte  nouvelle  disposilion  dura  au     reut  l'iMn|iirr  de  C(iuslanliiui|ile  >  liimie.    liL 
moins  tout  le  temps  que  les  Latins  occupe-     Hegest.  \v.  Epist.  xviiii.  ,  i  ,  ,m! 


I'    M'    -    '' 


1     i  h  .1  '  1  ;  I    :  i  I   :  j 


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CHAPITRE  VINGT-QUATRIÈME. 


DES  PATRrARCHES   CATHOLIQUES,  Ol   PRIMATS  I)F.  L  ASIE,  Ql  1    SE    SONT  ELEVES  DANS  LES   SIECLES   MOYENS, 
PAR   LE    DÉMEMBREMENT    DES    PATRIARCATS    d'aNTIOCIIE    ET   DE   JKIUSALKM.  ' 


I.  Da  patriarche  el  de  l'Eglise  des  maronites.  . 

II.  Du  palriarclie  et  de  l'Eglise  des  jacobites. 

III.  Des  calhnliqiies  et  des  Eglises  des  .arméniens. 

IV.  Du  titre  de  calholiquc. 

V.  Distinction  de  deux  catholiques.  , ,    .  . 

VI.  Des  Franes-.\rménien?. 
VU.  Des  nesloriens. 

VIII.  Du  prêtre  Jean,  patriarche  des  nesloriens,  et  empereur 
dans  l'.\sie. 

IX.  Divers  patriarches  des  nestoriens,  et  leurs  réunions  avec 
l'Eglise  romaine. 

X.  Des  géorgiens. 

XI.  Divers  accommodements  de  ces  sectes  avec  le  pape. 

XII  Les  eulychiens  ne  tiennent  plus  la  confusion  qu'Eulychès 
niRtlait  des  deux  natures  en  J.-C. 

!   .  <';;  1      ,!/'      i 

I.  Comme  ces  patriarcats  ou  priraaties  n'ont 
été  ijue  des  démembrements  des  anciens  |ia- 
triarcats,  et  que  nous  n'avons  pu  traiter  de 
l'état  présent  de  ceux-ci ,  sans  touclier  leur 
origine,  il  sera  bon  d'en  parler  ici  lui  peu  plus 
au  long ,  avant  que  de  parler  des  patriarches 
latins  qui  ont  occupé  les  anciennes  Eglises  [ta- 
triarcales  de  l'Orient ,  ou  qui  en  retiennent 
encore  le  titre. 

Nous  commencerons  par  les  maronites  qui 
ont  tiré  leur  nom,  non  pas  de  la  ville  de  Maronia, 
qui  n'était  pas  loin  d'Antioche ,  selon  saint 
Jérôme  iln  vita  Malchi.  c.  xvi),  ni  du  saint 
religieux  et  prêtre  Maron,  dont  parle  Théodoret 
dans  son  histoire  religieuse,  et  dont  le  monas- 
tère paraît  avoir  été  si  célèbre  dans  le  concile 
de  Const;intinople  sous  Menas  ;  mais  de  l'héré- 
sianpie  Maron,  qui  donna  vogue  aux  erreurs 
des  monothélites  parmi  les  peuples  du  Mont- 
Liban. 

C'est  ce  que  nous  en  a  appris  Guillaume , 
archevêque  de  Tyr.  qui  en  était  proche,  et  qui 
dit  que  de  son  temps,  c'est-à-dire  cinq  cents 
ans  après  le  sixième  concile  général,  oii  les 
monothélites  avaient  été  condamnés,  les  ma- 


ronites se  réunirent  à  la  foi  de  l'Eglise  catho- 
lique avec  leur  patriarche  et  leurs  évêques,  et 
tirent  abjuration  de  leurs  erreurs  enti'e  les 
mains  d'Aimeric,([ui  l'ut  le  troisième  patriarche 
latin  d'Antioche  :  Ad  Ecclesiam  rediere  Catho- 
licam  una  cum  patriarcha  suo ,  et  episcopis 
nonnullis  (L.  xxii.  c.  8).  » 

Jacques  de  Viti-y,  qui  fut  évèque  d'Acre  en 
Syrie,  raconte  la  même  chose  et  ajoute  que  les 
maronites  en  même  temi>s  s'attachèrent  très- 
religieusement  à  toutes  les  coutumes  et  aux 
cérémonies  saintes  de  l'Eglise  romaine  ;  enfin 
que  leur  patriarche  assista  au  concile  général 
de  Latian,  sous  le  pape  Innocent  111  (Anno  t  IS"2). 
11  est  vrai  que  les  maronites  présents  se  don- 
nèrent la  gloire  de  descendre  du  saint  prêtre 
Maron,  dont  nous  avons  parlé,  et  de  son  illustre 
monastère,  et  que  dans  leurs  prières  ils  en  font 
mémoire.  Mais  quelle  est  la  nation  du  monde 
qui  ne  se  tlatte  uu  peu,  et  qui  ne  fasse  un  peu 
de  violence  à  l'histoire  pour  se  donner  de  plus 
nobles  aïeux? 

Les  maronites  étant  ensuite  tombés  dans 
(|uel(]ues  erreurs,  ou  dans  quelipie  refoidisse- 
ment  pour  l'Eglise  romaine,  l'an  liirj,  Eu- 
gène IV  envoya  en  Chypre  André,  archevêque 
de  Coloce,  en  Hongrie,  et  reçut  d'eux  une  con- 
fession de  foi  orthodoxe  (Uainald.  An  t.Mt, 
n.  ST  et  seq).  L'an  tittfl,  Paul  II  envoya  au 
patriarche  des  maronites  une  instruction 
e.vacte  de  la  foi,  comme  il  la  lui  avait  demandée. 
Enfin  le  pape  Léon  X  leur  envoya  des  mis- 
sionnaires apostoliques  de  l'ordre  de  saint 
François,  qui  trouvèrent  dans  leur  esprit  toute 
la  docilité  possible,  et  une  déférence  incroyable 
pour  le  Saint-Siège  (Rainald.  An  tfilfi,  n.  79). 
Aussi  les  envoyés  de  leur  patriarche  compa- 


126  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-QUATRIÈME. 


nirent  deux  ans  après  au  concile  de  Latran,  et 
y  lirent  profession  de  la  foi  de  l'Eglise  romaine. 
Le  pape  n'y  approuva  pas  la  qualité  de  patriar- 
che d'Antioche  que  leur  patriarche  se  donnait, 
parce  ([u'il  y  avait  déjà  un  autre  patriarche 
dAutioche  (Spondan.  An  to77,  \iM)  .  Le  pape 
Clément  VU  écrivit  au  patriarche  des  maro- 
nites, l'exhortant  a  demeurer  ferme  et  imnioliile 
dans  l'union  de  l'Eglise  romaine,  que  ses  |>ré- 
décesseurs  avaient  embrassée  sous  les  pa|)es 
Innocent  III  et  Eugène  IV.  Cette  union  fut 
enfin  consommée  sous  les  papes  Grégoire  Mil 
et  Clément  VIII. 

On  leur  a  permis  de  faire  les  officesde  l'Eglise 
eu  langue  chaldaïque,  c'est-à-dire  syria(iue. 
Quoique leurscérémonies  soient  les  jdus  apjiro- 
chantes  des  romaines ,  elles  ne  laissent  pas 
d'avoir  des  différences  fort  considérables  et  de 
tenir  beaucoup  des  pratiiiues  des  Grecs.  Ils 
donnent  la  communion  aux  petits  enfants,  ils 
la  donnent  sous  les  deux  espèces,  ils  ne  jeûnent 
point  le  samedi,  leurs  prêtres  et  leurs  diacres 
ne  sont  pas  obligés  au  célibat,  jjourvu  qu'ils 
aient  été  mariés  avant  leur  ordination.  Ils  ne 
séparent  pas  le  sacrement  de  confirmation  du 
baptême.  Ils  ne  disent  qu'une  messe  par  jour 
dans  une  Eglise  et  sur  un  même  autel,  si  une 
[ircssante  nécessité  ne  les  force  de  la  réitérer. 
Le  i)ape  Paul  V  permit  a  leur  patriarche  de 
donner  une  indulgence  pleniere  a  son  peu|)le 
une  fois  en  sa  vie. 

An  reste,  quoi(pi'()n  ait  écrit  (pie  ce  iieuple 
habite  le  Monl-liban,  au  nombre  d'environ 
([uarante  mille  :  il  ne  laisse  pas  d'y  avoir  en- 
core des  maronites  à  Alep,  à  Damas,  et  à  |)lu- 
sienrs  autres  endroits  de  Syrie.  Leur  patriarche 
fait  sa  résidence  ordinaire  dans  Cauobin.  (|ui 
est  un  monastère  bâti  dans  le  roc.  Ils  ont  un 
arcbevèi|ue  ipii  fait  son  séjour  dans  la  ville  de 
Heden.  Us  ont  aussi  des  évèques  (Vie  de  M.  de 
Chastu.  c.  15). 

II.  Passons  aux  jacobites,  qui  ont  tiré  leur 
nom  de  Jacques,  syrien,  qui  se  signala  sous 
l'empire  d'Anastase  par  son  ardeur  à  répan- 
dre tlans  toute  la  Syrie  la  secte  malheureuse 
d'Eulychès,  ensorbMjuedèsle  temps  d'Anastase 
le  Sinaïte,  patriarche  d'Antioche ,  (|ui  vivait 
avant  la  fin  de  vi''  siècle,  leseutychiens  de  Syrie 
portaient  déjà  le  nom  de  J.acobites  Anast. 
Syna.  in  iSr,-^û).  Cette  secte  s'étendit  dans 
toute  l'Asie  et  l'Afrique  sous  l'emiiirc  des  Sar- 
rasins. Jacques  de  Vitry  assure  (jue  le  bruit 
commun  était  qu'elle   avai    infecté  du  venin 


contagieux  de  sa  doctrine  plus  de  quarante 
royaumes  (Hist.  Hierosolym.  1.  i,  c.  75  .  Mais 
nous  ne  [tarions  ici  que  de  ceux  de  l'Asie,  dont  le 
patriarche  prend  aussi  la  qualité  de  patriarche 
d'.\ntioche.  du(|uel  relèvent  jibisieurs  métro- 
politains ou  archevêques,  dont  les  |>rinci|)aux 
sont  ceux  de  Jérusalem,  deMossoul,  de  Damas, 
d'Edesse  et  de  Chypre.  Le  patriarche  résidait 
autrefois  dans  le  monastère  de  Safran,  il  s'estde- 
puis  établi  dans  la  ville  de  Caraniit  i,Spond.  an. 
5771.  Il  y  a  aussi  à  Alep  un  évêque  jacobilc, 
(jui  picnd  le  nom  de  patriarche.  Leurs  Eglises 
sont  répandues  dans  l'Asie,  l'Assyrie,  le  Diar- 
bek  et  la  Mésoi)otamie.  Sous  le  pape  Gré- 
goire XIII,  le  patriarche  des  jacobites  Néémen 
était  soumis  au  Saint-Siège  ;  la  persécution  des 
Turcs  en  fit  un  apostat,  mais  enfin  il  vint  à 
Rome  faire  lui-même  l'abjuration  de  ses  er- 
reurs et  recevoir  l'absolution  de  son  apostasie. 

111.  Les  Arméniens  doivent  aussi  passer  pour 
disciples  des  anciens  eutychiens,  ou  demi- 
eutychiens.  Photius  en  fait  foi  dans  une  de 
ses  lettres  (Epist.  u).  A  quoi  il  faut  ajouter  la 
célèbre  dispute  du  prêtre  Théorianus,  que 
l'empereur  Manuel  Comnène  avait  envoyé  pour 
réduire  leur  catholique  et  leurs  évêquesa  la  con- 
fession des  deux  natures  en  J.-C.  ;  de  quoi  ils 
ne  voulurent  jamais  convenir  (An.  1170).  Il 
est  donc  certain  que  ceux  qui  les  ont  con- 
fondus avec  les  ncstoriens,  ou  qui  ont  cru  que 
leur  erreur  était  semblable,  se  sont  eux-mêmes 
trompés.  Guillaume  de  Tyr  raconte  qu'il  assista 
lui-même  au  concile  de  Jérusalem,  où  le 
catholiijue,  c'est-à-dire  le  patriarche  des  ar- 
méniens ayant  conféré  avec  les  évèques  latins, 
promit  de  corriger  beaucoup  d'articles  de  leur 
ancienne  doctrine. 

Voici  les  termes  de  cet  historien  :  «  Interfuit 
maximus  Armeniorum  pontifex,  imo  omnium 
episcoporum  Cappadociœ,  Mcdiœ  et  Persidis,  et 
utrius(}ue  Armenia-princepseldoctor  eximius, 
qui  calholicus  dicitur.  Cuni  hoc  etiam  de  fidei 
articuhs,  in  (piibus  a  nobis  dissentire  videlur 
po[)ulus  ejus  habitus  est  tractatus,  et  ex  parte 
ejus  promissa  est  in  multis  correctio  (An.  tH7, 

1.  XV,  c.   IH).  » 

Deux  ans  après  les  députés  de  toute  la  nation 
des  Ariuéniens  furent  envoyés  en  Italie,  où  ils 
se  réunirent  et  se  soumirent  entièrement  au 
pape  Eugène  111  et  à  l'Eglise  catholique 
lAn.  1145).  Othon,  évéque  de  Freisingen,  s'y 
trouva  alors  présent,  et  c'est  lui  qui  nous 
apprend  que  le  patriarche  ou  le  métropolitain 


DES  PRIMATS  DE  L'ASIE  DES  SIllCLES  MOYENS. 


1-27 


(les  Arméniens  était  appelé  catlioliiiiie  ou  nni- 
versel,  |)arce  (lu'il  avait  plus  de  mille  évèiiues 
sous  sa  juridiction.  «  Ea  tem|)('siate  Icj^ati 
Arrnenoruni  cpiscoporum,  eoruuKpie  uictro- 
politani.  (|ut'm  ipsi  catholicum,  id  est,  univer- 
sak'ui.  pidpicr  inlinituiu,  id  est  aniplins(piain 
mille  e|»isL(ipoiiun,  subse  halientcn  numciuni, 
vocant,  le^ati  ab  uliimo  pêne  oriente ,  sum- 
mum pontilicom  Viterlui,  lahoriosum  iter  \nv 
annum ,  et  se\  menses  com|)lentes,  adeunl 
(L.  vu,  c.  'Ai).  » 

(^ette  union  fut  depuis  renouvelée  ou  conlir- 
mée  sous  le  pape  C-élestin  111,  lorsque  le  cardi- 
nal arclievè(iue  de  Mayence  couronna  le  roi 
des  Arméniens  au  nom  du  pape  et  de  l'empe- 
reur Henri  V  (An.  1107.  Baronius  ad  eum 
ann).  Le  catlioliciue  Grégoire  en  écrivit  des 
lettres  de  remerciment  à  Innocent  111,  succes- 
seur de  Célestin,  et  y  ajouta  de  nouvelles  pro- 
testations de  FOU  obéissance.  L'an  1-238  le  pape 
Grégoire  IX  envoya  deux  archevêques  au  [la- 
triarche  d'Arménie,  pour  l'empêcher  de  se 
soustraire  à  l'obéissance  du  patriarche  d'An- 
tioche.  Clément  IV  s'entretint  toujours  en 
bonne  intelligence  avec  Haiton  ,  roi  d'Ar- 
ménie. 

Lan  1318  le  roi  d'Arménie,  Offinius,  renou- 
vela l'ancienne  alliance  avec  le  pape  Jean  Xll, 
qui  examina  la  loi  des  ambassadeurs  et  entre 
autres  d'un  évêque,  et  la  trouva  orthodoxe. 
Benoît  Xll,  en  I3U,  et  Clément  VI,  en  I3.'il, 
ayant  conçu  quelques  soupçons  de  la  foi  des 
Arméniens,  le  l'oi  et  le  patriarche  d'Arménie 
se  justifièrent  parfaitement  par  des  lettres  ([u'ou 
peut  lire  dans  Raiualdus,  de  qui  tout  ceci  est 
tiré.  Enfin  les  Arméniens  firent  une  nouvelle 
union  de  leur  Eglise  avec  la  romaine  sous  le 
pape  Eugène  IV  dans  le  concile  de  Florence, 
où  les  ambassadeurs  ain-ivèrent  après  l'union 
conclue  avec  les  Grecs.  On  doute  si  cette  réu- 
nion fut  acceptée  de  tous  les  Arméniens. 

IV.  Au  reste,  Procope  nous  apprend  ((ue  le 
titre  de  catholitiue  était  déjà  en  usage  avant 
son  temps  ;  (juand  il  dit  que  les  chrétiens  de 
Perse  étaient  soumis  à  un  seul  prélat  qu'ils 
appelaient  catholique ,  qui  est  un  terme  grec, 

xaOoAtxbv    )ca).&'Jîi    T7Î     'KâXtiVwv    çuvyi,    (L.  U  ,    de    bello 

Persico).  Les  canons  arabiques  donnent  ce 
même  nom  au  pontife  de  Séleucie,  que  nous 
y  voyons  avoir  relevé  du  patriarche  d'xVn- 
tioche  et  s'en  être  enfin  rendu  indépen- 
dant à  cause  de  la  trop  grande  distance  des 
lieux.  Ils  firent  premièrement  consentir  le  pa- 


triarche d'Antioche  à  laisser  à  l'avenir  ordon- 
ner les  archevêques  par  le  catholique  de 
Séleucie  ;  ce  (|ui  était  lui  eominuuicpier  les 
piiviiéges  du  patriarcat.  «  DelH'at  apprllari 
nonuuc  catholici ,  et  jiossit  ordinai'tt  arcliic- 
piscoi>os,  sicut  faciunt  palriarcha',  ut  Orienta- 
les non  |)atiantur  damnuni.  e\|i('etando  pa- 
triarcham.Antiocliia',  aut  eundoad  eum.  In  hoc 
non  lit  injuria  |iatriarclue  .Vntiocheno.  Si(|ui- 
dem  ipse  consensit,  postquam  hoc  ab  eo  syno- 
dus  petivit,  etc. 

V.  Cesdeuxcatholiques,  l'un  de  Perse,  l'autre 
de  Séleucie,  sont  distingués  par  Jacques  de 
Vitry,  et  néanmoins  égalemenl  assujettis  à  la 
juridiction  du  patriarche  d'Antioche:  «  Habet 
sub  se  viginti  provincias  Antiochenus  patriar- 
cha,  (luarmn  (|uatuordecini  metropolitanos  ha- 
bebant,  eum  sibi  sulTraganeis  e|)iscopis;  sexvero 
reli(|Uce  sub  dictis  primatibus,  seu  catholicis 
duobus  continentur  (Orient,  hist.  c.  xxui).  « 
(l'est  avec  heaucoiq)  de  raison  iiue  Jacques  de 
Vitry  traduit  le  litre  de  catholi(jue  [lar  celui  de 
primat.  La  convenance  ne  peut  être  plus  justi'. 
Car  les  primats  des  siècles  moyens  dans  Idcci- 
(leiit  avaient  cela  de  conmiun  avec  les  eatho- 
liipies  orientaux  dont  nous  ])arlons,  que  les  mis 
et  les  aidres  relevaient  inunediatement  du  pa- 
triarche et  tenaient  plusieurs  archevêques  dans 
leur  dépendance. 

11  est  (lifticile  de  résoudre  si  ces  deux  catho- 
liques ont  été  (luelquefois  confondus  en  un 
seul,  ou  si  au  contraire  cette  dignité,  après 
avoir  été  conunise  à  un  seul,  a  été  ensuite  par- 
tagée en  deux.  Ce  tiue  nous  venons  de  dire 
sendile  en  supposer  deux.  Au  contraire,  Othon 
de  Freisingen  ne  nous  en  a  représenté  qu'un 
(L.  n,  c.  (>).  Marc  Paul  de  Venise  n'en  insinue 
pas  davantage  dans  son  itinéraire.  U  est  cer- 
tain qu'à  présent  ils  en  ont  deux.  U  peut  y  être 
arrivé  de  la  variété  dans  la  longue  révolution 
des  siècles.  Us  occupent  présentement  plusieurs 
Eglises  dans  tout  l'Orient,  dans  la  Mésopotamie, 
la  Perse,  la  Caramanie,  et  dans  les  deux  Ar- 
niénies. 

Le  siège  de  l'un  de  ces  catholiques  est  à 
Arard,  ville  d'Arménie,  quoiciue  le  lieu  ordi- 
naire de  sa  résidence  soit  un  monastère  nonnué 
Ermeazin.  Le  séjour  de  l'autre  est  à  Cis,  ville 
de  Caramanie.  Ce  nombre  excessif  de  mille 
évêiiues,  quOthon  de  Freisingen  attribuait 
au  catholique  d'Arménie,  n'a  peut-être  jamais 
été  si  grand.  On  croit  (|ue  celui  d'Ermeazin 
a  présentement  sous  lui  environ  deux  cents 


128 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-QUATRIÈME. 


évêqiies.  et  que  celui  de  Cis  n"ea  a  que  cin- 
(juante. 

II  s'en  faut  beaucoup  que  ces  catlioli([ues 
relèvent  présentement  du  i)atriarcbe  d'Anlio- 
clie,  puisque  Tévèque  armcuieu ,  qui  réside 
à  (^onstantinople  et  qui  prend  aussi  la  qualité 
de  patriarche,  est  sujet  lui-niènieau  patriarche 
d'Ermcazin;  comme  les  Arméniens  de  Jéru- 
salem et  dAlep  relèvent  du  patriarche  de 
Cis. 

.Vu  reste,  comme  les  Arméniens  se  sont  dé- 
clarés depuis  plusieurs  siècles  pour  la  secte  et 
les  erreurs  dEutychès,  aussi  hien  (jue  les  jaco- 
bites,  et  qu'ils  y  sont  toujours  retombés,  no- 
nobstant les  fréquentes  unions  ([uils  ont  de 
temps  en  temps  renouvelées  avec  l'Eglise  ro- 
maine, on  ne  peut  presque  pas  douter  que  le 
patriarche  d'.Vntioclie.  dont  ils  ont  si  lonfilemps 
relevé,  ne  soit  celui  des  jacobites  dont  nous 
avons  parlé  ci-devant.  Ils  s'en  sont  encore 
néanmoins  séparés,  tant  en  se  réunissant  si 
souvent  à  l'Eglise  d'Occident,  (jue  par  une  at- 
tache j)assionnée  à  des  maximes  et  à  des  jira- 
ti(iues  particulières  qu'on  peut  lire  tlans  les 
amiales  de  l'Eglise. 

V'I.  Les  Francs-Arméniens  ont  été  bien  |ilus 
fermes  dans  la  foi  des  Francs,  c'est-à-dire  des 
chrétiens  occidentaux,  dont  ils  ont  emprunté 
ce  nom,  depuis  (jue  le  Père  Pionaventure  le 
Petit,  (le  Tordre  des  Dominicains,  y  fut  ei'.voyé 
jmr  le  Sainl-Siégeavec  la  qualité  d'archevêque, 
y  fonda  plusieurs  églises  et  même  plusieurs 
monastères  de  son  ordre  (Spond.  An.  1318).  Ce 
n'ont  été  que  ces  saintes  colonies  qui  ont  af- 
fermi cette  province  dans  la  foi  catholique  par 
leur  bonne  intelligence  et  par  leur  connmmi- 
cation  continuelle  avec  le  corps  des  Domi- 
nicains. L'archevêque  Bonaventure  mourut 
l'an  1.(18.  Près  de  deux  cents  ans  après,  l'ar- 
chevêque de  Naxiva,  Grégoire,  du  même  ordre, 
vint  à  Rome  demander  la  confirmation  du 
choix,  qu'on  avait  fait  de  sa  personne  (An.  1.M2). 
Naxiva  ou  Naixeran  est  la  ville  où  réside  l'ar- 
(■lievê(|ue  de  cette  nation,  à  qui  on  donne  aussi 
(|itel(|uefoi9  le  nom  de  catholique  et  de  pa- 
triarche. Enfin,  l'archevêque  Nicolas, du  même 
ordre,  vint  encore  a  Rome  sous  le  jiape  (Iré- 
goirc  XIII,  où  on  apprit  de  lui  (pie  sa  juridic- 
tion ne  s'étendait  ([tie  sur  treize  villages  (pu 
suivaient  la  foi  et  les  cérémonies  des  Latins 
(Anno  t.n77).      . 

VIL  Les  nestorîens  se  multiplièrent  dans 
l'Asie  hien  autn'ineni  que  les   eulychieus.  Ils 


s'étendirent  jusque  dans  les  Indes.  la  Perse  et 
la  Tartarie.  Jacciues  de  Vitry  dit  qu'on  croyait 
(jue  leur  secte,  jointe  à  celle  des  jacobites,  était 
plus  nombreuse  que  l'Eglise  latine  et  la 
grec(jue,  «  Qui  cum  Jacobitis  plures  esse  di- 
cuntur,  quain  Latini  et  Grseci  (Hist.  Hierosol. 
1.  u,  c.  7ti).  »  Marc  Paul  de  Venise,  (jui  avait 
passé  dix-sept  ans  dans  la  Tartarie,  et  à  qui 
l'empereur  des  Tartares  avait  quelquefois  donné 
des  commissions  importantes,  assure  que  les 
nestorîens  avaient  plusieurs  Eglises  dans  la 
Tartarie,  dans  le  pays  des  Mogols,  et  dans  la 
(^hine;  ([u'ils  en  avaient  même  à  Quinsay,  ca- 
jiitale  de  la  Chine,  et  que  leur  patriarche, 
dont  la  résidence  était  à  Mossoul  sur  le  Tigre, 
envoyait  des  archevê(iues  et  des  évèques  dans 
la  province  de  Babylone  et  dans  toutes  les 
Indes,  comme  le  pape  dans  tout  l'Occident. 

Massée,  Ozorius  et  les  autres  écrivains  de 
nos  dernières  navigations  dans  les  Indes  as- 
surent (pie  tous  les  évè(iues  et  tous  les  chré- 
tiens que  les  Portugais  trouvèrent  dans  les 
Indes  Orientales  étaient  nestoriens  et  rele- 
vaientdu  patriai'che  de  Babylone  ou  de  Mossoul. 
Pierre  Strozza,  secrétaire  du  pape  Paul  V,  à 
(jui  le  {latriar^he  des  nestoriens  envoya  des 
ambassadeurs ,  rend  le  même  témoignage. 
«  Patriarchae  Nestorianorum  amplissima  est 
autoritas,  eaque  in  Indiam  sese  evtendit.  Nam 
Chakhei  ([uiGo;r,  Cochini,  Angamalœ  at(|ue  in 
insula  sancti  Thomae,  ante  adventum  Patrum 
societatis  Jcsu  reperiebantur,  omnes  pariter 
professione  Nestoriani,  obediebanl  patriarcluc 
Babylonis  (Bzovius  ad  an.  1330).  » 

VIII.  Othon,  évêque  de  Freisingen,  raconte 
ce  ([u'il  avait  appris  lui-même  de  l'évèque,  (jue 
les  peuples  et  les  prélats  d'-^rménie  avaient  dé- 
pulé  vers  le  pape.  Savoir,  que  peu  d'années 
auparavant,  un  prêtre  nestorien,  appelé  Jean, 
et  (pi'on  appelait  aussi  le  prêtre  Jean,  ayant 
remporté  une  très-sanglante  victoire  sur  les 
rois  des  Perses,  des  Mèdes  et  des  Assyriens, 
s'était  aussi  rendu  maître  de  leurs  Etats,  et 
d'Echatane  qui  en  était  la  capitale  (L.  vu,  c.  33; 
an.  c.  1143).  Le  pape  Alexandre  III  ayant  ap- 
]pris  (|ue  ce  grand  prince  désirait  se  réunir  à 
la  communion  et  à  la  créance  de  l'Eglise  ro- 
maine, lui  écrivit  une  lettre  qui  est  rapportée 
par  Roger,  où  ce  pape  lui  donne  le  titre  qu'on 
lui  donnait  communément  :  «  Indorum  régi 
sacerdotum  sanctissimo  (Rogerius.  Baron, 
ann.  1177,  n.  .32;  an.  1187).  »  Peu  de  temps 
après  les  Tartares  secouèrent  le  joug  de  ce  roi 


DES  PRIMATS  DE  L'ASIE  DES  SIÈCLES  MOYENS. 


129 


prêtre,  leur  j^rincc  Chinjiis  le  tlélît  en  bataille, 
e(  subju^aialoiilc  riade  à  lenipire  des  Tartares. 
Ce  u'a  été  i|uune  bévue  des  Portujjais  d'avoir 
donué  le  nom  de  Prètre-Jean  au  roi  des  Abys- 
sins, en  Airi<iue,  lorsqu'ils  le  découvrirent 
quelcjues  siècles  après. 

IX.  De  ce  récit  il  paraît  assez  clairement  que 
le  patriarcbe  de  Mossoul  est  le  même  que  celui 
de  Babyloue  ou  de  Séleucie,  car  on  croit  (jue 
Séleucie  succéda  à  la  diguité  de  l'ancienne 
Babyloue,  et  peut-être  que  Mossoul  ou  Musai  est 
la  même  ville  que  Séleucie,  quoique  d'autres, 
selon  Paul  Strozza,  croient  qu'elle  est  bâtie  sur 
les  ruines  de  l'ancienne  Ninive.  Et  par  consé- 
quent ce  qui  a  été  dit  ci-dessus  sur  la  foi  de 
quelques  auteurs  du  ])atriarche  de  Bagdad  ou 
de  Séleucie,  doit  peut-être  être  corrigé  et  appli- 
qué au  patriarcbe  des  nestoriens,  au  lieu  (jue 
ces  auteurs  lattriltuaient  à  la  secte  des  armé- 
niens, qui  leur  est  aussi  opposée  que  l'erreur 
d'Eutycbès  est  contraire  à  celle  de  \estorius. 

L'Asie  est  assez  vaste  pour  y  distinguer  ces 
deux  grandes  sectes  si  étendues  des  arméniens, 
ou  eutychiens  et  des  nestoriens,  avec  la  nuil- 
titude  incroyable  de  leurs  églises.  Mais  il  n'y  a 
presque  pas  lieu  de  douter  que  les  catlioli(iues 
ou  i)atriarcbes  d'Ermeazin  et  de  Cis  ne  soient 
arméniens,  celui  de  Caramit  jacobite,  les  uns 
et  les  autres eutycliiens.  enfin  celui  de  Mossoul 
nestorieu,  et  tous  ensemble  démembrés  du 
patriarche  ancien  d'Antiocbe.  Entre  toutes  ces 
sectes,  la  nestorienne  l'emporte  apparemment 
pour  la  multitude,  au  moins  dans  l'Asie,  car 
nous  parlerons  dans  le  chapitre  suivant  des 
eutychiens  d'Afrique.  On  croit  qu'il  y  a  jusqu'à 
trois  cent  mille  familles  de  chrétiens  nestoriens, 
que  l'on  appelle  aussi  Chaldéens  dans  l'Orient. 
Il  n'y  en  a  que  quatre-^ingt  mille  de  jaco- 
bites.  Les  chrétiens  mêmes  du  Malabar,  qu'on 
appelait  de  saint  Thomas,  vivaient  dans  la  dé- 
pendance du  patriarche  des  nestoriens,  avant 
que  nos  missionnaires  apostoliques  les  eussent 
fait  rentrer  dans  l'obéissance  du  pape  et  dans 
l'unité  de  la  loi  orthodoxe. 

Le  premier  de  ces  patriarches  de  Mossoul  ou 
de  Séleucie,  ([ui  se  réunit  à  l'Eglise  romaine, 
fut  Simon  Sulacha  de  l'ordre  de  saint  Pacôme, 
qui  vint  abjurer  ses  erreurs  à  Rome  et  rece- 
voir sa  contumation  et  le  palliiuu  du  i)ape 
Jules  111.  Son  successeur  Abdiésu,  qui  était 
aussi  religieux  du  même  ordre,  après  avoir 
reçu  sa  conOrmalion  du  pape  Pie  IV,  aïsista  en 
personne  au  concile  de  Trente.  Ces  deux  pa- 

Tu.  —  Tome  I. 


triarches  n'avaient  été  élus,  et  ne  furent  suivis 
dans  leur  retour  a  l'Eglise  ((ue  [lar  une  partie 
des  nestoriens  ou  chaldéens ,  et  leur  résidence 
fut  à  Amod  ou  Cliaremed ,  l'ancien  patriarche 
des  autres  nestoiiens  faisant  toujours  son  sé- 
jour dans  la  ville  et  le  monastère  de  Mossoul. 
Ainsi  le  patriarcat  de  Mossoul  se  trouva  partagé 
entre  deux  prélats,  dont  celui  (pii  s'était  réimi 
à  nous  ne  laissait  pas  d'ordonner  im  grand 
nombre  d'archevêques  et  d'évêques.  Les  suc- 
cesseurs d'Abdiésu  ne  succédèrent  [)as  à  son 
zèle  ni  à  sa  suflisance:  ils  transiiortèrent  leur 
siège  à  Zeinalbcc,  sur  les  frontières  de  la  Perse, 
cédant  lâchement  au  patriarche  nestorieu  de 
Babyloue.  tjui  reconnuença  dès  lors  à  dominer 
paisiblement  sur  tout  son  ancien  troupeau. 

Le  pape  Clément  VIII  ordonna  un  jésuite 
archevêque  d'Angamala,  et  lui  commit  la  con- 
duite des  nestoriens  ou  chaldéens  convertis. 
Elle,  patriarche  de  Mossoul ,  envoya  deux  am- 
bassades au  pape  Paul  V  ;  la  première  n'eut  pas 
de  succès,  paixe  que  ce  patriarche  prétendait 
bien  se  soumettre  au  pape,  et  faisait  même 
gloire  de  dire  que  le  siège  patriarcal  de  Baby- 
loue avait  été  fondé  par  saint  Pierre,  et  par  les 
pontifes  romains,  mais  il  tâchait  de  justifier  la 
doctrine  nestorienne  de  sa  nation,  comme  n'é- 
tant dilférente  de  celle  de  l'Eglise  romaine  que 
dans  les  manières  de  s'expli(|uer.  La  seconde 
lui  réussit  mieirv,  parce  qu'il  envoya  son  archi- 
diacre rarchiniandrite  Adam,  avec  ordre  non- 
seulement  de  faire  une  iirofession  solennelle 
d'obéissance  au  pape,  mais  aussi  de  soumettre 
à  son  examen  et  à  sa  censure  toute  sa  confes- 
sion de  foi. 

Voici  quelques  termes  de  la  lettre  d'Elie  au 
pape  (.Vn.  1610)  :  «  Ex  prœcepto  papae,  et  ex 
concilio  Ecclesia;  Romanœ,  erecta  est  sedes 
Babylonis,  et  ita  invenitur  scriptum  apud  nos 
in  annalibus  ;  quod  videlicet  Patres  orientales 
Rouue  ordinabantur.  Propter  hoc  vocata  est 
sedes  Babylonis  quinta,  etc.  »  Ou  cela  se  doit 
entendre  du  siège  d'Antiocbe,  dont  ce  patriar- 
cat de  Babylone  n'a  été  qu'im  démembrement, 
ou  il  faut  confesser  que  ces  monuments  d'an- 
tiiiuité  ont  été  absorbés  dans  le  naufrage  de 
tant  de  siècles.  Ce  que  nous  avons  dit  dans  ces 
deux  dernières  sections  est  tiré  de  Paul  Strozza. 
secrétaire  de  Paid  V,  dont  Bzo\ins  a  inséré  les 
commentaires  et  les  pièces  originales  mêmes 
dans  ses  annales  en  l'an  1330. 

X.  Bzovius  parle  ensuite  au  même  endroit 
des  Géorgiens,  qui  est  une  nation  fort  belli- 

9 


130  nu  PREMIER  ORDRE  ItES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-QUATRIÈME. 


queusc;  aussi  elle  tire  son  nom  ilo  saint 
Ceoffie,  qu'elle  in\t)que  dans  les  combats.  Ils 
imitent  la  discipline  des  Grecs  et  en  suivent  la 
doctrine,  (inoiqu'ils  aient  im  archevêque  indé- 
pendant, (jni  a  sous  lui  dix-liuit  évècjues,  selon 
Chytrœus,  auteur  luthérien.  Cet  auteur  a  appa- 
remment suivi  Vincent  de  Beauvais,  qui  vivait 
au  tenq)S  qu'on  frét|uentait  le  plus  ces  nations 
orientales,  et  qui  dit  (jue  les  Géorgiens,  ne  pou- 
vant plus  avoir  de  comnuinication  avec  le  pa- 
triaiclie  d'Antioche,  à  cause  des  guerres  conti- 
nuelles entre  les  nations  voisines,  obtinrent  de 
lui  le  jjouvoir  de  créer  un  catholique,  à  qui 
dix -huit  archevêques  ou  évèques  rendaient 
obéissance  (Vinc.  Bell.  Specul.  hist.  1.  xxx, 
c.  96).  L'an  I  Wfi,  Constantin,  roi  des  Géor- 
giens, députa  un  moine  de  saint  Basile  pour 
prêter  obéissance  au  pape  Alexandre  VI,  et  poui' 
renouveler  l'ancienne  réunion  laite  dans  le 
concile  de  Florence  (Rainai,  an.  l-Wli,  n.  :21). 

XL  .le  n'ai  jias  parlé  rie  l'archevêque  nesto- 
rien  de  Nisibc,  qui  désira  de  se  réunir  à  l'E- 
glise romaine  l'an  1247,  et  envoya  sa  confession 
de  foi  au  paj)e  'Rainai,  n.  i3);  ni  de  Timothée, 
métropolitain  des  nestoriens  de  l'île  de  Chy- 
pre, (jui  vint  taire  profession  de  la  loi  ortho- 
doxe à  Rome  peu  de  temps  après  le  concile  de 
Floi'cnce,  lorstjue  h;  pape  Eugène  semblait  y 
continuer  encore  (pielques  sessions  de  ce  con- 
cile (Rainai.  I  ii."),  n.  22);  ni  de  l'établissement 
d'un  archevêque  des  jacobites  ou  syriens  de  la 
communion  du  pajie  dans  Alep.  ipii  s'est  faite 
depuis  |(eu,  connue  on  le  peut  voir  dans  les  re- 
lations manuscrites  des  Carmes  déchaussés, 
(|u'on  garde  dans  leur  couvent  du  faubourg 
Saint  (iermain.  La  raison  en  est  que  ce  ne  sont 
que  des  réunions  particulières,  qui  ne  regar- 
dent ni  la  personne  des  patriarches  ni  toute  la 
nation. 

Jl  y  a  bien  plus  de  raison  de  ne  pas  omettre 
la  réunion  des  deux  autres  patriaixhes  des  Ar- 
mi'niens  et  des  Giccs,  dont  on  voit  les  attesta- 


tions (tans  les  mêmes  relations  manuscrites. 

Xll.  Au  reste,  si  j'ai  si  souvent  appelé  euty- 
chiens  ou  demi-eutychiens  les  jacobites,  les 
arméniens,  les  co|)lites  et  les  abyssins  dans 
ce  clia|iitre  et  dans  le  suivant,  je  n'ai  pas  pré- 
tendu les  accuser  des  imaginations  exhorbi- 
tantes  de  l'hérésiarque  Eulychès  et  de  ses  pre- 
miers jiartisans.  Les  relations  modernes  nous 
apprennent  que  les  jacobites  sont  très-éloignés 
de  croire  que  la  nature  divine  ait  pu  se  mêler 
et  se  confondre  avec  celle  de  l'homme,  et  que 
leur  pensée  est  seulement  de  croire  ([ue  la  di- 
vinité et  l'humanité  font  une  nature  en  J.-C. 
aussi  bien  qu'une  personne,  en  la  même  ma- 
nière (pie  l'âme  et  le  coi'ps  ne  font  (ju'une  na- 
ture et  une  personne  dans  chacun  de  nous, 
sans  qu'il  se  fasse  aucune  confusion  de  la  na- 
ture spii'ituelle  et  de  la  cor|)orelle.  Dès  le  siècle 
même  d'Eutychès,  ceux  ([ne  Facundus  et  d'au- 
tres appelèrent  demi-eutycliiens  condamnèrent 
Eutychès,  et  se  retranchèrent  à  ce  tempéra- 
ment. 

Cela  parut  dans  la  conférence  tenue  à  Cons- 
tantinople  entre  les  sévériens  et  les  catho- 
liques. Cela  |)arut  encore  mieux  dans  la  con- 
fession de  foi  (lue  le  patriarche  d'Arménie 
envoya  à  l'empereiu-  Manuel,  et  (|ui  donna 
matière  aux  conférences  avec  le  prêtre  Théorien. 
Mais  il  faut  aussi  demeurer  d'accord  que  non- 
seulement  il  est  dangereux  de  se  servir  d'autres 
termes  que  de  ceux  de  l'Eglise,  et  (jue  la  diver- 
sité des  termes  produit  insensiblement  dans  la 
suite  du  temps  une  contrariété  elfective  de 
sentiments  ;  mais  aussi  que  c'est  ime  doctrine 
contraire  à  la  vérité  de  la  foi  catholique,  (pi'il 
se  fasse  une  nature  de  Dieu  et  de  l'homme, 
comme  il  s'en  fait  une  de  l'âme  et  du  corps, 
la  dispi-oportion  inconqiréhensible  qui  est 
entre  l>i('u  et  l'honnne  rendant  cette  unité  de 
nature  impossible,  au  lieu  qu'elle  contribue  à 
l'unité  de  personne. 


i-)j.  i 


DES  l'ATKlAUClŒS  LATIiNS  EiN  OHIENT. 


131 


CHAPITRE  VINGT-CINQUIÈME, 


DES    AUTRES   PATRIARCHES    DE   L  ECROPE   ET   DE    L  AFRInlE    QUI    ONT    DEMEMBRE   LES    PATRIARCATS 

DE   COXSTANTINOPI.E    ET    d'aLEXANDKIE. 


I.  Du  patriarche  des  cophtes  en  Egypte. 

II.  Du  patriarche  des  abyssins. 

III.  Réflexions  sur  les  fréquentes  réunions  de  ces  patriarches 
du  second  ordre,  non  pas  avec  les  anciens  patriarches,  dont  ils 
s'étaient  séparés,  mais  avec  le  pape,  qui  est  le  centre  de 
l'unité  de  l'Eglise  universelle. 

IV.  Du  patriarche  des  moscovites. 

V.  Des  litres  honorifiques  des  prélats  grecs  dans  les  siècles 
moyens. 

VI.  Nouvelles  réflexions  sur  les  diverses  réunions  de  toutes 
les  sectes  orientales  avec  l'Eglise  romaine. 

VII.  Des  réunions  des  moscovites  et  des  russes  avec  le 
Saint-Siège. 

I.  Los  cophtes  sont  les  chrétiens  eutychieus 
du  patriarcat  d'Alexandrie.  On  leur  a  aussi 
quelquefois  donné  le  nom  de  jacobites.  La 
chronique  arabique  d*.\lexandrie ,  qui  fut 
écrite  il  y  a  quatre  cents  ans  par  un  jacobite, 
ne  met  au  rang  des  patriarches  d'Alexandrie, 
après  Dioscore,  que  les  eutychieus.  Il  y  est  parh; 
d'un  patriarche  qui  abrogea  la  confession  en 
•1207  et  donna  grand  cours  à  la  circoncision. 
Le  patriarche  des  cophtes  se  dit  ]iatriarclie 
d'.Vlexandrie.  Le  nom  de  cophtes  vient  ou  île 
la  ville  de  Coptes,  dont  Strabon,  Pline  et  Ptolé- 
mée  parlent,  et  qui  était  selon  Strabon  lecentre 
du  commerce  de  tout  l'Orient,  à  cause  qu'elle 
était  fort  proche  du  golfe  Arabif[ue,  ou  bien 
du  nom  même  d'Egypte,  en  retranchant  la 
première  syllabe. 

Aussi  les  anciens  donnaient  quelquefois  le 
nom  de  Gyptii  aux  Egyptiens.  L'an  liil,  Jean, 
patriarche  copthe,  ou  jacobite  d'Alexandrie,  se 
soumit  au  pape  Eugène  et  embrassa  la  foi  des 
Latins  dans  les  dernières  sessions  du  concile  de 
Florence  qui  furent  tenues  après  le  départ  des 
Grecs,  comme  il  parait  par  la  bulle  du  même 
Eugène  IV  et  par  les  autres  actes  originaux 
tirés  du  Vatican,  et  insérés  dans  la  dernière 
édition  des  conciles  (Conc.  t.  xiii,  p.  1201,  etc). 
Les  éditions  précédentes  du  concile  de  Flo- 
rence n'ayant  été  tirées  que  du  grec,  ne  con- 
tiennent jias  ce  qui  se  passa  après  le  départ  des 
Grecs. 


L'an  iri90,  Gabriel,  patriarche  dos  cophtes 
d'xVlexandrie,  envoya  son  archidiacre  et  deux 
de  ses  religieux  au  pape  Clément  VIII  avec 
ordre  de  rendre  obéissance  au  |)apeetde  se  sou- 
mettre à  toute  la  créance  de  l'Eglise  romaine. 
Le  cardinal  Baronius  en  a  inséré  les  actes  dans 
le  sixième  tome  de  ses  annales.  11  est  vrai  que 
Mélétius,  patriarche  grec  d'.\lexanilrie,  désa- 
voua cette  légation,  et  quelques-uns  se  sont 
ensuite  persuadés  qu'elle  avait  été  supposée  ou 
imaginaire;  mais  Léo  .\llatius  a  fait  voir  la 
méprise  de  ces  crititjnes  qui  n'ont  pas  connu, 
ou  n'ont  pas  considéré  la  ditlerence  des  deux 
patriarches  d'Alexamlrie,  l'un  de  la  conunu- 
nion  grecque,  l'autre  de  celle  des  jacobites  ou 
cophtes. 

En  effet,  Matthieu,  patriarche  des  cophtes 
sous  le  pontificat  d'I'rbain  VIII.  envoya  des 
lettres  h.  ce  pape,  dans  lesquelles  il  lait  mention 
du  patriarche  Gabriel  (Allât,  de  perp.  consens, 
liv.  III,  c.  8  .  A  une  lieue  du  grand  Caire  il  y  a 
une  clia()elle  oi'i  les  cophtes  et  les  religieux 
latins  célèbrent  la  messe  sur  deux  différents 
autels,  quelquefois  en  même  temps  (La  Terre 
sainte  d'Eugène  Roger).  Ceux  qui  ont  cru  que 
le  patriarche  cophte  d'Alexandrie  est  plus  an- 
cien que  celui  des  grecs,  et  qu'il  est  le  vrai 
successeur  de  saint  Athanase  et  de  saint  Cyrille, 
se  sont  indubitablement  trompés.  Car  il  est 
très-certain  qu'après  la  déposition  de  Dioscore 
dans  le  concile  de  Calcédoine,  Protériusfutélu 
en  sa  place,  et  c'est  à  lui  qu'ont  succédé  depuis 
les  patriarches  grecs  et  catholiques  jusqu'au 
IV  concile  de  Latran  (I21.j). 

Ce  sont  la  les  vrais  et  les  anciens  patriarches 
d'Alexandrie  qui  ont  été  présents,  ou  en  per- 
sonne ou  par  leurs  légats  à  tous  les  grands 
conciles  des  deux  Eglises,  et  qui  ont  joui  de  la 
communion  de  l'Eglise  universelle  et  du  pape, 
ce  qu'on  ne  peut  dire  des  patriarches  cophtes. 

II.  C'est  du  patriarche  cophte  d'.Mexandrie 
que  dépend  labuna  ou  patriarche  des  abys- 


132 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  VINGT-CINQUIÈME. 


sins,  qui  occupent  toute  l'Ethiopie,  laquelle 
comprend,  selon  Clivtneus,  jus(iu'à  quarante 
royaumes.  Il  s'en  faut  beaucoup  que  quehiues 
écrivains  plus  modernes  lui  donnent  cette  [)ro- 
digieuse  étendue.  La  chronique  arabique  d'A- 
lexandrie nous  cnseij,^ne  que  dès  l'an  841  les 
Abyssins  recevaient  leur  patriarche  des  mains 
du  patriarche  d'Alexandrie. 

Le  roi  d'Ethiopie  ayant  appris  que  le  calife 
d'Effypte  avait  enqirisonné  le  patriarche  d'A- 
lexandrie, mit  sur  pied  une  armée  de  cent 
mille  chevaux  et  de  cent  mille  chameaux,  pour 
le  venir  délivrer.  Le  calife  ne  manqua  pas  de 
prévenir  la  ruine  de  ses  Etats  en  mettant  en 
liberté  le  patriarche  (Anno  9ii).  Les  Portugais 
nous  ont  ajjpris  que  le  patriarche  d'Ethiopie 
doit  être  élu  par  les  religieux  abyssins  qui 
demeurent  à  Jérusalem.  Le  i)alriarche  cophte, 
qui  réside  au  Caire,  confirme  cette  élection,  et 
consacre  l'élu,  qui  doit  être  d'Alexandrie,  et 
religieux  de  saint  Antoine  (Damian.  Goes.  de 
Moribus  .Elhiop.). 

L'an  liil  les  cophtes  d'Egypte  et  les  abys- 
sins envoyèrent  rendre  obéissance  au  pape 
Eugène,  qui  leur  envoya  le  formulaire  de  foi, 
dressé  après  le  concile  de  Florence.  L'an  1482 
les  Ethiopiens  envoyèrent  une  autre  ambassade 
à  Sixte  IV  (Kainal.).  L'an  K).»  Alvarès,  aumô- 
nier du  roi  Jean  de  Portugal,  revint  d'Ethiopie 
à  Rome  avec  la  (jualité  d'ambassadeur  de  l'em- 
pereur d'Etiiiopie  auprès  du  pape,  auquel  il 
rendit  les  lettres  de  ce  prince  avec  des  protes- 
tations d'obéissance  et  une  profession  de  foi 
conforme  à  celle  de  Rome.  L'an  ir;-2l  David, 
roi  d'Efhio[iie,  renouvela  cette  union  avec  le 
pape  Clément  VII  par  des  lettres  (}ui  ne  furent 
rendues  qu'en  l.'iiia.  L"an  15.55,  l'empereur 
David  étant  mort,  l'Ethiopie  se  rejilongea  dans 
les  erreurs  des  jacobites  et  rentra  dans  sa  pre- 
mière communion  avec  les  patriarches  d'.\- 
lexandrie  (Synodi  amio  15:24,  n.  13;  1533,  n.  I; 
1555,  n.  L5;. 

Le  pape  Paul  IV,  sollicité  par  le  roi  Jean  de 
Portugal,  y  envoya  un  [latriarche  ef  deux  evè- 
ques,  tirés  de  la  Conqiagnie  de  Jésus  dont  le 
zèle  et  la  constance  n'eurent  pas  le  succès 
(lu'on  espérait.  Mais  après  leur  mort  Dieu  fit 
germer  les  sueurs  et  les  travaux  de  ces  pieux 
prélats,  car  l'an  1000  l'enq^ereur  d'Ethiopie 
Seltan  rentra  et  fit  rentrer  dans  la  bergerie  de 
l'Eglise  ealliiili(|ne  iiresipie  tous  ses  Etats,  ce 
(pii  ne  se  consomma  néanmoins  que  sons  le 
pontificat  d'Urbain  VllI  (Spond.  |)ost  an.  1000). 


III.  Avant  d'aller  plus  loin,  nous  ferons  une 
réflexion  générale  sur  tout  ce  qui  a  été  dit 
dans  les  chapitres  précédents,  et  dans  celui-ci 
où  la  providence  et  la  sagesse  toute-puissante 
du  divin  Epoux  de  l'Eglise  nous  fait  remarquer 
l'admirable  accomplissement  de  ses  divines 
promesses.  11  a  fondé  toute  son  Eglise  sur 
Pierre,  et  il  l'a  établi,  lui  et  ses  successeurs, 
comme  les  centres  immobiles  de  l'unité  et  de 
l'universalité  de  son  Eglise.  Tous  les  grands 
sièges  ont  été  connue  des  effusions  du  siège  de 
saint  Pierre;  ils  en  ont  produit  d'autres  comme 
de  secondes  reproductions  :  la  longue  succession 
des  siècles  a  causé  des  altérations,  des  mésin- 
telligences et  des  désunions  entre  ces  sièges; 
mais  enfin  la  secrète  et  invisible  main  de  la 
vérité  les  force  de  revenir  et  de  se  rejoindre 
tous  à  leur  première  origine. 

Les  canons  arabiques  nous  font  remarquer 
que  ces  patriarches  du  second  ordre,  dont  nous 
venons  de  parler,  n'étaient  attachés  aux  pa- 
triarches primitifs  d'Alexandrie  et  d'Antioche 
que  parce  que  c'était  comme  une  chaîne  qui 
les  liait  au  siège  romain  connue  au  centre  d'u- 
nité. Le  canon  xxxiv  donne  au  patriarche  de 
Séleucie  ou  de  Rabylone,  dans  les  conciles  de 
la  Grèce,  un  rang  honorable  au-dessus  de  tous 
les  évèques  grecs,  en  lui  assignant  la  sixième 
l)lace  après  le  patriarche  de  Jérusalem.  «  Si- 
({uidem  ipse  tenet  locuiu  [latriarchœ  in  Oriente, 
et  sedes  ejus  in  concilio  débet  esse  sexta,  post 
episcopum  Hierosolymitanum.  »  Le  canon 
xxxvi  destine  la  septième  place  au  patriarche 
d'Ethiopie,  après  celui  de  Séleucie  «  Sit  loco 
patriarchœ,  et  appelletur  calholicus.  etc.  Quod 
si  concilium  in  Gr;ccia  habeatur,  habeat  septi- 
mum  locum  hic  prœlatus.-Ethiopum,  postprae- 
latum  Seleuciie.  » 

Il  est  donc  évident  cjue  l'on  y  suppose  tou- 
jours que  le  Pontife  romain  y  présidera  et 
ajirès  lui  les  quatre  autres  anciens  patriarches, 
aiirèslescjuels  la  sixième  et  septième  place  sont 
réservées  à  ces  deux  catholiques.  11  ne  faut 
donc  pas  s'étonner  si,  lors([ue  les  anciens  pa- 
triaiches  se  sont  désunis  d'avec  le  centre  pri- 
mitif de  l'unité,  leurs  patriarches  subalternes 
se  sont  aussi  séparés  peu  à  peu  de  leur  dépen- 
dance, et  s'ils  cherchent  enfin  à  se  réunir  im- 
médiatement à  la  première  source  de  l'unité. 

IV.  Il  ne  nous  reste  [ilus  à  parler  que  du 
primai  ou  du  patriarche  de  Moscovie,  qui  re- 
levé de  celui  de  Constantinople  et  reçoit  sa 
confirmation  de  lui ,  vigueur  du  canon  xxviii 


DES  PATRIARCHES  D'ECROPE  ET  D'AFRIQUE. 


133 


du  concile  de  Calcédoine,  qui  sounicltait  au 
patriarclie  de  Constantinople  toutes  les  nou- 
velles Eglises  qui  s'établiraient  dans  les  con- 
trées du  Nord.  11  a  sous  lui  deux  métropoli- 
tains, de  Rostou  et  de  Novogard,  outre  quel- 
ques archevêques  et  jilusieurs  évoques.  C'est 
ce  qu'en  dit  Possevin.  (Possevin  in  Moscov.). 

Mais  Olcarius,  qui  est  plus  récent,  soumet  à 
ce  patriarche  quatre  métropolitains,  sept  ar- 
chevêques et  un  seul  évê(]ue,  assurant  ({u'en 
toute  la  Moscovie  il  n'y  a  qu'un  évêqiie.  Leur 
religion  est  la  même  que  celle  des  Grecs,  de 
qui  ils  la  reçurent  sous  l'empire  de  Basile , 
avant  la  fin  du  neuvième  siècle.  Il  y  a  d'autant 
plus  de  sujet  d'espérer  la  réunion  parfaite  de 
tous  les  ruthéniens  ou  moscovites,  et  de  leur 
patriarche  même  avec  le  pape,  que  ce  patriar- 
che est  maintenant  nommé  par  le  prince,  n'at- 
tend plus  sa  conflrniation  de  celui  de  Constan- 
tinople,  et  ne  conserve  que  de  fort  légères 
marques  de  la  dépendance  qu'il  en  a  eue.  Ces 
petits  ruisseaux  séparés  les  uns  des  autres  ne 
pourront  se  conserver  longtemps  sans  reculer 
vers  leur  première  source,  comme  nous  l'a- 
vons vu  dans  les  patriarches  subalternes  de 
l'Asie  et  de  l'Afrique,  qui  ont  plutôt  recherché 
de  se  rejoindre  au  successeur  de  Pierre,  qu'aux 
sièges  d'Antioche  ou  d'Alexandrie ,  dont  ils 
ont  tiré  autrefois  leur  origine  immédiate.  11  y 
aurait  même  (juehiue  lieu  de  douter  si  c'est 
du  siège  de  Constantinople  que  les  premiers 
rayons  de  la  foi  se  sont  autrefois  répandus  sur 
la  Russie,  puisqu'entre  les  souscriptions  du 
concile  d'Antioche,  sous  Jovien,  on  trouve  celle 
d'Antipatre,  évêque  des  Rosses  ou  Rhos,  qui 
est  leur  ancien  nom  t\u\  se  lit  même  dans  l'E- 
criture. Or,  l'Eglise  de  Constantinople  sous 
Jovien  n'avait  pas  encore  acquis  ni  l'autorité, 
ni  l'étendue  qui  semble  nécessaire  pour  des 
conquêtes  si  lointaines. 

V.  Avant  que  de  passer  outre  il  ne  sera  ni 
inutile,  ni  hors  de  notre  sujet  de  dire  un  mot 
des  titres  honorifiques  dont  quelques  métro- 
politains des  derniers  siècles  ont  été  honorés 
dans  l'empire  grec.  Andronic  l'Ancien ,  qui 
commença  de  régner  l'an  1283,  donna  com- 
mencement à  j)lusieurs  sortes  de  titres  magni- 
fiques entre  les  iirélats  de  l'Eglise  orientale. 
ï.  Le  métropolitain  de  Césarée  en  Cappadoce 

fut  ap[ielé    y-sGTiu.c;    Twv    ù-£fTi|iMv,    X7.i    Èli?//^;    -ràcrcç 

àvaTo>.-nç.  «  Honoratissimorum  honoratissinuis , 
et  totius  orientis  primas.  »  2.  Le  métropolitain 

d'Ephèse  lut  nommé  ■jitifTiu.c;  xai  ât«.p-/.oç  lîetOT.sAaiac 


«  llonoratissimus ,  et  totius  Asiœ  primas.  » 

3.  Celui  d  Ileraehîe,  irpoE^poî  tùv  ÛTrepTiaiov,  mi  E^ap/oç 
■Kinr,;  IpixT,;  zai  a^xESovia;,  «  Ilouoratissimorum  |)ra!- 

sul,  et  totius  ThraciîP  ac  Macedonia'  [irimas.  » 

4.  Il  y  avait  trente-deux  métropolitains  (pi'on 
nommait  OT:EpTi[Acu;,xai  È;âp///j;,«  Ilonorntissimos  et 
primates.  »  5.  Les  autres  métroitolilains  étaient 
simplement  ùit£pTi[j.oi  «  Honoratissimi.  »  6.  Les 
archevêques  qui  n'avaient  point  d'évêques  en 
leur  dépendance,  mais  qui  ne  relevaient  aussi 
d'aucun  métropolitain,  et  jouissaient  de  tous 
les  autres  avantages  des  métropolitains,  étaient 
appelés  i-.;cT7.T0i ,  «  Sanctissimi  (An.  i27i.  Conc. 
tom.  II,  par.  i,  p.  009,  1 12.^).  » 

On  peut  remarquer  une  partie  de  ces  titres 
dans  une  lettre  des  évê(}ues  grecs  qui  écri- 
virent au  pape  Grégoire  X  après  le  IP  concile, 
de  Lyon,  pour  témoigner  leur  soumission  au 
Saint-Siège,  et  aux  résolutions  de  ce  concile, 
touchant  la  paix  des  deux  Eglises.  On  les  voit 
encore  dans  le  concile  de  Constantinople  tenu 
sur  le  même  sujet,  sous  le  patriarche  Jean 
Veccus  (Anno  1280). 

Si  ces  titres  d'honneur  eussent  été  en  effet  des 
marques  de  la  haute  vertu  de  tous  ces  prélats, 
ou  des  témoignages  publics  des  plus  profonds 
respects  et  de  la  vénération  religieuse  des 
laïques  et  des  princes  mêmes  pour  leur  sacré 
ministère,  nous  aurioiisun  juste  sujet  de  relever 
la  |)iété  des  empereurs  qui  tirent  cette  ordon- 
nance. Mais  si  ce  n'ont  été  que  des  effets  d'une 
vaine  ostentation,  il  faudra  reconnaître  que  la 
vanité  se  trouve  enfin  elle-même  ridicule  dans 
les  personnes  dont  la  gloire  principale  consiste 
dans  la  modestie  et  dans  riiumilité.  Aussi  nul 
de  ces  titres  ne  paraît  plus  ni  dans  les  sous- 
criptions du  concile  de  Florence,  ni  dans  celles 
du  concile  tenu  peu  après  dans  le  temple  de 
Sainte-Sophie  à  Constantinojjle  (Anno  1450. 
Conc.  tom.  xiii,  p.  1372).  11  y  a  donc  de  l'appa- 
rence que  ces  titres  honorifiques  étaient  déjà 
abolis. 

Il  n'en  a  pas  été  de  même  de  la  qualité 
d'archevêque  accordée  à  quelques évêques  sans 
suffra gants.  Sous  l'empire  de  Léon  le  philosophe 
il  y  en  avait  déjà  trente-neuf,  outre  quatre- 
vingt-une  métroi)oles  dans  le  seul  patriarcat  de 
Constantinople,  comme  il  paraît  par  la  notice 
qui  nous  en  est  restée,  et  par  le  livre  du  droit 
oriental  (L.  m).  Ces  archevêiiiies,  (]ui  ne  te- 
naient ce  titre  de  grandeur  que  de  la  libéralité 
des  empereurs,  étaient  encore  assujettis  à  la 
juridiction   des    métropolitains.    Mais    Alexis 


134 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  VINGT-CINQUIÈME. 


Coinnènelcs  on  affranchit  environ  l'an  1081, 
etk'stilflt'iicniIreiinniéiliutL'nu'ntdu  [latriarche 
de  Constaniino|ilc  (nii  les  ordonnait. 

C'est  ce  (jue  Ralsamon  nous  en  apprend  : 
«  Ecclesias  edicto  regio  honoratas  a  tlirono 
Conslantinopolitano  in  posterum  electionem 
accepturas,  vT.v-îetieai  ;  nec  in  eas,  qui  antea  metro- 
politœ  erant,  quidquam  juris  sibi  vindicaturos 
(Ralsamon  in  Can.  xxxvui.  Truli).  On  distingue 
aussi  dans  la  Russie  les  arcbevèquesdesmétro- 
})olitains.  Au  contraire  l'abuna  ou  patriarche 
des  abyssins  ne  souffre  ni  archevêques,  ni  nié- 
lroi)oUtains,  n'ayant  sous  sa  juridiction  que 
des  évêques. 

C'est  ce  qui  lui  est  ordonné  par  le  xxxvi'^ 
canon  arabique  :  «  Non  jus  habeat  constituendi 
archiepiscopos,  ut  habet  patriarcha  :  siiiuidem 
non  habet  patriarchœhonorem  et  potestateni.  » 
IjC  i)afriarche  d'Alexandrie  parut  en  cela  j)lus 
jaloux  de  son  autorité  que  celui  d'Antioche, 
|)uis(iue  le  xxxui''  canon  arabique  permet  au 
catholiciue  Ap  Séleucie  d'ordonner  des  arche- 
vêques :  «  Possit  is  ordinare  archiepiscopos, 
sicut  faciunt  patriarchœ  ;  ut  orientales  non  jia- 
tiantur  damnum ,  expectando  patriarcham 
Anfiochiic  (Marea  de  Primat.  Lug.  n.  2S).  » 

VI.  .l'aurais  ])ii  grossir  ces  deux  chapitres 
d'un  plus  grand  dénombrement  de  réunions 
faites  i>ar  diverses  sectes  chrétiennes  avec 
l'Eglise  romaine.  Mais  ce  que  j'en  ai  dit  m'a 
paru  suffisant  pour  le  sujet  que  je  traite.  Je 
n'ajouterai  i)lus  que  cette  réflexion  qui  m'a 
semiile  être  de  (iuelqueconsé(iuence:  C'est  (|uc 
toutes  ces  Eglises  chrétiennes,  excepté  l'Eglise 
grecque,  ont  |iaru  extrêmement  disposées  à  re- 
connailre  la  primauté  du  Saint-Siège,  à  relever 
d'elle  et  à  préférer  sa  disci|>line  et  même  sa 
doctrine  à  la  leur,  foules  les  fois  (ju'elles  y 
ont  été  le  moins  du  monde  excitées  par  les 
ambassades  du  \)^\te,  ou  par  queli|ue  autre 
rencontre.  (>etle  facilité  extrême  à  se  réunir 
au  centre  de  l'unité  et  à  la  plus  pure  source  de 
la  religion,  lors(juc  l'occasion  s'en  présenie, 
jieut  servir  il  nous  persuader  (jue  l'interruption 
fréquente  de  la  communion  de  ces  Eglises  avec 
l'Eglise  romaine  jirovieiit  peut-être  moins 
d'un  esjiril  scliismaliijue  que  de  l'éloignement 
des  lieux,  de  la  diversité  des  empires,  de  la 
différence  des  langues,  et  de  rim|iossibililé 
d'enlreteiiir  un  commerce  ordinaire.  De  la  il 
est  libii!  à  chacun  de  tirer  les  conséquences  les 
plus  modérées  et  les  plus  jiidieieuses  sur  l'élat 
de  ces  sectes  devant  le  tribunal  de  la  vérité 


éternelle,  qui  pénétre  dans  le  fond  des  cœurs 
et  dans  les  replis  les  j^lus  cachés  île  la  cons- 
cience. 

.l'ai  excepté  les  Grecs  à  cause  de  la  résistance 
trop  visible  qu'ils  ont  faite  en  corps  ;  car  plu- 
sieurs évêques  particuliers  et  les  peuples 
même  ont  assez  souvent  témoigné  la  même 
facilité.  L'ignorance  où  sont  enfin  tombés  les 
peuples  et  les  ecclésiastiques  même  de  la  plu- 
part de  toutes  ces  sectes  est  encore  digne  de 
quelque  considération.  Car  ne  sachant  en  quoi 
consiste  leur  différence  d'avec  l'Eglise  romaine, 
et  ayant  pour  elle  une  extrême  vénération  et 
une  promptitude  incroyable  à  se  rendre  à  ses 
exhortations,  on  peut  penser  que  leur  schisme 
est  plutôt  le  malheur  de  leur  naissance  que  la 
dépravation  de  leur  esprit  ou  l'endurcissement 
de  leur  volonté.  Aussi  les  relations  modernes 
font  foi  que  les  peuples  de  la  Grèce  même 
viennent  indifféremment  recevoir  les  sacre- 
ments dans  les  Eglises  des  religieux  latins,  soit 
à  Constantinople,  soit  dans  les  îles  et  les  jiro- 
vinces  voisines. 

VIL  11  y  a  quelque  sujet  de  s'étonner  com- 
ment les  moscovites,  étant  par  leur  situation 
les  plus  proches  de  l'Italie  et  de  Rome,  ont  été 
néanmoins  les  plus  éloignés  de  se  réunir  avec 
elle.  La  [)rincipale  raison  en  est  sans  doute 
qu'étant  unis  de  plus  près  à  l'Eglise  de  Cons- 
taiitino])le,  ils  ont  aussi  le  plus  participé  à  son 
aversion  pour  l'Eglise  romaine.  On  pourrait 
dire  encore  que  par  une  loi  d'Etat  ayant  re- 
noncé à  tout  commerce  avec  les  autres  nations, 
ils  ont  en  même  temps  fermé  la  porte  à  la 
lumière  d'une  plus  pure  religion.  Si  néan- 
moins nous  jirenons  la  peine  de  parcourir  les 
annales  de  l'Eglise,  nous  y  trouverons  au 
moins  (jnelques  tentatives  de  cette  réunion  si 
nécessaire.  Car  dès  que  la  ville  et  l'Etat  de 
Constantinople  furent  tombés  sous  la  |)uissance 
du  Turc,  l'Eglise  de  Moscovic  commença  aussi 
à  rompre  les  liens  étroits  de  son  ancienne  dé- 
IK'ndaiice  du  patriarche  de  Conslantinople, 
surtout  depuis  (jue  ce  patriarcat  commença 
d'être  en  la  disposition,  et  comme  à  la  nomi- 
nation de  cet  empereur  mahométan  (Rainai. 
An.  li(il,  n.  24). 

Peu  de  temps  après  le  grand -duc  Basile 
envoya  une  ambassade  à  Rome,  ])our  demander 
en  mariage  la  lille  de  Thomas  despote  du 
Peloponèse,  héritière  de  l'empire  de  Cons- 
tantinople, (|ui  s'était  jetée  entre  les  Ijras  du 
pape  avec  les  misérables  débris  du  la  famille 


DES  PATIUAUCHES  D'KIHOPE  ET  DAFRIQLE. 


135 


des  Palé()loj;ues  ,Aii.  1 ITU,  u.  '.i^.  Cv.  ^^u\  lui  l'ut 
accordé  dans  lespérance  que  ce  puissant  prince 
tournerail  ses  armes  contre  Tenneini  conumin 
de  la  cliretieuté.  Sixte  IV  reçut  ces  ambassa- 
deurs avec  une  bonté  extraordinaire,  loua  les 
moscovites  de  s'être  détacliés  de  l'obéissance 
du  iiatriarche  de  Constantinople,  depuis  qu'il 
était  devenu  lui-même  l'esclave  d'un  prince 
infidèle,  et  de  s'être  soiunis  au  concile  de  Flo- 
rence. Entin  après  avoir  reçu  d'eux  les  protes- 
tations de  respect  ou  d'obéissance,  il  fit  célé- 
brer les  fiançailles  dans  l'Eglise  de  Saint-Pierre 
à  Rome  lAn.  147:2,  n.  I8j.  Jean  Basile  renoua 
un  autre  traité  avec  le  même  Sixte  IV  pour 
obtenir  de  lui  le  titre  de  roi  ou  d'empereur 
(An.  1  iSi.  n.  2(5).  Le  roi  de  Pologne  traversa 
ce  dessein;  le  pape  lui  promit  d'avoir  égard  à 
ses  intérêts,  mais  la  mort  prévint  les  grands  et 
pieux  desseins  de  ce  pape. 

Le  grand-duc  se  proposait  de  grands  avan- 
tages par  sa  rejonction  avec  l'Eglise  romaine, 
puisqu'il  n'y  allait  de  rien  moins  que  de  se 
rendre  avec  le  temps  maître  des  deux  empires. 
Ce  fut  aussi  peut-être  ce  qui  inspira  des  senti- 
ments plus  modérés  au  patriarche  de  Constan- 
tinople iNiplion,  (|ui,  répondant  à  une  lettre  de 
Jose|)b,  métropolitain  de  Kiovie  «  et  de  toute 
la  Russie,  »  lui  conseilla  d'embrasser  la  foi  et 
la  communion  de  l'Eglise  latine  en  conservant 
les  cérémonies  grecques,  l'assurant  que  le  con- 
cile de  Florence  avait  été  véritablement  œcu- 
ménique et  que  tous  les  grands  prélats  de  la 
Grèce  s'y  étaient  sincèrement  réimisaux  latins, 
mais  que  l'iuiiou  avait  été  interrompue  par  le 
clergé  du  second  ordre,  ce  qui  les  avait  enfin 
précipités  dans  la  servitude  où  ils  gémissaient 
sous  le  Turc.  Enfin,  Niplion  protesta  qu'il  avait 
lui-même  ordonné  à  tous  les  grecs  qui  étaient 
sujets  de  la  république  de  Venise  de  vivre 
dans  une  jiarfaite  communion  avec  les  latins, 
en  gardant  leurs  cérémonies  particulières,  et 
qu'il  avait  écrit  à  tous  les  princes  et  aux  prélats 
de  la  Russie  et  de  la  Litliuanie  de  rendre  tou- 
jours les  mêmes  respects  et  la  même  soumis- 
sion au  métropolitain  de  Kiovie (Ibid.  an.  1  i<S(), 
n.  6-21. 

Il  faut  néanmoins  confesser  que  toutes  ces 
tentatives  n'avaient  pas  produit  une  union  par- 
faite et  permanente.  Le  pape  Léon  X  envoya 


1  (NiHlue  de  Cardie  en  ambassade  vers  le  même 
grand-duc  Basile,  pour  le  faire  entrer  tout  en- 
semble, et  dans  l'unitt'  de  l'Eglise,  et  dans  la 
ligue  contre  le  Turc.  Cet  ellort  ne  réussit  pas 
non  plus  (An.  loI9,  n.  60).  Adrien  IV  et  Clé- 
ment Vil  travaillèrent  à  renouer  ce  traité 
(An.  l.'>-2't,  n.  71,  72).  Le  grand-duc  envoyaune 
ambassade  à  Clément  Vil,  ijui  lui  avait  fait 
espérer  le  titre  de  roi,  s'il  s'unissait  à  la  com- 
munion romaine  et  à  la  ligue  contre  le  Turc 
(An.  lo2o,  n.  67,  68,  73).  Le  grand-duc  prenait 
la  qualité  «  d'empereur  de  toute  la  Russie  ;  » 
le  pape  eût  fait  difficulté  de  luidonnerce  titre, 
pour  ne  pas  se  commettre  avec  l'empereur 
d'Allemagne. 

Ce  furent  peut-être  ces  intérêts  humains  i|ui 
mirent  obstacle  à  la  consommation  d'un  dessein 
si  religieux ,  quoique  le  grand-duc  s'en  fût 
remis  au  pape  Clément  Vil  des  conditions  de 
l'union.  Car  voici  comment  ce  pa|ie  en  écrit  au 
roi  de  Pologne  :  «  llle  enim  non  modo  uobis 
rescripsit,  sed  suum  nobis  hominem  cum  suis 
litteris  ad  nos  destinavit,  ad  bujus  sancta^  sedis 
nos  invitans  unionem  modum  autem  et  viam 
rei  conficiendœ  nobis  totam  relinquens.  » 

Le  progrès  et  les  troubles  du  luthéranisme 
rompirent  alors  la  trame  d'une  entreprise  si 
avantageuse  à  l'Etat  et  à  la  religion.  Cependant 
en  considérant  simplement  cette  facilité  si 
merveilleuse  de  tous  ces  membres  diOérents  à 
se  réunir  à  leur  chef  et  au  corjis  de  l'Eglise 
catholique,  on  peut  dire  que  les  désirs  et  les 
projets  de  l'union  faisaient  déjà  une  union  et 
une  société  assez  forte  pour  être  opposée  aux 
luthériens,  comme  en  effet  Elkius  l'opposa  au 
petit  nombre  des  luthériens  :  «  >'ondum  sunt 
illa  tempora,  quibus  hareditas  Christi,  (juam 
accejnt  a  Pâtre  suo  in  illasangustias  redigatur. 
Supersunt  adhuc  chrisliani  in  Italia,  Callia, 
Hispania,  Anglia,  Scotia,  Polonia,  Hungaria, 
Cneeia,  Ji^thiopia,  India  et  Armenia  Jîainal. 
An.  I.j2.S,  n.33  .  » 

Quant  à  ce  tjui  regarde  la  Russie  blanche, 
dont  nous  venons  de  parler  ,  il  ne  faut  pas  dé- 
sespérer qu'elle  ne  rentre  un  jour  dans  la  par- 
faite unité  de  l'Eglise  catholicjue  et  qu'elle  n'y 
persévère,  comme  on  y  vit  rejoindre  la  Russie 
noire,  sujette  au  Polonais,  sous  le  pape  Clé- 
ment Vlll  (Spondan.  An.  lo'Jo.  n.  U). 


lâl. 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


DES   PATRIARCHES    LATINS   Eîi    ORIENT. 


I.  Histoire  de  nos  patriarches  latins  de  Jérusalem  et  d'An- 
tioche,  après  que  nos  croisés  eurent  conquis  la  Palestine. 

II. -III  Suite  de  la  même  histoire  jusqu'au  temps  que  Saladin 
reprit  Jérusalem  sur  nous. 

IV.  Suite  des  patriarches  latins  de  Jérusalem,  après  que  nous 
l'eûmes  perdue. 

V.  Prise  de  Constantinople  par  les  Latins,  et  les  patriarclies 
latins  de  Constantinople. 

VI.  Contniualion  des  patriarches  latins  de  Constantinople, 
après  que  les  Grecs  eurent  repris  cette  ville  sur  nous. 

VII.  Réflexions  importantes  sur  toute  celte  histoire,  pour  !a 
justification  de  l'Eglise  latine,  où  l'on  a  donné  des  évèques 
lalins  aux  Eglises  qui  avaient  déjà  des  évèques  grecs  :  et  où 
l'on  a  continué  de  nommer  des  évèques  pour  des  villes  que  les 
Grecs  ou  les  princes  infidèles  nous  avaient  enlevées. 

VIII.  Suite  de  la  création  des  patriarches  latins. 

IX.  On  traite  dans  le  concile  de  Florence  de  réunir  ces  titres 
avec  ceux  des  patriarches  grecs.  Il  n'en  tint  qu'aux  Grecs  que 
celle  réunion  ne  se  fit,  ou  ne  s'afTermit. 

X.  Le  cardinal  liessarion,  nommé  par  le  pape  patriarche  de 
Constantinople,  travailla  k  reprendre  celte  ville  sur  les  infidèles, 
quoique  sans  succès. 

XI.  Réllexions  sur  les  événements  historiques  de  tant  de 
siècles,  qui  sont  l'accomplissement  et  la  justification  meneil- 
leuse  des  paroles  et  des  promesses  de  J.-C.  k  saint  Pierre  dans 
son  Evangile. 

XII.  ijucls  pouvoirs  les  papes  avaient  laissés  à  ces  patriar- 
ches latins  d'Orient.  Raisons  d'en  user  de  la  sorte. 

XIII.  Réponse  à  nne  difficulté. 

XIV.  Quels  pourraient  être  les  pouvoirs  des  patriarches  qu'on 
s'imagine  quelquefois  pouvoir  être  créés  de  nouveau. 

XV.  Les  pouvoirs  de  toutes  les  dignités  ecclésiastiques  doivent 
être  mesurés  sur  les  besoins  de  l'Eglise,  parce  que  les  évèques 
mêmes  ne  sont  pas  évèques  pour  eux,  mais  pour  l'Eglise. 

I.  Nous  nous  étendrons  un  peu  plus  qu'à 
l'ordinaire  sur  cette  matière  et  nous  larejiren- 
dions  dans  sa  source,  parce  qu'il  s'y  agit  de 
justifier  toute  l'Eglise  dans  l'établissement 
qu'elle  fit  des  patriarches  latins  dans  les  sièges 
où  il  y  avait  déjà  des  patriarches  grecs,  contre 
les  anciens  canons  (pii  ne  souffraient  pas  que 
deux  évèques  occupassent  un  même    siège. 

Ce  ne  fut  qu'à  la  lin  du  onzième  siècle  que 
les  Latins  t  oiKinirent  la  Palestine,  et  que  les 
princes  et  prélats  ijni  se  trouvèrent  à  Jérusalem 
y  élurent  pour  patriarche  Théobert,  archevê- 
que de  Pisf  et  légal  du  Saint-Siège,  après  en 
avoir  ciiassé  un  iidàine  usurpateur,  nommé 
Arnuliihe,  qui  était  de  la  suite  du  duc  de  Nor- 
mandie. Bernard  fut  en  même  temps  élu  pa- 
triarche d'Anlioche  (An.  1(199). 

Les  princes  Godefroy  de  Jérusalem  et  Bohé- 


mond  d'Antioche  reçurent  de  ces  nouveaux  pa- 
triarches l'investiture  de  leurs  principautés. 
Mais  le  prince  Godefroy  n'ayant  d'abord  ac- 
cordé au  patriarche  que  ce  que  les  Turcs  avaient 
laissé  au  patriarche  précédent,  et  le  patriarche 
prétendant  avec  raison  la  succession  entière 
des  anciens  jiatriarches  avec  le  démembrement 
que  les  Turcs  en  avaient  fait,  ce  fut  là  le  sujet 
d'une  très-dangereuse  contestation.  Le  pieux 
Godefroy  rendit  enfin  au  patriarche  tous  les 
droits  de  l'Eglise ,  et  le  domaine  de  la  ville 
même  de  Jérusalem  avec  toutes  ses  apparte- 
nances, devenant  lui-même  le  vassal  de  l'Eglise 
et  du  saint  sépulcre  (Vuillelm.  Tyrius.  L.  x, 
c.  i).  Mais  Baudouin,  frère  de  Godefroy,  s'étant 
fait  créer,  après  la  mort  de  son  frère,  premier 
roi  de  Jérusalem,  ne  crut  pas  pouvoir  soutenir 
la  gloire  de  cette  nouvelle  royauté  s'il  ne  re- 
prenait sur  l'Eglise  ce  que  Godefroy  lui  avait 
cédé  (An.  1000).  Théobert  ou  Daibert  chassé  de 
son  siège,  eut  recours  au  pajjc,  qui  examina  sa 
cause,  prononça  en  sa  faveur,  et  le  renvoya 
pour  reprendre  possession  de  son  siège,  sur 
lequel  Baudouin  avait  déjà  fait  monter  Ebre- 
mar  [\n.  110  4).  Daibert  mourut  à  Messine,  en 
Sicile,  en  retournant  à  Jérusalem,  après  qua- 
tre ans  de  siège  et  trois  ans  d'exil  (An.  di07). 

Ebremar,  informé  de  la  sentence  prononcée 
à  Rome,  mais  non  pas  de  la  mort  de  Daibert , 
vint  aussi  à  Rome  pour  s'y  justifier.  Le  pape  le 
renvoya  avec  un  légat  a  latere,  pour  être  jugé 
dans  un  concile  sur  les  lieux  mêmes.  Ce  fut 
Gibelin,  archevêque  d'Arles,  qui  fut  chargé  de 
cette  légation.  Le  concile  déclara  Ebremar  in- 
trus et  le  dè])osa.  Le  légat,  néanmoins, instruit 
d'ailleurs  de  sa  i)iété,  de  sa  simplicité  et  de  sa 
candeur  admirable,  le  transféra  à  l'Eglise  de 
Césarée,  tpii  était  vacante.  Le  peuple  et  le  clergé 
éliH-ent  enfin  Gibelin  même  pour  leur  jiatriar- 
che. 

Le  pape  Pascal,  écrivant  au  roi  Baudouin  et 
au  nouveau  patriarche,  fit  ce  sage  et  salutaire 
règlement,  (pie  puisque  le  débordement  et  le 
long  domaine  des  nations  infidèles  avaient  con- 


DES  PATRIARCHES  LATINS  EN  ORIENT. 


137 


fond»  les  bornes  des  anciens  ('vôclins  ou  arche- 
vêchés, toutes  les  villes  episcoiiales  ([ue  le  roi 
Baudouin  pourrait  con(|uérir  seraient  soumises 
au  |iontife  de  Jérusalem,  comme  à  leur  j>a- 
triarehe  ou  comme  à  leur  métropolitain.  «  Pa- 
triarcliali,  sivemetropolitanojure  (Epist.  xvui, 
xix).  » 

II.  Le  patriarche  d'Antioche,  Bernard,  s'étant 
plaint  de  ce  règlement  qui  semblait  al)andon- 
ner  les  évèchés  de  sa  dépendance  au  patriarche 
de  Jérusalem,  le  même  pape  déclara  par  les 
lettres  qu'il  écrivit  au  roi  Baudouin  et  à  lui, 
que  son  décret  ne  reganlait  que  les  villes  dont 
la  longueur  du  temps  et  la  confusion  des 
guerres  avaient  rendu  les  droits  incertains; 
mais  ([u'il  ordonnait  ([ue  les  villes  et  les  églises 
dont  l'ancien  ressort  serait  certain,  rentrassent 
aussi  dans  leur  ancienne  dépendance,  par  quel- 
que prince  qu'elles  pussent  être  subjuguées. 
«  Non  enim  volumus,  aut  propter  principnm 
potentiam,  Ecclesiasticam  minui  dignitatem  : 
aut  pro  Ecclesiaslica  dignitate,  princi[)um  po- 
tentiam mutilari  (  Ei)ist.  xx,  xxvui,  xxix).  » 
Ainsi  les  évêchés  (jui  avaient  relevé  du  patriar- 
che d'Antioche,  même  sous  l'empire  des  Sar- 
rasins, lui  furent  rendus,  quoique  le  roi  de 
Jérusalem  les  eût  soumis  à  sa  puissance. 
Guillaume,  archevêque  de  Tyr,  de  qui  toute 
cette  narration  est  tirée,  jtarle  de  l'érection 
faite  de  l'évêché  de  Bethléem  par  le  légat  du 
pape,  conmie  de  la  création  d'une  nouvelle 
dignité.  Ce  fut  le  roi  Baudouin  qui  le  dota 
(An.  1110). 

Cependant,  Gibelin  étant  mort,  l'archidiacre 
Arnulphe,  auteur  de  toutes  les  dissensions  que 
nous  avons  touchées,  fut  élu  en  sa  place 
(An.  1112).  L'énormité  de  ses  autres  crimes 
obligea  le  pape  Pascal  d'envoyer  Tévêque 
d'Orange  en  qualité  de  légat  en  Palestine.  Un 
concile  assemblé  de  tous  les  évèques  du 
royaume  examina  sa  vie  débordée  et  le  déposa, 
11  vint  à  Rome  où  ses  artifices  et  ses  présents 
corrom])irent  les  juges.  Il  fut  rétalili  et  se  replon- 
gea dans  sa  vie  licencieuse  (An.  Ill.'>.  Vuillel. 
Tyr.  I.  XI,  C.26). 

(iuarimond,  qui  était  aussi  Français,  lui  suc- 
céda (An.  1118),  et  ce  fut  durant  son  pontificat 
que,  la  ville  de  Tyr  ayant  été  recon(piise, 
Guillaume,  anglais  de  nation  et  prieur  du 
saint  sépulcre,  en  fut  élu  archevè(pie.  Guari- 
mond  l'ordonna,  mais  il  fallut  venir  à  Borne 
|iour  recevoir  le  pallium.  Le  pape  Honoré  11  le 
lui  donna  et  envoya  avec  lui  un  légat  a  latere^ 


|tour  obliger  le  patriarelie  d'Antioche  de  lui 
rendre  tous  les  évè(li('>s  d(;  l'ancienne  nieiio- 
jiole  de  Tyr.  Le  successeur  de  Guarimond  lut 
Etienne,  auparavant  abbé  de  Saint-Jean  de 
Chartres  (An.  1127,  1I2S). 

Ce  prélat,  aussi  zélé  pour  la  défense  des  droits 
de  son  Eglise  que  pour  toutes  les  autres  fonc- 
tions de  la  sollicitude  pastorale,  entra  aussitôt 
en  différend  avec  le  roi  Baudouin,  prétendant 
que  la  ville  de  Jaffa  appartenait  à  son  Eglise, 
et  que  la  sainte  cité  même  lui  appartiendrait 
dès  que  la  ville  d'Ascalon  aurait  été  rejjrise 
sur  les  infidèles  iVuillel.  Tyr.  1.  xiu,  c.  2:>). 
Une  mort  précipitée  arrêta  ses  poursuites; 
quehiues-uns  crurent  (pfil  avait  été  em|)oi- 
sonné,  et  il  crut  lui-mènie  cpie  le  roi  Baudouin 
n'en  était  pas  innocent.  Guillaume,  qui  était 
de  Malines  eu  Brabant,  lui  succéda  (An.  II. JO). 

111.  Le  siège  patriarcal  d'Antioche  n'avait 
pas  été  exposé  à  des  agitations  si  violentes,  à 
cause  de  la  longue  vie  et  de  la  sage  con- 
duite (lu  premier  patriarche,  qui  le  gouverna 
durant  l'espace  de  trente-six  ans.  Mais  après  sa 
mort  cette  première  tranquillité  fut  suivie 
d'une  etTroyable  tempête.  Rotlolphe  llamistan, 
originaire  du  diocèse  du  Mans,  s'en  empara 
sans  l'agrément  du  clergé,  par  la  seule  faction 
du  peuple  qu'il  avait  gagné  par  ses  présents  ; 
il  eut  l'audace  de  prendre  lui-même  le  pallium 
de  dessus  l'autel  de  saint  Pierre,  disant  (ju'il 
n'était  pas  nécessaire  de  l'attendre  de  Rome, 
parce  cpie  la  chaire  d'Antioche  et  celle  de 
Rome  n'étaient  qu'une  même  chaire  de  saint 
Pierre,  et  que  celle  d'Antioche  devait  avoir  les 
droits  d'aînesse  :  «  UtrauKpie  esse  Pétri  cathe- 
dram,  Antiochenam,  (piasi  primogenitam  iiisi- 
gnem  pra-rogativa  (An.  1030.  Vuillel.  Tyr^ 
1.  xiv,  c.  20,  et  1.  XV,  c.  23).  » 

Le  prince  d'Antioche  cessant  de  favoriser 
cet  intrus  schismatique,  il  fut  forcé  de  se  venir 
défendre  h  Rome,  oii  son  archidiacre  et  quel- 
ques autres  étaient  venus  l'accuser.  Il  y  remit 
entre  les  mains  des  cardinaux  le  pallium  iiu'il 
s'était  donné  lui-même,  et  en  reçut  un  autre 
de  la  main  du  premier  des  cardinaux  diacres. 
On  le  renvoya  à  son  Eglise  pour  y  attendre  les 
légats  a  lalere,  qui  iraient  examiner  sa  cause. 
Ce  ne  fut  qu'après  plusieurs  refus  de  la  part 
du  iirinee  et  du  clergé  d'Antioche  ([u'il  y  fut 
reçu.  L'archevêque  de  Lyon  (jui  fut  le  premier 
chargé  de  cette  légation  par  le  pape  Inno- 
cent Il  mourut  à  Acre,  et  on  croit  que  ce  fut 
de  poison. 


m 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


Le  cardinal  Albéric.  évoque  d'Ostie,  lui  fut 
substitué,  et  il  assembla  un  coucile  à  Antioche 
où  le  |)atriarche  de  Jérusalem  se  trouva  avec 
les  archevêques  et  évèquesde  l'un  et  de  lautre 
patriarcat.  Le  [latriarche  d'Antiocbe  n'y  voulut 
jamais  comiiaraître  ;  le  légat  qui  présidait  au 
concile,  soutenu  de  la  faveur  du  prince  d'An- 
tiocbe, ne  laissa  pas  de  le  déposer,  de  lui  ôter 
son  anneau  et  sa  croi.x,  et  de  le  faire  enfermer 
dans  un  monastère.  Il  s'écbappa,  vint  à  Rome, 
gagna  de  nouveau  la  cour,  et  se  préparait  à 
son  retour,  lorsqu'il  fut  empoisonné  par  un  de 
ses  domesti(iues  (An.  1039). 

Le  patriarche  Guillaume  de  Jérusalem  pensa 
aussi  se  brouiller  avec  le  pai)e  Innocent  IL  Car 
Foulque,  gascon  et  abbé  d'un  monastère  de 
chanoines  réguliers,  ayant  été  élu  archevêque 
deTyr,  et  voulant,  après  que  le  patriarche  l'eût 
consacré,  venir  à  Rome  |)oiu'  y  recevoir  le  pal- 
lium  à  l'exemple  de  son  prédécesseur,  le  pa- 
triarche traversa  son  voyage  par  toutes  les 
malices  dont  il  put  s'aviser.  Le  pape  lui  lit  des 
plaintes  et  des  reproches  tout  ensemble  de  son 
ingratitude  envers  l'Eglise  romaine,  qu'il  de- 
vait reconnaître  conmie  la  libératrice  des 
Eglises  orientales.  «  Cum  Romana  Ecdesia  pro 
liberalione  orientalis  Ecdesia^  tanto])erc  labo- 
raverit,  filiorum  nmltorum  sanguinem  elfun- 
dendo. » 

Enfin  ce  i)ape  manda  au  patriarche  de  Jéru- 
"salem  et  aux  évèques  suffragants  de  Tyr  de  ren- 
dre au  mélropolilaiii  de  Tyr  tous  K's  justes  de- 
voirs de  sa  dignité  ,  puisque  c'était  le  Saint- 
Siège  même  qui  avait  absous  ces  évèques  de  la 
fidélité  (ju'ils  avaient  jurée  au  patriarche  d'An- 
tiocbe pour  les  remettre  dans  l'obéissance  légi- 
tiine  de  leur  ancien  métropolitain,  o  Nos  enim 
^os  et  Ecclesias  vestras  Tyrensi  Ecclesiœ,  quœ 
vestra  metrojiolis  est,  auctoritale  apostolica 
restiluinuis,  et  a  juramento,  vcl  fidelitate,  (|ua 
patriarcba;  Anliocheno  estis  astricti,  eodem 
modo  absoivimus.  » 

Cependant  ceux  d'Antiocbe  élexèrent  sur  le 
trône  Aimeric  de  Limoges,  dont  le  mérite  et 
l'appui  ne  consistaient  (ju'en  des  libéralités  qui 
devaient  lexcliue  d'une  si  sainte  dignité 
(Ann.  Hi:j).  Dans  la  suite  du  tenq)s  il  ne  laissa 
pas  d'exercer  la  légation  du  Siège  apostolique 
en  Orient,  et  d'y  donner  conunencement  à 
l'ordre  des  Carmes,  en  réunissant  sur  le  .Mont- 
Carniel  tous  les  Occidentaux  qui  désiraient  de 
vivre  solitaires  dans  la  Terre  sainte  (An.  IhSI). 
Enfin  les  Sarrasins,  sous  l'empire  de  Sidadiu, 


reprirent  toute  la  Palestine  et  Jérusalem  même, 
où  Dositbèe  lut  élu  patriarche,  après  qu'elle 
eut  été  (juatre-vingt-sept  ans  en  notre  puis- 
sance (An.  M 87). 

IV.  Ce  fut  ce  patriarche  de  Jérusalem  Dosi- 
tbèe que  l'empereur  Isaac  l'Ange  voulut  trans- 
férer à  Constantinople,  après  en  avoir  chassé 
le  patriarche Nicétas  (An.  1193.  —  Nicetas  Cha- 
înâtes). 11  avait  fait  espérer  ce  siège  œcimiéni- 
que  à  Balsamon,  patriarche  grec  d'Antiocbe, 
s'il  pouvait  faire  agréera  un  concile  d'évêques 
cette  translation.  Balsamon  y  étala  tous  les  ca- 
nons et  toutes  les  lois,  mais  après  que  le  con- 
cile eut  reconnu  que  la  translation  pouvait  être 
canonique,  l'empereur  éleva  à  cette  suprême 
dignité  Dosithée.  Les  prélats  et  le  clergé,  in- 
dignés qu'on  les  eût  si  honteusement  joués, 
le  chassèrent  de  son  siège  ;  l'empereur  l'y 
ayant  rétabli,  ils  l'en  détrônèrent  une  seconde 
fois  et  élurent  Xiphilin  en  sa  place.  Cependant 
on  avait  élu  un  autre  patriarche  à  Jérusalem, 
et  Dosithée  se  trouva  en  même  temps  privé  du 
siège  qu'il  avait  abandonné,  et  de  celui  qu'il 
avait  recherché. 

Ce  fut  apparemment  Héraclius  qui  succéda 
à  Dosithée,  et  après  lui  le  cardinal  Soffredus, 
légat  du  Saint-Siège,  fut  élu,  mais  quelque  ins- 
tance que  le  pape  lui  fît,  il  ne  voulut  jamais 
accepter  la  charge  d'une  Eglise  si  désolée.  On 
lui  subrogea l'èvêque  de  Verceil,  qui  était  aussi 
légat  du  Saint-Siège,  et  à  qui  le  pape  donna  le 
pallium,  écrivant  à  tous  les  archevêques  et 
évè(iues  de  la  Palestine  de  se  soumettre  à  sa 
juridiction  (Spondanus  an.  1203,  n.5.  Rainal- 
dusan.  1-203,  n.  9  et  seq.  An.  1205.  n.  27).  D'où 
il  est  évident  que  nous  possédions  encore  plu- 
sieurs places  de  la  Palestine,  et  que  les  prélats 
latins  résidaient  encore  dans  leurs  Eglises 
épiscopales,  et  peut-être  même  dans  Jérusa- 
lem. 

V.  Mais  si  le  lustre  du  patriarche  latin  de  Jé- 
rusalem était  obscurci  [lar  l'invasion  d'un 
l)rince  infidèle,  la  complète  ipie  les  Latins  fi- 
rent peu  d'années  après  de  l'empire  et  de  la  ville 
de  Consiantinoi)le  y  donna  lieu,  non-seule- 
ment à  la  création  d'un  empereur  latin,  mais 
aussi  à  l'èleelion  d'un  nouveau  patriarche  de 
la  communion  latine  (An.  1204).  Ce  fut  Tho- 
mas Mauroceinis,  vénitien.  Le  mar(}uis  de 
Jlontlerrat  fut  fait  roi  de  riiessalie  et  du  Pélo- 
ponnèse. Godefroy  fut  reconnu  duc  d'Athènes 
et  prince  d'Acluûe,  l'un  et  l'autre  relevant  de 
l>iiudouin,eiuitcreurlulin  de  Constantinople.  Le 


DES  PATRIARCHES  LATINS  E\  ORIENT. 


139 


patriaixlie  grec  Jean  Cauiatcrus  se  retira  a 
Nicée,  avec  l'empereur  de  sa  nation  (Rainalil. 
ami.  110."),  n.  lii). 

Le  pape  luuucent  ill  consacra  à  Rome  le 
nouveau  patriarche  de  Consiantinople,  lui 
donna  lepallium  comme  \?imarqne  de  la  pléni- 
tude de  puissance  pontificale,  reçut  de  lui  le 
serment  de  fidélité  et  d'obéissance,  semblable 
à  celui  des  primats  et  des  métropolitains  ;  en- 
fin selon  les  actes  de  ce  pape,  dont  ce  récit  est 
tiré,  le  pape  lui  déclara  que  l'Eglise  de  Cons- 
iantinople n'ayant  pu  par  elle-même  aspirer  à 
avoir  rang  entre  les  sièges  apostoliques,  l'Eglise 
romaine  l'y  avait  fait  monter,  et  l'avait  même 
préférée,  par  un  privilège  particulier,  aux 
Eglises  patriarcales  d'Alexandrie,  d'Antioche 
et  de  Jérusalem  ;  ce  qui  devait  l'obliger  à  une 
reconnaissance  d'autant  plus  grande  et  une 
obéissance  plus  fidèle. 

Quoique  l'apparence  du  détail  de  l'histoire 
semble  fort  contraire  à  ce  discours  d'Innocent, 
c'est  néanmoins  au  fond  une  vérité  fort  cons- 
tante, ([ue  le  droit  divin  et  l'institution  propre 
de  J.-C.  n'a  établi  au-dessus  des  évèques  que 
l'autorité  de  Pierre  et  de  ses  successeurs  dans 
le  Siège  apostolique  ;  que  par  conséqueut  les 
puissances  et  les  diguités,  soit  patriarcales, 
soit  primatiales,  soit  métropolitaines,  que 
l'Eglise  a  depuis  instituées  entre  le  pape  et  les 
évèques,  sont  des  imitations  ou  des  émanations 
et  comme  des  ruisseaux  du  privilège  divin  de 
Pierre  ;  enfin  que  les  anciens  patriarcats  d'A- 
le.xandrie  et  d'Antioche  n'ayant  tiré  leur  gran- 
deur i[ue  de  la  personne  et  du  privilège  de 
Pierre,  celui  de  Consiantinople  n'aurait  jamais 
pu  passer  pour  véritablement  canonique,  si  les 
papes,  s'accommodant  à  la  nécessité  des  temps 
et  à  la  paix  de  l'Eglise,  n'eussent  enfin  consenti 
il  cette  exaltation  si  surprenante  d'une  Eglise 
nouvelle  sur  toutes  les  autres  Eglises  an- 
ciennes. 

Nous  avons  déjà  dit  quelle  étendue  le  même 
Innocent  III  et  le  concile  de  Latran  donnèrent 
aux  pouvoirs  de  ces  patriarches,  prétendant 
que  les  anciens  patriarches  avaient  été  res- 
serrés dans  les  mêmes  bornes  :  «  Antiqua  pa- 
triarchalium  sedium  privilégia  rénovantes 
(G.  Antiqua.  Extra.  De  purgat.  Canonica).  » 
C'est  à  savoir  que  le  pape  leur  donnerait  le 
pallium,  et  recevrait  d'eux  le  serment  de  fidé- 
lité et  d'obéissance;  qu'ils  donneraient  eux- 
mêmes  le  pallium  à  leurs  sutlragants,  et  rece- 
vraient d'eux  la  profession  canonique  et  une 


protestation  d'obèissanee  pour  le  Saint-Siège  ; 
que  de  toutes  les  provinces  de  leur  ressort  on 
en  appellerait  à  eux,  et  d'eux-mêmes,  aussi  bien 
que  (le  tous  les  autres,  au  Saint-Siège. 

Evrard  ,  qui  avait  succédé  à  Thomas  sur  le 
trône  de  Consiantinople ,  poussait  bien  ()his 
loin  ses  prétentions.  Car  il  envoyait  dans  les 
provinces  de  son  obéissance  des  légats  a  latere, 
avec  la  même  plénitude  de  ]>uissance  que  le 
pape  donnait  aux  siens,  de  juger  toutes  sortes 
de  causes  ,  même  en  première  instance  , 
d'excommunier  et  d'absoudre  les  sujets  des 
autres  prélats,  sans  leur  participation,  de  créer 
des  archevêques  au  préjudice  des  anciens  mé- 
tropolitains ,  de  ne  point  déférer  aux  appels 
près  du  Siège  apostolique,  d'absoudre  ceux  qui 
étaient  tombés  dans  l'excommunication  pour 
avoir  frappé  des  clercs ,  enfin  de  ne  point  se 
soumettre  aux  canons  du  concile  de  Latran, 
dans  la  collation  des  bénéfices  [Rainald.  ad 
au.  1217,  n.  ITj.  Ce  sont  là  tous  les  chefs  dont 
le  pape  Honoré  III  se  plaignit  dans  sa  lettre 
au  patriarche  de  Consiantinople,  qui  semblait, 
en  respirant  l'air  de  Consiantinople,  en  avoir 
aussi  conçu  le  faste  et  cet  ancien  esprit  de  do- 
mination et  d'indépendance  ([ui  y  avait  régné 
depuis  si  longtemps  (An.  1218,  n.  28  . 

Après  la  mort  d'Evrard  (Rainald.  an.  1221, 
n.  27  ,  le  clergé  de  Consiantinople  ne  pouvant 
s'accorder  pour  l'élection  du  patriarche ,  dé- 
puta au  pape  Honoré  III  pour  lui  en  demander 
un.  Ce  pape  nomma  Matthieu,  évêque  d'Aquila, 
au([uel  il  accorda  les  anciens  privilèges,  et 
entre  autres  de  sacrer  tous  les  rois  de  ce  nouvel 
empire ,  avec  le  consentement  de  l'empereur, 
avec  ordre  d'empêcher  qu'on  allât  en  jtroces- 
sion  au-devant  d'eux  ou  qu'on  leur  portât  le 
livre  des  Evangiles  à  baiser,  s'ils  n'avaient  été  * 
auparavant  consacrés  par  l'onction  sainte  dans 
l'église. 

Après  le  décès  de  Matthieu  (An.  122G,  n.  29), 
le  clergé  de  Consiantinople  s'étant  encore  par- 
tagé ,  et  les  uns  demandant  l'èvêciue  de  Beau- 
vais,  les  autres  s'opiniàtrant  dans  leur  opposi- 
tion, leurs  députés  même  près  du  pape  Honoré 
n'ayant  pu  s'accorder,  ce  pape  transféra  l'arche- 
vêque de  Besançon  à  Consiantinople ,  protes- 
tant qu'il  le  faisait  bien  moins  pour  donner  une 
grande  Eglise  à  ce  prélat,  que  pour  donner  un 
digne  prélat  à  cette  éminente  Eglise.  «  Non  tam 
persouœ  in  Ecclesia,  quam  Ecclesiœ  in  persona 
nos  consulere  arbitrantes.»  Ce  fut  par  une  sem- 
blable translation  que  Grégoire  passa  ensuite  de 


liO 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


rcvêcIiL'  de  Nantes  au  patriarcat  de  Constantino- 
j)le.  Enfin  ce  fut  le  pape  Innocent  IV  qui  éleva 
à  cette  dignité  Pantaléon  Justinien ,  des  plus 
illustres  familles  de  Venise ,  qu'il  créa  aussi 
légat  apostolique  dans  l'Orient  (An.  12o-4, 
n.  53). 

VI.  Constantinople  fut  reprise  par  les  Grecs 
sous  ce  patriarche  'An.  1261),  mais  comme  les 
Latins  ne  perdirent  pas  l'espérance  de  se  ren- 
dre encore  une  fois  les  maîtres  de  cette  Eglise  et 
de  cette  ville  impériale,  aussi  ne  se  désistèrent- 
ils  pas  de  nommer  des  patriarches  latins.  Dix 
ou  douze  ans  après  l'Eglise  grecque  se  réunit  à 
l'Eglise  latine  dans  le  W  concile  de  Lyon  (An. 
1274,  n.  Ki)  ;  ils  s'en  séparèrent  dix  ans  ajirès. 
Roniface  VIII  forma  de  généreux  desseins  pour 
le  recouvrement  de  l'empire  de  Constantinople 
(An.  1284).  Renoît  XI  y  poussa  avec  toutes  les 
instances  possibles  Charles  de  Valois,  de  la  mai- 
son de  France ,  qui  en  avait  épousé  l'héritière 
(An.  1304). 

Après  cela  il  y  a  moins  de  sujet  de  s'étonner 
si ,  nonobstant  la  perte  de  Constantinople  ,  on 
n'a  jias  cessé  d'y  nommer  des  patriarches  la- 
tins. Les  brouilleries  ordinaires  entre  les  Véni- 
tiens ,  qui  s'étaient  comme  mis  en  possession 
de  ce  trône  éminent,  et  les  Français  qui  y  pré- 
tendaient avec  tant  de  raison,  avaient  fait  tom- 
ber entre  les  mains  du  pape  le  droit  d'y  ]iour- 
voir.  Le  pape  Roniface  VIII  fit  une  constitution 
générale  pour  les  (piatre  patriarcats  latins  de 
l'Orient,  jiar  la(]U(lli'  il  ri'serva  au  Saint-Siège 
le  pouvoir  d'y  nonuner  (juand  ils  seraient  va- 
cants (Rainald.  an.  1301,  n.  24).  En  effet,  les 
chapitres  à  qui  l'élection  en  eût  appartenu 
étant  écartés,  et  les  chanoines  si  dispersés,  à 
cause  de  la  désolation  des  villes  et  des  églises , 
qu'il  leur  était  impossible  de  s'assembler  en 
assez  grand  nombre  pour  faire  une  élection 
canoni(iue  ,  il  n'était  plus  possible  de  remplir 
autrement  ces  grandes  Eglises  que  par  la  no- 
mination du  Snint-Siége.  Les  chapitres  subsis- 
taient donc  encore,  quoicjue  dispersés  ;  «  Ipsa- 
runi  capitulis ,  seu  conventibus  et  canonicis 
dis|iersis  undique  extra  civitates  ipsas,  per 
alias  regiones ,  seu  loca  a  civilalibus  ipsis 
remota.  »  (Extrav.  comnuui.  1.  i,  tom.  mi,c.  3.) 

Le  patriarche  latin  de  Constantinople  nonnné 
Pierre  élanl  mort,  de  tous  les  chanoines  il  ne 
s'en  trouva  ([u'un  de  jirésent,  et  il  lit  lui  seul 
r élection,  tous  les  autres  chanoines  étant  écar- 
tés ;  ce  qui  obligea  l'élu  de  remettre  ses  droits 
entre  les  mains  du  pape.  «  Solum  per  unum 


canonicimi  fuit  de  novo  pastore  elecfio  cele- 
brata  ;  aliis  canonicis  suis  agentibus  in  remo- 
tis.  Dictus  tamen  electus  ,  juri ,  si  quod  sibi  ex 
electione  hujusmodi  competebat  ,  in  nostris 
manibus  sponte  ac  libère  resignavit.  » 

C'était  donc  une  inévitable  nécessité  de  ré- 
server ces  nominations  au  Sainl-Siége.  Car  y 
ayant  encore  un  nombre  considérable  d'ecclé- 
siastiques latins  et  même  d'évêques ,  qui  ont 
toujours  subsisté  depuis,  surtout  dans  les  îles; 
outre  une  multitude  innombrable  de  la'iques , 
ou  latins,  ou  de  la  communion  latine,  qui  oc- 
cupent effectivement  encore  les  mêmes  îles  :  il 
n'était  pas  raisonnable  de  les  priver  de  la  con- 
solation et  de  la  protection  qu'ils  devaient  jus- 
tement attendre  d'un  patriarche  latin  de  Cons- 
tantinople. 11  y  a  même  de  l'apparence  qu'il 
nous  demeura  (jueliiues  églises  latines  dans 
Constantinople  même,  dont  il  en  subsiste  en- 
core quelques-unes. 

VII.  Guillaume  deTyr  dit  en  termes  formels 
que  lorsque  nous  eûmes  pris  Antioche  nous 
rétablîmes  le  patriarche  grec  sur  son  trône , 
et  qu'il  ne  nous  tomba  seulement  pas  dans  la- 
jiensée  de  créer  pendant  sa  vie  un  autre  pa- 
triarche latin,  parce  que  les  canons  ne  souffri- 
rent jamais  deux  évê(|ues  dans  un  même  siège. 
Mais  environ  deux  ans  après  le  patriarche  grec 
s'étant  lui-même  jugé  peu  propre  à  gouverner 
les  Latins,  il  se  retira  à  Constantinople,  et  nous 
fûmes  comme  en  nécessité  d'élire  mi  patriarche 
de  notre  nation.  11  en  faut  dire  autant  des  au- 
tres Eglises  épiscopales,  (jue  nous  remplîmes 
lorsfjue  nous  les  troux'âmes  vacantes. 

«  Dominum  patriarcliam  in  sede  pro])ria 
loca^eruntcum  nnilto  honore  :  per  urbes  fini- 
fimas  ,  qna?  cathedralem  consueverant  habere 
dignitatem  ,  conslitucMites  episcopos.  Nostrae 
vero  Latinitatis  patriarcliam  eo  vivente  qui 
pridem  ibi  ordinatus  fuerat,  eligere,  vel  con- 
secrare  non  pra'smnpserimt ,  ne  duo  unum  et 
eumdem  obtinere  Ihronum  viderentur.  Quod 
manifeste  contra  sacros  canones  et  contra  san- 
ctorum  constiiuta  Patrum  esse  dignoscitur.  Sed 
tamen  |)Ostmo(lum  vix  evoluto  biennio  vidons 
ipse  (piod  non  satis  utiliter  pneesset  gravons 
latinis,  urbe  cedens,  Conslantinopolim  abiit. 
Post  eujus  discessum  convenientes  ejiisdem 
civitalis  clerus  et  populus  sibi  praifecerunt  pa- 
triarcham  (L.  vu,  c.  23).» 

Les  Grecs  ne  trouvèrent  pas  bon  (|ue  nous 
eussions  créé  un  patriarche  latin  ;i  Antioche. 
Cinnamus  ditijue  renn)ercur  Manuel  Comnène, 


DES  PATUliVRCUKS  LATINS  EN  OUIENT. 


141 


(lu'il  accompagna  toujours  clans  ses  guerres  et 
dont  il  a  ciiit  riiistuire  en  six  livres,  lit  (iro- 
inettre  au  i)rince  d'Antioelie  qu'on  enverrait 
lie  Constantinople  un  patriarche  à  Antioclie, 
selon  l'aneienae  coutume.  «  L'I  lîyzantiu,  [iront 
antea  lieri  consueverat,  Autiocliiam  pontifex 
milteretur  (F.iv.  iv,  c.  18,  -20).»  Ceux  cl'An- 
tioche  ne  purent  se  résoudre  à  cela,  et  en  en- 
voyèrent faire  des  remontrances  à  l'empereur 
qui  se  relàclia  sur  quelques  autres  points,  mais 
demeura  intlexible  sur  celui-ci.  «  Pontificem 
«  aliunde  quam  Byzantio  assumi  negavit  se 
«  perinissurum.  » 

La  vérité  est  que  l'empereur  et  les  prélats 
qui  s'étaient  trouvés  à  Constantino[ile  avaient 
élu  un  patriarche  grec  d'Antioelie,  nommé 
Athanase.  C'était  la  manière  ordinaire  des 
Grecs  d'élire  alors  les  évoques.  Cinnamus 
nomme  peu  après  ce  patriarche  Athanase  avec 
les  deux  autres  qui  firent  la  cérémonie  du  ma- 
riage de  l'empereur  L.  v,  c.  7,  16).  11  dit  plus 
bas  ([ue  le  métropolitain  de  Kiovie  qui  gouver- 
nait toute  la  Russie,  était  envoyé  de  Constanti- 
nople.  «  Episcopus  Byzantio  missusillicpra'fici 
solet.  »  La  princesse  Anne  Comnène  qui  a 
écrit  avec  tant  de  politesse  l'histoire  de  l'em- 
pereur Alexis  Comnène,  sou  père,  rapporte  le 
traité  entier  de  pacification  entre  l'empereur 
Alexis,et  Bohémond,premierprince  laïin  d'An- 
tioche  (iVlexiados.  1.  xni).  L'un  des  articles 
était  le  même  dont  nous  venons  de  parler,  ex- 
primé en  termes  encore  plus  clairs.  «  Promitto 
non  futurum  Antiochiœ  patriarchara  exuostro 
génère  :  sed  eum  quem  vestra  majestas  in 
eam  dignitatem  promoverit,  delectum  e  nu- 
méro alunmorum  magnaeConstautiuopolitanœ 
Ecclesiœ. 

Cette  condition  ne  fut  nullement  observée, 
comme  il  parait  par  l'histoire  abrégée  que 
nous  avons  faite  des  patriarches  d'Antioelie. 
Mais  il  faut  conclure  de  là  que  dans  ces  ren- 
contres il  était  comme  inévitable  qu'il  y  eût 
deux  évèques  d'une  même  ville,  parce  (]ue 
les  Latins  qui  possédaient  et  qui  peuplaient  la 
ville  étaient  sans  doute  en  droit  d'avoir  un 
évèque  qui  entendît  le  langage  de  son  troupeau, 
et  ils  ne  pouvaient  s'en  passer.  Et  les  Grecs 
étaient  aussi  en  possession  de  donner  des  évè- 
ques à  ces  villes,  qu'ils  croyaient  ne  leur  être 
échappées  que  pour  un  peu  de  temps. 

Il  est  donc  certain  que  dans  ces  conjonctures 
on  ne  pouvait  avoir  aucun  égard  aux  canons  an- 
ciens qui  ue  soutiraient  pas  deux  évèques  dans 


une  même  Eglise.  Car  l"  iiuaud  nous  eûmes 
conquis  Jérusalem,  Antioche  et  Constantinople, 
les  patriarches  et  les  évèques  grecs  n'étaient 
pres(iue  plus  de  la  conmumion  romaine  selon 
plusieurs.  Certainement  leurs inésinlelligences 
avec  les  latins  étaient  lrè>-fié(iiii'nles.  2"  Leur 
foi  même  était  ou  paraissait  a  (ilusieurs  dille- 
rente,  surtout  aux  Grecs  mêmes.  3"  Ces  pré- 
lats avaient  abandonné  leurs  sièges,  et  étaient 
ailes  résider  en  d'autres  lieux,  i"  Les  Latins 
faisaient  un  peuple  nouveau  et  une  Eglise  dif- 
férente de  l'Eglise  grecque,  quoiiiue  ce  fût 
dans  les  mêmes  provinces  et  dans  les  mêmes 
villes.  Ainsi  on  pourrait  diie  (pie  ce  n'étaient 
ni  les  mêmes  villes,  ni  les  mêmes  Eglises, 
puisque  ce  n'étaient  pas  les  mêmes  hommes 
ni  les  mêmes  peuples,  et  que  ce  sont  bien  plu- 
tôt les  peuples  que  les  murailles  qui  font  les  Egli- 
ses et  les  villes.  5"  Ces  années  et  ces  multitudes 
innombrables  de  gens  qui  composaient  les 
croisades,  et  qui  allaient  établir  un  domicile 
ferme  et  un  séjour  permanent  dans  les  provin- 
ces orientales,  y  amenaient  avec  elles  leurs 
[lasteurs  et  leurs  évèques  mêmes,  qui  conser- 
vaient toujours  le  droit  de  les  y  gouverner. 
G"  La  seule  diversité  de  la  disci(iline  eût  rendu 
les  évèques  grecs  iuca[)ables  de  conduire  les 
Latins,  peu  susceptibles  de  la  direction  des 
Grecs.  7"  L'empereur  de  Constantino|>le,  le  roi 
de  Jérusalem,  et  le  prince  d'Antioelie  étant  de 
la  nation  latine,  à  peine  eussent-ils  pu  confier 
leurs  Eglises  et  leurs  peuples  à  des  èvê(iues 
grecs.  8"  Les  évèques  et  les  conciles  d'Afrique 
avaient  autrefois  accordé  aux  évèques  dona- 
tistes  qui  rentreraient  dans  le  sein  de  l'Eglise 
catholique  de  conserver  leur  dignité  et  leur  ju- 
ridiction sur  leur  peuple  dans  les  villes 
mêmes  où  il  y  avait  déjà  un  évêque  catho- 
li(|ue.  Il  est  vrai  que  celui  de  ces  deux  évèques 
(jui  survivait  à  son  confrère  devait  réunir  les 
deux  troupeaux  ;  mais  entre  les  donatistes 
nouvellement  convertis  et  les  anciens  catholi- 
ques, il  ne  se  trouvait  aucune  de  ces  diversités 
de  loi,  ou  de  discipline,  ou  de  langue,  ou 
d'empire,  qui  distinguaient  les  Grecs  des  La- 
tins, et  ([ui  rendaient  leur  commerce  mutuel 
tres-dilficile. 

Et  après  que  les  souverainetés  temporelles 
de  ces  trois  villes  patriarcales  nous  furent 
échappées,  on  jugea  encore  nécessaire  de  con- 
tinuer à  y  nommer  des  patriarches,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit:  1°  A  cause  des  clia|)itres 
qui    subsistaient    encore,    quoique    dissipés; 


142 


DU  PREMIEH  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


2°  à  cause  dos  peuples  latins  qui  liabitaiont 
encore  dans  les  mêmes  \illes  ou  dans  les 
diocèses;  3°  à  cause  des  métropoles  ou  des 
évêchés,  qui  étaient  encore  entre  les  mains  des 
latins;  -i°  parce  que  l'on  conservait  encore  de 
vives  espérances,  et  on  faisait  diverses  tenta- 
tives pour  reconquérir  ces  Etats;  5°  parce  que 
les  Grecs  en  usaient  de  même  depuis  fort  lony- 
temps  dans  les  mêmes  villes  et  dans  les  mêmes 
provinces,  où  ils  créaient  toujours  des  évo- 
ques, des  métropolitains  et  des  patriarches, 
quoique  toutes  ces  villes  leiu"  eussent  été  en- 
levées par  les  Latins  ou  par  les  infidèles.  Pen- 
dant les  soixante  années  que  nous  occupâmes 
la  ville  et  rempire  de  Constantinople,  on  créa 
toujours  à  Nicée  des  patriarches  de  Constanti- 
nople, qui  retournèrent  enfin  dans  leur  pre- 
mier séjour. 

Nous  ne  manquions  pas  de  raison  pour  nous 
flatter  de  la  même  espérance.  Nous  avons  déjà 
rapporté  ci-dessus  les  paroles  de  Ralsamon,  pa- 
triarche d'Antioche  pour  les  Grecs,  au  temps 
que  le  jtatriarclie  latin  y  dominait  encore. 
Ce  patriarcat  retomba  enfin  entre  les  mains 
des  Grecs.  Balsanion  dit  (jue  les  Sarrasins 
étaient  maîtres  de  la  sainte  cité  de  Jérusalem. 
Les  Grecs  ne  laissaient  pas  d'en  nommer  un 
patriarche.  Pourquoi  les  Latins  n'en  eussent-ils 
pas  aussi  établi  un,  jiuisqu'il  y  avait  alors 
p(!ut-être  encore  \ûus  de  Latins  que  de  Grecs. 
Il  ajoute  (jue  dans  les  autres  villes  épiscopales 
du  domaine  dos  Latins  et  des  Sarrasins,  il  y 
avait  des  évêiiues  forces  parce  qu'on  les  y  souf- 
frait. Les  Grecs  et  les  Sarrasins  pouvaient  donc 
bien  aussi  souffrir  des  évoques  latins;  6°  enfin. 
Balsamon  dit  que  les  Grecs  ne  pouvaient  seu- 
lement pas  entrer  dans  Tarse,  parce  que  les 
Arméniens  y  occuiiaient  toutes  les  églises. 

A  cela  il  faut  ajouter  ce  qui  a  été  dit  ci-de- 
vant, de  tant  de  patriarches,  de  tant  de  catho- 
liques ou  primats,  et  de  tant  d'archevêques  de 
ditférontes  sectes,  ([ui  faisaient  leur  résidence 
dans  les  mêmes  villes,  et  tiraient  leur  titre 
des  Eglises  des  évoques  grecs  ,  longtemps 
même  avant  que  les  Latins  eussent  pensé  à 
faire  des  croisades  ou  des  conquêtes  dans 
l'Orient. 

Si  toutes  ces  sectes  avaient  reconnu  par 
expérience  cotte  iirati(iue  nécessaire,  il  faut 
croire  qu'elle  n'était  pas  moins  nécessaire  aux 
Latins,  ot  que  ce  n'était  nullement  violer  les 
canons  do  (If)niior  des  évô(|uos  divers  à  do  di- 
vers peuples,  renfermés  à  la  vérité  dans  une 


même  ville  ou  dans  un  mémo  pays,  mais  très- 
différents  en  langage,  en  mœurs  et  en  commu- 
nion. 

VIII.  II  ne  nous  reste  ]ilus  qu'à  faire  quel- 
ques réflexions  sur  l'autorité  que  les  papes  ont 
exercée  sur  ces  patriarches  latins  d'Orient.  Nous 
nous  acquitterons  de  ce  devoir  après  avoir  re- 
pris le  tissu  des  patriarches  d'Antioche,  que 
nous  avons  interrompu  à  la  création  du  nou- 
veau patriarche  de  Constantinople.  Cette  con- 
tinuation est  nécessaire  même  pour  nous  ins- 
truire des  devoirs  et  des  assujettissements  que 
les  pontifes  romains  ont  exigés  de  ces  patriar- 
ches. Le  pape  Innocent  III  se  plaignit  au  pa- 
triarche d'Antioche  de  ce  qu'il  n'était  pas  venu 
à  Rome  visiter  les  tombeaux  des  apôtres 
(Rainald.  ad  an.  1206,  n.  8).  Ce  siège  ayant  va- 
qué, le  pape  Honoré  III  y  destina  Pierre  de  Ca- 
poue,  neveu  du  cardinal  de  Saint-Marcel;  mais 
ayant  jugé  à  propos  de  l'élever  lui-même  au 
cardinalat,  il  nonuna  à  cette  dignité  le  vice- 
chancelier  de  l'Eglise  romaine,  nommé  Rai- 
nerius,  à  la  demande  de  trois  chanoines  du 
chapitre  d'Antioche,  le  consacra  lui-même  à 
Rome,  et  lui  donna  le  pallium  (An.  1210,  n.  20, 
21). 

Enfin,  les  dissensions  des  princes  chrétiens 
exposèrent  en  proie  aux  infidèles  le  reste  de 
nos  conquêtes,  et  la  ville  d'Antioche  même, 
qu'ils  prirent  et  désolèrent,  après  avoir  immolé 
sur  les  autels  le  patriarche  même  d'Antioche, 
qui  était  alors  un  religieux  de  saint  Dominique 
(An.  1268,  n.  53).  Cette  ville  était  déjà  tombée 
sous  la  puissance  des  Tartares  qui  régnaient 
dans  la  Perse,  ot  ce  fut  sur  eux  que  le  sultan 
la  prit.  Comme  on  espérait  qu'elle  pourrait 
être  reprise,  ou  par  les  Tartares  qui  entraient 
souvent  dans  notre  alliance,  ou  ])ar  les  croisades 
des  chrétiens  occidentaux,  on  continua  d'y 
nommer  des  patriarches.  L'élection  en  de- 
meura libre  aux  chanoines  jusqu'à  ce  que 
le  pape  en  réserva  la  nomination  au  Saint- 
Siège  par  les  raisons  qui  ont  été  rapportées  ci- 
dessus. 

Quant  à  Alexandrie,  nos  croisés  l'attaquèrent, 
mais  ils  furent  vivement  repoussés  et  ne  purent 
s'en  rendre  maîtres.  Mais  comme  nous  avions 
pris  plusieurs  autres  places  dans  l'Egypte,  et 
surtout  la  ville  do  Damiotte.  ce  fut  peut-être 
alors  qu'on  commença  do  nommer  un  patriar- 
che latin  d'Alexandrie  (An.  1292,  n.  3).  Peu 
d'années  après  le  pape  Roniface  VIII  nomma 
Alexandrie  entre  les  Eglises  patriarcales  dont 


DKS  i'AriiiAi!(;iii:s  latins  en  orient. 


143 


il  réserva  nu  Saint-Sir'pc  la  rinminatiou  à  caiiso 
Au  la  (Icroiitc  (k's  Lha|iilres  ut  du  petit  uouibrc 
des  chanoines  dispersés  (An.  i;{U!,u.2'0.Kntre 
les  cardinaux  (jui  [)r(''si(!<'renl  au  concile  de 
Pise ,  le  paliiaiclie  d'Alexandrie  prit  séance 
après  le  premier  cardinal  évèque;  les  patriar- 
ches d'Antioche  et  de  Jérusalem  se  signalèrent 
aussi  dans  ce  même  concile  (Spoudan.  an.  I  i09, 
n.9,  il,  12). 

IX.  On  traita  dans  le  concile  de  Florence  de 
la  réunion  de  ces  dignités  patriarcales  en  une 
seule  personne, et  on  y  convint  de  part  et  d'au- 
tre, après  la  réunion  faite  des  deux  Eglises, 
(pie  des  deux  patriarches  de  Constantinople, 
l'un  grec,  l'autre  latin  ,  celui  qui  survivrait  à 
l'autre  demeurerait  seul  possesseur  du  titre  et 
de  la  dignité  de  patriarche,  pour  l'une  et  l'au- 
tre nation.  En  etlèt,  le  patriarche  latin  étant 
mort  le  premier,  le  pape  Nicolas  V  ordonna  (jue 
Grégoire,  patriarche  grec  de  Constantinople, 
demeurerait  seul  et  unicjue  patriarche  (Rainald. 
an.  llaO,  n.  84);  et  comme  Constantinople 
était  déjà  tombée  entre  les  mains  des  mahomé- 
tans,  il  lui  donna  en  commende  l'Eglise  de 
Négrepont,  poiu"  en  tirer  sa  subsistance.  Apres 
la  mort  du  patriarche  Grégoire,  Pie  H  pourvut 
de  cette  dignité  le  célèbre  Isidore  de  Russie, 
parce  que  Grégoire  étant  décédé  à  Rome ,  la 
nomination  était  réservée  au  pape.  «  Cuni  uul- 
lus  de  illa  Ecclesia  prœler  nos  hac  vice  se  in- 
tromittere  potuerit,  sive  possit.  » 

Si  les  trois  autres  patriarches  eussent  alors 
reçu  les  décrets  et  l'union  du  concile  de  Flo- 
rence, il  y  a  toutes  les  apparences  possibles 
(|u'on  eût  aussi  supprimé  avec  le  temps  l'un 
des  deux  titres  de  chacune  de  ces  Eglises  pa- 
triarcales. Mais  l'archidiacre  d'Antioche ,  qui 
fut  député  quelques  années  après  par  ces  trois 
patriarches,  vers  le  même  pape  Pie  II,  confessa 
que  l'union  n'avait  pas  été  alors  acceptée  dans 
ces  trois  patriarcats  ;  il  l'accepta  en  leur  nom 
et  soumit  toutes  ces  Eglises  au  pape  (An.  14G0, 
n.  .55). 

Comme  les  promesses  des  Orientaux  dans  ces 
sortes  de  choses  ont  été  ou  d'abord  même  peu 
sincères,  ou  dans  la  suite  peu  fidèles,  aussi 
cette  union  ne  fut  pas  ferme,  et  on  continua  de 
nommer  des  patriarches  latins,  parce  que  les 
souverains  pontifes  firent  toujours  de  nouveaux 
efforts  pour  intéresser  et  pour  liguer  les  souve- 
rains de  l'Europe  pour  la  délivrance  de  l'Eglise 
orientale.  Les  Gn^cs  ne  laissaient  pas  de  nom- 
mer des  patriarches,  quoique  les  villes  patriar- 


cales ne  fussent  plus  en  leui"  puissance  ;  les 
Latins  avaient  le  même  droit  et  la  même  obli- 
gation. Leur  droit  l'tait  UK'ine  d'autant  mieux 
londi'  i|u'ilsa\aieul  plus  di;  foi-ces(|ue  lestlrecs, 
et  laisiiient  de  plus  grands  etlorls  pour  le  recou- 
vrement de  leurs  anciennes  con<iuêtes. 

11  est  encore  vraisemblable  (pie  les  Grecs  ne 
déférèrent  pas  à  la  iKimiiiation  ipie  fit  Pie  II 
du  patriarche  Isidore  de  (ionstantinople,  parce 
(|ue  son  prédécesseur  était  mort  m  Curia. 
Cette  règle  de  notre  droit  canonique  n'était 
pas  encore  accréditée  parmi  eux.  Ainsi  ils  élu- 
rent des  patriarches  de  leur  nation ,  aux(iuels 
les  papes  crurent  devoir  d'autant  moins  avoir 
égard  que  ce  n'était  plus  par  les  voies  canoni- 
ques que  les  Grecs  y  procédaient.  Car  après  la 
prise  de  Constantinople  par  les  Turcs,  il  n'y 
eut  (jue  quatre  patriarches  dont  l'élection  pût 
passer  pour  cauoni([ue  (Rainai,  an.  ti(31,  n.  40, 
-il).  Après  cela  les  Grecs  mêmes  achetèrent 
celte  dignité  du  sultan  à  prix  d'argent,  lisse 
détrônaient  les  uns  les  autres,  en  donnant  de 
plus  grandes  sommes ,  et  forgeant  eux-mêmes 
les  chaînes  de  la  servitude  honteuse  dans  la- 
quelle ils  se  jetaient. 

\.  Après  le  décès  d'Isidore,  cardinal  et  pa- 
triarche de  Constantinople,  le  cardinal  Bessa- 
rion  fut  fait  patriarche  de  Constantinople  et 
archevétjui;  d'Eubée.  11  est  probable  qu'on 
nommait  des  Grecs,  afin  d'attirer  d'autant  i)lus 
facilement  les  Gi'ecs  à  leur  obéissance.  Enelîet, 
Bessarion  écrivit  aussitôt  ime  lettre  savante  et 
très-pressante  à  l'Eglise  de  Constantinople  [lour 
la  convier  à  l'unité  et  à  la  communion  latine 
(.\nno  1 4(13,  n.  70). 

Il  est  remarquable  que  dans  cette  lettre  cir- 
culaire Bessarion  se  donne  le  titre  de  patriar- 
che œcuménique.  Il  crut  vraisemblablement 
(jue  les  Latins  n'auraient  pas  plus  de  peine  à 
souffrir  cette  qualité  en  sa  personne,  qu'ils  en 
avaient  eu  dans  le  concile  de  Florence,  où  le 
patriarche  grec  Joseph  l'avait  toujours  prise. 
11  jugea  aussi  peut-être  qu'il  ne  fallait  pas 
donner  ce  prétexte  aux  Grecs  de  se  rebuter, 
comme  si  leur  Eglise  eût  été  dégradée  de  ses 
anciennes  prérogatives  en  sa  personne. 

Au  reste  le  cardinal  Bessarion  nous  a  fait 
voir  par  des  mai'ques  illustres  de  son  zèle  et 
de  sa  sollicitude  pastorale  coiuhien  il  était  im- 
portant qu'on  continuât  toujours  à  Rome  de 
nonnner  des  patriarches  latins  pour  les  sièges 
d'Orient.  Car  ce  savant  et  généreux  cardinal, 
à  la  sollicitation  même  du  pape  Sixte  IV  et  du 


m 


on  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


cardinal  de  Pavie,  entreprit  la  légation  de 
France,  non  pas  pour  des  intérêts  Las  et  Im- 
mains, connue  (jnelques-uns  ont  pensé,  mais 
pour  animer  le  roi  Louis  XI  à  exécuter  les  des- 
seins ([ull  avait  lormés,  et  à  répondre  aux  espé- 
rances qu'il  avait  données  d'armer  pour  la 
délivrance  de  l'Eglise  orientale  (Rainald.  an. 
147-2,  n.S). 

Les  brouilleries  de  la  France  rendirent  inu- 
tile cette  léjj;ation,  mais  le  légat  qui  en  mourut 
de  regret  quehjue  temps  après  eut  la  joie  et  la 
gloire  d'avoir  sacrifié  sa  vie  pour  la  liberlé  de 
son  é|)Ouse,  et  pour  apprendre  à  tous  ceux  qui 
sont  nonmiés  dans  la  suite  du  tem(is  à  ces  pa- 
triarcats titulaires,  (jnels  sont  les  devoirs  et 
les  sacrés  engagements  du  titre  glorieux  dont 
ils  sont  revêtus.  Le  cardinal  neveu  de  Sixte  IV, 
nommé  Riarius ,  succéda  à  P>essarion  en  la 
(|ualité  de  i)atriarclie  de  Constantinople. 

XI.  11  ne  sera  peut-être  pas  inutile  d'avoir 
tant  dittéré  de  faire  réflexion  sur  les  pouvoirs 
que  les  papes  se  sont  réservés  sur  ces  patriar- 
cats, ajirès  les  avoir  engendrés  pour  ainsi  dire 
de  nouveau  et  comme  reproduits.  Car  on  ne 
doute  ]»as  (jue  les  p:i|)es  n'aient  été  les  princi- 
paux auteurs  des  croisades  et  de  tous  les  avan- 
tiges  ((ue  l'E,i;lise  orienUde  en  a  retirés.  11  faut 
s'élever  un  piai  an-dessus  de  la  considération 
des  passions  humaines,  ([tii  ont  tant  de  ]iart  à 
toute  la  conduite  des  liommes,  i)our  considérer 
la  sagesse  et  la  main  invisible  de  la  Providence 
(|ui  gouverne  son  Eglise,  et  pour  y  découvrir 
les  voies  admirables  dont  elle  se  sert,  pour 
exécuter,  dans  la  longue  révolution  des  siècles, 
ce  (pTcHtî  nous  a  promis  aux  jours  de  sa  chair, 
et  ce  (ju'elle  nous  promet  encore  tous  les  jours 
dans  son  Evangile.  Elle  a  fondé  son  Eglise  sur 
l'épiscopat,  et  elle  a  fondé  la  primauté  et  la 
prééminence  de  répisco])at  sur  Pierre  et  sur 
ses  successeurs. 

Les  sièges  cminents  de  cette  Eglise  dans  le 
développement  des  siècles  et  dans  le  dénoue- 
ment des  grandes  affaires  du  monde  se  sont 
trouvés  n'être  ((ue  des  rayonnements  et  des 
conununications  de  la  prérogative  du  Siège 
de  Pierre  dans  leur  premier  établissements 
Et  dans  b.'ur  rétablissemenl  aj)rès  de  longues 
éclipses,  v'a  été  encore  ce  premier  Siège  de 
Pierre  cpii  en  a  fait  connue  ime  ettusion 
nouvelle,  lui  cpii  n'est  jamais  tombé  dans  de 
semblables  défaillances,  selon  les  immuables 
lu'omesses  de  la  vérité.  Et  enfin  quaml  ces 
sièges  éminents  par  la  diversité  des  sectes  se 


sont  écartés  de  l'unité  de  leur  source,  ils  n'ont 
guère  tardé  de  retomber  dans  l'avilissenient  et 
dans  la  servitude  des  nations  infidèles.  Si  l'on  se 
donne  le  loisir  de  faire  une  sérieuse  réflexion 
sur  les  |»romesses  de  l'Evangile  et  sur  les  évé- 
nements historiques  d'une  si  longue  durée  de 
siècles,  on'demeurera  d'accord  que  nous  ne  di- 
sons rien  de  trop,  et  qu'on  en  pourrait  penser 
davantage. 

Xll.  Ce  fondement  posé,  on  ne  sera  plus  si 
sur])ris  que  les  papes  se  soient  réservés  le  pou- 
voir :  V  De  confirmer  ces  nouveaux  patriarches 
après  leur  élection  ;  2°  de  leur  donner  le  pal- 
linm,  comme  le  symbole  de  la  plénitude  de 
juridiction;  3°  d'exiger  d'eux  un  serment  de 
fidélité  et  d'obéissance  ;  4°  de  donner  le  pal- 
lium  même  aux  métropolitains  de  leur  dépen- 
dance; ri°  d'exiger  de  leurs  suffragants  une 
profession  d'obéissance  et  de  soumission  au 
Saint-Siège.  Car  je  ne  dirai  rien  des  a|)pels  qui 
étaient  incontestables  au  moins  depuis  le  con- 
cile de  Sardique. 

Quand  il  serait  certain  que  les  anciens 
patriarches  orientaux  eussent  toujours  été 
exempts  de  ces  assujeftissemeids,  on  aurait 
encore  sujet  de  louer  la  sage  prévoyance  (jui 
o])pose  de  nouveaux  remèdes,  et  même  de 
nouveaux  préservatifs  à  de  nouvelles  maladies. 
La  déroute  spirituelle  des  Eglises  orientales, 
et  peut-être  même  leur  décadence  temporelle, 
était  provenue  de  leur  séparation  schisinatique 
d'avec  leur  chef.  N'ètait-il  pas  juste,  et  n'était- 
il  pas  même  nécessaire,  dans  la  formation  nou- 
\elle  de  la  hiérarchie  orientale,  de  serrer  avec 
des  liens  plus  étroits  les  chefs  de  ces  grandes 
Eglises  avec  le  chef  unique  de  l'Eglise  univer- 
selle, afin  de  rendre  cette  unité,  qui  est  le 
solide  fondement  de  la  stabilité  des  Eglises, 
indissoluble  et  éternelle? 

11  est  vrai  que  ces  patriarches  nouveaux  ne 
possédèrent  jtas  longtemps  leurs  trônes  dans 
l'Orient.  Mais  ce  fut  l'autorité  du  Saint-Siège 
([ui  les  y  maintint  durant  tout  ce  temps-là, 
même  contre  les  violences  des  juinces  latins 
qui  dominaient  temporellement  dans  leurs 
villes;  et  ce  ne  fut  (jue  par  le  jieu  de  bomie 
intelligence  que  ces  princes  conservèrent  entre 
eux  et  avec  leurs  patriarches,  et  par  le  peu 
de  déférence  (|u"ils  eurent  |iour  le  Saint-Siège, 
(juils  laissèrent  retomber  leurs  Etats  sous  la 
puissancedes  infidèles.  C'est  ce  que  nous  avons 
justifié  par  le  récit  abrégé  de  leur  établisse- 
ment et  de  leur  décadence,  et  ce  qu'on  peut 


DES  PATRIARCHES  LATINS  EN  ORIENT. 


145 


voir  plus  au  lou;^  dans  les  Annales  de  l'Eglise, 
où  les  |)a|>cs  iiaraisseiit  presque  toujours  oeeu- 
pés  à  réconcilier  ces  princes  entre  eux  et  avec 
leurs  patriarches. 

Xlll.  Il  nie  reste  ini  doute  dont  je  ne  vois  pas 
bien  la  solution.  Nous  avons  vu  un  arclie- 
vê(iue  de  Tyr  recourir  au  pape  pour  obtenir  le 
palliuni.  après  avoir  été  confirmé  et  consacré 
|)ar  le  patriarche.  Le  pape  même  crut  se  pou- 
voir plaindre  avec  justice  des  oppositions  que 
le  patriarche  avait  laites  à  cette  déférence 
rendue  au  Siéye  romain.  Et  néanmoins  le  pape 
Innocent  111  et  le  concile  de  Latran  permirent 
à  ces  patriarches  de  donner  le  pallium  à  leurs 
sutfragants,  ajjrès  l'avoir  eux-mêmes  reçu  du 
pape.  Ne  sont-ce  pas  les  métropolitains  du  res- 
sort de  chaque  patriarche  qui  sont  ici  appelés 
ses  sutTraj^ants? 

Le  même  pape  Innocent  III  renvoya  au  pa- 
triarche de  Constantinople,  pour  recevoir  de  lui 
la  conflrmation  et  le  pallium ,  rarchevêque 
élu  de  Patras,  qui  était  aussi  primat  d'Achaïe 
(Spondanus.  An.  120(),  n.  3).  Il  se  pourrait 
faire  que  ce  pape,  comme  le  plus  versé  de  tous 
dans  la  science  du  droit  canonique,  aurait  re- 
connu que  son  prédécesseur  avait  passé  les 
justes  mesures,  ou  par  une  entreprise  peu 
considérée,  ou  par  une  excessive  facilité  d'ac- 
corder ce  qu'on  ne  devait  pas  lui  demander. 
Ou  bien  on  pourrait  croire  que  le  droit  des 
patriarches  de  Jérusalem  et  d'Anlioche  sur  la 
métropole  de  Tyr  n'étant  j)as  encore  bien 
éclairci,  car  l'un  et  l'autre  en  prétendait  la  su- 
périorité, le  pape  et  le  métropolitain  crurent 
avec  raison  qu'en  attendant  que  ce  dilTérend 
fût  terminé,  c'était  au  pape  à  suppléer  et  à 
faire  la  fonction  du  patriarche.  En  effet,  le 
pape  Innocent  III  donna  une  sentence  provi- 
sionnelle pour  soumettre  le  métropolitain  de 
Tyr  au  patriarche  de  Jérusalem,  en  attendant 
qu'il  fût  décidé  auquel  des  deux  patriarches  il 
devait  appartenir.  «  Quousque  deliberaretur, 
utri  duoruni  patriarcliarum  perpetuo  cederet 
(Vuil.  Tyr.  1.  xiv,  c.  12).  » 

La  meilleure  réponse  est  ))eut-ètre  de  dire 
que  le  pape  Innocent  III  ne  prétendait  [toint 
se  donner  l'exclusion  à  lui-même,  quand  il 
permettait  aux  patriarches  de  donner  le  pallium 
à  leurs  métropolitains.  Il  le  dit  formellement 
dans  la  lettre  au  patriarche  de  Constantinople, 
auijuel  il  permet  de  donner  la  consécration  et 


le  |)allium  au  métropolitain  de  Patras  :  «  Licet 
de  |ileniludine  potcîstatis  ipsum  conseci'ationis 
nuuiere  ac  honore  |)allii  potuissemus  insigni- 
tuni  remittere,  (|uia  sic  te  vocanuis  in  partem 
sollicitudinis,  <(4iod  nobis  relinuimus  plenitu- 
dinem  poteslalis  :  nec  cuiquani  laeimus  inju- 
riam,  cum  utimur  jure  nostro.  »  C'est  dans 
ses  actes  que  cela  se  trouve  (Cesta  Innoc.  III). 

XIV.  Ceux  (|ui  aiment  à  s'entretenir  de  ques- 
tions imaginaires,  et  qui  parmi  cent  autres 
discours  en  l'air  mêlent  quelquefois  celui  de  la 
création  d'un  nouveau  patriarche  dans  quelque 
royaume  particulier  de  la  chrétienté,  pourront 
avoir  remarqué  dans  ces  deux  chai)itres  que 
les  pouvoirs  de  ce  patriarche  ne  pourraient 
être  autres  que  ceux  de  ces  patriarches  renou- 
velés dans  l'Orient.  Car  si  dans  les  anciens 
trônes  apostoliques  on  n'a  donné  des  patriar- 
ches qu'avec  ces  mesures  si  justes  de  pouvoir 
et  de  juridiction,  c'est-à-dire  avec  la  même 
autorité  qu'ont  les  primats  de  l'Occident,  on 
ne  pourrait  pas,  avec  la  moindre  apparence  de 
justice,  en  prétendre  davantage  pour  ce  pa- 
triarche nouveau. 

Ce  ne  serait  donc  que  la  création  d'iui  pri- 
mat, tout  semblable  aux  primats  dont  nous 
parlerons  dans  le  chapitre  xxx  de  ce  livre.  Car 
il  est  certain  que  si  l'on  examine  de  près 
l'étendue  qu'on  avait  donnée  aux  droits  et  aux 
pouvoirs  des  patriarches  latins  en  Orient,  on 
découvrira  évidenunent  qu'ils  ne  différaient  en 
rien  des  primats  de  l'Occident. 

XV.  Et  il  ne  faut  pas  accuser  ces  patriarches 
latins  de  Jérusalem,  d'Antioche  et  de  Constan- 
tinople d'avoir  mal  soutenu  les  intérêts  de  la 
dignité  dont  ils  étaient  honorés,  et  de  s'être 
laissés  réduire  trop  à  l'étroit,  car  ces  sages 
prélats  se  réglaient  sur  celte  excellente  ma- 
xime de  saint  Augustin,  qui  doit  aussi  être  la 
règle  de  nos  raisonnements,  que  ce  n'est  pas 
pour  leur  satisfaction  ou  pour  leur  gloire  par- 
ticulière que  les  évê(iues  sont  évêques, 
mais  pour  celle  de  l'Eglise.  Ainsi  ils  doivent 
se  contenter  de  la  juste  mesure  de  pouvoir  et 
de  juridiction  que  l'usage  de  leiu"  siècle  leur 
accorde  selon  les  besoins  et  les  avantages  de 
l'Eglise,  qui  étend  ou  resserre  diversement  en 
divers  siècles  ces  bornes  de  juridiction,  selon 
(ju'il  est  convenable  pour  conserver  et  ])Our 
alTerniir  une  i)aix  inviolable  et  une  unité  indis- 
soluble. 


Tu.  —  Tome  I. 


10 


uc 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SEPTIÈME. 


CHAPITRE    VINGT-SEPTIÈME. 


DES  ÉVÊQUES   TITULAIRES. 


I.  Textes  du  droit  canonique  nouveau  pour  les  évèques  titu- 
laires. 

Il    Sentiments  et  décrets  rigoureux  du  concile  de  Vienne 
contre  eux. 
*  III.  Et  de  quelques  autres  conciles. 

'  rv.  On  souffrit  néanmoins  encore  deux  sortes  d'évêques  titu- 
laires. 

V.  Réflexions  sur  ces  évèques  titulaires. 

VI.  Décrets  du  concile  V  de  Latran  et  de  celui  de  Trente  sur 
ce  sujet. 

Vil.  Diverses  remarques  de  Fagnan  sur  l'état  de  ces  évèques 
après  le  concile  de  Trente. 

VIII.  Les  évèques  titulaires  plus  anciens  et  très-nécessaires 
dans  l'Espagne,  quand  les  Maures  l'eurent  conquise. 

IX.  La  prise  d'Oran  en  Afrique  par  le  cardinal  Ximénès 
donne  lieu  aux  prétentions  d'un  évèque  titulaire. 

X.  Obligations  des  titulaires  envers  leurs  Eglises. 
"   XI.  Des  évèques  titulaires  d'Irlande. 

XII.  Réponse  à  une  objection.  Sentiments  de  Gerson. 

I.  Ayant  employé  une  partie  du  chapitre 
précéilL'iit  à  justifier  les  patriarches  titulaires 
de  l'Orient,  nous  nous  trouvons  comme  enga- 
gés à  parler  ensuite  des  autres  évèques  titu- 
laires, avant  que  d'en  venir  au  traité  des  pri- 
mats et  (les  niétroi)olilains. 

Pour  la  défense  des  évèques  titulaires,  les 
canonistes  allèguent  le  chapitre  Pastoral/s  (VII 
(\.  \ ,  c.  iij,  tiré  du  grand  saint  Grégoire.  Maisce 
londenieul  n'est  j)as  solide,  parce  que  saint 
Grégoire  y  parle  d'un  évèque  dont  la  ville 
venait  d'être  surprise  par  les  ennemis;  il  le 
transfère  à  un  autre  évèché,  et  l'oblige  néan- 
moins de  retourner  dans  sa  première  Eglise, 
si  on  vient  à  la  recouvrer.  Le  concile  d'An- 
lioche  (D.  19,  c.  .">)  est  allégué  un  peu  jjIus  à 
proi)OS,  lorsqu'il  parle  de  l'évèque  qui  n'a  pu 
se  faire  recevoir  dans  sa  ville  à  cause  de 
l'aversion  que  le  peuple  a  de  sa  personne,  ou 
pour  quelque  autre  raison.  Mais  cet  évèque 
n'avait  été  ordonné  que  dans  l'espérance  iiu'il 
se  mettrait  en  possession  de  son  Eglise.  Ainsi 
ces  deux  décrets  ne  regardent  pas  nos  évèques 
titulaires. 

II.  Voici  un  décret  du  pape  Clément  V  depuis 
le  concile  de  Vienne  ([ui  les  regarde,  mais 
c'est  |)our  les  ct)n(laiiHier  et  poiu'  en  abolir 
l'ordination,  après  en  avoir  représenté  les  con- 


séquences dangereuses.  Car  ce  pape  remarque 
que  ces  Eglises  n'ayant  plus  ni  peuple,  ni 
clergé,  ni  revenus,  ce  n'étaient  que  des  moines 
qui  s'en  faisaient  pourvoir,  et  qui,  pour  satis- 
faire leur  ambition,  exposaient  l'honneur  de 
la  dignité  la  plus  sainte  et  la  plus  sublime  du 
monde  à  une  honteuse  mendicité  et  aux  bas- 
sesses d'une  vie  vagabonde.  «  Qui  nec  ut  expe- 
diret,  prodesse;  nec  ut  deceret,  praeesse  va- 
lentes,  instabilitate  vagationis  et  mendicitatis 
opprobrio,  serenitatem  pontificalis  obnubilant 
dignitatis  (C.  In  plerisque  in  Clementinis).  » 
Ainsi  ce  pape  défend  à  l'avenir  d'ordonner  de 
ces  évèques  titulaires  sans  la  permission  ex- 
presse du  Siège  apostolique  :  «  Nisi  speciali 
super  hoc  autoritate  Sedis  apostolicœ.  »  Et  il 
inflige  des  peines  aux  religieux  qui  se  laisse- 
ront emporter  au  vent  d'une  cupidité  si  con- 
traire à  la  profession  religieuse. 

III.  Le  IP  concile  de  Ravenne  ne  fut  pas  plus 
favorable  aux  évèques  vagabonds,  inconnus, 
ignorants  de  la  langue  du  pays,  et  qui  enfin 
par  leur  conduite  rendaient  leur  ordination 
même  fort  suspecte.  xVussi  on  y  ordonna  qu'on 
ne  leur  permettrait  l'exercice  d'aucune  fonc- 
tion pontificale  qu'après  qu'ils  auraient  donné 
des  marques  certaines  de  leur  ordination  et  de 
leur  titre.  «  Nisi  prius  metropolitano  consti- 
terit,  de  ipsius  ordinatione,  consecratione  et 
titulo  (An.  1311.  Can.  xxiv).  »  Le  troisième 
concile  de  Ravenne  renouvela  ce  règlement 
avec  une  expresse  défense  aux  religieux  de 
faire  exercer  les  fonctions  pontificales  aux 
évèques  titulaires  d'ontre-mer  :  «  Episcopos 
l)eregrinos,  vel  ignotos,  et  populum  subditum 
citra  mare  non  habentes,  ne  invitent,  etc.  (An. 
t;314,  c.  iv).  » 

IV.  Ces  défenses  n'étaient  pas  si  générales  ni 
si  rigoureuses,  qu'on  ne  souffrît  encore  de 
deux  sortes  d'évêques  titulaires.  Car,  1°  les 
patriarcats  d'outre-mer  étaient  toujours  donnés 
en  litre  a  des  prélats  latins,  à  qui  on  confiait  en 
même  temps  d'autres  évêchés  en  commende 


DES  EVÉQL'ES  TITULAIRES. 


147 


pour  y  exercer  leur  charité  pastorale  et  pour  y 
trouver  l'entretien  temporel  de  leur  dignité. 
:2°Les  évèquesou  archevêques,  qui  ne  croyaient 
pas  pouvoir  s'appliquer  autant  qu'il  eût  été  né- 
cessaire au  gouvernement  de  leur  diocèse,  pre- 
naient des  évèques  titulaires,  comme  de  chari- 
tables coadjuteurs,  pour  se  décharger  sur  eux 
d'une  partie  de  leur  ministère. 

Dans  le  concile  de  Cologne  de  l'an  13-22, 
l'évêque  de  Liège  nommé  Adolphe  fit  agréer 
son  absence  en  faisant  assister  en  sa  place  un 
autre  èvèque,  qui  était  son  vicaire -général 
pour  les  fonctions  pontificales.  «  Hermannus 
Hennensis  episcopus  vices  nostras  gerens  in 
pontilicalibus.  »  Dans  une  assemblée  de  pré- 
lats tenue  à  Paris  par  l'ordre  du  roi  Charles  VI, 
à  l'occasion  du  schisme  d'Avignon  (An.  139i), 
on  vit  présider  avant  tous  nos  archevêques  les 
deux  patriarches  d'Alexandrie  et  de  Jérusalem, 
qui  étaient  en  même  temps  administrateurs 
perpétuels,  le  premier  de  Carcassonne,  le  se- 
cond de  Saint-Pons-de-Tomières.  Après  tous 
les  évêques  de  France  on  y  nomme  celui  de 
Bethléem. 

Dans  les  règlements  que  le  cardinal  Cam- 
pège  dressa  pendant  sa  légation  d'Allemagne 
pour  la  réformation  de  l'Eglise,  il,  fut  dé- 
fendu aux  vicaires -généraux  des  fonctions 
pontificales  de  rien  exiger  pour  la  consécra- 
tion des  Eglises;  et  ou  ordonna  en  même 
temps  aux  évèques  de  leur  fournir  un  entretien 
honorable,  par  des  pensions  créées  sur  leur 
évèché  par  l'autorité  du  Saint-Siège  (Anno 
lo2i,  can.  xix). 

V.  Nous  apprenons  de  là,  1°  que  ces  évèques 
titulaires  étaient  fort  ordinaires  dans  l'.Alle- 
magne.  2"  Qu'on  faisait  apparemment  inter- 
venir l'autûrité  du  Siège  apostolique,  selon  la 
Clémentine  ci-dessus  rapportée.  3°  Que  c'était 
le  plus  souvent  des  religieux  qu'on  appelait  à 
ce  ministère.  Ce  dernier  point  se  vérifie  par  le 
concile  de  Salsbourg  iCan.  xvu),  en  1420.  Car  il 
y  est  défendu  aux  évèques  de  se  servir  de  ces 
religieux  consacrés  évêques  dans  les  fonctions 
épiscopales  de  leur  diocèse,  s'ils  ne  reprenaient 
l'habit  de  leur  ordre  qu'ils  avaient  quitté,  et 
qu'ils  ne  pouvaient  avoir  quitté  sans  tomber 
dans  l'excommunication.  «  Nullus  suffraga- 
neorum  nostrae  provinciae  in  sua  diœcesi  ad 
exercendum  ea  quœ  episcopalis  ordinis  exis- 
tunt  ,  taies  titulares  ,  episcopos  admittat , 
nisi  habitum  suae  religiouis  manifeste  défé- 
rant, etc.  »        M.-.  '  i ,  ,!:  ■ 


Le  concile  de  Cologne,  en  1536,  réforma 
plusieurs  abus  qui  s'étaient  glissés  dans  la 
discipline  (Can.  xvu],  mais  il  ne  retrancha  pas 
ces  vicaires  du  ministère  pontifical;  au  con- 
traire il  en  supposa  lusage  ordinaire,  aussi 
bien  (|ue  le  synode  d'Augsbourg  en  1548,  et  le 
concile  de  Trêves,  en  1548,  dans  la  lettre  de 
convocation  ,Act.  2). 

VI.  11  faut  donc  confesser  que  le  concili'  de 
Lati'an  sous  Léon  X(An.  1514,  Sess.  9)  n'a  fait  que 
s'accommoder  à  l'usage  reçu,  qui  n'était  qu'un 
déplorable  relâchement,  quand  il  a  permis  aux 
cardinaux  qui  avaient  des  églises  cathédrales 
en  conimende,  de  les  gouverner  par  l'entremise 
des  évèques  titulaires  ou  sufiragants.  «  Onmi 
conatu  suo  provideant  inserviri  cathedralibus, 
dignos  et  idoneos  vicarios,  seu  suffraganeos, 
prout  consuetudo  fuerit,  cum  digna  et  compe- 
tenti  mercede  apponentes.  » 

Le  concile  de  Trente  n'est  pas  contraire  à 
celui  de  Latran,  parce  qu'il  ne  parle  pas  de 
ces  évêques  titulaires,  asservis  en  qualité  de 
sulfragants  -à  l'administration  de  ciuekjue 
église  cathédrale  dont  ils  n'ont  pas  le  titre. 
C'est  contre  d'autres  évèques  titulaires  que  ce 
concile  parle,  quand  il  blâme  leur  vie  vaga- 
bonde :  «  Glero  carentes,  et  populo  christiano, 
cum  fere  vagabundi  siut  et  permanentem 
sedem  non  habeant  ^An.  1551.  Ses.  14,  c.  2);  » 
et  (}u'il  condamne  les  artificieux  détours  dont 
ils  se  servaient  pour  ordonner  les  sujets  des 
autres  évèques,  eu  s'érigeant  un  siège  èpisco- 
pal  dans  les  lieux  qu'on  dit  n'être  d'aucun 
diocèse,  ou  dans  quelque  monastère  exempt. 
M  In  legis  fraudera  et  coutem[itum ,  (juasi 
episcopalem  catliedram  in  loco  nulhus  diœce- 
sis  sua  temeritate  erigunt,  et  quoscumque  ad 
se  venientes  promovere  prssunumt.  » 

Ce  concile  i)asse  plus  avant,  et  il  condanme 
toutes  ces  ordinations  faites  par  des  évèques  ti- 
tulaires sans  la  permission  de  l'évêque  diocé- 
sain, de  quelque  privilège  qu'ils  puissent  être 
soutenus  pour  autoriser  cesentreprises.  «Xemo 
episcoporum  qui  titulares  vocantur,  etiamsi 
in  loco  nullius  diœcesis,  efiam  exempto,  aut 
aliquo  monasterio  cujusvis  ordinis  resederiut, 
autmoramtraxerint,  vigore  cujusvis  privilegii, 
sibi  de  promoveudo  quoscumque  ad  se  venien- 
tes pro  tempore  concessi,  alterius  subditum 
absque  proprii  prœlati  expresso  consensu  ordi- 
nare  valeat,  etc.  »  L'évêque  est  suspendu  des 
fonctions  épiscopales  pour  un  an  s'il  contre- 
vient à  ce  décret,  et  celui  qu'il  a  tonsuré  ou 


148i  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SEPTIÈME. 


ordonné  autant  de  tem|)s  (jiril  plaira  ;i  son 
évùqiie  diocésain. 

VII.  Fagnan  ajoute  :  1°  Que  depuis  le  concile 
de  Trente,  Pie  V  fit  un  décret  pour  interdire  la 
création  des  évêques  titulaires,  si  ce  n'est  pour 
les  Eglises  cathédrales  commises  aux  cardi- 
naux, et  où  cette  coutume  est  déjà  reçue,  avec 
pension  au  moins  de  deux  cents  écus,  assignée 
sur  les  revenus  de  l'évèché  ;  avec  liberté  aux 
évêques  de  s'en  faire  p^ycr  par  eux-mêmes; 
enfin  avec  une  défense  très-expresse  de  faire  au- 
cune fonction  épiscopale  sans  la  licence  du  Siège 
apostoli(|ue,  si  ce  n'est  dans  le  diocèse  dont  ils 
sont  suffragants  (In  I.  v.  Décret,  part,  n,  c.  40, 
41,  42).  2"  Ce  canoniste  ajoute  encore  que  la 
congrégation  des  affaires  consistoriales  com- 
muniqua ensuite  ce  même  privilège  des  cardi- 
naux aux  évoques  qui  ne  le  sont  pas,  et  aug- 
menta la  pension  des  évoques  titulaires  jusqu'à 
trois  cents  écus  (1).  3°  Que  l'archevêque  d'Ar- 
borée en  Corse  ayant  demandé  un  évêque  titu- 
laire à  la  congrégation  du  concile,  j)arce  que 
ses  fréquentes  maladies,  et  les  inimitiés  mor- 
telles de  (]uel(]ues  personnes  qui  avaieut  déjà 
tâché  de  lui  ravir  la  vie  ])ar  le  poison,  l'obli- 
geaient à  (le  fréquentes  et  longues  absences  de 
son  diocèse,  la  congrégation  ne  jugea  pas  à 
propos  d'ordonner  pour  cela  un  évêque  titu- 
laire, mais  elle  iiermit  à  cet  archevêque,  s'il  en 
rencontrait  quehju'un  déjà  ordonné,  de  l'en- 
gager au  service  de  son  Eglise  (  Anno  1(505). 
4°  Que  lesclievaliers  de  Saint-Jacques-de-1'Epée 
en  Espagne,  ayant  demandé  la  création  d'un 
évêque  titulaire  pour  Mérida  et  quelques  autres 
lieux  qui  iv.  sont  d'aucun  diocèse,  et  qui  dé- 
pendent de  cet  ordre,  la  congrégation  des  af- 
faires consistoriales  répondit  qu'on  ne  devait 
])lus  accorder  à  ces  chevaliers  des  évêques  titu- 
laires, et  que  si  Pie  V  et  Grégoire  XV  leur  en 
avaient  autrefois  accordé,  c'avait  été  sans  con- 
sulter la  congrégation  (Anno  1649).  ri"  Le  roi 
d'Espagne  ayant  fait  faire  de  nouvelles  instan- 
ces par  ses  ambassadeurs,  pour  faire  affecter 
l'évèché  titulaire  de  Tunis  en  Afriijue,  pour  un 
évê(iun  sulfragant  dans  les  lieux  exempts  des 
chevaliers  de  Saint-.lacques,  après  une  nu'ire 
délibération  la  congrégation  persista  dans  le 
même  refus,  parce  que  la  création  des  évè(|ucs 
titulaires  est  entièrement  contraireàl'ancienne 

(1)  Le  P.  Thornassia  commet  ici  une  erreur.  Il  n'y  eut  jamais  d'ar- 
chcvêclié  en  Corse.  Les  cinq  cvéchés  do  celte  île  étaient  suffragants 
de  la  métropole  de  Gènes.  Ce  qu'il  appelle  l'archevêché  d'Arborée, 
du  latin  Arliorcnsis,  était  l'archevêque  d'Oristagni,  dans  l'ile  de  Sar- 
daigne,  siège  qui  existe  encore. 


(lisci|iline,  (]ui  ne  souffre  point  d'évêques  dans 
les  lieux  qui  ne  sont  pas  cités,  Civilales,  parce 
que  le  concile  de  Vienne  s'est  déclaré  contre 
les  évêques  titulaires.  Le  concile  de  Trente  n'en 
permet  qu'aux  cardinaux,  et  Pie  V  n'en  per- 
met qu'aux  lieux  où  la  coutume  en  est  déjà 
introduite;  le  concile  de  Trente  (Sess.  '23,  c.  10) 
ne  ])ermet  jias  aux  évêques  hi  partibus  de  s'é- 
riger un  siège  épiscopal  dans  les  lieux  de  nul 
diocèse,  et  il  défend  à  ceux  qui  sont  origi- 
naires des  lieux  de  nul  diocèse  de  recevoir 
les  ordres  sans  la  permission  et  les  lettres 
diniissoires  de  l'èvêque  dans  le  diocèse  duquel 
ils  sont  situés;  enfin  parce  que  le  concile  de 
Trente  (Sess.  24,  c.  9)  ayant  soumis  à  l'èvêtjue 
diocésain  les  lieux  qui  ne  sont  de  nul  diocèse, 
et  à  l'èvêque  le  plus  proche  les  lieux  qui  ne 
sont  dans  aucun  diocèse,  c'est  faire  injure 
à  ces  évêques  que  de  créer  un  nouvel  évêque 
titulaire  qui  s'attribuera  les  fonctions  pon- 
tificales qui  leur  ont  été  réservées  par  le 
concile.  6°  Enfin  ce  savant  et  pieux  canoniste 
(in  1.  II.  Décrétai.,  p.  217,  218)  ajoute  (|ue  la 
congrégation  du  concile  a  assujetti  les  pa- 
triarches, les  archevêques  et  les  évêques  ti- 
tulaires à  rendre  au  Saint-Siège  la  visite  res- 
pectueuse (jue  les  lois  ecclésiastiques  leur  ont 
prescrite  en  des  temps  déterminés,  pour  s'y 
aciiuitter  non-seulement  des  deux  premiers  de- 
voirs attachés  à  ces  visites  religieuses,  savoir  : 
de  rendre  leurs  vœux  aux  basiliques  des  prin- 
ces des  apôtres,  et  de  renouveler  au  Chef  de 
l'Eglise  les  protestations  de  leur  respect  et  de 
leur  obéissance  ;  mais  aussi  pour  satisfaire  à 
une  troisième  obligation  qui  n'est  pas  moins 
importante.  C'est  de  rendre  compte  de  leur 
diocèse  à  la  congrégation  du  concile,  selon  la 
constitution  de  Sixte  V.  7°  Car  encore  que  ces 
évêques  n'aient  ni  peuple ,  ni  clergé  qui  les 
reconnaisse,  ils  ne  laissent  pas  d'être  chargés 
du  soin  du  diocèse  dont  on  leur  a  donné  le 
titre,  et  d'être  obligés  de  veiller  et  de  faire  tous 
les  efforts  possibles  pour  y  rétablir  l'empire  de 
J.-C.  et  la  liberté  de  la  religion.  Ils  doivent 
s'instruire  de  l'état  de  ces  Eglises  désolées, 
chercher  les  moyens  d'y  porter  la  lumière  de 
l'Evangile,  iriformer  le  pape  et  la  congrégation 
des  efforts  qu'ils  font,  implorer  leur  assistance 
et  leur  protection.  (l'est  la  réponse  (pie  la  même 
congrégation  a  faite  depuis  peu  d'annt^es  aux 
patriarches  titulaires  de  Constantinople  et  d'An- 
tioche,  dont  le  premier,  qui  était  arclievê(|uc 
de  Rary,  avait  fait  faire  la  visite  de  l'Eglise  de 


DES  ÉVÊQUES  TITILAIRES. 


149 


Consfantinnple  par  un   sulistitiit  et  en   ;ivait 
rendu  compte  à  la  congrégation. 

VIII.  Si  nous  remontons  un  peu  plus  haut, 
nous  trouverons  cpie  l'Espa^me  avait  été  depuis 
longtemps  le  triste  séjour  ci'un  grand  nombre 
d'évèques  titulaires.  Car  après  cjue  les  Maures 
eurent  soumis  à  leur  barbare  domination  pres- 
(jue  toute  l'Espagne,  on  ne  laissa  pas  d'y  conti- 
nuer les  ordinations  ordinaires  de  toutes  les 
Eglises  épiscopales.  Roderic ,  archevêque  de 
Tolède,  remaniue  qu'il  se  trouva  de  deux  sortes 
d'évèques  à  la  dédicace  de  l'Eglise  de  Saint- 
Jacques,  les  uns  possédant  leurs  Eglises  et 
leurs  villes,  les  autres  n'en  n'ayant  que  le  titre, 
parce  qu'elles  gémissaient  sous  l'empire  des 
infidèles ,  ou  étaient  entièrement  ruinées. 
«Fuerunt  ibi  alii  episcopi  :  quorum  civitates 
aliqusB  desertœ,  aliquae  ab  Arabibus  tenebantur 
(De  rébus  Hispan.  1.  iv,  c.  18).  »  Il  en  nonnne 
neuf  de  ceux-ci,  dont  les  villes  ne  furent  recou- 
vrées que  sous  le  règne  d'Alphonse,  qui  prit 
Tolède;  et  pendant  ce  long  intervalle  ces  évo- 
ques résidaient  dans  la  ville  ou  dans  le  diocèse 
d'Oviédo,  qui  en  mérita  le  nom  de  la  Ville- 
aux-Evè([ues.  «  Et  eorum  episcopi  ad  Asturias 
fugientes,  tam  in  civitate,  (juam  in  diœcesi 
Ovetensi,  partitis  sibi  territoriis,  ut  poterant, 
victitabant.  Unde  in  aliquibus  libris  anti(iuis 
Ovetum  dicitur  Civitas  Episcopalis.  » 

Mariana  fait  le  même  récit  et  renrichil  de 
([uelques  circonstances  mémorables.  Car  il  dit 
que  ces  évêques  qui  ne  semblaient  l'être  que 
de  nom  :  «  Minuti,  scilicet,  et  paulo  amplius 
cjuam  solo  nomine  episcopi,  »  étaient  pourtant 
évêques,  non-seulement  parce  qu'ils  espéraient 
recou^Ter  au  plus  tôt  leurs  Eglises  :  «  Et  erat 
moribus  ea  tempestate  receptum,  ut  utrarum- 
que  urbium  episcopi  essent  :  ac  earum  pra>ser- 
tim,  quœ  vel  ereptœ  Mauris,  paulo  post  ad 
eorum  ditionem  redierant;  vel  sperabatur 
brevi  eripiendas  fore,  christianique  juris  futu- 
ras  ;  in  eainque  spem  mortuis  sufticiebantur 
vivi  ;  »  mais  aussi  parce  que  le  concile  de  Com- 
postelle  ordonna  que  ces  évêques  titulaires 
exerceraient  le  ministère  épiscopaldans  la  ville 
et  dans  le  diocèse  d'Oviédo,  où  l'on  assigna  à 
chacun  d'eux  des  Eglises  et  un  revenu.  «Addi- 
lum  praeterea,  ut  episcopi  (jui  ditione  care- 
rent,  Ovetensi  prœsuli  vicariam  operani  exhibè- 
rent, cura  in  multos  partita,  ejusque  reditibus 
alerentur.  lis  aliisque  tota  ditione  episcopis 
in  Ovetensi  urbe  et  diipcesi,  singula>  Ecclesiœ 
darentur,  (piarum  reditibus  viverent,  etc.  Inde 


certe  etiectum  est.  ut  ea  tempestate  Ovetum 
Ei)isco])oruni  civitas  vulgo  diceretur  (Anno 
87G,  1.  vu,  c.  18).  » 

IX.  Mais  voici  une  rencontre  assez  curieuse 
dans  la  même  histoire  d  Espngne,  qui  pourra 
nous  instruire  et  nous  divertir  en  même  temps. 
Aussitôt  que  le  grand  cardinal  Ximénès  eut 
conquis  la  ville  d'Oran  en  Afrique  sur  les  Mau- 
res, un  cordelier,  nommé  Louis  Guillaume, 
qui  avait  été  déjà  ordonné  évèque  titulaire 
d'Auria,  prétendit  (pie  c'était  Oran  même,  et 
n'ayant  rien  pu  obtenir  du  cardinal,  qui  était 
extrêmement  jaloux  de  sa  nouvelle  conquête  et 
prétendait  l'unir  à  son  Eglise  de  Tolède,  il  en 
obtint  des  bulles  du  pape. 

Le  cardinal  fit  examiner  les  anciennes  his- 
toires et  les  notices  des  évêchés  d'Afrique,  et 
ayant  découvert  qu'Oran  était  une  ville  fort 
nouvelle  et  dépendante  de  Trémécen,  qui  n'a- 
vait pas  été  elle-même  épiscopale  parce  qu'elle 
n'était  pas  ancienne,  se  résolut  d'y  établir  une 
Eglise  collégiale,  avec  les  dignités  et  un  titre 
d'abbé  qui  aurait  séance  dans  le  chapitre  de 
l'Eglise  métropolitaine  de  Tolède.  L'évêque  se 
pourvut  par-devant  le  roi,  et  ne  se  contenta  pas 
de  la  dignité  dabbé  d'Oran  que  le  cardinal 
lui  offrait.  Mais  le  roi  étant  venu  à  mourir,  et 
le  cardinal  ayant  été  appelé  au  souverain 
gouvernement  de  toute  l'Espagne,  l'évêque  mit 
fin  à  ses  poursuites,  mais  non  pas  à  ses  espé- 
rances (  Anno  lo'âU).  Car  après  la  mort  du  car- 
dinal, renouvelant  ses  instances  auprès  de  son 
successeur  Fonséca,  archevêque  de  Tolède,  il 
obtint  de  lui  etaccepta  la  qualité  d'abbé  d'Oran, 
qu'il  avait  autrefois  refusée.  On  en  demanda 
les  expéditions  à  Rome  ;  comme  elles  tardaient 
à  venir,  l'évêque  s'en  alla  dans  son  Eglise  d'O- 
ran avec  la  qualité  de  vicaire  de  l'archevêque; 
ses  successeurs  portèrent  la  même  qualité,  vi- 
vant avec  les  chanoines  d'Oran  dans  une  en- 
tière dépendance  des  archevêques  de  Tolède. 
Voilà  ce  que  raconte  Gomécius  dans  la  vie  du 
cardinal  Ximénès    Libre  v). 

X.  Ces  preuves,  tirées  de  l'histoire  d'Espagne, 
nous  apprennent  (|u'il  y  a  eu  une  nécessité 
effective  de  créer  des  évêques  titidaires,  dès  les 
siècles  anciens  de  l'Eglise  :  (jue  c'a  été  origi- 
nairement dans  l'espérance  de  recouvrer  leurs 
évêchés,  que  ces  espérances  n'ont  pas  été 
vaines,  et  que  les  villes  épiscopales  ont  été 
très-souvent  reconquises;  que  pendant  cette 
longue  viduité  les  évêques  titulaires  ont  été 
occupés  à  soulager  les  autres  évêques,  et  que 


ISO 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SEPTIÈME. 


par  conséquent  on  n'a  jamais  douté  que  les 
évêiiues  titulaires  ne  lussent  véritablement 
évèques. 

Ce  qui  a  été  dit  dans  le  chapitre  précédentdu 
cardinal  Bessarion,  et  ce  que  nous  venons  de 
dire  du  cardinal  Ximénès  et  de  l'oliligaliondes 
évèques  titulaires  à  rendre  compte  a  Rome  des 
efforts  qu'ils  ont  faits  pour  leurs  Eglises,  enfin 
ce  que  l'on  peut  penser  des  évèques  d'Espagne, 
dont  les  villes  ont  été  reprises  sur  les  Maures 
après  queUpies  siècles;  tout  cela,  dis-je,  montre 
évidemment  que  les  espérances,  qu'on  témoi- 
gne avoir  dans  la  création  des  évèques  titulaires, 
ne  sont  ni  vaines  ni  mal  fondées. 

XI.  Il  n'est  pas  facile  de  deviner  de  quelle 
nature  étaient  les  évèques  titulaires  d'Irlande, 
dont  se  plaint  saint  Anselme  dans  sa  lettre  à 
leur  roi.  Car  on  les  y  ordonnait  sans  leur  des- 
tiner aucun  lieu  propre  :  «  Dicitur  episcopos  in 
terra  vestra  passim  cligi,  et  sine  certo  episco- 
patus  loco  constitui  (  L.  ni,  epist.  cxlvu).  » 
Ainsi  ils  n'étaient  pas  même  titulaires,  mais 
simplement  évèques,  comme  on  ordonne  quel- 
quefois des  prêtres,  sans  les  attaclier  à  aucune 
Eglise. 

Saint  Anselme  représente  les  inconvénients 
étranges  de  ces  ordinations  vagues  et  con- 
traires à  toutes  les  lois  canoniciues.  «  Episcopus 
namque ,  nisi  certam  parocbiam  ,  et  popu- 
luui  cui  suiier  inlendat,  liabeat,  constitui  se- 
cunduni  Ueum  non  polest.  Uuia  nec  in  suîcu- 
laribus  nomen,  vel  oflicium  pastoris  habere 
valet,  ([ui  gregem,  cpiem  pascat,  non  ha- 
bet.  Honor  (pioque  episcopalis  non  parum  vi- 
lescit,  etc.  » 

Comme  saint  Anselme  assure  que  ces  évè- 
ques n'étaient  ordonnés  (jue  par  un  seul  évo- 
que, il  y  aurait  quelque  fondement  de  croire 
que  c'étaient  de  ces  sortes  de  cliorévèques  dont 
il  a  été  parlé  ci-devant,  qui  gouvernaient  les  pa- 


roisses champêtres  des  diocèses,  sous  l'autorité 
des  évèques,  qui  prenaient  quelquefois  la  con- 
duite d'un  diocèse  \acant,  qui  n'étaient  consa- 
crés que  par  un  évèque  seul,  et  a  qui  les  évè- 
ques titulaires,  qu'on  appelle  suflragants,  ont 
succédé. 

Xll.  Quelque  fortes  que  puissent  paraître 
les  paroles  de  saint  Anselme  contre  ces  évè- 
ques titulaires,  il  ne  nie  pourtant  pas  qu'ils  ne 
fussent  évèques.  Ceux  même  qui  s'élevèrent 
avec  tant  de  force  contre  le  concile  de  Bàle,  et 
qui  se  plaignirent  si  hautement  que  le  cardinal 
d'Arles  y  précipitait  la  conclusion  des  affaires, 
sans  attendre  les  suffrages  des  vrais  évèques, 
se  contentant  du  consentement  des  titulaires  : 
à  quoi  on  ajoute  (pi'il  fit  placer  une  fois  tous 
les  |)lus  célèbres  reliquaires  de  la  ville  dans  les 
sièges  des  évèques  absents  ;  ceux-là,  dis-je,  ne 
nièrent  pourtant  pas  la  qualité  d'évcque  à  ces 
évè(|ues  sans  peuple. 

Mais  Enéas  Silvius,  dans  son  livre  premier 
des  Actes  de  ce  concile,  nous  apprend  que  les 
défenseurs  des  évèques  titulaires  mettaient  à 
leur  tète  saint  Pierre  même  et  les  autres  apô- 
tres, qui  n'eurent  jamais  sous  leur  puissance 
des  villes  entières  ou  de  grands  diocèses.  «  Dum 
istos  repelluiit,  i|)suni  quo(iue  Petrum  dam- 
nant, et  apostolos  quos  diu  sine  magna  plèbe 
fuisse  constat.  Nec  unquara  aut  tota  Roma 
Petro,  aut  tota  Jerosolyma  .lacobo  paruit  (Rai- 
nai, auno  1439,  n.  21,  23).  »  Cela  ne  se  disait 
pas  sans  chaleur. 

Concluons  avec  Gerson  que  ce  sont  vraiment 
des  évèques,  mais  qu'il  ne  faut  jamais  en  don- 
ner que  dans  la  nécessité  :  «  Status  episcopalis 
licet  esse  possit  in  aliquo,  sine  plèbe,  et  sine 
usu,  vel  exercitio  ;  hoc  tieri  non  convenit  :  quia 
vanum  et  monstruosum  in  Ecclesia  videretur  ; 
quoniani  frustra  est  potestas,  cui  non  subest 
operatio  (Gerson,  tom.  i,  pag.  190).  » 


11.''       '    K' 


i\  :  *ill  .11 


DE  LOIIICLNE  DES  EVEUIES  TlirEAUîES. 


151 


CHAPITRE  VINGT-HUITIÈME. 


DE    L  ORIGINE    DES    EYEQUES    TITULAIRES. 


I.  Les  chorévêques  furent  déclarés  n'être  pas  évèques,  parce 
que  leur  ordination  se  faisait  par  un  évêque  seul,  et  ne  leur 
donnait  aucun  évéché  propre  à  gouverner.  Réponse  à  deux  ob- 
jections. 

II.  Les  évèques  titulaires,  ou  plutôt  non  titulaires,  n'ont 
point  aussi  de  titre,  quoiqu'on  leur  en  ait  assigné  un  dans  leur 
ordination. 

m.  Ordonner  un  évêque  c'est  sacrer  nn  roi,  qni  ne  peut  être 
sans  royaume.  Ordinalions  des  évèques  vagabonds  condamnées. 

IV.  Dans  l'Orient  on  permit  de  retenir  tous  les  antres  béné- 
fices avec  nn  évêché  in  partibus,  parce  qu'à  moins  de  cela 
personne  n'en  voulait. 

V.  Il  y  avait  encore  espérance  de  reconqnérir  à  l'Etat  et  à 
l'Eglise  ces  évêchés  qu'on  donnait  aux  évèques  titulaires. 

VI.  On  retenait  encore  une  partie  des  diocèses,  ou  des  pro- 
vinces qu'on  donnait  à  des  évèques,  ou  à  des  métropolilains 
titulaires. 

VU.  Des  patriarches  titulaires  d'Antioche  et  de  Jérusalem. 

VIII.  La  raison  mystérieuse  du  nombre  des  cinq  patriarches 
fut  de  quelque  considération. 

IX.  Tout  le  patriarcat  n'étant  pas  occupé  par  les  Barbares,  il 
fallait  nommer  des  patriarches. 

X.  La  pauvreté  inévitable  des  évèques  titulaires  n'était  point 
un  obstacle  suffisant. 

XI.  11  restait  toujours  du  petit  peuple  catholique,  à  qui  il 
fallait  donner  un  pasteur. 

XII.  Les  empereurs  jaloux  de  conserver  ces  titres  comme 
des  titres  de  leur  droit  sur  ces  pays. 

XIII.  Les  évèques  titulaires  étaient  quelquefois  tolérés  dans 
leurs  évêchés. 

XIV.  Autres  évèques  titulaires  qui  avaient  renoncé  à  leurs 
Eglises  par  l'amour  excessif  d'un  lâche  repos. 

XV.  De  la  défense  que  fit  un  concile  de  Photius  aux  évèques 
d'entrer  dans  les  cloîtres  et  de  se  faire  moines. 

XVI.  Evêchés  in  partifjus  donnés  en  commende  à  des  évè- 
ques qm  avaient  d'autres  évêchés. 

XVU.  XVIII.  XIX.  XX.  Exemples  des  évèques  titulaires,  tirés 
de  l'antiquité  la  plus  reculée,  et  qui  marquent  l'origine  de  ces 
sortes  d'évèques. 

I.  Il  est  temps  de  parler  des  évèques  et  de 
commencer  par  la  différence  qu'on  mit  entre 
eux  et  les  chorévêques,  lorsque  Charlemagne 
consulta  sur  ce  sujet  le  Siège  apostolique,  en- 
voyant à  Rome  l'archevêque  Annon ,  et  faisant 
en  même  temps  examiner  cette  matière  par  les 
évèques  de  sou  royaume. 

La  commune  résolution  du  Siège  romain  et 
de  nos  prélats  fut  que  les  chorévêques  ne  pou- 
vaient être  mis  qu'au  rang  des  prêtres,  et  qu'ils 
n'avaient  pu  recevoir  le  caractère  auguste  ou 
le  divin  ministère  de  l'épiscopat,  parce  qu'ils 
n'a^  aient  été  ordonnés  pour  aucun  siège  épis- 


copal,  et  qu'au  lieu  de  trois  évèques,  qui  sont 
nécessaires  pour  la  consécration  èpiscopale,  il 
n'y  en  avait  eu  qu'un  qui  leur  eût  imposé  les 
mains  :  «  Nam  episcopi  non  erant,  qui  née  ad 
quamdam  episcopalem  sedem  litulati  erant,  nec 
canonice  a  tribus  episcopis  ordinati  ;Conc.  Gai. 
tom.  II,  p.  240,  241).  »  Ainsi  les  ordinations 
qu'ils  avaient  faites  de  prêtres,  de  diacres,  et 
de  sous-diacres  furent  déclarées  nulles,  si  elles 
n'étaient  réitérées  par  un  évêque  véritable  : 
«  Episcopi  namque  non  fuerunt.  qui  nec  a 
tribus  episcopis,  nec  ad  aliquam  episcopalem 
cathedram  ordinati  fuerunt  ,  et  ideo  ex  his 
nihil  agere  potuerunt.  » 

Si  dans  une  extrême  nécessité  l'Eglise  a  per- 
mis et  permet  encore  à  uu  évêque  seul  d'en 
ordonner  un  autre,  il  n'y  a  rien  en  cela  de 
contraire  à  la  prétention  de  ces  évèques  français 
au  temps  de  Charlemagne.  Car  ils  pouvaient 
être  dans  la  même  pensée  que  tant  de  savants 
théologiens,  depuis  quatre  ou  cinq  cents  ans, 
qui  ont  estimé  que  bien  que  les  prêtres  ne 
pussent  conférer  le  sacrement  de  la  confirma- 
tion, ce  pouvoir  étant  réservé  aux  évèques, 
ils  le  pouvaient  néanmoins  avec  la  permission 
du  Saint-Siège  dans  de  pressantes  nécessités. 
Dans  l'un  et  l'autre  de  ces  deux  exemples  il 
s'agit  de  la  validité  ou  de  l'invalidité  d'un  sa- 
crement administré  par  un  évêque  .  ou  par  un 
prêtre,  avec  une  commission  extraordinaire  de 
l'Eglise  ou  du  pape,  ou  sans  celte  commission. 
Ainsi  ces  deux  exemples  sont  assez  semblables. 

Quant  à  l'autre  raison  que  ces  évèques  allé- 
guèrent de  l'invalidité  de  l'ordination  des  cho- 
révêques; savoir,  qu'on  ne  leur  avait  point 
assigné  de  troupeau  particulier  à  conduire,  on 
peut  dire  que  cela  ne  fut  allégué  que  comme 
une  marque  du  dessein  et  de  l'intention  de 
l'Eglise,  qui  n'était  point  de  donner  aucune 
couunission  extraordinaire  à  l'évèque  qui  or- 
donnait seul  un  chorévêque,  pour  lui  permet- 
tre d'en  faire  un  véritable  évêque.  L'Eglise  ne 
donne  ces  pouvoirs  extraordinaires  que  dans  la 


m 


m:  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-HUITIÈME. 


nécessité  extrême  de  seeourir  des  |>eiiples  qui 
sont  sans  pasteur.  Ainsi  il  n'était  pas  probable 
qu'elle  voulût  les  donner  pour  ordonner  un 
second  pasteur  à  un  diocèse  qui  en  avait  déjà 
un. 

Ceux  qui  ne  pourraient  se  résoudre  de  croire 
que  ces  ordinations  d'un  évê(|ue  par  un  évèque 
seul  fussent  nulles,  diraient  (jue  le  pape  et  les 
évêques  de  France  ne  les  déclarèrent  nulles 
que  quanta  l'exercice  des  fonctions  épiscopales 
dont  ils  demeuraient  interdits  pour  toujours. 
C'est  un  sentiment  qui  a  pour  partisans  de  forts 
grands  théologiens.  Mais  il  est  temps  de  reve- 
nir à  notre  sujet. 

U.  Ces  deux  ordinations  étaient  donc  estimées 
fort  nécessaires  pour  l'épiscopat.  Et  comme  nous 
n'avons  encore  rien  dit  de  la  jiremière,  qui  est 
d'être  ordonné  pourle  titre  d'un  siège  épiscopal, 
ce  sera  une  discussion  autant  utile  que  curieuse 
de  savoir  s'il  y  avait  dès  lors  des  évêques  titu- 
laires, qu'il  faudrait  plutôt  appeler  non  titu- 
laires, puisque  le  défaut  de  titre  donne  tout  le 
fondement  qu'on  a  de  les  mettre  en  procès. 
Nous  les  appelons  présentement  titulaires  , 
parce  ([u'ils  n'ont  que  le  titre  des  évécbés  dont 
ils  portent  le  nom.  Et  autrefois  on  disait  que 
ce  n'était  pas  être  évêcjue  d(!  n'avoir  pas  été 
ordonné  sous  le  titre  d'un  évèciié  :  «  Nec  ad 
aliquam  episcopalem  sedem  titulati  erant.  » 
L'autre  e\[)ression  :  «  Nec  ad  aliquam  episco- 
palem catliedram  ordinali  erant,  »  nous  fait 
connaître  que  (]uand  il  s'agit  des  évêques , 
titulare  et  ordinare,  ordonner  et  donner  un 
titre  ,  c'est-à-dire  donner  le  gouvernement 
d'un  évêclié,  ce  n'est  qu'une  même  chose. 

III.  L'épiscopat  est  la  royauté  du  sacerdoce. 
Ordonner  une  royauté,  c'est  donner  un  Etat  et 
des  peuples  à  conduire.  On  ne  jieut  sacrer  un 
roi  sans  lui  assigner  des  sujets  et  des  pays. 
C'est  peut-être  aussi  pour  cela  que  le  concile  II 
de  Châlon,  (Anno  8l."l.  Addil.  lib.  ni,  c.  37), 
déclara  nulles  les  ordinations  faites  par  cer- 
tains Ecossais  ou  Irlandais  qui  se  disaient  être 
évê(|ues.  Le  concile  dit  que  ces  ordinations 
étaient  le  plus  souvent  simoniaques.  Ce  défaut 
ne  provenait  apparemment  que  de  la  mendi- 
cité honteuse  de  ces  prélats  qui,  n'ayant  point 
de  diocèse,  tiraient  leiu-  entretien  de  cet  infâme 
trafic  des  choses  saintes  :  «  Sunt  in  quibusdam 
locis  Scoti,  (jui  se  dicunt  episco|)()s  esse,  etc. 
Uuorum  ordinalionem  ,  quia  plerumque  in  si- 
nioniaeam  iueresin  incidit,  et  nuiltis  errorilius 
suhjacel ,  modis  omnibus  irrilam  lieri  debere 


omnes  uno  consensu  decrevimus  (Can.  xi.ui).» 
Cette  commune  concorde  des  évêques  à  rejeter 
ces  ordinations  fut  jugée  nécessaire  pour  obli- 
ger ces  prélats  douteux,  ou  de  se  retirer,  ou  de 
se  désister  des  fonctions  épiscopales. 

Le  concile  de  Vermery  avait  déjà  cassé  les 
ordinations  de  ces  évêques  vagabonds,  c'était, 
en  termes  couverts,  déclarer  qu'ils  n'étaient 
pas  évêques.  «Ut  deepiscopisambulantibusper 
l^atrias  ordinatio  bona  non  fiât  :  Si  autem  sunt 
illi  presbyteri,  iterum  consecrentur  (Anno  752, 
Can.  XI v).  » 

Le  concile  de  V'ernon  sembla  avoir  apporté 
quelque  adoucissement,  au  moins  de  ])aroles, 
en  suspendant  tous  ceux  qui  étaient  ordonnés 
par  des  évc([ues  sans  évêchés,  jusqu'à  ce  qu'un 
concile  plus  nombreux  eût  décidé  ce  différend  : 
«  De  episcopis  vagantibus,  qui  parochias  non 
habent,  nec  scimus  ordinalionem  eorum  qua- 
liter  fuit,  placuit  juxta  instituta  sanctorum 
l'atrum,  ut  in  alterius  parochiaministrare,  nec 
ullam  ordinalionem  facere  debeant,  sine  jus- 
sionc  episcopi,  cujus  parochia  est.  Et  si  hoc 
facere  praesumpserint,  abofflcio  suspendantur, 
intérim  quod  ad  synodum  exinde  venerint,  et 
ibidem  secundum  cauonicaminstitutionem  ac- 
cipiant  sententiam  (Anno  73.S,  Can.  xiii).  » 

IV.  Mais  l'Eglise  grecque  a  été  dans  une  iné- 
vitable nécessité  de  se  relâcher  bien  autrement 
sur  cet  article.  On  en  sera  entièrement  con- 
vaincu après  avoir  oui  le  précis  d'une  ordon- 
nance im])ériale  d'Alexis  Comnène.  Cet  empe- 
reur dit  que  les  abbés,  les  économes  ,  les 
autres  officiers  des  monastères ,  les  moines 
même,  les  officiers  et  bénéficiers  des  Eglises 
refusaient  de  donner  leur  consentement  aux 
élections  qu'on  avait  faites  de  leur  personne, 
pour  des  évêchés  dans  l'Orient,  (|ui  étaient  si 
éloignés  tout  ensemble  et  si  désolés,  qu'on  ne 
pouvait  y  aborder,  et  quand  on  y  serait  arrivé, 
il  sei'ait  impossible  d'y  subsister. 

Comme  on  ne  pouvait  se  charger  de  ces 
évêchés  sans  se  dépouiller  de  tous  les  autres 
bénéfices ,  tout  le  monde  fuyait  des  dignités 
nécessiteuses  et  ties  honneurs  si  dommagea- 
bles. Pour  remédier  à  ce  désordre,  cet  empe- 
reur ordonne  (ju'avec  le  nouvel  évêché  on 
coiiliimera  île  posséder  les  abbayes,  les  écono- 
mies, les  offices,  les  adminislrations,  enfin  (ou  « 
les  revenus  ecclésiastiques  dont  on  jouissait 
auparavant  {.luris  Orient,  tom.  i,  p.  13!t);  ainsi 
on  n'aura  jibis  de  légitime  cause  de  refuser  ces 
évêchés,  dont  on  ne  désesiière  pas  encore  de 


DE  L'ORIGINE  DES  ÉVÉQUES  TITULAIRES. 


133 


]ioiivoir  un  jour  entrer  on  possession.  Voilà 
donc  lies  évèiiues  in  paitibiis,  connue  nous  les 
appelons  ;  on  ne  laissait  pas  de  les  ordonner, 
quoique  leiu-s  Eglises  fussent  inaccessibles  , 
parce  iju'elles  étaient  tombées  depuis  long- 
temps sous  la  domination  des  Barbares  :  «  Ve- 
rentes  ne  sibi  necessaria  deficiant,  cum  ilke 
Ecclesi;e  ad  quas  electi  sunt  ,  in  partibus 
Orientis  sitœ  sint  ac  prorsus  inopes,  nec  adiri 
ab  eis  omnino  possint  :  E/jc/.r.s'.wi  iTVMjuv  /.al  à-fo- 
pi™y  iuTî;  -%i-ùz,;  [  Balsamou  iu  Can.  xxxvii. 
Conc.  Trull.)  » 

V.  Il  est  -vTai  que  cet  édit  su[ipose  toujours 
qu'il  reste  quelque  rayon  d'espérance  de  re- 
couvrer les  villes  et  les  Eglises  qui  gémissent 
sous  l'empire  des  profanes  :  car  cet  empereur 
permet  aux  nouveaux  évêques  de  jouir  du  re- 
venu de  leurs  anciens  bénéfices,  jusqu'à  ce 
qu'ils  reçoivent  quelque  rafraîchissement  de 
leurs  Eglises  reconquises  à  l'empire  :  «  Donec 
levationem  aliquam  consequantur ,  et  infeli- 
cilatem  prœsentem.  cum  Ecclesiarum  sibi  cre- 
ditarura  felicitate  commutent,  quœ  nunc  ab 
eis  adiri  propterea  nequeunt,  quod  ab  hos- 
tibus  infensissimis  detiaeantur.  »  Mais  aussi 
il  n'y  a  point  de  ville  épiscopale  dont  on  ne 
puisse  concevoir  les  mêmes  espérances  de  la 
voir  retirer  de  la  puissance  de  ses  impies  pro- 
fanateurs, si  l'on  veut  se  donner  la  même 
liberté  de  ne  mettre  point  de  bornes  à  ses  espé- 
rances. 

VI.  H  y  a  toutes  les  apparences  imaginables 
que  la  coutume  de  continuer  les  élections,  ou 
les  nominations  et  les  ordinations  des  évêques, 
dont  les  villes  avaient  été  prises  par  les  enne- 
mis de  la  religion  et  de  l'empire  clirétien,  s'est 
insensiblement  établie  sur  cette  espérance,  et 
même  d'abord  sur  cette  apparence  qu'on  ne 
tarderait  pas  de  les  reconquérir  à  l'Etat  et  à 
l'Eglise.  Peut-être  même  qu'on  retenait  encore 
quelque  partie  du  diocèse  ou  de  la  métropole 
(Ibid.  p.  4ol,  45-2;. 

On  a  repris  quelques-unes  de  ces  villes,  et 
on  a  fortifié  son  espérance  pour  la  con(juête 
des  autres.  Cependant,  on  s'est  accoutumé  à 
ne  point  se  scandaliser  de  voir  des  évêques  sans 
évêchés,  comme  des  rois  sans  royaume.  Le 
long  retardement  n'a  pu  causer  le  désespoir, 
ou,  s'il  l'a  causé,  on  l'a  dissimulé  par  une  sage 
politique,  j)our  conserver  toujours  comme  un 
titre  de  la  juste  prétention  de  l'empire  et  de 
l'Eglise,  en  nommant  toujours  des  métropoli- 
tains et  des  évêques,  et  des  patriarches  même, 


à  des  vinescpi'iui  iniMiIre  |iarlà  nous  appartenir 
encore. 

Vil.  .l'ai  dit  des  patriarches  même,  parce  que, 
dès  le  temps  de  Ralsamon ,  les  patriarches 
d'Antioche  et  de  Jérusalem  avaient  perdu  leurs 
villes  et  leurs  Eglises,  et  api-ès  cela,  pour 
comble  d'infélicité,  ils  étaient  persécutés  parle 
zèle  indiscret  de  quekjues  esprits  emportés  (jui 
voulaient  qu'on  les  déposât  parce  qu'ils  ne  se 
mettaient  pas  en  état  de  rentrer  dans  leur 
siège,  au  péril  même  de  leur  vie.  «  Auda- 
cter  prœdicant  a  dignitate  patriarchali  remo- 
véndos  Autioclienum  et  llierosolymitanum. 
Quippe  canonibus  statutum  est,  inquiunt, 
nequidem  inter  pontifices  recensendos  esse, 
([iii  non  vel  extremo  cum  periculo  se  confé- 
rant ad  thronos  suos  a  barbaris  occupatos, 
nec  martyrii  coronam  prœripiant  (Ibid.).  » 

Balsamon  tâche  d'arrêter  cet  emportement, 
en  leur  opposant  le  canon  du  concile  in  Triello, 
qui,  bien  loin  d'obliger  ces  prélats  de  se  préci- 
piter indiscrètement  dans  le  danger,  affermit 
au  contraire  leur  dignité,  ordonnant  que  leurs 
droits  leur  soient  conservés,  aussi  bien  que  le 
pouvoir  d'ordonner  et  de  maintenir  le  rang  et 
tous  les  honneurs  de  leurs  Eglises.  «  In  hune 
niodum  ordinatis,  et  ob  hanc  causam  thro- 
nos suos  non  possidentibus,  jus  suum  absque 
prœjudicio  sic  conservandum  decrevinms,  ut 
et  ordinationes  diversoruni  clericorum  juxta 
canones  instituant,  et  autoritate  prtesidentiœ 
secundum  modum  fruantur,  ac  deni(jue  firma 
et  rata  sit  oninis  ab  ipsis  profecta  admini- 
stratio  »  (Synod.  Trui.  c.  xxxvu). 

Ce  concile  ajoute  que  si  cette  police  blesse 
quelques-uns  des  anciens  canons,  d'un  autre 
côté  rien  n'est  plus  canonique  qu'une  sage  et 
charitable  dispensation,  dans  des  nécessités 
aussi  pressantes  que  celle  dont  nous  parlons. 
a  Non  enim  accuratione,  per  necessitatis  tem- 
pus  circumscripta  lex  dispeusationis  in  an- 
gustum  cogetur.  »  A  cela  Balsamon  ajoute 
la  constitution  d'Alexis  Conniène.  dont  nous 
avons  déjà  parlé. 

VIII.  Les  raisons  mystérieuses  du  nombre 
déterminé  des  cinq  patriarches,  qui  sont  comme 
autant  de  sens  et  autant  de  divins  organes  qui 
composent,  selon  les  idées  des  Grecs,  l'admi- 
rable chef  de  l'Eglise,  ont  encore  paru  à  Balsa- 
mon mériter  quelque  considération ,  pour  ne 
|)as  diminuer  ce  nombre  sacré  et  pour  ne  pas 
discimtinuer  de  remplir  en  la  manière  qu'on 
le  peut  ces  sièges  augustes,  que  J.-C.  revêtira 


loi 


DU  PREMIEIÎ  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHANTRE  VINGT-HUITIÈME. 


de  leur  première  gloire  au  temps  qui  n'est 
connu  que  île  son  incompréhensible  sagesse. 

Cependant  au  lieu  de  renouveler  à  l'Eglise 
le  fâcheux  souvenir  et  la  douleur  de  ses  an- 
ciennes pertes,  en  menaçant  tant  d'illustres 
prélats  d'une  cruelle  dégradation ,  il  est  bien 
plus  raisonnable,  au  jugement  deBalsamon^ 
de  la  consoler  de  cette  douce  espérance  que 
son  époux  tout-puissant  triomphera  un  jour  et 
la  fera  triompher  de  tous  ses  adversaires,  et 
rétablira  par  toute  la  terre  ses  trônes  abattus. 
«  Si  taie  quid  usu  venerit ,  et  patriarcham  pa- 
triarchalibus  privilegiis,  propterea  qiiispiam 
spoliaverit,  quod  non  degat  in  provincia  sua, 
caput  ipsum  inutile  reddet,  tanquam  surdum, 
vel  cœcum,  et  quatuor  aiit  tribus  duntaxat  sen- 
sibus  prœditum.  Ob  banc  ijjsam  causani ,  ceu 
credi  par  est,  jam  dudum  sancitum  est,  ut 
haud  dubie  per  electioneni  instituantur  ctiara 
ii  j)atriarcb;e,  qui  cœteroqui  sacros  sibi  desti- 
natos  thronos,  ob  paganorum  hostiles  incursus 
haud  possidcnt  :  Antiochenus,  inquam ,  et 
HiiTosolymitanus.  Quamvis  enim  gloria  thro- 
noruni  suorum  per  vim  exciderunt,  tamen 
?|)iiitualis  gratia  secundum  Davidem  non  exo- 
lescet.  Inio  potius  veniet  Deus  noster  manifesto, 
nec  silebit,  ut  colligat  omnes  sanctos  suos,  qui 
tcstamcntum  ipsius  disponunt.  Itaque  com- 
plecteudi  sunt  amanter  ii  patriarche,  qui 
sanctissimis  Ecclesiis  suis  spoliati  sunt,  etc. 
[Ibid.  pag.  448,  449).  » 

IX.  La  raison  de  remplir  le  titre  d'un  pa- 
trianiic  était  encore  plus  évidente  que  celle 
des  autres  évêques.  La  ville  patriarcale  étant 
occupée  par  les  barbares,  tout  le  patriarcat 
n'i'tnit  pas  abîmé  dans  le  même  naufrage.  11 
fallait  donc  nommer  un  patriarche  [lour  exer- 
cer les  fonctions  de  ce  souverain  ministère  sur 
les  métropoles  et  sur  les  évêchés  que  cette  tem- 
pête n'avait  pas  encore  absorbés.  11  en  est  de 
même  des  métropoles  dont  la  province  n'avait 
pas  été  enveloppée  tout  entière  dans  la  même 
désolation.  Il  était  donc  nécessaire  d'élire  un 
métropolitain  pour  veiller  sur  les  évêchés  qui 
étaient  échappés  de  ce  naufrage.  Enfin ,  si  à 
proportion  plusieurs  paroisses  d'un  évêcbé 
étaient  demeurées  exemptes  de  l'orage  (lui 
avait  renversé  la  capitale,  on  avait  besoin  d'un 
évè(iuc  pour  y  ordonner  des  curés,  et  pour  les 
autres  fonctions  de  l'épiscopat.  De  là  vient  i}ue 
Balsamon  dit  qu'il  avait  vu  le  métropolitain  de 
Cogni,ct  plusieiu-s  autres  métropolitains  orien- 
taux exercer  librement  les  fonctions  pontifica- 


les, et  conférer  les  ordres,  quoiqu'ils  n'eussent 
jamais  pris  possession  de  leurs  Eglises ,  domi- 
nées par  les  barbares.  C'étaient  donc  principa- 
lement les  Eglises  patriarcales  et  les  métropo- 
litaines, pour  lesquelles  on  continuait  toujours 
d'élire  des  prélats,  qui  n'en  possédaient  jamais 
que  le  titre  spécieux  et  une  espérance  fort 
légère. 

X.  Le  même  auteur  nous  apprend  pourtant 
ailleurs  qu'on  ordonnait  aussi  des  évêques 
pour  les  évêchés  que  la  domination  des  païens 
avaient  rendus  inaccessibles.  11  est  vrai  que  quel- 
ques esprits  plus  passionnés  pour  l'éclat  appa- 
rent de  l'épiscopat  que  pour  la  gloire  d'une 
solide  vertu  trouvaient  mauvais  qu'on  ordonnât 
des  évoques  que  la  pauvreté  obligeait  daller  à 
pied,  et  ainsi  d'avilir  l'épiscopat.  Car  si  l'épis- 
copat est  déshonoré  selon  les  canons,  lorsqu'on 
ordonne  un  évêque  dans  un  village ,  n'est-ce 
pas  un  a\ilissement  encore  plus  grand,  si  un 
évêcjue  n'a  pas  même  un  village  dont  il  puisse 
tirer  un  honnête  entretien  ?  «  Hœc  decernente 
canone,  dixerit  quispiam  ex  ejiis  intelligentia 
conjecturam  faciens,  quod  quoniam  ad  Dei  et 
episcopatus  vergit  dedecus,  si  episcopusexiguo 
populo  pra'sit ,  et  ideo  contemuatur ,  nuillo 
magis  non  est  ad  Dei  honorem,  si  autistes 
propter  paupertatem  eat  pedes  et  privetur  ne- 
cessariis.  Quocirca  in  Ecclesiis  orientalibus,  in 
quibus  non  admodum  nuilti  imeniuntur  Chri- 
stiani,  episcopos  eligi,  tutuui  non  est  (In.  Cau. 
Laodic.  Lvii).  » 

XL  Voilà  donc  au  contraire  dans  ces  der- 
nières paroles  une  raison  de  continuer  les  or- 
dinations des  évêques  m  partibus ,  nonobs- 
tant la  délicatesse  de  ces  critiques.  Les  païens 
pouvaient  bien  fondre  sur  un  pays  et  se  l'assu- 
jettir, ils  pouvaient  bien  en  chasser  les  prélats, 
les  ecclésiastiques  et  toutes  les  personnes  de 
qualité  ;  mais  il  leur  était  impossible  d'en  ban- 
nir tout  le  petit  peuple,  surtout  à  la  campagne. 
Plusieurs  siècles  se  sont  toujours  écoulés  avant 
que  les  anciens  habitants  d'une  province  aient 
pu  oublier  leur  ancienne  religion  pour  se  con- 
former à  celle  des  nouveaux  conquérants.  Il 
fallait  des  pasteurs  et  des  évêques  à  ces  peuples 
fidèles,  dominés  et  assiégés  de  tous  côtés  par 
les  infidèles. 

XII.  Mais  voici  une  autre  imagination  aussi 
mal  fondée  de  ces  mêmes  censeurs.  Comme  les 
canons  défendent  d'instituer  des  évêques  ail- 
leurs que  dans  les  villes  bien  peuplées ,  lors- 
que la  guerre  ou  quelque  autre  calamité  avait 


DF,  LORir.INE  PKS  EVKQUKS  TITULAIRES. 


155 


beaucoup  diminué  le  peu [)le,  le- lustre  et  les 
richesses  d'une  ville ,  ces  eriti(|ues  voulaient 
qu'on  en  transférât  le  siège  épiscopal  dans  ([ucl- 
que  autre  \ille  nouvelle  et  plus  puissante. 
«  Et  adjecerunt,  non  oportere  episcopum  eligi 
in  urbe.  qurc  a.  magna  populi  frecinentia  ad 
nihil  reducta  est  ex  gentium  incursione ,  vel 
aliqua  alia  perturbatione  ,  sed  in  iis .  quae  sunl 
populosa» ,  etiamsi  antistites  antea  non  habne- 
runt  (In  Can.  Sardi.  can.  vi].  »  C'était  encore 
obli(|uement  attaquer  les  évèques  des  villes 
orientales,  mais  l'empereur  en  prit  lui-même 
la  défense  ,  commandant  qu'on  leur  donnât 
toujours  des  successeurs,  leur  fournissant  lui- 
même  des  revenus  suffisants  pour  leur  subsis- 
tance, et  ne  souffrant  point  ([u'on  laissât  perdre 
des  titres  si  glorieux  et  des  marques  si  cer- 
taines de  l'étendue  ancienne  et  des  droits  éter- 
nels de  l'empire.  «  A  Deo  autem  coronatus  rex 
noster  sfepe  rogatus,  an  oporteat  Orientales 
Ecclesias  a  Sarracenis  detenlas  ,  episcopos 
electione  sortiri  ;  et  eis  quidem  eligi  episcopos 
annuit:  et  solemnia  iis  qui  eligi  debent  ad  vic- 
tus  sufficientiam  concessit  per  communem  jus- 
sionein  ;  ut  jus  quod  in  eis  est  Ecclesiis,  impe- 
rio  quoque  perpetuo  scrvetur;  utpote  cum 
non  desperent  Cbristiani ,  fore  ut  ad  cas  resti- 
tuantur.  » 

XIll.  Enfin,  Balsamon  remarque  (|u'il  y 
avait  de  deux  sortes  d'Eglises  occupées  i)ar  les 
ennemis;  les  unes  où  ni  l'entrée,  ni  l'appro- 
che même  n'était  pas  libre  aux  évèques  grecs 
qui  y  avaient  été  destinés  par  leur  ordination, 
comme  Jérusalem  qui  était  profanée  par  les 
Sarrasins ,  le  trône  d'Antioche  qui  était  occupé 
par  les  Latins,  et  Tarse  par  les  Arméniens  ;  les 
autres  oii  les  ennemis  de  l'empire,  et  même  de 
la  religion,  souffraient  néanmoins  la  résidence 
et  les  fonctions  des  évèques  orthodoxes,  comme 
plusieurs  évèchés  du  patriarcat  de  Jérusalem, 
de  celui  de  Constantinople  et  de  celui  d'Antio- 
che, où  le  sultan,  les  Sarrasins  et  les  Latins 
qui  en  étaient  les  maîtres,  laissaient  une  entière 
liberté  aux  évèques  grecs.  «  Reliquae  autem 
Hierosolymorum,  Antiochiae  et  quaedam  Orien- 
tales ConstantinopolisEcclesi3e,non  reputantur 
vacare  :  quia  Sultanus.  Latini ,  et  reliqui  Aga- 
reni  permittunt  antistitibus  suas  Ecclesias  epi- 
scopaliter  admiuistrare,  et  Christianorum  ,  qui 
illic  sunt ,  curam  gerere.  Unde  et  ejusmodi 
Ecclesiarum  antistites ,  evocati  debent  profi- 
cisci  (In  supplem.  pag.  1123). »  Ces  derniers 
étaient  obligés  d'aller  résider,  quelque  fortime 


qu'il  y  eût  à  courir,  [parmi  les  ennemis.  Mais 
((uoitiui;  les  premiers  ne  pussent  résider,  on 
ne  laissait  pas  de  les  ordoiuier,  bien  qu'il  y 
eût  déjà  d'autres  évèques  dans  les  mêmes 
villes. 

Car  c'est  la  nouvelle  remarque  qu'il  faut 
faire  sur  cet  endroit  de  Balsamon,  que  les  Latins 
et  les  Arméniens  s'étant  rendus  maîtres  de 
Jérusalem,  d'Antioche,  de  Tarse,  et  de  quelques 
autres  villes  métropolitaines  et  épiscopales,  et 
y  ayant  par  conséquent  établi  des  évèques  de 
leur  nation ,  les  Grecs  ne  laissaient  pas  d'en 
élire  toujours  et  de  continuer  la  succession  de 
leur  Eglise,  soit  dans  l'esipérance  d'y  rentrer^ 
soit  pour  en  conserver  au  moins  le  titre.  Ainsi 
il  commença  d'y  avoir  deux  patriarches  d'une 
même  ville,  l'un  grec  et  l'autre  latin,  après 
que  nous  eûmes  conquis  Antioche  et  Jéru- 
salem. 

XIV.  Zonare  n'a  pas  oublié  ces  évèques  sans 
peuple  et  sans  Eglise,  mais  il  nous  a  encore 
représenté  d'autres  prélats  sans  évèchés,  par 
une  raison  bien  différente.  C'étaient  ceux  qui 
avaient  renoncé  à  leurs  évèchés  par  un  amour 
démesuré  d'un  lâche  repos,  et  qui  prétendaient 
après  cela  jouir  des  honneurs  et  des  avantages 
de  l'épiscopat.  Zonare  prétend  qu'ils  ne  peuvent 
plus  rien  prétendre  des  droits  de  l'épiscopat. 
Car  si  le  concile  de  Calcédoine  déclare  nulle 
l'ordination  des  prêtres  et  des  diacres  mêmes, 
et  des  autres  clercs,  si  elle  ne  les  attache  au  ser- 
vice d'une  Eglise,  que  fâut-il  juger  de  l'épisco- 
pat ?  L'évèque  a  été  ordonné  nommément  pour 
une  Eglise;  s'il  la  quitte,  et  s'il  y  renonce,  il 
renonce  en  même  temps  aux  droits  de  son 
ordination  ,  et  à  tous  les  pouvoirs  qu'elle  lui 
avait  acquis.  Comment  sera-t-il  évêque,  c'est- 
à-dire  ,  surveillant  et  censeur,  n'ayant  plus 
personne  sur  qui  il  puisse  veiller  ?  Le  nom 
d'évêque  signifie  l'action  et  la  vigilance  ac- 
tuelle. S'il  y  renonce,  il  ne  peut  pas  même 
porter  le  nom  d'évêque,  il  en  peut  encore  bien 
moins  porter  les  ornements  et  les  marques 
sacrés.  Quelle  part  aura-t-il  à  la  hiérarchie, 
c'est-à-dire  à  la  royauté  sacerdotale ,  n'ayant 
plus  ni  de  clergé,  ni  de  peuple  a  gouverner. 
«  Quorum  ille  speculator  erit  et  custos?  Ipsum 
enim  nomen  actionem  exercitationemque  si- 
gnificat;  quam  qui  defugiat,  episcopi  quoque 
nomen  amittat,  necesse  est.  Porro  in  quem 
episcopi  nomen  haud  cadit,  quo  jure  is  sacer- 
dotii  dignitate  retenta,  sacri  magistratus  privi- 
legiis,  ac  honore  perfnietur?  Quomodo  vero 


136 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-HIITIÈME. 


hierarcha,  qui  nec  ullum  subjectum  sibi  cle- 
runi  habet,  nec  iilla  in  sacris  initiatos  homines 
autoritate  pra-ditus  est  ?  At  cui  hierarclia; 
ai)i)e!latio  non  convenit,  nec  actio  conveniet  : 
quique  comnninione  noniinis  excliiditur,  re 
ipsa  multo  magis  careat  necesse  est  iln  can. 
xxxvn.  Concil.  Trull.i.  » 

Voilà  bien  assez  de  raisons  pour  exclure  des 
sacrés  ornements  ,  du  rang  et  des  fonctions  de 
l'épiscopat  ceux  qui  y  ont  renoncé  par  une 
fuite  lâche  du  travail,  sans  renoncer  en  même 
temps  à  l'amour  de  la  gloire  qui  n'est  due  qu'au 
traNail. 

Ralsamon  raconte  bien  que  quelques-uns  se 
fondaient  sur  la  lettre  et  la  résolution  du  con- 
cile d'Epbèse  en  faveur  d'Eustathius,pour  per- 
mettre aux  évêques  de  se  décharger  du  poids 
de  l'épiscopat,  en  se  réservant  tous  les  avanta- 
ges et  tous  les  honneurs  qui  raccompagnent; 
mais  il  proteste  (ju'on  ne  peut  tirer  à  consé- 
quence ce  qui  a  été  permis  à  ce  métropolitain 
de  Pamphilie,  par  une  sage  et  nécessaire  dis- 
jK'nsation ,  d'y  faire  une  règle  générale  d'un 
fait  qui  a  des  raisons  et  des  circonstances  très- 
particulières  :  «  Qnod  enim  a  sanctis  Patribus 
definitum  est,  ex  œconomiœ  dispensalionisque 
ratione  definitum  est  :  et  non  oportet  quod  per 
œconomiam  dispensationemque  propter  aliquid 
utile,  introductum  est,  ad  exemplum  trahi, 
et  tantjuam  canonem  deinceps  valere  (In  Syuo- 
dum  Ephes.).  » 

Balsamon  ajoute  que  saint  Cyrille  qui  pré- 
sida à  ce  concile  s'est  trop  déclaré  contre  ces 
résignalions,  qui  ne  partent  que  d'un  cœur 
bas,  et  néanmoins  ambitieux,  pour  croire  que 
le  concile  ait  été  d'un  autre  sentiment  que  lui; 
([lie  le  concile  de  Calcédoine  a  condanuie  toutes 
les  ordinations  vagues  ;  que  l'essence  de  l'épis- 
copat est  de  gouverner  et  d'instruire;  et  de  qui 
un  évèque  sera-t-il  le  gouverneur  ou  le  maî- 
tre? Enfin  de  qui  sera-t-il  évèque,  s'il  n'a  ni 

clergé    ni     peuple?    iroiuv  Uféwv  Ujapyr,;  ovofjLMOriistTi'., 

TIVX?   S'.Jâ^îl,    irOÎMV   T£  Xcà   £— ICTXOTréudTEl. 

XV.  Le  concile  de  Constantinople  sous  Piio- 
tius,  dont  le  même  Balsamon  a  aussi  expliqué 
les  canons,  nous  apprend  une  autre  espèce 
d'évèipies  titulaires,  fort  singulière,  et  (pii  ne 
parut  i)as  alors  mériter  plus  d'apjirobation  que 
la  précédente.  C'étaient  des  évèques  qui  |)ar  un 
amour  au  moins  ajjparent  de  la  solitude  ou  de 
la  i)iuiilence,  enil)rassaient  la  vie  monasli(iue,  et 
conservaient  néanmoins  les  marques  éclatantes 
de  leur  première  dignité.  Ce  concile,  qui  se 


donnait  la  qualité  d'œcuménique,  leur  dénonça 
que  cette  éclatante  dignité  était  incompatible 
avec  Ihumilité  de  la  profession  religieuse , 
puisque  celle-ci  fait  gloire  d'obéir  et  d'appren- 
dre, et  celle-là  d'enseigner  et  de  conduire. 
Ainsi  on  défend  aux  évèques  de  se  faire  moines, 
et  s'ils  le  font,  on  les  dépouille  de  tous  les  or- 
nements glorieux  de  lépiscopat. 

a  Ut  si  quis  episcopus,  vel  aliquis  alius  ex 
pontiûcali  dignitate.  voluerit  ad  vitam  mona- 
sticam  descendere,  vel  pœnitentiœ  locum  im- 
plere,  ne  amplius  antistitis  digniUitem  usurpet. 
Mauachorum  enim  professiones ,  subjectionis 
et  discendi  cupiditatis  rationem  liabent,  non 
autem ,  doctrinœ ,  vel  primatus  ;  nec  alios  pas- 
cere ,  sed  ijjsos  pasci  profitentur.  Ideo  decerni- 
mus ,  ut  nemo  eorum .  qui  in  cpiscopalem 
pastorumque  catalogum  relatus  est ,  ad  eorum 
qui  pascuntur  et  agunt  pœnitentiajn,  locum  se 
demittat.Si  quis  autem  hoc  facere  ausus  fuerit, 
post  denuntiationem  hujus  editœ  sententiœ, 
ipse  qui  seipsum  episcopali  gradu  privavit, 
non  amplius  ad  priorem,  quam  factis  asperna- 
tus  est,  dignitatem  revertetur  (Canon,  u).  » 

Balsamon  a  bien  vu  que  ce  règlement  sem- 
blait mettre  quelque  incompatibilité  entre  l'é- 
piscopat et  la  vie  pénitente.  Mais  il  a  cru  parer 
à  cette  ditticulté  en  disant  qu'en  défendant 
aux  évêques  d'entrer  dans  l'état  monastique 
on  n"a  pas  prétendu  décréditer  la  pénitence, 
car  ce  serait  se  décréditer  soi-même  ;  mais  on 
a  jugé  que  ceux  qu'on  élevait  à  l'épiscopat 
étaient  exempts  de  ces  crimes,  qui  ne  s'expient 
que  par  la  pénitence  rigoureuse;  que  les  tra- 
vaux des  bons  évêques  pouvaient  passer  pour 
ime  pénitence  très-austère  ;  enfin  que  les  évê- 
ques ne  doivent  ])as  paraître  en  habit  de  péni- 
tents puisque  ce  sont  eux-mêmes  ([ui  doivent 
par  leurs  prières  expier  les  pénitents.  «  Si  quis 
autem  fuerit  ausus  hoc  facere,  etc.  Non  prohi- 
bentes  pœnitenliam  ,  ut  rem  oïliosam  et  aver- 
tendam,  ea  enim  magna  quoque  laude  digna 
est;  sed  significantes  taies  esse  antistites,  et 
ita  vivere,  ut  propemodum  pa'niteutia  non  indi- 
geant .  sed  suis  et  intercessionibus  Deum  aliis 
placent  (ibidem).  » 

La  réflexion  suivante  de  Balsamon  ne  doit 
pas  être  négligée.  Les  moines  j)euvent  faire  les 
fonctions  de  la  prêtrise,  mais  non  pas  celles  de 
l'épiscopat,  selon  ce  canon.  La  raison  est  que 
l'ordre  des  prêtres  n'est  pas  essentiellement 
un  ordre  de  docteurs,  comme  celui  des  évê- 
([ues  ;  et  par  conséquent  il  n'est  pas  incompa- 


DE  L'ORIGINE  DES  EVÉQUES  TITULAIRES. 


ir,7 


tible  avec  le  monachisme,  qui  est  un  état  de 
disciples.  «  Si  quis  autein  de  sacerdotibus,  (|ui 
toniieiitur,  ro^averit,  (luomodo  post  tonsiirarn 
sacrificant,  et  non  cessant,  audiet  non  esse 
sacerdotes  doctores  et  propterea  nec  canonein 
quidem  in  eis  locum  habere.  » 

XVI.  Enfin,  Bulsamon  remarque  une  autre 
manière  qu'on  avait  pratiquée  de  pourvoir  aux 
Eglises  qui  avaient  été  subjuguées  par  les  infi- 
dèles, en  les  donnant  comme  en  commende  à 
des  prélats  qui  avaient  déjà  d'autres  évècliés. 
Il  dit  que  les  conciles  en  avaient  souvent  usé 
de  la  sorte,  par  une  nécessaire  condescendance, 
et  (ju'on  avait  même  permis  à  quelques-uns 
de  ces  |)rélats  de  prendre  séance  dans  les 
trônes  de  ces  secondes  épouses.  II  est  certain 
qu'au  moins  ces  derniers  avaient  en  même 
temps  deux  évêchés,  l'un  en  titre,  l'autre  en 
commande,  ou  bien  tous  deux  unis.  Car  on 
pourrait  dire,  quant  aux  autres,  que  ce  n'était 
qu'une  sujétion  nouvelle  qu'on  imposait  à  ces 
Eglises  in  partibus,  en  les  soumettant  à  d'au- 
tres métropoles.  «  Quod  liceat  quidem  synodis 
ex  œconomiœ  ratione,  alias  ecclesias  qu;p  a 
Gentilibus  occupantur,  aliis  ecclesiis  concedere, 
ex  praesenti,  ut  videtur,  canone  traditum  est. 
Jam  enim  Constantinopolitana  synodus  metro- 
politano  Nazianzeno  dédit  Ecclesiam  Ancyrae, 
et  aliis  diversis  antistitibus  alias  diversas 
Ecclesias.  Quibusdam  autem  concessnm  est, 
ut  sedeant  in  ipso  throno  traditfe  Ecclesiic  in 
sacro  tribunal!  (In  Can.  ii.  Synod.  Const).  » 

Nous  dironsailleurs,  comment  Balsamon  con- 
damne cette  polygamie  spirituelle  des  évèques. 
En  voilà  assez  pour  comprendre  les  sentiments 
et  les  pratiques  des  Grecs  sur  la  matière  pro- 
posée. Je  n'ai  pas  toujours  prétendu  m'engager 
à  leurs  sentiments  en  les  rapportant. 

XVII.  II  est  vrai  que  la  première  origine  de 
ces  évèques  titulaires  est  venue  de  ceux  qui 
après  avoir  gouverné  durant  quelque  temps  les 
Eglises  pour  lesquelles  ils  avaient  été  ordonnés 
en  ont  été  chassés  par  les  barbares,  qui  se  sont 
rendus  les  maîtres  du  pays  et  ne  leur  ont  plus 
permis  de  s'y  rétablir.  Mais  le  terme  du  canon 
xxxvir  du  concile  in  TruUo ,  parle  évidem- 
ment de  ceux  qui  n'ont  jamais  pu  être  intro- 
nisés dans  ces  Eglises,  et  qui  par  conséquent 
n'ont  jamais  possédé  aucune  Eglise,  quoi(|u'i!s 
y  eussent  été  destinés  par  leur  ordination. 
((  Propter  prœdictam  causam  in  suis  tlnonis 
non  sunt  constituti.  »  Il  est  bien  vrai  qu'il  y  a 
toutes  les  apparences  du  monde  que  lorsqu'on 


ordonnait  ces  évèques,  on  se  llattait  encore  de 
qiu'Ujue  esjiérance  de  les  y  faire  recevoir. 
Mais,  (|uoique  ces  espérances  fussent  souvent 
trompées,  et  qu'elles  fussent  toujours  incer- 
taines, on  ne  laissait  ])as  d'ordonner  des  évè- 
ques sous  le  titre  de  ces  villesaliénées  de  l'Em- 
pire et  de  l'Eglise  ;  la  coutume  s'introduisit 
enfin  de  conférer  ces  titres  d'évèchés,  et  de  con- 
sacrer ceux  qui  en  étaient  pourvus. 

XVIII.  Mais  ce  même  concile  nous  apprend 
une  singularité  bien  plus  remarquable  (Canon 
xxxix).  Car  les  Sarrasins  s'étant  jetés  dans  l'île 
de  Chypre,  et  en  ayant  chassé  tous  les  évèques, 
l'archevêque  Jean  se  retira  dans  l'Hellespont 
avec  ses  autres  confrères,  où  non-seulement  il 
établit  son  trône  et  celui  des  autres  évèques  de 
Chypre  dans  les  principales  villes  de  l'Helles- 
pont, mais  il  obtint  une  autorité  patriarcale, 
et  pareille  à  celle  du  patriarche  de  Constanti- 
nople,  sur  tous  les  anciens  évèques  de  l'Helles- 
pont ;  par  la  faveur  de  l'empereur  Justinien  le 
Jeune,  et  par  la  concession  que  lui  en  fit  ce  con- 
cile :  «  l't  nova  Justinianopolis  Constantinopolis 
jus  habeat,  et  qui  in  ea  constituiturepiscopus, 
prœsit  omnibus  Hellespontiorum  provinciae 
episcopis,  et  a  suis  episcopis  eligatur,  ex  anti- 
qua  consuetudine.  » 

XIX.  L'évèque  d'Isaurie  s'étant  par  une  occa- 
sion pareille  retiré  dans  f  île  de  Corcyre ,  ou 
de  Corfou,  avec  tout  son  clergé,  avait  autrefois 
obtenu  de  l'empereur  Maurice  un  semblable 
rescrit  pour  s'approprier  le  château  de  Gorfou, 
et  en  faireson  siège.  Alcyson,  évèquedeCorfou, 
le  fit  débouter  de  cette  prétention  par  la  sen- 
tence d'André,  métropolitain  de  Nicopolis,  à 
(}ui  l'empereur  avait  renvoyé  la  connaissance 
de  cette  cause  ;  le  pape  saint  Grégoire  confirma 
la  sentence  du  métropolitain,  et  écrivit  à  son 
apocrisiaire  à  Constantinople,  pour  faire  confir- 
mer à  l'empereur,  et  faire  exécuter  par  son 
autorité,  ce  qui  avait  été  jugé  par  le  métropo- 
litain et  par  le  Siège  apostolique.  «  Id  agere 
studeas.  ut  ciim  ejus  jussione  nostia  illic  sen- 
tentia  Iransmittatur ,  quatenus  et  serenilali 
ipsius,  sicut  dictum  est,  réservasse,  et  rationa- 
biliter  correxisse,  quœ  maie  pra>sumpta  sunt, 
videamur.  Qua  in  re  omnino  danda  opéra  est, 
ut  si  fieri  potest,  etiam  jussionem  suam  ipse 
tribuat,  in  qua  ea  quœ  a  nobis  definita  sunt, 
servari  prœcipiat.  Nam  hoc  facto  omnis  de 
cœtero  subreptionis  locus  obslruitur  ^L.  xii, 
ep.  xxi).  » 

Les  canons  voulaient  que  ces  évèques  chassés 


158 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-HUITIÈME. 


de  leurs  Eglises  fussent  reçus  par  leurs  con- 
frères, comme  des  botes,  et  non  pas  comme 
des  maîtres,  et  qu'ils  se  contentassent  de  la 
charité  et  de  l'iiospitalité  avec  laquelle  on  les 
recevait,  sans  prétendre  aucune  juridiction. 
H  Denique  ul  contra  Ecclesiasticam  ordinatio- 
nem,  contra  sacerdotalem  modestiam,  contra 
sacrorum  canonum  statuta ,  praedictum  ca- 
strum  de  jurisdictione  tua  abducere,  ac  suae 
molirentur  subjicere  polestati,  ut  fièrent  quo- 
dammodo  domini,  ubi  i)rius  suscepti  fuerant 
peregrini.  » 

C'est  ce  que  ce  pape  écrivit  àAlcyson,  évéque 
de  Corfou.  Or,  nonobstiuit  que  ce  rescrit  de 
l'empereur  n'eût  été  obtenu  que  par  surprise, 
qu'il  fût  également  contraire  aux  lois  et  aux 
canons  ,  et  que  par  conséquent  il  n'eût  pas  été 
mis  à  exécution  :  «  Dum  imperatori  esset  su- 
breptum  ;  uecjussio  ejus,  quippe  quae  contra 
leges  et  sacros  canones  data  fuerat,  babuisset 
eiïectum ,  et  indecisa  inter  parles  conlentio  re- 
mansisset  ;  »  pour  le  faire  révoquer,  il  fallut 
que  le  métropolitain  eût  ordre  de  l'empereur 
d'en  coimaître,  et  que  sa  sentence,  confirmée 
par  le  pape,  fut  encore  confirmée  par  l'empe- 
reur, et  exécutée  par  son  exprés  commande- 
ment. 

XX.  Or,  de  même  que  l'ancien  évéque  de 
Corfou  lut  maintenu  contre  les  usurpations  de 
son  bote,  l'évèipie  d'isaurie ,  ainsi  Balsamon 
remarque  que  l'archevêque  de  Cliypre,  trans- 
féré dans  rilellespout ,  ne  jouit  pas  longtemps 
des  avantages  et  de  la  juridiction  exorbitante 
(|ue  le  concile  in  Tridlo  lui  avait  accordés  ^In 
Can.  Trull.  l'.t).  Il  est  à  croire  que  le  patriarche 
de  Constanlinople  ne  fut  pas  d'bumeui-  à  souf- 
frir ce  retranchement  qu'on  avait  fait  a  sa  ju- 
ridiction, et  que  l'évèque  de  Cysique  secoua 
bientôt  le  joug  de  la  domination  de  celui  qui, 
ayant  été  reçu  comme  un  étranger,  était  de- 
venu le  maître. 

Le  même  Balsamon  fait  aussi  connaître 
(juc  le  canon  précédent  de  ce  même  concile 
(Can.  xxxvuj,  se  doit  entendre  des  évèques 
(ju'on  continuait  toujoursd'élire  et  d'ordonner, 
(juoique  les  villes  épiscopales  fussent  déjà  tom- 
bées dans  la  ouissance  des  inlidèles,  et  qu'il 


restât  très-peu,  ou  point  du  tout  d'espérance 
de  lesjamals  recouvrer. 

Nous  lisons  dans  le  concile  H  de  Màcon 
(Can.  xvui),  après  les  souscriptions  des  évêques 
qui  y  assistèrent,  et  celles  des  envoyés  de  ceux 
qui  ne  purent  s'y  trouver,  les  signatures  de 
trois  évêques  sans  peuple  et  sans  siège.  «  Item 
eorum,  qui  in  ea  synodo  fuerunt  non  habentes 
sedes.  »  Si  nous  remontons  plus  haut,  le  con- 
cile d'Ancyre  donne  place  entre  les  prêtres  de 
leur  première  Eglise,  aux  évêques  qui  n'ont  pu 
se  faire  recevoir  dans  les  Eglises  pour  lesquelles 
on  les  avait  ordonnés.  Le  concile  de  Nicée 
(Can.  vui)  laissa  la  liberté  aux  évêques  catho- 
liques de  donner  rang  aux  évèques  novatiens 
qui  se  convertiraient,  ou  parmi  les  prêtres  de 
leur  cathédrale,  en  leur  laissant  même  le  nom 
d'évêque,  ou  parmi  leurs  chorévêques,  ou  enfin 
parmi  leurs  curés. 

Le  concile  d'Antioche  (Can.  xvni)  voulut  que 
les  évèques  qui  auraient  trouvé  des  difficultés 
insurmontables  aux  eiîorls  qu'ils  auraient  faits 
de  se  mettre  en  possession  de  leurs  évéchés 
fussent  toujours  participants  des  honneurs,  des 
avantages  et  des  fonctions  de  l'épiscopat.  Le  , 
concile  de  Sardique  (Can.  xxi)  veut  qu'on 
reçoive  avec  honneur  les  évêques,  qu'une 
longue  persécution  a  fait  sortir  île  leurs 
évêcliés.  Dans  la  célèbre  conférence  de  Car- 
tilage, Pétilien,  donatiste,  reprocha  à  Alype, 
évéque  de  Thagasle,  que  le  parti  des  catholiques 
avait  aussi  plusieurs  évêijues  dans  des  villages, 
et  quelques-uns  même  sans  peuple.  «  Sanc  et 
sine  populis  habes.  » 

La  relation  du  concile  d'Ephèse  au  pape 
Célestin  porte  que  les  partisans  de  Nestorius, 
dans  leur  conciliabule,  avaient  plusieurs  évê- 
(|ues  sans  évéchés  et  sans  Eglises  (Synod.  Eph. 
Act.  5).  Ce  concile  laissa  le  nom  et  les  honneurs, 
mais  non  pas  les  fonctions  de  l'é|)iscopat  à  un 
vieux  métropolitain  de  Pampliilie  qui  s'était 
démis  de  sa  dignité  (Act.  7). 

Voilà  beaucoup  de  diverses  sortes  d'évêques 
titulaires  sans  évéchés,  mais  ce  ne  sont  que 
ceux  dont  Balsamon  nous  a  parlé  qui  ont  beau- 
coup de  ressemblance  avec  les  nôtres. 


«        -M. 


iui'  II'  <;i  lit  I /  /• 


DE  I.A  PH'RALITE  DES  ÉVÉQUES  EN  UNE  VIM-K 


ir;9 


CHAPITRE  VINGT-NEUVIÈME. 


REPONSE  A  QIELQCES  DIFFICULTES  SUB  LA  PLLRALITE  DES  E\TEQIES  EN  UNE  MEME  VILLE  ,  ET  SUR 
l'ordination  DES  ÉVÊQIES  POUR  DES  LIEUX  PEU  HABITÉS.  DE  LA  PLUR.\LITÉ  DES  CURÉS  EN  UNE 
MÊME   PAROISSE. 


V.    .Il' 


I.  Comment  on  remédia  à  divers  inconvénients,  qnand  il  fal- 
lut laisser  deux  évèques  en  une  même  ville  ,  ou  en  un  même 
diocèse.  Règlements  d'Innocent  111  et  des  autres  papes.    , 

II.  Usage  de  ces  règlements  dans  l'ile  de  Chypre. 

III.  Et  dans  Capha,  de  la  Chersonèse  Taurique. 

IV.  Et  dans  Pile  de  Rhodes. 

V.  Divers  règlements  des  conciles  contre  la  pluralité  des  curés 
dans  une  cure. 

M.  Différence  entre  les  évèchés  et  les  cnrés. 
VU.  Des  évèques  latins  pour  les  Vénitiens  dans  les  villes  qui 
ont  déjà  d'autre?  évèques  grecs. 
Vlll.  De  l'évèque  du  faubourg  de  Cantorbéry. 

1.  Il  m'a  semblé  nécessaired'éclaircir  ces  deux 
difficultés  pour  donner  plus  de  lumière  et 
plus  de  fermeté  à  ce  qui  a  été  dit  dans  les  doux 
chapitres  précédents  sur  les  patriarches,  arche- 
vêques et  évèques  titulaires. 

Quant  à  la  pluralité  des  évèques  en  une 
même  ville  et  en  un  même  diocèse,  comme 
nos  croi?adi's  soumirent  à  la  nation  latine  pin- 
sieurs  villes  épiscopales  ,  aussi  bien  que  des 
patriarches  dans  l'Orient,  il  fut  difficile  de 
réunir  sous  un  seul  pasteur  deux  peuples,  dont 
la  langue  et  la  discipline  étaient  si  différentes. 
C'était  néanmoins  mettre  le  schisme  dans 
chaque  Eglise  que  d'y  établir  deux  chefs  en  y 
élisant  deux  évèques. 

Le  pape  Innocent  III  fit  un  décret  sur  ce 
sujet  dans  le  concile  IV  de  Latran.  qui  sembla 
remédier  à  tous  ces  inconvénients  An.  1-21."). 
Can.  ix).  Car  il  ordonna  que  lévêque  aurait 
des  officiers  différents  qui  instruiraient  et 
dirigeraient  chacun  de  ces  peuples  selon  leurs 
usages  divers  :  que  s'il  y  avait  une  néces- 
sité inévitable  d'ordonner  un  second  évèque, 
le  pontife  principal  le  choisirait  et  l'établirait 
comme  son  vicaire,  avec  une  entière  subor- 
dination à  ses  ordres.  «  Prohibemus  omnino, 
ne  una  eademque  civitas,  sive  diœcesis  diversos 
ponlifices  habeat,  tanquam  unum  corpus  di- 
versa  capita,  quasi  monstrum.  Sed  si  urgens 
nécessitas  postulaverit ,  pontifex  loci  calholi- 
cum  prœsulem  nationibus  illis   conformem, 


provida  deliberatione  constituât  sibi  vicarium 
in  prirdictis,  qui  ei  per  omnia  sit  obeiliens  et 
subjectus.  » 

II.  L'histoire  française  de  l'ile  de  Chypre  ra- 
conte comment,  aux  instances  de  la  reine  de 
Chypre,  Louise,  le  même  pape  Innocent  III,  et 
le  même  concile  transférèrent  à  Nicosie  l'ar- 
chevêché de  Salamine,  déjà  transféré  à  Fama- 
gouste,  à  cause  de  la  ruine  de  Salamine.  L'ar- 
chevêque latin  fut  établi  à  Nicosie,  parce  que 
toute  la  cour  et  la  noblesse  européenne  y  rési- 
daient. Après  la  mort  de  l'archevêque  grec, 
tous  les  évèques  grecs  devaient  obéira  l'arche- 
vêque latin.  On  y  érigea  quatre  évèchés  latins, 
et  on  réduisit  les  quatorze  évèchés  grecs  en 
même  nombre.  Cette  relation  ne  répond  pas 
aux  allégations  qu'on  fit  de  part  et  d'autre , 
lorsque  cette  contestation  s'échauffa  l'an  12ti0, 
sous  le  pape  .Vlexandre  IV,  entre  les  arche- 
vêques et  évèques  des  deux  nations  de  l'ile  de 
Chypre.  L'archevêque  grec  Geriuain  disait  qu'il 
avait  été  canoniquement  élu  par  ceux  de  sa 
nation,  par  ordre  exprès  du  pape  Innocent,  no- 
nobstant le  décret  du  concile  général,  et  qu'il 
avait  été  ensuite  confirmé  par  le  pape.  Les 
Latins  opposaient  le  décret  du  pape  Célestin,  en 
vertu  duquel  l'archevêque  et  les  quatre  évè- 
ques de  la  nation  latine  devaient  dominer  dans 
toute  l'île,  et  recevoir  le  serment  d'obéissance 
des  quatre  évèques  grecs  i  Conc.  Tom.  u  , 
part.  I.  p.  237). 

Le  pape  Alexandre  IV  prononça  sur  ce  diffé- 
rend, conformément  au  décret  de  Célestin , 
qu'il  n'y  aurait  dans  celte  île  que  quatre  évè- 
ques grecs  qui  feraient  leur  séjour  dans  quatre 
places  des  quatre  grands  diocèses  que  les 
Latins  occuperaient;  que  chacun  d'eux  serait 
élu  par  son  clergé  grec,  confirmé  par  son  évè- 
que latin,  qui  lui  commettrait  la  direction  des 
Grecs  habitant  dans  sa  ville  épiscopale  et  dans 
son  diocèse  ;  enfin  qui  le  ferait  sacrer  par  des 


160 


Dr  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-NEUVIÈME. 


tv 


évêques  grecs  et  recevrait  de  lui  un  serment 
d'obéissance  pour  lui ,  pour  le  métropolitain 
latiu  de  Nicosie,  qui  serait  métropolitain  seul 
de  toute  l'île,  et  pour  le  pape.  Outre  cela  l'évè- 
que  fjrec  était  obligé  de  se  trouver  au  synode 
de  l'évèque  latin  et  d'observer  ses  constitutions 
synodales  ;  on  ne  pouvait  le  contraindre  d'as- 
sister au  concile  provincial,  et  l'évèque  latin 
pouvait  faire  la  visite  des  évêques  grecs  et  de 
leurs  peuples  en  la  même  manière  que  l'arcbe- 
vêque  pour  visiter  ses  suffragants  (Conc.  Gen. 
tom.  II,  part,  ii,  p.  -2355). 

Voilà  les  tempéraments  qu'Alexandre  IV  ju- 
gea les  plus  convenables  pour  pacifier  les 
esprits  de  deux  nations,  dont  celle  qui  était 
victorieuse  et  plus  indissolublement  attachée  au 
centre  de  l'unité,  c'est-à-dire  à  l'Eglise  romaine, 
devait  avoir  sans  doute  l'avantage,  moins  pour 
sa  propre  gloire  (jue  pour  le  salut  de  ceux  sur 
qui  elle  dominait,  et  à  qui  sa  domination  était 
si  avantageuse  pour  leur  afTermissement  dans 
la  foi  et  dans  la  communion  catholique.  Cette 
constitution  d'Alexandre  IV  se  trouve  dans  les 
Annales  de  l'Eglise,  et  dans  les  dernières  édi- 
tions des  conciles  généraux  i^Rainal.  an.  1260, 
n.  3G  et  seq.) 

Au  reste  celte  constitution  est  d'autant  plus 
mémorable,  qu'elle  a  suivi  la  règle  ou  a  été 
elle-même  la  règle  générale  de  toutes  les  con- 
jonctures pareilles  où  il  y  a  eu  dans  une 
même  ville  ou  dans  un  même  diocèse  deux 
nations  calholi(iues,  dont  la  diversité  de  la 
police  ecclésiastique  était  comme  incompatible 
avec  l'unité  du  pasteur,  que  les  canons  pres- 
crivent. Au  fond  ce  n'était  que  l'exécution  du 
décret  du  concile  IV  de  Lalran  sous  Innocent  III. 
Car  i"  on  évitait  autant  qu'il  se  pouvait  de 
donner  deux  évêques  à  une  Eglise,  [lour  ne 
pas  faire  un  corps  à  deux  têtes,  qui  ne  peut 
être  que  monstrueux.  2°  Lorsqu'il  y  avait  une 
nécessité  indisjjensable,  telle  qu'est  l'incom- 
]iatibilitédu  rit  grec  et  du  latin,  ou  donnait  ditlé- 
rent  séjour  à  l'évèque  latin  et  à  l'évèque  grec, 
afin  que  ce  fussent  comme  deux  sièges  diflêrents. 
.T  Ou  faisait  dominer  l'évèque  latin  sur  l'évè- 
(jue  grec  comme  sur  son  vicaire  ou  sur  son  coad- 
juteur,  et  celte  subordination  nécessaire  don- 
nait la  paix  et  l'unité  au  corps  de  l'Eglise, 
qui  n'avait  plus  qu'un  chef,  pui«(]ue  de  ces 
deux  chefs  l'un  était  subordonné  à  l'autre. 
4°  L'évèque  latin  devenait  comme  le  métropo- 
litain (lu  grec  par  son  droit  de  \isile.  .-)"  L'évè- 
que grec  était  comme  le  sufl'ragant  du  latin,  en 


la  manière  que  les  évêques  titulaires,  dans  le 
chapitre  précédent,  ont  été  appelés  sutfragants, 
c'est-à-dire  aides  et  coadjuteurs  des  évêques 
diocésains.  Et  par  toutes  ces  considérations 
on  évitait  la  pluralité  d'évèques  dans  un  seul 
évêché. 

m.  Le  pape  Eugène  IV  usa  de  plus  de  bonté 
et  d'une  plus  grande  indulgence  envers  l'évè- 
que arménien  de  Capha,  dans  la  Chersonèse 
Taurique,  à  qui  l'évèque  latin  de  la  même  ville 
disputait  l'usage  de  la  mitre  dans  les  proces- 
sions publiques  et  le  droit  de  donner  la  béné- 
diction Rainai,  an.  1439,  n.  17).  Ce  pape  pro- 
nonça en  faveur  de  l'évèque  arménien,  et  lui 
laissa  le  pouvoir  tout  entier  de  gouverner  ses 
sujets,  sans  dépendre  de  l'évèque  latin.  Il  fallait 
épargner  des  prélats  et  des  peuples  qui  ve- 
naient d'embrasser  l'unité  et  la  sujétion  de 
l'Eglise  romaine.  Et  d'ailleurs  il  fallait  consi- 
dérer ces  deux  peuples  dans  une  ville  comme 
deux  villes  et  deux  diocèses  renfermés  dans 
les  mêmes  murailles  et  dans  un  même  pays, 
mais  tres-diflerents  en  toute  autre  chose. 

IV.  Mais  la  disposition  ecclésiastique  de  l'île 
de  Rhodes,  après  que  les  chevaliers  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem  l'eurent  conquise  et  y 
eurent  établi  le  siège  de  leur  grand  maître,  fut 
bien  plusapprochante  de  celle  que  nous  venons 
de  représenter  dans  l'île  de  Chypre  (An.  1310). 
II  paraît  dans  les  actes  et  dans  les  souscriptions 
du  concile  de  Florence  un  grec  métropolitain 
de  Rhodes  et  un  latin  archevêque  de  Colosse. 
Ce  n'était  iju'une  ditlérence  de  noms.  Car  les 
Grecs  nouveaux  ont  appelé  Colossiens  ceu  xde 
Rhodes,  à  cause  du  prodigieux  colosse  du 
soleil,  qui  donna  autrefois  tant  de  réputation  à 
cette  île.  Ces  deux  métropolitains  eurent  des 
démêlés  qui  furent  enfin  pacifiés  par  une  tran- 
saction que  le  pape  Sixte  IV  confirma  (Spon- 
dan.  an.  1438,  n.  29). 

Les  principaux  articles  étaient  que  les  Grecs 
éliraient  deux  ou  trois  vertueux  ecclésiastiques 
de  leur  nation,  dont  le  grand  maître  en  choi- 
sirait un  pour  métropolitain;  que  l'archevêque 
latin  le  confirmerait  comme  délégué  du  Siège 
apostolique,  recevrait  de  lui  le  serment  d'obéis- 
sance, et  le  laisserait  ordonner  par  des  évêques 
grecs  ;  que  les  deux  métropolitains  se  join- 
draient pour  juger  les  causes  criminelles  des 
clercs  de  la  nation  grecque,  et  les  causes  matri- 
moniales de  leurs  laïques  ;  que  le  grand  maître 
nommerait  aux  bénéfices  vacants,  mais  que 
l'archevêque  latin  instituerait  ceux  qui  auraient 


DE  L\  PLURALITÉ  DES  ÉVÈQUES  EN  UNE  VILLE. 


Kn 


été  nommés,  et  recevrait  d'eux  le  serment 
d'obéissance  pour  le  Saint-Siège  et  pour  lui 
(Spondan.  au.  li~i,  n.  13). 

Le  rapport  est  tout  visible  avec  la  disposition 
de  l'île  de  Chypre,  si  ce  n'est  que  dans  Chypre, 
pour  éviter  la  pluralité  d'évêques  dans  un 
même  diocèse,  on  communique  aux  évè(]ues 
latins  quelques  prérogatives  des  métropolitains; 
et  dans  Rhodes  ,  pour  ne  pas  laisser  deux 
métropolitains  dans  une  même  province,  on 
relève  l'archevêque  latin  des  avantagesqui  sont 
propres  aux  primats,  comme  vicaires  du  Siège 
apostolique.  Si  c"est  dans  cette  vue  qu'on  a 
afTecté  de  donner  à  l'un  le  titre  de  métropolitain 
et  à  l'autre  celui  d'archevêque,  on  a  suivi 
l'usage  du  sixième  et  septième  siècles,  où  la 
qualité  d'archevêque  était  singulièrement  ré- 
servée dans  rOccident  à  ceux  que  nous  ap(>e- 
lons  présentement  primats. 

V.  Ce  n'est  pas  nous  éloigner  tout  à  fait  de 
notre  sujet  de  remarquer  qu'on  a  mis  aussi 
quelquefois  plusieurs  curés  dans  une  cure , 
mais  que  ce  n'a  aussi  jamais  été  que  par  une 
transgression  fâcheuse  des  canons,  qui  ont 
rendu  l'unité  du  chef  comme  essentielle,  même 
aux  moindres  Eglises.  Le  concile  de  Londres, 
en  1-237,  nous  découvrit  les  intrigues  artifi- 
cieuses dont  on  se  servait  pour  couvrir  cette 
monstrueuse  pluralité  de  têtes  en  un  corps. 

Lorsque  le  droit  de  patronage  était  ou  par- 
tagé ou  contesté  entre  plusieurs,  chacun  d'eux 
nommait,  et  ainsi  une  même  bergerie  était 
divisée  entre  jjlusieurs  pasteurs.  «  Non  uni 
tantum  una  datur  Ecclesia;  sed  pluribus,  prœ- 
textu  j  plurium  patronorum,  ut  sint  plura 
capita  in  eodem  corpore,  quasi  monstrum 
(Matth.  Paris,  an.  1-237).  » 

Cette  multitude  de  patrons  et  de  curés  dans 
une  même  Eglise  ayant  été  condamnée  par  les 
canons,  pour  éluder  les  peines  d'une  sentence 
si  juste,  l'un  des  curés  se  fit  déclarer  par 
l'autre  vicaire  perpétuel  de  la  même  Eglise.  Par 
ce  moyen  on  en  fut  quitte  en  changeant  seule- 
ment les  noms,  jusqu'à  ce  que  ce  même  concile 
et  plusieurs  autres  ensuite  défendirent  cette 
infâme  collision ,  et  interdirent  absolument 
cette  multitude  dangereuse  de  pasteurs  dans 
une  seule  Eglise,  de  quelque  nom  qu'il  leur 
plût  de  se  servir.  «  Statuentes,  ut  nunquam 
deinceps  in  plures  personatus,  vel  vicarias, 
una  Ecclesia  dividatur  flbidemi.  » 

Nous  trouverons  ci-dessous  un  lieu  |ilus  pro- 
pre pour  éclaircir  les  règles  elles  mesures  que 

Tu.  —  Tome  I. 


l'Eglise  prit  |)our  remédier  aux  désordres  que 
causait  celte  pluralité  irrégulière  de  patrons  et 
de  curés  en  une  menu;  paroisse.  C(!i)endant  il 
faut  avouer  (|u"on  n'y  put  alors  lellement  re- 
médier (|u'il  n'en  restât  encore  des  exemples 
plusieurs  siècles  a|)rès.  Car  le  concile  IV  de 
Milan,  tenu  en  L%7(i  sous  le  grand  saint  Charles, 
ordonna  que  pour  éviter  les  dissensions  scan- 
daleuses qui  arrivaient  très-souvent  entre  les 
divers  curés  d'une  même  église,  l'évêque  par- 
tagerait entre  eux  la  paroisse  et  en  assignerait 
à  chacun  d'eux  un  département.  Ce  qui  était 
faire  autant  de  cures  qu'il  y  avait  de  curés. 
«  Ha  ut  intra  suos  quisque  fines  parochialem 
curam  gerat.  » 

VI.  Le  concile  de  Matines,  célébré  en  1370, 
voulant  apaiser  les  contestations,  les  jalousies 
et  les  procès  inévitables  entre  les  divers  curés 
d'une  même  paroisse,  donna  le  choix  à  l'évê- 
que, ou  de  partager  la  paroisse,  et  en  assigner 
une  portion  à  chaque  curé,  ou  bien  d'y  établir 
un  seul  curé  et  lui  donner  ensuite  autant  de 
vicaires,  et  comme  autant  decoadjuteurs  qu'il 
en  serait  nécessaire  selon  les  besoins  et  l'éten- 
due du  lieu  (Titulo  de  Decanis  Christiani- 
tatum). 

On  sait  qu'il  y  a  encore  dans  des  villes  les 
plus  fameuses  de  la  chrétienté  de  ces  exemples 
de  la  pluralité  des  pasteurs  dans  une  même 
paroisse  ;  et  de  cette  pratique  originairement  si 
opposée  aux  canons  et  néanmoins  comme  pres- 
crite en  tant  de  lieux,  il  résulte,  pour  la  gloire 
de  lépiscopat,  que  l'unité  d'un  évèque  est  bien 
autrement  nécessaire  que  celle  d'un  curé, 
puisque  la  licence  de  tant  de  siècles  n'a  pu 
prescrire  contre  celle-là  quoiqu'elle  l'ait  em- 
porté sur  celle-ci  dans  quelques  Eglises. 

MI.  Car  ce  n'a  été  que  dans  les  lieux  où  il  y 
avait  deux  peuples  divers  en  une  même  ville, 
et  comme  deux  villes  en  une  seule,  qu'on  a 
cru  nécessaire  de  donner  aussi  deux  évèques. 
Cela  a  déjà  paru  dans  Rhodes  et  dans  Chypre. 
Cela  paraît  encore  dans  le  pouvoir  ([ue  le  pape 
Adrien  IV  donna  aux  patriarches  de  Grade 
d'ordonner  des  évêques  dans  Constantinople 
même,  et  dans  toutes  les  autres  villes  de  l'em- 
pire de  Constantinople  où  il  y  aurait  une  mul- 
titude considérable  de  Vénitiens,  et  où  ils  au- 
raient plusieurs  Eglises,  o  Ut  in  Constantino- 
])olitanaurbe,et  in  aliiscivitatibus,  in  Constan- 
tinopolitano  duntaxat  imperio  constitulis,  in 
(juiiius  Veneti  plures  habent  Ecclesias,  ubi  vi- 
delicet  eorum  multiludoconsuevitassidue  con- 

II 


ir,f> 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTIÈME. 


venire,  liceat  vobis  episcopuin  ordinare ,  et 
absqiie  alicujus  contradictione  munus  ei  con- 
secrationis  impendere  (Epist.  xxxix,  Couci- 
liorum  t.  x).  » 

Le  pape  Innocent  III  remarque  la  raison  gé- 
nérale de  cette  multiplication  de  pasteurs  :  c'est 
la  diversité  des  langues  et  des  mœurs  entre 
divers  peuples  d'une  même  ville.  «  Intra  eam- 
dem  civilatem  permixti  sunt  populidiversarum 
linguarum,  liabentes  sub  una  fide  varios  ritus 
et  mores  i^C.  Quoniani  Extra.  De  Offlc.  Jud. 
Ord.).» 

Dans  les  mêmes  décrétalcs  grégoriennes  on 
a  inséré  le  canon  des  conciles  d'Afrique,  qui 
tâchent  de  conserver  l'unité  de  Tépiscopaldans 
les  villes  où  un  évèque  donatiste  demande  à 
rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise  catholique  avec 
son  peuple ,  qu'il  ramène  de  leurs  communs 
égarements.  On  tâche  de  partager  le  diocèse  en 
deux.  S'il  n'y  a  qu'une  jilace  où  l'évèque  puisse 
faire  son  séjour,  elle  appartiendra  à  celui  des 
deux  ([ue  le  peuple  de  cette  place  demandera. 
Si  le  peuple  de  cette  place  est  composé  de  nou- 
veaux et  d'anciens  catholiques,  le  phis  grand 
nombre  l'emportera.  Si  les  deux  partis  sont 
égaux  ,  le  plus  ancien  évêque  sera  préféré 
(C.  Si  Episcopus,  Extrade  parochiisetParoch.!. 
On  ne  ])OU\ait  pas  user  de  plus  de  précaution 
pour  ne  pas  laisser  deux  évêques  dans  une 
même  ville. 

VIII.  Il  est  porté  dans  lavie  de  saint Lanfranc, 
archevêque  de  Cantorbéry,  qu'on  avait  accou- 
tumé de  créer  un  évêque  dans  l'église  de  Saint- 


Martin,  qui  était  dans  un  faubourg  de  Cantor- 
béry. Lanfranc  mit  fin  à  une  coutume  si  pré- 
judiciable à  son  Eglise  et  si  contraire  aux 
canons  :  «  Sed  quia  autoriiate  canonum  con- 
stat pra?ceptum,  ne  in  una  civitate  duo  pontiflces 
simul  habeantur,  statuit  Lanfrancus,  ne  ulte- 
rius  ipsi  loco  ordinaretur  episcopus  (  Cap. 
xui).  » 

Nous  parlerons  en  son  lieu  des  monastères 
où  il  y  avait  des  évoques  :  et  cette  Eglise  de 
Cantorbéry  pourrait  bien  avoir  été  autrefois  de 
ce  nombre,  si  ce  n'était  l'évêque  resté  depuis 
les  anciens  Bretons  insulaires,  ditïérents  des 
évêques  des  Anglais  ou  Saxons  venus  d'Alle- 
magne. On  yjourrait  bien  y  avoir  encore  con- 
sidéré comme  une  raison  canonique  d'en  ôter 
l'évèque,  que  les  canons  ne  permettent  pas 
qu'on  érige  des  évêques  ailleurs  que  dans  des 
villes  peuplées. 

Le  concile  de  Londres,  où  le  même  archevê- 
que Lanfranc  présida,  transféra  trois  évêchés 
d'autant  de  villages  en  autant  de  villes  d'An- 
gleterre. Ce  fut  là  la  création  des  évêchés  de  Sa- 
lisbury,  de  Chichester  et  de  Chester  (Ibidem,  c. 
XH,  an.  1075.  Malmesour,  p.  :2i4).  Cela  se  fit  par 
l'autorité  du  prince  et  du  concile.  «  Regia  mu- 
niflcentia  et  synodi  autoritate.  »  On  n'osa  pas 
en  transférer  quelques  autres  qui  étaient  aussi 
dans  des  villages,  parce  que  le  roi  Guillaume 
le  Conquérant  était  alors  en  guerre  au  delà  des 
mers  (Adde  Vuillel.  Tyri  I.  vi,  c.  ult,  p.  '-21, 

nu). 


CHAPITRE  TRENTIÈME. 

DES   ARCHE\-ÊQl'ES,    OU   PRIMATS,   OU  VICAIRES  APOSTOLIQUES   d'eSPAOE   ET  DE   FRANCE, 

DEPUIS  l'an  aOO  jusqu'en  900. 


I.  Pourquoi  il  n'y  eut  point  do  primats  en  Italie. 

II.  Erection  de  la  i]riraatie  de  Sévjlle  en  Espagne  pour  faire 
observer  les  canons  avec  exactitude  ,  et  sans  blesser  les  droits 
des  mûlropiililains. 

III.  Toutes  ces  primalies  n'ont  M  que  des  commissions  ou 
des  vicariats  du  Saint-Siége. 

IV.  La  primalic  de  Séville  transférée  à  Tolède  par  les  papes 
et  les  rois. 


V.  Longues  contestations  en  France  entre  les  évêques  d'Arles 
et  de  Vienne,  sur  le  droit  de  métropole. 

VI.  Suite  du  uième  sujet. 

Vil.  Erection  île  la  primatie  d'Arles. 

VIII.  Son  extinction. 

IX.  Primatie  do  Reims. 

X.  Son  extinction. 

XI.  Savantes  remarques  de  l'annaliste  de  l'Eglise  de  France. 


DES  ARCHEVÊQUES  DESPAGNE  ET  DE  FRANCE; 


1G3 


I.  A  l'exemple  du  vicariat  apostoliquede  Tlies- 
saloniqiie,lessouveraiiisi)ontifes  en  accordèrent 
d'autres  à  l'Espagne,  à  la  France,  à  l'Allemagne 
et  à  l'Angleterre,  l'Italieétantsi  voisine  de  Rome 
qu'ils  pouvaient  bien  la  gouverner  eux-mêmes, 
non-seulement  comme  patriarches,  mais  aussi 
connue  exarques,  archevêques  ou  primais.  Les 
métropolitains  d'Italie  ne  laissaient  pas  d'être 
traités  de  patriarches  parles  rois  Goths  mêmes, 
comme  l'a  remarqué  Baronius  et  comme  l'on 
voit  par  les  lettres  de  Cassiodore.  Mais  ce  n'est 
qu'un  nom  et  un  titre  d'honneur.  «  Vos  qui 
patriarcharum  honore  reliquis  prœsidetis 
Ecclesiis  (Baron,  an.  333,  n.  3G).  » 

II.  Le  pape  Simplicius  fut  le  premier  qui 
accorda  cette  légation  apostolique  à  l'évêque  de 
Séville  en  Espagne ,  moins  pour  relever  la  di- 
gnité de  ce  prélat,  que  pour  établir  dans  l'Es- 
pagne un  rigoureux  observateur  des  canons,  et 
un  censeur  incorruptible  des  violements  qu'on 
en  pourrait  faire  :  «  Congruum  duximus.Vica- 
ria  sedis  nostrœ  te  autoritate  fulciri ,  cujus 
vigore  munitus,  apostoliCiT  institutionis  décréta 
vel  sanctorum  termines  Patrum ,  nullomodo 
transcendi  permittas  (An.  482,  epist.  i).  » 

Le  pape  Hormisde  confirma  le  même  vica- 
riat à  l'évêque  de  Séville,  dans  les  provinces 
de  la  Bétique  et  de  la  Lusitanie,  que  nous  ap- 
pelons Andalousie  et  Portugal,  sans  blesser 
néanmoins  le  moins  du  monde  les  droits  ou 
les  privilèges  des  métropolitains  :  «  Salvis  pri- 
vilegiis,  qu;i'  metropolitanis  episcopis  decrevit 
antiquitas  (Epist.  xxvi).  »  Car  le  pape  pouvait 
bien  exercer  les  droits  qu'il  avait  sur  les  métro- 
politains ,  par  l'entremise  et  la  délégation  de 
quelqu'un  d'entre  eux  ,  qu'il  établissait  son  vi- 
caire sur  les  autres.  Le  pape  Hormisde  avait 
donné  le  vicariat  du  reste  de  l'Espagne  au  mé- 
tropolitain de  Tarragone,  auquel  il  écrivait 
presque  en  mêmes  termes  :  «  Servatis  privile- 
giis  metropolitanorum,  vices  vobis  apostolicœ 
Sedis  catenus  delegamus ,  ut  sive  ea  quse  ad 
canones  pertinent,  sive  ca  qua;  a  nobis  sunt 
nuper  mandata  serventur  (Epist.  xxiv).  » 

Voilà  les  deux  conditions  essentielles  de  tous 
ces  vicariats,  que  les  droits  des  métropolitains 
fussent  inviolablement  conservés  ;  et  que  tout 
ce  pouvoir  extraordinaire  des  vicaires  apostoli- 
ques ne  tendît  qu'à  l'étroite  observation  des 
canons,  en  punissant  les  contraventions,  ou  en 
avertissant  le  pape,  qui  est  le  conservateur- 
né  des  canons ,  et  de  toutes  les  lois  ecclésiasti- 
ques. 


III.  Saint  Léandre,  évêque  de  Séville,  ayant 
reçu  le  vicariat  de  saint  (Jrégoire  pape  ,  assista 
en  cette  qualité  de  vicaire  ajjostolique  au  con- 
cile 111  de  Tolède,  comme  nous  l'apprend  saint 
Isidore:  «  Interfuit  tune  primas  ille  catholicus 
et  orthodoxus,  Leander  Hispalensis  archiepi- 
scopus,  et  Romana^  Ecclesia;  legatus,  sanctitate 
et  doctrina  perspicuus  (Chron.  1.  ii).  »  Où  il  faut 
remarquer  que  les  trois  noms  d'archevêque, 
de  primat,  et  de  légat  du  pape,  signifient  la 
même  dignité  et  le  même  pouvoir  de  ceux 
qui  présidaient  à  plusieurs  métropolitains  et  à 
plusieurs  provinces  dans  le  [latriarcat  du  pape. 
Car,  dans  l'Occident,  ce  n'ont  été  que  des  com- 
missions ou  des  légations  du  pape  qui  ont 
élevé  quelques  métropolitains  au-dessus  des 
autres,  à  qui  on  commença  en  même  temps 
d'aflécter  aussi  le  titre  de  primats.  Car  jusqu'au 
sixième  ou  septième  siècle  ,  ce  terme  de  «  Pri- 
mas, prinicP  Sedis  episcopus,  »  était  commun 
à  tous  les  métropolitains,  et  le  droit  ou  le  rang 
niétropolitique  s'appelait  Primatus.  Les  Espa- 
gnols commencèrent  à  approprier  ce  nom  à 
ceux  que  les  Grecs  appelaient  exarques,  et 
cet  usage  se  glissa  ensuite  dans  tout  l'Occi- 
dent. 

IV.  Or  la  présidence  de  saint  Léandre,  dans 
le  concile  III  de  Tolède ,  nous  fait  croire  qu'il 
était  primat  de  toute  l'Espagne,  et  il  faut  dire 
de  même  de  saint  Isidore,  évècpie  de  Séville, 
qui  présida  au  IV'' au-dessus  des  métropolitains 
de  Narbonne,  de  Mérida  et  de  Tolède,  de  Brague 
et  de  Tarragone.  Ces  deux  conciles  étaient  na- 
tionaux, composés  de  tous  les  évèques  qui  re- 
levaient de  la  couronne  d'Espagne,  tant  en  Es- 
pagne qu'en  Gaule.  Cette  primatie  de  Séville 
fut  éteinte  dans  le  concile  \1I  de  Tolède  (An. 
02I),  où  les  évêques  d'Espagne  accordèrent  au 
métropolitain  de  Tolède  d'élire  lui  seul  tous 
les  évêques  d'Espagne,  et  de  remplir  à  l'avenir 
tous  les  sièges  vacants  de  ceux  que  le  roi  nom- 
merait pour  ces  éminentes  dignités ,  à  con- 
dition que  les  évêques  élus  et  ordonnés  par 
l'archevêque  de  Tolède  iraient,  en  l'esjiace  de 
trois  mois,  se  présenter  à  leur  métropolitain. 

Jamais  on  n'avait  poussé  si  loin  l'autorité 
des  primats.  Mais  ce  fut  le  roi  qui  obtint  ce 
privilège  extraordinaire  du  pape,  au  rapport 
de  Rodcric.  «  Iste  Cindasuinthes  rex  a  Romano 
pontifice  obtinuit  privilegium,  ut  secundum 
beneplacitum  pontificum  Ilispanorum  prinia- 
tia^  digTiitas  esset  Toleli  (L.  u,  c.  '2\].  :> 

Voilà  comme  le  pape  et  les  évèques  d'Espa- 


lOi 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTIÈME. 


gne  concoururent  pour  établir  la  primatie 
d'Espagne  à  Tolède  ;  ce  qui  demeura  si  ferme, 
que  l'évèque  de  Tolède  ayant  été  déposé  dans 
le  concile  XVI  de  Tolède ,  celui  de  Séville  fut 
transféré  à  Tolède  par  l'élection  de  tout  le  con- 
cile. Mais  cette  grandeur  qui  s'était  élevée  en  si 
peu  de  temps,  fut  aussi  abîmée  dans  les  ruines 
de  la  monarchie  d'Espagne  ,  dont  les  Sarrasins 
d'Afrique  se  rendirent  les  maîtres  trente-trois 
ans  après  (Baron,  an  636,  n.  8). 

Je  n'ai  pas  voulu  m'arrêter  à  ce  que  dit  Lucas 
de  Tuy,  que  Théodisque,  successeur  de  saint 
Isidore  dans  révèché  de  Séville  ,  ayant  été  dé- 
posé dans  un  concile  ,  et  s'étant  précipité  dans 
l'abominable  secte  des  mahométans,  la  prima- 
tie de  Séville  fut  transférée  à  Tolède. 

V.  Je  passe  aux  archevêques ,  ou  primats  de 
la  France.  Car  ce  nom  d'archevêque  ne  com- 
mença d'y  être  donné  aux  simples  métropoli- 
tains qu'au  concile  de  Soissons ,  tenu  sous  le 
roi  Childéric  III  et  Pépin  maire  du  palais  (An. 
1-li).  L'évèque  d'Arles  disputa  longtemps  la 
qualité  de  métropolitain  avec  celui  de  Vienne, 
et  il  y  euldes  avantages  réciproques  remportés 
tantôt  par  l'un  de  ces  prélats,  tantôt  par  l'autre 
(An.  744). 

Le  pape  saint  Léon  en  dit  la  raison,  qui  est 
que  ces  deux  nobles  et  puissantes  villes  avaient 
eu  alternativement  avantage  Tune  sur  l'autre 
dans  l'administration  ecclésiastique,  parce  que 
dans  l'administration  civile  elles  ne  faisaient 
qu'une  seule  métropole.  «Ut  quarumdam  cau- 
sarum  alte^na  ratione ,  nunc  illa  in  ecclesiasti- 
cis  privilegiis ,  nunc  ista  prœcelleret  :  cum  ta- 
men  eisdem  commune  jus  quondam  fuisse  a 
gentibus  proderctur.» 

Mais  le  jiape  Zozime  ne  se  contenta  pas  de 
terminer  le  diiïérend  de  la  métropole  en  faveur 
de  l'évèque  d'Arles,  et  lui  donna  encore  un 
très-ample  pouvoir  sur  la  province  de  Vienne, 
sur  les  deux  Narbonnaises,  colorant  ce  privilège 
de  la  venue  de  saint  Trophime  à  Arles ,  où  il 
avait  été  envoyé  par  le  Siège  apostolique,  et 
d'où  il  avait  commencé  de  travailler  à  la  con- 
version des  Caules  (Au.  1417). 

Les  papes  Roniface  I"  et  Célestin  rendirent  au 
métropolitain  de  Narbonne  le  droit  d'ordonner 
les  évéques  de  sa  province  (An.  4-22,  4'28, 
epist.  m).  Ce  que  le  pape  Léon  confirma,  et 
outre  cela  réiablit  l'évèipie  de  Vieime  dans  les 
pouvoirs  de  mélroi)ulitain,  i)artageant  entre  lui 
et  l'évècjue  d'Arles  les  évêchés  contestés,  et  dé- 
clarant que  le  pape  Zozime  avait  été  surpris 


par  l'évèque  d'Arles  :  «  Cum  et  ipsum  quod 
Patroclo  a  sede  apostolica  temporaliter  videba- 
tur  esse  concessum,  postmodum  sit  sententia 
meliore  sublatum  (An.  425,  epist.  lxxxix).  » 

Baronius  a  publié  une  lettre  du  pape  Zozime 
(An.  47,  n.  32),  où  il  reconnaît  lui-même  sa 
surprise  ;  il  confesse  qu'il  avait  ignoré  le  décret 
du  concile  de  Turin  sur  ce  différend ,  auquel 
enfin  il  se  rend,  et  consent  que  chacune  de  ces 
deux  métropoles  domine  sur  les  évêchés  qui 
lui  seront  plus  proches. 

VI.  Il  faut  conclure  de  là,  ou  que  Zozime 
n'avait  accordé  d'abord  à  l'évèque  d'Arles  que 
la  qualité  et  le  titre  de  métropolitain  sur  ces 
trois  provinces,  ce  que  lui-même  et  ses  trois 
successeurs  ci-devant  nommés  révoquèrent  en- 
suite ;  ou  que  ce  pape  lui  ayant  donné  les  pou- 
voirs de  primat  ou  d'exarque,  ses  successeurs, 
et  surtout  le  pape  Léon  en  dépouillèrent  Palro- 
cle  et  Hilaire  ([ui  en  avaient  abusé,  en  s'attri- 
buant  aussi  les  droits,  et  faisant  les  fonctions  de 
métropolitain.  Car  les  droits  légitimes  de  la 
primatie  ou  l'exarchat,  ne  consistent  pas  dans 
un  retranchement  des  pouvoirs  propres  aux 
métro])olilains,  mais  dans  une  effusion  libérale, 
et  une  participation  innocente  des  droits  du 
pape  comme  patriarche  d'Occident  sur  les  mé- 
tropolitains. 

VII.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  disputes  entre  ces 
deux  métropolitains  s'allumèrent  encore  sous 
le  pape  Anastase,  à  l'avantage  de  celui  de 
Vienne.  Mais  Symmaque,  successeur  d'Anastase, 
révoqua  les  décrets  sur  ce  sujet,  comme  con- 
traires à  ceux  de  ses  prédécesseurs ,  et  donna 
à  Césaire  ,  évêque  d'Arles  ,  un  vicariat  ou 
une  légation  apostolique  sur  toutes  les  Gau- 
les (An.  .300,  .314).  «  Cbaritati  tuœ  per  omnes 
Gallicanas  regiones  utendi  pallii  concessimus 
facultatem  (Epist.  i,  x).  »  Le  pallium  ne  s'accor- 
dait alors  qu'avec  une  légation  extraordinaire 
du  pape.  «  Quatenus  et  in  ecclesia  vestra,  et  in 
supradicta  provincia,  disciplina  bonis  actibus 
amica  servetur  (Epist.  vi).  »  Ce  terme  Provin- 
cia se  rapporte  à  ce  qu'il  avait  déjà  dit  : 
«  Gallicanas  omnes  regiones  :  et  in  Galliœ  pro- 
vincia. »  Cinquante  ans  après  le  pape  A'^igile 
donna  en  termes  formels  son  vicariat  sur  les 
Gaules  à  Aurélien,  évoque  d'Arles  :  «  Fraterni- 
tas  tua,  ([uem  apostolicœ  sedis  constat  per  nos 
ess:!  vicarium  ,  universis  t'pisco[iis  innotescat, 
etc,  Vicarium  te  Sedis  nostne  dignis  operibus 
manifestes  (Conc.  v  Univ.).  «  Il  l'avait  au- 
paravant accordé  à  Auxanius,  dont  Aurélien 


DES  ARCHEVÊQUES  D'ESPAGNE  ET  DE  FRANCE. 


lUo 


fut  le  succosseur.  I.e  papo  Pelage  I"  continua  la 
même  i^rfice  à  Sabaiidus,évè(jne  d'Arles  :  «  Jla- 
joruni  nostronim  cupientcs  iiiha'rere  vestigiis, 
charitati  tiiœ  peruniversam  Galliam  apostolicœ 
Sedis  vices  irijungimiis  (Collât,  vn,  concGallic. 
tom.  i).  » 

Saint  Grégoire  pape  donna  les  mêmes  pou- 
voirs à  Virgile,  évêque  d'Arles,  sur  toutes  les 
Eglises  de  l'Etat  du  roi  Childebert  :  «  Opportu- 
num  perspeximus  in  Ecclesiis  quœ  sub  regno 
pra^cellcntissimi  filii  nostri  Childeberti  régis 
sunt,  secundiini  antiquam  consuetudinem  fra- 
tri  nostro  Virgilio  Arelatensi  episcopo  vices 
nostras  tribuere  (L.  iv,  epist.  l,  lu).  »  Ainsi  cette 
primatie,  quoique  personnelle,  devint  en  quel- 
que manière  perpétuelle^  par  la  continuation, 
ou  le  renouvellement  que  les  papes  en  accor- 
daient. 

VIII.  Les  lettres  de  Grégoire  VII  pape  (L.  vi, 
epist.  xxii)  et  de  Nicolas  I"  (epist.  x)  font  claire- 
ment voir  que  la  primatie  d'Arles  était  entière- 
ment éteinte  de  leur  temps.  Mais  il  est  très- 
apparent  que  la  décadence  de  la  maison  royale 
de  Clovis ,  et  les  brouilleries  de  l'Etat  pendant 
les  violentes  entreprises  de  divers  maires  du 
palais,  ayant  entièrement  ruiné  cette  corres- 
pondance des  évêques  de  France  entre  eux ,  et 
avec  l'archevêque  d'Arles  ;  les  papes  Gré- 
goire Il  et  111  renouvelèrent  et  transférèrent  ces 
mêmes  pouvoirs  en  la  personne  de  Boniface, 
apôtre  d'Allemagne. 

IX.  Cependant  il  ne  faut  pas  omettre  la  pri- 
matie de  Reims,  qui  partagea  les  Gaules  avec 
celle  d'Arles  durant  la  vie  de  saint  Rémi,  qui 
fut  établi  vicaire  apostolique  dans  le  royaume 
de  Clovis  par  le  pape  Hormisde.  «Vices  nostras 
per  omne  regnura,  dilecti  et  spiritalis  filii  nos- 
tri Ludovici,  salvis  privilegiis,  quœ  nietropoli- 
tanis  decrevit  antiquitas  ,  tibi  commitlimus 
(L.  I,  c.  iS).  »  Flodoard  rapporte  cette  lettre, 
et  Hincmar  assure  la  même  chose.  Mais  comme 
ce  prélat,  le  plus  jaloux  qui  fut  jamais  de  ses 
avantages  et  de  ceux  de  son  Eglise ,  ne  dit  pas 
que  cette  dignité  ait  passé  aux  successeurs  de 
saint  Rémi ,  il  est  à  croire  qu'elle  fut  purement 
personnelle.  Enfin  comme  il  témoigne  aussi 
que  la  primatie  ne  fut  donnée  à  saint  Rémi  que 
sur  quelques  provinces:  «Per  Belgicas  etquas- 
damprovincias  Gallicanas  (Epist.  vi,  c.  185),  » 
il  faut  conclure  de  là  que  ni  les  provinces  qui 
obéissaient  à  Alaric,  roi  des  Visigoths,  savoir 
les  trois  Aquitaines  et  la  première  Narbon- 
naise;  ni  celles  qui  reconnaissaient  Gombaud 


roi  des  Bourgnu'gnons,  savoir  la  Lyonnaise  pre- 
mière, la  Narbonnaise  seconde,  et  |)iepque 
toutes  les  Viennoises,  ne  relevaient  nullement 
de  la  primatie  de  Reims,  à  qui  il  ne  restait  que 
les  deux  Belgiques,  les  Lyonnaises  ni,  iv,  v,  et 
la  Germanique. 

X.  S'il  est  vrai  que  les  successeurs  de  saint 
Renii  dans  l'évèché  de  Reims  aient  aussi  suc- 
cédé k  la  primatie ,  comme  quel(|ues-uns  le 
concluent  du  testament  de  saint  Rémi ,  qui 
leur  prescrit  d'assembler  quelquefois  trois  ou 
quatre  métropolitains  ;  du  concile  de  quarante 
évêques,  assemblé  par  Sonnatius  évêque  de 
Reims,  au  temps  du  roi  Childebert  ;  enQn  de 
la  limitation  que  saint  Grégoire  pape  mit  au 
vicariat  d'Arles,  dans  l'Etat  seulement  du  roi 
Childebert  (Flodoard,  1.  ii,  c.  o),  il  faudra  au 
moins  demeurer  d'accord  que  cette  primatie 
prit  fin  dans  les  mêmes  désordres  de  l'Etat  et 
de  l'Eglise,  durant  la  défaillance  des  descen- 
dants de  Clovis.  Car  la  plupart  des  évêchés  de 
France  demeurèrent  longtemps  sans  évêques, 
et  surtout  celui  de  Reims ,  comme  le  pape 
Adrien  I"  l'écrivit  :  «  Remensis  ecclesia  per 
multa  tempora ,  et  per  mullos  annos  sine  epi- 
scopo fuit  Epist.  ad  Ttepinum).  »  Saint  Boni- 
face  parle  de  même  dans  sa  lettre  au  papeZacha- 
rie,  comme  nous  allons  voir  dans  le  chapitre 
suivant-,  où  nous  parlerorrs  de  la  primatie  de 
Mayence  accordée  au  même  saint  Boniface  sur 
la  France  et  sur  l'Allemagne. 

XL  Le  P.  le  Cointe  nous  a  ajipris  dans  ses 
savantes  Annales  de  l'Eglise  de  France  :  1"  Que 
Clovis  étant  mort  en  511, et  Symmaque  en  514, 
il  faut  que  ce  soit  Symmaque,  et  non  pas  son 
successeur  Hormisde  qui  ait  donné  à  saint 
Rémi  la  primatie  sur  tout  le  royaume  de  Clo- 
vis nouvellement  converti  :  «  Fer  omne  regnum 
Chludovici,  quem  nuper  cum  intégra  gente 
convertisti.  »  2'  Et  comme  cette  nouvelle  pri- 
matie semblait  diminuer  l'étendue  de  celle 
d'Arles  qui  l'avait  précédée,  le  pape  Symmaque 
donna  à  l'archevêque  d'Arles  tout  ce  que  les 
Ostrogoths  d'Italie  ,  et  les  Visigoths  d'Espagne 
possédaient  dans  les  Gaules  et  en  Espagne.  «  Si 
quis  de  Gallicana  vel  Ilispana  regionibus  ad 
nos  venire  compulsus  fuerit,  cum  fraternitatis 
tuae  notifia  iter  arrlpiat.  » 

Cela  est  tiré  de  la  lettre  entière  de  Symma- 
que à  saint  Césaire,  archevêque  d'Arles,  publiée 
par  le  P.  Sirmond.  3°  Au  reste  le  pape  Vigile 
ayant  accordé  à  Auxanius,  évêque  d'Arles,  la 
primatie  dans  tout  le  royaume  de  Childebert, 


166 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-UNIÈME. 


douze  ans  après  la  mort  de  saint  Rémi,  et  le 
royaume  de  Cliildcbert  faisant  luie  bonne  par- 
tie" de  celui  de  Clovis,  c'est  une  preuve  fort  ap- 
parente que  la  primatie  de  Reims  finit  avec  la 
vie  de  saint  Rémi.  A"  Lors  du  pape  Synmiaque 
la  primatie  de  Reims  domina  sur  toutes  les 
Eglises  de  la  domination  française,  et  celle 
d'.VrIes  sur  toides  les  provinces  de  la  domina- 
tion des  Golhs  dans  les  Caules  et  en  Espagne. 
Mais  les  Goths  ayant  été  chassés  des  Gaules ,  le 
pape  Vigile  donna  à  Auxanius  d'Arles  le  vica- 
riat apostolique  dans  tous  les  pays  dont  il  était 
métropolitain ,  et  dans  toutes  les  Eglises  du 
royaume  de  Childebert ,  comme  les  lettres  de 
ce  |)ape  le  disent  formellement.  La  France  était 
alors  partagée  entre  Childebert,  Clotaire  et  leur 
neveu  Théodebert.  Childebert  seul  deman<la  et 
obtint  la  primatie  pour  Arles.  îi°  Pelage,  qui 
succéda  àVigile, donna  la  primatie  à  Sapaudus, 
évèque  d'Arles ,  sur  toutes  les  Gaules  :  «  Per 
universam  Galliam.  »  Cela  contenait  les 
royaumes  de  Childebert  et  de  Clotaire. 

Il  y  a  peu  dajjparence  que  Narbonne  et  ce 
peu  de  villes  voisines  (]ui  obéissaient  encore 
aux  Visigotlis  d'EsjJagne  reconnussent  cette 
primatie.  Pendant  le  tem|)S  du  pontificat  de 
Sapaudus,  la  France  fut  diversement  partagée 
entre  deux,  trois  et  (juatre  rois,  et  néanmoins 
elle  fut  toujours  soumise  tout  entière  au  vica- 
riat apostolique  de  Sapaudus.  Saint  Grégoire 


pape  ne  donna  ce  vicariat  à  Virgile  que  sur  le 
royaume  de  Childebert  IL  c'est-à-dire  sur 
l'Austrasie  et  la  Bourgogne,  la  Neustrie  étant 
sons  Clotaire.  6°  Ce  vicariat  apostolique  était 
un  privilège  personnel,  et  non  pas  attaché  au 
siège  d'Arles.  Les  papes  en  faisaient  une  con- 
cession particulière  à  chaque  évêque,  et  ils  ne 
la  faisaient  qu'après  qu'ils  l'avaient  demandée, 
et  l'avaient  fait  demander  par  les  rois.  Cela 
paraît  par  les  lettres  des  papes  à  saint  Césaire, 
Auxanius,  Aurélien,  Sapaudus  et  Virgilius,  qui 
se  succédèrent  tous  les  uns  aux  autres  dans  le 
siège  d'Arles.  Licérius  qui  précéda  Virgilius, 
ne  pontifia  que  deux  ans,  et  n'eut  pas  le  loisir 
d'obtenir  ce  bienfait  (Cointius  ad  ann.  508, 
n.  .^8;  53.3,  n.  59;  545,  n.  i;  599,  n.  9;  G04, 
n.  9). 

Après  Virgilius  à  qui  saint  Grégoire  pape 
donna  son  vicariat,  il  n'est  plus  parlé  d'aucun 
archevêque  d'Arles  qui  ait  joui  de  cet  avan- 
tage. 7°  Enfin  ce  savant  annaliste  a  pensé  que 
si  les  papes  Vigile  et  Grégoire  I"  ne  voulurent 
point  envoyer  le  pallium  aux  èvêques  d'Arles 
et  le  vicariat  apostolique  qui  l'accompagnait 
qu'avec  le  consentement  des  empereurs,  c'est 
parce  c[ue  Justinien  avait  commencé,  et  ses 
successeurs  continuèrent  de  ne  point  souffrir 
que  les  papes  mêmes  montassent  sur  le  trône 
apostolique  sans  leur  agrément. 


CHAPITRE  TRENTE-UNIÈME. 


CONTINUATION   DES  PRIMATS    EN    FRANCE,    EN   ALLEMAGNE   ET   EN   ANGLETERRE. 


I.  l-es  primats  et  les  archevêque?  furent  éteints  en  France 
dans  la  déroute  de  la  maison  de  Clovis. 

II.  Saint  Huniface ,  envoyé  par  le  pape  ,  y  rétablit  l'état  de 
l'Ej-'llse,  et  est  lui-inéme  fait  arclievè(iue  primat  de  Maycncc. 

III.  11  rétablit  des  métropolitains  en  l-'rancc,  et  Unir  obtenant 
le  pallium,  il  en  fit  autant  de  primats  en  un  sens  nouveau,  c'est- 
k-dire,  des  métropolitains  exempts  du  pouvoir  de  tout  autre 
primat. 

IV.  Preuve  de  cette  sorte  de  primatie. 

V.  La  primatie  de  saint  lioniface  sur  la  France  était  allacliéc 
à  sa  personne,  celle  qu'il  eut  sur  l'.Mlemagnc  fut  attachée  à  son 
siège. 

VI.  La  primatie  d'Augustin  ,  en  Angleterre,  établie  par  saint 
Grégoire. 


Vll.-Vlll.  Diverses  réflexions  sur  cette  primatie,  combien  toutes 
ces  primalics  étaient  utiles  aux  églises  parliculières. 
IX.  De  la  primatie  de  Cantorbéry. 

I.  Les  guerres  civiles  qui  causèrent  ou  qui 
suivirent  la  décadiîuce  de  la  maison  de  Clovis 
ne  furent  guère  moins  funestes  à  l'Eglise  qu'à 
l'Etat.  Saint  Roniface,  dans  ses  lettres  au  pape 
Zacharie,  assure  que  la  plupart  des  èvêchés 
furent  donnés  à  des  laïques  ou  à  des  ecclésias- 
tiques dont  la  vie  était  encore  plus  débordée 


DES  PRIMATS  EN  FRANCE,  EN  ALLEMA(;NE  ET  EN  ANGLETERRE. 


(jiie  ceRc  des  séculiers;  enliii  (|u'il  y  avait 
quatre-vingts  ans  qu'on  n'avait  vu  en  France 
ni  (le  concile,  ni  d'arclieveMiue.  11  y  avait  alors 
plusieurs  métropolitains  en  France.  Ce  nom 
d'archevêque  semble  donc  désigner  les  primats 
d'Arles,  et  en  marquer  l'extinction,  qui  donna 
lieu  à  l'érection  de  la  primatie  de  Mayence. 
«Franci,  ut  seniores  dicunt,  plusquam  per 
tempus  octoginta  annorum  synodum  non  fece- 
runt,  nec  archiepiscopum  habuerunt;  nec  Ec- 
clesiœ  canonica  jura  alicubi  fundabant,  vel  re- 
novabant.  Modo  autem  maxima  ex  parte  per 
civitates  episcopales  sedes  traditie  sunt  laicis 
cupidis  ad  possidendum,  vel  adulteratis  cleri- 
cis,  scortatoribus,  et  publicanis  sœculariter  ad 
perfruendum.  » 

Voilà  le  désordre  effroyable  des  Eglises  au- 
quel on  ne  put  remédier  que  par  la  légation 
ou  vicariat  apostolique  que  les  papes  (Gré- 
goire 11,  Grégoire  III  et  Zacharie  donnèrent  au 
même  Boniface.  C'est  ce  qu'en  dit  Hincmar, 
archevêque  de  Reims  :  «  Gregorius  secundus 
et  terlius,  Bonifacium  legatum  apostolicœ  Se- 
dis  ad  reformaudam  christianitatis  religionem, 
primo  presbyterum,  postea  vero  e])iscopum 
ordinatuni  direxerunt.  Cui  per  annos  viginti 
quinque  in  eadem  prœdicatione  sine  sede  car- 
dinali  laboranti,  prœfatorum  successor  Zacha- 
rias  papa  formavit  ad  locum,  etc.  (Epist.  vi^ 
c.  xix).» 

II.  Ce  saint  évêque  fit  donc  les  fonctions  de 
missionnaire  apostolique  et  de  légat  extraor- 
dinaire en  rétablissant  toutes  les  églises  de 
France  et  d'Allemagne,  sans  être  lui-même 
fixé  à  aucun  siège,  jusqu'à  ce  qu'après  ce  long 
espace  de  temps  le  pape  Zacharie  le  déclara 
métropolitain  de  Mayence  et  attacha  à  cette 
Eglise  le  droit  de  primatie  (An.  7ol).  Ce  fut  en 
cette  qualité  que  Boniface  sacra  à  Soissons  le 
roi  Pépin ,  et  les  archevêques  de  Mayence 
furent  depuis  considérés  comme  ayant  le  pre- 
mier rang  au-dessous  du  pape  entre  les  prélats 
d'Allemagne. 

C'est  ce  qvi'en  dit  Marianus  Scotus  :  «Pipinus 
in  civitate  Suessionum^  a  sancto  Bonifacio  ar- 
chiepiscopo  in  regeni  unctus,  regni  honore 
sublimatus  est  ;  et  oh  id  deinde  post  papam  se- 
cundus habetur  Moguntinus  archiepiscopus 
usque  in  hodiernum  diem  (Lib.  m).  » 

III.  Ce  nouveau  primat  assembla  plusieurs 
conciles  des  évè(|ues  de  France  et  d'Allemagne. 
Il  en  reste  quelques-uns  dans  les  éditions  des 
conciles.    11    ordonna   des   métropolitains   à 


Rouen,  à  lîeims  et  à  Sens  ;  comme  il  paraît  par 
les  lettres  du  pape  Zacharie  et  par  l'histoire  de 
Flodoard.  II  leur  obtint  le  pallium  du  pape 
ZachiU'ie,  et  par  là  il  les  émancipa  en  ([uelque 
manière  de  la  sujétion  qu'ils  avaient  à  sa  pri- 
matie, et  les  établit  eux-mêmes  primats  d'une 
autre  sorte  moins  éclatante,  mais  qui  n'a  pas 
laissé  d'être  très-considérée.  Car  le  savant 
Hincmar  a  fort  bien  remarqué  qu'il  y  a  des 
primats  qui  ont  juridiction  sur  plusieurs  mé- 
tropolitains, et  ce  sont  les  primats  du  premier 
rang  ;  il  y  en  a  d'autres  qu'on  appelle  primats 
parce  que,  quoi(iu'ils  n'aient  aucun  métropoli- 
tain qui  leur  soit  soumis,  ils  ne  sont  aussi  eux- 
mêmes  soumis  à  aucun  métropolitain  ou  [)ri- 
mat,  mais  ils  relèvent  iuunédiatement  du 
pape  (Histor.  Remens.  lib.  u ,  c.  xvi.  —  An. 
7li.  Bonifac.  Epist.  i,  iv,  v). 

Voici  les  paroles  d'IIincmar  où  il  découvre 
cette  seconde  sorte  de  primats.  «  Quibus  cano- 
num  decretis,  et  Sedis  romanaj  sententiis  cla- 
ret,  eosdem  metropolitanos  primates  esse  sin- 
gulos  singularum  provinciaruui,  (|ui  ex  anliqua 
consuetudine,  et  apostolica  trauitione,  et  con- 
vocare  synodos,  et  ordinare  episcopos,  et  ordi- 
nari  a  provincialibus,  sine  cujusquain  alterius 
primatis  interrogatione  possunt,  et  disponere 
regulariter  quœque  per  suas  pj-ovincias  queunt, 
etc.  Illi  autem  archiepisco[)i,  vel  metropolitani, 
qui  hœc  sine  consultu  primatis  non  possunt 
exequi,  archiepiscopi  tantum,  vel  metropoli- 
tani  habentur  (Opusc.  oo,  ce.  c.  xvi).  » 

IV.  Ce  qu'Hincmar  vient  de  dire  ne  doit  pas 
passer  pour  une  chose  bien  imaginée  afin  de 
relever  la  dignité  de  son  Eglise  :  c'est  une  doc- 
trine solide  et  solidement  fondée  dans  l'anti- 
quité. Car  nous  avons  fait  remar(iuer  que  tous 
les  métropolitains  étaient  appelés  primats  et 
évêi|ues  du  premier  siège  durant  les  quatre  ou 
cinq  premiers  siècles  :  «  Primas,  primœ  sedis 
episcopus.  » 

Dans  le  cinquième,  sixième  et  septième  siè- 
cle, on  commença  dans  l'Occident  à  faire  rele- 
ver quelques  métropolitains  des  autres  métro- 
politains qui  avaient  été  élevés  à  la  dignité 
d'exarques  ou  de  vicaires  apostoliques,  et  à  qui 
on  tlonna  enfin  aussi  la  qualité  de  primats.  Les 
métropolitains  qui  ne  furent  pas  assujettis  à 
ces  nouveaux  primats  ou  vicaires  apostoliques, 
pouvaient  bien  se  donner  aussi  la  qualité  de 
primats.  1°  Parce  qu'ils  ne  faisaient  que  se  con- 
server dans  l'ancien  usage,  i"  A  leur  égard  on 
n'avait  fait  aucun  changement,  ni  aucun  éta- 


108 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-UNIÈME. 


blissement  de  nouveaux  primats  ;  ainsi  comme 
relevant  immédiatement  du  pape,  comme  ces 
nouveaux  primats  eu  relevaient  aussi  immé- 
diatement, ils  devaient  jouir  de  la  qualité  de 
primats.  3°  Ces  trois  archevêques  de  Rouen,  de 
Reims  et  de  Sens  ayant  reçu  le  pallium  du 
pape,  qui  ne  se  donnait  encore  alors  qu'aux 
primats  ou  vicaires  apostoliques,  c'était  là 
comme  la  confirmation  et  le  sceau  de  leur 
exemption  et  de  leur  dignité  de  primat. 

V.  Cela  nous  oblige  de  reconnaître  que  si 
saint  lîoniface  avait  reçu  le  vicariat  apostolique 
et  la  surintendance  spirituelle  de  la  France  et 
de  l'Allemagne,  c'était  avec  cette  différence  que 
quant  à  l'Allemagne  cette  dignité  devait  être 
perpétuelle  et  attachée  à  son  siège,  au  lieu  que 
quant  à  la  France  elle  était  purement  person- 
nelle. Et  c'est  aussi  ce  que  le  pape  Zacharie  lui 
désigna  dans  sa  lettre:  «Nonsolum  Bojoariam, 
sed  et  omnem  Galliarum  provinciam,  nostra 
vice  per  praedicationem  tibl  injunctam  studeas 
reformare  (Morin  ,  Exerc.  Eccles.  1.  i,  c.  xxvi, 
p.  205,  Epist.  v).  » 

Comme  la  primatie  d'Arles,  quoique  person- 
nelle, devint  perpétuelle  par  la  continuation 
du  même  privilège  aux  successeurs  des  pri- 
mats décédés  ;  aussi  celle  de  Mayence,  bien  ([ue 
perpétuelle  dans  son  origine,  fut  néanmoins 
effectivement  personnelle,  et  s'éteignit  avec 
saint  Honiface.  Le  pape  Zacharie  écrivit  en  ces 
termes  à  lioniface  :  «  B.  Pétri  autoritate  sanci- 
mus,  ut  Ecclesia  Moguntina  perpetuis  tempo- 
ribus  tibi  et  succossoribus  tuis  in  metropolim 
sil  coiifirmata,  id  est,  Tingris,  Coloniam,  Vor- 
maciam,  Spiratiam,  et  Trectis,  et  omnes  Ger- 
manire  génies  quas  tua  fraternitas  per  suam 
pra'dicationem  Christi  lumen  agnoscere  lecit 
(Gonc.  Gai.  t.  i,  p.  ,^i8i).» 

Si  ce  décret  eût  tenu,  non-seulement  la  mé- 
troi)ole,  mais  la  primatie  de  Mayence  eût  été 
perpétuelle.  Mais  ce  (pie  nous  allons  dire  dans 
le  chapitre  xli  de  Cologne  et  d'Utreclit  nous 
fera  bien  voir  que  cette  disposition  du  pape 
Zacharie  ne  fut  pas  suivie,  on  ne  le  fut  pas 
longtemps.  Les  grandes  oppositions  que  Roni- 
face  trouva  donnèrent  des  bornes  plus  étroites 
à  sa  métropole  et  une  durée  plus  courte  à  sa 
primatie,  (pie  le  pape  n'avait  apparemment 
prétendu.  A  quoi  il  faut  ajouter  que  saint  Bo- 
niface,  ayant  résigné  avant  sa  mort  son  arche- 
vêché de  Mayence  au  prêtre  Lulkis,  pour  aller 
chercher  la  couronne  du  martyre  parmi  les 
Frisons  (Anno  7ri2),  et  ayant  après  cela  pris  la 


conduite  de  l'évêché  d'Utrecht  vacant,  il  ne 
put  laisser  à  l'Eglise  de  Mayence  son  vicariat 
apostolique,  qui  demeurait  toujours  attaché  à 
sa  personne.  Villibald  et  Olhon  ,  qui  ont  écrit 
la  vie  de  ce  saint,  font  foi  de  ce  que  nous  ve- 
nons de  dire. 

VI.  Il  est  temps  de  passer  en  Angleterre,  où 
saint  Grégoire  le  Grand  envoya  de  Rome  plu- 
sieurs de  ses  religieux,  et  Augustin  à  leur  tête, 
pour  y  travailler  à  la  conversion  des  Anglais  et 
des  autres  nations  dont  la  Grande-Bretagne 
avait  été  inondée,  et  qui  y  avaient  presque  ré- 
duit à  néant  la  religion  chrétienne  aussi  bien 
que  la  domination  romaine.  Ce  pape  donna  le 
pallium  à  Augustin,  avec  ordre  d'établir  son 
siège  à  Londres  et  d'instituer  douze  évêchés 
qui  dépendissent  du  métropolitain  de  Londres, 
à  qui  on  enverrait  toujours  de  Rome  le  pallium. 
Il  lui  ordonna  en  même  temps  d'envoyer  un 
évèque  à  Yorck  ;  et  si  Dieu  bénissait  son  tra- 
vail, d'y  établir  aussi  une  métropole  et  douze 
évêchés  qui  en  relevassent ,  promettant  d'en- 
voyer aussi  le  pallium  au  métropolitain  d'Yorck, 
qui  devait  relever  d'Augustin  sa  vie  durant  ; 
mais  après  sa  mort  le  siège  d'Y'orck  ne  devait 
avoir  aucune  dépendance  de  celui  de  Londres. 

«Usum  tibi  pallii  concedimus,  itautper  loca 
singula  duocecim  episcopos  ordines,  qui  tuse 
ditionisubjaceant;  quatenus  Londoniensis  epi- 
scopiis  civitatis  semper  in  posterum  a  synodo 
propria  debeat  consecrari,  ahpie  honoris  pal- 
lium ab  bac  apostolica  Sede  percipiat.  Ad  Ebo- 
racum  vero  civitatrm  te  volumus  episcopuin 
mittere,  ut  ipse  quoque  duodecim  episcopos 
ordinet,  ut  metropolitani  honore  perfruatur, 
(juia  ei  quoque  ])allium  tribuere  proponimus, 
quem  tamen  tuœ  fraternitalis  volumus  disj)0si- 
tioni  subjacere.  Post  obitum  vero  tuum  ita 
episcopis,  quos  ordinaverit,  prœsit,  ut  Londo- 
niensis episcojii  nullo  modo  ditioni  subjaceat. 
Sit  vero  inter  Londonîœ,  et  Eboracœ  civitatis 
ei)iscopos  in  posterum  honoris  ista  distinctio, 
ut  i]ise  prior  habeatur,  qui  prius  fuerit  ordina- 
tus  (L.  vu,  epist.  xv).  » 

Vil.  Ces  paroles  nous  fournisseni  la  matière 
de  plusieurs  remarques.  Car  voilà  une  prima- 
lie  de  la  ]iremière  espèce,  mais  personnelle- 
ment accordée  à  Augustin,  non  pas  à  son  siège 
ni  à  ses  successeurs,  à  cause  de  son  apostolat 
dans  l'Angleterre,  qu'il  .soutint  de  toute  la 
science  et  de  toute  la  sainteté  que  demande  cet 
excellent  et  divin  ministère.  «  Fraternitas  tua 
omnes  Britanniœ  sacerdotes  habeat  subjectos. 


DES  PRIMATS  EN  FRANCE.  EN  ALLEMAGNE  ET  EN  ANCLETERRE. 


ICO 


quatemis  e\  vita  et  lingua  tu;e  sanctitatis,  et 
recte  crerlendi,  et  bcnc  vivendi  formam  perci- 
piant  (Ibidem).  »  2°  Voilà  deux  primaties  éta- 
blies après  la  mort  d'Auj;iistin.  à  Londres  et  à 
Yorek,  dont  les  métropolitains  seront  indépen- 
dants l'un  de  l'autre,  et  pour  les  séances 
d'honneur,  l'antiquité  seule  réglera  leurs 
rangs.  3°  Voilà  le  pallium  envoyé  comme  une 
marque  de  cette  primatie  ou  indépendance, 
que  les  f.recs  appelaient  àjTMS'jct/:?.  telle  que  les 
historiens  et  les  conciles  l'ont  quelquefois  at- 
tribuée à  l'île  de  Chypre.  i°  Voilà  les  raisons 
justes  et  saintes  de  donner  la  supériorité  à 
quelques  métropolitains  sur  les  autres,  quand 
l'un  est  le  père  des  autres,  parce  qu'il  est  l'a- 
pôtre et  le  fondateur  des  Eglises  de  toute  une 
nation  ,  comme  Rémi  parmi  les  Français,  Au- 
gustin en  Angleterre,  Boniface  en  Allemagne. 
5°  Voilà  l'égalité  que  les  souverains  pontifes 
tâchent  de  conserver  entre  les  métropolitains 
et  la  liberté  qu'ils  maintiennent  autant  qu'il 
leur  est  possible  dans  toutes  les  Eglises;  en 
n'accordant  que  les  primaties  temporelles  et 
personnelles,  lorsque  le  besoin  des  Eglises  n'en 
demande  pas  d'autres.  C'est  ainsi  qu'après  la 
mort  d'Augustin  saint  Grégoire  remet  en  li- 
berté le  métropolitain  d'Yorck,  et  après  la 
mort  de  Boniface,  Zacharie  rend  leur  an- 
cienne exemption  aux  métropolitains  de  la 
France.  (i°  Voilà  assez  de  fondement  pour 
croire  que  si  les  papes  ont  donné  des  vicariats 
perpétuels  aux  métropolitains  de  Thessalo- 
nique,  de  Justinienne.  d'Arles,  de  Séville,  de 
Tolède,  de  Mayence,  c'a  été  pour  des  raisons 
tirées  de  l'intérêt  propre  de  ces  Eglises,  et  que 
ce  n'était  nullement  leur  dessein  d'imposer  un 
nouveau  joug  aux  Eglises  ou  aux  métropoli- 
tains, quoiqu'ils  commençassent  à  ne  plus 
pouvoir  ni  assembler  leur  concile,  ni  ordonner 
leurs  suCfragants,  ni  recevoir  d'eux  la  consé- 
cration sans  l'aveu  du  vicaire  apostolique, 
lequel  auparavant  ne  leur  était  pas  néces- 
saire. 

L'empereur  Justinien  n'eût  pas  demandé  ce 
vicariat  perpétuel  au  pape  pour  sa  nouvelle 
Justinienne  ;  ni  le  roi  Cindesiunthe  pour  To- 
lède, ni  les  rois  de  France  pour  Arles  ;  ni  les 
rois  Goths  ou  Lombards  n'eussent  pas  fait 
quelque  chose  de  semblable  en  faveur  d'Aqui- 
lée,  ni  les  princes  Carloman  et  Pépin  pour 
Mayence,  s'ils  eussent  pensé  que  tout  cela  ne 
tendait  qu'à  établir  plus  fortement  chez  eux  la 
domination  du  pape  ,  et  mettre  un  joug  nou- 


veau sur  la  tête  de  leurs  prélats  aux  déjieus 
de  leur  ancienne  lilu^rlé.  Us  jugeaient  au  con- 
traire que  c'était  un  nouvel  éclat  ajouté  à  leurs 
Eglises,  dont  la  gloire  rejaillissait  même  sur 
leur  Etat  :  et  que  la  liberté  de  leurs  prélats  et 
de  leurs  Eglises  serait  d'autant  plus  grande  et 
d'autant  mieux  établie  que  presipie  toutes 
leurs  grandes  affaires  se  termineraient  chez 
eux  par  eux-mêmes;  c'est-à-dire  par  leur 
propre  exarque  ou  j)atriarche  ,  puisque  ces 
noms  reviennent  à  celui  de  primat.  Car  qui 
peut  douter  qu'un  concile  national  ne  soit  un 
invincible  appui  poursoutenirleslibertésdune 
nation  ?  Or  c'est  le  premier  droit  du  primat  de 
l'assembler,  et  d'y  terminer  tout  ce  qui  se  peut 
décider  sans  aller  à  Rome. 

VIll.  Mais  il  est  juste  de  croire  que  l'amour 
que  les  papes  et  les  souverains  ont  eu  pour  la 
conservation  ou  pour  le  rétablissement  de  la 
discipline  ecclésiastique,  ou  pour  la  propaga- 
tion de  la  religion  chrétienne,  a  été  le  plus  or- 
dinaire et  le  plus  puissant  motif  qui  les  a  portés 
à  instituer  ces  primats.  La  religion  avait  été  en- 
veloppée dans  les  ruines  de  l'Etat,  lorsque 
Boniface  vint  la  rétablir  en  France  et  en  Alle- 
magne. Elle  avait  été  presqu'anéantie  en  Angle- 
terre quand  Augustin  y  fut  envoyé.  Les 
nations  barbares  et  les  Ariens  l'avaient  réduite 
fort  à  l'étroit  dans  l'Espagne  quand  les  papes  y 
créèrent  des  vicaires  apostoliques  ;  surtout 
quand  saint  Grégoire  releva  de  cette  dignité 
saint  Léandre,  évêque  de  Séville, qui  fitrentrer 
Récarède,  roi  d'Espagne,  et  tous  les  Visigoths 
dans  l'unité  catbolii[ue,  comme  saint  Rémi, 
apôtre  des  Français  dans  les  Gaules ,  avait 
été  un  siècle  auparavant  honoré  du  même 
pouvoir.  Saint  Léon  pape  a  montré  assez  claire- 
ment, que  rillyrique  étant  aussi  éloigné  de 
Rome  qu'il  était,  il  était  nécessaire  d'y  tenir 
un  légat  ou  un  vicaire  du  Siège  romain. 

1\.  Au  reste,  Augustin  au  lieu  de  Londres, 
établit  son  séjour  et  le  siège  de  sa  primatie  à 
Cantorbéry,  parce  qu'il  y  trouva  une  ancienne 
église  du  Sauveur,  bâtie  par  les  anciens  chré- 
tiens romains  ou  bretons.  Le  pape  Honoré,  imi- 
tantses  prédécesseurs,  continua  d'envoyer  deux 
palliums  aux  évêquesde  Cantorbéry  et  d'Yorck, 
les  conservant  toujours  dans  cette  juste  égahté, 
que  celui  qui  survivrait  à  l'autre  lui  ordonnât 
un  successeur,  sans  qu'il  fût  besoin  de  recourir 
à  Rome.  «  Is  qui  superest  ,  consors  ejusdem 
gradus,  habeat  potestatem  alterum  ordinandi 
in  locum  ejus  qui  transierat,  sacerdotem,  ne 


m 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-DEUXIÈME. 


sit  necesse  pro  ordinaudo  archiepisco|ioadKo- 
nianaiii  iisqiiu  civitatein  fatigari,  i>er  tam  pro- 


li\a  ierrarumet  maris  spatia  (Beda  1.  i,  c.  33. 
1.  11,  c.  17-18,  etc).  » 


CHAPITRE    TRENTE-DEUXIÈME. 


REMARQUES  GENERALES   SLR   LES   PRIMATS   OL   VICAIRES   APOSTOLIQUES   ET   LEURS   POUVOIRS. 


I.  Plusieurs  preuves  que  la  priiniitie  n'a  point  été  attachée  à 
la  première  de  ces  provinces  qui  portaient  le  même  nom. 

II.  Charlemagiie  défend  aux  métropolitains  île  prendre  le  nom 
de  primat. 

III.  Divers  pouvoirs  des  primats. 

IV.  L'autorité  séculière  concourait  avec  la  sacerdotale  pour 
leur  institution. 

V.  Cette  bonne  intelligence  plus  propre  à  terminer  les  diffé- 
rends que  les  contestations  pointilleuses. 

1.  11  est  nécessaire  de  faire  ici  quelques  re- 
manjues  générales  sur  les  primats,  et  nous 
opposer  d'abord  à  la  fausse  imagination  de 
ceux  (|ui  ont  pensé  que  lorsqu'il  y  avait  iilii- 
sienrs  [Jiovinces  de  même  nom,  le  métroi)oli- 
tain  delà  première  avait  une  autorité  d'exarque 
ou  de  primat  sur  les  autres.  1.  Comme  ce  par- 
tage de  provinces  se  faisait  ordinairement  parles 
empereurs  dans  le  gouvernement  civil,  auquel 
la  police  de  l'Eglise  s'accommodait  le  plus  sou- 
vent, la  première  preuve  qui  se  présente,  et 
qui  pourrait  suffire  quand  elle  serait  seule,  est 
que  le  partage  étant  fait  entre  deux  métropoles 
civiles,  l'une  n'avait  aucun  droit  sur  l'autre; 
donc  les  métropoles  ecclésiasti(jiies  ne  dépen- 
daient aussi  nullement  l'une  de  l'autre.  L'em- 
pereur Tliéodose  le  déclara  ainsi,  lorsque  la 
PLéuicie  fut  divisée  en  deux;  et  il  ne  voulut 
pas  que  la  nouvelle  métropole,  Réryth, relevât 
de  Tyr,  qui  était  l'ancienne.  «  Utraque  dignitate 
simili  perfruatur  (Cod.  I.  ii,  1.  un.  de  Metrop. 
Beryto).  » 

2.  Durant  les  quatre  premiers  siècles,  tous 
1(!S  métro])olitains  de  France  ont  joui  d'une 
niéuKîet  égale  puissance;  et  il  n'y  a  rien  de  si 
ordinaire  dans  les  conciles  et  les  lettres  des 
papes  de  ce  temps-là  que  le  renouvellement 
de  ce  décret  que  tous  les  mélro|)olitains  jouis- 
sent librement  de  leurs  avantages;  ([u'aucun 
d'eux  n'entreprît  rien  sur  les  autres  ;  (jue  cha- 


cun d'eux  gouvernât  sa  province  avec  son  con- 
cile provincial ,  conformément  aux  canons 
apostoliques  et  aux  canons  du  concile  de  Nicée. 
Si  Patrucle,  si  saint  Hilaire  d'Arles  ont  fait 
quelques  entreprises  sur  les  provinces  de  leurs 
confrères  en  France,  nous  avons  vu  comment 
les  souverains  pontifes  ont  fait  éclater  leur  zèle 
et  leur  autorité  pour  les  resserrer  dans  leurs 
bornes  légitimes,  et  maintenir  tous  les  évèques 
dans  l'égalité  et  la  liberté  catholiques. 

3.  Il  n'y  a  eu  que  les  évèques  d'Ephèse  en 
Asie,  de  Césarée  en  Cappadoce  ,  d'IIéraclée  en 
Tlirace,  qui  ont  pris  occasion  de  s'ériger  en 
exanjues,  de  ce  que  leur  ville  et  leur  province 
était  la  première  d'un  grand  diocèse  civil,  com- 
posé de  plusieurs  pro\inces.  Mais  comme  ce 
fondement  d'une  nouvelle  dignité  n'était  pas 
ferme,  ni  conforme  à  la  pureté  des  lois  de 
l'Eglise,  aussi  il  n'a  pas  été  de  durée  et  ces 
trois  petits  patriarchats  furent  bientôt  absorbés 
dans  celui  de  Constantinople  ,  avec  la  même 
cause  ou  le  même  prétexte  de  bienséance  (jue 
Constantinople  était  devenue  la  capitale  de 
l'empire. 

4.  Tous  les  autres  exarchats  ou  patriarcats 
ont  eu  des  fondements  jtlus  solides,  ou  sur  la 
succession  particulière  de  saint  Pierre,  comme 
lioine,  Alexandrie  et  Anlioche  ;  ou  sur  le  des- 
sein de  le  renouveler,  et  pour  le  dire  ainsi,  de 
ressusciter  le  trône  apostoliciue  de  saint  Jacques 
et  de  l'ancienne  Jérusalem  dans  la  nouvelle 
.Elia;  ou  sur  la  nouvelle  et  inévitable  nécessité 
de  complaire  aux  empereurs,  en  accordant  un 
nouvel  éclat  au  prélat  de  la  ville  impériale,  et 
à  celui  de  la  nouvelle  Justiniennesa  ])atrie  ;  ou 
pour  opposer  une  forte  digue  aux  inondations 
des  nations  étrangères  qui  renversaient  en 
même  temps  et  la  domination  et  la  religion  ro- 


REMARQUES  GÉNÉRALES  S!'R  LES  PRIMATS. 


171 


maines;  car  c'est  en  cette  sorte  que  les  primats 
(l'Arles  ont  défemla  l'Etrlisc  entre  les  lioiir^mi- 
j,Mi(ins  et  les  Gotlis;  ceux  de  Reims  entre  les 
Français  ;  ceux  de  Mayence  entre  les  Allemands  ; 
ceux  de  Cantorbéry  entre  les  Anglais  et  les 
Saxons  ;  ceux  de  Séville  et  de  Tarragone  entre 
les  Goths,  les  Alains  et  les  Vandales.  Car  on 
n'établit  de  ces  difTcrcntes  sortes  de  primats 
dans  rOccident  que  dans  les  temps  que  ces 
nations  nouvelles  se  répandirent  dans  la  chré- 
tienté, dans  le  dessein  d'y  ruiner  la  religion 
avec  l'empire  ;  mais  dans  l'ordre  admirable  de 
la  providence  toute-puissante  de  Dieu  ,  qui 
voulait  les  perdre  heureusement  elles-mêmes 
dans  sa  sainte  religion,  et  établir  par  leur 
moyen  de  nouveaux  empires  qui  fussent  autant 
d'invincibles  remparts  de  son  Eglise. 

5.  Toutes  les  primaties  que  les  papes  ont  éri- 
gées par  les  vicariats  apostoliques  dans  l'Occi- 
dent n'ont  pas  été  placées  dans  les  premières 
de  ces  provinces  de  même  dénomination  ;  Lyon, 
Rourges,  Trêves,  Cologne,  Londres  auraient 
mérité  cet  honneur,  sioneùt  choisi  la  première 
Lyonnaise,  la  première  Aquitanique,  la  première 
Relgique,  la  première  Germanique,  et  la  capi- 
tale d'Angleterre  ;  mais  nous  avons  montré  au 
contraire  que  les  vicariats  du  pape  ont  été 
assignés  à  d'autres  villes. 

6.  Le  pape  saint  Grégoire  nous  fait  connaître 
dans  ses  lettres  le  primat  de  Corinthe,  à  qui  il 
envoie  le  pallium,  avec  la  présidence  sur  le 
Péloponèse,  dont  il  était  métropolitain  ;  et  sur 
l'Hellade,  dont  Athènes  était  la  métropole,  (jui 
fut  depuis  divisée  en  deux.  Ce  pape  dit  ([u'il 
ne  fait  que  suivre  l'ancienne  coutume.  «  Dum 
hoc  sibi  et  antiquœ  consuetudinis  ordo  defen- 
dat  (  L.  IV,  ep.  lv,  lvi).  »  Ce  primat,  qui  nous 
était  presque  échappé,  fait  encore  bien  voir  que 
les  primaties  n'ont  pas  été  données  à  la  province 
qui  donnait  son  nom  aux  autres. 

7.  Le  même  saint  Grégoire  ayant  établi  deux 
provinces  et  deux  métroiioles  ecclésiastiques 
dans  l'Angleterre,  il  les  rendit  mutuellement 
indépendantes  l'une  de  l'autre,  pour  se  confor- 
mer aux  lois  de  l'Eglise,  dontce  pa[ie  était  très- 
rigoureux  observateur.  Enfln,  Hincmar  nous 
enseigne  que  quoique  Trêves  fût  la  capitale  de 
la  première  Relgicjue,  et  Reims  de  la  seconde, 
c'avait  été  néanmoins  une  coutume  inviolable, 
que  celui  qui  était  ordonné  le  premier  tenait 
le  premier  rang  entre  ces  deux  métropolitains. 
«  Ecclesiœ  Remensis  et  Trevensis,  comprovin- 
ciales  atque  sorores,  ex  autoritate  et  ex  anti- 


qua  ccmsnetndiiif  liabenlur  :  ea  conditione  ut 
qui  prior  eoinm  fueril  cpiscopus  o['dinatns, 
priori'tiani  habeatur  in  s\nodo,  et  sibi  nuituo 
consilio  et  auxilio  foveautur,  atque  fulcianlur 
(Flodoart,  1.  m,  c.  13  et -20;.  » 

Cette  disposition  dont  parle  Hincmar,  qui 
faisait  une  si  sainte  confédération  entre  ces 
deux  provinces  par  leur  union  dans  un  même 
concile,  est  fort  semblable  à  celle  que  le  pape 
saint  Grégoire  voulut  établir  dans  r.\ogleterre, 
et  à  celle  qui  était  en  usage  dans  les  premiei-s 
siècles  de  l'Eglise,  où  plusieurs  métropolitains 
s'assemblaient  et  composaient  des  synodes , 
selon  que  les  besoins  de  l'Eglise  et  les  lois  de 
la  charité  fraternelle  les  y  portaient. 

II.  Au  reste,  afin  que  la  qualité  de  primat  ne 
fût  plus  usuri)ée  par  d'autres  que  par  ceux  qui 
en  avaient  un  droit  certain  fondé  sur  la  déléga- 
tion du  pape  et  sur  l'agrément  des  évêques  de 
la  nation  ,  et  que  les  métropolitains  ne  préten- 
dissent plus  user  de  ce  titre,  sous  le  prétexte 
spécieux  que  tous  les  métropolitains  en  avaient 
autrefois  usé  ,  il  fallut  que  Charlemagne  en  fit 
une  constitution.  Elle  se  lit  dans  les  Capitu- 
laires,  et  la  justice  en  est  fondée  sur  ce  que  la 
police  nouvelle  de  l'Eglise  avait  changé  la  si- 
gnification de  ce  mot,  et  le  nom  de  primat  était 
consacré  aux  vicaires  du  Siège  apostoliquedans 
l'Occident.  «  Ne  alii  metropolilani  appellentur 
primates,  nisi  illi  qui  primas  sedes  tenent ,  et 
quos  sancti  Patres  synodali  et  apostolica  auto- 
ritate primates  esse  decreverunt.  Reliqui  vero 
qui  alias  metropolitanas  sedes  sunt  adepti  non 
primates,  sed  metropolilani  vocentur  i^  L.  vu  , 
c.  336,.  » 

III.  Quant  aux  pouvoirs  des  primats  dans 
l'étendue  de  leur  ressort,  nous  les  avons  assez 
fait  connaître  en  diverses  rencontres.  Le  pape 
Léon  les  a  presque  tous  rassemblés  dans  sa 
lettre  a  .Vnastase,  évéque  de  Thessalonique 
lEpist.  Lxxxvi,  c.  0). 

Car  il  lui  apprend  que  c'est  à  lui.  1'  A  confir- 
mer les  évêques  et  les  métropolitains  élus 
avant  qu'on  puisse  les  ordonner.  2"  A  terminer 
les  différends  qui  n'auront  pu  être  décidés  dans 
les  conciles  provinciaux.  3"  A  convoquer  le 
concile  national  de  toute  sa  primatie.  4°  A  veil- 
ler sur  toutes  les  Eglises  de  leur  déparlement, 
et  V  faire  exactement  observer  la  sainteté  de  la 
discipline  ecclésiastique,  avec  ordre  d'informer 
le  pape  des  désordres  auxquels  ils  ne  pourront 
pas  remédier.  5°  Enfin  c'était  aux  primats  à 
donner  des  lettres  formées,  ou  des  lettres  de 


172 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TREiNTE-DEUXIÈME. 


communion  aux  métropolitains,  aux  évèques 
et  aux  autres  ecclésiastiques  qui  sortaient  de 
leurs  pays,  et  s'absentaient  de  leurs  Eglises. 

IV.  Il  ne  nous  reste  plus  qu'un  point  à  éclair- 
cir  sur  le  sujet  des  primats  ou  vicaires  apostoli- 
ques, c'est  le  consentement  des  princes  et  des 
évèques  de  la  nation.  Charlemagne  vient  de 
nous  dire  que  les  primats  sont  établis  par  l'au- 
torité des  synodes  et  du  pape.  «  Synodali  et 
Apostolica  autoritate.  »  Voilà  le  consentement 
des  évèques  du  pays.  L'empereur  Justinien 
obtint  lui-même  des  papes  la  primatie  de  la 
première  Justinienue.  Ce  furent  apparemment 
les  rois  deLombardie  qui  appuyèrent  le  primat 
ou  le  patriarche  d'Aquilée. 

Nous  avons  dit  que  Contran  étant  roi  ou  tu- 
teur des  rois  ses  neveux  dans  toute  la  France, 
commença  apparemment  à  autoriser  la  qualité 
de  patriarche,  donnée  à  l'évêque  de  Lyon.  Le 
pallium  qui  était  la  marque  de  cette  primatie, 
ne  fut  longtemps  donnée  par  le  pape  aux  évè- 
ques, que  du  consentement  des  empereurs,  et 
à  la  demande  des  rois.  Le  pape  Pelage,  qui 
donna  la  primatie  à  Arles  dans  tout  le  royaume 
de  Childebert ,  était  sans  doute  d'intelligence 
avec  ce  roi.  Aussi  ce  ne  fut  qu'à  sa  demande 
qu'il  envoya  le  pallium  avec  son  vicariat  à  cet 
évêque  :  «  Litteras  nostras  pra?fato  Consacerdoti 
nostro  Sapaudo,  secundum  petitionem  vestram 
direximus,  usum  pallii  pariter  concedentes 
(Pelag.  ep.  vu).  » 

C'est  ce  que  Pelage  en  écrivit  au  roi  Childe- 
bert. Carloman,  duc  et  prince  des  Français, 
établit  le  légat  du  pape  Boniface  dans  ses  pou- 
voirs d'archevêque,  avec  le  concile  de  Liptines 
tenu  en  743  :  «  Per  concilium  sacerdotum  reli- 
giosorum  et  optimatum  meorum  ordinavimus 
per  civitates  episcopos,  et  constituimus  super 
eos  archiepiscopum  Bonifacium  (Con.  Lipt. 
Can.  i).  » 

.1  .'> 


Le  pape  Zacharie  écrivit  aux  évèques  de 
France  et  d'Allemagne  touchant  le  vicariat 
qu'il  donnait  à  Boniface  pour  les  fortifier,  et 
pour  travailler  avec  eux.  «  Habetis  itaque  no- 
stra  vice,  ad  confirmandam  dilectionem  ve- 
stram, et  coUaborandum  vobis  in  Evangelio 
Cbristi,  Bonifacium  archiepiscopum,  aposto- 
licae  Sedis  legatum,  et  nostrum  praesentantem 
vicem  (Conc.  Cal.  tom.  i,  p.  349) .»  Le  pape  saint 
Grégoire  écrivit  plusieurs  lettres  aux  rois  d'An- 
gleterre lorsqu'il  y  envoya  Augustin  pour  y 
rétablir  les  Eglises.  Nous  avons  montré  que  ce 
fut  à  la  demande  du  roi  Cindesiunthe  que  le 
pape  transféra  la  primatie  de  Séville  à  Tolède. 

V.  11  est  inutile  de  disputer  sur  les  bornes 
du  pouvoir,  ou  des  princes  ou  des  papes,  ou 
des  évèques  à  la  rigueur.  Ces  questions  sont 
ordinairement  aussi  bien  sans  fruit  que  sans 
fin.  Il  vaut  mieux  s'arrêter  à  ce  qui  s'est  fait 
avec  la  satisfaction  et  lutilitè  publique  qu'à 
ce  qui  peut  se  faire  :  et  aux  règles  de  la  charité 
qui  anime  tout  le  corps  de  l'Eglise  qu'aux 
prétentions  ou  ambitieuses  ou  suspectes,  et 
contestées  de  ceux  qui  dans  le  gouvernement 
sacré  ou  politique  ne  recherchent  qu'une 
fausse  gloire  et  une  fausse  satisfaction  ;  parce 
qu'elle  est  détachée  du  bien  public.  L'autorité 
et  les  bonnes  intentions  de  ceux  qui  gouver- 
nent l'Eglise  demeurent  sans  effet,  si  elles  ne 
sont  secondées  par  les  souverains  du  monde  : 
et  les  ordonnances  des  souverains  pasteurs, 
quelque  justes  et  saintes  qu'elles  puissent  être, 
n'ont  pas  eu  le  succès  qn'on  en  devait  attendre, 
si  elles  n'ont  été  ou  faites  ou  reçues  avec  la 
bonne  intelligence  et  la  correspondance  des 
évèques  des  royaumes  particuliers  où  elles 
étaient  destinées.  Il  est  donc  nécessaire  que  ces 
trois  puissances  concourent,  pour  faire  heu- 
reusement réussir  ces  entreprises,  où  elles  ont 
toutes  trois  si  grande  part. 


.1  /\ 


i.Hij 


DES  PRIMATS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


173 


CHAPITRE   TRENTE-TROISIÈME. 


DES   PRIMATS   OU    EX.\RQIES   DAKS    L  OCCIDENT    ET   DA>'S  L  ORIENT   SOUS    L  EMPIRE    DE    CHARLEMAGNE 

ET   SES    SUCCESSEURS. 


I.  Les  primats  de  l'Occident  n'ont  été  que  des  vicaires  du 
Saint-Siège.  Depuis  le  renversement  delà  primalie  d'Arles, saint 
Boniface  a  été  le  premier  honoré  de  cette  dignité  qui  fut  per- 
sonnelle. 

II.  Drogon,  archevêque  de  Metz ,  et  fils  de  Charlemagne ,  en 
fut  honoré  par  le  pape  Serge  II.  Les  évèques  de  France  résis- 
tèrent vigoureusement  à  cette  nouveauté.  Drogou  fit  admirer  sa 
modestie  en  cédant. 

III.  Anségise ,  archevêque  de  Sens,  fut  honoré  du  même  vi- 
cariat apostolique  par  le  pape  Jean  VIU.  Les  évèques  de  France 
résistèrent  coustamment  aux  instances  du  pape  et  à  celles  de 
l'empereur. 

IV.  La  primalie  d'Anségise  n'était  que  personnelle.  Diverses 
preuves  de  cela. 

V.  Du  vicariat  accordé  par  le  même  pape  Jean  VIII  k  Ros- 
taing,  archevêque  d'Arles. 

VI.  Si  l'archevêque  de  Lyon  ne  se  disait  point  aussi  primat. 

VII.  Capitulaire  de  Charlemagne  qui  défend  aux  simples  mé- 
tropolitains de  s'appeler  primats. 

VIII.  Hinc.mar  appelle  primats  tons  les  métropolitains,  qui  re- 
lèvent immédiatement  du  pape.  Difficultés  contre  ce  sentiment. 

IX.  L'archevêque  Tilpin  de  Reims  ne  fut  qu'un  simple  métro- 
politain. 

X.  Du  primat  de  Cantorbéry. 

XI.  De  celui  de  Tolède. 

XII.  Bourges  a  été  la  seule  primatie  véritable  sous  la  race  de 
Charlemagne. 

XIII.  Si  l'évêque  de  Pavie  a  été  primat. 

XIV.  Dans  l'Orient  toutes  les  primaties  furent  aussi  purement 
titulaires  sans  exercice  de  juridiction. , 

1.  Les  primats  ou  exarques  sont  les  mêmes 
que  les  patriarches,  comme  il  vient  de  paraître 
par  I'e.\emple  du  patriarche,  c'est-à-dire  du 
primat  de  Bourges,  qui  ne  prit  le  titre  extraor- 
dinaire de  patriarche  que  parce  qu'il  fut  le 
primat  de  tout  un  royaume.  Les  capitales  des 
royaumes  d'Orient  et  d'Egypte  ,  Antioche  et 
Alexandrie,  pour  ne  pas  parler  de  Rome  et  de 
Coiistantinople,  furent  aussi  les  sièges  des  an- 
ciens patriarches. 

Mais  ces  primaties  occidentales  n'ont  été  ef- 
fectivement que  des  commissions  personnelles 
ou  perpétuelles,  et  des  vicariats  du  Siège  apos- 
tolique, qui  est  le  seul  patriarcat  de  tout  l'Oc- 
cident. Aussi  Honiface,  archevêque  de  Mayence, 
après  avoir  exercé  une  semblable  primatie 
l'espace  de  trente-six  ans,  ne  se  donne  que  la 
qualité  de  légat,  écrivant  au  pape  Etienne  IL 
«  Si    quid    in    ista  legatione  Romana,   qua 


per  XXX  et  vi  annos  fungebar,  utililatis  peregi, 
adhuc  augere  desidero  (Tom.  ii.  conc.  Gai. 
pag.  7,  74,  73). » 

Le  pape  Adrien  I"  lui  donne  la  même  qua- 
lité écrivant  à  Tilpin,  archevèr|ue  de  Reims. 
Mayence  était  assurément  métropole ,  puis- 
qu'elle était  chef  de  la  première  Germanique  ; 
et  quand  Othcn,  qui  a  écrit  la  vie  de  saint  Boni- 
face,  semble  le  nier,  il  entend  seulement  parler 
de  ce  temps  funeste  qui  avait  presqu'anéanti 
toutes  les  métropoles  de  la  France,  comme  le 
même  saint  Boniface  nous  a  appris  ailleurs. 
Ce  que  nous  allons  rapporter  fera  voir  assez 
clairement  que  cette  dignité  primatiale  de 
Mayence  sur  Cologne  et  sur  les  autres  mé- 
tropoles d'Allemagne ,  n'a  point  passé  aux  suc- 
cesseurs de  saint  Boniface. 

IL  Après  la  mort  de  saint  Boniface  (An- 
no  844),  le  premier  qui  fut  honoré  du  vicariat 
apostolique  fut  Drogon,  évèque  ou  archevêque 
de  Metz.  Car  étant  oncle  de  l'empereur  Lo- 
thaire,  et  étant  allé  à  Rome  par  ses  ordres,  le 
pape  Serge  II  crut  obliger  toute  la  maison 
royale  en  conférant  à  ce  prince  cette  légation 
sur  les  Gaules  et  sur  l'Allemagne.  Hincmar  ne 
peut  s'empêcher  de  témoigner  sa  joie  de  ce 
que  durant  quatre-vingt-dix  ans,  qui  s'écou- 
lèrent entre  la  mort  de  saint  Boniface  et  la 
nomination  du  légat  Drogon,  les  métropoli- 
tains de  France  n'avaient  relevé  d'aucun  pri- 
mat et  avaient  gouverné  leurs  Eglises  dans  la 
seule  indépendance  du  pape  et  des  rois  :  «  Ila- 
ctenus  provinciae  Cisalpina3,  temporibus  Pipiui 
régis  et  Caroli,  ac  Ludovici  imperatorum,  sine 
hoc  primicerio  vel  primate  a  Sede  apostolica 
delegato,  annos  circiter  nonaginta  viginli  très 
manserunt ,  metropolitanis  singulis  suo  jure 
servato  ,  apostolicse  Sedis  favore  et  principum 
suorum  dispositione  (Hincm.  tom.  i,  p.  727).» 

Ce  courageux  prélat  après  avoir  bKàmé  l'am- 
bition de  Drogon,  «  Fastu  regiœ  prosapia»  sub- 
vectus,  »  nous  apprend  après  cela  à  admirer  la 


17i  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-TROISIÈME. 


sagesse  et  la  modestie  avec  laquelle  il  céda  à  la 
résistance  que  les  métropolitains  de  France 
firent  à  une  dignité  qui  ne  s'élevait  qu'en  les 
rabaissant.  «  Quod  affectu  ambiit  eifeciu  non 
lialiuit  ;  et  quod  efficacia^usu,  nonconsentienti- 
bus,  (|uibus  intererat,  obtinere  non  potuit,  pa- 
lienlissime,  ut  eiun  decuit,toleravit;  ne  scanda- 
lum  fratribus  et  consacerdotibus  generans,  schi- 
sma  in  sanctam  Ecclesiani  introduceret.  Quem 
tantœ  generositalis  ac  dignitalis  virum,  quis- 
(|ue  noslrum  imitari  debuerat,  ne  indebite 
appeteret,  quod  non  babebat,  qui  sine  conten- 
tione  non  exequi  pertulit,  quod  adeptusfuerat.» 

Le  pape  Serge,  dans  sa  lettre  aux  évêques  de 
France,  pour  l'établissement  de  cette  nouvelle 
dignité,  avait  fait  briller  à  leurs  yeux  la  iiualilé 
de  flls  de  Charlemagne ,  de  frère  et  oncle  de 
tant  d'empereurs  et  de  rois,  sans  oublier  la 
sainteté  de  vie  et  l'érudition  de  Drogou.  Mais 
on  peut  dire  avec  vérité  que  Drogon  s'éleva  au- 
dessus  même  de  tous  ces  éloges,  et  au-dessus 
même  de  cette  dignité  par  le  mépris  qu'il  en 
fit,  en  cédant  si  modestement  à  une  opposition 
qu'il  eût  apparemment  bien  pu  vaincre,  étant 
soutenu  de  l'autorité  du  pape,  de  l'empereur 
et  des  rois. 

Le  Concile  II  de  Yernon  célébré  en  8ii élu- 
da d'abord  la  proposition  qu'on  lui  fit  de  cette 
nouveauté,  en  confessant  que  Drogon  avait 
tout  le  mérite  nécessaire,  mais  qu'on  ne  pou- 
vait rien  résoudre  sans  une  assemblée  plus 
nombreuse  des  métropolitains  de  France  et 
d'Allemagne,  que  celte  atlaire  intéressait  : 
H  Expectandum,  quam  maximus  cogi  potest, 
Galliic  Germanique  conventum,  et  in  eo  metro- 
politanoruui  reliquorumciue  antistilum  inqui- 
rendum  esse  consensum,  cui  resistere  nec 
volumus,  nec  valemus  (Can.  i).  » 

Ainsi  de  part  et  d'autre  on  garda  toutes  les 
mesures  respectueuses  de  la  civilité  et  de  la 
modestie.  Drogon  se  contenta  d'avoir  une  fois 
présidé  au  concile  de  Metz,  et  de  jouir  du  pal- 
lium  <|ue  Louis  le  Débonnaire  lui  avait  obtenu 
de  Rome,  avec  les  titres  d'A])ocrisiairedu  pape 
et  d'arcbichapelain  de  l'empereur.  «  Ut  una 
cuni  pnndicto  ministerio  et  imperatoris,  et 
apostolicœ  Sedis,  etiam  usu  pallii  poliretur.  » 
C'est  peut-être  pour  cela  qu'il  est  si  souvent 
appelé  arcbevèque  de  Metz,  quoicjue  Metz  n'ait 
jamais  été  (ju'un  évêclié. 

m.  Peu  d'années  après  l'empereur  Charles 
le  Chauve  paiaissaut  lui-même  au  concile  de 
Ponlion,  tenu  eu  870,  eu  qualité  de  légat  du 


pape,  avec  les  autres  légats  envoyés  de  Rome, 
présenta  à  ce  concile  une  lettre  du  pajjc 
Jean  VIII,  par  laquelle  il  donnait  la  légation  ou 
le  vicariat  apostolique  sur  les  Gaules  et  sur 
l'Allemagne  au  delà  du  Rhin,  à  Anségise ,  ar- 
chevêque de  Sens.  Ce  prélat  avait  peu  aupa- 
ravant fait  le  voyage  de  Rome,  où  par  son 
adresse  et  par  ses  secrètes  négociations  il  avait 
procuré  l'empire  à  Charles  le  Chauve. 

Les  pouvoirs  de  cette  primatie  consistaient 
à  assembler  des  conciles,  à  y  terminer  les  plus 
importantes  affaires,  faire  savoir  aux  autres 
évêques  les  décrets  et  les  résolutions  du  Siège 
apostolique  ;  enfin  à  informer  le  pape  de  ce 
qui  se  passe  de  plus  considérable  dans  les  Eglises 
de  sa  légation.  «  Ut  quoties  ecclesiastica  utilitas 
diclaverit,  sive  in  evocanda  synodo ,  sive  in 
aliis  negotiis  exercendis,  per  Gallias  et  Germa- 
nias  apostolica  vice  fruatur,  et  décréta  Sedis 
apostolicae  per  ipsum  episcopis  manifesta  effl- 
ciantur;  etrursum  quœgestafuerint,  ejusrela- 
tione  si  necesse  fuerit  apostolicœ  Sedi  pandan- 
tur,  et  majora  negotia  ac  dilficiliora  quœque 
suggestione  ipsiusasede  apostolica  disponenda 
et  enucleauda  quœrantur.  » 

Les  évoques  ne  purent  obtenir  de  l'empe- 
reur qu'il  leur  laissât  lire  la  lettre  du  pape 
(jui  leur  était  adressée  sur  ce  sujet.  Aus^i  l'em- 
pereur ne  juit  tirer  d'eux  autre  réponse,  si  ce 
n'est  qu'ils  obéiraient  aux  commandements  du 
pape,  sauf  les  privilèges  de  leurs  métropoles, 
conformément  aux  canons  et  aux  décrets  du 
Saint-Siège ,  conformes  aux  mêmes  canons  : 
a  Ut  servato  singulis  metropolitanis  jure  pri- 
vilegii,  secundum  sacros  canoncs,  et  juxta  dé- 
créta Ronianœ  sedis  pontificuni  ex  eisdem 
sacris  canonibus  promulgata,  domni  Joannis 
papœ  apostolicis  jussionibus  obedirent.  » 

L'emiiereur  fit  tous  ses  efforts  pour  tirer  de 
leur  bouche  une  promesse  d'obéir  absolument 
à  la  volonté  du  pape;  il  leur  déclara  que  le 
pape  l'avait  chargé  lui-même  de  la  légation  du 
Saint-Siège  dans  le  concile  :  «  Tune  imperator 
dixit  quod  domnus  A|)()sloliciis  ei  vices  suas 
commisit  in  synodo.  »  Mais  après  tout  cela , 
les  métropolitains  ne  relâchèrent  rien  de  leur 
invincible  fermeté.  L'em[)ereur  fit  mettre  vm 
siège  pliant  au-dessus  de  tous  les  évêques,  et 
y  fit  asseoir  Anségise.  Mais  le  généreux  Hinc- 
mar,  archevèijue  de  Reims,  protesta  à  haute 
voix  (jue  c'était  une  injure  qu'on  faisait  aux 
canons  :  «  Hoc  factum  sacris  regulis  obviare.  » 
11  n'y  eut  que  Frotarius,  archevêque  de  Bor- 


DES  TRIMATS  SdlS   CIIARLEMAGNE. 


ilcaux,  qui  promit  d'obéir  à  reiiipureur,  par 
la  faveur  duquel  il  avait  passé  de  l'Eglise  de 
Bordeaux  à  celle  de  Poitiers,  et  de  celle  de  Poi- 
tiers à  celle  de  Bourges. 

L'empereur  persistant  dans  sa  résolution  fit 
proposer  la  même  chose  dans  une  autre  ses- 
sion par  le  légat  Jean ,  évoque  de  Toscanelle  , 
et  par  les  autres  légats  du  pape,  qui  lurent  sa 
lettre  ;  mais  nos  évècjues  réyiondirent  avec  la 
même  constance  ,  qu'ils  rendraient  au  jiape 
l'obéissance  canonique  que  leurs  prédécesseurs 
avaient  rendue  à  ses  prédécesseurs  :  et  comme 
l'empereur  n'était  pas  présent,  cette  réponse 
fut  reçue  plus  civilement.  «  Et  respondenti- 
bus  singulis  arcliiepiscopis  .  quod  veluti  sui 
antecessores  illius  anlecessoribus  regulariter 
obedierunt,  ita  ejus  decretis  vellent  obedire  : 
tune  facilius  est  illorum  admissa  responsio, 
quam  fuerat  in  imperatoris  prœsentia.  » 

Enfin  l'empereur  et  les  légats  du  pape  firent 
une  dernière  tentative  avec  plus  de  force,  et 
avec  des  plaintes  concertées  contre  la  dureté 
et  la  désobéissance  de  nos  évèques;  mais  Ansé- 
gise  ne  se  trouva  pas  plus  avancé  à  la  fin  qu'au 
commencement  de  son  ambitieuse  poursuite. 
«Tandem  in  novissimo. quantum etinprincipio 
synodi  exinde  Ansegisus  oblinuit.  a 

Il  se  trouve  néanmoins  à  la  fin  des  actes  de  ce 
concile  une  acceptation  faite  par  les  évèques 
de  la  primatie  d'Anségise.  Mais  comme  il  n'y 
est  point  remarqué  quels  étaient  ces  évèques, 
il  y  a  toutes  les  apparences  du  monde  que  ce 
fut  cet  acte  secret  des  légats  dAnségise  et 
d'Odon,  évèque  de  Beauvais,  qu'ils  avaient  ga- 
gnés, dont  il  est  parlé  ensuite  des  termesprécé- 
dents  :  «  Post  quœ  legit  Odo  Belgivacorum  epi- 
scopus  qusedam  capitula  ;  a  legatis  apostolicis, 
et  ab  Ansegiso,  et  eodem  Odone  sine  conscien- 
tia  synodi  inter  se  dissona,  et  nuUam  utilita- 
tem  habentia;  verum  et  ratione  et  utilitate 
carentia.  Et  ideo  hic  non  habentur  subjuncta. 
(L.  y,  c.  33).  «C'est  peut-être  pour  cela  que  cet 
acte  est  mis  à  la  fin,  comme  une  pièce  hors 
d'oeuvre.  Aussi  il  a  été  omis  par  Aimon,  qui 
rapporte  fidèlement  les  décrets  de  ce  concile. 

IV.  Il  y  en  a  néanmoins  qui  croient  que  cet 
acte  même  ne  donnait  qu'une  légation  person- 
nelle à  Anségise,  et  non  pas  une  primatie  cons- 
tante, qui  [lassàt  h  ses  successeurs.  En  effet,  il 
n'y  est  point  parlé  de  ses  successeurs,  ni  de  son 
siège,  mais  de  sa  seule  jiersonne.  Et  la  lettre 
du  pape  même,  qui  accordait  à  Anségise  cette 
dignité  extraordinaire,  déclare  formellement 


ijuc  c'est  la  récompense  du  mérite  personnel, 
de  la  sagesse,  de  la  piété,  et  de  la  fidélité  d'Au- 
ségise  envers  le  Saint-Siège.  «  Talem  quippe 
illuin  agnovimus,  talem<jue  circa  Sedem  apo- 
tolicam  devotum  et  in  commisso  fidelem  repe- 
riinus,  ut  merito  ei  falia  connnitti  posse  duca- 
mus;  quin  et  bis  majora  conferri  debere  illi 
sine  cunctatione  credamus,  pro  sua  scilicct 
sanctitate  et  fidei  merito,  atque  divinitus  sa- 
pientiiïï  dono  concesso.  »  Comme  ces  raisons  et 
ces  avantages  n'avaient  nul  ra[)port  au  siège  et 
à  l'Eglise  d'Anségise,  aussi  il  faut  confesser  de 
bonne  foi  que  la  dignité  dont  il  était  récompensé, 
était  uniquement  affectée  à  sa  personne. 

On  pourrait  même  douter  si  Anségise  ne  fut 
pas  assez  malheureux  pour  perdre  en  même 
temps  l'affection  et  l'estime  de  ce  pape,  qui  se 
plaignit  au  même  empereur  de  son  peu  de  fi- 
délité 'E[)ist.  xvii).  Au  moins  il  est  certiiin 
que  le  même  pape  Jean  VIII  ayant  tenu  le  con- 
cile II  de  Troyes  deux  ans  après,  Hincmar  y 
parut  et  y  souscrivit  avant  Anségise.  Le  pape 
Jean  écrivant  la  même  année  à  cinq  archevê- 
ques de  France,  mit  Anségise  après  Hincmar 
(Anno  878.  Marca  de  Primatu  Lugdun.  pag. 
143).  Flodoard  dit  que  Hincmar  résista  effica- 
cement aux  entreprises  d'Anségise.  «  Cui  cona- 
tui  hic  venerabilis  pra?sul  efficaciter  obstitit 
(L.  m.  c.  f28.  Flodoar.  Hist.  Bemens.)  .  » 

Nous  justifierons  encore  plus  clairement  que 
la  primatie  d'Anségise  était  purement  person- 
nelle, et  que  ses  successeurs  n'y  eurent  aucune 
part,  en  faisant  voir  une  grâce  pareille  accor- 
dée plus  de  cent  ans  après  à  un  de  ses  succes- 
seurs, mais  accordée  comme  une  grâce  toute 
nouvelle,  à  laquelle  ni  la  succession  d'Anségise 
ni  le  siège  métropolitain  de  Sens  ne  lui  donnait 
aucun  droit.  Séguin,  archevêque  de  Sens,  pré- 
sida au  concile  de  Reims  en  l'an  99-2  comme 
légat  du  pape  Jean  XV.  Arnoul,  archevêque  de 
Reims,  y  fut  déposé  malgré  les  oppositions  de 
Séguin,  légat  et  président. 

Trois  ans  après  (Anno  993)  les  légats  du 
pape  se  plaignant  de  l'attentat  qu'on  avait  fait 
contre  les  droits  du  Siège  apostolique,  en  dépo- 
sant un  évèque  sans  son  aveu,  les  évèques  de 
France  défendirent  leurinnocence,  en  disantque 
Séguin  avait  présidé  à  leur  concile,  comme 
ayant  renouvelé  la  légation  et  le  vicariat  apos- 
tolique dont  il  avait  été  investi  par  le  pape 
Jean,  et  dont  il  exerçait  encore  les  fonctions  du 
gré  de  tous  les  évèques  de  France.  «  Certe  Se- 
guinus  venerabilis  vita'  Seuoneusium  archie- 


176 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-TROISIÈME. 


piscopus,  Dominipapa'  Joannis  vices  per Gallias 
sibi  créditas  innovavit,  et  ita  a  latere  apostoli- 
cum  decreto  privilegii  veniens,  ejus  \ices 
usque  ad  pru'sens  ,  oniiiiuni  episcoporum  Calliae 
consensu  proseculus  est.  In  hujus  ergo  prœ- 
sentia  Arnulphus  se  ipsuni  sacerdotio  exuit.  » 

Ces  paroles  montrent  clairement  (jue  le  pri- 
vilège d'Anségise  était  absolument  éteint  avec 
sa  personne,  et  que  Séguin  le  renouvela  com- 
me une  nouvelle  grâce  du  pape,  non  pas  comme 
la  continuation  d'une  ancienne  faveur. 

La  cbronique  d'Auxerre  dit  que  Léotlieric, 
successeur  de  Séguin,  obtint  aussi  la  légation 
apostoliiiue  avec  le  pallium.  En  cela  elle  est  a 
croire,  mais  non  pas  quand  elle  dit  que  les  ré- 
sistances de  Hincmar  à  Anségise  furent  vaines. 
Le  moine  de  Sens  Odorant  n'est  i)as  plus  à 
ci'oire,  quand  par  une  partialité  toute  visible  il 
fait  d'Anségise  un  secotid  pape  dans  la  France, 
et  fait  passer  à  ses  successeurs  cette  primatie. 

Les  preuves  que  nous  avons  apportées  du 
contraire  sont  sans  comparaison  d'un  plus 
grand  poids.  Et  la  falsification  d'Odorant  est  évi- 
dente, quand  il  ajoute  à  l'extrait  de  la  lettre  du 
pape  Jean  VIII  que  cette  primatie  passera  aux 
successeurs  d'Anségise,  de  quoi  la  lettre  ne  dit 
pas  un  seul  mot. 

V.  Les  aventures  d'Anségise  nous  font  pres- 
que douter  des  lettres  du  même  pape  Jean 
VIII  à  l'archevêque  d'Arles  Rostaing,  et  aux 
évêques  des  Gaules  pour  établir,  ou  plutôt  pour 
continuer  l'ancienne  primatie  d'Arles  (Epist. 
xciu,  xciv,  xcv).  Voici  les  termes  delà  lettre  de 
ce  pape  à  l'archevêque  :  «  Uuod  juxta  antiquum 
morem  usum  [)allii  ac  vices  Sedis  apostolicœ 
postulasti,  et  quia  cunctis  liquet  unde  in  Gal- 
liarum  regionibus  fides  sancta  prodierit,  cum 
priscam  consuetudinem  Sedis  apostolicœ  vestra 
fraternitas  repetit,  quid  aliud  quam  bona  so- 
boles  ad  sinuni  matris  recurrit?  Libenti  ergo 
aninio  postulata  concedimus,  etc.  »  (Toni.  ui. 
Conc.  Gai.  I.  p.  466). 

Est-il  vraisemblable  que  ce  pape  ait  voulu 
établir  en  même  temps  deux  primaties  incom- 
patibles à  Sens  et  à  Arles,  puisqu'elles  embras- 
sent également  toute  la  France  ?  Le  succès  peu 
favorable  de  la  primatie  d'Anségise  n'eût-il 
pasété  capable  de  tem[ièrer  l'ardeur  de  ce  pape, 
et  de  le  détourner  de  rien  jamais  entreprendre 
de  semblable?  Et  (juelle  apparence  y  a-til, 
qu'ayant  donné  aux  instantes  prières  de  l'em- 
pereur cette  nouvelle  dignité  à  .\nségise,  il 
l'ait  lui-même  aussitôt  renversée,  en  établissant 


deux  ans  après  une  autre  primatie  dans  les 
Gaules  ? 

Les  évêques  de  France  qui  avaient  si  vigou- 
reusement résisté  à  l'empereur,  même  en  sa 
présence,  et  au  légat  du  pape,  pour  ne  pas 
souffrir  le  nouveau  joug  de  la  primatie  d'Ansé- 
gise, qui  ne  devait  être  que  personnelle,  de- 
meurèrent-ils nuiets  et  insensibles  à  leur  inté- 
rêt, i]uand  on  établit  celle  de  Rostaing,  qui  était 
perpétuelle?  Le  pape  vint  tenir  en  France  le 
concile  de  Troyes  en  la  même  année  (An.  878); 
comment  n'y  eùt-il  pas  mis  Rostaing  en  posses- 
sion de  ce  bienfait?  Et  comment  Rostaing  eùt-il 
souscrit  à  ce  concile  de  Troyes,  non-seulement 
après  Hincmar  et  Anségise,  mais  aussi  après  les 
archevêques  de  Lyon  et  de  Narbonne?  Selon 
ces  lettres  du  pape  Jean,  ce  n'eût  été  qu'une 
continuation  de  l'ancien  vicariat,  si  longtemps 
possédé  par  les  archevêques  d'Arles.  Or  il  ne  se 
peut  rien  dire  de  plus  contraire  à  l'histoire.  Car 
nous  avons  montré  ailleurs,  que  dans  la  déroute 
de  la  maison  royale  de  Clovis  ,  l'Eglise  de 
France  fut  près  de  quatre-vingts  ans  sans  arche- 
vêques; que  saint  Boniface  fut  seul  archevêque; 
c'est-à-dire,  seul  vicaii'e  apostolique  jusqu'à 
sa  mort;  qu'après  sa  mort  jusqu'à  la  tenta- 
tive qu'on  fit  pour  Drogon ,  archevêque  de 
Metz,  l'Eglise  de  France  avait  été  gouvernée 
l'espace  de  quatre-vingt-dix  ans  par  ses  seuls 
métropolitains,  sous  l'autorité  du  pape ,  sans 
primat  et  sans  vicaire  apostolique.  Enfin,  la 
lettre  du  pape  Nicolas  I"  àRoland,  évêque  d'Ar- 
les, montre  clairement  que  les  évêques  d'Arles 
ne  jouissaient  d'aucune  primatie  [Xnno  364. 
Epist  Nicol.  ad  Roland.  10.  in  Appendic). 

Ce  n'était  donc  qu'un  titre  honoraire  que  les 
archevêques  d'Arles  ont  voulu  se  conserver,  et 
qu'Aurclien,  archevêque  d'Arles,  se  donnait  en- 
core dans  un  concile  de  Châlon,  un  peu  avant 
l'an  900.  «  Aurelianus  primas  totius  Gallias. 
(Anno  894.  Conc.  Gall.  cm,  pag.  3;j^.)  » 

VI.  Je  ne  sais  si  celui  de  Lyon  ne  prétendait 
point  aussi  au  même  titre  de  primat,  longtemps 
avant  que  Grégoire  Vil  liû  en  accordât  le  pri- 
vilège effectif.  Car  longtemps  avant  le  pontificat 
de  ce  pape,  saint  Odilon,  écrivant  la  vie  de  saint 
JIayeul,abbé  de  Cluny,  rend  ce  témoignage 
honorable  à  l'Eglise  de  Lyon,  qu'elle  a  toujours 
été  la  plus  considérée,  et  comme  la  capitale  de 
toutes  les  Eglises  de  France  :  «Deindeapud  liane 
urbein  pbilosoplii;e  niafrem  atque  nutricem^ 
et  quie  totius  Gallia^  antique  ex  more  et  Eccle- 
siastico  jure  non  immerito  retineret    arcem 


DES  PRIMATS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


177 


(Bibliot.  Clun.  pag-.  282).  A  quoi  on  peut  ajou- 
ter que  le  privilège  même  de  (irégoire  Vil 
semble  plutôt  conlirmer  rancienne  primatie  de 
Lyon,  (|ue  d'en  établir  une  nouvelle.  «  Confir- 
mamus  primatum  super  quatuor  provincias 
Lugdunensi  Ecclesiœ  tua;  et  per  eam  tibi  tuis- 
que  successoribus.  » 

VII.  C'est  aussi  peut-être  ce  qui  donna  lieu 
à  faire  cette  ordonnance,  qui  se  lit  dans  les  Ca- 
pitulaires  de  Cliarlemngne,  et  qui  défend  aux 
métropolitains  de  prendre  la  qualité  de  primats, 
s'ils  n'en  ont  reçu  le  titre  et  l'autorité  par  la 
concession  du  Saint-Siège. et  par  leconsentement 
d'un  concile.  «  Nulli  alii  metropoiitani  appel- 
lentur  primates,  uisi  illi,  qui  primas  sedes 
lenent,  etquos  sancti  Patres,  synodali  et  aposto- 
lica  autorilate  primates  esse  decreverunt.  Re- 
liqui  vero  qui  alias  metropolitanas  sedes  sunt 
adepti,  non  primates,  sed  metropoiitani  vo- 
centur  (L.  vu,  c.  3i).  » 

VIII.  En  efïet,  le  subtil  et  savant  Hincmar 
avait  donné  une  ouverture  dont  la  plupart  des 
métropolitains  de  France  pouvaient  abuser 
pour  enfler  leurs  titres  de  la  qualité  de  primat. 
Car  il  en  distingua  de  deux  sortes,  dont  les  uns 
étaient  primats,  parce  qu'ils  recevaient  les  ap- 
pels de  plusieurs  provinces  et  de  plusieurs 
métropolitains.  Les  autres  n'avaient  que  leur 
province,  mais  comme  ils  ne  relevaient  d'au- 
cun autre  primat  que  du  pape,  c'était  une  es- 
pèce de  primatie  de  ne  relever  d'aucun  pri- 
mat. 

Voici  la  description  de  ces  derniers,  car  les 
premiers  sont  véritables  primats,  qu'on  pour- 
rait appeler  les  petits  patriarches  :  «  Quidam 
arcbiepiscopi  vel  metropoiitani,  primates  pro- 
vinciarum  multotiesin  sacris  canonibus  inve- 
niuntur  :  illi  videlicet  (jui  sine  interrogatione 
alterius  primatis  valent  ordinari,  et  ex  anti(iurc 
consuetudinis  legea  Sede  apostolica  pallii  soient 
genio  insigniri  ;  et  sine  consulta  vel  licentia 
[irimatis  alterius  in  sua  provincia  possunt  epi- 
scopos  ordinare  (Opusc.  55,  ce.  10,  17).  » 

Il  s'ensuit  de  là  que  tous  les  métropolitains 
([ui  relèvent  immédiatement  du  pape  peuvent 
être  appelés  primats  ,  quoiqu'ils  n'exercent 
aucune  juridiction  sur  d'autres  métropolitains. 
«  Claret  eosdem  metropolitanos  primates  esse 
singulos  singularimi  provinciarum,  ([ui  ex  an- 
tiqua  consuetudine  et  apostolica  traditione,  et 
convocare  synodos  et  ordinare  episcopos ,  et 
ordinari  a  provincialibus 'coepiscopis  ,  sine 
cujusquam   alterius    primatis    interrogatione 

Th.  —  Tome  I. 


possunt,  et  disponere  regularilcr  quanjuc  per 
suas  provincias  (jUBunt.  » 

Or  il  est  manifeste  que  selon  cette  idée  de 
primatie,  tous  les  métropolitains  de  France  se 
pouvaient  appeler  primats  avant  la  création 
du  légat  Boniface,  et  ils  purent  reprendre  la 
même  (|ualité  après  la  mort  de  saint  Boniface. 
Car  nous  avons  appris  ci-dessus  du  même 
Hincmar,  que  quatre-vingt-dix  ans  s'étaient 
passés  depuis  le  martyre  de  saint  Boniface 
jusqu'à  la  tentative  que  fit  Drogon  pour  se  faire 
reconnaître  primat,  sans  (ju'il  y  eût  aucun  pri- 
mat ou  vicaire  ai)ostolique  en  France  ;Hincm. 
tom.  II,  pag.  731,.  Et  puisque  les  efforts  de 
Drogon,  d'Anségise  et  de  Rostaing  demeurèrent 
inutiles,  et  que  leur  primatie  ne  fut  jamais  re- 
connue, il  s'ensuivrait  que  tous  les  arche- 
vêques de  France  auraient  pu  être  appelés  pri- 
mats au  sens  d'Hincmar. 

11  est  bien  vrai  que  le  terme  de  primat,  pri- 
?7ias,  primœ  sedis  episcopus,  se  donnait  à  tous 
les  métropolitains  pendant  les  six  ou  sept  pre- 
miers siècles,  mais  ce  n'était  point  un  titre 
d'une  dignité  particulière,  et  distinguée  de 
celle  de  métropolitain.  C'était  au  contraire  un 
nom  très-modeste  pour  exprimer  la  qualité  et 
l'ordre  des  archevêques.  Aussi  les  évêques 
d'Afrique  affectèrent  cette  marque  singulière 
de  modestie  de  ne  point  prendre  la  qualité 
d'archevêque  ou  de  prince  des  évêques,  mais 
seulement  celle  d'évêque  du  premier  siège 
d'une  province. 

Hincmar  eût  pu  se  distinguer  des  autres 
métropolitains  si  les  papes  se  fussent  engagés 
envers  les  archevêques  de  Reims  de  les  exempter 
toujours  du  pouvoir  des  légats  ou  des  vicaires 
apostoliques  ou  extraordinaires  qu'ils  en- 
verraient en  France ,  ou  qu'ils  établiraient. 
Mais  ce  privilège  ne  parait  nulle  part,  et  il  n'y 
a  pas  d'apparence  que  les  papes  eussent  voulu 
se  lier  les  mains  pour  toujours. 

Hincmar  (Tom  ii,  p.  258)  dit  bien  que  son 
Eglise  de  Reims  n'avait  jamais  eu  d'autre  pri- 
mat que  le  pape,  excepté  ce  peu  de  temps 
([u'elle  avait  été  vacante,  et  qu'elle  avait  été 
régie  comme  en  commende ,  aussi  bien  que 
celle  de  Trêves,  par  le  saint  martyr  et  légat 
Boniface,  lorsque  Rigobert  en  l'ut  chassé  par 
violence  au  temps  de  Charles  Martel  :  «  Quai 
nunquam  excepto  Romano  pontitice  primatem 
babuit,  nisi  quandiu  ejecto  sine  uUo  crimine 
ab  ea  suo  pontifice  Rigoberto,  violentia  Milonis 
tyranni,  tempore   priucipis,  pastore  vacans, 

12 


178  nr  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-TROISIÈME. 


Boiiifacio  apostolicac  Sedis  legrato  aliquandiu  , 
sicut  et  Ecclesia  Treverensis,  commissa  fuit.  » 

Pour  justifier  la  singularité  de  ce  privilège, 
il  faudrait  faire  voir  que  toutes  les  autres  mé- 
tropoles de  France  obéirent  autrefois  à  la  pri- 
matie  d'Arles  sous  la  lignée  de  Clovis,  et  que 
celle  de  Reims  eu  fut  exempte.  Les  lettres  des 
papes  pour  le  vicariat  apostolique  d'Arles  ne 
font  aucune  exception  particulière  pour  Reims. 
Et  quand  les  métropolitains  français  firent  pa- 
raître une  résistance  si  vigoureuse  et  une  ré- 
solution si  inflexible  dans  les  conciles  de  Pon- 
tion  et  de  Troyes  contre  la  nouvelle  primatie 
d'Anségise  de  Sens,  Hincmar  se  signala  bien 
par  la  grandeur  de  son  courage,  mais  il  ne  mit 
aucune  différence  entre  son  Eglise  et  les 
autres  métropoles. 

Ainsi  il  est  clair  fqu'elles  avaient  toutes  la 
même  prétention  d'Hincmar  à  une  indépen- 
dance canonique  de  tout  autre  primat  que  du 
pape,  et  il  y  a  toutes  les  apparences  possibles 
que  si  Anségise  l'eût  emporté,  Hincmar  n'eût 
pas  été  moins  soumis  à  ce  nouveau  primat, 
que  les  autres  métropolitains  de  France.  11 
faut  faire  le  même  jugement  de  la  primatie  de 
Drogon,  à  laquelle  Hincmar  opposa  cette 
maxime  constante,  qu'il  était  de  l'honneur  du 
pape  et  des  rois  de  maintenir  tous  les  métropo- 
litains dans  leurs  droits  canoniques,  sans  les 
faire  dépendre  d'aucun  légat  ou  vicaire  apos- 
tolique, puisiiu'on  s'en  était  bien  passé  depuis 
la  mort  de  saint  Boniface.  «  Metropolitanis  sin- 
gulis  suo  jure  servato.  » 

IX.  Le  i)rivilége  donné  par  Adrien  I"  à  l'ar- 
cbevêque  Tilpin  de  Reims,  à  la  prière  de  Char- 
lemagne,  n'est  en  vérité  autre  chose  que  le 
piiviiége  commun  de  toutes  les  métropoles, 
(pioique  le  nom  de  primat  y  soit  compris  selon 
le  style  ancien,  où  primat  d'un  diocèse  n'est 
autre  que  métropolitain  d'une  province.  «  Re- 
mensem  episcopum  ctprimafem  illiusdiœcesis 
etc.  In  sola  subjectione  Romani  pontificis  i>er- 
manens,  diœcesin  et  parochiam  Remensem 
studeas  gubernare,  etc.  (Flodoard,  hist.  Rem. 
1.  iij  c.  17).  »  Nous  parlerons  plus  au  long  de 
ces  privilèges  des  métropoles  dans  la  suite. 

X.  Dans  l'Angleterre,  saint  Dunstan,  archevê- 
que de  Cantorbéry,  étant  allé  à  Rome,  y  reçut 
du  pape  le  pallium,  la  légation  apostolique,  et 
comme  parle  l'auteur  de  sa  vie,  le  patriarcat 
d'Angleterre.  «  Magnifiée  pontifex  illum  liono- 
ravit,  ac  slola  sui  apostolalus,  pro  qua  venerat, 
deccntissime  decoravit.  Sicque  delegata  ei  lega- 


tione  apostolico:'  Sedis  genti  Anglorum  pas- 
torem  dédit.  Itaque  vir  Dei  Roma  reversus,  et 
in  patriarchatum  primae  sedis  Brilanniarum 
receptus,  etc.  » 

XL  Quant  à  l'Espagne,  Alcuin  assure  qu'Eli- 
pand,  évèque  de  Tolède,  était  élevé  en  dignité 
au-dessus  de  tous  les  autres  ;  mais  il  y  a  beau- 
coup d'apparence  que  ce  n'était  qu'une  pré- 
séance d'honneur  qui  lui  avait  été  déférée  dans 
les  derniers  conciles  de  Tolède,  et  non  pas  un 
droit  de  recevoir  les  appels  des  autres  métro- 
politains, ce  qui  semble  être  la  propre  marque 
des  vrais  primats,  au  sens  que  nous  en  parlons. 
«  Elipantum  sicut  dignitate,  ita  etiam  perfidiœ 
malo  ]irimum  esse  in  partibus  illis  agnovi.» 

XII.  Il  résulte  de  toute  cette  énumération 
que  depuis  la  mort  de  saint  Boniface,  archevê- 
que de  Mayence,  durant  tout  le  règne  de  la 
famille  de  Charlemagne  il  n'y  a  point  eu  de 
primatie  véritable  et  certaine  dans  tout  l'Occi- 
dent, excepté  celle  de  Rourges  ;  et  s'il  y  en  a 
eu  quelque  autre,  celle  de  Cantorbéry  serait  la 
jilus  apparente.  Nous  verrons  ailleurs  l'éclair- 
cissement  de  celle-ci,  et  l'établissement  de 
toutes  les  autres  qui  ont  encore  quelque  lustre 
dans  le  monde. 

Je  n'ai  point  parlé  de  la  légation  que  le  pape 
Grégoire  IV  donna  à  saint  Ansgàrius,  archevê- 
que d'Hambourg,  sur  les  Danois,  les  Suédois, 
et  autres  peuples  septentrionaux,  comme  elle 
avait  auparavant  été  donnée  à  l'archevêque 
de  Reims  Ebbon,  au  rapport  de  saint  Remberl, 
dans  la  vie  de  saint  Ansgàrius,  dont  il  fut 
successeur.  Cette  légation  fut  purement  per- 
sonnelle, et  ne  passa  point  à  ses  successeurs. 
Nous  en  parlerons  plus  au  long  dans  la  suite. 
Il  faut  seulement  remarquer  ici  en  passant, 
que  lorsque  les  barbares  jusques  alors  incon- 
nus, sortant  de  leurs  pays  venaient  s'emparer 
de  quelque  province  de  l'empire,  ou  s'établir  sur 
ses  confins,  la  propagation  de  la  foi  exigeait 
que  l'on  envoyât  de  nouveaux  ministres  pour 
les  éclairer,  et  de  nouveaux  pasteurs  pour  les 
conduire.  Ces  fonctions  ont  été  le  plus  souvent 
conliées  à  des  vicaires  apostoliques  que  l'on 
choisissait  à  cet  effet. 

Cela  se  prouve  manifestement  par  ce  que 
nous  avons  dit  ci-dessus,  lorsque  nous  avons 
fait  voir  que  les  principaux  archevêques  onteu 
la  légation  apostolique  pour  veiller  au  salut 
(les  nations,  ou  nouvellement  converties  à  la 
loi,  ou  qui  donnaient  lieu  d'espérer  une  pro- 
chaine conversion,  comme  étaient  les  Francs 


DES  PRIMATS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


179 


dans  les  Gaules,  les  Visi-roths  dans  l'Espagne, 
les  Goths  et  les  Lombards  dans  l'Italie,  les  An- 
glais et  les  Saxons  dans  la  Grande-Bretagne. 

XlII.  On  peut  nous  opposer  une  lettre  du 
pape  Jean  VIII  Epist.  cxxxiv,  où  il  ordonne  aux 
archevêques  de  Milan  et  de  Ravenne,  et  à.  leurs 
suffragants  de  se  rendre  au  concile,  toutes  les 
fois  que  l'évêque  de  Pa\ie  ou  ses  successeurs  les 
y  appelleront,  pour  y  examiner  et  décider  avec 
lui  les  allaires  dont  le  poids  demandera  ces 
sortes  de  grandes  assemblées.  «  Autoritate 
apostolica  jubemus,  ut  quoties  vos  Joannes 
Ticinensis  episcopus  et  post  eum  sui  succes- 
sores  vos  vestrosque  vocaverint,  pro  emergen- 
tibus  quœstionibus  eximendis,  continuo  beato 
Petro  apostolo  obedientiam  exhibentes^  conve- 
nire  non  differatis.  » 

Cette  commission  paraît  néanmoins  d'abord 
si  extraordinaire,  qu'il  y  a  un  juste  sujet  de 
douter  si  ces  deux  grands  archevêques  y  dé- 
férèrent, ou  si  cène  fut  point  une  tentative  sans 
effet  et  sans  suite,  la  piété  des  souverains  pon- 
tifes cédant  à  l'opiiosition  des  parties  intéressées, 
ou  à  la  crainte  du  scandale  et  du  schisme, 
comme  il  a  paru  dans  les  exemples  de  Drogon 
et  d'Anségise. 

On  pourrait  ajouter  que  cette  lettre  ne  donne 
pas  tous  les  droits  de  la  primatie,  ni  même  le 
plus  essentiel,  qui  est  celui  de  l'appel ,  mais  le 
seul  pouvoir  de  convoquer  le  concile  de  la 
Lombardie.  Il  pourrait  être  arrivé  que  ces  deux 
métropolitains  ne  voulant  pas  s'entre-déférer 
cet  honneur,  le  pape  ait  nommé  pour  cela 
seulement  l'évêque  de  Pavie.  Ce  même  pape 
tint  un  concile  à  Pavie,  où  l'archevêque  de 
Milan  signa  avant  l'évêque  de  Pavie.  Mais  le 
concile  avait  peut-être  précédé  la  lettre  et  le 
privilège. 

XIV.  Il  nous  reste  peu  de  chose  à  dire  de 
l'Eglise  grecque.  Balsamondit  que  la  primitive 
discipline  de  l'Eglise  était  que  chaque  métro- 
politain gouvernât  sa  province,  et  fût  ordonné 
lui-même  par  ses  évêques  comprovinciaux 
(lu  Can.  n.  Conc.  Const.)  ;  nous  avons  rapporté 
ailleurs  les  exceptions  de  cette  règle  générale. 
11  ajoute  que  le  concile  de  Calcédoine  com- 
mença de  changer  cette  police,  en  soumettant 
à  l'évêque  de  Constantinople  les  métropolitains 


du  Pont,  de  l'Asie,  et  de  laThrace,  et  quelques 
autres  encore,  et  lui  en  donnant  l'ordination. 
Que  la  Bulgarie  avait  reçu  de  Justinien  le  pri- 
vilège dont  elle  jouissait,  comme  Chypre  avait 
reçu  le  sien  du  concile  général  d'Ephèse,  et 
l'ibérie  le  sien  du  concile  d'Antioche  sous  le 
patriarche  Pierre,  qui  voulut  bien  que  l'ibérie 
fût  libre,  demeurant  néanmoins  en  quelque 
façon  sujette  à  l'évêque  d'Antioche.  Balsamon 
veut  dire  ijue  la  Bulgarie,  l'ile  de  Chypre  et 
ribèrie  étaient  des  primaties  dont  les  chefs 
présidaient  autrefois  à  plusieurs  métropoli- 
tains, et  ne  laissaient  pas  de  dépendre  eux- 
mêmes  d'un  patriarche. 

J'ai  dit  à  dessein  que  ces  chefs  de  diocèses 
ou  de  primaties  présidaient  autrefois  à  plu- 
sieurs métropolitains,  parce  que  Balsamon 
assure  ailleurs  que  ce  privilège  des  primats, 
qu'il  appelle  selon  le  style  des  Grecs  exarques 
de  diocèses,  n'était  plus  en  usage;  que  ces  exar- 
ques n'avaient  aucime  juridiction  sur  les  mé- 
tropolitains de  leur  ressort,  enfin  qu'ils  n'a- 
vaient retenu  que  le  nom  d'exarques,  en  ayant 
laissé  abolir  toute  l'autorité. 

«  Exarchus  diœceseos  est,  ut  mihi  quidem 
videtur.  non  unius  cujusque  provinciee  metro- 
politanus,  sed  metropolitauus  totius  diœcesis 
autem  est,  quœmultas  subse  habetprovincias. 
Hoc  autem  exarchorum  privilegium  non  est 
amplius  in  usu.  Etsi  enim  dicuntur  exarchi 
quidam  ex  metropolitanis,  sed  tamen  alios 
metropolitanos,  qui  sunt  in  diœcesibus.  non 
habent  omnino  sibi  subjectos.  Est  ergo  veri- 
simile,  alios  fuisse  qui  timc  erant  exarchos 
diœceseon,  vel  esse  quidem  adhuc  ipsos,  sed 
qufe  eis  data  sunt  a  cauonibus  privilégia,  exo- 
levisse  [In  Can.  ix.  Con.  Calced.).» 

11  assure  encore  ailleurs  que  l'exarchat  ou  la 
primatie  de  Chypre,  maintenue  par  le  concile 
d'Ephèse,  et  étendue  sur  Cyzlcjue  et  sur  les 
autres  Eglises  de  l'Hellespont  par  le  concile 
in  Tndlo,  n'avait  plus  aucun  exercice  de  cette 
juridiction  ancienne  In  Can.  xxxix.  Conc. 
Truir.  Zonare  avait  dit  le  même  de  son  temps. 

Il  faut  donc  conclure  que  les  primaties  ou 
les  exarchats  n'étaient  plus  ipie  des  titres 
honoraires  dans  les  Eglises  d'Orient  et  d'Oc- 
cident. 


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IRO         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-QUATRIÈME. 


CHAPITRE  TRENTE-QUATRIEME. 


DES  PRIMATS  DEPUIS  L'AN   MIL  Jt'SQUES  A  PRÉSENT,    ET   PREMIÈREMENT   DE   CELUI    DE   LYON. 


I.  Grégoire  VII  érige  la  primatie  de  Lyon  sur  les  métropoles 
de  SeDs,  de  Tours  et  de  Rouen. 

II.  Deux  de  ces  métropolitains  résistent  à  cette  nouvelle  supé- 
riorité. 

III.  Raison  d'accorder  cette  primatie. 

IV.  L'histoire  de  la  résistance  des  archevêques  de  Rouen  et 
de  Sens. 

V.  L'arclievéque  de  Sens  se  soumet. 

VI.  Il  secoue  une  seconde  fois  le  joug. 

VII.  Le  roi  Louis  le  Gros  se  déclare  pour  la  liberté  de  l'Eglise 
de  Sens ,  et  proteste  contre  la  soumission  qu'on  avait  rendue  à 
l'insu  du  roi,  des  évèques  de  la  province  et  du  clergé. 

VUI.  La  principale  raison  de  ce  roi  était  que  Lyon  n'était  pas 
encore  retombé  dans  la  domination  de  nos  rois. 

IX.  11  y  retomba  bientôt  après,  et  alors  Sens  se  soumit  sans 
peine  à  sa  primatie. 

X.  Pourquoi  les  archevêques  de  Tours  se  soumirent  si  facile- 
ment à  la  primatie  de  Lyon. 

XI.  Le  métropolitain  de  Rouen  n'y  fut  jamais  soumis,  et  le 
pape  Galliste  III  l'en  déclara  enfin  exempt. 

XII.  Sommaire  de  l'Histoire  de  cette  primatie. 

XIII.  Le  fondement  solide  en  a  été  l'utilité  de  l'Eglise. 

XIV.  De  la  primatie  de  Rouen. 

XV.  De  quelle  importance  est  le  droit  des  appels. 


I.  Puisque  la  qualité  de  patriarche  s'est  enfin 
trouvée  comme  confondue  avec  celle  de  primat 
il  est  bien  juste  de  traiter  des  primats  après 
avoir  parlé  des  patriarches,  et  de  commencer 
l)ar  ceux  de  France,  entre  lesquels  celui  de 
Lyon  se  dislingue  le  plus  de  tous  les  autres  par 
l'exercice  libre  de  ses  pouvoirs. 

Les  métropolitains  de  l'Eglise  gallicane  sem- 
blaient avoir  vécu  dans  une  parfaite  égalité 
entre  eux,  et  sans  aucune  subordination  des 
uns  aux  autres,  pendant  l'empire  de  la  maison 
de  Charlemagne,  et  le  premier  siècle  du  règne 
de  l'auguste  lignée  d'Hugues  Capet  (An.  1079). 
Le  pape  Grégoire  Vil  fut  le  premier  qui  en 
l'an  lOTOdonnaà  Cébuin,  archevêque  de  Lyon, 
et  à  ses  successeurs  une  primatie  perpétuelle 
sur  les  quatre  provinces  lyonnaises:  «  Confir- 
mamus  primatum  super  quatuor  provincias 
Lugdunensi  Ecclesire  tua;,  et  per  eam  tibi,  tuis- 
que  successoribus.  »  II  écrivit  aux  archevêques 
de  Rouen,  de  Tours  et  de  Sens  sur  le  même 
sujet  (Lib.  vi,  epist.  34,  3.")). 

H.  Il  était  diflicile  (jue  trois  métropolitains 
ne  fissent  quehjue  résistance  pour  la  conserva- 
tion de  leur  indépendance  propre,  et  que  les 


rois  même  ne  s'intéressassent  pour  empêcher 
que  trois  provinces  ecclésiastiques  du  royaume 
ne  tombassent  dans  la  sujétion  de  l'archevêque 
de  Lyon,  dont  la  ville  et  le  pays  faisaient  alors 
partie  du  royaume  de  Bourgogne.  Pour  tâcher 
de  prévenir  ces  inconvénients,  ce  pape  protesta 
(|u'il  rétablissait  seulement  l'ancienne  primatie 
de  Lyon  :  «  Confirmamus.  » 

111.  11  y  a  de  l'apparence  que  ce  pape  se  fon- 
dait sur  la  notice  des  évêchés  qui  se  trouvait 
dans  les  œuvres  du  faux  Isidore,  et  qui  avait 
cours  sous  le  nom  du  pape  Anaclet  :  Tomus 
Anacleti.  Ce  fut  aussi  peut-être  ce  qui  avait 
déjà  donné  occasion  au  concile  II  de  Chàlon, 
tenu  en  894,  d'appeler  Aurélien,  archevêque 
de  Lyon,  primat  de  toutes  les  Gaules.  Car  la 
compilation  d'Isidore  était  alors  en  vogue,  et 
la  province  de  Lyon  y  était  marquée  comme 
la  première  des  Lyonnaises.  Il  n'en  fallait  pas 
davantage  en  un  temps  où  la  tentative,  quoi- 
qu'inutile,  qu'avait  faite  Anségise,  archevêque 
de  Sens,  pour  s'élever  au-dessus  des  autres 
métropolitains  de  France,  avait  allumé  la 
même  passion  dans  toutes  les  autres  Eglises  du 
royaume,  de  rechercher  tous  les  avantages 
dont  elles  pouvaient  soutenir  ou  leur  liberté, 
ou  leur  élévation. 

Dès  l'an  853  et  854,  l'empereur  Lothaire,  qui 
avait  eu  en  partage  les  provinces  du  royaume 
qu'on  appela  depuis  de  Bourgogne,  et  dont  une 
des  principales  villes  était  Lyon,  affecta  dans  ses 
ordonnances  d'appeler  l'Eglise  de  Lyon  la  pre- 
mière des  Eglises  des  Gaules  :  «  Lugdunensis 
sacrœ  et  prima;'  Gallicana;  Ecclesia^.  »  Cette  an- 
tiquité paraît  clairement  dans  l'Histoire  d'Eu- 
sèbe  (Spicil.  tom.  xii,  p.  113,  114). 

Saint  Odilon,  abb*  de  Cluny,  écrivant  la  vie 
de  saint  Mayeul,  publia  hautement  la  même 
prééminence  de  la  ville  ef  de  l'Eglise  de  Lyon 
sur  toutes  les  autres  du  royaume  :  «  Philoso- 
phie nutricem  et  matrem,  etquœ  totius  Galli;e 
ex  antiquo  more,  et  ecclesiastico  jure  non  im- 
merito  teneret  arceni.  »  Etienne  deTournay  en 
dit  presque  autant  :  a  Prima  sedes  Galliarum 


DU  PRIMAT  DE  LYON. 


181 


Lugduuensis.  etc.  primas  noster  in  gloria 
«  Stephanus  Tornacens,  ep.  xcii).  »  Ces  préjugés 
ayant  été  une  fois  étal>lis  dans  les  esprits,  il 
nest  pas  surprenant  que  le  pape  Grégoire  Vil 
en  fut  aussi  persuadé,  et  prétendit  ensuite  ne 
faire  que  confirmer  la  primauté  ancienne  de 
l'Eglise  de  Lyon  i,xV.n.  loiU).  » 

IV.  Rodolphe,  archevêque  de  Tours,  se  sou- 
mit sans  peine  à  cette  nouvelle  disposition,  et 
il  en  reçut  uneleltre  de  complimentde  Gébuin, 
archevêque  de  Lyon.  Mais  l'archevêque  de 
Sens,  Richer,  ne  put  digérer  cette  humiliation, 
se  croyant  obligé  à  défendre  l'honneur  de  son 
Eglise,  qui  n'avait  pas  encore  perdu  le  souvenir 
de  ses  anciennes  prétentions  sur  toutes  les 
Eglises  de  France. 

II  n'y  avait  encore  que  cent  ans  que  le  con- 
cile tenu  dans  l'abbaye  de  Saint-Denis  avait 
vu  Séguin,  archevêque  de  Sens,  vouloir  passer 
pour  le  primat  de  toute  la  France  ;  «  Primatuni 
Gallige  in  ea  synodo  sibi  usiirpans  ,  »  dit 
Âymoin  dans  la  vie  de  saint  Abbon,  abbé  de 
Fleury.  Il  fut  donc  nécessaire  que,  pour  abattre 
le  courage  de  cet  archevêque  ,  le  pape  Ur- 
bain Il  confirmât  le  décret  de  son  prédéces- 
seur dans  le  concile  deClermont.  L'archevêque 
de  Sens  refusant  de  s'y  soumettre  fut  privé  de 
l'usage  du  pallium,  et  de  la  juridiction  sur  ses 
su ffragants  jusqu'à  ce  qu'il  mît  lui-même  fin  à  sa 
désobéissance.  La  même  peine  lut  décernée 
contre  l'archevêque  de  Rouen  qui  était  absent, 
si  dans  trois  mois  il  ne  promettait  d'obéir.  Les 
évêques  de  ces  deux  provinces  qui  étaient 
présents  au  concile  se  soumirent  au  nouveau 
primat. 

Le  savant  évêque  de  Chartres,  Ives,  conseilla 
à  Richer  de  se  soumettre  au  décret  apostohque, 
sans  préjudice  de  ses  droits,  et  des  privilèges 
authentiques  qu'il  pourrait  un  jour  rencontrer 
dans  les  archives  de  son  Eglise,  pour  s'exempter 
de  cette  nouvelle  sujétion.  «  Non  est  consilium 
meum,  ut  contra  torrentem  brachia  dirigatis, 
imo  Apostolicis  sanctionibus  intérim  acquie- 
scatis,  atque  praejudicio  privilegiorum,  vel  au- 
thenticarum  Scripturarum,  si  quando  reperiri 
poterunt,  quae  hanc  subjectionem  ab  Ecclesia 
vestra  removeant,  et  ejusdem  Ecclesiae  liberta- 
tem  défendant  (Epist.  cxviii).  » 

Richer  ne  se  rendant  pas  à  un  conseil  si  sage 
et  si  salutaire,  Ives  se  crut  obligé  de  se  sous- 
traire de  son  obéissance,  et  de  s'absenter  de  la 
consécration  de  l'évèque  d'Orléans,  qu'il  entre- 
prenait d'ordonner  à  Chàteau-Landon.  «  Om- 


nino  recusavimus  propter  primatum  Lugdu- 
nensis  Ecclesia^,  quem  irrationabiliter  réfutai 
illa  sedes  ,  et  interdictum  Sedis  apostolica' 
(Epist.  Liv,  alias  cxxin).  »  Ainsi  ce  fut  Ives  et 
les  autres  évêques  de  la  province  (jui  consa- 
crèrent cet  évêque  d'Orléans  dans  Orléans 
même  à  la  prière  du  roi. 

V.  Après  la  mort  de  Richer  (An.  1096),  . 
Daimbert  ayant  été  élu  en  sa  place,  le  primat 
de  Lyon  Hugues,  qui  était  aussi  légat  du  Saint- 
Siège,  lui  défendit  de  se  faire  ordonner  avant 
que  de  s'être  présenté  à  lui  et  avoir  fait  profes- 
sion de  lui  être  soumis.  On  obéit  à  ce  comman- 
dement, mais  Ives  consulta  cependant  le  pape 
Urbain  11  pour  apprendre  ses  intentions  ,  lui 
protestant  que  les  canons  ne  donnaient  pas  ce 
droit  aux  primats.  «  Eo  jubente,  propter  reve- 
rentiam  vestram  manus  ab  ejus  consecratione 
continuimus.  Cum  de  professione  a  metropoli- 
tanis  primatibus  facienda  nihil  legamus  con- 
suetudine  lîrmatum,  vel  Icgibus  constitutum  ; 
ultra  quas  metas  nihil  concessum  esse  primati- 
bus testatur  papa  Nicolaus  (  Epist.  lviii  , 
alias  Lx).  » 

Daimbert  s'alla  faire  sacrer  à  Rome  par  le 
pape  Urbain  même  ;  ,il  y  revint  peu  de  temps 
après  pour  y  assister  au  concile,  oii  son  affaire 
ayant  été  contradictoirement  examinée  et  la 
primauté  de  Lyon  confirmée,  il  promit  de  se 
rendre  en  peu  de  temps  auprès  de  son  primat, 
pour  faire  entre  ses  mains  profession  d'obéis- 
sance canonique.  Ce  qu'il  fit  (An.  1099).  Tout 
ce  détail  est  remarqué  dans  la  lettre  du  même 
pape  Urbain  au  primat  de  Lyon  Hugues,  que 
M.  de  Marca  a  publiée  le  premier  dans  son  livre 
de  la  primauté  de  Lyon.  D'oii  il  paraît  que  le 
pape  même  n'obligea  pas  les  archevêques  de 
se  présenter  au  primat  avant  leur  ordination 
quoique  le  primat  l'eût  prétendu  ;  et  que  par 
conséquent  Daimbert  ne  perdit  pas  tout  à  fait 
sa  cause  ;  et  les  savantes  lettres  qu'Ives  évêque 
de  Chartres  écrivit  pour  sa  défense  ne  furent 
pas  tout  à  fait  inutiles  (Epist.  lxv).  Il  est  vrai 
qu'il  prétendit  encore  outre  cela  que  les  canons 
n'avaient  jamais  obligé  les  métropolitains  à  au- 
cune profession  d'obéissance  envers  leur  pri- 
mat ,  en  quoi  le  pape  ne  fut  pas  de  son  avis. 
Mais  nous  parlerons,  dans  la  suite,  de  ces  pro- 
fessions canoniques. 

VI.  Ce  ne  fut  pas  en  ce  seul  point  que  les  ar- 
chevêques de  Sens  arrêtèrent  le  cours  et  le 
progrès  de  l'autorité  des  primats  de  Lyon.  Car 
Jean,  primat  de  Lyon,  ayant  convoqué  les  évé- 


182 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-QUATRIÈME. 


ques  même  de  la  province  de  Sens  à  un  con- 
cile, oii  il  devait  traiter  des  investitures  ,   ces 
prélats  lui  écrivirent  avec  beaucoup  de  fermeté, 
se  servant  de  la  plume  d'Ives  de  Cliartres,  que 
les  évèques  ne  pouvaient  jamais,  selon  les  ca- 
nons, être  appelés  à  des  conciles  hors  de  leur 
province,  si  ce  n'est  par  les  ordres  du  pape,  ou 
dans  les  causes  d'appel  quand  quelque  Eglise 
appelait  au  primat.  «  Nusquam  reverenda  Pa- 
trum  sanxit  autoritas,  nusquam  hoc  servare 
consuevit  antiquitas,  ut  primœ  sedis  episcopus 
episcopos  extra  provinciam  proprinm  positos 
invitaret  ad  concilium,  nisi  hoc  aut  apostolica 
Sedes  imperaret,  aut  una  de  provincialibus  Ec- 
clesiis  pro  causis  quas  intra  provinciam  termi- 
nare  non  poterat ,    primiP  sedis  autoritatem 
appellaret  (Ivo.  Epist.  ccxxxvi,  alias  238).  »  Le 
légat  prétendait  bien  que  les  quatre  provinces 
Lyonnaises  ne  faisaient  qu'une  province,  dont 
ifavait  pu  convoquer  le  concile,  au  moins  dont 
il  avait  pu  appeler  les  évèques.  pour  prendre 
leur  avis  sur  des  matières  épineuses.  Mais  c'é- 
tait ou  une  défaite,  ou  une  imagination  qui 
n'avait  pas  de  fondement  solide  dans  les  ca- 
nons. Aussi  ses  espérances  furent  vaines  (Ibi- 
dem Epist.  ccxxxix). 

Les  archevêques  de  Sens  n'en  demeurèrent 
pas  là.  Ils  avaient  entièrement  secoué  le  joug 
de  la  primatie,  lorstpie  Ilumbert,  archevêque 
de  Lyon,  étant  convié  par  l'abbé  Suger,  régent 
du  royaume,  pendant  l'absence  du  roi  Louis  le 
Jeune  au  delà  des  mers,  de  se  trouver  au  con- 
cile, ou  à  l'assemblée  de  Chartres,  pour  déli- 
bérer des  affaires  de  l'Eglise  d'outre-mer  ,  il 
s'en  excusa  sur  cette  révolte  de  l'archevêque  de 
Sens  (An.  llKi  .  Car  il  lui  eût  été  honteux  de 
commettre  sa  dignité  de  primat  en  un  lieu  où 
elle  n'était  plus  reconnue.  «  Verum  quia  nos 
pro  offlcio  primatus,  ex  parte  domini  régis  et 
optimatum  regni,  ad  colloquium  (jund  apud 
Carnutum  celebrari  débet,  invitasti,  sciât  cha- 
ntas vestra,  quod  donec  Senonensis  archiepi- 
scopus  in  eadcm  causa  primatus  nnbisderogare 
non  verctur,  et  apostolicis  mandatis  contumax 
et  rebellis  existit,  pudor  nobis  est  ad  illas  pro- 
gredi  partes,  ubi  domino  pap;p  contradicitnr, 
etLugdunensis  Ecclesia  debito  honore  frauda- 
lur  (Intei-Epist.  Sugerii  cxxxiv,  Du  Chesne  t.  iv, 
p.  ^35;.»  Je  ne  sais  sicc  n'est  point  sur  ce  défaut 
d'obéissance  à  son  primat  que  saint  liernard 
lait  une  douce  réprimande  à  Henry,  archevêque 
d(!  Sens,  peu  avant  la  fin  de  la  lettre  xi.ii  qu'il 
lui  écrivit.  Ce  que  nous  venons  de  rapporter 


des    lettres   de   l'abbé    Suger  est    plus    cer- 
tain. 

VU.  M.  de  Marca  en  conclut  avec  quelque 
vraisemblance  que  les  deux  autres  métropoli- 
tains de  Rouen  et  de  Tours  étaient  donc  alors 
dans  le    devoir  (Epist.  xui ,   paulo   ante  fi- 
nenii.  Mais  je  doute  que  cette  conséquence  soit 
certaine.  Car  pour  excuser  l'absence  du  pri- 
mat, il  suffisait  que  l'assemblée  eût  été  indi- 
([uée  en  un  lieu  où  sa  primatie  ne  fût  pas  re- 
connue, soit  qu'elle  le  fût,   ou  ne  le  fût  pas 
ailleurs.  Mais  il  faut  remarquer  que  cette  déso- 
béissance de  l'archevêque  de  Sens  était  et  plus 
longue  et  plus  ancienne  qu'on  n'aurait  pensé. 
Car  on  nous  a  fait  revivre  la  lettre  du  roi  Louis 
le  Gros  au  pape  Callixte  H,  par  laquelle  ce  gé- 
néreux prince  proteste  avec  beaucoup  de  cha- 
leur qu'il  exposerait  plutôt  son  royaume  aux 
fnreurs  de  la  guerre,  et  sa  j)rnpre  vie  aux  ha- 
sards, que  de  laisser  flétrir  la  gloire  de  sa  cou- 
ronne par  une  nouvelle  servitude.   «  Sustine- 
rem  potius  regni    nostri    totius  incendium , 
capitis  etiam  nostri  periculum.   (juam  novae 
subjectionis  et  abjectionis  opprobrium   (An. 
1121,  Spicileg.  Tom.   m,  pag.  147);  »   qu'il 
était  de  son  honneur  et  de  son  devoir  de  s'op- 
poser à  un  nouvel  avilissement  de  l'Eglise  de 
France  ;  que  de  quelque  antiquité  qu'on  voulût 
colorer  la  primatie  de  Lyon,  la  liberté  de  l'E- 
glise de  Sens  était  encore  plus  ancienne  et  plus 
avérée.  «  Videtur  ad  noslrum  respicere  con- 
temptum,   contra  nos  hoc   modo  fieri,  quod 
nuncjuam  extitit  factum,  etc.  Si  opponitur,  quod 
veterum  institutio  Lugdunensi  Ecclesiae  prima- 
tum  contulerit,  respondetur  ex  opposito,  quod 
antiqure  libertatis  possessio  Senonensem  Eccle- 
siani  ab  ejussubjectione  défendit.  » 

Il  ajoute  que  le  seul  de  tous  les  archevêques 
de  Sens  qui  avait  reconnu  la  primatie  de 
Lyon,  ne  l'avait  reconnue  ([ue  par  un  acte  se- 
cret et  particulier,  sans  l'aveu  de  son  clergé, 
des  évèques  de  sa  province  et  du  roi ,  de  (jui  il 
était  désavoué,  et  dont  l'honneur  et  l'intérêt 
public  ne  peut  être  blessé  par  la  lâcheté  se- 
crète et  personnelle  d'un  prélat  particulier. 
«  Facta  est,  ut  dicitur.  furtive  et  latenter  sub- 
jectio  illa,  nesciente  scilicet  clero  Senonensi, 
i nconsullis etiam  episcopis  illius  diœcesis,  igno- 
rante etiam  rege,  in  (piibusomnibus  dignilas 
pendet  Ecclesia^.  Et  suhjectio  taliler  facta  res- 
picere potius  videtur  ad  ignominiam  maie  ac- 
cipientis  ,  quam  ad  incommodum  Ecclesiaî 
nescieutis.  Res  euim  conununiscommuni  tra- 


DU  PRIMAT  DE  LYON. 


183 


iliinda  est  coiisilio;  non  lati'iiti  et  priva to  ter- 
ininanda  coUoquio.  » 

Il  est  à  croire  ([lie  ce  roi  entendait  parler  du 
voyage  de  Dainibert  à  Lyon,  où  il  s'acquitta  de 
la  promesse  qu'il  avait  faite  au  pape,  en  pro- 
mettant obéissance  au  primat;  mais  cette  pro- 
fession   ou     reconnaissance     de    supériorité 
n'ayant  point  été  concertée,  ni  avec  son  clergé, 
ni  avec  les  évêques  de  sa  province,  à  ce  que  le 
roi  assure  ,  quoiqu'L'rbain   11   ait  insinué  ci- 
dessus  le  contraire  quant  aux  évêques,  nienfln 
avec  le  roi  ;  elle  n'avait  pu  engager  ni   son 
Eglise,  ni  le  royaume  clans  aucune  nouvelle 
servitude.  Mais  ce  sage  prince  réserve  pour  la 
tin  de  sa  lettre  ce  qui  le  touchait  de  plus  près  : 
c'est  que  la  ville  de  Lyon  n'étant  pas  alors  du 
royaume  de  France,  c'était  une  flétrissure  com- 
mune à  l'Etat  et  à  l'Eglise  du  royaume  d'en- 
trer dans  sa    sujétion.    «    Videat    dulcissime 
Pater,  discretio  vestra,  nec  civitas  Ludgunen- 
sis,  quœ  de  alieno  est  regno,  de  nostro  floreat 
detrimento  ;  nec  siibjiciatur  amicus    amico; 
quia  si  decipitur  |)ro  amico  amicus,  juste  flet 
de  amico  inimicus.  » 

Vlll.  C'est  ici  qu'il  faut  débrouiller  le  fond 
de  toute  cette  intrigue.  Depuis  le  fameux  et  fu- 
neste partage  des  Etats  et  de  l'Empire  de  Cliar- 
lemagne  entre  les  enfants  de  Louis  le  Débon- 
naire, entre  le  royaume  de  France  d'un  côté, 
et  l'Empire  d'xVllemagne  de  l'autre,  il  s'éleva 
un  Etat  considérable  qu'on  appela  le  royaume 
de  Bourgogne,  et  ensuite  le  royaume  d'Arles. 
Les  empereurs  en  demeurèi'ent  très-long- 
temps les  maîtres,  et  les  principaux  membres 
n'en  sont  revenus  à  nos  rois  que  fort  tard,  et 
les  uns  après  les  autres.  Lyon  y  était  la  plus 
considérée  de  toutes  les  villes.  (Uaber  raconte 
comment  l'empereur  Henri  III  donna  l'archevê- 
ché de  Lyon  à  Adelric  en  lOiO  (L.  v,  c.  4).  Frédé- 
ric I"  donna  àHéraclius,  archevêcjue  de  Lyon, 
la  ville  de  Lyon  même,  et  tous  les  droits  tempo- 
rels des  empereurs  sur  la  ville  et  sur  son  terri- 
toire en  l'an  1158.  «  Totum  corpus  civitatis 
Lugdunensis,  et  omnia  jura  Regalia,  qufc  in 
Lugdunensi  episcopatu  ad  imperium  pertinent, 
citra  Ararim.  »  On  sait  qu'encore  à  présent 
tout  ce  qui  est  au  deçà  de  la  Saône  et  du  Rhône 
s'appelle  Vulgairement  terre  du  royaume,  et  ce 
qui  est  au  delà  terre  de  l'Empire. 

C'est  peut-être  aussi  ce  qui  avait  convié  les 
papes  à  créer  un  légat  apostolique,  ou  un  pri- 
mat à  Lyon,  connue  dans  une  ville  qui  appar- 
tenait à  l'Eglise  ;  c'est  ce  qui  les  porta  à  y  tenir 


les  deux  fameux  conciles  de  Lyon.  La  suite  de 
cet  ouvrage  nous  fera  voir  que  les  autres  arclie- 
vê(|ueset  évèciues  du  même  royaume  de  Bour- 
gogne ou  d'Arles  se  rendirent  aussi  les  maî- 
tres, et  comme  les  souverains  de  leurs  villes 
et  (le  leurs  diocèses,  sous  la  protection  néan- 
moins, et  avec  quehjue  dépendance  des  empe- 
reurs, de  la  libéralité,  ou  de  la  permission 
tacite  desipiels  ils  tenaient  ces  bienfaits,  connue 
princes  d'empire.  C'est  donc  ce  (jui  donnait  un 
juste  éloignement  à  nos  rois  de  la  primatie  de 
Lyon,  et  ce  qui  donnait  un  fondement  si  rai- 
sonnable aux  oppositions  qu'ils  faisaient,  pour 
ne  pas  laisser  tomber  les  principales  Eglises,  et 
connue  le  cœur  de  leur  royaume  entre  les 
mains  d'une  puissance  étrangère. 

IX.  Mais  si  l'empire  n'avait  pu  se  conserver 
la  souveraineté  de  ces  villes  du  royaume  de 
Bourgogne,  les  prélats  qui  en  étaient  devenus 
les  seigneurs  temporels,  par  la  concession,  ou 
|)ar  la  connivence  des  empereurs,  y  furent  bien 
])lus  embarrassés.  Il  s'éleva  des  ducs,  des  comtes 
et  des  dauphins ,  qui  leur  disputèrent  une 
proie  si  riche,  et  pour  me  resserrer  dans  le  su- 
jet que  je  traite,  les  comtes  de  Forests  en  vinrent 
aux  mains  avec  les  archevêques  de  Lyon  ;  nos 
rois  furent  obligés  de  s'en  mêler;  les  habitants 
même  de  Lyon  implorèrent  le  secours  du  roi 
saint  Louis  contre  l'arclievêciue.  Ce  saint  roi 
les  réconcilia,  mais  son  fils  Philippe  le  Hardi 
fut  encore  obUgé  d'y  continuer  ses  soins  pour 
y  consener  la  concorde. 

Philippe  le  Bel  ayant  encore  été  appelé  par 
le  peuple  contre  l'archevêque,  pour  mettre  fin 
à  toutes  ces  dissensions,  il  s'en  rendit  lui-même 
le  maître,  et  fit  rentrer  cette  puissante  ville 
dans  lancienne  obéissance  de  la  France.  Si 
l'archevêque  y  perdit  le  domaine  temporel  de 
la  ville,  il  y  affermit  aussi  l'empire  spirituel  de 
sa  primatie,  nos  rois  et  nos  prélats  ne  faisant 
plus  de  difficulté  de  faire  dépendre  leurs  Egli- 
ses d'un  archevêque  et  d'un  primat  français. 
Le  pape  Boniface  Vlll  se  donna  beaucoup  de 
peine  pour  faire  rendre  à  l'Eglise  de  Lyon  la 
seigneurie  temporelle  de  la  ville,  mais  Philippe 
le  Bel  transigea  enfin  avec  l'archevêque  et  le 
chapitre  l'an  1312,  en  sorte  que  Tautorité  sou- 
veraine demeura  au  roi,  le  comté  de  la  ville 
fut  laissé  aux  chanoines,  et  la  primatie  de  l'ar- 
chevêque fut  entièrement  établie.  «  Regni  pri- 
mam  sedem  inter  cœteras  Galliarum  Ecclesias 
obtinere  (Marca  de  Primatu  Lugdun.  p.  3i8).  » 
X.  H  n'est  pas  facile  de  dire  pourquoi  les  ar- 


184  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAI>1TRE  TRENTE-QUATRIÈME. 


chcvèqiies  d.'  Rouen  et  de  Tours  ne  firent  pas 
d'aussi  vigoureuses  résistances  a  l'établissement 
de  cette  nouvelle  primatie ,  comme  celui  de 
Sens,  et  pourquoi  le  roi  Louis  le  Gros  ne  fit 
éclater  son  ressentiment  que  pour  la  défense  de 
la  liberté  de  l'Eglise  de  Sens,  sans  se  mettre  en 
peine  des  deux  autres  métropoles,  si  ce  n'est 
peut-être  que  la  ville  de  Rouen  et  le  duché  de 
Normandie  étant  en  la  puissance  des  Anglais,  et 
la  plus  grande  partie  des  suffragants  de  Tours 
élanl  dans  la  Rretagne,  qui  avait  aussi  ses  ducs, 
et  qui  taisait  profession  d'une  obéissance  plus 
exacte  aux  ordres  du  Saint-Siège,   nos  rois  ne 
se  crurent  particulièrement  intéressés  que  pour 
la  métropole  i)ropre  de  la  France  et  de  Paris 
même  qui  était  la  capitale  du  royaume.  11  se 
pouvait  aussi  bien  faire  que  l'archevêque  de 
Tours  étant  aux  prises  avec  les  évêques  de  Rre- 
tagne, qui  prétendaient  ne  relever  que  de  l'un 
d'entre  eux,  qui  se  disait  archevêque  de  Dol,  et 
ne  pouvant  espérer  une  pleine  victoire   que 
par  l'autorité  du  Saint-Siège ,  il  se  soumettait 
volontiers  à  un  supérieur  nouveau  qui  pouvait 
le  faire  obéir  par  neuf  de  ses  inférieurs  révol- 
tés. En  effet  une  édition  abrégée  des  Canons  du 
concile  de  Clermont,  porte  en  un  même  ca- 
non vu  l'alfermissement  de  la  primatie  de  Lyon 
sur  Tours,  et  de  la  métropole  de  Tours  sur  les 
évêques  de  Rretagne.   «  Turonensi  metropoli 
citerioris  Rrilanni;e  reslitutio  facta  est.  Lugdu- 
nensi  Ecclesia'  primatus  restitutus  est  super 
Turonensem  (Conc.  (icn.  tom.  x,  p.  580).  » 

XI.  11  est  bien  plus  difficile  de  deviner  le 
sens  de  Mathieu  Paris,  quand  il  dit  que  le  légat 
du  pape  ayant  assemblé  un  concile  à  Rourges, 
on  ne  put  y  prendre  les  séances  comme  dans 
un  concile,  à  cause  que  l'archevêque  de  Lyon 
])rétendait  la  primatie  sur  Sens ,  et  celui  de 
Rouen  sur  Rourges,  Auch  et  Narbonne,  ce  qui 
fit  qu'on  s'y  assit  comme  au  conseil,  et  non  pas 
comme  au  concile  (An.  t-22G).  «  Sed  quoniam 
Lugdunensis  archiepiscopus  vindicabat  sibi 
primatum  super  archiepiscopum  Senonensem, 
Rothomagensis  super  Rituricensem,  Auxianen- 
scm ,  Narbonensem ,  timebatur  de  discordia, 
et  ideo  non  fait  siissum  quasi  in  concilio,  sed  ut 
in  consilio.  »  11  y  a  toute  la  vraisemblance  pos- 
sible (pi'il  faut  corriger  ce  texte,  et  le  lire  ainsi  : 
<(  Oiioniani  Ln^duncnsis  archiepiscopus  vindi- 
cabat sibi  primatum  super  archiepiscopum  Se- 
nonensem et  Rolhomagensem,  et  Rituricensis 
sui>er  Auxianenscm  et  Narbonensem.  »  Car  il 
esl  taux  que  l'.ouen  ait  jamais  rien  prétendu  sur 


Rourges,  Auch  et  Narbonne  ;  et  il  est  vrai  (]ue 
Lyon  prétendait  la  primatie  sur  Sens  et  Rouen  ; 
et  Rourges  sur  Auch  et  Narbonne. 

Au  reste  ce  passage  de  Mathieu  Paris  est 
d'une  grande  conséquence,  pour  nous  appren- 
dre que  l'archevêque  de  Rouen  ne  reconnais- 
sait point  alors,  et  n'avait  peut-être  jamais  re- 
connu la  primatie  de  Lyon.  Mais  en  voici  encore 
une  preuve  convaincante.  L'archevêque  de 
Lyon  fil  de  nouveaux  efforts  en  l'an  1 5oS,  pour 
soumettre  à  son  autorité  l'archevêque  de  Rouen . 
Le  pape.  Callixte  III  en  commit  le  jugement  au 
cardinal  légat  Dominique  Capranica. 

Le  cardinal  prononça  en  faveur  de  l'arche- 
vêque de  Rouen  :  «  Post  definitivam  senten- 
tiam  Rothomagensem  Ecclesiam  ejusque  suf- 
fraganeos,  atque  suppositos,  Romanœ  EcclesiéE 
immédiate  et  nuUi  al leri  primatiali  jure  sub- 
esse, ipsi  archiepiscopo  Lugdunensi  super 
prœtenso  primatiali  jure,  perpetuum  silentium 
im])onendo,  pronunciavit.  Qua;  quidem  sen- 
tentia  nulla  saltem  légitima  proviocatione  sus- 
pensa,  in  rem  transivit  judicatam  (Rainald. 
An.  lio8,  n.  37,  38).  » 

Ce  sont  les  propres  termes  de  la  bulle  de 
Calhxte  m  (jui  confirme  la  sentence  du  légat, 
et  condamne  l'audace  de  quelques  avocats  de 
Lyon  qui  en  avaient  appelé  comme  d'abus.  Nice 
pape,  ni  son  légat  n'auraient  pas  si  facilement 
révoqué  la  constitution  de  Grégoire  VU  et 
d'Urbain  II,  confirmée  par  Pascal  II,  si  elle  eût 
été  affermie  par  une  longue  observance  (Du 
Chesne  in  not.  ad  Ribl.  Clun.  p.  Gi).  11  y  a 
donc  toutes  les  apparences  du  monde  que  les 
archevêques  de  Rouen  n'y  avaient  jamais  dé- 
féré, et  (jue  les  Anglais,  qui  dominaient  dans  la 
Normandie,  n'étaient  |)as  moins  fermes  que 
nous  pour  la  défense  de  leurs  libertés. 

Xll.  Concluons  donc  :  1°  Que  la  primatie  de 
Lyon  n'a  été  d'abord  reconnue  que  dans  la  pro- 
vince de  Tours,  par  la  raison  que  nous  avons 
touchée.  "2"  Que  celle  de  Sens  ne  s'est  rendue 
que  lors(jue  nos  rois  ont  recouvré  la  souverai- 
neté de  Lyon,  en  lui  rendant  les  honneurs  de 
la  primatie.  3°  Que  celle  de  Rouen  ne  s'est  ja- 
mais soumise  à  la  supériorité  du  primat  de 
Lyon,  et  qu'enfin  elle  a  obtenu  une  bulle 
d'exemption.  4°  Que  le  droit  de  la  prihiatie  de 
Lyon  ne  consiste  que  dans  l'appel.  Nous  avons 
vu  les  autres  pouvoirs  inutilement  tenliis.  N'uici 
encore  une;  preuve  de  l'appel  à  Lyon,  sous  le 
roi  Philipite  Auguste,  tirée  de  Guillaume  le 
Rrelon  ^Du  Chesue,  t.  v,  p.  252). 


DU  PRIMAT  DE  LYON. 


is:) 


Rt  Lii!!duncDsis,  qua  Gallia  tota  solehat, 
t't  fama  est,  paslore  rcgi,  causisquc  refcrrc 
Difficiles,  ul  libi  lis  iiltima  lilibus  esset  : 
Nec  miUcbaliir  Hoiiiam  lis  nlla,  nisi  quam 
Lugiliiiiense  forum  jier  se  linire  uequissel. 


Alix  aiipellations  ajoutez  le  liroit  de  dévolu- 
tion, auquel  les  métropolitains  donnent  lieu, 
soit  par  leur  négligence,  soit  par  leur  refus 
obstiné  d'accorder  les  confirmations,  ou  même 
les  institutions  bénéficiales,  pour  Icsiiuelles  on 
a  d'abord  recours  à  eux  et  aux  primats  en  cas 
de  refus  de  leur  part. 

XIII.  C'est  pour  cela  seulement,  et  non  pas 
pourles  autres  droits  des  patriarches,  que  Pierre 
le  Vénérable,  abbé  de  Gluny,  donne  le  titre  de 
patriarche  à  Pierre,  archevêque  de  Lyon,  dis- 
tingue son  patriarcat,  c'est-à-dire  sa  primatie, 
de  sa  province  et  de  son  diocèse  lEpist.  1.  ii, 
epist.  II,  xvni);  enfin  il  rehausse  sa  dignité,  de 
ce  qu'il  n'avait  au-dessus  de  lui  (jue  le  pape 
seul.  Geotlroy,  abbé  de  Vendôme,  écrivant  à 
Ives  de  Chartres,  lui  apprit  que  l'archevêque 
de  Sens  l'avait  désavoué,  comme  l'auteur  de 
toutes  ses  résistances  précédentes,  lorsqu'il  fit 
profession  d'obéissance  au  primat  de  Lyon  ;  de 
quoi  le  primat  lui  savait  fort  mauvais  gré(L.  m, 
epist.  xvHi).  Nous  avons  vu  néanmoins  ci-des- 
sus qu'Ives  de  Chartres  avait  donné  un  conseil 
fort  sage  et  fort  modéré  à  l'archevêque  de 
Sens. 

H  est  vrai  que  ce  savant  prélat  avait  fort  ju- 
dicieusement déclaré  que  toutes  les  conjectures 
dont  on  faisait  tant  de  bruit  de  l'ancienne  pri- 
matie de  Lyon,  avant  Grégoire  VII,  n'étaient 
fondées  ([ue  sur  les  notices  des  évôcliés,  et  les 
catalogues  des  villes.  «  l'rimatum  Lugduneusis 
Ecclesiie,  quem  aliquando  ex  catologis  civita- 
tuin  conjicinms  extitisse  (Epist.  l).  »  Le  pape 
l'rbain  II  employa  le  même  terme  :  «  Et  cata- 
logorum  autoritas,  et  Sedis  apostolic;c  idipsum 
contestabalur  autoritas.  » 

11  est  étonnant  que  pour  la  défense  de  l'E- 
glise de  Sens  on  pensa  si  peu  en  ce  teniiis-là 
aux  privilèges  (|ue  le  pape  Jean  VIII  lui  avait 
accordés,  sur  les  vives  instances  de  l'empereur 
Charles  le  Chauve  Blondel,  de  la  Primauté, 
pag.  "Toj.  Ce  n'est  pas  qu'il  faille  sunaginer 
que  ce  soient  ces  catalogues  peu  certains,  ou 
ces  bruits  aussi  incertains  qui  ont  produit  l'é- 
tablissement de  cotte  nouvelle  primatie. 

Le  solide  fondement  de  cette  primatie  a  été 
le  besoin  de  l'Eglise.  On  sait  qu'en  ce  tom))s-là 
ce  ne  fut  que  par  le  moyen  d'une  infinité  de 


légats  ff  laterc,  que  le  pape  Grégoire  Vil  retira 
la  plupart  des  provinces  de  la  chrétienté  du 
IH'ofond  abiinc  (h;  dé]iravation  où  la  simonie 
et  l'incontinence  des  ecclésiastiques  les  avait 
précipitées. 

On  sait  que  les  primaties  n'étaient  dans  l'Oc- 
cident que  comme  des  légations  perpétuelles, 
ou  des  vicariats  du  Saint-Siège.  On  sait  qu'on 
ne  put  remédier  à  ces  ellroyables  désordres 
dans  la  France  que  par  un  fort  grand  nombre 
de  conciles,  et  par  les  fréquentes  courses  que  les 
papes  mêmes  y  firent.  Enfin  si  les  primaties 
anciennes  d'Arles  et  de  Mayence  furent  si 
avantageuses  à  l'Eglise  Gallicane  ;  si  la  iiolice 
ecclésiastique  de  l'Orient  n'a  pu  s'en  passer  ;  si 
les  empereurs,  si  divers  souverains,  si  nos  rois 
même  les  ont  si  souvent  demandées  pour  la 
réformation  des  Eglises,  et  pour  l'avantage  de 
leurs  Etats,  pourquoi  ne  jugerons- nous  pas 
aussi  favorablement  de  rétablissement  de  celle 
de  Lyon'?  Les  archevêques  qui  résistaient  à  cet 
établissement  regardaient  avec  raison  la  liberté 
de  leurs  Eglises  comme  un  grand  avantage. 
Mais  ils  n'ont  pas  eu  moins  de  raison,  en  s'y  sou- 
mettant, de  considérer  l'avantage  de  tout  le 
royaume,  où  une  infinité  de  causes  se  jieu- 
vent  par  ce  moyen  terminer  sans  aller  à 
Rome. 

Si  les  papes  Grégoire  VII  et  l'rbain  II  ont 
touché  en  passant  quelques  autres  convenances 
qui  ne  soient  pas  à  l'épreuve  de  la  censure  des 
critiques,  telles  que  sont  celles  ijui  sont  tirées, 
ou  de  l'ordre  et  la  subordination  des  pontifes 
païens  qu'on  appelait  Fknyiines  et  Archiflatni- 
nes ,  ou  des  catalogues  anciens  et  des  notices 
des  cités,  ou  de  quelques  lettres  supposées  des 
premiers  papes,  il  ne  faut  pas  croire  que  par 
lessubtiUtés  de  cette  critique  on  puisse  ébran- 
ler les  véritables  et  solides  fondements  de 
la  i)olice  de  l'Eglise ,  qui  est  la  colonne  de  la 
véiité. 

Je  le  dis  encore  une  fois  ,  cette  primatie  a  été 
fondée  sur  l'espérance  des  avantages  que  l'E- 
glise a  toujours  retirés  de  tant  d'autres  institu- 
tions semblables  dans  tous  les  siècles  passés, 
par  tous  les  endroits  de  la  terre.  Ce  fondement 
est  inébranlable.  Si  on  y  a  ajouté  quelques 
couleurs  de  bienséance,  qui  paraissent  ensuite 
avoir  plus  d'apparence  que  de  solidité,  le  pre- 
mier et  principal  fondement  du  besoin  de  l'E- 
glise, et  de  la  pratique  fructueuse  de  tant  de 
siècles,  ne  jierd  rien  de  sa  stabilité. 

XIV.  Quant  à  la  primatie  de  Rouen,  ce  ne 


186 


DU  PREMIKR  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  TRENTE-CINQUIÈME. 


peut  être  qu'une  exemption  d'avoir  aucun  au- 
tre primat  au-dessus  de  lui  que  le  pape.  Nous 
avons  autrefois  parlé  de  cotte  sorte  de  primats, 
selon  l'ingénieuse  explication  de  Hincmar,  ar- 
chevêque de  Reims.  C'est  en  ce  sens  qu'il  tant 
expliquer  Ordéricus  Vitalis,  quand  il  dit  que 
l'archevêque  de  Rouen,  Hugues,  ayant  rendu 
des  services  très-considérables  au  pape  en  Italie, 
le  {>ape  voulut  reconnaître  les  obligations  que 
le  Saint-Siège  lui  avait,  en  lui  donnant  la  pri- 
matie  sur  plusieurs  pontifes.  «Hugo  Rothoma- 
gcnsis  archie|)iscopus  ipsum  summopere  adju- 
vit,  et  ab  eodem  honoratus  primatum  super 
multos  pontifices  suscepit  (An.  113b).  » 

Cette  primatie  ne  peut  être  (|ue  la  (|ualitè 
même  de  métropolitain,  et  la  confirmation  de 
ses  anciens  privilèges,  de  ne  dépendre  d'aucun 
autre  primat  que  du  pape.  C'est  de  i|uoi  seule- 
ment faisait  gloire,  i)lus  de  cent  ans  après , 
l'archevêque  de  Rouen  sous  le  pape  (Jré- 
goire  IX,  qui  entreprit  aussi  sa  défense  contre 
le  roi  de  France  pour  le  maintenir  dans  son 
ancienne  liberté,  de  ne  dépendre  que  du  juge- 
ment du  pape,  tant  pour  le  temporel  que  pour 
le  spirituel.  Voici  comme  ce  pape  en  écrivit  au 
roi  :  «  Cum  Rolhomagensis  archiepiscopus  in 
spiritualibus  et  temporalibus  nullum  post 
Deuni  [)ra'ler  nos  judicem  habebat,  de  antiqua 
lidliioiiiagensis  Ecclesia'  lil)ertate,  ac  ipsiiiscon- 
suetudine  hactenus  obscrvata ,  etc.  (Kainald, 
an.  1232,  n.  26).  »  Nous  parlerons  ailleurs  de  ce 
qui  regarde  le  temporel. 

Ceux  qui  voudraient  joindre  ce  passage 
d'Ordericus  Vitalis  avec  celui  de  Mathieu  Paris, 
(|ui  a  été  ci-dessus  rapporté,  et  expliquer  celte 
primatie  accordée  à   l'archevêque  de  Rouen 


dune  supériorité  qui  lui  ait  été  donnée  sur 
les  archevêques  de  Rourges,  Auch  et  Narbonne  ; 
ceux-là,  dis-je,  donneraient  sans  doute  un  peu 
trop  à  de  simples  conjectures,  contre  les  preu- 
ves certaines  du  contraire  qui  ont  été  touchées 
dans  ce  chapitre,  et  qui  seront  encore  étalées 
plus  au  long  dans  le  chapitre  suivant,  où  il 
sera  traité  de  la  primatie  de  Rourges. 

XV.  Au  reste  si  nous  avons  réduit  toute  l'au- 
torité des  primats  de  Lyon  au  seul  droit  de  ju- 
ger des  appels ,  nous  avons  suivi  non-seule- 
ment le  témoignage  décisif  de  Cuillaume  le 
Rreton,  dès  le  temps  de  Philippe  Auguste,  mais 
aussi  l'usage  reçu  depuis  tant  de  siècles,  et  qui 
doit  aussi  servir  de  règle  inviolable  dans  ces 
sortes  de  matières. 

Après  tout,  cet  avantage  est  d'une  impor- 
tance plus  grande  qu'on  ne  juge  peut-être  d'a- 
bord. C:ir,  1°  il  est  d'une  grande  conséquence 
qu'on  n'appelle  pas  des  métro|)olitains  au  pape 
immédiatement,  mais  que  les  causes  se  jugent 
en  seconde  instance  dans  le  royaume  même. 
2°  Les  anciens  canons  ont  fait  consister  princi- 
palement dans  le  droit  d'appel  la  supériorité 
des  grands  patriarches  et  du  pape  même  sur 
les  autres  métropolitains.  3"  Cet  avantage  est  si 
considérable,  qu'entre  tous  les  primats  de  l'Eu- 
rope l'archevêque  de  Lyon  est  le  seul  qui  en 
jouisse  ell'ectivemeut.  «  Jus  idem  dirimenda- 
rum  appellalionum  Bituricensi,  liurdigalensi, 
Narbonensi  et  Viennensi,  licet  se  primates  in- 
digitent,  exira  provincias  suas  non  conipetit, 
imo  nec  ulli  alteri  priniati  in  Europa.  »  Ce  sont 
les  termes  de  M.  de  Marca  (De  Primatu  Lug- 
duii.  n.  121).  » 


CHAPITRE  TRENTE-CINQUIÈME. 


IIF,    LA    PRIMATIE    DE    BOIRGES;    DE    CELLES    DE    BORDEAUX,    DE   NARBONNE    ET    DE    VIENNE. 


I.  Erection  et  démembrement  de  la  primatie  de  Bourges.  mat  de  nourges  jusqu'au  pontificat  de  Clément  V,  qui  l'en  af- 

II.  Comment   la   miHro]inle  de  Rordcaux  se  sépara  de  cette  Iram-liil. 

pnmatie.  \'-  Le  roi  Charles  VII  travaille  à  l'y  soumettre  de  nouveau.  — 

III.  Diverses  réflexions  sur  l'histoire  de  ces  changements.  Pour(pmi  ? 

[•  IV.  La  métropole  de  Bordeaux,  de  nouveau  soumise  au  pri-  VI.  Si  Bordeaux  a  eu  quelquefois  la  primatie? 


DES  l'KlMATS  DE  BOURGES,  BORDEAUX,  etc. 


IS" 


VII.  Du  double  pouvoir  donné  au  primai  de  Bourges. 

VIII.  De  la  primalie  de  N'arbonue  sur  Ai.x. 

IX.  Et  sur  Tarragone. 

X.  De  la  primalie  de  Vienne  sur  sept  métropoles,  érigée  par 
f.alli.xle  11. 

XI.  Pourquoi  il  se  dit  primat  des  primais  1 

XII.  Déro\ite  de  ces  primaties. 

XIII.  Primalie  de  Reims. 

XIV.  Des  droits  des  primats. 

I.  L'archevêque  de  Bourges  Ermembert  jus- 
tifia, quoiqu'avec  peine,  qu'il  était  métropoli- 
tain, et  qu'il  ne  dépendait  d'aucun  autre 
aiclievèque.  Aussitôt  le  pape  Adrien  1"  lui  ac- 
corda le  pallium.  «  Nobis  confessus  est.  ul  sub 
nullius  archiepiscopi  jurisdictione  esse  vide- 
retur.  (Anno  786).  »  Mais  Charlemagne  ayant 
environ  le  même  temps  érigé  la  Guienne  en 
royaume,  et  ayant  déclaré  Bourges  la  capitale  , 
il  fit  aussi  ériger  cette  métropole  en  primatie , 
à  laquelle  il  soumit  les  métropoles  de  Bordeaux, 
d'Auch  et  de  Narbonne,  sans  iiaiier  du  droit  de 
couronner  les  rois  d'Aquitaine,  qui  fut  toujours 
atfecté  au  primat  de  Bourges  'An.  781,  Patriar- 
chii  Bituricens.  c.  I6i^. 

Lacompilationd'Isidore,  qui  avait  alorsgrand 
cours  par  le  monde,  avait  accoutumé  les  gens 
à  croire  que  les  métropolitains  devaient  avoir 
au-dessus  d'eux  des  primats  ou  des  patriarches, 
et  que  celle  de  plusieurs  provinces  qui  ]ior- 
taientle  même  nom,  qui  était  marquée  la  pre- 
mière dans  le  catalogue  des  Cités,  devait  aussi 
emporter  la  primatie  sur  les  autres.  .Vinsi  il  pa- 
raissait comme  naturel  que  Bordeaux  et  Auch  , 
(]ui  étaient  les  capitales  de  la  seconde  et  de  la 
troisième  Aquitanique,  cédassent  à  Bourges, 
qui  était  capitale  de  la  première,  et  relevassent 
de  sa  primatie  An.  864  . 

Quanta  Narbonne,  ce  ne  peut  avoir  été  que 
l'intérêt  politique  qui  la  fit  relever  de  Bourges, 
afin  de  lier  plus  étroitement  entre  elles  toutes 
les  provinces  de  ce  nouveau  royaume.  Le  pape 
Nicolas  I-'  écrivant  à  Rodolphe  archevêque  de 
Bourges,  lui  donne  le  titre  de  primat  et  de  pa- 
triarche ,  etétablit  son  droit  déjuger  des  appels 
de  l'archevêché  de  Narbonne,  de  l'aveu  même 
de  l'archevêque  de  Narboime. 

Cette  primatie  de  Bourges  se  démembra  avec 
le  royaume  d'Aquitaine.  Dès  qu'on  eut  érigé  le 
manjuisat  de  Gofhie,  et  le  duché  de  Narbonne, 
la  métropole  de  Narbonne  se  Sépara  de  la  pri- 
matie de  Bourges,  et  fit  elle-même  une  prima- 
tie à  part,  après  que  le  pape  Urbain  II,  lui  eilt 
donné  la  qualité  de  priiuat  sur  l'archevêque 
d'Aix  (An.  1097). 

II.  Les  ducs  de  Guienne  firent  aussi  soulever 


la  métropole  d'.Vuch  contre  le  iiriniat  de  Bour- 
ges, aiiipiel  il  ne  resta  ])lus  (juc  sa  pro[ire  mé- 
tropole, et  celle  de  Bordeaux  tjui  le  reconnus- 
sent. Pendant  le  schisme  d'Anaclet  contre  le 
pape  Innocent  II,  Gérard  évêqiie  d'.Vngoulême 
s'étantjeté  dans  le  parti  de  l'antipape,  ets'étant 
ensuite  fait  élire  archevêque  de  Bordeaux,  les 
évêques  de  cette  province  eurent  recours  à 
Vulgrin,  archevêciue  de  Bourges,  comme  à 
leur  chef  et  primat,  pour  obtenir  sa  protection, 
et  celle  du  roi  de  France,  par  son  moyen,  contre 
les  violents  emportements  des  schismati(iues. 
et  pour  faire  publier  un  anathème  contre  tous 
leurs  partisans  dans  les  provinces  de  Bordeaux 
et  d'Auch.  "  Insuper  Auxiensi  archiepiscopo  et 
liurdigalensi  Ecclesiae  et  eorum  sutlraganeis  per 
obedientiam  prœcipiatis,  utomnes  illos  publiée 
excommunicent.  qui  duci.\quitania'  auxilium 
impenderint  'Bosquet,  Nota  ad  Innoc.  Il,  Epist. 
p.  202,  patriarchii  Bitur.,  c.  62).  » 

On  peut  lire  les  lettres  de  ces  prélats  et  les 
réponses  de  Vulgrin,  primat  des  Aquitaijies , 
dans  le  livre  intitulé  Patrinrchium  Bituricense. 
Les  papes  Alexandre  111  An.  1 16  V),  Eugène  lll, 
Luce  II  (An.  1183),  Urbain  III  An.  1187;, 
Clément  III  (An.  H88  ,  Célestin  III  (An.  1192), 
ne  confirmèrent  le  primat  de  Bourges  quedans 
la  supériorité  qui  lui  restait  sur  la  province  de 
Bordeaux.  On  peut  lire  la  lettre  d'Eugène  111 
dans  les  conciles  généraux,  et  dans  le  Patriar- 
chium  Biti/ricense  (Bibliot.  MSS.  Labbei  tom. 
II,  p.  93). 

Mais  après  que  les  rois  dWngleterre  eurent 
acquis  le  duché  de  Guienne,  ils  ne  souffrirent 
plus  que  la  métropole  de  Bordeaux  relevât  de 
Bourges.  Le  roi  Philippe  Auguste  en  porta  ses 
plaintes  au  pape  Innocent  lll  auquel  il  repré- 
senta que  l'Eglise  de  Bourges,  quoique  pauvre, 
était  pourtant  la  plus  noble  et  la  plus  considé- 
rée des  Eglises  de  son  royaume,  et  qu'il  n'était 
pas  juste  que  l'archevêque  de  Bordeaux  com- 
mençât de  refuser  au  primat  de  Bourges  les 
devoirs  que  ses  prédécesseurs  lui  avaient  tou- 
jours rendus.  «  Ecclesia  Bituricensis ,  licet 
tenuis  in  facultatibus,  inter  alias  tamen  regni 
nostri  Ecclesias  existit  nobilior,  cum  primatiœ 
obtineat  dignitatem.  Cum  igitur  Burdigalensis 
archiepiscopus,  pra^decessorum  non  sequens 
vestigia,seadeoobedientemetdevotum  Ecclesiae 
Bituricensi  exhibere  non  velit ,  sicut  iidem 
prœdecessoressui  fecisse  noscuntur,  etc.  (Conc. 
Gêner.,  t.  x.  p.  1060.  Bibliot.  MSS.  Labbei 
tom.  u,  p.  88.  —An.  1211,.  » 


188  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  TRENTE-CINQUIÈME, 


Enfin  ce  grand  roi  presse  d'autant  plus  ins- 
iamnienl,  et  d'autant  plus  justement  le  pape 
de  conserver  au  primat  de  Rourges  ses  an- 
ciennes prérogatives,  que  c'est  la  seule  jiri- 
iiiatie  de  tout  son  royaume.  «  Cum  sola  Rituri- 
censis  Ecclesia  in  toto  regno  nostro  primatiœ 
obtineat  dignitalem. 

Le  pape  Innocent  III  confirma  la  sentence  de 
suspension  fulminée  par  l'archevêque  de  Rour- 
ges contre  l'archevêque  de  Bordeaux,  pour  ne 
s'être  pas  rendu  à  son  concile,  et  n'y  avoir  en- 
voyé personne;  sans  néanmoins  juger  a  fond 
de  la  primatie.  (Regist.  xv,  ep.  io,  1-28).  C'était 
néanmoins  un  grand  préjugé.  Ce  même  pape 
relâcha  ensuite  lui-même  cette  sentence  de  sus- 
pension, obligeant  l'archevêque  de  Bordeaux 
de  promettre  qu'il  se  rendrait  à  l'avenir  au 
concile  de  Bourges.  «  Firmam  promissionem 
recipientes  ,  quod  vocatus  accedet  ad  ijisius 
Rituricensis  concilium  ,  facturus  quod  de 
jure   fuerit    faciendum  (  Regist.    xvi  ,   epist. 

LXV).  » 

111.  Remarquons  ici  avant  que  de  passerplus 
loin  :  1"  Une  la  primatie  de  Rourges  était  dans 
la  pleine  jouissance  de  ses  droits  sur  les  pro- 
vinces   de  son  ressort  au    temps  que    Cré- 
goirc  Vil  et  Urbain  II  établirent  la  primatie  de 
Lyon.  Ainsi  ces  papes  ne  travaillaient  qu'à  éta- 
blir dans  les  autres  provinces  de  l'Eglise  galli- 
cane la  même  police  qui  avait  lieu  dans  les 
trois  Aquitaines.   •2°  Que   cette    primatie    de 
i'.durges  paraissait  avantageuse  iiour  la  gloire 
de  l'Etat  et  pour  l'union  plus  étroite  des  Eglises 
et  des  provinces  entre  elles  ,  puisque  c'était  là 
probablement  le  motif  qui  avait  poussé  Cliar- 
lemagne  à  son   établissement,   et  qui  portait 
Philippe  Auguste  àsa  conservation.  C'était  donc 
l'avantage  propre  des  Eglises  et  des  royaumes 
(|ui  donnait  fondement  à  établir  ces  nouvelles 
dignités.  3°  Que  si  le  roi  Philipi)e  Auguste  ne 
voulait  pas  soufl"rir(iue  la  |>ro\ince  de  Bordeaux 
se  retirai  de  l'obéissance  du  primat  de  Rourges, 
(]uoiqu'elle  fût  soumise  aux  Anglais,  il  faut 
conclure  de  là  que  la  création  de  la  primatie 
de  Lyon  n'avait  rien  de  contraire,  ni  aux  ca- 
nons, ni  aux  lois,  ni  i)eut-èlre  même  aux  avan- 
tages du  royaume  de  France  ,  puisque  les  em- 
pereurs avaient  abandonné  aux  archevêques  de 
Lyon  toute  la  temporalité  cprils  y  avaient  jws- 
sédée,  et  que  la   puissance   temporelle    d'un 
archevèciue  ou  d'un  comte  de  Lyon  ne  pouvait 
rien  avoir  de  formidable  pour  la  France.  Il  est 
vrai  que  la  Cuienue  ne  laissait  jias  alors  de  re- 


lever de  nos  rois,  ce  qu'il  n'est  pas  aussi  facile 
de  justifier  de  Lyon. 

IV.  Le  pape  Honoré  III  confirma  seulement 
en  général  les  privilèges  de  l'Eglise  de  Bourges; 
aussi  le  jugement  de  la  primatie  fut  renouvelé 
sous  le  pape  Grégoire  IX,  qui  prononça  une 
sentence  provisionnelle,  qui  se  lit  dans  les  Décré- 
tales;  «de  majoritateet  obedientia  (An.  d223.  — 
Cap.  ultim.  et  décret.  Greg.,  1. 1,  t.  xxxiu.c.  17. 
L.  II,  t.  viii,  c.  i.  L.  II,  t.  XIV,  C.20.  —  Patriar- 
chii  Biluric.  t.  ii,  p.  112, 116, 118.  Rainai.— An. 
I2r).'>,  n.  il).  »  Par  cette  sentence  le  primat  de 
Bourges  pouvait  visiter  la  province  de  Bor- 
deaux, pourvu  qu'il  n'y  employât  pas  plus  de 
cinquante  jours,  dans  lesquels  on  ne  compren- 
drait pas  les  jours  qu'il  pourrait  être  attaqué 
de  maladie.  «  Dies  quibus  infirmari  contigerit, 
dicimus  non  esse  computandos  in  numéro  quin- 
quaginta  dierum  ;  quibus  secundum  provisio- 
nem  (Iregorii  papœ,  licet  eidem  archiepiscopo, 
si  voluerit,  Rurdigalensem  provinciam  visi- 
ta re.  » 

Ce  même  pape  donnant  un  archevêque  à 
Rourges,  lui  donna  aussi  cet  éloge  :  «  Ei  qu* 
inter  universas  métropoles  speciali  gaudet  pri- 
vilégie. »  On  peut  remarquer  des  preuves  sem- 
blables dans  le  Patriarchium  Bituricense  ,  jus- 
qu'au pontificat  de  Clément  V,  Le  P.  Mabillon 
a  donne  au  second  tome  de  ses  Analectes  le 
journal  de  la  visite  du  primat  de  Rourges,  en 
l'an  1284,  dans  la  primatie  de  Bordeaux. 

Ainsi  la  métropole  de  Bordeaux  a  persévéré 
plus  longtemps  que  les  autres  dans  la  sujétion 
de  la  primatie  de  Rourges.  Car  Auch  et  Nar- 
bonne  s'étaient  déjà  mis  en  liberté  l'an  I22(i, 
comme  Mathieu  Paris  nous  l'a  appris  dans  le 
chapitre  précédent.  Enfin  Rordeaux  en  fut 
exempté  par  le  pape  Clément  V  qui  voulut 
peut-être  se  ressentir  de  l'excommunication 
que  le  primat  de  Rourges,  pour  maintenir  sa 
primatie,  avait  lancée  contre  lui  lorsqu'il  était 
encore  archevêque  de  Bordeaux  ;  et  peut-être 
voulut-il  simplement  affranchir  la  ville  et  le 
siège  d'oii  il  avait  été  porté  sur  le  trône  aposlo- 
li(pie  Spondanus  ad.  an.  1308,  n.  7,  8). 

Valsinghan  l'assure  de  la  sorte  :  «  Primatum 
AquitaniiudeBituricensitranstulitad  Ecclesiam 
Rurdigalensem.  »  Ces  paroles  marquent  seule- 
ment ratlranchissement  de  Bordeaux,  et  non  pas 
qne  la  primatie  lui  ait  été  donnée  sur  d'autres 
Eglises.  Après  cela  la  primatie  de  Rourges  a  été 
réduite  danslesbornesde  sa  propre  province,  et 
il  ne  lui  en  est  demeuré  d'autre  avantage  que  ce. 


DES  PRIMATS  DE  DOURGES,  BORDEAUX,  etc. 


1«9 


Iiiid'avoir  un  officiai  particulier  de  la  primatio, 
auquel  on  appelle  de  l'official  ordinaire  de  la 
métropole  (Anno  1305.— Valsinyh,  toin.  i,  p.  63, 
tom.  u,  p.  108.  Chronicon.  Triveti.— Anno  1305. 
—  Spicilegii  tom.  vui,  p.  "■2i). 

V.  Quant  à  l'exemption  accordée  à  l'arche- 
vêque de  Bordeaux  par  le  pape  Clément  V,  on 
en  peut  voir  la  bulle  entière  dans  le  premier 
tome  de  la  compilation  intitulée,  Gallia  Chris- 
tiana.  On  y  remarquera  que  ce  ne  fut  qu'un 
affranchissement  de  la  primatie  de  Bourges 
accordé  à  Bordeaux,  absolument  nécessaire 
pour  finir  tant  de  fâcheuses  contestations,  que  le 
pape  Grégoire  IX  n'avait  pu  terminer  par  ses 
rescrits ,  auxquels  les  archevêques  de  Bor- 
deaux n'avaient  jamais  déféré,  comme  étant 
encore  trop  désavantageux  à  leur  Eglise. 

Il  est  vrai  qu'aprèscela  le  roi  Charles  Yll,  en 
l'an  1461,  donna  des  lettres  patentes  en  faveur 
de  laprimalie,  ou  po/m/rcr// de  Bourges ,  par 
lesquelles  il  ordonne  que  dans  toutes  les  Eglises 
A' Aquitaine  son  autorité  soit  reconnue  ,  daiis 
les  causes  :  élection,  confirmation  des  arche- 
vêques, évêques,  abbés,  et  autres  causes  dévo- 
lues par  appel,  assurant  que  de  toute  ancienneté 
les  provinces  de  Bordeaux,  Toulouse  et  autres 
étant  dans  l'Aquitaine  avaient  dépendu  de 
Bourges  ;  et  que  même  depuis  peu  on  avait 
appeléde  l'archevêque  de  Bordeaux  au  primat 
de  Bourges,  dans  la  cause  de  l'élection  de 
l'évêque  de  Saintes  (Preuves  des  lib.  de  l'Egl. 
Gallic.  c.  XXXVI,  n.  19].  Le  roi  Louis  XI  ayant 
succédé  en  la  même  année  au  roi  Charles  Vil 
commanda  que  ces  lettres  fussent  exécutées 
(Pragmat.  Pinssoni,  p.  1016). 

La  conjoncture  du  temps  ne  nous  laisse 
presque  pas  lieu  de  douter  que  ce  n'ait  été 
pour  affermir  davantage  la  province  de  Bor- 
deaux dans  l'obéissance  de  la  couronne  de 
France,  que  le  roi  Charles  Vil  tâcha  de  la  re- 
mettre dans  la  sujétion  de  la  primatie  de 
Bourges.  Ce  grand  roi  s'était  vu  réduit  durant 
fort  longtemps  presque  à  la  possession  de 
la  seule  ville  de  Bourges,  les  Anglais  dominant 
dans  presque  tout  le  reste  de  la  France.  11  re- 
couvra enlin  son  royaume  d'entre  les  mains  de 
ces  injustes  usurpateurs,  mais  la  Guyenne  fut 
la  dernière  qui  rentra  dans  l'obéissance  de  son 
légitime  souverain.  Après  qu'elle  eût  été  recon- 
quise par  ce  roi  victorieux,  elle  se  réunit  en- 
core une  fois  entre  les  mains  de  ces  anciens 
ennemis  de  la  couronne,  avec  la  ville  de  Bor- 
deaux. •  •      .  ■      . 


Ce  grand  roi  eut  à  peine  le  loisir,  avant  sa 
mort,  de  la  reprendre  tout  entière,  et  de  faire 
cette  ordonnance,  ([u'il  crut  nécessaire  pour  la 
lier  plus  étroitement  à  sa  fidélité,  en  l'assujet- 
tissant à  une  ville  qui  avait  toujours  été  si 
attachée  aux  intérêts  de  son  Etat  et  de  sa  per- 
sonne. Mais  ou  ne  voit  [>as  que  cette  ordon- 
nance ait  produit  aucun  elfet  considérable,  [)Our 
ce  qui  regarde  les  droits  de  la  primatie  de 
Bourges.  Au  contraire,  l'archevêciue  de  Bor- 
deaux a  toujours  continué  de  prendre  la  qualité 
déprimât,  selon  la  bulle  de  Clément  V,  comme 
ne  relevantd'aucun  autre  primat,  etde  nommer 
un  officiai  de  sa  primatie,  auquel  on  appelle 
des  offlciaux  de  la  province  de  Bordeaux  seule- 
ment. 

VI.  11  faut  encore  ajouter  à  cela  que  l'arche- 
vêque de  Bordeaux  a  quelquefois  joui  des 
droits  de  primatie  sur  la  métropole  de  Tou- 
louse, et  que  le  primat  de  lîourges, nonobstant 
la  bulle  de  Clément  V,  continua  toujours  de 
faire  quelques  protestations  de  ses  justes  pou- 
voirs sur  Bordeaux  et  sur  Toulouse.  Denys  du 
Moulin  ayant  été  élu  archevêque  de  Toulouse 
en  l'an  1421,  le  chapitre  demanda  la  confirma- 
tion de  cette  élection  à  Henri,  archevêque  de 
Bordeaux,  comme  au  primat  ou  patriarche. 
Henri  fit  examiner  l'élection  par  ses  commis- 
saires, et  la  confirma  en  142-2  (Catel.  mémoires 
du  Languedoc,  p.  935.) 

Le  nouvel  archevêque  de  Toulouse  en  même 
temps  donna  un  acte  public,  par  lequel  il  dé- 
clarait n'avoir  nullement  prétendu  préjudicier 
aux  droits  que  l'archevêiiue  de  Bourges  pré- 
tendait sur  Toulouse,  en  qualité  de  primat 
d'Aquitaine.  Ce  nouvel  archevêtiue  de  Tou- 
louse, en  se  faisant  confirmer  par  un  primat, 
s'affermissait  lui-même  dans  la  qualité  et  dans 
les  droits  de  métropolitain.  En  l'an  1512,  le  roi 
François  1"  fit  une  ordonnance,  pour  enjoindre 
à  l'archevêque  de  Bordeaux  de  nommer  un 
officiai  particulier,  et  comme  archevê(iue,  et 
comme  primat,  pour  les  évêchés  de  sa  pro- 
vince qui  sont  dans  le  ressort  du  parlement  de 
Paris  (Preuves  des  libert.  gallic,  c.  xxxv, 
n.  54.) 

Vil.  Il  reste  une  'difficulté  à  lever  sur  le 
double  pouvoir  que  les  papes  accordèrent  pro- 
visionnellement  au  primat  de  Bourges.  1"  De 
visiter  la  province  de  Bordeaux,  et  d'en  recevoir 
les  procurations  ordinaires  des  visites  durant 
l'espace  de  cinquante  jours.  2"  D'obliger  les 
archevêques  de  Bordeaux  de  se  trouver  à  leurs 


m)  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-ChNQUIÈME. 


conciles,  lorsqu'ils  y  seraient  conviés.  Le  cha- 
pitre précédent  nous  a  fait  voir  que  le  primat 
de  Lyon  fit  à  la  vérité  quelque  tentative  pour 
prendre  ces  avantages  sur  la  province  de  Sens  ; 
mais  elle  ne  lui  réussit  pas  ,  et  les  droits  de  sa 
primatie  furent  réduits  aux  appels.  La  réponse 
à  mon  avis  la  plus  vraisemblable  est  que, 
quand  les  papes  en  jugèrent  de  la  sorte  par  pro- 
vision, ils  trouvaient  le  primat  de  Rourges 
dans  une  longue  possession  de  ce  double  pou- 
voir :  et  la  raison  en  pouvait  être  que  la  pri- 
matie de  Rourges  étant  plus  ancienne  que  celle 
de  Lyon  de  plus  de  deux  cents  ans ,  elle  pou- 
vait avoir  obtenu  ce  double  pouvoir  dès  sa 
première  origine. 

VIII.  Disons  un  mot  de  l'archevêque  de  Nar- 
bonne,  que  nous  avons  vu  assujetti  à  la  pri- 
matie de  Rourges,  et  qui  dans  la  suite  du  temps 
s'éleva  lui-même  au  titre  et  à  l'autorité  de 
primat.  Ives  de  Chartres  nous  a  conservé  la 
lettre  du  pape  Nicolas  I",  à  Radulphe,  arche- 
vêque de  Rourges,  par  laquelle  ce  pape  lui  fait 
savoir  les  plaintes  qu'il  avait  reçues  de  la  part 
de  l'archevêque  de  Narbonne  Sigebod ,  de  ce 
que  le  primat  de  Rourges  poussait  trop  loin  les 
droits  de  son  patriarcat,  attirant  à  son  tribu- 
nal les  ecclésiastiques  de  la  métropole  de  Nar- 
bonne sans  son  agrément,  les  canons  ne  lui 
réservant  que  les  causes  d'appel.  «  Conquestus 
est  Sigebodus  ,  quod  Clericos  suos  eo  invito  ad 
judicium  tuum  venire  compellas,  et  de  rébus 
ad  Ecclesiam  suam  pertinentibus  eo  inconsulto, 
quasi  jure  patriarchatus  tui  disponas  :  cum  hoc 
nec  antiquitas  liabeat ,  et  auloritas  sacrorum 
canonum  intcrdicat,  nisi  forte  pro  causis,  quas 
apud  se  terminare  non  possunt,  ad  te  quasi  ad 
patriarcham  suum  jirovocaverint  i^Ivo.  Epist. 
cxxxiii).»  Voilà  donc  cet  archevêque  sujet  à  un 
primai.  Le  voici  primat  lui-même. 

I\.  Dès  le  tcmiis  du  pape  Urbain  II,  l'arche- 
vêque de  Narbonne  prétendit  à  la  qualité  de 
primat,  témoin  ce  pape  même  dans  ses  lettres 
au  cardinal  légat,  qu'il  avait  envoyé  en  Esi)a- 
gne.  Car  la  ville  de  Tarragone  ayant  été  re- 
prise depuis  peu  sur  les  Maures,  et  ses  droits  de 
métropole  n'étant  pas  encore  bien  éclaircis, 
ce  pape  ordonna,  par  provision,  qu'elle  serait 
sujette  à  la  métropole  de  Narbonne ,  et  à  la 
primatie  de  Tolède,  jusqu'à  ce  que  l'arche- 
vêque de  Narbonne  eût  trouvé  les  titres  de  sa 
prétendue  primatie  sur  Tarragone.  a  Tarraco- 
nensibus  episcopis  nostra  autoritate  prœci- 
pito ,  ut  intérim  Narbonensi,  tanquam  proprio 


metropolitano  obediant,  Toletano  sicut  pri- 
mati;  donec  Narbonensis  archiepiscopus  se 
eorum  primatem  fuisse  certa  possil  autoritate 
monstrare  (Conc.  Gen.  tom.  x,  pag.  ISil).» 

11  n'est  pas  sans  apparence  qu'au  temps  que 
les  marquis  de  Gotliie  formèrent  un  Etat  con- 
sidérable ,  dont  Narbonne  était  la  capitale,  ces 
princes  furent  bien  aises  que  l'autorité  spiri- 
tuelle de  Narbonne  prît  la  même  étendue  deçà 
et  delà  les  monts,  et  servît  par  ce  moyen  à 
l'affermissement  de  leur  puissance  temporelle. 
Ce  fut  par  ce  motif  que  les  archevêques  de  Nar- 
bonne furent  soustraits  de  la  dépendance  du 
primat  de  Rourges,  et  tâchèrent  de  profiter  de 
la  déroute  des  Eglises  de  la  Catalogne,  afin  de 
s'y  ériger  une  image  de  primatie.  Nous  dirons 
ci-dessous  comment  Tarragone  recouvra  son 
droit  de  métropole,  et  ne  releva  plus  que  du 
primat  de  Tolède.  Si  Narbonne  perdit  cet  avan- 
tage, plutôt  prétendu  que  possédé  ,  elle  vit 
aussi  sa  liberté  affermie  par  le  pape  Martin  V, 
qui  l'affranchit  par  un  décret  de  toutes  les  pré- 
tentions du  primat  de  Rourges,  aussi  bien  que 
de  celles  de  l'archevêque  de  Vienne,  auquel 
Callixte  II  l'avait  assujettie,  comme  nous  allons 
dire  (Rainai.  An.  1  il8,  n.  33). 

X.  Ce  pajie  voulant  honorer  le  siège  archié- 
piscopal de  Vienne ,  qui  lui  avait  servi  de  de- 
gré pour  monter  sur  le  trône  des  Apôtres, 
renouvela  tous  les  anciens  privilèges  des  an- 
ciens papes  et  des  empereurs  en  sa  faveur,  et 
soumit  à  sa  primatie  sept  métropoles,  savoir: 
celles  de  Vienne,  de  Rourges,  de  Rordeaux, 
dAuch,  de  Narbonne,  d'Aix  et  d'Embrun, 
avec  pouvoir  d'y  assembler  des  conciles  et  d'y 
terminer  les  causes  ecclésiastiques,  en  ([ualité 
de  vicaire  du  Saint-Siège  (.\nno  11-20).  «Ut 
videlicet  super  septem  provincias  primatum 
obtineat,  et  in  eis  Romani  pontificis  vices  agat, 
synodales  conventus  indicat,  et  negotia  Ec- 
clesiastica  juste  canoniceque  definiat  (Conc. 
tom.x,  pag.  8-20).»  Rordeaux  et  Narbonne  s'étant 
déjà  soustraits  de  la  dépendance  de  Rourges, 
et  ainsi  la  primatie  de  Rourges  pouvant  passer 
pour  une  simple  métropole,  ce  pape  crut  pou- 
voir mettre  ces  trois  métropoles  dans  la  dé- 
pendance de  Vienne. 

Les  Romains  ayant  établi  un  sénat  à  Vienne 
pour  gouverner  les  Gaules,  elle  fut  appelée  la 
ville  du  sénat,  «  Urbs  Senatoria,  »  selon  Adon, 
archevêque  de  Vienne.  Les  rois  de  Rourgogne 
y  établirent  depuis  leur  séjour,  et  saint  Odilon 
rai)pelle  avec  raison  la  ville  royale  :  «  Vienna 


DES  PRIMATS  DK  H  l'HCES,   BORDEAUX,  etc. 


l!tl 


nobilis  sedes  regia.  »  Elle  fut  dans  la  même 
cousidération  dans  le  renouvL'lltniient  du 
royaume  de  Bourgogne,  j'^i"  1*^  démembre- 
ment des  Etats  de  Cliarlemagne  et  de  Louis  le 
Débonnaire.  Les  empereurs  d'Allemagne,  à  qui 
ce  royaume  écbut,  firent  gloire  de  lui  procu- 
rer tous  les  honneurs  et  tous  les  avantages 
possibles.  L'archevêque  de  Vienne  était  archi- 
chancelier  de  l'empire  sous  Frédéric  I",  en 
l'an  lirn  (Bibliol.  Clun.  pag.  350). 

Le  pape  Callixte,  qui  était  de  la  maison 
royale  de  Bourgogne ,  voulut  mettre  le  comble 
à  son  élévation  en  l'honorant  d'une  si  vaste 
|)rimatie  (Ibidem.  Nota,  pag.  t-il).  Quant  au 
choix  de  ces  sept  provinces ,  ce  pape  suivit  la 
notice  des  villes  dont  il  a  déjà  été  parlé,  où  la 
cité  de  Vienne  a  le  premier  rang  au-dessus  de 
ces  six  autres  villes,  de  même  que  Lyon  était 
au-dessus  des  autres  Lyonnaises.  Pierre  le  Vé- 
nérable, ablié  de  Cluny,  parle  du  patriarcat, 
c'est-à-dire  de  la  primatie  de  Vienne.  «  Ex  quo 
Viennensis  patriarcha  factus  est  L.  vi,  ep.  xi.» 

XI.  L'archevêque  de  Vienne  se  donna  même 
la  qualité  magnifique  de  «  primat  des  primats,  » 
comme  étant  élevé  au-dessus  de  l'archevêque 
de  Bourges,  qui  était  primat  d'Acjuitaine,  et 
au-dessus  de  l'archevêque  de  Narbonne,  à  qui 
Urbain  II  avait  donné  la  primatie  sur  l'arche- 
vêque d'Aix.  Mais  cet  agrandissement  excessif 
ne  fut  pas  de  tlurée,  les  primats  et  les  métro- 
politains intéressés  par  cette  constitution  de 
Callixte  n'ayant  pas  seulement  été  ouïs.  Tout 
le  fruit  de  la  concession  de  Callixte  se  termina 
eûectivement  à  mettre  les  évêchés  de  Die  et  de 
Viviers  sous  la  métropole  de  Vienne,  ayant  été 
auparavant  soumis  à  celle  d'Arles  (Marca  de 
Primat.  Lugdun.  n.  t-23j. 

XII.  Nous  avons  dit  que  le  pape  Urbain  II 
donna,  en  109" ,  à  l'archevêque  de  Narbonne , 
la  primatie  sur  l'archevêque  d'Aix.  Le  pape 
Pascal  11  confirma  ce  privilège  :  «  Primatum 
vobis  super  secundam  Narbonensem,  id  est, 
Aquensis  metropolis,  sicut  a  nostri  prœdeces- 
soribus  statutum  est ,  confirmamus.  (Pascal. 
Ep.  XLvm).  »  La  même  raison  apparente  y  avait 
lieu;  la  province  d'Aix  était  appelée  la  seconde 
Narbonnaise  dans  les  catalogues  des  villes  qui 
étaient  alors  en  crédit.  Mais  comme  on  ne  voit 
pas  dans  l'histoire  les  effets  de  cette  concession, 
il  est  probable  que  le  principal  fruit  qui  en  re- 
vint ,  fut  l'affranchissement  de  la  primatie  de 
Bourges ,  auquel  le  métropolitain  de  Narbonne 
aspirait. 


Les  rescrits  d'Alexandre  III,  en  IHH,  et 
d'Urbain  111  en  1187,  ne  maintenant  la  prima- 
tie de  Bourges  que  sur  Bordeaux,  en  exemp- 
taient tacitement  les  métropoles  de  Narbonne 
et  d'Auch.  Ainsi  il  parait  que  si  quelques  mé- 
tropoles n'ont  pu  secouer  le  joug  des  primats, 
quelque  effort  (fu'elles  aienl  pu  faire,  il  y  en  a 
eu  un  bien  plus  grand  nondire  d'autres  <iui 
s'en  sont  alfranchies.  Les  occurrences  diverses 
des  temps  rendent  quelquefois  dangereux  ce 
qui  a  été  utile ,  et  donnent  un  très-légitime 
fondement  à  ces  différentes  révolutions  que 
nous  admirons  dans  la  discipline  de  l'Eglise. 

L'intérêt  et  la  passion  se  mêlent  à  la  vérité 
très-souvent  dans  les  affaires  les  plus  saintes , 
et  parmi  les  personnes  les  plus  religieuses. 
Mais  si  les  moindres  événements  ne  peuvent 
échapper  à  la  Providence  et  à  la  sagesse  du 
Créateur,  il  faut  croire  ([ue  ces  changements 
considérables  dans  la  police  de  l'Eglise  sont 
conduits  et  ménagés  du  ciel,  par  des  règles  et 
pour  des  avantages  qu'il  nous  est  quelquefois 
plus  facile  d'admirer  que  de  pénétrer. 

Xlll.  L'archevêque  de  Reims  disputa  de  la 
primatie  avec  l'archevêque  de  Trêves,  dans  le 
concile  tenu  à  Reims  par  le  pape  Léon  IX,  en 
l'an  loU),  se  prétendant  le  primat  des  Gaules  : 
«  Quod  Remensis  esset  primas  in  Gallia.  »  Le 
I)ape  évita  sagement  de  s'embarrasser  d'une 
question  si  embrouillée,  et  se  contenta  de  faire 
ranger  les  sièges  en  cercle  à  l'entour  de  son 
trône.  Dans  le  concile  de  1039,  où  le  jeune 
roi  Philippe  fut  couronné  à  Reims,  l'arche- 
vêque allégua  que  les  papes  avaient  donné  à 
son  Eglise  le  droit  de  couronner  les  rois,  et  la 
primatie  des  Gaules  :  «  Et  totius  (ialliœ  prin- 
ci[>atum.  » 

Depuis,  cet  archevêque,  pour  ne  pas  recon- 
naître l'autorité  de  l'évêtine  de  Die,  que  le 
jiape  Grégoire  VU  avait  revêtu  de  la  dignité  de 
légat  a  latere,  allégua  les  anciens  privilè- 
ges de  la  primatie  de  son  Eglise.  Ce  pai)e  lui 
écrivit  que  ces  sortes  de  privilèges  n'étaient  en 
■vigueur  qu'autant  de  temps  et  en  autant  de 
lieux  que  l'utilité  ou  la  nécessité  de  l'Eglise  le 
demandait  :  «  Possunt  quœdam  in  privilegiis 
pro  re,  pro  persona,  pro  tempore,  pro  loco 
concedi,  quœ  iterum  pro  iisdem,  si  nécessitas 
vel  utilitas  major  exegerit,  licentervaleantcom- 
nmtari  (L.  vi,  ep.  u).  »  Que  toutes  ces  prérogati- 
ves d'honneur  et  de  puissance  étaient  données 
au  besoin  de  l'Eglise,  non  pas  à  lambition 
des  prélats  :  «  Privilégia  siquidem  non  debent 


492  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-CINQUIÈME. 


sanctorum  Patriim  autoritatem  infringere, 
sed  tililitati  sanctœ  Ecclesia^  prospicere.  »  Que 
la  priiiialie  d'Arles  avait  été  en  son  temps  très- 
florissante,  qu'après  cela  elle  avait  passé  à 
d'autres  Eglises,  selon  que  le  Saint-Siège  avait 
jugé  utile  pour  les  besoins  pressants  de  chaque 
siècle. 

Celle  de  Reims  pouvait  bien  avoir  eu  le 
même  sort ,  puisque  ce  pape  dit  que  Reims 
avait  été  même  (|uelquefois  dans  la  dépen- 
dance d'un  jiriinat.  a  Remensis  etiam  Ecclesia 
quodam  tempore  primati  subjacuit.  »  Je  ne 
sais  si  ce  pape  fait  allusion  à  l'archevêque 
d'Arles,  ancien  primat,  ou  à  saint  Boniface  de 
Mayence,  ou  à  Anségise  de  Sens;  car  toutes 
ces  explications  ont  quelque  apparence,  mais 
elles  souffrirent  de  grandes  difficultés. 

Mais  il  est  bien  clair  que  les  archevêques  de 
Reims  tâchaient  de  rétablir  les  débris  de  leur 
ancienne  gloire,  (ierbert,  archevêque  de 
Reims,  dit  que  l'Eglise  de  Reims  est  la  pre- 
mière du  royaume ,  et  comme  la  capitale. 
«  Quœ  quoniam  regni  Francorum  caput  est 
(Episl.  CLix).  »  Le  roi  Louis  le  Gros  donne  le 
même  titre  d'honneur  à  la  même  Eglise. 
«  Matrem  meam  et  caput  regni  mei  Eccie- 
siam  (Du  Ciiesne,  tom.  vn,  pag.  iiri).  » 

Ives,  évéque  de  Chartres,  assure  dans  une 
de  ses  lettres  que  la  coutume  et  le  privilège 
ajjostolique  avaient  réservé  à  l'archevêque  de 
Reims  le  pouvoir  de  célébrer  les  noces  des 
rois.  «  Respondi  me  nuptiis  interesse  nolle , 
nisi  vos  carum  essetis  consecrator  et  autor, 
et  coepiscopi  vestri  assertores  et  cooperatores, 
quoniam  id  competit  juri  Ecclesia;  vestrœ,  ex 
Apostolica  aulorilate,  el  antitiua  consuelu- 
dinc  (Epist.  xufj.  » 

L'autre  lettre  du  même  Ives,  où  il  montre 
(pie  les  rois  n'ont  [tas  toujours  été  sacrés  à 
Reims  ,  et  qu'exlraordinairenn'nt  ils  peuvent 
être  consacrés  en  d'autres  métropoles  (Epist. 


i.xx).  cette  lettre,  dis-je,  n'empêche  pas 
qu'il  ne  soit  vrai  de  dire  que  cette  auguste 
cérémonie  a  été  ordinairement  réservée  à  l'ar- 
chevê(|ue  de  Reims ,  et  qu'elle  pourrait  bien 
être  un  reste  de  l'ancienne  prééminence  de 
cette  Eglise. 

Le  même  Ives  en  demeure  d'accord  dans 
une  autre  lettre,  quand  il  déclare  au  pape 
môme  que  l'Eglise  de  Reims  conserve  le  dépôt 
sacré  de  la  couronne  royale,  et  qu'elle  sert  de 
modèle  à  toutes  les  autres  Eglises  du  royaume, 
tant  pour  le  relâchement  que  pour  la  sévérité 
de  la  discipline.  «  Novit  prudentia  vestra,  eam- 
dem  sedeni  diadema  regni  habere,  et  omnibus 
pêne  Gallicanis  Ecclesiis  exemplum  ruinœ,  vel 
resurrectionis  existere  (Epist.  cxvi).  » 

XIV.  Je  finirai  ces  chapitres  despriraatiesen 
France,  par  une  nouvelle  confirmation  de  ce 
qui  a  été  dit  ci-dessus,  que  toute  la  supériorité 
des  primats  sur  les  métropolitains  ne  consis- 
tait plus  que  dans  le  droit  de  recevoir  et  de 
juger  les  appels.  L'archevêque  et  primat  de 
Lyon,  Louis  de  Marquemont, voulant  célébrera 
Paris  une  messe  pontificale  dans  l'Eglise  de 
Saint-Eustache,  en  l'an  1019,  le  curé  de  Saint- 
Eustache  donna  acte,  par  lequel  il  assure  que 
l'archevêque  en  avait  obtenu  permission  du 
cardinal  de  Condy,  évéque  de  Paris;  qu'il  n'a- 
vait pris  que  les  ornements  ordinaires  des 
évêques,  sans  pallium,  et  sans  la  croix  archié- 
piscopale ;  enfin  (ju'il  avait  prêché  dans  la 
même  église,  sans  qu'on  portât  devant  lui,  ni 
sa  crosse,  ni  la  croix  haute  (Fevret  de  l'Al- 
bus.  L.  ni,  c.  3,  n.  1  i).  L'an  10:28  ,  M.  du 
Saussay,  officiai  de  Paris,  fit  un  traité  fort 
savant  pour  M.  l'évêque  de  Paris  contre 
l'archevê(|ue,  primat  de  Lyon,  qui  |)rétendait 
pouvoir  faire  porter  sa  croix  devant  lui  dans 
tout  le  ressort  de  sa  primatie  (Marca  de  Pri- 
mat. Lugduu.  n.  1:27  (1). 


(I)  La  juridiction  des  primats  ayant  été  éleiDte  et  n'ayant  pas  été 
rétablie  par  la  bulle  du  29  novembre  1301  qui  rét.rganisait  l'Eglise 
de  France,  nous  croyons  qu'en  l'état  actuel  de  la  discipline  un  appel 
du  métropolitain  au  primat  ne  serait  pas  valable.  L'archevêque  de 
Lyon  porte  bien  encore  le  titre  de  primat  des  Gaules^  mais  c'est  un 
titre  sans  juridiction.  Il  n'en  a  d'avitre  que  celle  de  métropolitain. 
La  grave  question  des  appels  trouve  ici  sa  place  naturelle,  car  il  im- 
porte grandement  de  savoir  ce  que  la  discipline  actuelle  de  France 
comporte  en  un  point  d'une  si  haute  importance  et  qui  est  la  sauve, 
gartie  contre  tous  les  arbitraires  et  les  injustices.  Le  gouvernement 
ne  reconnaît  pas  d'autres  décisions  judiciaires  que  celles  qui  sont 
prises  par  l'évêque  ;  il  admet  qu'on  en  appelle  d'une  sentence  épis- 
copale  au  métropolitain.  Cela  ressort  de  l'article  15  des  organiques. 
Mais  le  gouvernement  n'allait  pas  plus  loin.  Comprenant  le  but  de 
ce  silence,  le  cardmal  légat,  dans  la  réclamation  qu'il  adressa  contre 
les  articles  organi(iues  en  août  ISÛ3,  «  demanda  nettement  à  qui  l'on 
«  devait  s'adresser  si   les  métropolitains  ne  faisaient  pas  justice.  » 


L'organe  du  gouvernement,  Portails,  répondit  à  cette  question  :  o  On 
u  peut  dans  ce  cas  recourir  au  pape,  qui  prononce  alors  dans  les 
'1  formes  fixées  par  nos  usages.  »  Dans  son  rapport  du  22  septembre 
1803,  il  ajouta  :  a  Le  recours  au  pape  n'avait  pas  besoin  d'être  ex- 
II  primé  dans  une  loi  particulière  à  rF.glise  de  France.  Ce  recours  ap- 
■  partient  à  la  discipline  générale  (pli  régit  le  corps  entier  de  l'Eglise.  » 
Ainsi  donc,  le  gouvernement  reconnaît  dans  la  jurisprudence  ecclé- 
siastique moderne  le  droit  d'appel  de  l'évêque  au  métropolitain,  et 
de  celui-ci  au  pape.  Mais  p3r  suite  d'une  prétention  que  nous  consta- 
tons, sans  la  comprendre,  le  gouvernement,  qui  reconoait  le  pouvoir 
judiciaire,  en  tant  que  personne  épi'scopale,  refuse  ce  droit  à  un  offi- 
ciai capitulaire  agissant  seul  :  il  ne  le  reconnaît  qu'aux  vicaires  capi- 
tulaires  agissant  collectivement.  Une  ordonnance  royale  en  conseil 
d'Etat  du  2  novembre  1833  annula  et  déclara  abusive  une  décision 
qu'un  vicaire  capitulaire  d'Aix  avait  prise  seul  comme  officiai  j  elle 
ne  pouvait  être  valable  qu'autant  que  les  vicaires  capitiilaires  la 
prendraient  collectivement,  Mais  qui  ne  voit  ici  les  inconvénients  de 


DES  PRIMATS  D'ANGLETERRE  ET  D'IRLANDE. 


lyj 


CHAPITRE  TRENTE-SIXIÈME. 


DES     PRIMATS    D  ANGLETERRE     ET     DIRLANDE. 


I  La  primatie  adjugée  par  les  conciles  et  les  papes  îi  Cunlor- 
béry  sur  York. 

II.  Fondement  de  cette  primatie  soutenue  par  saint  Lanfiaac. 

III.  Et  par  saint  Anselme. 

VI.  Suite  des  contestations  entre  ces  deux  archevèqmts. 

V.  Commencement  de  la  décadence  de  la  primatie  de  Canlor- 
béry. 

VI.  Pommaire  de  l'histoire  de  cette  primatie. 

VU.  Trois  saints  archevêques  de  Cantorbéry  ayant  soutenu 
avec  zèle  et  avec  chaleur  les  droits  de  leur  primatie  j  il  y  au- 
rait de  la  témérité  à  mal  juger  de  ces  tontestations  entre  les 
prélats.  Règles  du  jugement  qu'on  en  doit  faire. 

Vill.  Saint  Maiachie  ,  archevêque  d'Armach ,  va  faire  confir- 
mer à  Rome  sa  piimalie  d'Armach. 

ÏX.  Cette  primatie  était  un  démembrement  de  celle  de  Can- 
torbéry. Rien  n'était  plus  juste.  Preuves  de  cela.  Maximes  utiles 
qu'on  peut  en  tirer. 


T.  L'ancienne  conlesiation  entre  les  archevê- 
ques de  Ccinlorbéry  et  d'York  en  Angleterre, 
louchant  la  primatie ,  fut  terminée  en  faveur 


de  Tarchevêque  de  Cantorbéry  dans  un  concile 
dWngleterre,  tenu  en  \01î>  par  ordre  du  pape 
Alexandre  11  en  présence  d*un  légat  a  latere 
(Matthanis  Paris.  An.  107-2;  Vuillel.  iMalmesb., 
I.  ni,  p.  117,  IOr>  . 

Le  roi  Guillaume  le  Conquérant,  et  les  ar- 
chevêques Lanfranc  de  Cantorbéry  et  Thomas 
d'York  étaient  présents;  et  il  ftit  résolu  que 
l'archevêque  d'York  reconnaîtrait  celui  de 
Cantorbéry  comme  son  primat,  se  trouverait  à 
ses  conciles,  ou  y  enverrait,  en  garderait  les 
décisions,  recevrait  de  lui  la  consécration,  et 
lui  ferait  la  profession  canonique  avecserment; 
néanmoins,  à  la  prière  du  roi,  Lanfranc  dispensa 
Thomas  du  st-rment,  et  se  contenUi  de  recevoir 
de  lui  la  profession  par  écrit,  sans  préjudicier 
néanmoins  à  ses  successeurs  qui  voudraient 


ringérence  civile  dans  le  for  ecclésiastique?  Uoe  Eglise  n'a  qu'uQ 
chef,  l'évèque  ;  et  à  sa  mort,  un  seul  officiai  capitulaire,  dépositaire  de 
la  puissance  épiscopale,  qui  oe  peut  pas  être  divisée  sur  plusieurs 
têtes.  Ainsi  à  la  place  de  Tunité  qu'a  établie  TEglise,  les  intromis- 
sions civiles  glissent  l'anarchie.  Une  Eglise  n'est  pas  gouvernée  par 
un  sénat  de  plusieure  membres,  mais  par  un  seul  chef. 

Nous  allons  faire  connaître  les  cas  où,  dans  la  discipline  actuelle, 
l'appel  contre  une  sentence  épiscopale  n'a  qu'un  effet  dévolulif,  c'est- 
à-dire  que  la  sentence  est  exécutable  même  durant  l'appel  :  lo  Sus- 
pension d'un  prédicateur;  2»  révocation  de  pouvoirs  pour  administrer 
le  sacrement  de  pénitence;  3o  décision  prise  en  cours  de  visite  contre 
une  maison  religieuse  peu  régulière  ;  4»  ordonnance  relative  au  ser- 
vice divin  dans  les  hôpitaux  et  autres  établissements  publics.  Dans 
notre  livre  -■  Les  lois  de  l'Eglise  sur  la  nomination,  la  mutation  et 
la  révocation  des  curej  —  situation  anormale  de  l'Eglise  de  France 
nous  avons  victorieusement  démontré  qu'un  curé,  dit  impropre- 
ment desservant,  qui  ferait  appel  contre  un  changement  arbitraire, 
sans  motif  canonique,  cet  appel  produirait  nécessairement  un  effet 
suspensif,  c'est-à-dire  que  la  décision  del'évêque  ne  serait  exécutable 
qu'après  la  sentence  du  juge  supérieur,  et  que  l'appelant  resterait  seul 
légitime  curé  pendant  l'appel.  Qui  ne  sait  en  effet  que  de  funestes 
préventions,  des  pressions  incompétentes  peuvent  quelquefois  entraî- 
ner les  plus  saiiits  prélats?  Ceux  qui  entourent  l'évèque  sont-ils  tou- 
jours des  conseillers  justes,  équitables,  sans  passion,  sans  rancune? 
L'envie,  la  jalousie,  les  honteux  mobiles  ne  se  sont-ils  jamais  glissés 
au  sein  de  la  milice  sacrée? 

Pûur  compléter  cette  matière,  il  est  nécessaire  que  nous  disions 
quelques  mots  des  appels  comme  d'abus  que  s'est  réservés  le  pouvoir 
civil.  La  question  n'est  pas  d'examiner  ici  la  compétence  ou  l'incom- 
pétence d'une  telle  prétention,  mais  seulement  de  faire  connaître  sa 
nature  car  c'est  un  fait  passé  dans  notre  législation  civile.  Notre 
but  est  donc  de  le  constater  seulement. 

Lorsque  Léon  X,  pour  assurer  l'exécution  du  Concordat  que  le 
clergé  de  France  refusait  d'accepter,  nomma,  dans  la  bulle  du 
IG  mai  1518,  François  l^r  et  ses  successeurs  légitimes,  les  conserva- 
teurs et  exécuteurs  dudit  concordat,  investit  par  là  même  rautorité 
séculière  du  droit  d'interveuir  dans  la  mise  en  pratique  des  lois  ca- 
noniques. De  là  naquit  Vappel   comme  d'abus j  c'est-à-dire  une  voie 

Tii.  —  Tome  I. 


extraordinaire  établie  en  France  pour  faire  réformer  par  le  roi  tout 
ce  que  les  évéques  et  même  les  conciles  provinciaux  peuvent  faire 
de  contraire  à  ce  qu'on  appelle  les  libertés  de  l'Eglise  gallicane. 
Cette  prétention,  on  le  conçoit  aisément,  soumit  complètement  l'Eglise 
à  l'Etat.  Aussi  le  judicieux  Fleury  lui-même,  tout  gallican  qu'il  était, 
ne  craint  pas  de  dire,  dans  son  Discotirs  sur  les  Libertés,  que  les 
appels  comme  d'abus  ont  achevé  de  ruiner  la  juridiction  ecclésias- 
tique. On  peut  voir  passim  dans  les  Mémoires  du  clergé  plusieurs 
vigoureuses  protestations  de  la  part  de  l'ordre  ecclésiastique  tout  entier 
contre  un  empiétement  qui  tendait  à  rendre  l'Etat  maître  absolu  de  la 
doctrine  et  de  la  discipline  de  l'Eglise.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  situa- 
tien,  qu'on  appelait  les  libertés  de  l'Eglise  gallicane,  subsista  jusqu'à  la 
grande  révolution.  Le  Concordat  de  1801,  qui  reconstruisait  l'édifice 
de  l'Eglise  de  France,  renversé  de  fond  en  comble,  n'accorda  à  l'Etat 
aucune  autorité  sur  l'Eglise.  Mais  l'héritage  du  despotisme  des  an- 
ciens parlements  était  trop  précieux  à  recueillir  pour  qu'on  i'aban- 
dorinât.  Aussi  avec  le  Concordat,  seule  loi  légitime,  parurent  simul, 
îanémeot  et  subrepticement  les  articles  organiques.  Cette  législation 
aniicanonique,  à  laquelle  cependant  on  est,  pour  bien  des  articles, 
obligé  de  se  soumettre,  puisque  la  force  est  là  pour  les  faire  exécu- 
ter, établit  non  pas  les  appels  comme  d'abus,  qui  ne  pouvaient  en 
aucune  manière  découler  du  nouveau  Concordat  comme  de  l'ancien 
mais  seulement  le  recours  en  cas  d'abus.  C'est  moins  prétentieux 
dans  les  termes,  mais  les  effets  sont  les  mêmes.  Voici  donc  comme 
s'expriment  les  articles  organiques  : 

Art.  6.  11  y  aura  recours  au  conseil  d'Etat,  dans  tous  les  cas  d'abus 
de  la  part  des  supérieurs  et  autres  personnes  ecclésiastiques.  —  Les 
cas  d'abus  sont  ;  l'usurpation  ou  l'excès  de  pouvoir,  la  contravention 
aux  lois  et  règlements  de  la  République,  l'mfraction  aux  règles  con- 
sacrées par  les  canons  reçus  en  France,  l'attentat  aux  Ubertés  fran- 
chises ei  coutumes  de  l'Eglise  gallicane,  et  loule  entreprise  ou  tout 
procédé  qui,  dans  l'exercice  du  culte,  peut  compromettre  l'honneur 
des  citoyens,  troubler  arbitrairement  leur  conscience,  dégénérer  contre 
eux  en  oppression  ou  en  injure,  ou  en  scandale  public. 

Art.  7.  Il  y  aura  pareillement  recours  au  conseil  d'Etat,  s'il  est 
porté  atteinte  à  l'exercice  public  du  culte,  et  à  la  liberté  que  les  lois 
et  règlements  garantissent  à  ses  ministres. 

Art.  8.   Le  recours  compétera  à  toute  personne   intéressée.  A  dé- 

13 


i9i 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SIXIÈME, 


exiger  le  serinent  avec  la  [irolession  des  arche- 
vêques d'York. 

Guillaume  de  Malmesbury  a  rapporté  l'acte 
ori^Mnal  de  cette  transaction,  avec  les  souscrip- 
tions du  roi ,  des  deux  archevêques  et  des 
autres  prélats  d'Angleterre.  Ainsi  ce  n'est  pas 
sans  raison  quecet  auteur  appelle  l'archevêque 
de  Cantorbéry  primat  et  patriarche  de  toute 
r  Anfjleterre. 

Avantceconcile,dèsqueLanfranceut  été  élevé 
sur  le  siège  de  Cantorbéry,  Thomas  avait  été 
obligé,  par  le  commandement  du  roi  et  par  le 
commun  consentement  des  évèques,  de  s'ac- 
quitter de  ce  devoir  envers  son  primat;  mais 
il  avait  protesté  qu'il  ne  s'engageait  pas  à 
rendre  les  mêmes  respects  aux  successeurs  de 
Lanfranc,  si  on  ne  lui  taisait  voir  dans  un  con- 
cile les  raisons  et  les  preuves  de  cette  obligation . 
Ces  deux  archevêques  avaient  ensuite  allégué 
leurs  prétentions  oi)posêes  devant  le  pape 
Alexandre  11  a  Rome,  où  Thomas  avait  mis  en 
avant  l'ancien  règlement  du  grand  saint  Gré- 
goire, que  les  deux  archevêques  vivraient  dans 
une  parfaite  égalité,  excepté  que  le  plus  ancien 
d'ordination  aurait  toujours  la  préséance  :  à 
<luoi  aussi  Lanfranc  avait  répondu  que  le 
grand  saint  Grégoire  avait  fait  ce  décret  pour 
les  Eglises  de  Londres  et  d  York,  non  pas  pour 
celles  de  Cantorbéry  et  d'York  (Malmesb.  de 
gestis  Pont.  Angl.,1.  i,  p.  -200  et  seq.i.  Le  pajie 
avait  sagement  jugé  qu'une  atTaire  d'une 
aussi  grande  conséquence  devait  être  examinée 
et  décidée  dans  un  concile  national  d'Angle- 
terre, et  il  avait  pour  cela  envoyé  un  légat  a 
latere. 

IL  Lanfranc  informa  le  pape  de  ce  qui  s'était 
passé  dans  le  concile,  où  Ton  produisit  d'abord 
l'histoire  de  Bède,  prêtre  d'York  et  docteur  des 

faut  de  plainte  particulière,  il  sera  exercé  d'office  par  les  préfets.  — 
Le  fonctionnaire  public,  l'ecclésiastique  ou  la  personne  qui  voudra 
exercer  ce  recours,  adressera  un  mémoire  détaillé  et  signé  au  con- 
seiller d'Etat  chargé  de  toutes  les  affaires  concernant  les  cultes,  lequel 
sera  tenu  de  prendre,  dans  le  plus  court  délai,  tous  les  renseigne- 
ments convenables;  et,  sin:  son  rapport,  l'alTaire  sera  suivie  et  défi- 
nitivement terminée  dans  la  forme  administrative,  ou  renvoyée,  selon 
l'exigence  des  cas,  aux  autorités  compétentes. 

C'est  le  conseil  d'Etat  qui  est  saisi  de  tous  ces  griefs,  qui  sont  tel- 
lement élastiques,  que  ce  tribunal  laie  peut  devenir,  quand  il  vou- 
dra, le  synode  permanent  de  l'Eglise  de  France.  Sa  plus  récente  et 
peut-être  plus  mémorable  décision  est  celle  du  16  aoiit  18G3,  qui 
déclara  qu'il  y  avait  abus  dans  le  cas  de  conscience  signé,  par  sept 
évèques,  relatif  à  des  doutes  qu'éprouvaient  certains  électeurs.  Nous 
croyons  devoir  citer  ici  les  considérants  du  décret  impérial,  afin  de 
mieux  faire  connaître  les  prétentions  du  pouvoir  civil  dans  le  do- 
maine de  l'Eglise  : 

"  Considérant  que  c'est  un  principe  établi  de  tout  temps  par  le 
droit  canonique  et  consacré  encore  par  la  bulle  et  le  décret,  qui  ont 
fixé  la  nouvelle  circonscription  des  diocèses,  que  les  pouvoirs  des 
évèques  sont  strictement  renfermés  dans  les  limites  de  cette  circon- 
scription, et  ne  pcuven    être  exercés  qu'envers  les  fidèles  de  leurs 


Anglais,  et  il  y  parut  que  di-puis  Augustin  , 
premier  archevêque  de  Cantorbéry,  jusqu'au 
temps  que  Bède  écrivait,  c'est-à-dire  duiaiit 
l'espace  de  cent  quarante  ans,  les  archevêt|ues 
de  Cantorbéry  avaient  exercé  tous  les  droits  de 
primatie  sur  l'Eglise  d'York  et  sur  toute  l'An- 
gleterre, aussi  bien  que  sur  l'Irlande.  «  Demon- 
stratumest  antecessores  meos  super  Eboracen- 
sem  Ecclesiam  ,  totamque  insulam  ,  quam 
Rritanniam  vocant,  necnon  et  Hiberuiam.  pri- 
matuiii  gessisse.  curam  pastoralein  omnibus 
im pendisse,  in  ipsa  Eboracensi  urbe  persœpe 
locisque  linitimis,  ubi  eis  visum  fuit,  episco- 
pales  ordinatiunes  atque  concilia  célébrasse, 
Eboracenses  antistites  ad  ipsa  concilia  vocasse, 
et  cuin  res  poposcisset,  de  suis  eos  actibus  ra- 
tioneiii  reddere  compulisse  (Ibid.  207).  » 

On  y  produisit  les  lettres  des  papes  Grégoire, 
Boniface,  Honoré,  Yitalien,  Serge,  Grégoire, 
Léon  et  Jean  (Anno  1072.  Ibidem,  p.  212).  On 
lut  toutes  ces  lettres.  Lanfranc  répondit  à  l'au- 
torité et  à  la  disposition  de  saint  Grégoire  te 
Grand  ,  qu'elle  ne  regardait  que  l'Eglise  de 
Londres,  non  pas  celle  de  Cantorbéry  ;  qu'elle 
ne  pouvait  jamais  avoir  été  exécutée  au  temps 
de  saint  Grégoire  et  d'Augustin,  puisqu'il  n'y 
eut  pas  même  alors  d'archevêque  à  Y'ork ,  et 
que  le  premier  archevêque  d'York,  Paulin,  n'y 
fut  envoyé  qu'au  temps  de  Juste,  quatrième 
archevêque  de  Cantorbéry  :  qu'Augustin  ayant 
établi  son  siège  à  Cantorbéry,  avait  de  là  comme 
d'une  vive  source  répandu  la  foi  dans  toute 
l'Angleterre,  fondé  toutes  les  Eglises  et  tous  les 
évéchés ,  dont  par  une  suite  nécessaire  lui  et 
ses  successeurs  avaient  été  reconnus  les  pères 
et  les  supérieurs  jiar  tous  les  papes  successeurs 
de  la  doctrine  et  des  maximes  de  saint  Gré- 
goire. «  Jîquum  censenl  ut  oranes  Anglorum 

diocèses  respectifs  ;  —  considérant  que  les  archevêques  et  évèques  ne 
peuvent  délibérer  ensemble  et  prendre  des  résolutions  communes 
sans  la  permission  expresse  du  gouvernement;  —  considérant  qu'aux 
termes  de  la  déclaration  de  1682,  il  est  de  maxime  fondamentale 
dans  le  droit  public  français,  que  le  chef  de  l'Eglise  et  l'Eglise 
même  n'ont  reçu  de  puissance  que  sur  les  choses  spirituelles  et  non 
pas  sur  les  choses  temporelles  civiles  ;  que,  par  conséquent,  les  lettres 
pastorales  que  les  évèques  peuvent  adresser  aux  fidèles  de  leur  dio- 
cèse seulement,  ne  doivent  avoir  pour  objet  que  de  les  instruire  de 
leurs  devoirs  rehgieux  ;  —  considérant  que  l'écrit  qui  a  pour  titre  : 
Réponse  de  plusieurs  éuéques  aux  consultations  gui  leur  ont  été 
adresse'es  relativement  aux  élections  prochaines,  a  été  adressé  par 
les  archevêques  et  évèques  signataires,  non-seulement  aux  fidèles  et 
aux  prêtres  de  leurs  diocèses  respectifs,  mais  encore  aux  fidèles  et 
aux  prêtres  de  tout  l'Empire  français  par  la  voie  des  journaux  quo- 
tidiens et  en  une  brochure  répandue  dans  tous  les  déparlcmenls;  — 
considérant  que  cet  écrit  est  évidemment  le  résultat  d'un  concert  et 
l'œuvre  d'une  résolution  prise  en  commun  ;  —  considérant  qu'il  n'a 
nullement  pour  objet  d'enseigner  aux  fidèles  leurs  devoirs  religieux  ; 
qu'il  ne  donne  réellement  que  des  instructions  poUtiques...  » 

Nous  croyons  que    toute  la  théorie  du  droit  dit  canonico-civil  se 
trouve  dans  ce  préambule  qu'on  ne  peut  discuter.  (Dr  André.) 


DES  PRIMATS  D'ANCLETERRE  ET  D'IRLANDE. 


195 


Ecclfsia^  al)  eo  loco  rmitiicnlm-  vivomli  disci- 
pliiiaiii;  aciijus  loiTiite  i-apuoriii-.l  vivcmli  thiiii- 
iiiaiii.  Qiiisuiiiin  nesciat.(|iioda(',antia  manavit 
Cliristi  credulilas  in  Eboracuni.  et  in  ca'teras 
An^^liiP  Eccicsias  (Lanfiancie|).  m  .  » 

Voilà  k'S  solides  fondenicnls  do  l'avantage 
qne  le  piiniat  de  Canioibéry  remporta  ,  et  de 
re\i)li(ation  qu'on  donna  au  décret  du  pa|ie 
saint  Grégoire,  plus  conforme  à  l'esprit  et  aux 
maximes  de  ce  saint  docteur  qu'à  la  lettre  de 
son  décret.  Lanfranc  soutenu  de  l'autorité 
royale,  usa  de  toute  la  plénitude  de  puissance 
que  [leuvent  prétendre  les  primats  ;  et  im  évè- 
que  d'Angleterre,  auquel  il  avait  fait  une  ré- 
primande sévère,  mais  juste,  s'élant  plaint 
comme  s'il  portait  son  pouvoir  au  delà  des 
justes  limites,  il  lui  apprit  que  toute  l'Angle- 
terre était  la  paroisse  ou  le  diocèse  de  l'arche- 
vêque de  Cantorbéry.  «  Nec  sobrius  quisquam 
putaverit  hoc  esse  in  aliéna  parochia  aliquid 
temere  prasumere,  cum  per  misericordiam 
Dei  totam  hanc  quam  vocant  Britanniam  insu- 
lam.  nnam  unius  nostra-  Ecclesite  constet  esse 
parochiam   Epist.  xxni).  » 

Avant  Lanfranc  ,  saint  Dunstan,  archevêque 
de  Cantorbéry,  avait  obtenu  du  pape  Jean  la 
confirmation  de  sa  primatie,  et  un  vicariat  apos- 
toli(]ue  selon  la  coutume  de  ses  prédécesseurs. 
«  Primatum  tuum  confirmamus,  in  quo  tibiex 
more  antecessorum  tuorum  vices  apostolicœ 
Sedis  exercere  convenit,  sicut  Augustinum 
ejusque  successoreshabuissedignoscitur  tEad- 
merus,  1.  v,  Hist.  novellari.  » 

m.  Saint  Anselme  ne  succéda  pas  moins  au 
zèle  de  Lanfranc  qu'à  sa  dignité.  Guillaume  de 
Malmesbury  raconte,  pour  la  gloire  de  sa  na- 
tion, qu'au  concile  de  Bary  le  pape  Urbain  II 
lui  fit  des  honnêtetés  extraordinaires  et  lui 
donna  un  rang  très-honorable  auprès  de  sa  jur- 
sonne,  comme  à  un  autre  pape  d'un  monde 
insulaire  :  «  Includamus  hune  in  nosiro  orbe, 
quasi  allerius  orbis  papam.  »  Pascal  II  lui 
donna  ce  privilège  de  ne  pouvoir  être  jugé 
par  aucun  légat,  mais  par  Sa  Sainteté  seule- 
ment. Le  nouvel  archevêque  d'York,  Girard, 
refusant  de  lui  faire  la  profession  canonique ,  le 
pape  Pascal  lui  manda  de  se  soumettre  à  la 
sentence  donnée  contre  son  prédécesseur  ;  à 
ijuoi  Girard  avait  déjà  obéi  parles  instances  du 
roi  même  [Paschalis  ep.  xli.  An.  1108.  Mat- 
thsBus  Paris).  Thomas  ayant  succédé  à  Girard  , 
et  faisant  le  même  refus,  saint  Anselme  pro- 
nonça contre  lui  unesentenced'inliidit,  itd'ex- 


conuuunicalion  contre  tous  les  évê(]ues  qui 
enti'c|irendraient  de  l'ordoimer  avant  (|u'ii  lui 
eût  fait  la  ])rofession  canonique  (.Malniesbur. 
p.  -273,  274,  Paris). 

Le  même  saint  Ansf^lme  écrivit  an  pape  Pas- 
cal iioiu-  le  conjurer  de  ne  point  envoyer  le 
pallium  à  Thomas,  pendant  qu'il  persisterait 
dans  la  désobéissance  .  |)rotesfant  <|u'à  moins 
de  cela  il  se  retirerait  lui-même  d'Angleterre, 
pour  n'y  être  jias  le  témoin  cl  le  spectateur  du 
schisme  et  de  la  flétrissure  de  son  Eglise.  «  Ego 
nullatenus  remanerem  in  Anglia  ;  non  enim 
deberem  aut  posseni  pati ,  ut  me  in  ea  vivcnte, 
primatus  Ecclesiœnostricdestrueretur(Anselmi 
epist.,  I.  m).  »  Le  pape  loua  son  zèle  et  satisfit 
à  sa  demande    Epist.  cru,  ci.uii. 

Il  ne  faut  pas  oublier  cette  circonstance  mé- 
morable, remarquée  par  Matthieu  Paris,  que 
lorsque  Thomas,  l'ancien  archevêque  d'York, 
faisait  la  cérémonie  du  sacre  de  saint  Anselme 
(An.  1093),  comme  on  eût  lu  quelques  termes 
qui  portaient  que  l'Eglise  de  Cantorbéry  était 
la  métropolitaine  de  toute  l'Angleterre,  Tho- 
mas s'opi)0?a  à  cet  éloge,  et  témoigna  que  ce 
serait  ôter  la  qualité  de  métropolitain  à  l'arche- 
vêque d'York  ;  enfin  que  Cantorbéry  était  le 
siège  du  piimat,  mais  non  pas  du  métropoli- 
tain de  toute  l'Angleterre  (Eadmerus.  Hist.  no- 
vel,  1.  I  .  On  jugta  qu'il  avait  raison,  et  on 
changea  ce  terme  captieux. 

IV.  Aprèslamortde  saint  Anselme,  Thurstan, 
élu  archevêque  d'York,  refusant  de  faire  la 
profession  canonique  d'obéissance  au  nouvel 
archevêque  de  Cantorbéry ,  Rodolphe,  le  roi 
Henri  lui  protesta  qu'il  lui  ferait  plutôt  perdre 
son  évêché  (|ue  de  souffrir  qu'il  manquât  à  ce 
devoir  An.  lll.j.  Paris.  Eadmer.,  1.  ivl.En 
effet,  Thurstan  ayant  inutilement  obtenu  des 
lettres  du  pape  Pascal  H  en  sa  faveur,  qui  sem- 
blaient renouveler  le  premier  décret  de  saint 
Grégoire  le  Grand,  et  ensuite  s'étant  rendu  au 
concile  de  Reims,  et  s'y  étant  fait  sacrer  par  le 
pape  Calixle  II  contre  la  promesse  qu'il  avait 
faite  au  roi  même,  le  roi  lui  interdit  l'entrée  de 
son  royaume  (An.  il  19). 

Le  pape  ne  put  lui-même  fléchir  la  fermeté 
de  ce  prince,  mais  après  qu'il  fut  de  retour  à 
Fiome,  et  qu'il  eut  commencé  de  gouverner  le 
timon  de  l'Eglise  avec  une  pleine  puissance,  il 
obligea  le  roi  de  céder  à  ses  prières  ou  à  ses 
menaces,  et  de  laisser  l'archevêque  Thurstan 
dans  la  libre  possession  de  son  Eglise  d'York. 
Rodolp.he  et  son   successeur  Guillaume  dans 


lOC 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SIXIÈME. 


rarchevêché  de  Caniorbéry,  ne  néglij;èrent  ja- 
mais rien  dans  la  iioursuite  de  leurs  droits, 
mais  Thurstan  conser-va  sa  liberté  avec  une 
fermeté  invincible,  et  mourut  très-saintement 
dans  un  prieuré  de  Cluny,  après  s'être  démis 
de  son  évèché,  et  avoir  fait  profession  monas- 
tique (Malmesb.,  p.  27o). 

Le  cardinal  Otlion  étant  envoyé  légat  en 
Angleterre  Lan  1 137  et  ayant  assemblé  un  con- 
cile à  Londres,  les  deux  archevêques  renou- 
velèrent leurs  anciennes  contestations  sur  le 
point  (le  la  préséance.  Le  légat  tàclia  adroite- 
ment de  les  accorder  par  l'exemple  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul,  qui  sont  représentés 
saint  Pierre  à  gauche  et  sainl  Paul  à  droite,  sans 
(|ue  la  paix  puisse  jamais  être  troublée.  Mais 
ces  disputes  se  rallumèrent  bien  plus  dange- 
reusement sous  l'illustre  martyr  saint  Thomas 
de  Caniorbéry  (Rainaldus,  an.  I-23(J,  n.  42). 

Le  pape  Alexandre  111  accorda  pour  un  tem  ps  à 
l'archevêque  d'York  la  légation  sur  toute  l'An- 
gleterre, qui  ne  s'accordait  ordinairement  qu'à 
l'archevêque  de  Caniorbéry  (Alex.  111.  epist. 
vin,  xiv).  Il  espérait  par  celte  condescen- 
dance adoucir  l'esprit  irrité  du  roi  ,  et  le 
réconcilier  avec  saint  Tliomas.  Mais  s'aper- 
cevant  qu'il  avait  attristé  et  jeté  dans  l'abat- 
tement ce  généreux  défenseur  des  libertés  de 
l'Eglise,  il  lui  rendit  à  lui-même  la  légation 
sur  toute  l'Angleterre ,  excepté  l'archevêché 
d'York  (Epist.  xis.  Append.  ii.  epistolarum 
Alex.  111). 

Cette  réparation  pouvait  encore  paraître  pré- 
judiciable aux  vastes  prétentions  des  primats 
de  Caniorbéry.  Aussi  Roger  archevê(iue  d'York 
s'en  prévalut,  et  entreprit  de  sacier  le  jeune 
roi  Henri,  du  vivant  et  de  la  volonté  de  son 
père,  nonobstant  les  oppositions  juridiques  de 
saint  Tliomas  de  Caniorbéry,  à  la  primatie 
du(juel  ce  droit  avait  toujours  été  attaché  ,  et 
contre  les  défenses  expresses  du  pape  Alexan- 
dre III  (Matth.  Paris.  An.  1170.  Alexan.  III  ep. 
xxxiii,  xxxivj.  Le  comble  de  son  insolence  fut 
d'avoir  fait  ce  sacre  dans  la  province  de  Can- 
iorbéry. Le  pape  le  suspendit  aussitôt  de  toutes 
les  fonctions  épiscopales. 

Mais  cela  servit  si  peu  à  l'affermissement  de  la 
primatie  ébranlée ,  que  peu  d'années  après ,  le 
légat  du  pape  ayant  assemblé  un  concile  à 
Westminster  l'an  1170,  et  l'archevêque  de 
Caniorbéry  ayant  pris  séance  à  sa  droite  , 
l'arclievêque  d'York  voulut  l'en  arracher  par 
violence,  ce  qui  attira  sur  lui  un  traitement  si 


outrageux  de  la  part  des  officiers  du  primat , 
que  l'assemblée  fut  rompue,  elles  plaintes  réci- 
proques en  furent  portées  au  roi. 

V.  Ce  sont  autant  de  preuves  assez  manifestes 
que  depuis  la  lettre  de  Pascal  II  dont  nous 
avons  parlé,  et  qui  semblait  déférer  davantage 
au  décret  du  grand  saint  Grégoire  qu'à  la 
transaction  faite  au  temps  de  Lanfranc  ,  la  pri- 
matie de  Caniorbéry  était  fort  obscurcie,  et 
peut-être  tout  à  fait  éclipsée  dans  la  province 
d'York ,  puisque  les  archevêques  d'Y'ork  ne 
pouvaient  seulement  pas  se  résoudre  à  céder  la 
première  place  à  celui  de  Caniorbéry. 

Aussi  la  même  disjjute  se  renouvela  encore 
depuis  dans  un  concile  de  Londres,  où  l'on  se 
contenta  d'en  venir  aux  protestations,  l'arche- 
vêque de  Caniorbéry  conservant  la  possession 
de  la  droite  du  légat.  Ce  fut  aussi  apparemment 
plutôt  alors  que  le  légat  consola  ingénieuse- 
ment l'archevêque  d'York,  en  lui  disant  que 
saint  Pierre  était  représenté  à  la  gauche  de  la 
croix,  et  saint  Paul  à  la  droite  (Matth.  Paris, 
an.  f-237). 

Mais  il  faut  revenir  au  pape  Alexandre  III 
qui  crut  pouvoir  mettre  fin  à  un  ditlérend  si 
scandaleux,  en  rendant  sa  première  vigueur  au 
décret  du  grand  saint  Grégoire,  et  en  défen- 
dant par  conséquent  à  l'archevêque  de  Canior- 
béry d'exiger  aucune  profession  d'obéissance  de 
celui  d'York,  ou  d'exercer  aucune  juridiction 
sur  lui  :  «  Prohibemus  ne  ullerius  aut  Canlua- 
riensis  ab  Eboracensi  professionem  exigat , 
ne(]ue  quod  a  B.  Grcgorio  prohibitum  est,  ullo 
modo  (^antuariensis  Eboracensis  jurisdiclioni 
subjaceat;  »  enfin  en  établissant  entre  eux  une 
parfaite  égalité,  si  ce  n'est  que  le  plus  ancien 
d'ordination  aurait  la  préséance.  «  Sed  juxta 
Patris  ejusdem  constitulionem,  ista  honoris 
distinclio  in  perpetuum  conservelur,  ut  qui 
prior  ordinatur,  prior  habeatur  ^Append.Conc. 
Lateran.  III,  part,  xliv  ,  c.  1,2).  »  On  peut 
dire  que  ce  fut  là  le  tombeau  de  la  primatie  de 
Cantorbêr\,  et  la  fin  de  tous  les  grands  avan- 
tages que  le  saint  et  savant  Lanfranc  avait 
acquis  à  son  Eglise. 

Le  même  pape  jugea  que  la  paix  serait  encore 
plus  ferme  s'il  permettait  aussi  à  l'archevêque 
d'York  de  faire  porter  sa  croix  haute  par  toute 
l'Angleterre,  et  dans  le  diocèse  même  de  Can- 
iorbéry. Les  clercs  de  cet  archevêque  protestè- 
rent contre  celui  de  Caniorbéry  sur  les  opposi- 
tions <iu'il  faisait  à  cet  article  dans  le  concile  de 
Westminster.  Le  chapitre  A  niemoria.  Extra, 


DES  PRIMATS  D'ANGLETERRE  ET  D'IRLANDE. 


197 


Ut  lite  petidente,  nous  apprend  que  ce  pape 
n'avait  accordé  ce  pouvoir  à  l'archevèciue 
d'York  que  parce  qu'il  l'avait  assuré  que  ses 
prédécesseurs  en  avaient  usé  par  la  concession 
des  papeSj  et  il  l'avait  révoqué  quand  l'arche- 
vê(jue  de  Cantorbéry  lui  eut  donné  des  assu- 
rances du  contraire.  Il  est  vrai  que  l'archevêque 
d'York  se  plaignant  ensuite  de  ce  que  le  pape, 
avant  (jue  de  juger  la  chose  à  fond,  le  dépouil- 
lait d'un  droit  dont  il  était  en  possession,  il  lui 
reiulitce  même  droit  pour  en  user  provisionnel- 
lenient,  jusqu'à  ce  qu'on  eût  jugé  si  l'Eglise 
d'York  avait  ce  droit  (Rogerius,  Hoveden, 
an.  1173). 

Peu  de  temps  après  un  légat  cardinal  étant 
venu  en  Angleterre,  le  roi  entreprit  d'accommo- 
der ces  deux  archevêques  sur  le  droit  de  porter 
la  croix,  et  sur  tous  les  autres  points  de  leur 
contestation  ;  et  enfin  par  les  vives  instances 
du  roi,  ces  deux  archevêques  prirent  pour  ar- 
bitres et  juges  de  tous  leurs  différends  l'arche- 
vêque de  Rouen  et  les  autres  évéques  voisins 
de  France,  prenant  ciii(|  ans  d'intervalle  pour 
cette  négociation,  pendant  lesquels  ils  s'abstien- 
draient de  part  et  d'autre  de  toutes  sortes 
d'entreprises. 

Il  y  a  peu  d'apparence  que  l'archevêque  de 
Rouen  et  les  autres  évêques  de  France  aient 
prononcé  sur  ce  différend  (Rogerius,  an.  1 18'.))  ; 
j)uisqiie  longtemps  après  ces  cinq  années  écou- 
lées, Baudouin,  archevè(iue  de  Cantorbéry,  en 
présence  de  l'archevêque  de  Rouen  et  de  tout 
un  concile  d'Angleterre,  l'an  12.3't,  protesta 
contre  l'archevêque  d'York  élu ,  s'il  se  faisait 
consacrer  par  d'autres  que  par  lui,  et  repro- 
duisit en  même  temps  tout  ce  qui  s'était  passé 
au  temps  de  Lanfranc  et  de  Guillaume  le  Con- 
quérant (An.  1237). 

Mais  ce  n'étaient  là  que  des  protestations, 
d'où  il  parait  même  que  l'archevêque  d'York 
n'y  déférait  pas.  Il  ne  lui  cédait  pas  même  la 
première  place  dans  les  conciles  nationaux 
convoqués  par  les  légats  du  pajie,  sans  faire 
aussi  des  protestations.  Enfin  l'archevêque 
d'Y'ork  Guillaume  de  Grenefeild ,  dans  ses 
constitutions  synodales  de  l'an  1306,  se  décla- 
rant lui-même  [>rimat  d'Angleterie,  et  immé- 
diatement sujet  du  Saint-Siège ,  décerna  des 
peines  et  des  censiu'es  contre  tous  ceux  qui 
appelleraient  de  lui  ou  de  ses  offlciaux  à 
l'archevèciue  de  Cantorbéry  ou  à  ses  officiaux. 
<t  Cum  Eboracensis  arcliiepiscopus  ,  Angliie 
primas,  prieter  Romaniun  pontificem  in  spiri- 


tualibus  superiorem  non  habeat,  ac  ipsa  maf(!r 
Eboracensis  Ecclesia  honore  [irimatiie  illustre- 
tur,  etc.  fCon.  An.  tom.  ii,  p.  442).  »  Les  ar- 
chevêques d'York  ont  toujours  pris  dejjuis  ce 
temps  la  qualité  de  jirimats  d'Angleterre, 
comme  il  jiaraît  par  les  acb's  de  Thomas  AVol- 
sey  sous  le  roi  Henri  VIII  (Preuves  des  Libert. 
Gall.,  c.  XX,  n.  .33.  —  An.  1.^27). 

VI.  II  ne  nous  reste  plus  qu'à  rapporter  en 
peu  de  mots  le  sommaire  de  toutes  ces  contes- 
tations, et  des  raisons  ou  des  autorités  dont 
ces  illustres  prélats  tâchaient  de  soutenir  leur 
cau.«e,  en  la  manière  qu'elles  se  trouvent  dédui- 
tes en  abrégé  dans  l'histoire  anglicane  de 
Guillaume  de  Neubrige.  Cet  auteur  dit  que 
saint  Grégoire  avait  ordonné  à  la  vérité  que  la 
primauté  fût  affectée  à  celui  des  deux  archevê- 
ques qui  serait  ordonné  le  premier  :  «  Ipse 
prior  habeatur,  qui  prius  fuerit  ordinatus  ;  » 
mais  que  l'archevêque  de  Cantorbéry,  que  saint 
Grégoire  nommait  archevêque  de  Londres, 
«  Cantuariensis  episcopus,  (|uem  Gregorius  Lon- 
doniensem  vocabat,  »  répondait  à  cela  que  les 
papes  postérieurs  avaient  abrogé  ce  décret  lors- 
(ju'ils  avaient  envoyé  en  Angleterre  le  savant 
Théodore  pour  être  archevêque  de  Cantorbéry, 
et  pour  présider  à  tous  les  Evêques  d'Angle- 
terre en  qualité  de  primat  :  «  Quem  pra>fecit 
Romanus  pontifex  universis  Angliœ  episcopis, 
tanquam  primatem  (L.  v,  c.  12.  de  Rébus 
Anglicis).  »  Aussi  les  successeurs  de  Théodore 
avaient  durant  plusieurs  siècles  exercé  cette 
ample  juridiction. 

A  quoi  les  archevêques  d'Y'ork  répliquaient 
que  le  décret  de  saint  Grégoire  était  comme  le 
fondement  primitif  et  immuable  de  la  fonda- 
tion de  ces  deux  Eglises  :  que  les  pontifes  ro- 
mains avaient  pu  par  une  sage  dispensation 
donner  toute  la  primauté  pour  un  temps  à 
Théodore  et  à  ses  successeurs  pour  rétablir 
dans  l'Angleterre  la  science  et  la  prati(}ue  de 
la  discipline  canonique;  mais  qu'après  cela  il 
avait  été  nécessaire  de  faire  revivre  la  |iolice 
fondamentale  et  immuable,  que  le  père  et  l'a- 
pôtre de  ces  deux  Eglises  y  avait  établie  :  que 
si  les  archevêques  d'Y'ork  avaient  négligé 
durant  quelque  temps  les  prérogatives  de  leur 
dignité,  ils  n'avaient  ]iu  préjudicier  aux  droits 
comme  héréditaires  et  inaliénables  de  leur 
Eglise,  comme  il  était  notoire  que  l'usage  du 
pallium  ayant  été  négligé  depuis  l'archevêque 
Paulin,  il  avait  été  rendu  à  ses  successeurs 
après  une  longue  interru[)lion. 


l'.)8 


DU  l'UEMlEK  nimilE  DKS  CLERCS.  —  CHAPITUE  TUENTE-SIVIÈME. 


L'arclievêijue  fie  Cantorbôry  f  \isait  vciir  (|iii.' 
ceux  ilYoïk  avaient  été  soiitnis  à  la  piimatie 
de  Caotorbéry,  même  après  que  le  pillium 
leur  avait  été  rendu.  Mais  de  la  part  de  l'Eglise 
d'York  on  repartait  à  cela  que  la  négligence 
des  prélats  peut  bien  préjudicier  à  leur  per- 
sonne, mais  non  pas  à  leur  Eglise.  A  quoi  cet 
auteur  ajoute  que  ces  deux  compétiteurs  pre- 
naient de  part  et  d'autre  la  qualité  de  primat, 
quoique  ni  l'un  ni  l'autre  n'en  exerçât  la  puis- 
sance. «  Vanissime  uterque  illorum  se  scribit 
lotius  AngliiE  primalem,  cum  neuter  habeat 
significataui  hoc  nomine  poteslatem.  »  Et  que 
l'archevêque  de  Cantorbéry,  pour  se  faire  re- 
connaître dans  l'Eglise  d'York,  avait  obtenu 
du  pape  le  litre  de  légat  du  Siège  apostoli(}ue , 
et  avait  été  forcé  de  supprimer  dans  cette  con- 
joncture la  qualité  de  primat.  L'Eglise  d'York 
eût  pu  alors  même  lui  opposer  le  privilège 
qu'elle  avait  obtenu  de  n'être  point  soumise 
aux  légats  qui  seraient  envoyés  dans  l'Angle- 
terre :  mais  l'archevêque  d'York  aima  mieux 
gagner  l'atîection  du  légat  par  cette  déférence 
volontaire,  que  d'éprouver  les  effets  de  sa 
sévérité. 

Yll.  Cet  historien  a  fait  dans  un  autre  endroit 
de  son  histoire  une  censure  hardie  de  ces 
contestiitions  opiniâtres  entre  les  prélats  sur 
la  préénunence  de  leurs  sièges  ,  comme  si 
c'était  l'etlèt  d'une  ambition  damnable  et  infi- 
niment éloignée  de  celte  modestie  humble  et 
déférante  que  l'Apôtre  propose  à  tous  les  li- 
dfles,  (juand  il  les  exhorte  de  se  prévenir  les 
uns  les  autres  par  des  respects  réciproques. 
«  Ùuipl'e  illa  aposlolica  régula,  honore  invi- 
(  cm  iira'venientes,  a  nostri  temporis  episcopis 
itaestabrogata,  ut  sollicitudine  pastorali  post- 
posita,  episcopi  quanto  pervicacius ,  tanto  et 
vaniiis  de  excellentia  litigent,  et  onmis  fere 
episcopalis  controversia  circa  hononmi  piie- 
rogativas  versetur  (L.  m,  c.  1).  » 

Mais  (piand  je  considère  avec  quel  zèle  les  plus 
saints  évêques  se  sont  engagés  dans  ces  con- 
testations, et  avec  quelle  chaleur  ils  ont  défendu 
le  déi)ùt  des  privilèges  de  leurs  Eglises,  peu 
s'en  faut  (lue  je  ne  censure  la  censure  même 
de  cet  historien.  Saint  Lanfranc,  saint  Anselme 
et  saint  Thomas  de  Cantorbéry  n'ont  pas  été 
moins  ardents  à  rétablir  et  à  détendre  les  droits 
de  la  primatie  de  leur  Eglise  que  tous  les 
autres  archevêques  qui  ont  été  nommés  ci- 
dessus.  Or  on  ne  peut  sans  une  audace  et  une 
témérité  iusuiiportalde  accuser  ces  saints  pré- 


lats d'avoir  été  animés  d'une  passion  vaine  et 
emportée,  de  s'élever  ambilieusement  au-des- 
sus di;  leurs  confrères,  au  lieu  de  cette  sainte 
émulation  d'humilité  et  de  déférence  mutuelle 
que  l'Apôtre  a  recommandée  à  tous  les  fldèles. 
Ce  sera  donc  peut-être  raisonner  avec  plus 
de  stgesse  et  de  modestie,  si  nous  disons  que 
ces  grands  évêques  considéraient  leur  élévation 
et  leur  puissance,  non  pas  comme  une  matière 
de  leur  satisfaction   particulière  ,  ou  de  leur 
vaine  ostentation,  mais  comme  une  participa- 
tion de  ra|)Ostolat,  et  comme  une  autorité  toute 
céleste  pour  veiller  sur  les  troupeaux  et  sur  les 
pasteurs  même  de  l'Eglise  ;  enfin  comme  un 
sacré  dépôt  dont  ils  étaient  chargés  pour  l'é- 
dilication  de  l'Eglise,  et  qu'ils  devaient  trans- 
mettre à  leurs  successeurs  en  la  même  ma- 
nière (ju'ils  l'avaient  reçu  de  leurs  prédéces- 
seurs. 

Toute  la  question  est  de  savoirs!  la  puissance 
d'un  èvêque,  d'un  métropolitain,  d'un  primat 
et  d'un  patriarche,  peut  être  regardée  comme 
une  autorité  toute  sainte  et  toute  divine,  et 
comme  émanée  de  J.-C.  pour  réprimer  les 
vices,  pour  faire  régner  la  vertu,  et  pour 
établir  l'empire  de  J.-C.  sur  la  terre-.  Si  cette 
vérité  ne  peut  pas  même  être  contestée,  on 
ne  peut  point  non  plus  douter  que  ceux  qui 
sont  chargés  d'une  i)uissance  si  sainte  et  si 
iiiipoi  tante ,  n'en  doivent  défendre  les  inté- 
rêts avec  une  vigueur  et  une  fermeté  inflexi- 
bles. Quelques  prélats  particuliers  peuvent  agir 
])ar  des  motifs  d'intérêt  et  de  vanité,  ou  se  lais- 
ser emporter  au  delà  des  bornes  d'une  juste 
défense  ;  mais  la  cause  de  lEglise  est  telle  que 
nous  venons  de  la  représenter,  et  il  ne  faut  pas 
douter  ([ue  les  Lanfranc,  les  Anselme,  les  Tho- 
mas n'aient  soutenu  la  cause  de  l'Eglise  avec 
l'esprit  même  de  l'Eglise,  c'est-à-dire  par  un 
amour  pur  et  chaste  de  la  piété  et  de  la  religion. 

VlU.  Yoici  encore  un  autre  de  ces  humbles 
et  généreux  primats  dont  la  sainteté  ne  peut 
[las  même  être  suspecte.  Saint  Malachie  était 
primat  d'Irlande.  Le  pallium  n'avait  jamaisété 
en  usage,  ni  dans  son  Eglise,  ni  dans  l'autre 
métropole,  qui  obéissait  à  sa  primatie.  Ce  saint 
homme  se  résolut  d'aller  lui-même  demander 
au  pape  Innocent  11  cette  marque  de  la  pléni- 
tude de  la  jjuissance  épiscopale  pour  les  deux 
métropoles  d'Irlande  (Itaron.  ad  au.  1137). 

Je  rapporterai  les  termes  |iropres  de  saint 
r.eruard  dans  la  vie  qu'il  a  écrite  de  ce  saint 
prélat.  «  llomani  i)roticisci  délibérât,  maxime 


•    DES  PlUMATS  l»'AN(.LETKrU\E  ET  D'IRIANKE. 


l'.Mt 


(lUdil  1111  triipoliticii'  sedis  tlecrat  ailluic.  cl  do- 
fuirat  ab  inilio  pallii  usus,  quod  est  pleniludo 
lioiuiris.  Et  visum  est  boniiin  in  oculis  suis,  si 
Ecclesia,  |ii'o  qua  laiitum  laboraverat,  (nieiii 
hactenus  non  habuerat,  suo  acquireret  studio 
et  labore.  Erat  et  altéra  melropolilica  sedes 
(|iiani  de  novo  constituerat  Celsus  pnedecessor 
prini*  tameu  sedi  et  illius  archiepiscopo  siib- 
dita  taiiqnam  primati.  Et  huic  quoqiic  optaliat 
niiiiluniinus  pallium  Malachias,  contirniari(iue 
auloritate  Sedisaposlolicaî  prœrogativam,  (luam 
beneticio  Ceisi  adipisci  meruerat.  » 

Ce  passajie  mérite  quelque  réflexion.  I"  On 
y  voit  le  pins  biimble  et  le  plus  pénitent  de  tous 
les  prélats  quitter  son  Eglise,  et  s'en  aller  à 
Home  pour  y  demander  le  pallium  que  ses 
prédécesseurs  n'avaient  jamais  eu,  et  faire  con- 
firmer sa  primatie.  Il  y  aurait  autant  d'igno- 
rance que  de  malice  à  concevoir  le  moindre 
soupçon  du  monde  contre  la  modestie  et  l'Iui- 
milité  de  saint  Malachie.  i"  Celte  primatie  d  Ir- 
lande avait  été  établie  par  le  prédécesseur  de 
saint  Malaciiie  lorsqu'il  érigea  une  seconde 
métropole  dans  l'Irlande.  Saint  Malacbie  même 
ne  crut  pas  que  cet  établissement  de  primalie 
et  de  métropole  pût  être  solide  ni  de  durée 
s'il  n'était  coiiliriné  par  le  Siège  aiiostuli(]ue.  3" 
Ainsi  Ton  voit  comme  toutes  les  prééminences 
dans  l'épiscopal  ont  été  ou  dérivées  du  Saint- 
Siège,  comme  de  leur  source,  ou  s'y  sont  enfin 
réunies  comme  à  leur  centre.  4°  La  Providence 
a  ainsi  disposé  dans  la  suite  des  siècles  les 
grands  prélids  de  son  Eglise  à  entrer  dans  une 
alliance  et  une  dépendance  d'autant  plus  grande 
envers  le  centre  de  l'unité,  que  l'Eglise  se 
répandait  davantage  dans  les  pays  les  plus  éloi- 
gnés, afin  que  l'unité,  qui  est  comme  l'àme  et 
la  force  imiolablede  l'Eglise,  se  conserNàtplus 
facilement  dans  une  si  grande  étendue  de  pays. 
Et  si  les  attraits  du  pallium,  de  l'Iionneur  et  de 
la  préséance  ont  paru  connue  des  attraits  hu- 
mains à  l'égard  de  quelques  prélats  cbarnels,  il 
ne  faut  pas  laisser  d'admirer  et  de  bénir  la  sa- 
gesse et  la  bunlé  iuetiable  de  Celui  t|ui  fait  ser- 
vir à  l'édifice  de  son  Eglise  et  au  règne  de  la 
religion  les  passions  mêmes  elles  cupidités  des 
âmes  sensuelles,  parla  même  |>uissance qu'elle 
tire  le  bien  du  mal  et  la  lumière  des  ténèbres. 

Le  pape  Eugène  111  envoya  quatre  palliunis 
en  Irlande,  l'an!  loi,  ])our  quatre  métropoles 
qu'il  y  créa,  sounieltant  cinq  é\cques  à  chaque 
métropolitain.  Roger  dit  que  ce  fut  une  entre- 
prise et  contre  l'ancienne  coutume  et  contre 


les  privilèges  de  l'Eglise  de  Cantorbéry,  dont 
le  prélat  avait  accoutumé  de  consacrer  les 
è\èques  d'Irlande.  «  Hoc  faclum  est  contra  an- 
li(|uam  coiisuetudinem,  el  dignitalem  Canlua- 
riensis  Ecclesiœ,  a  qna  solebant  episcopi  Hiber- 
nia^  expetere  et  accipere  consecrationis  bene- 
dictionem  (Hogerius,  an.  11.'»!).» 

L\.  Il  s'ensuivait  de  là  que  la  primatie  de 
Cantorbéry  embrassait  autrefois  l'Irlande 
même.  Et  il  y  a  bien  de  l'apparence  que  la  foi 
et  la  prédication  évangéli(|ue  avaient  passé  ir.\n- 
gleterre  en  Irlande.  Ainsi  l'Eglise  de  Cantor- 
béry, qui  était  la  mère  des  autres  Eglises  angli- 
canes, pouvait  bien  aussi  comiitereelledlrlande 
entre  ses  filles.  Il  paraît  par  Eadmer  que  les 
prélats  d' Angleterre'  prétendaient  et  protestaient 
souvent  que  la  primatie  de  Cantorbéry  s'étendait 
aussi  sur  l'Ecosse,  sur  l'Irlande  el  sur  les  îles 
voisines.  L'Eglise  de  Cantorbéry  était  la  mère 
de  toutes  ces  Eglises  (Eadmer.  Hist.  Nov.,  1. 1, 
IV,  v, .  Mais  les  mères  ne  doivent  jamais  être 
plus  dans  la  joie  que  quand  leurs  filles  imitent 
leur  fécondité  ,  et  deviennent  elles  -  mêmes 
mères  ou  métropoles. 

Les  dignités  de  l'Eglise  n'ayant  pour  but  que 
l'édification  et  l'ulililé  de  l'Eglise,  comme  il 
avait  été  utile  que  l'Irlande  eût  chez  elle-même 
ses  métropolitains,  l'archevêque  de  Cantorbéry, 
leur  ancien  métropolitain,  ne  pouvait  s'y  oppo- 
ser sans  paraîlie  plus  passionné  pour  ses 
propres  intérêts  que  pour  ceux  de  J.-C.  Il  fut 
aussi  nécessaire  que  les  métropolitainsd'Irlande, 
ayant  à  conférer  souvent  ensemble,  et  à  prendre 
des  mesures  el  des  règles  uniformes  dans  la 
conduite  de  leurs  Eglises  ,  eussent  rap|)ort  à 
{[uelqu'un  d'entre  eux,  comme  à  leur  primat. 

Les  archevêques  d'Armagh  et  de  Tuam  pré- 
tendant que  leur  Eglise  devait  être  préférée 
dans  la  création  de  cette  nouvelle  dignité,  le 
]tape  Alexandre  IV  jugea  en  faveur  de  celui 
d'Armagh  :  lui  permettant  de  se  dire  piimatde 
la  province  de  Tuam,  d'y  faire  porter  sa  croix 
quand  il  y  passerait,  d'y  faire  la  visite  de  cinq  en 
cinq  ans,  et  d'employer  vingt-sept  jours  à  cha- 
que visite.  «  Possint  se  vocare  si  voluerint, 
primates  provincite  Toamcnsis,  et  facere  deferri 
aille  se  crucem  per  totam  ipsam  provinciam  ; 
possint  etiani  dictam  provinciam  de  quiii- 
quennio  m  quinquenuium  visitare,  el  per  vi- 
genti  seplem  dies  duntaxat  visitalionis  officio 
immorari  :Uainal.  An  l-2.").'i,  n.  -40,.  » 

11  est  bon  de  remarquer  (|ue  ce  fut  saint  .Ma- 
lachie, archevêque  d'Armagh.  qui  p;u  l'instinct 


200 


DU  PREMIEP.  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SEPTIÈME. 


de  sa  propre  piété,  vint  demaniler  à  Rome  le 
palliiini  et  la  confirmation  des  dcu\  métropoles 
d'Irlamle.  l.e  [iipe  Innocent  II  fnt  diTvis  (in'il 
s'en  retournât  en  Irlande,  qu'il  y  assemblât 
un  concile  de  la  nation,  aux  demandes  duquel 
le  pape  accorderait  l'érection  des  métropoles 
et  le  pallinm. 

L'établissement  des  quatre  métropoles  par 
Euurèue  III  fut  l'effet  de  la  demande  de  saint 
Malachie  et  du  concile    national    d'Irlande. 


Enfin,  ce  ne  fnt  que  surla  contestation  desdeux 
archevêques  dArmagh  et  deTuam  que  le  pape 
Alexandre  IV  adjutrea  la  primatie  à  l'arclievè- 
cbé  d  Armagh.  D'où  il  résulte  que  c'est  une 
main  secrète  et  une  sagesse  ineffable  qui  règle 
les  événements  divers,  et  qui  ménage  telle- 
ment les  besoins  des  Eglises  et  les  inclinations 
des  particuliers,  que  l'Eglise  va  toujours  en 
s'augmcntant  et  se  fortifiant  dans  une  union 
indissoluble  avec  sou  centre  d'unité  (Ij. 


(1)  Dans  le  recueil  officiel  publié  à  Rome  de  tous  les  patriarcats, 
archevêchés  et  évéchés,  intitulé  Notizie,  nous  lisons  :  Armogh,  ar- 
rivescooato  nelt'Irlanda,  sans  désignation  de  primatie,  comme  on 
lit  plus  bas  :  Tuam  arcivescovato  neWIrlanda^  d'oii  nous  con- 
cluons avec  raison  qu'aujourd'hui  le  titre  de  primat  donné  à  l'arche- 
vêque d' Armagh  ne  serait  plus  qu'honorifique,  sans  aucune  juridiction 
particulière.  C'est  ainsi  que  le  même  recueil,  en  mentionnant  Lyon, 
dont  l'archevêque  s'intitule  encore  Primat  des  Gaules,  dit  simple- 
ment :  Lione  in  Frnncia  arcivescoualo  con  di  piu  it  titolo  di  Vitmne. 
11  est  évident  d'après  ceci  que,  selon  la  discipline  actuelle  de  l'Eglise, 


il  n'y  a  plus  nulle  part  de  primats  avec  juridiction  supérieure  aux 
métropolitains.  Le  primai  d'iVrmagh  ne  ditTére  donc  pas  du  primat 
des  Gaules,  et  l'un  et  l'autre  n'étendent  pas  leur  juridiction  au  delà 
de  leur  province.  On  comprend  que  dans  le  Moyen  Age.  alors  que 
les  voies  de  communication  étaient  si  difficiles,  les  distances  si  éloi- 
gnées, les  juridictions  primatiales  avaient  leur  raison  d'être.  Les  pri- 
mats étaient  comme  les  vicaires  du  pape.  Mats  aujourd'hui  les  dis- 
tances étant  tellement  rapprochées,  que  de  partout  on  touche  à  Rome, 
il  n'y  a  plus  d'autres  tribunaux  que  ceux  de  l'ordinaire,  du  métro- 
politain et  du  pape.  (Dr  André.) 


CHAPITRE    TRENTE-SEPTIEME. 


DES   PRIM.US   d'.\LLEM.\G>E ,   d' ITALIE,    PE   DA>EMARK ,    DE   POLOGNE   ET   DE    HONGRIE. 


I.  De  la  primatie  de  Mayence. 

II.  De  celle  de  Lndea  en  Danemark,  sur  le  Danemark,  la 
Suède  et  la  Norivége. 

III.  De  celle  de  Gnesne  en  Pologne. 

IV.  De  celle  de  Gran  en  Hongrie. 

V.  De  celle  de  Pise  en  Italie. 

I.  Dans  le  concile  de  Mayence  en  1071,  l'ar- 
chevêque de  Mayence  se  nomma  primat  de 
l'Eglise  de  Mayence,  et  appela  son  Eglise  «  Me- 
tropolim  Oricnlalis  Franciîï,  principalem  voro 
pontificii  sedem  totius  Germanise  et  Gallia?  Ci- 
salpinip  (Conc.  Toni.  ix  ,  pag.  1206).  »  Mais  ces 
termes  magnifiques  (lui  nous  font  remarquer 
l'antiquité  et  la  vaste  étendue  de  cette  métro- 
jiole,  qui  était  la  capitale  de  la  première  Ger- 
manique, ne  peuvent  néanmoins  établir  aiiriin 
droit  de  primatie  sur  d'autres  métropolitains, 
ni  sur  Cologne  même  ,  qui  est  le  chef  de  la  se- 
conde ('.eriiianique. 

L'Histoire  de  Trêves  nous  apprend  (lu'aii 
temps  de  Callixle  II,  Adelbert,  archevêque  de 
Mayence ,  ayant  été  honoré  de  la  qualité  de 
légal  du  Sainl-Siége,  [irétciidil  faire  dépendre 


PEglise  même  de  Trêves  de  la  sienne  (Spicilegii 
tom  XII,  pag.  '24S).  Rrunon,  archevêque  de  Trê- 
ves, qui  avait  appris  de  Hincmar  l'indépendance 
de  son  Eglise,  alla  trouver  le  pape,  qui  était 
alors  à  Cluny,  et  obtint  de  lui  un  rescrit  qui 
déclarait  que  l'archevêque  de  Trêves  n'était 
soumis  qu'au  pape,  et  à  ses  légats  a  latere. 
Aussi  les  rois  de  Rohême  Oltocare,et  Venceslas 
son  fils,  confirmant  l'ancien  privilège  de  l'ar- 
chevêque de  Mayence  d'être  le  seul  consécra- 
teur  des  rois  de  Bohême,  ne  lui  donnent  que  le 
titre  de  métropolitain  :  «  Consecrationem  rega- 
lem  et  diadc-matis  impositionem  tenemur  de 
sacro  sanctse  sedis  MoguntintT  archiepiscopo, 
terra-  nostra'  inetropolitano,in  perpetuum  reci- 
pere  (Rainald.  An.  1-2-28,  n.  39).  » 

Il  faut  donc  confesser  de  bonne  foi  que  la 
nrimatie  autrefois  accordée  à  saint  Boniface, 
archevêque  de  Mayence,  fut  limitée  à  sa 
personne,  ei  que  les  prélats  d'Allemagne  ont 
été  moins  passionnés  pour  faire  continuer  à 
leurs  Eglises  ces  titres  et  ces  pouvoirs  extiaor- 


DES  PRIMATS  D'AFJ.RMAC.NE,  H'ITALIE.  f.tc. 


201 


ilinaires,  que  ceux  de  France  et  d'Esiiai^nc.,  où 
une  bonne  partie  des  métropolitains  ont  cru 
relever  leurs  Eglises  par  la  qualiié  spécieuse  de 
primats. 

11.  Toutes  les  Eglises  de  Danemark  relevaient 
de  la  nit'tropnle  d'Hambourg.  Léon  IX  fut  sol- 
licite par  le  roi  de  Danemark  d'ériger  une  mé- 
tropole dans  ses  Etats  ;  ce  pape  consentit  volon- 
tiers à  celte  demande,  mais  le  consentement  de 
rarcbevéque  d'Hambourg  y  étant  nécessaire, cet 
arclievèque  demanda  aussi  qu'on  lui  doimàt  la 
qualité  de  primat  ou  de  patriarche.  Le  crédit 
qu'il  avait  auprès  du  pape  et  de  l'empereur 
eût  fait  entièrement  réussir  ses  poursuites,  si 
la  mort  du  pape  n'en  eût  rompu  le  cours.  Le 
roi  de  Danemark  voyant  que  les  Eglises  ne  lais- 
seraient pas  de  dépendre  du  primat  d'Ham- 
bourg, se  départit  alors  de  sa  demande  (Baro- 
nius,  an.  1033,  n.  45,  4G). 

Les  paroles  de  l'historien  Adam  méritent 
d'être  ici  rapportées  :  «  .Aletroiiolitanus  quod 
papam  vel  caesarem  suœvoluntati  pronosvide- 
ret.  multo  studio  laboravit  in  Hamburg  patriar- 
chatum  constituere.  Ad  quam  intentionem 
primo  ductus  est  ea  necessitate,quod  rex  Dano- 
rum,  christianitate  jam  in  fines  terra^  dilatata, 
desideravit  in  regno  suo  fieri  archiepiscopatum. 
Quod  tamen  ut  pertîceretur  ex  autoritate  Sedis 
apostolic.e,  convenientibus  canonum  decretis 
propesancitum  esset,  soki  expectaliatur  senten- 
tia  nostri  pontiflcis.  Quam  rem  ille,  si  patriar- 
chatus  sibi  honor  et  Ecclesisp  sufe  concederetur, 
Romanis  privilegiis  fore  ut  consentiret,  promi- 
sit(L.  III,  c.  34,  35).  » 

Cet  archevêque  étant  sujet  de  l'empire,  et 
très-attaché  a  l'empereur,  le  roi  de  Danemarck 
soutirait  avec  peine  que  les  évêques  de  son 
royaume  relevassent  de  sa  métropole.  Il  était 
néanmoins  très-juste  et  très-canoni(iue,  que 
l'Eglise  de  Hambourg  ou  de  Brème  conservât 
son  ancienne  supériorité  sur  celles  qu'elle  avait 
engendrées  en  i.-C  Car  toutes  les  Eglises  de 
Danemark,  de  Suède,  de  Norvège,  des  Orcades 
et  d'Islande  avaient  reçu  leurs  premiers  évê- 
ques et  les  premiers  éléments  de  la  foi  des 
archevêques  d'Hambourg. 

Le  même  Adam  assure  que  l'archevêque 
.\dalbert  dont  nous  parlons,  avait  lui  seul  or- 
donné vingt  évêques  pour  toutes  ces  Eglises 
nouvelles  où  il  les  envoyait.  Enfin,  outre  la 
qualité  de  légat  apostolique,  ce  grand  archevê- 
que avait  reçu  du  pape  une  juridiction  univer- 
selle sur  tous  les  royaumes  du  Septeulrion  , 


avec  pouvoir  d'ériger  tle  nouveaux  évècliés,  et 
d'ordonner  des  évoques,  ce  qu'il  fit  quelquefois, 
saiisdemandei-  le  consenlement  des  princes.  «  A 
lKipameruilhocdignilatisprivilegium,ultotum 
jussuumdomnusapostolicusin  illum  transfun- 
derel,  siiccessores(iue  ejus.  Adeo  ut  ipse  per 
totum  aquiionem,  in  ipiibus  locis  oiiportunum 
videbatur  ,  s;ï>pe  invitis  regibus  episcopatus 
inslitueret,  ordinaretque  episcopos,  (juos  ex 
capella  sua  vellet  electos  (Baronius,  an.  1067, 
n.  17.  —  Adam,  1.  iv,  c.  26).  » 

Il  est  donc  vrai  de  dire  que  l'Eglise  d'Ham- 
bourg ou  de  Brème  étant  la  mère  de  toutes  les 
villes  épiscopales  des  royaumes  du  nord,  devait 
aussi  être  leur  supérieure  en  qualité  de  métro- 
politaine :  et  si  elles  étaient  élevées  elles- 
mêmes  au  rang  de  métropoles ,  elle  devait 
encore  être  leur  supérieure  en  qualité  de  pri- 
matiale.  Il  est  vrai  aussi  que  ces  changements 
de  police  ne  se  font  pas  sans  l'agrément  des 
souverains,  comme  il  paraît  par  les  seuls  pro- 
jets de  la  primatie  de  Brème. 

Les  rois  de  l>anemark  prirent  dans  la  suite 
du  temps  une  occasion  plus  favorable, et  firent 
ériger  l'Eglise  de  Luden  en  métropole  de  leurs 
Etats.  Saxon  le  (Grammairien  raconte  comment 
Eric,  roi  de  Danemark,  ayant  à  jieine  évité  par 
un  appel  au  pape  l'excommunication  que  l'ar- 
clievè(iue  d'Hambourg  allait  lancer  sur  sa  tête, 
partit  en  même  temps  pour  aller  à  Rome  de- 
mander au  pape  Urbain  11  l'érection  d'une  mé- 
tropole dans  ses  Etats.  D'abord  il  n'en  remporta 
que  des  promesses  et  désespérances,  mais  avec 
le  temps  elles  eurent  leur  effet.  Un  légat  apos- 
tolique vint  en  Danemark  .  où  ayant  considéré 
les  avantages  et  les  commodités  de  la  ville  de 
Luden,  aussi  bien  (jue  les  rares  vertus  de  celui 
qui  en  était  évêque,  il  érigea  cette  Eglise  en 
métropole,  et  lui  soumit,  outre  les  Eglises  de 
Danemark  ,  celles  de  Suède  et  de  Norvège. 
«  Cum  non  minorem  personarum,  quam  civi- 
tatum  respectum  egisset,  LundicP  ob  egregios 
.\xeni  episcopi  mores, tum  quod  ad  eam  a  lini- 
timis  regionibus  terra  marique  transilus  abunde 
pateat,  hune  potissimum  honorem  deferendum 
curavit.  Nec  solum  eam  Saxonica  dilione  erui, 
sed  etiam  Suecia?,  Norvegineque  religiouis  titulo 
magislram  efTecit.  »  C'est-à-dire  que  ce  légat 
retrancha  les  évècliés  de  Suède  et  de  Norvège, 
aussi  bien  que  ceux  du  Danemark,  de  la  métro- 
pole de  Hambourg,  pour  les  soumettre  à  la  nou- 
velle métropole  de  Luden.  Liémar,  archevêque 
de  Hambourg,  s'étant  alors  opiniâtrement  alla- 


20-2 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CM  RCS.  —  CHAMTRE  TRENTE-SEPTIÈME. 


cliô  an  schisme  du  roi  Henri  d'Allemagne  con- 
tre les  papes,  méritait  bien  la  division  de  sa 
métropole  par  celle  qu'il  voulait  mettre  dans 
l'Eglise.  Aussi  le  pape  Grégoire  VII  avait  déjà 
pensé  à  lui  soustraire  les  évèques  de  Danemark 
■^        (Raron.,  an  1092,  n.  13.  1  ï.  l.xxir. 

Les  Suédois  ayant  aussi  obtenu  l'érection  d'un 
métropolitain  dans  l'Eglise  d'Upsal ,  le  pape 
Innocent  III  confirma  la  primatie  accordée  par 
lu  pape  xVdrien  IV  à  l'archevêque  de  Luden  en 
Danemark,  sur  la  province  d'Upsal  en  Suède  : 
en  sorte  que  le  primat  de  Luden  ayant  reçu  le 
pallium  du  pape,  devait  le  donner  à  l'archevê- 
que d'Upsal,  après  avoir  exigé  de  lui  un  ser- 
ment de  fidélité  et  d'obéissance,  sans  blesser  la 
fidéliîé  due  à  l'Eglise  romaine.  «  Ipsi  et  Lun- 
dcnsi  EcclesiiP,  salva  fidelitate  Romanœ  Eccle- 
siii',  fidelitatcm  et  obedientiam  juramento  pro- 
mitt;it   Innocent  III,  regist.  i,  cp.  cccoxix).  » 

Le  pape  Innocent  III  assure  dans  la  même 
lettre  écrite  à  Absalon,  archevêque  de  Luden, 
que  les  successeurs  d'Adrien  IV,  savoir  Alexan- 
dre, Lucius,  Urbain,  Clément  et  Célestin  avaient 
soutenu  la  même  primatie  de  Luden  (Rainald. 
an.  tr.18.  n.  7(i). 

Voilà  de  (pielle  manière  l'Eglise  de  Brème, 
qui  avait  donné  des  évêques  à  tous  ces  royau- 
mes, les  vit  ensuite  monter  à  la  dignité  d'ar- 
chevêques, et  même  à  celle  de  primats,  lors- 
que les  accroissements  de  la  foi  évangéliijue 
dans  les  provinces  septentrionales,  et  la  sépa- 
ration de  tous  ces  royaiimts  d'avec  l'empire 
rendirent  tous  ces  changements  non-seulenu  nt 
avantageux,  mais  aussi  nécessaires  au  bien  des 
Ei;lises.  et  à  la  gloire  de  J.-C. 

III.  Ce  fut  à  peu  près  de  la  même  manière 
(pic  rp:glise  de  (Inesne  en  Pologne  devint  la 
métropolitaine  et  la  primatiale  de  ce  grand  Etal, 
sans  que  I  Eglise  de  Mayence,(iui  lui  avait  appa- 
remment donné  naissance,  aussi  bien  qu'à  celle 
de  Bohême  ,  en  pût  concevoir  de  la  jalousie  ; 
liiiisque  telle  a  été  la  naissance  et  l'augmenta- 
tion de  toutes  les  Eglises,  et  de  Mayence  même, 
ipielles  sont  enfin  montées  au  même  ra:  g 
d'honneur  et  de  puissance  que  celles  de  qui 
elles  ont  revu  les  premiers  rayons  de  la  foi 
(Rainald.,  ann.  1207,  n.  13). 

IV.  Il  y  eut  l'ius  de  difficultés  dans  le  royaume 
(le  Hongrie  poiu' accorder  les  archevêques  de 
SIrigonie,  ou  de  Cran  et  de  Colocze.  Ils  avaient 
transigé  ensemble,  en  sorte  que  l'archevêque 
de  SIrigonie  avait  renoncé  à  toute  la  juridiction 
(lu'il  avait  pu    prétendre   sur  la  province  de 


Colocze,  à  condition  que  le  droit  de  consacrer 
les  rois  de  Hongrie  demeurerait  incontestable- 
ment à  l'archevêque  de  SIrigonie.  Le  roi  même 
avait  conjuré  le  pape  de  confirmer  cette  tran- 
saction, pour  affermir  une  paix  éternelle  entre 
ces  deux  archevêques.  Mais  le  pape  Innocent  111 
ayant  en  même  temps  reçu  les  oppositions  du 
chapitre  de  SIrigonie,  qui  protestait  n'avoir 
jamais  consenti  à  un  traité  si  préjudiciable  aux 
avantages  de  leur  Eglise,  se  contenta  de  confir- 
mer à  l'archevêque  de  SIrigonie  le  droit  de 
consacrer  les  rois,  afin  de  ne  pas  exposer  la 
couronne  royale  et  la  paix  du  royaume  a  des 
contestations  si  difficiles  à  terminer(Regist.  xiv, 
ep.  cLvi  ;  Rainald.,  an.  1203,  n.  10;  an.  1212, 
n.  7;  an.  1231,  n.  38). 

V.  La  primatie  du  pape  dans  l'Italie  a  été 
comme  un  soleil  qui  a  empêché  que  les  métro- 
politains d'Italie  n'aient  aspiré  au  lustre  et  à  la 
gloire  des  primats.  Le  pape  Urbain  II ,  après 
avoir  relevé  l'Eglise  de  Pise  de  la  dignité  d'ar- 
chevè(|ue,  lui  donna  en  même  temps  la  léga- 
tion sur  l'île  de  Sardaigne.  Grégoire  VII  lui 
avait  autrefois  donné  le  vicariat  apostolique 
sur  l'île  de  Corse  (Anno  1092,  Greg.  vu,  lib.  vi, 
epist.  xn).  Le  pape  Alexandre  III  déclara  l'ar- 
chevêque de  Pise  primat  de  Sardaigne,  avec 
autorité  sur  les  trois  métropolitains  de  cette 
île.  Mais  cette  autorité  s'est  éclipsée,  et  il  n'est 
resté  que  le  nom  de  primat.  Léon  d'Ostie  dit 
que  ce  fut  le  pape  Gélase  II  qui  érigea  Pise  en 
archevêché  (An.  I  I(î7,  Marca,  de  Primat.  Lug- 
diin.,  n.  12 '0- 

Le  pape  Innocent  III  écrivant  à  Hubald,  arche- 
vêque de  Pise,  fait  mention  et  donne  une  nou- 
velle confirmation  de  la  légation  perpétuelle 
du  Saint-Siège  accordée  par  Urbain  II  et  con- 
lirmée  par  les  papes  Eugène,  Anastase  et  Céles- 
tin. C(!  pape  donne  ou  confirme  à  l'archevêque 
lie  Pise  la  jirimatie  sur  les  provinces  de  Cagliari 
et  d'Arborée  en  Sardaigne,  avec  pouvoir  d'api)e- 
ler  les  évêques  de  ces  provinces  à  son  concile, 
et  d'exercer  sur  eux  l'autorité  ordinaire  des 
])rimals,  avec  cette  limitation,  néanmoins,  de 
ne  point  convoquer  à  son  concile  les  métropo- 
litains, sans  la  permission  du  Saint-Siège. 
"  lia  quidem  ut  eos  ad  concilium  vocandi , 
excessus  eorumcorrigendi,atquecœtera  omnia 
(|ua'  ad  jus  primatus  pertinent,  in  eos  exer- 
cendi  haheatis  liberam  facultatem.  Verumtamen 
duarum  supradictaruni  provinciarum  archie- 
|iiscof)05  ad  concilium  non  vocabitis  Pisas  sine 
conscientia  l'iuniani   poulificis  (Lib.  i   Regist. 


DFS  PHIiMATS  D'KSPACNE. 


^20:  î 


episl.  Lvi).  »  Il  lui  donnait  ou   conlirnuiit  on  porter  sa    croix    dans    ionics    co.s   provinces, 

nicine  temps  une  pleine  autorité  de  ï)riniat  sur  «  Cruceni  pcr  subjectas  vobis  [)rovincias  |)or- 

une  troisième  mélropitle  de  Sanlai^nie,  qui  était  tandi  fl)  ».  .       - 

celle  de  Torre.  Knliii,  il  lui   permit  de  faire  .      -    ;      ^ 


(l)  Ici  encore  nous  constatons  que  toutes  ces  primaties  n'existent 
Iilus  que  dans  Thistoire.  Mayence  n'est  plus  qu'un  simple  évèché, 
Gnesne,  Grau  et  Pise,  àe  simples  métropoles  dont  le  litre  primatial 
n'est  plus  reconnu  dans  le  recueil  officiel  que  nous  avons  déjà  men- 
tionné. Cependant  la  primalie  de  Gnesne  était  encore  hiérarchique- 
ment admise  an  milieu  du  xvili*  siècle  ;  car,  parmi  les  encycliques 
de  Benoit  XIV,  nous  en  trouvons  une  du  2  juin    1751,  adressée  ad 


primatem  ,  arckiejtiscopos  et  episcopos  Poloniœ.  Mais  aujourd'hui, 
nous  le  répétons  encore,  nous  ne  trouvons  plus  tmlle  part  de  primats 
avec  juridiction  supérieure  à  rcUc  des  métropolitains.  Cette  observa- 
tion s'ap()llque  au  chapitre  suivant  et  les  deux  primaties  de  Tolède 
et  de  Urague  ne  sont  plus,  d'après  le  même  document  officiel,  que 
de  simples  archevêchés  quant  à  la  juridiction,  (Dr  André.) 


CHAPITRE  TRENTE-HUITIEME. 


DES   PRIMATS    D  ESPAGNE. 


I.  La  priinatie  de  Tolède  érigée  par  Urbain  H  sur  toutes  les 
Espagues. 
U.  Oppositioa  de  l'archevêque  de  Tarragone. 

III.  Et  de  celui  de  Narbonne. 

IV.  Comuient  l'arcbevèque  de  Narbonne  était  devenu  primat 
de  la  province  Tarragonaise. 

V.  Urbain  II  avait  donné  une  légation  apostolique  à  l'arche- 
vêque de  Tolède  pour  soutenir  sa  priraatie.  Les  papes  suivants 
travaillèrent  aussi  à  la  maintenir. 

VI.  Celle  cause  fut  portée  au  jugement  du  concile  IV  de  l.a- 
Iran,  où  le  pape  Innocent  III  la  laissa  indécise. 

Vil.  Preuves  que  Tolède  n'a  jamais  eiïeclivement  joui  de  la 
primalie. 

VIII.  Contestations  sur  le  droit  de  porter  la  croix  prima- 
tial e. 

IX.  Sage  modéralion  des  papes  dans  la  résistance  qu'ils  trou- 
vaient. 

X.  Suite  des  contestations  sur  la  croix. 

XI.  De  la  primalif  de  Brague. 

XII.  L'exemple  illustre  du  saint  archevêque  de  Brague  Bar- 
thélémy des  Martyrs  montre  que  ces  couleslalions  peuvent 
partir  d'un  zèle  fort  saint. 

XIII.  Si  l'on  avait  cédé  aux  primaties  que  les  papes  voulaient 
établir,  on  aurait  jugé  dans  les  royaumes  une  inlinité  de  causes 
qu'on  a  depuis  portées  il  Rome. 

1.  Alphonse  VI,  roi  de  Castille,  ayant  repris 
la  ville  (le  Tolède  sur  les  Maures,  (|ui  l'occn- 
paient  depuis  trois  cent  soixante-huit  ans,  pria 
le  pape  Urbain  11  de  rendre  à  cette  ancienne 
métropole  d'Espagne  les  mêmes  titres  et  les 
mêmes  pouvoirs,  dont  elle  avait  joui  avant  que 
de  tomber  dans  la  servitude  des  infidèles.  Ce 
pa|ie  ne  put  refuser  à  un  roi  victorieux  une  si 
juste  demande,  et  il  rétablit  Tolède  dans  la 
possession  de  son  ancienne  priinatie  sur  toutes 
les  Espagnes.  «  Tuis  exhorlationibus  invitati, 


Bernardo  Toletanœ  urbis  prœsuli  pallium  con- 
tradentes,  privilegium  quoque  Toletanae  Eccle- 
siieantiqua?majestatis  indulsimus.  Ipsum  enim 
in  lotis  Hispaniarimi  regnis  primatem  sfatui- 
mus  et  quidquid  Toletana  Ecclesia  noscitur 
anliquitus  babuisse,  nunc  quoque  ex  aiiosto- 
\kx  Scdis  liberaiitate  in  posteruin  habere  cen- 
suimus.  Tu  illum  ut  patrem  cbarissimum 
exaudias,  et  qureque  tibi  ex  Domino  nuntia- 
verit,  obedire  curato  (An.  1(188.  Conc.  lom.  x, 
p.  i.%8).  »  Ce  sont  les  propres  termes  de  la  lettre 
de  ce  pape  au  roi  AIi)honse,  auquel  il  donne 
un  père  et  un  fidèle  conseiller  en  donnant  un 
primat  à  toutes  les  Espagnes.  » 

Ce  même  pape  écrivit  en  même  temps  ta  l'ar- 
chevêque de  Tarragone,  qu'il  avait  donné  la 
jirimatie  à  rarchevê([ue  de  Tolède,  sans  préju- 
dicieraux  privilèges  des  métropolitains  :  «  Salva 
apostolicœ  Sedis  autoritate  ,  et  metropolita- 
norum  privilegiis  singnlorum  ;  »  afin  qu'étant 
fort  éloignés  de  Rome,  ils  pussent  recourir  à 
leur  primai  dans  les  affaires  les  plus  épineuses  : 
«  Si  quid  igitur  inter  vos  grave  contigerit,  quia 
ab  apostolica  Sede  procul  estis.  ad  cuni  velut 
ad  primatem  vestrurn  omnium  recurretis , 
ejusque  jndicio,  quœ  vobis  sunt  gravia  termi- 
nabilis.  »  S'il  se  présentait  quelque  difficulté 
qui  fût  au-dessus  des  lumières  du  jirimat 
même,  alors  il  faudrait  avoir  recours  au  Saint- 
Siège.  «Quod  si  forte  ipsius  quoque judicio  ne- 


204 


DU  prp:mier  on  due  des  clercs.  —  chapitre  trente-huitième. 


qiiiverit  definiri ,  ad  aimslolicam  Sedein  ,  ut 
dignuiii  est,  vclut  sedium  oinniiun  princiiit'iii 
referetur.  »  Ainsi  ce  n'était  pas  seulement  par 
les  voies  d'appel  qu'on  portait  les  affaires  au 
primat  ou  au  pape,  mais  on  s'en  rapportait  à 
eux  toutes  les  fois  que  les  prélats  inférieurs  ne 
croyaient  pas  avoir  assez  de  lumières,  de  |)éné- 
tration  ou  d'autorité  pour  débrouiller ,  ou 
pour  surmonter  les  difficultés  occurrentes.  Ce 
pajje  ajoute  que  les  évoques  qui  n'ont  point 
encore  de  métropolitain  obéiront  cependant 
au  [irimat  de  Tolède.  «  Qui  vestrum  sine  iiie- 
tropolitanis  propriis  sunt ,  i[isi  intérim  velut 
proprio  subesse  debebunt.  » 

II.  Mais  comme  si  ce  pape  eût  prévu  qu'il 
lui  était  bien  plus  facile  de  croire  et  d'avancer 
que  ce  n'était  qu'un  rétablissement  de  l'an- 
cienne primatie  de  Tolède,  que  de  le  persuader 
aux  métropolitains  intéressés  ,  il  témoigna  en 
même  temps  à  l'archevêque  de  Tarragone 
qu'il  ne  lui  avait  donné  le  palliumà  lui-même 
(ju  a  condition  d'obéir  au  primat  de  Tolède  : 
a  Memineris  ita  te  arcliiepisco])um  institutum, 
ut  lam  tu,  quam  universi  jirovinciœ  Tarraco- 
nensis  episcopi  Toletano  tanquam  primati 
debeatisessesubjecli.»  Enfin,  pour  accoutumer 
ces  métropolitains  à  se  soumettre  au  primat  de 
Tolède,  ce  pape  le  nomma  son  légat  dans  toute 
l'Esiiagne,  et  dans  la  province  Narbonnaise. 
«  iNunc  autem  multo  am|)lius,  quia  ei  nostra; 
sollicitudinis  vices  in  Hispania  universa,  et  in 
Narbouensi  provincia  ministrandas  injunxi- 
uius. » 

III.  Ce  pape  ne  doutait  nullement  que  les 
anciens  archevêques  de  Tolède  n'eussent  pos- 
sédé cette  primatie  universelle  sur  toute  l'Es- 
pagne, puisqu'il  en  écrivait  en  termes  si  formels 
à  l'archevê()ae  Bernard  :  «  Te  secundum  quod 
ejusdem  urbis  constat  extitisse  pontitices,  in 
lotis  Hispaniarom  regnis  primatem  privilegii 
nostri  sanctione  staluimus  ,  et  primatem  te 
universi  praisules  Ilispaniarum  respicient,  et 
ad  te,  si  quid  inter  eosqua'slionedignum  e\or- 
tum  fuerit,  réfèrent  (Marca,  de  Primatu  Lug- 
dun.,  n.  li^>].  » 

Mais  rarchevêque  de  Tarragone ,  qui  était 
sous  l'obéissance  d'un  autre  roi,  etqui  n'ignorait 
peut-être  pas  que  les  anciens  évêques  de  Tolède 
n"a\  aient  jamais  exercé  une  prin)atie  si  étendue, 
refusa  d'oliéir  à  un  prélat  castillan  ,  sur  un 
rescril  qu'il  prétendait  subreptice.  L'arche- 
xèi)uc  lie  Narbonne  ne  dissinuila  |>as  au  pape 
même  le  donunage  qu'il  [)réleudait  avoir  reçu 


par  l'établissement  d'un  métropolitain  de 
Tarragone  et  d'un  primat  de  Tolède,  assurant 
que  depuis  quatre  cents  ans  tous  les  évêques 
de  la  province  de  Tarragone  n'avaient  point 
reconnu  ni  d'autre  métropolitain  ,  ni  d'autre 
primat  que  lui.  «  Cum  eos  per  annos 
quadringentos  sine  alterius  reclamalione  Nar- 
bonensis  metropolis  possederit  (Conc.  tom.  x, 
p.  i.id).  »  Le  pape  envoya  un  légat  en 
Espagne  pour  porter  les  évêques  de  la  pro- 
Aince  de  Tarragone  à  obéir  au  métropolitain 
de  Narbonne,  jusqu'à  ce  que  la  ville  et  l'Eglise 
de  Tarragone  fussent  réparées.  Mais  cepen- 
dant il  nomma  le  primat  de  Tolède  son  légat 
a  latere,  et  étendit  sa  légation  même  sur  la 
[irovince  de  Narbonne,  afin  d'obliger  par  cet 
innocent  artifice  les  archevêques  de  Tarragone 
et  de  Narbonne  d'obéir  au  primat  de  Tolède. 

IV.  Connue  la  province  de  Tarragone  avait 
gémi  près  de  quatre  cents  ans  sous  l'oppression 
des  Sarrasins,  il  est  fort  vraisemblable  que  la 
plu[iart  des  évêques  de  cette  province  se  reti- 
rèrent dans  la  province  voisine  et  dans  la  ville 
de  Narbonne,  qui  avait  été  soumise  aux  mêmes 
rois  Cotlis  avec  toute  l'Espagne.  Leurs  villes 
étant  ruinées  aussi  bien  que  leur  métropole,  ils 
obéissaient  sans  i)eine  au  métropolitain  de  Nar- 
bonne, qui  acquérait  cependant  sur  eux  une 
longue  supériorité. 

V.  La  légation  dont  Urbain  II  honora  adroi- 
tement son  nouveau  primat,  étant  personnelle, 
ne  pouvait  pas  faire  que  ses  successeurs  fussent 
reconnus  par  les  autres  métropolitains.  Les 
papes  Adrien  et  Anastase  usèrent  de  menaces 
pour  vaincre  les  résistances  des  archevêques 
de  lirague.  Pascal  II,  (Jélase  II,  Calixte  II  et 
Eugène  III,  confirmèrent  par  leurs  rescrits  la 
même  primatie  universelle  de  Tolède.  Ce  der- 
nier força  enfin  l'arclievèque  de  Hrague  de  se 
soumettre  au  primat  de  Tolède.  Il  en  écrivit 
aussi  des  lettres  très-pressantes  à  l'archevêque 
de  Tarragone  (Conc.  Gêner,  tom  x;  Ibid.  pag. 
i(iO,  626,  852,  854,  1036,  1092,  et  seq.  An. 
lUb'J.) 

La  lettre  d'Adrien  IV  à  l'archevêque  de 
Rrague  sur  ce  même  sujet  montre  clairement, 
(|ue  s'il  avait  jamais  témoigné  quelque  sujétion 
au  primat  de  Tolède ,  elle  n'avait  pas  été 
longue.  Innocent  III  confirma  en  1209  la  pri- 
matie de  Tolède  sur  les  Espagnes,  «  per  Hispa- 
niarum  régna  »,  suivant  l'exemple  de  tous  ses 
]irédécesseurs,  (juil  nomme  jusqu'au  nombre 
de  dix  ou  onze  Jnnoc.  Reg.  xui,  epist.  vj.  Mais 


DES  PRIMATS  D'ESPAGNE. 


20S 


ce  même  pape  témoigna  l'année  suivante  (jue 
les  droits  de  celte  prinialie  étaient  fort  con- 
testés et  qu'il  ne  pouvait  encore  décider  ce 
diflérend,  à  cause  de  la  guerre  des  Maures  dont 
on  était  menacé  ;  pour  ne  pas  exposer  TEs- 
pagne  à  tant  de  troubles  en  même  temps 
(Regist.  XIV,  ep.  lvi). 

VI.  Dans  le  IV' Concile  de  Latran  (An.  I-2I.V  , 
sous  le  pape  Innocent  III,  on  vit  comparaître  le 
savant  Koderic,  arclievèLiue  et  primat  de  Tolède, 
pour  se  plaindre  que  nonobstant  les  rescrits 
de  tant  de  papes,  les  archevêques  de  Brague, 
de  Compostelle,  de  Tarragone  et  de  Narbonne 
refusaient  de  le  reconnaître.  Roderic  sembla 
triompher  contre  rarclievêi|ue  de  Compostelle, 
montiaiit  cpie  la  métropole  deMérida  n'y  avait 
été  transférée  que  depuis  l'an  11-24,  et  que  tout 
ce  qu'on  racontait  des  voyages  de  saint  Jacques 
en  Espagne  n'avait  point  de  preuve  solide 
(Conc.  Gen.  Tom.  si,  part.  1,  pag.  -iSo).  Enfin, 
Mariana  assure  que  l'archevêque  de  Brague,  et 
un  évèque  au  nom  de  l'archevêque  de  Tarra- 
gone, ayant  commencé  d'étaler  les  droits  et  les 
preuves  de  leurs  Eglises,  et  les  autres  intéres- 
sés étant  absents,  le  pape  les  renvoya  sans  rien 
prononcer,  u  Lite  intégra  discessum  esse,  neu- 
tre iucliuatis  sententiis  Mariana,  1.  xii,  c.  4  .  » 

Surita  rend  le  même  témoignage,  et  cela  se 
confirme  par  les  deux  lellies  d'Honoié  III, 
successeur  d'Innocent  111,  aux  archevêques  de 
Tolède  et  de  Brague.  11  parait  par  ces  lettres 
que  le  procès  avait  encore  été  renouvelé  de  son 
temps  à  Rome,  et  n'avait  pas  non  plus  été  dé- 
cidé. Au  contraire,  ce  pape,  comme  pour  con- 
soler l'archevêque  de  Tolède ,  Roderic  ,  lui 
donna  la  prinialie  sur  la  province  de  Sé\ille. 
dont  la  capitale  était  encore  sous  la  domination 
des  Arabes,  en  sorte  que  lorsqu'elle  serait  re- 
conquise, celui  qui  en  serait  métropolitain  re- 
lèverait du  primat  de  Tolède  (Conc.  Tom.  xi, 
part.  1,  pag.  -24^).  Mariana  fait  Innocent  III 
auteur  de  ce  privilège  sur  Séville  Mariana, 
1.  xu,  c.  i). 

VII.  Il  faut  donc  avouer  de  bonne  foi  que 
quoique  Roderic,  archevêque  de  Tolède,  ait 
tâché  de  donner  non-seulement  du  lustre  et  de 
l'autorité,  mais  aussi  de  l'antiquilé  à  la  pri- 
matie  de  son  Eglise,  et  qu'il  ait  même  remar- 
qué pour  cela  q^ue  l'archevêque  de  Sévdle  fut 
transféré  à  Tolède  dans  le  XVI'  Concile  de 
Tolède,  comme  à  un  siège  supérieur  Rodericus, 
de  Rébus  Hispaniae,  lib.  iv,  c.  3)  ;  il  est  néan- 
moins sans  comparaison  plus  probable,  conuue 


Mariana  le  montre  fort  au  long,  qu'avant  Ur- 
bain Il  le  mélro|)oblaiu  de  Tolède  n'avait 
jamais  joui  d'aucun  de  ces  avantages,  qui  sont 
propies  et  parliculiors  aux  primats  (  .Mariana, 
1.  IX,  c.  18,  l'J). 

Dans  le  concile  d'Elvire  et  dans  ceux  de 
Tolède  même,  dit  Mariana,  revê(jue  de  Tolède 
ne  souscrit  qu'après  plusieurs  autres.  Il  est 
vrai  que  dans  l'ancienne  police  des  Eglises 
d'Espagne,  les  cim)  arciievêques  de  Tarragone, 
de  Brague,  de  Mérida,  de  Séville  et  de  Tolède 
étaient  élevés  au-dessus  des  autres  évêques, 
par  la  qualité  même  de  mélro[)olitain  ou  de 
primat,  qui  étaient  alors  deux  termes  qui 
n'avaient  (ju'une  même  signification  :  «  Diverse 
nomine,  sententia  non  alla.  »  Ce  qui  venait  ou 
de  l'ancienne  division  de  1  Espagne  sous  les 
Romains  en  autant  de  parties;  savoir  :  la  Béti- 
(jue,  la  Lusitanie,  la  Tarragonaise,  la  Cartha- 
ginoise et  la  Galice,  ou  pUitùt  des  divers  Etats 
qui  s'y  formèrent  après  l'irruption  des  nations 
du  nord,  les  Vandales  ayant  occupé  Séville  et 
la  Betique,  les  Alains  Mérida  et  la  Lusitanie.  les 
Snèves  Braga  et  la  Galice ,  les  Gollis  Tolède  et 
la  Carthaginoise,  et  les  Romains  s'étant  forti- 
fiés dans  la  province  Tarragonaise.  Comme  les 
Gotlis  subjuguèrent  enfin  toutes  ces  autres 
nations,  aussi  leur  capitale  Tolède  ac([uit  un 
nouvel  éclat  par  la  faveur  et  par  la  présence 
même  des  rois. 

Mais  toute  la  prééminence  des  archevêques 
de  Tolède,  même  après  qu'on  leur  eût  confié 
l'ulection  des  évêques,  ne  consista  que  dans  la 
préséance  du  siège  et  de  la  souscription,  sans 
qu'ils  aient  jamais  exercé  sur  les  autres  niétro- 
polilains  aucun  de  ces  pouvoirs  qui  sont  réser- 
vés aux  vrais  primats  ou  aux  patriarches.  «  In 
subsequeutibus  conciliis  Toletani  praesulis 
prima  semper  autorilas  esse,  prinmmque  se- 
dendûsubscribendoquelocum  occupare.  .Vlque 
bis  se  flnibus  Toletani  episcopi  autorilas  cou- 
tinuit.  Ca-tera  primatum  jura,  qui  iidem  pa- 
Iriarchae  sunt,  solo  nomine  discrepautes,  ut 
Icges  ecclesiasticœ  docent,  haudquaquam  obli- 
nuit.  » 

Après  la  déroute  et  la  caplivité  des  Eglises 
d'Espagne  sous  la  tyrannie  des  Maures,  à  peine 
y  eut-il  un  évêque  à  Tolède.  Ce  fut  donc  Ber- 
nard qui,  après  la  conquête  de  Tolède  par  le 
roi  Alfouse,  obtint  la  prinialie  du  pape  Ur- 
bain II,  et,  en  revenant  en  Espagne,  se  fit  re- 
connaître à  Toulouse  par  les  évêques  de  la 
province,  qu'il  avait  presque  surpris  par  son 


20e  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-HUITIÈME. 


adresse  et  par  son  éloquence.  «  Cum  in  Hispa- 
niam  rediret,  Tolosae  vicinorum  episcoporum 
conventiiin  habuit,  tacileque  homines  minime 
uialos,  inj^enii  dexterilate ,  et  Gallica^  lin|j:nae 
commercio  (jua  ab  infantia  usus  erat  ut  im- 
periiim  agnoscerent ,  adegit.  »  Les  métropo- 
litains d'Espagne  s'opposèrent  toujours  à  cette 
nouvelle  dignité.  Les  papes  y  a])portèrent 
quelque  tempérament  ,  quoiqu'ils  favori- 
sassent toujours  leur  créature.  Calixte  H 
transféra  la  métropole  de  Mérida  à  Conipostelle, 
et  exempta  les  provinces  de  Mérida  et  de 
Rrague  de  la  primatie  de  Tolède  pour  les  sou- 
mettre au  primat  de  Composlelle.  Hadrien  VI 
cassa  cette  primatie  de  Conipostelle ,  et  força 
l'archevêque  de  Rrague  de  reconnaître  le  pri- 
mat de  Tolède.  Alexandre  111  révoqua  l'exemp- 
tion que  le  pape  Anastase  IV  en  avait  donnée 
au  métropolitain  de  Compostelle. 

Ce  (pii  se  passa  dans  le  concile  de  Latran 
sous  Innocent  III  a  déjà  été  rapporté,  et  c'est  à 
quoi  il  faut  s'en  tenir,  quoique  Mariana  sem- 
ble se  contredire  lorsqu'il  dit  ici  que  la  cause 
fut  jugée,  et  que  Roderic  de  Tolède  l'eniporla 
sur  tous  les  autres  métropolitains  d'Espagne. 
«  Lite  contestata  reliques  Hispaniœ  metropoli- 
lanos  vicit  iL.  ix.  c.  10).  » 

Cette  victoire  ne  peut  lui  avoir  acquis  qu'une 
préséance  d'honneur,  puisque  Mariana  même 
assure  au  même  endroit  que  présentement  les 
archevêiiues  de  Tolède  n'ont  retenu  que  le 
nom  de  primat,  sans  en  pouvoir  exercer  la 
moindre  fonction,  soit  à  juger  des  appels,  soit 
à  faire  des  ordonnances.  «  Ac  ne  nunc  quidem 
prêter  nomen ,  ullam  ejns  potestatis  partem 
exercent  in  alias  provincias  Hispaniie  ,  neque 
componendis  litibus  ,  neque  sontibus  plecten- 
dis,  neque  legibus  |)romulgandis.  » 

VIII.  La  seule  marque  que  le  primat  de 
Tolède  croyait  ne  pouvoir  lui  être  disputée 
était  de  faire  jiorter  sa  croix  dans  toute  l'Espa- 
gne. Jean,  lils  du  roi  d'Aragon,  ayant  été  créé 
archevêque  de  Tolède,  et  ayant  entrepris  de  le 
fiiire  dans  Saragosse,  l'archevêque  de  Sai'agosse 
le  frappa  d'anatlième,  et  mit  en  interdit 
l'Eglise  (An.  13201  Le  roi  Jacques  d'Aragon 
se  laissa  d'abord  emporter  aux  ressentiments 
d'un  ])ère,  mais  il  se  laissa  toucher  ensuite  aux 
intérêts  de  son  propre  royaume  (Mariana,  I. 
XV,  c.  17). 

Le  pape  lui  fit  aussi  une  réponse  pleine  de 
sagesse  et  de  modération,  lui  représentant  que 
bien  qu'il  eût  été  a  souhaiter  (]ue  ces  iirelals 


fussent  auparavant  convenus  entre  eux  du 
droit  ou  de  la  coutume  de  porter  leur  croix  ,  il 
était  néanmoins  visible  (|u'ils  n'avaient  agi  de 
part  et  d'autre  que  par  un  zèle  louable  de  cou- 
server  les  droits  de  leurs  Eglises,  w  Causam 
reperies  zelum  quemdam  Ecclesiarum  jura 
tuendi,  et  ipsa  illibata  servandi,  etc.  Cum  tam 
ex  parte  portantis,  quam  ex  parte  resistenlium, 
zelus  conservandi  jus  Ecclesiarum  sibi  com- 
missarum  fuei  it ,  non  injuriarn  alicui  irro- 
gauiii.  11  Enfin  ce  pajie  leva  lui-même  l'excom- 
munication ,  et  évoqua  à  Rome  ce  différend, 
avec  défense  aux  archevêques  de  Tolède  de 
faire  porter  leur  croix  hors  de  leurs  provinces 
avant  la  fin  du  procès  (Hispan.  Illus.  Tom.  m, 
p.  164). 

IX.  La  sage  modération  avec  latiuelle  les 
papes  ont  favorisé  la  primatie  de  Tolède,  depuis 
(ju'ils  ont  reconnu  la  fermeté  des  autres  mé- 
tropolitains à  s'y  opposer,  mérite  certainement 
un  peu  d'attention.  Car,  quoiqu'ils  hissent  in- 
téressés à  soutenir  les  rescrits  d'un  si  grand 
nombre  de  grands  papes  leurs  prédécesseurs, 
et  que  les  rois  de  Castille  par  la  majesté  de  leur 
couronne,  et  par  les  victoires  qu'ils  conti- 
n  uaient  de  remporter  sur  les  ennemis  de  l'Eglise 
eussent  beaucoup  de  pouvoir  sur  leur  esprit, 
ils  ont  néanmoins  considéré  que  l'esprit  de 
l'Eglise  n'est  rien  moins  qu'un  esprit  de  domi- 
nation ;  que  l'autorité  du  Saint-Siège  est  une 
autorité  de  sagesse  et  de  charité  ;  que  toutes 
les  dignités  de  l'Eglise  n'ont  point  d'autre  but 
(|ue  l'utilité,  la  paix  et  la  concorde  de  l'Eglise 
même,  et  non  pas  la  satisfaction,  ou  le  faste 
des  prélats. 

Ainsi  ce  fut  le  même  pape  Innocent  Ifl  qui 
avait  auparavant  conliriné  les  privilèges  du 
primat  de  Tolède  sur  toute  l'Espagne,  et  ([ui 
ensuite  dans  le  concile  de  Latran,  voyant  la 
résistance  constante  et  unanime  des  autres 
métroiiolitains,  prononça  secrètement  pour 
leur  liberté,  en  ne  prononçant  rien,  et  en  don- 
nant seulement  à  Tolède  la  primatie  sur  la 
province  de  Séville.  qui  était  encore  ensevelie 
dans  les  ruines,  et  oii  il  n'y  avait  point  de  mé- 
tropolitain, ce  qui  fut  confirmé  par  son  suc- 
cesseur. Grégoire  IX  envoya  bien  à  l'archevê- 
(jue  de  Tolède  des  copies  authentiques  des 
bulles  d'Urbain  H  et  des  autres  papes  en  sa 
faveur,  mais  il  ne  les  confirma  pas  jiar  un  nou- 
veau décret  (Rainai.,  an.  1210,  n.  5;  an.  121^, 
n.  I(i;  an.  1218,  n.  (Cf;  an.  1239,  n.  i"). 

X.  Reprenons  le  fil  de  notre  narration,  et  du 


DES  PIUMATS  DKSPAGNE. 


207 


(iifférenri  des  archevcijiies  d'Espafjiie  iioiir  la 
croix.  Le  pape  Martin  V  \oiilarit  égaler  les 
primats  aux  patriarches,  accorda  cet  avantage 
aii\  archevêques  primats  de  Tolède  de  prendre 
toujours  séance  au-dessus  de  tous  les  iiiélro- 
polilains  non  primats,  quoiqu'ordonnés  de- 
puis Ion<;tem|)s  :  «Ciun  [latriarclue  et  primates 
unuui  sint,  et  solum  nomine  dill'erant  :  decla- 
ramus  Joannem  Toletanum,  qui  Hispaniarum 
primas  est,  archiepiscopos  non  (iri mates,  eliam- 
si  (X'tate  et  promotione  prioies  tuerint.  pr;ece- 
deie  debere.  quemadmodum  patriarchœ  illos 
hactenus  praicesserunt  Mariana,  1.  xx,c.  lij.  » 
Comme  c'est  encore  un  des  privilèges  des 
patriarches  de  faire  porter  leur  croix  haute 
devant  eux  dans  tout  le  ressort  de  leur  patriar- 
cat, les  archevêques  de  Tolède  ont  aussi  usé 
de  ce  droit  dans  toute  1  Espagne,  quoique  ce 
n'ait  pas  toujours  été  sans  contradiction  de  la 
part  des  autres  métropolitains,  et  surtout 
de  celui  de  Brague,  dont  nous  allons  parler 
(An.  i42'2:.  Gomecius  assure  que  le  cardinal 
Ximénès  la  portait  librement  dans  tous  les 
royaumes  d'Espagne,  à  l'exemple  de  ses  prédé- 
cesseurs iLibro  11). 

XI.  Quant  à  l'archevêque  de  Brague,  qui  est 
le  seul  dont  il  nous  reste  à  parler,  Jean  Vasée 
nous  apprend  que  pendant  le  temps  que  Séville 
et  Tolède  étaient  encore  sous  la  domination 
des  .arabes,  les  prélats  de  Brague  exerçaient  la 
primatie  dans  l'Espagne,  que  les  archives  de 
Brague  en  font  foi,  et  que  ce  fut  la  juste  raison 
desvigoureusesoppositions  que  les  archevêques 
de  Brague  lurent  au  premier  établissement  de 
la  primatie  de  Tolède  par  Urbain  II  ^Chronicon 
Vasai,  c.  xii).  C'avait  été  le  bonheur  et  l'avan- 
tage de  Brague  d'avoir  été  la  première  de  toutes 
les  métropolitaines  qui  eût  été  retirée  de  la 
servitude  des  Arabes  :  «  Qua?  prima  inetropoli- 
tanarum  Ecclesiarum  aMahumetistarum  tyran- 
nide  liberala  fuit  ^Hisp.  111,  tom.  i,  p.  (ii-l;.  » 
Cette  primatie  prétendue  par  les  archevê- 
ques de  Brague ,  me  paraît  toute  semblable  à 
celles  de  Narbonne  sur  la  province  Tarragon- 
naise,  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus.  Car 
l'une  et  l'autre  n'a  jeté  ses  fondements  que 
sur  la  désolation  des  autres  métropoles  par  les 
Sarrasins,  et  sur  1  intendance  que  les  prélats  de 
ces  deux  Eglises  avaient  cependant  exercée  sur 
elles  et  sur  leurs  évêques  (Bibl.  Man.  Labbei, 
t.  1,  p.  80-2,  803  . 

Si   l'on  considère  les  bienfaits  et  les  secours 
efficaces  que  ces  métropoles  ruinées  peuvent 


avoir  re(,-u  pendant  une  si  longue  désolation, 
on  y  trouvera  peut-être  un  assez  solide  fonde- 
ment pour  porter  les  archevêques  de  Brague  et 
de  Narbonne  à  disputer  la  |)rimatie  à  Tolède, 
(jui  ne  rem|>ortait  que  sur  le  prétexte  ima- 
ginaire d'une  ancienne  possession. 

11  ne  faut  pas  s'étonner  afirès  cela  si  les  ar- 
chevêques de  Brague  aspiraient  a  la  primatie 
même  des  Espagnes,  et  non  pas  seulement  à 
s'exempter  de  celle  de  Tolède,  comme  il  paraît 
même  par  le  chapitre  des  Décrétales,  où  il  est 
parlé  de  ce  différend.  C'est  en  suite  de  cette 
prétention  que  les  archevê(jues  de  Biague  se 
disent  encore  primats  d'Espagne,  et  font  porter 
la  croix  primatiale  devant  eux  (L.  i.  Décret. 
Tit.  41,n.  7!. 

XII.  Le  saint  et  illustre  archevê(|ue  de  Bra- 
gue, Barthélémy  des  Martyrs,  sera  lui  seul  une 
preuve  invincible  pour  nous  persuader  qu'on 
peut  joindre  toute  la  modestie  et  l'humilité 
sincère  d'un  prélat  vraiment  apostolique,  avec 
le  zèle  ardent  et  la  fermeté  inflexible  à  défendre 
ces  sortes  de  droits  et  de  pouvoirs  affectés  aux 
Eglises.  L'humilité  a  été  la  plus  éclatante  et  la 
plus  miraculeuse  des  vertus  de  ce  grand 
homme.  Et  néanmoins  le  plus  ambitieux  de 
tous  les  prélats  n'aurait  pas  soutenu  avec  plus 
de  chaleur  les  honneurs  de  sa  primatie.  Dès 
qu'il  fut  arrivé  à  Trente  il  emporta  la  préséance 
sur  le  plus  ancien  archevêque,  et  par  consé- 
quent sur  tous  les  archevêques  non  primats 
(Conc.  Trid.  sess.  IGj. 

Le  pape  même,  à  qui  l'atfaire  avait  été  ren- 
voyée, l'ordonna  de  la  sorte,  quoique  les  an- 
ciens papes  n'eussent  point  rendu  de  sentence 
décisive  sur  le  ditleiend  qui  était  entre  les 
archevêques  de  Tolède  et  de  Brague  pour  la 
primatie  d'Espagne.  Ainsi  dom  Barthélémy 
eut  rang  après  le  patriarche  de  Jérusalem. 
Mais  les  évêques  d  Espagne  étant  venus  au 
concile,  et  ne  pouvant  soutlrir  que  l'on  recon- 
nût l'archevêque  de  Brague  pour  primat  d'Es- 
pagne, au  préjudice  de  l'archevêque  de  Tolède, 
il  s'éleva  une  nouvelle  contestation,  dont  les 
légats  ayant  renvoyé  la  décision  au  jugement 
du  pape,  Sa  Sainteté  ordonna  par  un  bref  que 
les  patriarches  précéderaient  les  archevêques, 
et  les  archevêques  les  évêques,  sans  qu'on  eût 
aucun  égard  aux  Eglises  primatiales,  soit 
qu'elles  le  fussent  véritablement  ou  qu'elles 
prétendissent    l'être. 

Cette  résolution  était  très-sage,  et  on  peut 
dire  qu'elle  était  absolument  nécessaire.  Car  y 


208 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-HtITIÈME. 


ayant  un  aussi  j^rand  nombre  d'Eglises,  comme 
nous  venons  de  le  représenter,  dont  les  prélats 
se  disent  primats,  si  le  concile,  pour  régler  leurs 
rangs,  eût  voulu  examiner  et  terminer  leurs 
différends ,  il  se  fût  engagé  dans  un  embarras 
qui  n'aurait  point  eu  d'issue.  L'archevêque  de 
Braguene  laissa  pas  de  soutenir  la  prééminence 
de  son  Eglise,  dont  il  n'était  que  le  dépositaire, 
et  qu'il  était  résolu  de  laisser  à  ses  successeurs 
comme  ses  prédécesseurs  la  lui  avaient  laissée: 
enlin  sa  lérmeté  et  sa  vigueur  vraiment  aposto- 
li(|ue  força  les  légats  et  le  pape  même  de  lui 
doimer  une  déclaration,  que  cette  disposition 
de  séance  dans  le  concile  ne  porterait  aucun 
préjudice  à  la  dignité  de  son  Eglise,  qui  demeu- 
rerait après  le  concile  dans  les  mêmes  avan- 
tages qu'elle  avait  toujours  possédés(Vie  de  doni 
Barthélémy  des  Martyrs,  1.  n,  c.  0). 

Lors<iue  Pliilijipe  II,  roi  d'Espagne,  prenant 
possession  du  royaume  de  Portugal  (An.  l.iSI), 
voulut  prêter  le  serment  entre  ks  mains  de  ce 
saint  arcbevê([ue  de  Brague,  ce  généreux  prélat 
ne  se  rendit  au  lieu  de  la  cérémonie  qu'après 
que  le  roi  lui  eut  promis  qu'il  ferait  porter 
devant  lui  sa  croix  priniatiale  dans  l'assemblée 
des  Etats,  nonobstant  les  oppositions  des  arche- 
vêques de  Lisbonne  et  d'Ebora. 

Ces  deux  archevêques  ne  manquèrent  pas  en 
effet  de  faire  de  grandes  protestations,  disant 
que  le  procès  de  la  primatie  avec  l'archevêque 
de  Tolède  n'était  pas  encore  jugé,  et  qu'ainsi 
l'archevêque  de  Brague  n'avait  nul  droit  de 
faire  porter  sa  croix  hors  de  sa  province.  Mais 
le  saint  archevêque  leur  répondit  qu'il  était  en 
possession,  et  qu'il  était  indispensahlement 
obligé  de  conserver  les  droits  de  son  Eglise. 
Enfin  ce  saint  jirélat  ayant  fait  venir  un  notaire 
apostoliciue,  prit  acte  de  tous  ces  avantages 
maintenus  à  son  Eglise  (Vie  de  dom  Barthé- 
lémy, 1.  lu,  c.  18). 

S'il  s'agissait  de  quehiue  autre  prélat  aussi 
vertueux,  mais  moins  éclairé  que  dom  Bai  thé- 
lemy,  on  pourrait  s'imaginer  qu'il  y  aurait  eu 
plus  de  zèle(]uede  sagesse  dans  cette  conduite. 
Mais  comme  on  doit  être  persuadé  que  l'anti- 
quité même  a  eu  peu  de  j)rélats  plus  versés 
que  lui  dans  la  science  des  Ecritures,  des  con- 
ciles et  des  Pères,  et  dans  l'intelligence  des  plus 
exactes  maximes  de  la  morale  chrétienne,  et 
surtout  de  la  sainteté  de  ré[iifC0]iat  ;  il  faut  con- 
fesser sincèrement  (jue  les  actions  de  ce  grand 
honune  (leuvent  servir  de  règle  pour  redresser 
notre  jugement,  et  pour  nousemiiêcher  de  dé- 


sapprouver ce  qu'il  a  approuvé  et  autorisé  par 
sa  conduite. 

Ce  ne  sont  donc  pas  des  pensées  subtiles  et 
délicates,  mais  mal  fondées,  quand  on  a  dit 
ci-dessus  que  ces  contestations  entre  les  prélats 
sur  les  droits  de  primatie,  dans  toutes  les  pro- 
vinces de  l'Eglise,  pouvaient  ne  venir  que  d'un 
zèle  vertueux  et  louable,  et  même  d'une  obliga- 
tion religieuse  et  indispensable,  de  conserver 
l'inviolable  dépôt  de  la  dignité  de  leur  Eglise. 
Il  suffit  jiour  nolrejuslification  d'être  soutenus 
du  jugement  et  de  l'exemple  de  tant  de  saints 
et  savants  archevêques.  Saint  Augustin  nous  a 
apjiris  qu'if  n'y  a  rien  de  si  semblable,  et  en 
même  temps  rien  de  si  dissemblable  que  la 
charité  et  la  convoitise. 

Les  efforts,  tes  enqiortements  et  les  excès 
sont  les  mêmes;  les  fins  sont  différentes,  et 
c'est  tout.  Il  fautjuger  en  la  même  manière  du 
zèle  religieux  et  de  l'ambition  profane  ;  rien 
de  plus  semblable  dans  les  apparences,  rien 
de  plus  différent  dans  la  vérité,  ])arce  qu'effec- 
tivement ce  zèle  n'est  que  la  charité  même,  et 
cette  ambition  n'est  que  la  cupidité.  Or  la  cu- 
judifé  est  orgueilleuse,  lors  même  quelle  sem- 
ble s'abaisser.  Et  la  charité  est  humble,  lors 
même  (ju'elle  s'élève  par  une  véritable  magna- 
nimité. 

Barbosa,  qui  était  portugais,  et  qui  fut  fait 
enfin  évêque  d'Ugenfo,  ajoute,  à  l'exemple  de 
dom  Barthélémy  des  Martyrs,  celui  de  trois 
autres  de  ses  successeurs  qui  portèrent  les 
manjues  de  leur  primatie,  et  en  reçurent  les 
honneurs  en  lt>17,  ftilO  et  en  lt)38,  devant  les 
rois  catholiques  Philippe  III  et  Philippe  IVdans 
l'archevêché  et  dans  la  ville  même  de  Tolède, 
et  dans  le  palais  même  de  ces  rois.  11  est  à 
désirer  que  leur  zèle  ait  été  aussi  pur  que  celui 
de  dom  Barihélemy  des  Martyrs.  Ce  canoniste 
était  témoin  oculaire  de  ce  qui  se  passa  sous  le 
dernier  de  ces  archevêques. 

XIII.  Je  n'ai  puisqu'une  remarque  à  ajouter 
pour  conclure  ce  traité  des  primaties.  C'est 
(pie  si  les  rois  et  les  nutroiiolitains  eiissent  été 
d'humeur  aies  laisscrétablir  au  temps  de  Gré- 
goire Vil,  d'Urbain  II  et  de  quelques-uns  de 
leurs  successeurs,  on  ne  serait  ]ias  tombé  dans 
linconvénienl,  dont  ensuite  ils  se  sont  plaints 
eux-mêmes,  de  voir  porter  foutes  sortes  de 
causes  à  Rome.  L'Esprit  divin  qui  anime  l'Eglise 
poussait  ces  pa[)es  à  prévenir  ce  désordre,  et 
nous  les  avons  vus  établir  ces  primats,  afin 
qu'on  ne  rapportât  à  Rome  que  les  causes  très- 


DE  LA  CRÉATION  DES  NOUVELLES  METROPOLES. 


200 


embarrassées  qu'on  n'aiirail  pu  déuièlcr ,  ni 
dans  la  cour  des  arclievèques,  ni  dans  celle  des 
lirimats.  On  s'est  oiijiosé  à  tontescesiiriniaties,  on 
n'a  soutlert  (jue  celle  de  Lyon  en  exercice, 
encore  l'a-t-on  réduite  au  seul  iugement  des 


a[)i)els.  Après  cela  on  a\u  porter  toutes  sortes 
de  causes  hors  des  royaumes  :  «  Inde  causa- 
rnm  examina  Romain  perlata  :  (|uo  dolend.T 
mayis  mortuiium  vices,  (jui  nec  mala  terre 
possunt,  nec  raalorum  remédia.  » 


'  %. 


CHAPITRE  TRENTE-NEUVIEME. 


DE    LA   CRÉATION    DES   NOITVELLES   METROPOLES    DANS   LES   CINQ   PREMIERS   SIECLES. 


1.  Pourquoi  on  remet  le  traité  des  vicaires  apostoliques. 
il.  Origine  îles  métropoles  ecclésiastiques. 

III.  On  parlera  des  métropoles  particulières  dans  le  chapitre 
suivant.  Par  quelle  autorité  les  métropoles  nouvelles  peuvent 
être  créées"?  Comment  les  empereurs  en  créèrent. 

IV.  Valeus  créa  une  métropole  nouvelle  à  Tyane  pour  dé- 
plaire à  saint  Basile.  Le  pape  Innocent  désapprouva  cette  inno- 
vation. 

V.  Dans  le  concile  de  Calcédoine  on  casse  la  métropole  de 
Béryt,  érigée  par  Théodose  le  Jeune  ;  l'empereur  .Marcien  avait 
e.Tclté  le  concile  à  cela. 

VI.  Réfle.xions  utiles  sur  les  ménagements  délicats  de  l'au- 
torité de  l'empire  et  de  la  liherlé  du  sacerdoce  dans  cette 
affaire. 

VII.  Conciliation  des  canons  12  et  17  du  concile  de  Calcé- 
doine sur  ce  sujet. 

VIII.  Autres  exemples  tirés  du  même  concile. 

IX.  Autres  exemples  de  la  déférence  des  empereurs  pour 
l'Eglise  dans  la  même  matière. 

X.  Quels  étaient  les  privilèges  des  métropolitains  honoraires? 

XI.  Dans  l'Occident  la  puissance  lemporelle  n'a  point  entre- 
pris d'ériger  des  métropoles  ecclésiastiques. 

I.  Quoiqu'on  ait  assez  fait  voir  ci-dessus  que 
l'exarcliat  de  Carthage  n'a  point  été  une  déléga- 
tion particulière,  ni  un  vicariat  du  Saint-Siège, 
il  est  néanmoins  indubitable  que  toutes  les 
autres  primaties  ou  exarchats  de  l'Occident 
n  ont  été  que  des  commissions  et  des  vicariats 
apostoliques.  Ce  serait  ici  le  lieu  d'en  parler  ; 
mais  comme  la  plupart  de  ces  primaties  n'ont 
pris  leur  naissance  que  vers  la  fin  du  cinquième 
siècle,  ou  même  dans  le  sixième,  et  que  ce  n'a 
été  que  dans  les  siècles  suivants  que  leur  au- 
torité a  éclaté  dans  la  France,  dans  l'Angle- 
terre, dans  l'Allemagne  et  dans  l'Espagne,  nous 
nous  réserverons  aussi  d'en  parler  ailleurs. 

II.  Il  faut  donc  passer  au  discours  des  métro- 
politains, et  il  faudrait  en  recheiclier  l'origine, 
si  nous  ne  l'avions  déjà  découverte  avec  celle 
des  exarques  et  des  patriarches,  dès  le  premier 


siècle,  et  dans  la  fondation  même  des  Eglises. 
Car  i)iii?que  les  .\cles  des  apôtres,  etlesEpîtres 
tant  de  saint  Paul  que  de  saint  Pierre,  et  l'Apo- 
calypse de  saint  Jean  nous  a[)i)rennent  que  les 
.\pôtres  foii'lèrent  les  premières  Eglises  dans 
les  villes  caiiilales  et  métropolitaines  des  pro- 
vinces, on  ne  peut  pas  reprendre  de  plus  haut 
l'origine  des  métropoles  ecclésiastiques  ,  sur- 
tout si  l'on  considère  que  les  trois  grands 
sièges  de  l'Eglise  n'ont  donné  que  la  qualité 
de  métropolitain  à  leurs  prélats  apostoli(|ues, 
durant  les  trois  premiers  siècles.  Saint  Epi- 
phane  a  commencé  à  donner  le  nom  d'arche- 
vêque à  Pierre  ,  évèque  d'Alexandrie ,  et  à 
Mélèce,  évèque  de  la  Thébaïde,  et  coadjuteur 
de  Pierre  î  Epiph.,  hseres.  lxviii,  lxix!.  Mais  on  ne 
sait  pas  si  ces  prélats  usaient  eux-mêmes  de  ce 
titre.  Saint  Athanase  a  connu  le  titre  d'arche- 
vêque. On  ne  le  donna  après  lui  durant  quel- 
ques siècles  qu'à  ceux  qu'on  appelait  aussi 
exarques  ou  patriarches. 

III.  Nous  ne  parlerons  pas  ici  non  plus  des 
métropoles  en  particulier,  soit  de  la  France, 
soit  des  autres  royaumes  de  la  chrétienté,  par- 
ce que  comine  leurs  démêlés  ont  passé  jusqu'à 
làge  suivant  sons  le  règne  de  la  race  deClovis, 
nous  en  remettrons  aussi  la  discussion  dans  le 
chapitre  suivant.  11  ne  nous  reste  donc  ici  qu'à 
traiter  de  la  création  des  nouvelles  métropoles, 
pour  découvrir  par  quelle  autorité  elle  a  pu  se 
faire.  Comme  les  métropoles  ecclésiastiques 
étaient  ordinairement  dans  les  métropoles  ci- 
viles, dans  toutes  les  provinces  de  l'Eniplre, 
excepté  celles  d'Afrique  .  il  arrivait  de  là  que 
si  l'empereur  partageait  une  province  en  deux. 


Th. 


Tome  I. 


14 


210  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-NEUVIÈME. 


le  premier  évêque  de  la  seconde  province  et  de 
la  nouvelle  niélropole  civile  prétendait  aussi 
avoir  été  élevé  au  rang  des  métropolitains. 

Cette  prétention  avait  quelcjuB  fondementsur 
le  droit  canonique  des  temps  apostoliciues.  Car 
les  canons  apostoliques,  le  concile  de  Nicée,  et 
celui  d'Anlioche,  avaient  ordonné  que  chaque 
province  aurait  son  métropolitain,  qu'elle  tien- 
drait son  concile  provincial,  et  qu'elle  userait 
pour  cela  des  commodités  qu'il  y  a  de  se  rendre 
de  tous  côtés  pour  toutes  sortes  d'affaires  dans 
la  métropole  de  clia<|ue  province.  Cette  com- 
modité et  ce  concours  ne  se  trouvaient  plus  de 
même  dans  la  nouvelle  province  pour  l'an- 
cienne métropole  civile,  elle  se  trouvait  tout 
entière  pour  la  métropole  nouvelle. 

Voici  le  canon  du  concile  d'Antioclie,  où  les 
canons  précédents  sont  renouvelés,  et  où  celte 
considération  des  commodités  de  la  métropole 
civile  est  plus  particulièrement  pesée.  «  Epi- 
scopos  (jui  sunt  in  unaipiaque  provincia  scire 
oportet,  episcopum  cpii  prieest  metropoli,  etiam 
curam  suscipure  tolius  provincia;.  Eo  quod  in 
metropoli  m  uodequaqueconcurruntomnesqui 
habent  nejîotia.  Unde  visum  est  quoque  eum 
honore  pnecedere  ;  reliques  autem  episcopos 
nihil  magni  momenti  aggredi  sine  ipso,  ut 
vult,  qui  ab  initio  obtinuit,  Patrum  canon 
(Can.  ix).  » 

IV.  Il  est  certain  néanmoins  que  l'Eglise  n'a 
l)as  approuvé  ces  changements,  et  qu'elle  a 
maintenu  (piand  elle  l'a  pu  les  anciens  métro- 
politains dans  toute  l'étendue  de  leur  première 
juridiction,  sans  avoir  égard  au  nouveau  par- 
tage que  les  empereurs  pouvaient  faire  dans 
les  provinces  civiles.  Saint  Grégoire  de  Nazianze 
raconte  comment  l'empereur  Valens  ,  pour 
affaiblir  l'autorité  de  saint  I>asile,métr(ipolitain 
de  Césarée  en  Cappadoce,  divisa  cette  province 
en  deux  :  ce  (jui  donna  occasion  à  Anthime, 
évêque  de  Tyane,  devenue  capitale  de  la  se- 
conde Cappadoce,  de  ne  plus  dépendre  de  saint 
Basile,  et  d'usurper  tous  les  avantages  des  mé- 
tropolitains (Nazianz.  oral.  20). 

Le  pape  Innocent  I"  semble  condannier  cette 
innovation  lors(|u'il  éciit  à  l'évéï^ue  d'Anlioche 
que  quelque  changement  (jue  l'empereur  fasse 
dans  les  provinces  de  l'Einijire,  les  Eglises 
doivent  inviolablementconserver  leur  ancienne 
disposition.  «  Nam  (]uo(l  sciscitaiis,  utruin  di- 
visis  impiiriali  judicio  [irovinciis,  ut  duic  mé- 
tropoles fiant,  sic  duo  metropolitani  episcopi 
debeant  nominari  :  non  vere  visum  est  ad  mo- 


bilitatem  mundanarum  necessitatum,  Dei  Ec- 
clesiam  commutari,  honoresque  aut  divisiones 
perpeli,  quas  pro  suis  causis  faciendas  duxerit 
imperator  (Innoc.  1.  Epist.  xvui).  » 

Il  y  avait  dans  la  frontière  des  deux  Cappa- 
doces  une  furl  petite  ville  nommée  Sasimes. 
L'un  et  l'autre  de  ces  deux  mélroi>olitains  y 
préfendait.  Saint  Basile  prévint  Anthime,  et 
pour  se  l'assurer,  il  y  institua  un  évêché,  dont 
il  chargea  son  bon  ami  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze. Antilime  ne  tarda  guère  de  s'en  rendre 
le  maître  à  main  forte.  C'est  un  échantillon 
des  périlleuses  suites  de  ces  innovations. 

V.  On  vit  un  bien  plus  grand  nombre  de  ces 
changements  bizarres  dans  le  concile  de  Calcé- 
doine, et  on  y  a|(pli(]ua  des  remè<les  bien  plus 
efficaces.  La  ville  de  Tyr  avait  toujours  été  la 
métropole  de  toute  la  Phénicie.  Eustathe  , 
évêque  de  Béryl,  dans  lamème  province,  obtint 
de  l'empereur  Théodose  le  Jeune  que  cette 
province  fût  divisée  en  deux,  et  que  Béryt  fût 
déclarée  la  métropole  de  la  seconde  Phénicie. 
Il  se  mit  aussitôt  en  possession  d'ordonner  et 
d'appeler  à  son  concile  provincial  les  évêques 
de  la  seconde  Phénicie.  Photius ,  évêque  de 
Tyr,  fut  forcé  de  consentir  à  cette  innovation, 
qui  lui  était  si  préjudiciable,  par  une  sentence 
(jue  le  concile  de  Conslantinople,  tenu  par  Ana- 
tolius,  évêque  de  la  même  ville,  Maxime,  évê- 
que d'Anlioche,  et  autres  prélats  qui  s'étaient 
trouvés  à  Conslantinople,  prononça  en  faveur 
d'Euslache. 

Le  concile  de  Calcédoine  ayant  été  assemblé 
peu  de  temps  après,  Photius  y  eut  recours,  et 
l'empereur  ayant  fait  témoigner  au  concile 
qu'il  désirait  (jue  les  affaires  ecclésiastiques  se 
décidassent  par  les  canons,  et  non  pas  par  les 
lois,  le  concile  rétablit  Photius  dans  son  an- 
cien droit,  et  déclara  conformément  au  concile 
de  Nicée,  qu'il  ne  pouvait  y  avoir  qu'un  mé- 
tropolitain dans  une  province  entière  (Concil. 
Calced.  Act.  iv). 

VI.  On  peut  faiie  des  réflexions  fort  utiles 
sur  ce  récit.  1°  L'empereur  Théodose  n'avait 
peut-êtie  érigé  Béryt  en  métropole  ecclésias- 
ti(pte  qu'indirectement,  car  en  ayant  fait  une 
niélropole  civile,  et  lui  ayant  attribué  une  par- 
tie de  la  Phénicie,  il  avait  donné  un  prétexte  ap- 
parent à  l'évèipie  de  Béryt  de  s'ériger  lui-même 
en  métropolitain,  comme  étant  soutenu  des  ca- 
nons qui  ont  été  cités,  ])lulôt  que  de  la  prag- 
matique impériale  (Cod.  lxi,  c.  21).  2°  Eusfa- 
thius  ne   put  après  tout  cela  se  mettre  en 


DE  LA  CRÉATION  DES  NOUVELLES  MÉTROPOLES. 


211 


possession  de  sa   prétendue  dignité  qu'après 
que  le  concile  de  Constanlinople,  sous  Anato- 
lius,  eût  confirmé  celte  division  de  provinces, 
et  eût  forc(;  parrexconinuniicaliou  révè(|Me  de 
Tyr  d'y  souscrire.  3°  Le  concile  de  Calcédoine 
ne  toucha  point  à  un  établissement  fondé  en 
quelque  façon   sur  un  rescrit    impérial   que 
l'empereur  ne  s'en  fût  exi>iiqué.  et  n'eût  té- 
moigné agréer  qu'on  rétablît  les  choses  dans 
leur  premier  état,  sans  avoir  égard  aux  prag- 
mati(|ues  contraires  aux  canons,  i"  L'empereur 
Marcien  reconnut  de  bonne  foi  que  ce  n'était 
point  aux  empereurs  à  augmenter  ou  diminuer 
les  provinces    ou  les   métropoles  ecclésiasti- 
ques, h"  Ces  déférences  mutuelles  de  Marcien 
et  du  concile  sont  vraiment  admirables  et  di- 
gnes de  la  majesté  et  de  la  sainteté  de  l'empire 
et  du  sacerdoce.  Le  concile  attend  que  le  prince 
le  prévienne  quand  il  s'agit  de  la  révocation 
ou  delà  limitation  d'un  rescrit  impérial.  Les 
Pères  du  concile  s'écrient  à  haute  voix  et  avec 
une  pleine  liberté  que  les  canons  doivent  l'em- 
porter sur  les  lois  ;  que  les  lois  doivent  être 
sans  vigueur  quand  elles  sont  contraires  aux 
canons  :   «  contra  régulas  pragmaticum  nihil 
valeat,  regulse  Patruni  teneant;  »  mais  ce  ne  fut 
qu'après  que  les  juges  impériaux  eurent  laissé 
le  choix  au  concile  de  terminer  ce  différend 
selon  les  canons,  ou  selon  les  lois ,  et  eurent 
même  assuré  que  le  désir  de  l'empereur  était 
que  tout  se  décidât  par  les  canons.  0"  Ce  furent 
même  les  juges  ijui  prononcèrent  la  dernière 
sentence  sur  ce  sujet,  quoique  ce  fût  la  résolu- 
tion du  concile.  Les  juges  refusèrent  au  con- 
traire de  prononcer,  et  voulurent  que  ce  fût  le 
concile  qui  le  fit,  quand  on  traita  ensuite  une 
question  purement  spirituelle  des  ordinations 
faites  par  l'évèque  de  Tyr  dans  les  évèchés  (]ui 
lui  avaient  été  enlevés.  Le  concile  prononça, 
et  les  juges  confirmèrent  la  sentence.  7°  L'é- 
vèque Cécropius  demanda  aux  juges  un  règle- 
ment général  qui  révoquât  toutes  les  pragma- 
tiques contraires  aux  canons  sur  la  division  des 
provinces,  et  les  ordinations.  Les  juges  deman- 
dèrent au  concile  s'il  ajjprouvait  la  demande 
de  Cécropius.  Le  concile  ré|)ondil  qu'on  ne  dé- 
sirait rien  tant  que  de  yoir  révoquer  toutes  les 
lois  contraires  aux  canons ,  mais  qu'il  fallait 
que  ce  lussent  les  juges  qui  le  fissent  eux-mê- 
mes. «  Sancta  synodus  acclamavit,  omnes  ea- 
dem  dicimus  :  universa  pragmatica  cessabuut, 
regulœ  teneant.  Et  hoc  a  vobis  flat.  »  Lesjuges 
prononcèrent  selon  le  désir  du  concile,  qui  s'é- 


cria ensuite  :  «  Hoc  justnm  judicium.  Justi 
juste  judicarunt.  »  8°  Les  juges  prirent  néan- 
moins un  tempérament  ,  car  ils  résolurent 
(ju'à  ra\enir  les  évêques  (|ui  iini»étrerait  nt  de 
send)lables  rescrits  seraient  privés  de  leurs 
évèchés;  mais  que  ceux  qui  en  avaient  obtenu 
auparavant  jouiraient  des  honneurs  des  métro- 
poiilaiiis.  demeurant  néanmoins  soumis  à  la 
juridiction  de  l'ancien  et  véritable  métropoli- 
tain. 

VII.  Voila  sans  doute  le  modèle  le  plus  achevé 
de  la  concorde  du  sacerdoce  et  de  l'empire,  où 
le  sacerdoce  prévient  l'empire  par  ses  plus 
humbles  déférences,  et  où  l'empire  prévient  le 
sacerdoce  par  son  zèle  sacerdotal  pour  la  con- 
servation des  canons  et  des  libertés  de  l'Eglise. 
Lesjuges  proférèrent  ces  paroles  admirables  : 
M  Sacratissimo  orbis  Domino  placuit,  non  juxta 
sacras  lifteras  aut  pragmaticos  typos  res  san- 
clissimorum  episcoporum  procedere.  sed  juxta 
régulas  a  sanctis  Putribus  lalas  Concil.  Calced. 
Act.  ivj.  » 

Le  canon  xii  de  ce  concile  ne  dit  pas  que  les 
empereurs  ne  puissent  ériger  de  nouvelles  mé- 
tropoles, mais  il  dépose  les  évêques  t]ui  sur- 
prendront des  rescrits  semblables  à  l'avenir, 
selon  que  les  juges  l'avaient  prononcé.  C'est 
parler  assez  clairement,  mais  avec  respect. 

Le  canon  xvii  de  ce  même  concile  porte 
que  si  l'empereur  bâtit  une  nouvelle  ville,  la 
distribution  des  paroisses  ecclésiastiques  suivra 
cette  disposition  civile.  Zonare  s'est  pirsuadé 
(jue  ce  canon  rendait  a  l'empereur  le  pouvoir 
d'ériger  des  évèchés  ou  des  métropoles  dans 
les  villes  dont  il  serait  comme  un  nouveau  fon- 
dateur. Balsamon  a  voulu  que  ce  canon  lui 
donnât  ce  pouvoir  généralement  pour  toutes 
sortes  de  villes. 

L'un  et  l'autre  en  a  jugé  par  la  pratique  de 
son  temps,  où  les  empereurs,  bien  éloignés  de 
la  piété  de  Marcien.  avaient  repris  cette  auto- 
rité. Mais  comment  ont-ils  pu  s'imaginer  que 
ie  concile  en  deux  canons  se  soit  jeté  dans  une 
contradiction  si  manifeste?  Et  comment  aurait- 
il  donné  à  l'empereur  ce  que  l'empereur  ne 
voulait  pas?  Il  faut  donc  dire  que  le  sens  de  ce 
canon  est  que,  si  l'empereur  renouvelant , 
agrandissant  ou  fondant  une  ville  lui  attribue  des 
villages  voisins  arrachés  du  territoire  de  quel- 
ques évêques  voisins  ,  l'évèque  duquel  dépen- 
dra cette  nouvelle  ville  étendra  sa  juridiction 
sur  tous  ces  nouveaux  acquêts,  ce  qui  n'attri- 
bue à  l'empereur  aucun  pouvoir  d'ériger  des 


21-2 


DU  PP.EMIEPi  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-NEUVIÈME. 


évcchés  ou  des  métropoles,  et  ne  répugne  en 
façon  quelconiiue  au  canon  xn. 

Voici  les  termes  du  canon  xvii  :  «  Si  qua  ci- 
vitas  autoritate  itnperiali  novata  est,  aut  si  pro- 
tinus  innovetur,  civiles  dispositiones  publicas 
et  ecclesiaslicarum  quoque  parochiaruni  ordo 
subsequatur.  »  Voilà  comment  M.  de  Marca 
accorde  ces  canons,  après  avoir  observé  tous  ces 
ménagements  délicats  entre  les  empereurs  elles 
conciles  (DeConc.  Sac.  et  Imp.  lu,  c. X,  sess.  xiii) . 

VlU.  Le  même  concile  de  Calcédoine  fournit 
un  autre  exemple  fort  semblable  au  précédent. 
Car  il  ne  laissa  que  les  honneurs  supcrliciels 
des  métropolitains  à  l'évêque  deNicée,  quoique 
les  empereurs  lui  eussent  donné  des  rescrils 
pour  ériger  la  ville  en  métropole.  Le  vrai  mé- 
tropolitain de  Nicomédie  y  fut  maintenu  dans 
toute  l'étendue  de  son  ancienne  juridiction, 
mèuie  sur  l'évêque  de  Nicée  :  les  mêmes  civi- 
lités y  furent  observées.  Les  jugesdemandèrent 
quel  était  l'avis  du  concile,  et  le  concile  répon- 
dit que  l'on  d(!vait  s'en  tenir  aux  canons:  «Gano- 
nes  teneant,  canonicus  satisliat.  » 

Enfin,  dans  le  même  concile  de  Calcédoine, 
furent  terminés  les  différends  survenus  entre 
les  évê(]ues  d'Anlioclie  et  de  Jérusalem,  sur  ce 
que  le  concile  de  Nicée  n'ayant  accordé  à  l'é- 
vêque de  Jérusalem  qu'un  honneur  de  pré- 
séance, et  l'ayant  laissé  dans  la  sujétion  du  mé- 
tropolitain de  Césaréeen  Palestine,  les  rescrils 
des  empereurs  avaient  assujetti  à  son  autorité 
la  Phénicie,  l'Arabie,  et  les  trois  Palestines. 
Ces  deux  évêques  tirent  une  transaction,  la- 
quelle, selon  le  désir  de  l'empereur,  fut  con- 
firmée, par  le  concile  et  |)ar  les  magistrats  im- 
périaux qui  y  assistaient  :  à  savoir  (|ne  la  Phé- 
nicie et  l'Arabie  seraient  rendues  à  l'évêque 
d'Antioche,  et  que  les  trois  Palestines  demeu- 
reraient sous  le  gouvernement  de  celui  de  Jé- 
rusalem. On  observa  à  peu  près  les  mêmes  dé- 
licatesses dans  la  confirmation  de  ce  concortlat, 
pour  ménager  ce  qui  était  dû  à  la  majesté  de 
l'empire  et  à  la  liberté  de  l'Eglise,  et  pour 
conserver  leur  bonne  intelligence. 

IX.  On  remarqua,  en  parlant  de  la  métropole 
de  Nicée,  que  Valens  même  qui  l'avait  érigée, 
ne  lui  avait  iloimé  ()ue  le  litre  de  métropole 
sans  juridiction  (Act.  13).  Marcien  érigea  Cal- 
cédoine en  métropole  dans  ce  menu;  concile, 
pour  honorer  le  concile  même  (|ui  s'y  tenait, 
mais  il  ne  lui  donna  que  le  raiiget  les  honneurs 
des  métropoles,  la  laissant  dans  l'obéissance  de 
l'ancien  métropolitain  (Act.  G). 


Justinien  réunissant  les  deux  provinces  d'Hé- 
lénopont  et  du  Pont  Polémoniaque  en  une,  y 
laissa  les  deux  métropolitains  anciens  dans 
leurs  pouvoirs.  «  Nihil  circa  sacerdotium  illo- 
rum  innovamus  (Novel.  xxviu,  c.  2).  »  Il  en  usa 
de  même  en  réunissant  la  Paphlagonieet  l'ilo- 
noriade  en  une  province,  y  laissant  les  deux 
métropolitains  que  le  grand  Théodose  y  avait 
établis,  quand  il  sépara  l'Honoriade  de  la  Pa- 
[ihlagonie,  et  l'honora  du  nom  de  son  fds  Ho- 
norius.  Au  contraire  Justinien,  divisant  les  deux 
Arménies  en  quatre  ,  déclara  que  c'était  sans 
rien  changer  dans  la  disposition  des  métro- 
poles ;  ainsi  il  n'y  eut  que  deux  métropolitains 
en  quatre  provinces.  «  Qu;e  ad  sacerdotia  spe- 
ctant,  ea  volumus  in  prislina  manere  forma 
(Novel.  XXXI,  c.  2;  Synod.  V.  Collât.  5).  » 

Il  est  vrai  que  dans  le  concile  V,  Euphrante, 
évêque  de  Tyane,  raconte  comment  l'empereur 
Justinien  avait  érigé  en  métropole  la  ville  de 
Mucissus,  lui  donnant  le  nom  de  Justinianopo- 
lis,  et  lui  assujettissant  quelques  villesdémem- 
brées  de  la  métropole  de  Tyane.  Mais  comme 
cet  évétjue  ne  forme  point  de  plaintes  contre 
ce  changement,  où  il  avait  tant  d'ititérêt,  on 
pourrait  croire  tjue  Justinien  avait  fait  inter- 
venir l'autorité  ecclésiastique ,  comme  il  est 
indubitable,  et  comme  le  persuadent  les  exem- 
ples que  nous  avons  déjà  rapportés  ci-devant. 

X.  Les  privilèges  de  ces  métropolitains  hono- 
raires, à  qui  les  Grecs  du  Moyen  Age  donnèrent 
le  titre  d'archevêques,  et  les  tlistinguèrent  par 
là  des  vrais  métropolitains,  étaient  peu  consi- 
dérables :  1"  Us  portaient  la  qualité  de  mélro- 
politains.  2"  Ils  étaient  les  prototrônes  chacun 
de  leur  province,  c'est-à-dire,  qu'ils  avaient  le 
premier  rang  et  la  préséance  sur  tous  les  évo- 
ques de  la  province.  3"  Ils  étaient  consacrés  en 
la  même  manière  que  les  métropolitains.  Ainsi 
c'était  le  patriarche  de  Gonstanlinople  qui  les 
ordonnait  dans  les  trois  petits  exarchats  où  le 
concile  de  Calcédoine  avait  permis  à  ce  pa- 
triarche d'ordonner  les  métropolitains. 

XL  On  pourra  en  général  observer  dans  ce 
que  nous  avons  à  dire,  et  nous  pouvons  ici  re 
marquer  par  avance  :  r  Que  comme  les  pro- 
vinces se  sont  divisées  de  plus  en  plus  avec  la 
suite  des  années,  les  métropoles  se  sont  aussi 
muliipliées.  Et  c'est  une  confirmation  de  ce 
que  nous  avons  déjà  dit  plusieurs  fois,  que  les 
métropoles  ont  été  en  assez  petit  nombre  dans 
les  deux  ou  trois  premiers  siècles.  2°  Que  la 
France  ayant  reconnu  qu'elle  avait  reçu  les 


DES  DEVOIRS  DES  MÉTROPOLITAINS. 


ii;t 


premières  semences  de  la  religion  de  saint 
Pierre  ou  de  ses  successeurs,  elle  a  aussi  con- 
servé une  grande  correspondance  avec  eux 
pour  la  disposition  de  ses  métropoles.  La  lettre 
que  les  évèques  de  l'Eglise  gallicane  écrivirent 
au  pape  Léon  à  l'occasion  de  sa  lettre  à  Flavien 
contre  les  erreurs  d'Eulycliés,  montre  évidem- 
ment ce  qu'ils  pensaient  de  leur  première  ori- 
gine, a  A])Ostolicae  Sedi ,  unde  religionis  nos- 
tr;e  tons  et  origo  manavit.  »  :i"  Or  on  n"a  point 
employé  rautorité  impériale  ou  royale  dans 
l'Occident  pour  ériger  de  nouvelles  métropoles. 


La  présence  du  Siège  apostolique  en  a  été  aj)- 
parenuiient  la  cause,  puisque  l'évêque  d'An- 
liochc  même  recourut  au  pape  Innocent  1" 
pour  le  faire  expliquer  sur  l'érection  de  la  mé- 
tropole de  Tyane  faite  par  V;dens.  A"  Le  concile 
de  Turin  (Can.  i)  déclara  bien  que  celle  des 
deux  villes  d'Arles  et  de  Vienne  qu'on  prouve- 
rait être  la  métropole  civile  serait  aussi  la  mé- 
tropole ecclésiastique,  mais  toutes  ces  contes- 
tations sur  les  métropoles  furent  toujours 
décidées  par  les  conciles  ou  les  papes,  sans  que 
les  empereurs  s'en  mêlassent. 


CHAPITRE  QUARANTIEME. 


DES   POUVOIRS   ET    DES    DEVOIRS    DES   METROPOLITAINS   PENDANT    LES    CINQ    PREMIERS   SIECLES. 


I.  Divers  pouvoirs  ijue  les  canons  apostoliqaes  et  le  concile 
de  Nicée  donnent  aux  métropalitains ,  d'avoir  la  principale 
autorité  dans  toutes  les  grandes  affaires,  et  d'ordonner  les 
évèques.  De  quelle  conséquence  est  le  pouvoir  d'ordonner. 

II.  Le  concile  d'Antioche  établit  la  supériorité  du  métropoli- 
tain dans  les  affaires  importantes,  et  la  suprême  autorité  des 
évêques  dans  la  conduite  ordinaire  de  leur  diocèse. 

III.  Le  métropolitain  convoque  le  concile  provincial  et  y 
exerce  une  grande  autorité. 

IV.  Le  concile  de  Conslantinople  n'affaiblit  pas  les  métropo- 
lilains  en  instituant  les  exarques. 

V.  Tous  les  métropolitains  et  quelques  évèques  sont  appelés 
au  concile  d'Eplièse  et  aux  autres  conciles  généraux. 

VI.  Le  métriipolilaiu  juge  de  ses  suffragauts. 

VII.  Dans  l'Eglise  latine  les  conciles  d'Elvire  et  de  Sardique 
donnent  divers  pouvoirs  au  métropolitain  pour  les  lettres 
formées. 

VIII.  Les  appels  lenr  sont  aussi  donnés. 

IX.  Le  concile  de  Turin   déclare  le  métropolitain  père 
maiire  des  évèques  qu'il  a  consacrés. 

X.  Il  établit  aussi  le  droit  de  visite  du  métropolitain  dans  sa 
province. 

XJ.  Les  papes  Sirice  et  Innocent  font  des  métropoles  des 
sièges  apostoliques 

XII.  Zozime  défend  aux  évèques  d'aller  à  Rome  sans  les 
leltrcs  du  métropolitain  d'Arles. 

XIII.  Saint  Léon  ne  veut  pas  que  les  droits  des  exarques 
diminuent  le  pouvoir  des  métropolitains. 

XIV.  Hilaire  ne  permet  pas  aux  ecclésiastiques  de  sortir  de 
la  province  sans  les  lettres  du  métropolitain.  Divers  décrets  de 
ce  pape  touchant  les  métropolitains. 

XV.  Gélase  fait  dépendre  de  lui  la  consécration  des  Eglises. 
XVI  Les  conciles  de  France   abolissent   les  lettres  formées 

pour  les  évèques. 

XVII.  Des  primats  ou  métropolitains  d'Afrique. 

XVIII.  Ils  créent  un  nouveau  primat. 

XIX.  Sommaire  des  pouvoirs  des  métropolitains. 


I.  Le  canon  apostolique  ordonne  aux  évêques 
de  chaque  province,  de  reconnaître  celui  d'entre 
eux  qui  est  le  premier  et  comme  leur  chef. 
HpûTo;,  w;  ■/.=ç7."at,  de  uc  ricu  faire  sans  sa  jiarti- 
cipation  que  ce  qui  regarde  le  gouvernement 
particulier  de  leur  diocèse,  jiuisque  lui-même 
ne  peut  aussi  rien  entreprendre  d'important 
qu'avec  leur  avis.  «  Nec  ille  prœter  omnium 
conscientiaiu  aliquid  agat(Apost.  Can.  xxxv.» 
Les  constitutions  apostoliques  donnent  le  prin- 
cipal pouvoir  de  l'élection  des  évèques  au  mé- 
tropolitain, qui  est  simplement  appelé  le  prin- 
cipal et  le  premier,  -:  -îws'.to;  -ùi  «'.-ôv,  zU  ™' 

-5WTWV      i-:ny.',-m     (Constit.     ApOSt.    LVIII  ,     C.    i). 

Le  concile  de  Laodicée  s'expliqua  plus  parti- 
culièrement sur  l'élection  des  évêques,  qui  ne 
lient  se  faire  sans  que  l'autorité  de  métropoli- 
tain y  domine  :  «  Episcopos  non  oporlet  prœter 
judiciiiiu  metropolitanorum  ,  et  finitimorum 
episcopornm  constitui  Can.  xu.  »  Le  concile 
de  Nicée  voulut  aussi  que  l'élection  des  évè- 
ques se  fit  par  tous  les  évèques  de  la  province, 
s'il  se  pouvait,  mais  que  le  métropolitain  eût 
la  principale  autorité  en  toutes  choses,  a  Fir- 
mitas  autem  eorum  quee  geruntur  --,  >-.i:o; , 
per  unamquamque  proviuciam  metropolitano 
tribualur  episcopo  ^Can.  iv).  » 


214 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTIÈME. 


C'est  en  effet  le  plus  important  de  tous  les 
pouvoirs  (les  ni'-tropolit;iiiis,  des  exnrques  et 
des  piitriatches,  (jiie  l'élection  des  évèques,  la 
confirniation  et  la  consécration  des  évê(iues 
élus.  Car  tous  les  autres  degrés  d'autorité  étaient 
fondés  sur  celui-ci,  qui  rendait  le  métropoli- 
tain le  père,  le  maître  et  le  juge  de  tous  ses 
suflragants.  En  effet,  dans  ce  fameux  canon  du 
concile  de  Nicée,  où  l'ordre  des  anciens  pa- 
triarches est  déclaré,  il  ne  s'agissait  que  de  l'or- 
dination des  évèques,  parce  que  Méléce  l'avait 
usurpée  sur  les  anciens  droits  des  archevêques 
d'Alexandrie  (Can.  vi]. 

Ce  canon  qui  semble  en  apparence  ne  con- 
firmer que  lu  droit  ancien  des  trois  premiers 
métropolitains  du  monde  à  ordonner  les  évo- 
ques de  toutes  les  provinces  de  leur  dépen- 
dance, affermit  effectivement  tous  les  droits  et 
tous  les  pouvoirs  des  métropolitains ,  parce 
qu'il  affermit  le  fondement  sur  le(iuel  ils  sont 
tous  établis,  a  Si  ([iiis  pra;ter  sententiam  me- 
tropolitani  fuerit  factusepiscopus,  hune  magna 
synodus  definiit  episcopum  esse  non  oportere.  » 
Rien  n'est  plus  juste  que  de  fonder  le  droit 
d'une  domination  sainte  et  paternelle  sur  le 
droit  de  génération.  Car  par  l'ordination  les 
évèques  engendrent  véritablement,  non  pas  des 
enfants,  mais  des  pèresà  l'Eglise,  comme  saint 
Epiphane  nous  a  appris  ci-dessus. 

H.  Le  concile  d'Antioche  renouvela  le  canon 
apostolique  défendant  aux  évèques  de  rien 
faire  d'important  et  d'extraordinaire,  outre  le 
gouvernement  réglé  de  leur  diocèse,  sans  le 
conseil  du  métropolitain,  qui  doit  aussi  prendre 
leuravis  dans  foules  les  affaires  de  conséquence. 
«  Episcopos  qui  sunt  in  unaquacjue  i)rovincia, 
scire  o[)ortet,  episcopum  qui  prœest  metropoli, 
etiam  curam  suscipere  tolius  provinciac  ;  eo 
quod  in  melropolim  undequa(|ue  concnrrunt 
omnes  (jui  habent  negotia.  l'iide  visum  est 
eum  quoque  honore  pr;ecedere,  reliquosautem 
episcopos  nihil  magni  momenti  aggredi,  sine 
ipso,  ut  vult,  (pii  ab  inilio  obtinnit  Patrum  ca- 
non ;  vel  sola  (iuieaduniuscu,ius(|ue  parochiam 
conférant,  et  regiones  quse  ei  snbsunf.  Unum- 
(|iifm(}ue  enim  episcopum  habere  snœ  paro- 
chiae  polestatem,  et  tolius  regionis  curam  gé- 
rera, qnae  suœ  urbi  subest.  Ut  eti;nn  ordinent 
presbyteros  et  diaconos,  et  unacimeque  cnm 
judicio  tractent  ,  et  nihil  ultra  agere  aggre- 
(lianlur  sine  metropolis  episcopo,  neque  ipse 
sine  reliiiuorum  sententia  (Can.  ix).  » 

Ce  canon  établit  deux  iioints  très-importants, 


el  qui  ne  sont  pas  toujours  aisés  à  allier,  l'aulo- 
rité  du  métropolitain  sur  les  évèques  dans  les 
affaires  de  conséipionce  et  extraordinaires,  et 
l'autorité  suprême  des  évèques  dans  le  gouver- 
nement ordinaire  de  leurs  évèchés  particuliers, 
avec  celte  ditférence  que  le  métropolitain 
même  ne  peut  pas  traiter  les  affaires  de  consé- 
quence et  extraordinaires  qu'avec  le  conseil 
de  ses  sullragants,  au  lieu  que  chaque  évêque 
conduit  toutes  les  affaires  communes  et  ordi- 
naires de  son  diocèse  sans  être  obligé  de 
])rendre  l'avis  de  son  métropolitain. 

11'.  Le  même  concile  d'Antioche  ordonna 
que  ni  un  évêque,  ni  aucun  autre  ecclésias- 
tique ne  pourrait  aller  à  la  cour  de  l'empereur 
pour  quel(|ue  aOaire  que  ce  pût  être,  sans  la 
permission  et  les  lettres  du  métropolitain  et 
des  autres  évèques  de  la  province.  «  Si  neces- 
sarius  usus  exigat,  ut  ad  imperalorem  se  con- 
terai, id  agat  cum  deliberalione  et  sententia 
metropolilaui  provinciœ  et  episcoporum  (Can. 
xi).  » 

Selon  ce  même  concile,  le  métropolitain  doit 
exercer  une  autorité  toute  particulière  dans  le 
concile  provincial  (Can.  xiv).  Outre  la  convo- 
cation et  la  présidence  qu'on  lui  a  donnée  en 
lui  donnant  le  premier  rang  d'honneur  et  de 
préséance  ,  si  les  évèques  sont  partagés  sur  le 
jugement  criminel  d'un  de  leurs  confrères, 
c'est  au  métropolitain  d'appeler  des  évèques 
des  provinces  voisines  pour  se  joindre  à  ceux 
de  la  province.  Un  évêque  qui  est  sans  évêché 
ne  peut  occuper  un  évêché  vacant,  si  le  con- 
cile ne  l'approuve.  Or  on  appelle  un  vrai  et  par- 
fait concile  lorsque  le  métropolitain  y  est  pré- 
sent. «  Perfectum  concilium  illud  est,  ubi 
interfuerit  melropolitanus autistes  (Can.  xvi).  » 
Ainsi  cette  translation  d'un  évê(|ue  ne  peut  se 
faire  sans  l'autorilé  du  métropolitain.  Le  mé- 
tropolitain doit  convo(]uer  tous  les  évèques  de 
la  province  pour  l'élection  d'un  nouvel  évêque 
(Can.  xix).  Le  concile  doit  se  tenir  deux  fois 
cha(|ue  année  dans  les  provinces,  et  c'est  au 
métropolitain  à  avertir  les  évèques  de  s'y 
rendre.  «  Metropolitano  comprovinciales  epi- 
scopos admonente.  «  Et  il  n'est  permis  qu'aux 
métropolitains  d'assembler  des  conciles.  «  Nec 
ullis  liceat  synodos  per  se  facere ,  prœter  eos 
(jiiiluis  credit;e  sunt  métropoles  (Can.  xx).  » 

IV.  Le  concile  de  Constantino[)le,  après  avoir 
nommé  les  grands  et  les  petits  exarques,  et 
avoir  dit  que  chaque  grande  diocèse  doit  se  gou- 
verner elle-même  par  son  concile  diocésain. 


DES  DEVOIRS  DES  MÉTROPOLITAINS. 


215 


ajoute  (|iie  chntimc  de  ces  provinces  com- 
prises dans  les  limites  de  chaque  diocèse  ue 
laisscia  pas  d'avoir  sou  concile  ['idviucial  , 
avec  une  autorité  tout  entière  de  disposer  de 
toutes  les  atlaires  particulières  et  ordinaires  qui 
ne  regardent  que  la  province  [Cau.  n).  Ce 
concile  mettait  ou  confirmait  des  exarques  sur 
tous  les  métropolitains  de  l'empire  oriental, 
mais  il  le  faisait  avec  cette  même  sage  précau- 
tion dont  on  avait  usé  pour  les  évèques  à  l'é- 
gard de  leurs  métropolitains. 

V.  Il  m'a  semblé  ((u'on  aurait  plus  de  satis- 
faction de  voir  développer  les  divers  degrés  de 
cette  autorité  successivement,  les  uns  après  les 
autres,  selon  l'ordre  des  temps  et  les  ditrérenls 
progrès  de  la  discipline  de  l'Eglise,  que  si  on 
les  avait  mis  tous  ensemble  devant  les  yeux 
avec  une  méthode  plus  étudiée,  mais  moins 
propre  à  faire  connaître  la  divine  épouse  de  la 
sagesse  et  de  la  beauté  éternelle,  je  veux  dire 
l'Eglise.  Tout  est  beau  dans  ses  ouvrages,  mais 
rien  n'est  plus  beau  que  la  manière  dont  elle 
les  fait  et  les  porte  a  leur  perfection.  Les  der- 
niers conciles  ont  toujours  ajouté  quelque  trait 
qui  manquait  à  la  police  des  conciles  précé- 
dents. 

Il  y  a  encore  des  avantages  considérables  des 
métropolitains  dont  nous  n'avons  encore  pu 
remarquer  les  traces.  Nous  les  découvrirons  en 
suivant  la  route  même  qui  nous  a  été  frayée 
par  ce  divin  Esprit  qui  préside  à  ces  saintes  as- 
semblées. 

L'empereur  Théodose  le  Jeune  ayant  convo- 
qué le  concile  général  d'Ephèse,  il  écrivit  à 
tous  les  métropolitains  de  s'y  trouver  et  d"y 
amener  les  évèques  de  leur  province  qu'ils 
jugeraient  les  plus  propres,  en  sorte  néanmoins 
qu'il  en  restât  assez  dans  la  province  pour  les 
besoins  des  Eglises,  c  Quos  idoneos  judicabit , 
episcopos  provinciœ  suic  una  secum  ducat,  ita 
ut  neque  necessarii  Ecclesiis  provincite  desint 
(Concil.  Ephes.  Part,  i,  c.  32).  »  Les  partisans 
de  Nestorius  dans  ce  concile  écrivirent  à  l'em- 
pereur qu'il  eût  été  bon  que  chaque  métropo- 
litain n'eût  amené  que  deux  évèques  de  sa 
province  ;  qu'ils  en  avaient  usé  de  la  sorte, 
mais  que  chaque  métropolitain  du  parti  de 
Cyrille  en  avait  amené  un  grand  nombre.  Ils 
semblent  même  insinuer  que  l'enifiereur  avait 
lui-même  déterminé. en  écrivant  aux  métropo- 
litains ,  qu'ils  n'amèneraient  que  chacun  deux 
évèques  de  leur  province.  La  lettre  de  l'empe- 
reur laissait  cela  au  choix  du  métropolitain. 


Cl  Oiiantos  idoneos  duxerit.  »  Les  métropoli- 
tains assistaient  donc  tons  au  concile  œcumé- 
ni(]ue,  et  ils  choisissaient  d'entre  leurs  suflra- 
ganls  ceux  qu'ils  jugeaient  pouvoir  être  plus 
utiles  à  souterur  l'Eglise  universelle  dans  ces 
assemblées  importantes. 

Le  concile  de  Calcédoine  (Can.  xxv)  soumet 
a  une  (leiiie  canonique  le  metroi)olitain  (|ui 
refardera  plus  de  trois  mois  a  faire  remiilir  les 
évêchés  vacants  de  sa  province.  L'emiiereur 
Marcien  avait  aussi  indiqué  ce  concile,  et  il 
avait  écrit  a  tous  les  métropolitains  d'y  venir 
avec  autant  d'évêques  de  leur  province  qu'ils 
jugeraient  à  propos,  pourvu  (ju'ils  fussent  ha- 
biles dans  les  Ecritures  et  dans  la  céleste  théo- 
logie de  l'Eglise.  «  Tua  sanctitas  cum  quantis 
approbaverit  episcopis  sub  suo  sacerdotio  con- 
stitutis.experlas  liabentibus  divinas  Scripturas, 
et  in  doctrina  orthodox;p  tulei  eminentibus 
advenire  festinet  (In  Anteactis.  Concil.  Cal- 
ced.).  » 

VI.  Saint  Basile  ayant  ajipr;^  que  les  évèques 
de  sa  province  vendaient  à  prix  d'argent  les 
dons  inestimables  du  Saint-Esprit  sous  des 
a|iparences  de  piété  vaines  et  trompeuses,  leur 
enjoignit  par  une  lettre  pleine  de  zèle  et  de 
doctrine  de  s'en  abstenir  à  l'avenir,  sous  ])eine 
de  les  priver  de  sa  communion.  «  Cum  noslris 
bis  altaribus  nihil  habebit  commune  (Epist. 
Lxxvr,  Lxxvn).  »  Il  est  vrai  qu'il  écrivit  aussi  à 
des  évèques  trop  crédules  aux  calomnies  dont 
ses  ennemis  le  noircissaient  ,  de  vouloir  se 
rendre  eux-mêmes  ses  juges,  après  une  discus- 
sion exacte  de  tous  ces  bruits  répandus^  et  de 
le  priver  de  leur  communion  s'ils  le  trouvaient 
coupable.  En  cela  saint  Hasile  donnait  une 
preuve  de  son  innocence  et  de  sa  modestie. Car 
il  est  certain  que  le  métropolitain  étant  le  pré- 
sident-né du  concile  provincial,  étant  l'ordina- 
teur des  évèques  de  sa  province,  et  par  consé- 
quent leur  père,  il  avait  sur  eux  un  titre  et  un 
pouvoir  déjuge,  ([u'ils  ne  jiouvaient  prétendre 
sur  lui. 

C'est  une  maxime  du  droit  ancien  que  celui 
qui  ordonne  juge.  C'était  l'ancienne  pratique 
(jue  le  métropolitain  n'ordonnât  ses  suffragants 
qu'après  les  avoir  examinés,  et  leur  avoir  donné 
les  instructions  nécessaires. 

Le  pape  saint  Léon  écrivit  à  l'évèque  de 
Fréjns  qu'il  devait  avoir  demandé  l'éclaircis- 
sement de  ses  doutes  à  son  métropolitain,  et 
s'il  ne  pouvait  le  recevoir  de  lui,  recourir  alors 
avec  lui  au  Saint-Siège.  «SoUicitudinisquidem 


246 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTIÈME. 


tua;  is  ordo  esse  debuernt,  ut  ciim  metropoli- 
tano  liio  primilus  de  eo ,  qiiod  qurprendiim 
esse  \idebatur,conferres;  ac  si  id  qiiod  ignora- 
bat  dilectio  tua'  cliam  ii)se  nesciret,  instrui 
vos  pariter  posceretis  (Epist.  lxi).  » 

Nous  rapporterons  ailleurs  les  canons  des 
conciles  de  Tolède  XI  et  XII  qui  veulent  que 
les  métropolitains  veillent  sur  les  évêques,  et 
les  évêques  sur  les  autres  clercs,  pour  les  ins- 
truire, et  pour  faire  qu'ils  s'appliquent  sérieu- 
sement aux  études  des  lettres  saintes.  Il  y  est 
encore  enjoint  aux  évêques  de  se  présenter  à 
leur  métropolitain  trois  mois  après  leur  ordi- 
nation pour  recevoir  ses  instructions. 

VII.  Je  passe  à  l'Eglise  latine,  où  le  concile 
d'Elvire,  qui  est  le  plus  ancien  qui  nous  soit 
demeuré,  suppose  (ju'il  y  a  partout  des  métro- 
politains, et  il  leur  réserve  une  autorité  parti- 
culière pour  examiner  les  lettres  de  commu- 
nion. «  Placuit  ubique,  et  maxime  in  eo  loco, 
in  quo  prima  cathedra  constituta  est  ejjisco- 
patus,  ut  interrogentur  ii,  qui  communi- 
calorias  lilleras  tradunt,  an  omiiia  recte 
habeant,  et  suo  testimonio  comprobent  (Can. 

LVIU).  » 

Le  concile  de  Sardique  ne  se  contenta  pas  de 
défendre  aux  évêques  d'aller  en  personne  à  la 
cour  de  l'empereur  s'il  ne  les  y  appelait  ;  mais 
il  leur  oriloima  d'adresser  le  diacre  (]u'i!s  y 
enverraient  au  métropolitain ,  afin  qu'il  exa- 
minât l'affaire  et  le  iliacre,  et  lui  donnât  ensuite 
des  lettres  de  reconuuandation  jiour  les  évêques 
voisins  de  la  cour.  «  Episcopi  preces  mittant 
ad  episcopum,  ([ui  in  nietroiioli ,  ut  ille  et  dia- 
conuni  ('jus  et  sup|)licationes  destineat,tribuens 
comtnendatifias  epistolas  ad  episcopos,  qui  in 
urbibus  morantur,  in  quibus  Auguslus  rem- 
pnblicam  gubernat  (Can.  ix).  » 

VIII.  Nous  n'avons  point  encore  remarqué 
les  apiiels  du  jugement  des  évoques  à  celui  du 
métropolilain.  Le  même  concile  de  Sardique 
ne  les  exi)rime  jias  formellement,  mais  il  sem- 
ble les  insinuer  (juand  11  dit  que  si  un  prêtre 
ou  un  diacre  se  persuade  que  c'est  plutôt  par 
passion  qu'avec  justice  que  son  évoque  l'a 
déposé,  il  pourra  recourir  aux  évêiiues  voisins, 
qui  rejugeront  sa  cause,  et  confirmeront  ou 
casseront  le  jugement  rendu  par  révècjue. 
«  liabel  ])otestatein  is  (]ui  abjectus  est,  ut  eiii- 
scopos  linilimos  interpellet,  et  causa  ejus  au- 
dialur,  et  diligentissime  tractetur,  etc.  (Can. 
xvu).  B  II  y  a  bien  de  l'apparence  que  ces  évê- 
(jues  voisins  ne  sont  autres  que  ceux  de  la  pro- 


vince, assemblés  avec  le  métropolitain  au  con- 
cile provincial. 

La  version  grec(]ue  de  ce  canon  lève  toute  la 
difficulté,  et  exprime  nettement  l'a|)pel  au  mé- 
tropolitain,  ou  en  son  absence,  à  l'évêque  le 
plus  proche.  «  Qui  ejicitur,  potesfalem  habeat 
confugiendi  ad  episcopum  metropolis  ejusdem 
Ijrovincisc  ;  si  autem  metropolitanus  abest  , 
ad  finitimum  concurrendi,  et  rogandi  ut  suum 
negotium  accurate  examinetur  (Can.  xiv).  » 

On  vit  aussi  dans  le  concile  de  Turin,  en 
;397,  un  évêque  se  faire  soutenir  et  autoriser 
par  tout  le  concile  contre  un  prêtre  insolent  et 
séditieux  qu'il  avait  privé  de  la  communion. 

IX.  Mais  le  même  concile  de  Turin  nous 
découvre  bien  plus  clairement  les  pouvoirs  et 
les  droits  des  métropolitains  .  lorsqu'il  décide 
le  différend  (lui  s'était  élevé  entre  les  évêques 
delaseconde  Narbonnaise,  et  Proculus,  évêque 
de  Marseille,  qui  prétendait  être  leur  métropo- 
lilain, tant  parce  qu'il  les  avait  tous  ordonnés, 
que  parce  que  c'était  de  son  Eglise  que  les  ruis- 
seaux de  la  doctrine  évangélique  avaient  coulé 
dans  leurs  évêchés  :  «  Si  quidem  assereret  eas- 
dem  Ecclesias,  vel  suas  parochias  fuisse,  vel 
episcopos  a  se  in  eisdem  Ecclesiis  ordinatos 
(Can.xvii).  »  Les  évêques  de  la  seconde  Narbon- 
naise prélendaient  que,  selon  les  canons,  l'évê- 
que d'une  autre  province  ne  pouvait  être  leur 
inétro[)oIitain.  «  Sibi  alterius  provinciœ  sacer- 
dotem  i)ra^esse  non  debere.»Le  concile  qui  s'é- 
tait assemblé  à  la  jirière  des  évêques  des  Gaules 
pour  vider  ce  procès  prononça  que,  pour  le 
bien  de  la  paix,  «  conlemplatione  pacis  atque 
concordiœ,  »  on  déférerait  cet  honneur,  non 
pas  à  la  ville,  mais  à  la  personne  de  Proculus; 
(pie  i)endant  sa  vieil  présiderait  comme  mélio- 
politaiu  aux  évoques  qu'il  avait  ordonnés,  et 
dont  les  évêchés  auraient  été  ses  paroisses  : 
«  Tanquam  pater  liliis  honore  primatus  assisle- 
ret,  etc.  l'tin  Ecclesiis,  quas  vel  suas  parochias, 
vel  suos  distipulos  fuisse  ordinatos  constiterit, 
primatus  habeat  dignitatem.  » 

Il  est  donc  bien  vrai  que  l'ordination  est 
comme  une  divine  généiation  (|ui  fait  que 
l'ordonnateur  devient  le  père  des  prélats  qu'il 
ordonne,  et  acquiert  sur  eux  un  empire  pater- 
nel de  charité  et  de  religion.  Aussi  ce  concile 
ajoute  :  «  Il  ii)se  Proculus  tanquam  piuspaler, 
consacerdoles  suos  honoret  ut  lilios  :  et  me- 
morata;  provinci;e  sacerdotes  tantpram  boni 
filii,  eumdcm  habeant  ut  parentem.  » 

De  ces  deux  lois  ecclésiastiques  que  le  con- 


DES  DEVOIRS  DES  METROPOLITAINS. 


2n 


sécrateur  soil  le  père  et  le  supérieur  de  ceux 
(jii'il  oriloiine,  it  ijue  les  évèques  de  chaciiie 
pro\ince  aient  un  iiiélro|)olilain  de  la  nn'ine 
province  ,  on  juyea  que  la  première  de\ait 
l'emporter  sur  la  seconde.  Après  cela  on  ne 
trouvera  pas  étrange  qu'on  ail  tant  contesté 
sur  le  droit  des  ordinations ,  et  ([u'on  ait  fait 
consisté  le  principal  avantage  des  métropoli- 
tains ,  des  e.\ar(]ues  et  dus  patriarches ,  dans  le 
droit  d'ordonner. 

\.  Ce  même  concile  de  Turin  prononça  aussi 
sur  le  ditTérend  qui  était  né  entre  les  évècpies 
d'Arles  et  de  Vienne  sur  la  qualité  de  métro- 
politain. La  résolution  fut  que  celle  de  ces 
deux  villes  qui  justifierait  qu'elle  était  la 
métropole  civile,  serait  aussi  la  métropole 
ecclésiastique.  «  Is  totins  provinciœ  honorem 
primatus  oblineat  ,  et  ipse  jnxta  canonuin 
praeceptum  ordinationum  habeat  poteslatem 
(Can.  Il)  ;  »  ou  que  chacune  de  ces  deux 
Eglises  fût  reconnue  métropole  des  évéchés 
qui  lui  seraient  les  plus  voisins.  «  Viciniores 
sibi  vindicet  civilates,  atque  eas  Ecclesias  visi- 
te!, quas  oppidis  suis  viciuas  magis  esse  consli- 
terit.  »  Voila  le  droit  de  visite  des  métropoli- 
tains, même  dans  leurs  provinces,  touché  en 
passant. 

XL  Le  pape  Sirice,  sous  le  pontificat  duquel 
ce  concile  fut  tenu ,  rend  les  nietrouulitains 
responsables  de  toutes  les  ordinations  irréguliè- 
res ;  en  sorte  qu'ils  sont  plus  coupables,  s'ils 
n'empêchaient  que  les  personnes  ambitieuses 
et  irrégulières  ne  s'élèvent  à  répisco|)at,  que 
cesévèques  même,  tout  ambitieux  et  irréguliers 
qu'ils  sont.  «  Quod  non  tautiim  illis,  qui  liœc 
immoderata  ambitione  perverlunt,  quantum 
métropolitains  specialiter  pontificibus  iiiiputa- 
mus,  qui  dum  inhibitis  ausibus  connivent,  Dei 
nostri,  quantuui  in  se  est,  praeceptacontemnunt 
(Epist.  I,  c.  8).  » 

Ce  pape  touche  la  raison  dans  une  autre 
lettre  pourquoi  la  charge  si  éminente,  mais 
si  dangereuse  des  ordinations ,  a  été  confiée 
aux  métropolitains  Ep.  iv,  c.  1).  C'est  parce 
qu'ils  sont  encore  plus  particulièrement  que 
les  autres  évéques  les  successeurs  des  apôtres, 
comme  étant  ou  héritiers  ou  au  moins  partici- 
pants des  sièges  apostoliques.  Aussi  le  siège  du 
métro()Olitain  s'a[>pelait  encore  siège  apostoli- 
que. En  effet,  chaque  métropolitain  possède 
une  portion  de  celle  supériorité  que  J.-C.  donna 
à  sainl  Pierre  sur  les  autres  apùlres,  c'est-a- 
dire  sur  les  évèques.  «  Lt  extra  conscientiam 


sedis  apostolicrp,  hoc  est  primatis,  nemoaudeat 
ordinare  (Epist.  xiii,  c.  2).  » 

Le  pape  Innocent  I"  confirma  cette  autorité 
des  métropolitains,  sans  lesquels  on  ne  peut 
ordonner  les  évèques.  Mais  écrivant  à  l'évèque 
d'Antiochc,  il  lui  manda  d'ordonner  lui-même 
les  métropolitains,  et  de  leur  laisser  ordonner 
les  évèques  avec  sa  permission.  «  Sicut  metro- 
politanos  autoritate  ordinas  singulari ,  sic  et 
ca'teros  non  sine  permissu  conscientiaque  tua 
sinas  episcopos  procreari  Epist.  xviii).  » 

XII.  Le  pape  Zozime  écrivant  à  nos  prélats 
des  Gaules,  défendit  à  quelque  ecclésiastique 
que  ce  fût  d'aller  à  Rome,  ou  de  sortir  du 
royaume ,  sans  avoir  les  lettres  formées  du 
métropolitain  d'Arles,  qui  expriment  le  rang 
qu'ils  tiennent  dans  l'Eglise,  de  peur  que  daus 
les  lieux  oii  ils  sont  inconnus  ils  n'usurpent 
les  fonctions  et  les  avantages  des  ordres  qu'ils 
n'ont  jamais  reçus .  se  faisant  passer  pour 
évècjues  ou  prêtres,  quoiqu'ils  ne  le  soient 
pas. 

«  Si  quis  ex  qualibet  Galliarum  parle  sub 
quolibet  ecclesiastico  gradu  ad  nos  Romam 
venire  conlendit,vel  alio  terrarum  ire  disiionit, 
non  aliter  proficiscalur  nisimetropolitani  Are- 
lalensis  episcopi  formatas  acceperit  litteras , 
quibus  sacerdotiiim  suum,  vel  locum  eccle- 
siaslicum  quem  habel,  scriptorum  ejus  astipu- 
latione  perdoceat.  Quia  plures  episcopi ,  sive 
presbyleri,  sive  ecclesiastici  simulantes,  quia 
nuUuni  documenluiu  lurmatariim  ext,it,per 
quod  valeant  confutari,  in  nomen  venerationis 
irrepunl,  et  indebitam  reverenliam  promeren- 
tur  vEpist.  V).  » 

XIII.  Rien  n'est  si  souvent  inculqué  dans  les 
lettres  de  ce  pape,  et  dans  celles  de  Boniface 

Boniface,  ep.  ii;  et  de  Céleslin  (Céleslin.  ep.  m, 
c.  -i),  que  la  réserve  des  ordinations  épisco- 
pales  au  métropolitain.  C'est  une  marque,  ou 
qu'on  avait  de  la  peine  à  s'assujettir  à  une  loi 
si  juste,  ou  que  la  distinction  des  métropoles 
n'était  pas  encore  bien  allèrmie.  Mais  le  grand 
saint  Léon  nous  a  particularisé  quelques  cir- 
constances reinanjuables  dans  sa  lettre  a  l'ar- 
chevêque de  Thessalonique.  Car  quoique  ce 
vicaire  apostolique  eût  une  délégation  générale 
du  pape  sur  toutes  les  provinces  de  son  diocèse, 
ce  pape  lui  déclare  néanmoins  que  c'est  sans 
blesser  le  moins  du  monde  les  privilèges  des 
métropolitains.  «  Melro[iolitanos  provinciaruiii 
episcopos  quibus  ex  delegalione  noflia  frater- 
uitalis  lu;e  cura  prsetenditur,  jus  tradilœ  sibi 


218 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS. 


CHAPITRE  Ql'AP.ANTIEME. 


antiquitiis  diirnitatis  intemeratum  habcre  de- 
ceruimiis   Ep.  lxxxiv,  c.  i,.  » 

Les  élections  des  évèqiies  doivent  être  libres, 
mais  si  les  siiffragres  se  jiarfaffent.  le  méfropo- 
litain  doit  nommer  celui  (lui  a  le  [iliis  de  mé- 
rite et  le  plus  de  voix.  «  Ita  ut  si  in  aliam  forte 
pcrsonam  partium  se  vota  diviserint^  metropo- 
litani  judicio  is  alteri  pneferatur,  qui  majori- 
bus  et  studiis  jiivatur  et  meritis  [Ibid.  c.  5,  G, 
9).  »  L'exarque  doit  confirmer  les  élections  des 
évèquesetdes  métroiiolitains.  Le  métropolitain 
doit  obliger  les  clercs  fugitifs  qui  sont  dans  sa 
province  daller  résider  dans  leurs  Eglises 
auprès  de  leur  évèque.  L'e\ar(|ue  doit  avoir  le 
même  soin  dans  tout  son  ressort.  «Transfugam 
clericum  ad  suam  Ecclesiam  metropolitanus 
redire  compellat.  » 

XIV.  Hermès,  métropolitain  de  N'arbonne , 
ayant  abusé  de  son  pouvoir  dans  l'ordination 

-des  évêques,  le  pape  Hilaire  l'en  dépouilla,  et 
en  revêtit  révè(|ue  d'I'zès,  conmie  le  plu?  an- 
cien de  la  province,  pendant  la  vie  d'Hermès. 
Ce  pape  commit  Léonce,  métropolitain  d'Arles, 
pour  assembler  le  concile  de  plusieurs  provin- 
ces, en  y  appelant  tous  les  métropolitains. 
«  Metropolitanis  pcr  lifteras  ejus  admonitis 
(Epist.  vui'.  »  Il  défendit  aux  ecclésiastiques 
de  sortir  de  la  [irovince  sans  les  lettres  du  mé- 
tropolitain ;  que  si  le  métropolitain  refusait 
injustement  ces  lettres,  les  deux  métropolitains 
voisins  seraient  les  juges  de  ce  ditlérend  avec 
révê(|ue  d'Arles.  «Cum  duobus  metropolitanis 
provinciaruin  quac  contiguœ  simt,  Arelatensis 
episcopus  cuncta  discutiens,  etc.  » 

Dans  une  autre  lettre  (Epist.  x)  il  ordonne 
que  l'évoque  d'Arles  assemble  un  concile  an- 
nuel de  plusieurs  provinces.  Les  évêques  de  la 
province  de  Tarragone  ayant  apjirouvé  quel- 
ques translations  d'évêques,  le  même  pape 
Hilaire  leur  écrivit  qu'on  ne  pouvait  ni  élire, 
ni  sacrer  les  évêques  sans  le  métropolitain.  11 
écrivit  an  métrojiolitain  Ascanius  que  c'était  à 
lui  a  élire  et  à  consacrer  les  prélats  de  sa  pro- 
vince :  «  Oiialem  te,  prai-ciime  E'rater  Ascani, 
o|)orteat  eligere,  eldeceat  consecrare  (Epist  m.» 
Que  si  ses  suffragants  s'égaraient  ou  se  relâ- 
chaient de  l'observation  des  canons,  c'était  à  lui 
à  les  redresser  et  à  leur  apprendre  huirs obliga- 
tions :  «  Quia  pro  loco  et  honore  tibi  debito, 
cmteri  sacerdotes  docendi  fuernnt,  non  se- 
quendi  {E(iist  ni).  » 

XV.  La  luttre  du  pape  C.élase  aux  évêques  de 
la  Lucanie,  de  la  Rrutie,  (ce  sont  les  provinces 


d'Italie  qui  approchent  le  plus  de  la  Sicile),  et 
enfin  de  la  Sicile  même,  contientun  sonnuaire 
admirable  de  toute  la  disci[)line  ancienne  de 
l'Eglise  ;  mais  il  n'y  est  imint  parlé  des  métro- 
jiolitains,  parce  qu'apparemment  il  n'y  en  avait 
point  encore  d'autre  dans  toutes  ces  provinces 
que  le  ()ape. 

On  peut  néanmoins  rapporter  au  métropoli- 
tain ce  qui  est  compris  de  la  défense  faite  aux 
évè(|ues  de  faire  la  dédicace  de  quelque  église 
ou  de  quel(|ue  oratoire  sans  la  permission  du 
siège  apostolique  ,  c'est-à-dire  du  métropoli- 
tain. «  Quod  ahsque  prrecepto  sedis  apostolicœ 
nonnulli  factas  Ecclesias  vel  oratoria  sacrare 
prœsumunt  (Epist.  ix).  On  pouvait  avoir  aussi 
bien  réservé  au  métropolitain  le  pouvoir  de 
permettre  la  dédicace  des  églises  que  l'aliéna- 
tion des  biens  de  l'Eglife.  Les  lettres  fréquen- 
tes du  grand  saint  C.régoire  pour  ces  dédicaces 
d'églises  font  toujours  mention  des  fonds  qu'on 
donnait  pour  les  doter. 

XVI.  Le  concile  de  Riez,  en  439,  cassa  l'ordi- 
nation d'Armentarius,  évêque  d'Embrun,  faite 
sans  l'aveu  du  métropolitain,  sans  les  lettres 
des  évoques  de  la  province,  et  par  deux  évêques 
seulement.  «  Nec  expetitis  comprovincialium 
litteris,  metropolitani  quoque  voluntate  negle- 
cta  (Can.  ii^.  »  Le  concile  I  de  Vaison.  en  442, 
abolit  la  coutume  d'exiger  des  lettres  formées 
des  évêques  des  Gaules  qui  voyageaient  dans 
les  Gaules  mêmes.  La  raison  en  était  que  les 
prélats  de  l'Eglise  gallicane  étaient  assez  con- 
nus les  uns  des  autres  ,  surtout  depuis  qu'on 
célébrait  des  conciles  nationaux,  et  qu'il  suffi- 
sait qu'un  évè(jue  n'eût  pas  été  fiap|)é  d'au- 
cune sentence  canonique  pour  être  reçu  dans 
toute  l'étendue  des  Gaules  :  «  Placuit  episcopos 
de  Gallicanis  provinciis  venientes,  intra  Gallias 
non  disculiendos,  sed  solum  sufficere,  si  nul- 
lus  communionem  alicujus  interdixerit.  Quia 
inter  ciicnm  habitantes,  ac  pêne  sibi  invicem 
notes,  non  lam  testimouio  indigent  probi, 
quam  denotatione  ac  denuntiationibus  depra- 
vati  (Can.  i).  » 

Cette  remaniue  regarde  certainement  les 
métropolitains,  puisque  c'était  à  eux  qu'appar- 
tenait le  droit  de  donner  les  lettres  formées. 
Mais  en  passant  on  peut  encore  faire  celte  ré- 
flexion, que  ces  délicatesses,  qu'on  avait  autre- 
fois si  religieusement  observées ,  étaient  de- 
venues en  quelque  manière  superflues,  au 
moins  dans  les  provinces  qui  n'étaient  pas  si 
distantes  (ju'on  ne  s'entreconnùt  les  uns  les 


nRS  DEVOIRS  DES  MF'TROPOLITAINS. 


210 


autre?,   surtout  les  évoques  (juc  leur  éinincnle 
dignité  faisait  coiinaitre. 

XVII.  Nous  n'avons  encore  rien  dil  dans  c(! 
chapitre  des  primais  ou  métropolitains  d'Atri- 
que.  Le  papeHilaire  donne  laquulitéde  primat 
au  i)lus  ancien  évèque  de  la  province  ,  «  .-Evo 
honoris  primas  esse  dicitur  ;Ei>ist.  vin).  »  C'est 
en  ce  sens-là  que  les  métropolitains  d'Afrique 
se  pouvaient  aussiappeler  primats,  comme  ils  le 
faisaient,  parce  que  c'était  le  plus  ancien  d'or- 
dination de  chaque  province  qui  en  était  le 
primat.  Nous  avons  dit  que  cela  venait  aussi 
de  ce  que  le  premier  nom  des  métropolitains 
de  l'Eglise  latine  avait  été,  «  Episcopus  prima? 
sedis,  episcopus  primœ  cathedrœ.  » 

Le  concile  III  de  Carthage  ordonna  que  les 
évèques  d'Afrique  ne  pourraient  passer  la  mer 
sans  les  lettres  formées  de  leur  métropolitain. 
«  Ut  episcopi  trans  mare  non  proûciscantur, 
nisi  consulto  prim;e  sedis  episcopo,  sua^  cu- 
jusque  provinciie  ;  ut  ab  eo  prœcipue  possint 
sumere  formatam  (Can.  sxvni'.  »  Les  évèques 
d'Africjue  ne  iiouvaient  plus  être  inconnus  les 
uns  aux  autres,  ainsi  les  lettres  formées  ne  leur 
étaient  plus  nécessaires  que  pour  traverser  les 
mers.  On  résolut  dans  un  concile  que  les  ar- 
chives de  la  province  de  Numidie  se  conserve- 
raient en  deux  endroits,  savoir,  dans  le  lieu  où 
était  le  primat,  et  dansConstantine,  qui  était  la 
métropole  civile.  «  l't  matricula  et  archiva 
Numidiœ,  et  apud  primam  sedem  sint,  et  in 
metropoli ,  id  est.  Constantina  (Conc.  Afri- 
can.  LUI).  » 

XVIII.  Un  concile  d'Africiue  ordonna  aux 
primats  de  visiter  leur  province  vers  le 
temps  du  concile.  «  Constitutum  est  in  concilio 
Hipponensi  singulas  provincias  tempore  con- 
cilii  visitanda".  esse  ^Cod.  can.  Eccl.  Afri;.  »  11 
était  fort  utile  de  visiter  les  provinces  immé- 
diatement avant  le  concile  universel,  afin  d'y 
pouvoir  rechercher  les  remèdes  les  plus  effica- 
ces des  dérèglements  qu'on  aurait  observés. 
Les  clercs  pouvaient  recourir  aux  primats, 
s'ils  avaient  été  condanmés  par  leurs  évèques. 
Décréta  Nicœna  sive  inferioris  gradus  clericos, 
siveipsosepiscopos,  melropolitanis  apertissime 
commiserunt  (Conc.  African.  CXXXVIII  .  » 

Saint  Augustin  recourut  au  primat  de  Car- 
thage pour  faire  aholir  les  excès  et  les  ivro- 
gneries qui  se  faisaient  aux  fêtes  et  aux  tom- 
beaux des  martyrs.  Il  crut  que  l'exemple  seul 
de  l'Eglise  métropolitaine  de  toute  l'Afritiueau- 


rait  autant  de  force  ([ue  le  décret  d'un  concili; 
universel.  «  Tanta  pestileiilia  est  hujus  mali, 
ut  saiiari  prorsus,  (|uantinn  niihi  videtur,  nisi 
conciiii  auloritate  non  possit.  Aut  si  ab  uiia 
Ecclesia  inchoanda  est  medicina,  sicut  videtur 
audacia>  mutare  conari  qute  Carlhaginensis 
Ecclesia  t^net,  sic  magnat  impudentia-  est 
velle  quae  Carlhaginensis  Ecclesia  correxit 
(Ei)ist.  Lxiv).  » 

Il  faut  finir  ce  chapitre  par  un  canon  impoi- 
tant  d'un  concile  universel  d'Afrique  ,  (]ui 
porte  que  les  primats,  c'est-à-dire  les  métro- 
politains d'Afriiiue  instituèrent  un  nouveau 
primat  dans  une  des  Mauritanies,  dont  la  capi- 
tale était  la  ville  de  Sitifis.  Ce  pouvoir  n'a  point 
encore  été  découvert,  que  des  métropolitains 
érigent  une  nouvelle  métropole.  Nous  aurions 
pu  rapporter  cela  au  chapitre  précédent,  mais 
il  ne  convient  pas  mal  à  celui-ci.  Voici  les  pa- 
roles du  canon  rapportées  par  Justel  :  «  De  pri- 
matu  Mauritaniœ  Sitifensis.  Primatem  pro- 
prium  cum  Mauritani;!'  Sitifensis  episcopi  postu- 
larent,  omne  concilium  ei)iscoporum  Xumidiae, 
conseutieulibus  omnibus  primatibus,  vel  uni- 
versis  episcopis  provinciarum  Africanarum, 
propter  longi  itineris  novitatem  liaben;  per- 
missa  est.  Cum  consensu  Carlhaginensis  Ec- 
clesia; factum  est  (Cod.  Can.  Eccl.  Afric. 
c.  XVII  .«Voilà  encore  une  preuve  des  pouvoirs 
de  l'archevêque  de  Carthage. 

XIX.  Concluons  en  disant,  selon  les  preuves 
précédentes,  que  comme  les  métropolitains  ne 
perdaient  rien  de  leurs  droits  par  la  supério- 
rité des  exarques,  aussi  ne  diminuaient -ils 
point  ceux  de  chaque  évèque  dans  son  diocèse; 
toutes  les  grandes  allaires  devaient  se  concerter 
entre  eux  et  les  évèques,  surtout  dans  le  con- 
cile provincial  qu'ils  convoquaient  et  prési- 
daient. Ils  avaient  tous  droit  d'assister  au  con- 
cile général.  Ils  étaient  les  pères,  les  maîtres  et 
les  juges  de  leurs  suffragants.  Ils  n'exerçaient 
de  juridiction  sur  les  sujets  de  leurs  suffra- 
gants que  par  appel,  ou  dans  la  visite.  Le 
siège  des  métropolitains  était  comme  un  siège 
apostolique,  ils  étaient  responsables  de  l'ob- 
servation des  canons  dans  leur  province.  Ils 
donnaient  des  lettres  formées.  Ils  permettaient 
les  dédicaces  des  Eglises  et  l'aliénation  des 
biens  de  l'Eglise.  Leur  droit  d'ordonner  les 
évèques  les  en  rendait  pères,  et  donnait  un 
juste  fondement  à  tous  leurs  autres  i)ou- 
voirs. 


-2-21 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.    -  CI1.\!>ITRE  QUARANTE-UNIÈME. 


CHAPITRE  QUARANTE-UNIÈME. 


DES    METROPOLITAINS    DE    FRANCE,    D  ANGLETERRE    ET    D  ALLEMAGNE^    Al  X   SIX,    SEPT 

ET    HLITIÈME    SIÈCLES. 


I.  La  plupart  des  métropoles  furent  établies  avant  qu'il  y  eut 
(les  princes  clirétiens. 

Il  Elles  furent  établies  clans  les  métropoles  civiles  par  des 
motifs  très-purs.  Anciennes  divisions  des  Gaules 

m.  IV.  V.  VI.  Vil.  Les  prétentions  du  métropolitain  d'Arles 
sur  Vienne,  Embrun,  Tarentaise,  Narbonne,  Aix.  Divers  règle- 
ments sur  ce  sujet  qui  rétablissent  enfin  toutes  ces  métropoles. 

Vlll.  IX.  Des  métropoles  de  Besançon,  Toui-s,  Bourges,  Sens. 

,\.  Mayence  el  Cologne. 

XL  XII.  Les  changements  de  métropoles  se  sont  faits  par  les 
papes  avec  le  consentement  des  rois. 

Xlll.  XIV.  Des  métropoles  d'Anglelerre  et  d'Itali". 

XV.  Des  métropoles  qui  ont  des  sulfragauts  dans  d'autres 
Etats. 

I.  Venons  aux  mélropolifains  du  second  âge, 
c'est-à-dire  des  VI%  VII%  VIII''  et  siècles,  et  com- 
mençons par  reconnaître  de  bonne  foi  que  la 
plupart  (les  anciennes  métropoles  ayant  été 
établies  dès  Tàf^e  des  persécutions,  le  consen- 
tement des  princes  n'y  a  été  nullement  néces- 
saire, puis(|ue  non-seulement  toutes  les  mo- 
narchies particulières  n'étaient  point  encore 
élevées  sur  les  débris  de  rem|)ii'e  romain, 
mais  les  empereurs  romains  mêmes  n'avaient 
point  encore  soumis  leur  diadème  à  la  croix 
de  J.-C. 

II.  Il  faut  confesser  avec  la  même  sincérité 
(pie  si  l'on  excepte  l'.Vfrique  seule,  où  le  mé- 
tn)|)olitain  étiiit  le  plus  ancien  d'ordination 
de  chaque  province  ,  ce  (|ue  saint  Grégoire 
même  confirma  en  excluant  seulement  les 
(lonatistes  convertis  et  élcsés  à  l'épicopat  ;  à 
l'exception,  dis-je,  de  l'Afri(|uc  seule,  toutes 
les  métropoles  ecclésiastiques  ont  été  mises 
dans  les  mêmes  villes  que  leur  grandeur , 
leurs  richesses  et  leur  anli(iuité,  avaient  fait 
honorer  de  la  dignité  de  métropoles  civi- 
les (L.  I.  Epist.  Lxxii,  Lxxv).  Mais  nous  avons 
riîmar(|iié  (|ue  comme  ce  furent  les  apôtres  et 
les  hommes  apostoliiiues  (pii  firent  ce  choix 
durant  les  trois  premiers  siècles,  ils  n'avaient 
eu  aucun  égard  au  faste  et  au  vain  éclat  du 
siècle  ;  mais  que  toule  leur  vue  avait  été  de  ré- 
pandre la  doctrine  de  .l.-C,  iiremièrement 
dans  les  lieux  d'oii  elle  pouvait  ensuite  se  com- 


niuni(]uer  plus  facilement  au  reste  de  la  terre. 

Pour  venir  à  la  France^,  on  sait  que  l'empe- 
reur Auguste  partagea  les  Gaules  en  quatre  pro- 
vinces, la  Narbonnaise,  l'Aquitaine,  la  Lyon- 
naise et  la  Belgique.  Sous  Tibère  etsous  Néron 
la  Belgi(iue  était  divisée  en  une  ou  deux  Belgi- 
ques,  et  en  deux  Germaniques.  Les  trois  autres 
provinces  furent  subdivisées  dans  le  III'  on 
IV*^  siècle.  La  Narbonnaise  se  divisa  en  Narbon- 
naise, Viennoise,  les  Alpes  maritimes,  et  les 
Alpes  grecques  ou  pennines.  L'Aquitanique  se 
partagea  en  deux  Aquitaines  et  la  Novempo- 
pulanie.Enfindela  Lyonnaise  on  fit  deux  Lyon- 
naises et  la  Séquanaise,  qu'on  appela  Maximn 
Scrjrianorum.  .\insi  il  se  trouvait  quatorze  pro- 
vinces dans  les  Gaules  avant  l'an  Utiri,  puis- 
qu'elles sont  toutes  rap|)ortées  en  même  ordre 
dans  l'abrégé  de  l'Histoire  que  Rufus  F"estus 
dédia  à  l'empereur  Valens  en  cette  année,  .le 
laisse  les  autres  historiens  romains  où  ces  deux 
divisions  se  lisent. 

Il  se  fit  enfin  une  tioisième  division  en  fai- 
sant quatre  Lyonnaises  au  lieu  de  deux,  savoir, 
Lyon,  Rouen,  Tours  et  Sens  ;  et  en  séparant  de 
la  Viennoise  la  seconde  Narbonnaise.  dont  la 
capital  est  Aix.  Ces  trois  provinces  nouvelles 
étant  ajoutées  aux  quatorze  précédentes,  il  s'en 
trouva  dix-sept.  Le  concile  d'Aiiuilée,  en  381, 
et  celui  de  Turin,  en  -a'.»",  font  mention  de  la 
seconde  Narbonnaise.  Ainsi  cette  troisième  di- 
vision avait  déjà  cours.  Le  concile  de  Valence, 
en  374,  parle  des  cinq  provinces  et  les  distin- 
gue du  reste  des  Gaules.  (les  cinc]  provinces  ne 
sont  autres  que  les  quatre  parties  de  laiicienne 
Narbonnaise  ci-dessus  rapportées,  et  la  se- 
conde Narbonnaise  (|u"oii  venait  d'y  ajouter. 
Les  lettres  des  jiapes  Zoziine  et  Boniface  font 
quelquefois  mention  des  sept  provinces  , 
(|u'(Ili^s  distinguent  du  reste  des  (laules.  Ces 
sept  provinces  sont  les  deux  Naiboiinaises,  la 
Viennoise,  les  Alpes  maritimes,  les  deux  Aqui- 
taniiiues  et  la  Novempopulaine,  dont  le  préfet 


DES  MÉTROPOLITAINS  DE  FRANCE,  D'ANGLETERRE,  etc. 


du  prétoire  des  Gaules  avait  fait  alors  un  corps 
séparé.  C'est  sur  ces  divisions  des  provinces  et 
des  métropoks  civiles  que  l'Eglise  forma  la 
distinction  des  siennes. 

III.  Les  provinces  et  les  métropoles  romaines 
devinrent  donc  des  provinces  et  des  métropoles 
ecclésiastiques.  Ce  fut  aussi  le  sujet  de  cette 
longue  contestation  entre  les  évêques  de  Vienne 
et  d'Arles  sur  le  droit  de  primatie,  c'est-à-dire 
de  métropole  ;  et  le  concile  de  Turin  (An.  397) 
résolut,  selon  les  régies  ordinaires,  que  celle 
de  ces  deux  villes  qui  serait  reconnue  métro- 
pole civile  jouirait  aussi  des  droits  de  métro- 
pole ecclésiastique.  Mais  comme  ces  deux 
villes  avaient  des  avantages  communs  dans  la 
police  civile,  les  papes  aussi  jugèrent  enfin 
qu'elles  devaient  aussi  toutes  deux  avoir  rang 
entre  les  métropoles  ecclésiasliijues.  Voila  coin- 
ment  le  pape  saint  Léon  termina  enfin  ce  diffé- 
rend i.\n.  .i.3U). 

IV.  Le  pape  Zozime,  surpris  par  Patrocle, 
évèque  d'.\rles,  lui  soumit  la  première  Narbon- 
naise.  Patrocle  entreprit  de  donner  un  évèque 
à  Lodève  sans  avoir  pris  l'avis  du  clergé  et  du 
peuple,  et  sans  l'aveu  du  métropolitain  de  Nar- 
bonne,  Hilaire  (An.  i2-2  .  Le  pape  Boniface 
reçut  les  plaintes  d'Hilaire,  et  lui  rendit  le  gou- 
vernement de  sa  province  pour  satisfaire  aux 
canons  de  Nicée,  qui  attribuent  a  chaque  mé- 
tropolitain le  gouvernement  de  sa  province  .  et 
ne  permettent  pas  qu'un  seul  évèque  métropo- 
litain étende  sou  domaine  sur  deux  provinces. 
«  NuUi  videtur  incognita  synodi  Nicœnai  con- 
stitutio,  quœ  ita  prœcipit,  per  unamquamque 
provinciam  jus  metropolitanos  siugulos  habere 
debere,  nec  cuiquam  duas  esse  subjectas.  »  Les 
papes  Célestin  et  Léon  confirmèrent  cette  or- 
donnance de  Boniface. 

V.  Dans  la  province  des  Alpes  maritimes, 
Embrun  avait  toujoui-s  été  la  métropole.  C'est 
ce  qu'en  dit  le  pa[ie  Hilaire  en  parlant  dlngé- 
nuus,  évèque  d'Embrun  :  «  Alpium  Maritima- 
rum  provincia:'  metropolitani  honore  subnixus 
semper  (An.  436).  »  Aussi  le  pape  Léon  con- 
damna toutes  les  prétentions  d'Hilaire,  évèque 
d'Arles,  qui  avait  déposé  Armenlarius,  évèque 
d'Embrun,  dans  le  concile  de  Riez,  pour  avoir 
été  ordonné  évèque  par  deux  évèques  seule- 
ment, sans  l'agrément  des  évèques  de  la  pro- 
vince et  du  métropolitiiin  d'Arles.  Le  pape 
Léon  rétablit  la  règle  générale  que  chaque 
province  ait  son  métropolitain.  «  Ordinationem 
sibi  singuli  metropolitani  suarum  provincia- 


rum  défendant.  »  Et  le  pape  Hilaire  défendit 
le  droit  d'Ingénuus  d'Embrun  contre  les  en- 
treprises d'Auxanius,  qu'on  croit  avoir  été  évè- 
que d'Aix  ,  et  métropolitain  de  la  seconde  Nar- 
bonnaise,  et  qui  avait  établi  un  nouvel  évè(iue, 
en  sorte  qu'il  y  en  eut  deux  à  Camélione  et  à 
Nice,  ce  que  ce  pape  annula,  réduisant  les 
deux  évèchés  en  un. 

VI.  Dans  la  province  des  Alpes  grecques  et 
penniues,  Tarentaise  était  en  quelque  façon  la 
métroiiole,puis(iu'elle  dominait  sur  Oc/orfw»;/;. 
Le  pape  Léon  la  soumit  nonobstant  cela  au 
métropolitain  d'Arles ,  comme  le  métropoli- 
tain d'Aix  ou  de  la  seconde  Narbonnaise  a  été 
longtemps  assujetti  à  l'évèque  d'Arles.  Dans  le 
concile  de  Francfort  de  l'an  794,  Tarentaise  fut 
absolument  délivrée  de  cette  sujétion  par  le 
bienfait  du  pape,  et  elle  se  trouve  entre  les 
métropoles  dans  le  testament  de  Charlemagne. 

VII.  Quant  à  la  seconde  Narbonnaise,  le  con- 
cile de  Turin  la  soumit  à  la  personne  de  Pro- 
culus,  évèque  de  Marseille  :  je  dis  à  sa  personne 
et  non  pas  à  sa  ville,  parce  que  Marseille  était 
dans  une  autre  province.  Aussi  les  évêques 
de  la  seconde  Narbonnaise  s'en  plaignirent 
hautement  :  «  Qui  sibi  alterius  provinciœ  sa- 
cerdotem  prajesse  non  debere  contendebant.  » 
Patrocle.  évèque  d'Arles,  obtint  par  surprise  du 
pape  Zozime  l'administration  des  deux  Nar- 
bonnaises  et  de  la  province  de  Vienne,  faisant 
en  même  temps  déposer  Proculus,  à  cause  des 
avantages  qu'il  s'était  injustement  procurés 
dans  le  concile  de  Turin.  Les  papes  Boniface, 
Célestin  et  Léon  remédièrent  à  la  surprise  de 
Zozime  ,  et  rétablirent  toutes  ces  provinces  ,  et 
leurs  métropolitains  dans  leurs  anciens  privi- 
lèges. Ainsi  le  métropolitain  d'Aix  recommença 
de  gouverner  sa  province,  mais  avec  obliga- 
tion de  se  trouver  au  concile  du  métropolitain 
d'Arles  quand  il  y  serait  appelé.  C'est  l'or- 
donnance que  saint  Césaire,  évèque  d'Arles, 
fit  renouveler  au  pape  Symmaque  An.  514. 

Le  concile  de  Francfort  témoigne  qu'on  avait 
envoyé  au  pape  pour  le  prier  de  terminer  les 
différends  des  trois  métropoles,  Tarentaise, 
Embrun  et  Aix.  «  Et  quidquid  per  pontificem 
Romanœ  Ecclesiœ  definitum  fuerit,  hoc  tenea- 
tur.  »  L'événement  a  justifié  quelle  en  fut  la 
réponse,  car  l'archevêque  d'Aix  a  toujours  de- 
puis tenu  rang  dans  les  conciles  et  ailleurs.  Il 
est  vTai  qu'Aix  ne  se  trouve  pas  entre  les  mé- 
tropoles dans  le  testament  de  Charlemagne  ; 
mais  il  est  à   croire  que   c'est   parce  que  la 


C)50 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-UNIÈME. 


réponse  du  pape  n'avait  pas  encore  été  reçue. 

VIII.  Dans  la  province  Séquanaise,  Maxima 
Sefjuaîionan  ,  Besançon  était  la  métropole. 
Chélidoniiis,  qui  en  était  évèque,fut  à  la  vérité 
déposé  par  Hilaire  d'Arles,  comme  mari  d'une 
veuve,  et  par  conséquent  irrégulier.  Le  pape 
saint  Léon  cassa  cette  sentence,  parce  que  Cliéli- 
doniusse  trouva  innocent;  autiement  il  déclara 
qu'elle  eût  subsisté ,  comme  étant  juste ,  mais 
non  pas  comme  étant  émanée  d'une  autorité 
légitime,  car  ce  pape  défendit  à  l'évéque  d'Arles 
de  s'ingérer  désormais  dans  le  maniement  des 
autres  provinces  :  «  Suis  unacjuœque  j)rovincia 
sit  contenta  conciliis,  nec  ultra  Hilariusaudcat 
conventus  indicere  synodales  (An.  -445).» 

Que  si  le  nom  de  lévèque  de  Besançon  se 
trouve  quek|uelois  fort  reculé  dans  les  souscrip- 
tions des  conciles  ,  on  n'en  peut  tirer  aucune 
conjecture  raisonnable  contre  sa  dignité  de 
métropolitain  :  1"  Parce  que  les  copistes  ont 
fait  cent  lautes  dans  les  souscriptions.  2"  Que 
les  métropolitains  ont  souvent  souscrit  après 
les  simples  évêques  qui  avaient  été  ordonnés 
avant  eux.  3°  Enfin,  parce  que  les  évèques  né- 
gligeaient souvent  leur  rang,  ou  d'antiquité, 
ou  de  dignité,  et  souscrivaient  au  hasard  comme 
ils  se  rencontraient. 

C'est  ce  qui  obligea  le  pape  saint  Grégoire 
de  leur  recommander  de  garder  leur  rang  : 
«  Episco()os  secundum  sua;  ordinationis  tem- 
pus,  sive  ad  considendum  in  concilio,  sive  ad 
subscribendum ,  vel  in  qualibet  alia  re,sua 
atlendere  loca  decernimus  ,  et  suorum  sibi 
pncrogalivam  oi-dinum  vindicare  (L.  vu,  ej). 
cxiv).»  Enfin,  l'évéque  de  Besançon  est  reconnu 
métropolitain  et  archevêque  dans  le  testament 
de  Cliailemngne, dans  les  ca])itulairos,  dans  les 
conciles  suivants;  et  le  pape  Jean  VIII,  en  lui 
écrivant,  l'appelle  archevêque  de  Chrysopolis. 

IX.  Sidonius  Aiiollinaire  parle  de  l'évéque 
de  Sens  comme  d'un  méhopolitain  (L.  vu, 
epist.  V).  Perpéluus,  évêquc  de  Tours,  tint  le 
concile  de  Vannes  dans  le  cinquième  siècle,  en 
/ttl.'l,  et  y  ordonna  révè{|ue  de  celle  ville,  comme 
son  métropolitain.  Voilà  les  deux  Lyonnaises, 
seconde  et  troisième.  Le  même  Sidonius  Apol- 
linaire dit  nettement  (jue  l'évéque  de  Bourges, 
qu'il  venait  de  faire  élire,  était  métropolitain 
aussi  bien  que  celui  de  Sens,  devant  lequel  il 
parlait.  «  Denique  et  coram  metropolitano  verba 
faclurus ,  etc.  Snnplicius  est  queni  pro\inci<'e 
noslrœ  metropolitanum  pronuntio,  etc.  (Lib.  i 
Poematum ,   c.  lt>  ).  »  Venantius   Fortunatus 


en  dit  autant  de  celui  de  Bordeaux  à  qui  il 
écrit. 

Ouiintum  inler  reliquas  capul  lioo  superextulil  urbcs, 
Tauluiii  pouliûces  \incis  Louore  giailus. 


Quant  à  la  troisième  Aquitaine,  ou  Novem- 
po[)ulanie,  l'évéque  d'Eluse  (Elusa,Eause)  sous- 
crit en  qualité  de  métropolitain  dans  les  con- 
ciles d'Agde,  d'Orléans  I,  11,1V,  V,  l'évéque 
d'Auch  ne  souscrivant  qu'entre  les  évêques 
dans  les  mêmes  conciles.  La  même  chose  paraît 
dans  le  concile  de  quarante  évêques  tenu  à 
Reims  sous  rarclievê(iue  Sonnatius  (Elodoard, 
lib.  n,  c.  5).  Il  faut  donc  que  ce  soit  environ 
et  ajirès  ce  temps-là  que  la  métropole  d'Eause 
fut  transféiée  à  Auch. 

X.  Quant  aux  Germaniques,  Mayence  était 
la  métropole  de  la  première,  et  Cologne  de  la 
seconde.  Mayence  avait  été  fondée  par  Drusus. 
Cologne  est  appelée  métropole  par  saint  Atha- 
nase  dans  sa  lettre  aux  solitaires.  Ces  villes  fu- 
rent longtem|)s  comme  ensevelies  dans  les 
désordres  et  les  calamités  de  diverses  guerres. 
Trêves  profita  de  leur  calamité.  Mais  enfin  le 
pape  Zacharie  érigea  Mayence  en  métropole, 
en  "51,  pour  être  le  siège  ordinaire  de  son  lé- 
gat Boniface;  il  lui  soumit  même  la  ville  de 
Cologne;  mais  comme  il  avait  déjà  auparavant 
donné  le  titre  de  métropole  à  Cologne,  à  la  de- 
mande des  Français  (An.  7i"),  cette  première 
disposition  subsista  quant  à  la  métropole  de 
Cologne,  mais  non  pas  quant  au  séjour  que 
Boniface  y  devait  faire.  «  De  civitate  illa,  qiiœ 
Agrippina  vocabatur,  nunc  vero  Colonia,  jiixta 
petitionem  Francoruni  per  nostric  autoritatis 
prœce[ituni  nomini  tuo  nietropolim  conflrma- 
vimus  iZachar.  Ep.  xi).  On  peut  lire  toutes  ces 
lettres  dans  les  éditions  des  conciles,  où  il 
parait  que  les  Français  s'étaient  en  quelque 
façon  repentis  d'avoir  désiré  que  Cologne  fût 
méiropole. 

XL  H  est  évident,  par  ce  que  nous  venons  de 
dire,  que  les  métropoles  de  la  France  n'ont  été 
bien  réglées  que  vers  la  fin  du  cinquième  siè- 
cle, et  quelques-unes  même  plus  tard,  et  que 
les  papes  ont  été  les  juges  ordinaires  de  toutes 
ces  contestations.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  au 
saint  et  savant  Avitus,  évêque  de  Vienne,  dans 
sa  lettre  au  pape  llormisde,  (jue  si  l'Eglise  de 
Vienne  dominait  siu-  toute  la  province  Vien- 
noise, c'était  parce  qu'elle  lui  avait  été  com- 
mise |)ar  le  pape  et  par  ses  prédécesseurs. 


DES  MÉTROPOLITAINS  DE  FRANCE,  D'ANGLETERRE,  etc. 


2-23 


«  Totiiis  ni()\ii]ci;i'  Viennensis  noiiiine  qu;o 
Ecclesiii'  ail  me  iR'itiiu'iiti  ;il)  irnivcrsis  pru'de- 
cessoribus  vtstris  el  ub  apostolica  Sede  coni- 
niissa  est.  » 

Li?s  (lilfcH-iMuls  qui  s'étaiciil  élevés  entre  les 
niélropolilains  avaient  réduit  les  choses  à  cet 
état,  que  les  plus  anciennes  métropoles  n'avaient 
I)u  prendre  leur  consistance  et  leur  afTerniisse- 
Mient,  que  par  les  jugements  émanés  du  Siège 
apostolique.  Quant  aux  métropoles  nouvelles 
ou  renouvelées,  on  vient  de  voir  que  Zacharie 
érigea  Mayence  et  Cologne.  Le  même  envoya 
trois  palliums  à  trois  archevêques  que  Boniface 
avait  ordonnés.  Voici  les  paroles  remarquables 
de  l'auteur  ancien  de  la  vie  de  saint  Boniface. 
«  Bonifacius  a  principibus  Carlomanuo  et  Pi- 
pino  Ecclesia^  Mogonciacensi  pra'licitur,  et  ut 
ejus  dignitas  eminentior  foret.  Decreverunt 
iidem  principes  Ecclesiam  Mogonciacensem, 
quœ  prius  alteri  subjecta  erat ,  metropolim 
omnium  Geriflani;c  Ecclesiarum  efficere,  mox- 
que  legatione  facla  illud  a  pra^sule  apostolico 
impetravere  (Le  Coiute,  an.  740,  n.  5).  » 

XIL  II  n'est  pas  moins  clair  que  les  change- 
ments de  métropoles  ne  se  sont  faits  qu'à  la 
demande  ou  avec  l'agrément  des  princes.  C'est 
ce  que  le  pape  Zacharie  témoigne  lui-même 
touchant  Mayence  ,  en  écrivant  à  Boniface. 
a  Obtinere  voluisti,  ut  tibi  calhedralem  Eccle- 
siam, vel  successoribus  tuis  coafirmare  debea- 
mus ,  juxta  eorumdem  Francorum  petitio- 
nem ,  etc.  Xa.  74i;  Zachar.  Ep.  iv  ;  Epist. 
xiv).  B  Boniface  n'avait  demandé  trois  palliums 
pour  trois  nouveaux  archevêques  que  pour 
seconder  les  désirs  des  princes  français  : 
«  Quod  de  archiepiscopis  et  de  palliisa  Romana 
Ecclesia  petendis,  juxta  promissa  Francorum, 
sanctitati  vestrte  notum  feci,  etc.  (Epist.  iv).  » 

Pépin,  qui  était  maire  du  i)alais.  ayant  as- 
semblé le  concile  de  Soissons  en  7li,  dit  la 
même  chose  :  «  Fer  consilium  sacerdolum  et 
optimatum,  ordiiiavimus  per  civitateslegitimos 
episcopos,  et  idcirco  constituimus  super  eos 
archiepiscoposAbeletArdobertum(Conc.Suess. 
c.  ui).  »  Le  même  paraît  par  le  concile  de  Lip- 
tines,  assemblé  par  Carlonian,  maire  du  palais  : 
«  Per  consilium  sacerdotuin  ,  et  optimatum 
meorum,  ordinavimus  per  civilates  episcopos, 
et  constituunus  super  eos  archiepisco[ium 
Bonifacium,qui  est  missus  sancli  Pétri  (Concil. 
Liptin.  c.  i).  » 

Le  même  Boniface  proteste  que  s'il  a  fait  des 
constitutions  synodales  en  France ,  c'a  été  par 


ordre  du  |iape,  et  avec  l'agrément  des  princes 
fiançais:  «  Synodiim  coiigregandam ,  et  lior- 
taiidam  jussu  poiilificis  Romani ,  et  rogatu 
principum  Francorum  et  Callorum  suscej)! 
(Epist.  cv).  »  Mais  il  ne  faut  pas  omettre  ce  (]iie 
ce  même  saint  évêque  écrivit  au  pape  Etienne 
touchant  l'évêché  d'Utrecht  (Epist.  xcvii). 
Carie  pape  Serge  envoya  saint  Willibronl,  ou 
Clément,  pour  prêcher  la  foi  aux  Frisons.  Ce 
saint  missionnaire  employa  cinquante  années 
à  planter  et  à  arroser  cette  nouvelle  Eglise,  y 
établit  son  siège  épiscopal  à  Llrecht,  et  y  mou- 
rut après  avoir  déclaré  son  successeur.  Le 
prince  Carloman  pria  Boniface  de  mettre  un 
évêque  dans  ce  siège  (jui  vaquait  alors.  L'évê- 
que  de  Cologne  voulut  alors  se  rendre  maître 
de  cet  évêché,  fondé  sur  ce  que  le  roi  Dagobcrt 
avait  donné  le  château  d'L'lrecht,  à  condition 
de  prêcher  la  foi  aux  Frisons,  et  que  Willi- 
brord  n'avait  fait  que  réparer  une  Eglise  qu'il 
y  avait  trouvée.  Boniface  conjure  donc  le  pape 
Etienne  de  maintenir  l'évêque  el  l'évêché  d'U- 
trecht dans  l'indépendance  où  il  était,  et  avait 
toujours  été  des  évèques  de  Cologne,  et  dans 
la  sujétion  du  seul  pontife  romain  ,  qui  avait 
envoyé  et  sacré  Willilirord  évêque,  seul  apôtre 
des  Frisons  :  «  Ut  fiai  sedes  episcopalis  subjecta 
Romano  pontifici,  prœdicans  génies  Frisorum .  » 
Voila  connnent  l'autorité  du  pape  et  du  prince 
intervint,  pour  conserver  rétablissement  et 
l'exemption  de  ce  nouvel  évêché. 

XIII.  Nous  avons  vu  ci-devant,  dans  les  let- 
tres de  saint  Grégoire, comment  ce  pai)e  établit 
les  deux  métropoles  d'Angleterre,  et  le  rang 
qu'il  leur  donna.  Jean  Diaci  e  dit  le  même  dans 
sa  vie.  «  Misit  .Vugustino  pallium.jubens  ulsub 
metropoli  sua  Cantiœ  duodecim  episcopos  ordi- 
uaret,  ad  Londoniam  et  Eboracam  singulos  epi- 
scopos milteret,  qui  sub  se  duodecim  nihilomi- 
nus  episcopos  consecrantes,  i)allium  ab  aposto- 
lica Sede  perciperent, etpost  Augustini  obitum, 
ipse  inter  eos  primus  haberi  debuisset ,  qui 
prius  consecrari  debuisset  (L.  ii,  c.  37).  »  Cet 
auteur  se  trompe  quand  il  dislingue  les  deux 
métropoles  de  Cantorbéry  et  de  Londres,  et 
cpi'il  leur  donne  à  chacun  douze  suflragants. 
Car  ce  ne  fut  qu'une  métropole,  Cantorbéry 
ayant  été  substituée  à  Londres,  comme  nous 
avons  dit  ci-dessus. 

XIV.  Ce  même  auteur  remarque  ailleurs 
que  Sévère  ,  métropolitain  d'A(iuilée  ,  s'étant 
opiniâtrement  attaché  au  schisme  des  trois 
chapitres,  le  Saint-Siège  divisa  cette  métropole 


C)-TJ 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-DEUXIÈME. 


en  deux ,  en  érigeant  une  nouvelle  pour  les 
cutholi(]iies  ,  qui  ne  laissa  pas  de  subsister 
après  la  réunion  même  des  schismatiques. 
«  Romanum  pontificem  severi  vecordia  susci- 
tavit,  adeo  ut  ab  ipso  illins  obitiis  tenipore, 
Aquileieusis  diœcesis  in  duos  nietropolitanos, 
catbolicorum  videlicet,  schismaticorunique  di- 
visa sitj  neqne  poluit  postnioduni,  licet  omnes 
generaliter  ad  unilateni  de  scbismate  repedave- 
rint,  ad  pristinœ  conjunclionis  unionem  usque 
Iiactenus  reformari  L.  iv,  c.  38).  » 

XV.  Notre  savant  annaliste  de  l'Eglise  de 
France  a  remarqué  que  Toulouse  et  Uzès  ne 
se  trouvant  plus  entre  les  évêcbés  soumis  à 
la  métropole  de  Narbonne,  dans  la  division 
des  évêcbés  qui  fut  faite  par  le  roi  Vamba 
d'Espagne  (An.  oU3,  n.  3),  c'est  une  manjue 
que  Clovis,  ayant  ravi  ces  deux  villes  aux  Gotbs, 
leurs  évêques  cessèrent  enfin  de  relever  d'une 
métropole  qui  ne  relevait  pas  de  la  couronne 
de  France  (An.  524,  n.  5).  Les  Gotbs  en  usèrent 
de  même.  Car  ayant  conquis  Rodez,  et  quel- 
ques autres  villes  de  Guyenne,  ils  les  soumirent 
à  la  métropole  de  Narbonne ,  qui  leur  apparte- 
nait, au  lieu  (lu'elles  avaient  été  soumises  à 
Bourges,  qui  était  du  domaine  de  nos  rois  (An. 
538,  n.  9). 


Cela  paraît  par  les  notices  des  évêcbés  faites 
en  des  temps  différents;  on  y  voit  cette  dimi- 
nution ou  augmentation  des  suUragants  sous 
une  métropole  selon  les  vicissitudes  des  Etals. 
Cela  parait  encore  par  le  concile  lit  de  Tolède, 
où  assista  le  métropolitain  de  Narbonne  avec 
ses  sutïragants  les  évêques  de  Béziers,  Carcas- 
sonne,  Agde,  Lodève,Maguelone,  Nîmes. Toutes 
ces  villes  étaient  alors  sous  la  domination  des 
Gotbs.  Dans  les  conciles  tenus  en  France,  on 
peut  aussi  remarquer  que  les  évêques  d'une 
nation  ne  se  trouvaient  point  dans  les  conciles 
d'une  autre  nation,  quoique  leur  métropolitain 
y  tut  compris. 

Le  concile  lll  d'Orléans,  en  538,  ne  voulut 
l)as  que  dans  les  divers  partages  qui  se  faisaient 
alors  de  l'empire  français  les  évêques  d'un 
Etat  pussent  s'absenter  du  concile  assemblé  par 
leur  métropolitain  dans  un  autre  Etat ,  parce 
que  ce  n'était  toujours  que  la  monarcbie  fran- 
çaise. «  Hanc  excusationem  sibi  noverint  esse 
siiblatam,  si  absentiani  suam  divisione  sortis 
crididerint  excusandam  ^Can.  i).  Ces  remar- 
ques ne  sont  pas  inutiles  pour  l'intelligence 
de  Tancienne  police  sur  ces  matières. 


CHAPITRE  QUARANTE-DEUXIÈME. 


DES    METROPOLITAINS    D  ESPAGNE,    ET    DES    PAVS    ELOIGNES. 


I.  Métropole  de  Luge  érigée  par  le  concile  et  par  le  roi. 

II.  Métropole  de  Carlhagèoe  transférée  à  Tolède. 

III.  Le  pape  Grégoire  II  envoie  des  prédicateurs  en  Bavière 
pour  y  établir  des  évêques. 

IV.  V.  Si  les  provinces  éloignées  ont  été  autrefois  converties 
de  même  façon  par  les  missionnaires  du  pape  ou  par  les 
évêques  des  lieux. 

VI.  On  entasse  nn  grand  nombre  d'exemples  pour  montrer 
que  les  évêques  se  sont  toujours  maintenus  dans  la  possession 
de  prêcber  aux  infidèles  de  leur  voisinage. 

I.  Il  est  vrai  que  dans  l'Espagne,  Théodomir, 
roi  des  Suèves ,  ayant  asseiublé  les  évêques  de 
ses  Etats  dans  le  concile  de  Lugo,  leur  proposa 
la  nécessité  d'ériger  une  nouvelle  métropole, 
et  de  nouveaux  évèchés,  afin  que  les  évoques 


pussent  tous  les  ans  visiter  leur  diocèse,  et  que 
l'obligation  de  se  trouver  au  concile  provincial 
ne  les  engageât  pas  à  de  si  longs  voyages. 
«  Cupio,  Patres  sanctissirai,  ut  provida  utilitate 
decernatis  in  provincia  Regni  nostri ,  quia  in 
tota  regioiie  GalUeciœ  spatiosa;  satis  diœceses 
a  paucis  episcopis  tenentur;  adeo  ut  aliquantaî 
Ecclesiœ  per  singulos  annos  vix  possint  a  suo 
episcopo  visilari.  Insu()ertantie  provincia' unus 
taiitummodo  episcopus  metropolitanus  est,  et 
de  extremis  (luibusque  parocbiis,  longuni  est 
singulis  annis  ad  concilium  pervenire  (Conc. 
Lucense,  an.  5(33).  » 


DES  MÉTROPOLITAINS  D'ESPAGNE. 


22â 


Les  évêques  de  ce  concile,  pour  satisfaire  ;i  la 
demande  du  roi  et  aux  besoins  de  TEgiise,  dé- 
clarèrent Lugo  métropole,  outre  Brague  qui 
l'était  déjà,  etérigèrent  en  même  temps  d'autres 
évècliés  nouveaux  outre  les  anciens.  La  raison 
qui  fit  choisir  Lugo  pour  niétroj)ole  est  la  com- 
modité du  lieu  et  des  assemblées  qui  s'y  pou- 
vaient l'aire  plus  facilement  qu'ailleurs  :  «  Uuia 
ibi  erat  terminus  de  contiuilimis  episcopis,  et 
ad  ipsum  locum  Lucensem  grandis  semper 
erat  conjunctio  Suevorum.  » 

Voilà  une  métro[)ole  nouvelle  établie  sans  l'in- 
tei  vcntion  du  pape,  mais  la  durée  n'en  fut  pas 
longue.  Car  le  roi  des  Gotbs,  Reccesuintlie,  fit 
casser  dans  le  concile  de  Mérida  (An.  6()C)  ce 
qui  avait  été  fait  dans  celui  de  Lugo,  environ 
cent  ans  auparavant,  et  rendit  à  l'ancienne  mé- 
tropole Mérida  les  évècliés  qui  en  avaient  été 
détachés  pour  les  attribuer  à  Lugo  ,  savoir 
Coimbre,  Viseu,  Lamego  et  Egidetania,  dont 
l'évêché  a  été  depuis  transféré  à  Gardie  (Conc. 
Emerit.  c.  vi).  Il  y  a  de  l'apparence  que  ce  fut 
durant  ces  cent  années  que  Brague  prétendit  à 
la  primatie,  comme  se  flattant  de  quelque 
ombre  d'autorité  sur  la  nouvelle  métropole 
Lugo.  Mais  ces  apparences  de  primatie  furent 
aussi  courtes  qu'elles  étaient  mal  fondées.  Les 
conquêtes  des  rois  des  Suèves  donnèrent  lieu  à 
cette  création  de  métropole,  qui  se  détruisit  en 
même  temps  qu'elles  tombèrent  entre  les  mains 
des  rois  goths. 

J'ajouterai  ici  que  l'évêque  de  Mérida  s'étant 
plaint  au  concile  XU  de  Tolède  de  ce  que  le 
défunt  roi  Vamba  l'avait  forcé  d'ordonuer  un 
nouvel  évèque  dans  le  monastère  d'un  village 
nonuné  Aix,  Aqiiœ  ,  ce  concile,  après  avoir 
rapporté  les  anciens  canons  qui  défendent  les 
érections  d'évèchés  hors  des  grandes  villes, 
cassa  ce  nouvel  evèché,  ordonna  que  ce  monas- 
tère continuerait  d'être  gouverné  par  un  abbé 
et  qu'on  donnerait  le  premier  évèché  vacant  à 
celui  qui  en  avait  été  ordonné  évêque  par  le 
commandeu)ent  absolu  du  roi. 

II.  Cartbagène  en  Espagne  avait  été  la  métro- 
pole civile  et  ecclésiastique  de  sa  province. 
Mais  cette  florissante  ville  ayant  été  ruinée  par 
les  Goths  et  par  les  Suèves,  la  métropole  ecclé- 
siastique fut  transférée  à  Tolède,  où  les  rois 
goths  avaient  établi  leur  siège.  Montan,  évèque 
de  Tolède,  est  traité  de  métropolitain  dans  le 
II'  concile  de  Tolède,  tenu  en  o31.  Dans  le  III' 
qui  fut  célébré  en  389,  il  prend  la  qualité  de 
métropolitain  de  Carpetanie,  qui  était  une  par- 


tie de  la  province  de  Cartbagène,  où  était 
située  la  ville  de  Tolède.  Mais  entin  le  roi  Gon- 
(leniar,  dans  un  autre  concile  de  Tolède  teuuen 
lild,  déclara  (|ue  la  Carpetanie  était  la  même 
(pie  la  iirovince  carthaginoise,  et  (jue  révè(iue 
(le  Tolède  en  avait  été  déclaré  métropolitain 
l)ar  les  anciens  conciles. 

III.  11  faut  revenir  aux  nouvelles  colonies  de 
l'Eglise  dans  les  pays  étrangers.  Le  pape  Gré- 
goire II  envoyant  des  nnssionnaires  aposto- 
liques en  Bavière,  leur  donne  le  pouvoir  d'y 
établir  des  évê(]ues  et  un  archevè(jue  :  «  Ut 
consideratis  locorum  siiatiis  ,  juxta  gubernatio- 
nem  uniuscujusque  ducis  episcopia  disponatis, 
et  si  très  aut  quatuor  vel  majoris  numeri  visse 
fuerint  constitut;e  sedes  ,  reservato  pi;tcipua' 
sedis  loco  pro  archie|)iscopo,  adhibito  trium 
episcorum  conventu ,  etc.  (  Capitulare  Gre- 
gorii  II).  » 

11  est  bon  de  remarquer  que  ce  pape  de- 
mande qu'il  y  ait  au  moins  trois  évêques  sous 
un  archevêque  ou  métropolitain,  afin  que  l'un 
d'eux  étant  mort,  les  trois  autres  puissent  faire 
une  ordination  canonique  de  son  successeur. 
C'est  à  quoi  on  a  eu  égard  quand  on  l'a  pu  ; 
car  dans  la  nécessité  les  canons  permettent 
d'appeler  les  évêquesde  la  province  voisine.  Dès 
l'an  .WJ,  saint  Rupert,  évêque  de  Worms  et 
métropolitain  d'Allemagne,  avait  prêché  dans 
la  Bavière,  et  y  avait  fondé  la  métropole  de  Sais- 
bourg,  selon  l'auteur  de  sa  vie. 

lY.  C'est  encore  une  remarque  fort  impor- 
tante que  si  les  nouveaux  établissements 
d'Eglises  et  de  métropoles  ont  été  faits  dans 
l'Angleterre,  dans  la  Frise,  dans  l'Allemagne, 
dans  la  Bavière,  principalement  ]iar  l'autorité 
des  papes  et  par  les  prélats  qu'ils  y  ont  envoyés, 
comme  nous  venons  de  le  justifier ,  il  est 
bien  vraisemblable  que  les  anciens  établisse- 
ments de  l'Eglise  et  des  métropoles  dans  les 
provinces  plus  proches  de  Rome ,  c'est-à-dire 
dans  l'Italie,  dans  les  Gaules  ,  dans  l'Espagne, 
dans  l'Afrique  ,  s'étaient  faits  de  la  même 
manière  dans  les  premiers  siècles  ,  par  les 
évêques  et  les  prédicateurs  qui  y  étaient  en- 
voyés de  Rome,  où  saint  Pierre  avait  établi  le 
centre  et  connue  la  source  de  tous  ces  ruis- 
seaux de  grâce  et  de  vérité  qui  se  répandirent 
de])uis  dans  tout  l'Occident.  C'est  de  quoi  nous 
assure  le  pape  Innocent  dansunede  ses  lettres. 
Mais  c'est  de  quoi  la  vraisend)lance  est  si 
grande,  qu'elle  peut  presque  passer  pour  une 
conviction.  Car  si,  dans  les  v%  vr'  et  vu'  siedcs, 


Th.  —  Tome  I. 


15 


226        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUARANTE-DEUXIEME. 


quoiqu'il  y  eût  tant  de  grands  évêques  dans 
l'Italie,  la  France  et  rEs|iaj.'ne,  cétiit  néan- 
moins le  seul  Siège  a|)ustolique  qui  ajoutait 
ordinairement  ces  ncivn  elles  conquêtes  à 
l'Eglise,  ou  qui  les  consommait  :  combien  est- 
il  plus  apparent  d'en  juger  de  même  des  pre- 
miers siècles?  Les  premiers  papes  et  niarlyrs 
étaient-ils  moins  zélés  qne  les  derniers?  Les 
missionnaires  évangéliiiues  avaient  ils  moins 
de  soin  de  demander  secours  au  premier  Siège 
de  l'Eglise?  Enfin  on  peut  dire  que  les  évêques 
des  lieux  étaient  assez  occupés  durant  les  pre- 
miers siècles  à  défricher  leur  propre  pays,  et 
en  arracher  les  restes  de  l'idolâtrie ,  laissant 
au  pasteur  universel  le  soin  et  la  sollicitude 
d'étendre  plus  loin  l'empire  de  J.-C.  Victor, 
évê(|ue  de  Vite,  raconte  que  quelques  fidèles 
d'Afrique  ayant  converti  un  nombre  considé- 
rable de  Maures  dans  les  déserts  reculés,  en- 
voyèrent a  Rome  pour  obtenir  du  pape  un 
prêtre  et  des  pasteurs  pour  venir  cultiver  cette 
nouvelle  Eglise  iL.  i,  c.  i).  L'histoire  des  temps 
qui  nous  sont  connus  nous  doit  fournir  des 
conjectures  pour  les  premiers  siècles  qui  sont 
demeurés  dans  l'obscurité  .  parce  qu'on  avait 
alors  plus  d'ardeur  de  bien  l'aire  (jue  d'écrire. 

V.  Voici  encore  un  exemple  du  commence- 
ment du  huitième  siècle  qui  nous  donnera  lieu 
de  deviner  ce  qui  se  passait  dans  les  premiers. 
Saint  Corbinien.  évê(|ue  de  Freisingen,  fut  pre- 
mièrement ordonné  évèque  par  le  pape  Gré- 
goire H,  et  envoyé  en  Franco  et  en  Allemagne 
avec  une  commission  ajjoslolique  pour  y  prê- 
cher l'Evangile  (An"l(i).  «Accepto  etiam  pallio 
cum  benediclione  et  adjutorio  beati  Pétri  a|)0- 
stoli.  ut  ubique  iira-dicationisofficium  exercere 
in  tolo  orbe  posset,  etc.,  per  universam  (Jalliam 
verbum  doctrina'  illius  crevit ,  etc.  »  Ce  fut 
Pépin,  maire  du  palais,  ([ui  appuya  de  son  cré- 
ditée nouvel  apôtre  JSurius,  die  s  Septemb). 

VI.  Si  l'histoire  de  la  [iremière  conversion 
de  toutes  les  nations  à  la  foi  nous  axait  été  fidè- 
lement conservée,  nous  trouverions  sans  doute 
des  etfets  miraculeux  du  zèle  ardent  de  plu- 
sieurs ou  métropolitains,  ou  évêques,  qui  ont 
augmenté  ou  leur  province,  ou  leur  diocèse, 
par  ces  glorieuses  comiuêtes  sur  la  gentililé. 
Le  roi  des  Lazes,  c'est  peut-être  'a  Colcliide,  vint 
demandera  l'empereur  Justin,  àConslantinople, 
qu'il  le  fit  chrétien,  et  qu'il  le  nommât  emiie- 
reur  des  Lazes.  «  Ut  fieret  clirisliauus  appella- 
returque  ab  eo  Lazorum  imperator.  »  Ce  pieux 
empereur  crut  lui-même  avoir  gagné  un  n<iu- 


vel  empire  en  soumettant  cette  nation  à  Pem- 
jiire  de  J.-C.  «  Profeclus  Lazorum  imperator  a 
Justino,  porla\it  coronam  etclilamydem  impe- 
raloriam  albam.  »  C'est  ce  qu'en  dit  Théo[)hane. 
Je  laisse  la  conversion  des  Hérules,  des  Huns  et 
de  tant  d'autres  qu'on  doit  aux  soins  de  Justi- 
nien,  successeur  de  Justin,  et  au  zèle  de  ses 
évêques.  Saint  Rémi,  archevêque  de  Reims,  fut 
l'apôtre  des  Français.  Saint  Eioi,  évêque  de 
Noyon,  fut  nommé  l'apôtre  des  Flamands  (Baro- 
nius,  an.  522,  u.  18;  52",  n.  52, 50;  .529,  n.  18; 
530,  n.  12;  665,  n.  7). 

Les  Bourguignons  elles  Français  étant  venus 
subjuguer  les  Gaules,  lurent  eu.\-mêmes  bien 
plus  heureusement  et  plus  glorieusement  sub- 
jugués par  les  évêques  des  Gaules,  qui  ne  fu- 
rent pas  lâchés  de  devenir  évêques  français, 
pourvu  que  tous  les  Français  devinssent  chré- 
tiens. C'était  peut-être  là  l'exercice  et  la  matière 
de  l'apostolat  de  nos  évêques,  ce  qui  les  em- 
pêchait de  faire  ressentir  les  ardeurs  de  leur 
zèle  jusque  dans  l'Angleterre  et  dans  l'Alle- 
magne. Leur  zèle  eût  été  peut-être  plus  brû- 
lant, mais  il  eût  été  moins  sage,  s'il  eût  été 
chercher  bien  loin  des  peuples  infidèles,  lors- 
que la  Providence  en  conduisait  elle-même 
dans  leur  pays,  pour  y  être  en  même  temps  et 
conijuérants  et  coiuiuis. 

Il  faut  ajouter  à  cela  que  saint  Rupert,  évè- 
que de  Worms,  avait  commencé  d'annoncer 
l'Evangile  aux  Bavarois  longtemps  avant  que 
le  jiape  Zacharie  y  envoyât  des  prédicateurs 
apostoliques  Baron.  An.  500,  n.i2j.  Les  Fran- 
çais avaient  donné  une  reine  de  leur  famille 
royale  et  un  évêque  avec  elle  à  l'Angleterre 
pour  commencera  y  jeter  les  fondements  d'une 
Eglise  ;  quelque  temps  avant  que  saint  Grégoire 
eût  formé  le  dessein  d'y  aller,  saint  Amand, 
évêque  de  Tongres,  avait  prêché  la  foi  aux 
Flamands  et  avait  mérité  d'être  appelé  leur 
apôtre.  Il  l'avait  aussi  prêchée  aux  EsclaAons, 
et  il  ne  les  avait  quittés  que  lorsqu'il  désespéra 
de  trouver  parmi  eux  la  couronne  des  mar- 
tyrs. Le  pape  Martin  lui  avait  confirmé  et  aug- 
menté ses  pouvoirs  apostoliques  l'an  050,  selon 
Baronius  (Baron.  An.  0.31,  032,  050,  005). 

Ainsi  on  peut  dire  avec  vérité  que  nos  évê- 
ques se  sont  toujours  conservé  la  possession  et 
le  droit  d'étendre  l'empire  de  J.-C.  par  de  nou- 
velles con(|uêles,  (]uoi(|ue  très-souvent  elles 
aient  ete  consommées  par  les  charitables  soins 
et  les  puissants  secours  du  Siège  apostolique.  Il 
est  certain  même  qu'après  que  le  Saint-Siège 


DES  MÉTROPOLITAINS  SOUS  CHAHLEMAGNE. 


227 


eut  envoyé  ses  zélés  inissioiinaires  en  Aof^'le- 
terre,  les  Anglais  ne  laissèrent  pas  de  deman- 
der et  de  recevoir  de  grands  secours  de  l'Kglise 
d'Irlande.  Bédé  raconte  comment  le  roi  Oswald 
demanda  aux  Hibernois  un  évêque  pour  con- 
vertir ses  peuples. 

Le  premier  évêqne  (|ui  lut  envoyé  ne  réussit 
pas,  parce  qu'il  avait  plus  de  ferveur  que  de 
condescendance.  Le  saint  prélat  Aidan  fut  en- 
voyé ensuite,  et  le  roi  même  lui  servant  d'in- 
terprète, il  fit  entrer  dans  le  sein  de  l'Eglise 
ime  infinie  multihide  de  ses  sujets  (Baron. 
An.  ()3i).  Saint  Wiifrid,  archevêque  d  Y(Mk, 
ayant  été  détrôné  par  la  persécution  d'un  roi 
inhumain,  avant  que  d'aller  à  Kome  alla 
prêcher  la  foi  aux  Frisons  (Baron.  An.  (J78  , 
n.  48).  Conune  ce  pays  était  dans  le  voisinage  de 


l'Angleterre,  ce  i^aint  prélat  crut  (]ue  son  ca- 
ractère d'évèque,  c'est-à-dire  de  successeur  des 
apùircs,  lui  donnait  le  droit  d'y  aller  prêcher. 
Il  le  fit  contiruier  par  le  Saint-Siège,  qui  a  re- 
cueilli la  succession  entière  de  l'apostolat.  Mais 
(|uand  saint  Kylien  voulut  aller  prêcher  l'Evan- 
gile dans  la  Kranconie,  lui  (|ui  était  moine  en 
Hibernie  ,  il  commença  jiar  aller  demander 
mission  au  pape  Conon  (Baron.  An.  G8G,  n.  7; 
090,  n.  7).  (k'ux  que  saint  Egbert  envoya  en 
Allemagne  prirent  aussi  la  mission  du  pape 
Serge,  selon  lièile.  Saint  Wilbrord  était  leur 
chef.  Siint  Vulfrau,  archevè(|ue  de  Sens,  n'eut 
besoin  que  de  la  permission  du  roi  et  du  prince 
Pépin  pour  aller  prêcher  aux  Frisons  (Baron. 
An.  700,  n.-2}. 


CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


DES  MÉTROPOLITAINS  EN  GÉNÉRAL,   LEUR  INSTITUTION,    LELRS   DROITS  ET  LEURS    DEVOIRS,    SOLS    L  EMPIRE 
DE  CHARLEMAGNE,  ET  SES  SUCCESSEURS.  —  DE  QUELQUES  MÉTROPOLES  EN  PARTICULIER. 


I.  Ils  doivent  convoquer  les  conciles  annuels. 

II.  Les  évt^ques  recouraient  à  leur  autorité,  et  eux  à  celle  Ju 
roi,  ou  (lu  concile  national. 

III.  Vigilajice  (les  métropolitains  i  observer  la  vie  des  évêques 
mêmes. 

IV.  Conduite  des  métropolitains  pour  eni|iêcher  qu'on  ne  fit 
des  évèques  indignes  de  ce  liant  rang. 

V.  Déniiuibrenient  des  droits  et  des  devoirs  des  métropoli- 
tains, selon  Hincmar.  Exemple  mémorable  d'un  vigoareux  mé- 
tropolitain. 

VI.  Hincmar  confesse  que  ce  sont  des  imitations,  ou  des 
émanations  de  la  supériorité  de  saint  Pierre  sur  les  apoties,  et 
de  ses  successeurs  sur  leurs  successeurs. 

Vil.  Quand  Pépin  et  Charlemagne  rétablirent  les  métropoli- 
tains, ou  recourut  au  Saint-Siége  pour  les  faire  conlirmer. 
Divers  exemples,  surtout  des  archevêques  de  Reiuis. 

VIII.  L'autorité  du  pape,  et  le  consentement  des  princes  né- 
cessaires pour  rétablissement  ou  le  rétablissement  des  métro- 
poles. Exemples  en  France,  en  Espagne,  en  Angleterre,  en 
Allemagne. 

IX.  i'ourquoi  on  demandait  au  pape  la  concession,  ou  la  con- 
firmation du  temporel, 

X.  Pouvoirs  exorbitants  que  les  Grecs  donnaient  à  leurs  em- 
pereurs, par  l'érection  des  métropoles  nouvelles,  et  pour  se 
dispenser  pour  tout  des  canons. 

XI.  ^uite  du  même  sujet. 

XII.  En  quoi  diflèrent  les  archevêques  des  métropolilaius. 
Remarque  d'Uarmeniquile.  Les  patriarches  de  Constantmople 
érigeaient  des  métropoles. 


I.  Des  primats  il  faut  passer  aux  métropoli- 
tains, dont  l'autorité  fut  rétablie  en  France  par 
le  légat  Boniface,  et  par  le  roi  Pépin,  apiès  les 
désordres  de  la  décadence  dé()lorable  de  la 
maison  de  Clovis.  Le  roi  Pépin  ayant  assemblé 
pres(]ue  tous  les  évêques  de  France  dans  son 
palais  de  Vernon,  eu  7r>o,  fit  ordonner  par  ce 
concile  ([ue  chaque  cité  aurait  son  évêque,  et 
que  les  évêques  rendraient  à  leurs  métropoli- 
tains une  obéi.'^sance  canonique  :  «  Secundum 
canonicam  inslilulionem  (Can.  i,  iv,  v,  ix),» 
que  tous  les  ans  on  tiendrait  deux  conciles, 
l'un  aux  calendes  de  Mars,  au  lieu  indiqué  par 
le  roi  et  en  sa  présence;  l'autre  aux  calendes 
d'octobre,  à  Soissons,  ou  au  lieu  désigné  par 
les  évêques  du  premier  concile;  que  les  métro- 
politains se  trouveraient  à  ces  conciles,  et  fe- 
raient assister  au  second  ceux  (ju'ils  jugeraient 
à  propos  d'entre  les  évêques,  les  abbés  et  les 
jirêtres;  que  les  monastères  seraient  réformés 
[)ar  les  évêques  auxquels  le  métropolitain  don- 


228        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


lierait  secours  dans  le  besoin,  qu'après  cela  on 
aurait  recours  au  concile,  et  enfin  au  roi 
nuine  pour  substituer  d'autres  abbés  plus 
zélés  pour  la  discipline  régulière;  enlin  qu'on 
pourrait  appeler  de  lexconimunication  fulmi- 
née par  un  évêque  au  métropolitain,  après 
quoi  les  incorrigil)les  violateurs  des  canons 
seraient  punis  d'exil  par  l'autorité  royale  :  «  li 
régis  judicio,  exilio  condemnarentur.  » 

II.  Il  paraît  bien  par  ces  canons  qu'il  n'y 
avait  alors  aucuns  primats  en  France ,  puis- 
qu'après  la  sentence  de  l'évèqne,  confirmée 
])ar  le  métropolilain,  on  ne  jjouvait  recourir 
qu'au  roi,  qui  taisait  en  (juelque  manière  la 
fonction  d'exarque  ou  de  primat.  Mais  on  peut 
dire  avec  vérité  que  le  roi  ne  paraît  que  comme 
défenseur,  et  en  quelque  manière  exécuteur  de 
la  sentence  des  évêques  et  des  métropolitains. 
A  quoi  il  faut  aussi  rapporter  le  canon  du  con- 
cile de  Francfort,  oîi  les  parties  qui  n'ont  pas 
acquiescé  au  jugement  du  métropolitain,  sont 
obligées  de  se  présenter  au  roi ,  afin  (ju'il 
prenne  connaissance  de  la  cause.  «  Et  si  ali- 
quid  est  (|uod  l'iiiscopus  metropolitanus  non 
possitcorrigere,  vel  pacificare,  tune  tandem  ve  • 
niant  accusatores  cum  accusato  cuni  lilteris  me- 
tropolitaiii,  ut  scianuis  verilalemrei  (Can.  vi).  » 

Il  ne  s'agissait  cpic  de  maintenir  les  sen- 
tences des  métropolitains.  Il  est  même  certain 
que  ce  n'était  qu'à  la  |)ersonne  sacrée  du 
prince,  et  non  |>as  a  celle  de  ses  officiers  ou  de 
ses  ministres,  que  cet  honneur  était  déféré  de 
connaître  d'une  cause  jugée  par  l'évèque,  et 
ensuite  par  le  métropolitain.  Le  concile  de 
Mayence  a|iporta  encore  (jnelque  tem])érament 
à  ce  décret,  mais  qui  ne  laisse  pas  d'êtie  très- 
avantageux  à  l'autorité  du  prince  dans  les 
causes  ecclésiastiques. 

Ce  concile  ordonne  qu'après  la  sentence  du 
métropolitain,  confirmative  de  celle  de  l'évêque 
provincial,  on  se  pourvoira  par-devant  le  con- 
cile, où  l'on  jugera  s'il  faudra  recourii'  au  ju- 
gement du  roi  ou  à  l'assemblée  générale  du 
clergé.  C'est  des  clercs  rebelles  dont  il  s'agit. 
«  Si  nec  archiepiscopus  eos  corrigere  valuei'it, 
tuncomninosubvinculisconstringantur,  usi|ue 
ad  synodum,  ut  ibi  eis  jiulicetiir  utrum  ad  ju- 
(lieinm  Domini  nostri,  aut  ad  istam  magniuii 
synodum  adferantur  sub  ctistodia  publica 
(Can  xx).  » 

Ceci  nous  retrace  légèrement  une  partie  de 
ce  que  nous  avons  dit  ci-ilessus  avoir  été  agité 
dans  les  synodes  des  Grecs;  savoir  (|ue  dans  les 


causes  ecclésiastiques,  quelques-uns  des  plus 
opiniâtres  appelaient  des  métropolitains  et  des 
conciles  provinciaux  à  l'empereur,  pendant 
que  les  synodes  des  évêques  s'attacliaient  à 
faire  terminer  les  causes  spirituelles  dans  les 
tribunaux  ecclésiastiques.  A  présent  chez  les 
(Irecs  et  chez  les  Français  l'on  appelle  des  ju- 
gements des  métropolitains,  tantôt  aux  rois, 
tantôt  à  des  synodes  supérieurs.  On  a  même, 
pour  y  réussir,  établi  des  primats  et  des  exar- 
ques; mais  la  juridiction  des  primats  n'a  pas 
duré  longtemps  chez  aucune  de  ces  nations. 

III.  Cbarlemagne  ne  travailla  pas  moins  que 
le  roi  Pépin,  son  père,  à  rétablir  tous  les  droits 
des  métropolitains,  et  la  mutuelle  correspon- 
dance entre  eux  et  leurs  sutîragants,  en  sorte 
que  toutes  choses  se  fissent  de  concert  entre 
eux.  «  Ut  ad  metropolitanum  episcopum  suf- 
fraganei  respiciant,  et  nihil  novi  facere  au- 
deant  in  suis  (larochiis,  sine  conscientiaet  con- 
silio  sui  metropolitani,  nec  metropolitanus  sine 
eorum  consilio  ;Capitul.  Aquisgran.  an.  789, 
c.  8).  » 

Il  n'était  pas  difficile  aux  métropolitains  et 
aux  évêques  de  concerter  entre  eux  toutes  les 
atTaires  de  quelque  conséquence ,  lorsqu'ils 
s'assemblaient  une  ou  deux  fois  tous  les  ans 
dans  les  conciles  provinciaux,  comme  nous  di- 
rons ailleurs. 

Mais  la  principale  vigilance  des  métropoli- 
tains et  des  évêques  de  clia(]ue  iirovince  était 
appli(|uée  à  observer  la  vie  et  la  conduite  des 
évêques  mêmes,  qui  sont  comme  les  flam- 
beaux qui  doivent  éclairer  le  reste  du  clergé 
et  les  peuples.  C'est  ce  que  nous  dit  précisé- 
ment le  concile  III  de  Valence  (Can.  xix).  «  Ut 
singulis  metropolitanis  cum  suis  sutlraganeis 
cura  sit  de  vita  et  opinione  non  sol  uni  totius 
cleri,  sed  etiam  ipsorum  episcoporum,  etc.  » 

IV.  Nous  parlerons  ailleurs  du  droit  que  les 
métropolitains  avaient  de  confirmer  les  évê- 
ques élus,  apiès  un  examen  rigoureux,  mais 
nous  ajouterons  ici  en  passant  un  autre  canon 
du  même  concile  III  de  Valence  (Can.  vu),  où 
il  est  ordonné  au  métropolitain,  si  le  roi 
nomme  à  un  évêché  une  personne  indigne  ou 
incapable,  d'exciter  le  clergé  et  le  peuple  à  al- 
ler laii'e  leurs  remontrances  au  prince,  d'y  aller 
lui-même,  s'il  en  est  besoin,  avec  les  évêques 
de  sa  province,  afin  de  ne  rien  oublier  de  ce 
qui  est  en  son  pouvoir  afin  que  l'Eglise  ne 
soit  pas  déshonorée  par  des  ministres  indi- 
gnes. «  Si  necessarium  metropolitanus  viderit. 


DES  MÉTROPOLITAINS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


229 


ne  tantiini  miiliim  coii,ilur  afien\  iil  indebito 
honorem  bonis  tantiim  debitiim  tradat,  in- 
striiat  populiini.  informet  clenim,  potins  adiré 
cleiiR'ntiam  iiiiperialeni  et  ijise  ciiin  coepisco- 
pis,  quibus  valiierit  modis,  ndeat,  ut  Ecclesiam 
Dei  gioriosns  iniperator  di^'iio  hoiioret  nii- 
nistro.  » 

V.  Quand  l'arcbevètiue  de  Reims  Hincuiar  se 
brouilla  avec  son  neveu  Hincmar,  évèque  de 
Laon,  et  qu'il  écrivit  cette  longue  apologie  de 
sa  conduite,  ou  cette  longue  invective  contre 
celle  de  son  neveu,  il  n'y  oublia  pas  toutes  les 
rencontres  où  le  jeune  Hincmar  avait  manqué 
au  respect  et  à  l'obéissance  régulière  (ju'il  de- 
vait à  son  métropolitain.  11  l'accuse  d'avoir  pris 
un  office  dans  la  maison  du  roi  sans  sa  partici- 
pation, et  même  contre  sa  défense,  «  contra 
interdictum  meum  canonicum  ;  »  de  s'être 
chargé  d'une  abbaye  liors  de  son  diocèse,  sans 
sa  permission,  quoi(]u'elle  lui  fût  nécessaire 
selon  les  canons,  afin  de  pouvoir  sortir  de  son 
diocèse  :  d'être  allé  plusieurs  fois  à  cette  ab- 
baye sans  sa  licence  :  a  Ad  (juod  monasterium 
irregulariter  adeptuni  in-  terlia  provincia,  sine 
mea  licentia,  quoties  tibi  placuit,  etiam  irre- 
gulariter perrexisti  (Opusc.  Lv.  Capit.  c.  2).» 
11  lui  montre  qu'en  résistant  à  son  métropoli- 
tain il  résistait  à  la  loi  divine  et  à  l'Esprit-Sainl 
qui  avait  formé  les  canons  de  son  Eglise,  et  qui 
avait  établi  cette  sainte  subordination  entre  les 
puissances  ecclésiastiques  :  «  In  quo  mihi  con- 
tra régulas  sacras  resistis,  Dei  ordinationi  re- 
sistis,  qui  per  sacros  canones,  Spiritu  Dei  con- 
ditos,  et  totius  mundi  reverenfla  consecratos, 
me  tibi  pr;eposuit,  et  te  milii  suj)posuit.»  Quel- 
que égalité  que  les  évoques  pussent  prétendre, 
il  lui  fait  savoir  qu'outre  les  appels  qui  ne  vont 
qu'au  métropolitain,  c'est  aussi  lui  seul  qui 
nomme  un  visiteur  aux  évêchés  vacants,  qui 
préside  à  l'élection,  qui  examine  et  confirme 
l'élu,  qui  nonune  lui-même  cflni  qui  doit  être 
évèque,  si  les  voix  des  électeurs  se  partagent 
(Ibid.  c.  6).  «  Si  fuerit  defunctus  episcopus, 
ego  et  non  tu  visitatorem  ipsi  vidual.e  desi- 
gnabo  Ecclesiae,  eleclionem  cum  decreto  cano- 
nico  pra>cipiani  fieri,  et  si  in  partes  se  eligen- 
tium  vota  diviserint,  meum,  et  non  tuum  erit 
eligere,  qui  mnjoribus  ad  ordinandum  studiis 
juvetur  et  meritis,  et  meum  est  ordinandum 
examinare,  non  tuum.  »  L'évêque  ne  peut  de- 
mander d'autres  juges  que  son  métropolitain 
et  les  autres  évêques  de  la  même  province  ; 
njais  le  métropolitain  peut  appeler  les  évêques 


des  provinces  voisines,  lorsqu'il  le  juge  néces- 
saire. «  Nec  tibi  licet  ex  alia  provincia  advocare 
episcopum  cogniton^m,  etc.  Sed  si  necesse  fue- 
rit pro  mcu'  provinciie  ambiguitatis  absolu- 
tione,  ego  a  vicina  provincia  judices,  si  decre- 
vero,  convocare  prœvaleo.  »  Les  évêques  dans 
leurs  doutes,  doivent  recourir  à  leur  métropo- 
litain, et  lui  au  pa|)e.  «  Si  in  causis  dubiis,  vel 
obscuris  ali(|uid  dubitas,  me  debes  inlerro- 
gare.  Et  si  ego  nesciero,  ego  apud  alios,  vel  si 
necesse  fuerit,  apud  sedem  apostolicam  debeo 
requirere,  et  tibi  absolvere.  Tu  autem  sine  me 
de  causis  generalibus,  nec  etiam  ad  sedem  apo- 
stolicam debes  requirere,  antequam  studeas 
me  inde  consulere.  »  Le  métroiiolitain  peut 
corriger  ses  suffragants  sans  attendre  la  tenue 
des  conciles  nationaux  ou  provinciaux,  lorsque 
les  fautes  connnises  sont  notoirement  condam- 
nées par  les  canons  des  conciles  et  par  les  dé- 
crets des  saints  Pères  (Ibid.  c.  .%  et  3.j|.  «  De  bis 
ex  quibus  certas  et  manifestas  sanctorum  con- 
ciliorum  et  apostolicae  Sedis  habemus  senten- 
tias,  si  contra  eas  feceris,  non  debeo  expectare 
provinciale  vel  générale  concilium,  vel  coepi- 
scoporum  nostrorum  cousultum.  sive  consi- 
lium  :  sed  statim  secun  lum  majorum,  et  or- 
thodoxorum  Patrnm  sententias  ea  corrigere 
debeo,  qua?  contra  eorum  definitionem  adnii- 
seris;  quia  ut  beatus  monslrat  Gelasius,  in  his 
non  novcE  constitutionis  autor,  sed  veteris 
constiliiti  execulor  exislam.  »  Les  évêques  doi- 
vent prier  pour  le  pape  et  pour  leur  métroiioli- 
tain,  qui  a  prié  pour  eux  en  leur  imposant  les 
mains  (Ibid.  c.  lU).  «  Cum  vobis  provinciœcoe- 
piscopis  per  primatem  ejus,  oralionibus  et  ma- 
nus  impositione  in  ordinatione  gratia  sancti 
Spiritus  et  episcopalis  onlo  tribuitur,  justum 
esse  per|)enditur,  ut,  pa|ia  Roniano  pradato,  ei 
a  vobis  oralionis  devotio  et  obeditionis  dilectio 
rependatur.  »  Enfin,  ce  savant  archevêque  se 
idaint  de  ce  que  l'évêque  de  Laon  avait  en 
même  temps  interdit  tous  les  ministres  sacrés 
et  tous  les  prêtres  de  son  église,  en  sorte  qu'on 
ne  pût  y  administrer  aucun  sacrement,  non 
pas  même  le  baptême,  ni  le  viatique,  jusqu'à 
son  retour  ou  jusqu'à  un  ordre  formel  du 
Siège  apostolique.  Cet  emportement  était  aussi 
outrageux  au  métropolitain,  que  dangereux  au 
salut  des  fidèles  ;Tom.  u,  p.  003). 

L'autorité  d'un  métropolitain  ne  fut  jamais 
plus  vigoureusement  soutenue  que  par  Ber- 
tolfe,  archevêque  de  Trêves  (Histor.  Trevir. 
Spicileg.  XII,   pag.  215).  Galon  avait  été  fait 


230         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


évêqne  de  Metz  après  la  mort  frAdveiitius,  et 
avait  reçu  le  palliiim  du  pajte  Jean  VIII.  Ber- 
lolfe  ayant  appris  qu'il  avait  poité  le  palliiim 
aux  fêles  de  Pâques,  rajipela  à  Trêves,  et  lui  lit 
des  reproeliesde  celte  entreprise.  Galon  fit  voir 
le  rescrit  du  ()ape,  qui  le  lui  accordait,  ayant 
déjà  été  accordé  a  quatre  de  ses  prédécesseurs, 
sans  blesser  la  soumission  qu'il  devait  à  son 
métropolitain.  «  Salva  in  onmibus  metropoli- 
tani  subjectione.  »  Le  premier  de  ces  quatre 
avait  été  Urbicius,  le  second  Crodegangus,  fils 
de  la  sœur  du  roi  Pépin,  le  troisième  Angel- 
ran,  le  quatrième  Drogon,  fils  de  Cbarle- 
magne.  Bertolfe  lui  opposa  les  canons,  qui  dé- 
fendent aux  pufîragants  de  rien  innover,  et  de 
rien  ajouter  a  leurs  ornements  et  à  leurs  pou- 
voirs, sans  la  licence  de  leur  métropolitain  ; 
après  quoi  il  lui  défendit  par  l'obéissance  qu'il 
lui  devait,  de  jamais  user  du  pallium.  «  Per 
sanclam  quam  in  omnibus  ecclesiasticis  nego- 
tiis  sibi  debtret  obedientiam.  » 

Galon  persistant  à  se  couvrir  de  l'autorité  du 
Saint-Siège,  et  Bertolfe  faisant  valoir  les  pou- 
voirs canoniques  des  métropolitains,  Hincmar, 
archevêque  de  Reims,  calma  enfin  cet  orage 
en  écrivant  une  b'ttre  pleine  de  sagesse  a  Galon, 
où  il  lui  persuada  de  se  soumettre  à  son  mé- 
tropolitain. «  Epistolam  Valoni  transmisit,  sa- 
pientiie  ac  sani  consilii  sale  conditam,  per  quam 
eum  ad  metropolitani  sui  instruxit  obedien- 
tiam, et  sic  reduxit  concordiam.  » 

Hincmar  crut  fort  sagement  tjue  bien  qu'on 
put  user  des  privilèges  du  Saint-Siège,  on  n'y 
était  pas  nécessité  ;  et  ce  n'était  pas  peut-être 
même  l'intention  du  Saint-Siège  qu'on  en  usât, 
quand  on  ne  le  pouvait  qu'en  rompant  la  bonne 
intelligence  et  la  concorde  du  sacerdoce.  En 
elfet,  le  pape  n'insista  point  à  faire  exécuter 
son  privilège,  et  ajirès  que  Bertolfe  eut  lait  pa- 
raître une  invincible  résistance,  il  n'en  fut 
autre  chose.  Continuons  de  rapi)orter  It-s  senti- 
ments d'Hincmar  sur  les  droits  des  métropoli- 
tains. 

VI.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  important  a  remar- 
quer dans  la  doctrine  d'Hincmar  sur  cette  ma- 
tière, c'est  la  confession  ingèiuie  qu'il  est  obligé 
de  faire,  (lue  tous  les  iiriviléges  et  les  pou\oirs 
des  métropolitains  sur  les  autres  évêques  sont 
des  images  ou  connue  des  rayonnements  du 
privilège  de  saint  Pierre,  au(juel  Josuj-Christ 
donna  la  primauté  sur  les  autres  apôtres  pour 
être  transmise  à  ses  successeurs,  sur  les  évê- 
ques successeurs  des  apôtres.  11  confesse  que 


la  primaulé  du  Saint-Siège  est  d'institution  di- 
vine, et  que  celle  des  métropolitains  est  insti- 
tuée par  l'Eglise  :  a  Sicut  solliciludo  et  prima- 
tus  tutius  Ecclesiœ  Calholicœ  ,  sancUe  Sedis 
Romanœ  ponlifici  divinitus  est  collata,  ita  et 
unicuique  melropolitano  et  primati  provinciae 
soUicitudo  sibi  delegalœ  provincite,  per  sacros 
canones  Si)iritu  Dei  conditos  noscitur  esse 
commissa  (Tom.  u,  p.  OOSi.  » 

Hincmar  entend  principalement  les  canons 
de  Nicée,  (jui  ont  été  les  plus  favorables  aux 
métropolitains,  parce  qu'il  n'y  avait  point  en- 
core ni  de  diocèses,  c'est-à-dire  d'assemblages 
de  plusieurs  provinces  sous  un  seul  chef,  ni 
d'exarques  de  diocèses  ,  c'est-à-dire  de  pri- 
mats, autres  que  les  trois  anciens  patriarches, 
ni  de  synodes  diocésains  ou  nationaux.  Mais 
comme  les  métropoles  étaient  plus  anciennes 
que  le  concile  de  Nicée,  ce  concile  peut  bien 
les  avoir  atîermies,  mais  non  pas  les  avoir  ins- 
tituées. Nous  avons  fait  voir  ailleurs  qu'elles 
sont  presque  aussi  anciennes  que  l'Eglise,  et 
ainsi  qu'elles  ont  précédé  les  conciles  mêmes, 
qui  n'ont  commencé  qu'avec  le  troisième 
siècle  ou  peu  devant.  Et  s'il  est  incontestable 
que  saint  Pierre  a  fondé  les  trois  plus  an- 
ciennes métropoles,  je  veux  dire  les  trois  an- 
ciens patriarcats  qui  n'ont  porté  que  le  nom 
de  métropoles  jusqu'au  temps  du  concile  de 
Nicée;  pour(iuoi  fera-t-on  difticulté  de  croire 
que  toutes  les  autres  métropoles  sont  aussi  des 
écoulements  ou  des  imitations  de  la  puissance 
et  de  l'autorité  (jue  Jésus-Christ  lui  avait  donnée 
pour  lui  et  pour  ses  successeurs  sur  les  autres 
apôtres  et  sur  leurs  successeurs? 

C'est  manifestenientsur  ce  principe  qu'Hinc- 
mar  de  Reims  prétend  qu'Hincmar  de  Laon 
violait  le  prnilége  du  siège  apostolique  de  saint 
Pierre,  par  ses  désobéissances  et  ses  révoltes 
contre  son  mèlropoljlain,  ijui  ]iarlicipait  à  ce 
même  |iri\ilège.  (Ibid.  p.  (ji5j.  «  Tu  probaris 
apostolicœ  Sedis  privilegio  resultare,  qui  me- 
tr(i]iolitano  pii\ilegio  obedire  deirectasti.  »  Et 
ailleurs  il  l'ail  toujours  couler  et  déjiendre  du 
|iremier  Siège  l'autorité  et  la  confirmation  de 
tous  les  autres  sièges  éminents  de  l'Eglise. 
(Pag.  ol.Si.  «  Quicumque  igilur  itriinates  [iro- 
vinciarum  a  Domino  constituti  et  apostolica  au- 
toritate  coniirinati  secuiidum  canones  et  dé- 
créta Sedis  Romana'  pontificum  judicanius, 
a|)ostulica  Sedes  conjudicat.  » 

Il  (ht  ailleurs  (|ue  lesaiicimis  canons  lui  suf- 
fisaient bien  avec  les  décrets  du  Saint-Siège 


DES  MÉTHOI'OLITAI.NS  SOUS  CHAIU.KMAGNK. 


231 


pour  les  droits  de  sa  métropole,  mais  qu'il  de- 
mandait de  nouveaux  ])iiviléges  an\  nouveaux 
papes,  parce  que  les  honunes  charnels  res|iec- 
tent  ordinairement  plus  les  nouvelles  ordon- 
nances que  les  anciennes.  (Pa^.  ,'ÎIO).  «  l'rivi- 
legia  Sedis  apostolicii'  non  ideo  petii,  ut  inilii 
non  sufficeretj  quod  sacri  canones  et  décréta 
Sedis  Romaiia?  poiitificuni  cuicjiie  nietropoli 
concedunt,  etc.  Sed  (juia  veleres  conslitutiones 
jain  quasi  pro  \ili  apud  quosdam  habenlur, 
carnales  homines  liis  novis  decretis  lerriti,  re- 
vereiitius  agereut,  etc.  » 

Entin,  il  confesse  nettement  que  le  privilège 
de  sa  métropole  est  renfermé  dans  le  privilège 
du  Siège  apostoliciue,  qui  est  connue  le  garde 
et  le  conservateur  de  tous  les  privilèges  et  de 
toutes  les  prééminences  de  l'Eglise  (Pag.  259). 
«  Quod  et  ego  pro  modulo  meo  servanduniesse 
volui  et  volo,  favente  Domino  in  liacdevotione 
manebo,  sciens  privilegium  metropolitanœ  Se- 
dis Remorum  in  snmmo  privilegio  sanctœ  Se- 
dis Romanœ  mauere,  et  privilegium  esse  Sedis 
Romana?,  si  sua  autoritate  privilegium  sibi 
subjectae  Sedis  fecerit  vigere,  et  studuerit  con- 
firmare  (Pag.  A3S).  »  11  rapporte  ailleurs  les 
paroles  de  la  lettre  de  saint  Grégoire  à  Augustin 
d'Angleterre,  par  lacjuelle  il  soustrait  aux  pou- 
voirs de  sa  légation  les  évè(|ues  de  France, 
parce  qu'il  les  a  déjà  soumis  à  l'arclievèque 
d'Arles,  se  conformant  en  cela  à  la  coutume  de 
ses  predécesstiurs. 

VU.  Aussi  dans  le  rétablissement  des  évê- 
chés  par  Pépin  et  par  Charlemagne,  les  arche- 
vêques recherchèient  avec  empressement  de 
faire  confirmer  leur  métropole  par  un  nouveau 
privilège  des  papes.  Le  pape  xVdrien  1"  l'ac- 
corda à  Tilpin,  archevêque  de  Reims.  (Tom.  ii, 
Conc.  Gall.  p.  7-4,  73.  Tom.  ni,  p.  21fi).  «  Pe- 
tisti  a  nobis  tibi  et  Ecelesi;e  tuie  (ieri  privi- 
legium ex  autoritate  beati  Pétri  priucipis 
apostùlorum,  et  sauctaî  Sedis  Romanae  ac  nos- 
ira,  etc.  »  Le  jiape  Nicolas  I"coutirnia  le  même 
privilège  à  Hincmar  :  «  Jus  secundum  eccle- 
siaslicas  conslitutiones,  prinialui  Ecclesiae,  et 
tibi  debilum  et  secundum  caiiones  et  décréta 
Romanoruni  pontificum,  ex  antiqua  consuelu- 
dine  traditum  et  conslitutum.  » 

Le  pape  Adrien  1''  releva  la  méiropole  de 
Vienne,  en  788,  déclarant  que  l'anarchie  des 
métropoles  pendant  soixante  ou  quatre-vingts 
ans,  ne  pouvait  préjudicier  à  leurs  droits.  Ba- 
ronius  a  rai)portè  cette  lettre  d'Adrien  1"  à 
Derleric  ,    archevêque    de    Vienne.    Le    pLq)e 


Jean  XIII  ('crixil  au\  é\êques  de  Rretagne 
pour  les  ramènera  l'obéissance  de  l'archevêque 
de  Tours,  au(|uel  les  souverains  pontifes  avaient 
donné  les  droits  de  niétroiiolc  (ibid.  p.  596)  : 
«  ArduinnsTuronensis  Ecclcsi;earcbi(  piscopus, 
veniens  ad  apostolurum  limina  Romain  ora- 
lum,  interpellavit  nos,  quod  jura  sui  arcbie- 
piscopatus,  (jua'  ab  anticjuis  tempiMibus|ier  dé- 
créta sanctorurn  pontificum  sanctu'  Romanic 
matris  Ecclesiœ  suis  praedecessoribus  concessa 
et  conlirmata  luerunt,  a  vestro  arcbie[iiscopo 
sublata  vident ur.  » 

Eu  effet,  rarclievccbé  (jue  les  évèques  de 
Rretagne  avaient  lâché  d'ériger  à  Dol,  pour 
ro|)poserà  celui  de  Tours,  a  été  enfin  aboli  par 
le  jugement  des  papes.  Si  nous  avions  l'histoire 
ancienne  de  toutes  les  métropoles,  comme  Flo- 
doard  nous  a  conservé  celle  de  Reims,  nous  y 
trouverions  apparemment  d'aussi  fréquentes 
contirmalions  de  leurs  privilèges  parles  papes. 
Hincmar  en  obtint  un  du  ]ia|ie  Benoît,  avant 
celui  de  Nicolas  :  «  Piivilegium  autoritate 
beati  Pétri,  etajjostolica}  ipsius  Sedis  huic  prœ- 
suii  llincmaro  conluUt;  ne  quilibet  luijus  diœ- 
ceseos  regulis  subjeclus,  eo  contempto  impune 
auderet  seu  valeret  aliéna  evpetere  aut  expe- 
ctare  judicia  (Flodoard.  1.  lu,  c.  11).  » 

Foulques,  digne  successeur  du  grand  Hinc- 
mar, obtint  la  mênie  grâce  du  pape  Marin  : 
a  Gui  eliam  lilteras  misit  \>vo  concedendo  de- 
bito  Reiuensis  KccUsia' privilegio  iL.  iv,  c.  1).» 
El  Adrien  ayant  succède  à  Marin,  Foubjues  lui 
envoya  les  privilèges  accordés  à  l'Eglise  de 
Reims  par  les  pa|ies  Léon,  Benoît  et  Nicolas, 
})our  en  obtenir  de  lui  non-seulement  la  con- 
firmation, mais  encore  raugmentation.  «Exem- 
liiaria  privilegiorum  a  Leone,  Benedicto  et 
Nicolao  pontiflcibLis  Romanis  Remensi  sedi 
coiicessoium,  buic  petit  lecilanda ,  et  ab  eo 
sibi  contirmauda  et  roboranda  atque  augmen- 
landa.  « 

Ges  privilèges  étaient  dillerenls  de  ceux  que 
le  même  Foulques  obtint  du  Pape  pour  la  con- 
servation du  temporel  de  son  Eglise,  contre  la 
violence  des  sacrilèges  usurpateuis  des  terres 
de  l'Eglise.  Le  même  pajjc  donna  au  même 
Foulques  la  commission  d'assembler  un  con- 
cile àWorins,  et  d'y  examiner  la  cause  de  deux 
archevêques  sur  les  droits  de  leur  métropole, 
savoir  de  Gologne  et  d'Hambourg  ou  de  Brème 
(Ibidem).  Il  écrivit  encore  pour  retenir  dans 
son  obéissance  les  évèques  de  sa  province,  qui 
voulaient  s'en  soustraire.  Etienne  ayant  suc- 


232         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CI.ERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


cédé  à  Formose  fibid.  c.  2),  Foulques  employa 
le  crédit  de  l'empereur  Charles  le  Gros,  pour 
obtenir  de  ce  pape  la  confirmation  des  anciens 
privilèges  de  son  Eglise.  «  Scripsit  et  ad  eum- 
dem  imperatorem  pro  percipiendo  a  Sede  Ro- 
mana  pallio,  roborandisque  datis  olim  a  Ro- 
manis pontificibusEcclesise  Remensi  privilegiis 
(Ibid.  c.  h).  » 

Il  employa  une  autre  fois  la  faveur  de  l'em- 
pereur Lambert  pour  le  même  sujet  :  «  Pro  me 
quoque  postiilo,  ut  ejus  milii  benevolentiam 
concilietis,  quatenus  tam  de  me,  quam  etiam 
de  sede  Remensi  mercedem  dignetur  habere, 
et  sua  illi  privilégia  inviolabiliter  custodire,  si- 
cut  omnes  sancti  praedecessores  ipsius  semper 
fecisse  noscunlur.  »  Enfin  il  est  à  croire  que 
tous  les  archevêques  de  Reims  en  usaient 
comme  Seulphe,  qui  succéda  à  Hervé,  succes- 
seur de  Phoniques.  Car  voici  ce  qu'en  dit  le 
même  Flodoard  :  «  Legatos  Romam  dirigens 
pro  consensu  papa?  Joannis  in  ordinafione  sua, 
pallium  ab  eodem  sibi  missumcum  litterispri- 
vilegii  hujus  sedis  suscepit  (L.  iv,  c.  f8).  » 

Vlll.  Les  premiers  siècles  de  l'Eglise  furent 
bien  [)lus  occupes  à  faire  de  grandes  choses, 
qu'à  les  écrire.  Comme  on  voit  plus  clair  dans 
l'histoire  des  siècles  suivants,  on  y  aperçoit 
aussi  bien  mieux  comme  les  métropoles  de 
l'Occident  ne  purent  être  établies  que  par 
l'autorité  des  papes  et  le  consentement  des 
princes. 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Rembert,  arche- 
vêque de  Brème,  dit  que  le  pape  qui  avait  ins- 
titué cette  métropole  en  la  personne  d'Anscha- 
rius,  à  qui  saint  Rembert  succédait,  et  (pii 
n'avait  encore  pu  lui  donner  des  suffraganls 
pour  l'ordonner,  parce  que  les  villes  voisines 
n'avaient  pas  encore  reçu  la  lumière,  de  l'Evan- 
gile ,  laissa  à  la  disposition  des  empereurs  de 
faire  ordonner  cet  archevêque  par  les  évêques 
qu'il  nommerait  pour  cela.  «  Porro  in  litteris 
Roman.f  Sedis  ponlificum  ,  a  (|uibus  archie|ii- 
scopi  privilegium  illi  sedi  collatum  est,  etiam 
hoc  continetur,  ut  <|uia  propter  novellam  ejus- 
dem  Sedis  institutionem,  et  nerdum  converses 
ad  fidem  populos,  suffraganei  non  habentur 
episcopi,  a  ([uibus  decedente  uno  alter  archic- 
j)iscopus  ordinetur;  Palaliiue  intérim  provi- 
dentire  succedentium  per  tempora  pontificum 
consecratio  sit  commissa,  donec  numerus  suf- 
fragani'orum  episco[)oruin,  canonice  eum  coii- 
secrare  debentium,  ex  gentibussuppleatur  (Su- 
rins die  'i.  Febr.  c.  0).  » 


Le  chronologisteAdamracontecomment  l'em- 
pereur Louis  le  Débonnaire  fit  ordonner  Ans- 
garius,  premier  archevêque  d'Hambourg,  dans 
un  concile  national,  et  lui  obtint  du  pape  le  pal- 
lium accompagné  des  privilèges  ordinaires  des 
métropolitains.  «  Habito  sacerdotum  generali 
concilio ,  Pins  Cœsar  votum  parentis  impleri 
cupiens,  Amaburg  civitatem  Trans-Albiauo- 
rum  metropolim  statuit,  eique  cathedrae  pri- 
mum  arcbiepiscopum  ordinare  fecit  Ânsga- 
riuni,  etc.  Roborante  id  Gregorio  IVapostolica 
aulhoritate,  et  pallii  donatione.  Habentur  in 
Ecclesia  Bremensi  prœcepta  Imperatoris  ,  et 
privilégia  papae  sanclo  Ansgario  data  (An.  832. 

—  Adam.  l.  i.  c.  10.  27.  —  Crantz.  l.  i.  c.  20. 

—  An  no  788).  » 

Charlemagne  érigea  l'évêché  deBrèmecomme 
un  illustre  trophée  de  ses  victoires  sur  les 
Saxons,  et  le  fit  confirmer  par  le  pape  Adrien 
(Adam.  1.  i,  c.  10,  27).  »  Le  pape  Nicolas  unit 
depuis  l'évêché  de  Brème  à  l'archevêché 
d'Hambourg  (.\n.  838).  Salomon,  roi  de  la  pe- 
tite Bretagne,  tâcha  d'obtenir  du  pape  Nico- 
las I"  et  ensuite  d'Adrien  H  le  pallium  avec 
la  dignité  de  métropole  pour  l'évêque  de  Dol  ; 
ses  elîorts  furent  inutiles,  et  cette  imaginaire 
métro]i<de  fut  enfin  anéantie,  comme  nous  le 
dirons  en  son  lieu.  Le  pape  Jean  Vlll  érigea  en 
archevêché  l'église  d'Oviédo  en  Gallice,  à  la 
demande  du  roi  Alphonse  :  «  Et  Ecclesiae  Ove- 
tensi  quam  vestro  consensu,  et  assidua  peti- 
tione  mctropolitanam  constituimus,  omnes  vos 
subdilos  esse  mandanuis,  et  concedimus  etiam 
prœdicta;  sedi ,  ut  ea  quœ  reges  seu  fidèles 
juste  obtulerunt,  vel  in  fulurum  Domino  opu- 
lante  contulerint,  rata,  firma  et  inconcussa  ma- 
nere  in  perjjetuum  prœcipimus  (Anno  882).  » 

Cette  translation  actuelle  du  siège  métropo- 
litain de  Lugo  à  Oviédo,  qui  était  le  séjour  des 
rois,  ne  se  fit  que  quelques  années  après  (An. 
901).  Enfin  l'auteur  de  la  vie  de  saint  Suvibert 
ne  donne  point  d'autre  raison,  pounjuoi  ayant 
été  ordonné  avant  saint  Villibrord,  il  lui  avait 
néanmoins  cédé  la  préséance  et  la  qualité  d'ar- 
chevêque d'Utrecht,  si  ce  n'est  que  saint  Villi- 
brord avait  été  ordonné  par  le  pape  et  destiné 
à  l'arclievêché  de  cette  nouvelle  métropole. 

«  Et  licel  sanctus  Suvibertus  egregius  ponti- 
fex  prœcesseril  sanctum  Villebrordum  tem- 
père, tamen  sanctus  Villebrordus  prœcedit 
sanctum  Suvibertum  dignitate,  et  primus  ar- 
chiepiscopus  Trajeclensis  reputatur,  eo  quod  a 
sancfo  Sergio  papa  archiepiscopus  Frisonum 


DES  METROPOLITAINS  SOUS  CHARLEMAC.NE. 


2.J3 


specialiter  consecratiis,  et  a  Sede  apostolica  ail 
eiimdetn  |iopnlimi  inissus  fuerit;  atijne  qiind 
ab  ilhisiri  iiiiiui|iL'  Piiiiiu)  et  Caroln  Maili'llo 
civitateni  Trajecteiiseni  ciim  siiisapiieinlicihnSj 
pro  se,  etc  ;  et  suis  successoiibus episcopis  Tra- 
jectensis  Ecclesiœ  impetraverit.  Et  ideosanctus 
Suvibertus  non  episcopus  Tiajectenfis  appella- 
tur,  sed  coepiscopus  sancti  Villebrordi  (Surins 
die  I.  Mart.  c.  13).  » 

Léon  ni  confirma  à  Adélard,  archevêque  de 
Cantorbory ,  le  privilège  de  sou  archevêché 
dans  la  même  forme  que  saint  Grégoire  l'a- 
vait autrefois  érigé  en  la  personne  d'Augustin, 
en  lui  donnant  douze  suflragants.  Adelard  était 
allé  à  Rome  pour  cela,  avec  les  lettres  du  roi 
Kenulplie,  qui  demandait  à  ce  pape  la  cassation 
de  la  métropole  de  Lichefield,  que  le  roi  OEfa 
avait  autrefois  fait  ériger  au  pape  Adrien  1" 
pour  démembrer  celle  de  Canlorbéry.  Ce  que 
ce  pape  accorda,  et  la  chose  fut  exécutée  en  un 
concile  d'Angleterre,  en  l'an  8ft3.  Voici  ies  pa- 
roles du  pape  Léon  III.  «  Unde  et  nos  veritiite 
ipsa  reperfa  ordinationes  seu  confirmationes 
autoritate  apostolica,  eas  illi  in  integro  ,  sicut 
antiquitus  fuerunt,  constiluentes  reddidimus, 
et  privilegium  confirmationis  secundum  sa- 
crorum  canonum  censuram  Ecclesi;i?  suœ  ob- 
servandum  tradidimus  (Epist.  i  ;  Malmesb.  de 
Gest.  Reg.  I.  i,  c.  4).  » 

Le  nombre  de  douze  suffragants  n'a  jamais 
été  observé  pour  les  métropolitains,  non  plus 
que  celui  de  douze  comtes  sous  un  duc,  quoi- 
qu'en  disent  les  annales  du  roi  Pépin.  Le  [tape 
Nicolas  I"  répondit  aux  Rulgares  qu'ils  de- 
vaient recevoir  leur  métropolitain  du  siège  de 
Pierre,  en  qui  Jésus-Christ  avait  mis  la  princi- 
pauté du  sacerdoce  :  «  A  quo  et  episcopalus 
et  apostolatus  sumpsit  initium,etc.  archiepi- 
scopatus  privilégia  per  nos  accipiat,  etc  (Epist. 
73).  »  Le  pape  Jean  Vlll  confirma  à  l'arche- 
vêque d'Angleterre  le  privilège  que  saint  Gré- 
goire avait  donné  à  Augustin  ,  c'est-à-dire  sa 
métropole  E|iist.  lxvI.  «  Nos  sedis  tu;e  privile- 
gium, quam  vice  B.  Augustini  a  saneto  Grego- 
rio,  etc.,  illibatum  tibi  proculdubio  volumus 
conservare,  etc  Epist.  ccxcixi.»  La  lettre  seconde 
du  pape  Formose  contient  un  semblable  renou- 
vellement du  même  privilège.  L'archevêque 
de  Milan  obtint  de  lui  une  semblable  confir- 
mation de  son  privilège. 

La  chronique  d'Hildeseim  rapporte  l'érection 
des  èvêchés  de  Bohème  et  de  l'archevêché  de 
Prague  par  l'empereur  Olhon  III,  avec  l'agré- 


ment du  |iape.  «  Coadnnata  synodo  episco- 
pia  VII  disposuit,  et  G;uidintiuii)  fiatrem  bcati 
.\iialiierli  in  principali  urbo  Slavornin  Pnig:e 
ordiiKU'i  feeit  archiepiscopum  licentia  Romani 
pontificis.  »  En  967  le  pape  Jean  XIII  érigea 
l'archevêché  de  Magdebourg ,  à  la  demande  de 
l'empereur  Othon.dans  un  concile  de  Ravenne. 
Baroiiius  met  cette  érection  en  071  (Du  Chesne 
Histor.  Franc,  tom.  m,  p.  bi7).  Il  est  indubi- 
table que  de  quelques  termes  (jue  se  soient 
servis  les  historiens,  l'autorité  pontificale  a  tou- 
jours dominé  dans  toutes  ces  érections  de  mé- 
tropoles ecclésiastiques.  On  les  énonçait  sou- 
vent sous  le  nom  des  princes,  parce  (ju'ils  en 
étaient  souvent  les  exécuteurs,  ou  même  les 
fondateurs. 

IX.  Nous  avons  rcmanpiè  la  raison  qui  por- 
tait les  archevêques  à  demander  au  pape  la 
confirmation  du  temporel  même  de  leurs  ar- 
chevêchés.C'était  pour  réjirinier  par  l'opposi- 
tion d'une  autorité  aussi  inviolable  et  aussi 
redoutée  que  celle  du  vicaire  de  Dieu  sur  la 
terre,  les  mains  sacrilèges  de  ceux  qui  envahis- 
saient alors  si  insolemment, et  pour  l'ordinaire 
si  impunément,  les  biens  de  l'Eglise.  Cela  passa 
en  coutume,  et  le  pape  Sylvestre  II  en  rendant 
l'arclievêché  de  Reims  à  Arnulphe,  qui  en  avait 
été  dépouillé  i.\driani  I  epist.  xv),  usa  de  ces 
termes  :  «  Confirmamus  insuper  tibi  et  conce- 
dimus  archiepiscopatum  Remenseni  in  inte- 
grum  cum  omnibus  episcopatibus  sibi  subje- 
ctis,  seu  cum  omnibus  monasteriis,  plebibus  , 
titulis  atque  capellis,  cortibus  atque  castcllis, 
villis,  casalibus  et  cum  omnibus  rébus  ail  Ec- 
clesiam  Remensem  pertinentibus  (Gerberti  , 
Epist.  Lv).  »  Arien  I"  en  avait  autant  écrit  à 
Tilpin,  archevêque  de  Reims. 

X.  Pour  ne  pas  oublier  entièrement  l'Eglise 
grecque  et  pour  ne  pas  me  laisser  aller  néan- 
moins à  une  longueur  ennuyeuse,  je  me  con- 
tenterai de  faire  les  remarques  suivantes,  qui 
m'ont  parade  quelque  conséquence.  Balsamon 
dit  (ju'un  archevêque  qui  avait  souvent  enseigné 
et  prêché  dans  les  èvêchés  de  sa  province,  sans 
l'agrément  des  évêques,  justifiait  sa  conduite, 
et  repoussait  les  plaintes  qu'on  faisait  de  lui, 
en  disant  que  d'enseigner  ou  de  prêcher  n'est 
pas  une  fonction  épiscopale,  et  outre  cela,  que 
ces  èvêchés  étaient  de  son  ressort.  Mais  le  con- 
cile n'approuva  pas  cette  réponse.  «  Quœ  qui- 
dem  magnœ  synodo  non  ]ilacuerunt  In  Canon 
XI V  Apost).  » 

Il  confesse  ailleurs  que  les  empereurs  peu- 


■234        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


vent  ériger  des  évêcliés  en  métropoles  ,  par  un 
ancien  pouvoir  qui  leur  en  a  été  donné  (lu  Ca- 
non xu  Conc.  Calced.)  :  «  Milii  videtur  ejus- 
modi  fleri  ab  iniperatorihus  divi?iones,  secun- 
do m  polestatem  illis  (»lim  dalam  (In  Canon 
xxxviii  Conc.  TruU.).  »  Mais  il  assure  aussitôt 
ai)rès  que  ces  nouveaux  métropolitains  ne  lais- 
seul  pas  d'être  encore  soumis  à  l'ancien,  (pii 
conserve  le  pouvoir  de  les  ordonner,  de  les 
juger,  et  de  les  contenir  dans  la  sujétion. 
«  Pra'terquam  (|uod  episcopatus  metropolisMi- 
catur,  in  aliis  onniilnis  antiquœ  metropnli  dé- 
bet subjici.  Ejus  cniiii  e|iiscopus  ab  anliquo 
jnclropdlilano  ordinahitur,  et  ab  ii»so  judica- 
bitur,  et  ci  onuiino  jubjicietiir.  «  Ainsi  ce  n'é- 
tait qu'un  nom  et  un  boiineiir  que  l'empereur 
accordait. 

L'emjiercur  Alexis  Comnène  voulut  donner 
[dus  de  force  et  plus  d'étendue  au  privilège 
que  les  canons  donnent  aux  empereurs,  «  Im- 
perium  meuni .  quod  ci  a  di\iuis  canonibus 
datum  est  privilegium  :  neglectui  liaberi  non 
sinens,  etc.  »  Il  ordonna  que  les  évécbés  ou 
arclievèchés  (jue  l'empereur  aurait  mis  au 
rang  des  métropoles,  ne  seraient  |)lus  soumis  à 
leur  ancien  métropolitain,  mais  relèver.dent 
immédiatement  du  patriarcbe  de  Conslantinople 
(Ibidem).  Il  est  vrai  (jn'il  a|)|TOrta  en  même 
temps  un  tempérament  tort  sage  a  cette  ordon- 
nance, car  il  défendit  au  patriarche  de  recevoir 
aucun  de  ces  sortes  de  brevets, s'il  ne  lui  appa- 
raissait, ou  s'il  n'avaita|)[>ris(lc  la  boucbe  |>ropre 
de  l'empereur  qu'il  l'avait  accordé  de  son  proftre 
mouvement  et  pour  des  raisons  justes  et  im- 
l)orlanl('S,  sans  sollicitation  et  sans  brigue  de 
la  part  des  prélats. 

«  Im|ierator  permittit  sanctissimopatriarclue, 
ne  aliter  a  quovis  allalam  de  cujuscumiiue 
Ecclesiœ  primatu  cartam  confirmet,  nec  ejus 
prœsulem  inter  arcbiepiscopos,  vel  Melropoli- 
tanos  recipiat,  quarn  po^tqnam  de  ea  re  ad 
imperialem  i)oteslatcm  retiilerit,  et  ipiid  sacris 
cautum  sit  canonibus  docuerit,  et  intellexerit, 
tpiod  imperalor  proprio  motu  justa  de  causa 
Ecclesiu'  lumc  lionoreni  largitus  est.  Tune  eiiim 
cum  admittet ,  et  in  connu  (jui  siib  se  sunt 
antistitum  numeruin  illnm  coojitabit.  » 

Ralsamon  dit  ailleins  que  (juel(iues-uns 
étaient  si  persuadés  que  ItMopereur  n'est  nul- 
lement asservi  aux  canons,  qu'ils  lui  allri- 
buaient  le  pouvoii-,  non-seuleinenl  (i'érig(!r  de 
nouveaux  évéclu's  et  de  nou\ elles  méiropoles, 
mais  aussi  de  i)crmettre  aux  évèiiues  d'exercer 


les  fonctions  épiscopales  dans  les  autres  évé- 
cbés, sans  la  permission  des  évèques  du  lieu 
(In  Canon  xvi,  Carthag.). 

Cet  auteur  ne  désapprouve  pas  trop  ce  senti- 
ment, juiisqu'il  ajoute  une  cbose  encore  plus 
exorbitante,  savoir  que  l'empereur  peut  donner 
toutes  les  dispenses  qu'un  évèque  donnerait  et 
qu'il  n'est  pas  assujetti  aux  lois  canoniques,  puis- 
qu'il nonune  les  évèques  et  les  pat riarcbes  contre 
les  défenses  des  canons  qui  ne  permettent  pas 
aux  princes  de  se  mêler  des  élections.  «  Si  hoc 
jiolest  regionis  episco[ius,  nndto  magis  impe- 
ralor, qui  non  cogitur  sequi  canones,  qui  de- 
cernunl  e|)iscoporum  electiones  a  provinciali- 
bus  episcopis  lieri,  non  autem  a  magistratibus  : 
ideoque  citra  electionem  episcopos  et  patriar- 
chas  provebit  imperator.  » 

XI,  Enfin  Ralsamon  rapporte  la  constitution 
de  l'empereur  Isaac  l'Ange,  qui  déclare  que  les 
métropoles  d'institution  impériale  recevront 
leurs  évèques  du  patriarche  de  Constantino- 
ple,  et  non  pas  de  leur  ancien  métropolitain  ; 
et  que  par  conséquent  le  patriarche  même  de 
Conslantinople  ne  sera  plus  obligé  de  se  faire 
ordonner  par  le  méfro|)olifain  d'Hêraclée,  du- 
([uel  il  relevait  autrefois  ^Supplem.  pag.  lli  i,. 
Les  conciles  mêmes  par  une  molle  et  excessive 
condescendance  donnaient  ce  pouvoir  aux  em- 
pereurs, de  pourvoir  aux  évêcliés,  d'en  faire 
des  métropoles,  de  les  soustraire  entièrement 
aux  anciens  métro|)o1itains,  afin  de  n'être  liés 
par  aucune  loi  canonique. 

C'est  ce  que  Ralsamon  même  confesse  en 
parlant  d'Alexis  Comnène  :  «  Promulgata  est 
imperatoria  sententia,  prœsente  synodo,  com- 
munique tune  suffragio  decernente,  utimpe- 
ratori  permissum  sit  prœsidenlia;  thronum 
Ecclesiis  elargiri.et  tam  episcopatus,  quain 
archiepiscopatus  in  métropoles  eligere,  quœ- 
que  peilinent  ad  electiones  in  bis  faciendas, 
ca^teraque  recte  constituenda  pro  liibilu  suo 
(lisponere,  citra  ullum  canonis  illius  inipidi- 
mentum  ;  qui  decernit,  ut  salva  sint  metroi)oli 
jura  sua,  quic  in  episcopatum  honore  auclum 
jampridcm  halii'bal  Juris.  Orient.  ]iag.  131).  » 
trelait  le  canon  xu  du  concile  de  Calcédoine 
qui  conservait  à  l'ancien  métropolitain  ses  an- 
ciens droits  sur  la  nouvelle  métro|)ole.  Ainsi  la 
flatterie  des  Grecs,  autorisée  même  par  leurs 
conciles  dans  ces  derniers  siècles ,  accordait  à 
l'empereur  le  |pou\oir  de  dis|ien5er  des  canons 
des  conciles  lecumeniques,  et  le  nieltail  au- 
dessus  de  toutes  les  lois  ecclésiastiques.  Il  n'est 


DES  METROPOLITAINS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


2:i^ 


pas  néanmoins  Iiors  d'apiiarcnce  que  c'était 
peut-étru  une  complaisance  forcée,  qui  cédait 
à  de  moindres  mauv  pour  en  |)réveiiir  de  plus 
grands.  Car  le  patriarclie  Nicolas  lit  une  re- 
montrance sur  ce  sujet  au  même  empereur 
Alexis  Comncne,  à  la  générosité  de  laquelle 
il  ne  se  peut  rien  ajouter  (Juiis.  Orient,  pag. 
271,  us(iue  iH\\.  Car  il  lui  mit  devant  les 
yeux  avec  une  sainte  liberté  et  avec  beau- 
coup d'érudition  tous  les  anciens  canons  et 
les  lois  impériales  mêmes,  qui  désapprouvent 
ou  qui  condamnent  ces  créations  de  nouvelles 
métropoles  fiar  les  empereurs,  sans  omettre 
les  exemples  formels  de  leur  révocation,  qui 
se  lisent  dans  les  actes  des  conciles  œcuméni- 
ques. 

Il  rapporte  ensuite  les  lois  saintes  qui  dé- 
fendaient ces  innovations,  à  moins  qu'il  y  eût 
une  nécessité  pressante  pour  l'évidente  utilité 
de  l'Eglise,  et  qu'alors  même  on  fît  intervenir 
le  consentement  du  concile  et  que  l'empereur 
donnât  une  juste  compensation  à  l'ancien  mé- 
tropolitain ,  dont  on  diminuait  le  ressort  par 
ce  démembrement  :  «  Non  aliter  id  asseque- 
bantur,  nisi  public*  utililatis  id  suaderet  ratio, 
et  synodus  assenliretur,  et  metropolitanus  re- 
munerationes  se  dignas  ex  imperatoris  manu 
consecutus,  qua^  gererentur,  a|)probaret.  » 
Après  cela  le  patriarche  représente  à  l'empereur 
que  les  lois  impériales  contraires  aux  canons 
ne  peuvent  être  d'aucune  vigueur;  que  l'ordon- 
nance du  prince  ne  peut  pas  renverser  celle  de 
l'Eglise  ;  que  la  coutume  ne  peut  autoriser  des 
abus  notoires  et  insupport.ibles.  «  Nam  neque 
pragmatica  sanclio  adversus  divinos  canones  va- 
lebit.  Constitutum  a  majestate  tua  subnotatum 
leges  et  canones  evertere  non  potest,aut  verita- 
tem  succutere.  ^!ec  longa  consuetudo  efticiet  un- 
qnam,  ut  (]uoil  ab  initio  subsistere  non  potuit, 
locum  habeat.  »  Que  quand  l'exaltation  des 
Eglises  serait  un  bienfait  des  empereurs,  ils  ne 
pourraient  révot|uer  ces  libéralités,  puisqu'on 
ne  peut  accuser  l'Eglise  d'ingratitude  ;  au  con- 
traire que  les  donalions  injustes  faites  par  la 
facilité  des  empereurs  sont  blâmées  et  révo- 
quées par  les  lois  mômes  ;  ainsi  ces  nouvelles 
grâces  ne  peuvent  subsister,  puif(iu'elles  font 
une  injustice  à  une  Eglise  pour  faire  grâce  a 
une  autre.  EnQn  que  la  révocation  de  ces  pri- 
vilèges n'est  pas  sans  exem|)le  :  puis(]ue  sous 
l'empereur  romain  un  tribunal  composé  de 
prélats  et  de  magistrats ,  où  le  [latriarcbe  pré- 
sidait, remit  sous  l'obéissance  de  l'ancienne 


métropole,  un  archevêché  de  cette  sorte.  Si  les 
(liées  n'ont  cédé  au  torrent  impétueux  de  l'au- 
torité impériale  (ju'ajjrès  des  remontraiu;es  de 
cette  force,  ils  sont  [leiit-ètre  plus  à  plaindre 
<iu'à  blâmer,  d'avoir  usé  de  modération  dans 
des  rencontres  oii  une  inflexible  fermeté  eùl 
pu  allirer  encore  de  plus  grands  désoi'dres. 

Au  reste,  ce  qui  a  été  rapporté  de  lialsamon 
ci-dessus,  et  ce  que  Zonare  a  écrit  sur  le  xn°  ca- 
non de  Calcédoine  et  sur  le  xxxvnr  ni  Triillo, 
font  assez  connaître  que  les  empereurs  ne 
déférèrent  aucunement  à  toutes  ces  remon- 
trances. 

XII.  Il  est  bon  d'apprendre  de  Balsamon  la 
ditlérence  que  les  Grecs  mettaient  entre  les 
archevêques  et  les  métropolitains  (Pag.  AM). 
Ceux-ci  avaient  plusieurs  évéchés  sous  leur 
juridiction,  ceux-là  n'en  avaient  aucun,  mais 
aussi  ils  ne  relevaient  d'aucun  inétroi)oiitain. 
C'est  en  ce  sens  qu'on  ai)pelait  l'arciievéque  de 
(iotliie.  Ainsi  les  archevêques  étaient  comme 
dans  un  milieu  entre  les  métropolitains  et  les 
évêques.  En  parlant  ci-dessous  du  pallium, 
nous  dirons  que  les  évêques  de  Metz  et  d'Or- 
léans, qui  obtinrent  le  pallium,  furent  appelés 
archevêques  quoiqu'ils  fussent  toujours  soumis 
à  leurs  métro|)olitains  et  (ju'ils  n'eussent  au- 
cuns sullragants. 

Entre  les  annotations  d'IIarmenopule  sur 
répitome  des  canons,  on  peut  remarquer  celle- 
ci  (Pag.  Il):  Qu'un  métropolitain  peut  bien 
célébrer  le  divin  sacrifice  dans  l'évêché  d'un 
de  ses  sutl'ragants,  avec  sa  permission,  mais 
que  dans  les  diptyques  il  fera  mention  du  pa- 
triarche et  non  pas  de  l'évêque  du  lieu,  puis- 
qu'il est  son  inférieur.  «  Metropolitanus  episcopi 
quidem  sibi  subditi  concessu,  in  ejus  territorio 
sacra  peiagat  :  verum  relationem  non  episcopi, 
sed  patriarchœ  facial.  Non  enim  admitti  débet, 
et  ordini  divino  refragatur,  ut  superior  rela- 
tionem sibi  subjecti  facial.  » 

Fmissons  ce  chapitre  par  celte  dernière  re- 
marque un  peu  ])lus  importante  :  que  les  pa- 
triarches de  Constantino|)le  érigeaient  aussi  des 
métropoles  avec  l'agrément  ou  par  les  ordres 
des  empereurs.  Luitprand  raconte  que  l'empe- 
reur Nicéphore  Pliocas  enjoignit  au  patriarche 
Polyeucte  de  Constantinople  d'ériger  en  métro- 
pole l'Eglise  d'Otrante  dans  l'Italie,  de  lui  don- 
ner des  sutfragants  et  d'ordonner  que  le  servic(; 
s'y  lit  à  la  grecque  (Baron.  Aniio.  9G.S,  n.  8). 
Le  iiatriarche,  obéissant  aux  ordres  de  cet  em- 
pereur, érigea  celte  melropole  et  cinq  évéchés 


236       DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-QUATRIÈME. 


sous  elle,  quoique  tout  ce  pays  eût  été  jus- 
qu'alors (le  la  métropole  de  Rome. 

On  peut  ici  remarquer  en  passant  que  la 
multiplication  de  tant  de  métropoles  et  de 
tant  d'évêchés  dans  le  royaume  de  Naples, 


vient  en  partie  de  l'ambition  des  Grecs,  qui 
vouliient  attacher  par  autant  de  liens  toutes 
ces  lielles  et  riches  provinces  à  leur  Eglise  et 
à  leur  Etat. 


CHAPITRE  QUAR.\NTE-QUATRIEME. 


DE    QIELQLES   AUTRES   METROPOLITAINS   EN   PARTICILIER.    DIT    RANG    DES   METROPOLES   GRECQUES. 
DES    ÉVÊQIES   PROTOTRONES    DANS    CHAQUE    PROVINCE. 


I.  Explication  du  concile  de  Francfort,  tonchanl  les  métropoles 
de  Vienne,  d'Arles,  de  Taranlaise,  d'Embrun  et  d'Aix. 

II.  Suite  du  luême  sujet.  Pourquoi  les  métropoles  de  Nar- 
bonne,  d'Eause  et  d'Aix  ne  paraissent  point  dans  le  testament 
de  Charlcmagnc. 

m.  Raisons  de  l'éclipsé  de  ces  trois  métropoles  et  de  celles 
de  Taranlaise  et  d'Embrun. 

IV.  De  la  métropole  prétendue  de  Dol  en  Bretagne.  Pourquoi 
le  pape  Nicolas  !<''  traita  de  roi  le  duc  de  Bretagne. 

V.  Diverses  révolutions  des  métropoles  de  Lorch,  Laureacum, 
et  de  Salsbourg  en  Allemagne. 

VI.  Des  métropoles  qui  avaient  le  premier  rang  entre  celles 
d'un  patriarcat. 

Vil.  L'empereur  Léon  le  Philosophe  régla  le  rang  des  mé- 
tropoles pour  toujours. 

VIII.  Le  rang  de  l'ordination  gardé  entre  les  dignités  infé- 
rieures. 

IX.  Raisons  de  cette  différente  police. 

X.  Singularité  de  Trêves  et  de  Reims. 

XI.  Titres  honorifiques  de  quelques  Eglises  grecques. 

I.  11  nous  reste  encore  quelques  remarques 
à  faire  sur  les  métropoles  particulières  de  la 
France,  outre  celles  dont  il  a  été  parlé  dans  le 
chapitre  précédent. 

Le  concile  de  Francfort  termina  le  ditTércnd 
qui  s'était  rallumé  entre  les  métropolitains 
de  Vienne  et  d'Arles,  et  ordonna  que  selon  les 
anciens  décrets  des  papes  Grégoire,  Zozime, 
Léon  et  Symmaque,  Vienne  se  contenterait  de 
quatre  suU'ragants  et  Arles  en  aurait  neuf  (Le 
Coint.,an.  7o-2,  n.  Ui3  ;  an.  7oo,  n.  81,  ISi; 
an.  773,  n.  39,  40).  Quant  aux  métropoles  de 
Taranlaise,  d'iViiilirun  et  d'.Vix,  dont  le  droit 
était  disputé,  on  s'en  rapporterait  au  jugement 
du  Siège  apostoli(jue.  «  De  Taraiilasia  vero,  et 
Kbroduno,  sive  ,\quis,  legatin  fada  est  ad  Se- 
deiii  aposlolicam,  et  (juidquid  per  ]iuntificein 
Romante  Ecclesia;  definitum  fuerit,  hoc  tenea- 
tur  (Canon.  lul.  » 


Voilà  comment  ce  concile  national  recourut  à 
l'origine,  ou  au  modèle  des  métropoles,  pour 
décider  les  contestalions  qui  pouvaient  naître 
entre  elles.  11  y  a  fondement  de  croire  que  le 
jugement  du  Saint-Siège  fut  favorable  à  Taran- 
laise et  à  Embrun,  et  qu'il  fut  suspendu  pour 
Aix,  puisque  dans  l'énimicration  (jui  est  faite 
des  métropoles;  comprises  dans  l'empire  de 
Charlcmagne,  Taranlaise  et  Embrun  ont  rang 
parmi  les  autres,  et  Aix  est  omis.  {]ette  énumé- 
ration  se  lit  dan?  le  testament  du  même  empe- 
reur, peu  d'années  avant  sa  mort ,  et  les  mé- 
tropoles montent  au  nombre  de  vingt  et  une. 
Rome,  Ravenne,  Milan,  Frioul,  Grade,  Cologne, 
Mayence,  Salsbourg,  Trêves,  Sens,  Besançon, 
Lyon,  Rouen,  Reims,  Arles,  Viennes,  Taran- 
laise, Embrun,  Cordeaux,  Tours,  Rourges. 
Les  métropoles  d'Aix  et  de  Narbonne  y  sont 
oubliées  (Conc.  Gallic,  tom.  iii,  pag.  552,  492, 
497). 

IL  Les  Sarrasins  désolèrent  entièrement  la 
province  d'Aix  en  l'an  739.  Cette  métropole  et 
tous  ses  évêchés  suffragants  vaquèrent  depuis 
pendant  fort  longtemjis  ,  savoir  :  Gap,  Apt, 
Riez,  Fréjus,  .Vntibcs.  Les  catalogues  des  évêques 
sont  vides  pendant  tout  ce  temps-là.  Le  bas  Lan- 
guedoc avait  aussi  été  envaiii  par  les  mêmes  Sar- 
rasins ,  et  ce  ne  fut  qu'en  75.'S  que  le  roi  Pépin 
les  repoussa  au  delà  des  Pyrénées,  après  avoir 
repris  Narbonne.  La  métropole  de  Narbonne 
fut  alors  rét,d)lie,  et  ce  brave  roi  Itii  soumit 
les  trois  évêchés  de  Barcelone ,  de  Gironne  et 
d'Urgel ,  qu'il  avait  conquis  sur  les  Maures  au 
delà  des  Pyrénées.  Selon  que  les  conquêtes  de 


DES  MÉTKOI'OLITAINS  EN  PARTICULIER. 


237 


nos  rois  s'étendirent  ensuite  plus  loin  sur  les 
Sarrasins  en  Espagne  ,  les  suIVragants  de  la 
métropole  de  Narbonne  se  multiplièrent. 

Nos  rois  de  la  seconde  race  furent  en  cela  les 
imitateurs  de  ceux  de  la  première.  La  mètio- 
pole  de  iNarbonne  étant  autrefois  soumise  aux 
rois  Visigoths  d'Espagne,  et  celle  de  Bourges  à 
nos  rois  ;  nos  rois  ajoutaient  à  la  métropole  de 
Bourges  tout  ce  qu'ils  conquéraient  sur  celle 
de  Narbonne,  et  les  Visigoths  soumettaient  à  la 
métro|)olede  Narbonne  tout  ce  qu'ils  pouvaient 
surprendre  de  celle  de  Bourges. Ce  furent  donc 
les  Sarrasins  qui  firent  éclipser  pour  un  jieu 
de  temps  la  métropole  de  Narbonne, aussi  bien 
(jue  celle  d'Aix.  L'archevêque  de  Narbonne  fut 
en  procès  avec  l'évêque  d'Elne  pour  le  comté 
de  Razès,  où  sont  situées  les  villes  d'Alel  et  de 
Liinours.  Le  comté  ayant  été  adjugé  à  l'arche- 
vè(|ue,  il  prit  (iiielquefois  le  titre  d'archevêque 
de  Narbonne  et  de  Razès.  En  793  les  Sarrasins 
reprirent  Narbonne,  Barcelone  et  Gironne  (ibi- 
dem, an.  791 ,  n.  15;  795,  n.  8).  Voilà  une  seconde 
éclipse  dans  cette  illustre  métropole.  C'est  peut- 
être  pour  cela  qu'elle  est  omise  dans  le  catalogue 
des  métropoles,  auxquelles  l'empereur  Cliarle- 
mugne  partagea  ses  trésors,  dans  le  testament 
qu'il  fit  selon  Eginhard  trois  ans  avant  sa  mort, 
c'est-à-dii-e  en  l'an  811.  Ce  testament  ne  fait 
mention  (jue  de  vingt  et  une  métropoles,  quoi- 
que cet  empereur  en  eût  vingt-quatre  dans  ses 
Etats.  Celles  de  Narbonne ,  d'Eause  et  d'.\i\  y 
sont  omises.  Le  concile  de  Francfort  ci-dessus 
allégué  s'intéressa  pour  Aix  et  non  pas  pour 
Narbonne,  parce  que  ce  concile  se  tenait  en 
794  et  qu'il  n'y  avait  encore  qu'un  an  que  cette 
ville  était  tombée  sous  la  puissance  des  Sarra- 
sins. 

On  peut  aussi  dire  que  nos  rois  furent  bien 
aises  d'assujettir  Narbonne  à  Bourges,  pour 
l'afl'ermir  et  l'assurer  davantage  à  leurs  Etats, 
en  l'assujettissant  à  une  ancienne  métropole 
de  l'empire  français ,  comme  ils  soutuirent 
Eause  a  Bordeaux.  Aix  avait  été  repris  sur  les 
Sarrasins  :  mais  la  ville  et  l'Eglise  d'Aix,  les 
villes  et  les  Eglises  de  ses  sutlragants  n'étaient 
l)eut-étre  pas  encore  en  un  état  qui  lui  rendit 
sa  métropole  incontestable.  Le  concile  s'en 
rapporta  au  pape, aussi  bien  que  de  celle  d'Em- 
brun et  tle  Tarantaise.  Et  puisijue  le  testament 
de  Charlemagne  donne  rang  à  Embrun  et  à 
Tarantaise  entre  les  métropoles ,  sans  faire 
mention  d'Aix,  c'est  une  preuve  que  la  résolu- 
tion du  pape  ne  lui  fut  pas  favorable.  La  ville 


d'Eause  avait  été  ruinée  i>ar  les  Vandales,  selon 
les  archives  de  Lescar,  citées  par  M.  l'.aluze 
dans  ses  savantes  notes  sur  les  capilulaires 
(pag. 1071),  etla  métropole  n'ayant  pas  si  tôt  été 
ti'ansférée  à  Auch,  tous  les  sul^|■agant;^  anciens 
d'Eause  relevèrent  pendant  ce  temps-la  de  l'ar- 
chevêque de  Bordeaux,  qui  fut  ensuite  appelé 
chef  de  la  Novenqjopulanie.  La  métropole  d'Aix 
fut  plus  heureuse,  car  on  la  vit  enfin  revivre. 
Dans  le  concile  de  Nîmes,  qui  fut  assemblé  en 
S8(i  par  l'archevêque  de  Narbonne  Théodard, 
l'archevêque  d'Aix  est  nommé  entre  les  arche- 
vêques d'Arles  et  d'Embrun,  «  Adfuere  Rosta- 
gnus  Arelatensis,  Matfridus  Aquensis,  Ermal- 
dus  Ebrodunensis,  archiepiscopi ,  et  cum  eis, 
Paulus  Aptensis,  etc.  »  Le  pape  Jean  Vlll  écri- 
vit aux  trois  archevêques  d'Arles,  de  Narbonne 
et  d'Aix,  a  parilms  (Epist.  cxci).  Ainsi  la  mé- 
tro[)ole  d'Aix  n'était  plus  contestée.  L'archevê- 
que d'Aix  souscrivit  au  concile  de  Mantale  l'an 
879. 

111.  Quant  à  la  ville  de  Tarantaise,  elle  était 
bien  métropole  dès  le  tenqjs  du  pape  saint 
Léon  ,  connue  il  paraît  par  les  notices  des  pro- 
vinces, mais  n'ayant  (ju'un  sutfragant,  dont  le 
séjour  était  Octodunim ,  le  même  pape  la  dé- 
clara soumise  à  la  métro[)ole  de  Vienne  (Le 
Cointe,an.  749,  n.  48),  parce  qu'il  était  né- 
cessaire qu'il  y  eût  au  moins  trois  suffra- 
ganls  pour  célébrer  les  ordinations  de  leur 
métropolitain  et  avec  leur  métroiiolitain.  Le 
roi  Contran  ayant  enlevé  la  ville  d'Aoste  aux 
Lombards,  et  ayant  bâti  saint  Jean  de  Mau- 
rienne ,  il  en  fit  des  sièges  de  sutlragants  sous 
l'archevêque  de  Tarantaise.  Ainsi  Tarantaise 
ayant  trois  sutTragants  demanda  d'être  érigée 
en  métropole  parfaite  et  indépendante ,  et  elle 
l'obtint  du  pape  par  le  moyen  du  concile  de 
Francfort. 

11  se  pourrait  aussi  faire  que  pendant  que 
Narbonne  obéissait  aux  Visigoths  d'Espagne  ou 
aux  Sarrasins,  les  archevêques  de  Vienne  et 
d'Arles  eussent  disputé  entre  eux  la  primauté , 
ou  la  primatie  de  toute  la  Gaule  Narbonnaise, 
et  eussent  essayé  de  s'assujettir  les  trois  petites 
métropoles  d'Embrun,  d'Aix  et  de  Tarantaise. 
C'était  peut-être  là  le  sujet  de  la  contestation 
entre  ces  deux  archevêques,  dont  il  est  parlé 
dans  le  canon  vui'  du  concile  de  Francfort. 
M.  de  Marca  croit  que  le  pape  laissa  Aix  dans  la 
sujétion  de  l'archevêque  d'Arles,  et  qu'ainsi 
Charlemagne  l'omit  dans  le  dénombrement  des 
métropoles,  parce  que  c'était  l'ancienne  dispo- 


238        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-QUATRIÈME. 


sition  du  pape  Symmaqiie.  Mais  on  lui  oppose 
que  Synimaque  avait  aussi  laissé  Tarantaise 
sous  le  métropolilain  de  Vienne,  ce  qui  n'em- 
pêcha pas  qu'elle  n'en  fût  affranchie  après  le 
concile  de  Francfort. 

Après  tout  rien  ne  me  paraît  plus  probable 
(|ue  ce  que  j'ai  dit  au  commencement,  que  ce 
fut  la  saisie  et  le  renversement  de  l'Ej^lise  et 
(le  la  ville  d'Aix  par  les  Sarrasins,qui  obscurcit 
l)0ur  un  temps  sa  glorieuse  qualité  de  métro- 
pole. 1°  C'est  la  même  raison  que  celle  de  la 
(lélaillauce  de  Narbonne.  2°  Les  catalogues  des 
évoques  manquent  |>our  cet  intervalle  de  défail- 
lance, et  ils  ne  manqueraient  |>ass'ilyeùteu  des 
évéques,  quoiqu'ils  eussent  été  soumis  à  Arles. 
3°  Cette  sujétion  de  la  métropole  d'Aix  à  celle 
d'Arlesnel'cùt  pas  privée  deslibéralitésdcCbar- 
lemagne.  puis(ju'elle  était  toujours  métropole 
et  avait  nombre  de  suffragants.  4°  Les  métro- 
poles qui  relevaient  de  la  primatie  de  Rourges, 
ne  laissèrent  pas  d'être  parlicipantes  des  bien- 
faits de  cet  empereur  dans  son  testament.  Pour- 
quoi aurait-il  donc  donné  l'exclusion  à  celle 
d'Aix  seulement  ?  .'^>''  La  seule  primatie  de 
Bourges  a  subsisté  pendant  l'empire  de  Char- 
lemagne.  C'est  inutilement  qu'on  en  recherche 
d'autres. 

IV.  La  contestation  fut  un  peu  plus  longue 
entre  les  évèques  de  Rretagne  et  le  métropoli- 
tain de  Tours,  de  l'obéissance  du(juel  ils  tâ- 
chaient en  vain  de  se  soustraire,  pour  secouer 
ainsi  plus  facilement  le  joug  de  la  domination 
française.  Ce  concile  de  Toul  tenu  en  859  leur 
écrivit  pour  les  retirer  de  cette  double  perfidie, 
contre  leur  roi  et  contre  leur  archevè(|ue  : 
«  Quatenus  ad  suam  metropolim  redeant,  et 
Salomonem  conmioneant,ut  promissam  fidem 
glorioso  régi  Carolo  ob>ervet  Can.  vm).»  Il  les 
pria  de  se  ressouvenir  des  lettres  que  les  pa|>es 
Léon  et  Benoît  avaient  autrefois  écrites  à  leur 
duc  Nomenoy  avec  menaces  d'excommunica- 
tion, si  l'on  ne  rendait  au  métropolitain  de 
Tours  l'ancienne  sujétion  qu'on  lui  devait  ;  en- 
fin les  légats  du  concile  sont  chargés  de  faire 
ressouvenir  Salomon  ,  que  les  anciens  Bretons 
ont  toujours  été  tributaires  du  roi  de  France. 
«  Consideret  gentem  Britannorum  Francis  ab 
iiiitio  fuis?e  subjeclam,  et  siatntum  di'fiendisse 
tributuui  :  ac  jier  hoc  non  dedignetur  ad  nu- 
per  omissam  reverti  consuetudinem.  » 

Le  pape  Nicolas  renouvela  ces  même?  instan- 
ces à  Salomon  An.  8t).')i ,  au(jui'l  il  rlonnail  la 
qualité  de  roi,  l'exhortant  à  faire  rentrer  tous 


les  évoques  de  son  royaume  dans  l'ancienne 
dépendance  du  métropolitain  de  Tours.  «  Ut 
omnes  episcopos  regni  tui  ad  Turonensiimi 
archieiijscopiun  mittere  non  detrecles.  Ipse  est 
enim  metropolitanus.omnesque  episcopi  regni 
tui  ejus  sufîraganei  sunt,  sicut  conscriptiones 
pr;edecessorum  meorum  evidenter  ostendunt 
(Conc.  Gall.  tom.  m,  p.  27t>).  » 

Comme  le  prince  et  les  évèques  de  Bretagne 
ne  se  rendirent  pis  à  ces  ordres  du  pape  Nico- 
las, le  concile  III  de  Soissons  conjura  le  pape 
d'user  de  lettres  encore  plus  pressantes  et  de 
remèdes  plus  efficaces,  pour  punir  la  double 
révolte  des  Bretons,  qui  méprisaient  leur  mé- 
tropolitain légitime,  et  ses  conciles  provinciaux, 
qui  ne  se  rendaient  pas  aux  conciles  généraux 
de  France,  quand  le  pape  les  indi(|uait.  «  Sed 
neque  ad  generalitatis  nostra^  synodum ,  si 
quando  apostolatus  vestri  autoritas  nostram  fra- 
ternitatem  pro  quibuslibet  negotiis  congregan- 
dam  decernit  An.  .'iii(i,  ibid.  pag.  298).  »  Et  qui 
avaient  créé  à  Dol  un  métropolitain  chiméri- 
que, «  Cui  loco  se  jactitant  sedem  metropolim 
contra  fas  habere.  »  Ensuite  ce  concile  pria  le 
])ape  d'employer  ses  foudres,  pour  obliger  le 
prince  des  Bretons  de  rendre  les  mômes  sou- 
missions, et  de  payer  au  roi  le  même  tribut  que 
ses  ancêtres  lui  ont  rendu  :  «  Hactenus  indo- 
mitam  feritalem  principali  mucrone  compri- 
mere  ,  Ecclesiœ  filiis  efficaciter  succurrere 
dignemini.  n 

Au  reste ,  si  le  pape  Nicolas  donna  la  qualité 
de  roi  à  Salomon  de  Bretagne ,  ce  ne  fut  qu'a- 
près que  le  roi  Charles  le  Chauve  la  lui  eiit 
accordée ,  à  lui  et  à  ses  successeurs  qui  étaient 
déjà  nés,  en  consentant  en  même  temps  à  l'é- 
rection de  l'archevêché  de  Dol,  en  reconnais- 
sance d'un  graml  secours  que  ce  (irince  lui 
avait  amené  au  siège  d'Angers.  C'est  ce  que  le 
P.  Sirmond  a  justifié  par  un  papier  du  monas- 
tère de  saint  Michel,  «  Salomon  ad  obsidionem 
Andegavensem  in  auxilium  Carolo  venit.  Hujus 
rei  gratia  Carolus  Salomoni  régi  Brittonum 
habere  permisit  circulum  aureum,  et  purpu- 
rani.  et  archiepiscopalem  sedem,  et  proprium 
uumisma,  et  insuper  onmia  régi  convenientia, 
et  non  solum  illi,  verum  etiam  successoribus 
suis  (k'inceps  habenda  permisit  (Nota  in  Capi- 
tula Caroli  Calvi,  p.  KMi).  » 

Le  même  empereur  dans  le  concile  de  Crécy 
en  l'an  877  fCapit.  Caroli  Calvi.  p.  42i,  -i39) 
jiroposa  les  moyens  de  recouvrer  le  royaume 
de  Bretagne,  puisque  tous  ceux  à  (jui  on  l'avait 


DES  MÉTROPOLITAINS  EN  PARTICULIER. 


2.19 


accordé  par  une  nécessité  inévitable,  étaient 
morts.  «  Uiialiter  regiunn  (|U()i!  ncccssilato 
liiiltuiiibus  tinoiuiani  jiiranieiito  condiniatuin 
fuerat,  quia  de  illisqnibus  tîrmalum  est,  niil- 
lus  supcrsies  est,  a  luielibiis  nostris  reeipiatur.  » 

En  etlet,  ni  la  royauté,  ni  rarclievéïlié  de 
Bretagne  n'eurent  plus  de  suite  après  la  mort 
de  Saionion,  qui  n'eut  pour  successeurs  (jue 
des  ducs,  et  non  pas  des  rois. 

L'archevêché  de  Dol  se  maintint  encore  quel- 
que temps,  nonobstant  les  décrets  contraires 
des  papes  Jean  VIII  et  Jean  Xlll,  Grégoire  VII 
et  Urbain  II  (Eiiist.  Joan.  VIII,  221;  Epist.  ii, 
Joan  XIII);  mais  enfin  il  fut  entièrement  éteint 
par  la  sentence  d'Innocent  III  qui  mit  fin  à  ce 
différend.  Nomenoy  qui  avait  donné  commen- 
cement à  cette  rébellion  ,  n'avait  (las  cru  pou- 
voir bien  établir  sa  tyrannie  ,  qu'en  chassant 
sous  de  fausses  accusations  une  partie  de  ses 
évèques,  qui  se  retirèrent  vers  le  roi  Charles,  et 
en  en  substituant  d'autres.  Mais  désespérant  d'en 
pouvoir  obtenir  la  consécration  de  l'archevêque 
de  Tours  Du  Chesne,  Hist.  Franc,  t.  n,p.  107), 
il  forgea  l'imaginaire  archevêché  de  Dol,  ajou- 
tant trois  nouveaux  évêchésaux  quatre  anciens 
évêchésde  Bretagne,  savoir  :  Dol,  Saint-Brieuc, 
et  un  autre.  Nous  parlerons  dans  le  chapitre 
suivant  du  différend  entre  rarchevêque  de 
Tours  et  l'évêque  de  Dol. 

V.  Le  pape  Eugène  ayant  été  informé  par 
L'rolphe,  archevêque  de  Lorch,  de  l'étal  de  .'^on 
Eglise,  écrivit  aux  évêques  de  Hongrie  et  de 
Moravie  en  l'an  s-24,que  l'archevêque  de  Lorch 
avait  eu  autrefois  sept  évê(iues  sulfragants. 
En  524  mourut  Théodore,  évêque  de  Lorch. 
Ces  provinces  et  ces  Eglises  furent  longtemps 
désolées  |)ar  diverses  irruptions  des  infidèles. 
S.  Ruper  évêque  de  Worms  et  métropolitain 
des  provinces  d'Allemagne,  étant  allé  établir 
son  trône  métropolitain  à  Salsbourg,  y  finit  ses 
jours,  après  avoir  mis  deux  de  ses  coopérateurs 
pour  évêques  à  Lorch  et  à  Passau.  Les  évêques 
de  Lorch  furent  depuis  suffragants  de  la  mé- 
tropole de  Saisbourg  jusqu'en  CG6.  Car  Brunon, 
évêque  de  Passau,  ayant  aussi  été  fait  évêque 
de  Lorch,  et  ces  deux  évêchés  ayant  été  unis, 
il  se  trouva  enfin  revêtu  de  la  dignité  de  mé- 
tropolitain de  Ba\ière,  par  la  mort  d'Ansologe, 
métropolitain  de  Saisbourg,  et  par  l'extinction 
de  sa  métropole.  Lts  évêques  de  Lorch  et  de 
Passau  furent  depuis  métropolitains  de  la  Ba- 
vière jusqu'en  798  que  la  métropole  de  Sais- 
bourg fut  rétablie. 


En  S-22  il  se  lit  une  transaction,  jiar  lai(uclle 
les  deux  évêclics  di'  Lfireli  et  de  Passau  fnivnt 
désunis.  Lorch  hit  démembré  de  la  m^troiiole 
de  Saisbourg,  et  érigé  en  métropole,  à  bicpiclle 
devaient  obéir  les  évêchés  de  Hongrie,  de  Mo- 
ravie, et  des  |)rovinces  voisines,  soit  érigés,  soit 
a  ériger. 

C'est  ainsi  que  le  père  le  Cointc  a  démêlé 
toutes  ces  révolutions  (Le  Cointe,  an.  8-24. 
n.  20),  causées  par  les  inondations  des  peujdes 
barbares,  et  par  l'application  infatigable  d'une 
partie  de  ces  prélats  à  travailler  à  la  conversion 
des  infidèles.  Ce  fut  là  la  cause  de  l'union  (!t  de 
la  désunion  de  deux  évêchés,  de  la  translation 
des  métropoles  d'une  ville  à  une  autre  ,  de 
l'éclipsé  et  du  rétablissement  d'une  rnênic  mé- 
troiiole,  enfin  de  la  création  d'un  métropoli- 
tain pour  des  évêchés  à  ériger,  et  pour  des 
peuples  qui  n'étaient  pas  encore  convertis. 

Le  recours  d'Urolphe  à  Home  montre  que 
ces  érections  de  métropoles  étaient  portées  au 
Saint-Siège,  aussitôt  qu'on  le  pouvait.  Car  le 
pape  Eugène  ordonne  dans  ses  le.tres  qu'on 
érige  des  évêchés  dans  les  lieux  où  ils  ont  au- 
tretois  été  et  oii  ils  paraîtront  nécessaires  au 
métropolitain,  auquel  il  confie  l'autorité  et  le 
vicariat  du  Saint-Siège.  «  Cui  vicem  nostram 
apud  vos  ecclesiastici  regiminis  per  omnia 
conuuisimus.  »  Je  [larlerai  des  révolutions  de  la 
métropole  d'Hambourg  et  de  Brème  dans  le 
chaiiitre  lvi. 

VI.  Il  ne  sera  pas  inutile  de  remanjuer  ici, 
que  nonobstant  que  le  rang  et  la  préséance  en- 
tre les  métropolitains  et  les  évêques  d'un  pa- 
triarcat ou  d'une  province  dépendit  du  temps 
de  leur  ordination ,  il  y  avait  néanmoins,  assez 
souvent,  une  méti'opole  dans  cha(iue  patriar- 
cat et  un  évèché  dans  chaque  province,  à  qui 
la  préséance  était  affectée,  sans  avoir  nul  égard 
à  l'antiquité  de  l'ordination.  Tel  était  dans  le 
patriarcat  d'Antioche  le  métropolitain  de  Tyr, 
qui  prit  cette  qualité  de  prototrône  dans  le 
concile  VllI  général,  en  vertu  de  laquelle  aussi 
il  gouvernait  lui-même  le  patriarcat  pendant 
le  temps  que  le  siège  patriarcal  était  vacant^  et 
remplissait  sa  place  dans  ce  concile.  «  Thomas 
metropolita  Tyri  primœ  sedis  exislens  sedis 
Antiochiie,  qua  patriarca  privata,  ipse  locuni 
tenet  sedis  illius,  usque  dum  fiât  patriarca  in 
eadtm  sede  Act.  1.  Synod.  \\n\.  »  Il  est  aussi 
appelé  «  Protothronus  Antiochiœ.  »  Et  dans  le 

texte  grec,    irpuTOÔfOyo?  xal    Èçaf//,;    y.ù    70-CTT.fr,7T.;  r^; 


240        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-QUATRIÈME. 


Vil.  L'empereur  Léon  le  Sage,  usant  de  ce 
vaste  pouvoir,  que  la  llatterie  de  ses  lâches 
prélats  lui  laissait  prendre,  fit  une  ordonnance 
et  une  disfiosiliun  nouvelles  où  il  marqua  les 
rangs  que  devaient  tenir  à  l'avenir  toutes  les 
métropoles,  les  archevêchés  et  les  évêchés, 
sans  avoir  aucun  égard  au  temps  de  l'ordina- 
tion de  chaque  évèque  (Tom.  ii.  Juris).  Ainsi 
le  rang  demeura  affecté  aux  Eglises  et  aux  siè- 
ges, et  non  pas  à  la  personne  des  [irélals.  Cette 
disposition  se  lit  dans  le  Droit  oriental  deLeun- 
clavius  (Orient,  p.  89,  90,  etc.  243.  244,  etc.). 

Le  patriarche  et  l'empereur  marquent  encore 
en  un  autre  endi'oit  le  rang  que  les  métropoles 
et  les  archevêchés  doivent  invariahlement  gar- 
der, afin  de  prévenir  toutes  ces  contestations 
honteuses,  pour  un  honneur  imaginaire  entre 
des  personnes  saintes,  (jui  doivent  faire  gloire 
de  fouler  aux  pieds  la  gloire  du  siècle  et  de  ne 
rechercher  avec  passion  que  les  avantages 
solides  de  riuimorlalilé.  «  .\bsurdum  enini  vi- 
debatur,  eos  sedis  primatum  usurpare,  et 
decoris  causa,  quod  est  potius  dedecus  et  infa- 
mia  ,  pontificatus  dignitalem  posthac  conlu- 
melia  aificere,  cum  solam  immortalem  gloriam 
curare  deberemus,  quae  marcorem  non  admit- 
tit,  sed  semper  effiorescit ,  et  sui  studiosos 
gloria  incoii  upta  exornat  et  illustrât.  » 

Le  patriarche  Alexis  de  Constanlinople  fut 
porté  par  cette  même  raison  à  ordonner  aux 
évèques  de  suivre  le  rang  de  leurs  métro[)oli- 
lains,  et  ne  s'engager  jamais  dans  ces  disputes 
d'honneur  qui  déshonortait  si  fort  i'épiscopul. 
«  De  sessione  e|)iscoporuin  sancimus,  ut  ei>i- 
seopi  secundiun  ordincm  suorum  nielrojioli- 
tanorum  sedeant,  idque  in  consessibus  saeris  , 
et  in  synodis  et  in  conviviis;  neque  superiores 
sedes  et  ]irimatus  sfudium  affectent,  indignis 
sese  modis,  inferioruni  nietropolium  episco|ti  : 
sed  in  suos  metropolitanos,  tanquam  in  canones 
et  sancfiones  quasdam  oculos  dirigant,  secun- 
duni  (pios  in  concessibus,  et  ubi([ue  sese  confor- 
ment (Ibid.  p.  2uS).  » 

VIII.  Ralsamon  remarque  fort  bien  .  quoi- 
(|u'il  sui\e  toujours  le  iienchant  de  la  flatterie 
grecque,  que  le  canon  du  concile  de  Cartilage, 
(|ui  donnait  rang  à  tous  les  évêques  selon  le 
temps  de  leur  ordination,  a  été  abrogé  par  la 
corislituUon  de  Léon  le  Sage,  qui  a  réglé  les 
séances  et  les  rangs  des  trônes  et  des  Eglises, 
dont  l'original  était  conservé  dans  le  Carto- 
phylace  de  Constanlinople  (In  Can.  lxxxix. 
Carlhagin.).  Au  reste,  que  le  temps  de  l'ordi- 


nation était  observée  entre  les  prêtres,  les  dia- 
cres, et  les  ordres  inférieurs  :  «  Jus  autem 
prioritatis  in  clericorum  ordinibus  locum 
habet.  Ilonoratur  enim  unusquisque,  prout 
prier  est  tempore.  »  Ralsamon  appelle  cette 
préséance  entre  les  ecclésiastiques  un  droit 
d'aînesse,  77fc-.  =  ;£5;a,  comme  si  l'ordination  était 
une  régénération  et  une  seconde  naissance, 
(]ui  donne  de  nouveaux  rangs  entre  les  aînés 
et  les  puînés. 

Mais  quant  aux  offices  et  aux  dignités  de 
l'Eglise,  Ti  Èx.i'.iY.a'.MTiy.à  àpxovTixiœ,  DalsamoH  assure 
qu'il  n'y  avait  autre  rang  que  celui  que  les 
évêques  voulaient  donner  en  créant  ces  offi- 
ciers, ce  qui  lui  paraît  un  juste  sujet  d'éton- 
nement    qu'un  puîné    précédât  souvent  son 

amé.  Kat   07'.  fj.£Ta*j'£V£ar£foç  TTfOTiaàTC.t    xoO  -Trpo-j'SVÈaTépou 

ea6p.aî;M.  Ce  qui  a  donné  de  l'admiration  à  Balsa- 
mou  nous  donnera  peut-être  une  marque 
certaine  de  la  nouveauté  de  ces  dignités,  et  au 
contraire  de  l'antiquité  des  véritables  dignités, 
des  ordres  sacrés,  et  des  autres  ordres  ensuite, 
dont  les  fonctions  s'exercent  dans  le  sacrifice. 
Car  l'ancienne  règle  (]'ii  déférait  tout  à  l'aînesse, 
s'observe  encore  dans  les  ordres,  <jui  sont  les 
véritables  dignités  ;  mais  ces  dignités  posté- 
rieures déiiendaient  île  la  volonté  des  évèques 
dans  leur  rang  aussi  bien  que  dans  leur  créa- 
tion. 

Nos  derniers  siècles  rougiront  peut  -  être 
d'être  tombés  dans  l'oubli  et  peut-être  même 
dans  le  mépris  des  véritables  dignités  de  l'E- 
glise, qui  ne  sont  autres  que  les  saints  ordres 
mêmes,  et  de  courir  avec  artieur  après  d'autres 
dignités  nouvelles  qui  ont  moins  de  sainteté, 
mais  plus  d'éclat. 

IX.  Ces  deux  différentes  polices  ont  leur  an- 
tiijuité,  leurs  raisons  et  leurs  avantages.  Car 
les  Eglises  patriarcales  au-dessous  du  pape  ont 
toujours  gardé  entre  elles  un  ordre  invariable, 
sans  considérer  le  temps  de  l'ordination  des 
|ialriarches.  Les  métropoles  ont  toujours  aussi 
conservé  leur  supériorité  sur  les  évêchés 
de  la  province,  et  l'Afrique  seule  a  donné  la 
dignité  et  les  fonctions  de  métropolitain  au 
plus  ancien  évèque  de  la  province.  Entre  les 
métropoles  il  y  en  a  eu  souvent  une,  aussi 
bien  (|u'un  évêché  entre  les  suflragants  d'une 
métropole,  à  (|ui  on  a  donné  le  iiremier  rang 
au-dessus  des  autres,  sans  que  ranticpiitè  d'or- 
dination pût  rien  changer  à  cette  disposition. 

On  pourrait  ajouter,  (ju'il  est  ficiie  dans  un 
royaume,  où  il  n'y  a  qu'une  centaine  d'évê- 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOUVELLES  MÉTROPOLES. 


241 


elles,  ou  un  peu  plus,  de  reconnaître  le  temps 
de  l'ordination  de  chaque  évêqae,  maisque  cela 
était  presque  impossible  à  Constantinojile,  où 
les  métropolitains  et  les  évêques  de  tout  l'em- 
pire se  rencontraient  souvent  en  fort  grand 
nombre.  Ainsi  le  plus  court  était  de  régler  une 
fois  pour  toutes  les  séances  des  églises  et  des 
sièges. 

X.  Hincmar  a  remaniué  une  autre  singula- 
rité entre  les  Eglises  de  Trêves  et  de  Reims.  Car 
encore  que  Trêves  dût  être  préférée,  à  cause 
que  c'a  été  le  siège  de  l'empire,  et  qu'elle  est 
capitale  de  la  première  Belgique  ,  comme 
Reims  de  la  seconde  ;  néanmoins  la  coutume 
avait  prescrit  que  ces  deux  Eglises  vivaient  entre 
elles  comme  deux  bonnes  sœurs,  sans  aucune 
préférence  de  l'une  siu-  l'autre,  en  sorte  que 
celui  des  deux  métropolitains  qui  était  le  pre- 
mier ordonné,  avait  le  dessus  dans  le  synode 
commim  des  deux  provinces,  et  que  dans  l'in- 
terrègne l'Eglise  vacante  était  charitablement 
secourue  par  le  prélat  et  par  les  suffragants  de 
l'autre. 

«  Quoniam  Ecclesiae  Remensis  et  Treverensis 
comprovinciales  atque  sorores  et  ex  anliquitate 
et  ex  antiqua  consuetudine  habentur,  ea  con- 
ditione,  nt  qui  prior  fueritepiscopusordinatus, 
prior  etiani  habeatur  in  synodo,  et  sibi  mutiio 
consilio  etauxilioloveantur  (Apud  Flodo.,1.  ni, 
c.  20).  »  C'était  donc  ici  la  personne  et  non  pas 
le  lieu  qu'on  considérait  dans  les  préséances;  : 
a  Ut  isdem  cpiscopus  non  loci.sed  dignitate 
ordinis  prior  secundum  sacras  régulas  ha- 
beretur  (Hincm.,  tom.  n,  |).  258).  »  Au  lieu 
qu'ailleurs  dans  les  occurrences  semblables  on 


avait  plus  d'égard  au   lieu  (ju'aux  personnes. 

XI.  Héraclée  était  la  première  de  toutes  les 
métropoles  du  patriarcat  de  Conslanlinople, 
doii  venait  son  privilège  de  sacrer  le  patriar- 
clie.  Curopalale  remarciue  que  le  patriarche 
Polyeucte  n'ayant  pas  été  ordonné  par  le  mé- 
tropolitain d'Héraclèe,  fut  ensuite  de  cela 
exposé  à  de  grands  orages.  La  notice  de  Léon 
le  Sage,  et  celle  d'Isaac  l'Ange  mettent  néan- 
moins Cèsarèe  en  Cappadoce  pour  prototrône 
de  Constantinople.  Cèsarèe  en  Palestine  était 
prototrùne  dans  le  patriarcat  de  Jérusalem. 

Andronic  Paléologue  l'Ancien,  qui  commença 
de  régner  l'an  1-283,  affecta  des  titres  d'hon- 
neur aux  èvè([ues  des  premières  Eglises.  Il 
donna  à  celui  de   Cèsarèe  en  Cappadoce,   la 

qualité  de    0-:;7-.a'.;    tûv    ût:^:zwm'i,    /-.il    £;'P"/.^;   -iir.i 

'k-.y-o.i.;.  a  Honoratissimorum  honoratissimus, 
et  totius  Orientis  primas.  »  A  celui  d'Ephèse  le 
titre  de  ù-i^zw.^;  ■/.%':  iEap/.o?  -iTf.i  Asîi;,  «  Honoratis- 
simus  et  totius  Asiae  primas.»  Acelui  d  Héraclée 
la  qualité  de  KcoiJfc;  twv  ■j-sfTtu.wv  x^x  Ctfl.-{iy,  -im^ 
e-Ayr.i  zai  MaxsScvii;.  «Honoratisslmoruni  praesul, 
Thraciœ  totius  etMacedoniœ  primas.  »  Entre  les 
métropolitains  il  y  en  eut  trente-deux  auxquels 
il  donna  le  titre  de  ■j-epr'.u.oi  jwl  iW^/:-^,  «  Honora- 
tissimi  et  primates.  »  Les  autres  étaient  simple- 
ment o-cjT'.u.';.,  «  Honoratissimi.  »  Enfin  ,  les  ar- 
chevêques qui  n'avaient  aucun  évèque  sous 
leur  juridiction,  mais  qui  relevaient  aussi  im- 
médiatement du  patriarche,  étaient  nommés 
i-,.toTiTo. ,  «  sanclissimi.  »  Une  partie  de  ces 
titres  honorifiques  paraît  dans  le  concile  II  de 
Lyon,  outre  les  notices  qui  se  lisent  dansCuro- 
palate  (Curopalates  in  Notitia). 


CHAPITRE  QU.4EANTE-CINQUIE]\IE. 


DE  l'Érection  des  nouvelles  métropoles,  depuis  l'an  mil  jusqu'à  présent. 


I.  Pouvoir  des  papes  à  ériger  des  métropoles  nouvelles  dans 
le  besoin  des  Eglises,  avec  le  consenleoient  des  princes  et  des 
prélats  intéressés. 

II.  Preuves  de  cela  par  les  anciennes  métropoles  d'Angleterre. 

III.  Des  métropoles  d'Italie. 

IV.  La  métropole  de  Prague. 


Tu. 


Tome  L 


V.  Celle  de  Moravie. 

VI.  Les  métropoles  de  Hongrie.  *',  'j 
vu.  Celles  de  Pologne. 

VIII.  Celle  de  Livonie.  Que  l'érection  des  métropoles  n'a  pas 
toujours  été  faite  par  les  papes  dans  les  siècles  passés. 

IX.  Des  métropoles  de  Danemark,  de  Suède,  de  Norwége,  dé- 

16 


242        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


metubrées  de  celle  de  Hambourg.  Qunnd  ce  déuiembreuient  se 
peut  (aire,  malgré  l'ancien  métropolitain. 

X.  Les  Etats  nouvellement  convertis  ont  été  quelquefois  long- 
temps sans  niélrnpolitains. 

XI.  Des  métropoles  d'Ecosse. 

XII.  De  celle  de  la  principauté  de  Galles. 

XIII.  De  celles  d'Irlande.  Jusqu'il  quel  temps  on  a  créé  des 
métropoles  dans  les  conciles  provinciaux. 

XIV.  Des  métropoles  d'Espagne  et  de  Portugal,  reconquises 
sur  les  Sarrasins. 

XV.  De  la  métropole  d'Oviédo,  mère  cbaritable  de  toutes  les 
autres. 

XVI.  I.a  métropole  de  Toulouse. 

XVU.  Celle  de  Paris.  Modestie  merveilleuse  des  prélats  de  cette 

grande  ville. 

XVIII.  Des  trois  métropoles  des  Pays-Bas. 

XIX.  Affermissement  de  la  métropole  de  Tours. 

XX.  De  celle  de  Carthage. 

XXI.  Police  des  Grecs. 

I.  Je  liasse  aux  métropolitains  du  nouvel  âge 
de  l'Eglise,  et  je  commence  ce  discours  par  un 
passage  célèbre  de  saint  Bernard,  qui  donne  au 
pape  le  pouvoir  de  créer  de  nouvelles  métro- 
poles, sans  exclure  néanmoins  le  consentement 
des  princes,  et  des  Eglises  intéressées  dans  des 
changements  si  importants. 

Voici  les  paroles  de  ce  grand  liomme.  soute- 
nues a  mon  avis  de  la  pratique  de  son  siècle, 
qu'un  usage  plus  ancien  et  le  tacite  consente- 
ment de  l'Eglise  autorisaient,  sans  qu'il  fût  né- 
cessaire de  vérilicr  que  la  même  pratique  eût 
eu  cours  dans  tous  les  siècles  précédents  (Epist. 
cxxxi).  «  Plenitudo  siquidem  potestatis  super 
universas  orbis  Ecclesias  singulari  prairogativa 
apostolica'  Sedi  donata  est;  qui  igiltir  Iniic  po- 
testati  resistit ,  Dei  onlinationi  resistil.  l'otesl, 
si  utile  jndicaverit,  novos  ordinare  episcopatus 
ubi  iiactemis  non  fuerunt.  Potesteos,  qui  sunt, 
alios  dcprimere,  alios  sublimare,  prout  ratio 
sibi  dictaverit;  ita  ut  de  episcopis  creare  archie- 
piscoiios  liceat,  et  e  converso  si  necesse  visum 
fuerit.  » 

La  mesure  de  cette  plénitude  de  pouvoir  est 
donc  la  justice  ,  l'utilité  et  la  nécessité  de 
l'Eglise  :  «  Ratio,  Utile,  Necesse.  »  Il  ne  reste 
donc  plus  de  lieu  pour  les  gratillcations  arbi- 
traires, et  c'est  trop  donner  d'essor  à  son  ima- 
gination de  dire,  avec  un  abbé  du  temps  du 
concile  de  Vienne,  que  le  pape  pourrait,  pour 
des  causes  justes  et  raisonnables,  dominer  im- 
médiatement sur  tous  les  évoques  d'un  Etat, 
après  en  avoir  aboli  tous  les  iiatriarches,  les 
[irimats  et  les  arclievèques.  «  Possct  lacère  ex 
certaet  rationabili  causa,  quod  in  regno,  velre- 
gione,  ubi  sunt  patriarclifc,  primates  et  arcliiepi- 
scopi,  non  esset  primas,  necarcliiepiscopus,  nec 
patriarcha  ;  ita  quod  omnes  cpiscojii  sibi  immé- 


diate subessent  (  Bibl.   Cisterc,   tom.    iv  ,    p. 
309).  » 

C'est  se  jeter  dans  une  contradiction  toute 
visible  de  dire  qu'im  renversement  aussi  per- 
nicieux peut  devenir  luie  chose  juste  et  raison- 
nable, et  par  conséquent  possible  à  une  au- 
torité qui  n'est  réglée  que  par  la  justice  et 
l'utilité  de  l'Eglise.  Ce  sont  les  écueils  oîi  l'on 
se  précipite  quand  on  suit  d'autres  guides  que 
les  Pères  et  les  conciles,  qui  nous  aiiprennent 
ou  les  lois  cpii  ont  été  soutenues  de  l'usage,  ou 
les  usages  (jue  l'apiirobation  des  siècles  a  fait 
passer  en  lois. 

II.  Je  commencerai  ce  traité  par  la  révocation 
d'une  métropole  où  il  paraîtra  que  l'autorité 
pontificale  et  royale  conspireront  unanimement 
pour  les  avantages  communs  de  l'Eglise.  Ossa, 
roi  des  Merciens  en  Angleterre,  jiitiué  contre 
l'archevêque  de  Cantorbéry,  Lambert,  surprit 
le  ])ape  Adrien  et  fit  ériger  Liclifleld  en  arche- 
vêché, afin  ([ue  lesévêciues  de  son  royaume  ne 
dépendissent  plus  d'un  métropolitain  étranger. 
«  Regnum  Merciorum  archiepiscopatu  insi- 
gnire  affectans  (Matth.  Vuestmon.,  p.  :270,  277, 
202).  »  Le  pape  donna  à  ce  nouvel  archevêque 
la  plus  grande  partie  des  évèchés  de  la  métro- 
pole de  Cantorbéry,  qui  n'avait  garde  de  con- 
sentir à  un  démembrement  si  préjudiciable. 
Aussi  Ivéïmlphe  ayant  succédé  à  Ossa,  et  ayant 
été  informé  par  tous  les  archevêques  et  évoques 
d'Angleterre  de  l'injustice  (pie  son  prédéces- 
seur avait  faite  à  l'archevêque  de  Cantorbéry, 
obtint  facilement  à  Rome,  du  pape  Léon  III, 
la  révocation  de  ce  que  son  prédécesseur  avait 
trop  fucilement  accordé.  Celte  révocation  fut 
faite  à  l'instance  du  roi  et  de  tous  les  évêques 
ipii  n'avaient  pas  consenti  à  l'érection  de  la 
nouvelle  métroiiole  :  «  Suis  et  Anglorum  om- 
nium pontiiicum  epistolis.  »  Guillaume  de 
Malmesbury  rejette  cette  surprise  d'Adrien  I" 
sur  ses  grandes  occupations  :  «  Sicut  occupatis 
animis  multa  illicita  sublraiii  et  subripi  pos- 
sunt  (Guillelmus  Malmesbur.,  p.  30,  31,  l'.tS, 
19il].  » 

III.  Le  pape  Grégoire  V  passa  plus  avant,  et 
cassa  une  métropole  que  son  prédécesseur  avait 
érigée  sans  y  être  porté  par  les  sollicitations 
d'aucun  prince,  confessant  que  cette  entreprise 
avait  été  injuste  et  contraire  aux  canons,  parce 
qu'elle  avait  été  faite  contre  la  volonté  de  l'ar- 
chevêque de  Ravenne  dont  on  avait  démembré 
la  province.  «  Placentinam  Ecclesiam  injuste 
tibi  antecessore  ablatam  et  contra  canones  sub 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOUVELLES  MÉTROPOLES. 


243 


nomine  arcliiepiscopatus  locatam,  tibi  tiii?ijiie 
siiccessoril)iis  réfutantes  in  perpetuuni  (Conc, 
tom.  X,  p.  7.52;.  » 

Mais  si  nous  venons  à  considérer  la  création 
des  nouvelles  métropoles  ,  nous  y  verrons 
encore  bien  plus  clairement  tracées  ces  règles 
inviolables  de  la  justice  à  l'égard  des  princes 
et  des  prélats  intéressés,  et  de  la  nécessité  ou 
de  l'utilité  publique  des  Eglises.  Le  pape 
Jean  XIII  érigea  en  969  l'évêché  de  Bénévent  en 
archevêché  à  la  demande  de  l'empereur,  des 
évéques  et  du  clergé  de  Rome,  dans  un  con- 
cile romain,  et  à  la  sollicitation  du  prince  de 
Capoue  et  de  Bénévent.  «Hortatu  clementissimi 
imperatoris,  cum  consensu  prsesuhim,  om- 
niumque  clericoi'um  S.  R.  E.  quiinferius  sub- 
scripserunt  ,  interveniente  Pandulplio  Bene- 
ventanœ  et  Capuanse  urbium  principe,  etc. 
(An  969.  —  Conc,  tom.  ix,  p.  1239).  » 

Le  pape  Jean  accorda  aux  prières  du  prince 
de  Capoue  l'exaltation  de  cette  ville  en  métro- 
pole (Léo  Ostien.,  I.  n,  c.  9;  c.  iv,  c.  66!.  «  A 
principe  rogatus  archiepiscopatum  in  eadem 
civitate  instituit.  »  Gelase  II  passant  par  Pise, 
y  institua  la  métropole  (  Italia  Sacra,  tom.  ni, 
p.  i43:.  Honoré  11,  en  H26,  rendit  à  la  métro- 
pole de  Pise  les  évèchés  de  l'île  de  Corse  (Tom. 
IV.  p.  IISO),  suivant  les  anciennes  concessions 
d'I'rbain  11,  Gélase  II  et  Callixte  II  avec  pouvoir 
de  faire  porter  sa  croix  dans  cette  île  (Baronius, 
an.  H32,  n.  2  . 

Innocent  11  ayant  reçu  des  services  très-im- 
portants des  villes  de  Pise  et  de  Gênes  dans  les 
persécutions  qu'il  avait  souffertes  de  la  part  des 
schismatiques  ,  ajouta  quelques  évèchés  de 
Corse  et  de  Sardaigne  à  la  métropole  de  Pise, 
et  affranchissant  Gènes  de  l'archevêché  de 
Milan,  il  en  fit  un  nouvel  archevêché. 

Ces  érections  de  métropoles  se  faisaient  avec 
d'autant  plus  de  facilité  que  le  pape  avait  été 
le  métropolitain  d'une  bonne  partie  des  évé- 
ques d'Italie,  et  ce  n'était  que  du  démembre- 
ment de  sa  métropole  qu'il  avait  autrefois  érigé 
presque  toutes  les  métropoles  de  l'Italie  et  des 
îles  voisines.  Ce  fut  par  ce  même  droit  que  le 
pape  Innocent  111  maintint  la  métropole  de 
Siponto,  et  son  empire  sur  l'Eglise  du  Mont 
Gargan,  qui  prétendait  la  même  dignité  (Rai- 
nai., an.  1202,  n.  12]. 

IV.  Il  est  certain  néanmoins  que  dans  les 
autres  royaumes  chrétiens  on  ne  pouvait  se 
passer  d'une  autorité  supérieure  ,  qui  réglât 
toutes  ces  sortes  de  différends  entre  les  Eglises. 


Le  pape  Grégoire  IX  confirma  l'archevêque  de 
Mayence  dans  la  possession  où  il  était  comme 
métropolitain ,  de  couronner  et  de  consacrer 
les  rois  de  Bohême  iRainald.,an.  1228,  n.  39). 
Le  roi  de  Bohème.  Oftocare,  n'avait  pu  obtenir 
d'Innocent  III  l'érection  de  Prague  en  métro- 
pole ,  parce  qu'elle  était  préjudiciable  aux 
droits  de  l'Eglise  de  Mayence  (Rainald.,  an. 
1201,  n.  .53). 

Mais  le  prélat  et  le  chapitre  de  cette  Eglise 
ayant  dans  la  suite  du  temps  mérité  par  leur 
mauvaise  conduite  l'indignation  du  Siège 
apostolique,  et  les  rois  de  Bohême  faisant  de 
plus  pressantes  instances,  pour  ne  plus  souffrir 
ce  reproche  honteux,  que  leur  couronne  rele- 
vait d'un  métropolitain  étranger,  le  pape  Clé- 
ment VI  donna  enfin  le  pallium  à  l'évéque  de 
Prague  et  en  fit  un  métropolitain  (Rainald.,  an. 
1344,  n.  64,  65). 

I^  refus  que  le  pape  Innocent  III  avait  fait 
autrefois  d'ériger  une  métropole  à  Prague  était 
fondé  sur  des  raisons  canoniques  qu'il  est  néces- 
saire que  nous  apprenions  de  lui,  afin  d'appren- 
dre en  même  temps  quelles  sont  les  raisons  ca- 
noniques d'accorder  ces  grâces.  Ce  savant  pape 
écrivit  au  roi  de  Bohême,  qu'il  eût  bien  sou- 
haité rehausser  la  gloire  de  son  séjour  royal, 
mais  qu'afin  de  ne  rien  résoudre  qu'avec  sa- 
gesse et  maturité,  il  fallait  auparavant  exa- 
miner s'il  y  avait  une  nécessité  pressante,  ou 
une  évidente  utilité  pour  l'Eglise  de  Prague,  si 
elle  consentait  à  ce  changement,  si  ses  moyens 
étaient  assez  considérables  pour  soutenir  le 
poids  de  cette  nouvelle  dignité,  si  l'on  pouvait 
ériger  dans  le  royaume  de  Bohême  des  dio- 
cèses qui  pussent  relever  du  métropolitain  ; 
enfin  si  l'Eglise  de  Mayence  donnait  son  con- 
sentement à  une  chose  où  elle  avait  tant  d'in- 
térêt «  Siqiùdem  ostendenda  nobis  est  prius  et 
urgens  nécessitas  et  utilitas  evidens,  quœ  fleri 
hoc  exposcat.  Facultas  et  voluntas  Ecclesiae,  in 
in  qua  sedes  metropolitica  débet  stabiliri;  et 
utrum  in  Bohemia  diœceses  possint  statui  com- 
petenter,  statuendae  metropoli  supponendœ. 
Pneterea  convenienda  et  commonenda  super 
lioc  est  Ecclesia  Moguntina,  elc^»  (Rainaldus, 
an.  1204,  n.  33.)  * 

V.  Ce  sont  là  les  règles  canoniques  de  ces 
nouveaux  établissements  :  quand  elles  ont  été 
violées,  les  évéques  n'ont  pu  s'en  taire,  et  ils 
ont  fait  éclater  le  juste  ressentiment  qu'ils 
avaient,  non  pas  de  leur  perte  particulière, 
mais  de  la  violation  publique  des  lois  saintes  de 


2U        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


l'Eglise.  La  Moravie  avait  été  autrefois'soumise 
à  l'évêque  de  Passau.  sulTraj^fant  de  Salsboiirg. 
On  y  vit  d'abord  entrer  un  arcIievcL|ae  et  trois 
évêques  nouveaux,  se  disant  envoyés  de  Rome, 
pour  y  établir  leurs  sièges. 

L'arcbevèque  de  Salsbourg  et  lévèque  de 
Passau  avec  quelques  autres  de  la  même  pro- 
vince écrivirent  une  lettre  pleine  de  resjiec- 
tueuses  plaintes  sur  ce  sujet  au  pape  Jean  VUl, 
protestant  (pi'il  n'était  jamais  émané  un  res- 
crit  si  injuste  du  Saint-Siège,  ni  si  contraire 
aux  canons,  que  d'ériger  un  arclievêclié  et  des 
évêcliés  dans  des  lieux  déjà  possédés  par  des 
archevêques  et  évêques,  dont  on  n'a  pas  requis 
le  consentement.  «Ordinaveruntin  noslro  epi- 
scopatu  unum  archiepiscopum,  si  in  alterius 
episcopatu  arcbiepiscopus  esse  potest,  et  très  epi- 
scopos  ejus  sutlraganeos,  absque  scientia  archie- 
piscopi  et  conseusu  ei)iscopi,  in  cujus  fuerunt 
diœcesi(lnter.  Epistol.  llincm.  Bibl.  PP.,  tom. 
XVI,  p.  (ilO).  »  Ileslà  croire  que  ce  pape  satisût 
à  une  si  juste  demande,  puisqu'on  n'a  point  vu 
depuis  de  métropole  dans  la  Moravie. 

VI.  En  Hongrie,  le  saint  roi  Henri  érigea  Stri- 
gonie  ou  Cran  en  métropole,  à  hupielle  il  sou- 
mit dix  évècliès.  Mais  il  fallut  recourir  à  la 
première  source  des  dignités  ecclésiastiques, 
et  faire  intervenir  le  pape  à  la  création  d'un 
nouvel  arcbevècbé.  «  Misit  ad  Pétri  limina  ,  ut 
Pétri  successor  Strigoniensem  Ecclesiam  sua 
autorilate  metropolim  constitueret ,  reliquos 
episcopatus  sua  beni  diclioiie  nuniiret,  ipsum 
ducem  regio  diademale  colionestaret  (Surius, 
die  20  Aug.,  c.  7,  Ki).  »  Sébastien  ,  premier 
archevè(|ue  de  Strigonie,  ayant  perdu  la  vue, 
l'évêque  de  Colocza  lui  fut  substitué  par  dis- 
pense du  pape;  et  par  une  autre  dispense, 
Sébastien  fut  rétal)li  dans  son  même  siège 
ajjrcs  avoir  recouvré  la  vutî,  ce  qui  arriva  trois 
ans  après,  et  l'èvèiiue  de  Colocza  retourna  à  sa 
première  Eglise  avec  le  pallium.  Ce  fut  là  pro- 
bablement l'occasion  de  fonder  la  nièlropole 
de  Colocza  iRainal.,  an.  I-2U3,  n.  !'.>;  an.  1212, 
n.  7;  an.  1231,  n.  38).  Ces  deux  archevêques 
ne  laissèrent  jias  d'avoir  souvent  des  démêlés, 
surtout  pour  le  droit  de  couronner  les  rois  de 
Hongrie,  qui  fut  aussi  conllrmé  par  de  fré- 
quents rescrits  des  [lapes  aux  arclievècpies  de 
Strigonie. 

VU.  Passons  à  la  Pologne  ,  où  l'empereur 
Olbon  m  étant  venu  révérer  les  reliques  du 
saint  martyr  Adalbert,  y  érigea  révècliè  en 
archevêché,  et  désigna  les  évêques  qui  en  dé- 


pendraient.  «  Fecit  ibi  archiepiscopum  ,  »   dit 
Itilmart  Baronius,  an.  999,  n.  12]. 

Le  cardinal  Raroniiis  croit  qu'Othon  était 
accompagné  d'un  légat  du  pape ,  qui  autorisait 
cette  érection  de  métropole  ;  quoiqu'il  doute 
si  le  pape  la  confirma,  parce  que  plus  de 
soixante-dix  ans  après,  le  pape  Grégoire  VII 
témoigne  qu'il  n'y  avait  point  encore  d'arche- 
vêché en  Pologne  dans  la  lettre  qu'il  en  écrivit 
au  duc  Boleslas.  Mais  la  vérité  est  que  Gré- 
goire VII  ne  nie  pas  qu'il  y  eût  déjà  un  arche- 
vêché en  Pologne;  mais  il  dit  seulement  qu'il 
n'avait  point  encore  de  siège  certain  et  déter- 
miné. «  Non  habentes  certum  metropolitanic 
sedis  locum  (L.  ii,  epist.  lxxmi).  » 

Ce  (lue  nous  avons  dit  de  l'archevêque 
d'Hambourg,  et  ce  que  nous  allons  dire  de 
celui  de  Riga  en  Livonie,  montre  nettement 
<|u'il  y  avait  des  archevêchés  dont  le  siège 
n'était  pas  sitôt  fixé.  Celui  de  Gnesne  en  fut  un 
apparemment ,  même  après  l'établissement 
qu'en  avait  fait  l'empereur  Olhon.  Au  reste,  la 
bonne  intelligence  des  enqiereurs  Othon  avec 
les  papes  et  la  nature  des  métropoles  en  ce 
temps-là  surtout,  ne  nous  permettent  pas  de 
douter  que  le  pa[)e  ne  confirmât  la  métropole 
de  Gnesne  ,  comme  M.  de  Marca  l'a  très- 
bien  remaniué  (De  (^oncortl.,  l.  iv,  c.  9,  n.  (i). 
Crantzius  a  dit  en  |(lus  d'un  endroit  que  la 
métropole  de  Magdebourg  avait  été  fondée  par 
le  grand  Othon.  On  a  le  niême  fondement  de 
croire  (jue  l'autorité  du  Saint-Siège  y  inter- 
vint. 

Mais  pour  ce  qui  est  de  la  Pologne,  nous 
avons  quehiue  chose  à  cet  égard  qui  est  heau- 
cou]»  jibis  certain  ;  d'autant  (jue  Longin  ou 
Dlugosse,  qui  a  écrit  l'histoire  de  Pologne,  du 
temi)S  qu'il  était  chanoine  de  l'Eglise  de  Cra- 
co\ie,  rapporte  que  le  roi  .Miecislas,  quia  été  le 
[tremier  roi  de  Pologne,  qui  ait  reçu  le  baptême, 
fonda  à  l'instant  deux  métropoles,  savoir 
l'Eglise  de  Gnesne  et  celle  de  Ciacovie;  et  aussi 
sept  évècliès;  érection  i|ui  fut  ensuite  confir- 
mée par  le  légat  du  Saint-Siège.  Longin  a  rap- 
l)ortè  les  noms  des  archevêques  de  Cracovie 
qui  ont  rempli  successivement  ce  siège  jusqu'à 
l'année  lOiti.  Dans  cette  année,  Antoine,  fran- 
çais de  nation  et  abbé  régulier,  fut  élevé  à  ce 
siège  jiar  le  roi  Casimir  et  fut  le  dernier  des 
archevêques  de  Cracovie,  et  ses  successeurs 
cesse'rent  de  tenir  ce  siège  comme  métropole. 
Car,  soit  par  leur  négligence,  ou  par  le  désir 
de  se  faire  un  mérite  auprès  de  l'archevêque 


DE  L'ÉnF.CTION  DKS  NOIVF.LI.KS  iMÉTI'.0|>ni.ES. 


de  Gnesne,  ils  aimèrent  mieux  être  ses  suffra- 
gaiils. 

Si  cependant  l'on  en  croit  I,onfj:iii,  il  aurait 
été  plus  lionorable  à  I'arciievè(]ue  de  C.iiesiie 
de  faite  relever  de  sou  siège,  en  qualité  de 
primat,  l'arehevêciié  de  Lembourg  et  celui 
de  Craco\ie  :  «  Quam  excellenliam  et  di- 
gnitatem  etsi  Ecclesia  (^racoviensis  jter  negli- 
gentiam  succedentium  liuic  Aaron  pontitîcum 
retinere  desiif ,  ju:;tuin  tanien  est  et  reipublica' 
l'idonorum  décorum  et  necessarium,  ut  illam 
aliquando  résumât.  Gnesnensi  siquidem  non 
tennis  spleudor,  sed  amplior  lionor  accederet, 
si  ])otius  non  amplius  non  ad  uuins  Leopo- 
liensis  Ecclesiœ  arcbiepiscopalis,  sed  ad  dua- 
rumvidelicet  et  Leopoliensisrespectum  primas 
Yocaretur.  » 

L'an  1060,  Lamper  succéda  à  Aaron,  et  par 
sa  négligence  à  soutenir  les  droits  arcbièpisco- 
paux  laissa  dégénérer  son  Eglise  en  simple 
cathédrale. 

Pour  ce  qui  regarde  réreclion  de  ces  métro- 
poles et  sièges  épiscopaux,  qui  a  été  faite  par 
l'autorité  du  Saint-Siège  et  du  roi,  voici  com- 
ment Longiu  s'en  explique  :  «  Mieslausprinceps 
Polonorum  postsacrossusceptibaptismi  lalices, 
etc.,  Gnesntr  et  Cracovia"  duas  fundat  métro- 
poles, etc.  Pro  (juarum  honore  mctropolico 
septem  alias  Ecclesias  voluit  esse  subjectas,  etc. 
.-Egidius  Tusculanus  cardinalis  episcopus  a 
Joanne  XX  summo  ponlilice  missus  ,  singulos 
episcopatus  Poloniœ  et  duas  métropoles  con- 
fîrmavit ,  et  singulis  diœcesibus  termines 
posuit  et  dislinxit.  » 

VIII.  Le  pape  Innocent  III  prit  la  défense  de 
l'archevêque  de  Gnesne  contre  le  duc  de  Polo- 
gne l'an  1-207  (Rainald.,  an.  1-20",  n.  12).  Cette 
métropole  est  donc  ancienne. 

Celle  de  Riga ,  en  Livonie  ,  province  du 
royaume  de  Suède,  est  un  peu  plus  récente, 
mais  elle  a  aussi  cela  de  mémorable  ijue  cette 
dignité  avait  été  d'abord  comme  ambulatoire, 
celui  qui  la  possédait  n'ayant  aucun  séjour,  ni 
aucun  siège  déterminé.  Le  pajie  Innocent  IV 
lui  permit  de  choisir  la  première  Eglise  épis- 
copale  vacante  et  de  s'y  établir.  Riga  vint  à 
vaquer.  L'archevêque  y  fixa  son  siège,  et  le 
pape  Alexandre  IV  l'y  conlirma  par  un  rescrit 
qui  marque  cette  circonstance.  Voilà  comment 
celui  qu'on  appelait  archevêque  de  L/ronie, 
d'Eaton/e  et  de  Prusse  devint  archevêque  de 
Riga  (Rainald.,  an.  1233.  n.  64). 

Les  termes  du  rescrit  de  ce  pape  ne  sont  pas 


moins  remarquables  quand  il  dit  que  le  Saint- 
Siège  ayant  été  fondé  par  Jésus-Christ  même, 
et  l'Eglise  même  ayant  été  fondée  sur  cette 
pierre  inmiobile,  c'est  aussi  de  la  que  les  plus 
emiiientes  dignités  de  l'Eglise,  dans  la  longue 
révolution  du  siècle,  ont  reçu  quelque  partici- 
I)ation  de  cette  divine  origine,  en  recevant  les 
marques  de  leia-  puissance,  de  celui  qui  l'a 
reçue  du  Fils  de  Dieu  ;  mais  qu'après  tout  cela, 
le  Saint-Siège  ne  distribue  et  ne  règle  les  diffé- 
rents degrés  de  dignité  que  selon  les  justes 
règles  des  canons,  et  avec  la  satisfaction  de 
tous  ceux  qui  y  ont  quelcjuc  intérêt. 

«Primaliimu  calliedras  etapicem  cujuslibet 
ecclesiastica?  dignifatis,  privilegio  sibidivinifus 
tradito,  Ecclesia  Romana  constitnit,  quam  so- 
ins ille  fundavit.  ac  supra  petram  fldei  mox 
nascentis  erexit,  qui  beato  Petro  œternœ  vitaî 
clavigero,  terreni  simul  commisit  et  cœlestis  im- 
perii  moderamen.  Ilinc  est  quod  apud  sanctam 
Sedem  Aposiolicam  horum  spectatur  origo , 
eorum  dispeusantur  iusignia,  de  cujus  plenifu- 
dine  omnes  accipiunt.  ejusque  speciali  munere, 
quod  ratio  persona',  temporis,  loci,  vel  causa 
interdum  postulat,  asset[uimtur.  »  C'est-à-dire 
que  les  successeurs  de  saint  Pierre  sont  les  dis- 
pensateurs et  non  pas  les  maîtres  de  toutes  ces 
nouvelles  dignités  dans  l'Eglise  :  ayant  eux 
seuls  la  gloire  d'être  les  exécuteurs  universels 
des  canons,  et  les  perpétuels  proviseurs  des  be- 
soins de  l'Eglise.  Aussi  cette  métropole  fut  con- 
firmée, parce  qu'elle  avait  été  faite  du  consen- 
tement de  tous  les  intéressés  :  «  De  consensu 
omnium,  quorum  intererat  :  »  et  ce  pape  eut 
égard  aux  prières  que  lui  en  firent  tous  les 
sutlVagants  :  m  Tuis  et  suffraganeorum  precibus 
inclinati.  » 

Ce  pape  ne  pouvait  point  ignorer  que  dans  les 
siècles  passés  iilusieurs  métropoles  n'eussent  été 
fondées  dans  l'Orient  et  dans  l'Occident  même 
sans  la  participation  du  Saint-Siège.  Mais  ilsuf- 
fit,  pour  vérifier  la  proposition  universelle  qu'il 
a  faite,  que  la  primauté  du  Saint-Siège  soit  la 
seule  qui  ait  une  supériorité  divinement  insti- 
tuée sur  les  évêques,  pour  donner  de  la  proba- 
bilité à  celte  proposition  générale,  que  toutes 
les  dignités  établies  par  l'Eglise  sur  les  évê- 
ques sont  des  imitations  et  des  images  ,  ou 
même  des  participations  de  celle  que  Jésus- 
Christ  a  instituée. 

11  faut  cependant  avouer  que  Longin  fait  re- 
monter à  un  temps  un  peu  plus  reculé  l'éta- 
blissement de  la  métropole  de  Livonie  et  de  ses 


216        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


évêchés,  lorsqu'il  dit  qu'en  1001,  Meinard, 
évêque  de  Livouie,  a  commencé  a  jeter  dans 
cette  province  de  la  Suède  les  premiers  fonde- 
ments de  la  foi.  Son  frère  Bertliolde  lui  suc- 
céda, lequel  remporta  la  palme  du  martyre  et 
arrosa  de  son  précieux  sang  les  premières 
pierres  de  cette  Eglise  naissante.  Albert,  qui 
fut  mis  en  sa  place,  soumit  à  la  foi  de  Jésus- 
Christ  toute  la  nation  et  obtint  du  souverain 
pontife  qu'on  y  érigeât  de  nouveaux  évêchés. 
«  Residuum  Livonire  ad  ûdei  puritatem  reduxit 
Rigensem  metropolim  et  civitatem  Gotlhoruni, 
etc  ;  aliquot  episcopatus  in  Livoaia  apostolica 
autoritate  fundat  et  dotât.  » 

IX.  L'archevèciié  de  Luden  en  Danemark , 
aussi  bien  que  celui  d'Upsal  en  Suède,  était  de 
plus  ancienne  création  (Rainald.,  an.  1198, 
n.  76].  Le  pape  Innocent  111  contirma  la  pri- 
malie  de  Luden  sur  la  métropole  d'Upsal,  et 
ordonna  que  les  deux  archevêques  ayant  de- 
mandé et  obtenu  le  pallium,  celui  de  Luden 
le  donnerait  a  celui  d'Upsal,  en  recevant  de 
lui  le  serment  accoutumé  pour  l'Eglise  ro- 
maine. 

La  Suède  avait  longtemps  auparavant  reçu 
un  archevêque  de  Pologne,  si  nous  en  croyons 
Magnus  dans  l'histoire  des  Goths.  «  Jam  enini 
Suecia  archiepiscopum  ex  Polonia  acceperat 
(Joan.  Magnus,  1.  xvui,  c.  18  ;1.  xix,  c.  (i  ; 
1.  XVI,  c.  28).  »  Mais  ce  nouvel  archevêque  n'a- 
vait pu  se  faire  obéir,  parce  que  les  Goths  ai- 
mèrent mieux  persévérer  dans  l'obéissance  de 
l'archevêque  de  Brème  ^^Conc,  tom.  x,  p.  18-20i. 
Le  légal  du  pape  ayant  assemblé  un  concile  à 
Lincopen  en  Suède,  l'an  1148,  ne  put  surmonter 
cette  résistance,  et  il  s'en  retourna  à  l'ionie, 
après  avoir  laissé  au  primat  de  Luden  Eschi- 
lus  un  pallium  destiné  au  futur  archevêque 
d'Upsal.  Mais  aucun  Suédois  no  voulant  se  sou- 
mettre à  la  juridiction  danoise,  la  Suède  fut 
quelque  teni|is  sans  métropole,  dit  le  même 
Magnus,  jnsi|u'à  ce  que  le  pape  Alexandre  III 
honora  Upsal  de  cette  dignité,  y  ajoutant  le 
pallium  que  les  Suédois  n'avaient  pas  voulu 
recevoir  des  Danois,  i)arce  qu'ils  n'avaient  pas 
reçu  d'eux  la  foi  évangélique. 

L'historien  et  l'archevêque  d'Ujisal  Magnus 
a  tro|)  donné  à  son  intérêt  propre,  quand  il  a 
enseveli  dans  le  silence  le  décret  d'imiocent  III 
qui  assujettit  sa  métroi)ole  à  la  primatie  de 
Luden.  11  y  a  peut-être  fait  allusion  quand  il 
dit  que  si  le  primat  de  Luden  a  eu  ciiiclque 
autorité  sur  Upsal,  Nicolas  Ravaldi,  arche\êque 


d'Upsal,  la  fit  abolir  dans  le  concile  de  Bâie, 
par  les  protestations  qu'il  y  fit. 

Nous  avons  dit  ci-dessus  ,  comment  en  l'an 
lOoi,  le  roi  de  Danemark,  pour  ne  plus  laisser 
son  royaume  dans  la  dépendance  du  métropoli- 
tain d'Hambourg  ou  de  Brème,  avait  tâché  de 
faire  ériger  une  métropole  dans  ses  Etats;  mais 
que  ses  efforts  avaient  été  vains,  parce  que  l'ar- 
chevêque d'Hambourg  prétendait  devenir  aussi 
le  primat  et  le  supérieur  de  cette  nouvelle  métro- 
pole. Mais  quelque  temps  après  les  archevêques 
d'Hambourg  s'étant  jetés  dans  le  parti  des 
schismatiques  contre  les  papes  Grégoire  Vil  et 
Urbain  II  (Baronius,  au.  iOo4,  n.  45)  ce  dernier 
pai)e  acheva  ce  que  le  premier  avait  commencé. 
Il  démembra  le  Danemark  de  la  métropole 
d'Hambourg,  en  créant  non-seulement  un  mé- 
tropolitain à  Luden,  mais  aussi  un  primat, 
du(juel  il  voulut  faire  dépendre  la  Suéde  et  la 
Norvège.  Le  roi  de  Danemark  s'étant  brouillé 
avec  l'archevêque  d'Hambourg  et  appréhen- 
dant qu'il  ne  l'excomiuimiàt,  vint  à  Rome  sol- 
liciter lui  -  même  cet  affranchissement  des 
Eglises  de  son  royaume  (Baronius,  an.  109'2^ 
n.  13).  Le  légat  du  pape  qui  fut  envoyé  pour 
cela,  choisit  lui-même  la  ville  de  Luden, 
comme  la  plus  riche  et  la  plus  nombreuse,  et  y 
attacha  le  trône  de  la  primatie,  ou  au  moins  de 
la  métropole  avec  juridiction  même  sur  des 
nations  étrangères,  ce  qui  semblait  alors  de 
quelque  conséquence  pour  la  domination  tem- 
porelle. 

C'est  le  récit  que  nous  en  a  fait  Saxon  le 
Grammairien  et  les  réflexions  qu'il  nous  y  a 
fait  faire.  «  Non  solum  Lundiam  legatus  Saxo- 
nica  dilione  eruit,  sed  etiam  Suecia;  Norvegiœ- 
que  religionis  titulo  magistram  effecit  (Saxo 
Gramni.  1.  1-2).  Nec parum  Dania  Romanœ  beni- 
guitati  débet,  quœ  non  solum  libertatis  jus,  sed 
etiam  externarum  rerum  dominium  assecuta 
est.  » 

Crantzius  remarque  fort  bien  que  la  créa- 
tion des  métropoles  de  Luden  et  d'Upsal,  et 
l'indépendance  (]u'ellos  atl'ectèrent  ,  ruina  la 
primatie  d'Hambourg,  qui  ne  subsistait  que  par 
la  légation  ai)osloli(iue.  Hambourg  perdit  même 
le  titre  de  métropole,  parce  qu'il  fut  transféré 
à  Brème  (Crantzius.  Metrop.  Liber  v,  c.  31,  et 
1.   VI,  c.  13). 

Cet  exemple  nous  a|)prcnd  qu'il  y  a  des  oc- 
currences où  l'on  fonde  de  nouvelles  métro- 
poles sans  l'agrément  des  anciens  métro|)oli- 
tains  dont  le  ressort  est  dimiiuié  par  ce  jiartage. 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOUVELLES  MÉTROPOLES. 


2t7 


Cetie  violence  peut  être  juste  et  raisonuiilile, 
parce  que  le  refus  des  anciens  niélro|)olitains 
peut  être  déraisonnable  et  injuste.  Les  an- 
ciennes métropoles  ont  été  autrefois  nouvelles, 
et  elles  n'auraient  jamais  été  formées,  si  les 
anciens  métropolitains  se  fussent  laissés  préve- 
nir d'une  pareille  opiniâtreté.  Les  Eglises,  qui 
de  filles  sont  devenues  mères,  doivent  tenir  à 
gloire  (|ne  leurs  filles  imitent  aussi  leur  fécon- 
dité et  montent  au  rang  des  mères.  Ce  fut  outre 
cela  une  raison  particulière  de  démembrer  l'ar- 
chevècbé  d'Hambourj:,  quand  les  archevêques 
s'élevèrent  |)ar  une  faction  sclusmatique  contre 
l'unité  de  l'Eglise. 

Louis  le  Débonnaire  avait  donné  connneuce- 
ment  à  la  métropole  d'Hambourg,  pour  toutes 
les  nations  septentrionales,  suivant  le  conseil 
des  i)rélats  et  des  princes.  «  Ha'c  est  Humbur- 
gensis  metropolis  per  ijnperiale  decretmn  con- 
stitutio,  de  consilio  arcbiepiscoporum  et  prin- 
cipum ,  »  dit  Cranlzius  (Craiitzii  Metropol. 
lib.  I.  c.  :20).  Louis,  roi  d'Allemagne,  lils  de 
l'empereur  Louis,  voyant  la  ville  d'Hambourg 
ruinée,  pourvut  l'archevêque  Ansgarius  de  Té- 
vèché  de  Brème  (Ibidem  c.  3(5;  1.  n,  c.  21). 
Ainsi  le  titre  de  l'Eglise  de  Brème  fut  comme 
supprimé,  mais  aussi  l'archevêque  d'Hambourg 
entra  dans  quelque  dépendance  de  Cologne,  à 
cause  de  Brème  qui  en  relevait  jusqu'au  temps 
de  l'empereur  Henri  IV,  de  qui  Albert,  arche- 
vêque d'Hambourg,  obtint  son  affranchissement 
à  l'égard  de  l'archevêque  de  Cologne.  .Mais  enfin 
la  soustraction  des  royaumes  septentrionaux, 
et  la  création  de  leurs  nouvelles  métropoles 
ayant  fait  perdre  à  Hambourg  la  légation  du 
Siège  apostolique,  la  métropole  même  lui  fut 
enfln  ôtée  et  accordée  à  Brème  (L.  v,  c.  31; 
1.  VI,  c.  131. 

L'Eglise  de  Luden  en  Danemark,  qui  s'était 
enfin  rendue  indépendante  de  celle  d'Hambourg 
en  Saxe  etqui  avait  dominé  les  Eglises  deSuède 
et  de  Norvège  ,  fut  obligée  elle-même  [lar  ime 
juste  et  nécessaire  vicissitude  de  consentir  a 
l'affranchissement,  tant  de  la  Suède,  par  la 
création  de  la  métropole  d'Lpsal,  dont  nous 
avons  parlé,  que  de  la  Norvège ,  par  l'érection 
de  la  métropole  de  Trondon  ou  de  Nidrosie 
(RainakL,  an.  1-273,  n.  19).  Cette  métropole 
était  déjà  si  puissante  sous  le  pape  Grégoire  X 
que  l'archevêque  prétendait  faire  relever  la 
royauté  même  de  son  Eglise,  comme  nous  le 
dirons  plus  au  long  en  sou  propre  lieu. 

X.  Ce  dénombrement  que  nous  venons  de 


faire  des  métropoles  septentrionales  peut  être 
conlirmé  par  le  témoignage  remarquable  de 
Guillaume  de  Neubrige,  qui  confesse  ingénu- 
ment que  les  archevêchés  anciens,  dont  les  his- 
toriens anglais  ont  voulu  relever  la  gloire  de 
leur  nation,  sont  fabuleux;  qu'avant  Augustin, 
disciple  du  grand  saint  Grégoire,  la  Grande- 
Bretagne  n'avait  jamais  eu  d'archevêque  (Neu- 
brigens  protemiuui)  :  que  toutes  les  nations 
barbares  du  Septentrion,  l'Irlande,  la  Norvège, 
le  Danemark  et  la  Suède,  quoiqu'elles  eussent 
depuis  longtemps  reçu  la  lumière  de  l'Evan- 
gile, n'avaient  été  conduites  que  par  des  évê- 
ques;  enfin  que  ce  n'était  que  depuis  fortpeu 
de  temps  qu'elles  avaient  commencé  d'avoir 
des  archevêques,  avec  le  pallium  romain. 

«  Prinuis  xV.ugustinus  ,  accepto  a  Rnmano 
pontlQce  pallio ,  archiepiscopus  in  Britanuia 
factus  est,  barbarœ  vero  nationes  Europa?,etiam 
olim  ad  Christi  fldem  conversœ,  contentce  epi- 
scopis,  de  pallii  pri-erogativa  non  curabant.  De- 
niipie  Ilibernienses,  Norici,  Dani,  Gollhi,  cum 
olim  christiani  fuisse  et  episcopos  habuisse 
noscantur,  nostris  temporibus  archiepiscopos 
habere  cœpernnt.  » 

XL  C'est  ce  que  nous  allons  encore  justifier 
par  l'exemple  des  évêques  et  du  métropolitain 
d'Ecosse. 

Henri  H,  roi  d'Angleterre,  ayant  fait  venir 
au  concile  de  Northampton  le  roi  et  les  évê- 
ques d'Ecosse  (An.  I  ITti),  commanda  à  ces  évê- 
ques, par  le  sermentde  fidélité  qu'ils  lui  avaient 
fait,  de  rendre  la  même  sujétion  à  l'Eglise  an- 
glicane que  leurs  prédècesseui-s  lui  avaient 
rendue  au  temps  de  ses  prédécesseurs.  Ils  ré- 
liondirent  qu'ils  n'avaient  jamais  été  soumis  à 
aucun  prélat  d'Angleterre  (Rogerius,  pag.  .j.jO). 
Roger,  archevêque  d'York,  montrait  des  preuves 
certaines  de  leur  dépendance  de  l'Eglise  d'York. 
L'évêque  de  Glasgou  répliqua  que  son  Eglise 
avait  toujours  été  immédiatement  soumise  à 
l'Eglise  romaine.  «  GlascuensisEcclesia  specia- 
lis  filia  est  Romauœ  Ecclesiœ,  et  ab  omni  snb- 
jectiouG  arcbiepiscoporum,  sive  episcoporum 
exempta.  » 

Comme  l'archevêque  de  Cantorbéry  préten- 
dait la  même  supériorité  sur  les  évêchés  d'E- 
cosse, il  persuada  au  roi  de  remettre  cette  af- 
faire eu  un  autre  temps,  pour  ne  pas  laisser 
remporter  à  son  compétiteur  un  avantage  si 
considérable.  Le  roi  Guillaume  d'Ecosse,  pour 
alVerniir  l'indéiiendance  de  sa  couronne  et  de 
son  Eglise,  obtint  du  pape  Clément  111  un  res- 


248        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


crit  favorable,  par  lequel  tous  les  évèchés  d'E- 
cosse furent  mis  dans  la  dépendance  immédiate 
du  Saint-Siéfj^e  (An.  1188.  Rogerius,  pag.  71  i). 
«  Statuendum  duximus,  ut  Scoticana  Ecclesia 
Apostolicœ  Sedi  cujus  filia  specialius  existit, 
nullo  mediante  debeat  subjacere.  » 

Le  pape  Céleslin  III  confirma  cette  exemption 
aux  instances  du  même  roi  (An.  11921,  insérant 
la  même  énumération  des  neuf  évèchés  du 
royaume  d'Ecosse ,  auxquels  il  eût  été  bien 
plus  naturel  de  donner  un  métropolitain  dans 
le  royaume  même  ;  mais  les  archevêques  d'An- 
gleterre eussent  fait  plus  de  difficulté  de  lui 
déférer  qu'au  pape.  Ce  fut  donc  comme  un 
tempérament  de  les  faire  relever  du  Saint- 
Siège  seulement  durant  un  long  espace  de 
temps,  afin  que  les  archevêques  d'Angleterre 
souffrissent  a[)rès  cela  sans  peine  qu'on  leur 
donnât  un  métropolitain  dans  leur  Etat  même. 

Il  n'y  a  rien  de  surprenant,  quand  on  dit  que 
ces  évoques  d'Ecosse  ont  été  un  si  long  espace 
de  temps  sans  métropolitain,  puisque  Cambden 
nous  a  fait  remarquer,  (julls  avaient  même  été 
fort  longtemps  sans  aucun  siège  déterminé. 
0  Scotorum  episcopi  munera  episcopalia,  (juo- 
cum(}iie  fuerant  loco,  sine  discrimine obierunt, 
usque  ad  Malcolmi  III  tempera ,  circa  annum 
scilicet  restaurata^  salutis  miax  (CambdeniRri- 
tannia,  an.  (i83).  »  Ce  fut  vraisemblablement  le 
sort  de  toutes  les  Eglises  particulières  dans  leur 
naissance.  C'est  la  nature  et  la  condition  des 
polices  humaines,  soit  civiles,  soit  ecclésiasti- 
ques; elles  ne  multiplient  leurs  magistrats  et 
n'en  distinguent  les  divers  rangs  et  la  subordi- 
nation qu'à  proportion  qu'elles  viennent  ci  se 
perfectionner  et  à  s'étendre. 

Reprenons  le  fil  de  notre  discours.  L'évèque 
de  Saint-André  en  Ecosse  ne  laissait  pas  de  pré- 
tendre que  l'ordination  des  autres  évêques d'E- 
cosse lui  était  réservée,  nonobstant  qu'ils  rele- 
vassent immédiatement  du  Saint-Siège.  Ainsi 
cet  èvêque  était  en  différend  avec  l'Eglise  ro- 
maine qui  confirmait  les  évêques  élus  et  pré- 
tendait être  en  droit  d'en  commettre  l'ordina- 
tion à  qui  il  lui  plaisait. 

Le  pape  Innocent  111  parle  de  ce  procès  dans 
une  de  ses  lettres  (Regist.  xv,  ep.  cxix),  où  il 
ne  laisse  pas  de  commettre  pour  l'ordination 
d'autres  évêques  (jne  celui  de  Saint-André, 
sans  préjudice  néanmoins.  «  Sine  utriusque 
partis  prœjudicio.  »  Le  pape  Jean  XXII  con- 
firma au  même  évêquede  Saint-,\ndréle  droit 
de  couronner  et  de  sacrer  les  rois  d'Ecosse 


(Rainald.,  an.  4.320,  n.  79).  Le  pape  Eugène  IV 
se  disait  encore  métropolitain  d'Ecosse  en  écri- 
vant au  roi  Jacques  (Ruinald.,  an.  1430,  n.  31). 
Pendant  que  les  rois  d'Angleterre  se  rendirent 
comme  les  souverains  de  lEcosse,  les  arche- 
vêques d'York  se  firent  aussi  reconnaître  par 
les  évêques  de  ce  royaume  (Spondan.,  an.  1436. 
n.  7).  Mais  Patrice  Graam  ayant  été  élu  èvêque 
de  Saint-André  et  ayant  fait  voir  à  Rome  les 
titres  de  l'indépendance  de  l'Ecosse ,  le  pape 
Paul  II  prononça  en  sa  faveur. 

Enfin  le  pape  Sixte  IV  déférant  aux  remon- 
trances du  roi  d'Ecosse  sur  les  longueurs  et 
les  inconvénients  de  recourir  toujours  à  la 
métropole  romaine,  déclara  les  évêques  de 
Saint -André  métropolitains  et  primats  d'E- 
cosse ,  c'est-à-dire  métropolitains  immédiate- 
ment sujets  du  pape  (Idem.,  an.  1472,  n.  16, 
17).  Les  Ecossais  prétendent  que  ce  pape  avait 
plutôt  rétabli  qu'il  n'avait  établi  la  métropole 
de  Saint-André  (Rainald.,  an.  1472,  n.  17).  Ce 
i|iu  est  une  marque  que  dans  les  nécessités 
pressantes  l'évèque  de  Saint-André  faisait  déjà 
les  fonctions  de  métropolitain  (Conc,  t.  xiii, 
pag.  144.":)).  Ce  fut  le  même  Sixte  IV  qui  érigea 
l'archevêché  de  Glasgou,  en  Ecosse,  et  le  sou- 
mit au  primat  de  Saint-André. 

XII.  Roger  assure  que  dans  la  principauté 
de  Galles,  depuis  que  saint  Sainsou ,  qui  ea 
était  archevêque,  eut  passé  en  France  et  fondé 
l'évêché  de  Dol  (Roger.,  an.  1199),  ses  succes- 
seurs dans  la  ville  de  Saint-Davids,  autrement 
dite  Menevie,  furent  toujours  reconnus  comme 
métropolitains  du  pays  de  Galles,  jusqu'à  ce 
que  le  roi  Henri  d'Angleterre  eût  ajouté  cette 
province  à  ses  autres  Etats.  Car  dès  lors,  pour 
mieux  cimenter  l'union  de  cette  province  avec 
le  royaume  d'Angleterre,  il  voulut  que  l'arche- 
vêque de  Cantorbéry  en  consacrât  tous  les 
évêques  et  exerçât  sur  eux  les  pouvoirs  d'un 
métroi)olitain. 

Mais  une  violence  si  contraire  aux  canons  et 
aux  libertés  de  l'Eglise  ne  tarda  pas  d'être  por- 
tée au  jugement  du  pape  Eugène,  qui  commit 
des  juges  et  ordonna  cependant  aux  archevê- 
(jues  de  Cantorbéry  de  ne  plus  exiger  le  ser- 
ment qu'ils  avaient  jusqu'alors  exigé  par  une 
violente  domination  des  évê(]iies  de  Saint-Da- 
vids en  les  consacrant,  et  de  ne  leur  intenter 
jamais  de  procès  sur  le  droit  de  métropole.  Ce 
prncês  fut  roiiotivelé  sous  le  pape  Innocent  III, 
qui  se  mit  en  état  de  le  juger;  mais  ou  la  puis- 
sance des  archevêi|ues  de  Cantorbéry,  ou  la 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOUVEIXES  MÉTHOPOLES. 


259 


Justice  île  leur  cause  éloiiira  toules  ces  pour- 
suites, et  l'évoque  de  Saint-Davids  demeura 
suffra|.Mnt  de  Cantorl)(''ry. 

XIII.  Nous  avoHS  dit  eu  pailaut  des  primats 
que  saint  Malachie,  archevêque  d'Armagh,  en 
Irlande,  et  primat,  vint  à  Home  pour  y  deman- 
der le  pallimn  pour  lui  et  pour  un  autre  mé- 
tropolitain ,  que  son  prédécesseur  Celse  avait 
institué  dans  la  même  île  'An.  Ii:37;,  et  dont 
il  lallait  faire  confirmer  la  métropole  même. 
«  Erat  et  altéra  metropolitica  sedes,  quam  de 
novo  constituerai  Celsus  pra?decessor,  prim.p 
tamen  sedi  et  illius  arcliiepiscopo  subdita  tau- 
quam  primati.  Et  huic  quo([ue  optabat  nihilo- 
minus  pallium  Malachias,  confirmarique  aii- 
toritate  Sedis  aposlolicie  pncro^alivam,  quam 
beneficio  Ceisi  adipisci  meruerat.  »  C'est  ce 
qu'en  dit  saint  Iternard  dans  la  vie  de  ce  Saint. 

1 .  Remarquons  ici  juscju'à  quel  temps  on  a  vu 
les  traces  de  l'ancienne  police ,  que  les  métro- 
politains et  les  conciles  provinciaux  instituaient 
de  nouvelles  métroi)oles,  les  faisaient  dépendre 
des  anciennes,  et  par  conséquent  établissaient 
des  primaties  sans  faire  intervenir  l'autorité 
du  Saint-Siège.  Cet  usage  a  duré  justju'au  dou- 
zième siècle  dans  l'Irlande  .  parce  qu'étant 
comme  séparée  du  commerce  des  autres  na- 
tions, elle  recevait  plus  tard  les  influences  du 
chef,  et  n'avait  pas  la  même  facilité  de  se  con- 
former aux  autres  provinces  ecclésiastiques. 

2.  Ce  n'est  pas  le  pape  qui  fait  les  premières 
démarches  pour  convier  ces  Eglises  écartées 
dentrer  dans  une  plus  étroite  dépendance  du 
Saint-Siège  et  recevoir  de  cette  source  i)rimi- 
tive  les  titres  et  les  pouvoirs  des  métropoles  et 
des  primaties.  Ce  sont  les  Eglises  particulières, 
ce  sont  les  plus  saints  prélats ,  semblables  à 
saint  Malachie,  qui  par  un  instinct  de  religion 
ou  par  la  nécessité  de  leurs  Eglises  recher- 
chent cette  union  plus  étroite,  et  cette  com- 
munication plus  ordinaire  avec  leur  chef,  pour 
se  régler  sur  le  modèle  le  plus  achevé  que 
Jésus-Christ  ait  proposé  à  son  Eglise. 

On  n'a  qu'à  faire  un  peu  d'attention  sur 
tout  ce  qui  a  été  dit  des  primats  et  des  métro- 
politains dans  ce  chapitre  et  dans  les  précé- 
dents, pour  demeurer  entièrement  persuadé 
que  ce  furent  les  rois  et  les  prélats  qui  pré- 
vinrent le  Saint-Siège  par  leurs  prières  pour 
établir,  ou  pour  rétablir  et  pour  contirmer  les 
métropoles  de  leurs  Etats. 

3.  Les  papes  confirmaient  les  métropoles 
érigées  sans  leur  intervention,  et  les  Eglises 


demandaient  cette  conlirmaliou  sans  le  mom- 
dre  mouvement  de  jalousie  ou  de  défiance,  et 
sans  entrer  en  discussion  des  justes  limites  de 
leur  pouvoir,  n'ayant  en  vue  de  part  et  d'autre 
que  l'édification  de  l'Eglise  et  la  conspiration 
de  tous  les  membres  de  Jésus-Christ  en  une 
[larfaile  uniti;.  Aussi  le  pape  Innocent  11  con- 
firma d'abord  la  métro|iole  érigée  par  Celse. 
"  IV'tiit  Malachias  confirmari  nov;e  melropolis 
institutionem,  etc.  Et  confirmationis  quidem 
privilegium  mox  accepit,  etc.  (Baron.,  an. 
1131).  » 

i.  Ce  pape  ne  voulut  accorder  les  palliums 
qu'après  qu'un  concile  national  d'Irlande  les 
aurait  demandés.  Et  comme  ce  fut  Eugène  III 
qui  en\oya  les  quatre  palliums  pour  les  quatre 
archevêques  de  cette  île  par  le  légat  Paparons 
(Malt.  Paris.  An.  IISI),  il  faut  conclure  de  la 
que  les  Irlandais  avaient  deniandé  autant  de 
métropoles.  Il  {larait  encore  par  là  que  les 
pontifes  romains  n'ont  fait  que  seconder  les 
désirs  et  exécuter  les  demandes  des  Eglises 
particulières  dans  ces  sortes  d'établissements. 
Le  légat  Paparons  érigea  ces  quatre  métropoles 
d'Irlande  en  un  concile  national  de  toute  l'île, 
assemblé  dans  le  monastère  de  Mellifons  (Conc, 
tom.  X,  p.  1130). 

3.  Une  vieille  chronique  dit  bien  que  cela 
se  fit  contre  l'ancienne  coutume  ,  et  contre 
les  droits  de  l'Eglise  de  Cantorbéry ,  où  les 
évèques  d'Irlande  venaient  se  faire  consacrer 
(Scriptores  Hist.  Normann.,  p.  983-080).  Mais 
ou  c'était  une  usurpation  de  l'Eglise  de  Can- 
torbéry .  toute  semblable  à  celle  de  l'arche- 
vêque d'York,  sur  l'Ecosse,  dont  nous  avons 
])arlé  ci-dessus  ;  ou  si  les  premières  semences 
de  la  doctrine  évangélique  avaient  été  répan- 
dues dans  l'Irlande,  par  les  soins  des  arche- 
vêques de  Cantorbéry  ,  il  n'était  pas  juste  que 
l'Eglise  d'Irlande  demeurât  éternellement  dans 
un  état  d'enfance ,  et  qu'après  un  accroisse- 
ment raisonnable  elle  fût  privée  du  droit  com- 
mun de  toutes  les  autres  Eglises  un  peu  nom- 
breuses ,  d'avoir  ses  propres  métropolitains. 
Enfin,  avant  que  les  papes  ou  leurs  légats  s'en 
mêlassent.  l'Irlande  avait  déjà  deux  métropoli- 
tains, comme  saint  Bernard  nous  l'a  appris 
dans  la  vie  de  saint  Malachie,  et  l'un  d'eux  por- 
tant la  qualité  de  primat,  elle  avait  cessé  de 
dépendre  des  archevêques  de  Cantorbéry. 

6.  Ces  trois  exemples  des  Eglises  et  des  mé- 
tropolitains d'Irlande,  de  Galles  et  d'Ecosse 
contiennent  une   preuve   convaincante  de  la 


230        Dr  PREMIKR  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


nécessité  de  faire  intervenir  le  Saint-Siège  dans 
la  création  ou  la  conservation  des  métropoles. 
Car  les  anciens  métropolitains  de  Cantorbéry 
et  d'York,  soit  par  leur  propre  intérêt,  soit  par 
un  zèle  peu  modéré,  soit  par  la  sollicitation 
des  rois  d'Angleterre,  qui  ne  pensaient  qu'à 
lier  très-étroitement  ces  trois  Etats  à  leur  cou- 
ronne et  les  en  rendre  dépendants  par  toutes 
les  voies  imaginables;  ces  anciens  métropoli- 
tains, dis-je,  de  Cantorbéry  et  d'York  eussent 
supprimé  les  métropoles  deCalles  et  d'Irlande, 
eussent  emjiêché  qu'en  n'en  érigeât  jamais 
dans  l'Ecosse,  et  eussent  porté  un  préjudice 
inconcevable  à  ces  Eglises,  si  elles  n'eussent 
été  assistées  de  la  protection  puissante  du 
Saint-Siège. 

XIV.  Je  passe  d'Irlande  en  Espagne,  où  d'a- 
bord je  rencontre  la  métropole  de  Tarragone 
rétablie  dans  ses  anciens  droits  par  le  pape  Ur- 
bain II,  dès  qu'elle  eut  été  reprise  sur  les 
Maures  par  le  comte  Rcrenger.  Ce  [lape  en  ins- 
titua archevêque  l'évèque  d'Aussone ,  qui  en 
avait  été  fait  le  vicaire  et  comme  le  garde  par 
ses  prédécesseurs,  pendant  la  désolation  de 
cette  puissante  ville  (Baron.,  an.  1001,  n.  3). 
«  Nos  antecessorum  nostrorum  privilégia  se- 
quentes,  qui  Ausonensem  Ecclesiam  Tarrago- 
nensis  quondam  inslituere  vicariam,  tihi,  quia 
tuo  potissimum  studio  ha'c  est  reslilulio  iiisli- 
tuta,  ex  Romanœ  Ecclesiœ  liberalilatis  gralia, 
pallium,  totius  scilicet  sacerdolalis  dignitatis 
pleniludinem,  indulgemus  (Urbani  11,  cpisl. 
VII.  —  Conc,  tom.  x,  p.  428,  459,  460).  » 

Il  fut  même  permis  à  ce  nouvel  archevêque 
et  à  ses  successeurs  de  retenir  encore  l'évèché 
d'Aussonne  jusqu'à  un  parfait  rétablissement 
de  la  ville  et  de  l'Eglise  de  Tarragone.  «  Auso- 
nensem  Ecclesiam  libi  tuis([ue  successoribus 
tamdiu  concedimus  possidendam  ,  donec,  au- 
tore  Deo,  ad  |)rislini  status  ))lenitndin(  m  ve- 
stro  studio  Tarragonensis  Eccksia  relorme- 
tur.  » 

L'archevêque  de  Narbonnc  s'opposa  à  ce  ré- 
tablissement de  la  métnipole  de  Tairagone, 
protestant  dans  ses  lettres  à  ce  pape  (ju'il  y 
avait  été  reconnu  durant  quatre  cents  ans 
comme  mélro|iolilain,  cl  (]u'il  s'y  était  lait  en- 
core jdus  sentir  par  ses  bienfaits  (|ue  par  sa 
domination  pendant  la  longue  désolation  de 
l'Es|pagne.  Le  pape  lui  donna  quel(|ue  satis- 
faction jusipi'ii  ce  que  la  ville  de  Tarragone 
fût  entièrement  réparée.  El  comme  plusieurs 
autres  métropoles  d'Es[)agne   étaient   encore 


comme  ensevelies  dans  leurs  ruines,  le  pape 
Pascal  II  les  conuiiit  toutes  au  primat  de  To- 
lède ipascal  II ,  epist.  iv),  <à  condition  (|ue  dès 
qu'elles  auraient  recouvré  leur  première  gloire 
avec  la  liberté,  elles  éliraient  aussi  leurs  pro- 
[tres  métro[iolitains.  «  Ut  quoad  sine  propriis 
extiterint  metropolitanis ,  tibi  ut  proprio  de- 
beanl  subjacere.  Si  vero  metropolis  quadibet 
in  statuni  fuerit  pristinnm  restituta,  suo  quœ- 
que  diœcesis  metropolitano  restituatur.  » 

Nous  j)Ouvons  ici  observer  de  nouvelles 
traces  de  la  nécessité  publique  des  Eglises,  qui 
a  causé  le  changement  de  l'ancienne  discipline 
en  ce  point,  et  a  fait  tomber  entre  les  mains 
des  souverains  i)ontifes  toute  la  disposition 
des  nouvelles  métropoles  qu'on  créait  autre- 
fois dans  les  conciles  (larliculiers.  Les  ancien- 
nes mélroi)oles  d'Espagne  après  plusieurs  siè- 
cles de  désolation  et  de  captivité  n'étaient 
presque  plus  connaissabics,  lorsqu'elles  com- 
mencèrent a  se  rétablir.  Leurs  limites  étaient 
incertaines,  d'autres  métropolitains  s'y  étaient 
autorisés  par  une  longue  domination,  par  leur 
]irotectiou  et  par  leurs  bienfaits;  les  souverains 
n'étaient  ])lus  les  mêmes,  et  leurs  intérêts  d'E- 
tat où  l'Eglise  est  bien  avant  mêlée  étaient 
aussi  fort  dillérents. 

Il  était  ])res(iu('  imiiossihle  de  sortir  de  ce 
labyrinthe  sans  l'aLitoritc,  du  premier  siège  de 
l'Eglise,  qui  n'avait  point  d'autre  intérêt  solide 
que  celui  de  ménager  en  père  connnun  les 
avantages  justes  et  raisonnat)les  des  piinces 
temporels  el  des  Eglises  particulières,  afin  de 
se  les  lier  d'autant  plus  par  les  chaînes  les 
plus  indissolubles  de  toutes,  qui  sont  celles  de 
la  justice  et  de  la  charité  qui  nous  lie  tous  à 
Dieu,  qui  est  l'imité,  la  justice  et  la  charité 
même.  On  ne  pouvait  [lour  cela  prendre  des 
mesures  plus  justes  que  celles  que  ])rirent  les 
deux  papes  dont  nous  a\ons  parlé,  Urbain  II  et 
Pascal  H. 

Calixte  II  en  usa  de  même  envers  l'Eglise  de 
Drague  ,  que  le  souverain  de  Portugal  ,  le 
comte  Henri  ,  venait  de  reprendre  sur  les 
Maures.  Pascal  11  avait  commencé  de  rendre 
à  cette  ville  son  ancienne  splendeur,  dont  les 
droils  et  les  titres  étaient  déjà  comme  etfacés. 
«  Irruentibus  Manris  et  metro|)olis  dignilas  im- 
minuta, et  parochiarum  termini  immuniti  (Ba- 
ron., an.  1123,  n.  2).  »  Calixte  II  s'en  rapporta 
à  la  bonne  foi  du  comte  Henri  pour  les  limites 
du  diocèse  et  de  la  province  de  Drague.  «  Sicut 
in  descriptione  pra-dicli  domini  continetnr.  » 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOUVELLES  MÉTROPOLES. 


251 


Cet  illustre  coinjiiéraiit,  qui  fui  aussi  le  foiuki- 
tciir  df  la  inonarcliie  porlufiaise,  avait  tous  les 
intérêts  cki  monde  à  donner  de  la  considéra- 
tion a  une  ville  qui  devait  être  la  ^'loire  de  ses 
Etats  (Conc,  tom.  x,  p.  83ni. 

Ce  fut  le  même  Calixte  11  qui  érij^ea  Com- 
postelle  en  métropole,  lui  soumettant  une  pro- 
vince qui  gémissait  encore  en  partie  sous  la 
tyrannie  des  infidèles  (Baron.,  an.  Il2:i,  n.  I). 
Innocent  111  confirma  ce  même  privilège.  Ces 
papes  eurent  sans  doute  égard  à  la  piété  et  aux 
demandes  des  Espagnols  qui  révéraient  l'apô- 
tre saint  Jacques  dans  cette  Eglise.  Ils  y  trans- 
férèrent le  siège  métropolitique  de  Mérida,  qui 
était  enlièreinent  ruiné  :  le  jiape  Iiuiocent  III 
ordoima  à  la  vérité  que  quand  Mèi'ida  viendrait 
à  se  ré tablir,révèque  en  demeurât  soumis  au  mé- 
tropolitain de  Composlelle  (Reg.  ii,  ep.  cxxxix). 
Mais  il  y  a  toutes  les  apparences  possibles  que 
les  rois  et  les  prélats  d'Espagne  l'avaient  désiré 
de  la  sorte. 

Mariana  dit  que  ce  fut  Urbain  II  qui  trans- 
féra le  siège  èpiscopal  d'Iria  à  Conipostelle, 
donna  le  pallium  au  nouvel  èvèque.pt  l'affrari- 
cliit  de  la  métropole  de  Drague  (Rainald.,  an. 
1199,  n.  51).  Ce  furent  là  comme  des  degrés 
pour  monter  plus  haut  (L.  x,  c.  »,  12).  Cet 
auteur  remarque  que  le  roi  consentit  à  ce  chan- 
gement. «  Accessit  regius  consensus.  »  Pierre 
le  Vénérable,  abbé  de  Ciuny,  fut  employé  par 
Ttimpereur  d'Espagne,  c'est  comme  il  l'appelle, 
pour  faire  condescendre  le  pajie  Innocent  11  à 
l'élection,  ou  à  la  postulation  qu'on  avait  faite 
de  l'évêque  de  Salamanque  pour  archevêque 
de  SaintJacques,  c'est  ainsi  qu'on  appelait  l'ar- 
chevêque de  Conipostelle  :  les  rois  d'Espagne 
croyaient  rehausser  leur  couronne  en  hono- 
rant cette  Eglise.  «  InteromnesHispanas  Eccle- 
sias  caput  extulit^  »  dit  cet  abbé. 

Je  laisse  les  contestations  excitées  entre  les 
archevêciues  de  Conipostelle  et  ceux  de  Drague 
(Petr.  Venerabil.,  1.  iv,  ep.  ix!  pour  lesévèchès 
de  Lisbonne,  de  Coimbre,  de  Lamégo,  de 
Viseu ,  d'Egitania,  et  d'Ebora,  autrefois  au 
moins  en  partie  suffragants  de  Mérida.  Inno- 
cent m  les  adjugea  à  Compostelle  (Innocent.  III^ 
regist.  Il,  epist.  cm,  cv,  cxxxiii,  et  seq.).  Ces 
mêmes  archevêques  contestèrent  avec  celui  de 
Tolède  sur  l'évêché  de  Zamora ,  formé  (lar  la 
retraite  que  l'évêque  d'Astorga  y  avait  donnée 
à  ré\èque  de  Valence,  après  que  la  ville  de 
Valence  eut  été  ruinée  par  les  Maures. 

Le  roi   Aliihonse  d'Aragon  ayant  repris  la 


ville  de  Saragosse  sur  les  Sarrasins,  en  envoya 
l'évêque  Pierre  à  Rome,  pour  y  être  ordonné 
par  le  pape  (iélase  II  (Haioii.,  au.  Il  18,  n.  IHj. 
Ce  pajie  le  consacra,  et  envoya  une  bulle  d'in- 
dulgences pour  tous  ceux  qui  contribueraient 
par  leurs  aumônes  a  en  réparer  les  Eglises 
ruinées.  Ce  ne  fut  que  longtemps  après  que 
cette  Eglise  fut  érigée  en  métropole  par  le  pape 
Jean  XXII  en  divisant  celle  de  Tarragone,  qui 
était  dans  le  même  royaume  d'Aragon,  Rainald, 
(an.  l.Jls,  11.  aS).  Mariana  attribue  au  pape 
Doniface  IX  la  création  de  la  métropole  de  Lis- 
bonne I Mariana,  1.  lxxxi,  c.  13,  Rainald.,  an. 
1492,  n.  6).  Enfin  ,  Grenade  n'étant  sortie  de  la 
servitude  des  Sarrasins  (lue  la  dernière  ,  après 
environ  huit  cents  ans, il  est  visible  que  quand 
le  pape  Alexandre  VI  lui  rendit  son  ancienne 
inétroi)ole.  et  lui  désigna  ses  suffragants,  c'était 
comme  une  nouvelle  création  ,  plutôt  qu'un 
rétablissement  de  son  ancienne  dignité. 

XV.  Quelque  temps  après  le  naufrage  géné- 
ral de  l'Espagne,  le  pape  Léon  111  avait  érigé 
la  métropole  d'Ovièdo  (Rodericus ,  1.  iv,  c.  9, 
17,  18).  Le  pape  Jean  VIII  écrivant  au  roi 
Alphonse,  sembla  soumettre  tous  les  évêques 
et  tous  les  abbés  à  ce  métropolitain,  qu'il  avait 
institué  à  leur  instance.  «  Ecclesiœ  Ovetensi, 
quani  vestro  consensu  et  assidua  petitione  nie- 
tiopolitanem  constituimus.onmes  vos  siibditos 
esse  mandamus.  »  Cinq  métropoles  d'Espagne 
étant  absorbées  dans  les  ruines,  Oviédo  fut 
comme  la  seule  métropole  des  Es[iagnes  :  aussi 
l'érection  s'en  fit  aux  instances  du  roi  Alphonse 
et  a  la  demande  du  concile  général  «  Rex  cum 
uxore  et  filiis.episcopis  et  comitibus  et  niagna- 
tibus,  autoritate  domini  papœ  Joannis,  Ove- 
tuni  ad  celebrandum  concilium  convenerunt, 
in  quo  cum  universali  convenientia  civitas 
Ovetensis  dignitate  metropolitica  insignitur, 
et  Hermegildus  in  archiepiscopuni  sublima- 
tur  ;  quia  Hispania  captivatis  quinque  sedibus 
nietio[)oliticis,  silebat  oflicio  metro|)olitico  de- 
stiluta.  » 

Mariana  confirme  ce  récit,  et  ajoute  avec 
Roderic  que  la  ville  d'Oviédo  s'appelait  la  ville 
aux  évoques  (Mariana,  1.  vu,  c.  18),  parce 
que  la  plupart  des  évêques  chassés  de  leurs 
Eglises  par  les  Mahométans  s'y  étaient  retirés, 
comme  nous  avons  dit  ci-devant. 

Ce  fut  donc  dès  le  pontificat  de  Jean  VIII, 
c'est-à-dire  dès  le  milieu  du  neuvième  siècle, 
que  l'on  interposa  l'autorité  du  Saint-Siège 
pour  la  création  d'une  nouvelle  mètro[)ole.  Les 


232         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


rois,  les  évèques  et  les  nobles  conspirèrent 
pour  cela.  La  nécessité  ne  pouvait  pas  être  plus 
grande,  puisque  la  dignité  et  les  fonctions  des 
niétnipolifains  étaient  comme  abîmées  depuis 
plus  de  cent  ans  dans  ce  naufrage  universel  des 
Etats  et  des  Eglises  d'Espagne.  Oviédo  fut  érigée 
sur  les  débris  des  autres,  comme  la  métropole 
universelle  de  toute  l'Espagne.  Cette  pieuse 
mère  rendit  avec  joie  le  dépôt  qu'elle  avait 
conservé  aux  autres  métroi)oles,  lorsque  suc- 
cessivement les  unes  après  les  autres  elles  se 
rétablirent.  Elle  ne  prétendit  pas  même  con- 
server sur  elles  aucune  marque  d'une  si  lon- 
gue supériorité,  ne  jugeant  pas  raisonnable 
de  profiter  du  désastre  de  ses  sœurs. 

XVI.  Les  mélro])oles  de  France  étant  presque 
toutes  fort  anciennes,  il  n'est  pas  besoin  de 
nous  y  arrêter  beaucoup.  Le  pape  Jean  XXll 
érigea  l'évéché  de  Toulouse  en  archevêché.  11 
nous  apprend  lui-même  dans  sa  bulle  que  le 
pape  Clément  V  avait  formé  le  même  dessein  : 
qu'un  saint  évêque  de  Toulouse  nommé  Fou- 
ques  avait  fait  de  vives  instances  auprès  du 
pape  Innocent  111  pour  faire  partager  son  évê- 
ché  en  plusieurs  évêchés,  parce  que  l'étendue 
en  était  si  grande  qu'il  était  impossible  à  un 
seul  évêque  de  s'appliquer  et  de  satisfaire  à 
tant  de  peut>les  et  à  tant  de  besoins  différents  : 
qu'Innocent  111  jugea  plus  à  propos  de  ne  [>as 
allaiblir  alors  cet  «'■vêché,  afin  que  ses  richesses 
qui  égalaient  son  pouvoir,  servissent  à  répri- 
mer les  fureurs  des  Albigeois  :  que  présente- 
ment ces  grandes  richesses  ne  servaient  plus 
qu'à  entretenir  le  luxe  et  la  vanité  des  prélats. 

«AttendentesquodlicetTolosanusepiscopalus 
divitiis  abundaret  immensis^  vix  tamen  supe- 
rerat  liucusc]uememoria  (juod  exsuorum  opu- 
lentia  copiosa  redituum  aliquod  in  Ecclesia  vel 
diœcesi  Tolosana  pervenisset  divini  cultus  au- 
gnii-ntum.  Iino  sic  ex  adip(!  [irodierat,  et  pro- 
dibat  ini(|uitas,  ut  multo  jam  tempore  luxus, 
cura  carnis  in  desideriis,  evectionum  pompa, 
nnmerositas  clientela',  iuunoderata  distiibutio 
in  parentes  :  sum|)tus  énormes  ac  usas  extraor- 
dinarii,  sibi  vindicassent  ibidem  totum  patri- 
moniuin  crucifixi.  Et  vcrendum  erat,  ne  jir.esul 
unus  inciassatus  et  dilatatus,  ex  exccssivis  hu- 
jusmodi  operibus  l'X  superliis,  periculose  re- 
calcilrans,  Deuin  factorcm  smun  r('liu(|ueret, 
et  iK'rdilionis  exeuipla  in  siios  siibiiitos  deri- 
varet  (Rainald.,  an.  l.ilT,  n.  12.  —  Extravag. 
Commun.  L.  m.  Tit.  ii,  c.  h,  (i,  7).  »  D'où 
ce   i)apc   conclut  qu'il  a  été  avantageux,  ci 


même  nécessaire  de  partager  ces  excessives  ri- 
chesses entre  plusieurs  jn-élats,  et  de  donner 
plusieurs  pasteurs  à  un  troupeau  dont  il  était 
impossible  qu'un  seul  évêque  prît  toute  la 
conduite. 

XVII.  Le  roi  Charles  V  de  France  fit  ses  ins- 
tances au|)rès  du  pape  Grégoire  XI  pour  faire 
ériger  Paris  en  métropole  (Spond.,  an.  1377, 
n.  -20).  Ce  pape  néanmoins  lui  fit  agréer  les 
raisons  de  ne  i)as  le  faire,  dont  les  principales 
furent  l'antiquité  de  la  métropole  de  Sens,  et 
la  pauvreté  tant  de  l'Eglise  de  Sens  que  de  celle 
de  Paris.  Il  permit  néanmoins  (pie  révéi|ue  de 
Paris  pût  user  du  pallium.  La  modestie  de  ce 
jnélat  le  porta  ci  s'abstenir  de  cet  ornement.  Ses 
successeurs  furent  ses  imitateurs,  jusqu'en  Lan 
1(122  qu'à  la  poursuite  du  roi  Louis  XIII  l'E- 
glise de  Paris  fut  érigée  en  métropole. 

Les  siècles  à  venir  admireront  d'autant  plus 
la  modération  et  l'humble  retenue  de  nos  rois 
et  des  prélats  de  celte  ville,  qui  est  depuis  tant 
de  siècles  la  plus  riche,  la  plus  nombreuse,  et 
la  i)lus  |»uissante  ville  du  monde,  et  la  capitale 
du  plus  noble  et  du  plus  puissant  royaume  de 
la  chrétienté,  qu'il  est  sans  exemple  dans  l'an- 
ti(iuité  même  que  les  prélals  des  villes  royales 
se  soient  contentés  d'un  rang  médiocre  (An. 
l()-22.  Preuves  des  Lib.  de  l'Eg.  Gall.,  p.  12o;j. 
Synod.  Paris.,  p.  iriS,  470). 

XVIII.  Ces  changements  se  faisaient  avec 
beaucoup  de  facilité,  quand  ils  n'intéressaient 
que  les  diverses  Eglises  d'un  même  Etat,  et  sous 
un  même  prince.  Mais  quand  le  pape  Paul  IV,  se- 
condant les  désirs  de  Philippe  II,  roi  d'Espagne, 
érigea  en  métropoles  l'évéché  de  Cambrai  qui 
relevait  de  Reims,  et  celui  d'Utrecht  qui  dé- 
l>endaif  de  Cologne,  et  qu'instituant  de  nouveau 
la  métropole  de  Matines,  il  soumit  à  ces  trois 
archevêchés  non-seulement  les  anciens  évê- 
chés d'Arras  et  de  Tournai,  qui  étaient  aupa- 
ravant de  la  province  de  Reims,  mais  aussi 
treize  autres  évêchés  de  nouvelle  création,  ce 
(jui  ne  se  {touvait  faire  qu'en  démembrant  le 
ressort  de  beaucou|)  d'évêchés  d  Allemagne  , 
ce  changement  ne  put  se  faire  sans  beaucoup 
de  plaint(!S  et  d'ojipositions  des  Eglises  intéres- 
sées, dont  on  n'avait  pas  obtenu  le  consente- 
ment. 

Le  cardinal  de  Lorraine  ayant  convoqué  son 
concile  provincial  à  Reims  (juelciues  années 
après,  savoir  en  1.504,  et  y  ayant  convoqué  les 
évêqups  de  Cambrai,  d'Arras,  de  Tournai  et  de 
Saint-Onier,   comme  anciens  suUVagants  de  sa 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOUVELLES  MÉTROPOLES. 


métropole  de  Reims (Sponde.,anno  l.-i.'W,  n.  i. 
An.  LMil  ,  l'arclievèi|iie  de  Ciimbrai  envoya 
par  ses  procnrenrs  les  bulles  de  Paul  IV  et  de 
Pie  IV  pour  la  création  de  sa  nouvelle  métro- 
pole, à  laqiielle  ces  |)apes  soumettaient  ces 
autres  évècliés,  démembrés  de  celle  de  Reims. 
Le  promoteur  du  concile  iirotesta  que  cela  ne 
suffisait  pas  pour  priver  l'Ejilise  de  Reims 
de  son  ancienne  juridiction;  le  concile  demanda 
du  temps  pour  eu  délibérer,  et  en  informer 
cependant  le  roi  (Concil.  Nov.  Gall.,  p.  21,  2(ij. 
Le  cardinal  de  Lorraine  faisant  réponse  aux 
lettres  de  ces  quatre  prélats,  leur  déclara  que 
le  pape  ayant  ordonné  (ju'on  n'exécutât  rien 
sans  avoir  appelé  les  intéressés  ,  «  Prœceptum 
esse  ne  res  conficeretur,  nisi  vocatisiis.adquos 
quomodocumque  pertinet;  »  on  n'avait  averti 
ni  le  roi  très-clirétien.  ni  le  métropolitain  de 
Reims  d'un  changement  de  si  grande  impor- 
tance :  que  par  conséquent  on  avait  en  cela 
violé  les  décrets  des  conciles  deNicée,  d'Ephèse 
et  de  Calcédoine,  et  qu'il  était  résolu  d'em- 
ployer tous  les  remèdes  du  droit  et  toutes  les 
voies  canonicjues  :  «  Statuinms  omni  ratione 
juris  remédia  adbibere,  »  pour  la  conservation 
des  anciens  droits  de  sa  métropole. 

Le  cardinal  de  Cuise  tenant  depuis  son  con- 
cile provincial  de  Reims  en  1583,  y  fit  appeler 
les  évèquesde  Candîrai,  de  Tournai  etd'Arras, 
comme  anciens  suU'ragants  de  sa  métropole 
(Conc.  Nov.  Cuil.,  p.  257,  274).  Ces  évèques  ne 
s'y  trouvèrent  pas,  non  plus  (pie  ceux  d'Ypres 
etdeSaint-Omer,  quiy  avaient  aussi  été  convo- 
qués. Le  concile  jugea  à  propos  de  les  e.xcuser, 
à  cause  de  la  guerre  qui  était  alors  fort  em- 
brasée dans  les  Pays-Ras.  v  Attentis  bellorum 
tumultibus,  oui  in  suis  diœcesibus  notorie 
urgent.  »  Mais  il  déclara  en  même  temps  que 
s'ils  ne  se  rendaient  à  l'avenir  a[)rès  une  convo- 
cation canonique  aux  conciles,  on  procéderait 
contre  eux  par  les  voies  du  droit,  a  Nisi  ad  fu- 
tura  concilia  débite  vocati  accesserint,  contra 
eos  per  vias  juris  procedatur.  » 

Les  archevêques  de  Reims  ont  depuis  sou- 
vent réitéré  les  mêmes  protestations,  les  guerres 
ont  aussi  été  fort  fréquentes,  en  sorte  ([ue  la 
prescri|)tion  de  quarante  ans  n'a  jamais  pu 
s'établir.  Enfin  ,  les  armes  victorieuses  de 
notre  grand  monarque  ayant  remis  la  ville  de 
Cambrai  dans  la  même  sujétion  à  la  couronne 
de  France,  où  elle  avait  été  pendant  tant  de 
siècles,  les  mêmes  protestations  ont  été  renou- 
velées l'année  d'après,     c'est-à-dire  en  l'an 


I(i7.'!,  par  celui  qui  remplit  avec  tant  de  zèle, 
tant  de  suffisance  et  de  gloire  l'Eglise  métropo- 
litaine de  Reims. 

En  divers  temps  on  a  fait  justice  aux  métro- 
politains en  trois  dillérentes  manières  dans  les 
rencontres  semblables.  I"  On  a  ipK.'bpiefois  dé- 
gradé la  nouvelle  métropole,  et  on  l'a  réduite 
en  un  simple  évéché,  sufîragant  de  l'ancienne. 
Ce  fut  ainsi  ([u'on  en  usa  envers  l'archevêque 
de  Uol ,  dont  les  prédécesseurs  avaient  obtenu 
le  pallium  jiendant  quel(}ues  siècles,  et  a  qui 
les  archevêques  de  Tours  même  avaient  été 
disposés  de  laisser  la  ijualité  de  métroiiolitain, 
et  deux  évêchés  sullragants,  s'ils  eussent  voulu 
quitter  le  reste  de  ce  qu'ils  avaient  usurpé. 

2"  On  a  quelquefois  confirmé  la  nouvelle 
métropole,  et  on  lui  a  laissé  quelques  évêques 
sutfragants,  en  l'assujettissant  à  l'ancien  métro- 
politain comme  à  son  primat. 

Lorsqu'on  traitait  de  l'accommodement 
entre  les  Eglises  de  Tours  et  de  Dol  sous  le  pape 
Innocent  lll,  le  métropolitain  de  Tours  fit  offrir 
à  celui  de  Dol  de  lui  laisser  deux  évêchés  suf- 
fragants  avec  la  qualité  de  métropolitain,  s'il 
voulait  reconnaître  le  métropolitain  de  Tours 
comme  sou  primat,  et  recevoir  de  lui  la  consé- 
cration et  le  pallium,  qu'on  aurait  apporté  de 
Rome.  Le  pape  tén)oigna  beaucoup  de  passion 
pour  cet  accommodement  ;  l'évèque  de  Dol  le 
refusa,  ])arce  qu'on  ne  lui  accordait  pas  les 
deux  évêchés  les  plus  proches  de  Dol  ;  mais  il 
ne  tarda  guère  de  se  repentir  de  son  relus  in- 
considéré, comme  nous  le  dirons  dans  l'article 
suivant. 

Nous  avons  montré  ci-dessus  comment  les  rois 
de  Danemark  demandant  l'érection  d'une  mé- 
tropole dans  leur  Etat,  dont  tous  les  évêchés 
avaient  jusqu'alors  relevé  de  celle  d'Hambourg, 
qui  était  du  corps  de  l'empire,  l'archevêque 
d'Hambourg  refusa  son  consentement,  si  on  ne 
le  déclarait  patriarche  ou  primat  de  cette  nou- 
velle métropole.  Voici  comment  en  parle  Adam, 
((  Sola  expectabatur  sententia  nostri  pontificis. 
Quain  rem  lUe  si  patiiarchatus  sibi  honor,  et 
Ecclesiœ  suae  concederetur,  romanis  privilcMis 
fore  ut  consentiret  promisit.  » 

Deux  raisons  empêchèrent  l'érection  de  cette 
primatie:  l'opposition  du  roi  de  Danemark  qui 
ne  voulait  pas  que  tous  les  évêques  de  son 
Elat  relevassent  d'un  prélat  étranger,  et  l'atta- 
che opiniâtre  de  l'archevêque  d'Haml)ourg  au 
schisme  des  rois  d'Allemagne  contre  les  papes. 

Nous  avons  déjà  dit  que  nos  rois  ayant  re- 


2">4         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


pris  Narbonne  sur  les  Sarrasins  d'Espagne,  ils 
la  soumirent  à  la  primatie  de  Rourges  afin  de 
l'alTermir  davantage  dans  l'obéissance  de  la 
couronne  de  France.  On  a  érigé,  en  1078,  Albi 
en  métropole,  en  la  soumettant  du  consente- 
ment des  parties,  à  la  primatie  de  Rourges, 
dont  elle  était  démembrée.  Ce  n'a  été  (ju'aux 
instances  du  roi  très-chrétien  que  le  pape  a 
érigé  celte  nouvelle  métropole.  Le  rescrit  du 
pape  qui  fut  à  ce  sujet  publié  en  1080  ne  parle 
en  aucune  manière  de  cette  primatie ,  dont  les 
parties  étaient  convenues.  Ce  qui  fait  voir  que 
le  pape  rejeta  ce  dont  les  parties  étaient  demen- 
rées  d'accord  à  cet  égard . 

.3°  On  a  (pielquefdis  donné  d'autres  compen- 
sations aux  anciennes  métropoles,  qu'on  dé- 
membrait pour  en  ériger  de  nouvelles  (Synod. 
Paris.).  On  en  a  usé  de  la  sorte  envers  la  mé- 
tropole de  Sens,  quand  on  a  érigé  celle  de  Paris. 
On  ne  pouvait  pas  donner  à  l'Eglise  de  Sens, 
qui  était  déjà  soumise  au  firimat  de  Lyon,  l'au- 
torité (le  la  primatie  sur  celle  de  Paris,  parce 
qu'il  est  presque  inouï  dans  l'Eglise  qu'un 
primat  qui  préside  à  des  métropolitains  relève 
lui-même  d'un  primat  autre  que  le  patrianbe. 
On  pont  considérer  au  contraire  que  l'P'glise 
de  Reims  a  joui  etfectivement  du  titre  et 
des  pouvoirs  de  la  primatie  au  temps  de  saint 
Rémi. 

XIX.  Il  faut  dire  un  mot  de  l'Eglise  de 
Tours,  dont  les  droits  de  métropole  ont  été  si 
longtemps  disputés  par  les  évoques  de  Rretagne 
qui  s'en  étaient  soustraits,  et  toujours  néan- 
moins maintenus  par  les  rescrits  du  Saint- 
Siège  (Spicil.,  tom.  xiu,  p.  208,  par.  2^.  Hilde- 
bert,  archevêque  de  Tours,  avait  autrefois 
conjuré  le  pape  de  ne  plus  envoyer  le  pallium 
aux  évè(jues  de  Dol,  puisque  le  pape  Urbain  II 
avait  déclaré  toute  la  Rretagne  soumise  à  la 
métropole  de  Tours,  et  que  le  pallium  avait  été 
envoyé  à  la  personne,  et  non  à  l'Eglise  de  l'évè- 
que  de  Dol. 

Ce  tut  le  pape  Innocent  III  qui  termina  ce 
procès,  après  une  exacte  discussion  de  tous  les 
titres  qu'on  produisit  de  part  et  d'autre,  et  qui 
soumit  tous  les  évêchés  de  Rretagne  et  celui 
de  Dol  même  à  l'ancienne  métropole  de  Tours, 
défendant  à  l'évcqne  de  Dol  d'aspirer  jamais  à 
la  gloire  du  pallium,  et  annulant  par  avance 
toutes  les  pièces  qu'on  pourrait  à  l'avenir  pro- 
duire pour  renouveler  ce  différend. 

Ce  pape  expose  dans  sa  bulle  comment  les 
Bretons  s'étant  autrefois  révoltés  contre  le  roi 


de  France,  et  ayant  créé  un  roi  de  leur  nation, 
affectèrent  aussi  la  gloire  d'avoir  un  métropo- 
litain, et  élurent  pour  cela  l'évêque  de  Dol, 
colorant  leur  audace  de  ce  vain  prétexte, 
qu'autrefois  saint  Samson,  archevêque  d'York  , 
ayant  été  exilé,  s'était  retiré  à  Dol,  et  y  avait 
pendant  sa  vie  exercé  les  fonctions  pontificales 
avec  le  pallium  ;  que  le  pape  Nicolas  I"  s'op- 
posa à  cette  double  rébellion  des  évêques  bre- 
tons; que  les  papes  Urbain  II,  Luce  11,  .\nas- 
tase,  Eugène  et  Alexandre  avaient  unanime- 
ment soutenu  la  cause  de  la  métropole  de 
Tours  (Rainald.,  an.  1199,  n.  î)2.  Innocent.  III. 
regeste  xi.  epist.  lxxxh,  lxxxhi,  lxxxiv).  L'é- 
vêque élu  de  Dol  voulut  remettre  son  évéché 
entre  les  mains  de  ce  pape,  pour  n'avoir  pas  le 
déplaisir  de  voir  son  Eglise  rabaissée  et  comme 
dégradée  en  sa  personne.  Mais  le  pape  lui  dé- 
clara qu'il  ne  pouvait  quitter  son  épouse,  ni 
résigner  son  évêché  sans  sa  permission  ;  que 
bien  loin  de  le  lui  ])ermettre,  il  lui  ordonnait 
par  les  plus  saintes  lois  de  l'obéissance  d'aller 
recevoir  l'ordination  de  rarchevêijue  de  Tours 
son  métropolitain.  «  Tu  sponsus  es,  et  te  sponsa 
tua  exigit.  Istud  facere  absque  nostra  licentia, 
quod  nolumus,  tu  non  potes.  Til)i  in  virtute 
obedientiie  pia'cipimus,  etc.  » 

Le  récit  que  fait  Matthieu  Paris  de  cette  his- 
toire est  tout  sendilable,  et  c'est  dans  celle  oc- 
casion où  il  donne  cet  élog(!  au  pape  Inno- 
cent III  (Matlh.  Paris,  an.  1110);  je  dis  éloge, 
parce  ((u'effectivement c'est  pour  releverla haute 
suffisance  et  habileté  de  ce  pape,  qu'il  l'appelle 
hardi  jurisconsulte,  conuue  ayant  fini  une  af- 
faire qui  avait  embarrassé  durant  tant  de  siècles 
tous  ses  prédécesseurs.  «  Ut  qui  in  scientia  erat 
magnus,  audax  simul  jurisperitus.  » 

Roger  ajoute  cette  particularité  remarquable, 
que  les  procureurs  de  l'archevêque  de  Tours  à 
Rome  étant  disposés  d'accorder  que  la  qualité 
de  métro[)olitain  demeurât  à  l'évêque  de  Dol, 
avec  deux  évêques  sulTragants,  pourvu  qu'il  re- 
connût rarchevêt|uede  Tours  comme  son  pri- 
mat (Rogerius,  n.  797),  et  reçût  de  lui  la  consé- 
cration avec  le  pallium,  qu'on  aurait  apporté 
de  Rome  ;  l'évêque  de  Dol  refusa  cet  accom- 
modement, parce  qu'on  ne  lui  accordait  pas 
les  deux  évêchés  les  plus  proches  de  Dol.  Le 
pape  fit  tous  ses  efforts  pour  les  porter  de  jiart 
et  d'autre  à  s'accommoder,  à  (juoi  n'ayant  jiu 
réussir  il  prononça  en  sorte  que  l'évêque  de 
Dol  eut  sujet  de  se  repentir  du  refus  inconsi- 
déré qu'il  avait  fait. 


DE  LKRECTIU-N  DES  xNOLVELLES  METUOl'OLES. 


ONK 


Au  reste  il  ne  faut  pas  oublier  cette  reniar- 
(lue  importante,  que  le  pape  Innocent  111  ayant 
mis  le  pape  Luce  11!  entre  ceux  de  ses  prédé- 
cesseurs ([ui  avaient  protégé  les  métropolitains 
de  Tours  contre  ceux  de  Dol ,  il  nous  a  appris 
que  ce  i)ape  avait  enfin  déféré  aux  lettres  pres- 
santes du  roi  de  France,  Pliiliiipe  Auguste,  où 
ce  roi  témoignait,  que  c'était  abattre  sa  cou- 
ronne de  dessus  sa  tète  royale  ([ne  d'arraciier 
les  évéques  de  Bretagne  de  l'obéissance  an- 
cienne des  archevêques  de  Tours  :  «  Regnum 
nostrum  tiirpiter  iiuminuereac  mulilare,  coro- 
nam  décapite  nostro  dejicere,  frangereet  pedi- 
bus  conculcare ,  etc.  Si  processerit  factnm 
istud,  minus  amodo  vos  reslimabimus  patrem 
(|uam  vitricnm  ;  minus  senlietis  nos  filium. 
quam  privignum  (Inter.  Epist.  Stepliani  Tor- 
nac.  Epist.  cxxv,  cxxvi.  cxxvuj.» 

Je  laisse  les  autres  termes  animés  d'un  même 
ressentiment  (Vide  Ibid.  Ep.  \lv,  xlix,  clix). 
Si  c'est  de  Luce  II  que  le  ])aiie  Innocent  III 
parle,  il  faut  dire  que  ce  fut  lui-même  qui  se 
rendit  aux  vives  instances  et  aux  raisons  évi- 
dentes du  même  roi,  en  donnant  une  résolu- 
tion toute  contraire  aux  projets  de  Luce  III , 
trop  favorable  aux  Bretons. 

Ces  contestations  fréquentes  qui  s'élèvent 
entre  les  métropolitains,  surtout  de  diversEtats, 
nous  font  voir  la  nécessité  inévitable  de  recou- 
rir à  un  souverain  tribunal.  C'est  pour  cela  que 
les  métropolitains  ont  pris  soin  de  faire  confir- 
mer par  le  Saint-Siège  tous  les  droits  de  leur 
diocèse  et  de  leur  métropole  (Conc,  tom.  ix, 
p.  778,  972).  On  en  peut  voir  un  grand  nombre 
d'exemples  dans  les  éditions  des  conciles  [Conc, 
tom.  X,  p.  818,  819,  953,  900). 

XX.  Les  Eglises  même  les  plus  éloignées 
ont  eu  besoin  de  l'autorité  du  Saint-Siège  pour 
rétablir  leurs  métropoles,  ou  de  sa  protection 
pour  les  maintenir.  Le  pape  Léon  IX,  ayant 
appris  de  l'archevêque  de  Carthage  qu'il  n'avait 
plus  que  cinq  évéques  suffragants  en  toute 
l'Afrique,  lui  dont  les  prédécesseurs  avaient 
vu  deux  cent  cinq  évéques  dans  les  conciles  de 
Carthage,  et  que  de  ces  cinq  suffragants  il  y  en 
avait  un  qui  s'érigeait  en  métropolitain  (Léo  IX, 
Ep.  n),  il  employa  toute  son  autorité  pour  sou- 
tenir les  débris  de  l'ancienne  grandeur  des 
archevêques  de  Carthage. 


Nous  avons  raconté  ci-dessus('onimi'iitla  ville 
de  Tyr  ayant  été  reprise  sur  les  inliileles,  celui 
«jui  en  fut  élu  archevêque  en  vint  recevoir  le 
l)a!liiirn  à  l'.onie  du  pape  Honoré  II,  (|ui  lui 
rendit  ses  sullVagants  anciens,  le  soumit  lui- 
même  au  patriarche  de  Jérusalem,  et  vida  les 
dilférends  (\n\  s'étaient  élevés  à  cette  occasion 
entre  ce  patriarche  et  celui  d'Antioche  Raro- 
nius,  an.  11-27,  n.  21).  Innocent  II  acheva  ce 
qu'Honoré  H  avait  commencé  (Conc,  tom.  x, 
p.  918,  etseq.). 

Nous  avons  aussi  rapporté  ailleurs  le  règle- 
ment du  |)ape  Alexandre  IV  sur  les  archevêques 
et  évéques,  tant  latins  que  grecs  du  royaume 
de  Chypre ,  dont  la  concorde  était  d'autant 
plus  nécessaire,  et  en  même  temps  d'autant 
plus  difficile,  (]ue  les  Grecs  et  les  Latins  dis- 
convenaient d'humeur  et  de  discipline,  aussi 
bien  que  de  langue,  et  se  trouvaient  néan- 
moins renfermés  dans  les  mêmes  villes,  et  dans 
les  mêmes  maisons  (Conc,  tom.  xi,  part.  Il  ; 
p.  23.53).  Enfin  ce  ne  fut  aussi  que  sous  l'auto- 
rité du  Saint-Siège  que  les  deux  archevêques 
de  l'île  de  Rhodes,  l'un  grec  l'autre  latin,  ter- 
minèrent leurs  différends  'Spond.,  an.  1072, 
n.  13). 

XXI.  Parmi  les  Grecs  les  empereurs  conti- 
nuèrent d'usurper  l'érection  des  métropoles 
;B:ironius,  an.  1072,  n.  ii).  Romain  Diogène 
éleva  à  cet  honneur  l'Eglise  de  Nazianze  au 
ra[)|)ort  de  Curopalate.  «  Hic  imperator  episco- 
patum  Nazianzi  ad  jura  metropolitana  per- 
duxit.  »  Mais  les  princes  chrétiens  d'Occident 
ont  agi  plus  chrétiennement,  et  se  sont  con- 
tentés qu'on  requît  leur  consentement. 

Ce  n'est  pas  qu'en  Orient  les  empereurs 
n'aient  quelquefois  interposé  l'autorité  de 
l'Eglise  et  des  conciles  pour  cela.  En  voici  un 
exejiiple.  Georges  Phranzes  rapporte  que  l'em- 
pereur xMaurice,  voulant  gratifier  la  fidélité  de 
la  ville  de  .Monambase,  lui  donna  le  titre  d'évê- 
ché  et  ordonna  qu'elle  serait  la  trente-qua- 
trième des  métropoles  :  que  depuis  l'empereur 
Androuique  lui  accorda  l'honneur  d'être  la 
dixième  métropole.  Cet  auteur  rapporte  que 
cela  se  fit  avec  l'autorité  du  concile.  «  Impera- 
toria  majestate,  suffragante  synodo  (Lib.  m, 
cap.  24.)  »  (I). 


(1)  Le  Concordat  ne  rétablit  pour  la  France  que  neuf  iéges  mé- 
tropolitains :  Aix,  Besançon,  Bordeaux,  Bourges,  Lyon,  Paris,  Rouen, 
Toulouse,  Tours,  et  un  pour  la  Belgique,  Malines.  La  bulle  du  3  des 
kalendes  de  décembre  1801  supprima  et  éteignit  toutes  les  autres 
métropoles  en  assignant  seulement   leurs  titres  à  quelques-uns  des 


archevêchés  conservés.  En  1821,  le  Saint-Siège,  d'accord  avec  le 
gouvernement,  rétablit  cinq  autres  des  anciennes  métropoles  ;  Albi 
Auch,  Avignon,  Reims  et  Sens.  En  1&41,  Cambrai  recouvra  égale- 
ment son  ancien  titre  métropolitain.  Enfin,  en  1861,  le  Saint-Sié^e 
sur  la  demande  du  gouvernement  français,  a  créé  un  nouvel  arche- 


256  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUARANTE-SIXIÈME. 


CIL^PITRE  QUARANTE-SIXIEME. 


DES  POUVOIRS  ET  DES  DEVOIRS  DES  MÉTROPOLITAINS  EN  GÉNÉRAL  ;  ET  DE  LEUR  MITLELLE  COMMINI- 
CATION  AVEC  LEl  RS  SLFFRAGANTS.  EN  PARTICLLIER  DE  LEUR  JURIDICTION  SUR  LES  SUJETS  DE  LEURS 
SUFFRAGASTS   SELON   LE   DROIT  DES  DÉCRÉTALES. 


I.  Preuves  et  exemples  de  l'aulorité  des  métropolitains  sur 
leurs  snffragants. 

II.  Déférence  des  papes  mêmes  pour  les  sentences  des  mé- 
tropolitains. 

III.  Limitation  de  Tautorité  des  métropolitains. 

IV.  Leur  grande  autorité  éclate  dans  la  visite  de  la  province, 
qui  trouve  sa  consommation  dans  le  concile  provincial. 

V.  Pouvoirs  des  évèques  dans  le  concde  à  l'égard  même  de 
leur  métropolitain. 

VI.  Exemple  admirable  de  la  soumission  du  cardinal  de  Lor- 
raine à  son  concile  provincial. 

Vil.  Du  pouvoir  immédiat  des  métropolitains  sur  les  diocé- 
sains de  leurs  sufTrajranls. 
VIU.  De  l'étendue  de  ce  pouvoir  immédiat  et  ses  limitations. 

IX.  Le  métropolitain  supplée  à  la  négligence  et  à  la  malice  de 
ses  inférieurs.  Il  corrige  les  mauvaises  coutumes  de  sa  province. 

X.  Il  venge  les  insultes  faites  aux  évêques  ;  il  veille  contre 
les  hérésies. 

XI.  Exemples  de  saint  Paul  et  de  saint  Jean. 
XU.  Autres  remarques. 

I.  Gerbert,  arclievèqne  de  Reims,  faisait  bi(!n 
voir  quel  était  le  poids  de  l'autorité  d'un  mé- 
tropolitain sur  .«ses  suiïrafjiants.  quand  il  écri- 
vait à  l'évèque  d'Amiens  que  portant  le  far- 
deau pesant  de  toute  sa  province  ,  il  était 
encore  plus  particulièrement  chargé  de  sa  per- 
sonne à  cause  de  sa  jeunesse  et  de  sa  légèreté, 
qui  ne  convenait  pas  à  la  gravité  d'un  prélat  : 
«  Etsi  enim  tolius  metropolis  Remoruiu  nobis 
cura  injuncta^est,  sed  vestri  potissimum,  qui 
et  annorum  teneritudine,  et  morum  levitate 


pondus  sacerdotale  necdiini  ferre  didicistis 
(Conc,  tom.  ix,  p.  "iu,  l-21'J).  » 

Lanfranc ,  archevêque  de  Cantorbéry ,  ne 
traita  pas  avec  moins  de  sévérité  un  de  ses 
sulIVagants  qui  refusait  de  déférer  à  ses  juge- 
ments ,  lorsqu'après  avoir  rapporté  les  canons 
des  conciles  de  Mcée,  d'Antioche  et  de  Tolède, 
il  lui  apprend  qu'un  métropolitain  n'entreprend 
rien  hors  de  son  diocèse,  lorsqu'il  regarde  toute 
sa  province  comme  son  diocèse  dans  les  ren- 
contres où  lesévêques  manquent  à  leur  devoir. 
«  Nec  sobrius  quisquam  pulaverit  hoc  esse  in 
aliéna  parochia  temere  aliquid  pnesumere, 
cum  per  misericordiam  Dei  toLim  haiic,  quam 
vocaut  Brilanniam  insulam,  unam  uniiis  nos- 
trœ  Ecclesite  coustet  esse  parochiain.  » 

II.  Les  papes  mêmes  avaient  du  respect 
pour  les  sentences  des  métropolitains.  Témoin 
.Vlexandre  111  à  qui  la  sage  complaisance  qu'il 
avait  pour  le  roi  Louis  le  Jeune  de  France  ne 
put  jamais  persuader  qu'il  révoquai  un  interdit 
fulminé  par  l'archevêque  de  Reims.  Il  s'enga- 
gea seulement  à  prier  cet  archevêque  de  sus- 
pendre sa  sentence  jusqu'à  ce  que  le  différend 
eiit  été  vidé  dans  sa  cour  archiépiscopale,  ou 
dans  celle  de  l'évèque  de  Beauvais. 


ïèché  en  élevant  la  ville  de  Rennes  du  rang  épiscopal  aux  titre  et 
prérogatives  de  métropole.  Ceci  porte  à  seize  le  nombre  des  sièges 
métropolitains  recounus  en  France.  Il  y  en  avait  dix-neuf  avant  la 
révolution.  Le  titre  de  Narbonne  a  été  ajouté  à  Toulouse,  celui  de 
Vienne  à  Lyon,  ceux  d'Arles  et  d'Embrun  à  A.\x.  11  ne  reste  donc  de 
ces  antiques  métropoles  que  le  litre;  elles  ne  sont  pas  ce  qu'on  ap- 
pelle dans  le  droit  des  Eglises  unies,  comme  on  en  voit  en  Itidie,  en 
Espagne  et  ailleurs.  Pour  avoir  les  prérogatives  et  le  titre  d'Eglises 
unies,  il  faudrait  qu'elles  eussent  un  chapitre  et  un  trône  épiscopal 
permanent. 

En  ce  qui  concerne  l'Espagne,  le  Concordat  du  mois  d'Avril  1851, 
a  conservé  les  huit  métropoles  existantes  ,  savoir  :  Tolède,  Burgos, 
ComposlcUe,  Grenade,  Saragosse,  Séville,  Tarragone,  Valence,  et  en 
a  créé  une  neuvième  dans  la  ville  de  Valladolid.  Les  quelques  Eglises 
cathédrales  qui  ont  été  supprimées,  ont  été  unies  à  d'autres  en  con- 
servant néanmoins  leur  chapitre,  présidé  par  un  abbé,  avec  charge 
d'âmes,  composé  de  deux  dignités,  le  magistral  et  le  théologal,  de 
huit  chanoines  ordinaires  et  de  six  bénéfîciers.  Voilà  ce  qu'on  appelle 
une  Eglise  unie  ;  alors  l'évèque  prend  le  titre  d'évégue  de  JJuesca 
et  Barbastro  uniei^ 


On  sait  que  Pie  IX,  en  rétablissant  la  hiérarchie  catholique  en 
Angleterre,  a  créé  le  siège  métropolitain  de  Westminster. 

Les  nouvelles  conventions  avec  le  Saint-Siège,  survenues  par  suite 
des  révolutions,  ont  introduit  des  changements  dans  l'Allemagne  et 
dans  les  p-tys  du  Nord.  Voici  les  métropoles  des  possessions  autri- 
chiennes ;  Vienne,  Gran,  Erlau,  Colocza,  Agram,  Saltzbourg,  Prague, 
Olmulz,  Goritz,  Zara,  Lemberg,  Venise.  Il  y  a  en  outre  deux  métro- 
poles du  rit  grec  uni,  savoir  ;  Lemberg  et  Fogaras.  Le  métropolitain  des 
catholiques  delà  Prusse  rhénane  est  l'archevêque  de  Cologne  ;  celui  des 
provinces  rhénanes.  rar<hevèque  de  Fribourg  en  Brisgau  \  celui  de 
Pologne,  l'archevêque  de  Varsovie  ;  celui  des  Russes  catholiques, 
l'archevêque  de  Mohilev.-.  Léopol  est  en  outre  une  ville  de  Lithuanie 
qui  réunit  trois  métropolitains  catholiques,  portant  tous  le  titre  d'ar- 
chevêque de  Léopol  ;  celui  du  rit  latin,  celui  du  rit  arménien  catho* 
lique,  celui  du  rit  ruthéne.  Nous  croyons  avoir  fait  connaître  exacte- 
ment tous  les  changements  survenus  dans  les  archevêchés,  dans  les 
Etats  susmentionnés  par  suite  des  révolutions.  Les  métropoles  de 
l'Irlande  n'ont  éprouvé  aucune  modification  ni  suppression.  L'Italie, 
bouleversée  actuellement  de  fond  en  comble,  ne  tardera  pas  à  subir  à 
son  tour  les  effets  de  ses  convulsious  politiques.  (Dr  André.) 


DES  POUVOIRS  OES  MÉTROPOI.TTAINS. 


2o7 


Voici  comme  il  en  écrivit  au  roi  même  (Conc, 
tom.  X,  p.  I3"20)  :  «  lllud  lionesiiiis  visum 
esse  coyiioscas,  ut  von.  Fra.  Hliemensi  arcliie- 
l)iscoi)0  (leprecatorias  litteras  sicut  ex  rescriplo 
earum  videre  poteris,  milteremus,  rogantcs, 
ut  intervenlu  nostro,  et  tui  honoris  olitentu, 
interdictum  illud  relaxet,  donec  causa  illa  in 
curia  cjus,  vel  Bellovacensis  episcopi  fmem 
debitum  sorliatur,  etc.  Aliter  enim  minus  ho- 
nestum  osset,  utsenlontiam  a  tanto  viro  cano- 
nice  pronuilgatam,  sine  ejus  conscientia  facile 
solveremus.  »     ' 

III.  Il  est  vrai  que  les  évêques  ayant  autant 
(le  pouvoir  dans  les  conciles,  que  leur  dignité 
et  leur  nombre  leur  en  donnent  très-justement, 
ils  y  apportent  aussi  quelquefois  des  tempéra- 
ments aux  entreprises  moins  canoniques  des 
métropolitains. 

Le  concile  I"  de  Lyon  défend  à  l'archevêque 
de  Reims  de  ne  plus  établir  aucuns  officiaux 
forains  dans  les  diocèses  de  ses  sulTrapants, 
parce  qu'il  n'y  peut  rendre  aucun  jugement, 
ni  par  lui-même,  ni  par  ses  vicaires,  si  ce  n'est 
en  cas  d'appel  (C.  Romana  Ecclesia  in  Sexto. 
De  Officio  Ordinarii);  auquel  cas  il  commence 
à  avoir  juridiction  dans  le  diocèse  de  son  suf- 
fragant,  et  il  y  peut  par  conséquent  déléguer 
pour  connaître  de  l'appel  :  mais  avant  l'appel 
il  n'y  a  point  de  juridiction,  et  il  n'y  peut  par 
conséciuent  substituer  des  vicaires,  si  ce  n'est 
que  par  une  coutume  particulière  l'archevêque 
de  Reims  eût  acquis  ce  pouvoir.  «  Nisi  aliud 
Ecclesia  Remensis  de  consuetudine  obtineat 
speciali.  » 

Ce  même  concile  défendit  aux  officiaux  des 
archevêques  de  publier  aucune  sentence  d'in- 
terdit, de  suspension  ou  d'excommunication 
contre  les  sufTragants,  pendant  que  l'arche- 
vê(|ue  est  dans  la  province,  ou  qu'il  n'en  est 
pas  loin  (Ibidem). 

IV.  L'archevêque  ne  laisse  pas  d'avoir  auto- 
rité dans  les  diocèses  de  ses  sufîragants,  pen- 
dant le  cours  de  sa  visite  provinciale  ;  mais  le 
fruit  de  ces  visites  consiste  principalement  h 
faire  assembler  aussitôt  après  le  concile  pro- 
vincial, et  y  faire  des  ordonnances  conformes 
aux  besoins  qu'il  y  a  remarqués. 

C'est  comme  en  usa  l'archevêque  de  Tours, 
en  1253,  dans  son  concile  provincial  de  Sau- 
nuir  :  «  Nos  sanctorum  canonum  et  pra'deces- 
sorumnostrorumvolentesservare  statuta,  et  ea 
quœ  visitando  provinciam  Turonensem  corre- 
ctione  uovimus  indigere,  corrigere  cupientes, 


vocatis  vcnerabilibus  fratribus ,  Turonensis 
l)rovinciM'  episcopis,  etc.  ((^anon  i).  »  Nous  trai- 
terons plus  au  long  dans  la  suite  de  la  visite  de 
la  province  par  l'archevêque,  et  du  concile 
provincial. 

V.  Les  évêques  assemblés  dans  le  concile 
provincial  peuvent  devenir  eux-mêmes  les 
censeurs  charitables  et  les  respectueux  moni- 
teurs de  leur  métropoUtain ,  si  sa  conduite 
n'est  pas  édifiante  ,  en  l'avertissant  de  soutenir 
par  la  religieuse  gravité  de  ses  mu'urs,  la  ([ua- 
lité  de  père  qu'il  porte  à  l'égard  des  autres 
évêques ,  et  en  informant  son  supérieur  im- 
médiat, ou  le  pape  niême,  des  excès  où  il  s'est 
porté. 

Ce  fut  le  décret  du  concile  de  Bàle  :  «  De 
ipso  metropolitano  diligenter  incpiiratur,  cujus 
excessus  et  defeclus  ipsum  concilium  eidem 
specialiter  exprimat  ,  ipsum  admonendo  et 
obsecrando,  ut  cum  aliorum  pater  vocetur  et 
esse  debeat,  atalibus  omnino  désistât.  Et  nihi- 
lominus  inquisitionem  de  ipso  habitam ,  in 
scriptis  redactam,  ad  Romanum  pontificem, 
vel  alium  ejus  superiorem  si  quem  habeat, 
sine  niora  transmittat,  ut  ab  eo  punitionem  et 
reformationem  suscipiat  condecentem  (Sess. 
15).  » 

VI.  Ce  fut  peut-être  dans  la  vue  de  ce  décret 
que  le  cardinal  de  Lorraine  ayant  assemblé  son 
concile  provincial  de  Reims,  se  soumit  d'abord 
lui-même  et  toute  sa  conduite  au  jugement  et 
à  la  censure  du  concile ,  conjurant  les  prélats 
d'informer  de  sa  vie,  de  ses  mœurs  et  de  son 
administration  :  «  Inquirerent  de  vita  et  mori- 
bus,  et  quemadmodum  se  gesserit  in  adniini- 
strando  archiepiscopatu  (ActaConcil.  Rhemen- 
sis,  an.  i.")C'K  Congr.  ii)  ;  »  offrant  de  remettre 
entre  leurs  mains  les  registres  de  son  greffe, 
de  son  officialité  et  de  sa  dépense,  pour  y  être 
examinés  :  «  Se  curaturum  ut  afferrentur  codi- 
ces  rationum,  tam  Sigilli,quam  Registri  curiœ 
ecclesiastica;,  vidèrent,  an  iis  esset  maie  versa- 
tus,  etc.  Se  codices  rationum  suarum  esse  de 
positurum,  etc.  » 

Enfin  cet  archevêque  cardinal  prit  ses  sufîra- 
gants pour  ses  juges,  soumettant  à  leur  examen 
même  ses  ordonnances  synodales  :  «  Se  corre- 
ctionem  minime  velle  detrectare,  ipsosque  epi- 
scopos  suarum  actionum  judices  constituere, 
se  sua  synodalia  statuta  exhibiturum,  ut  si 
opus  esset,  eis  suam  censuram  adhiberent.  » 

Il  y  a  de  l'apparence  que  cet  archevêque  était 
encore  alors  tout  brûlant  du  zèle  et  de  la  fer- 


Th.  —  Tome  I. 


17 


2â8  DU  PKEMIEK  OUDRE  DES  CI.EHCS.  —  CHAPITHE  QUARANTE-SIXIÈME. 


veur  de  tant  ilc  saints  jirélats  qu'il  avait  vus  et 
admirés  pendant  les  dernières  sessions  du  con- 
cile de  Trente.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  faut  que  ces 
lois  de  la  sainteté  pastorale  soient  bien  bril- 
lantes et  pleines  d'inelïables  attraits  ,  puis- 
qu'elles se  t'ont  quelquelois  si  fortement  aimer 
par  ceux  mêmes  d'entre  les  prélats  qui  sont 
le  plus  engaf^és  dans  les  embarras  du  monde. 

VII.  Mais  pour  en  venir  aux  pratiques  les  plus 
importantes,  et  pour  les  traiter  en  détail  et 
avec  ordre,  nous  examinerons  premièrement 
les  pouvoirs  des  métropolitains  sur  les  sujets 
de  leurs  sutfragants,  et  ensuite  nous  parlerons 
des  droits  (ju'ils  peuvent  canoniquement  exer- 
cer sur  leurs  suiîragants  mêmes. 

Etienne,  évètiue  de  Paris  en  113-2,  résista 
vigoureusement  à l'arclievêque  de  Sens  Hemy, 
qui  voulait  attirer  à  son  tribunal  la  cause  d'un 
diocésain  de  Paris  (Spicilegii,  tom.  ni,  p.  l.ir\). 
a  Nunquam  reverenda  patrum  sanxit  autori- 
las,  nusquam  hoc  servare  consuevit  anti(iuitas, 
ut  aliarum  Ecclesiarum  causas  alicui  melro- 
politano  liceat  terminare,  vel  sine  consensu 
illius  episcopi,  cui  cura  commissa  est,  judicia 
judicare.  » 

L'archevêque  de  Reims  ayant  fait  quelques 
entreprises  préjudiciables  aux  droits  de  l'épis- 
copat  sur  les  diocésains  et  sur  les  ecclésiasti- 
ques mêmes  de  l'évêque  de  Soissons  son  suffra- 
gant,  ce  prélat  implora  l'assistance  de  tous  les 
autres  évêques  de  la  même  province,  et  le  sa- 
vant Ives  de  Chartres  le  seconda  de  sa  plume, 
écrivant  à  tous  ces  prélats  que  leur  autorité 
sacrée  était  anéantie,  si  l'archevêque  se  don- 
nait la  liberté  de  commander  tout  ce  qui  lui 
plairait  à  leur  insu,  ou  de  juger  des  causes 
ecclésiasticiues  de  leurs  diocèses,  ou  enfin  de 
décerner  contre  eux  quelques  censures  (Episl. 
cxxxMi)  :  «  Si  concessum  fuerit  utmetropolita- 
nus  in  Ecclesiis  comprovincialibus  absque  con- 
sensu episcoporum,  (jui  ois  prœsunt,  quidquid 
voluerit,  vakat  inqierare  ,  clericos  earumdem 
judicare,  vel  ah  officio  suo  suspendere,  digni- 
tali  episcopi  indigna  fiet  viokntia,  et  autori- 
lati  sauctorum  Palriim  ruinosa  injuria.  » 

A  cela  Ives  ajoute  la  lettre  du  pape  Nico- 
las I"  à  l'archevêque  de  Courges,  dont  il  a  été 
parlé  ci-devant,  et  où  ce  pape  déclare  (jue  les 
primats  et  les  patriarches  n'ont  aucun  pouvoir 
qui  ne  leur  soit  conunun  avec  les  autres  évê- 
ques, s'il  ne  leur  est  ex]iressément  donné  par 
les  canons,  ou  jiar  la  coutume.  «Primates 
enim   vel  patriarchas   nihil  privilegii  haberc 


lirœ  cseteris  episcopis,  nisi  quantum  sacri  ca- 
nones  concedunt  et  prisca  consuetudo  illis  an- 
tiquitus contulit,  difflnimus.  » 

Le  pape  Innocent  III  inséra  ces  mêmes  pa- 
roles du  pape  Nicolas  dans  une  de  ses  décré- 
tales  adressées  à  l'archevêque  de  Tyr,  où  il 
assure  que  les  patriarches  ne  peuvent  s'ingérer 
dans  les  causes  des  ecclésiastiques  de  Tyr,  ou 
de  quelque  autre  diocèse,  si  elles  ne  sont  por- 
tées a  leur  tribunal  par  appel,  ou  s'ils  n'ont 
reçu  pour  cela  quelque  pouvoir  ou  quelque 
privilège  particulier  du  Saint-Siège.  «  Quandiu 
clerici  tui  toram  te  voluerint  stare  juri ,  com- 
pelli  non  debent  judicium  patriarchœ  subire; 
nisi  causa  per  appellationem  ad  ejus  audien- 
tiam  perferalur,  autei  aliquid  super  hoc  a  Sede 
Apostolica  sit  indultum  (C.  Duo  sinmi.  Extra, 
de  Offlc.  Jud.  Ordinarii).  »  Ce  j)rivilége  serait 
apparemment  le  même  que  celui  des  légats  a 
lalcre,  à  qui  le  pape  permet  de  connaître  de 
toutes  sortes  de  causes,  même  en  première  ins- 
tance. 

VIII.  Ce  même  pape  déclare  dans  une  autre 
décrétale  que  l'archevêque  peut  bien  déléguer 
quelqu'un  des  diocésains  de  ses  sulfragants 
pour  juger  d'une  cause  dont  on  a  appelé  à 
son  jugement;  mais  il  ne  peut  le  contraindre 
d'accepter  cette  délégation,  parce  qu'il  n'a 
aucune  juridiction  sur  lui,  si  ce  n'est  dans  les 
cas  exprimés  dans  le  droit.  «  Ad  susci])iendam 
delegationem  compellerenequit  invilum;  cum 
in  euin  exccptis  quibusdam  articulis  nuUam 
habeat  polestatem  (C.  Pastoralis.  Ibid).  » 

Le  droit  permettait  néanmoins  aux  métro- 
politains d'exercer  une  juridiction  immédiate 
sur  les  sujets  de  leurs  sulfragants  lorsqu'ils 
troublaient  par  des  injures  notoires  l'exercice 
de  leur  puissance  légitime,  soit  dans  la  visite 
de  leur  province,  soit  dans  la  convocation  de 
leurs  sulfragants  au  concile.  «  Dummodo  exi- 
stât injuria  notoria.  » 

A  ce  droit  comnmn  le  pape  Innocent  IV 
ajouta  un  privilège  singulier,  qui  passa  depuis 
en  droit  commun,  de  imuvoir  punir  toutes  les 
offenses  notoires  qu'on  commettra  contre  leur 
personne ,  ou  contre  leurs  officiers ,  pendant 
qu'ils  exercent  leur  jiu'idiction  légitime,  quoi- 
que ces  offenses  ne  mettent  aucun  obstacle  au 
cours  de  leur  juridiction.  «  Metropolitanis  in 
suis  provinciis,  dum  sic  in  illis  jurisdictionem 
exercent,  puniendi  notorias  et  manifestas  of- 
fensas, tune  eisdem  illatas,  vel  suis,  etiamsi 
exinde  impediri  jurisdictionem  hujusmodi  non 


DES  POUVOIRS  DES  MÉTKOPOLITAliNS. 


-2."i9 


contiri'irat,  libéra  sit  de  nostra  spécial!  tonccs- 
sione  lacultas  ^in  sexlo  C.  llomana  Ecclesia  De 
Pœnis).  » 

Suivant  une  autre  décision  du  même  Inno- 
cent IV,  rarciievèque  ne  peut  pas  relâcher  les 
sentences  d'interdit,  de  suspension  ou  d'excom- 
municalion,  fuhninées  par  les  officiaux  des 
archidiacres  de  ses  suHraganls,  s'il  nest  auto- 
risé par  quelque  coutume  particulière  :  «  Salva 
contraria  super  hoc  consuetudine,  si  quani 
liabet.  0  Et  les  exconiniunications  lancées  par 
l'archevêque,  ou  par  ses  ofticiaux,  ne  peuvent 
s'étendre  que  sur  ceux  qui  sont  sous  sajuridic- 
tion  (In  sexto.  C.  Romana  Ecclesia.  De  Sent. 
Excomrnun.V 

Mais  si  les  sentences  d'excommunication  ont 
été  prononcées  par  les  évèques  mêmes,  ou  par 
leurs  officiaux,  l'archevêque  peut  les  délier  si 
les  parties  en  appellent.  «  Si  a  liti;i;anlibus  ad 
eos  fuerit  provocatum.  »  Les  simples  plaintes 
des  parties  ne  suffisent  pas,  et  ne  rendent  pas 
l'archevêque  leur  juge  :  «  Cum  sui  non  sint 
judices  (C.  Venerabilibus.  Ibid  .  » 

La  différence  de  ces  deux  résolutions  vient 
de  ce  que  l'on  peut  appeler  de  levéque  à  l'ar- 
chevê(jue,  mais  non  pas  des  archidiacres  de 
l'évèque,  dont  on  ne  peut  appeler  qu'àTévèque 
même.  Enfin,  selon  ce  pape,  l'archevêque  peut 
imposer  des  amendes  pécuniaires ,  dans  les 
cas  où  il  peut  excommunier,  et  dans  les  lieux 
où  cette  coutume  est  établie.  On  sait  combien 
la  France  a  apporté  de  modifications  a  cette  au- 
torité. 

Il  faut  encore  distinguer  les  causes  où  il 
s'agit  de  l'excommunication  d'avec  les  autres. 
Car  comme  c'est  la  plus  redoutable  de  toutes 
les  peines,  et  qu'elle  ne  peut  être  suspendue 
par  l'appel,  aussi  l'archevêque  en  peut  devenir 
juge  par  la  seule  plainte  sans  appel  de  la  partie 
excommuniée ,  à  condition  néanmoins  qu'il 
renverra  premièrement  à  l'évèque  celui  qui  se 
plaint  de  sa  précipitation,  afin  quille  délie  lui- 
même.  Que  si  l'évèque  refuse,  l'archevêque 
l'absoudra,  eu  l'obligeant  par  serment  de  satis- 
faire à  son  évêque,  et  le  rengageant  dans  les 
mêmes  liens,  s'il  manque  à  son  serment ,  à 
moins  qu'il  fût  évident  que  rexcommunication 
a  été  injuste  (C.  Ad  reprimendam.  Extra  De 
OfBc.  Jud.  Ordinar.).  C'est  la  décision  d'Inno- 
cent m. 

Sur  la  question  qui  fut  proposée,  si  l'arche- 
vêque connaissant  d'une  cause  par  appel,  peut 
relâcher  ou  diminuer  la  peine  décernée  par 


l'évèque,  on  opinait  qu'il  ne  le  pouvait  pas, 
parce  que  le  devoir  du  juge  d'appel  est  simple- 
ment de  confirmer  ou  de  casser  la  sentence 
prononcée  en  ])remière  instance,  ou  de  pro- 
noncer qu'il  a  été  bien  ou  mal  appelé.  Après 
(|uoi  il  n'a  plus  de  Juridiction  {Fagnan.  in  2, 
p.  2.,  l.i.  Décret.,  p.  4oo,  -4."iC).  La  congrégation 
du  concile  était  d'avis  que  le  métropolitain  ne 
pouvait  point  faire  de  grâce  en  confirmant  la 
sentence  prononcée  et  en  adoucissant  les 
peines  :  mais  comme  il  n'était  pas  constant  que 
le  juge  de  la  première  instance  pût  lui-même 
faire  grâce,  elle  aima  mieux  ne  rien  pronon- 
cer. 

IX.  Le  métropolitain  peut  suppléer  à  la  né- 
gligence des  évèques  de  sa  province  (C.  Licet. 
et  C.  finali.  De  suppl.  Negl.  Pral.)  :  1°  En  con- 
férant les  bénéfices  auxquels  ils  n'ont  pas 
pourvu  dans  le  temps  prescrit  par  le  concile 
de  Latran.  -l"  En  faisant  l'élection  qu'ils  ont 
négligé  de  faire.  3°  En  donnant  l'institution 
ou  la  confirmation  qu'ils  ont  injustement  re- 
fusée à  celui  qui  leur  était  présenté,  i'  Si  pen- 
dant que  l'évèchè  est  vacant,  le  chapitre  né- 
glige l'administration  temporelle  ou  spirituelle 
du  diocèse,  le  métropolitain  peut  nommer  un 
visiteur  ou  administrateur  (In  sexto.  C.  finali. 
De  suppl.  Negl.  Pral.).  «  Si  sorte  Capilulum  in 
spiritualibus  et  temporalibus  negligenter  aut 
perperam  administret.  Tune  archiepiscopus  ob 
negligentiam,  vel  maliliam  capituli,  eovocato. 
causœque  super  hoc  cognitione  prœmissa,  visi- 
tatorem,  seu  administratorem  eidem  Ecclesia* 
licite  poterit  delegare.  »  Voilà  ce  qu'ordonna 
Boni  face  Vlll. 

A  Costa  a  cru  que  le  pape  Innocent  lll  avait 
donné  à  l'archevêque  d'Auch  le  pouvoir  de 
réformer  tous  les  réguliers  de  sa  province, 
«  Monachi,  canonici,  et  alii  regnlares  tuœ  pro- 
vinciae,  »  parce  que  leurs  abbés  négligeaient 
de  le  faire,  et  qu'un  désordre  si  universel  de- 
mandait une  autorité  supérieure  à  celle  des 
évèques.  «  Quia  in  tam  gravibus  et  manifestis 
excessibus  major  autoritas  et  potestas  necessa- 
ria  videtur  Innocentio  lll.  »  C'est  sur  le  cha- 
pitre Quaiito.  De  Officia  Ordinarii. 

o"  Le  métropolitain  supplée  non-seulement 
à  la  négligence,  mais  aussi  à  la  malice  des  pré- 
lats. Car  la  juridiction  de  l'inférieur  est  dévolue 
au  supérieur,  aussi  justement  et  aussi  néces- 
sairement ,  par  la  malice  affectée,  que  par  la 
négligence  du  juge  inférieur.  Cela  paraît  dans 
le  texte  du  décret  de  Boniface  que  je  viens 


2é'6  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-SIXIÈME. 


d'alléguer,  et  on  le  prouve  encore  par  un  décret 
d'Innocent  lY  au  concile  de  Lyon,  où  il  est 
porté  (jne  l'archevêque  à  qui  une  partie  juste- 
ment excommuniée  a  appelé,  la  renverra  ab- 
soudre à  l'évêque  qui  l'a  excommuniée,  et  ne 
l'absoudra  point  lui-même,  si  ce  n'est  que 
l'évêque  refusât  malicieusement  de  le  faire  (C. 
Venerabilibus.  In  sexto  §,  sane  de  Sent,  excom.). 
«  Si  requisitus,  malitiose  deneget.  »  Le  pape 
Alexandre  111  avait  aussi  décidé  que  l'archevê- 
que pouvait  absoudre  ceux  que  son  suffragant 
avait  excommuniés,  s'ils  offraient  de  satisfaire, 
et  si  l'évêque  ne  refusait  pas  seulement  de  les 
absoudre,  mais  appelait  aussi  à  Rome  pour 
empêcher  le  métropolitain  de  le  faire  (C.  Qua 
fronte.  De  Appellat.). 

0°  Innocent  III  permet  au  métropolitain  de 
lever  l'excommunication  ,  dont  l'évêque  a 
frajvpé  par  une  injustice  toute  notoire  celui 
qui  appelait  de  sa  sentence  au  pape  (C.  SoUici- 
tudinem.  De  Appellationibus). 

Le  métropolitain  peut  exercer  une  juridic- 
tion immédiate  sur  les  sujets  de  ses  suiïragants, 
quand  il  s'agit  de  corriger  une  coutume  dan- 
gereuse ,  universellement  répandue  dans  sa 
province.  Innocent  III  manda  à  l'archevêque 
de  Cantorbéry  d'empêcher  que  les  lils  ne  suc- 
cédassent immédiatement  à  leurs  pères  dans 
leurs  bénéfices  dans  sa  province  (C.  Ad  extir- 
pandas.  De  filiis  i'resb.i.  Le  pape  Alexandre  III 
confirma  l'exconnunnication  décernée  par  l'ar- 
chevêque de  Cantorbéry  contre  tous  ceux  de 
sa  jirovince  (pii  avaient  envahi  leurs  bénéfices 
sans  se  faire  instituer  par  l'évêque,  cet  abus 
étant  alors  très-commun  (C.  Ex  Frequentibus. 
De  Institiitioiiibus).  «  Cum  ex  officiii  tibi  coin- 
misfo,  tam  iniquamconsuetudinem  de  provin- 
cia  tua,  velis,  sicutdebes,  radicitus  extirpare.  » 

Enfin,  les  évêques  et  les  archidiacres  de  la 
province  de  Cantorbéry  s'étant  laissé  aller  à 
une  sordide  avarice  et  à  des  exactions  simo- 
niaqnes  dans  l'institution  des  bénéficiers ,  le 
pape  Innocent  III  enjoignit  à  l'archevêque  de 
Cantorbéry  de  s'applicpier  avec  soin  à  corriger 
cv\  abus  :  «  Pravam  illam  consuetudinem  de 
tua  provincia  studeas  abolere  (C.  In  lantani. 
De  Simonia),  etc.  »  Quand  saint  Augustin  vou- 
lut autrefois  faire  bannir  de  toute  l'Afrique 
les  festins  et  les  dissolutions  qui  se  faisaient 
sur  les  tombeaux  dos  Martyrs,  il  conjura  Aurèle, 
archevè(|ue  de  Carthage,  de  commencer  par 
son  Eglise,  qui  serait  comme  un  modèle  que 
les  autres  imiteraient  sans  peine. 


X.  Si  les  chanoines  mettent  leur  Eglise  pro- 
pre en  interdit  sans  une  cause  juste  et  mani- 
feste, et  avec  quelque  mépris  de  l'autorité 
épiscopale,  le  pape  Innocent  III  ordonne  que 
sur  les  plaintes  de  l'évêque,  le  métropolitain 
prenne  connaissance  de  cette  cause,  comme 
délégué  du  Siège  apostolique,  et  cliàlie  l'audace 
des  chanoines  :  «  Metropolitanus  ad  querelam 
episcopi,tanquam  super  hoc  delegatusa  nobis, 
taliter  eos  per  censuram  ccclesiasticam  cognita 
veritate  castiget,  quod  metu  pœnœ  talia  de 
cœtero  non  prœsumant  (C.  Irrefragabili.  De 
Offic.  .kidic.  Ordin.).  «D'où  il  résulte  que  dans 
toutes  les  insultes  que  les  évêques  pouvaient 
recevoir  de  la  j)art  des  chapitres,  le  métropoli- 
tain était  comme  le  juge  de  toutes  ces  sortes 
de  démêlés,  où  il  était  plus  honnête  que  l'évê- 
que ne  vengeât  pas  lui-même  ses  propres  in- 
jures. 

Lorsque  le  Saint-Siège  délègue  pour  les  né- 
cessités de  quelque  province,  il  est  de  la  bien- 
séance que  cette  commission  soit  donnée  au 
métropolitain.  Ce  qu'on  peut  justifier  par  une 
lettre  de  saint  Rernard,  où  il  se  plaint  de  ce 
que  le  pape  n'avait  pas  délégué  l'archevêque 
de  Trêves  pour  vider  le  dilférend  des  Eglises 
de  Verdun  et  de  Metz  (Epist.  clxxiu). 

Si  l'hérésie  s'est  glissée  dans  la  province  d'un 
métropolitain  ,  il  doit  en  faire  la  visite  une  ou 
deux  fois  chaque  année,  et  y  ajiporter  tous  les 
remèdes  nécessaires  (  C.  Excommunicamus. 
§  Adjicimus.  De  haereticis).  Les  causes  crimi- 
nelles entre  les  évêques  et  les  clercs  doivent 
être  jugées  par  le  concile  provincial,  et  par 
conséquent  par  le  métropolitain ,  qui  devien- 
dra juge  des  clercs  comme  il  l'est  des  évê- 
ques. 

Il  en  est  de  même  d'un  laïque  qui  calomnie 
son  évèque,  ou  d'un  clerc  qui  lui  intente  pro- 
cès en  matière  civile  (G.  q.  ii,  c.  i,  n;  q.  r, 
c.  40).  Car  dans  toutes  ces  rencontres  l'arche- 
vêque étant  le  juge  particulier  des  évoques,  et 
le  juge  universel  de  la  province,  c'est  à  lui  que 
les  évêques  doivent  rap[)orter  leurs  causes,  si 
l'on  s'en  tient  précisément  aux  lois  canoniques. 

XI.  Ce  sont  là  les  principaux  cas  qui  donnent 
ouverture  à  la  juridiction  immédiate  de  l'ar- 
chevêque sur  les  sujets  de  ses  suffraganls  (19. 
q.  ni).  Au  reste,  ce  petit  nombre  d'exceptions 
ne  détruit  pas  la  règle  générale  que  les  arche- 
vêques ne  peuvent  rien  dans  les  évèchés  de 
leurs  suiïragants  à  leur  insu  ,  si  ce  n'est  pour 
suppléer  à  leur  négligence.  Sur  quoi  Gratien 


DES  POUVOIRS  SINGl'LIKRS  DES  MÉTROPOLITAINS. 


26 


rapporfe  fort  à  propos  l'exemple  de  saint  Paul, 
qui  châtia  kii-niènie  le  (lorinlliien  incestueux, 
parce  qu'on  en  né};liareait  la  correction  à  Co- 
rintlie.  Et  au  contraire,  l'apôtre  saint  Jean  se 
contenta  d'avertir  révè(]ue  d'Ephèse  de  corri- 
ger queUpies  désordres  de  son  diocèse,  parce 
que  le  zèle  de  ce  jirélat  ne  néglisjreait  rien. 
«  Sic  et  Apostolus  quia  Corinthios  vidit  nejili- 
gentes  circa  correclioneni  fornicatoris ,  sua  au- 
toritate  illum  daninavit.  Joannes  vero  quia 
episcopiun  Epliesiorum  \idit  jiaratum  ad  cor- 
rigenda  vitia  subditorum,  sine  ejus  autoritate 
illos  corrigere  noluit;  sed  illum  tautum  de 
eorum  correctione  admonuit  (9.  q.  S.  c.  ix'i.  » 
Ce  sont  les  paroles  de  Gratien,  tirées  de  Bède 
ou  de  la  Glose. 

Xll.  11  ne  faut  pas  oublier  ces  deux  remar- 
ques de  la  Glose  :  1"  Que  le  métropolitain  ne 
peut  pas  juger  de  la  cause  principale,  mais  de 
l'appel  seulement,  si  on  a  appelé  avant  la  sen- 
lence  de  l'évèque,  mais  si  on  n'a  appelé  qu'a- 
près la  sentence  prononcée,  il  peut  connaître 
de  la  cause  même  (In  (i.  c.  i.  de  foro  compe- 
tentii.  2°  Que  quoique  le  métropolitain,  dans 
les  cas  où  il  a  juridiction,  ne  puisse  contraindre 
les  diocésains  de  ses  sutTragants  d'accepter  la 


délégation  (|u'il  leur  oil're,  ou  de  rendre  té- 
moignage [C.  Pai-toralis.  De  olficio  Ordinarii). 
il  peut  néanmoins  exercer  sa  juridiction  et 
l'iire  exécuter  sa  sentence,  ou  en  obligeant  les 
parties  de  convenir  de  ([ueliiu'un,  ou  en  man- 
dant à  révècpie  de  contraindre  son  diocésain 
d'accepter  la  délégation,  ou  de  rendre  témoi- 
gnage, et  enlin  en  conunandant  à  son  sutlra- 
gant  de  faire  exécuter  sa  sentence. 

Il  faut  finir  ce  cliapitre  et  passer  aux  pou- 
voirs du  métropolitain  sur  ses  suffragauls  mê- 
mes, et  surtout  dans  le  concile  et  pendant  sa 
visite.  En  jiarlant  du  concile  et  de  la  visite,  il 
se  trouvera  encore  quel(|ues  marques  de  sa  ju- 
ridiction sur  les  diocésains  de  ses  sultragants, 
quoitiue  nous  nous  réservions  à  parler  plus  au 
long  et  du  concile  provincial  et  de  la  visite  des 
archevêques  dans  le  second  livre.  On  pourrait 
avoir  formé  quelques  objections  contre  ce  qui 
a  été  dit  dans  ce  chapitre,  tirées  des  pouvoirs 
extraordinaires  de  l'archevêque  de  Cantorbéry. 
Mais  il  vaut  mieux  en  réserver  l'éclaircisse- 
ment à  la  fin  du  chapitre  suivant,  où  nous  fi- 
nirons ce  que  nous  avions  à  dire  des  pouvoirs 
des  métropolitains  selon  les  Décrétâtes. 


CHAPITRE  QUARANTE-SEPTIE^IE. 


DES   POUVOIRS    DC    METROPOLITAIN    SIU    LES   SIFFRAGANTS.    SEL0>    LE    DROIT   DES    DECRETALES. 
POUVOIRS   SI>GULIERS    DES   ARCHE>'ÊQUES   DE   CANTORBÉRY. 


I.  Le  métropolitain  élisait,  examinait  et  ordonnait  ses  sutfra- 
gants  selon  le  droit  nouveau  des  décrétales. 

II.  Les  sulîragants  devaient  visiter  quelquefois  le  métropoli- 
tain et  son  Eglise. 

m.  Le  concile  de  Tours  tenu  après  le  concordat,  et  après  le 
concile  de  Trente,  renouvela  presque  tous  ces  usages. 

IV.  Déclaration  de  la  congrégation  du  concile,  sur  les  pou- 
voirs du  métropolitain  dans  le  concile  provincial. 

V.  Pouvoirs  du  métropolitain  dans  la  visite  de  la  province. 

VI.  Singularité  remarquable  des  pouvoirs  immédiats  de  l'ar- 
chevêque de  Cantorbéry  dans  tous  les  évèchés  d'Angleterre. 

Vit.  .Autres  pouvoirs  des  métropolitams,  selon  saint  Anselme. 

VIII.  Vigoureuse  résistance  d'un  évéque  à  son  métropolitain. 

IX.  Ce  que  peut  un  évéque  dans  le  diocèse  d'un  autre  évéque- 

I.   Après  avoir  montré  que  non<d)stant  la 
maxime  fondamentale  du  droit,  savoir  que  la 


juridiction  du  métropolitain  s'étend  bien  plutôt 
sur  la  personne  de  ses  suflragants  que  sur  leurs 
sujets,  il  ne  laisse  pas  de  faire  ressentir  eu 
I)lusieurs  rencontres  les  effets  de  sa  puissance 
aux  sujets  même  de  ses  évoques  stillragants.  Il 
nous  faut  ici  rechercher  quels  sont  les  pouvoirs 
qu'il  exerce  sur  les  personnes  des  évêques  de  sa 
province. 

Le  premier  pouvoir  du  métropolitain  sur  ses 
suffragants  est  celui  de  les  ordonner.  Le  pape 
.\lexandre  II.  dans  sa  lettre  à  l'archevêque  de 
Reims ,  Gervais,  n'attribue  qu'à  la  négligence 
des  métropolitains  l'inondation  honteuse  de  la 


262         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-SEPTIÈME. 


simonie  dans  l'Ejrlise,  puisciii'il  est  certain  que 
les  évêqiies  n'auraient  jamais  acheté  si  cher 
l'examen  rigoureux  et  le  refus  inévitable  d'un 
sévère  consécrateur.  «  Quod  totum  arcbiepi- 
scopis  computamus.  Nemo  enim  simoniacus 
emptionem  iniret,  si  se  consecrandum  fore 
desperaret.  Sed  quia  archiepiscopi  sine  discre- 
tione  consecrant,  multi  indiscrète  ad  episco- 
patus  aspirant.  » 

Ce  droit  d'ordonner  les  évêques  comprend 
celui  de  les  examiner,  de  les  confirmer,  de  les 
élire  en  quelque  façon.  Car  ceux  qui  examinent 
et  qui  confirment  sont  les  véritables  électeurs, 
s"ils  s'acquittent  de  leur  devoir  avec  toute  la 
sévérité  qu'une  dignité  si  sainte  et  si  impor- 
tante demande. 

Une  décrétale  du  pape  Luce  III  nous  apprend 
que  toute  la  rigueur  de  l'ancien  droit  subsiste 
encore  dans  le  nouveau  droit  des  décrétales, 
où  il  estordonnéquesi  farchevêque  est  décédé, 
tous  les  évêques  de  la  province  s'assembleront 
dans  l'Eglise  métropolitaine  pour  en  ordonner 
un  autre.  Et  si  c'est  une  Eglise  épiscopale  qui 
est  vacante,  l'archevêque  pourra  nommer  trois 
de  ses  suflragants  pour  ordonner  celui  qui 
aura  été  élu,  avec  l'agrément  de  tous  les  autres 
évêques  de  la  province;  mais  il  est  bien  plus 
convenable  (pi'il  tasse  lui-même  l'élection  du 
plus  digne,  et  ([u  il  le  consacre  étant  accompa- 
gné de  tous  les  autres  évêques  de  sa  province. 

Voilà  en  abrégé  toute  l'ancienne  disciiiline 
de  l'Eglise  sur  ce  sujet.  «  Si  archiepiscopus 
obierit,  et  aller  fuerit  ordinandus,  omnes  epi- 
scopi  ejusdem  provinciœ  ad  sedem  metropoli- 
tanam  conveniant,  ut  ab  omnibus  ordinetur. 
Reliqui  vero  comprovinciales  episcopi,  si  ne- 
cesse  fuerit,  cteterisconsentientibus,  a  tribus 
jussu  archiepiscopi  poterimt  ordinari  :  sed 
melius  est,  si  i])se  cum  omnibus,  eum  qui  di- 
gnus  est,  elegerit,  et  cuncti  pariler  pontificem 
consecraverint  (C.  Si  Archiepiscopus.  De  tem- 
porib.  ordinati).  » 

Les  lois  canoniques  sont  donc  encore  les 
mêmes  :  mais  il  s'en  faut  beaucoup  que  l'ob- 
servance en  soit  aussi  rigoureuse  qu'elle  était. 
Ce  pape  ne  permet  à  l'archevêque  de  déléguer 
(]ueliiu'un  de  ses  sull'ragants  en  sa  place,  pour 
être  le  consécrateur,  (jue  dans  la  nécessité:  «Si 
necesse  fuerit.  »  L'archevêque  de  Tours  douta 
même  s'il  ])Ouvait  se  donner  cette  liberté  , 
«[uand  une  lâcheuse  maladie  ou  (]ucliiue  autre 
juste  cause  l'en  empêchait;  il  en  consulta  le 
l)ape  Innocent  III    ('..  Quod  Sedem.  De  offic. 


ordin.),  et  donna  occasion  à  une  décrétale  qui 
le  lui  permettait,  et  qui  obligeait  le  nouveau 
prélat  de  recevoir  la  consécration  de  son  dé- 
légué. 

IL  C'est  encore  un  article  important  de  la 
dépendance  des  évêques,  à  l'égard  de  leur  mé- 
tropolitain, que  l'obligation  de  les  visiter  dans 
leur  Eglise  métropolitaine,  et  de  les  consulter 
dans  les  plus  difûciles  questions  qui  se  présen- 
taient ;Reg.  xni.  Epist.  cxcu).  Le  pape  Inno- 
cent III  s'emporta  d'une  juste  colère  contre 
lévêque  de  Poitiers,  qui  depuis  son  ordination 
n'avait  jamais  rendu  de  visite  à  l'Eglise  métro- 
liolitaine  de  Bordeaux:  «  Qui  ex  quo  promotus 
fuit  in  episcopum,  nunquam  metropolitanam 
Ecclesiam  post  modum  visitavit;  licet  jduries 
vocatus  fuerit  ad  eamdem.  » 

11  ne  se  peut  dire  rien  de  plus  respectueux, 
ni  de  plus  édifiant  que  ce  que  Lambert,  évêque 
d'Arras,  écrivit  environ  l'an  onze  cent  à  far- 
chevêque de  Reims  et  au  chapitre  (Spicileg. 
t.  a,  pag.  r)48,  etc.),  pour  s'excuser  sur  une 
impuissance  insurmontable  de  ce  qu'il  n'avait 
point  encore  été  lesvisiterdepuissa promotion. 

III.  Ces  lois  subsistent  encore,  et  le  concile 
de  Tours  en  1583  travailla  encore  à  renouveler 
cette  mutuelle  correspondance  des  évêques 
avec  leur  métropolitain,  ijui  doit  prendre  son 
commencement  par  leur  ordination,  que  ce 
concile  réserve  uniquement  au  métropolitain 
(!t  aux  évêques  de  la  province. 

En  voici  les  paroles  (Conc.  Tur.  An.  1383, 
fit.  de  Episcopisi  :  «Cumsuometropolitnno,  et 
coepiscopis  sutîraganeis,  de  his  qu;e  sunt  sui 
pastoralis  ofûcii  sœpius  conferre;  eaque  de 
causa  metropolitanus  et  sui  suffraganei  mutuam 
inter  se  gratiam  et  familiaritatem  inire,  seque 
mutuo  agnoscere  debeanf.  Archiepiscopus con- 
secrari  minime  possit  ab  alio.  quam  suo  pri- 
mate, vel  antiquiore  suo  suffraganeo,  duobus 
aliis  suis  sutfraganeis  prtpsentibus,  per  ipsum 
metropolitanum  accersendis  :  episcopi  vero  ab 
alio  quam  suo  metropolitano  ,  assistcntibus 
cliam  diiobus  sutîraganeis.  quos  ipse  metropo- 
litanus eligere  maluerit,  in  projjria  ecclesia  si 
commode  fieri  possit,  vel  alla  cathedrali  pro- 
viiirinp,  per  ipsum  metro[)olitanum  designanda, 
non  alibi,  nec  clam,  aut  occulte,  consecrari 
wm  valeant.  » 

Ce  serait  là  un  précis  de  toute  l'ancienne 
disci|)line  sur  ce  sujet,  si  on  y  avait  ajouté 
qu'il  serait  beaucoup  plus  à  propos  que  tous 
les  évêques  de  la  province  s'y  rencontrassent. 


DES  POUVOIRS  SINGllUKItS  DES  MÉTIIOPOLITAINS. 


2()3 


Il  est  à  remarquer  que  ce  concile  de  Tours  a 
été  tenu  depuis  le  concile  de  Trente  ;  et  i)ar 
conséquent  depuis  le  concordat  par  le(|uel 
les  élections  étant  abolies ,  on  n'est  parvenu 
aux  évêchés  que  par  la  nomination  des  rois. 
Cependant  l'ancienne  discipline  ])eut  encore 
persister  dans  sa  vigueur ,  si  les  évoques  s'ac- 
quittent de  ce  qu'ils  se  doivent  à  eux-mêmes  et 
de  ce  qu'ils  doivent  à  leurs  Eglises. 

IV.  Comme  c'est  encore  une  des  plus  impor- 
tantes obligations  de  l'archevêque,  aussi  bien 
(|u'une  des  plus  illustres  marques  de  sa  juri- 
diction, d'assembler  son  concile  provincial  et 
d'y  appeler  tous  les  évê(jues  de  la  province  ,  on 
a  proposé  diverses  difficultés  sur  cette  matière 
à  la  congrégation  des  cardinaux  du  concile;  et 
en  voici  les  résolutions  qui  nous  ont  été  con- 
servées par  Fagnan.  Le  concile  étant  une  fois 
assemblé  ,  l'archevêque  seul  ne  peut  pas  le 
congédier  sans  le  conseil  et  le  consentement 
des  autres  évoques  (In  Libr.  v,  Décret,  x,  par.  i, 
pag.  139.  Et  in  1.  i,  part,  u,  p.  538).  II  ne  peut 
pas  non  plus  sans  leur  avis  imposer  silence, 
faire  entrer  ou  sortir  les  prélats,  faire  lire  (]uel- 
ques  écrits  :  il  y  peut  juger  les  causes  civiles 
de  ses  suffragantset  même  de  leurs  sujets,  dans 
les  cas  exprimés  dans  le  droit.  Il  n'y  peut  user 
de  censures  contre  les  êvêques  qui  usurpent  sa 
juridiction,  ces  sortesde  causes  se  devant  juger 
hors  du  concile. 

Il  ne  suffit  pas  que  conformément  au  concile 
de  Trente,  le  concile  provincial  ait  jugé  que  la 
visite  de  l'archevêque  était  nécessaire  dans 
quelque  évêché  de  la  province,  mais  il  est  né- 
cessaire que  l'évêque  même  soit  entendu  dans 
le  concile  et  qu'en  sa  présence  on  y  examine 
les  justes  raisons  du  besoin  de  la  visite  dans 
son  diocèse.  Toutes  les  délibérations  du  concile 
devant  se  terminer  par  l'avis  et  le  consente- 
ment du  métropolitain  et  des  évêques  comi)ro- 
vinciaux,  si  le  métropolitain  était  d'un  avis  et 
les  sufîragants  d'un  autre,  le  pape  même  à  qui 
la  congrégation  du  concile  se  rapporta  de  ce 
cas,  répondit  que  les  évêques  l'emporteraient 
sur  le  métrojjolitain,  parce  qu'ils  ont  tous  voix 
décisive,  qu'ils  sont  tous  juges,  et  que  tout  se 
doit  décider  à  la  pluralité  des  voix.  Plusieurs 
canonistes  avaient  cru  qu'il  fallait  alors  s'en 
rapporter  au  pape. 

V.  Le  dernier  des  pouvoirs  du  métropolitain 
que  nous  traiterons  et  qui  s'étend  autant  et 
peut-être  encore  ])lus  sur  les  sujets  que  sur  la 
jjcrsonne  des  évêques  consiste  dans  la  visite  de 


la  province  (Kpisf.  nxxxu).  Yves  de  Chartres 
pria  rarchevêijue  Daimbert  de  Sens  de  venir 
faire  la  visite  de  son  diocèse  pour  prendre  con- 
naissance et  faire  la  correction  des  dérèglements 
de  son  clergé  (G.  Cum  ex  oflicii.  De  pra'scrip). 
Innocent  III  confirma  l'excommunication 
fulnu'née  par  l'archevêque  de  Sens  contri; 
ceux  (|ui  lui  refusaient  les  droits  de  procura- 
tion dans  la  visite  qu'il  faisait  de  l'évêché  de 
Paris. 

Innocent  IV  déclare  (jue  les  archevêques, 
après  avoir  fait  la  visite  de  leur  diocèse,  pour- 
raient faire  la  visite  de  leur  province  tout  en- 
tière, ou  en  partie,  visitant  les  villes  et  les 
villages,  les  évêques  et  leurs  diocésains,  les 
chai)itres  et  les  monastères,  le  clergé  et  les 
peuples,  et  exigeant  la  procuration  de  ceux  qui 
ont  accoutumé  de  la  payer  (In  0.  C.  Romana 
Ecclesia.  De  Censibusj.  Si  quelque  partie  de  sa 
province  est  dans  quelque  besoin  extraordi- 
naire, il  pourra  en  recommencer  la  visite  avant 
que  d'avoir  visité  le  reste  de  la  province,  pourvu 
que  ce  soit  à  la  demande  de  l'évêque  diocésain, 
ou  de  l'avis  de  la  plus  grande  partie  des  com- 
provinciaux,  ou  à  leur  refus  sans  cause,  de  l'a- 
grément du  Siège  apostolique.  L'archevêque 
pourra  recommencer  une  seconde  fois  la  visite 
de  sa  province,  s'il  le  juge  nécessaire,  en  ayant 
pris  l'avis  de  ses  suffragants,  quoique  leur  con- 
sentement ne  lui  soit  pas  nécessaire.  U  ne  peut 
procéder  contre  les  crimes  qui  ne  sont  pas 
notoires,  que  par  des  remontrances  et  des  ré- 
primandes. Il  peut  enjoindre  aux  évêques  d'in- 
former jurithciuement  des  crimes  dont  il  s'est 
déjià  répandu  quelques  bruits.  Mais  quant  aux 
crimes  notoires,  il  a  le  pouvoir  tout  entier  de 
les  châtier,  puisqu'il  est  clair  que  révê(jue  a 
négligé  de  le  faire. 

Le  pape  Boniface  VIII  déclare  que  selon  la 
constitution  d'Innocent  IV  l'archevêque  pou- 
vait visiter  sa  province,  quoique  les  évêques 
ne  fussent  coupables  d'aucune  négligence  (Ibi- 
dem. C.  Finali);  qu'il  pouvait  réitérer  la  visite, 
recevoir  les  procurations  nonobstant  les  cou- 
tumes contraires,  entendre  les  confessions,  ab- 
soudre et  imposer  des  pénitences. 

VI.  J'ai  cru  qu'il  ne  serait  pas  hors  dt^  pro- 
pos d'ajouter  ici  une  singularité  fort  remar- 
quable des  pouvoirs  de  l'archevêque  de  Cantor- 
bèry  dans  les  diocèses  de  ses  suffragants.  Comme 
il  avait  [ilusieurs  villages  de  son  domaine  ou 
de  son  patronage  dans  leurs  diocèses,  il  se  ré- 
servait toute  la  juridiction  spirituelle  sur  le 


2M 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-SEPTIÈME. 


clergé  de  toutes  les  Ei,'^lises  de  ces  villaf^es. 

L'archevêque  Lanlranc  fit  une  sévère  répri- 
mande à  l'évèque  de  Chichester,  sur  ce  qu'il 
avait  permis  que  ses  arcliidiacres  lissent  quel- 
ques exactions  pécuniaires  sur  les  clercs  de  ces 
villages  (Eadmer.  Hist.  Nov.,  1.  i)  :  «  Clerici 
villarum  nostrarum,  qui  in  vestradiœcesiexis- 
tunt,  (juesti  sunt  nobis,  etc.  »  11  lui  ordonna 
de  restituer  cet  argent:  a  Mandamus  vobis,  ut 
maie  accepta  sine  dilatione  reddi  jubeatis;» 
lui  déclarant  qu'il  ne  soullrirait  plus  que  ses 
curés  se  trouvassent  à  son  synode,  ni  qu'ils 
fussent  ses  justiciables  ;  mais  qu'il  les  jugerait 
lui-même  et  terminerait  leurs  causes  quand  il 
irait  lui-même  en  personne  à  ces  villages.  «Nos 
|)rcsbyteris  nostris,  qui  extra  Cantiam  consti- 
tuti  sunt,  onmino  prœcipimus  ,  ne  ad  vestram, 
vel  alicujus  episco|ii  synodum  eant;  nec  vobis 
vel  aliquibus  ministris  vestris  pro  qualibet 
culpa  respondeant.  Nos  enim  cum  ad  villas  no- 
slras  venerinius,  quales  ipsi  vel  in  moribus, 
vel  in  sui  ordinis  scienlia  sint,  pastorali  auto- 
ritate  vestigare  debenms.  »  Il  permit  seule- 
ment (jue  ses  curés  reçussent  le  chrême  du 
diocésain  et  en  payassent  les  droits.  Ainsi  il  y 
avait  plusieurs  paroisses  dans  les  évéchés  indé- 
pendantes des  évê(]ues  diocésains,  et  unique- 
ment soumises  au  métropolitain.  C'était  la 
l'ancienne  coutume,  «  Sicut  semper  consue- 
tudo  luit,  quu' antiquitus  usque  ad  noslra  tem- 
jiora  antecessores  nostii  liabuerunt,  solerti 
vigilantia  cupinms  illibata  custodire.  » 

Saint  Anselme,  successeur  deLanfranc,usadu 
même  droit  de  la  coutume.  Et  comme  l'évèque 
de  Londres  lui  eut  lait  signilier  une  op|)Osition 
lorsqu'il  consacrerait  une  église  dans  un  de 
ces  villages,  il  ne  laissa  pas  de  l'achever,  se 
tenant  assuré  de  la  coutume.  «  Antecessorum 
suorum  antiquam  consueludinem  sciens.  Si- 
quidem  mos  et  consuetudo  archiepiscoporum 
Cantuaricnsium  fuit  ah  anticiuo^  et  est,  ut  in 
terris  suis  uhicunujue  jier  .\nglianisint,  nullus 
episcoporum  prœter  se  jus  aliquod  habeat  ; 
«  sed  humana  siinul  et  divina  onmia  velut  iu 
pro|)ria  diœcesi  in  sua  dispositione  consi- 
stant. » 

Saint  Anselme  prit  néanmoins  alors  la  réso- 
lution d'apiirolonilir  la  chose,  afin  de  renoncer 
à  cet  usage  s'il  le  trouvait  mal  fondé,  a  Quate- 
nus  si  consueludinem  ratam  non  fuisse  con- 
staret,  amodo  ab  ea  temperaret.  »  Il  en  consulta 
saint  Vulstan,  évê(jue  de  Vorcester,  qui  était  et 
t     le  plus  âgé  et  le  plus  éminent  en  vertu  des 


évêques  d'Angleterre.  Ce  saint  prélat  l'assura 
qu'aucun  évoque  d'Angleterre  n'avait  jamais 
contesté  ce  droit  aux  archevêques  de  Cantor- 
héry,  de  faire  la  dédicace  des  églises  dans  les 
terres  qui  leur  appartiennent.  «  NuUus  ali- 
quando  extitit,  qui  banc  Cantuariensi  archie- 
piscopo  potestatem  adimere  vellet,  et  ne  dedi- 
cationem  propriarum  duntaxat  ecclesiarum 
publiée  faceret,  defenderet  (Ansel.  1.  m,  epist. 
XIX  ;  1.  IV,  epist.  m).  » 

Il  ajoute  à  cela  que  l'archevêque  Stigand  fit 
la  dédicace  de  quelques-unes  de  ces  églises 
dans  son  diocèse  de  Vorcester,  sans  l'en  avoir 
averti,  quoiqu'il  fût  le  diocésain,  et  sans  au- 
cune o|)posilion  de  sa  part,  parce  qu'il  savait 
la  coutume.  «  Nobis  inconsuUis,nec  antea,  nec 
postea  inde  calumniantihus,  utpote  banc  spiri- 
talem  potestatem  hujusmodi  metropolitani  epi- 
scopi  esse  scientibus.  »  Il  est  remarqué  dans 
cette  lettre  que  les  terres  où  Stigand  faisait 
ces  dédicaces  d'églises ,  lui  avaient  été  nouvel- 
lement données  jiar  des  laïques.  «  Haut  jure 
ecclesiaslicae  hœreditalis,  sed  ex  dono  sœcularis 
potestatis.  » 

Eadmer,  qui  raconte  cela,  dit  que  dans  une 
autre  rencontre  saint  Anselme  déclara  haute- 
ment ([ue  le  droit  de  ses  prédécesseurs  et  le 
sien,  avait  été  et  était  encore  d'exercer  libre- 
ment les  fonctions  pontilicales  dans  toute  l'An- 
gleterre (L.  iv).  «  Antecessorum  meorum  juris 
fuit,  et  mei  est,  indifferenter  per  Angliam  uhi- 
cumque  voluntas  tulit  ,  episcopale  officium 
administrare.  »  C'était  porter  bien  plus  loin  les 
bornes  de  sa  juridiction,  ou  plutôt  n'y  souffrir 
point  du  tout  de  bornes  dans  toute  l'Angleterre. 

En  effet,  Radulphe  successeur  d'Anselme, 
ayant  à  célébrer  la  cérémonie  du  mariage  du 
roi  et  de  la  reine ,  dans  la  chapelle  du  château 
de  Vindsor,  qui  est  du  diocèse  de  Salisbéry, 
ne  se  contenta  pas  de  répoudre  à  l'évèque  de 
Salisbury,  qui  prétendait  à  cet  honneur,  que  le 
roi  et  la  reine,  quelque  part  qu'ils  fussent, 
étaient  les  paroissiens  de  l'archevêque  de  Can- 
toi  béry  ;  mais  il  lui  déclara  (|ue  tous  les  évê- 
(jues  d'Angleterre  ne  tenant  leurs  diocèses  que 
des  archevêques  de  Cantorbéry,qui  avaient  en- 
gendré toutes  les  Eglises  de  ce  grand  royaume 
insulaire,  ils  ne  [louvaient  donner  l'exclusion  à 
leur  propre  père:  «  Cum  tota  terra, lege  iirima- 
tus  cantnaria' ,  parochia  sua  sit  ;  et  omnes 
episco|ii  lolius  insube  parochias  quas  habent, 
nonnisi  ab  ipso  et  i)er  ipsum  habeaul  (Eadme- 
rus.  1.  VI  j.  » 


1>ES  l'OUVOlRS  SINGULIERS  DES  MÉTROPOLITAINS. 


203 


11  ost  en  cITet  fort  vraiscniblahlo  que  cotte  uni- 
versalité (le  juridiction  inunéiliate  clait  tleineu- 
rée  aux  archevêques  de  Cantorl)éry,  depuis  le 
temps  qu'il  n'y  avait  presque  pas  d'évèchés  dans 
rAn^li'terre,  et  qu'ils  étaient  eux-nièines  évé- 
ques  immédiats  d'un  jïrand  nombre  de  peuples 
qui  n'en  avaient  point  encore  d'autres.  11  est 
vrai  que  c'est  une  singularité  de  la  métropole 
de  Cantorbéry,  mais  si  nous  savions  toutes  les 
singularités  des  autres  métropoles ,  nous  en 
trouverions  peut-être  plusieiu's  autres  sem- 
blables. 

VU.  Le  même  saint  Anselme  nous  apprend 
dans  ses  autres  lettres  que  si  l'archevêque 
d'York  ne  se  faisait  sacrer  trois  mois  après  son 
élection  confirmée,  le  gouvernement  de  sou 
évèché  serait  dévolu  à  l'archevêque  de  Cantor- 
béry.  «  Quod  si  non  feceritis,  ad  me  pertinet 
ut  ego  curam  babeam,et  faciam  quœ  pertinent 
ad  episcopale  officium  in  Eboracensi  archiepi- 
scopatu  (L.  lu,  epist.  cxlix).  » 

Il  est  visible  que  la  même  règle  avait  lieu  , 
si  les  sutfragaiits  d'un  métropolitain  ne  se  fai- 
saient sacrer  dans  le  même  terme  de  trois  mois 
marqué  jiar  les  canons.  Un  abbé  désirant  se 
démettre  de  sa  charge,  saint  Anselme  l'assure 
qu'il  le  pouvait  faire  avec  l'avis  et  la  permission 
de  son  arclievêi|ue,  puisque  le  siège  épiscopal 
était  alors  vacant  (Ibidem, epist.  csli).  «  Assensu 
et  consilio  archiepiscopi ,  quia  episcopum  non 
habetis.  » 

VIII.  Pour  dire  aussi  quelque  chose  de  la 
sainte  hardiesse  avec  laquelle  les  évoques 
résistaient  quelquefois  à  leur  métropolitain  , 
nous  rapporterons  ici  quelques  termes  de  la 
lettre  de  saint  Fulbert,  évêque  de  Chartres,  à 
Leulheric,  archevêque  de  Sens,  et  son  métropo- 
litain. 

Ce  courageux  prélat  se  plaignit  avec  respect 
et  avec  force  de  ce  qu'il  avait  ordonné  dans 
l'évéché  d'Orléans  une  jiersonne  fort  indigne 
de  ce  ministère,  et  il  l'avait  fait  sans  jtrendre 
son  avis  (Epist.  xxvni,  xxix).  «  Cum  sine  meo 
consilio  ei)isco|)OS  ordinando,  dignitatem  suam 
Ecclesiœ  Carnotensi  derogas,  legem  canonicam 
solvis,  etc.  »  11  lui  remontra  qu'on  ne  pouvait 
penser  sans  horreur  qu'il  se  perdît  lui-même, 
et  qu'il  perdit  les  autres  sans  nécessité  et  sans 


apparence  de  raison  :  (cSed  tu  pater  non  solum 
miiamlus,  sed  insuper  exhori'cndns.  (luem  nec 
imprudentia  f'allit,  nec  casus  tnrbat,  nec  urget 
ulla  nécessitas  :  sed  scienter  et  quasi  cnm  deli- 
berationequa(lam,ultro  te  atijuc  alios  perdas.» 
Enfin  ,  il  l'exhorta  à  faire  pénitence  d'une  si 
grande  faute,  s'il  voulait  éviter  la  vengeance 
du  ciel.  «  De  bis  ergo  et  hujnsmodi  resipiscei-e 
jam  et  pœnitere  oportet,  si  cum  Ajiostolo  hor- 
rendum  crcdis  incidere  in  manus  Dei  \i- 
ventis.  « 

Dans  une  autre  rencontre  Fulbert  témoigna 
qu'il  ne  pouvait  obéir  à  son  métropolitain, 
quoiqu'il  fiit  toujours  disposé  de  lui  obéir 
coiiune  à  son  père,  lorsqu'il  le  pourrait  sans 
choquer  les  lois  de  la  justice,  a  Nos  in  quibns 
oportet  vobis.  ut  palri  semper  obedire  parati 
sunuis;  sed  in  hoc  ad  prœsens  ideo  non  opor- 
tet. quia  neque  justum,  etc.  » 

On  s'est,  à  mon  avis,  assez  aperçu,  et  le  seul 
titre  de  ces  deux  chapitres  a  pu  faire  connaître 
que  nous  n'y  traitons  que  du  droit  des  décré- 
tâtes. Si  le  concordat  y  a  apporté  quelques 
changements,  nous  en  parlerons  dans  le  livre 
suivant,  au  chapitre  oii  il  sera  traité  du  con- 
cordat. Si  le  concile  de  Trente  a  fait  de  nou- 
veaux décrets,  nous  les  développerons  dans  le 
chapitre  suivant. 

IX.  Tout  ce  qui  a  été  dit  suppose  cette 
maxime  constante,  que  les  évèques  ne  peuvent 
exercer  leur  juridiction  hors  de  leurs  diocèses; 
et  néanmoins  quoique  les  évéques  ne  puissent, 
selon  les  canons,  exercer  leur  juridiction  con- 
tenlieuse  dans  les  évêchés  de  leurs  confrères 
iC.  Quamvis.  De  foro  compet.  in  Clément.),  ils 
peuvent  y  exercer  leur  juridiction  volontaire 
en  secret,  soit  pour  accorder  des  grâces,  soit 
pour  décerner  des  peines,  pourvu  que  ce  soit 
en  des  choses  et  sur  des  personnes  qui  leur 
soient  soumises.  Ils  peuvent  même  exercer  leur 
juridiction  contentieuse  en  quelque  endroit  du 
territoire  voisin  d'un  autre  évêque,  après  lui 
en  avoir  demandé  permission,  quoiqu'ils  ne 
l'aient  pas  obtenue  ,  lorsqu'on  les  empêche 
de  l'exercer  dans  leur  propre  territoire  (C.  Po- 
stulasti.  De  foro  compet.).  Ils  peuvent  faire  le 
procès  aux  clercs  d'un  autre  diocèse  pour  un 
crime  qui  a  été  commis  dans  leur  territoire. 


266         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-HUITIÈME. 


CHAPITRE  QUARANTE-HUITIÈME. 


LES     CAUSES     DE      L  AFFAIBLISSEMENT     DE      L  AUTORITE     ET    DE    LA     JURIDICTION     DES     METROPOLITAINS 
DANS     CES    DERNIERS    SIÈCLES.     POUVOIRS     DES     MÉTROPOLITAINS    APRÈS    LE    CONCILE    DE    TRENTE. 


I.  Ce  ne  sont  point  les  papes  qui  ont  causé  la  diminution  de 
l'auloriti;  des  métropolitains. 

II.  Ex|)licalion  d'un  passage  de  saint  Bernard,  ijui  semble  le 
dire,  et  i|ui  ne  le  dit  pas. 

III.  Kxcinplcs  des  papes  qui  ont  excité  les  métropolitains  ii 
soutenir  leur  autorité. 

IV.  Ce  qui  lit  tomber  entre  les  mains  du  pape  les  ordinations 
des  évèques,  ce  fut  la  simonie  répandue  dans  tout  le  clergé. 

V.  Ce  fut  le  schisme  des  empereurs  d'Allemagne  contre  les 
papes. 

VI.  Ce  fui  la  domination  trop  impérieuse  de  quelques  métro- 
politains. 

Vil.  Ou  leur  négligence  à  faire  leur  devoir. 

VIII.  La  réservation  des  prélaturcs  au  Saint-Siège  y  contribua 
aus.si  beaucoup,  quoique  l'évéque  nommé  et  ordonné  par  le 
pape  fût  toujours  soumis  il  son  métropolitain. 

IX.  Pendant  les  premiers  siècles  les  patriarches  ordonnaient 
presque  tous  les  évéqucs. 

X.  La  création  des  primats  par  les  papes  montre  qu'ils  n'ont 
pas  pensé  il  allaiblir  les  métropolitains. 

XI.  Le  concile  de  Trente  ne  l'a  pas  nou  plus  diminuée  ni 
dans  le  jugement  des  évèques. 

XII.  Ni  dans  la  visite  que  les  évèques  devaient  au  métropo- 
litain. 

XIII.  Ni  dans  la  visite  de  la  province  par  le  métropolitain. 

XIV.  Pouvoirs  et  devoirs  des  métropolitainSj  selon  le  concile 
de  Trente. 

XV.  Exemple  de  saint  Charles. 

XVI.  Comparaison  de  l'autorité  du  métropolitain  i  celle  de 
l'évéque. 

XVII.  Maxime  importante  sur  ces  matières. 

i.  Autant  qu'il  est  évident  que  l'autorité  des 
métropolitains  a  beaucoup  perdu  de  son  lustre 
et  de  ses  pouvoirs  ,  autant  il  est  difficile  de  dé- 
couvrir les  véritables  causes  d'un  cbangement 
si  préjudiciable  à  la  pureté  de  la  discipline  de 
l'Eglise. 

Qucliiues-uns  ont  accusé  les  papes  d'avoir 
anj^menté  leur  autorité  aux  dé|)ens  de  celle  des 
inétiopolitains.  D'autres  ont  cru  que  le  concile 
de  Trente  les  avait  réduits  encore  plus  à  l'étroit. 
11  ne  sera  pas  inutile  d'examiner  ces  deux 
points  (Ilallier,  de  Elect.,  p.  (.188.  Hallier,  de  Hie- 
rar.,  (>.  484). 

Ceux  qui  s'iMi  prennent  aux  pontifes  romains 
prennent  pour  gar.uil  saint  Rernard  même, 
qui  porta  aux  oreilles  du  pape  Eugène,  et  (|ni 
semble  encore  faire  retentir  aux  oreilles  de 
tous  ses  successeurs  la  plainte  générali;  de 
toutes  les  Eglises  qui  soullrent,  ou  (|ui  crai- 


gnent des  démembrements  étranges,  lorsque 
les  abbés  sont  soustraits  à  leurs  évèques ,  les 
évèques  aux  métropolitains,  ceux-ci  aux  pri- 
mats ou  aux  patriarclies.  «  Murmur  lotiuor,  el 
querimonian  Ecclesiarum,  truncnri  se  clami- 
tant,  ac  demembrari.  Ycl  nullœ ,  vel  paucœ 
admodum  sunt,  quœ  plagam  istam  aut  non 
doleant,  aut  non  timeant.  Qua^ris  quam?  Sub- 
trabuutur  abbates  episcopis  ,  episcopi  arcbie- 
piscopis,  archiepiscopi  patriarcbis,  sive  prima- 
tibus  [L.  m  deConside.l.  » 

II.  Mais  il  ne  faut  que  faire  un  peu  d'attention 
sur  les  paroles  de  saint  Rernard,  et  sur  toute 
la  suite  de  son  discours,  pour  reconnaître  qu'il 
ne  s'y  agit  en  façon  quelconque  de  la  diminu- 
tion des  pouvoirs  des  métropolitains,  mais  de 
l'exemiition  de  quelques  évèques,  qui  obte- 
naient le  {lallium,  et  devenaient  ensuite  indé- 
pendants de  leur  métropolitain.  Or  ce  n'est 
pas  là  ce  qui  a  jeté  la  dignité  métropolitaine 
dans  la  défaillance  où  nous  la  voyons.  Ce  n'est 
pas  l'entier  atîrancbissement  de  queltjues  évè- 
ques, dont  les  métropolitains  se  plaignent  avec 
raison,  c'est  la  diminution,  et  presque  l'anéan- 
tissement  entier  de  leurs  pouvoirs  sur  les  évê- 
quQS  mêmes  qui  leur  sont  encore  soumis. 

Ces  afi'rancbissements  entiers  sont  très-rares, 
et  quand  saint  Bernard  dit  qu'il  y  a  [leu  d'E- 
glises ipii  n'aient  ressenti  cette  plaie,  il  doit 
s'entendre  de  l'exemption  des  monastères  à 
l'égard  de  leurs  évè(iues,  et  non  pas  de  celle 
des  évèques  à  l'égard  de  leurs  métropolitains. 
Car  elTectivement  autant  que  celle-ci  est  rare, 
autant  celle  -  là  est  commune.  Or  que  le 
passage  de  saint  Rernard  s'entende  de  cet  af- 
francbissement  des  évoques,  et  non  pas  de  la 
diminution  des  pouvoirs  du  métropolitain,  la 
cliDse  est  si  évidente,  ([u'elle  n'a  besoin  (|ue  de 
l'intelligence  des  termes,  et  d'un  peu  d'at- 
tention sur  le  tissu  de  son  discours. 

Enlin,  saint  IVrnard  conclut  en  confessant 
(|ue  dans  ces  matières  le  jtape  peut  dispenser. 


.• 


DE  LA  JURIDICTION  DES  MÉTROPOLITAINS. 


267 


mais  non  pas  dissiper  :  c'est-à-dire  (pi'il  peut 
exempter  iiuelques  sujets  de  l'obéissance  de 
leurs  supérieurs,  mais  seulement  quand  l'uti- 
lité ou  la  nécessité  de  l'Efjlise  donne  un  léiri- 
time  fondement  à  la  dispensalion.  (jui  à  moins 
de  cela  doit  passer  pour  une  dissipation.  «Quid, 
inquis,  prohibes dispensare?  non,  seddissipare. 
L"bi  nécessitas  urget,  excusabilis  dis[)ensatio 
est.  Ubi  ulilitasproYocat,  dispensatiolaudabilis 
est.  » 

C'est  dispensation  d'allranchir  quelque  évê- 
(jue  particulier  de  l'obéissance  de  son  métro- 
politain; il  peut  y  avoir  des  cas  où  l'utilité  et 
la  nécessité  j)ubli(jue  le  demanderont.  Mais 
d'affaiblir  en  général  l'autorité  et  les  droits  des 
métropolitains,  ce  n'est  pas  une  matière  de  dis- 
pensation, c'est  une  révocation  entière,  ou  un 
renversement  des  canons  anciens.  Enfin,  la 
dispensation,  quelque  raisonnable  ou  dérai- 
sonnable qu'elle  soit,  ne  regarde  que  des  per- 
sonnes et  des  laits  particuliers  ,  sans  faire 
aucun  changement  dans  les  règles  générales. 
C'est  un  privilège  ([ui  laisse  la  loi  en  vigueur. 

Comment  saint  Bernard  aurait-il  pu  se 
plaindre  de  la  diminution  de  la  dignité  métro- 
politaine par  les  papes,  puisqu'au  contraire 
nous  avons  vu  dans  les  chapitres  précédents 
que  tous  les  papes  qui  ont  publié  tant  d'excel- 
lentes décrétales  pour  l'aH'ermir,  ont  vécu  ou 
l>eu  avant  ,  ou  peu  après  le  temps  de  saint 
Bernard  Epist.  clxxvi,  clxxvii,  clxxvui,  cixxx, 
f.ccv)?  Et  puisqu'on  ne  se  plaint  présentement 
(|ue  de  l'inobservance  de  ces  décrétâtes,  comme 
de  la  cause  de  tout  l'obscurcissement  de  la  ma- 
jesté métropolitaine,  nous  ferons  voir  dans  la 
suite  de  ce  chajtitre  que  les  décrétales  de  ces 
papes,  bien  loin  de  diminuer  les  droits  des  ar- 
chevêques, les  avaient  au  contraire  portés  bien 
plus  loin  que  les  anciens  canons. 

Il  est  vrai  que  les  lettres  écrites  au  pape  sur 
l'affaire  de  l'archevêque  de  Trêves,  Adalbéron, 
semblent  attribuer  au  pape  la  diminution  de 
l'autorité  des  métropolitains.  Mais  c'était  un 
cas  particulier  où  le  pape  avait  été  surpris  ;  et 
il  s'y  agit  des  appels  au  Saint-Siège  que  saint 
Bernard  n'eût  pas  voulu  èter,  quoiqu'il  souhai- 
tât ([u'on  n'en  abusât  pas. 

m.  C'était  du  temps  même  de  saint  Bernard 
que  le  pape  Anastase  fit  une  sévère  réprimande 
à  l'archevêque  de  Tours  sur  sa  négligence  à 
corriger  l'évéque  de  Tiéguier,  dont  la  conduite 
scandaleuse ,  la  dissipation  des  biens  de  son 
Eglise  et  la  vente  sacrilège  des  choses  saintes 


avaient  pénétré  jusqu'à  Rome.  «  Si  honorifica- 
tioni  commissi  libi  ponlilicalis  oflicii,  ea  dili- 
gentia  (pia  oportet,  inleiidc'res,  si  correctioni 
corum,  qu;e  de  bis  (]ui  sub  tua  provisione  in- 
slituunt,  dicuntur  enormia,  débita  sollicitudine 
immineres,  vita  et  conversatio  fralris  nostri 
Trecorensis  cpiscopi  i!on  remansisset  usque 
nunc  sub  tuis  oculis  indiscussa.  » 

Quoique  par  la  négligence  de  ce  métropoli- 
tain le  jugement  de  ses  crimes  fût  dévolu  au 
pape  (Du  Chesne,  t.  iv,  p.  71)5),  il  ne  laissa  pas 
de  le  commettre  lui-même  pour  faire  venir  en 
sa  présence  l'évéque  de  Tréguicr  et  son  clergé, 
suspendre  le  prélat  s'il  était  trouvé  coupable,  et 
l'envoyer  ensuite  à  Romepoury  êtrejugé  selon 
les  canons.  Ce  pape  ne  pouvait  rien  faire  de 
plus  avantageux  pour  l'allèrmissement  de  l'au- 
torité métropolitaine. 

Qu'on  examine  les  décrétales  qui  ont  été  al- 
léguées dans  les  chapitres  précédents  et  plu- 
sieiu's  autres  qu'on  eût  pu  entasser  et  (jui  se 
trouvent  dans  le  cor[)S  du  droit  canon  :  on  y 
verra  partout  les  archevêques  secourus  et  ap- 
puyés par  le  Saint-Siège,  dans  les  rencontres 
où  leur  autorité  avait  été  outragée. 

Que  si  les  parties  ont  eu  quelquefois  recours 
au  Saint-Siège  contre  les  métropolitains,  ce  n'a 
été  que  dans  un  violement  intolérable  des  ca- 
nons. En  voici  un  exemple  digne  d'une  grande 
attention.  Le  clergé  et  le  peuple  d'Angoulême 
ayant  fait  une  élection  canonique  d'un  èvêque, 
ils  la  firent  confirmer  par  le  métropolitain  de 
ISordeaux,  prirent  son  jour  pour  la  consécra- 
tion, et  se  rendirent  au  jour  qu'il  avait  lui-même 
désigné ,  mais  ils  ne  le  trouvèrent  pas  ;  ce  qui 
les  obligea  d'en  porter  leurs  plaintes  au  pape 
Eugène  111  par  l'organe  de  Pierre  le  Vénérable , 
abbé  de  Cluny,  qui  fait  tout  ce  récit  dans  sa 
lettre  à  ce  pape  :  «  Electionem  tam  concordem 
dicunt  se  metropolitano  canonice  obtulisse,  ab 
eo  canonice  confirmatam  esse  ,  diem  conse- 
crandi  ab  ipso  datam.  se  ad  diem  constitufam 
cum  electo  suo,  ut  metropolitanus  promiserat, 
consecrando  venisse  :  sed  consecratorem  non 
invenisse  (L.  v,  ep.  v  ;  Bibl.  Clun.,  p.  883).  » 

Pierre,  abbé  de  Cluny,  avertit  cependant  le 
pape  que  la  conduite  de  l'archevêque  de  Bor- 
deaux lient  plus  du  mercenaire  que  du  pasteur- 
qu'il  tâclic  d'avoir  dans  les  évêchés  de  sa  pro- 
vince, non  pas  des  évéques,  mais  des  esclaves 
de  ses  volontés,  afin  de  s'en  servir  comme  de 
ses  chapelains  et  épargner  ses  revenus  en  vi- 
vant à  leurs  dépens.  «  Ut  in  Ecclesiis  illis,  non 


268 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  Cf.ERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-HUITIÈME. 


tam  habeat  episcopos,  quam  minisfros,  non 
tain  prœsules,  qnain  silii  in  omnibus  obse- 
quentes  :  ul  expensis  propriis  parcat,  et  suflYa- 
gancis  ppiscopis,  ut  capellanis  utens,  non  suum, 
sed  illonim  penu  oxliauriat.  » 

IV.  La  plainte  la  plus  ordinaire  qu'on  fait  en 
laveur  des  métropolitains  est  celle  qui  regarde 
l'ordination  de  leurs  suflra^ants,  qui  leui'  a 
été  ravie,  et  qui  se  fait  communément  ou  par 
le  |iape,  ou  par  ses  délé|;ués.  Cepend.int  cet 
exemple  fait  voir  que  ce  pourrait  bien  être  par 
leur  faute  que  ce  pouvoir  leur  est  écbappé.  Si 
l'on  réplique  (]ue  ces  exemples  ont  été  rares, 
en  voici  d'autres  qui  n'ont  été  que  trop  fré- 
quents au  scandale  de  toute  l'Eglise ,  au  temps 
(jue  l'ordination  simoniaque  ne  passait  j>lus 
pour  im  crime  parmi  les  prélats,  parce  qu'ils 
en  étaient  presque  tous  coupables.  C'était  un 
peu  avant  le  temps  de  saint  Bernard  ;  et  ce  fut 
ce  (pii  donna  occasion  a  plusieurs  évèques  de 
recevoir  la  consécration,  ou  du  pape,  ou  de 
ses  légats,  ou  de  ses  délégués.  Saint  Hugues, 
évè(|ue  de  Grenoble,  ne  voulut  point  recevoir 
l'imposition  des  mains  de  son  métropolitain 
simoniai[ue  :  c'était  celui  de  Vienne  (Surins,  die 
1  April.,  c.  iv).  Il  reçut  les  ordres  du  légat,  et 
la  consécration  é|)iscopale  du  pape  même. 

Nous  dirons  ailleurs  que  ce  fut  cette  prosti- 
tution des  clioses  saintes,  de  laquelle  peu  de 
prélats  étaient  innocents,  qui  obligea  les  plus 
religieux  de  demander  au  pape  qu'il  les  ordon- 
nât, et  qui  jiorta  aussi  les  papes  à  leur  accorder 
par  dispense  de  se  faire  ordonner  par  les  pré- 
lats exempts  de  cette  générale  flétrissure. 

V.  Après  que  les  pontifes  romains  eurent 
banni  des  F>gliscs  la  simonie,  qui  avait  été 
connue  une  suite  naturelle  des  investitures, 
ils  eurent  de  factieux  démêlés  avec  les  empe- 
reurs d'Allemagne  ;  plusieurs  prélats  se  trou- 
vèrent engagés  dans  la  faction  scbismaticiue 
des  empereurs,  et  par  conséquent  privés  de  la 
communion  de  l'Eglise  romaine.  Ce  fut  encore 
là  une  occasion  de  faire  demaniler  et  accorder 
de  très-fréquentes  dispenses,  pour  se  faire  or- 
donner ou  consacrer  par  ([uiconque  d'entre 
les  évèques  participerait  à  la  communion  ca- 
tholique (Surius,  die  2  Julii,  c.  9,  10).  Saint 
Otbon,  évc(|ue  de  Ramberg,  différa  de  se  faire 
consacrer  durant  l'espace  de  trois  ans,  parce 
que  son  métropolitain  et  plusieurs  autres  évô- 
(jucs  étaient  ou  scliismatiques  ou  suspendus; 
entiii  il  craignait  lui-même  d'avoir  été  infecté 
sans  y  penser,  de  l'air  contagieux  de  la  simo- 


nie ,  ayant  reçu  son  évêché  de  remi)ereur 
après  lui  avoir  rendu  des  services  considé- 
rables. 

Toutes  ces  raisons  déterminèrent  enfin  ce 
saint  prélat  à  demander  au  pape  Pascal  II 
(ju'il  eût  la  bonté  de  le  consacrer  lui-même, 
ce  (ju'il  obtint  sans  peine.  Les  termes  de  la 
lettre  qu'il  lui  en  avait  auparavant  écrite  sont 
dignes  d'être  remarqués,  pour  apprendre  com- 
bien la  face  de  l'Eglise  était  alors  défigurée  et 
combien  les  voies  ordinaires  des  ordinations 
canoniques  étaient  périlleuses.  «  Si  quidem 
mundojam  in  maligno  posito,  cum  vix  cui- 
quani  creditur  bomini,  aut  loco,  non  parvœ 
nos  torquent  angustiae  pro  nostrae  ordinationis 
assecutione.  Proinde  dubius  et  anxius,  et  flu- 
ctibus  curarum  naufrago  simillimus;  ad  te 
clamo.  Domine,  salva  me,  etc.  Te  solum  respi- 
ciunt  oculi  nostri.  »  Le  pape  l'ordonna,  sans 
déroger  à  l'obéissance  qu'il  devait  à  son  métro- 
politain, «  Salva  Moguntiœ  metropolis  obser- 
vantia  ;  »  et  il  témoigna  au  même  métropoli- 
tain par  sa  lettre  que  le  schisme  de  l'Allemagne 
ayant  jeté  la  plupart  des  évèques  dans  l'oubli 
des  fonctions  éi)iscopales,  il  était  souvent  forcé 
de  suppléer  à  leur  défaut.  «  Propter  prœteriti 
schismatis  idtionem  in  Teutonicis  partibus  per- 
pauci  episcopali  funguntur  officio.  » 

VI.  L'avarice,  la  simonie  et  le  schisme  n'ont 
pas  été  les  seules  causes  qui  ont  affaibli  l'auto- 
rité des  métropolitains.  L'ambition  et  une 
domination  trop  inii)érieuse  de  quelques-uns 
d'entre  eux,  a  jeté  les  évèques  dans  la  nécessité 
d'implorer  la  protection  du  Saint-Siège. 

Brunon,  élu  évêque  de  Toul,  qui  fut  depuis 
le  pape  Léon  IX,  s'élant  disposé  de  recevoir 
la  consécration  de  la  main  de  Poppon,  arche- 
vêque de  Trêves,  il  en  fut  d'abord  rebuté  par 
une  condition  tyrannique  que  cet  archevêque 
imposait  a  tous  ses  suffragants  de  lui  promettre 
de  ne  jamais  rien  faire  contre  ses  ordres,  et  de 
se  souiTiettre  en  toutes  choses  à  ses  volontés. 
«  Ab  arclii[)rœsule  quoddam  privilegium  pro- 
nmlgatur,  in  quo  hœc  lex  superflua  atque  im- 
possibilis  continebatur,  ut  quisque  suorum 
sulfrayaneorum  ab  eo  ordinaudus,  prius  sub 
divin;c  praîsentia^  testimonio  spondere  debeat, 
quatenus  nihil  extra  suum  iira^ceptum,  aut 
velle  ,  aut  (piasi  (piidam  servus  agere  pr;c- 
siunat.  » 

Il  est  vrai  que  l'intlexible  fermeté  de  Brunon 
lit  relâcher  l'archevêtiue  en  sa  faveur,  mais  on 
peut  bien  juger  de  là  à  quelle  servitude  ce  mé- 


UE  LA  .U!l\Il)ICTION  DES  METROPOLITAINS. 


-2G9 


tropolitain  avait  iV-diiit  ses  autres  snllVapaiits, 
ft  coiul)it'n  peu  il  considérait  ([ue  le  moyeu  le 
plus  ordinaire  de  tout  perdre  c'est  de  trop 
exig^er. 

Vil.  Au  contraire  d'autres  métropolitains 
ont  peut-être  négligé  leurs  droits,  et  par  une 
longue  désaccoutumance  ils  les  ont  laissé  échap- 
per. L'arcbevèque  de  Tolède  se  contenta,  dans 
un  concile  d'Alcala,  que  les  évéques  qui  se  se- 
raient fait  sacrer  sans  sa  permission  vinssent 
lui  faire  la  profession  canonique  d'obéissance 
dans  la  même  année.  «  Utepiscopus  per  alium 
quam  per  nos  sine  nostra  licentia  consecratus, 
ex  que  suam  fuerit  ingressus  diœcesin,  usque 
ad  annum  ad  nos  accedere  teneatur.  ad  pro- 
miltendam  nobis  et  nostrœ  Ecclesiœ  reveren- 
tiam  et  obedientiam  iKainald.  An.  1326,  n.  20. 
Conc.  Complut.).  » 

VIII.  11  faut  néanmoins  demeurer  d'accord 
que  ce  fut  principalement  depuis  que  les  papes 
se  réservèrent  la  nomination  aux  évêchés.  que 
les  évêques  qu'ils  avaient  pourvus  reçurent 
aussi  la  consécration,  ou  des  papes  mêmes,  ou 
de  leurs  délégués.  Mais  ce  fut  sans  rien  dimi- 
nuer de  la  dépendance  que  ces  prélats  devaient 
avoir  de  leurs  métropolitains. 

Le  pape  Urbain  V  en  fit  une  déclaration  so- 
lennelle :  «  Declaramus  ad  omaia  illa  suis  me- 
tropolitanisomnino  teneri,  ad  qua'  tenerentur, 
si  non  per  dictam  sedem,  seu  de  mandafo 
ipsius  sedis  ad  bujusmodi  regimina  promoti, 
nec  juramentum  per  eos  nobis,  vel  eidem  sedi 
prœstitumextitisset  F\ainald.,an.  1370,  n.  20).  » 

IX.  On  ne  pouvait  pas  souhaiter  une  décla- 
ration plus  jirécise  pour  conserver  aux  métro- 
politains tous  leurs  pouvoirs  canoniques  sur 
leurs  suffragants,  quoiqu'ils  ne  les  eussent  pas 
eux-mêmes  consacrés.  Après  tout  on  sait  que 
dès  la  naissance  de  l'Eglise  l'ordination  des 
évêques  a  été  quelquefois,  disons  plutôt  qu'elle 
a  été  ordinairement  réservée  aux  patriarches 
liendant  les  premiers  siècles,  sans  qu'on  jugeât 
(|ue  cette  police  tendît  à  avilir  ou  à  déci'éditer 
les  métropolitains. 

Le  canon  vi  du  concile  deNicée  confirme  cet 
ancien  usage  dans  les  patriarcats  d'Alexandrie 
et  d'Antioche.  et  dans  celui  de  Rome  même,  à 
l'égard  des  provinces  suburbiquaires.  Celle  dis- 
cipline était  donc  en  vigueur  longtemps  avant 
le  concile  de  Nicée,  et  elle  eut  cours  aussi  long- 
temps après,  ce  qui  embrasse  les  siècles  tl'or 
de  la  plus  pure  police  de  l'Eglise. 

S'il  est  donc  arrivé  jiar  une  longue  révolution 


de  siècles,  et  par  une  concurrence  de  |)!usieiHs 
causes,  cpie  la  même  pialiijue  ait  repris  son 
ancienne  vigueur,  pourquoi  jugera-t-on  qu'elle 
est  à  présent  plus  préjudiciable,  ou  ]ilus  in- 
compatible avec  l'autorité  des  niétropolitaiiis 
qu'elle  ne  l'était  alors? 

X.  A  ces  considérations  nous  pourrions  en 
ajouter  une  qui  n'aurait  peut-être  i)as  moins  de 
poids,  et()ui  nous  ferait  finir  ce  discours  par 
où  il  a  commencé.  C'est  qu'environ  le  siècle  de 
saint  lîernard  les  papes  ont  tâché  d'établir  des 
primats  au-dessus  des  métroiiolitaius  presque 
dans  toutes  les  provinces  de  l'Eglise.  C'est  ce 
qui  a  été  raconté  ci-dessus  fort  au  long.  Il  n'y 
a  donc  pas  la  moindre  apparence  du  monde 
qu'ils  aient  voulu  agrandir  leur  juridiction  aux 
dépens  de  celle  des  métropolitains,  lorsqu'au 
contraire  ils  déléguaient  à  des  primats  leur 
propre  autorité  sur  les  métropolitains,  atin  (|ue 
les  causes  fussent  arrêtées  dans  les  provinces, 
et  ne  fussent  (jne  Irès-rarement  perlées  à  Rome. 

XI.  iMais  il  est  temps  d'examiner  si  le  concile 
de  Trente  a  donné  des  limites  plus  étroites  aux 
métropolitains  que  celles  qu'ils  avaient  aupa- 
ravant. 11  n'y  a  que  les  jugements  canoni(|ues 
des  causes  criminelles  des  évêques  que  je  ne 
veux  pas  toucher  fConc.  Trid.  sess.  xiii,  c.  24'i. 
C'est  une  question  trop  délicate  et  d'une  trop 
grande  discussion.  Je  dirai  seulement  que  ceux 
([ui  ne  sont  pas  satisfaits  des  limites  que  le  con- 
cile de  Trente  y  a  mises  au  pouvoir  des  métro- 
politains et  des  conciles  provinciaux  ne  seront 
guère  plus  contents  de  celles  que  les  décrélales 
qui  composent  le  droit  canon  depuis  cinq  cents 
ans  leur  ont  données.  En  remontant  jilus 
haut  on  trouvera  la  même  police  établie  des  le 
ix"  siècle  dans  l'Occident,  que  la  première  ins- 
tance même  des  causes  criminelles  des  évêques 
est  réservée  au  pape.  Ainsi  ce  n'est  ni  le  con- 
cile de  Trente,  ni  les  décrétâtes  qui  font  le 
droit  nouveau  à  qui  il  faut  s'en  piendre. 

Ceux  qui  veulent  que  les  libertés  gallicanes 
aient  conservé  ce  pouvoir  aux  métropolitains 
et  aux  conciles  provinciaux,  doivent  au  moins 
convenir  que  c'est  un  usage  privilégié  et  par- 
ticulier de  la  France,  semblable  à  tant  d'autres 
qui  la  distinguent  des  autres  royaumes  et  qui 
distinguent  même  les  autres  royaumes  de  la 
chrétienté  les  uns  des  autres,  sans  perdre  rien 
néanmoins  du  profond  respect  qui  est  dû  au 
concile  de  Trente  et  aux  décrélales ,  où  il  ne 
serait  pas  difficile  de  découvrir  les  solides  fon- 
dements de  ces  libertés  particulières.  Mais  il 


-270 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-HUITIÈME. 


ne  faut  pas  nous  engager  plu?  avant  clans  celte 
([uestion. 

Xll.  Venons  donc  premièrement  à  la  liberté 
(jne  le  concile  de  Trente  donne  aux  évèques, 
de  ne  pouvoir  être  forcés  de  rendre  visite  à 
l'Eglise  métropolitaine,  de  quelque  longue  cou- 
tume qu'on  prétendît  voiler  celte  nécessité 
(Sess.  XXI v,  c.  i] .  «  Nec  episcopi  comprovinciales 
praetextu  cujuslibet  consueludinis  ad  metropo- 
litanam  Ecclesiam  accedere  in  posterum  invili 
compL'Uanlur.  »  La  congrégation  du  concileju- 
gea  d'abord  que  ce  décret  exemptait  seulement 
les  évèques  de  la  visite  personnelle,  mais  non 
pas  de  celle  qu'ils  peuvent  rendre  par  un  pro- 
cureur. Mais  depuis  ayant  pesé  la  cliose  plus  à 
loisir,  et  en  ayant  fait  son  rapport  au  pape,  en 
l'an  iï)'S,  à  l'occasion  des  évèques  du  royaume 
de  Naples,  il  fut  résolu  par  le  pape  même  que 
le  concile  les  avait  dispensés  de  cette  visite, 
même  par  procureur  (Fagnan.  in  1.  i  Décret.. 
p;\rt.  1,  p.  184). 

Si  c'est  faire  injure  aux  métropolitains  que 
de  rétablir  ou  d'affermir  les  anciennes  libertés 
des  évèques,  je  confesse  que  ce  décrcl  du  con- 
cile de  Trente  leur  est  injurieux.  Mais  il  faut 
prendre  garde  que  ce  ne  soit  plutôt  leur  faire 
outrage  que  de  donner  une  telle  idée  de  leur 
autorité  qu'elle  ne  puisse  subsister  que  par 
l'avilissement  et  la  servitude  de  leurs  infé- 
rieurs, et  qu'au  contraire  le  concile  de  Trente 
n'ait  d'autant  plus  rcliaussé  leur  puissance  , 
qu'il  n'a  aboli  que  les  coutumes  iiarticulières 
(|ui  en  avaient  terni  le  lustre.  Car  c'est  comme 
la  congrégation  tlu  concile  de  Ti-ente  a  exi)liqué 
ces  paroles  :  «  Prœtextu  cujuslibet  consuelu- 
dinis :  »  qu'on  n'y  cassait  que  les  abus  particu- 
liers et  les  coutumes  violentes  et  onéreuses 
aux  évèques.  En  effet,  il  n'y  a  nulle  loi  géné- 
rale, nul  canon  qui  autorise  la  nécessité  de  ces 
visites. 

Il  est  certain  que  la  pratique  n'en  était  et 
n'en  avait  jamais  été  universelle.  11  est  visible 
que  ce  n'avait  été  d'abord  (]ue  des '>'isites  volon- 
taires d'une  civilité  religieuse  des  évèques  en- 
vers leurs  niétropolilalns,  dont  la  continuation 
avait  fait  en  quelques  endroits  une  coutume, 
et  la  coutume  une  espèce  de  loi  et  de  servi- 
tude. Or  il  est  bon  que  ch'  temps  en  temps  on 
prévienne  cette  multiplication  de  servitudes, 
qui  ne  viennent  ([ue  d'une  persuasion  qui  se 
glisse  iniperce[>tiblenient  dans  les  esprits,  que 
les  coutumes  passent  en  lois,  quoique  d'abord 
elles  n'aient  été  que  des  pratiques  libres  et 


arbitraires.  \  moins  de  cela  la  longue  suite 
des  années  engagerait  de  jour  à  autre  notre 
liberté  dans  une  infinité  de  nouvelles  chaînes, 
et  on  ne  pourrait  rendre  aucune  civilité  libre 
et  gratuite  dont  il  ne  fallût  craindre  un  éternel 
asservissement.  Le  concile  de  Trente  n'a  pas 
aboli  ces  visites,  mais  il  les  a  rétablies  dans 
leur  premièie  nature,  ne  souUrant  plus  qu'elles 
pussent  èlre  forcées.  «  Ne  inviti  compellan- 
tur.  » 

Mais  les  obligations  générales  et  canoniques 
des  évèques  de  se  rendre  auprès  de  leur  arche- 
vêque dans  son  Eglise  métropolitaine  ,  bien 
loin  d'avoir  reçu  quelque  atteinte  dans  le 
concile  de  Trente,  y  ont  été  confirmées.  Le 
droit  ordonne  à  tous  les  suffragants  de  s'assem- 
bler auprès  de  leur  métropolitain  en  deux  ren- 
contres, savoir  quand  il  faut  le  consacrer,  et 
quand  il  a  convoqué  le  concile  provincial  (C.  Si 
Archiepiscopus.  De  Temporibus  ordinationum). 
Or  le  concile  ne  touche  point  à  la  première  de 
ces  obligations,  puisqu'il  ne  casse  que  les  cou- 
tumes particulières,  et  non  pas  les  lois  géné- 
rales du  droit  canon.  Et  quant  à  la  seconde ,  le 
concile  l'a  renouvelée  dans  le  même  endroit, 
ordonnant  au  métropolitain  de  tenir  son  con- 
cile une  fois  en  trois  ans,  et  aux  évèques  de 
s'y  trouver.  «  Episcopi  omnes  convenire  te- 
neanlur.  » 

XIII.  Il  y  a  un  peu  plus  d'apparence  de  jus- 
tice dans  la  plainte  qu'on  fait  du  concile  sur 
la  restriction  qu'il  a  faite  des  visites  des  métro- 
politains dans  leur  province  en  ne  les  per- 
mettant que  poiu'  des  causes  qui  aient  été 
approuvées  dans  le  concile  provincial.  «  A  me- 
tropolilano.etiam  postplcnevisitatam  propriam 
diœcesim,  non  visitentur  cathédrales  Ecclesiie, 
neque  diœceses  suorum  comprovincialium  , 
nisi  causa  cognita  et  probata  in  concilio  pro- 
vinciali  (Sess.  xxiv,  c.  37).  » 

Il  est  vrai  ([ue  le  droit  commun  des  décré- 
tales  grégoriennes  et  des  suivantes  n'avait  pas 
assujetti  les  archevêques  à  faire  approuver  au 
concile  les  raisons  de  la  visite  de  leur  province; 
mais  ce  n'est  pas  là  limiter  la  juridiction  des 
métropolitains ,  c'est  seulement  les  obliger  à 
des  précautions  nouvelles,  pour  n'en  user  que 
])our  un  avantage  évident  de  l'Eglise,  dont  les 
évèques  de  sa  province  ne  puissent  disconve- 
nir. .\près  le  concile  le  métropolitain  a  la 
même  autorité  qu'il  exerçait  au|iaravant  dans 
les  visites  de  sa  province  :  on  n'en  a  rien  re- 
tranché ;  mais  au  lieu  qu'il  pouvait  les  entre- 


Ul<:  LA  JLIKIDIGTION  DES  MÉTROI'ULITAINS. 


^271 


prendre  de  son  propre  inouTenienl,  il  est  ohliiié 
iiiainlenanl  dïui  prendre  l'avis  de  son  eoncile 
et  de  le  suivre. 

"i"  Est-il  injin  iciix  au  métropolitain  de  com- 
niunitjuer  ses  plus  inipoi  lanles  allaires  à  son 
eoneile  provincial,  et  de  suivre  ses  lumières  ? 
Les  conciles  provinciaux,  qui  sont  des  règles 
éternelles  pour  toute  la  police  de  l'Eglise ,  ne 
pourront-ils  pas  être  juges  équilaliles  de  la 
nécessité  des  visites  des  métropolitains  dans 
leur  province  ? 

;j°  Et  pour  rendre  les  visites  des  métropoli- 
tains dans  leur  province  fructueuses,  n'est-il 
pas  nécessaire  qu'ils  soient  d'intelligence  avec 
les  évèques  dont  ils  visitent  les  diocèses?  A 
moins  que  les  évèques  aient  approuvé  les 
causes  de  ces  visites,  et  qu'ils  consi)irent  h  les 
faire  réussir  pour  l'édification  de  l'Eglise,  ce 
seront  des  courses  inutiles  et  vaines. 

A"  Enfin,  si  nous  repassons  dans  notre  mé- 
moire les  piemiers  siècles,  et  l'âge  le  plus  flo- 
rissant de  l'Eglise,  dont  le  concile  de  Trente  a 
tâché  de  retracer  et  de  renouveler  la  discipline, 
nous  trouverons  que  les  visites  des  métropoli- 
tains dans  les  diocèses  de  leurs  suffraganls  y 
ont  été  presque  inconnues,  ainsi  qu'il  a  été 
montré  ci-devant.  En  effet,  la  glose  même 
ayant  plus  en  vue  le  droit  ancien  que  le  nou- 
veau, avait  assuré  que  le  métropolitain  ne 
pouvait  visiter  les  diocèses  de  ses  suffragants 
(|ue  lorsque  ce  pouvoir  lui  était  dévolu,  ou  [)ar 
leur  négligence  ,  ou  par  appel  ('J  q.  -2  et  3,  c. 
Nullus  primus). 

XIV.  Au  reste,  c'est  au  métropolitain  ,  selon 
le  concile  di;  Trente,  de  faire  savoir  au  pape 
quels  sont  les  évèques  qui  ne  résident  ]>as 
depuis  plus  d'une  année,  sous  peine  d'être 
interdit  de  l'er.trée  de  l'Eglise ,  s'il  tarde  plus 
de  trois  mois.  Le  plus  ancien  évêque  résidant 
est  chargé  de  la  même  obligation  envers  le 
métropolitain  absent  plus  d'une  année. 

:2"  C'est  au  métropolitain  à  approuver  par 
écrit  les  justes  causes  de  l'absence  de  ses  suffra- 
gants. Le  plus  ancien  évêque  résidant  est  aussi 
couunis  pour  examiner  et  approuver  par  écrit 
les  raisons  solides  et  canoniques  de  l'absence 
du  métropolitain,  et  même  des  autres  évèques 
de  la  province,  pendant  que  le  métropolitain 
est  absent  (Sess.  vi,  c.  1). 

3°  C'est  au  métropolitain  à  juger  avec  le 
concile  provincial  des  permissions  qui  auront 
été  données  aux  prélats,  ou  par  lui,  ou  par  ses 
suffraganls,  de  s'absenter  de  leurs  diocèses, 


et  des  peines  (in(tni<|U('s  que  doivent  encou- 
rir ceux  (jui  abusent  de  ce  pouvoir  ^Sess.  -l'.i , 
C.  i). 

l"  C'est  au  métropolilain  à  corriger  avi^c 
sévérité  les  évè(iues  (|ui  négligent  d'ériger  des 
séminaires,  ou  d'y  contribuer  de  la  portion 
canonique  de  leurs  revenus  (Sess.  xxui ,  c.  18) 
comme  c'est  au  concile  provincial  de  faire  la 
même  réprimande  au  métropolitain  s'il  man- 
que au  même  devoir  (Sess.  xxui,  c.  K;). 

."i"  C'est  à  l'archevêque  à  nommer  un  vicaire 
général  dans  les  évêcliés  vacants,  si  le  chapitre 
néglige  de  le  faire,  comme  c'est  au  plus  an- 
cien suffragant  d'en  nommer  un  en  cas  pareil 
dans  l'Eglise  métropolitaine  (Sess.  xxiv,  c.  16). 

0°  C'est  au  métropolilain  de  convocjuer  le 
concile  provincial  une  fois  en  trois  ans  ,  ou  s'il 
est  légitimement  empêché ,  au  plus  ancien 
évêque  de  la  province  (Sess.  xxiv,  c.  "2). 

1°  S'il  y  a  quelque  abus  à  déraciner  dans 
quelque  diocèse,  et  qu'il  s'y  rencontre  des  diili- 
cullés  considérables  :  «  Si  aliquis  dubius  vel 
diflicilis  abusus  sit  extirpandus  (  Sess.  xxv, 
c.  ult.).  »  L'évêque  ne  doit  rien  conclure  (|u'a- 
près  avoir  pris  l'avis  du  métropolitain  et  du 
concile  provincial.  Il  ne  se  doit  même  faire 
aucune  innovation  importante  dans  la  disci- 
idine  de  l'Eglise  sans  en  avoir  informé  le  Saint- 
Siège,  et  sans  avoir  reçu  sa  résolution.  «  Ita 
tamen  ut  nihil  inconsulto  sanctissimo  Romano 
ponlifice,  novum,aut  inEcclesia  haclenus  inu- 
sitatum  decernalur.  » 

S°  Si  les  moyens  d'une  Eglise  cathédrale  ne 
suffisent  pas  [lour  fonder  et  entretenir  un  col- 
lège pour  l'instruction  des  jeunes  clercs,  c'est 
au  concile  inovincial ,  ou  au  métropolitain 
assisté  des  deux  plus  anciens  suffraganls,  de 
faire  contribuer  plusieurs  Egliees  cathédrales  , 
et  leur  fonder  un  collège  conunun,  ou  dans  la 
ville  métropolitaine,  ou  dans  quelque  autre 
lieu  commode  (Sess.  xxiii,  c.  ult). 

9°  Si  les  réguliers  ontdes  cures,  et  que  leurs 
monastères  ne  soient  dans  aucun  diocèse, 
c'est  au  métropolitain  ,  comme  délégué  du 
Siège  apostolique,  du  les  obliger  a  prêcher,  ou 
à  faire  prêcher  dans  leurs  paroisses ,  au  moins 
les  dimanches  et  les  fêtes  solennelles  (Sess.  v, 
c.  2). 

10°  C'est  au  métropolitain  de  contraindre 
les  monastères  de  sa  province  qui  ne  sont  ni 
unis  en  congrégation,  ni  soumis  à  l'évêque,  de 
former  une  congrégation  et  de  tenir  des  cha- 
liitres  généraux  tous  les  trois  ans,  pour  établir 


27-2         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-HUITIÈME. 


et  pour  conserver  entre  eux  la  régularité  (Sess. 

XV,  c.  8). 

Il  me  semble  que  si  les  métropolitains 
usaient  de  tous  ces  pouvoirs,  qui  leur  oui  été 
donnés  ou  conservés  par  le  concile  de  Trente,) 
ou  n'aurait  pas  sujet  de  regretter,  ni  l'éclat,  ni 
l'autorité,  ni  le  zèle  des  métropolitains  de  l'an- 
cienne Eglise.  Que  si  le  concile  les  oblige  à 
une  plus  étroite  correspondance  avec  leurs 
sufîragants,  ou  avec  le  concile  provincial,  ou 
avec  le  pape,  ce  sont  autant  de  nouveaux  et 
d'excellents  moyens  pour  exécuter  plus  effi- 
cacement tout  ce  'qui  peut  être  avantageux  à 
l'édification  de  l'Eglise  etàla  réformation  de  la 
discipline. 

XV.  Saint  Charles,  qui  peut  passer  pour  le 
plus  fidèle  interprète  du  concile  de  Trente,  et 
pour  le  modèle  le  plus  achevé  d'un  inviolable 
observateur  de  ses  décrets,  n'a  pas  fait  iiaraitre, 
ni  dans  les  décrets  de  ses  conciles  provinciaux, 
ni  dans  toute  sa  conduite,  que  ce  concile  eût 
rien  diminué  de  la  puissance  légitime  des  mé- 
tropolitains. 

Il  est  ordonné  dans  ces  conciles  provinciaux  : 
1"  Que  les  trois  premiers  chanoines  résidents 
avertiront  tous  les  six  mois  le  métropolitain  de 
la  résidence  de  leur  évêque,  sous  peine  de  per- 
dre leurs  distributions  d'un  mois  (Acta  Eccles. 
Mediol.,  p.  2j. 

2"  Que  le  métropolitain  gardera  un  des  deux 
inventaires  de  tous  les  biens  et  de  tous  les 
litres  de  clmciue  Eglise  de  sa  province. 

,T  L'interprétation  des  décrets  du  concile 
provincial  lui  est  réservée  (Ibidem,  p.  37). 
C'(!st  à  lui  que  les  évoques  et  les  chapitres  doi- 
vent se  rai)porter  dans  l'examen  qu'ils  feront  de 
leurs  statuts,  pour  les  conformer  au  concile  de 
Trente  (p.  75).  C'est  lui  (jui  doit  consulter 
le  Saiul-Siége  dans  les  difficultés  les  plus  em- 
barrassées. 

4°  On  peut  toujours  appeler  des  évè(|ues  au 
métropolitain,  lors  même  qu'ils  jugent  comme 
délégués  d\i  Siège  apostolique,  pourvu  que  ce 
soient  des  choses  dont  ils  pouvaient  juger  avant 
le  concile  par  leur  autorité  ordinaire  (P.  282). 
5°  Enfin,  on  iieut  lire  dans  Giossano,  qui  a 
écrit  la  vie  de  saint  Charles,  les  fruits  admira- 
bles de  la  visite  que  ce  saint  archevêque  fil  de 
sa  province  par  les  ordres  exprès  du  pnpe 
(L.  ui,  c.  9  ;  1.  v,  c.  12,  etc.)  ;  on  y  verra  une 
suprême  autorité  jointe  à  un  zèle  vraiment 
apostoli(|ue,  arracher  des  abus  dont  les  évècmes 
avaient  gémi,  sans  y  pouvoir  remédier. 


XVI.  Car  on  ne  peut  douter  que  dans  ces  oc- 
currences particulières  où  les  canons  et  les 
décrets  des  papes  donnent  à  l'archevêque  une 
autorité  suréminente  et  supérieure  a  celle  des 
évêques  dans  leur  propre  diocèse,  comme  dans 
la  visite  et  dans  les  causes  d'appel,  on  ne  doive 
une  obéissance  plus  prompte  à  rarchevê(iue 
qu'à  l'évêque,  comme  saint  Thomas  l'a  fort 
bien  remarqué,  quoique,  dans  tous  les  autres 
cas,  les  diocésains  aient  inie  oliligation  bien 
plus  précise  d'obéir  à  leur  évêque  qu'au  métro- 
politain (Scripto  secundo.,  1.  ii,  d.  45;  art.  2). 

On  peut  lire  sur  ce  sujet  la  lettre  courageuse 
d'Etienne,  évêque  de  Paris,  à  l'archevêque  de 
Sens  Henri,  où  reconnaissant  sa  supériorité,  il 
refuse  avec  une  respectueuse,  mais  généreuse 
liberté  de  subir  son  jugement,  hors  des  cas 
prescrits  par  les  canons  (Hist.  Univers.  Paris. 
Lib.  II,  pag.  129). 

XVII.  Je  finirai  ce  chapitre  par  le  renouvelle- 
ment dune  maxime  que  j'ai  d'abord  proposée 
dans  la  préface  de  tout  cet  ouvrage.  C'est  que 
le  meilleur  parti  (jue  nous  puissions  prendre 
est  de  conformer  toujours  nos  sentiments,  nos 
langues  et  nos  plumes  à  la  discipline  générale 
de  l'Eglise,  au  temps  que  la  Pro\idence  nous  y 
a  placés. 

Il  faut  donc  bien  distinguer  les  abus  parti- 
culiers d'avec  la  disci[)line  générale,  autorisée 
par  la  pratique  de  toute  l'Eglise,  qui  se  ménage 
toujours  saintement,  tantôt  par  l'exactitude  du 
droit  rigoureux,  tantôt  par  les  accommode- 
ments d'une  prudente  condescendance,  et  qui 
donne  tantôt  plus,  tantôt  moins  d'autorité  aux 
divers  degrés  de  l'épiscopat,  selcn  qu'il  plaît  à 
la  providence  de  son  divin  Epoux  de  donner 
diverses  faces  à  sa  police,  et  de  la  conduire  par 
ces  beautés  changeantes  et  temporelles,  à  une 
beauté  éternelle  et  immuable.  Notre  zèle  doit 
être  non-seulement  fervent,  mais  sage;  et  il  ne 
doit,  ni  ne  peut  être  plus  sage  que  l'Eglise  et 
que  l'Esprit  divin  de  la  Sagesse  éternelle,  qui 
l'anime  etiiui  la  conduit.  Quebiues  efforts  que 
nous  tissions,  il  n'en  serait  autre  chose. 

Ces  changements  universels  de  police  dans 
l'Eglise,  aussi  bien  que  dans  les  Etats,  ne  dé- 
pendent nullement  de  la  volonté  des  particu- 
liers. C'est  la  Providence  toute-puissante  de 
Dieu  (pu  les  fait,  ou  qui  les  permet.  C'est  à 
nous  à  nous  y  soumettre,  et  à  nous  accommo- 
der même  à  ses  accommodements.  Quelque 
part  que  réside  la  principale  autorité  des 
clefs  et  de  la  juridiction  ecclésiastique,  puis- 


DU  PROTOTRONE  ENTRE  LES  ÉVÈQIES. 


273 


qu'elle  rési<îe  toujours  dans  les  succi'sseurs  des 
apôtres,  rim[)or t.iiu-e  est  qu'elle  soit  aduiiiiis- 
Irée  selon  les  Uns  saintes  de  la  justice  et  de  la 
vérité,  et  (]ue  1  on  n'use  ni  di  s  rij^neurs,  ni  des 
coadeseendances  du  droit,  (|ue  selon  l'uliliié 
évidente  ou  les  pressantes  nécessités  de  l'E^dise. 
Il  est  visible  que  quand  je  p^rie  ici  de  la 
principale  autorité,  je  parle  plutôt  de  Tusage 
et  de  lexercice  de  cette  autorité,  que  de  l'auto- 
rité même.  Il  est  aussi  visible  que,  bien  que  la 


souveraine  autorité  spirituelle  réside  dans  les 
paprs  et  dans  les  conciles  généraux,  il  y  a  un 
degré  inférieur  à  Tautorité,  qui  réside  dans  les 
nietro[iuIitains  et  dans  les  conciles  provinciaux 
dont  i!  se  fait  (juelquefois  dé\oluli(in  au  |)ape, 
et  qu'on  peut  ap[)eler  aulftrilé  principale,  en 
la  comparant  aux  ftuissances  naturelles  subal- 
ternes. Cet  éclaircisseïuent  a  été  nécessaire 
pour  lever  quelques  difficultés  (1), 


(I)  Les  sages  réflexions  qu'oa  vient  de  lire  s'appliquent  éminem- 
ment au  temps  présent,  car  la  juridiction  des  métropolitains  a  été 
considérablement  amoindrie.  En  ce  qui  concerne  la  France,  l'ar- 
ticle -4  du  Concordat  les  reconnaît,  mais  n'entre  dans  aucun  détail 
sur  leurs  attributions.  Les  articles  organiques,  sans  qu'on  sache  trop 
pourquoi,  sont  venus  suppléer  à  cette  lacune.  Nous  pensons  qu'ils  ne 
peuvent  avoir  en  vue  que  de  reconnaître  civilement  des  droits  don- 
nés au.T  archevêques  par  les  canons  de  l'Eglise,  et  non  pas  de  les 
conférer.  Ce  serait  là  une  énormité  qui  con-tituerait  TEtat  chef  de 
l'Eglise.  Quoi  qu'il  en  so:t.  d'après  l'article  13  des  organiques,  les 
archevêques  ont  le  droit  de  sacrer  et  d'installer  leurs  suffragants. 
Le  15k  dé"'lare  qu'ils  peuvent  connai're  des  réclamations  et  des 
plaintes  portées  con're  leur  conduite  et  leurs  décidions;  le  36e  pour- 
voit, pendant  la  vacance  «lu  siège  des  suffragants.  au  gouvernement 
du  diocèse.  Le  U«  les  investit  du  droit  de  veiller  au  maintien  de  la 
foi  et  de  la  discipline  dans  toute  létendue  de  leur  circonscription 
méiropolitaine.  Heureusement  la  bulle  du  10  avril  1802  revént  de 
la  sanction  canonique  les  privilèges  des  nouveaux  archevêchés  de 
France  :  Sedem  erigiuius,  y  est-il  dit.  et  insiituimus  cum  O'nnibus  et 
sinQulis  juribus,  prœrnganvis^  exeniptionihus  et  privi/erjUs  guihus 
aliœ  metrnfio'ifanee  de  Jure  vel  consT/efudine  gaudere  soltnie.  Cette 
bulle  ayant  été  publiée  avec  l'assentiment  du  gouvernement,  il  s'en- 
suit qu'il  reconnaît  aux  métropolif.ains  nouveaux  tous  les  droits  et 
privilèges  des  anciens.  Le  droit  d'ajpel  de  l'ordinaire  au  métropoli- 
tain   découle   évidemment  de   ce  qui    précède.   Mais  un  appel   ne 


peut  se  faire  que  contre  une  sentence  prononcée  selon  les  formes  du 
droit»  à  un  tribunal  également  investi  du  pouvoir  de  prononcer  lui- 
même  des  décisions  régulières  Nous  voici  donc  forcément  arrivés 
aux  officialités.  Mais  une  ordonnance  du  conseil  d  Etat  du  2  no- 
vembre 1815  anrula  une  décision  de  l'official  métropolitain  d'Aïx, 
le  siège  vacant,  qui  ca'-sait  une  ordonnance  de  l'évéque  de  Digne, 
portant  destitution  du  curé  de  Castellane,  parce  aue  le  tilre  d'official, 
dit  le  conseil  d'Etat,  ne  donne  aucune  juridiction  reconnue  par  la 
loi.  En  conséquence,  l'appel  de  l'évéque  au  n.étropoliiain  et  de 
celui-ci  au  pape,  bien  que  reconnu  par  les  articles  organiques,  ne 
peut  s'effectuer  qu'avec  des  formes  qui  soient  conciliahles  avec  la 
situation  que  les  lois  modernes  font  aux  Eglises  de  France.  Or,  les 
organiques  rendent  ré\éque  maître  absolu  de  ses  prêtres,  sans  juge- 
ment ni  discussion.  Des  débats  contradictoires  ne  sont  pas  admis. 
Mais  les  plus  saints  prélats  sont-ils  exempts  de  toute  prévention  et 
de  toute  surprise?  Lappel,  ou  pour  mieux  dire  le  recours  au  métro- 
politain, se  lait  dans  les  mêmes  conditions  et  sans  aucun  débat.  Dès 
lors,  tout  est  abandonné  à  l'arb-traire.  Nous  avons  traté  tout  au  long 
de  cette  procédure  irrêguhère  et  de  ses  fuuestes  effets  dans  la  se- 
conde partie  de  notre  livre  :  Les  lois  de  l'Eglise  sur  la  nomma- 
tion,  la  jriutation  et  la  révocation  des  c^nés.  —  Situation  anormale 
de  l'Eghse  de  France. 

Plusieurs  décrets  impériaux  ont  réglé  les  droits,  honneurs  et  pri- 
vilèges civiis  accordés  aux  archevêques.  Mais  ceci  est  étrangère 
notre  sujet.  (Dr  André.) 


CHAPITRE  QUARANTE-NEUVIEME. 


DE    L  .4NCIEN   ET   DU    PROTOTRONE   ENTRE    LES   EVEQUES   DE   LA    MEME   PROVINCE. 


I.  La  coutume  et  les  privilèges  ont  quelquefois  dérogé  à  la 
règle  générale,  qui  lionne  rang  aux  évèques  selon  le  temps  de 
leur  ordination. 

II.  exemples  en  Angleterre,  où  les  évèques  de  Londres,  de 
Winchester,  de  Lincoln  et  de  Rochester,  sont  doyen ,  sous- 
doyen,  chancelier,  vicaire  de  l'archevêque  et  du  chapitre  de 
Caulorbéry,  dans  l'Eglise  métropolitaine. 

III.  Diveises  singularités  de  l'évéque  de  Rochester. 

IV.  L'Eghse  de  Rome  avait  été  le  modèle  de  ces  pratiques. 

V.  Des  prototrjnes  de  la  France. 

VI.  De  la  Pologne. 
VU.  De  l'Orient. 

I.  Les  anciens  conciles  de  Tolède,  de  Milève 
et  de  Brague  avaient  donné  rang  anx  t'vèques 
d'une  même  province  selon  le  temps  de  leur 

Th.  —  Tome  I. 


ordination.  Leur  doyen  était  le  plus  ancien 
d'ordination,  que  le  pape  Hilaire  apjielle  «  cTvo 
honoris  primas  (Epist.  vin).  »  La  coutume  ou 
les  [iriviléges  avaient  quelquefois  dérogea  cette 
règle  générale. 

Les  évèques  d'Angleterre  étant  assemblés  à 
Londres  sons  le  roi  Guillaume  le  Conquérant, 
après  avoir  allégué  ces  canons,  s'informèrent 
di  s  personnes  les  pins  âgées  du  roy.mnie,  qui 
répimilirent,  apiès  avoir  demandé  un  jour 
pour  y  penser,  que  rarchevéque  d'York  devai 
jirendre  séance  a  la  droite  de  l'arcliexéque  de 
Cautorbery,  l'évéque  de  Londres  à  sa  gauche, 

18 


^:^        DU  PREMIER  ORDItE  DLS  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-NEUVIÈME. 


celui  de  Winchester  à  côlé  de  larclievèque 
d'Yorii.  (Malniesburg.,  lib.  ui.UeVuili.  l'nuc.). 
«  Ex  concilio  Toielaao  quarto,  Milevilano  at- 
qiie  !5r,icli.irensi  statiilum  est,  ut  singuli  se- 
cundum  ordin.itionis  suœ  tempora  sedeant , 
praeter  eos  i]ui  antiqua  consnetudioe ,  sive 
Ecclesiarum  s'ianiin  privilejziis  di^'iiiores  sedes 
Labeiit.  De  qua  reinterrngati  stiiit  senes ,  et 
aetate  provecti  (Anno  1075.  Vita  Laufraoci , 
cap.  XII,  etc.).  » 

11.  L'évèque  de  Londres  avait  donc  le  pre- 
mier rang  après  rarclie\êque  de  Cautorbéry, 
au-dessus  de  tous  les  autres  évêques  de  la 
même  ()ro\ince,  (pioiqu'iis  eussent  été  ordon- 
nés avant  lui.  Aussi  ce  fut  lui  (jui,  en  l'ab- 
sence de  saint  Anselme,  archevêque  de  Cautor- 
béry, sacra  le  roi  Henri  I",  ct>mme  étant 
doyen  de  l'arclieNCché,  et  [lar  consé(|uent  de 
toute  l'Anfîleterre.  Voici  comme  en  parle  Ma- 
thieu de  Westminster  (An.  dlOO).  «  In  hac  co- 
ronatione  non  est  derogalum  Ecclesiae,  vel 
anlisliti  Cantuariensi,  quia  Lomloniensis  epi- 
scojius  archiepiscopi  Cantuariensis,  imo  totius 
Ati^iia!  dfcanus,  vices  ejus  in  hoc  officio  exe- 
quebatur,  et  hoc  carlha  ejus  testiticatur.  » 

C'était  aussi  l'évèque  de  Londres  qui  opinait 
le  premier  dans  le  conseil  après  l'arihevèiiue 
de  Cantoihéry.  Témoin  l'auteur  de  IHistoire 
de  saint  Thomas  de  Cautorbéry  :  «  Gileberlus 
Londoniensis  episcopus,  decanus  uti(|ue  Can- 
tuaiiensis,  et  in  concilio  post  archie|iiscopum 
primus  (Baron.,  an.  1 104,  n.  16).  » 

Dans  le  concile  de  Lambeth,  sous  l'archevê- 
que Boniface  de  Cautorbéry,  en  1261  (Conc. 
Gen.,  tom  ii,  part,  i,  pag.  806),  il  fut  ordonné 
que  si  le  roi,  ou  les  princes  violaient  les  liber- 
tés de  l'Eglise,  on  mettrait  leurs  terres  en  in- 
terdit, et  si  ces  peines  n'étaient  pas  ca|)ables 
d'amollir  leur  cœur,  Larchevêque,  ou  en  son 
absence  l'évèque  de  Londres,  comme  doyen  des 
évè(jues,  a  tani|uani  decanus  episcoporum  ,  » 
se  faisant  accompagner  de  deux  autres  évoques, 
irait  faire  des  remontrances  au  roi  a\ec  une 
vigueur  et  une  fermeté  respectueuses. 

Enfin,  en  l'absence  de  rarchevê(|ue  c'était  à 
l'évèque  de  Londres  de  convoquer  le  concile 
provincial.  Si  le  siège  de  Londres  était  aussi 
vacant,  c'était  à  l'évècjue  dt;Winch(ster,  coninu; 
sous-doyen  de  l'Eglise  île  Ciuitorbéry  ;  enfin  au 
défaut  de  celui  de  Winchester,  c'était  à  l'évè- 
que de  Lincoln ,  connue  chancelier  de  la 
même  Eglise.  C'est  ce  (|ue  nous  apprenons 
d'Harsfeldius  :  «  Mandate  Tliomœ  archiepiscopi 


de  indicenda  synodo  perfunctus  est  Lincol- 
niensis  episcopus,  quasi  Cantuariensis  Ecclesiae 
cancellarius ,  quod  Londiniensis  sedes  cujus 
episcopus  ejusdein  Ecclesiae  est  decanus,  et 
Wintonieusis ,  cujus  episcopus  in  eadem  Ec- 
clesia  subdecanus  censetur,  vacarent  (Anno 
1404.)  » 

Ce  dernier  passage  nous  a  été  absolument 
nécessaire  pour  nous  persuader  que  la  qualité 
de  doyen,  decnnm,  qui  était  donnée  à  l'éNêque 
de  Londres,  ne  signifiait  pas  seulement  la  préé- 
minence de  son  siège  sur  les  autres  évêques 
d'Angleterre,  au  moins  sur  ses  comprovin- 
ciaux  ;  mais  qu'il  était  en  même  temps  doyen 
du  chapitre  de  Canlorbéry,  dont  l'évèque  de 
Winchester  était  sous-doyen  et  chantre,  celui 
de  Lincoln  chancelier,  comme  il  parait  par  le 
même  texte,  et  celui  de  Rochester,  chapelain 
et  vicaire  comme  nous  allons  dire.  Ce  sont  évi- 
demment les  titres  des  dignités  de  l'Eglise  et 
du  chqiitre  de  Canturbéry,  que  ces  évêques 
posséilaieiit,  dont  ils  exerçaient  peut-être  les 
foiuticins  aux  jours  les  plus  solennels  de  l'an- 
née, et  qui  leur  donnaient  droit,  en  l'absence 
de  l'archevêque,  et  au  défaut  les  uns  des  au- 
tres, de  remplir  les  fonctions  de  l'archevêque 
même,  en  convoquant  les  conciles  provinciaux, 
en  couronnant  les  rois,  en  leur  faisant  des 
remontrances  pour  les  libertés  de  l'Eglise,  en 
prenant  séance  et  opinant  les  premiers  dans  les 
conciles  et  dans  les  conseils.  L'Histoire  d'Hars- 
feldius montre  que,  jusqu'après  l'an  mil  quatre 
cent  tous  ces  prélats  portaient  encore  ces  qua- 
lités et  en  faisaient  les  fonctions. 

111.  Je  passe  à  l'évèque  de  Rochester,  qui 
était  chantre  de  l'Eglise  de  Cautorbéry  (An. 
1147,  Chronica  Gervasii).  Une  ancienne  chro- 
ni(|ue  d'Angleterre  raconte  comment  Gautier, 
archidiacre  de  Cautorbéry  et  frère  de  l'arche- 
vêque, fut  élu  évêque  de  Rochester  selon  Tan- 
cienne  coutume,  c'est-à-dire  par  les  moines  de 
Rochesler,  dans  le  cha|iitre  de  Cantorbéry, 
«  Secundum  antiquam  consuetudinem  in  ca- 
pitulo  Cantuariensi  electus  est  a  monachis 
Roffœ  'Scri|it.  Ant.  Angl.,  tom.  ii,  pag.  ISO'â).» 
L'archevêijue  confirmant  l'élection  lui  donna 
l'évèchè  :  «Ad  quem  spectat  de  jure  antiquo 
episcopalus  ipsiiis  douatio.  »  Le  nouvel  évê(jue 
jura  aussit(M  de  garder  fidélité  il  l'archevêque 
et  il  lEglise  de  Cautorbéry,  promettant  de  con- 
server ses  anciens  droits ,  qui  étaient  que  l'é- 
vèipie  de  Rochester  venant  à  mourir,  les  moi- 
nes qui  composaient  le  chapitre  devaient  porter 


DU  PliOTOTKONK  ENTRE  LES  ÉVKQI'ES. 


27r> 


sur  l'aiitol  de  Cantorl)éry  la  crosse  o|iiscoi):ile, 
et  pemlaiil  (|ne  le  siéfje  de  Cantorbéry  est  va- 
cant, ou  que  l'évèque  est  absent,  revè(|ne  de 
Rdiliester  doit  exercer  le  ministère  é|iisco|ial 
dans  1  Eglise  de  Canlotbéry,  si  le  chapitre  l'en 
prie.  Le  niênie  auteur  dit  ailleurs,  que  l'évèque 
de  Rochester  était  chapelain  de  l'Fglise  de 
Cantorbéry,  comme  celui  de  Winchester  en 
étaitchanire  (lbid.,pafî.  1382).«Episcopus  Rof- 
fensis,  (jui  ab  aritiquo  Cantnariensis  Ecdesia; 
proprius  erat  capellanus ,  Winloniensis  in 
Cantuariensi  Ecclesia  cantoris  gaudet  ofticio.  » 

Galeram,  é\è(|ue  de  Rochester,  ayant  été  élu 
contre  la  coutume  dans  le  chapitre  de  sa  cathé- 
drale, et  consacré  par  l'archevêque  en  deçà 
des  mers,  fut  obligé  dans  la  suite  du  temps  de 
rendre  les  mêmes  hommages  et  de  faire  le 
même  serment  dont  nous  venons  de  [lailer 
dans  l'Eglise  de  Cantorbéry  (Ibid.,  p.  146-2. 1464, 
1467,  i475,  1476,  1477).  Les  moines  du  cha[ii- 
tre  de  Rochester  firent  diverses  tentatives  pour 
éluder  celte  soun)ission  de  leur  Eglise  aux 
moines  du  chapitre  de  Cantorbéry,  mais  elles 
furentordinairement  inutiles.  Au  reste  pendant 
le  temps  que  l'évèque  deRochesterélait  occupé 
à  suppléer  aux  fonctions  pontificales  de  l'arche- 
vèque,  il  était  défrayé  par  l'Eglise  de  Cantor- 
béry, comme  son  ancien  chaiteiain  (Pag.  1.j67!. 
«  Proprius  ab  anliquo  capellanus.  »  Eadmer 
dit  que  l'évèque  de  Rochester  était  comme  un 
membre  et  domestique  de  l'Eglise  de  Cantor- 
béry. «  Oui  Canluariensis  Ecclesiœ  proprius 
alque  domesticus  esse  dignoscitur  (Nov.,  1.  iv 
et  v).  » 

Cet  historien  raconte  comment ,  pendant  les 
cinq  années  que  le  siège  de  Cantorbéry  fut  va- 
cant, après  la  mort  de  saint  Anselme,  l'évèque  de 
Rochester  fit  toutes  les  fonctions  pontificales  de 
rarchevèclié,  sans  dépendre  des  autres  évè(|ues 
de  la  province.  «  Agtbat  ia  ea  curam  pontifi- 
calis  officii  Raduli)hus  Roffensis  episcopus,  et 
ei  intus  et  extra,  si  qua  emergcbant,  assiduus 
propugnalor  erat  atque  fidelis.  Ipse  Ecclesias 
in  omnibus  terris  totius  pontiQcatus  Canlua- 
riensis intus  et  extra  Cantiam,  incoiisultis  epi- 
scopis,  uti  petebatur,  dedicabat.  Ipse  qiite  ad 
christianitatem  pertinent,  in  eisdem  terris,  prout 
res  exigebat,  sedulo  njinislrabat.  Etha'c  ita  iu- 
tegro  (luinquennio,  etc.»  Roger  aiipeilece  pré- 
lat vicaire  de  l'arthevèque,  «  vicarius  ejus.  » 

La  même  chronique  ci  -  dessus  alléguée 
(An.  1188).  donne  encore  ailleurs  la  qualité  de 
chantre  à  l'évèque  de  Winchesler,  et  le  fait  as- 


seoir à  la  gauche  de  l'arciievèque,  dont  l'évèque 
de  Londres  tenait  la  droite  ,  comme  doven 
des  évèques  de  la  province.  «  Ad  dexhirani 
|irini,ilis  sedit  episcopiis  Londoniensis,  quia 
inter  episcopos  Canluariensis  Ecclesiœ  suffra- 
ganeos  decanalus  praeeminet  dignitate;  ad  si- 
nislram  sedit  episcopus  Wiiiloniensis,  quia 
cantoris  ollicio  prœcellit  (Scriplyr.  Anl.  Angl., 
p.  14-29).  » 

IV.  L'Eglise  Romaine  a  vraisemblablement 
été  le  modèle  des  autres,  lorsqu'elle  a  réservé 
la  consécration  du  pape  aux  évêques  cardinaux 
d'Ostie,  d'Albanoetde  Porto,  surtout  à  celui 
d'Ojtie  (Conc.,  tom.  x,  pag.  388),  et  qu'elle  a 
alfecté  des  qualités  et  des  fonctions  particulières 
dans  Rome  même  aux  évèques  cardinaux.  L'é- 
vèque d'Albano  est  quelquefois  appelé  vicaire 
du  pape  (Baronius,  an.  1188,  n.  28). 

Le  livre  de  l'ordre  Romain  nous  apprend 
(C.  m,  iv),  que  les  évêques  cardinaux  assistaient 
le  pape  quand  il  célébrait  avec  la  majesté  pon- 
tificale dans  l'Eghse  de  Saint  Jean  de  Latran  ; 
qu'il  y  avait  des  évèques  hebdomadaires;  enfin 
(|ue  comme  les  prêtres  assistaient  l'évèque, 
ainsi  les  évêques  assistaient  le  pape  dans  ces 
augustes  cérémonies.  «  Accedunt  primum  epi- 
scopi  secundum  ordinem  de  manu  pontificis 
communicare,  et  post  eos  ascendunt  presbyteri 
omnes,  ut  communicent  ad  altare.  Sicut  enim 
in  Romana  Ecclesia  summo  pontifici  ministrant 
epiïcopi,  sic  in  dTeteris  Ecclesiis  debent  episco- 
pis  facere  presbyteri.  » 

V.  Dans  la  Fiance  l'évèque  de  Soissons  a  été 
dans  la  même     possession    d'être    considéré 
comme  le  doyen  de  tous  les  évèques  de  la  pro- 
vince de  Reims,  et  après  lui  l'évèque  de  Chà- 
lons  a  tenu  la  troisième  place.  Fulbert,  évêque 
de  Chartres,   nous  apprend   que  cette  police 
était  fondée  sur  les  anciennes  notices  des  pro- 
vinces et  des  cités  romaines.  Car  comme  la 
première  des  cités  jouissait  des  avantages  de 
métropole,  ainsi  la  seconde  et  quelquefois  la 
troisième  acquéraient  par  cette  situation  un 
rang  d'honneur  et  de  dignité  qui  les  distinguait 
des  autres.  Voici  comme  ce  saint  évêque  parle 
de  la  cité  épiscopale  de  Chàlons  :  «  Sed  ne  civi- 
tati  vel  Ecclesi»  Catalaunorum  suum  derogetis 
honorem,  meminisse  vos  oportet,  quod  in  an- 
tiqua  descriptione  provinci;c  Relgicœ  secundae, 
ipsacixitas  a  Rtmensi  terlium  locum  habeat 
(Epist.  Lxxvui).  » 

Ce  fondement  est  plus  solide  que  ce  que  dit 
Flodoard,  que  saint  Pierre  même  consacra  et 


27.)         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUARANTE-NEUVIÈME. 


envoya  le  premier  évpqne  de  Reims  saint  Sixte 
et  lui  donna  pour  coopérateurs  saint  Siiiice  et 
saint  M.nimie,  évè  iin'S  de  S(ii<son<  et  de  Clià- 
lons  (Flodnard.,  1.  i,  n.  3).  Dans  le  conci'e  de 
Reims  en  l'an  1019,  l'évèiine  de  Soissons  fut 
placé  iininédiateineiit  après  l'archeNêque  de 
Reims  (Conc.  tniii.  ix,  p.  I03(i). 

Le  pa[)e  Utbain  II  ayant  fait  revivre  révêché 
d'Arras,  comme  il  a  été  dit  ci-dessus,  et  en 
ayant  pourvu  Lambert,  Riisold  ,  archevêque 
de  Reluis,  envoya  à  l'évèque  de  Soi^sons  les 
lettres  que  le  pape  lui  avait  écrites  sur  ce  su- 
jet, pour  les  coinumniquer  aux  autres  évèques 
de  la  province  :  «  Litteras  domini  papae  susce- 
pimus  :  quas  cum  perlegissemus ,  coepiscopo 
noslro  Snessioneusi  eas  transmisinms ,  et  ut 
ipse  cEeteris  suilVaf^aneis  eas  trausinitleret , 
piaccepimus  (Spicileg.,  tom.  y,  p.  536).» 

L'an  1271,  le  siège  de  Reims  étant  vacant, 
Milon,  é\èque  de  Soissons,  convoqua  le  concile 
provincial  :  «  Pro  usu  jimdiu  in  Ecclesia  re- 
cepto  (Conc.  tom.  u,  part,  i,  p.  92-2).  » 

Si  nous  remontions  plus  hiut,  nous  trouve- 
rions que  dès  le  temps  dHincmar,  l'évèque 
de  Soissons  tenait  le  même  rang  d'honneur. 
Hincmar,  dansunedeses  lettres  (Hincm.,  ipist. 
VI,  c.  18),  met  Sois<ons  la  première  et  Cliàlons 
la  seconde  après  Reims,  dans  l'enumération 
des  douze  cites  soumises  à  sa  métropole  (Bibl. 
PP.,  tom.  XVI,  p.  408).  Flodoard  nomme  tou- 
jours le  premier  l'évèque  de  Soissons  avant  les 
autres  comprovinciaux,  et  il  rapporte  que  ce 
fut  lui  qui  sacra  l'archevêque  de  Reims  (Flo- 
doard., 1.  IV,  c.  33,  36,  etc.). 

Dans  le  concile  de  Reims  ,  tenu  enviroo 
l'an  1000  pour  la  déposition  de  l'archevêque  Ar- 
nulplie,  l'évèque  de  Soissons  paraît  toujours  a 
la  tête  des  autres  prélats  de  sa  province.  Le  roi 
saint  Louis,  Philippe  le  Hardi,  et  quelques 
autres  rois  ont  été  sacrés  h  Reims,  par  les  évo- 
ques de  Soissons,  pendant  que  le  siège  de 
Reims  était  vacant  (Du  Chesne,  tom.  iv,  p.  100). 
Dans  le  concile  de  Reims,  en  l'an  1564  (Conc, 
tom.  XV,  p.  59,  63),  sous  le  canlinal  de  Lor- 
raine, archevêque  de  Reims,  rè\è(|ue  de  Sois- 
sons a  toujours  la  première  place  après  l'ar- 
chevêque, et  est  iKimmè  vic.iire  derarchevêcliè 
et  de  toute  la  province.  «  Archie|)iscopatus  Re- 
mensis  et  totius  provinciœ  vicarius  (I).» 

Dans  la  province  de  Tours,  révê(iue  du 
Mans  avait  les  mêmes  avantages,  si  nouà  en 

(1)  L'évèque  de  Soissons  a  repris  de  nos  jours,  dans  ses  titres  o(fi- 
ciel»,  celui  de  JojCTi  ue»  éiéques  de  la  prooince  de  Heims. 


croyons  Ceoffroy.  abbé  de  Vendôme,  lorsqu'il 
parle  d'Hiblebert.  évèque  du  Mans,  qui  fut  de- 
yiuis  arclu'vêiiue  de  Tours  ,  et  (]uil  raconte  les 
tèmitignages  (pi'il  donna  de  son  zèle  pour 
écarter  les  biisjues  scandaleuses  d'une  éleclion 
simnniaqiie.  «  Hinc  Hildebertus  vir  religiosus, 
(]ui  |iosl  mctropolitaiium  in  provincia  primus 
erat  episcopiis,  non  tacuit  (C.  m  ,  epist.  ii).  » 

Le  père  Sirmond,  dans  ses  notes  sur  cette 
leltre  ,  tire  cette  prérogative  de  révê(|ne  du 
Mans  de  la  disposition  des  cités  dans  la  notice  des 
provinces  mmiines,  et  ajoute  que  c'est  de  la 
même  manière  que  l'évèque  de  Clermont  pos- 
sède le  i)remier  rang  entre  les  évêques  de  la 
première  Aiiuitaine,  et  celui  de  Poitiers  entre 
ceux  de  la  seconde. 

D'autres  ont  cru  (]ue,  comme  Syagrius,  évêque 
d'.\ulun,  obtenant  le  p.dlium  de  saint  Grégoire 
le  Grand, avait  obtenu  aussi  de  lui  que  l'Eglise 
d'Aiitun  fût  la  première  de  la  province  après 
celle  de  Lyon,  «Ecclesia  civilatis  Augustodunœ 
j)Ost  Lugilunensem  esse  debeat  :  et  hune  sibi 
locumet  ordinem  ex  nosirae  autorilatis  indul- 
gentia  vindicare  (Le  Cointe,  an.  (83,  n.  11)  ;  » 
de  même  après  qu'Aiglibert,  évêque  du  Mans, 
et  favori  du  roi  Thierry  III,  eût  obtenu  le  pal- 
liuin  du  pape,  il  impélra  le  mênii!  privilège 
pour  son  Eglise  dans  la  province  de  Tours. 

L'évèque  de  Carcassonne  prélendit  avoir  la 
préséance  avant  tous  les  autres  évê()ues  de  la 
province  de  Narbonne,  sans  avoir  égard  à  l'an- 
tii|uité  de  leur  promotion,  par  un  privilège 
particulier  de  son  E)iiise.  Le  concile  provincial 
de  Bèziers,  en  l'an  1331,  jugea  provisoirement 
que  ce  prélat  aurait  séance  après  l'évèque 
de  Maguelone,  qui  étiiit  son  ancien  d'ordi- 
nation, sans  préjudicier  à  ses  droits,  s'il  pou- 
vait un  jour  plus  à  loisir  les  produire  et  en 
persuader  le  concile.  L'évèque  de  Carcassonne 
ne  pouvait  pas  tirer  avantage  de  la  notice  des 
villes  où  Toulouse  est  la  première  après  Nar- 
bonne, et  Beziers  la  seconde. 

Mais  la  cité  de  Bayeux  étant  nommée  la 
première  après  Rouen  dans  la  notice,  l'évèque 
de  Bayeux  ne  manqua  pas  de  prétendre  aux 
prérogatives  des  doyens  dans  le  concile  de 
Rouen,  en  l'an  1.381.  Il  disait  que  ses  prédé- 
cesseurs en  avaient  toujours  joui  ;  que  la  règle 
générale,  qui  donne  la  préséance  aux  plus 
anciens  d'ordination,  n'était  que  pour  les  as- 
semblées générales  ;  mais  que  dans  les  con- 
ciles pro\inciaux  toutes  les  cités  ont  un  rang 
certain   et   déterminé;  que  les  chapitres  en 


Dr  PROTOTRONE  FNTRF  I  ES  f.YÉOT'ES. 


277 


fournissaient  une  preuve  convaincante,  imis- 
qu'ils  y  étaient  toujours  reçus  dans  le  même 
rang,  le  chapitre  de  Baveux  étant  If  prciinri-. 
Avranches  le  second,  Evreux  le  troisième,  Seez 
le  quatrième. 

C'est  effeclivement  le  rang  que  ces  villes 
tiennent  dans  la  notice  des  villes  (|ue  le  Père 
Sirniond  a  mise  au  commencement  de  son  pie- 
mier  tome  des  conciles  de  France  (Conc.  Gall., 
t.  i).  Aussi  le  concile  de  Rouen  adjugea  par 
provision  les  privilèges  des  doyens  à  revê(|ue 
de  Baveux,  pour  cette  fois  seulement,  et  sans 
préjudice  dfs  antres  évèques,  jusqu'à  ce  qu'on 
eût  consulté  le  Saint-Siège ,  et  cherché  avec 
soin  tous  les  éclaircissements  nécessaires  dans 
les  archives  de  Rome  et  de  la  province  (Conc. 
Gêner.,  t.  xv,  p.  871). 

Le  chafulre  de  Saintes  demanda  place  après 
celui  de  Poitiers  dans  le  concile  de  Bordeaux, 
en  1624,  protistant  qu'il  était  en  [lossession  fie 
ce  troisième  rang.  Les  autres  chapitres  s'y 
opposèrent,  et  le  concile  se  rendit  à  cette  oppo- 
sition ,  sans  préjiidicier  au  droit  ni  des  uns  ni 
des  autres.  En  tffet,  dans  la  notice  du  P.  Sir- 
mond,  Saintes  n'a  pas  le  troisième  rang,  ni 
Poitiers  même  le  second  après  Bordeaux  (Ibid, 
pag.  1(58'). 

En  Espagne  l'archevêque  Rodèric  de  Tolède 
raconte  lui-même  que,  n'ayant  pu  se  trouver 
à  une  expédition  militaire,  parce  qu'il  était 
malade,  il  envoya  à  sa  place  l'èvèijue  de  l'ia- 
cencia,  son  chapelain,  pour  faire  ses  fonctions 
pontificales.  «  Capillanum  suum  pontificem 
Placentinensem,  qui  in  exercitu  li:eo  ejiis  pon- 
tificalia  exerceret  (Hodericus,  1.  ix,  c.  12).  » 

VI.  Un  évêque  de  Cracovie  obtint  du  |iape 
Innocent  III  ce  que  la  notice  de  l'empire  n'a- 
vait pu  donnera  son  évéehé.qui  ny  fut  jamais 
compris,  de  précéder  tous  les  autres  évèques 
de  Pologne ,  sulfraganls  de  l'archevêque  de 
Gnesne.  «  Ut  episcopus  Cracoviensis  oninihus 
aliis  episcopis  provinciae  et  Ecelesiae  Polonaj 
loco  et  vice  prior  sit ,  et  primus  Gnesnensi  ar- 
chiepiscopo  in  consecrando  manus  iniponat 
(Rainald.,  an.  120",  n.  14;.  » 

Voilà  ce  qu'en  dit  Longin  dans  l'Histoire  de 
Pologne  (Idem,  an.  1227,  n.  ol).  Ce  qui  n'em- 


pêcha pas  que  quelijues  années  après  l'évêque 
de  Breslau  étant  le  plus  ancien  d'ordination, 
ne  disputât  la  préséance  à  rèvé(]ue  de  Cracovie 
dans  un  concile  provincial,  et  ne  l'emportât 
sur  lui  p  ir  sa  seule  fermeté  à  conserver  son 
rang,  ce  qui  obligea  l'autre  de  s'absenter. 

Vil.  hans  rOiient, entre  les  métropolitains  qui 
relevaient  d'un  même  patriarche,  il  y  en  avait 
un  (]ui  s'élevait  au-dessus  de  tons  les  autres,  et 
qu'on  appelait  prolotrône  't  piph.,  liaer.  lxvui, 
77fMTi6p-.vo;\  Tel  était  peut-être  Slélèce,  archevê- 
que de  Lycopolis  en  Egypte,  selon  saint  Epi- 
phane,  qui  lui  donne  le  premier  rang  après 
rarchevêijue  d'Alexandrie.  «  Videbatur  Mele- 
lius  praeeminere  inter  episcopos  ^gypli,  ut 
qui  secimdum  habeat  locum  post  Petium  in 
areliiepiscopatii.  »  Il  se  pouvait  faire  néan- 
moins que  ce  privilège  fût  personnel. 

Tel  était  le  métropolitain  de  Césarée  en  Cap- 
padoce,  sous  le  patriarche  de  Conslantinople, 
dans  la  Novelle  d'Isaac  l'Ange,  celui  de  Tyr 
sous  le  patriarche  d'Antioche,  et  celui  de  (Césa- 
rée en  Palistine,  sous  le  patriarche  de  Jérusa- 
lem. Guillaume,  archevêque  de  Tyr.  n'oublie 
pas  ce  privilège  de  son  Eglise,  dont  on  remarque 
les  preuves  dans  le  concile  VIII  œcuménique 
(L.  XIV,  c.  12). 

Voici  les  paroles  de  Guillaume  de  Tyr.  «Cer- 
tum  est  quod  inter  fredecim  archiepiscopos, 
qui  a  dit  bus  Afiostolotum  sedi  Antioctunae 
subditi  fuerunt  .  Tyrensis  qiiidem  iirimum 
locum  obtinuit.  ita  ut  in  Oriente  protothronus 
appelietur;  sicut  in  cata!ogo,  etc.»  Quand 
Innocent  II  soumit  pro\isoirenient  Tyr  a  Jéru- 
salem ,  il  lui  donna  le  même  rang  dans  le 
p  itr  iarcat  de  Jérusalem. 

La  même  qualité  de  prototrône  était  aussi 
donnée  au  premier  des  évèques  de  la  province, 
et  elle  ét^.it  accompagnée  des  mêmes  droits. 
Zonare  raconte  comment  l'empereur  Léon  le 
l'hilosrphe.  ayant  élevé  Fon  frèie  à  la  dignité 
(le  palriarclie,  il  le  lit  ordcnner  par  le  proto- 
trône de  la  province  d'Héraclée,  parce  que  le 
siège  de  l'archevêque  était  vacant  :  «  Quia 
HeracltSB  pontifex  nullus  erat,  a  protothrono 
electus  est.  » 


2T8 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTIÈME. 


CHAPITRE  CINQUANTIÈME. 


LES  ÉVÊQDES   SONT   DE   DROIT  DIVIN,    ET    INSTITUÉ^    PAR    JÉSUS-CHRIST  ;    ILS    SONT    SUCCESSEURS 
DES   APOTRES,    ET    EN    QUELQUE   SENS   MÊME    DE    SAINT    PIERRE. 


L  Lesévêques  sont  d'inslitulion  divine,  et  quant  à  l'ordre,  et 
quant  à  la  juridiction,  comme  étant  chacun  dans  leurs  diocèsos 
les  vicaires  de  Jêsus-Chrisl,  les  successeurs  des  apôtres,  et  de 
saint  Pierre  même  en  quelque  sens. 

II.  Preuve  liréc  de  saint  Léon. 

III.  Et  d'Optat,  lésus-Clirist  donna  les  clefs  spirituelles  de  la 
juridiction  une  fois  à  tout  le  collège  apostolique  ou  épiscopal, 
et  une  autre  fois  ii  saint  Pierre,  comme  au  chef  représentant 
tout  son  corps  dans  Tuiiilé. 

IV.  Saint  Jérôme  explique  comment  les  apôtres,  étant  égaux 
à  saint  Pierre  dans  l'apostolat,  lui  sont  unis  comme  à  leur  chef. 

V.  Il  relève  escelleinmeni  l'épiscopal. 

VI.  Par  le  même  droit  divin,  et  pour  éviter  le  schisme,  il 
fait  les  èvèques  chefs  de  leurs  Eglises  particulières,  et  le  pape 
chef  de  l'Eglise  universelle.  Il  fait  les  évèques  successeurs  de 
saint  Pierre.  Les  premiers  évèques  furent  nommés  apôtres  par 
les  apôtres  mêmes. 

Vil.  Confirmation  de  toutes  ces  vérités  par  saint  Pacien. 
Vlll.  IX    Par  saint  Cyprien  et  saint  Augustin. 

X.  Par  saint  Paulin  et  Julien  Pomère. 

XI.  Par  les  canons  et  les  constitutions  apostoliques,  par  Cri- 
gène  et  Eusèbe. 

XII.  Par  saint  Basile,  Firmilien  et  Théodoret. 

XIII.  Les  mêmes  litres  d'éminence  et  de  pouvoir  communs 
au  pape  et  aux  évèques,  avec  quelque  distinction. 

XIV.  Du  litre  de  pape. 

I.  Quoiqu'il  ait  assez  paru,  par  ce  que  nous 
avons  dit  ci-ilesstis,  que  non-seulement  l'ordre, 
mais  aussi  la  juridiction  et  rem[)ire  des  évè- 
ques était  d'un  droit  divin  et  de  l'institution 
propre  de  J.-C,  il  ne  sera  pas  inutile  de  retou- 
cher encore  une  matière  si  riche  et  si  imjHir- 
tanle.  Toute  la  tradition  des  conciles,  des  Pères 
et  (les  écrivains  ecclésiasliiiues  nous  apprend 
cette  vérité  constante  et  autrefois  incunlestahle, 
que  les  évèiiues  ont  été  institués  par  une  auto- 
rité toute  divine,  pour  être  les  vicaires  de  .I.-C. 
même  dans  leurs  diocèses,  les  successeurs  des 
apôtres  et  les  successeurs  même  de  saint  Pierre 
en  im  sens  très-vérit.ible,  qui  n'empêche  |ias 
que  le  pape  ne  soit  en  un  sens  encore  plus 
propre  et  plus  |iarliculier  et  avec  une  étendue 
et  une  plénitude  hien  plus  grandes  le  succes- 
seur du  chef  et  du  iiriiice  des  apôtres. 

II.  On  ne  i)eut  rien  dire  de  plus  juste  sur 
cette  niiilii're,  ni  de  [ilus  a\aiitam'ux,  non-seu- 
lement à  la  primauté  du  siège  Romain,  mais 
aussi  à  la  majesté  et  à  l'autorité  (li\  incment  éta- 


blie des  évèques,  que  ce  qu'en  a  dit  saint  Léon 
jiape  dans  une  de  ses  lettres.  Il  y  fait  une  ad- 
mirable alliance  de  cette  primauté  du  chef  de 
toute  l'Eglise  et  de  la  primauté  des  chefs  parti- 
culiers de  toutes  les  Eglises,  qui  par  leur  subor- 
dination et  par  leur  inviolable  correspondance, 
ne  font  tous  qu'un  chef  et  un  épiscopat,  comme 
toutes  les  Eglises  ne  font  toutes  qu'un  corps  et 
qu'une  Eglise. 

Voici  les  paroles  de  ce  grand  pape  (Epist. 
Lxxxvi).  «Connexiotolius  corporis  imam  sanita- 
tem,  unam  ptilchritudinem  facit.  Et  hœc  qui- 
dem  connexio  totius  corporis  unanimitatem 
requirit,  sed  praecipueexigitconcordiam  sacer- 
dotum  ;  quibus  etsi  dignitasnonsitcommunis, 
est  tamen  ordo  generalis.  Quoniam  et  inter 
beatissimos  Apostolos  in  similitudine  honoris, 
fuit  quaedum  discretio  poteslatis  ;  et  cum  om- 
nium par  esset  electio,  uni  tamen  datum  est, 
ut  cipteris  prœemineret.  De  qua  forma  episco- 
))orum  quoque  est  orta  distinctio,  et  magna 
dispositione  provisuin  est  ,  ne  omnes  omnia 
sihi  ^iIldicarent,  sed  essent  in  siiigulis  pro- 
vinciis  singuli ,  quorum  inter  fratres  prima 
haberettu-  sentenlia  ;  et  rursus,  quidam  in  ma- 
jiirilius  urbibus  conslituti  sollicitudinem  sus- 
ciperent  ampliorem  ;  per  qnos  ad  unam  Pétri 
sedem  universalis  Eccle.^iœ  cura  coiiflueret, 
et  nihil  usquain  a  siiO  capile  dissideret.  » 

Ce  pape  déclare  nettement  que  les  évèques 
succèdent  aux  apôtres,  dont  on  ne  doute  ])as 
que  l'institution  ne  soit  toute  divine  :  que 
l'ordre  et  le  collège  île  tout  l'èpiscopat  est  le 
iiiênie,  mais  que  leur  dilîèrence  consiste  dans 
l'étendue  de  leur  autorité,  qui  est  plus  grande 
dans  les  uns  que  dans  les  autres.  «  In  similitu- 
diiii'  honoris  luit  discretio  potestatis.  Cum  om- 
niiun  par  esset  electio,  uni  datum  est,  ut  cœ- 
tetis  pra>mineret  ;  »  qui^  leur  difTérence  ne 
Aient  pas  de  ce  ([ue  les  uns  tiennent  leur  pou- 
voir des  autres,  comme  par  une  esiièce  de  dé- 
légation ;  puiscju'au  contraire,  ils  sont  tous  ap- 


DES  ÉVËQUES  SUCCESSEI'RS  DES  APOTBES. 


279 


pelés  et  élevés  à  l'apostolat,  ou  à  l'épiscuiiit 
immédialeiritMit  par  J.-C.  «  Omnium  par  clo- 
ctio,  onlo  gt'iieralis;  »  mais  de  ce  (]iie  les  uns 
sont  subordonnés  aux  autres,  et  lus  uns  ont 
reçu  des  limites  plus  étroites  (]ne  les  autres, 
par  celui  qui  a  rendu  paitieipiiits  les  uns  et 
les  autres  de  sa  céleste  principauté.  «  Uni  da- 
tum  est,  ut  caeteris  prœminerel.  »  11  y  a  bien 
de  la  différence  entre  déléguer  un  autre  et  être 
élevé  au-dessus  de  lui.  Saint  Pierre  fut  placé 
par  J.-C.  au-dessus  des  autres  apôtres,  mais  ils 
ne  reçurent  de  lui  ni  leur  mission,  ni  leur 
autorite  ;  ils  la  tenaient  utjiijuemeiit  de  J.-C. 

III.  Optât,  évèiiue  de  .Milève  eu  Afriiiue,  tlil 
que  pour  affermir  l'unité  de  l'Eglise,  Pierre  fut 
préféré  aux  autres  apôtres  et  reçut  les  clefs 
pour  les  commiuiiquer  aux  autres.  «  Bonouni- 
tatis  beatus  Petrus  praeferri  omnibus  .\poslolis 
nieruit,  et  claves  regni  cœlorum  coiumuniciui- 
d.is  caeteris  solus  accepit  (Opiat.,  1.  I).  Saint 
Léon  dit  la  même  chose,  «  Ut  ab  ipso  l'etro 
quasi  qnodam  capite  dona  sua  Uominns  \elut 
incorpusomnediflnnderet  (Léon,  ep.  lxxxix).  » 

Le  sens  de  ces  paroles  n'est  pas  que  les  apô- 
tres ne  tinssent  leur  autorité,  et  les  clefs  de 
l'Eglise,  que  de  saint  Pierre,  pui>qu'il  est  évi- 
dent dans  le  texte  de  l'Evangile,  tjue  le  Fils  de 
Dieu  parlant  une  fois  à  tous  les  ajiôlres,  leur 
donna  en  commun  et  les  clefs  de  l'Eglise  et 
la  puissance  de  lier  ou  de  délier  dans  le  ciel 
tout  ce  qu'ils  auraient  lié  ou  délié  sur  la  terre. 
Mais  comme  une  autre  fois  le  même  Fils  de 
Dieu,  pailant  cà  saint  Pierre  nommément,  et 
en  lui  à  tout  le  sacré  collège  des  apôlres  ou  des 
évèques,  lui  donna  la  puissance  des  clefs  ,  et  de 
lier  ou  de  délier  sur  la  terre  et  dans  le  ciel  ; 
il  voulut  leur  apprendre  par  là  qu'ils  ne  de- 
vaient tous  exercer  la  puissance  des  clefs  que 
dans  un  esprit  d'unité  et  de  concorde  entre  eux 
et  avec  leur  chef,  dans  lequel  ils  avaient  tous 
été  renfermés,  quand  il  lui  avait  conllé  le 
dépôt  de  sa  di\ine  et  céleste  puissance.  C'est 
comme  saint  Patienl'a  excellemment  entendu, 
«  .\d  Petrum  locutus  est  Dominus,  ad  unum, 
ut  unitalem  fundaret  in  uno.  Mox  id  ipsum  in 
commune  praecipiens  (Epist.  m).  » 

Voilâtes  deux  missions remartjuées  :  en  l'une 
le  Fils  de  Dieu  ne  parle  qu'a  saint  Pierre , 
comme  au  chef  représentant  tout  le  corps  de 
l'épiscopal.  Ce  n'est  (tas  après  cela  saint  Pierre 
qui  communique  ce  pouvoir  aux  apôtres,  c'est 
le  Fils  de  Dieu  même  qui  le  leur  donne  en 
mêmes  termes  qu'à  saint  Pierre,  mais  avec  une 


lirérogative  évidente  de  saint  Pierre  d'avoir 
été  lui  seul  considéré  comme  le  chef  et  le  cen- 
tre de  l'unité. 

IV.  Saint  Jérôme  qui  avait  paru  à  quelques 
interprètes  trop  superficiels  de  ses  paroles, 
avoir  rabaissé  l'épiscopal  en  égalant  les  évoques 
aux  prêtres  ,  va  nous  paraître  au  contraire  avec 
plus  de  fondement  le  relever  jusqu'au  |)lus 
haut  degré  d'une  éminence  toute  divine,  en 
fai^aIlt  succéder  les  évèques  aux  apôtres  et  éga- 
lant tous  les  apôtres  à  saint  Pierre  dans  rajios- 
tolat,  non  pas  dans  la  qualité  incommunicable 
de  chef  de  l'apostolat. 

Voici  conune  ce  savant  hnnime  démêle  cette 
matière  si  délicate,  et  comme  il  distingue  les 
deux  délégations  iiiunédiates  de  J.-C,  l'une 
pour  saint  Pierre,  l'autre  pourles  aiiôtres(L.  i. 
adviis.  Jovin.).  «  A\.  dicis  super  Petrum  fun- 
datur  Ecclesia,  licet  id  ipsum  inalio  loco  super 
omnes  .\postolos  fiât,  et  cuncti  claves  regni 
cœlorum  accipiant,  et  ex  ^'(luo  super  eos  Eccle- 
siœ  fiirtiluilo  solidetur;  ta  nen  propterea  inter 
duodecim  unus  eligetur,  ut  capite  conslituto  , 
schismati-i  tollalur  occasio.  » 

On  ne  pouvait  pas  dire  plus  clairement  que 
les  apôties  tiennent  du  Fjls  de  Dieu  seul  toute 
la  puissance  apostolique,  aussi  bien  que  saint 
Pierre,  mais  (|ue  saint  Pierre  a  été  ètibli  leur 
chef  [)ar  le  même  Fils  de  Dieu,  |iour  prévenir 
le  schisme  c]ui  :iirrail  pu  se  former  entre  eux, 
ou  plutôt  entre  leurs  successeurs. 

V.  Ce  même  Père  se  moque  ailleurs  des 
Montanistes,  qui  avaient  for-gé  deirx  dignités 
nouvelles  et  imaginaiifS  pour  reculer  au  troi- 
sième rang  les  évèques  qui  tiennent  le  premier 
dans  l'Eglise  catholique,  comme  les  véritables 
successeurs  des  apôtres.  «Apud  nos  Apostolo- 
rum  locum  episcopi  tenent,  apud  eos  episco- 
pus  tertius  est.  Habent  enim  primos  de  Pepuza 
Phrygiœ  patriarchas  :  secundos  quos  appellant 
Cenones  :  atque  ita  in  fertium,  id  est,  pêne 
ultimum  locum  episcopi  devolvuntur  :  quasi 
exinde  ambitiosior  religio  fiât,  si  quod  apud 
nos  primum  est,  apud  illos  novissimum  sit 
(Epist.  ad  Marcell.,  adv.  iMont.).  » 

II  dit  ailleurs  que  la  qualité  de  successeur 
des  apôlres  est  commune  à  tous  les  évèques,  et 
que  leur  dignité  est  la  même,  sans  excepter  le 
pontité  romain,  puisqu'enfin  il  n'y  a  qu'un 
apostolat,  ou  un  épiscopal.  «  ri)icuinqne  fuerit 
e|)iscopus,  sive  Ronne,  sive  Eugubii;  sive  Cou- 
stantinopoli ,  sive  Rhegii  ;  sive  Alexandria;,  sive 
Tanis  :  ejusdem  merili,  ejusdem  est  et  sacerdo- 


280 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTIÈME. 


tii.  Potentia  divitiarum  et  paupertatis  humili- 
tasvelsublimiorem  vel  infcriorem  episcopuin 
non  facit.  Caîterum  omnes  Apustolorum  suc- 
cessoressunl  (Epi>t.  ad  Evagriuin).  » 

VI.  Ce  Père  établit  sur  le  même  fondement 
inébranlable  de  I  institiilion  de  J.-C.  la  pri- 
mauté divine  des  évê(iutssur  les  prêires,  aussi 
bien  que  celle  de  saint  Pierre  sur  les  apôtres, 
ou  du  pape  entre  les  é\ê.|uts  (Ibidem).  Après 
avoir  dit  que  les  apôtres  mêmes  prenaient  la 
qualité  de  prêtres,  il  témoigne  que  pour  éviter 
le  schisme,  et  pour  conserver  chique  Eglise 
particulière,  au^si  bien  que  l'Eglise  univer- 
selle, dans  une  indissoluble  unité,  le  Fils  de 
Dieu  donna  l'évêque  pour  chef  à  tous  les  prê- 
tres, et  p.ir  coiisét|uenla  tous  les  peuples,  dont 
les  prêtres  sont  les  chefs  et  les  pasteurs.  «  Quod 
aulern  postea  uiius  electus  est  qui  cae  eris  prae- 
poneretur,  in  schismatis  remedium  factum 
est,  ne  unuscjuisqueadse  trahensChrisliEccIe- 
siam  rnmperet.  » 

Quoique  cette  institution  divine  n'ait  éclaté 
qu'ai)rès,  postea,  que  les  évèques  et  les  prêtres 
ont  été  multipliés,  elle  n'en  est  pas  moins  d'une 
autorité  di\ine  ,  puisque  c'est  par  celle  divine 
autorité  que  les  évèques  sont  les  successeurs 
des  apôtres,  et  que  chaque  église  particulière 
doit  nécessairement  se  confoimer  au  tout 
dont  elle  est  une  partie,  et  imiter  l'unité  indis- 
soluble de  l'Eglise  universelle. 

Si  saint  Jérôme  f.iit  ailleurs  succéder  les  évè- 
ques et  les  prêtres  aux  apôtres  et  aux  hommes 
apostoliques,  «  Episcopi  el  prusbyleri  habeant 
in  exemplum  Apostolos,  et  apostolicos  viros, 
quorum  honorem  possidenles,  habere  nitan- 
tur  et  merilum  (Ep.  ail  Paulinnm  de  inslit. 
Mon.),  »  c'est  toujours  avec  cette  clause  néces- 
saire, que  les  évèques  seront  les  chefs  divine- 
ment institués  au-dessus  des  prêtres,  comme 
saint  Pierre  entre  les  apôtres  avait  une  pri- 
mauté d'institution  divine  :  selon  ce  Père,  on 
peut  dire  même,  que  tous  les  évèques  succè- 
dent à  saint  Pierre,  en  tant  que  saint  Pierre 
représentait  tout  le  collège  épiscopal  (juand  le 
Fils  de  Dieu  lui  commit  les  clefs  célestes.  "  Non 
omnes  episcopi  episcopi  sunt.  Attendis  Pe- 
trum?  Sed  et  Judam  considéra  (E|ii^t.  ad  He- 
liodor.j.  »  El  plus  bas,  «  Non  est  facile  stare 
loco  Pauli,  tenere  locum  Pétri.  »  C'est  à  quoi 
il  fait  allusion  ,  (luaiid  il  dit  que  rE,i;Iise  ne 
peut  subsister  sans  reconnaître  une  primauté 
et  une  aulorilé  suréminenle  dans  les  évèques 
(Adversus  Lucifer.).  «  Ecclesiae  salus  in  summi 


sacerdotis  dignitate  pendet,  cui  si  non  exors 
(|uœdam  et  ab  omnibus  eminens  detur  pote- 
stas,  lot  in  Ecclesiis  efficientur  schismala,  quot 
saceidotes.  » 

EnQii  ce  grand  homme  nous  apprend  que 
les  |)ieiniers  évèques  que  les  apôlres  ordonnè- 
rent furent  euv-mêmes  appelés  apôlres  par 
les  apôtres  mêmes.  Tant  il  est  indubitable  que 
l'épiscopal  n'est  autre  chose  que  la  succession 
continuée  de  l'aiioslolal.  «  Quod  aulem  excep- 
lis  duodecim  quidam  vocentur  Apostoli,  illud 
in  causa  est  :  Omnes  qui  Domimim  viderant 
et  eum  poslea  pneilicabant,  fuisse  Apostolos 
appellatos.  Paulatim  vero  tempore  procedente, 
et  alii  ab  his  quos  Dominus  elegerat,  ordinati 
sunl  Apostoli.  Epaphroilitus ,  S^las  et  Judas 
Aposluli  ab  Apostolis  noininati  sunl  (lu  epist. 
ad  Gai.,  c.  i).  » 

VU.  Saint  Jérôme  pouvait  avoir  appris  cela 
de  saint  Palien  ,  é\êque  de  Barcelone,  qui  re- 
marque qu'il  n'est  pas  étrange  que  les  apôtres 
aient  honoré  les  évêtjues  de  leur  nom  puisque 
J.-C.  a  honoré  et  les  apôtres  et  les  évèques  du 
sien  (Epist.  i).  «  Denique  et  episcopi  Apostoli 
nominantur,  sicut  de  Epaphrodito  Paulus  edis- 
serit,  etc.  Deus  jus  illud  nobis,  ut  Apostolorum 
catheiram  tenentibus,  non  negabil,  qui  epi- 
scopis  eliam  unici  sui  nomen  induisit.  Nemo 
epi:^copnm  hominis  conlemplatione  despiciat. 
Recordemur  quod  Petrus  aposlolus  Dominura 
nostrum  episcopum  nominarit.  Quid  episcopo 
negabitur,  in  quo  Dei  nomen  operatur?  » 

Vi)ilà  les  évèciues  revêius  non-seulcinent  du 
nom  et  de  rauturité  des  apôtres,  mais  du  nom 
et  de  l'autorité  même  du  Fils  de  Dieu. 

VIII.  C'est  aussi  la  doctrine  constante  desaint 
Cyprien,  que  les  évèijues  sont  les  successeurs 
des  apôtres,  qu'ils  sont  les  centres  d  unité  cha- 
cun dans  leur  Eglise,  qu'en  cela  ils  sont  même 
les  successeurs  de  saint  Pierre,  et  assis  dans  la 
chaire  de  saint  Pierre  comme  dans  la  chaire 
d'unité;  enfin  qu'ils  doivent  être  aussi  tous 
réunis  ensemble  dans  l'iinilè  avec  le  princijjal 
successeur  de  saint  Pierre,  le  pontife  romain, 
ciinime  les  apôtres  furent  toujours  indissolu- 
blement unis  avec  saint  Pierre,  afin  que  toutes 
les  Eglises  ne  fussent  ([u'une  seule  Eglise,  une 
seule  épouse  de  l'immortel  Epoux  qui  la  leur  a 
confiée  comme  à  sts  vrais  amis.  Voici  ce  qu'il 
écrit  au  pape  Corneille  :  .<  Hoc  vel  maxime,  fra- 
ter,  et  laboramus,  etiaburare  debenuis,  ut  uni- 
tatem  a  Domino,  et  [)er  Apostolos  nobis  succes- 
soribus  tradilam ,  quantum  possumus  obtinere 


DES  ÉVÉQUES  SUCCESSEURS  DES  APOTRES. 


281 


curenms  (L.  ii,  ep.  x;  1.  m,  ep.  ix;.  »  Par- 
lant ailleurs  contre  les  diacres  qui  s  élev.iiciit 
contre  les  évèt|ues,  "Metiiinisse  debent  diacoiii, 
quoiiiaiti  Apostolos,  id  est  episcopos  et  pra^po- 
sitos  Diimiiuis  elejiit,  diacoiios  antem  Apostuli 
sibi  constituerunt,  epi<copatus  sui  et  Ecclesiœ 
niinistros.  Qnod  si  nos  alii|iiid  audere  contra 
Deuin  possuinus,  qui  episcopos  t'acit,  etc.» 

Oa  ne  pouvait  rien  dire  de  plus  formel 
pour  faire  connaître  que  J.-C.  a  institué  les 
évêques  quand  il  a  institué  les  apôlres.  El  ail- 
leurs :  u  Cliristus  dicit  ad  Apostolos,  ac  boc  ad 
omnes  praepositos,  qui  Aftoslolis  vicaria  ordi- 
naiione  succedunl  :  Qui  audit  vos  me  audit 
(L.  IV,  ep.  IX).  »  L'Eglise  est  certainement 
l'œuvre  et  le  cbt  f-d'œuvre  de  Dieu.  Or  1  E;j:lise 
n'ist  autre  chose  que  le  troupeau  uni  à  son 
Pasteur,  le  corps  des  fidèles  uni  à  son  évèque. 
a  Ecclesia,  plebs  sacerdoli  adunata,  et  pislori 
suo  grex  adbœrens.  Unile  scire  <lebes  episcopiim 
in  Ecclesia  esse,  et  Ecclesi.im  in  episcopo.  » 

IX.  Le  même  saint  Cyprien  explique  admi- 
rablement ailleurs  l'égalité  des  apôtres  avec 
saiut  Pierre  dans  l'apostolat ,  qu'ils  tenaient 
tous  immédiatement  de  J.-C,  et  leur  subordi- 
nation néanmoins  à  ce  divin  chef  auquel  ils 
devaient  être  invitdablernent  attachés,  puisque 
J.-C.  les  avcdt  tous  renfermes  en  lui,  lorsqu'il 
établi-sait  en  lui  l'inébranlable  fondement  de 
son  Eglise. 

«  Loquitur  Domiiuis  ad  Petrum  :  Super  hanc 
Petram,  etc.  Tibi  dabo  claves,  etc.  Et  quamvis 
Aposlolis  omnibus  post  resurrectionem  suaiu 
parem  potestatem  tribuat,  et  dicat  :  Sicut  inisit 
me  Pater,  et  ego  mitto  vos.  Accii>ite  Spiritum 
sanctum.  Si  cuiremiseritispeccata,  etc.;  tamen 
ut  unitatem  nianife^taret,  uuitatisejusdem  ori- 
ginem  ab  uno  incipientem  sua  autoritate  dis- 
posuit.  Hoc  erant  utique  et  caeteri  Apostoli, 
quod  fuit  Petius,  pari  consorlio  prœdicali  et 
honoris,  etpotestatis  ;  Sedexorduim  ab  unitate 
proficiscitur  ut  Ecclesia  una  monslrelur  (L.  de 
unilate  Eccles.).  » 

Au  reste  si  saint  Cyprien  a  paru  dans  sa 
conduite  s'égaler  au  pape  Etienne  lors  de  la 
contestation  sur  le  ba[)léme,  saint  Augustin  a 
bien  fait  voir  que  ce  n'était  pas  sa  pensée,  et 
qu'on  ne  peut  avoir  ignoré  que  l'aiiostolat  de 
l'Eglise  romaine  est  au-dessus  de  toutes  les 
autres  chaires  episcopales  (Augus.  de  Baplis., 
con.  Donat.,  1.  ii,  c.  I).  «  Quis  enim  nesciat, 
illum  apostolatus  principatum  cuilibet  episco- 
patui  praeponendum?  Sed  etsi  distat  cathedra- 


rum  gratia,  una  est  tamen  martyrum  gloria.  » 

X.  Saiut  Paulin  donne  un  trône  apostolique 
aux  évêques  à  ([ui  il  écrit.  Voici  comme  il  parle 
à  Victrieiiis,  évêcjue  de  Rouen  ;  «  Sic  te  Apo- 
stolieie  Sedis  evectu,  quasi  super  candelabrum 
subhme  Deus  constituit  (Ep.  ii  ad  Victr.).  » 
Et  écrivant  à  Florence,  évèiiue  de  Cahoi  s,  «Deus 
qui  te  in  sortein  Afiostolorum  dignatus  assum- 
psit,  ut  eorura  arte  hominum  piscator  exi- 
steres.  » 

Julien  Pomère,  dans  les  livres  de  la  vie  con- 
templative, donne  le  même  rang  des  apôtres 
aux  évêques;  «  Isti  sunt  Aposlolorum  Domini 
successores  ,  etc.  Ecclesiarum  Ctuisti  post 
Apostolos  fundatores,  etc.  (L.  i,  c.  ult.,  lib.  ii, 
c.  2).  « 

XI.  Les  Grecs  n'ont  pu  avoir  d'antres  senti- 
ments. Le  canon  apostolique  déclare  haute- 
ment que  le  salut  des  fidèles  a  été  commis  aux 
é\êques,  que  ce  sont  eux  qui  en  serunt  respon- 
sables, et  que  par  conséquent  les  prêtres  et  les 
diacres  ne  doivent  s'en  mêler  que  par  les  or- 
dres de  l'évêque.  «  Presbyteri  etdiaconi  praeter 
epistopum  nihilagere  pertentent.  Nam  Domini 
populus  ipsi  cummissus  est,  et  jiro  animabus 
eorum  hic  reddiiurus  est  rationem  (Can. 
xl).  »  Le  canon  du  concile  d'Antioehe  fait  allu- 
sion à  celui-ci  (Can.  xxiv) ,  quand  il  ordonne 
que  le  temporel  de  l'Eglise  peut  bien  être  con- 
fié à  l'évêque,  puisque  c'est  lui  à  qui  le  Fils  de 
Dieu  a  commis  le  salut  de  ses  peuples.  «  Cui 
commissus  est  populus,  et  animas  quœ  in 
Ecclesia  congregantur  (Const.  Apost.,  1.  ii, 
c.  -26).  » 

L'auteur  des  constitutions  apostoliques  don- 
nantaux  |)rètres  le  rang  des  apôtres,  faitasseoir 
en  même  temps  l'évêque  dans  le  trône  de  Dieu 
même.  «  Qui  episcopus  est,  hic  post  Deum 
Deus  terrenus.  Episcopus  vobis  pra?sideal,  ut 
dignilate  Dei  cohonestatus ,  qua  clerum  sub 
polestate  sua  tenet,  et  foti  po[)ulo  prseest.  Pre- 
sbyteri nos  Apostolos  repréesentare  existimen- 
tur,  etc.  (Tractât,  i  in  Malth.).  " 

Origène  place  les  évêi|ues  dans  le  siège  de 
saint  Pierre,  et  leur  commet  les  mêmes  clefs 
du  ciel.  «  Quoniam  ii  qui  episcoporum  locum 
sibi  vindicant,  utunfur  eo  dicto  sicut  Petrus, 
et  clavts  regni  cœlorum  a  Servatore  accepe- 
runt,  etc.  n 

Eusèbe  fait  tous  les  évêques  vicaires  de  J.-C. 
comme  étant  les  dépositaires  et  les  ministres 
de  son  royal  sacerdoce  (L.  x,  hist.  c.  4).  «  For- 
tasse  id  etiam  alteri  cuipiam  secundo  a  Christo 


28-2 


DU  PP.EMIF.P.  ORDPE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTIÈME. 


loco  conce?siini  est;  huic  \idelicet  quem  pri- 
iiius  ipse  et  maximus  pontifex,  secundi  post  se 
loci  sacenlofio  decorotum,  divini  vesfri  gregis 
pastorem,  sorte  ac  judicio  Patris  oninipotentis 
constituit.  » 

XII.  Saint  Basile  rend  tous  les  évêques  parti- 
cipants du  dépôt  sacré  de  l'autorilé  spirituelle, 
et  des  clefs  célestes,  dont  J.-C.  a  chargé  saint 
Pierre,  et  en  lui  tous  les  pasteurs  (Const.Monas., 
c.  '2-2).  «  Hoc  a  Cliristo  docemur,  lium  Petrum 
Ecclesiac  suœ  pastorem  post  se  constituit;  Petre, 
in(|uit,  amas  me  plus  Iiis,  pasce  oves  nieas.  Et 
onuiibus  deinccps  pastoribus  acmagi?tris  eam- 
dem  tribuit  potestatem.  Cujus  quiilem  rei  si- 
gnum  est,  quod  omnes  siniiliter  atque  ille,  et 
ligent,  et  solvant.  « 

Fiimilien,  qui  avait  été  un  des  prédécesseurs 
<le  saint  Basile  dansl'évècbé  de  Césarée,  ne  dou- 
tait pas  que  le  pape  Etienne  ne  fût  effectivement 
assis  dans  le  trône  de  saint  Pierre,  mais  il  i)en- 
sait  avtc  raison  y  être  assis  aussi  lui-même, 
quoiqu'il  dût  reconnaître  ijue  le  pape  y  était 
avec  une  prérogative  de  clief,  ((ui  ne  peut  êlre 
ni  partagée,  ni  comnuiiiiquée  à  aucun  autre 
é\êque  du  monde.  «  Potestas  peccatorum  re- 
miltendorum  A()ostolis  data  est,  et  Ecclesiis 
([ua-s  illi  a  Clnisto  missi  constituerunt,  et  epi- 
scopis  qui  eis  ordinalione  vicaria  successerunt, 
etc.  Steplianus,  (jui  sic  de  episcopatus  loco  glo- 
riatur,  et  sesuccessionem  Pelri  teni>re  conten- 
dit,  super  quem  fundamenta  Ecclesiœcollocata 
sunt,  etc.  Steplianus  qui  per  successionem 
cathedram  Pétri  babere  se  prœdicat.  » 

Le  savant  Tbéodoret  avait  aussi  fort  bien 
compris  que  les  évêques  remplissaient  la  place 
des  apôtres,  quoiqu'ils  n'en  prissent  pas  le  nom. 
«  Apostolicum  nouieu  pnccipuum  et  singiilare 
bealissiiui  illi  liahinrunt.  Et  si  enim  eoruni 
operi  isti  successerant,  illorum  tamen  appella- 
tionem  nemo  sibi  arrogare  audet  (In  Isai., 
c.  61).  » 

Il  remarque  ailleurs  que  saint  Paul  a  donné 
le  nom  d'apôtres,  non-seulement  aux  douze 
qui  le  sont  par  excellence,  mais  aussi  à  tous 
ceux  qui  ont  reçu  la  même  ordination  (In 
Epist.  I  ad  Corint.,  c.  15).  «  Apostolos  nonduo- 
decim  solos  vocavit,  sed  omnes  qui  eum  ordi- 
nem  acceperant  (In  Epist.  i  ad  Titum.,  c.  13).  » 

nj.vTa;  Tcù;  TCiaÙTr.v   SeÇau.Evo'j;  /.Eifcvovia-*.    Et  ailleurs, 

«  Qui  nunc  vocanlur  episcopi,  Apostolos  olim 
noniinabiuit.  Procedente  teiii])ore,  aposlolatus 
noiiien  reliquerunt  iis,  qui  vcre  erant  Apos- 
toli.  1) 


XIII.  Nous  pouvions  ajouter  à  ces  vérités 
incontestables  encore  cette  proposition,  que  les 
mêmes  titres  d'bonneur  et  les  mêmes  luarques 
de  puissance  qu'on  a  réserxés  aux  pontifes  ro- 
mains dans  les  siècles  suivants,  avaient  appar- 
tenu à  tous  les  évêques  pendant  les  quatre  ou 
cinq  premiers  siècles.  Etant  en  effet  tous  re- 
gardés comme  apôtres,  successeurs  des  apôtres, 
assis  dans  le  trône  des  apôtres,  et  dans  le  siège 
même  de  saint  Pierre,  on  ne  pouvaitleur  rifu- 
ser  toutes  ces  éminentes  qualités,  qu'on  attri- 
buait néanmoins  alors  même  à  saint  Pierre  et 
à  ses  successeurs  avec  une  persuasion  si  vive  de 
leur  prééminence  singulière  sur  tons  les  autres 
évêques,  que  l'usage  les  leur  a  entin  réservées 
à  eux  seuls.  Car  ce  n'est  aucune  loi,  ni  civile, 
ni  ecclésiastique,  qui  a  réservé  au  pnpe  ces 
titres  excellents  de  pape,  de  souverain  pontife, 
de  vicaire  de  J.-C.  sur  la  terre,  de  sainteté,  de 
béatitude,  d'apostolat,  et  autres  semblables  qui 
lui  étaient  aidrefois  comnums  avec  tous  les 
autres  éxêques,  comme  il  laraît  par  tous  les 
monuments  de  l'antiquité  ecclésiastique. 

Ça  été  l'usage  qui  s'est  insensiblement  in- 
troduit, qui  a  fait  ce  changement,  et  qui  n'a 
point  eu  d'autre  fondement  que  le  respect  plus 
])r()fond  et  la  vénération  toute  particulière 
(pi'on  a  eu  pour  celui  que  J.-C.  avait  distingué 
de  tous  les  autres  ajjôtres,  par  des  privilèges  si 
particuliers,  et  par  la  qualité  suréminenle  de 
chef. 

XIV.  Il  serait  superflu  de  justifier  ici  par  une 
foule  d'autorités,  que  tous  ces  titres  d'bonneur 
aient  été  autrefois  conununs  aux  papes  et  aux 
évêques.  Nous  avons  sutfisamnient  prouvé  ci- 
dessus  ,  que  cette  communion  de  titres  apo- 
stoliques entre  les  évêques,  a  duré  jusqu'au  vi° 
ou  vu*  siècle,  et  peut  être  encore  davantage. 
Nous  nous  contenterons  de  faire  ici  cette  ré- 
flexion, que  le  titre  de  iia|ie,  qui  semble  avoir 
pris  sou  origine  de  l'Afrique,  y  a  toujours  été 
particulièrement  affecté  à  l'évèque  de  Cartilage. 
Ce  n'est  pas  qu'on  ne  se  servît  de  ce  nom  hors 
de  rAfrujue,  mais  on  s'en  servait  encore  plus 
ordinairement  dans  l'Afrique,  comme  il  paraît 
p;ir  Tei  tullien  et  par  les  lettres  de  saint  Cyprien. 
Ce  n'est  pas  aussi  que  le  nom  de  pape  ne  fût 
donné  dans  l'Afiique  à  tous  les  évêques,  mais 
l'usage  le  rendit  enfin  comme  propre  à  l'é- 
vèque de  Cartilage  comme  au  Père  des  pères, 
et  au  Père  commun. 

La  collection  grecque  des  canons  d'Afriijue 
ne  donne  guère  le  titre  de  pape  qu'à  l'évèque 


LA  PRÉÉMI.VEXCR  ET  UANTIQUITÉ  DES  TROIS  ORDRES  HlÉRARCIIIOrES.        283 


de  Carthage  et  aux  pontifes  romains.  D.ins  l'E- 
gypte le  litre  de  pape  était  comme  attecté  à 
l'évèque  d'Alexamlrie.  On  en  peut  voir  les 
exemples  dans  saint  Epipliane,  dans  saint  Jé- 
rôme, dans  saint  Athanrise  'Epiphan..  hanr. 
LXix).  Saint  Jérôme  traite  aussi  de  pipe  Eva- 
grius,  évéque  d'Antioche  (Hieron..  epist.  xvi  ; 
Baronius,  an.  3h2,  n.  203).  Dans  l'Italie  ce  nom 
semblait  déjà  être  réservé  au  pape,  quand  saint 
.\mbroise  écrivait  au  pipe  Sirice  sans  rien 
ajouter  de  plus,  «  Siricio  Papa;  (Hieron.,  in  vita 
Malchi).  » 

Le  concile  I"  de  Tolède  en  40.5,  selon  Biro- 
nius  (Baronius,  an.  405,  n.  33,  34;  430,  n.  IG;, 
en  usait  comme  si  le  terme  de  pape  ne  signi- 
fiait plus  que  le  pontife  romain.  «  Expecfantes. 
quid  papa,  qui  nunc  est,  qui  1  sanctus  Simpli- 
cianus  Medioianensis  episcopus,  reliquique  Ec- 
clesiarum  resirihant  sacerdotes.  »  Et  plus  bas, 
«  Priusquam  illis  per  pap  un,  vel  per  sanctum 
Simpliciaaum  communio  redditur.  » 


Cette  réserve  n'était  pas  si  avancée  dans  les 
autres  pays.  Balsamon,  et  après  lui  Xicéphore 
ne  se  sont  trompes,  (|uand  ils  ont  dit  que 
le  pape  Célestin  ne  donna  à  saint  Cyrille  et  à 
ses  successeurs  dans  le  siège  d'Alexandrie  le 
titre  de  pipe,  que  parce  que  les  évè  ]ues  d\\- 
lexandrie  en  ont  usé  plus  longtemps  (jue  les 
autres.  Dans  le  concile  de  Calcédoine  il  y  a 
quelques  endroits  où  le  nom  de  pape  est  sin- 
gulièrement donné  à  saint  Léon.  «  Sic  crédit 
papa  Léo,  sic  Cyrillus  crédit,  sic  papa  interpre- 
tatus  est  (Act.  1  et  2).  »  Mais  cet  usage  n'était 
point  encore  réglé.  Eutyche  y  est  même  appelé 
ui-a;,  c'est-a-dire  père,  apparemment  à  cause 
de  son  âge,  ou  parce  qu'il  était  abbé  (Evagr., 
1.  I.  c.  18  .  Nous  traiterons  encore  cette  matière 
ailleurs  (Part.  u.  c  1;.  Il  suffit  de  remarquer 
ici  que  le  nom  de  pape  commençait  à  se  ré- 
server aux  grands  sièges  et  surtout  a  celui  de 
Rome. 


CHAPITRE  CIXQUAXTE-UXIEME. 


LA   PRÉÉMI>E>CE    ET   l' .ANTIQUITÉ     DES    TROIS    ORDRES    HlÉR.iRCHIQl"ES,    ET   DES   }tR0IS     PREMIERS 
BÉNÉFICES    DE    LÉGUSE,    LÉPISCOPAT,    LA   PRÊTRISE,    LE   DIACOX.AT,    SELON   LES    PÈRES    GRECS. 


I.  Qne  ce  sont  vérilablement  trois  bénéfices  ayant  nne  institu- 
tion divine  et  des  {onctions  sacerdotales,  et  un  droit  à  la  snb- 
sistance  temporelle. 

U.  Le  coucile  de  Trente  a  défini  que  cette  hiérarchie  est 
d'institution  divine,  et  a  compris  dans  les  diacres  tous  les  clercs 
inférieurs. 

m.  Les  apôtres,  par  ordre  exprès  du  Fils  de  Dieu,  ordonnè- 
rent des  prêtres  et  des  diacres,  comme  faisant  couler  ces  ruis- 
seaux de  la  plénitude  de  leur  sacerdoce. 

IV.  Preuves  tirées  de  saint  lenace  et  de  saint  Justin,  que  les 
èTèques,  les  prêtres  et  les  diacres  sont  la  hiérarchie  divinement 
instituée.  Que  les  diacres  furent  institués  pour  le  sacrifice. 

V.  Preuves  des  mêmes  vérités,  tirées  des  constitutions  et  des 
canons  apostoliques. 

VI.  De  Clément  d'Alexandrie. 

VII.  D'Eusèbe. 
vm.  D'Origèue. 

IX.  De  saint  Cyrille  de  Jérusalem,  et  de  saint  Grégoire  de 
Naziaoze. 

X.  De  saint  CUrysostome.  Pourquoi  les  noms  de  ces  trois  ordres 
sont  quelquefois  confondus  dans  l'Ecriture. 

XJ.   Objection  tirée  du  coucile  in  Trulto,    contre  la  divine 
institution  des  diacres.  Réponse. 
XII.  Réponse  à  l'objection  tirée  de  saint  Chrysostome. 


XIII.  On  oppose  un  canon  de  Néocésarée  à  celui  du  concile 
m  Trul/o. 


I.  Il  ne  faut  pas  s'étonner  si  nous  disons 
d'abord  que  les  évêques.  les  prêtres  et  les  dia- 
cres sont  les  seuls  bénéflciers  de  l'Eglise  pri- 
mitive ;  car  il  est  indubitable  que  ces  noms  au- 
gustes ne  inarquent  pas  seulement  leur  ordre 
et  leur  puissance  spirituelle  pour  la  célébra- 
tion des  sacrements,  mais  aussi  la  dignité  et  le 
bénéfice  qu'ils  possédaient,  comme  une  fleur 
ou  un  fruit  inséparable  de  cette  divine  fige. 

Nous  le  justifierons  assez  au  long  dans  toute 
la  suite  de  ce  traité;  il  suffit  pour  le  présent  de 
faire  remarquer,  que  comme  le  nom  et  le  titre 
d'évêque  nous  fait  concevoir,  non-seulement 
l'ordre  sacré  et  l'autorité  spirituelle  de  ceux 
qui  en  reçoivent  la  consécration,  mais  aussi  la 


284 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQrANTE-UiMÈME. 


charge  et  le  gouvernement  diin  diocèse^  avec 
1.1  jouissance  et  l'administration  temporelU  de 
tous  les  revenus  et  de  tous  les  fonds  qui  y  sont 
attachés  ;  aussi  dans  les  Pères  et  les  conciles,  et 
.  dans  l'usage  commun  de  l'Eglise  durant  i)lns 

de  douze  cents  ans,  les  noms  de  prêtre  et  de 
diacre  signiûaient  aussi  bien  le  droit  et  la  pos- 
session de  leur  bénéfice  et  de  leur  subsistance 
temporelle,  que  l'ordre  sacré  et  le  céleste  ca- 
ractère dont  ils  avaient  été  honorés  dans  leur 
ordination. 

Comme  on  ne  peut  encore  à  présent  être  mis 
au  rang  des  évèques  qu'on  ne  soit  en  même 
temps  chargé  du  gouvernement  spirituel  et 
temporel  dune  Eglise,  aussi  on  ne  pouvait, 
depuis  la  naissance  de  l'Eglise,  être  élevé  à  la 
dignité  de  prêtre  et  de  diacre  (jtron  ne  reçût 
une  fonction  sjiirituelle  et  la  subsistance  tem- 
porelle qui  l'accompagne  dans  quelque  Eglise 
particulière  ;  ce  qui  est  évidemment  ce  que 
nous  appelons  bênéflce. 
H.  Venons  présentement  à  rétablissement  de 
,  cette  divine  hiérarchie  ,  que  le  concile  de 
•  Trente  a  remarqué  être  conifjosée  des  évèques, 
des  prêtres  et  des  ministres.  Car  ces  ministres 
ne  sont  autres  que  les  diacres,  comme  il  paraît 
par  la  signification  du  mot  et  par  les  termes 
propres  de  l'Ecriture.  Mais  ce  saint  concile  a 
voulu  nous  insinuer  par  l'affectation  de  ce 
terme  de  ministres,  plutôt  que  par  celui  de 
diacres,  que  tous  les  moindres  ordres  (]iii  ont 
été  comme  démembrés  du  diaconat  et  (|ni  en 
'  •  sont  comme  autant  de  fiortions.  peuvent  aussi 
"•  être  compris  dans  la  divine  hiérarchie  de  l'E- 
glise, en  tant  qu'ils  sont  dans  une  dépendance 
entière,  dans  une  liaison  parfaite  et  conmie  ne 
faisant  qu'un  même  tout  avec  le  diaconat. 

Si  l'on  nous  objecte  que  selon  ce  même  con- 
cile toute  la  hiérarchie  ecelésiastii|iie  étant 
d'institution  divine,  elle  ne  peut  embrasser  les 
ordres  des  sous-diacres  et  des  autres  officiers  in- 
férieurs, que  la  lecture  des  Pères  et  des  conciles 
nous  ajiprend  a^oir  été  successiveniiut  insti- 
tués par  l'Eglise,  et  n'avoir  pas  été  ni  tons,  ni 
toujours,  ni  ks  mêmes  dans  toutes  les  Eglises, 
dans  les  siècles  passés,  nous  rêponduns  (|u'il 
suffit  que  tous  ces  ordres  soient  d'un  établisse- 
ment divin  dans  leur  source  et  dans  leur  pi  in- 
ci[)e,  c'est-à-dire,  dans  le  diaconat,  duquel  ils 
sont  tous  écoulés,  et  dans  lequel  ils  sont  tous 
compris  d'une  manière  très-  excellente. 

111.  Disons  donc  que  le  Fils  de  Dieu  étant 
devenu  par  son  incarnation  notre  souverain 


prêtre,  et  voulant  enfin  aller  exercer  dans  le 
{"iel  son  divin  sacerdoce  d'une  manière  suré- 
minente  et  |>roportioniiée  à  la  majesté  d'un 
Dieu  fait  homme,  et  à  l'éternelle  félicité  de 
l'Eglise  céleste,  il  substitua  en  sa  place  sur  la 
terre  ses  apôtrts,  et  leséxêques  qu'il  appela 
ensuite  à  cette  di\ine  succession,  et  les  revêtit 
de  la  même  plénitude  du  sacerdoce  qu'il  avait 
exercé  durant  sa  vie  mortelle. 

Nous  ne  lisons  dans  les  évangiles  aucune 
distinction  des  prêtres  et  des  diacres  d'avec  les 
apôtres  ou  les  évèques,  mais  nous  rencontrons 
dans  les  Actes  des  apôtres,  et  danslesépltresde 
saint  Paul  l'institution,  le  nom  et  les  devoirs 
des  diacres.  Nous  y  remarquons  aussi  le  nom 
et  les  fonctions  îles  prêtres.  Il  est  vrai  que  ceux- 
ci  y  sont  quelquefois  confondus  avec  les  évè- 
ques, mais  nous  en  avons  donné  la  raison  ci- 
devant. 

Il  est  aussi  vrai  que  l'institution  des  diacres 
semble  avoir  été  faite  plutôt  par  les  apôtres 
que  par  le  Fils  de  Dieu;  et  (|ue  lesir  |)remièie 
occupation  |iaraîl  d'abord  n'a\oir  été  que  de 
servir  à  la  lible  commune,  oii  la  cbarité  des 
riches  trouxait  ses  délices  dans  la  réfection 
(ju'elle  donnait  aux  pauvres.  Mais  nous  lève- 
rons plus  commodément  ces  difficultés  dans 
un  autre  endroit.  Nous  dirons  seulement  ici 
par  avance,  que  les  ajiôtres  recexant  du  Fils 
de  Dieu  la  plénitude  du  sacerdoce,  ils  re- 
çurent en  même  temps  de  lui  le  pouvoir  et  le 
commandement,  non-seulement  de  le  faire 
passer  à  leurs  successeurs,  mais  aussi  de  le 
distribuer  selon  les  diflérents  degrés  qui  se- 
raient nécessaires  pour  l'ordre,  pour  la  bien- 
séance ,  et  pour  le  gouvernement  de  son 
Eglise. 

Ce  fut  donc  par  son  ordre  exprès  que  les 
apôtres  ordonnèrent,  ou  permirent  d'ordonner 
(les  pi  è Ires,  anxijuelsils  ne  donnèrent  pas  toutes 
les  singulières  prééminences  de  Fépiscopal  :  et 
ils  établirent  ensuite  des  diacres,  pour  exercer 
cet  tmpire  di\in,  qui  est  une  suite  nécessaire 
du  service  qu'ils  rendent  à  l'autel. 

IV.  Saint  Ignace  commande  à  tous  les  fidèles 
d'obéir  a  ré\êqne  comme  J.-C.  obéissait  à  son 
Père,  de  respecter  les  prêtres  comme  lesapôtres, 
et  les  diacres,  comme  par  le  commandement 
de  Dieu.  «  Episcopum  sequimini,  ut  Christus 
Patrem;  presbjti  riiim  ut  Apostolos;  diaconos, 
ut  Dei  mandatum  (Ad  Smyrn.).  »  Je  ne  sais  si 
ces  dernières  paroles  ne  pourraient  point  nous 
insinuer  le  commandement  de  J.-C.  aux  apôtres 


LA  PRÉÉMINE>fCE  ET  L'ANTIQUITÉ  DES  TROIS  ORDRES  HIÉRARCHIQUES.        285 


pour  l'institution  des  diacres;  au  moins  il  est 
certain  que  c'est  dans  ces  trois  ordres  (jue  saint 
Ignace  t'ait  consister  toute  la  liiérarcnie  de 
l'Eglise,  qu'il  n'en  propose  point  d'autres,  qu'il 
les  sépare  rarement,  et  qu'il  nous  les  re|(ré- 
sente  toujours  avec  tant  d'éclat  et  de  majesté, 
qu'il  est  impossible  de  n'en  pas  recueillir  leur 
divine  insiitution. 

Quand  ce  prél.it  apostolique  nous  dit  ipi'il 
faut  considérer  les  prêtres  comme  les  apôtres, 
ce  n'est  pas  qu'il  leur  accorde  cette  plénitude 
de  puissance  sacerdotale,  qui  était  propre  aux 
apôtres  ;  car  si  cela  était,  il  les  égalerait  aux 
évêques;  mais  après  avoir  donné  aux  évêques 
l'autorité  de  J.-C.  et  la  primauté  même  ineffa- 
ble du  Père  éternel,  il  ne  fait  plus  de  difficulté 
d'honorer  les  prêtres  du  nom  d'apôtres,  dont 
effectivement  ils  ont  reçu  une  partie  de  la  suc- 
cession. 

Mais  quelque  pouvoir  qu'aient  les  prêtres, 
cet  admirable  docteur  ne  leur  permet  pas  de 
rien  entreprendre  sans  l'évéque.non  pas  même 
d'offiir  le  sacriflce  :  «  Non  licet  sine  episcopo, 
neque  offerre ,  neque  sacrifîcmm  immolare, 
neque  missas  celebrare.  »  Car  l'évêque  est  l'i- 
mage vivante  de  l'empire  du  Père,  et  du  sacer- 
doce du  Fils,  qui  est  seul  prêtre  par  nature. 
«Honorare  episcopum,  tanquam  principem  sa- 
cerdotum,imaginem  Ueiferentem,princi[)alum 
secundum  Deum,  sactTdotium  vere  secumium 
Chrislum,  solum  natura  principem  sacerdo- 

tum,  ji.ovcv  rr.  cjcii  tcû  —aTsc;  iz-/j.zzix.  » 

Entin,  il  nous  apprend  tous  les  rangs  qui  se 
trouveut  dans  l'Eglise, et  tous  les  membres  qui 
composent  le  second  corps  de  J.-C.  «  Laici  dia- 
conis  subditi  sint.  diaconi  presbytero.  presby- 
ttri  e[)iscopo,  episcopus  Christo,  sicut  ipse 
Patri.  »  Voila  le  peuple  fidèle  dans  les  lois  de 
l'obéissance,  et  la  hiérarchie  ou  le  clergé  dans 
l'empire  spirituel  sur  les  laïques,  en  sorte  que 
cet  empire  est  tempéré  par  l'obéissance;  et 
commandant  à  la  terre,  il  obéit  aux  lois  du 
ciel. 

Au  reste  le  clergé  ne  paraît  ici  composé  que 
des  évêques,  des  prêtres  et  des  diacres  ;  ce  qui 
n'est  pas  moins  évident  dans  une  autre  lettre 
de  ce  suint  martyr,  où  il  ordonne  de  même  de 
ne  rien  faire  sans  l'évêque,  ><  Sine  episcopo, 
nihil  operari  ^Ad  Trall.)  ;  »  d'obéir  aux  prêtres 
comme  aux  apôtres,  «  Subjici  presbyterio,  ut 
Apostolis  Christi.  »  Mais  il  ajoute  que  les  dia- 
cres sont  les  ministres  de  la  table  sacrée  où  on 
immole  le  corps  de  J.-C.  «  Diaconos  ministres 


existentes  mysteriorum  Jesu  Christi, seciuiduni 
oninem  mo<iuni  omnibus  piaccre.  Non  eniin 
ciborum  et  poluum  sunt  miuistri,sed  Ecck-siœ 
Dei.  »Ce  qui  suffit  pour  nous  persuader  qu'en- 
core que  dans  les  Actes  des  apôtres  il  semble 
qu'on  ait  pris  occasion  de  la  table  charitable 
qu'on  dressait  pour  les  pauvres,  d'instituer  les 
diacres,  l'intention  principale  de  cet  établisse- 
ment ne  laissait  pas  de  regarder  le  sacrifice  de 
la  table  sacrée,  qui  n'était  pas  alors  séparée  de 
la  réfection  commune. 

Jusqu'alors  les  apôtres  avaient  fait  les  fonc- 
tions des  diacres,  aussi  bien  que  celles  des 
prêtres.  Les  divers  besoins  de  l'Eglise  les  obli- 
gèrent avec  le  temps  de  séparer  ces  ordres  et 
ces  offices;  et  il  n'est  pas  extraordinaire  que 
celle  des  deux  fonctions  des  diacres,  qui  devait 
être  la  moindre,  fût  la  plus  pressante  et  fit 
avancer  leur  institution,  si  saint  Jérôme,  pour 
réprimer  l'insolence  de  quelques  diacres  de 
son  temps,  les  a  fait  souvenir  de  cette  circons- 
tance, et  leur  a  dit  :  «  Qui  patiatur.  ut  mensa- 
rum  et  viduarum  minister,  supra  eos  se  tumi- 
dus  efferat,  ad  quorum  preces  Christi  corpus 
sanguisque  conficitur  ?  » 

Il  faut  croire  que  ce  savant  Père  n'a  prétendu 
toucher  que  l'occasion,  et  non  pas  toutes  les 
raisons  que  les  apôtres  avaient  eues  d'instituer 
les  diacres.  En  effet,  saint  Etienne,  qui  fut  le 
premier  de  ce  collège  sacré  des  diacres,  est 
représenté  au  mêmeendroitcommeun  homme 
si  extraordinaire  en  sainteté,  en  zèle  et  en 
science  ,  qu'il  est  difficile  de  croire  qu'on  ne 
l'eût  appliqué  qu'à  un  ministère  commun. 

Mais  si  l'on  considère  que  les  apôtres  lui  con- 
fiaient la  charge  de  prêcher  l'Evangile,  on  se 
laissera  facilement  persuader  qu'ils  l'avaient 
aussi  commis  au  ministère  de  l'Eucharistie.  Car 
la  parole  de  Dieu  ne  demande  pas  des  ministres 
moins  excellents  que  la  sainte  Table  :  la  vérité 
de  Jésus-Christ  n'exige  pas  moins  d'honneur 
que  sa  divine  chair;  enfin  le  ministère  de  la 
parole  a  toujours  été  estimé  comme  le  plus 
haut  et  le  plus  apostolique  de  l'Eglise  ;  et  saint 
Paul  a  dit  en  ce  sens,  qu'il  n'avait  pas  été 
envoyé  pour  baptiser  il  pouvait  dire  de  même 
des  autres  sacrements),  mais  pour  annoncer 
l'Evangile.  Saint  Justin,  dans  sa  seconde  afioio- 
gie.  dit  qu'on  envoyait  lEucharistie  aux  absents 
par  les  diacrt-s.  o  Absentibus  per  diaconos  mit- 
titur.  B  Ils  étaient  donc  les  ministres  de  l'autel 
et  du  sacrifice. 
V.   L'auteur  des  Constitutions  apostoliques 


280  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-UNIÈME. 


nous  apprend  aussi  ces  mêmes  vérités  :  «  Non 
baptizat  diaconus,  non  offert  ;  oblatione  vero 
ab  e[)is(;o|jo  aut  presbytero  iacta,  ipse  diaconus 
dat  populo,  non  tanquam  sacerdos,  sed  tan- 
quain  qui  ministiat  presbyteris.  Nulli  ex  reli- 
(juis  clericis  licet  lacère  opus  diaconi  (Lib. 
viii,  c.  28).  » 

Voilà  la  sacrée  fonction  des  diacres,  de  dis- 
tribuer l'Eucharistie.  L'auteur  des  Constitu- 
tions apostoli(|ues  donne  ensuite  au  diacre  le 
pouvoir  et  la  juridiction  d'excommunier  tous 
les  clercs  inférieurs ,  quoique  nul  d'entre  eux 
ne  puisse  user  de  la  même  autorité,  non  pas  le 
sous-diacre  même  envers  ses  intérieurs.  Ce 
qui  nous  montre  que  le  diacre  seul  est  propre- 
ment de  la  hiérarchie.  Les  canons  apostoliques 
associent  ordinairement  ces  trois  ordres  supé- 
rieurs dans  les  mêmes  obligations,  et  dans  le 
gouvernement  de  l'Eglise  (Can.  Apost.  v,  vi, 
vu,  XXXVll). 

VI.  Clément  d'Alexandrie  ne  fait  mention  que 
de  ces  trois  mêmes  ordres  :  «  In  sanctis  libris 
scri()ta  sunt  h;cc  quitkin  |)necepta  presbyteris, 
alla  episcopis,  alla  diaconis,alia  viduis  (Pa-dag., 
1.  Ml,  c.  ult  ;  Stiam.,  1.  vij.lldit  ailleiusqueces 
degrés  admirables  et  ces  ordres  divins  sont  de 
parf.iitus  représenlalionsde  la  hiérarchie  célest(; 
et  des  diUérences  incom|irehensibles  qui  se 
trouvent  entre  les  anges  et  les  bienheureux 
mêmes  dans  ce  séjoui'  glorieux,  oii  ils  seront 
tous  abîmés  dans  l'unité  divine,  oii  Dieu  seul 
sera  tout  en  tous  :  «  Nam  hic  quoque  in  Eccle- 
sia  progressiones  episcoporum,  presbyteroruin, 
diaconorum,  sunt,  ut  arbitror,  imilationes  glo- 
riie  angelicœ,  et  illius  oeconomia;  ac  dis[)ensatio- 
nis,  (piaiM  (licunt  Scripturœ  illos  ex|)ectare,  qui 
insislentes  vesligiis  ApustoUjrum,  vixeruut  in 
perfeclione  justitiae,  convenienter  Evangelio.  » 

Vil.  Eusébe  nous  a  rap|>orté  la  lettre  syno- 
dale que  les  évêques,  les  prêtres  et  les  diacres 
du  concile  d'Antioche,  contre  Paul  de  Samo- 
sate,  écrivirent  sur  ce  sujet  au  pape  Denys,  et  aux 
autres  Occidentaux,  avec  cette  inscri|)tion  :  Aux 
év('(jucs,  aux  prêtres,  aux  diacres  et  à  toute 
VEçilise  catholique  (Hist.,  1.  vu,  c.  30).  Ce  qui 
nous  montre  l'union  inséparable  de  ces  trois 
ordres  dans  la  hiérarchie  de  l'Eglise. 

Le  même  Eus('l)e  nous  a  aus.>i  conservé  une 
lettre  de  l'empereur  Constantin,  nu  il  (inhniiK^ 
([uc  les  évètiues,  les  prêtres  et  les  diacres  (pii 
]>rési(leiil  et  ([ui  gouvernent  les  Eglises,  travail- 
lent avec  soin  à  leur  réparation  :  «  In  singulis 
locis  prœsidentes  episcopos,  presbytères  et  dia- 


conos  admone,  ut  in  opéra  Ecclesiarum  omni 
studio  incumbant  (De  Vita  Const.,  1.  u,  c.  46).  » 

VIII.  Origéne  parle  dans  le  même  sens  (In 
Num.,  hom.  n).  «  Putasne  qui  sacerdotio  fun- 
guntur,  agunt  omnia  quac  illo  ordine  digna 
sunt?  Et  unde  est,  (|uodsiepeaudinnis  blasphe- 
mare  homines  et  dicere  :  Ecce  qualiseijiscopus, 
autqualis  |)resbyter,  aut  qualis  diaconus?»  C'est 
à  eux  qu'il  donne  ailleurs  la  charge  de  corriger 
et  d'instruire  les  jjeuples  :  (In  P^al.  xxxv. ) 
«  Onmes  e()iscopi,  atque  omnes  presbyteri,  vel 
diaconi  erudiunt  nos  etadhibentcorreptiones.» 

Dans  un  autre  endroit,  dans  l'obscurité  des 
allégories,  il  nous  montre  clairement  l'excel- 
lence de  ces  trois  puissances  sacrées  :  a  Proprie 
enini  episcopus  Dominus  Jésus  est.  Et  presby- 
teri Abiaham,  Isaac  et  Jacob,  diaconi  vero  se- 
ptem  archangeli  sunt  Dei,  ad  quorum  mysteria 
septeni  diaconi  in  Actibus  sunt  ordinati  (In 
Matlh.,  tract,  xxni;  in  Epist.adlîom.,  1.  u,c.2).» 
Entin  il  ne  les  sépare  jias  dans  la  suprême  juri- 
diction qu'ils  exercent  dans  l'Eglise  ,  quand  il 
dit  :  «  Ecelesi;irum  rectoribus  et  principibus 
loquitur  Apostolus,  bis  videlicet  qui  judicant 
eos,  qui  intus  sunt,  id  est,  episcopis,  vel  pre- 
sbyteris, et  diaconibus. 

IX.  Saint  Cyrille,  évêque  de  Jérusalem,  ne 
reconnaît  que  ces  trois  ordres  dans  le  clergé  : 
«  Perspice  cujuslibet  nationis  episcopos ,  pre- 
sbytères, diacouos,  monachos,  virgines  et  reli- 
quos  luicos  (Catech.  xvi).  »  Saint  Grégoire 
de  Nazianze  ne  nomme  non  plus  que  les  évê- 
ques, les  prêtres  et  les  diacres,  et  quoiqu'en  un 
autre  endroit  il  ait  |)arlé  des  lecteurs,  ce  n'est 
qu'après  y  avoir  témoigné  combien  les  diacres 
approchaient  de  l'élévation  des  prêtres  (Orat.  iv 
et  xxxu).  » 

X.  Saint  Chtysoslome  exiiliquant  les  termes 
de  l'épilre  aux  Philippiens ,  (jue  saint  Paul 
adresse  aux coévêques  et  aux  diacres;  «  Coepi- 
scopisetdiaeonis,  »  nous  apprend  que  les  noms 
d'évêqucs,  de  prêtres  et  de  diacres  étaient  alors 
comnums  et  confusément  attribués  à  ces  trois 
onlressuréniinents,quoi(iue  leurs  fonctions  fus- 
sent dillérentes.  Et  il  le  jirouve  par  ces  raisons 
claires  et  pressantes  :  (ju'il  ne  pou^'ait  pas  y 
avoir  |)lus  d'un  évêque  en  la  ville  de  Philippes 
(Hom.  1,  in  ep.  ad  Pbdipp.)  ;  ces  coéxêques 
n'étaient  donc  que  des  |)rêtres  ;  que  les  é\êques 
même  |iorlaient  le  nom  de  diacres  ;  d'où  vient 
que  saint  Paul  écrit  à  Tiniolhée,  qui  était  évê- 
que, de  s'acquitter  fidèlement  de  son  diaconat, 
c'est-à-dire  de  son  ministère  :  que  le  presbytère 


LA  PRÉÉMINENCE  ET  L'ANTIOnTÉ  DES  TROIS  ORDRES  lIlÉRARCHIorES.        isT 


qui  imposa  les  mains  à  Timotliéc  pour  le  faire 
évèque  était  sans  doute  composé  (i'cvèinR'S, 
car  des  piètres  n'onloiiueraient  pas  un  é\èi[ue  ; 
que  le  même  saint  Paul,  après  avoir  ordonné  à 
Tite  d'établir  des  prêtres  dans  les  cités,  leur 
donne  un  peu  après  le  nom  d'évêques. 

Enfin  ce  sublime  interprète  de  l'Apôtre  dit 
que  jusqu'à  son  temps  même  il  était  resté  u a 
vestige  remarquable  de  cette  ancienne  cou- 
tume, et  de  cette  mystérieuse  confusion  de 
noms,  en  ce  que  plusieurs  évêques  écrivant  à 
des  prêtres  et  à  des  diacres ,  se  revêtaient  eux- 
mêmes  des  mêmes  noms,  comme  étant  leurs 
confrères  :  «  Quocirca  vel  hoilie  miilti  episcopi 
scribunt  compresbytero  et  condiacono.  » 

11  n'en  faut  pas  davantage  pour  nous  faire 
comprendre  que  ce  sont  les  trois  ordres  essen- 
tiels et  primitifs  de  la  biérarchie  exercés  par 
J.-C.  même,  et  ensuite  transmis  aux  apôtres; 
exercés  par  les  apôtres  conjointement  et  sans 
distinction,  comme  ayant  reçu  une  plénitude 
du  sacerdoce  participé  de  celui  qui  en  était  la 
plénitude  essentielle;  et  ensuite  répandus  et 
distribués  avec  distinction  et  subordination  de 
personnes  ;  mais  en  sorte  que  dans  leur  sépa- 
ration ils  conservent  plusieurs  marques  de  leur 
première  union,  et  n'exercent  leur  ministère 
que  dans  un  esprit  de  concorde,  de  paix  et 
d'unité. 

Le  même  saint  Cbrysosfome  remarque  en  un 
autre  endroit  que  saint  Paul  don  ne  le  nom  même 
et  la  qualité  auguste  d'apôtres  aux  soixante- 
douze  disciples,  qui  n'étaient  au  plus  qu'évêtiues 
(In  Epist.  I  al  Corintb.,  bom.  xxxvui,.  Saint 
Basile  parlant  d'un  diacre  l'appelle  aussi  son 
confrère  (Basil.,  ep.  li  et  cccxlh).  «  Fratrem 
nostrumsyndiaconum  Dorollieum.  »  Tbéodoret 
remarque  aussi  que  saint  Paul  a  rendu  le  nom 
d'apôlres  commun  à  tous  ceux  qui  avaient  reçu 
la  même  imposition  des  mains,  ou  la  même 
ordination,  y.£!jo«-nav  (Theodoret.  in  Epist.  i  ad 
Corintb.,  c.  15). 

XI.  Les  évêques  grecs  qui  s'assemblèrent 
dans  le  concile  de  Constantinople,  pour  y  faire 
des  canons  au  nom  du  \'  et  du  Vl"  concile 
œcuméniques,  conclurent  dans  un  de  leurs  ca- 
nons que  les  sept  diacres ,  dont  l'élection  est 
rapportée  dans  les  Actes  des  apôtres,  n'étaient 
nullement  les  diacres  destinés  au  ministère  de 
l'autel,  mais  (|ue  c'étaient  de  simples  admi- 
nistrateurs des  aumônes  et  des  revenus  de 
l'Eglise. 

Mais  ces  évêques  s'éloignèrent  en  ce  point 


aussi  bien  qu'eu  plusii'urs  autres,  de  la  doctrine 
et  (le  la  discipline  de  leurs  ancêtres.  Car  où 
ti  ouverait-on  ailleurs  la  divine  origine  des  vrais 
diacres?  Et  est-il  à  croire  que  l'Ecriture  nous 
ait  instruits  de  l'institution  des  économes  tem- 
porels, et  ne  nous  ait  pas  voulu  informer  de 
celle  des  ministres  de  l'autel?  Et  ces  diacres 
dont  saint  Luc  parle,  peuvent-ils  être  autres 
que  ceux  dont  parle  si  souvent  saint  Paul,  et 
([u'il  confond  quelquefois  avec  les  (irêtres  et 
les  évêques  mêmes,  tant  ils  en  étaient  insépa- 
rables et  unis  dans  les  mêmes  fonctions?  Et  la 
discipline  de  toute  l'Eglise  n'est-elle  pas  le 
meilleur  interprète  que  nous  puissions  soubai- 
ter  de  l'Ecriture?  Et  ainsi  n'est-il  pas  évident 
que  les  diacres  dans  les  Actes  des  apôtres  sont 
tout  ensemble  les  ministres  de  l'autel  et  les 
administrateurs  du  temporel  de  l'Eglise,  puis- 
que ces  deux  fonctions  furent  unies  en  leurs 
personnes  durant  tant  de  siècles .  comme  nous 
dirons  en  son  lieu  ? 

Enfin,  saint  Cbrysostome,  de  l'autorité  du- 
quel ces  évêques  ont  tàctié  de  se  couvrir,  ne 
nous  a-t-il  pas  déjà  enseigné  que  le  nom  de 
diacre  était  si  auguste,  que  l'Apôtre  l'a  souvent 
confondu  avec  celui  de  prêtre  et  d'évêque  ? 
Et  sur  les  Actes  même,  cet  éloquent  interprète 
ne  remarque-t-il  pas  que  les  apôtres  imposè- 
rent les  mains  avec  prières  sur  ces  diacres  ? 
«  Ordinatl  sunt  per  preces,  boc  enim  est  ma- 
nuum  impositio.  Manus  ab  bomine  imponitur, 
totum  autem  Deus  operalur.  »  Ces  termes 
signifient  fort  clairement  la  vraie  ordination, 
à  laquelle  on  n'a  jamais  employé  d'autres 
termes. 

XII.  Ainsi  l'intention  de  saint  Cbrysostome 
n'a  point  été  d'exclure  ces  diacres,  dont  saint 
Luc  parle,  de  l'ordination  sacrée  et  du  minis- 
tère de  l'autel,  mais  de  dire  simplement  que 
l'administration  du  temporel,  dont  ils  furent 
chargés,  n'était  pas  propre  et  affectée  aux  dia- 
cres, parce  qu'en  son  temps  les  prêtres  en 
étaient  chargés,  et  portaient  la  qualité  d'éco- 
nomes. (1  Qualem  acceperunt  ordinationem  ? 
Numquideaiu  quœ  est  diaconorum? Et  profecto 
hoc  in  Ecclesiis  non  est,  sed  presbyterorum 
est  œconomia.  Et  quidem  nuUus  adbuc  erat 
episcopus,  sed  Apostoli  solum.  l'nde  neque 
presbyterorum ,  neque  diaconorum  nomen 
opinor  esse  clarum  et  inanifestum.  » 

L'on  voit  ici  clairement  (|ue  saint  Cbryso- 
stome n'a  point  d'autre  but  que  de  maintenir 
la  coutume  de  son  temps,  qui  avait  chargé  les 


288        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-DEUXIÈME. 


prêtres  de  l'économie  et  de  la  dis[)ensalion  du 
temporel ,  contre  les  entreprises  des  diacres, 
qui  auraient  pu  faire  valoir  leurs  prétentions 
par  cette  instilution  des  apôtres.  C'est  pour  re- 
pousser, ou  pour  prévenir  ce  dessein,  que  s;iint 
Chrysoï-tome  dit,  (ju'en  ces  jjremiers  commen- 
cements, il  n'y  avait  point  encore  d'évêqnes 
distingués  des  apôtres,  que  les  noms  de  prêtres 
et  de  diacres  étaient  souvent  confondus  entre 
eux  et  avec  celui  d'évêques,  et  ainsi  que  les 
diacres  ne  peuvent  p.is  [)ar  cette  narration  de 
saint  Luc  prétendre  à  L'économie  possédée  par 
les  prêtres. 

XII 1.  En  tout  cas,  les  Pères  du  concile  de 
Néocésarée  seraient  plus  à  croire  que  ceux  du 
concile  i)i  Trullo,  comme  étant  plus  proches 
de  la  source,  et  mieux  informés  des  tradi- 
tions apostoliques.  Or  le  sentinn  nt  du  concile 
de  Néocésarée  (Can.  xiv) ,  est  si  absolument 
contraire  à  la  pensée  de  ct-s  évèques  assemblés 
à  Constantinople ,  (|u'ils  ont  confessé  eux- 
mêmes,  que  leur  canon  était  une  censure  et 
une  correction  de  celui  de  Néocésarée. 

Bals.imon  a  cru  qu  ils  n'avaient  i);is  compris 
le  sens  du  canon  de  Néocésarée,  qui  ne  parle 


non  plus  que  des  dispensateurs  du  temporel, 
quand  il  décrète  que  l'on  n'ordonnera  que 
sept  diacres  dans  les  plus  grandes  villes.  Mais 
la  preuve  de  Balsinion  n'est  pas  solide  quand 
il  dit  que  Justiiiien  avait  porté  le  nombre  des 
diacres  de  Constantinople  au  delà  de  cent,  et 
qu'il  ne  l'eût  pas  fait,  s'il  eût  cru  violer  le 
canon  de  Néouésarée. 

Justinien  n'a  pas  été  si  scrupuleux  observa- 
teur des  canons  que  Balsainon  voudrait  nous 
le  persuader.  Outre  cela,  il  était  trop  raisonna- 
ble de  distinguer  l'Eglise  de  la  ville  impériale 
de  toutes  les  autres,  parle  nombre  des  officiers. 
Aussi  ce  n'est  que  pour  l'église  patriarcale  de 
Constantino[)le  que  Justinien  a  fait  cette  cons- 
titution, et  cette  augmentation  prodigieuse  de 
ministres. 

Il  est  donc  bien  plus  probable  que  les  Pères 
du  concile/»  T';';^//»  comprirent  foit  bien  le  sens 
du  canon  de  Néocésarée,  mais  qu'ils  n'enten- 
dirent pas  le  passage  de  saint  Clirysnstome , 
et  que  sur  une  mauvaise  intelligence  de  celui- 
ci,  ils  firent  une  injuste  censure  et  une  fausse 
correction  de  celui-là. 


CHAPITRE  CINQUANTE-DEUXIEME. 


SL'ITE    DE    LA    PRÉÉMINENCE    ET   ANTIQUITE   DES   TROIS   ORDRES    HIERARCHIQUES,    ET   DES   TROIS  PREMIERS 
BÉNÉFICES    DE    l'ÉGLISE,    l'ÉPISCOPAT,    LA    PRÊTRISE,    LE    DIACONAT,    SELON    LES   PÉRÈS   LATINS. 


I.  Preuves  tirées  de  Terliiltien  pour  la  divine  prééminence  de 
ces  trois  ordres.  Irrégularités  du  clergé  des  hérétiques. 

II.  Le  clergé  essentiellement  distingué  des  la'iiines. 

III.  Preuves  tirées  de  saint  Cypricn.  Institution  divine  des 
diacres. 

IV.  De  saint  Patien. 

V.  De  saint  Optât. 

VI.  Sentiment  de  saint  Jérôme  expliqué  au  long  sur  la  divine 
éuiinence  des  évêques,  sur  les  prêtres,  et  sur  l'iaslitution  divine 
des  diacres. 

VII.  Snile  du  même  sujet. 

VIII.  Héponse  à  une  objection,  qu'on  créait  les  évèques 
d'Alexandrie  par  une  simide  installation. 

IX.  Autres  preuves  tirées  de  saint  Jéiônie. 

X.  Autres  preuves  du  même  sur  la  divine  inslilulion  de  ces 
trois  ordres. 

XI.  Conclusion  des  sentiments  de  saint  Jérôme. 


I.  Le  chapitre  précédent  a  été  employé  à  jus- 
tifier par  les  Pères  grecs,  que  la  souveraineté 
du  sacerdoce  a  été  d'abord  confiée  par  le  Fils 
de  Dieu  aux  apôtres,  et  par  les  apôtres  aux 
évêques,  aux  prêtres  et  aux  diacres,  et  que  ces 
trois  ordres  essentiels  à  la  hiérarchie  n'ont  été 
confondus  (jue  quant  aux  noms,  pour  marquer 
leur  [)reiuière  uiiidu  dans  leiu"  origine,  mais 
que  leurs  fonctions  ont  toujours  été  diverses 
et  sidjordonnées  les  unes  aux  autj-es.  II  faut 
maintenant  découvrir  les  sentiments  des  Pères 
latins  sur  le  même  sujet. 

Nous  commencerons    par  Tertullien  ,    qui 


DES  TROIS  OnnilE.^  HIP.ARr.niQl'ES. 


280 


nous  apprend  admirablement  les  sentiments 
de  l'aneienne  Ej^lise  sur  l'origine,  l'excellence, 
les  pouvoirs  et  l'union  de  ces  trois  sacrés  mi- 
nistères ^Tertul.  de  Bap.,  c.  xvii).  a  Dandi  qui- 
dem  baptismi  jus  liabet  sunnnus  sacerdos,  qui 
est  episcopus.  debinc  presbyteri  et  diaconi  ; 
non  tamen  sine  episcopi  aulorilate  ,  propter 
Ecclesiae  honorem ,  quo  salvo,  salva  pax  est, 
alioquin  eliani  laicis  jus  est,  etc.  Sed  quanto 
magis  laicis  disciplina  verecundiœ  et  niodestiae 
incumbit  :  cum  ea  majoribus  compelat,  nesibi 
assumant  dicalum  episcopis  officium  episcopa- 
tus.  ^mulatio  scbismalura  mater  est.  » 

Dans  ce  passage  de  Tertullien  on  aperçoit 
clairement  la  distinction  du  clergé  et  des  laï- 
ques, la  plénitude  et  la  souveraineté  du  sacer- 
doce dans  l'évéque,  sa  suprême  autorité  dans 
l'administration  même  du  baptême  et  des  au- 
tres sacrements,  qui  sont  ordinairement  com- 
mis aux  prêtres  et  aux  diacres ,  l'excellence 
singulière  de  ces  trois  ordres  supérieurs,  leur 
subordination  et  leur  union. 

11  fait  voir  ailleurs  que  les  Eglises  catholi- 
ques ont  cet  avantage  particulier  sur  les  sectes 
des  hérétiques,  qu'elles  sont  toutes  originelle- 
ment apostoliques,  ayant  été  fondées  par  les 
apôtres  ou  par  des  évêques ,  successeurs  des 
apôtres  (Idem  de  Pr£escript.,c.  xsxuj.«Caîterum 
si  qucE  audent  interserere  se  œlati  aposlolicae, 
edant  ergo  origines  Ecclesiarum  suarum,  evol- 
vant  ordinem  episcoporum  suorum ,  ita  per 
successiones  ab  initio  decurrentem,  ut  primus 
ille  episcopus  aliquem  ex  Apostolis,  vel  apo- 
sfolicis  \iris  habuerit  autorem,  vel  antecesso- 
rem.  » 

Ce  qui  montre  combien  il  estimportant  pour 
toutes  les  Eglises  catholiques  de  reconnaître 
les  évêques  comme  les  véritables  successeurs 
des  apôtres,  car  c'est  par  cette  divine  succes- 
sion qu'elles  donnent  des  preuves  certaines  de 
leur  noblesse,  de  leur  antiquité  et  de  la  vérité 
de  leur  doctrine. 

Tertullien  témoigne  au  contraire  qu'une 
marque  constante  de  la  nouveauté  et  du  dé- 
sordre des  hérétiques  est  la  confusion  qui  se 
voit  dans  leur  clergé,  où  ils  n'élèvent  le  plus 
souvent  que  nos  apostats  et  où  ils  font  tous 
lesjours  des  changements  et  des  irrégularités 
inouïes  îlbidem,  c.  xliV  «  Ordinationes  eorum 
temerariœ,  levés,  inconstantes,  nunc  neophytos 
collocant,  nunc  sœculo  ob.-trictos,  nunc  apo- 
stalas  noslros,  ut  gloria  eos  obligent,  qniaveri- 
tate  non  possunt.  Xusquam  facilius  proficitur. 


quam  in  castris  rebellium  ,  nbi  ipsum  esse 
illic,  promereri  est.  Itaque  alius  hodie  episco- 
pus, cras  alius  :  hodie  diaconus,  qui  cras  le- 
ctor  :  hodie  iiresbyler,  qui  cras  laicus,  nam  et 
laicis  sacerdotalia  munera  injimgiuit.  » 

Ces  paroles  sont  admirables,  et  elles  semblent 
avoir  été  écrites  contre  les  hérétiques  de  nos 
jours,  tant  il  est  vrai  que  toutes  les  hérésies  se 
ressemblent  dans  leurs  désordres.  Nous  y  re- 
marquons que  le  clergé  est  tellementdistingué 
des  laïques,  que  ses  fonctions  sacrées  ne  peu- 
vent en  aucune  manière  leur  être  permises  : 
qu'il  y  avait  dès  lors  des  lecteurs  ,  mais  qu'ils 
n'entraient  pas  dans  le  rang  des  trois  ordres 
sacrés,  ({u'on  ne  pouvait  pas  par  une  disposi- 
tion purement  arbitraire  faire  rétrograder  des 
ordres  supérieurs  aux  inférieurs,  bien  moins 
aux  rangs  des  laiques;  que  les  prêtres  et  les 
diacres  pouvaient  quelquefois  être  subrogés 
les  uns  aux  autres  et  transférés  d'une  Eglise  à 
une  autre;  mais  que  révèi|ue  étant  le  véritable 
époux  de  son  Eglise,  il  ne  pouvait  pas  avec  la 
même  facilité,  ou  la  quitter,  ou  en  être  trans- 
féré. 

Cette  remarque  est  importante,  et  elle  est 
évidente  dans  les  paroles  de  Tertullien  ,  qui 
veut  bien  que  les  prêlres  et  les  diacres  ne  puis- 
sent pas  au  gré  de  la  multitude  être  privés  de 
l'éniinence  de  leurs  ordres  et  renvoyés  dans 
les  ordres  inférieurs,  ou  mêlés  avec  le  peuple, 
mais  il  n'exige  pas  qu'on  les  conserve  toujours 
dans  le  gouvernement  de  la  même  Eglise.  C'est 
un  avantage  qu'il  réserve  à  l'évéque,  à  cause 
de  l'indissolubilité  de  son  mariage  spirituel 
avec  son  Eglise;  et  c'est  pour  cela  qu'il  fait  ce 
juste  reproche  aux  hérétiques,  de  donner  tous 
les  jouis  de  nouveaux  époux  à  leurs  Eglises  ea 
leur  donnant  de  nouveaux  évêques ,  preuve 
évidente  que  ce  sont  plutôt  de  part  et  d'autre 
des  adultères,  a  Itaque  alius  lioJie  episcopus, 
cras  alius.  »  D'où  l'on  peut  conclure,  «et  adul- 
teruni  esse  episcopum  ,  et  Ecclesiam  adulle- 
rinam.  » 

II.  La  doctrine  de  Tertullien  n'a  pas  toujours 
été  si  pure.  Lorsqu'il  a  voulu  persuader  aux 
laïques  que  les  secondes  noces  leur  étaient 
défendues,  aussi  bien  qu'au  clergé,  il  a  cru 
qu'en  ôtant  ou  affaiblissant  la  différence 
entre  le  clergé  et  les  laïques,  il  réussirait 
mieux  dans  son  dessein.  C'est  ce  qui  lui  a  fait 
dire  que  ce  n'est  que  l'Eglise  qui  a  fait  cette 
distinction  :  «  Differentiam  inter  ordinem  et 
plebem  constituit  Ecclesiae  autoritas  (De  ex- 


Th. 


TosiE  I. 


m 


'-90        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  CINQUANTE-DEUXIÈME. 


hort.  castitatis,  c.  vu.  De  Monogam.,  c.  xii).  » 
Nous  devons  profiter  de  l'erreur  uièine  de  Ter- 
tullien  et  conclure  le  contraire  de  ce  qu'il  a  si 
mal  prétendu. 

La  distinction  du  clergé  et  du  peuple  est  donc 
de  droit  divin,  puisque  selon  Tertullien,  si  elle 
eût  été  d'institution  humaine,  l'Ecriture  n'eût 
pas  imposé  au  clergé  seul  des  lois  de  perfec- 
tion toutes  particulières.  Aussi  le  même  Ter- 
tullien n'a  pas  dissimulé  en  un  autre  endroit, 
([ue  le  peuple  reconnaissait  lui-même  combien 
il  était  invariablement  inférieur  et  indispensa- 
blement  assujéti  au  clergé,  quoiqu'il  se  flattât 
quelquefois  d'une  légère  apparence  et  connue 
d'une  ombre  du  sacerdoce  :  «  Sed  cum  extoUi- 
mur  et  inflamur  adversus  clerum,  tune  unum 
omnes  sumus  ,  tune  omnes  sacerdotes,  quia 
sacerdotes  nos  Deo  et  Patri  fecit,  cum  ad  per- 
œquationem  disciplina?  sacerdotalis  provoca- 
mur,  deponimus  infulas,  et  impares  sumus.  » 
Ce  n'était  donc  que  l'effet  d'une  vanité  ridi- 
cule, quand  le  peuple  se  vantait  que  l'Ecriture 
et  le  droit  divin  l'avaient  égalé  au  clergé. 

III.  Saint  Cyprien  nous  a  étalé  ces  mêmes 
vérités  avec  encore  plus  d'exactitude.  Ecrivant 
au  pape  Corneille,  il  parle  des  prêtres  comme 
de  leurs  communs  confrères  :  «  Cum  ad  me 
talia  adversum  te  et  com presbytères  tecum 
confidentes  scriptavenissent  (L.  ii,  epist.  x),  » 
où  sa  séance  même  qu'il  donne  aux  prêtres 
avec  l'évèque  montre  qu'ils  ne  faisaient  avec 
lui  qu'un  sacré  collège  et  un  même  corps. 
L'évèque  néanmoins  y  tient  une  prééminence 
singulière,  comme  le  successeur  des  apôtres  : 
«  Unitatem  a  Domino  et  per  Apostolos  nobis 
Euccessoribus  traditam  ,  quantum  possumus, 
ohtinere  curemus,  »  dit  saint  Cyprien  dans  la 
même  lettre.  11  y  |)arle  aussi  des  acolytes  et  des 
sous-diacres,  mais  il  n'a  garde  de  les  faire  asseoir 
avec  les  évêques  :  il  ne  leur  donne  que  la  charge 
de  porter  des  lettres. 

11  traite  ailleurs  des  diacres,  et  déclare  que 
la  fonction  propre  de  letir  ordre  les  applique  à 
l'autel,  où  ils  sont  les  coopérateurs  de  l'évêiiue 
et  les  ministres  du  terrible  sacrifice  de  l'Eglise 
(L.  Ml.  ep.  ix).  «  Memiiiisse  diaconi  debent, 
quoniam  A|)oslolor.,  id  tst,  cpiscopos,  et  prœ- 
positos  Dominus  elegit;  diaconos  autem  post 
ascensum  Domini  in  cœlos  Apostoli  sibi  con- 
stituerunt,  episcopatus  sui  et  Ecclesite  niini- 
slros.  1) 

Voilà  ce  qu'il  écrit  à  un  évêque  qui  avait  été 
outragé   par  son   diacre.  Ce  saiut   prélat  ne 


dit  pas  que  les  diacres  n'ont  pas  été  institués 
par  J.-C.  même ,  car  il  en  est  le  seul  auteur,  et 
on  peut  dire  qu'il  les  institua  conjointement 
avec  les  prêtres  dans  l'épiscopat  ou  dans  l'apos- 
tolat, comme  dans  la  source  de  tout  le  sacer- 
doce nouveau.  Mais  saint  Cyprien  remarque 
fort  délicatement  et  fort  solidement  tout  en- 
semble que,  si  le  Fils  de  Dieu  a  ordonné  immé- 
diatement les  apôtres  ou  les  évêques,  et  n'a 
ordonné  les  diacres  que  par  les  mains  des  évo- 
ques; qu'enfin  s'il  a  institué  tous  les  autres  or- 
dres dans  l'épiscopat  comme  dans  la  plénitude 
eU'origine  d'où  ils  découlent  tous,  il  nous  a 
appris  par  cette  conduite  digne  de  sa  sagesse 
iiilînie,  quelle  devait  être  la  subordination, 
l'obéissance  et  la  dépendance  de  tout  le  clergé 
à  l'égard  de  l'évèque.  Car  c'est  de  la  même 
manière  que  Dieu  créa  le  premier  homme  seul 
et  voulut  que  tout  le  genre  humain  en  tirât 
ensuite  son  origine,  pour  nous  obliger  tous  à 
une  unité  parfaite,  et  à  une  obéissance  invio- 
lable envers  ceux  de  qui  nous  tenons  l'être. 

Ce  même  Père  confirme  en  un  autre  endroit 
ces  célestes  prérogatives  de  l'épiscopat  (L.  iv, 
ep.  ix).  «  Tu  qui  te  episcopum  episcopi  et  judi- 
cem  judicis  ad  tempus  a  Deo  dati  constituis, 
etc.  Cum  te  judicem  Dei  constituas  et  Christi , 
qui  dicit  ad  Apostolos,  ac  per  hoc  ad  omnes 
pra^positos  qui  Apostolis  vicaria  ordinatione 
succedunt.  » 

Enfin ,  nous  pouvons  attribuer  à  saint  Cy- 
prien ,  les  paroles  de  l'un  des  évêques  qui 
assistèrent  à  son  concile  de  Carthage  ;  c'était 
Clarus  de  Muscula.  Voici  ce  qu'il  dit  sur  ce 
.  jet  :  a  Manifesta  est  sententia  Domini  nostri 
Jesu  Christi,  Apostolos  sues  mittentis,  et  ipsis 
solis  potcstatem  a  Pâtre  sibi  datauî  permitten- 
tis,  quibus  nos  succedimus,  eadem  potestate 
Ecclesiam  Domini  gubernantes.  » 

Ces  paroles  sont  remarquables,  parce  qu'elles 
expriment  admirablement  cette  plénitude  de 
puissance  que  J.-C.  a  reçue  de  son  Père  et  qu'il 
a  communiquée  aux  apôtres,  pour  la  faire  passer 
tout  entière  dans  les  évêques,  qui  par  consé- 
quent gouvernent  l'Eglise  avec  la  même  pléni- 
tude de  puissance  des  apôtres  de  J.-C.  et  du 
Pcre  éternel  :  Eadem  potestate  Ecclesiam 
Domini  gubernantes.  » 

IV.  Saint  Pacien,  évêque  de  Barcelone,  ne 
rend  pas  des  témoignages  moins  avantageux  à 
cette  divine  succession,  qui  a  lait  couler  dans 
les  évêques  les  honneurs,  les  pouvoirs,  et  les 
noms  mêmes  de  J.-C.  et  de  ses  apôtres  [PatiOtU. 


DES  TROIS  OKURES  IIIÉRARCIIIOtES. 


201 


Ep.  !).  «  Tûtum  ad  nos  ex  Apostolonim  forma  et 
polestate  (leductiiin  est,  etc.  nenicpie  et  epi- 
scopi  Apostoli  noiiiiuantur,  sicut  de  Epaiiliro- 
dito  Paulus  edisserit,  etc.  Quod  etsi  nos  ob 
peccata  nosfra  temerarie  vindicamus  ,  Dens 
tamen  illud,  ut  sanctis  et  Apostolorum  calhe- 
dram  tenentibus  non  negabit,  qui  episcopis 
etiam  unici  sui  nomen  imlulsit.  » 

Ce  saint  évêque  parle  ici  du  pouvoir  des  évê- 
ques  à  donner  le  bajitènie,  à  remettre  les  pé- 
cliés,  à  consacrer  le  corps  de  J.-C,  et  il  fait  voir 
que  ce  pouvoir  est  émané  des  apôtres  aux  évè- 
ques,  0  Totum  id  ex  apostolico  jure  defluxit  :  » 
alln  qu'on  ne  doute  plus  que  l'autorité  suprême 
dans  l'administration  de  ces  sacrements,  qui  est 
commise  aux  prêtres,  ne  soit  réservée  aux  évo- 
ques, et  qu'on  ne  s'imagine  pas  que  l'épiscopat 
ne  soit  qu'une  extension  morale  du  caractère 
des  prêtres. 

Ces  grands  évêques  considéraient  ces  dignités 
dans  leur  source,  et  en  concevaient  des  idées 
plus  nobles  et  moins  disproportionnées  à  leur 
grandeur.  Il  dit  de  même  ailleurs  :  «  Nosepi- 
scopi  Apostolorum  nomen  accepimus;  quia 
Cbristi  appeliatione  signamur  (Epist.  m.  Pare- 
nesis  ad  Pœn.).  »  Il  parle  aussi  des  prêtres,  aux 
pieds  desquels  les  pénitente  se  jetaient,  «  Pres- 
bjteris  advolvi.  » 

V.  Saint  Optât,  évêque  de  Milève  en  Afrique, 
nou5  a  découvert  la  distribution  du  sacerdoce 
entre  ces  trois  ordres  suprêmes  qui  composent 
le  sénat  de  l'Eglise  :  «  Quid  commemorem 
laicoSj  quid  plurimos  niinistros,  quid  diaconos 
in  tertio,  quid  presbyteros  in  secundo  sacerdo- 
tio  conslitutos?  Ipsi  apices et  principes onmium 
episcopi,  etc.  (Optât,  lib.  i).  n 

Ce  saint  évêque  distingue  fort  clairement  ici 
les  laïques  et  les  ministres  inférieurs  mêmes 
de  l'Eglise,  deo  trois  ordres  sacrés  qui  font  les 
trois  degrés  du  sacerdoce.  On  ne  peut  donc 
douter  que  les  fonctions  du  diacre  même  ne 
soient  sacerdotales,  et  que  l'évêciue  n'ait  la 
principauté  et  la  souveraineté  de  toutes  cboscs 
dans  l'Eglise,  «Principes omnium.  » 

Ce  qu'il  dit  plus  bas  n'est  pas  moins  formel: 
«  Ut  cum  smt,  sicut  supra  dixi,  quatuor  gênera 
cnpiluminEcclesia,  episcoporum,  presbylero- 
riiin,  (liaconorum,  et  fidelium  (Lib.  ii).  »  Où  il 
est  clair  (jue  tout  le  clergé  est  renfermé  dans 
ces  trois  ordres,  soit  qu'il  confonde  les  moindres 
ministres  avec  les  laïques,  ou  qu'il  les  croie 
renfermés  dans  le  diaconat.  Et  continuant  les 
mêmes  reproches  contre  les  Donatistes  :  m  Iu\  e- 


nistis  diaconos,  presbyteros,  episcopos  :  fecislis 
laicos.  »  Ce  qui  nous  ferait  plutôt  pencher  vers 
l'dpinion  de  ceux  (|ui  estiment  que  les  ministres 
inférieurs  étaient  rangés  au  nombre  des  laïques, 
dans  les  paroles  précédentes  d'Optat. 

VI.  Saint  .lérôme  ne  nous  donne  pas  des  sen- 
timents moins  respectueux  pour  h;  clergé,  qu'il 
fait  aussi  consister  en  ces  trois  ordres  :  il  s'é- 
tend surtout  sur  les  avantages  ineffables  du 
prêtre  qui  consacre  le  corps  de  J.-C.  et  qui  en 
retranche  par  l'excommunication  ceux  que 
leurs  dérèglements  en  rendent  indignes;  enfln 
il  reconnaît  que  les  prêtres  mêmes  succèdent 
aux  apôtres  (Ilieron.  Lpist.  ad  Heliod.).  a  Absit 
ut  de  clericis  quidquam  sinistrum  loquar,  qui 
apostolico  gradui  succedentes,  Christi  corpus 
sacroore  conficiunt,  per  quos  et  nos  Cliristiani 
smniis,  qui  claves  regni  cœlorum  habenles, 
quoilammodo  ante  diem  judicii  judicant,  etc. 
Slihi  ante  presbyterum  sedere  non  licet;  illi  si 
peccavero,  licet  tradere  me  satanœ  in  interitum 
cariiis  ut  spiritus  salvus  sit.  » 

Il  parle  ensuite  des  évêques  et  des  diacres, 
mais  il  ne  faut  pas  oublier  ce  qu'il  dit  au  même 
endroit  du  droit  qu'ont  les  clercs  à  vivre  de 
l'autel,  et  de  quelle  manière  ils  en  vivaient  et 
en  avaient  vécu  jusqu'à  son  temps.  Car  il  est 
bon  de  jeter  quelques  semences  de  ce  que  nous 
expliquerons  plus  au  long  dans  la  suite,  et  de 
faire  remarquer  que  ce  saint  docteur  a  compris 
dans  ce  passage  les  deux  membres  qui  compo- 
sent toute  la  nature  des  bénéûces,  c'est-à-dire, 
les  fonctions  sacrées ,  et  par  une  conséquence 
nécessaire  les  droits  légitimes  et  canoniques  de 
vivre  de  l'autel. 

Voici  donc  les  termes  de  saint  Jérôme  au 
même  endroit  «  Clerici  pascunt  oves  :  ego  pa- 
scor.  Illi  de  altari  vivunt,  mihi  securis  ponitur 
ad  radicem,  quasi  iniructuosae  arbori,  si  munus 
ad  altare  non  defero.  » 

Enfin  voici  en  quel  rang  il  place  les  ordres 
supérieurs  del'Eglise.  «  Non  est  facile  stare  loco 
Pauli,  tenere  locum  Pétri,  jam  cum  Christo 
regnantium.  »  C'est  avec  ce  profond  respect 
que  les  laïques  et  les  moines  mêmes  regar- 
daient alors  les  prêtres  et  les  évêques  conmie 
les  successeurs  de  Pierre,  de  Paul,  et  de  tous 
les  apôtres,  et  comme  les  héritiers  de  tous  les 
droits,  soit  spirituels,  soit  temporels,  insépara- 
bles du  sacerdoce. 

Mais  la  lettre  à  Evagrius  est  celle  où  saint 
Jérôme  a  le  mieux  établi  ses  sentiments.  Elle 
est  écrite  pour  réprimer  l'insolence  de  quel- 


292 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-DEUXIÈME. 


qucs  diacres  qui  avaient  osé  se  préférer  aux 
prêtres  et  prendre  le  dessus.  Aussi  pour  rabat- 
Ire  cette  vanité  insupportable,ce  savant  homme 
élève  d'un  côté  les  prêtres,  et  de  l'autre  il  ra- 
baisse les  diacres  autant  qu'il  lui  est  possible  ; 
et  on  pourrait  croire  qu'il  a  lui-même  passé  les 
bornes,  si  on  ne  se  donne  la  peine  de  bien  exa- 
miner et  de  bien  pénétrer  ses  paroles. Car  d'un 
côté  il  semble  confondre  les  prêtres  avec  les 
évêques ,  et  d'autre  part  il  semble  dire  que  les 
diacres  n'ont  été  choisis  que  pour  être  charj^és 
de  ces  repas  charitables  qu'on  donnait  aux 
pauvres. 

Nous  avons  déjà  dit.  quant  à  ce  dernier  point, 
que  ce  ne  fut  que  l'occasion, et  non  pas  la  cause 
de  rinf'itution  des  diacres,  et  cela  suffisait  à 
saint  Jéiùme  pour  les  humilier;  ainsi  il  esta 
croire  qu'il  n'en  a  pas  voulu  dire  davantage. 
Et  quant  au  premier  point,  nous  avons  dit 
aussi  que  les  passages  de  saint  Paul  montrent 
seulement  qu'on  donnait  souvent  aux  mêmes 
personnes  1  eiiiscopat  immédiatement  après  le 
sacerdoce  ,  parce  que  dans  ces  commence- 
ments on  avait  plus  besoin  d'évêques  que  de 
prêtres,  parce  qu'il  fallait  annoncer  1  évangile, 
former  des  Eglises,  subjuguer  ou  gouverner 
des  villes  avant  que  de  passer  aux  villagee. 

Il  n'en  fallait  pas  davantage  à  saint  Jérôme 
pour  mortilier  la  vanité  des  diacres,  en  leur 
montrant  que  l'ordre  des  prêtres  avait  tant 
d'avantages  communs  avec  celui  des  évêques, 
et  avait  été  si  longtemps  exercé  par  les  évoques, 
et  par  les  apôtres  seuls  :  car  les  apôtres  se  dé- 
chargèrent d'abord  des  fonctions  des  diacres, 
mais  ils  exercèrent  longtemps  celles  des  prêtres, 
et  l'Ecriture  même  n'a  pas  remarqué,  ou  n'a 
remarqué  que  fort  obscurément  cette  sépa- 
ration, tant  elle  a  voulu  que  nous  fussions 
persuadés  de  l'admirable  proximité  de  l'ordre 
des  prêtres  avec  l'épiscopat,  et  même  avec 
l'apostolat. 

VII.  Mais  il  faut  faire  voir  par  les  termes 
propres  de  cette  lettre  de  saint  Jérôme,  que 
nous  avons  fidèlement  interprété  ses  pensées 
(Tom.  II,  epist.  ad  Evagr.)  11  y  confesse  que  les 
évêques,  les  prêtres  et  les  diacres  sont  dans 
l'Eglise  ce  que  le  grand  prêtre  Aaron,  ses  en- 
fmls  et  les  lévites  étaient  dans  la  Synagogue. 
a  Ut  sci;imus  traditiones  apostolicas  suinptas 
de  veteri  Testamenlo,  quod  Aaron  et  filii  ejus 
atqne  levitœ  in  templo  fiierunt,  hoc  sibi  epi- 
scopi,  et  piesbileri,  et  diacoui  vindiccnt  in 
Ecclesia.  n 


De  cette  figure  et  de  cette  comparaison  si 
juste,  saint  Jérôme  veut  donc  bien  que  nous  eu 
tirions  ces  conclusions,  que  ces  trois  ordres 
sont  d'institution  divine,  que  leur  distinction 
même  est  de  droit  divin,  que  les  diacres  sont 
les  ministres  de  l'autel  et  du  sacrifice,  aussi 
bien  que  les  lévites;  enfin  que  les  prêtres  sont 
autant  au-dessous  des  évêques  par  l'ordre  divi- 
nement établi,  et  par  leur  ordination,  que  les 
prêtres  de  l'ancienne  loi  étaient  au-dessous  du 
souverain  pontife,  dont  la  consécration  se  fai- 
sait d'une  manière  toute  particulière. 

2°  Saint  Jérôme  conclut  avec  beaucoup  de 
raison  que,  puisque  les  diacres  reçoivent  une 
nouvelle  ordination  pour  monter  au  rang  des 
prêtres,  la  prêtrise  est  donc  au-dessus  du  dia- 
conat, quoi(iue  les  diacres  soient  dans  une  plus 
grande  abondance  des  biens  temporels.  11  faut 
donc  aussi  conclure  que  l'épiscopat  est  autant 
élevé  au-dessus  de  la  prêtrise  que  la  prêtrise 
au-dessus  du  diaconat,  puisque  le  prêtre  reçoit 
une  ordination  nouvelle  pour  être  élevé  à  la 
dignité  suprême  des  évêques  :  «  Si  ex  diacono 
ordinatur  presbyter,  noveritse  lucris  minorera 
sacerdotio  esse  majorem.  » 

3°  Ce  saint  docteur  confesse  que  l'évêque 
peut  ordonner,  et  que  le  prêtre  ne  le  peut  [)as. 
«  Quid  facit  excepta  ordinatione  episcopus, 
quod  presbyter  non  faciat.  »  En  voilà  assez 
pour  reconnaître  la  dilTérence  essentielle  entre 
ces  deux  ordres  sacrés.  Car  il  faut  une  ordina- 
tion et  une  consécration  foule  particulière  pour 
faire  un  évê(iue,  et  pour  lui  donner  cette  jiuis- 
sance  toute  divine  et  cette  fécondité  inexplica- 
ble de  produire  des  prêtres  et  des  pères  à 
l'Eglise.  Enfin, si  le  prêtre  et  l'évêque  n'étaient 
différents  que  de  nom,  et  si  leur  caractère  était 
entièrement  le  même,  pourquoi  le  prêtre  ne 
pourrait-il  pas  ordonner  d'autres  prêtres ,  et 
des  évêques  même,  aussi  bien  que  les  évêques? 

Vill.  Il  est  vrai  que  saint  Jérôme  dit  que 
dans  l'Eglise  d'Alexandrie,  depuis  saint  Marc 
jusqu'au  temps  d'Héraclas  et  de  Denys,  évêque 
de  cette  grande  ville, après  la  mort  de  révê(]ue, 
les  prêtres  en  élisaient  un  de  leur  corps;  et,  le 
faisant  monter  sur  un  siège  plus  élevé,  ils  lui 
donnaient  le  nom  d'évêque,  comme  si  les  sol- 
dats d'une  armée  faisaient  un  empereur,  ou 
comme  si  les  diacres  choisissaient  l'un  d'entre 
eux  jionr  l'honorer  de  la  qualité  d'archidiacre. 
«  Ale\andriœ  a  Marco  evangelista  uscjue  ad 
lleraclam  et  Dionysium  episeopos,  presliyleri 
semper  unnin   ex  se  electum,   in  excelsiori 


DES  TROIS  Or.DRES  IKERARCIIIQITS. 


503 


prndii  collocatinn  ,  cpiscnpum  nominatant  : 
qiioiiKulo  si  evercitiis  iinperatnri'ni  lacial,  aiit 
diaconi  i'lifj;ant  de  se  queni  iiuitistriiiin  uovc- 
rint,  et  arcliidiacoiiuin  \ocent.  » 

Cet  exemple  ne  doit  pas  nous  embarrasser, 
car  l'évêque  qui  était  monté  de  cette  sorte  sur 
le  trône  de  l'Ej;lise  d'Alexandrie  avait  sans 
doute  le  pomoir  d'ordonner  de?  prêtres  et  d^^ 
diacres,  et  des  évoques  même.  Or  ce  pouvoir 
ne  pouvait  pas  lui  avoir  été  donné  par  la  simple 
élection  et  par  cette  promotion  ou  installation 
extrinsèque.  Car  si  cela  était,  on  pourrait  aussi 
faire  des  prêtres  et  des  diacres,  et  leur  donner 
les  pouvoirs  attachés  à  leurs  ordres,  par  une  dé- 
putation  toute  simple  à  exercer  ces  offices.  Et 
au  contraire,  s'il  faut  un  sacrement  tout  parti- 
culier et  une  ordination  toute  divine  pour  con- 
férer le  pouvoir  de  remettre  les  péchés  et  de 
consacrer  l'Eucharistie,  il  faut  aussi  indubita- 
blement une  ordination  singidière  et  un  sacre- 
ment tout  divin  pour  donner  ce  pouvoir  et  ce 
caractère  admirable,  dont  émane  tout  le  pouvoir 
des  prêtres  pour  consacrer,  ou  pour  absoudre 
des  crimes.  Car  si  le  pouvoir  de  consacrer 
TEucharislie  est  au-dessus  non-seulement  des 
forces,  mais  aussi  de  la  pensée  de  tous  les  hom- 
mes, le  pouvoir  qu'ont  les  évèques  de  le  com- 
muniquer est  encore  plus  abondant  et  plus 
incompréhensible.  Quelque  grand  que  soit  un 
pouvoir,  c'est  peu  de  le  posséder, en  comparai- 
son de  l'avantage  de  le  donner.  Car  pour  le 
donner,  il  le  faut  posséder  avec  une  plénitude 
singulière,  et  une  autorité  souveraine.  Une  dé- 
putalion  extrinsèque  ne  peut  donc  pas  donner 
ce  pouvoir  propre  aux  évèques,  ou  elle  pourra 
doimer  tous  les  pouvoirs  de  la  prêtrise. 

De  dire  que  les  prêtres  pouvaient  conférer 
les  ordres,  mais  qu'ils  ne  le  faisaient  pas  jus- 
qu'à leur  installation  à  l'épiscoiiat,  c'est  con- 
tredire non-seulement  la  pratique  constante 
et  la  doctrine  incontestable  de  toute  l'Eglise 
depuis  tant  de  siècles,  mais  à  saint  Jérôme 
même,  dont  il  .s'agit  ici.  Car  il  confesse  immé- 
diatement, après  les  paroles  que  nous  éclaircis- 
sons,  que  l'évêque  seul  a  le  pouvoir  d'ordon- 
ner ;  il  ne  dit  pas  que  le  prêtre  ait  ce  pouvoir, 
quoiqu'il  n'en  use  pas  :  il  dit  que  d'un  diacre 
on  ordonne  un  prêtre,  et  il  en  conclut  la  supé- 
riorité du  prêtre  ;  mais  il  ne  dit  pas  que  le 
prêtre  puisse  ordonner  des  diacres,  quoique 
cela  eût  été  très-propre  pour  abaisser  le  faste 
des  diacres,  et  pour  les  obliger  de  respecter 
les  prêtres. 


Enfin,  saint  .Irrniii(>  liiiiile  celle  coutume  à 
l'Eglise  d'Alexandrie,  et  au  temps  depuis  saint 
Marc  jusqu'à  Denys,  (|ui  fait  enviion  deux 
siècles;  et  par  là  il  confesse  que  toutes  les  autres 
Eglises,  et  l'Eglise  même  d'Alexandrie  depuis 
le  tem[)S  de  Denys,  avaient  toujours  conféré 
l'épiscopat  aux  pnMies  par  une  nouvelle  et  [lar 
imesolennell(!oriliiiation.Or  ilestcertain(|u'on 
ne  peut  tirer  une  conclusion  solide  de  la  pra- 
tique d'une  seule  Eglise,  qui  n'a  même  duré 
que  peu  de  temps,  contre  la  coutume  invariable 
de  toute  l'Eglise  universelle  durant  tant  de 
siècles. 

Nous  serons  encore  obligés  de  parler  de  cette 
matière,  et  de  justifier  l'Eglise  d'Alexandrie,  à 
l'occasion  de  l'auteur  des  Questions  sur  l'un  et 
l'autre  Testament,  dont  nous  exposerons  les 
sentiments,  et  dont  nous  réfuterons  les  erreurs 
dans  le  chapitre  suivant.  Nous  avons  jugé  filus 
à  propos  de  donner  le  reste  de  ce  chapitre  a 
saint  Jérôme  seul. 

IX.  Saint  Jérôme  dit  dans  la  même  lettre 
c[ue  si  on  a  élevé  un  évêque  au-dessus  de  tous 
les  prêtres  d'une  Eglise,  c'a  été  pour  prévenir 
le  schisme,  en  donnant  un  chef  et  un  centre 
d'unité  à  chaque  Eglise.  «Quod  autem  postea 
unus  electus  est,  qui  ccXteris  pneponeretur,  in 
schismatis  remedium  facluni  est,  neuiuisquis- 
que  ad  se  trahens  Clirisli  Ecclesiain  rumperet.  » 

Ces  paroles,  bien  loin  de  nous  nuire,  nous 
servent  au  contraire  pour  nous  montrer  que 
l'épiscopat  et  sa  souveraineté  sur  les  prêtres 
est  de  droit  divin.  Car  c'est  le  Eils  de  Dieu 
même  qui  a  formé  son  Eglise  dans  l'unité.  Il 
est  lui  seul  l'auteur  de  son  unité  aussi  bien  que 
de  sa  vérilé,  de  sa  sainteté,  de  son  universalité, 
de  son  évidence  et  de  son  éternité.  Il  est  le 
créateur  aussi  bien  que  l'époux  de  son  Eglise; 
c'est  lui  qui  a  imprimé  sur  son  visage  tous  les 
traits  de  cette  divine  beauté  (|ui  y  éclate,  dont 
l'unité  semble  être  des  premiers  et  des  plus  né- 
cessaires. Il  avait  lui-même  institué  le  souve- 
rain prêtre  dans  l'ancienne  loi  pour  conserver 
la  synagogue  dans  l'unité.  Il  n'a  pas  eu  moins 
de  prévoyance  pour  son  Eglise. 

Saint  Jérôme  confesse  que  J.-C.  établit  lui- 
même  saint  Pierre  comme  !e  chef  de  toute  son 
Eglise,  pour  remédier  aux  schismes,  «  Pronterea 
interduodecim  unuseligitur,utcapite  constituto 
schismatis  tollereturoicasio  (L.  i.  Con.Jovin).  u 
C'est  donc  de  l'établissement  de  J.-C.  même 
qu'il  fait  descendre  la  primauté  de  l'évêque 
dans  chaque  Eglise   particulière,  aussi  bien 


294        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-DEUXIEME. 


que  la  primauté  de  Pierre  et  de  ses  successeurs 
dans  l'Eglise  universelle. 

X.  Il  ne  faut  pas  omettre  ce  que  saint 
Jérôme  dit  à  notre  sujet  dans  le  même  dialo- 
gue ,  que  l'Eglise  ne  peut  subsister  sans  le 
clergé,  quelque  nombreuse  que  soit  la  multi- 
tude des  laïques,  et  que  la  hiérarchie  est  com- 
prise dans  ces  trois  ordres  supérieurs,  quoi- 
qu'il y  ait  d'autres  moindres  ministres,  a  Ec- 
clesia  non  est,  quae  non  habet  sacerdotem.  » 
Aussi  il  se  rit  des  lucifériens,  dont  les  évoques 
n'étaient  que  des  laïques,  alpsisibi  etlaicisunt 
et  episcopi.  d  Et  la  raison  était  que  leur  auteur 
Hilaire  n'étant  que  diacre,  n'avait  pu  ordonner 
des  clercs,  et  ainsi  sa  secte  n'avait  pas  eu  plus 
de  durée  que  sa  vie  :  «  Cum  homine  paritcr 
interiit  etsecta  :  quia  post  se  nuUum  clericum 
diaconus  potuit  ordinare.  » 

C'est  donc  aux  évoques  et  à  leur  pouvoir 
d'ordonner,  que  nous  devons  l'éternité  de 
l'Eglise  par  la  propagation  du  clergé,  qui  en 
est  comme  l'âme.  Après  cela ,  qui  pourrait 
s'imaginer  que  ce  qui  donne  l'éternité  à  l'Eglise 
en  lui  conservant  son  unité  et  en  lui  produi- 
sant une  succession  continuelle  de  sacrifica- 
teurs, n'est  qu'une  extension  morale  d'un  carac- 
tère précédent? 

Au  reste,  saint  Jérôme  n'ignorait  pas  les 
noms  des  ministres  inférieurs  de  l'Eglise,  mais 
il  a  tout  renf(!rmé  dans  les  trois  supérieurs, 
quand  il  a  dit  :  «  Ecclesia  multisgradibus  con- 
sistens,  ad  cxtromum  diaconis,  presbyteris , 
episcopisque  finitur.  »  Et  ailleurs  :  a  Episcopi, 
presbyteri,  diaconi,  aut  virgines  eliguntur , 
aut  vidui,  aut  certe  post  sacerdotium  in  ster- 
num pudici  (Ad  Jovin.  Apolog.).  »  Où  il  ren- 
ferme les  diacres  dans  le  sacerdoce,  aussi  bien 
que  dans  l'obligation  de  la  continence,  qui  en 
était  inséparable.  Et  au  même  endroit  :  a  Non 
mihi  irascantur  mariti,  sed  scripturis  sanctis, 
imo  episcopis ,  presbyteris  et  diaconis ,  et 
universo  clioro  sacerdotali  et  levitico,  qui  se 
noverunt  hoslias  ofTerre  non  posse,  si  operi, 
serviant  conjugali.  »  Où  il  est  clair  que  les 
diacres  sont  ministres  du  sacrifice,  et  par  con- 
séquent engagés  à  la  continence,  et  tout  cela 
conformément  aux  Ecritures.  Et  ailleurs  :  «  Epi- 
scojius,  presbyter  etdiaconus,  non  sunt  merito- 
rum  nomina,  sed  officioriini  (L.  i.  ad  Jov.).  » 

II  connaît  ailleurs  les  moindres  ordres  :  a  Si 
lector,  si  acolylhus,  si  psaltcs  te  sequitur,  non 
ornetur  veste,  sed  moribus(Epist.  ad  Nepot.).  » 
Mais  il  ne  nomme  pas  tous  ceux  que  nous 


avons,  il  en  nomme  qui  ne  sont  plus,  il  ne  les 
lie  pas  toujours  ensemble,  il  ne  leur  donne 
point  de  part  au  sacerdoce,  et  par  là  il  les  dis- 
tingue des  trois  ordres  supérieurs.  Aussi  ce 
n'est  que  dans  ces  trois  suprêmes  rangs  de 
dignité  qu'il  reconnaît  une  primauté  et  une 
principauté  hiérarchique  ,  n'y  ayant  qu'un 
évêque,  un  archiprêlre,  et  un  archidiacre  dans 
chaque  Eglise  et  ces  titres  honorables  d'empire 
et  de  juridiction  ne  se  trouvant  point  dans  les 
autres  ordres  :  «  Singuli  Ecclesiarum  episcopi, 
singuli  archipresbyteri,  singuli  archidiaconi, 
et  omnis  ordo  ecclesiaslicus  suis  rectoribus 
nititur  (Epist.  ad.  Rusticum).  » 

Il  blâme  ailleurs  la  coutume  des  Eglises  où 
il  était  défendu  aux  prêtres  de  prêcher  devant 
les  évêques,  mais  cela  montre  combien  l'Eglise 
mettait  de  différence  entre  ces  deux  ordres  : 
0  Pessimœ  consuetudinis  est,  in  quibusdam 
Ecclesiis  tacere  presbyteros ,  et  prœsentibus 
episcopis  non  loqui  (Ep.  ad  Nepot.).  » 

Quoiqu'en  dise  saint  Jérôme,  la  prédication 
a  été  considérée  par  saint  Paul  et  par  toute 
l'Eglise  comme  la  fonction  la  plus  apostoli- 
que ,  et  ainsi  comme  la  jilus  convenable  aux 
évêques,  dont  il  reconnaît  au  même  endroit 
la  supériorité  sur  les  prêtres.  «  Quod  Aaron  et 
filios  ejus,  hoc  est,  episcopum  et  presbyteros 
esse  noverimus.  »  Il  remarque  ailleurs  leur 
royauté  :  «  Ut  régi,  sic  episcopo.  »  Et  ailleurs  : 
«  Aderant  episcopi,  et  saccrdotum  iiiferiores 
gradiis ,  et  levilarum  innumerabilis  nume- 
rus  (Epitaph.  Nepotian.  Epitaph.  Pauiœ).  » 

XI.  il  n'en  faut  pas  davantage  pour  être  per- 
suadé que  saint  Jérôme  a  sincèrement  reconnu 
les  deux  vérités  importantes  de  la  hiérarchie 
ecclésiastique,  c'est-à-dire  la  distinction  et  la 
pn'éminence  des  évêques  sur  les  prêtres  de 
droit  divin  ,  et  de  l'établissement  propre  du 
Fils  de  Dieu  ,  et  la  principale  fonction  des  dia- 
cres dans  le  ministère  qu'ils  rendent  à  l'autel 
et  au  sacrifice  terrible  qu'on  y  offre. 

Les  paroles  du  même  saint  Jérôme  qui  sem- 
blaient si  contraires  à  ces  deux  vérités  nous 
apprennent ,  ce  me  semble  ,  cette  importante 
maxime,  de  ne  pas  nous  attacher  toujours  à  la 
siiiierficie  et  au  son  des  paroles,  mais  de  péné- 
trer l'intention  et  l'esprit  d'un  auteur,  surtout 
d'un  auteur  qui  se  signale  entre  les  autres  par 
la  force  et  par  la  véhémence  extraordinaire  de 
ses  sentiments  et  de  ses  expressions. 

ElTectivement  il  arrive  presque  toujours  que 
les  écrivains  de  cette  sorte,  en  combattant  une 


SUITE  DES  TROIS  ORDRES  IIlfiRARCIIIQUES. 


295 


erreur,  s'ils  ne  se  jettent  dans  l'erreur  con- 
traire, s'en  approclient  si  fort,  qu'il  est  dif- 
ficile de  les  en  justiller.  Personne  ne  doii'c 
que  saint  Jérôme  n'ait  écrit  avec  beaucoup  de 
véhémence,  et  qu'on  ne  l'ait  souvent  accusô 
d'avoir  excédé  les  limites  de  la  juste  défense  de 
la  vérité.  Ces  accusations  étaient  fausses,  mais 
elles  ne  laissaient  pas  d'être  fort  apparentes  et 
vraisemblables. 

Nous  devons  faire  cette  justice  à  ces  errands 
hommes ,  d'expliquer  leurs  sentiments  |iar 
la  totalité  de  leurs  ouvrages,  et  par  la  con- 
frontation de  tous  les  endroits  où  ils  ont  parlé 
d'un  même  sujet.  Cette  règle  est  nécessaire 
pour  la  saine  intelligence  de  l'Ecriture  même, 


dont  les  Pères  sont  les  interprètes.  Si  saint 
Augustin  a  estimé  que  lu  Sagesse  éternelle 
s'élant  humanisée,  a  voulu  en  conversant 
parmi  les  hommes,  user  des  expressions  ordi- 
naires des  hommes  dans  leurs  discours,  tout 
imparfaites  qu'elles  sont,  afin  de  consacrer  et 
en  quelque  manière  déifier  les  faiblesses  inno- 
centes de  notre  nature  (August.  1.  De  Con- 
sensu  Evang.)  ;  nous  pouvons  bien  dire  que 
l'Ecriture,  qui  est  aussi  comme  une  incarna- 
tion de  la  Vérité  éternelle,  s'est  accommodée  à 
nos  manières  ordinaires  de  parler,  et  à  notre 
usage  de  ne  pas  dire  toujours  toutes  choses, 
mais  tantôt  les  unes  et  tantôt  les  autres,  afin  de 
laisser  expliquer  les  unes  par  les  autres. 


CHAPITRE  CINQU-4NTE-TR0ISlE\rni. 


SUITE   DE  LA   MEME   EXCELLE.>CE   DES   TROIS   OBDRES   SUPERIEURS,   ET   DES   TROIS   PRE.IIIERS   BENEFICES, 

SELON    LES   PÈRES    L\T1XS    ET   GRECS. 


I.  Témoignages  de  saint  Augustin  pour  la  distinction,  l'excel- 
lence cl  la  divine  institution  de  ces  trois  ordres. 

II.  Témoignages  de  saint  Léon,  de  saint  Sidoine  Apollinaire, 
de  saint  Fulgence,  de  l'empereur  Théodose. 

III.  Réfutation  de  l'auteur  des  Questions  des  deux  Testameiis. 

IV.  De  l'ordination  de  l'évêque  d'Alexandrie. 

V.  Elle  se  faisait  régulièrement  comme  dans  les  autres  Eglises. 

VI.  Cérémonie  particulière  selon  Libéral. 

VU.  Elle  n'excluait  pas  l'imposition  canonique  des  mains. 

I.  .Saint  Augustin,  parlant  des  personnes  les 
pfus  relevées  en  sainteté  (De  Morib.  Eccl.  Cath. 
1.  I,  c.  32),  met  dans  ce  rang  plusieurs  évèques, 
plusieurs  prêtres  et  plusieurs  diacres  qu'il  avait 
connus.  «  Quam  multos  episcopos  optimos 
viros  sanctissimosque  cognovi ,  quam  multos 
[iresbyteros,  quam  multos  diaconos,  et  hujus- 
modi  ministres  divinorum  sacramentorum.  » 

Il  représente  ailleurs  l'excellence  de  ces  trois 
ordres  hiérarchiques,  comme  très-éclatante  aux 
yeux  de  la  chair,  mais  formidable  à  ceux  de 
l'esprit  ;  enfin,  comme  suivie  ou  d'une  extrême 
confusion,  ou  d'une  gloire  incroyable,  selon 
l'usage  qu'on  en  ferait  |Epist.  cxLvm)  :  a  Cogiiel 
prudentia  tua  nihil  esse  inhacvita,  et  maxime 
hoc  tempore  facilius,  et  Itelius,  et  honiiiiibus 


acceptabilius  episcopi,  ant  presbyteri  aut  dia- 
coni  ofûcio,  si  ])eifunctorie  atque  adulatorie 
res  agatur  :  sed  nihil  apud  Deum  miserius ,  et 
trislius,  et  damnabilius,  item  nihil  esse  in  bac 
vita  et  maxime  hoc  tempore  difflcilius,  pericu- 
losius,  laboriosius  episco|)i,  aut  presbyteri,  aut 
diaconi  oflicio,  sed  apud  Deum  nihil  beatius,  si 
co  modo  militetur,  quonoster  imperalorjubet. 

Ces  paroles  mémorables  de  saint  Augustin 
nous  font  remarquer  non-seulement  les  obli- 
gations et  les  fonctions  spirituelles  de  ces  trois 
ordres,  mais  aussi  les  bénéOces  ([ui  y  étaient 
inséparablement  unis,  comme  ils  le  sont  encore 
aux  évêchés.  Car  ce  ne  sont  que  les  honneurs 
et  les  revenus  temporels  qui  éblouissaient  les 
yeux  des  hommes  charnels,  et  qui  flattaient 
leur  cupidité  et  leur  faisaient  dire  qu'il  n'y 
avait  rien  qu'on  dût  rechercher  avec  plus  de 
passion,  ni  dont  on  jouit  avec  plus  de  plaisir, 
«  nihil  lœtius,  nihil  acceptabilius.  » 

11  y  a  aussi  de  l'apiiarence  que,  lorsque  saint 
Augustin,  écrivant  à  toLisles  clerc?  de  son  E':'r-e, 
les  appelle  ses  confrères,  «  dilectissimis  fratri- 


-:or,      DU  PREMIEP,  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHiFITRE  CINQrANTr-TROIMÈME. 


bus  conclcricis,  et  universœ  plebi  (Epist. 
cxxxviii),  »  il  ne  comprend  dans  le  clergé  que 
ces  trois  ordres  excellents  :  aussi  dans  une 
autre  lettre,  il  les  appelle  «  coepiscoporum , 
compresbyterum,  condiaconum  (Epist.  lix).  » 
Ce  n'est  pas  qu'il  ne  reconnaisse  lexcellence 
singulière  des  évoques,  comme  des  successeurs 
des  apôtres ,  qui  conservent  par  cette  succes- 
sion l'unité,  et  donnent  la  perpétuité  à  l'Eglise, 
o  Clirislianasocietas,  qucC  per  sedesapostolorum 
et  successiones  episcoporum,  certa  per  orbim 
propagationediiïunditur  (Epist.  xui,rLVi,  etc.).» 
Je  passe  cent  autres  endroits  où  il  donne  à 
tous  les  évoques  le  même  apostolat  qui  lui  est 
donné  à  lui-même  par  une  comiiagnie  de 
saints  religieux  :  «  Omnes  filios  aposlolatus  tui 
dominos  nostros  clericosdigneris  nostro  officio 
salutare,  etc.  Apuslolatum  tuum  conservet 
nobis  Deus  in  Ecclesia  (Epist.  cclvi),  etc.  » 
Enfin,  autant  il  distingue  les  prêtres  elles 
diacres  des  autres  clercs,  autant  il  élève  les 
évêques  au-dessus  d'eux  :  «  Neque  enim  de 
presbyteris  aut  diaconis,  aut  inferioris  ordinis 
clericis,  sed  de  collegis  agebatur,  etc.  (Epist. 

CLXIl).  » 

II.  Saint  Léon  pape  confirme  presque  tout 
ce  que  nous  avons  dit  par  ce  peu  de  (laroles  : 
a  Non  summos  tantum  anlistites,  aut  secundi 
ordinis  sacerdoles,  nec  solos  sacramentorum 
ministros,  sed  omne  corpus  Ecclesiœ  oportet 
esse  purgatum  (Serm.  x  de  Quadrag.).  »  Si- 
donius  Apollinaris  parlant  de  Claudien,  frère 
de  saint  Mamère,  é\êque  de  Vienne,  dit  qu'il 
était  dans  le  second  ordre  du  sacerdoce,  et 
grand  vicaire  de  l'évêque  :  a  Antistes  fuit  or- 
dine  in  secundo,  fralrem  fasce  levans  episco- 
pali  (L.  IV,  epist.  xi).  » 

Les  empereurs  Tliéodose  et  Valentinien, 
avaient  déjà  témoigné  avec  quel  respect  toute 
la  terre  révérait  les  trois  suprêmes  rangs  des 
dignités  ecclésiastiques.  «  Audemus  quidem 
sermonem  facere  solito  plus  timoré  capti,  de 
sanctis  et  venerabilibus  sacerdotibus,  et  secun- 
dis  sacerdotibus,  vel  etiam  levitis,  et  eos  cum 
omni  timoré  nominare,  quibus  omnis  terra 
caput  inclinât  (App.  cod.  Tlieodo.,  c.  xx).  » 
Saint  Fulgence,  évêque  de  Ruspe,  écrivant  au 
diacre  Ferrand,  l'appelle  son  confrère,  «  cou- 
diacono  Ferr.indo  (Epist.  de  Bapt.  .^Ltliio.).  » 

III.  Cet  exemple,  soutenu  de  tant  d'antres 
déjà  rapportés,  nous  montre  clairement  la 
fausseté  de  ce  qui  a  été  avancé  par  l'auteur  des 
Questions  sur  l'un  et  l'autre  Testament,  fausse- 


ment attribuées  à  saint  Augustin.  Car  cet  écri- 
vain, prétendant  que  les  prêtres  doivent  être 
placés  au  même  rang  de  dignité  que  les  évo- 
ques, en  tire  une  preuve  de  ce  que  les  évêques 
se  mettent  eux-mêmes  en  l'ordre  des  prêtres, 
en  leur  écrivant  ou  en  leur  parlant  :  ce  qu'ils 
ne  font  pas  à  l'égard  des  diacres.  «  Denique 
non  aliter  quam  compresbyteros  vocat,  et  con- 
sacerdotes  suos  episcopus.  Numquid  et  mini- 
stros coudiaconos  suos dicit  episcopus? Nequa- 
quam,  quia  multo  inferiores  sunt  (Quœst.  ex 
utroque  Mixtim.,  c.  ci).  » 

Cet  auteur  ne  pouvait  pas  nous  faire  voir 
plus  clairement  son  insuffisance,  et  la  vanité 
de  ses  prétentions  sur  la  prétendue  égalité 
entre  les  prêtres  et  les  évêques,  qu'en  avançant 
des  preuves  aussi  notoirement  fausses  que 
celles-ci.  Car  il  est  certain  que  les  Pères  grecs 
et  latins,  étant  la  plupart  évêques,  n'ont  pas 
laisséen  écrivant  aux  diacres  aussi  bien  qu'aux 
prêtres,  de  se  dire  leurs  confrères  dans  le 
même  ordre  ,  non  pas  qu'ils  pussent  ignorer 
leur  prééminence  sur  les  prêtres  aussi  bien  que 
sur  les  diacres,  mais  parce  qu'ils  étaient  forte- 
ment persuadés  que  ces  deux  ordres  avaient 
une  liaison  singulière  et  comme  une  sacrée 
consanguinité  avec  l'épiscopat,  comme  étant 
des  parties  essentielles  de  la  même  hiérarchie, 
des  membres  du  même  sacerdoce,  et  comme 
des  portions  du  même  apostolat. 

Ainsi  cet  auteur  ne  peut  pas  être  d'intelli- 
gence avec  saint  Jérôme,  puisque  saint  Jérôme 
reconnaît  la  différence  essentielle  du  caractère 
et  de  l'ordre  des  prêtres  et  des  évêques,  en 
reconnaissant  que  l'évêque  seul  a  le  pouvoir 
d'ordonner,  ce  qui  suffit  pour  en  conclure 
toute  la  souveraineté  divinement  établie  de 
l'épiscopat. 

Aussi  saint  Chrysostome  n'en  dit  pas  da- 
vantage ,  lorsque  expliquant  pourquoi  saint 
Paul  passe  des  évêques  aux  diacres,  sans  parler 
des  prêtres,  il  dit  que  c'est  parce  que  la  dis- 
tance n'est  pas  grande,  et  que  l'évêque  n'est 
avantagé  que  du  pouvoir  d'imposer  les  mains  : 
«  Quia  scilicet  interepiscopum  et  presbyterum 
interest  ferme  nihil.  Qui[ipe  et  presbyteris  Ec- 
clesia? cura  permissa  est,  et  qiiœ  de  episcopis 
dixit,  ea  et  presbyteris  congruunl  :  sola  quippe 
oïdinationesuperiores  illi  sunt,  atque  hoc  tan- 
tum [ilusquam  presbyteri  liabere  videntur  (In 
Epist.  1.  ad  Tim.  hom.  11).  » 

IV.  Rien  ne  nous  fait  voir  plus  manifeste- 
ment l'erreur  de  ceux  qui  ont  cru  que  les  pré- 


SUITE  IlES  TROIS  ORIiRES  HIÉRARCinOUES. 


207 


très  d'Alexandrie,  par  la  seule  élection  et  par 
l'installation  de  l'un  d'entre  eux  sur  le  trône 
épiscopai,  donnaient  un  évèque  à  leur  Ey;lise, 
sans  qu'il  fût  besoin  que  d'autres  évêques  lui 
imposassent  les  mains. 

Saint  Jérôme,  sur  les  paroles  duquel  on  pré- 
tend se  fonder,  dit  nettement  que  lévêque  seul 
peut  ordonner.  Il  fallait  donc  recourir  à  des 
évêques  pour  ordouner  l'évèque  d'Alexandrie. 
A  moins  de  cela,  d'où  ce  prêtre  élevé  sur 
le  siège  épiscopai  eût-il  reçu  le  pouvoir  d'or- 
donner les  ministres  sacrés  de  l'autel  ?  Les  prê- 
tres qui  l'avaient  élu  ne  pouvaient  pas  lui  don- 
ner un  pouvoir  qu'ils  n'avaient  paseux-mêmes. 
Cet  évcque  imaginaire  n'eût  donc  pu  ordonner 
ni  d'autres  prêtres,  ni  des  évêques,  et  ainsi  en 
peu  de  temps  l'Eglise  d'Alexandrie  et  de  toute 
l'Egypte  se  fût  trouvée  sans  prêtres  et  sans  évo- 
ques ;  ou  toutes  ces  ordinations  se  fussent  faites 
par  de  simples  députations  extrinsèques,  sans 
imposition  des  mains,  contre  la  pratique  géné- 
rale, et  contre  le  sentiment  universel  de  toute 
l'Eglise. 

V.  La  prétention  de  Jean  Selden  n'est  pas 
moins  ridicule,  lorsque,  fondé  sur  un  fragment 
de  la  chronique  arabique  d'Eulycbius,  patriar- 
che d'Alexandrie,  il  dit  que  saint  Marc  établit 
douze  prêtres  dans  son  Eglise  d'Alexandrie  pour 
assister  le  patriarche,  pour  élire  son  successeur 
dans  leur  corps  et  lui  imposer  eux-mêmes  les 
mains,  enfin  pour  gouverner  tout  le  patriar- 
cat par  le  ministère  des  prêtres  seuls  sans  évê- 
ques ;  en  sorte  que  durant  les  trois  premiers 
siècles,  tout  ce  patriarcat  n'ait  été  gouverné 
que  par  des  prêtres,  et  que  le  patriarche  même 
n'ait  été  ordonné  que  par  les  prêtres  de  son 
Eglise. 

Le  Père  Morin  a  réfuté  avec  tant  de  force  et 
tant  de  lumière  cette  opinion  chimérique,  que 
nous  nous  croyons  justement  dispensés  d'en 
traiter  plus  au  long  (Morin.  De  sacris  ordinat. 
part,  ni,  exerc.  vu,  c.  7).  Saint  Jérôme  seul 
nous  suffira  pour  nous  convaincre  pleinement 
du  contraire.  Car  celte  opinion  eût  été  très  favo- 
rable au  dessein  qu'il  avait  d'humilier  les  dia- 
cres et  de  leur  apprendre  à  respecter  les  prêtres. 
Il  n'eût  donc  p;is  oublié  de  leur  représenter 
que,  durant  plusieurs  siècles  les  prêtres  seuls 
avaient  ordonné  les  patriarches,  et  gouverné 
tout  le  patriarcat  d'Alexandrie  ,  remplissant 
eux-mêmes  la  place  des  évêques.  Au  moins  il 
n'aurait  pas  dit  formellement  le  contraire  en 
assurant  que  l'évêque  seul  a  le  pouvoir  d'or- 


donner, et  de  donner  à  l'Eglise  des  évêques, 
des  prêtres  et  des  diacres. 

11  est  vrai  que  l'auteur  des  Questions  sur  les 
deux  Testaments,  dont  nous  venons  de  parler, 
dit  que  les  prêtres  de  l'Egypte  consacrent  en 
l'absence  de  l'évêque  :  «  In  Aiexandria  et  psr 
totam  .«Egyptum,  si  desit  episcopus,  consecrat 
presbyter.  »  Mais  nous  avons  déjà  découvert 
l'ignorance  et  les  bévues  de  cet  auteur.  Saint 
Jérôme  dit  le  contraire ,  et  il  mérite  bien  plus 
de  créance  que  lui.  Il  ne  s'accorde  pas  mieux 
avec  la  prétendue  chronique  de  Seldenus,  qui 
veut  que  dès  le  temps  d'Héraclas  et  d'Alexandre, 
évêques  d'Alexandrie,  c'est-à-dire  à  peu  près 
dès  l'an  300  de  Jésus-Christ,  ces  pratiques 
singulières  aient  été  abolies  en  Egypte,  et  que 
la  discipline  générale  du  reste  de  l'Eglise  y  ait 
été  introduite. 

Enfin  le  terme  de  consecrat,  peut  signifier 
tout  autre  chose  que  l'ordination;  et  il  y  a  de 
l'apparence  qu'il  ne  signifie  autre  chose  en  cet 
endroit  que  la  confirmation.  Car  voici  ce  que 
dit  l'auteur  des  Commentaires  sur  saint  Paul 
qu'on  cite  quelquefois,  quoique  faussement, 
sous  le  nom  de  saint  Ambroise  :  «  Denique 
apud  /Egyptum  presbyteri  consignant,  si  prœ- 
sens  non  sit  episcopus.  » 

Cet  interprète  est  aussi  un  de  ceux  qui  se 
sont  le  plus  emportés  pour  faire  entrer  les 
prêtres  dans  le  même  rang  et  le  même  ordre 
des  évêques.  Sa  prétention  générale  n'est  pas 
soutenable.  Ce  qu'il  avance  de  la  confirmation 
donnée  par  les  prêtres  d'Egypte  peut  êlre  véri- 
table, puisque  saint  Jérôme  et  saint  Chryso- 
stome,  en  traitant  le  même  sujet,  ne  réservent 
que  l'ordination  aux  évêques. 

VI.  Libérât  nous  a  appris  une  autre  coutume 
de  l'Eglise  d'Alexandrie  qui  était  en  usage  de 
son  temps  dans  l'ordination  du  patriarche.  Le 
successeur  passait  la  nuit  près  du  corps  de  l'é- 
vêque défunt,  prenait  sa  main  et  l'imposait  sur 
sa  tête,  se  revêtait  du  pallium  de  saint  Marc,  et 
s'allait  ensuite  asseoir  sur  le  trône  patriarcal. 
«Consuetudo  est  Alexandriœ,  illum  qui  defuncto 
succedit,  excubias  super  defuncti  corpus  agere, 
manumque  dexteram  ejuscapiti  suo  imponere, 
et  sepulto  manibus  suis,  accipere  coUo  suo 
beati  Marci  pallium,  et  tune  légitime  sedere 
(Liberati  Breviarium,  c.  20).  » 

Il  ne  faut  pas  croire  que  ce  fût  là  l'ordination 
de  l'évêque  d'Alexandrie,  c'en  étaient  des  céré- 
monies particulières  et  extraordinaires  distin 
guées  de  l'ordination,   comme  la  dignité  du 


59S        DU  PREMIER  ORDRE  DES  Cf.ERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-TROISIÈME. 


patriarche  était  distinguée  dé  la  dignité  d'évc- 
qiie,mais  en  sorte  que,  dans  ces  conjonctures, 
ce  qui  était  distingué  ne  laissait  pas  d'être  in- 
séparable. 

En  effet,  quelle  apparence  y  a-t-il  que  l'ordi- 
nation des  autres  évêques  d'Egypte  se  fît  avec 
les  mêmes  cérémonies  que  celle  de  tous  les 
autres  évêques  du  monde ,  c'est-à-dire  avec 
l'imposition  des  mains,  avec  des  prières,  et 
avec  une  longue  et  pompeuse  solennité  qui  fît 
remarquer  et  révérer  tout  ensemble  l'auguste 
majesté  du  sacerdoce  royal  de  l'Eglise,  et  que 
le  patriarche  d'Alexandrie  fût  ordonné  par  la 
seule  intronisation,  ou  par  ces  cérémonies 
obscures  et  stériles  que  Libérât  a  décrites? 
Quelle  apparence  y  a-t-il  qu'il  n'yeûtpasunseul 
diacre,  ni  un  prêtre,  ni  un  évêque  dans  tout  le 
monde  qui  n'eût  reçu  le  Saint-Esprit  et  la  grâce 
(!e  son  ordre  par  une  imposition  des  mains,  par 
des  prières  et  par  une  ordination  régulière  et 
accompagnée  de  beaucoup  de  majesté;  et  que 
le  second  évêque  du  monde  eût  été  ordonné 
d'une  manière  si  sèche  et  si  irrégulière? 

Enfin  quelle  apparence  y  a-t-il  que  les  évê- 
ques d'Alexandrie  qui  consacraient  non-seule- 
ment tant  de  diacres  et  tant  de  prêtres,  mais 
au'^si  tant  d'évêques,  comme  nous  apprenons 
qu'il  yen  avait  dans  leur  ressort  par  le  sixième 
canon  du  concile  de  Nicée,  par  l'histoire  de 
saint  Athanase  et  par  les  conciles  qu'il  a  tenus 
lui-même,  ne  fissent  pas  réflexion  sur  leur 
propre  ordination,  afin  de  ne  la  priver  pas 
(U:  la  jiompe,  de  la  solennité,  et  des  grâces  de 
toutes  les  autres  ordinations,  et  surtout  de  l'im- 
position des  mains,  et  des  prières  qui  ont  un 
fondement  si  visible  et  si  bien  établi  dans  les 
livres  de  l'ancien  et  du  nouveau  Testament? 

Si  la  prétendue  égalité  des  prêtres  et  desévê- 
qu(!s  eût  causé  cette  singularité  dans  l'Eglise 
d'Alexandrie,  elle  eût  eu  le  même  effet  dans 
toutes  les  Eglises  de  ce  patriarcat,  dont  les 
évê(iues  étaient  ordonnés  par  celui  d'Alexan- 
drie. 11  eût  ordonné  les  autres  comme  il  élait 
ordonné  lui-même,  ou  même  d'une  manière 
encore  plus  sèche  et  plus  obscure.  Or  tous  ceux 
qui  ont  écrit  de  celte  particularité  de  l'Eglise 
d'Alexandrie,  l'ont  resserrée  dans  elle  seule, 
sans  la  répandre  dans  le  reste  de  son  patriar- 
cat. En  effet  les  autres  évêques  de  l'Orient  qui 
éUiient  assez  souvent  brouillés  avec  ceux  il'E- 
gypte,  auraient  eu  un  beau  sujet  de  les  dccn':- 
diter  sur  cette  sorte  de  promotion  qui  les  lais- 
sait dans  l'ordre  des  prêtres. 


Mais  comment  saint  Athanase,  qui  avait  fait 
un  séjour  si  considérable  dans  l'Occident  et 
dans  Rome  même;  comment  tant  d'autres  pa- 
triarches d'Alexandrie  qui  ont  toujours  entre- 
tenu une  liaison  et  une  amitié  si  étroite  avec 
l'Occident,  n'auraient-ils  point  remarqué  les 
pratiques  et  les  règles  de  la  consécration  des 
évêques  reçues  unanimement  dans  l'Occident, 
et  dans  tout  le  reste  du  monde?  Comment  ne 
les  en  aurait-on  point  avertis? 

Vil.  Il  est  donc  plus  que  vraisemblable  que 
ce  que  disent  saint  Jérôme,  Libérât,  et  quelques 
autres,  est  véritable,  mais  que  ce  ne  sont  que 
des  accessoires  et  des  singularités  que  l'Eglise 
d'Alexandrie  ajoutait  à  l'ordination  épiscopale 
reçue  et  pratiquée  dans  toute  l'Eglise,  puisque 
l'ordination  était  dans  cette  Eglise,  et  dans  les 
autres  toujours  la  même ,  et  que  sa  forme  sub- 
stantielle élait  marquée  dans  les  canons  aposto- 
liques et  dans  ceux  du  concile  de  Nicée,  où 
l'ordination,  tant  des  évêques  que  des  prêtres 
est  appelée -/.EifOTovîa,  «  manus  imposilio.»  C'est 
ce  qui  n'a  pu  être  ignoré  dans  l'Egypte. 

L'erreur  n'est  venue  que  de  ceux  qui  ont 
pensé  en  lisant  ces  auteurs,  que  non-seulement 
ils  disaient  ce  qui  était,  mais  aussi  qu'il  n'y 
avait  que  ce  qu'ils  disaient.  Or  ce  raisonnement 
n'est  pas  juste,  et  ce  que  nous  avons  dit  montre 
assez,  ce  me  semble,  qu'il  est  faux.  En  eflet 
l'intention  de  ces  auteurs  n'a  pas  été  de  rap- 
porter généralement  tout  ce  qui  se  pratiquait 
dans  l'ordination  de  ct'S  évêques,  tanten  Egypte 
qu'ailleurs,  mais  feu'ement  ce  iju^il  y  aviùl  de 
particulier  dans  l'Egypte  pour  ces  sortes  d'ordi- 
nations. 

Il  se  pourrait  îjicn  faire  que  ce  que  dit  Libé- 
rât ne  fût  que  la  confirmation  de  l'élection 
faite,  l'intronisalion,  et  la  prise  île  possession 
du  patriarche  d'Alexandrie  ,  et  nullement 
sa  consécration  qui  se  faisait  ensuite  plus  à 
loisir. 

Il  se  pourrait  faire  aussi  que  pour  la  même 
raison  remari|uée  par  Libérât,  afin  de  i)révenir 
les  divisions  et  les  brigues,  le  clergé  d'Alexan- 
drie, sans  attendre  (|ue  les  évêiiues  de  la  pro- 
vince s'assemblassent,  iirocédàt  à  l'élection  de 
ré\êquc,  leclitti^îl  toujours  de  son  corps,  et 
le  fît  à  l'instant  confirmer  par  saint  Marc , 
de  la  manière  que  cela  se  pouvait  faire,  at- 
tendu (pio  coll;  corfirmalion  ne  pouvait  pas 
être  faite  par  un  autre  évêque  qui  lui  fût  in- 
férieur. 

Au  reste  cela  suffisais  à  saint  Jérôme  pour 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOrVEÂTO  ÉVÉCHÉS. 


299 


I 


obliger  les  diacres  à  considérer  davantage  les 
prêtres  sans  se  mettre  en  peine  d'expliquer 


de  quelle  manière  on  consacrait  après  cela 
l'évêque  déjà  élu. 


CHAPITRE  CINQUANTE-QUATRIÈME. 


DE   L'ÉnECTION   DES  KOIJVEACX  ÉVÊCHÉS   AIX   CINQ   PREMIERS  SIÈCLES. 


I.  Les  apftlres  et  les  hommes  apostoliques  érigèrent  les  pre- 
miers évêcliés. 

II.  Les  prélats  des  sièges  apostoliques  succédèrent  à  ce 
ponvoir. 

liL  Eux  seuls  pouvaient  fournir  des  évèques  aux  nalions 
barbares. 

IV.  Les  métropoliîains  érigèrent  de  nonveanx  évêchés  comme 
ayant  aussi  un  siège  apostolique. 

V.  Un  simple  évèque  faisait  ordonner  un  autre  évéque  dans 
une  Je  ses  paroisses. 

VI.  Le  concile  de  Laodicée  défend  l'abus  qui  s'y  glissait. 

VII.  L'autorité  des  empereurs  ue  prenait  point  de  pari  à  ceci. 

VIII.  On  passe  de  rOrient  à  l'Occident.  On  y  ordonnait  aussi 
des  évèques  pour  des  nations  entières. 

IX.  Le  concile  de  Sardique  défend  d'en  ordonner  dans  les 
villages. 

X.  Saint  Léon  condamne  cBt  abus  dans  l'.\frique. 

XI.  Combien  il  élail  commun  dans  l'Orient. 

XII.  Et  dans  l'Afrique. 

XIII.  Si  l'autorité  de  l'archevêque  de  Carthage  intervenait. 

XIV.  Le  consentement  du  primat,  du  concile  provincial,  et  de 
l'évêque  dont  on  démembrait  l'évêché,  était  nécessaire. 

XV.  Le  pape  donnait  souvent  des  évè  jnes  aux  nations  nou- 
vellement converties.  Les  empereurs  ne  se  mêlaient  point  en- 
core de  la  création  des  nouveaux  évêchés.  Pourquoi  ? 

I.  On  ne  peut  douter  que  les  ai  ôtres  et  les 
évèques  des  temps  apostoliques,  qui  s'attachè- 
rent principalement  eux-mêmes  aux  plus  gran- 
des villes  de  l'empire  et  aux  métropoles  de 
chaque  province,  n'aient  fondé  et  laissé  ensuite 
à  leurs  successeurs  le  même  pouvoir  de  fonder 
des  évêchés  dans  les  autres  villes  où  ils  avaient 
pu  former  de  nouvelles  églises. 

Etant,  comme  ils  étaient  tous  apôtres,  et  lais- 
sant aux  évèques  futurs  des  métrcjioles  une 
participation  plus  grande  des  pouvoirs  aposto- 
liques, comme  il  a  été  dit  ci-dessus,  ils  leur 
trunsmetlaient  indubitablement  la  même  au- 
torité de  fonder  de  nouvelles  églises  et  de  nou- 
veaux évêchés. 

Eusèbe  le  dit  fort  clairement  en  ces  termes, 
parlant  des  iiommes  apostoliques:  «Munusobi- 
bant  Evangelislarum,  etc.  Hi  postquam  in  re- 
niolis  ac  barbaris  regionibus  ûdei  fundamenta 


jecerant,  aliosque  pastores  constituerant ,  ad 
alios  gentes  properabant  (Lib.  m,  c.  37).  » 

II.  Mais  comme  les  sièges  apostoliques  avaient 
recueilli  la  succession  des  apôtres  avec  plus 
d'étendue,  ainsi  on  y  recourut  plus  souvent 
pour  former  de  nouvelles  colonies.  Rufin  et 
Sucrate  rapportent  comment  saint  Athanase  con- 
sacra Frumentius  évèque ,  et  l'envoya  pour 
achever  la  conversion  d'une  province  des  Indes 
où  il  avait  déjà  travaillé  avec  tant  de  succès 
(Socrat.,  I.  I,  c.  15). 

Il  y  avait  longtemps  dès  lors  même  qu'on 
enveloppait  dans  le  nom  général  des  Indes  toutes 
les  provinces  un  peu  éloignées  des  frontières 
de  l'empire,  surtout  vers  l'orient  et  le  midi, 
a  Frumentius  .\lexandriam  advenfans,   Atha- 
nasio  omnem  rem  narrât,  etc.  Indos  religionera 
Christianam  recepturos  ostendit,  etc.  Athana- 
sius,  etc.  ipsum  Frumentium  episcopum  dési- 
gnât (Idem.,  1.  IV,  c.  9,  etc).  »  Et  lorsque,  sous 
r».  m  pire  de  Valens,  la  reine  des  Sarrasins  refusait 
de  donner  la  paix  aux  Romains,  si  on  ne  lui 
donnait  un  évèque  pour  éclairer  son  Etat  des 
vérités  évangéliques,  le  solitaire  Moïse,  qu'on 
destina  pour  cela,  vint  à  Alexandrie  pour  y  être 
ordonné  évèque  a  Alexandriam,  ut  illic  sacer- 
dolii  dignitatem  capesseret,  deductus.  »  II  est 
vrai  que  n'y  ayant  trouvé  qu'un  évèque  arien  , 
il  alla  se  faire  sacrer  par  des  évèques  bannis 
pour  la  foi  orthodoxe. 

111.  On  consacrait  ces  évèques  pour  une  na- 
tion entière,  sans  les  fixer  dans  aucune  ville, 
parce  que  l'on  n'avait  pas  même  toujours  la 
connaissance  des  villes,  et  que  ces  prélats  apos- 
toliques devaient  imiter  les  apôtres  en  suivant 
la  rapidité  de  l'Esprit-Saint  qui  les  poussait , 
et  le  vol  des  victoires  évangéliques.  Tel  fut 
encore  l'évêque  que  le  grand  Couslanlin  fit 


303       DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-QUATRIEME. 


ordonner,  et  qu'il  envoya  à  la  nouvelle  Eglise 
des  Ibériens,  selon  Tlicodoret  (L.  i,  c.  241. 

Ces  évêrjues  se  trouvant  seuls  dans  une 
grande  nation  ,  ne  pouvaient  pas  ordonner 
d'autres  évc(|ues  :  ce  qui  fait  dire  à  Sozomône 
que  dans  la  Scythie  il  y  avait  plusieurs  grandes 
villes  qui  n'avaient  toutes  ensemble  qu'un 
évc>|ue  (L.  vu,  c.  10).  Il  était  donc  nécessaire 
qu'on  y  envoyât  toujours  de  nouveaux  pasteurs, 
et  c'est  ce  qui  ne  se  pouvait  espérer  que  des 
plus  grandes  villes  de  l'empire  et  des  plus 
grandes  Eglises. 

Ce  fut  peut-être  pour  cela  que  le  concile  de 
Calcédoine  (Can.  xxvni)  voulut  que  ce  fût  l'évc- 
qui;  de  Constantinoplequi  ordonnât  les  évêques 
des  nations  barbares  qui  avaient  auparavant 
été  soumises  aux  trois  petits  exaniucs.  Le  con- 
cile i"  de  Constantinople  (Can.  ii)  s'était  con- 
tenté de  dire  que  les  ordinations  des  évêques 
s'y  feraient  selon  l'ancien  usage.  Saint  Cliry- 
sostome  avait  donné  aux  Gotbs  pour  évêque  le 
célèbre  Wda  (Clirysost.,  epist.  cxxiu).  après  la 
mort  duquel  le  roi  des  Coths  en  demandant  un 
autre,  ce  saint  ,  qui  était  déjà  exilé  de  son 
Eglise,  travailla  encore  pour  en  faire  donner 
un  autre  (Baron.,  an.  405,  n.  2).  Voici  comment 
il  écrivit  à  Olympias  :  «  Eximiuni  illum  virum 
Wilam  ,  quem  non  ita  pridem  Episcojium 
creavi,  atque  in  Gothiam  misi,  etc.  » 

IV.  Saint  Hasile,  métropolitain  deCésarée  en 
Cappadoce,  érigea  eu  évèclié  la  petite  ville  de 
Sizimes  pour  munir  ainsi  la  frontière  de  sa 
province  contre  les  prétentions  de  l'ambitieux 
évêque  de  Tyane,  Antilime,  qui  avait  fait  di- 
viser par  l'empereur  Valens  la  Cajjpadoce  ©n 
deux  provinces,  en  sorte  que  Tyanes  se  trouva 
capitale  et  métropole  de  la  seconde.  Pour 
mieux  conserver  ce  poste  qu'il  jugeait  si  im- 
portant, il  en  ordonna  évêque  l'incomparable 
lliéologien  Grégoire  de  Nazianze,  quelque  ré- 
sistance qu'il  y  piit  apporter  (Baronius,  an.  371, 
n.  90,  91,  etc.).  Ce  fut  un  long  sujet  de  plain- 
tes entre  ces  deux  illustres  amis,  mais  c'est 
une  marque  certaine  du  pouvoir  des  métropo- 
litains à  ériger  de  nouveaux  évécbés  dans  leur 
province. 

V.  On  lut  dans  le  concile  de  Calcédoine 
(Act.  13)  la  plainte  de  la  métropole  de  Nico- 
médie  contre  celle  de  Nicée,  et  on  y  assura  (jne 
ré\ê(iue  de  Nicée  avait  ordonné  un  évêque  et 
institué  un  évêcbé  dans  Basilinopolis  ,  qui 
n'ayant  été  d'abord  qu'un  village,  avait  été 
luitc  au  rang  des  villes  par  uu  empereur.  11  y 


a  toutes  les  apparences  que  Nicée  n'était  encore 
qu'un  simple  évêché  quand  l'évêque  de  Nicée 
fit  consacrer  un  évêque  à  Basilinopolis.  Nous 
verrons  ci-dessous  des  exemples  semblables 
dans  l'Eglise  latine. 

On  trouve  à  la  fin  du  concile  d'Ephèse  une 
requête  présentée  par  deux  évêques  de  la  petite 
province  d'Europe  en  Thrace  ,  dont  cbacun 
était  évêque  de  deux  villes,  qui  eussent  bien 
pu  avoir  chacune  le  leur.  Ces  é\ê(]ues  deman- 
dèrent d'être  conservés  dans  l'ancienne  et  im- 
mémoriale possession  où  ils  étaient,  craignant 
que  le  métropolitain  dlléraclée  qui  avait  pris 
parti  avec  les  Nestoriens,  n'entreprit  de  créer 
de  nouveaux  évêques  dans  ces  secondes  villes. 

Le  concile  accorda  leur  demande  et  confirma 
l'ancienne  coutiuiie.  «Niliilinnovandum  in  Eu- 
ropœ  civil alibiis,  sed  juxta  velerem  consuetudi- 
nem  gnbernentiir.  »  Cela  nous  montre  que  les 
évêcbés  ont  été  moins  nondireux  dans  les  |)ro- 
vinces  qui  ont  été  cultivées  les  dernières;  que 
dans  la  multitude  dis  autres  provinces, la  cou- 
tume ordinaire  était  (pie,  comme  toutes  les  pro- 
vinces avaient  leurs  métropolitains,  aussi  toutes 
les  villes  avaient  leurs  évoques;  enfin  que  les 
métropolitains  érigeaient  des  évêchés  de  leur 
propre  autorité,  étant  tout  au  plus  soutenus  de 
celle  du  concile  provincial. 

VL  Le  canon  de  Laodicée  qui  défend  d'or- 
donner à  l'avenir  des  évêques  dans  les  villages, 
veut  qu'on  se  cordente  d'y  mettre  des  chorévè- 
([ues  avec  celte  condition  que  les  évêques  qui 
y  auront  déjà  été  ordonnés  ne  feront  rien  sans 
le  consentement  de  l'évêque  de  la  ville.  «  Non 
oportet  in  villulis,  velagrisepiscoposconstitui, 
sed  visit  itores.  Verumtamen  jam  pridem  consti- 
tuti,  nibil  faciant  prajler  conscientiam  episcopi 
ci\iiali-;  (Can.  lvii).  » 

Il  arrivait  donc  souvent  avant  ce  concile  que 
les  évêques  des  villes  consacraient  ou  faisaient 
consacrer  des  évêques  dans  les  villages  de  leur 
diocèse,  et  y  érigeaient  par  conséquent  des  évê- 
chés, auxquels  ils  commettaient  la  conduite 
d'une  contrée  cl  des  paroisses  voisines.  On  ré- 
solut de  n'y  mettre  a  l'avenir  que  des  choré- 
vciiues. 

Vil.  Nous  n'avons  encore  aperçu  aucun 
vestige  de  l'autorité  des  empereurs  dans  l'érec- 
tion des  évêchés,  car  si  Basilinopolis  ayant  été 
élevée  au  rang  des  vilks  par  Julien,  ou  par  un 
autre  empereur  reçut  en  même  temps  un  évê- 
que, elle  ne  le  reçut  que  de  l'autorité  de  l'évê- 
que de  Nicée,  de  l'évèché  duquel  on  faisait  ce 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOUVEAUX  ÉVÊCIIÉS. 


301 


démembrement.  Le  rescrit  de  l'empereur  ne 
parl.iit  point  de  révpcVic,  aiitrenioiit  on  n'eût 
pu  croire  que  Julien  l'Apoptat  en  fût  l'auteur. 
L'évêipie  de  Nicée  jugea  seulement  sur  la  cou- 
tume générale  qu'une  ville  ne  devait  pas  être 
laissée  sans  évè{|ue. 

Sozomène  (Lib.  v,  c.  3)  remarque  de  même 
que  lorsque  les  empereurs  eurent  réuni  en  une 
seule  ville  Gaze  et  Majume  dans  la  Palestine, 
qui  avaient  été  deux  villes  et  deux  évècbés,  les 
deux  évèchés  demeurèrent  toujours,  quoique 
dans  une  même  ville,  a  Utraque  seorsum  suum 
habet  episcopum,  suum  clerum.  »  Un  évèque 
de  Gaze  voulut  faire  réunir  ces  deux  évèchés 
après  la  mort  de  l'évêque  de  Majume,  mais  le 
concile  de  la  province  en  jugea  autrement,  et 
donna  un  évèque  à  Majume  :  «Conciliuni  gentis 
illius  causam  cognovit,  aliumque  creavit  epi- 
scopum. » 

VIII.  Si  nous  passons  de  l'Eglise  Orientale  à 
celle  d'Occident,  nous  y  remarquerons  facile- 
ment les  mêmes  maximes  que  les  évèchés  ont 
été  principalement  établis  par  le  Siège  aposto- 
lique et  par  les  grandes  métropoles;  que  les 
évèques  ont  fait  ordonner  d'autres  évêques 
dans  les  grandes  places  de  leur  diocèse  ;  que  les 
conciles  provinciaux  ont  autorisé  ces  change- 
ments, mais  que  l'autorité  impériale  ne  s'est 
point  interposée  dans  la  création  de  ces  nou- 
veaux trônes  dans  l'Eglise  avant  l'an  oOO,  àquoi 
nous  limitons  cette  première  partie. 

Photius,  dans  sa  bibliothèque,  raconte  com- 
ment le  sa\antet  fameux  Gains,  prêtre  de  l'E- 
glise de  Rome,  sous  le  pontificat  de  Victor  et  de 
Zèphirin,  fut  ordonné  évèque  des  nations  :X£'.fo- 
«vï.Ot.vxi  iôvwv  £-i(K'.-v/(Cod.  48).  C'est-à-dire  qu'on 
le  consacrait  et  on  le  couronnait  roi  d'un 
royaume  qu'il  allait  conquérir.  C'est  probable- 
ment ainsi  que  les  pajies  sacrèrent  une  partie 
des  évèques,  qu'ils  envoyèrent  ensuite  dans 
toutes  ces  parties  de  l'Occident,  dont  Inno- 
cent I"  a  fait  rénumération  dans  une  de  ses 
lettres,  pour  les  aller  subjuguer. 

IX.  Le  concile  de  Sardique  renouvela  dans 
l'Occident  le  canon  du  concile  de  Laodicée,  de 
ne  point  laisser  ordonner  d'évêques,  si  ce  n'est 
dans  des  villes  assez  peuplées,  de  peur  que  la 
dignité  des  évèques  ne  s'avilisse,  si  on  les  fait 
résider  dans  des  villages.  «  Licentiadanda  non 
non  est  ordinandi  epi,scopum,  aut  in  vico  ali- 
quo,  in  modica  civitate,  cui  sutTicit  unus  pre- 
sbjter  :  quia  non  est  necesse  ibi  episcopum 
fieri,  ne  vilescal  nomen  episcopi  et  auloritas.  » 


Ce  n'étaient  pas  les  conciles  provinciaux  qui 
auraient  mis  les  évêques  dans  les  villages  , 
c'était  ni  bien  plus  vraisemblablement  les  évè- 
ques des  villes  qui  cherchaient  à  se  décharger, 
ou  même  à  avoir  des  évê(|ues  dans  leur  dépen- 
dance, après  les  avoir  fait  sacrer  dans  les  villages 
de  leur  diocèse.  C'est  ce  qui  lit  que  les  conciles 
provinciaux  se  réservèrent  enfin  ce  pouvoir, 
comme  il  paraît  par  le  texte  grec  du  même 
canon  de  Sarditpie.  «  Provincite  episcopi  debent 
in  iis  urbibus  episcopos  constituere,  ubi  etiam 
prius  episcopi  fuerunt.  Si  autem  inveniatur 
urbs  aliqua  tam  populosa,  ut  ipsa  episcopatu 
digna  judicetur,  accipiat  (Can.  vi).  » 

X.  Les  évêques  d'Afii(iue  furent  peut-être 
ceux  qui  gardèrent  moins  religieusement  cette 
règle,  de  n'ordonner  des  évêques  que  dans  les 
villes.  Saint  Léon  leur  en  écrivit  d'ime  manière 
foit  pressante,  et  il  jugea  même  fort  raison- 
nable de  supprimer  à  l'avenir  tous  ces  petits 
évèchés  après  la  mort  de  ceux  qui  les  occu- 
paient, selon  la  demande  d'un  évèque  d  Afrique. 

«  lllud  sane  inter  omnia  volumusstatula  ca- 
nonum  custodiri,  ut  non  in  quibuslibet  locis, 
nec  in  quibuslibet  castelîis,  et  ubi  ante  non 
fuerunt,  episcopi  consecrenlur.  Cum  ubi  mi- 
nores sunt  plèbes ,  minoresque  conventus, 
presbyterorum  cura  sufflciat  ;  episcopalia  au- 
tem gubernacula  non  nisi  niajoribus  populis 
et  frequenlibus  civitalibus  oporleat  prœsidere; 
ne  quod  sanctorum  Patrum  divinitus  inspirata 
décréta  vetuere,  viculis  et  possessionibus,  vel 
obscuris  et  solitariis  municipiis  tribualur  sa- 
cerdotale fastigium;  et  honor  cui  debent  ex- 
cellentiora  committi ,  ipse  sui  numerositate 
vilescat  (Epist.  Lxxxvii,  c.  2).  » 

Il  fait  sans  doute  allusion  an  canon  de  Sar- 
dique que  nous  venons  de  citer,  et  il  donne 
deux  raisons  de  cette  loi  ecclésiastique.  La 
première  est  que  l'èpiscopat  étant  la  royauté 
du  sacerdoce,  c'esll'obscurciretternir  sa  gloire 
que  de  placer  son  trône  dans  des  lieux  déserts 
ou  mal  peuplés,  où  il  ne  peut  ni  exercer  ses 
divines  fonctions,  ni  répandre  ses  célestes  ri- 
chesses. La  seconde  est  que  la  trop  grande 
multiplication  des  évèques  les  ferait  enfin  tom- 
ber dans  le  mépris  et  dans  l'avilissement.  Mais 
enfin  ce  pape  ne  se  réserve  point  à  lui,  ou  au 
Saint-Siège  la  création  des  évèchés  nouveaux. 
H  laisse  aux  conciles  provinciaux,  et  aux  mé- 
tropolitains une  pleine  liberté  de  les  ériger  cou- 
fomièmeiit  aux  lois  canoniques. 

XI.  Ce  désordre  avait  donc  été  comnum  à 


302       DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINaUANTE-QyATRiÈME. 


rOrient  et  à  lOcciclent,  de  ciéor  des  cvt'ijucs 
dans  des  villaires.  A  la  vérité  le  canon  vi  du 
concile  de  Sardique  condamna  ces  abus  dans 
l'Occident,  mais  ce  fut  principalement  pour 
blâmer  les  Orientaux  que  ce  canon  vi  y  fut  fait 
et  pour  désapprouver  l'ordination  que  les  évo- 
ques du  concile  de  Tyr  avaient  faits  d'Iscbyras. 
Car  étant  simplement  curé  d'un  village,  et 
n'étant  peut-être  pas  même  prêtre,  ils  le  firent 
évèque  de  son  village  ,  où  saint  Athanase 
assure  qu'on  n'avait  pas  même  jusqu'alors 
placé  un  chorévêque.  «  Ager  est  Alexandriœ,  in 
quo  loco  nunquam  episcopus  fuit,  imo  ne 
chorepiscopus  quidem,etc.Niliilo  tamen  minus 
hominem,qui  ne  presbyter  iiuiilemerat,  liujus 
pagi  prster  majorum  traditionem  ,  eiiiscopum 
scilicet  appellaverunt  (Athanas.  Apol.  2).  » 

Ce  fut  la  récompense  dont  les  ariens  vou- 
lurent bonorer  l'infâme  calomniateur  du  grand 
saint  Athanase.  Ce  Père  assure  que  cette  créa- 
tion d'évêques  dans  des  villages  était  contraire 
à  la  tradition  des  Pères.  Nous  avons  dit  ci- 
dessus  comment  les  apôtres  commencèrent  à 
établir  l'empire  de  la  vérité  dans  les  plus 
grandes  villes  du  monde  ,  oîi  le  mensonge 
régnait  avec  plus  d'impudence. 

Xll.  Revenons  à  l'Occident  et  à  l'Afrique,  où 
dans  la  célèbre  conférence  de  Cartbage  entre 
les  évêques  catholi(|ues  et  les  donatistes,  comme 
clia(]ue  parti  faisait  montre  de  la  multitude  de 
ses  prélats,  Alypius  fit  remarquer  qu'entre  les 
évoques  donatistes  il  y  en  avait  plusieurs  qui 
n'avaient  (jue  des  villages,  ou  des  campagnes 
sous  leur  conduite,  a  Scriplum  sit  omnes  istos 
in  fundis,  vel  in  villis  esseepiscopos  ordinatos, 
non  in  aliquibus  civitatibus  (Collât,  i,  n.  181, 
18-2).  Pétilien,  évoque  donatiste,  fit  le  même 
reproche  aux  catholiques,  a  Sic  etiam  tu  mul- 
tos  habes,  per  omnes  agros  disperses.  » 

Les  conciles  travaillèrent  à  bannir  ce  désor- 
dre de  l'Afrique.  Le  concile  11  de  Cartbage  or- 
donna que  les  villages  qui  n'avaient  jamais  eu 
d'évêque  n'en  auraient  point;  mais  (]ue  si  le 
nombre  des  habitants  s'augmentait  tellement 
qu'ils  pussent  passer  pour  des  villes,  on  pourrait 
y  établir  des  évêques,  avec  l'agrément  de  l'évo- 
que de  qui  dépendait  cette  paroisse.  Ce  concile 
supiiose  donc  que  ce  sera  le  métropolitain,  ou 
le  concile  p^ovincial  qui  fera  l'érection  du 
nouvel  évéché,  avec  le  consentement  de  l'an- 
cien évê(pie  (Can.  v).  o  Ut  diœceses  qu;c  nun- 
quam habuerunt  episcopos,  non  habeant.  Et  illa 
diœcesis,  quœ  aliquando  habuit,  habeat  pro- 


ptium,  etc.  Et  si  accedente  tempore,  cresccnte 
fille,  populus  Dei  multiplicalus,  desideraveiil 
proprium  babere  rectorem,  ejus  videlicet  vo- 
luntale,  in  cujus  potestate  est  diœcesis  consli- 
tula,  habeat  e[)iscopum.  » 

Voilà  toutes  les  circonstances  remarquées, 
que  la  ville  soit  grande,  qu'elle  demande  un 
évèque,  que  l'ancien  évèque  y  consente,  (|ue 
l'érection  s'en  fasse  par  le  primat  ou  par  le  con- 
cile, sans  qu'il  soit  parlé  ni  des  empereurs,  ni 
du  pape. 

Xll'.  Il  est  néanmoins  fort  probable  que 
l'autorité  de  l'archevêque  de  Cartbage,  qui 
était  comme  l'exarque  et  le  primat  des  i)riinats, 
c'est-à-dire  le  métropolitain  des  métropolitains 
d'Afiique,  intervenait  souvent  dans  ces  insti- 
tutions des  nouveaux  évêchés.  L'évè(iue  Epi- 
gonius  se  plaignit,  dans  le  concile  lll  de  Car- 
tbage, de  ce  que  quelques  prêtres,  poussés  d'un 
esprit  d'ambition,  gagnaient  la  faveur  des  peu- 
ples par  des  festins  et  des  profusions  infâmes, 
et  se  faisaient  ensuite  demander  pour  évêques 
de  leurs  cures. 

Si  l'évêque  du  lieu  ne  cédait  pas  à  leur  pas- 
sion, ils  avaient  recours  à  l'archevêque  de  Car- 
tbage. Aurèle,  qui  était  présent  à  ce  concile, 
déclare  qu'il  a  toujours  rejeté  et  qu'il  rejettera 
toujours  ces  sollicitations  ambitieuses  et  qu'il 
ne  donnera  des  évêques  qu'avec  l'agrément 
des  anciens  prélats  (Can.  xui,  xlvi).  c  Hoc  me 
et  fecisse  et  facturum  esse  profiteor,  circa  eos 
sane  qui  fuerint  concordes,  non  solum  circa 
Ecclesiam  Carthaginensem  ,  sed  circa  omne 
sacerdotale  consortium.  »  Enfin  il  promit  aussi 
d'empêcher  que  révê(iue  nouveau,  qui  aurait 
été  créé  dans  quelque  lieu  démembré  d'un 
ancien  évêché,  ne  s'attribuât  les  paroisses  voi- 
sines. «  Non  dubito  omnibus  placere  eum  qui 
in  diœcesi,  concedente  episcopo,  qui  matricem 
tenuit,  solam  eamdem  retinere  plebem,  inqua 
fuit  ordinatus.  » 

XIV.  Il  est  vrai  que  le  canon  du  concile  d'A- 
frique ne  parle  que  du  consentement  du  con- 
cile de  la  province  et  du  primat,  sans  deman- 
der l'agrément  de  l'évêque  de  Carlhage  pour 
l'établissement  d'un  nouvel  évêché.  «  Piacuit 
ut  plèbes  quœ  nunquam  habuerunt  proprios 
episcopos,  nisi  ex  concilio  plenario  uniuscu- 
juscjue  provinciae,  et  primatis,  at(jue  consensu 
ejus,  ad  cujus  diœcesim  eadem  Ecclesia  perti- 
nebat  ,  decretum  fuerit ,  minime  accipiant 
(Can.  Lxv).  » 

On  peut  ajouter  à  cela  que  saint  Augustin 


DES  ÉVÉQUES  ET  DES  ÙVECIIÉS  NOUVEAUX. 


303 


ni(*me  Tonlut  érijier  un  nouvel  évcché  dans 
un  tliàteau  de  son  diocèse  ,  nommé  Fus- 
s;ilo ,  parce  qu'il  était  éloigné  de  quarante 
nulles  de  sa  ville  d'Ilippone  et  qu'il  ne  pouvait 
|)as  par  consé(iuent  s'y  applicfuer  avec  toute  la 
diligence  qu'il  savait  être  du  devoir  d'un  évo- 
que «  Qnod  ab  Hippone  meinoralum  castel- 
lum  miilibus  quadraginta  se  jungilur  ,  etc. 
Cum  me  viderem  latius  quam  oportebat  ex- 
Icnili,  nec  adliibendœ  sufflcerem  diligentiœ , 
quam  certissima  ratione  adiiiberi  debere  cer- 
nebam,  episcopum  ibi  ordinandum  constltuen- 
dinTii|ne  curavi.  » 

Ce  Saint  ne  parle  absolument  ni  de  l'in- 
tcr^ention  de  l'arclievêque  de  Cartilage,  ni  de 
CL'Ue  du  pape,  quoiqu'il  écrive  au  pape  Célesliu 
la  littre  dont  ceci  est  tiré,  mais  seulement  du 
piimat  de  N^midie,  qui  était  son  mélropolitaio 
par  lequel  il  lit  consacrer  ce  nouvel  évoque. 
aPropter  queiii  ordinandum,  sanctura  senem, 
qui  tune  priinatum  Numidiœ  gerebat,  de  Ion- 
ginqiio  ,  ut  veniret  rogans  litteris  impetravi 
(Aug.  Ep.  ccLXi).» 

Il  est  vrai  qu'il  ne  parle  pas  du  conseute- 


menl  ùii  concile  de  la  province,  mais  il  est 
compris  dans  celui  du  primat,  et  d'ailleurs  les 
canons  s'en  sont  clairement  expliqués  (Baro- 
nius,  an.  •i2i,  n.  4).  11  faut  donc  dire  que  le 
consentement  de  l'évèque  de  Cartilage  n'était 
que  de  bienséance. 

XV.  Concluons  ce  cbapitre  en  disant  que  le 
Siège  apostolique  de  Rome  a  été  le  plus  zélé  à 
donner  des  évèques  aux  nations  nouvellement 
converties. 

C'est  ainsi  que,  selon  saint  Prosper,  le  pape 
Célestin  donna  Palladius  pour  premier  évêque 
aux  Hibernois  :  a  Ordinale  Scotis  episcopo, 
dum  Piomanam  insulain  studet  servare  catbo- 
licam,  fecit  etiam  barbaram  cbristianam.  » 
C'est-à-dire,  que  ce  pape  chassa  les  pélagiens 
d'Angleterre  et  les  idolâtres  d'Irlande. 

Si  les  empereurs  ne  se  mêlaient  point  encore 
de  la  création  des  nouveaux  évêchés,  c'est  que 
leur  empire  était  trop  étendu  et  qu'ils  n'avaient 
pas  encore  donné  aux  évêques  tant  de  part 
dans  leurs  conseils ,  ni  tant  de  pouvoir  dans 
les  villes,  comme  firent  depuis  les  rois  qui  s'é- 
levèrent sur  les  débiis  de  runipire. 


CHAPITRE  CINQUANTE-CINQUIEME. 


DES   ÉVÈQIES    ET   DES   EVÈCHES   NOCVEACX,    SURTOUT   DANS   LES   PAYS  KOUVEHEMEXT   CONVERTIS, 
AUX   SIXIÈME,    SEPTIÈME   ET   nUIlIÈJlE   SIÈCLES. 


I.  II.  Les  nouvcauï  évêchés  s'établissaient  du  consentement 
des  métropolitains,  des  conciles  provinciaui,  des  rois  et  des 
papes.  Tentative  pour  l'évèclié  de  Melun. 

m.  Et  de  Châleaudun,  et  de  plusieurs  autres  en  France. 

IV.  V.  Erection  des  nouveaux  évêchés  d'AUeniague  par  saint 
Boiiiface,  légat  du  pape,  soutenu  de  l'autorité  des  papes  el  des 
princes  de  l'Espagne. 

VI.  De  là  on  conjecture  de  quelle  manière  les  premiers  évê- 
ques furent  autrefois  fondés. 

VII.  VIII.  Nouvelles  preuves  de  cela  même  pour  l'Irlande  et 
l'Angleterre,  où  les  papes  envoyèrent  des  missionuaires  aposto- 
liqi:es. 

IX.  Et  pour  la  Frise. 

X.  Translations  d'évêchés. 

XL  XII.  Evèques  exempts  de  la  juridiction  du  métropolitain. 

XIII.  Les  évèques  voisms  des  pays  dus  mlidèles  ont  droit  d'y 
prêcher  la  foi,  et  d'y  établir  de  nouveaux  évêchés. 

XIV.  XV.  Comment  ce  pouvoir  est  reveau  ïu  pape. 


I.  Les  nouveaux  évêchés  érigés  dans  les  vi% 
VII*  etvui'  siècles,  ne  se  sont  établis  que  du 
consentement  des  métropolitains,  des  synodes 
provinciaux  ,  des  princes  souverains  et  des 
papes.    ^ 

Le  roi  Childebert  ayant  écrit  à  Léon,  métro- 
politain de  Sens,  pour  l'obliger  de  consentir  à  la 
création  d'un  nouvel  évéché  à  Melun  (an.  339), 
ce  généreux  prélat  répondit  :  «  Gloriosissimo 
dcmno  et  in  Christo  filio  Childeberto  régi  Léo 
episcopus,  »  qu'il  ne  pouvait  le  faire  sans  l'agré- 
nii  nt  du  roi  Théodebert  son  souverain  :  «  Sine 
jussu  gloriosissimi  domui  principis  noslri  ïheo- 


304         DU  PREMIER  ORURE  DIS  CI.LRCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-CINQUIÈME. 


dcberti  rejiis;» qu'on  ne  fiouvait  pas  lui  retran- 
cher nue  [lartie  du  diocèse  que  Dieu  lui  avait 
confié,  n'étant  coupable  d'aucune  négligence 
criminelle  :  «  Ut  diœcesin  nostram  a  Deo  nobis 
comuiissam,  et  usijue  nunc  Ponlificali  ordine, 
Deo  propilio,  custoditam,  lanquam  négligentes 
ac  desides  ad  alterius  permittamus  potestatem 
transire.  »  Que  le  devoir  du  prince  l'obligeiiità 
observer  les  canons  et  les  lois  de  l'Eglise,  qui 
ne  permettent  pas  de  prêter  l'oreille  aux  prières 
d'un  peuple  qui  se  révolte  contre  son  pasteur, 
et  en  demande  un  autre.  «  Custodite,  qufcso, 
staluta  Patrumetcanonum  severitate  constiicli, 
non  patiamini  ad  pelitionem  ejus  plebis,  super- 
stite  proprio  sacerdote ,  alterum  episcopum 
ordinari  ^Tom.  i  Conc.  Gall.,  p.  2d8).  » 

Enfin  cet  évêque  intrépide  proteste  que  si 
l'on  passe  outre,  et  qu'on  ordonne  contre  son 
gré  un  évêque  à  Mclun,  il  retrancliera  de  sa 
communion  tant  ceux  qui  l'auront  ordonné, 
que  celui  qui  aura  reçu  une  ordination  si  illé- 
gitime, jusqu'à  ce  que  le  pape  ou  le  concile  en 
aient  été  informés.  «Mam  gloria  vestra  optime 
débet  et  credere  et  scire,  quia  si  contra  statuta 
canonum  quicumque  episcoporum  sine  con- 
sensu  nostro  Mecledone  episcopum  voluerit 
ordinare,  usque  ad  pa[)œ  notitiam,  vel  synoda- 
lem  audientiam  lam  hi  quiordinaverint,  quam 
qui  ordinatus  fuerit,  a  nostra  erunt  comniu- 
nionc  disjuncti.  » 

Les  canons  d'Afrique  défendaient  d'ériger  un 
nouvel  évêché  sans  le  consentement  de  l'évê- 
(|iie  du  diocèse,  duquel  on  faisait  ce  retranche- 
ment. Ues  canons  de  Nicée  et  d'Antioche  ne 
permettaient  pas  de  faire  aucune  innovation 
considérable  dans  une  province,  sans  l'aveu  du 
métropolitain.  Enfin ,  les  conciles  d'Afrique 
n'avaient  permis  le  démembrement  des  pa- 
roisses d'un  diocèse  qu'au  cas  où  l'évêque  né- 
gligerait d'y  travailler  à  la  conversion  des  hé- 
rétiques. Voilà  les  canons  cités  ci-devant,  qui 
servaient  de  défense  au  métropolitain  de  Sens. 
II.  Quel()uesannées  après  (An.573),  Pappolus 
évêque  de  Chartres,  percé  d'une  juste  douleur, 
de  ce  que  Promotus,  prêtre  de  son  diocèse, 
avait  été  ordonné  évêque  de  Chàteaudun  sans 
son  consentement,  en  écrivit  ses  plaintes  au 
concile  de  Paris.  Les  métropolitains  et  les  évê- 
(jnes  de  ce  concile  écrivirent  à  Gilles,  évêque 
de  Reims,  qui  avait  fait  cette  ordination,  qu'un 
tel  attentat  fait  hors  de  son  évêché  et  hors  de 
sa  province,  aurait  bien  mérité  un  sévère  chà- 
liinent  :  mais  qu'ils  voulaient  dans  celte  ren- 


contre donner  plus  à  la  charité  qu'à  la  justice, 
pourvu  qu'il  retirât  le  prêtre  Promotus,  qu'on 
frappait  d'excommunication  et  d'anathème,s'il 
s'ingérait  jamais  dans  les  fonctions  épiscopales, 
de  quelque  autorité  qu'il  piélendît  couvrir  son 
insolence  :  «  Propria  contumacia,  aut  cujus- 
cum(iue  potestatis  assentatione.  » 

Entin,  ce  concile  écrivit  au  roi  Sigebert, 
que  si  par  une  fâcheuse  surprise  il  avait  auto- 
risé ces  nouveautés,  il  eût  la  bonté  de  s'en  dé- 
sister, et  qu'il  pensât  à  expier  celte  entreprise 
scandaleuse,  au  lieu  de  l'appuyer,  «  Quam  rem 
licetvix  credere  possumuscumconsensu  gloriae 
vestrœ  fieri  ])oluisse  ;  tamen  si  cujuscumque 
prava  suggestione  prœventi,  in  hac  tam  obscena 
et  universa;  Ecclesiae  contraria  consensistis,  ab 
hujusmodi  scandali  defensione  ,  sincerilalis 
vestrœ  conscientiam  expictis.  » 

Sigebert  s'opiniàlra  à  maintenirce  qu'il  avait 
fait;  mais  après  sa  mort,  l'évêque  de  Chartres 
rentra  dans  tous  ses  droits.  Le  prêtre  Promotus 
tâcha  de  surprendre  le  roi  qui  succéda  à  Sige- 
bert; mais  ce  prince  qui  n'avait  pas  épousé  les 
passions  de  son  prédécesseur,  se  rendit  au  juge- 
ment des  évèques  et  du  concile  de  Paris. 
«  Diœcesis  meae  est  Castrum  Dunensc,  dicente 
Papjiolo,  et  ostendente  praisertini  judicia  epi- 
scoporum (Greg.  Turon.  Hist.  l.  vu,  c.  17).  » 

Le  Père  Lecoinle  raconte  qu'en  497  saint 
Solenne  ayant  été  élu  évêque  de  Chartres,  et 
s'étant  enfui,  on  élut  et  on  consacra  Avenlin. 
Saint  Solenne  étant  après  cela  sorti  de  sa  re- 
traite, le  peu[ile  le  prit  de  force,  comme  ayant 
été  élu  le  premier,  et  le  fit  ordonner.  Ce  saint 
ne  pouvant  souffrir  l'abaissement  d'Aventin,  le 
fit  évè(|ue  de  Chàteaudun. 

Ce  fut  en  la  même  année,  selon  le  même 
annaliste,  que  saint  Remy  fonda  l'évêché  de 
Laon,  et  y  ordonna  Génebaud,  qui  avait  épousé 
sa  nièce,  et  qui  vivait  alors  dans  le  célibat  et  la 
retraite. 

En  523  les  Visigoths  s'étant  rendus  maîtres 
de  Rodez  et  de  la  plus  grande  partie  du 
Rouergue  ;  le  roi  Thierry,  fils  du  grand  Clovis, 
fit  ériger  Arisite  en  évêché,  et  lui  soumit  tout 
ce  qu'il  possédait  encore  du  Rouergue,  ne  vou- 
lant pas  soutîiir  que  les  paroisses  de  son  do- 
maine relevassent  d'un  évêché  sujet  aux  Visi- 
goths (Greg.  Turon.,  l.  v,  c.  5).  Cet  évêché  dura 
encore  plus  de  cent  ans,  même  après  que 
Rodez  eût  été  repris  sur  les  Golhs.  Mais  enfin 
l'évêque  de  Rodez  se  fit  restituer  ce  qu'on  avait 
démembré  de  son  évêché,  ce  qui  ne  se  pouvait 


DES  ÉVÉQUES  ET  DES  ÉVÉCIIÉS  NOUVEAUX. 


305 


faire  sans  éteindre  l'évèché  d'Arisite  (Le  Cointe, 
ad  aniitim  5(i9). 

Eh  531,  siiiil  Mi'dard,  évè(iue  de  Verman- 
dois,  voyant  sa  ville  ruinée  et  menacée  par  de 
nouvelles  incursions  des  païens,  transféra  son 
siège  à  Noyon,  selon  l'auteur  de  sa  vie  (Surius, 
die.  8.  Junii). 

En  53-2,  le  même  saint  Médardfutéluévèque 
de  Tournay,  après  la  mort  d'Eleullière,  qui  en 
était  évèque,  et  depuis,  pendant  l'espace  de  plus 
de  six  cents  ans,  ce  fut  toujours  le  même  évèque 
qui  gouverna  ces  deux  évêchés ,  sans  que  les 
deux  cathédrales  perdissent  rien  de  leur  préé- 
minence. Celte  union  de  deux  évêchés  sans 
les  confondre  se  fit,  selon  l'auteur  de  la  vie  de 
saint  Médard,  par  l'autorité  du  métropolitain  et 
des  évéques  de  la  province,  avec  le  consente- 
ment du  roi  et  des  seigneurs,  avec  l'applaudis- 
sement des  peuples.  «  Pontificali  metro[)olitani 
et  comprovincialium  autorit.ite,  régis  et  pro- 
cerum  assensu,  plebis  acclamatione.  » 

11  est  juste  de  croire  que  la  translation  de 
révêché  de  Yermandois  à  Noyon,  et  l'érection 
des  évêchés  dont  nous  venons  de  parler,  se 
faisait  de  la  même  manière ,  quoique  nous 
n'ayons  pas  toujours  des  auteurs  qui  aient  re- 
marqué ce  détail.  Cependant  il  n'est  point  parlé 
en  tout  cela  de  l'intervention  du  pape. 

Nos  rois  étaient  certainement  les  principaux 
promoteurs  de  l'éreclion  des  nouveaux  évê- 
chés par  des  intérêts  qui  regardaient  la  con- 
servation de  l'Etat.  La  métropole  de  Sens  obéis- 
sait au  roi  Théodebert  ;  Melun  était  dans  le 
partage  de  Childebert  son  oncle  :  c'est  ce  qui 
poussa  Childebert  à  demander  un  nouvel  évé- 
clié  à  Melun.  Chartres  était  sous  la  domination 
de  Chilpéric,  et  Chàteaudun  sous  celle  de  Sige- 
bert,  qui  travailla  à  y  faire  ériger  un  évèché. 
Clotaire  II  ayant  recueilli  la  succession  entière 
de  la  monarchie  française,  le  concile  de  Paris 
assemblé  eu  614,  déclara  que  les  changements 
qui  se  faisaient  dans  les  partages  de  l'Etat  ne 
devaient  rien  changer  dans  les  distributions 
des  évêchés  et  des  métropoles  (Le  Cointe ,  ad 
an.  614,  n.  28,  can.  ix).  Rien  n'était  plus  juste, 
puisque  c'était  la  même  famille  royale  et  la 
même  nation  française. 

Grégoire  de  Tours  parle  encore  de  l'évèché 
de  Tonnerre,  érigé  par  le  roi  Sigeberl,  et  de  celui 
du  château  de  belle  en  Poitou  (L.  v,  c.  5;  1.  iv, 
G.  18).  Mais  les  évèques  n'ayant  pas  concouru, 
ces  tentatives  demeurèrent  sans  suite  et  sans 
effet.  Au  concile  de  Châlons,  en  650,  souscrivit 

Th.  —  Tome  1. 


Betto  ,  évèque  de  Lillebonne,  «Jnliobona,» 
dans  le  pays  de  Cau.\.  Mais  on  ne  sait  ni  le 
commencement,  ni  la  fin  de  cet  évêché. 

III.  Le  pa[)e  Grégoire  II  ordonna  Boniface, 
évèque  de  Germanie,  pour  y  prêcher  l'Evangile 
aux  infiilèles  (Greg.  H.  Epist.  i,  ii)  ,  et  en  écri- 
vit en  même  temps  à  Charles,  maire  du  palais 
des  rois  de  France ,  qui  flt  savoir  en  même 
temps  à  tous  les  évèques  a  Apostolicis  in 
Christo  episcopis,  »  et  à  tous  les  ducs ,  comtes 
ou  gouverneurs,  qu'il  avait  pris  Boniface  sous 
sa  protection  :  «  Apostolicus  vir,  in  Ciiristo 
Pater  Bonifacius  episcopus,  ad  nos  venit ,  et 
nobis  suggessit  quod  sub  nostro  Mundebiirdio 
vel  defensione  eum  recipere  deberemus  (  An. 
7-23.  Conc.  Gallic.  Tom.  i). 

Cette  protection  fut  nécessaire  au  nouvel 
évèque  contre  un  ancien  évèque  des  mêmes 
lieux ,  qui  voulait  avoir  part  aux  conquêtes  de 
ce  nouvel  apôtre  et  dominer  sur  des  nations 
qu'il  avait  si  longtemps  et  si  honteusement  né- 
gligées. Voici  ce  qu'en  écrivit  ce  pape  à  Boni- 
face  (Greg.  II.  Epist.  vni,  etc.)  :  «  Pro  episcopo 
illo  qui  nunc  usque  desidia  quadam  in  eadem 
génie  prœdicationis  verbum  disseminare  ne- 
glexerat ,  et  nunc  sibi  partem  ,  quasi  in  paro- 
chiam  défendit,  Carolo  excellentissimo  filio 
nostro  patricio  scripsimus,  et  credimus  quod 
hoc  vitari  praecipiat.  » 

IV.  Grégoire  111  envoya  le  pallium  à  Boniface 
avec  la  qualité  d'archevêque  (An.  738),  et  le 
pouvoir  d'établir  des  évêchés  nouveaux  dans  les 
lieux  considérables ,  pour  ne  pas  avilir  la  di- 
gnité de  l'épiscopat  :  «  Prœcipimus  ut  juxta 
canonum  statuta,  ubi  multitudo  excrevit  fide- 
lium,  ex  vigore  Apostolicae  Sedis  debeas  ordi- 
nare  episcopos ,  pia  tamen  contemplatione,  ut 
non  vilescat  dignitas  episcopatus  (  Epist.  i,  m). 
II  écrivit  aux  seigneurs  et  aux  peuples  de  la 
Germanie  de  recevoir  ces  nouveaux  évèques 
comme  institués  par  l'autorité  apostolique  : 
a  Episcopos  vel  presbyterosquosipse  ordinave- 
rit,  per  apostolicam  sibi  datam  autorilatem  in 
Ecclesiœ  ministerio  recipialis  (Epist.  vi).  » 

Enfin  Boniflace  étant  allé  en  Bavière,  et 
n'ayant  trouvé  qu'un  évèque  que  le  pape  avait 
auparavant  ordonné,  il  y  établit  trois  autres 
évèques ,  partageant  cette  province  en  quatre 
évêchés  avec  le  consentement  du  duc  et  des 
seigneurs ,  ce  que  le  même  pape  confirma. 
«  Cum  consensu  Olilonis  ducis  eorumdem  Ba- 
joariorum,  seu  optimatum  provincioe  illius  très 
alios  ordinasses  episcopos,  et  in  quatuor  paro- 

20 


306       DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-CINQUIÈME. 


chias  provinciam  illam  divisisses,  et  unusquis- 
que  episcopus  suam  habeat  parochiam ,  bene 
et  prudenter  peregisti  (  Baronius,  an.  739  , 
n.  1,  3).  »  Ces  évèchés  furent  Salsbourg,  Fri- 
singue,  Ratisbonne  et  Passau. 

V.  Zacharie  ayant  succédé  à  Grégoire  III,  Bo- 
niface  lui  demanda  la  confirmation  des  trois 
évèchés  nouveaux  qu'il  avait  érigés  en  Alle- 
magne ,  à  AYirsburg ,  à  Buraburg  et  à  Erphes- 
furt  (An.  743).  «  Haec  tria  loca  propria  autori- 
tate  et  charta  Aposlolatus  vestri  roborari  et 
confirmari  postulamus ,  ut  per  autoritatem  et 
pra^ceptum  sancli  Pétri ,  jussionibus  Apostoli- 
cis  fundatae  et  slabilitœ  sint  très  in  Germania 
episcopales  sedes.  »  Ce  pape  confirma  par  sa 
réponse  l'établissement  de  ces  trois  évèchés, 
après  avoir  averti  Boniface  que  les  canons  dé- 
fendaient de  tenir  le  lustre  de  l'épiscopat  en  le 
plaçant  dans  des  lieux  trop  petits  et  mal  peu- 
plés. «  Sacris  canonibus  prœcipimurobservare, 
ut  minime  in  villulas,  vel  in  modicas  civilates 
episcopos  ordinemus  ,  ne  vilescat  nomen  epi- 
scopi  (Tom.  I.  Conc.  Gall.).  b 

Voilà  ce  qui  a  rendu  les  évèchés  si  rares  et  si 
éloignés  dans  les  provinces  qui  ont  été  con- 
quises les  dernières  à  l'Eglise.  Les  jirédicateurs 
évangéli(jues  les  ont  trouvées  toutes  ensevelies 
dans  la  barbarie  aussi  bien  que  dans  l'idolâtrie. 
Ainsi  il  n'y  avait  presque  point  de  villes  raison- 
nables ,  et  on  ne  savait  où  placer  les  sièges 
d'évêché.  Enfin  ce  même  pape  écrivit  à  Bur- 
chard  ,  évêque  de  Virlzburg,  pour  confirmer 
l'érection  de  son  siège  épiscopal ,  et  ordonna 
en  même  temps  qu'il  ne  put  avoir  d'autres  suc- 
cesseurs que  ceux  qui  seraient  ordonnés  par 
son  légat  apostolique  en  Allemagne.  «  Et  nul- 
lus  audeat  ordinare  ei)i?copum ,  nisi  is  qui 
Apostolicœ  nostriP  Sedis  in  illis  partibus  prœ- 
sentaverit  vicem  (Le  Cointe,  an.  742,  n.  12).  » 

Le  même  saint  Boniface  avait  ordonné  évê- 
que d'Aistet  saint  Villibald.  Et  c'est  apparem- 
ment de  ces  évêcbès  qu'il  faut  entendre  le  con- 
cile de  l'an  743  où  le  prince  Carloman  dit  : 
«  Ordinavimus  per  civitates  episcopos,  et  super 
eos  constituinuis  archicpiscopuni  Bonifacium.» 

Mariana  dit  (.\(1  iineam  1.  vi,  c.  14),  qu'un 
concile  général  d'Espagne  érigea  un  nouvel 
évèché  dans  un  faubourg  de  Tolède ,  aux 
pressantes  itistances  du  roi  Vamba  ;  mais 
que  peu  après  cet  évèché  fut  cassé  par  le  con- 
cile XII  de  Tolède,  parce  que  les  canons  ne 
souffrent  ni  des  évèchés  dans  de  petits  lieux, 
in  deux  évèchés  dans  une  même  \ille. 


Ces  érections  d'évèchés  ont  été  rapportées 
un  peu  au  long,  afin  d'y  faire  mieux  remanjuer 
la  nécessité  qu'il  y  a  d'y  faire  intervenir  l'agré- 
ment des  princes,  des  métropolitains,  des  sy- 
nodes provinciaux ,  des  évèques  intéressés  et 
des  papes.  Mais  ces  derniers  établissements  faits 
par  saint  Boniface,  par  saint  Wilbrord ,  par 
saint  Augustin,  par  saint  Corbinien,  et  partant 
d'autres  missionnaires  apostoliques ,  peuvent 
nous  représenter  dans  cet  âge  moyen  la  pein- 
ture véritable  des  premiers  siècles ,  et  nous 
faire  voir  les  premiers  fondements  de  cette  dé- 
pendance singulière  que  les  évèchés  et  les  mé- 
tropoles de  l'Occident  ont  toujours  conservée  à 
l'égard  de  l'Eghse  romaine,  comme  de  leur 
mère  et  de  leur  première  origine. 

II  se  peut  donc  faire  que  Grégoire  de  Tours 
ait  assemblé  en  un  seul  endroit  les  mission- 
naires évangéliques  que  les  premiers  papes 
envoyèrent  en  divers  temps  en  France  (Lib.  i, 
Hist.  c.  3),  quand  il  dit,  sur  la  foi  des  actes  du 
saint  martyr  Saturnin,  que  Catien  fut  envoyé 
à  Tours,  Tropliime  à  Arles,  Paul  à  Narbonne, 
Saturnin  à  Toulouse ,  Denis  à  Paris,  Austre- 
moine  en  Auvergne,  Martial  à  Limoges.  «  Per 
sanctum  stremonium,  qui  et  ipse  a  Romanis 
episcopis  cum  Gatianoepiscopoetreliquisquos 
memoravimus  est  directus,  etc.  (De  Gloria 
Confess.,  c.  xxx).  » 

La  France  et  l'Espagne  ont  été  à  l'égard  de 
la  foi  et  de  l'Eglise  romaine  dans  les  premier, 
second  et  troisième  siècles,  ce  qu'étaient  la 
Germanie  et  l'Angleterre  dans  les  sixième  et 
septième.  Et  comme  nous  voyons  que  ces  évè- 
chés établis  par  Boniface,  par  Wilbrord ,  par 
Augustin ,  par  Corbinien ,  envoyés  du  pape , 
tiraient  leur  origine  de  Rome ,  et  ensuite  se 
conservaient  dans  une  correspondance  singu- 
lière avec  le  Siège  romain,  on  ne  se  trompera 
peut-être  pas  si  l'on  fait  le  même  jugement 
des  établissements  qui  se  firent  dans  les  pre- 
miers siècles. 

VII.  Saint  Prosper  assure  dans  sa  chronique 
que  le  pape  Célestin  envoya  Palladius  pour 
être  évêque  des  Ecossais  ou  Irlandais  nouvelle- 
ment convertis,  a  Ad  Scotos  in  Christum  cre- 
dentes  ordinatus  a  papa  Cœlestino  Palladius 
ejjiscopus  mittilur.  »  11  dit  aussi  que  ce  même 
pape  envoya  saint  Germain,  évêque  d'Auxerre, 
dans  la  Grande-Bretagne,  pour  y  soutenir  la 
foi  catholique  contre  les  pélagiens  en  qualité 
de  légat  apostolique.  «  PapaCœlestinusGerma- 
nuni  Autisiodorensem  vice  sua  mittit,  et  de- 


DES  ÉVÊQUES  ET  DES  ÉVÉCHÉS  NOUVEAUX; 


307 


lurbatis  hœreticis  Britannos  ad  Culholicain 
fldeni  redi^it.  » 

Adon,  évêque  de  Vienne,  dit  de  même  de  l'en- 
voi de  Palladius  en  Irlande.  11  n'oublie  pas  la 
mission  de  Théodore,  archevêque  de  Caiitor- 
béry  en  An^'leterre,  par  le  pape  Vitaiien,  et 
celle  de  Wilbrord  en  Frise,  par  le  pape  Serge, 
où  nous  avons  dit  ci-devant  qu'il  établit  l'évè- 
ché  d'Utrecht,  dépendant  immédiatement  du 
Saint-Siège.  Les  évêques  de  France  étaient  assez 
voisins  de  la  Frise  et  de  l'Allemagne,  et  ceux 
de  la  Grande-Bretagne  de  l'Irlande,  pour  y  aller 
établir  et  étendre  l'empire  de  J.-C.  Mais  ils  y 
travaillaient  avec  tant  de  lenteur,  ou  avec  si 
peu  de  succès  ;  ou  ils  étaient  si  occupés  et  si 
bornés  à  défricher  leurs  propres  diocèses,  que 
la  gloire  de  ces  nouvelles  conquêtes  est  de- 
meurée au  Siège  apostolique. 

N'esl-il  donc  pas  bien  probable'que  quoique 
les  Eglises  orientales  puissent  avoir  jeté  quel- 
que rayon  pour  éclairer  les  provinces  de  l'Oc- 
cident, l'honneur  de  leur  avoir  fait  connaître 
le  Soleil  de  Justice  n'appartient  qu'aux  succes- 
seurs de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  qui  vin- 
rent établir  les  plus  éclatantes  lumières  de  la 
vérité  dans  Rome,  comme  dans  le  propre  trône 
du  prince  des  ténèbres. 

Vlll.  Les  Anglais  ne  furent  pas  moins  per- 
suadés que  les  premiers  commencements  de 
la  foi  et  de  l'èpiscopat  leur  étaient  venus  de 
Rome.  Lucius,  roi  de  la  Grande-Bretagne,  de- 
manda au  pape  Eleulhère  des  prédicateurs  évan- 
géliques.  «  Lucius  Britannorum  rex  misit  ad 
Eleuterium  epistolam,  obsecrans  ut  per  ejus 
mandatum  chrisliauus  efficeretur  (Beda,  hist. 
1. 1,  c.  A).  B  Les  marchands  et  les  simples  fidèles 
par  occasion  ou  par  zèle,  pouvaient  avoir  jeté 
les  premières  semences  de  la  foi,  mais  quand 
il  fallait  former  une  église  et  établir  un  évê- 
que, on  recourait  au  prélat  de  la  plus  connue 
et  la  plus  éclatante  de  toutes  les  Eglises,  comme 
il  paraît  par  ce  que  nous  avons  dit  de  l'Afrique, 
de  l'Ecosse,  de  la  Frise,  de  la  Bavière,  de  l'Alle- 
magne. 

L'apôtre  des  Anglais,  Augustin  (Ibid.  c.  xxv), 
trouva  que  le  roi  de  Kent  y  avait  épousé  Ber- 
the,  princesse  du  sang  royal  de  France ,  avec 
promesse  de  la  laisser  vivre  dans  la  religion 
chrétienne,  avec  l'évêque  qui  l'accompagnait. 
Mais  ni  la  présence  de  cet  évêque  français,  ni 
les  restes  de  l'ancien  christianisme  des  Bretons 
n'empêchèrent  pas  que  saint  Grégoire  pape  et 
sou  légat  saint  Auguslia,  ne  fusstiutles  apôtres 


et  les  pères  de  l'Eglise  anglicane,  et  les  vives 
sources  de  tout  l'èpiscopat  ([ui  y  fut  établi. 
Aussi  le  même  Bède  dit,  que  les  anciens  Bre- 
tons avaient  une  aversion  si  prodigieuse  des 
Anglais,  lors  même  qu'ils  commencèrent  à 
se  convertir,  qu'ils  n'avaient  non  plus  de  com- 
munication avec  eux  qu'avec  des  païens.  «Cum 
usque  ad  hodie  moris  sit  Briltonum,  fidem  re- 
ligionemque  Anglorum  pro  nihilo  habere,  ne- 
que  in  aliquo  magis  eis  communicare,  (juam 
paganis  (L.  u,  c.  20  ;  1.  ii,  c.  4).  »  Il  ajoute 
qu'Augustin  ordonna  de  son  vivant  Laurent 
pour  être  son  successeur,  de  peur  que  son 
siège  ne  demeurât  vacant ,  et  que  cette  nou- 
velle Eglise  ne  se  dissi|iàt.  «  Ne  se  defuncto 
status  Ecclesiœ  tam  rudis,  vel  ad  horam  pas- 
tore  deslitutus,  vacillare  inciperet  (L.  ii,  c.  8).o 
A  Laurent  et  Mellitus  succéda  Juste,  à  qui  le 
pape  Boniface  renouvela  le  pouvoir  d'ordon- 
ner des  évêques.  «  Data  sibi  ordinandi  episco- 
pos  autoritate  a  pontifice  Bonifacio.  »  Ce  qui 
s'entend  de  la  création  de  nouveaux  évêchés, 
conmie  il  paraît  par  la  lettre  de  ce  pape.  Car 
l'ordre  donné  par  le  page  Grégoire  à  Augustin 
d'en  créer  douze  sous  chacune  des  deux  mé- 
tropoles ne  s'exécutait  qu'avec  lenteur  et  à  pro- 
portion qu'on  faisait  entrer  de  nouveaux  peu- 
ples dans  l'Eglise.  Ainsi  l'archevêque  Juste 
ordonna  évêque  Paulin,  pour  accompagner  la 
fille  d'Edelbert,  roi  de  Kent,  qui  allait  épouser 
Eduin,  roi  de  Northumberland,  et  pour  former 
en  même  temps  une  nouvelle  Eglise  dans  ce 
pays  barbare  (Ibid,  c.  ix).  Le  roi  Eduin  se  con- 
vertit enfin  aussi  lui-même,  fut  baptisé  à  York 
par  Paulin,  auquel  il  assigna  cette  ville  pour 
être  son  siège  épiscopal.  «  In  qua  etiam  civitate 
ipsi  doctori  atque  anlistiti  suo  Paulino  sedein 
episcopatus  donavit  (Ibid.  c.  xiv). 

Les  papes  ne  laissaient  pas  d'envoyer  de 
temps  en  temps  de  nouveaux  prédicateurs  en 
Angleterre.  Le  Pape  Honorius  envoya  l'évêtjue 
Byrinus,  pour  y  porter  la  lumière  de  la  foi 
dans  les  pays  les  plus  reculés  oii  elle  n'avait 
point  encore  brillé.  Aussi  les  rois  d'Angleterre 
recouraient  souvent  à  Rome  pour  en  faire  cou- 
ler en  leurs  Eglises  les  plus  purs  ruisseaux 
de  la  discipline  de  l'Eglise  (L.  m,  c.  7;  l.  m, 
c.  29).  Car  une  partie  des  Bretons  étant  en- 
core dans  des  pratiques  hétérodoxes  touchant 
la  Pàque,  Egbert,  roi  de  Kent,  et  Osuvi,  roi  de 
Northumberland,  étant  bien  convaincus  que  l'E- 
glise de  Rome  était  le  centre  de  la  catholicité  : 
a  Quia  Romana  esset  Catholica  et  Aposlolica 


308       DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-CINQUIÈME. 


Ecclesia,  »  envoyèrent  un  de  leurs  prêtres  à 
Rome  afin  que  le  pape  ronlonnât  archevêque, 
et  qu'êlant  de  retour  en  Angleterre  il  y  pût  or- 
donner des  évêques  à  toutes  les  Eglises  catlio- 
li(iues.  o  Presbyterum  Vighardum  Romam 
miseront,  antistilem  ordinandum ,  quateuus 
accepto  gradu  archiepiscopalus,  catholicis  per 
omnem  Britanniam  Ecclesiis  Anglorum  ordi- 
nare  posset  antistites.  » 

Ce  fut  alors  qu'on  envoya  de  Rome  en  Angks- 
terre  l'archevêque  Théodore  (L.  iv,  c.  1,  2). 
Bède  dit  que  ce  savant  archevêque  fit  naître 
comme  un  siècle  d'or  à  toute  l'Eglise  d'Angle- 
terre qui  reçut  de  lui  des  évêques  :  «  Universa 
perlustratis,  ordinabiit  locis  opportunis  episco- 
pos,  B  et  toute  la  discipline  canonique  de  l'E- 
glise romaine,  a  Ego  Theodorus  ab  Apostoiica 
Sede  delegatus  Dorovernensis  Ecclesiœ  episco- 
pus,  etc.  Protuli  librum  canonum,  etc.  (L.  iv, 
c.  S).  » 

Je  ne  dirai  rien  de  tant  de  changements  d'é- 
vêchés  qui  se  firent  en  Angleterre.  En  voilà 
assez  pour  demeurer  convaincus  :  l"  que  ces 
nouvelles  colonies  de  l'épiscopat  catholique  ont 
pris  naissance  de  l'Eglise  de  Rome  ;  2°  qu'elles 
en  ont  emprunté  de  temps  en  temps  une  nou- 
velle vigueur;  3°  qu'elles  ont  agi  durant  quel- 
ques siècles  avec  une  correspondance  toute 
particulière  avec  elle;  4°  enfin  que  les  rois  ont 
concouru  avec  les  papes,  les  légats  et  les  mé- 
tropolitains, à  établir  les  évêchés,  les  Eglises 
et  leur  discipline  ,  comme  étant  intéressés  par 
leur  dignité  royale,  aussi  bien  que  les  évc<jues 
par  la  sacerdotale  ,  à  établir  l'empire  de  J.-C, 
qui  est  le  roi  éternel  et  le  souverain  prêlre. 

IX.  Toutes  ces  vérités  sont  encore  clairement 
confirmées  par  ce  passage  de  Bède  (Beda,  hist. 
1.  V,  c.  12),  où  il  dit  que  le  prince  Pépin  envoya 
AVilbrord  à  Rome  pour  y  recevoir  mission  du 
pape  Serge ,  et  être  consacré  archevêque  ,  afin 
d'aller  convertir  les  Frisons,  où  Pépin  lui  donna 
Utrecht  pour  y  établir  son  trône  épiscopal. 
u  Postquam  per  annos  aliquot  in  Frisia  docue- 
runt,  misit  Pipinus  favente  omnium  consensu 
Wilbrordum  Romam,  postulans  ut  eidem  Fri- 
sonum  genti  archiepisco]>usordinaretur.  Quod 
ita  ut  petierat  impletum  est.  Donavit  ei  Pipi- 
nus locunv  cathedrœ  episcopalis  in  castello 
Willorum,  quod  lingua  gallica  Trajectum  vo- 
caliir  (An.  69(i  ;  Beda,  l.  ni.  c.  7).  » 

X.  Voici  encore  quelques  observations  qui 
ne  sont  pas  à  négliger  (L.  n,  epist.  xi).  Le  pape 
saint  Grégoire  fit  des  unions  d'évèchés,  et  des 


translations  du  siège  épiscopal  d'une  ville  en 
une  aulre,  selon  les  besoins  de  l'Eglise.  Saint 
Médard,  nouvellement  élu  évêque  de  Saint- 
Quentin  en  Vermandois,  voyant  sa  ville  pres- 
que détruite  par  les  incursions  des  païens,  en 
transféra  le  siège  à  Noyon,  avec  l'agrément  du 
roi  et  des  évêques  (Surins,  Junii  8). 

XL  Le  même  saint  Grégoire  renouvela  le  dé- 
cret de  son  prédécesseur,  qui  avait  exempté 
Adrien,  évêque  de  Thébes,  de  la  juridiction  de 
révê(|ue  de  Larisse,  son  métropolitain.  Mais  ce 
privilège  ne  fut  que  personnel,  étant  fondé  sur 
les  injustices  et  les  violences  de  ce  métropoli- 
tain à  l'égard  de  son  sufTragant  (L.  ii,  ep.  vu). 

Je  ne  voudrais  pas  garantir  que  ce  fut  au 
temps  du  roi  Vamba  que  les  papes  accordèrent 
la  même  exemption  à  l'évêché  de  Léon  en  Es- 
pagne, comme  il  est  porté  dans  un  manuscrit 
donné  par  Garcias  Loaisa,  et  qui  se  trouve  dans 
l'édition  des  conciles,  après  le  concile  de  Lugo: 
0  Legio  quam  condiderunt  romanae  legiones, 
quae  antiquitus  fuit  Flos  vocata  et  per  Roma- 
num  papam  gaudet  perpétua  libertate  et  extat 
sedes  regia,  atque  alicui  metropoli  nunquam 
fuit  subdita.  » 

Saint  Grégoire  ne  parlait  que  dans  une  sup- 
position imaginaire ,  quand  il  dit  que  si  un 
évêque  d'Espagne  n'avait  eu  ni  métropolitain, 
ni  patriarche  au-dessus  de  lui,  il  aurait  toujours 
pu  être  jugé  par  le  pape  (L.  ii,  ep.  lvi).  o  Si 
dictum  fuerit,  quia  nec  metropolitam  habuit, 
nec  patriarcham,  dicendum  est,  quia  a  Sede 
Apostoiica,  quae  omnium  Ecclesiarum  caput 
est,  causa  hœc  audienda  et  dirimenda  fuerat, 
sicut  et  prœJictus  episcopus  petiisse  dignosci- 
tur.  » 

XII.  Il  est  bien  certain  que  le  pape  saint  Gré- 
goire n'aurait  pas  accordé  un  semblable  privi- 
lège d'exemption  à  un  évêipie,  puisque  le  con- 
cile de  Nicée  donnant  à  révêi|ue  de  Jérusalem 
le  premier  rang  après  les  trois  premiers  évêques 
du  monde,  ne  l'exempta  pourtant  pas  de  la  ju- 
ridiction du  métropolitain  de  Césarée  en  Pa- 
lestine ,  et  puisque  le  même  pape  Grégoire 
souhaitant  avec  passion  de  favoriser  l'évêque 
d'Autun,  que  les  rois  de  France  lui  avaient  re- 
commandé avec  des  instances  extrêmes,  et  lui 
envoyant  même  le  pallium  qui  ne  se  donnait 
pas  encore  même  à  tous  les  métropolitains,  ne 
le  retira  pas  néanmoins  de  l'obéissance  de  son 
métropolitain,  mais  lui  donna  seulement  le 
premier  rang  entre  les  évêcpies  de  sa  province, 
entre  lesquels  après  lui  l'ordre  de  l'ordination 


DES  ÉVÊQUES  ET  DES  ÉVÉCHÉS  NOUVEAUX, 


309 


devait  être  frardo  :  o  Ut  ciim  usu  pallii  aliqua 
simul  larj;iii  privilégia  dul)eamus,  etc.  (L.  vu, 
f|).  cxiii).  Hoc  |iers|iexiiiuis  concudciulmn,  ut 
.UctropoliUi'  suo  peromnia  loco  et  lioiiore  ser- 
valo,  Ecclesia  Atij;iislana  post  Liigdiinensein 
Ecclesiam  esse  debeat,  et  liunc  silii  Idciim  et 
ordinem,  ex  iioslne  autoritalis  iiidulgentia 
vind Icare.  » 

Je  n'ai  pas  oublié  ce  qui  a  été  rapporté  ci- 
dessus  de  la  lettre  de  saint  Boniface,  où  il  dit 
que  l'évèché  d'Utreclit  a  été  déclaré  par  les  papes 
exempt  de  la  juridiction  du  métropolitain  de 
Colo^Mie,  et  immédiatement  sujet  au  Saint-Siège. 
Mais  il  ne  faut  pas  non  plus  oublier  que  Bède 
vient  de  nous  apprendre  que  le  pape,  sollicité 
par  le  prince  Pépin,  créa  Wilbrord  archevêque 
d'Utrechl.  Voilà  comment  il  fut  exempté. 

XIII.  Quant  aux  évèchés  des  nouvelles  colo- 
nies chrétiennes,  comme  les  conciles  d'Afri(|ue 
avaient  résolu  que  l'évèque  serait  maintenu 
dans  la  possession  des  Eglises  qu'il  aurait  atti- 
rées dans  l'unité  catholique  (Conc.  African., 
c.  Lxxxvr,  Lxxxviu),  et  dont  il  aurait  eu  une 
possession  paisible  durant  trois  ans  (Milev.  Il, 
c.  xxiv),  et  comme  ils  avaient  même  permis  aux 
évèqnesd'aller  conquérirà  l'Eglise  et  incorporer 
à  leur  évèché  les  lieux  qui  seraient  négligés  par 
leurs  propres  évèques,  six  mois  après  en  avoir  été 
avertis,  il  est  bien  aisé  d'inférer  de  là  que  tous 
les  évèques  des  frontières  de  l'Eglise  sont  dans 
im  droit  bien  plus  incontestable  d'accroître 
leurs  diocèses  ou  leurs  métropoles  par  de  nou- 
velles conquêtes  sur  les  pays  barbares  et  sur 
les  nations  idolâtres. 

Aussi  saint  Grégoire  protesta  aux  rois  de 
France  Théodoric  et  Théodebert  qu'il  n'avait 
envoyé  des  missionnaires  et  des  évoques  en 
Angleterre  que  parce  que  les  évèques  de 
France  négligeaient  cette  riche  moisson:  «Per- 
venit  ad  nos  Anglorum  gentem  ad  fidem  Chris- 
tianam  Deo  miserante  desideranter  velle  con- 
verti, sed  sacerdoles  vestrose  vicino  negligere, 
et  desideria  eorum  cessare  sua  adborlatione 
succendere  (L.  v,  ep.  lvui,  lix).  »  Et  dans  sa 
lettre  à  la  reine  Brunehaut  :  «  Inditamus  ad 
nos  pcrvenisse  Anglorum  gentem  velle  ficri 
Chrislianam,  sed  sacerdotes  qui  iu  vicino  sunt, 
pastoraleniergaeossollicitudinemnonhabere.» 

XIV.  Nous  avons  dit  ci-devant  que  saint 
Athanase  envoya  Frumentiusaux  Indes,  l'ayant 
ordonné  évêque  (Can.  ii];  que  saint  Chry?o- 
st(<me  donna  Willam  aux  Golhs  (Can.  xxvin  . 
Le  concile  de  Conslantinople  et  celui  de  Cal- 


cédoine donnèrent  à  l'évèque  de  Conslantinople 
le  pouvoir  d'ordonner  des  évèques  pour  les 
nations  barbares,  moins  peut-être  pour  suppléer 
au  tlèfaut  d'évêques  dans  ces  pays  éloignés,  que 
pour  mieux  assurer  les  droits  du  patriarcat  à 
l'évèque  de  Conftantino[ile.  Juvénal,  évêque 
de  Jérusalem,  donna  le  (iremier  évêque  aux 
Sarrasins,  comme  le  dit  Cyrille  dans  la  vie  du 
grand  Euthyme  (Baron,  an.  lo'23,  n.  27). 

L'évèque  d'Alexandrie  envoya  un  évêque 
aux  Homérites  dans  l'Arabie  ,  qui  s'étaient 
convertis  avec  kair  roi  Elesbaan.  Mais  tout  cela 
n'empêche  pas  que  la  longue  révolution  des 
siècles  n'ait  enfin  fait  reserver  au  pape  ce  pou- 
voir d'établir  de  nouveaux  évèchés;  non  qu'ils 
se  soient  eux-mêmes  réservé  ce  droit,  par  un 
dessein  formé  d'accroître  leur  puissance ,  ou 
de  diminuer  celle  de  leurs  frères  les  autres  évè- 
ques, mais  cela  est  arrivé,  ou  par  la  négligence 
des  autres  évê(|ues  ,  ou  par  leur  déférence 
envers  le  Samt-Siége,  ou  par  la  plus  grande 
confiance  des  princes,  ou  par  le  plus  fréquent 
recours  des  i)euples  aux  successeurs  de  saint 
Pierre,  ou  par  leur  zèle  extraordinaire  pour  la 
foi  ;  ou  plutôt  par  la  divine  conduite  de  la  Pro- 
vidence, et  par  le  même  Esprit  de  celui  qui  for- 
mant son  Eglise,  et  lui  donnant  un  chef,  et 
donnant  à  ce  chef  la  vertu  aussi  bien  que  le 
conunandemcnt  de  confirmer  et  d'encourager 
ses  frères,  fit  par  la  bouche  de  ce  chef  les  i)re- 
mières  et  les  plus  nombreuses  conversions  des 
peuples  qui  remplirent  l'Eglise,  et  montra  par 
ces  commencements  ce  qu'il  fallait  attendre  de 
ses  progrès. 

Voilà  ce  qui  a  peu  à  peu  fait  remonter  tout 
ce  pouvoir  aux  successeurs  de  Pierre,  à  qui  il 
n'a  été  réservé  par  une  loi  écrite  qu'après  que 
le  long  usage  et  la  coutume  de  plusieurs  siècles 
le  lui  avait  abandonné.  lia  as«ez  paru  ci-devant 
que  ni  saint  Grégoire,  ni  Grégoire  II,  ni  Gré- 
goire 111,  ni  Serge,  ni  Zacharie  ne  s'étaient 
nullement  réservé  ce  droit,  cependant  ils  l'ont 
presqu'eux  seuls  exercé. 

La  disposition  des  choses  humaines  est  telle, 
que  le  droit  demeure  réservé  et  dévolu  à  celui 
à  qui  les  autres  en  abandonnent  les  soins,  ks 
charges,  les  fonctions  durant  un  très-long  es- 
pace de  temps.  Car  si  les  égaux  prescrivent 
contre  leurs  égaux,  à  plus  forte  raison  le  droit 
des  inférieurs  étant  négligé  ou  cédé  par  eux, 
demeure  prescrit  et  dévolu  à  leur  supérieur. 
Yoilà  la  manière  dont  les  prescriptions  ou  ks 
réserves  se  sont  faites  au  Saint-Siège,  sans  que 


310         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIÈME. 


ni  les  papes,  ni  peut-être  les  autres  évoques 
eussent  tormé  le  dessein,  ou  de  se  réserver  ces 
droits,  ou  de  les  négliger.  La  suite  des  siècles 
et  le  long  usage  ont  fait  imperceptiblement  ce 
qu'on  n'a  aperçu  qu'après  qu'il  a  été  fuit,  et 
qu'il  n'a  plus  été  temps  de  le  défaire. 

XV.  Nous  avons  déjà  dit  que  ce  sont  comme 
des  rivières  qui  après  une  longue  course  ren- 
trent dans  la  mer,  à  qui  elles  doivent  leur  ori- 
gine. Le  pape  Agapet  écrivant  à  l'évcquc  de 
Jérusalem  du  patriarche  Ménas^  qu'il  avait  or- 
donné à  Constantinople,  assure  qu'il  est  tout 
semblable  à  ces  premiers  évêques  que  saint 
Pierre  y  avait  autrefois  ordonnés.  «  Ut  illis  ipse 
similis  esse  videatur,  qiios  in  his  quandoque 
partibus    ipsius    Apostolorum    primi    electio 


ordinavit  (Conc.  Const.  sub  Mena,  act.  1).  » 

Saint  Grégoire  le  Grand  (L.  vu,  ep.  xxxii), 
à  qui  la  qualité  de  grand  semble  avoir  été  firin- 
cipalement  acquise  par  l'excès  de  son  luunililo, 
faisant  réponse  aux  lettres  de  Domini(iui',  ar- 
chevêque de  Carthage  ,  lui  témoigne  de  la  joie 
de  ce  qu'en  s'adressant  au  Siège  de  saint  Pierre, 
il  s'est  comme  réuni  à  la  première  origine  d'dù 
le  sacerdoce  de  toute  l'Afrique  est  émané 
(Epist.  i).  «  Scientes  unde  in  Africanis  iiarlibns 
sumpserit  ordinatio  sacerdotalis  exordium  , 
laudabiliter  agitis,  quod  Sedem  Apostolicam 
diligendo  ,  ad  officii  vestri  originem  ,  prudenti 
recordatione  recurrifis,  et  probabili  in  ejus  af- 
feclumconstantia  permanetis.  »  Innocent  1"  en 
avait  autant  écrit  à  un  évêque  d'Italie. 


CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIEME. 

DES  ÉVÊQCES  ET  DE   L'ÉTABLISSEMENT  DES  NOIVEAUX  ÉVÊCHÉS   SOUS  l'eMPIRE    DE    CHARLEMAGNE 

ET  SES  SUCCESSEURS. 


I.  Les  Grecs  et  les  Latins  conviennent  qne  les  évêques  ont  la 
pleine  iiuissance  des  clefs,  cnminc  étant  les  successeurs  des  apô- 
tres et  de  saint  Pierre  même  dans  leur  évèclié. 

II.  Suite  du  même  sujet.  Le  pouvoir  d'excommunier  propre 
aux  évêques. 

III.  L'épiscopat  renferme  toutes  les  dignités  et  tous  les  pou- 
voirs ecclésiastiques. 

IV.  Les  évêques  ont  pu  ériger  autrefois  des  évêchés. 

V.  L'usage  de  recourir  au  pape  pour  cela  s'est  iTitroduit  en 
partie  par  les  métropoles  et  les  évèchés,  qu'il  a  fallu  ériger 
dans  les  nouvelles  conquêtes  de  l'Eglise. 

VI.  La  lâcheté  des  Grecs  transféra  tout  ce  pouvoir  aux  empe- 
reurs, aussi  bien  que  celui  de  transftrer  les  métropoles  et  les 
évêchés  d'un  lieu  en  un  autre.  Pourquoi  nous  anticipons  un 
peu  le  temps  de  la  discipline  des  Grecs. 

VU.  Divers  exemples  des  missions  dans  les  pays  des  infidèles, 
sous  l'autorité  des  papes.  D'où  s'ensuivait  l'érection  des  évêchés 
par  ses  légats. 

VIII.  Des  évêchés  et  des  métropoles  d'Hambourg,  de  Brème, 
et  de  plusieurs  autres  en  Danemark  et  en  Suède.  L'autorité  de 
l'Eglise  prédominait  dans  ces  érections  d'évêchés  nouveaux. 

IX.  Les  patriarches  orientaux  avaient  ce  même  droit,  mais 
leur  zèle  n'était  pas  si  ardent. 

I.  Les  Grecs  et  les  Latins  convenaient  égale- 
ment de  la  plénitude  de  puissance  qui  réside 
dans  les  évêques,  comme  dans  les  sources  pri- 
mitives du  sacerdoce.  Balsaiiion  dit  que  les 


évêques  ont  succédé  aux  apôtres,  qui  avaitnt 
reçu  de  J.-C.  la  plénitude  du  Saint-Esprit,  et  la 
puissance  d'effacer  les  péchés.  «  In  ligura  dis- 
cipulorum  Domini,  duodecim  scilicet  Aposto- 
lorum, (]ui  ctiam  Spiritus  gratiain  acceperunt 
ut  ligarent  et  solverent,  promoti  suntuniuscu- 
jusque  regionis  episcopi  (In  Can.  xiv,  Conc. 
Neocœsar.).  » 

Il  conclut  de  là,  que  ni  les  soixante-dix  disci- 
ples, ni  les  chorévêques  qui  leur  avaient  succé- 
dé, n'avaient  pas  par  eu.v-mêmes  ce  pouvoir  ad- 
mirable de  remettre  les  péchés,  ni  d'ordonner, 
parce  que  cette  abondance  du  Saint-Esprit,  qui 
est  propre  aux  évoques,  ne  leur  a  pas  été  com- 
muniquée. «  Non  habebant  potestatem  dimit- 
tendi  peccata,  ut  qui  neque  Spiritus  gratiam 
accepissent,  etc.  Quamobrem  nec  possuntqui- 
dem  presbytères  vel  diaconos  ordinare,  sed  nec 
peccata  dimittere,  quemadmodum  necSeptua- 
giuta.  » 

Enfin,  il  tire  encore  cette  conséquence  avec 
bien  plus  de  raison,  que  si  les  chorévêques ,  qui 


DES  ÉVÉQUES  ET  DE  L'ÉTABLISSI'.MENT  DES  ÉVÉCllÉS. 


311 


Font  au-dessus  des  prêtres  ne  peuvent  pas  re- 
niellie  les  péchés,  puisque  le  concile  de  Néocé- 
sarée  leur  permet  seulement  de  sacrifier  et 
de  prendre  soin  des  pauvres  ;  les  prêtres  peuvent 
encore  bien  moins  prétendre  à  l'autorité  de  re- 
mettre les  péchés,  et  ne  doivent  jamais  s'ingérer 
dans  l'exercice  de  cette  souveraine  puissance, 
sans  la  permission  des  évêques.  «  Nota  ex  prœ- 
senti  canone,  quod  sacerdotes  non  possunt  pec- 
catorum  confessiones  excii)ere,  et  peccala  re- 
mittere,  nisi  ea  ab  episcopo  illis  concessa  fuerint, 
quandoquidem  nec  hoc  possunt  chorepiscopi, 
qui  plura  habent  privilégia  quam  sacerdotes.  » 

II.  Zonare  reconnaît  aussi  que  c'est  aux  évê- 
ques seuls  qua  été  réservée  cette  suprême  et 
étonnante  puissance  de  lier  et  de  délier  ,  c'est- 
à-dire  de  frapper  et  d'absoudre  de  l'anathème, 
et  que  les  prêtres  et  les  diacres  n'y  ont  de  part, 
qu'autant  qu'il  plaît  aux  évêques  de  leur  en 
donner.  Mais  il  nous  fait  remarquer  en  même 
temps  que  ces  prêtres,  dont  les  anciens  canons 
limitent  ainsi  les  pouvoirs,  sont  les  curés  et  les 
recteurs  des  paroisses.  Cela  est  évident  dans 
la  personne  des  chorévêques ,  dont  Balsanion 
vient  de  nous  parler.  Car  c'étaient  les  doyens 
ruraux. 

Cela  n'est  pas  moins  clair  dans  les  paroles  de 
Zonare  (In  Canon,  xxxviu).  «  Presbyteris  et 
diaconis  qui  sub  episcopis  per  singulas  regiones 
dant  operam  sacris,  a  seipsis  quid  agere  non 
est  coucessum  ;  veluti  mulctare,  et  ab  Ecclesia 
repellere  qiios  volunt,  statimque  vel  sententiam 
dictam  laxare,  vel  minuere,  vel  mtendere. 
Pontificalis  enim  sunt  ista  potestatis.  Ac  nisi  de 
gratia  et  per  indulgentiam  acceperint  ab  epi- 
scopo, taie  quid  facere  non  est  eis  permissum.  » 

Enfin,  rien  n'est  plus  évident  dans  l'ancienne 
discipline,  où  cette  autorité  est  ordinairement 
réservée  aux  évêques,  et  c'en  est  encore  un 
vestige  dans  la  nouvelle,  que  les  curés  ne  peu- 
vent excommunier,  ou  délier  les  excommuni- 
cations de  leur  propre  autorité. 

En  effet,  c'est  à  Pierre ,  comme  chargé  de  la 
personne  et  de  la  représentation  sacrée  de  tout 
répiscopat,  que  J.-C.  a  donné  les  clefs  de  la 
puissance  spirituelle.  «  Oratio  fiebat  sine  inter- 
missione  ad  Deum  pro  Petro,  id  est,  pro  omni 
spiscoporum  choro,  »  dit  un  évêque  dans  le 
concile  III  de  Soissons  (Anno  866,  tom.  ii, 
Conc.  Gall.,  p.  293). 

L'empereur  Charlemagne  croyait  qu'on  ne 
pouvait ,  sans  ébranler  les  fondements  mêmes 
de  l'empire,  perdre  le  respect  dû  aux  évêques. 


qui  ont  tous  succédé  à  l'éminence  suprême  et 
à  la  plénitude  des  pouvoirs  siiirituels  de  saint 
Pierre.  «  Priecipimusatque  jubemus,  ne  forte, 
quod  absit,  aii(|uis  circa  episcopos  leviter  ;iMt 
graviter  agat.  Quod  ad  [«Ticulum  totius  imperii 
nostri  pertinet.  Et  ut  omnes  cognoscant  no- 
men,  potestatem,  vigorem  et  dignitatem  sacer- 
dolalem.  Quod  ex  verbis  Domini  facile  intel- 
ligi  potest,  quibus  beato  Petro ,  ciijus  viceni 
episcopi  gerunt,  ait  :  Qiiodcumqtie  ligivoris, 
etc.  Et  alibi  discipulis  generaliter  :  Accipilo 
Spiritum  sanctum,  etc.  (Capit.  Car.  iM.,  1.  ix,  vi 
CLXin).  )) 

Les  évêques  du  concile  de  Pisté  se  croyaient 
bien  revêtus  de  l'autorité  et  de  la  succession 
de  Pierre,  quand  ils  parlaient  en  ces  termes 
(In  Conventu  Pist.,  an.  869)  «  Secundum  au- 
toritatem ,  quam  in  B.  Petro  accepimus,  di- 
cente  Domino  :  Quodcnmque  ligaveris.  »  Et 
Jonas,  évêque  d'Orléans  (Jonas,  de  institutione 
regia,  c.  n)  :  «  Qtialis  sit  potestas  et  autoritas 
sacerdotalis,  ex  verbis  Domini  facile  animad- 
vertitur,  quibus  beato  Petro,  cujusviceiu  in- 
digne gerimus ,  ait  :  Quodcumque  ligaveris 
super  terram,  etc.  »  Et  l'archevêque  de  Reims 
Hincmar  Hincm.,  t.  ii,  pag.  738)  :  a  Beatus 
Petrus  apostolus,  cujus  vice  in  Ecclesia  fuu- 
guntur  episcopi.  » 

Ce  savant  évêque  ne  faisait  pas  difficulté 
d'appeler  tous  les  évêques  vicaires  de  saint 
Pierre  et  successeurs  de  sa  puissance  sacer- 
dotale, puisqu'il  les  f  lisait  aussi  vicaires  de  J.-C. 
a  Et  nos  licet  peccatores,  in  terra  episcopi,  et 
Christi  vicarii,  atque  Apostolorum  successores 
in  terra,  ejus  virtute  et  ministerio  divino  pro- 
sequinmr,  etc.  'Idem.,  tom.  n,  p.  196).  » 

III.  De  celte  surabondante  plénitude  de  la 
puissance  spirituelle,  qui  est  comme  l'essence 
et  le  propre  caractère  de  l'épiscopat,  Hincmar 
concluait  que  tous  les  autres  ordres  et  tous  les 
dillérents  degrés  de  l'autorité  et  de  la  magis- 
trature sacerdotale  étaient  compris  dans  ré|)is- 
copat.  «  In  episcopis  enim,  ut  B.  Ambrosius 
dicit,  omnes  ordines  sunt,  quia  primus  sacer- 
dos  est,  hoc  est,  princeps  sacerdotum,  et  pro- 
pheta,  et  evangelista,  et  Ccxterorum,  ministro- 
rum  in  se  officia  continens,  ad  implenda  ea  in 
ministerio  fidelium.  » 

IV.  Aussi,  pour  la  création  même  des  nou- 
veaux évêchés,  Hincmar  croyait  que  la  seule 
autorité  des  évêques  avait  été  autrefois  suffi- 
sante. 11  assure  que  saint  Rémi  fonda  l'évêché 
de  Laon,  en  retranchant  une  partie  de  son  dio- 


312  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIÈME. 


cèse  (Tom.  ii,p.  43i).  «  Ibidem  ordinavit  epi- 
scopum,etrebusecclesiasticis,idemepiscopium 
sufficienter  ditavit.  »  Il  ajoute  que  ce  fut  de  la 
même  manière  que  saint  Pierre  fonda  autrefois 
les  évêchés  d'Antioche  et  d'Alexandrie.  Le  con- 
cile de  Francfort  supposait  apparemment  que 
ce  même  pouvoir  résidait  encore  dans  les  évê- 
ques  et  dans  les  synodes  particuliers  quand  il 
défendit  de  créer  des  évêques,  c'est-à-dire  de 
nouveaux  évêchés  dans  les  villages,  a  Quod 
non  oporteat  in  vicis  vel  in  villis  episcopos  or- 
dinari  (Can.  xxu,  Baluzzii  Nota  in  Capit., 
p.  822).  » 

Si  Nomenoy,  duc  de  Bretagne,  divisa  les 
quatre  évêchés  de  sa  province  pour  en  faire 
sept,  il  ne  le  fit  que  par  une  violation  manifeste 
du  respect  qu'il  devait  au  roi  et  de  la  révérence 
qu'il  devait  avoir  pour  les  prélats,  dont  il  ne 
prit  seulement  pas  l'agrément.  Mais  nonobstant 
cela ,  lorsque  le  pape  Nicolas  I"  écrivit  à  son 
successeur  Salomon,  en  lui  donnant  la  qua- 
lité de  roi,  parce  que  le  roi  Charles  le  Chauve  la 
lui  avait  déjà  accordée  (Du  Chesne,  hisl.  Franc, 
t.  H,  p.  .407),  il  l'exhorta  bien  à  rétablir  les 
évêques  qu'il  avait  détrônés  et  à  faire  recon- 
naître le  métropolitain  de  Tours  par  tous  les 
évêques  de  son  Etat,  mais  il  ne  lui  lit  aucune 
plainte  sur  la  création  de  ces  nouveaux  évêchés 
(Conc.  Gall.,  tom.  ni,  p.  273,  276).  En  effet,  ces 
évêchés  dont  la  fondation  n'avait  pas  été  fort 
régulière,  n'ont  pas  laissé  de  subsister  dans  les 
siècles  suivants. 

V.  La  chronique  d'Hildesheim  raconte  com- 
ment l'empereur  Olhon  1"  érigea  sept  évêchés 
dans  un  synode  du  royaume  de  Bohême;  mais 
quand  il  fallut  leur  donner  un  métropolitain,  il 
recourut  au  pape.  «  Coadunala  synodoepiscopia 
septem  disposuit,  et  Gaudentium  in  principali 
urbe  Slavorum  Praga  ordmaii  fecit  archiepi- 
scopum,  licentia  Romani  ponlificis  (Du  Chesne, 
tom.  m,  p.  517).  Ces  mêmes  termes  se  lisent 
dans  la  vie  de  suint  Meinverch,  évoque  de 
Paderborn,  (Surius,  die  v  Junii)  ;  mais  ces  ter- 
mes :  «  licentia  Romani  pontificis ,  »  ne  s'y 
trouvent  pas,  ([uoique  les  puissances  ecclésias- 
tiques ayent  toujours  le  premier  degré  d'au- 
torité dans  l'érection  des  évêchés  nouveaux. 

On  ne  peut  nier  néanmoins  que  la  coutume 
ne  s'introduisît  dans  ces  mêmes  siècles  de  faire 
intervenir  l'autorité  du  premier  Siège  de 
l'Eglise  pour  en  établir  de  nouveaux.  Témoin 
le  concile  romain  sous  le  pape  Grégoire  V  et 
l'empereur  Olhon  lli  (Spicileg.,  tom.  ix,  p.  03), 


où  l'évêché  de  Mersebourg,  qui  avait  été  autre- 
lois  érigé  par  Olhon  1"  et  par  le  pape  dans 
un  concile  général,  et  ensuite  supprimé  par 
Olhon  11  et  par  le  pape,  sans  l'autorité  d'aucun 
concile,  fut  rétabli  par  Othon  III  et  le  pape 
Grégoire  V,  soutenu  de  tout  le  concile. 

Cranzius  rapporte  l'érection  de  l'évêché  de 
Brème  par  le  pape ,  mais  cela  regarde  la  mission 
des  évêques  dans  les  pays  barbares,  dont  nous 
parlerons  ensuite  après  avoir  dit  un  mot  de  la 
policedesGrecs.  Nous  remarquerons  seulement 
ici  en  passant,  que  c'a  été  apparemment  cette 
coutume  de  recourir  au  Sainl-Siége  pour  en- 
voyer de  nouveaux  apôtres  aux  nations  étran- 
gères, qui  a  beaucoup  contribué  à  établir  cette 
police  générale  d'employer  toujours  l'autorité 
du  Siège  romain  pour  la  fondation  des  évêchés. 

On  pourrait  encore  peut-être  croire  avec 
quelque  vraisemblance  que  les  effroyables 
désordres  du  neuvième  et  dixième  siècle  ayant 
forcé  les  prélats  des  plus  riches  et  des  plus 
anciens  évêchés  à  opposer  à  la  sacrilège  inso- 
lence des  ennemis  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  la 
seule  majesté  pour  laquelle  ils  avaient  encore 
quelque  respect,  je  veux  dire  celle  du  Siège 
apostolique,  et  d'obtenir  de  lui  des  privilèges 
pour  pouvoir  maintenir  ce  qui  leur  restait 
d'autorité  spirituelle  et  temporelle  ,  il  est  en- 
core bien  plus  probable  qu'au  moins  pour  la 
même  raison  ils  recouraient  au  pape  pour 
appuyer  sur  cette  pierre  immobile  les  fonde- 
ments flottants  des  nouveaux  évêchés. 

La  maxime  la  plus  incontestable  est  que 
dans  les  nouveaux  établissements  d'évêcliés  ou 
de  métropoles,  l'autorité  de  l'Eglise  a  toujours 
prédominé,  quoiqu'il  ait  aussi  été  nécessaire 
que  les  princes  temporels  y  concourussent. 
Guillaume  de  Malmesbury  dit  que  le  pape 
Formose  effraya  par  ses  menaces  foudroyantes 
le  roi  Edouard  d'Angleterre  (Malmcsburg.,l.  u, 
de  Reg.  Angl.)  sur  ce  que  depuis  sept  ans  il  n'y 
avait  point  d'évêques  dans  des  provinces  en- 
tières. Ce  roi  assembla  ses  évêques  et  ses  sei- 
gneurs, et  fit  ordonner  sept  évêques,  partageant 
deux  des  évêchés  prècèdenis  en  cinq,  ce  qu'il 
fit  couflrmer  par  le  (lape,  afin  que  la  chose  fût 
irrévocable.  «  lltic  tolum  papa  firmavit,  ut 
damnarelur  in  perpetuum,  qui  hoc  infirmaret 
decretum  (Infra  c.  i.vin,  n.  t).  Nous  parlerons 
un  peu  plus  anqilcmeat  ci-après  de  cette  créa- 
tion d'évêchès. 

VI.  Ce  serait  peu  que  les  Grecs  eussent 
donné  commencement  à  des  évêchés  sans  la 


DES  ÉVÉQUES  ET  DE  L'ÉTABLISSEMENT  DES  É^'ÉCîlES. 


313 


participation  du  premier  évêque  del'Eglisç; 
mais  ce  qu'il  y  a  de  siirprtnarit,  c'est  ([iie 
pour  la  création  des  métropoles  et  des  évécliés, 
ils  avaient  comme  transféré  en  la  personne 
seule  de  l'empereur  non-seulement  le  pouvoir 
des  évêques,  mais  aussi  celui  des  conciles. 
Zonare  le  dit  clairement  après  le  canon  du 
concile  in  TruUo  (In  can.  xxxviii,  con.  Trul- 
lani).  «  Ut  seu  nova?  urbi  episcopatus  appella- 
tionem  ,  seu  metropolitani  fastigii  honorem 
imperator  indulserit,  eodem  prorsus  ordine  ac 
jure  ecclesiasticisquoque  legibus  habenda  esse 
censeatur.» 

Balsamon  n'approuvait  peut-être  pas  les  excès 
de  cette  lâche  flatterie,  mais  néanmoins  il  en 
rapporte  les  sentiments,  sans  en  témoij-'ner 
beaucoup  d'aversion,  a  Adjiciunt  quod  impe- 
rator nec  canonibus  nec  legibus  tenetur,  et 
ideo  est  in  ejus  iK)testate  episcopatus  in  métro- 
poles erigere,  et  a  suis  metropolitanis  alienare, 
et  de  novo  episcopos  et  mefropolitanos  consti- 
tuere,  et  jubere  episcopis  inalienis  diœcesibus 
absque  ullo  prfejudicio  sacrificare,  prœter  sen- 
tenliam  episcoporum  illius  regionis,  et  alia 
ejusmodi  episcopalia  jura  exercere  (lu  cai^.  xvi. 
Carlhag.).  » 

Tous  ces  pouvoirs  étaient  comme  liés,  et  on 
les  accordait  à  l'empereur,  d'ériger  les  évèclics 
en  métropoles,  d'exempter  les  évêques  de  la 
sujétion  de  leur  métropolitain,  de  créer  de 
nouveaux  évècliéset  des  métropoles  nouvelles, 
enfin  de  permettre  aux  évêques  de  faire  les 
fonctions  épiscopales  dans  le  territoire  d'un 
autre  évêque  sans  sa  permission.  En  met- 
tant les  empereurs  au-dessus  des  canons,  la  flat- 
terie grecque  leur  donnait  tous  ces  pouvoirs. 

Ce  n'est  pas  que  les  évêques  et  les  conciles  ne 
se  mêlassent  souvent  de  ces  créations  d'évèchés, 
mais  les  conciles  même  généraux  parmi  eux 
avaient  renoncé  au  pouvoir  de  le  faire  sans 
rautorilé  impériale.  «  Fieri  episcopos  de  novo 
in  parochiis  sine  regio  mandate  non  permit- 
titur,  etiamsi  millies  consenserit,  qui  eam  habet 
episcopus.  Synodice  enim  constilutum  est,  ut 
nec  ipsa  m:igna  synodus  sine  jussu  regio  possit 
novare  episcopos  (In.  can.  lx,  Carlhag.).  » 

Enfin  le  même  Balsamon  interprétant  le 
canon  de  CartLage,  qui  défend  aux  évêqut-s  de 
translérer  leur  siège  de  leur  église  cathédrale 
à  une  paroisse  de  leur  diocèse,  propose  les  deux 
questions  suivantes  (In  can.  lxxiv,  Caithag.).Si 
un  métropolitain  dont  la  ville  a  été  subjuguée 
ou  détruite  par  les  barbares  peut  transférer 


son  siège  dans  la  cathédrale  d'un  évêché  vacant 
de  sa  province,  et  si  un  évèipie,  dans  une  occur- 
rence semblaljle,  peut  transporter  son  siège 
épiscopal  dans  une  paroisse  de  son  diocèse. 

Quelques-uns  disaient  que  ces  évêques  avaient 
un  pouvoir  aussi  légitime  que  suffisant  pour 
ces  translations  de  leur  siège.  D'autres  deman- 
daient le  consentement  d'un  Synode.  Enfin  il  y 
en  avait  qui  jugeaient  que  celui  de  l'empereur 
était  aussi  nécessaire.  Balsamon  juge  que  le 
consentement  de  l'empereur  et  du  concile  est 
absolument  nécessaire  pour  ce  métropolitain,  et 
il  en  donne  des  exemples  dans  les  métropolitains 
de  Néocésarée  et  d'Antioche  de  Pisidie,  qui 
avaient  observé  ces  formalités  indispensables 
pour  passer  de  leur  métropole  détruite  à  un 
évêché  de  leur  province.  Et  quant  à  l'évêque, 
il  dit  que  si  l'établissement  de  son  premier 
évêché  n'a  pu  se  faire  sans  l'autorité  d'un 
Synode,  par  la  même  raison  la  même  autorité 
sera  nécessaire  pour  le  transférer  de  là  ailleurs. 

Si  l'on  demande  si  un  évêque  peut  laisser  sa 
ville  épiscopale,  sans  qu'elle  soit  tombée  sous 
la  puissance  des  barbares,  et  transporter  son 
siège  dans  une  autre  ville  plus  riche  et  mieux 
peuplée  de  son  diocèse,  Balsamon  répond  que 
ci-la  ne  se  peut  sans  l'agrément  de  l'empereur 
et  du  Synode,  qui  a  été  refusé  à  plusieurs 
prélats  qui  avaient  souhaité  ces  sortes  de 
changements.  «  Mandato  imperatoris  et  syno- 
dali  cognitione  episcopo  utrumque  concede- 
tur,  alias  autem  nullo  modo.  »  Il  ajoute  les 
exeni|iles  de  ceux  qui  en  ont  été  refusés. 

Au  reste  si  dans  le  iMoyen  Age  de  l'Eglise, 
qu'on  ne  doit  pas  porter  au-delà  de  l'an  mil 
depuis  la  naissance  deJ.-C,  je  cite  souvent  Bal- 
samon, qui  n'a  vécu  et  n'a  écrit  que  peu  avant 
l'an  douze  cent,  je  l'ai  fait  par  des  raisons 
dont  il  faut  que  j'informe  le  lecteur,  comme 
pouvant  intéresser  sa  curiosité.  Ce  dernier  âge 
depuis  le  dixième  siècle  de  la  naissance  de 
J.-C.  étant  plus  chargé  que  les  autres,  tant  par 
le  nombre  des  années,  que  parla  muliitude 
des  événements  je  l'ai  traité  d'une  manière  si 
étendue  qu'il  occupe  presque  la  moitié  de  cet 
ouvrage.  Or,  pour  ne  la  pas  trop  surcharger,  j'ai 
rapporté  aux  âges  précédents  tout  ce  que  j'ai 
pu  retrancher  de  celui-ci. 

Ce  qui  concerne  les  Grecs  m'a  paru  propre  à 
cela,  parce  que  remi>ire  des  Grecs  ayant  été 
détruit  et  leurs  églises  ayant  été  renversées 
près  de  trois  cents  ans  auparavant,  je  n'ai  pu 
traiter  la  discipline  des  Grecs  du  temps  de  ce 


314 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIÈME. 


dernier  âge  dans  le  même  ordre  que  j'ai  fait 
par  rapport  aux  siècles  qui  l'ont  précédé.  J'ai 
donc  rapporté  au  Moyen  Age  les  événements 
du  dernier  en  petit  nombre  à  la  vérité  et  d'une 
manière  assez  précise,  pour  ne  pas  dire  stérile, 
parce  que  la  plupart  des  monuments  avaient 
été  ensevelis  dans  la  ruine  de  cet  empire, 
causée  par  la  fureur  de  la  guerre.  Et  cette  perte 
nous  ôte  les  moyens  de  bien  connaître  leur  dis- 
cipline. 

Il  faut  ajouter  à  cela  que  le  plus  souvent 
Balsamon  n'a  fait  que  copier  Zonare,  qui  écri- 
vait environ  l'an  onze  cent,  et  qui  ne  pouvait 
nous  apprendre  que  les  sentiments  et  les  pra- 
tiques de  l'Eglise  Grecque,  pendant  les  siècles 
qui  l'ont  immédiatement  précédé.  Enfin  Balsa- 
mon s'attache  toujours  beaucoup  au  Nomo- 
canon  de  Photius,  qui  a  été  composé  dans  le 
moyen  âge  de  l'Eglise,  puisqu'il  a  écrit  vers  le 
milieu  du  neuvième  siècle. 

VII.  11  faut  dire  un  mot  des  missions  étran- 
gères, pour  faire  voir  qu'elles  ont  donné  occa- 
sion de  faire  tomber  entre  les  mains  du  pape 
seul  le  pouvoir  de  créer  de  nouveaux  évêcliés, 
dont  les  conciles  particuliers  jouissaient  aupa- 
ravant. Pierre  Damien,  qui  a  écrit  la  vie  de 
saint  Romuald,  touche  en  passint  la  mission 
de  saint  Boniface  martyr  et  apôtre  de  Russie. 
Cet  homme  apostolicjue  alla  recevoir  à  Rome 
du  successeur  du  prince  des  apôtres  l'autorité 
et  la  consécration  qui  lui  était  nécessaire,  pour 
aller  travailler  à  la  conversion  de  ces  infidèles. 
«  Cum  post  diuturnam  cremiticœ  conversa- 
tionis  vitam ,  ad  prœdicandum  jam  ire  dispo- 
neret,  Romam  primum  pergere  studuit,  et  ab 
Apostolica  Scde  consecrationem  archiepisco- 
patus  accepit  (Cap.  cclxxx).  » 

Après  que  saint  Boniface  eût  scellé  de  son 
sang  la  Térité  de  la  foi  qu'il  avait  prcchce, 
saint  Romuald  envoya  quelques-uns  de  ses  dis- 
ciples pour  continuera  défricher  cette  nouvelle 
vigne.  Us  passèrent  sept  ans  à  apprendre  la  lan- 
gue Sclavone  ;  après  cela  l'un  d'eux  vint  à  Rome 
demander  au  pape  la  permission  de  jiublier  la 
foi  :  «  Septimo  anno  cum  jam  loquelam  terrae 
plene  cognoscerent,  unum  ad  Romanam  ur- 
bem  monachum  miltunt,  et  pereum  asummœ 
Sedis  Antistite  prœdicmdi  licentiam  petunt 
(Cap.  m).  »  Enfin  saint  Romuald  eiit  voulu 
lui-même  couronner  ses  longs  travaux  par  le 
martyre,  en  allant  prêcher  aux  mêmes  Escla- 
vons  ou  Hongrois  (Cap.  xlv)  ;  il  en  obtint  la 
licence  du  pape,  après  avoir  fait  ordonner  deux 


de  ses  disciples  comme  archevêques.  «  Doindo 
licentia  ab  Apostolica  Sede  suscepta,  et  duohiis 
e  suis  discipulis  in  archiepiscopos  consecrnlis, 
cum  viginti  quatuor  fratribus  ilerarripuit.  » 

VIll.  Eginard  dit  quEbbon,  archevêque  de 
Reims  était  allé  prêcher  la  foi  aux  Danois,  jiar 
ordre  et  avec  l'autorité  du  pape  (An.  Egin., 
an.  823).  «  Qui  consilio  impcratoris  et  Roni:uii 
pontificis  autoritate,  praedicandi  gratia  ad  tur- 
minos  Danorum  accesserat,  et  œstate  prœterita 
multosex  eisadfidem  venientes  ba|)tizaverat.  » 
Ce  ne  fut  qu'une  mission  qu'Ebbon  fit  en  ces 
pays  du  Nord ,  comme  légat  du  pape  ;  mais 
l'empereur  Louis  le  Débonnaire  fit  ordonner 
par  im  synode  d'évêques,  dont  il  suivait  les 
avis,  saint  Anscharius,  archevêque  d'Hambourg, 
pour  gouverner  toutes  les  Eglises  septentriona- 
les ;  ce  fut  Drogon  qui  le  sacra  arche\ê(iue 
dans  une  assemblée  de  plusieurs  évêques  (Vita 
sancti  Anscharii  apud  du  Chesne,  tom.  m, 
p.  399)  ;  mais  après  cela  il  fut  envoyé  a  Rome 
pour  recevoir  du  papeGrégoiie  IV  laconlirma- 
tion  de  tout  ce  qui  avait  été  fait.  Le  pape  lui 
donna  le  pallium  avec  la  légation  apostolique 
sur  les  Eglises  du  Nord,  qui  avait  été  aupara- 
vant eontiee  à  Ebbon. 

a  Et  ut  hœc  omnia  perpetuum  suae  stabili- 
latis  relinerent  vigorem,  eum  honorabiliter  ad 
Sedem  direxit  Apostolicam  et  omnem  liane 
rationem  sanctissimo  papœ  Gregoiio  inlimari 
lecit  conflrmandam.  Quod  eliam  ipse  tam  de- 
creti  sui  autoritate,  quam  pallii  dalione,  more 
prœdecessorum  suorum  roboravit,  atque  ipsum 
in  prœsentia  constitutum,  legatum  in  omnibus 
Aquilonis  partibus,  una  cum  Ebbone  Rcmensi 
archiepiscupo,  qui  i[isani  legationem  ante  sus- 
ceperat,  delegavit,  etc.  Porro,  ut  prœmisimus, 
eadem  legalio  autoritate  Paschalis  papœ  , 
Ebboni  Remensi  archiepiscopo  prias  delegata 
fuerat.  » 

Nous  pouvons  ici  remarquer  deux  raisons 
qui  rendaient  l'intervention  de  l'autorité  du 
pape  nécessaire.  La  première  est  pour  donner 
une  fermeté  irrévocable  à  ces  nouveaux  éta- 
blissements. Car  les  princes  et  les  évêques  ne 
pouvaient  rien  ordonner  qui  ne  pût  être  révo- 
(jué  par  leurs  successeurs  :  les  conciles  posté- 
rieurs changeaient  les  décrets  des  conciles  pré- 
cédents. Mais  ce  qui  avait  été  ou  fait  ou  con- 
firmé par  le  premier  Siège  de  l'Eglise  ne  pou- 
vait être  changé  par  des  puissances  inférieures. 
La  seconde  raison  est  que  cha(jue  évè(|ue  et 
chaque  métropolitain  ayant  son  autorité  bor- 


DES  ÉVÉQUES  ET  DE  L'ÉTABLISSEMENT  DES  ÉVÊCIIÉS. 


315 


née  dans  les  limites  de  son  ressort,  il  était  de 
!a  bienséance  de  recourir  à  une  autorité  sans 
bornes,  et  à  une  providence  qui  veille  sur 
l'Kplise  universelle,  pour  faire  ces  nouvelles 
(onijuctes. 

Ebbon  eût  pu  par  le  droit,  et  peut-être  il  eût 
dû  par  les  obligations  du  voisinage,  étendre 
les  frontières  de  la  religion  dans  ces  pays  du 
Nord,  et  néanmoins  il  n'y  allait  que  comme 
légat  et  envoyé  du  pape.  Tant  on  était  persuadé 
que  toutes  les  bénédictions  du  ciel  coulaient 
avec  plus  d'abondance  de  la  source  primitive 
des  missions  apostoliques. 

Bien  que  les  bistoires  et  les  chroniques  an- 
ciennes aient  semblé  quelquefois  attribuer  aux 
empereurs  et  aux  rois  l'érection  desévêchés  et 
des  métropoles,  il  est  néanmoins  très-constant 
que,  selon  leur  propre  témoignage,  l'Eglise  y 
avait  toujours  la  principale  autorité,  lesévèques 
et  les  conciles  y  concouraient  toujours  les  pre- 
miers, le  Saint-Siège  y  intervenait  avec  cette 
éminence  d'autorité  qui  lui  est  propre,  et  les 
princes  temporels  soutenaient  par  leur  puis- 
sance souveraine  et  par  leurs  bienfaits  les 
saintes  résolutions  et  les  pieux  efforts  de  l'E- 
glise. 

Adam,  chanoine  de  Brème,  a  écrit  l'Histoire 
des  Eglises  du  Nord  et  l'a  dédiée  à  Liémar, 
archevêque  de  Brème  et  légat  du  Saint-Siège, 
pour  la  prédication  et  la  conversion  des  peu- 
ples septentrionaux,  «  A  te  qui  haereditarim 
pra;dicandi  legationem  possides  in  totam  Sep- 
tentrionis  latiludinem.  » 

Ces  paroles  nous  font  comprendre  que  s'il 
a  fallu  que  le  pape  et  les  évêques  envoyassent 
des  légats  et  des  prédicateurs  pour  convertir 
ces  peuples  barbares ,  leur  autorité  n'y  était 
pas  moins  nécessaire  pour  y  ériger  desévêchés 
et  des  métropoles. 

Ce  même  auteur  dit  que  Charlemagne  érigea 
l'évêché  d'Hambourg  et  en  voulut  faire  une 
métropole.  «  Slavorum  Danorumque  metropo- 
lim  (L.  I,  c.  il).  »  Mais  il  y  survint  des  obsta- 
cles. Louis  le  Débonnaire  fonda  l'abbaye  de 
Corbie  en  Allemagne,  y  envoyant  des  moines 
de  Corbie  en  France.  Ansgarius,  religieux  de 
cette  abbaye,  alla  prêcher  la  foi  en  Danemark  et 
autres  pays  du  Nord  avec  grand  succès  (L.  i, 
c.  12,  14).  L'empereur  érigea  Hambourg  en 
métropole  ,  exécutant  la  résolution  d'un  con- 
cile d'évèques  en  833.  «  Habito  sacerdolum 
generali  concilio.  »  11  en  fit  sacrer  Ansgarius, 
évêque,  et  fit  confirmer  par  le  pape  tout  ce  qui 


avait  été  fait  (Privileg.  Ecclesiœ  Hambiu-g.). 
«  Roborante  id  papa  Cregorio  IV,  Apostolica 
autoritaie,  et  pallii  datione.  »  Ansgarius  fut 
alors  sacré  par  Drogon  ,  archevèciue  de  Metz  et 
archichapelain  du  palais,  en  présence  des  autres 
archevêques  :  «  Per  manus  Drogonis  Metensis 
et  suminaî  sacra?  Palntina'  dignitatis  pra-sulis, 
ast;nitihus  archiepiscopis  Remensi,  Trevirensi , 
Moguntio.  »  .1 

Cette  nouvelle  métropole  n'ayant  point  en- 
core de  suffragants,  le  pape  Grégoire  IV  com- 
mit la  consécration  du  métropolitain  aux  pré- 
lats de  la  chapelle  du  palais.  «  Consecrationem 
vero  succedentium  sacerdotum,  donec  conse- 
crantium  numerus  ex  gentibus  augeatur,  sa- 
crœ  Palalinœ  providentite  intérim  committi- 
mus.  n 

Ces  circonstances  nous  découvrent  la  néces- 
sité de  recourir  au  pape.  Mais  en  voici  des 
marques  bien  plus  évidentes. 

Ebbon  ,  qui  avait  déjà  prêché  l'Evangile 
parmi  ces  peuples  du  Nord ,  assista  pendant 
quelque  temps  Ansgarius;  et  Guibert,  neveu 
d'Ebbon,  ayant  èlè  par  eux  sacré  évêque ,  ils 
l'envoyèrent  prêcher  en  Suède  (.\dam,  ibidem). 
C'é'ait  en  vertu  de  la  légation  qu'ils  avaient 
eux-mêmes  reçue  du  Saint-Siège  pour  prêcher 
dans  les  pays  dn  Nord.  Les  Normands  brûlè- 
rent la  ville  et  l'Eglise  d'Hambourg.  Louis  II, 
empereur,  ayant  succédé  à  son  père  Lothaire, 
donna  à  Ansgarius  l'évêché  de  Brème  pour  y 
résider  (Idem.  1.  i,  c.  17,  20).  Ce  saint  jirélat 
faisant  difticulté  de  s'y  rendre,  le  pape  Nico- 
las I"  confirma  cette  translation.  «  Multum 
temporis  fiuxit  ex  quo  Ansgarius  Bremensem 
episcoiialum  suscepit ,  antequam  hoc  a  papa 
Nicolao  firmaretur.  » 

L'archevêque  de  Cologne  s'opposait  à  cette 
translation ,  parce  que  l'évêché  de  Brème  rele- 
vait de  lui;  et  il  comprenait  fort  bien  que  d'y 
transférer  l'archevêque  d'Hambourg,  après  la 
désolation  de  sa  ville  et  de  son  Eglise,  c'était 
non-seulement  émanciper  Brème,  mais  l'éri- 
ger en  métropole.  Ce  fut  ce  qui  obligea  cet 
empereur  de  recourir  au  pape,  et  le  pape  d'u- 
nir l'évêché  de  Brème  à  l'arclievêché  d'Ham- 
bourg. «  Caesar  Ludovicuscompositis  hincinde 
contradicentium  voluntalibus,  prœcipue  Gun- 
tharii  Coloniensis  archiepiscopi,  cujus  sullra- 
ganea  prius  erat  Brema  ,  super  bis  Romam 
nuncios  ad  Nicolaum  papam  direxit.  Ille  vero 
quod  nécessitas  ecclesiastica  persuasit,  et  quod 
Palrum  conciliis  fieri  posse  comprobatum  est , 


316         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIÈME. 


facile  consensit.  Ergo  Bremensem  ac  Hambur- 
censem  episcopatiim  apostolita  auloritate  co- 
pulari  et  pro  uno  haberi  sanxit.  » 

Rimbert  succéda  à  Ansgarius,  et  eut  pour 
successeur  ad;ili:arius,  contre  lequel  Herman, 
archevêque  de  Cologne,  renouvela  ses  préten- 
tions sur  Brème  (L.  i,  c.  41,  42).  Le  concile  de 
Tiibur,  le  pape  Formose  et  le  roi  Arnulplie 
lui  furent  favorables  et  mirent  l'évêque  de 
Brème  entre  ses  suffragants.  Le  pape  Serge 
cassa  tout  cela  et  rendit  leur  première  vigueur 
aux  décrets  de  Grégoire  IV  et  de  Nicolas  I". 
Olbon  I"  (C.  Lv)  ayant  enfin  heureusement 
porté  le  roi  de  Danemark  à  embrasser  la  foi  de 
l'Eglise,  il  y  érigea  trois  évêchés  dans  la  Jutie, 
savoir  dans  la  ville  de  SIesvicb,  Ripenet  Arliu- 
séen.  Mais  cette  érection  se  flt  par  l'autorité  du 
pape,  qui  permit  à  Adiildag,  archevêque  d'Ham- 
bourg et  de  Brème,  d'ordonner  des  évèques. 
aCui  etiam  vice  sua  jus  ordinandi  episcopos, 
tam  in  Daniam,quamin  Septentrionis  populos 
aiioslolica  auloritate  concessit.  »  C'était  comme 
une  suite  naturelle  de  la  légation  donnée  pour 
la  conversion  des  peujdes  du  Nord ,  de  per- 
mcUre  de  leur  donner  des  évèques  quand  ils 
seraient  convertis.  C'est  ce  qui  est  marqué  dans 
ces  paroles,  «  vice  sua.  » 

L'archevêque  de  Cologne  Brunon  en  prit  oc- 
casion de  redemander  Brème.  11  était  frère  de 
l'empereur  Otiion ,  et  ces  deux  frères  eurent 
assez  de  grandeur  d'àme  pour  vouloir  perdre 
leur  cause  et  reconnaître  que  les  archevêques 
d'Hambourg  travaillant  si  utilement  à  acquérir 
de  nouveaux  Etals  à  l'Eglise  et  à  l'empire  chré- 
tien ,  méritaient  bien  qu'on  ne  les  inquiétât 
plus  et  (]u'on  ne  démimbiàt  pas  leur  Eglise. 

Adaldag  ordonna  plusieurs  évèques  pour  le 
Danemaïk.  Adam  dit  qu'on  ne  sait  pas  quelles 
furent  ks  villes  de  leur  séjour,  et  peut-être  n'en 
eurent-ils  jamais ,  comme  il  arrivait  souvent 
aux  Eglises  naissantes,  d'avoir  des  évèques  de 
la  nation  plutôt  que  d'aucune  ville  particu- 
lière. «  Adaldagus  plures  ordinavit  episcopos 
in  Daniam  :  qui  ad  quas  Sedes  specialiter  in- 
tronizali  sint,  non  facile  potuimus  invenire. 
jEstimo  quod  pro  rara  Christianitate  nulli  epi- 
scoporum  adhuc  certa  sedes  designata  fuerit 
(Can.  LXix).  »  A  Adaldag  succéda  Libtntius, 
qui  fut  le  premier  ordonné  par  ses  sutlraganls. 

(^elte  longue  suite  d'exemples  suflit  pour 
faire  voir,  1°  que  l'autorité  des  évèciues,  des 
conciles  et  des  papes  prédominait  dans  ces 
érections  d'évêchés  et  de  métropoles,  quoi(|ue 


les  historiens,  qui  ne  racontent  que  l'exécution 
des  choses,  se  contentent  quelquefois  de  dire 
que  ces  érections  ont  été  faites  par  les  empe- 
reurs, dont  la  puissance  et  la  libéralité  éclatait 
le  plus  dans  la  construction  et  dans  la  dotation 
des  Eglises. 

2°  On  ne  pouvait  se  passer  de  l'autorité  des 
papes,  tant  parce  que  ces  conversions  des  infi- 
dèles se  faisaient  en  vertu  des  légations  du 
Saint-Siège,  dont  l'autorité  n'est  pas  bornée 
dans  un  diocèse ,  ou  dans  une  province,  que 
parce  que  dans  l'assignation  des  territoires  il  y 
avait  souvent  une  contrariété  de  droits  ou  de 
prétentions  entre  les  évoques  et  les  archevê- 
ques, à  laquelle  le  pape  seul  pouvait  remédier; 
et  enfin,  ])arce  que  dans  la  formation  des  nou- 
velles Eglises,  il  faut  user  de  dispense  en  beau- 
coup de  choses,  et  la  dispensation  des  règles 
générales  de  l'Eglise  appartient  d'une  manière 
toute  particulière  au  Saint-Siège. 

Il  fallut  démembrer  Brème  de  la  province 
ecclésiastique  de  Cologne,  unir  les  Eglises  de 
Brème  et  d'Hambourg,  transférer  le  Siège  de 
la  métropole  d'Hambourg  a  Brème,  donner  un 
consécrateur  extraordinaire  à  cet  archevêque, 
pendant  le  temps  qu'il  n'avait  point  encore  de 
sutfragants;  enfin  faire  des  établissements  d'é- 
vêchés, que  les  évèques  ou  archevêques  voi- 
sins et  intéressés  ne  pussent  jamais  renverser. 
11  est  visible  que  pour  tous  ces  points  impor- 
tants le  concours  et  l'influence  du  Siège  apos- 
tolique était  nécessaire. 

3°  11  n'est  pas  moins  visible  que  les  érec- 
tions d'évêchés  et  de  métropoles  se  f  lisant  très- 
rarement  dans  l'ancien  nnimie  chrétien,  qui 
en  était  déjà  fourni,  et  se  faisant  au  contraire 
très-fréquemment  dans  l'Allemagne,  le  Dane- 
marek,  la  Suède,  la  Norvège,  la  Hongrie  et  la 
Pologne,  qui  sont  les  dernières  conquêtes  dans 
l'Eglise  d'Occident,  la  coutume  universelle  s'é- 
tablit insensiblement  (ju'elle  ne  se  fil  plus  que 
par  l'autorité  du  Sainl-Siége. 

Le  pape  Jean  XIII  envoya  un  légat  en  Po- 
logne pour  y  répandre  les  vérités  de  l'Evan- 
gile, et  pour  y  ériger  des  évêchés,  selon  la  de- 
mande que  ces  peuples  lui  en  avaient  faite 
(baron.,  an.  956).  Chariemagne  avait  donné 
l'exenqiie  à  tous  ses  successeurs  de  faire  inter- 
venir l'autorité  du  Sainl-Siége  dans  la  créalion 
des  nouveaux  évêchés,  quand  il  déclara  lui- 
même  que  s'il  avait  érigé  l'èvèché  de  Brèmes 
et  s'il  en  avait  pourvu  Villehad,  c'avait  été  en 
exécutant  le  décret  du  pape  Adrien,  et  en  se  con- 


DE  L'lNSTlT[Tin.\  DES  NOUVEAUX  ÉVËCHÉS. 


317 


formant  aux  avis  que  lui  en  avaient  doinié 
l'arcluvêque  de  Mayence  et  les  autres  évèiiues. 
«  Summi  pontiticis  et  univerfa'is  papa^  Adiiani 
pnrcepto  ,  necnon  et  Mo^onciaceusis  cpiscopi 
Lullonis,  omniiimque  qui  affuere  pontifieuni 
concilio,  Bremenstm  Ecck-siain  Villi  hadoconi- 
misinius  (Baluz.  Capilul.,  t.  i,  p.  217).  » 

Saint  Métliodius,  apôtre  de  Moravie,  avait 
reçu  sa  mission  du  pape  Adrien  11,  et  il  vint 
ensuite  se  purger  de  quelques  calonuiies  devant 
le  pape  Jean  Vlll  (Episl.  cxciv,  cxcv,  Jo.uinis 
papœ,  Cronierus,  I.  ni).  Les  rois  étaient  bien 
aises  dans  le  temps  de  leur  conversion  de  s'ap- 
puyer sur  ce  qu'il  y  avait  de  plus  grand  et  de 
plus  éclatant  dans  l'Eglise.  Ainsi  la  Pologne 


connnenrant  à  recevoir  la  lumière  de  l'Evan- 
gile, Cromer  dit  que  le  pape  y  envoya  un 
légat  pour  y  ériger  des  évècliés. 

IX.  Curopalate  rapporte  qu'un  seigneur  de 
Tuniuie  s'étant  lait  cLrétien,  et  ayant  ete  bap- 
tisé à  Constantinople,  le  patriarche  de  cette 
ville  lui  donna  un  évêque  de  Turquie  qu'il 
avait  ordonné  pour  aller  cultiver  cette  Eglise 
naissante  (Baronius,  an.  9  .8). 

De  ce  seul  exemple  on  peut  conjecturer  que 
les  autres  patriarches  travaillaient  aussi  à  fon- 
der de  nouvelles  Eglises,  et  à  ériger  de  nouveaux 
évêchés;  mais  il  s'en  faut  beaucoup  que  leur 
zèle  fût  aussi  ardent  que  celui  des  successeurs 
de  saint  Pierre. 


CHAPITRE  CINQUANTE-SEPTIEME. 


DE   l'institution   DES   NOUVEAUX    ÉVÊCHÉS   EN    FRANCE,    DE    LEUR    UNION,    DIVISION    ET   TRANSLATION, 

DEPUIS   l'an   mil   JUSQUES    A    PRÉSENT. 


I.  Quelles  sont  les  règles  générales  du  droit  ancien  et  nou- 
veau sur  ces  matières. 

II.  Preuves  de  ces  règles  tirées  de  saint  Bernard,  et  d'Ives  de 
Chartres,  surtout  pour  la  nécessité  du  consentement  des  princes. 

III.  Erectidn  ou  rétablissement  de  l'évéché  de  Tournai. 

IV.  De  l'évéché  dWrras. 

V.  Des  évècliés  de  Boulogne,  de  Saint-Omer  et  d'Ypres,  après 
la  destruction  de  Térouanne. 

VI.  De  treize  nouveau!  evécbés  des  Pays-Bas. 

Vil.  Tentative  inutile  pour  .Mouzon,  pour  .Nancy  et  pour  Bourg 
en  Bresse. 

VIII.  Des  évêchés  unis  et  désunis  d'Antibes,  de  Grasse  et  de 
Vence. 

IX.  De  Valence  et  de  Die. 

X.  De  Magiielonne  et  de  Montpellier. 

XI.  De  l'évèclié  de  Pamiers. 

XII.  Démembrement  de  révècbé  de  Toulouse.  Aut?ss  évêchés 
érigés  par  Jean  XXll. 

I.  Il  est  visible  que  les  mêmes  maximes  qui 
ont  eu  vigueur  dans  l'érection  des  nouvelles 
métropoles  doivent  aussi  régner  dans  l'établis- 
sement des  nouveaux  évêchés. 

Les  voici  :  1°  que  c'est  l'Eglise  qui  a  la 
principale  autorité  ;  2°  que  dans  ce  dernier 
âge  que  nous  traitons ,  cette  autorité  a  été 
généralement  réservée  au  pape  ;  3°  que  ce 
changement  s'est  fait  sans  aucune  aflcclation 
ambitieuse  par  la  seule  occurrence  des  choses. 


et  par  une  secrète  conduite  de  la  sage  Provi- 
dence, qui  ménage  tous  les  intérêts  et  toutes 
les  révolutions  de  son  Eglise  ;  que  les  conciles 
provinciaux  et  les  métropolitains  n'ont  pas 
laissé  de  faire  paraître  quebiues  restes  de  leur 
ancienne  autorité  dans  ces  matières;  3°  que  le 
consentement  des  princes  souverains  est  tou- 
jours intervenu,  comme  étant  très-sensible- 
ment intéressés  dans  ces  changements  ;  ti"  que 
les  mêmes  règles  ont  lieu  dans  l'union  de  fdu- 
sieurs  évêchés  en  un,  dans  la  séparation  de 
ceux  qui  avaient  été  unis ,  dans  la  division 
d'un  évêché  en  plusieurs  évêchés  ,  dans  la 
translation  du  siège  épiscopal  d'un  lieu  eu  un 
aulre. 

Voilà  les  maximes  constantes  dont  nous 
allons  faire  briller  la  vérité  par  une  foule 
d'exemples. 

II.  Je  commencerai  par  la  France,  oii  saint 
Bernard  étalaautrefois  celte  règle,  que  c'est  au 
Siège  apostolique  que  la  création  des  évêchés 
nouveaux  appartient,  à  cause  de  sa  plénitude  de 
puissance.  «  Plénitude  sicjuidem  potcsialis  super 
uuiversas  orbis  Ecclesias  singulari  prœrogativa 


318        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SEPTIÈME. 


Aposfolicœ  Sedi  donata  est.  Potest  si  utile  jiidi- 
caverit,  novos  ordinare  episcopatus,  ubi  liacte- 
nus  non  fuerunt  (Epist.  cxxxi).  » 

Biais  le  savant  et  pieux  Ives  de  Chartres  avait 
déjà  protesté  au  pape  Pascal  même  ,  que  le 
Saint-Siège  n'usait  jamais  de  ce  pouvoir  sans 
l'agrément  des  souverains,  afin  de  conserverTin- 
violable  concorde  de  l'empire  et  du  sacerdoce. 

Le  clergé  de  Tournay  faisait  ses  poursuites 
auprès  de  ce  pape  pour  obtenir  un  évêque ,  ce 
qui  ne  se  pouvait  faire  sans  démembrer  l'évêché 
de  Noyon  ,  dont  Tournay  relevait  depuis  plu- 
sieurs siècles  (Epist.  ccxl).  Ives  conjura  ce  pape 
de  ne  point  commettre  l'empire  et  le  sacerdoce, 
dont  la  concorde  est  aussi  nécessaire  que  salu- 
taire à  l'un  et  à  l'autre.  «  Regni  Francorum  pax 
et  summi  Sacerdolii  nuUa  subreplione  dissol- 
vatur;  »  de  ne  pas  ruiner  un  avantage  dont 
l'évêché  de  Noyon  jouissait  depuis  quatre  cents 
ans ,  crainte  d'envelopper  la  France  dans  le 
même  schisme  qui  avait  déjà  désuni  l'Allema- 
gne d'avec  le  Siège  apostolique.  «  Ut  statuni 
Ecclesiarum  ,  qui  quadringentis  ferme  annis 
duravit,  inconcussum  manere  concedatis  ,  ne 
liac  occasione  schisma,  quod  est  in  Germa- 
nico  regno  ad  versus  Sedem  Apostolicam,  in  Gal- 
liarum  regno  suscitetis.  » 

11  ajouta  qu'il  est  bien  au  pouvoir  du  Saint- 
Siège  de  raccourcir  ou  d'étendre  tes  limites  des 
diocèses,  mais  (jne  ce  pouvoirdoilètre  réglé  par 
les  vues  de  l'utilité  publique  de  l'Eglise  et  de  la 
paix  indissoluble  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  a  Nec  in 
hoc  resislimus,  quin  possit  Sedes  Aposlolica 
parochiarum  amplitudinem  minorare  aul  bre- 
\itatem  dilalare;  si  utilitas  popnli  Dei  ita  exi- 
gat,  et  nuUum  inde  schisma  contingat.  » 

Enfin  Ives  représenta  au  pape,  que  la  mal- 
heureuse condition  du  siècle,  étant  telle,  que 
répisco[)at  tombe  dans  l'avilissement,  s'il  n'est 
soutenu  d'une  honnête  médiocrité  de  biens 
temporels,  il  était  à  craindre  que  cette  division 
d'un  évêché  en  deux  ne  les  jetât  tous  deux 
dans  une  honteuse  pauvreté,  a  Praîterea  cum 
dignitas  episcopalis  paupertatem  his  diebus 
honeste  ferre  non  valeal,  honeste  providendum 
est,  ne  ista  divisione  uterque  episcopus  fiât 
pauper.  » 

Il  est  bon  d'avoir  remarqué  comment  un 
prince  jaloux  de  ses  droits  s'était  servi  de  la 
plume  d'un  évêque  pieux  et  éclairé ,  non  pas 
pour  menacer  ouvertement ,  mais  pour  faire 
appréhender  au  pape  la  chose  du  monde  la 
plus  redoutable,  qui  es  t  la  désunion  et  le  schisme 


entre  l'Etat  et  l'Eglise  (Ibidem),  o  Novit  enim 
Pâte rni  tas  vestra,  quia  cum  regnum,  et  saccr- 
dolium  inter  se  conveniunt,beneregiturmun- 
dus,  floret  et  fructificat  Ecclesia.  Cum  igitur 
inter  se  discordant,  non  tanlum  parvae  resnon 
crescunt,  sed  etiam  magnae  res  dilabuntur.  » 

Comme  c'est  sur  ce  principe  inébranlable 
que  la  mesure  et  la  règle  de  l'usage  qu'on  fait 
de  la  puissance  ecclésiastique  est  rutililé  et  la 
concorde  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  ;  comme  c'est, 
dis-je  sur  ce  fondement  immuable  qu'il  faut 
étabhr  tout  ce  qu'on  doit  ou  dire,  ou  écrire,  ou 
faire  sur  ces  sortes  de  sujets  ,  il  a  été  aussi 
nécessaire  de  nous  y  étendre  un  peu. 

III.  Le  pape  Pascal  II  se  rendit  à  des  remon- 
trances si  justes  et  si  vigoureuses. 

L'histoire  de  l'abbaye  de  saint  Martin  de 
Tournay,  dit  que  le  roi  Louis  VI  avait  consenti 
au  rétablissement  de  l'évêché  de  Tournay,  mais 
que  l'exécution  en  fut  traversée  par  diverses 
intrigues  (Spicileg.  tom  xii,  p.  406).  Mais  quel- 
que temps  après  le  pape  Eugène  111  consacra  à 
Rome  l'abbé  de  Saint-Vincent  de  Laon  (An. 
1146),  après  beaucoup  de  résistance  de  sa 
part,  et  l'envoya  évêque  à  Tournay,  avec  des 
lettres  à  ceux  de  Tournay,  où  il  dit  qu'ayant 
appris  que  plusieurs  milliers  de  personnes  y 
mouraient  sans  confirmation ,  et  que  manque 
d'un  évêque  cette  Eglise  souffrait  des  perles 
irréparables,  il  leur  en  a  ordonné  un;  qu'au 
reste  il  les  dispense  du  serment  de  fidélité  et 
d'obéissance  qu'ils  devaient  à  l'évèciue  de 
Noyon  (Jureti  Notœ  in  Laon.,  p.  770,  771). 

Ce  i>ape  écrivit  en  même  temps  au  roi 
Louis  VII  qu'il  n'avait  pas  douté  que  cette  créa- 
tion d'un  nouvel  évêché  ne  fût  un  nouveau 
lustre  à  la  couronne  de  France  (Spicilegii  tom.  v, 
p.  563).  a  Quod  ad  magnum  regni  tibi  a  Dec 
commissi ,  et  coronae  tuae  incrementum  cre- 
dimus  proventurum  ;  »  qu'au  reste  il  ne  doit 
pas  écouler  ceux  qui  oseraient  décrier  auprès 
de  lui  une  chose  qui  n'a  été  faite  que  par  une 
inévitable  nécessité  et  pour  le  salut  de  tant  île 
j)euples.  «  Quod  pro  tanta  necessitate,  et  tôt 
millium  hominum  sainte  factum  est.  » 

11  est  à  croire  que  ce  roi  agréa  l'action  du 
pape,  puisque  l'histoire  ne  nous  apprend  pas 
qu'il  y  ait  mis  aucun  obstacle. 

La  chronique  d'Albéric  assure  que  ce  fut 
saint  Bernard,  abbé  de  Clairvaux,  qui  porta  le 
pape  Eugène  à  accorder  cette  grâce  à  l'Eglise 
de  Tournay  ;  ce  qui  i^eut  encore  servir  de 
preuve  que  le  roi  Louis  le  Jeune  y  consentit. 


DE  L'INSTITUTION  DES  NOUVEAUX  ÉVÈCIIÉS. 


;ho 


L'histoire  de  l'abbaye  de  saint  Martin  de  Toui- 
nay  assure  en  termes  formels  que  le  roi  Louis  Vil 
donna  enfin  son  consentement,  o  Rex  paucis 
interpositis  diebus  papœ  petilioni  annuit,  sic- 
que  novum  episcopum  recipimus.  » 

Au  reste  c'était  depuis  le  temps  de  saint 
IHédard,  évèque  de  Noyon,  que  ceux  de  Tour- 
nay  avaient  élu  pour  leur  évêque  (Spicil. , 
lom.  II,  p.  484),  et  qui  avait  été  forcé  de  joindre 
ces  deux  évècliés  par  le  roi  et  par  le  clergé  de 
France  ;  c'était,  dis-je,  depuis  ce  temps-là  que 
Tournay  n'avait  point  eu  d'évêque  propre. 

IV.  Le  rétablissement  de  l'évêché  d'Arras  ne 
se  fit  pas  avec  la  même  facilité.  Arras  obéissait 
au  comte  de  Flandre,  qui  relevait  de  la  cou- 
ronne de  France  ;  ainsi  la  France  était  intéressée 
àce  qu'ilyeûtun  évêque,  et  qu'on  n'y  reconnût 
plus  l'évèque  de  Cambray,  (|ui  (  tait  des  dé- 
pendances de  l'Empire  d'Allemagne.  L'em- 
pereur Henri  était  alors  aux  prises  avec  les 
papes.  L'intérêt  commun  du  Saint-  Siège  et  de 
la  France  porta  donc  le  pape  Urbain  II  à  écou- 
ter les  prières  de  ceux  d'Arras,  et  à  confirmer 
l'élection  qu'ils  avaient  faite  d'un  évè(iue.  Ce 
pape  enjoignit  à  l'archevêque  de  Reims  P.ainnl- 
dus  de  consacrer  le  nouvel  évêque  ,  nommé 
Lambert.  L'archevêque  prit  conseil  de  l'évèque 
deSoissonset  de  ses  autres  sufVragants. 

Leur  commun  avis  fut  qu'il  ne  devait  pas 
faire  lui-même  celte  consécration,  de  peur  que 
l'évêché  de  Cambray  dont  Arras  avait  relevé 
depuis  fort  longtemps,  ne  se  séparât  de  l'obéis- 
sance de  la  métropole  de  Reims;  mais  envoyer 
l'évèque  élu  au  i»ape,  avec  assurance  que  si  le 
pape  le  consacrait  évêque  d'Arras  on  le  rece- 
vrait dans  la  province  de  Reims  dans  le  même 
rang  que  les  autres  évêques  de  la  province,  a  Ti- 
muerunt  et  timent  ne  Cameracenses  ex  hoc 
facto  accepta  occasione ,  se  Remensi  Ecclesia 
abrumperent  ;  cum  et  civitas  eorum  alterius 
regni  habeatur,  et  regni,  cujus  rex  nobis  et 
EcclesiLe  Romanae  jam  ex  longo  tempore  ini- 
micatur,  etc.  Ubi  eum  dignitas  vestra  conse- 
craverit,  consecratum  bénigne  suscipiemus, 
sicut  episcopum  et  suffiaganeum  (An.  1193, 
Spicil.,  tom.  m,  p.  123).  » 

L'évèque  Lambert  étant  arrivé  à  Rome,  con- 
jura le  pape  de  le  décharger  d'un  évêché  qui 
l'exposait  à  une  tempête  et  à  une  persécution 
effroyable  de  la  part  de  l'empereur  Henri,  ex- 
communié par  le  Saint-Siège,  puisque  Cambrai 
relevait  de  lui.  «  Ad  cujus  imperium  Came- 
racuin  hactenus  pertinebat;  »  et  de  la  part  du 


clergé  et  du  peuple  de  Cambrai.  Le  pape  ne 
laissa  pas  de  le  consacrer,  et  d'écrire  en  même 
temps  à  rarchevèt|ue  de  Reims  clu'il  ne  devait 
point  apiiréhender  que  Cambrai  se  séparât  de 
sa  métropole,  parce  que  quiconque  entrepren- 
drait de  se  faire  ordonner  évêque  de  Cambrai 
par  d'autres  mains  que  celles  de  l'arcliesê- 
que  de  Reims  serait  aussitôt  frappé  des  foudres 
de  l'Eglise  romaine ,  à  moins  que  ceux  de 
Cambrai  ne  fissent  paraître  des  privilèges  du 
Saint-Siège,  par  lesquels  Arras  leur  fût  soumis, 
a  Nisi  forte  Cameracenses  priviiegium  Romana; 
autoritatis  ostenderint,  quod  eis  Atrebaten- 
sem  subdat  Ecciesiam.  » 

Le  comte  de  Flandres  voulut  savoir  de  l'ar- 
chevêque de  Reims  quels  étaient  sus  sentiments 
sur  cette  nouvelle  ordination.  L'archevê(]ue 
lui  manda  que  dans  un  concile  d'arclievècpus, 
d'évêques  et  de  plusieurs  princes,  on  avait  jugé 
qu'on  ne  pouvait  sans  crime  désobéir  à  ces 
ordres  du  pape,  et  qu'ensuite  il  avait  confirmé 
l'ordination  de  l'évèque  Lambert,  et  avait  reçu 
sa  profession.  «  In  Concilie  quod  Remis  cum 
chorepiscopiset  e|)iscopis  nostris,  at<|ne  princi- 
pibus  multis  liabuimus,  jiixta  Doniini  jinpo) 
Urbani  prœcepta,  (juibus  inobedire  nel.tf  est, 
consilio  et  assensu  coepiscoporum  nostronuTi , 
more  ecclesiastico,  illius  protessionein  susce- 
pimus,  ejusque  consecrationem  confirmantes 
confirmavimus.  » 

On  avait  élu  en  même  temps  un  nouvel  évê- 
que à  Cambrai,  qui  ne  manqua  pas  de  taire  ses 
oppositions  à  Rome,  et  d'écrire  au  pa|ie  qu'il 
avait  des  iirivilèges  de  ses  prédécesseurs.  «  Se  et 
Ecciesiam  suam  Romanis  privilegiis  esse  nmni- 
tam.  »  Le  pape  remit  le  jugement  de  celle 
affaire  au  concile  de  Clermont ,  où  Lambert 
fut  aussi  appelé.  Mais  le  succès  en  fut  tunesle  à 
révè(iue  de  Cambrai,  qui  y  fut  déposé,  connue 
partisan  du  schisme  de  l'empereur  Henri. 
Enfin  le  pape  Pascal  II  confirma  ce  rétablis- 
sement que  son  prédécesseur  avait  fait  de 
l'évêché  d'Arras  (S[)icileg.,  t.  v,  p.  540,  etsecj.). 
Ce  récit  est  tiré  de  toutes  les  lettres  originales 
qu'on  peut  lire  dans  le  Spicilegium  du  père 
dom  Luc  d'Achéry  (Spicileg.,  tom.  m,  p.  123). 

Il  ne  faut  pas  omettre  que  le  pape  Urbain  II 
raconte  lui-même,  dans  une  de  ses  lettres,  que 
selon  les  canons ,  chaque  métropole  devait 
avoir  douze  évêques  suHragants  ;  et  la  seconde 
Relgique,  qui  est  la  province  de  Reims,  ayant 
eu  autrefois  douze  évêchés,  Arras,  qui  en  était 
un  et  qui  avait  reçu  de  la  main  propre  de  saint 


320        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SEPTIÈME. 


Remy  faint  Wast  pour  évêque ,  tomba  ensuite 
comme  en  défaillance  par  lirruplion  des  bar- 
bares et  fut  asfsujetli  à  l'évêque  de  Cambial, 
sans  a\oir  d'évèque  propre.  Mais  qu'à  présent 
cette  cilé  étant  i)lus  riclie  et  plue  nombreuse 
que  celle  de  C;imbrai,  il  a  été  juste  d'y  rétablir 
le  siège  épiscopal,  selon  le  canon  du  concile  de 
Saidique,  qui  ôte  les  évêques  des  villages,  et 
les  place  dans  les  villes  bien  peuplées,  et  selon 
le  décret  du  concile  11  d'Afrique,  qui  veut  que 
les  lieux  qui  ont  eu  autrefois  des  évêques 
recommencent  aussi  d'en  avoir  lorsqu'ils  se 
sont  repeuplés  :  «  Ut  diœcesis,  quœ  aliquando 
babuit  ei>istoiium  ,  si  accedentetemporepopu- 
lus  nuiltiplicalus,  desideraverit  habere  pro- 
prium  rectorem ,  ejus  videlicet  voluntate  in 
cujus  polestate  est  diœcesis  constituta,  liabeat 
proprium  episco|ium  ;  »  enfin  à  l'exemple  du 
grand  saint  Grégoire,  qui  renouvela  un  évècbé 
ruiné  dans  la  Sardaigne. 

Ce  pape  n'attendit  pas  le  consentement  de 
l'évêque  de  Cambrai,  comme  le  canon  d'Afri- 
que semble  le  demander,  soit  parce  que  cet 
évêché  était  alors  vacant ,  ou  plutôt  parce  que 
celte  Eglise  était  alors  engagée  dans  la  faction 
scbismatique  de  l'empereur  Henri  contre  le 
Saint-Siège,  soit  enfin  parce  que  le  refus  qu'en 
faisait  le  nouvel  évèque  de  Cambrai  était  notoi- 
rement contraire  aux  canons,  qui  ne  permirent 
jamais  aux  prélats  de  préférer  leurs  intérêts 
particuliers  aux  avantages  publics  de  l'Eglise. 
Enfin  le  concile  de  Clerinont  décida  la  chose 
en  faveur  de  l'Eglise  d'Arras. 

V.  Voici  une  conjoncture  toute  pareille,  mais 
dont  l'issue  ne  fut  pas  semblable  (Anno  1183. 
Scri|.tores  Norman.,  p.  99(>).  Milon,  évê(iue  de 
Térouanne ,  étant  mort ,  l'arcliidiacre  de  la 
même  Eglise  fut  élu  en  sa  place.  Samson,  arche- 
vêque de  Reims,  se  disposait  à  le  consacrer  ; 
mais  le  clergé  de  Boulogne,  protestant  iiu'il  vou- 
lait avoir  un  évêque  propre  à  Boulogne,  comme 
ils  en  avaient  eu  un  autrefois,  interjeta  son 
appel  au  pape  pour  empêcher  qu'il  ne  fût  sacré 
que  sous  le  litre  de  Térouaime,  et  non  pas  con- 
joiiitLinent  sous  celui  de  Boulogne.  «  Clerici 
Boiioniaî  qui  diusub  episcopo  Tarvannensi  fue- 
niiit,  volcntes  auiodo  suuni  proprium  episco- 
piim  habere,  sicut  anliquitus  liabuerant,  pro- 
iiibuerunt  archiepiscopum  sub  appellalione 
apostolica,  ne  cum  sacraret,  nisi  tanlununodo 
ad  Ecclesiam  Tarvanneiisem.  » 

Le  nouvel  évêque  ne  put  se  résoudre  à  un  si 
grand  rabaissement  de  son  Eglise,  et  il  s'en  alla 


à  Rome,  où  le  pape  l'ordonna.  Si  Térouanne 
remjiorta  alors  la  victoire  avec  plus  de  bonheur 
que  de  justice,  elle  l'expia  d'une  manière  bien 
funeste  longtemps  après ,  lorsque  Charles  V, 
empereur,  ayant  rasé  la  ville,  l'évèché  en  fut 
transféré  à  Boulogne  (Sponde,  Anno  1353, 
n.  2). 

La  bulle  de  Pie  Vqui  fit  cette  translation,  (Gal- 
ba Christ.,  tom.  H,  p.  -428),  nousapprend  que  les 
rois  de  France  et  d'Espagne  Henri  II  et  Philippe 
II  étant  convenus  de  ne  plus  rebâtir  Térouanne 
et  d'en  partager  les  fonds  de  l'Ej^lise  sous  le  bon 
plaisir  du  pape  Pie  l\,  avaient  divisé  la  portion 
de  l'Espagne  entre  les  évcchésdeSaint-Omeret 
d'Ypres  ;  et  que  lui,  à  la  prière  du  roi  très-chré- 
tien «  precibus  Christianissimi  Régis  adducti,» 
changeait  l'abbaye  des  chanoines  réguliers  de 
Notre-Dame  de  Boulogne  en  siège  épiscopal, 
avec  pouvoir  au  roi  d'y  nommer,  comme  il 
nonunait  à  Térouanne. 

VI.  Je  ne  dirai  rien  ici  des  treize  nouveaux 
évôchés  du  Pays-Bas ,  que  le  pape  Paul  IV  y 
érigea.  Une  utilité  et  une  nécessité  si  évidentes 
et  si  pressantes  de  ces  Eglises,  qu'il  fallait  forti- 
fier contre  les  progrès  de  l'hérésie,  arracha  au 
moins  un  consentement  tacite  des  princes  et 
des  prélats  intéressés,  et  les  obligea  de  sacrifier 
leurs  avantages  particuliers  au  bien  commun 
de  l'Eglise  (Sjjonde,  Anno  1359,  n.  4.)  Nous 
avons  assez  parlé  de  cette  niatière,  en  traitant 
des  nouveaux  archevêchés  qui  furent  érigés  en 
même  temps  dans  le  même  pays. 

VIL  L'archevêque  de  Reims  Guillaume  ayant 
demandé  au  pape  Célestin  III  la  permission 
d'ériger  un  nouvel  évêché  dans  le  château  de 
Mouzon,  ce  pape  le  lui  permit,  pourvu  qu'il  le 
fît  avec  le  consentement  du  roi  de  France,  et 
de  l'avis  des  évêques  d'Arras  et  d'Amiens.  «  De 
assensu  Francorum  régis,  de  consilio  fratrum 
nostrorum,  Atrebatensis  et  Ambianensis  epi- 
scoporum  (Innocent.  111,  lib.  i,  epist.  clxu 
CLXHi).  »  Le  pape  Innocent  111  confirma  cette 
concession  de  Célestin  III  et  permit  à  l'arche- 
vêque de  nommer  à  cet  évêché  sa  vie  durant, 
avec  le  consentement  des  diocésains.  Je  ne  sais 
par  quel  endroit  ce  dessein  se  rompit.  Mais 
voyons  ce  qui  n'a  pas  réussi  plus  heureusement 
en  nos  jours. 

Le  cardinal  d'Ossat  empêcha  à  Rome  qu'on 
n'érigeai  Nancy  en  évêché,  quelque  instance 
qu'en  pût  faire  le  duc  de  Lorraine  (Ossat, 
tom.  n,  let.  i.  3,  ni),  parce  que  cette  élévation 
de  Nancy  ne  se  pouvait  faire  sans  une  extrême 


DE  L'INSTITUTION  DES  NOUVEAUX  ÉVÈCHÉS. 


321 


diminution  de  l'évcclié  de  Toiil  (|ui  apparlient 
à  la  France. 

Le  duc  de  Savoie,  soutenu  du  crédit  de 
l'empereur  M  ixiniilien,  avait  obtenu  de  Léon  X 
en  1315  que  la  ville  de  Bourg  en  Bresse  serait 
érigée  en  évèché.  Comme  ni  le  roi  François  I'' 
ni  l'archevêque  de  Lyon,  dont  on  démembrait 
le  diocèse ,  n'avaient  consenti  à  ce  ciiange- 
ment,  le  même  pape  révoqua  l'année  suivante 
à  leur  instance  la  bulle  d'érection.  L'an  15-21 
le  même  évèché  futencore  rétabli  parle  même 
pape  (Hist.  de  Bresse,  part,  ii,  pag.  20, -2lj; 
mais  comme  ce  fut  encore  contre  la  volonté  du 
roi  François  I",  ce  prince  ayant  quelques  an- 
nées après  conquis  toute  la  Bresse,  en  obtint 
encore  une  fois  la  suppression  du  Pape  Paul  lll, 
en  l'an  1334  (Preuves  de  l'histoire  de  Bresse, 
pag.  78,  etc.). 

VIII.  Le  siège  épiscopal  d'Antibes  fut  trans- 
féré à  Grasse  par  le  pape  Innocent  IV  à  cause 
du  mauvais  air  et  des  courses  des  pirates,  l'E- 
glise d'Antibes  demeurant  concathèdrale  avec 
celle  de  Grasse.  Clément  VII,  indigné  contre  l'é- 
vèque  de  Grasse,  qui  suivait  le  parti  d'Ur- 
bain VI  son  compétiteur  (Hist.  Eccl.  del'Ev.  de 
Vence,  1.  ii,  pag.  136),  le  priva,  lui  et  ses  suc- 
cesseurs, de  la  seigneurie  d'Antibes,  qui  était  do 
la  mense  épiscopale,  et  l'engagea  aux  Grimakli 
de  Gènes,  pour  quelque  somme  d'argent  qu'ils 
lui  avaient  prêtée,  avec  faculté  à  révè(|ue  de 
Grasse  d'y  rentrer  en  les  remboursant  (Gallic. 
Christ.,  tom.  u,  p.  602;.  Le  concile  de  Bàle  ré- 
tablit l'évèque  en  son  ancienne  possession  ; 
mais  Eugène  IV,  bien  loin  de  s'en  tenir  à  celle 
sentence,  établit  à  Antibes  un  vicaire  apostoli- 
que, avec  toute  la  juridiction  é()iscopale;  réser- 
vant néanmoins  toujours  à  l'évèque  de  Grasse 
le  même  pouvoir  d'y  rentrer,  à  la  charge  de 
remboursement.  Le  roi  Louis  XIII  fit  remettre 
aux  èvèques  de  Grasse  le  droit  de  présenla- 
tion  à  cette  vicairie  apostolique,  afin  de  la  réu- 
nir à  l'évèchè  de  Grasse.  Ceux  d'Antibes  s'op- 
posèrent à  celte  sujétion. 

Le  pape  Clément  VIII  avait  uni  les  évêchés 
de  Grasse  et  de  Vence  en  l'an  139-2.  Mais  comme 
le  consentement  du  roi  n'y  était  pas  intervenu, 
ils  furent  désunis  en  1601  M.  Godeau,  tom.  ii, 
lib.  H,  pag.  233).  Louis  XIII  consentit  à  cette 
union  en  faveur  de  M.  Godeau  ,  et  Innocent  X 
lui  expédia  les  bulles  des  deux  évêchés,  laissant 
chaque  église  dans  ses  droits  et  honneurs.  Mais 
le  clergé  et  le  peuple  de  Vence  s'opposant  à 
celle  union,  ce  sage  et  vertueux  prélat  a  jugé 


enfin   qu'il   devait   lui-même   faire  révoquer 
l'union,  et  renoncer  à  révéché  de  Grasse. 

IX.  Le  pape  Grégoire  X  unit  les  évêchés  de 
Valence  et  de  Die  en  Danphiné,  par  la  seule 
con^•ideration,  comme  il  l'a-siire  lui-même,  de 
la  nécessité  pressante  et  de  l'évidente  utilité 
de  ces  deux  Eglises  :  a  Propter  urgentem  ne- 
cessitatem,  et  evidenlem  utilitatem  ipsarum,  » 
ordonnant  que  l'élection  se  ferait  alternative- 
ment par  les  deux  Eglises  cathédrales,  en  com- 
mençant par  celle  de  Valence. 

II  n'est  point  parlé  dans  le  rescrit  de  ce  pape 
du  consentement  du  prince  (Rainald.,au.  1273, 
n.  33),  ou  parce  que  c'était  dans  les  terres  qu'on 
appelait  de  l'empire  où  l'Eglise  jouissait  d'une 
[ilus  grande  liberté  comme  nous  l'avons  déjà 
remarqué,  et  où  les  évêques  étaient  comme 
princes  de  l'empire;  ou  parce  que  les  souve- 
rains pontifes  n'ont  pas  jugé  à  propos  de  garder 
toujours  autant  de  mesure  avec  les  petits  sou- 
verains qu'avec  les  tètes  couronnées. 

On  peut  encore  remarquer  quehjues  traces 
de  celte  souveraineté  des  évêiiues,  comtes  de 
Valence  et  de  Die,  dans  la  transaction  que  pa^si 
avec  Louis  XI,  encore  dauphin,  celui  qui  en 
était  alors  évèque  (Mémoiresdu  Clergé,  tom.  n, 
part.  IV,  p.  81;. 

Je  ne  dirai  rien  de  la  translation  de  l'èvêché 
d'Anbenas  (Alba  Helvioruniià  Viviers,  parce 
qu'elle  est  très-ancienne,  savoir  après  que  les 
Vandales  eurent  ruiné  Aubenas  ;  en  sorte  que 
le  pape  Pascal  II  a  confondu  les  noms  de  ces 
deux  villes  o  Alba,  quœ  et  Vivarium  dicilur,  » 
si  ce  n'est  que  le  nom  d'Albe  eût  passé  à  Viviers 
avec  l'évèchè  (Du  Chesne,  Nolœ  in  Bibl.  Clun., 
p.  123). 

X.  La  fameuse  cité  de  Maguelonne  fut  ruinée 
par  le  commaiulementde  Charles  Martel,  parce 
que  les  Sarrasins  y  faisaient  de  fréquentes  des- 
centes, et  ravageaient  tout  le  voisinage,  la  ville 
de  Montpellier  n'étant  pas  encore  bâtie  Bibliot. 
MSS.  Labbei,  tom.  i,  p.  796).  Les  évêques  se 
retirèrent  dans  le  château  de  Soustanson,  et  y 
firent  leur  séjour  durant  l'espace  d'environ 
trois  cents  ans,  jusqu'à  lévêque  Arnaud.  Ce  pré- 
lat, ayant  obtenu  du  jiape  Jean  XX  et  des  arche- 
vê(iues  et  èvè()ues  voisins  de  fort  grandes  indul- 
gences, et  la  liberté  même  à  tous  les  pénitents 
d'entrer  dans  l'Eglise,  et  d'y  participer  à  toutes 
les  choses  saintes,  excepté  à  l'eucharistie,  s'ils 
contribuaient  de  leurs  biens  pour  la  réparation 
de  l'église  de  Maguelonne  ,  la  rebâtit  et  la 
dédia.  Sou   successeur  y  établit  des  chanoines 


Tu.  —  TojiE  I. 


Si 


35-2         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SEPTIÈME. 


réguliers  (l'.ibliot.  MSS.  Labbei,  tom.  i,  pag. 
79(1).  Nos  rois  lui  donnèrent  des  fiefs  considé- 
rables; Montpellier  en  était  un,  qui  n'était  qu'à 
une  demi-lieue  du  château  de  Soustanson  ou 
de  Melgor  (Ibid.,  tom.  iv,  pag.  800).  Au  temps 
du  roi  Louis  VII,  Montpellier  appartenait  déjà  à 
l'évêque  de  Maguelonne,  et  il  en  faisait  hom- 
mage à  nos  rois  [Marca,  de  Concord.,  1.  ii,  c.  3, 
n.  i,  3;etLiv,  c.  13,  n.5).EnfinlepapePauIIII 
transféra  l'évêché  de  Maguelonne  à  Montpel- 
lier, l'an  l."^i3(),  à  la  demande  du  roi,  comme 
les  bulles  mêmes  le  témoignent 

XL  L'évêché  de  Pamiers  fut  érigé  par  le  pape 
Boniface  VllI  dans  l'abbaye  des  chanoines  ré- 
guliers de  Saint-Antonin  du  même  lieu,  dont 
l'abbé  était  seigneur  temporel,  et  fut  lui-même 
élevé  à  l'épiscopat  (Rainald.,  an.  129.5,  n.  52, 
53;  et  ann.  1299,  n.  25).  Ce  pape  ne  tendait  ap- 
paremment qu'à  opposer  l'éclat  et  l'autorité 
d'un  évêque  aux  violences  qu'exerçaient  les 
comtes  de  Foix  sur  la  ville  de  Pamiers,  depuis 
que  Philippe  le  Bel  en  eût  retiré  la  protection 
royale,  dont  ses  prédécesseurs  l'avaient  honorée 
à  la  prière  des  papes.  Mais  connue  le  ]»ape 
n'avait  pas  pris  l'agrément  du  roi  Pliili|ii)e  le 
Bel,  avant  que  de  faire  cette  érection  d'évêché 
(Marca,  de  Concord.,  1.  iv,  c.  13,  n.  ult.),  ce 
prince  porta  bien  loin  son  ressentiment,  à  ce 
que  rapporte  Nicolle  Gilles,  et  il  fallut  que  le 
pape  lui  écrivît,  pour  le  prier  d'em[)êclier  ses 
ministres  de  s'o[i[)oser  à  l'exécution  de  son  res- 
crit,  dont  il  avait  chargé  l'archevêque  de  Nar- 
bonne  (An.  1297). 

Benoit  XI  ayant  succédé  à  Boniface,  ce  même 
roi,  entre  les  autres  plaintes  qu'il  forma  contre 
la  conduite  violente  de  Boniface,  et  qu'il  fit  re- 
tentir jusqu'à  Rome,  n'oublia  pas  celle-ci,  que 
ce  pape  n'en  avait  pas  usé  comme  ses  prédé- 
cesseurs, (jui  ne  faisaient  ces  sortes  de  change- 
ments qu'avec  beaucoup  de  maturité,  et  avec 
l'agrément  des  princes  :  «  Temporibus  san- 
ctorum  Patrum  fit  bantdivisionesepiscopatuum 
perrarae,  etcum  causœ  cognitione  plenaria,  et 
cum  aliqua  complacentia  regum ,  patronoi  um 
et  populi,  ad  tollcndmn  scandalum.  Temiiori- 
bus  autem  Bonifacii  non  sic,  sed  prorsus  aliter 
(Histoire  du  ditlerend,  etc.,  p.  212).  » 

Il  a  assez  paru  en  diflérents  endroits  que  ce 
n'était  point  par  une  simple  complaisance  et 
par  civilité  que  l'Eglise  demandait  le  consen- 
tement des  princes,  mais  par  une  nécessité 
très-pressante.  Lus  incivilités,  même  à  l'égard 
des  souverains ,  sont  d'une   exlicuie  consc- 


quonce.  Aussi  le  roi  Philippe  le  Bel  ne  put  ja- 
mais souffrir  que  Bernard  Saisset,  que  Boniface 
avait  pourvu  de  ce  nouvel  évêché,  en  prît  l'ad- 
ministration. 

Saint  Louis,  prince  du  sang  royal,  qui  venait 
d'être  élevé  à  l'évêché  de  Toulouse,  en  fut  re- 
vêtu, et  il  gouverna  ces  deux  évêchés  de  l'a- 
grément du  pape  et  du  roi.  Après  sa  mort,  le 
roi  consentit  que  Bernard  rentrât  dans  la  pos- 
session de  sa  première  dignité. 

Au  reste,  le  pape  Boniface  témoigne  dans  sa 
bulle  que  l'étendue  et  l'opulence  extraordi- 
naires de  l'évêché  de  Toulouse  l'avaient  comme 
nécessité  à  en  faire  ce  démembrement ,  dont 
le  pape  Clément  IV  avait  déjà  autrefois  formé 
le  dessein  (Nicol.  Gille.  Chron.  Nangii,  an. 
1296,  1298). 

XII.  Les  suites  funestes  de  l'insulte  que  Phi- 
lippe le  Bel  prétendit  avoir  reçue  par  l'érection 
de  l'évêché  de  Pamiers  sans  son  consentement, 
sont  autant  de  preuves  constantes  que  le  pape 
Jean  XXII  n'entreprit  la  continuation  du  même 
démembrement  de  l'évêché  de  Toulouse ,  et 
la  création  de  quatre  évêchés  nouveaux,  sa- 
voir :  Montauban ,  Saint  -  Papoul,  Lombez  et 
Bieux,  qu'avec  le  consentement  de  nos  rois, 
quoiqu'il  n'en  soit  rien  exprimé  dans  ses 
bulles  (Extrav.  Commun.,  I.  ni,  tit.  u,  c.  5, 
6,7). 

Il  faut  faire  le  même  jugement  des  évêchés 
de  Lavaur,  de  Vabres,  d'Alect,  de  Saint-Pons, 
de  Castres,  d'Agen,  de  Condom,  de  Tulle,  de 
Sailat,  de  Saint-Flour,  de  Maillezais  et  de  Lu- 
çon,  qui  furent  érigés  par  ce  même  pape  (Rai- 
nald., an.  1317,  n.  12). 

Il  y  a  sujet  d'admirer  la  modestie  de  nos  rois, 
qui  abusèrent  si  peu  de  la  bonne  intelligence 
où  ils  vivaient  avec  les  i>apes  d'Avignon,  et  du 
crédit  qu'ils  avaient  auprès  d'eux,  qu'ils  ne 
demandèrent  pas  même  que  dans  la  création 
d'un  si  grand  nombre  d'évêchés,  il  fût  fait 
mention  de  leur  consentement. 

Dans  les  derniers  siècles  on  a  usé  de  plus 
de  circonspection,  et  on  a  exprimé  ce  consen- 
tement, pour  prévenir  toutes  les  fâcheuses 
conséquences. 

On  peut  voir  dans  les  mémoires  du  clergé 
(Tom.  I,  c.  2),  les  bulles  d'Urbain  VIII,  en  1631 
pour  la  sécularisation  du  monastère  de  Mail- 
lezais, pour  l'érection  d'un  chapitre  séculier  à 
Fontenay-le-Comte,  où  l'on  voulait  transférer  le 
siège  épiscopal  de  Maillezais,  et  la  bulle  dTn- 
noccnl  X,  en  1C4S,  pour  la  Iranslalioa  de  l'évè- 


DE  l/INSTITUTTON  DES  NOUVEAUX  ÉVÉCHÉS. 


3-23 


ché  de  Maillezais   à  la  Rochelle  ,  au  lieu  de 
Fontenay-le-Comte.  Mais  on  y  voit  aussi  le 


consentement  et  la  ileinande  même  de  nos  rois 
Louis  Xlll  et  Louis  XIV  (1). 


(1)  De  très-grayes  changements  sont  survenus  en  France  sur  cette 
matière,  depuis  la  réïolution.  Par  l'article  3  du  Concordat,  il  fut  con- 
venu entre  le  Saint-Siège  et  le  gouvernement  français,  que  les  U 
sièges  épiscopaui  de  l'ancienne  Fiance,  y  compris  ceux  de  la  Corîe, 
du  Comtal-Venaissin,  de  Bethléem,  résidant  à  Clamecy,  dans  le  Ni- 
vernais, seraient  supprimés,  et  qu'à  leur  place  on  en  éublirait  de 
nouveaux. Tel  fut  l'objet  de  la  bulle  0">  CArisli  iJomtni  tiices,  don- 
née le  3  des  kalendes  de  décembre  1801.  Après  avoir  anéanti  tous  ces 
anciens  titres  èpiscopaux  ou  archiépiscopaux,  par  le  même  acte  sou- 
verain, le  pape  en  créa  cinquante  nouveaux,  à  chacun  desquels  il 
donna  un  patron  titulaire  et  un  chapitre,  assigna  pour  doution  le 
trailemeni  promis  par  le  gouvernement,  et  pour  territoire,  la  circons- 
cripUon  civile  duo  ou  plusieurs  départements.  Par  ses  décrets  publies 
le  2  avril  1802,  le  cardinal-légat  fit  à  chacun  des  sièges  enges,  1  ap- 
pUcauon  de  la  bulle.  Voici  leurs  noms  :  Agen,  Aix,  Ajaccio,  Amiens, 
Angers.  Angouléme,  Arras,  Autun,  Avignon,  Bayeui,  Bayonne, 
Besançon,  Bordeaux,  Bourges,  Cahors,  Cambrai,  Carcassonne,  Cler- 
mont  Coutances,  Digne,  Dijon,  Evreui,  Grenoble,  Limoges,  Lyon, 
Meau'i,  Le  Mans,  Mende,  Metz,  Montpellier,  Nancy,  Nantes,  Or- 
léans Paris,  Poitiers,  Quimper.  Rennes,  U  Rochelle,  Rouen,  Saint- 
Brieu'c,  Saint-Flour,  Séez,  Soifsons,  Strasbourg,  Toulouse,  Tours, 
Troyes,  Valence,  Vannes,  Versailles. 

Le  Concordat  de  1817,  passé  entre  Pie  Vil  et  Louis  XVin,  avait 
pour  but  de  rétablir  l'ancienne  circonscripUon  ecclésiasUque,  suppri- 
mée par  celui  de  1801.  Les  Chambres  législatives  repoussèrent  ce 
traité.  Cependant,  en  1821,  elles  votèrent  les  crédits  nécessaires  pour 
être  employés  à  la  dotation  de  trente  sièges  nouveaux.  Une  ordon- 
nance rovale  du  19  octobre  1821,  rendue  en  exécution  de  cette  loi, 
porte  que  le  roi  s'est  concerté  avec  le  Saint-Siège  pour  savoir  queU 
seront  dans  les  nouveaux  sièges,  ceux  qui  auront  les  droits  et  le 
titre  d'archevêchés,  et  ceux  qui  seront  sufTragants,  et  queUe  sera  leur 
circonscription.  Il  n'est  pas  parlé  de  leur  érection,  parce  qu'elle  avait 
été  faite  par  la  bulle  publiée  à  la  sni'e  du  Concordat  de  1817.  Aussi, 
dans  cette  circonstance,  le  pape  n'adressa  aux  nouvelles  Eglises  que 
de  simples  brefs,  qui  sont  rendus  civilement  exécutoires  par  I  ordon- 
nance royale  susmentionnée.  Voici  quels  furent  les  nouveaux  sièges  : 
du  19  octobre  1821  :  —  Chartres,  Luçon,  Nimes,  Perigueux,  Reims, 
Sens-  du  31  octobre  1822,  exécutoire  d'une  bulle  du  10  octobre  de 
la  même  année  :  -  Alby,  Aire,  Auch.  Beauvais,  Belley,  Blois,  Chà- 
lons-sur-Matne,  Fréjus,  Gap,  Langres,  Marseille,  Montauban,  Mou- 
lins Nevers,  Pamiers.  Perpignan,  Le  Puy,  Rhodez,  Saint-Claude, 
Saiiî'-Dié,  Tarbes.  Tulle,  Verdun,  Viviers.  Dans  les  érections  de 
18''1  Avignon,  déclaré  évéchè  en  1802,  reprit  son  litre  de  métro- 
pole.' qui  lui  avait  été  conféré  par  Sixte  IV,  à  la  fin  du  quinzième 

Le  gouvernement  de  Louis-Philippe  fit  ériger,  en  1838,  l'évéché 
d'AWer  et  en  1855,  Napoléon  111  fit  démembrer  le  déparlement  de 
la  Moyenne  du  diocèse  du  Macs,  et,  d'accord  avec  lui.  Pie  DC  créa 
révéciiê  de  Laval.  Pour  compléter  cette  matière,  il  tant  due  que 
furent  alorî  érigés  les  trois  évéchés  coloniaux  de  Basse-Terre,  dans 
U  Guadeloupe,  de  Saint-Pierre  et  Fort-de-France  dans  la  Marti- 
nique   et  de  Saint-Denis  dans  nie  de  la  Réunion. 

En  vertu  du  Concordat  de  1801,  la  nominauon  des  eveques  est 
faite  par  le  chef  de  l'Etat,  dar.s  les  trois  mois  qui  suivent  la  vacance 
du  Mép<».  Cewnnant.  si  da-^s  =e«  agT3n1i?=eTn»n's  success-fs  la 
France  s'annexait  quelque  province  où  U  nomination  aux  évecbéi 


n'appartient  pas  au  souverain,  alors  l'empereur,  ou  le  roi,  ou  la 
président  de  la  répuWique,  ou  le  consul  de  la  France,  aurait  besoin 
d'un  induit  particulier  pour  pouvoir  nommer  aux  évécliés  de  cette 
province.  C'est  ainsi  qu'en  agit  Clément  XIV  en  publiant  un  induit 
qui  concédait  à  Louis  XV  et  à  ses  successeurs  le  droit  de  nominaUon 
aux  évéchés  de  l'Ile  de  Corse,  nomination  qui  n'appartenait  pas  au 
souverain  de  ce  pays.  En  ce  qui  concerne  Nice  et  la  Savoie,  an- 
nexées à  la  France  en  1860,  le  souverain  français  n'a  pas  besoin 
d'un  induit  parce  qu'il  a  succédé  au  roi  de  Piémont,  qui  avait  droit 
de  nomination  aux  évéchés  de  ce  pays.  Aussi  Napoléon  Ul  nomma 
directement,  peu  après,  l'évéque  d'Annecy.  Les  évéchés  de  Saint- 
Jean-de-Maurienne  et  de  Tarentaise,  en  Savoie,  furent  réublis  par 
le  pape  Léon  XU,  sur  la  demande  du  roi  de  Sardaigne.  Le  titre  mé- 
tropolitain  de  ce  dernier  siège  fut  transféré  à  Chambéry. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  faire  ressortir  les  graves  inconvénients, 
les  dangers  même  qui  découlent,  surtout  dans  notre  époque  où  l'Etat 
n'a  pas  de  religion  et  doit  être  athée  comme  la  loi,  ainsi  qu'on  l'a 
déclaré,  des  nominations  aux  évéchés  faites  par  le  pouvoir  laïc,  dont 
les  chefs,  depuis  la  révolution,  se  sont  succédé  avec  des  attributions 
et  des  noms  divers,  ayant  pour  ministres  des  juifs,  des  protestants, 
des  socialistes,  des  renanistes.  Nous  constatons  seulement  ce  qui  est, 
et  nous  adhérons  avec  obéissance  à  un  état  de  choses  aussi  défeo- 
tueui,  mais  que  le  Saint-Siége  approuve  et  reconnaît.  Cependant 
l'art.  17  du  Concordat  garantit  un  peu  l'avenir  en  disant  que  dans  le 
cas  où  quelqu'un  des  swcesseurs  du  premier  consul  ne  sérail  pat 
catholique,  la  nomination  aux  éuéchés  sera  réglée,  par  npport  à 
lui,  par  une  nouvelle  convention.  L'article  9  du  Concordat  de  Bavière 
de  1817  dit  :  Pontifex  concedit  régi  ejusgue  successonbus  culho- 
ticis  polestatem  nominandi  tantum  dignos  idoneosque  ecclesiastkos 
ad  sedes  meiropolitanas  et  episcopales  vacantes  vel  vacaturas.  Cet 
article  est  parfaitement  semblable  aux  articles  4  et  5  du  Concordat 
français  Une  légère  différence  se  montre  dans  lartiae  28  du  Con- 
cordat conclu  en  1818  entre  Pie  VII  et  Ferdinand  Ivr,  roi  deN,iple»: 
Sanclitas  sua  concedit  régi  ejusque  cathoiicts  successonbus  JX- 
DULTUit  nominandi  dignos  et  idoneos  ecclesiasltcos  viros  ad 
omnes  illas  archiépiscopales  et  epùcopales  Ecclesias,  ad  guas  Ma- 
jestas  sua  jure  nommandi  SOXDUil gaudebat. 

L'article  5  du  Concordai  conclu,  en  1821,  entre  le  Sainl-Siege  et 
la  Prusse  est  d'une  haute  importance.  Il  consacre  le  droit  anUque  et 
n'a  plus  inen  de  commun  avec  les  autres  Concordats  pour  cette  grave 
question  :  Capitulis  facuUas  tribmtur,  ut  in  singulis  illarum  se- 
dium  vacalionibus  infra  consueti  trimestris  spatxum  dignilufs  et 
canonici  capitulnriter  congregati  novos  antistites  ex  ecoesiasliaa 
quibuscumque  viris  regni  Borussici  incolis  ad  formam  SS.  canonum 
etigere  possint  ;  ad  quas  tlectiones  jus  suffragii  habebunt  canonict 
tam  numerarii  quam  honorarii  qui  electi,  si  de  eorum  xdoneilate 
constilerit,  a  Romano  Ponlifice  per  litteras  aposlolicas  confirma- 
buntur.  L'article  4  du  Concordat  conclu  eu  1828,  avec  les  Pays-Bas 
pour  la  Belgique  diffère  peu  du  précédent  :  In  vacatxombus  sedis 
archiepiscopalis  vel  episcopalium ,  capitula  illarum  EccleMarum  « 
candidatis,  de  quorum  nominibus  prias  rex  certior  factus  fueni,  et 
auos  régi  gratos  cognoverinr,  nrchtepiscopum  vel  episcopum  ellgant. 
En  ce  qui  concerne  lEspagne  et  l'Autriche,  les  nouveaux  Concordats 
donnent  aux  souverains  le  droit  de  nominauon  aux  eveches. 

iDr  A.SDRÉ-^ 


3U        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIÈME. 


CHAPITRE   CINQUANTE-HUITIÈME. 


DE  l'Érection  des  nolveaux  évêchés  hors  de  la  frange,  après  l'an  yut. 


I.  Les  mêmes  règles  furent  obiervées  dans  l'i^ircction  des 
nnuvenin  évccliés,  cl  dans  les  Iranslations  des  anciens  en  An- 
gitlerre.  exemples  sous  I.anfranc. 

II.  Exemples  sous  saint  Anselme. 

III.  Des  évècliés  érigts  par  Uenii  VIU. 

IV.  Exemples  en  Irlande. 

V.  En  Suéde. 

VI.  En  Alieuiagne. 

VII   En  Livnnie  et  en  Danemark. 
VIII.  Nouveaux  exemples  en  Allemagne. 
IX    En  Hongrie.  Evèchés  érigés  par  le  roi,  comme  légat 
apostolique. 

X.  En  Italie. 

XI.  Denx  cathédrales  sous  un  seul  évèque. 

XII.  En  Espagne. 
X'II.  En  Afri(iue. 

XIV.  Translation  du  chapitre  de  Liège,  sans  transférer  l'é- 
vèché. 

XV.  Erection  de  l'évêché  de  Bethléem  dans  la  Palestine. 

I.  Si  nous  passons  de  France  en  Angleterre, 
nons  y  verrons  bien  éclater  les  mêmes  vérités 
it  les  mêmes  maximes,  mais  non  pas  toujours 
le  même  respect  envers  le  Saint-Siège. 

La  province  d'Essex  ayant  été  sept  ans  sans 
é\ê(|iies,  le  pape  Formose  en  témoigna  son 
jll^i('  ressentiment  (Guillelmi  Malmesbur. , 
pag.  47),  et  aussitôt  le  roi  Edouard  assembla 
Fon  concile  national  en  904,  ou  les  Etats  de 
son  royaume  «  Synodum  senatorum  gentis 
Anglorum ,  »  y  fit  présider  Tarchevèque  de 
Canlorbéry,  y  élut  avec  les  évêques  cinq  évè- 
qiics.  ou  ]ilulôt  il  y  créa  cinq  évêchés,  au  lieu 
de  d  jux  iiu'il  y  avait;  il  en  ajouta  ensuite  deux 
autres,  et  fit  confirmer  par  le  pape  ces  nou- 
veaux établissements,  afin  de  les  rendre  à  l'a- 
venir irrévocaliles.  «  Rex  et  episcopi  elegerunt, 
et  consliUierunt  sirgulos  episcopos,  et  quod 
olim  duo  babuerim',  in quin(|ue  diviserunt,  etc. 
Sed  et  ali.'s  p'oviiiciis  constituit  duos  episco- 
jios,  etc.  Hoc  tolum  papa  firmavit,  ut  dainiia- 
relur  in  perpetuuni,  qui  hoc  infumaret  decre- 
tuni.  B 

1°  11  parait  (jue  le  pa[)e  ne  se  mêla  d'abord 
de  la  création  de  ces  nouveaux  évêchés  que 
parce  que  les  métropolitains,  les  conciles  pro- 
vinciaux et  les  rois  négligeaient  de  faire  leur 
devoir,  et  de  pourvoir  aux  besoins  de  l'Eglise; 


2°  ce  fut  le  roi  et  le  concile  qui  érigèrent  ces 
nouveaux  évêchés;  3°  on  en  demanda  la  confir- 
mation au  pape  pour  donner  une  immuable  sta- 
bililéàcenouvelétablissement.  Voilà  parquelles 
voies  la  création  des  évêchés  commençaità  tom- 
ber entre  les  mains  des  souverains  pontifes  qui 
suppléaient  à  la  néjiligence  des  archevêques, 
et  qui  seuls  pouvaient  faire  que  leurs  décrets 
fussent  irrévocables  aux  archevêques  futurs. 

Ce  fut  aussi  dans  un  concile  national  d'An- 
gleterre, en  1073,  que  le  bienheureux  arche- 
vêque Lanfranc,  de  Cantorbéry,  transféra  les 
sièges  de  trois  évêques  de  trois  villages  dans 
autant  de  villes,  qui  furent  Chester,  Chichester 
et  Saliîbury,  avec  l'agrément  du  roi  et  du  con- 
cile :  «  Concessum  est  regia  munificentia,  et  sy- 
nodi  autoritate  (VitaLanfranc.,c.  1-2).  »  Comme 
le  roi  ne  s'était  pas  expliqué  sur  quehiues  autres 
de  même  nature,  on  attendit  qu'il  fût  de  retour 
d'outre-mer  pour  savoir  ses  intentions.  «  De 
quibusdam,  qui  in  villis,  seu  vicis  adhuc  dege- 
bant,  dilalum  est  usque  ad  régis  audieutiarn.  » 

IL  Saint  Anselme,  successeur  de  Lanfranc 
dans  l'archevêché  de  Cantorbéry,  écrivit  au 
pape  Pascal  II  |»our  qu'il  confirmât  la  division 
qu'il  voulait  faire  de  l'évêché  de  Lincoln.  Ead- 
mer  en  parle  en  ces  termes  :  «  Anselmus  sciens 
pra?ter  consensum  et  Romani  ponlificis  auto- 
ritatem ,  novum  episcopatimi  nusquam  rite 
institui  posse,  scripsit  ei  sic  (Eadmerus,  Hist. 
Nov.,  1.  IV).  1) 

Saint  Anselme  dans  sa  lettre  assure  ce  pape 
1°  que  l'étendue  de  cet  évêché  est  si  vaste  qu'un 
seul  évêque  n'en  peut  rem|)lir  tous  les  devoirs; 
2°  que  les  revenus  sont  suffisants  ])Our  deux 
évêques  ;  3°  que  Tévêque  de  Lincoln  y  con- 
sent ;  4°  que  l'abbaye  d'Hèly  peut  être  très- 
commodément  érigée  en  évêché  ;  5°  que  le 
roi,  les  évc(|ues,  les  grands,  enfin  toute  l'An- 
gleterre souhaite  ce  partage,  comme  très-utile 
à  l'Eglise.  «  Rex,  episcopi,  principes,  et  alii 
rationabiles  et  religiosi  viri  regni  Anglo- 
rum, etc.  Ad  utilitatem  Ecclesiœ  consilium 


DE  L'ÉRECTION  DES  XOlTEArX  ÉVÉCFIÉS  HORS  DE  LA  FRANCE. 


325 


est,  efc.  ;  »  6°  que  In  confirmation  du  pape  est 
nécessaire  pourôter  aux  siècles  à  venir  le  pou- 
voir lie  changer  ce  qui  aura  été  si  sagement 
résolu.  «  Ut  cum  apostolico  assensu  fuerint 
confirmatœ  dispositiones,  nuUa  praesumptione 
a  posteris,  qux  salubriter  statutœ  sunt,  queant 
violari  ;  sed  ratœ  i)ermaneant  in  peri)et\iuni,  efc. 
Quod  pro  utilitate  Ecclesiae  sic  dispositum  est, 
vestra  autorilate  in  perpetuum  roboretur  :  ne 
a  posteris  ulia  prœsuniptione,  quod  bene  sta- 
tutum  fiierit,  violetur  (  Conc.^  tom.  x,  p.  708  ).  » 
On  peut  lire  plus  au  long  entre  les  notes  de 
Jean  Selden  sur  Eadmer,  les  actes  de  l'évècbé 
d'Hély,  érigé  connue  nous  venons  de  le  dire. 

Voilà  encore  de  quelle  manière  l'autorité  du 
pape  ne  s'est  nullement  ingérée  ,  mais  a  été 
implorée  pour  donner  une  stabilité  irrévo- 
cable aux  résolutions  des  conciles  et  des  rois 
sur  ces  nouveaux  établissements;  etensuite  on 
l'a  fait  intervenir  pour  faire  elle-même  ces 
établissements  du  gré  des  princes  et  des  pré- 
lats. Mais  voilà  aussi  comme  il  faut  entendre 
ce  que  disent  Matthieu  Paris  et  Matthieu  de 
Westminster  ,  que  le  roi  Henri  flt  un  évèché 
de  l'nbbaye  d'Hély  :  «  Rex  Henricus  abbatiam 
Eliensem  in  episcopalem  sedem  commutavit 
(An.  1109).  » 

Ces  expressions  qui  donnent  aux  rois  les 
actions  d'éclat  et  d'autorité,  n'en  excluent  pas 
les  évêques  ,  ni  le  pape.  C'est  donc  ainsi 
qu'il  faut  entendre  ce  que  le  même  Matthieu 
de  Westminster  raconte  ailleurs  (  An.  1131  ), 
que  le  roi  Henri  érigea  le  nouvel  évèché  de 
Carliste,  et  en  fit  évêque  son  confesseur  ,  qui 
était  le  prieur  de  saint  Oswald  (  An.  104)  ,  et 
ce  que  dit  Paris.  (]ue  l'évêijue  de  Tlieodford 
étant  revenu  de  Rome,  où  il  avait  remis  entre 
les  mains  du  pape  cet  évèché  acquis  par  un 
trafic  simoni:que,  et  l'avait  ensuite  reçu  de  la 
grâce  du  Siège  apostolique ,  il  transfera  son 
évèché  à  Norwik. 

l\\.  Dans  le  siècle  dernier  le  roi  Henri  VIII 
d'Angleterre  entreprit  d'ériger  six  évêchés  nou- 
veaux pendant  sa  séparation  d'avec  1  Eglise  ro- 
maine. Le  cardinal  Polus,  qui  fut  envoyé  légat 
en  Angleterre  pour  la  réconcilier  au  chef  véri- 
table de  l'Eglise,  au  commencement  du  règne 
de  la  reine  Marie,  jugea  par  une  prudente  dis- 
pensation,  qu'il  fallait  confirmer  cette  érection 
irrégulière,  il  la  confirma,  et  la  fit  encore  con- 
firmer au  pape  Paul  IV  (Sponde.,  an  1554  , 
n.  4  ).  Tout  cela  se  faisait  du  gré  de  la  reine 
Marie. 


IV.  En  Irlande  le  roi ,  le  frère  du  roi  et  les 
évê(|ues  jugeant  iju'une  ville  aussi  peuplée  que 
celle  de  Waterford  ne  pouvait  |)liis  se  passer 
d'évêque ,  en  élurent  un  (ju'ils  envoyèrent 
à  saint  Anselme  comme  à  leur  primat,  et 
comme  à  un  légat  du  Saint-Siège ,  afin  qu'il 
autorisât  cette  création  d'un  évèché  nouveau , 
et  cette  élection  qu'ils  avaient  faite  (Eadmer. 
Ilist.  \ov.,  Lu).  «  Rex  cum  episcopis  et  quiqne 
nobiles  cum  clero  et  populo,  miserunt  ad  An- 
selmum,  petentes  ,  quatenus  primatus,  quem 
super  eos  gerebaf,  potestate,  etquafungebatur 
vicis  apostclicse  autoritate ,  necessariœ  ple- 
bium  utilitali  subveniret,  etc.  (Conc.  Angl., 
tom.  H,  p.  20).  » 

La  lettre  fut  signée  du  roi,  de  son  frère,  des 
évêques  et  ensuite  des  autres.  Saint  .Vnselme 
satisfit  à  leur  demande,  et  consacra  rêvêc]ue 
qu'ils  avaient  élu.  Le  roi  Henri  III,  touché  de 
l'extième  ptuvreté  de  l'évêché  de  Waterford  et 
de  Lismor,  consentit  à  leur  union  ,  si  le  pape 
voulait  interposer  son  autorité  pour  cela  (Cons- 
titut.  Anliq.  Reg.  Ang..  p.  80). 

V.  Le  roi  de  Suéde  Olaph  qui  en  fut  aussi 
l'apôtre  fonda  l'évèché  de  Scara,  mais  ce  ne 
fut  pas  sans  l'entremise  de  l'archevêque  d'Ham- 
bourg Vuvan,  légat  du  Saint-Siège,  qui  y  or- 
donna un  évêque  à  sa  prière.  «  Petente  rege 
ordinatusest  ;Baronius,  an.  1028,  n.  8.»  Ce  zélé 
et  fervent  légat  ne  l'eût  pas  souffert  autrement, 
lui  i]ui  avait  autrefois  mêlé  les  reproches  aux 
congratulations,  lorsque  le  grand  roi  Canut 
de  Danematk  eut  remporté  des  victoires  fort 
signalées  sur  l'Angleterre,  mais  qu'il  eut  en 
même  temps  emmené  des  évêques  anglais, 
et  leur  eut  commis  les  divers'"s  provinces  de 
sou  Etat  (Adam.,  1.  m,  c.  41).  Ce  roi  victorieux 
effaça  en  quelque  façon  la  gloire  de  ses  armes, 
par  celle  de  la  modestie  et  de  l'humilité  avec 
laquelle  il  reçut  cette  correction  (Baronius,  an. 
1016,  n.  3).  Il  fit  de  son  censeur  son  meilleur 
ami  et  son  ministre  d'Etat.  «  Congratulatus  est 
ei  de  rébus  bene  gestis  in  Anglia,  sed  corripuit 
eumde  pr£esumptioneepiscoporum,quos  trans- 
tulit  ex  Anglia.  Quod  rex  gratanler  accipiens, 
ita  postmodum  conjunctus  est  archiepiscopo, 
ut  ex  sententia  ejus  oninia  deinceps  facere  ma- 
luerit  [Adam.,  1.  ii,  c.  38).  » 

Ce  généreux  prélat  savait  que  le  pouvoir 
d'établir  des  évêques  était  un  fruit  de  sa  léga- 
tion. En  effet  il  se  saisit  d'un  de  ces  évêques 
anglais,  et  ne  le  lâcha  qu'après  lui  avoir  fait 
promettre  la  fidélité  et  l'obéissance  cauoui- 


326        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIÈME. 


que  à  l'Eglise  d'Hambourg.  «  Fidelitatem  Ham- 
burgensis  cathedrae  cum  subjectione  debitam 
spondens,  familiarissimus  deinceps  archiepi- 
scopo  factus  est.  »  Après  cela  il  fit  de  son  pri- 
sonnier son  meilleur  ami. 

VI.  L'archevêque  et  légat  d'Hambourg  Adal- 
bert  n'exerça  pas  avec  moins  de  vigueur  sa 
légation,  qui  s'étendait  sur  toutes  les  nations 
septentrionales.  Il  établit  neuf  évêques  en  Da- 
nemark ,  six  en  Suède ,  deux  en  Norvège ,  un 
aux  Orcades,  un  en  Islande;  il  était  toujours 
accompagné  de  quatre  ou  cinq  évêques ,  et  il 
lui  échappait  quelquefois  de  dire  qu'il  n'avait 
que  deux  maîtres,  le  pape  et  l'empereur. 

Aussi  il  ne  craignit  point  d'ériger  quelque- 
fois des  évêchés  contre  la  volonté  des  rois, 
quand  il  jugea  que  leur  refus  était  aussi  préju- 
diciable à  leur  conscience,  qu'aux  avantages  de 
l'Eglise  (Baron.,  anno  1067,  n.  17).  a  Adeo  ut 
per  totum  aquilonem,  in  quibus  locis  oppor- 
tunum  videbatur,  sacpe  invitis  regibus  episco- 
patus  constitueret,  ordinaretque  episcopos,  ex 
capella  sua,  quos  vellet  electos  (Adam.,  I.  A, 
c.  46).  »  Cebit  en  un  temps  où  tous  ces  rois 
du  Nord  vivaient  dans  quelque  dépendance 
des  empereurs  (Helmo.,  1.  i,  c.  22).  Heimode 
dit  qu'Adalbert  ayant  la  confiance  du  pape  et 
de  l'empereur,  voulut  ériger  douze  évêchés,  et 
en  être  le  patriarche  :  qu'il  attirait  auprès  de 
lui  tous  les  ecclésiastiques  de  mérite,  et  les 
ordonnait  évêques  pour  les  nations  voisines, 
flxant  le  séjour  des  uns,  et  n'en  déterminant 
point  aux  autres.  «Quosdam  locans  certis  sedi- 
bus,  quosdam  incertis.  » 

Le  même  Heimode,  qui  était  un  curé  du 
paysd'Holstein,  et  qui  écrivit  environ  l'an  1140 
la  chronique  des  Esclavons,  à  la  prière  de 
Gérold,  qui  fut  ledernier  des  évêques  d'Aldem- 
bourg,  ayant  été  transféré  lui  et  l'évêché  même 
d'Aldembourg  à  Lubeck  :  Heimode,  dis-je,  ra- 
conte comment  y  ayant  déjà  eu  dix  évêques  à 
Alilembourg  (Helniod.,  1.  i,  c.  69),  Adalbert  ar- 
chevêque de  Hambourg  partagea  cetévêchéen 
trois,  en  créant  un  évêque  à  Ratzembourg  et 
un  autre  à  Mekelbourg.  L'apostasie  générale 
des  Esclavons,  dont  la  conversion  n'avait  pas 
été  sincère,  fit  que  ces  évêchés  demeurèrent 
sans  évêques  pendant  l'espace  de  quatre-vingt- 
quatre  ans,  en  commençant  en  1006. 

Depuis,  comme  les  Eglises  se  furent  rétablies 
et  beaucoup  étendues  dans  le  Nord,  Harwic, 
anlR'vé(|ue  de  Hambourg,  n'ayantpu  obtenirde 
rcni|iureur  et  du  pape ,  que  les   évêchés  de 


Danemark  ,  de  Norvège  et  de  Suède  relevas- 
sent selon  leur  première  institution  de  la  mé- 
tropole d'Hambourg;  «  Cnmobsequiisetvariis 
largitionibus  nihil  profecisset  ajiud  Papani  et 
Cipsarem,  »  il  jugea  que  la  manière  la  plus 
innocente  qui  lui  restât  d'avoir  des  suffragants, 
était  de  mettre  des  évêques  dans  les  lieux  où  il 
y  en  avait  eu  autrefois.  Il  consacra  donc  des 
évêques  à  Aldembourg,  à  Ratzembourg  et  à 
Mekelbourg.  Vicelin  fut  fait  évêque  d'Aldem- 
bourg dans  THolsace.  Mais  comme  cela  se  fit 
sans  en  donner  avis  ni  au  duc,  ni  au  comte  , 
a  Facta  sunt  haec  inconsulto  duce  et  comité 
nostro,  »  ce  fut  là  une  source  de  mésintelli- 
gences et  de  dissensions.  Le  comte  saisit  les 
dîmes ,  le  duc  refusa  ses  bonnes  grâces  et  sa 
protection  à  l'évêque  Vicelin,  s'il  ne  recevait 
de  sa  main  l'investiture  de  son  évêché.  L'évê- 
que ne  put  d'abord  s'y  résoudre.  11  consulta 
l'archevêque  de  Hambourg  ,  qui  l'en  dissuada 
encore  davantage.  Mais  la  nécessité  où  il  se 
trouva  réduit,  lui  et  son  Eglise  ,  fut  un  argu- 
ment convaincant,  qui  le  persuada  de  s'abais- 
ser à  cette  investiture  ,  qu'il  avait  désiré  ne 
recevoir  que  de  l'empereur  (  Ibidem,  c.  lxx). 
Le  duc  et  le  comte  après  avoir  reçu  de  lui 
cette  satisfaction  ,  lui  rendirent  la  meilleure 
partie  des  biens  et  des  honneurs  de  son  Eglise 
(Ib.,  c.  Lxxxix).  Gérold,  successeur  de  Vicelin, 
transféra  son  évêché  d'Aldembourg  à  Lubeck  , 
par  l'autorité  seule  du  duc  ,  sans  que  l'empe- 
reur s'en  mêlât  ,  parce  que  les  ducs  avaient 
conquis  eux  seuls  le  pays  sur  les  infidèles  ,  et 
fondécesévêchés  (  Arnold.  Lubecen.,1.  IV,  c.  24). 
L'évêché  de  Mekelbourg  fut  tranféré  à  Suve- 
rin,  de  crainte  des  courses  des  Esclavons;  Ber- 
non,  premier  évêque  de  Suverin  ,  mourut  en 
1  l'Jo.  Les  ducs  de  Saxe  eurent  le  même  pouvoir 
dans  l'Eglise  de  Suverin  que  dans  celle  de 
Mekelbourg. 

VII.  Ce  fut  encore  l'archevêque  de  Brème 
ou  de  Hambourg  Harwic,  qui  donna  la  mission 
et  la  consécration  épiscopale  au  premier  évê- 
c|ue  de  la  Livonie,  qu'on  appela  depuis  évêque 
de  Riga  (  Baronius,  an.  1186,  c.  xx  ).  Ce  fut 
Meynard  ,  qui  de  missionnaire  apostolique  fut 
fait  évêque. 

Comme  les  rois  du  Nord  devinrent  avec  le 
temps  plus  jaloux  de  leur  autorité  ,  et  ne  vou- 
lurent plus  relever  delà  primatie  de  Hambourg, 
qui  était  un  membre  de  l'empire  (Arnold.  Lu- 
becens.,  l.vi,  vu,  vui,  xi);  le  pape  Innocent  III 
fut  prié  de  créer  deux  nouveaux  évêchés  dans 


DE  L'ERECTION  DES  NOUVEAUX  ÉVÉCHKS  HORS  DE  FRANCE. 


3-27 


le  Danemark,  en  des  lieux  nouvellement  con- 
viTtis.  «  .\o>tro  fuit  ;ipo>toIatui  supiilicaluni, 
ut  par  episcopaiis  dignitatis  insi^nia,  etc.  » 
Ce  pape  commit  l'arclievctiue  de  Luden  pour 
examiner  si  cette  érection  d'évècliés  était  né- 
cessaire (Regist.  XVI,  Epist.  cxx).  «  Si  (juaiitas 
locorum  poposcerit,  ac  facultates  sufficiant,  et 
expedire  videritis  :  »  pour  la  faire  ensuite  au 
nom  du  Saint-Siège  «  autoritate  nostra.  » 

VIII.  Ce  même  pape  Innocent  III  pressé  par 
l'archevêque  de  Salzbourg,  d'ériger  un  nouvel 
évèché  dans  l'île  de  Cbiemse,  et  d'y  rattacher 
deux  abbayes  de  la  même  île,  délégua  des 
examinateurs,  pour  l'informer  si  l'archevêché 
de  Salzbourg  était  en  effet  si  étendu,  que  le 
partage  en  parût  ou  nécessaire,  ou  fort  inutile 
(Regist.  XVI,  Epist.  lxvi)  ;  si  le  chapitre  de  Salz- 
bourg en  demeurait  d'accord  ;  si  l'un  de  ces 
deux  monastères  était  aussi  déréglé  qu'on  le 
disait  :  et  si  les  chanoines  réguliers  de  l'autre 
voulaient  bien  passer  dans  cette  nouvelle  ca- 
thédrale; enfin  si  les  revenus  et  le  ressort  du 
nouvel  évèché  étaient  considérables. 

Nous  avons  déjà  dit  ailleurs,  comment  l'em- 
pereur Henri  fit  ériger  l'évêché  de  Bamberg 
par  un  concile  de  Francfort,  sans  avoir  éganl 
aux  oppositions  visiblement  déraisonnables  de 
l'évêque  de  Wirsbourg,  dont  on  démembrait 
l'évêché  (Baron.,  an.  1000,  n.  I  ;  1019,  n.  2). 
Ce  que  ce  prince  fit  ensuite  confirmer  par  le 
pape  Jean  XVII  (Conc,  tom.  ix,  p.  784). 

Ces  deux  derniers  exemples  font  voir  que  ce 
fut  au  onzième  siècle  ,  que  l'ancien  usage 
changea,  et  que  les  archevêques  et  les  conciles 
commencèrent  à  demander  au  pape  non-seule- 
ment la  confirmation,  mais  aussi  l'érection  des 
évêchés  nouveaux.  Car  il  ne  faut  pas  s'imagi- 
ner qu'Innocent  III  ait  été  le  premier  à  qui 
l'archevêque  de  Salzbourg  ait  eu  recours  pour 
la  création  d'un  nouvel  évèché  (Baron.,  an. 
1070,  n.  ult.;  D.  xi,  Ep.  lxxvii).  Un  de  ces  pré- 
décesseurs avait  fait  une  pareille  demande  au 
pape  Alexandre  II  et  avait  ensuite  par  ses  or- 
dres érigé  l'évêché  de  Carinthie,  ayant  eu  bien 
de  la  peine  à  y  taire  consentir  le  roi  Henri.  Le 
pape  Grégoire  VII  blâma  cet  archevêque  de 
n'avoir  point  fait  de  part  des  dîmes  à  ce  nou- 
\el  évêque.  D'où  nous  apprenons  une  utilité 
nouvelle  de  faire  intervenir  le  Siège  aposto- 
li(iue. 

Le  pape  Innocent  III  fut  prié  par  le  duc 
d'Autriche  d'ériger  un  nouvel  évèché  à  Vienne, 
à  cause  de  l'excessive  étendue  de  celui  de  Pas- 


sau.  Ce  pape  en  écrivit  à  l'évêque  même  de 
Tassau,  (jui  le  désirait  aussi  (Regist.  x,  Epist. 
lu).  La  lettre  de  ce  pape  témoigne  que  Vienne 
était  dès  lors  une  très-belle  ville,  et  qu'il  y 
avait  eu  autrefois  un  évèché  qu'on  avait  trans- 
féré à  Lork ,  et  de  Lork  à  Passau. 

IX.  Je  passe  d'Allemagne  en  Hongrie,  où  le 
roi  saint  Etienne  ayant  fait  le  projet  de  dix 
évêchés,  et  de  l'archevêché  de  Strigonie,  en 
envoya  demander  la  confirmation  au  pape,  qui 
le  revêtit  de  la  qualité  de  légat  apostolique , 
conmie  très-convenable  à  celle  de  l'apotre  de 
Hongrie,  qu'il  possédait  déjà  avec  tant  de  jus- 
tice (Baron.,  an.  100-2,  n.  9,  10). 

«  Provinciam  in  decem  episcopatus  distri- 
biùt  quorum  metropolim  et  magistram  esse 
voluit  Ecclesiam  Strigoniensem,  etc.  Misit  a 
Pétri  Apostolorum  princi|iis  successore  petitu- 
rum,  ut  Strigoniensem  Ecclesiam  sua  autori- 
tate metropolim  constitueret ,  reliquos  episco- 
patus sua  benedictione  muniret,  etc.  Pontifex 
precibus  annuit,  crucemi|ue  ante  regem,  ceu 
apostolatus  insigne,  gestandam  adjimxit.  Ego, 
iniiuieiis,  sum  apostolicus,  at  ille  merito  Christi 
Apostolus  dici  potest.  cujus  opéra  tantum  ])0- 
pulum  sibi  Cliristus  acquisivit.  Atque  ea  causa 
quemadmodum  divina  gratia  ipsum  ùocebit , 
Ecclesias  Dei  una  cum  populis  nostra  vice  ei 
ordinandas  relinquimus.  »  Ce  sont  les  paroles 
de  l'évê(iue  Catuvic,  dans  la  vie  de  ce  saint  roi 
(Surius  ,  die  xx  .\ugust.,  c.  vu,  vni). 

Ce  fut  donc  en  qualité  de  légat  du  Saint- 
Siège  ,  que  ce  saint  roi  érigea  tant  d'évècliés  et 
de  métropoles  (Rainald.,  an.  1223,  n.  24,  23); 
comme  il  le  dit  lui-même  dans  un  privilège 
a|iostoli(iue  qu'il  donna  à  ime  abbaye,  qui  fut 
ra()porté  et  confirmé  longtemps  après  le  pape 
Grégoire  IX  (Rainald.,  an.  1233.  n.  31).  Un  de 
ses  successeurs,  André  ,  roi  de  Hongrie  ,  nous 
fait  remarquer  dans  sa  lettre  au  même  pape 
Grégoire  IX ,  que  le  saint  roi  Etienne  n'ayant 
voulu  recevoir  la  couronne  royale  que  de  lau- 
torité  du  Saint-Siège,  il  n'avait  garde  d'ériger 
des  évêchés  par  sa  propre  autorité  :  «  Sed  et 
autoritate  summi  pontificis,  qui  ipsum  vocavit 
regem  et  apostolum  gentis  nostrae,  provincias 
per  episcopatus  distinxit.  » 

Peu  d'années  ajirès,  Bela,  roi  de  Hongrie,  se 
disposant  à  tourner  ses  armes  contre  les  Bul- 
gares, ennemis  déclarés  de  l'Eglise  latine, 
demanda  à  ce  pape  la  même  qualité  de  légat 
du  Saint-Siège  ,  et  la  inèine  puissance  de  créer 
de  nouveaux  évêchés,  qui  avait  été  accordée 


328        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CIXQUA?sTE-HllTiÈME. 


au  roi  saint  Etienne  (Rainalb.,  an.  1238,  n.  11, 
etc.).  Le  pape  jngea  plus  à  propos  que  le  roi 
nommât  un  de  ses  archevêques  ou  de  ses  évê- 
ques ,  à  qui  on  donnât  tous  ces  pouvoirs  avec 
la  légation. 

Enfin  ,  le  même  pape  Grégoire  IX  nous 
apprend  dans  une  de  ses  décrétales  que  l'ar- 
chevêque de  Colocza  en  Hongrie  ayant  institué 
un  nouvel  évèché  ,  Tarchidiacre  dans  le  ressort 
duquel  était  la  paroisse  dont  on  avait  fait  une  ca- 
thédrale, exccrçait  encore  sa  juridiction  sur  cet 
évêque  même  par  une  audacieuse  présomption 
que  ce  pape  condamne  (C.  Cum  infcrior.  De 
majoritate  et  obedientia).  11  est  visible  après 
tant  d'autres  exemples,  que  cet  archevêque  ne 
fonda  cet  évêché  que  de  l'autorité  du  Snint- 
Siége.  Pie  II  refusa  à  Thomas,  roi  de  Rosnie, 
la  puissance  qu'il  lui  demiindnit  d'ériger  de 
nouveaux  évèchés,  parce  que  Matthias,  roi  de 
Hongrie,  de  qui  relevait  aussi  la  Bosnie,  s'y 
opposait  (Rainald..  an.  1460,  n.  91). 

X.  Nous  avons  rapporté  ci-dessus  le  pouvoir 
que  le  pape  Adrien  IV,  donna  au  patriarche 
de  Grade  (an.  1 137),  de  créer  de  nouveaux  évè- 
chés pour  les  Vénitiens,  dans  tous  les  endroits 
de  l'empire  de  Constantinople,  où  les  Vénitiens 
auraient  plusieurs  Eglises  et  formeraient  un 
peuple  considérable.  Nous  avons  aussi  rapporté 
le  décret  du  pape  Innocent  111  et  du  concile  de 
Latran(Conc.,tom.x,  p.  1173),  qui  permet  aux 
évc(iues  latins  qui  ont  dans  leurs  diocèses  des 
peu[)les  entiers  d'une  autre  langue  de  leur  or- 
donner un  évêque  de  leur  nation,  qui  relève  de 
lui,  comme  son  vicaire-général  et  comme  son 
sufTragant  { C.  Quoniam.  De  officio  Judicis 
Ordi.). 

Bien  que  l'autorité  du  pape  règne  plus  souve- 
rainement dans  l'Italie,  que  dans  les  royaumes 
dont  nous  venons  de  parler,  voici  néanmoins 
un  exemple  qui  montre  que  celle  des  empe- 
reurs et  des  évêques  n'y  était  pas  entièrement 
offusquée.  Ditmar  raconte  comment  l'empereur 
Henri  I  érigea  l'évêché  de  Dobbio  dans  le  Mi- 
lanais, où  reposait  le  corps  de  saint  Colom- 
ban,  avec  l'agrément  des  évêques  de  la  pro- 
vince ,  qui  jugèrent  cet  établissement  nécessaire 
(  Baron.,  an.  1014.  n.).«  Communi  consilio 
et  licentia  comprovincialium  espiscoporum, 
quia  summa  nécessitas ,  etquaîprœcellitChristi 
charitas  ad  hoc  instigavit.  » 

L'évêché  d'Alexandrie,  dans  le  Piémont,  fut 
érigé  par  le  pape  Alexandre  111 ,  mais  ce  fut  a 
la  demande  de  l'archevêque  de  Milan,  des  évê- 


ques comprovinciaux  et  des  magistrats  (Baron., 
an.  H76,  n.  12)  :  «Ad  postulationem  Mediola- 
nensis  archiepiscopi,  et  comprovincialium  eiii- 
scoporum,  atque  rectorum  civitatum  Loni- 
bardise  episcopatum  instituit.  »  Ce  pape  jugea 
peu  après  plus  utile,  de  transférer  l'évèque  et 
l'évêché  d'Acqui  à  Alexandrie,  et  de  deux  évè- 
chés de  n'en  faire  qu'un,  lien  commit  l'exécu- 
tion à  l'archevêque  de  Milan,  qui  en  était  le 
métropolitain  (Baron.,  an.  1180,  n.  3). 

Voici  comme  cet  archevêque  en  parle  dans 
sa  lettre  aux  Alexandrins  :  «  Sane  cum  a  domino 
papa  acceperimus  in  mandatis,  ut  Aquensem 
episcopum  una  cum  sede  sua  in  civitatem 
vesfram  transferremus,  id  curavimus  effectui 
mancipare.  » 

XI.  Ces  deux  cathédrales  et  leurs  chapitres 
réunis  sous  un  seul  évêque,  ne  tardèrent  guère 
à  se  brouiller.  Le  pape  Innocent  111  régla 
leurs  diSérends  en  cette  sorte,  que  l'évèque 
partagerait  sa  résidence  entre  les  deux  Eglises, 
même  aux  jours  les  plus  solennels  de  l'année  : 
qu'il  traiterait  les  affaires  de  chaque  Eglise  et  de 
chaque  ville,  avec  son  clergé  propre  et  avec  les 
magistrats  particuliers  de  chacune,  qu'il  ne 
prendrait  que  la  qualité  d'évêque  de  la  ville  où 
il  résiderait  alors,  et  dont  il  traiterait  les  affaires; 
que  l'élection  des  nouveaux  évêques  se  ferait 
par  les  deux  chapitres  assemblés  (Rainald., 
an.  1206,  n.  39,  40). 

J'ai  cru  que  le  récit  de  cette  composition  ne 
serait  ni  inutile,  ni  désagréable  au  lecteur  ; 
puisqu'il  y  a  ailleurs  un  si  grand  nombre 
d'évèchés  unis.  Le  pape  Pascal  II  supprima 
l'évêché  de  Lavellano  dans  le  royaume  de 
Naples,  et  le  réunit  à  celui  de  Mel|)he,  pour  ne 
pas  laisser  ternir  l'épiscopat  dans  l'obscurité 
d'tm  village.  «  Magnum  enim  est  Ecclesiœ  de- 
trimentuin,  cum  episcoporum  nomen  ac  di- 
gnitas  infrecjuentia  inopiaque  vilescit  (Con., 
tom.  X,  p.  693,  1013).  11  est  à  croire  que  ce  fut 
pour  la  même  raison  que  le  pape  Eugène  111 
réunit  l'évêché  de  Velletri  avec  celui  d'Ostie  et 
(le  sainte  Rufine. 

S'il  est  surprenant  qu'un  évêque  se  partage 
entre  deux  villes  et  deux  cathédrales,  il  n'est 
pas  moins  étrange  que  dans  une  même  ville, 
on  voie  deux  cathédrales  qui  partagent  leur 
archevêque,  et  qui  n'en  font  qu'une  et  un 
chapitre.  C'est  néanmoins  ce  qu'on  voit  à 
Besançon  depuis  l'an  1234,  que  le  pape  Inno- 
cent IV  le  régla  ainsi,  comme  il  paraît  dans 
Ihistoire  de  l'abbaye  de  Touruus.  Tant  il  est 


• 


DE  L'ÉRECTION  DES  NOUVEAT'X  ÉVECHÉS  HORS  DE  LA  ER.VNCE. 


329 


vrai  que  Irs  bizarres  conjonctures  des  temps  et 
des  allaires  arradient  des  plus  sa;;es  des  réso- 
lutions irrég^ullères  (Pag.  170,  etc.,  et  par.  i, 
pag.  341,  etc.). 

On  peut  encore  mettre  dans  ce  nombre 
l'action  du  pape  Jean,  rapportée  par  Léon 
d'Oslie.  Ayant  été  surpris  par  ceux  de  Capoue 
(Clironici.  Cassin.,  1.  i,  c.  i3;,  et  ayant  ordonné 
pour  leur  évoque  un  néophyte  qu'ils  lui  avaient 
présenté,  après  avoir  injurieusemenl  chassé 
celui  qui  avait  été  éUi  fort  canoniquement,  il 
répara  sa  faute  d'une  étrange  manière  en  par- 
tageant Capoue  et  tout  l'évèché  entre  ces  deux 
évê<|ues. 

XII.  Je  viens  à  l'Espagne  où  le  concile  de 
Jacca,  auquel  le  roi  et  les  grands  assistèrent, 
transféra  à  Jacca  le  siège  éplscopal  d'Osca, 
qui  était  tombé  dans  la  servitude  des  Maures, 
avec  résolution  de  rétablir  l'Eglise  d'Osca  dans 
son  ancienne  dignité,  dès  qu'elle  aurait  été  reti- 
rée d'entre  les  mains  de  ces  barbares  (An.  lOÔO. 
Conc,  tom.  ix,  p.  iil2, 1173).  Cette  disposition 
du  concile  fut  confirmée  par  le  pape  Gré- 
goire Vil,  à  ce  que  dit  Surita,  qui  ajoute  qu'on 
commença  à  appeler  évèque  de  Jacca  ceux 
qu'on  nommait  auparavant  évèques  d'Aiagon. 
Ils  conservèrent  apparemment  ces  deux  noms, 
puisque  Jérôme  Blanca,  parlant  d'un  concile 
qui  fut  tenu  deux  ans  après,  les  appelle  encore 
évêques  d'Aragon. 

L'institution  de  l'évèché  de  Majorque  a  quel- 
que chose  de  fort  singulier  (Hi^pan.  illus., 
tom.  lu,  p.  76).  Un  Sarrasin  qui  était  seigneur 
des  îles  Baléares,  les  avait  données  à  l'évèque 
et  au  chapitre  de  Barcelone.  Le  Saint-Siège 
avait  confirmé  cette  donation.  L'île  et  la  ville  de 
Majorque  parurent  enfin  si  riches  et  si  peuplées, 
qu'on  jugea  nécessaire  d'y  ériger  un  évèché. 
L'évèque  de  Barcelone  prétendait  que  c'était  à 
lui  de  faire  cette  érection.  Le  roi  offrait  une 
riche  fondation,  si  on  lui  en  cédait  la  gloire. 
Enfin,  il  fut  résolu  que  le  roi  nommerait  le  pre- 
mier évèque,  et  qu'après  sa  mort,  l'éleclion 
en  appartiendrait  à  l'évèque  et  au  chapitre  de 
Barcelone. 

Le  roi  Ferdinand  de  Castille  et  de  Léon,  re- 
prenant tous  les  jours  de  nouvelles  villes  sur 
les  infidèles,  le  pape  Grégoire  IX  écrivit  a  l'ar- 
chevêque de  Tolède  de  rétablir  les  anciens 
évèchés  dans  toutes  ces  nouvelles  conquêtes, 
et  d'agir  au  nom  du  Siège  apostolique.  «  Ao- 
slra  autoritate  (Rainai.,  an.  1-234,  n.  M.),.» 

Apres  que  le  roi  l'erdiuaud  le  Catholique  eut 


reconquis  la  ville  et  le  royaume  de  Grenade 
sur  les  Sarrasins,  le  pape  Alexandre  VI  commit 
l'évèque  d'Avila  pour  ériger  Grenade  en  ar- 
chevêché ;  Malaca  ,  Gnadix  et  Almèria  en  évè-  * 
elles,  selon  les  intentions  et  les  ordres  du  roi  et 
de  la  reine.  «  Motu  proprio,  non  ad  alicnjus 
nobis  super  iis  oblat;r  pefilionis  instantiam, 
sed  de  nostra  mera  deliberalione ,  et  ex  cerla 
scientia  ,  per  apostolicascripla  mandamus,  et  "^ 
cominittimus,  etc.  Liniitatam  diœcesim  juxta 
consilium  et  ordinationem  régis  et  regintc 
assignes,  etc.  (Rainai.,  an.  1493,  n.  14).  »  • 

XIII.  Il  faut  finir  par  l'Amérique,  où  Pierre 
martyr  écrivant  au  pape  Léon  X  raconte  que 
le  Siège  aiiostolique  avait  établi  cinq  évèchés  à 
la  demande  du  roi.  «  Episcopos  jam  qiiinque 
supplicatu  regio  tua  Sedes  apostolica  novos 
erexit  (Rainai.,  an.  1513,  n.  110).  »  On  peut 
juger  de  tous  les  autres  par  ceux-ci  :  il  ont  tous 
été  érigés  dansla  vaste  étendue  de  ce  Nouveau- 
Monde,  par  le  Siège  apostolique,  à  la  demande 
des  rois. 

XIV.  Nous  n'avons  traité  que  de  l'érection , 
de  la  suppression,  de  l'union  ,  ou  de  la  sépara- 
lion  des  évèchés.  Sans  transférer  l'évèché,  le 
prince  électeur  de  Cologne  prétendit  pouvoir 
transférer  le  chapitre  de  Liège  ,  dont  il  est 
évèque,  avec  la  résidence,  les  offices  et  tous  les 
droits  c.ipitulaires  ,  dans  une  église  collégiale 
de  la  ville  d'Huy,  du  même  diocèse.  11  était 
porté  à  cela  par  le  refus  que  ceux  de  Liège 
avaient  fait  de  lui  ouvrir  les  portes  de  la  ville. 
Il  avait  le  consentement  de  seize  chanoines. 
Clément  VI  avait  autrefois  permis  à  l'évèque 
de  Liège  de  transférer  ailleurs  son  siège,  à 
cause  des  fréquentes  rébellions  de  cette  ville. 
Le  nonce  apostolique  confirma  ce  dessein  de 
l'électeur  (Fagnan.,  in.  1.  v.  Décret,  part.  2, 
p.  34).  Mais  le  doyen  et  treize  chanoines  en 
ayant  appelé  au  Saint-Siège,  l'affaire  fut  portée 
à.  Home  l'an  1049,  où  après  plusieurs  congréga- 
tions ,  le  pape  Innocent  X  confirma  la  transla- 
tion faite. 

XV.  En  Orient,  Baudouin,  frère  de  Godefroy 
de  Bouillon  ,  ayant  été  couronné  premier  roi 

de  Jérusalem   dans  l'Eglise  de  Bethléem ,  et        . 
voulant  honorer  ce  lieu  consacré  par  la  nais- 
smce  du  Roi  des  rois,  forma  le  dessein  d'y 
ériger  un  évèché  ,  car  ce  n'avait  été  jusqu'alors 
qu'un  prieuré.  «  Usque  ad  illum  diein  priera-         # 
tus  tanlum  fuerat,»  dit  Guillaume  de  Tyr  ^1.  u, 
c.   12).  U  envoya    l'archidiacre  de  Jérusalem     • 
Arnulphe,  a  Rome,  pour  traiter  avec  le  pape  < 


330         DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIÈME. 


Pascal  II ,  et  ce  pf^pe  ayant  donné  la  légation 
de  la  Palestine  à  Gibelin,  archevêque  d'Arles,  ce 
légat  fit  cette  érection  de  l'évêché  de  Belliléem 
avec  le  consentement  du  roi,  du  chapitre  de 
Jérur-alem  et  des  seigneurs,  en  Tan  1110. 

Voici  comme  ce  roi  en  parle  dans  son  édit 
(L.  XVII,  c.  ult.)  :  «  Pro  pra^cepto  Paschalis  papœ 
et  mca  bona  voluntate,  et  assensu  Hierosoly- 
mitani  capituli,  ac  totius  favore  consilii  omnia 

(1)  Après  avoir  constaté  les  changements  qui  sont  survenus  dans  les 
sièges  épiscopaux  de  France,  nous  allons  consigner  ici  ceux  qui  re- 
gardent les  régions  mentionnées  dans  ce  chapitre.  Et  d'abord,  en  ce 
qui  concerne  l'Angleterre,  Pie  IX  y  a  rétabli  la  hiérarchie  catho- 
lique, pans  le  consentement,  du  moins  public,  du  gouvernement  tri- 
Unnique.  Les  journaux  crièrent  beaucoup,  mais  le  gouvernement  ne 
prie  aucune  mesure  ponr  empêcher  lexécution  de  la  bulU  papale. 
Pie  IX  Téa  donc  un  archevêché  à  Westminster  avec  les  douze  évê- 
chés  suffragants  dont  les  noms  suivent  :  Souihwark,  Beverley,  Bir- 
mingham, Clifton,  Dexham,  Liverpool,  Newport  et  Menevia  réunis, 
Nortampthon,  NoUingham,  Plymoutli,  Salford,  Shrewsbury.  Il  n'y  a 
pas  eu  de  changement  dans  l'Irlande ,  qui  est  toujours  divisée  en 
vingl-huit  diocèses,  dont  quatre,  Armagh,  Cashel,  Dublin,  Tuam. 
sont  archevêchés. 

En  ce  qui  concerne  l'Autriche,  voici  comment  sont  actuellement 
fixés  les  sièges  épiscopaux.  Dans  la  province  de  Vienne,  nous  trou- 
vons Saint-Polten  et  Linz  ;  dans  celle  de  Gran  en  Hongrie  :  Neutra, 
Vespnm,  Neushol,  Vaizen,  Slublveissenbourg,  FunTchirchen,  Stei- 
namangre;  dans  celle  d'Erlau,  Izatthemar,  Rosenau,  Zips  et  Kascbau  ; 
dans  celle  de  Colocza  et  Bacs  réunis,  Groswardem.  Csanad,  Sieben- 
biirgen  ;  dans  celle  d'Agram,  Zeng  ,  Modrus  et  Diakovar  réunis, 
Bosnia  et  Syrmium  réunis;  dans  celle  de  Saltzbourg,  Trente,  Brixen, 
Seckau,  Léoben,  Gurk,  Lavant;  dans  celle  de  Prague,  Leitmentz, 
K'BJiisgratz,  Budweis  ;  dans  celle  d'Olmutz  en  Moravie,  Brlinn  ; 
dans  celle  de  Goritz,  Laybach,  Trieste,  Capodistha,  Parenzopola, 
Veglia  ;  dans  celle  de  Zara,  Sebenico,  Spalatro,  Lésina,  Raguse, 
Cattaro;  dans  celle  de  Lemberg,  Przemysl,  Tamow  ;  dans  celle  de 
Venise,  Udine,  Concordia,  Bellune  et  Feltre  réunis,  Ceneda,  Tré- 
vise,  Padoue,  Vicence,  Vérone,  Rovigo,  Chioggia.  Breslau,  dans  la 
Silésie,  est  un  évéché  exempt.  Il  y  a  en  outre  des  évéques  grecs-unis 
à  Stanislawow,  Przemysl,  Esperiess,  Munkacs,  Kreuz,  Grosswardein, 
Luges,  Szamos,  Vivar.  Lemberg  a  un  évèque  arménien-uni. 

Si  de  là  nous  passons  en  Espagne,  nous  y  voyons  que  le  Concordat 
de  1851  a  ajouté  la  métropole  de  Valladolid  aux  huit  anciermes,  a 
Bupprimé  sept  des  cinquante  sièges  épiscopaux  avec  la  réserve  que 
leur  titre  serait  conservé.  Ces  sièges  sont  :  Albaracin,  uni  à  Teruel  ; 
Barbaslro,  à  Huesca;  Ceuîa,  à  Cadix;  Ciut/a'i*7ÎO(/riyo,  à  Sala- 
manque;  Iviçn^  à  Majorque;  Soîsona,  à  Vich,  Ténériffe,  aux  Cana- 
ries- Tudela,  à  Pampelune.  Ces  évéques  ajouteront  à  leur  titre 
celui  de  l'Eglise  supprimée  qui  leur  est  unie.  Trois  nouveaux  évé- 
chês  ont  été  créés  :  Madrid,  Ciudad-Real,  Vittoria.  Il  a  été  décidé 
en  outre  que  le  siège  èpiscopal  de  Calahorra  y  la  Calzada  serait 
transféré  â  Logrono,  celui  d'Onhuela  à  Alicanle,  et  celui  de  Segorbe 
à  Castellon  de  la  Plana.  Les  cathédrales  des  sièges  supprimés  et  réu- 
nis à  d'autres  seront  conservées  comme  collégiales,  avec  un  chapitre 
composé  d'un  abbé,  avec  charge  d'àmes,  de  deux  dignités  :  le  théo- 
logal et  le  magistral,  de  huit  chanoines  ordinaires  et  de  six  béné- 
ficiers. 

Comme  le  Concordat  espagnol  a  introduit  aussi  beaucoup  de  chan- 
gements dans  les  démarcations,  les  limites  et  l'étendue  des  provinces 
ecclésiastiques,  nous  devons,  pour  compléter  notre  œuvre,  les  faire 
connaître  telles  qu'elles  ont  été  ûxées  : 


dispcnsans,  in  Bethleemitica  Ecclesia  episco- 
palem  primatum  decrevit.  » 

Lorpqu'en  Tan  1154,  nous  eûmes  pris  Asca- 
lon,  le  patriarche  de  Jérusalem  y  érigea  un 
évéché;  l'évêque  de  Bethléem  en  appela  au 
pape,  et  ayant  fait  casser  à  Rome  ce  nouvel 
évéché,  il  fit  adjuger  et  soumettre  à  son  Eghse 
celle  d'Ascalon  (1). 


Tolède  :  Ciudad-Real,  Corîa  ,  Cuença,  Madrid,  Placentia,  Si- 
guenza. 

BuRGos  :  Léon,  Calahorra,  Osma,  Palencia,  Santander,  Vittoria. 

CoMPOSTELLE  :  Lugo,  Mondoncdo,  Orense,  Oviedo,  Tuy. 

Grenade  :  Almeria,  Guadix,  Jaen,  Malaga,  Carlhagène. 

Saragosse  :  Huesca,  Jaca,  Pampelune,  Tarazona,  Teruel. 

Seville  :  Badajox,  Cadix,  Cordoue. 

Taragone  :  Barcelone,  Girone,  Lerida,  Tortosa,  Urgel,  Vich, 

Valence  :  Majorque,  Minorque,  Alicante,  Seporbe. 

Valladolid  :  Astorga,  Avîla,  Salamanque,  Ségovie,  Zamora. 

La  révolution  italienne  poursuivant  maintenant  son  cours,  nous  ne 
pouvons  que  pressentir  les  modifications  inévitables  qui  surviendront 
dans  l'organisation  ecclésiastique  de  ce  pays.  Des  sièges  seront  sup- 
primés, les  provinces  remaniées.  Nous  constatons  seulement  que, 
dans  ces  derniers  temps,  deux  nouveaux  évéchés  furent  créés  en 
Italie,  où  il  y  en  avait  déjà  tant  :  celui  d'Ogliasira,  dans  l'île  de  Sar- 
daigne,  par  Léon  XII,  d'accord  avec  le  gouvernement  sarde,  et  celui 
de  Poggio  Mirteto,  dans  les  Etats-Pontificaux,  par  le  pape  Gré- 
goire XVI. 

Les  changements  survenus  en  Allemagne  consistent  surtout  dans 
l'extinction  des  grands  sièges  métropolitains  de  Mayence  et  de 
Trêves,  et  leur  érection  en  simples  évéchès.  Tous  les  sièges  épisco- 
paux de  Westphalie,  ayant  Cologne  pour  métropole,  ont  été  conservés. 
Ce  sont  :  Osnabruck,  Paderborn,  Munster,  Hildesheim.  Par  le  Con- 
cordat de  1817,  la  Bavière  fut  divisée  en  deux  archevêchés  :  Munich 
et  Frisingue  unis,  et  Bamberg,  qui,  de  simple  siège  èpiscopal,  devint 
métropole;  et  en  six  évéchés  :  Passau,  Ratisbonne  ,  Augsbourg^ 
Eisch'^dt,  Spire  et  AVurzbourg. 

En  1821,  le  roi  de  Prusse,  Frédéric-Guillaume,  conclut  aussi  un 
Concordat  avec  Pie  VII,  par  lequel,  outre  l'archevêché  de  Cologne, 
fut  créé  celui  de  Gnesne  et  Posen  unis,  en  lui  donnant  pour  suffra- 
gant  l'évêché  de  Culm  ;  il  fut  stipulé  aussi  que  Breslau  et  Warmie 
seraient  deux  évéchés  exempts  immédiatement  soumis  au  Saint- 
Siège.  L'évêché  d'Aix-la-Chapelle  fut  supprimé.  Par  le  Concordat 
de  1828,  entre  Guillaume  I«r,  roi  des  Pays-Bas,  et  le  p3pe  Léon  XIT, 
la  Belgique  fut  divisée,  outre  la  métropole  de  Malines,  en  évéchés  de 
Bruges,  Gand,  Liège,  Namur,  Tournai. 

Grégoire  XVI  rétablit  en  Hollande  la  hiérarchie  catholique,  et  créa 
l'archevêché  d'Utrecbt  et  Harlem  réunis,  ayant  pour  suffragants  les 
évèchès  de  Bois-le-Duc,  Breda,  Ruremonde. 

Le  Portugal  est  resté  ce  qu'il  était  avec  ses  quinze  sièges  épisct^ 
paux  dont  trois  :  Lisbonne,  Braga,  Evora,  sont  métropolitains.  La 
Suisse  a  conservé  ses  titres,  excepté  que  Lausanne  et  Genève  furent 
réunis  par  Pie  VTI  en  1820.  L'évêque  de  Bâie  réside  à  Soleure  ; 
celui  de  Lausanne  et  Genève,  à  Fribourg  ;  ceux  de  Coire,  de  Sion 
dans  le  Valais,  de  Saint-Gall,  complètent  l'èpiscopat  suisse,  qui 
n'a  pas  de  métropolitain  j  car  aujourd'hui  les  métropoles  ecclésias- 
tiques n'étendent  plus  leur  juridiction,  comme  avant  la  révolution 
fcau^aise,  sur  des  proMuccs  civilement  élrangercs.        (D'  André.) 


DES  MISSIONS  APOSTOMOI'ES. 


331 


CIIAriTRE    CINQUANTE-NEUVIEME. 


DES   MISSIONS  APOSTOLIQUES,    POUR    LA   CONVERSION    DES    INFIDELES,    APRES   L  AN    MIL. 


I.  La  qaalité  de  pastenr  nniversel  engage  plos  particnlière- 
Dient  le  pape  à  travailler  à  la  conversion  des  infidèles  ;  mais 
les  autres  évêques  ont  anssi  quelque  part  à  celle  sollicitude. 

II.  Preuve  tirée  de  saint  Grégoire  le  Grand 

m.  Autre  preuve  tirée  de  saint  Bernard,  et  de  l'exemple  de 
saint  Malachie,  archevêque  d'Irlande.  Nécessité  de  faire  conspi- 
rer les  prélats  avec  le  Saint-Siège. 

IV.  Eiemple  de  la  conversion  des  nations  septentrionales. 

V.  Antres  exemples  des  nations  de  l'Europe  qui  ont  été  les 
dernières  à  entrer  dans  le  sein  de  l'Eglise. 

VI.  La  conversion  des  Indiens. 

VU.  Nouvelles  réflexions  sur  la  création  des  nonveaus 
évèchés. 

I.  Nous  n'avons  pu  traiter  de  la  création  des 
nouvelles  métropoles  et  des  nouveaux  évèchés 
sans  parler  de  la  conversion  de  beaucoup  de 
nations  infidèles  ,  parmi  lesquelles  ces  nou- 
veaux prélats  ont  planté,  ou  au  moins  cultivé 
la  foi  évangélique.  Nous  achèverons  dans  ce 
chapitre  ce  qui  a  été  ébauché  dans  les  précé- 
dents, et  nous  ferons  voir  que  bien  que  le  siège 
a})Ostolique  ait  eu  encore  beaucoup  plus  de 
part  à  ces  nouvelles  conquêtes  dans  ces  der- 
niers siècles  que  dans  les  précédents,  les  autres 
prélats  des  provinces  voisines  n'ont  pas  laissé 
de  participer  à  une  si  riche  moisson. 

Ce  sont  deux  maximes  indubitables,  que  le 
pape  comme  le  pasteur  universel  de  toute 
l'Eglise,  est  obligé  de  lui  procurer  tous  les 
avantages  et  toute  l'étendue  possible,  son  apos- 
tolat n'étant  pas  moins  étendu  que  le  monde 
même  ;  et  que  les  évêques  comme  successeurs 
des  apôtres,  ne  doivent  point  mettre  de  bornes 
à  leur  zèle  non  plus  qu'à  leur  charité,  et  doi- 
vent faire  une  guerre  immortelle  à  l'infidélité, 
si  elle  se  trouve  dans  leur  frontière.  La  sainteté 
et  la  subordination  de  ces  deux  puissances,  fait 
qu'elles  concourent  failement  sans  jalousie  et 
sans  contestation. 

II.  Rède  reconnaît  que  la  primauté  et  l'uni- 
versalité du  siège  apostolique,  donnait  le  pou- 
voir et  imposait  en  même  temps  l'obligation 
au  grand  saint  Grégoire ,  d'envoyer  des  mis- 
sionnaires apostoliques  pour  la  conversion  de 
l'Angleterre.  aCum  primum  in  toto  orbe  gere- 
ret  pontificatum.  et  conversis  jamdudum  ad 


fidem  veritatis  esset  praelatus  Ecclesiis,  nostram 
gentem  eatenus  idolis  mancipatam  Christi  fecit 
Ecclesiam  (L.  ii,  c.  1).  » 

Mais  saint  Grégoire  écrivant  aux  rois  de 
France  Théodoric  et  Théodebert,  semble  té- 
moigner qu'il  n'avait  envoyé  Augustin  en  An- 
gleterre que  parce  que  les  prélats  français  qui 
y  étaient  d'autant  plus  obligés  qu'ils  en  étaient 
plus  proches,  avaient  négligé  de  le  faire.  «  Per- 
venit  ad  nos  gentem  Anglorum  ad  fidem  Chri- 
stianam  desideranter  velle  converti  ;  sed  sacer- 
dotes  vestros  e  vicino  negligere,  et  desideria 
eorum  cessare  sua  admonitione  succendere. 
Ob  hoc  igitur  Augustinum  illuc  pra-vidimus 
dirigendum  (L.  v.  Indict.  14,  epist.  lviii).  » 

III.  Saint  Bernard  n'oublia  pas  de  représen- 
ter au  pape  l'étendue  infinie  de  ses  obligations 
pour  la  conversion  des  infidèles  (De  Consid., 
1.  lit).  «  Recordare  vocis  illius  :  Sapienlibus  et 
iu'ipientibus  débiter  sum.  At  nullum  genus 
insipientiae  infidelitate  insipientius.  Ergo  et 
infidelibus  debitor  es,  Judseis,  Gra?cis  et  Gen- 
tibus.  »  Il  ne  se  peut  rien  dire  de  plus  fort  que 
ce  que  ce  Père  ajoute  contre  la  négligence  de 
ceux  dont  la  lenteur  arrête  la  course  autrefois 
si  légère  de  l'Evangile.  «  Qiiis  primus  inhibuit 
hune  salutarem  cursum  ?  Qua  flducia,  qua  con- 
scientia  Christum  non  vel  offerimus  ils,  qui 
non  habent?  d 

Mais  le  même  saint  Bernard  nous  montre 
admirablement  par  l'exemple  de  saint  Malachie, 
archevêque  d'Armah  en  Irlande  ,  comment 
les  évêques  apostoliques  ont  jugé  eux-mêmes, 
que  si  leur  autorité  était  soutenue  de  celle  du 
Siège  apostolique,  elle  serait  incomparable- 
ment plus  respectée  et  moins  combattue. 

Ce  saint  archevêque,  après  avoir  longtemps 
suivi  l'impétuosité  de  son  zèle  apostolique,  sans 
avoir  égard  aux  limites  des  diocèses,  s'aperçut 
enfin  qu'il  était  bien  plus  séant  de  faire  autori- 
ser sa  mission  par  le  Saint-Siège  (Bernard.,  in 
vita  S.  Malachiae).  «  Ipse  interdum  ibat  et 
exibat  seminare  semen  suum,   disponens   et 


332        UC  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-NEUVIÈME. 


ftrcernens  de  rébus  ecclesiasticis  tota  an  toritate, 
t.inquam  aposttiliis  iinii?.  Et  nemoilli  dicfbnt: 
in  qiia  potestate  hœc  facis?  Videntilnis  cunctis 
sif:na  et  prndigia  quae  faciehat.  Et  quia  iibi 
Spiritus  Domini,  ibilibertas.  Visum  tamen  silii 
non  tute  satis  actitari  ista  absque  Sedis  aposto- 
licfe  antoritate.  » 

On  \oit  donc  que  ni  le  voisinage,  ni  les  mi- 
racles, ni  enfin  la  ferveur  extraordinaire  d'un 
zèle  apostolique ,  ne  parurent  point  à  saint 
Malachie  des  preuves  assez  certaines  de  sa  mis- 
sion dans  les  pays  barbares,  si  elle  n'était 
encore  autorisée  par  les  successeurs  de  Pierre 
à  qui  J.-C.  a  plus  particulièrement  commis 
toute  sa  bergerie. 

Pierre,  abbé  de  Celle,  était  bien  persuadé  de 
cette  vérité,  quand  il  demandait  au  pape 
Alexandre  la  même  effusion  de  l'autorité  du 
Snint-Siége  pour  un  évè(|ue  qui  la  soubaitait, 
afin  de  donner  plus  de  crédit  et  plus  de  force 
à  ses  prédications  parmi  les  infidèles.  «  Non  a 
vobis  hoc  exigitur,  ut  virtus  miraculorum  tri- 
bualur,  sed  a\itoritas  vestracum  ipso  et  in  ipso 
operans,  ut  facilius  ei  ab  incrcdulis  credatur 
(1.  VI,  ep.  vi).  » 

Ce  sont  donc  là  les  trois  raisons  qui  ont  fait 
répandre  les  influences  du  Saint  Siège  sur 
toutes  les  missions  apostoliques  dans  les  pays 
des  infidèles:  ou  la  prééminence  et  l'universa- 
lilt';  de  l'aiiostolat,  qui  est  émanée  de  la  succes- 
sion (lu  prince  des  Apôtres;  ou  la  négligence 
desé\ê(|ues  voi.'^ins,  qui  laissaient  éteindre  le 
feu  divin,  dont  J.-C.  est  venu  embraser  toute 
la  terre;  ou  le  désir  aident  des  évéques  les 
plus  zélés,  qui  ont  voulu  rendre  leur  prédica- 
tion plus  eflicace,  en  la  revêtant  de  queli|iies 
rayons  de  la  majesté  et  de  la  gloire  du  siège 
ai)nstolique. 

IV.  Tout  cela  se  pourrait  confirmer  par  une 
infinité  d'exemples;  nous  nous  contenterons 
d'en  choisir  quelques-uns  des  plus  illustres,  et 
des  plus  avérés.  Nous  avons  déjà  dit  ailleurs, 
comme  Ebbon,  archevêque  de  Reims,  par  or- 
dre de  l'empereur  Louis  le  Débonnaire  et  du 
concile  national  de  France,  alla  demander  à 
Rome  au  pape  Pascal  une  commission  aposto- 
lique pour  la  conversion  des  peujiles  du  Nord, 
a  Cuiu  consensu  Ludovici  imperatoris,  ac  pêne 
totius  regni  ejus  synodi  congregatic  Rom  un 
adiit,  ibiquea  Paschali  papa  publicam  evangeli- 
zandi  licenliam  in  iiartibus  Aquilonis  accepit 
(l]iill;md.,  niense  Febrii.,  tom.  i,  p.  -iOi  et 
seq(i.).  »  Ce  sont  les  termes  (jue  nous  lisons 


dans  une  lettre  de  saint  Anscbarius,  que  le 
même  empereur  Louis  associa  à  Ebbon ,  le 
faisant  consacrer  archevêque  de  Hambourg,  et 
revêtir  par  le  pape  Grégoire  IV  de  la  charge  de 
légat  du  Saint-Siège  pour  tous  les  pays  septen- 
trionaux. 

Voici  les  paroles  propres  du  décret  de  ce 
pape  :  a  Sanctum  studium  magnorum  inipera- 
torum  tam  praesenti  autoritate ,  quani  etiam 
pallii  dationemore  prœdecessorum  nostrorum 
roborare  decrevimus,etc.  Anscharium  legatum 
in  omnibus  circumquacjue  Gentibus  Sueconum 
sive  Danorum,  necnon  etiam  Sclavorum ,  una 
cum  Ebbone  Remensi  archiepiscopo,statuentes 
ante  corpus  et  confessionem  sancti  Pétri,  pu- 
blicam evangelizandi  tribuimus  autoritalem, 
ipsamque  sedem  Hammaburg  archiepiscopa- 
lem  deinceps  esse  decernimus.  » 

Si  ce  pape  parle  de  plusieurs  empereurs,  c'est 
qu'il  était  déjà  assuré  que  Cliarlemagne  avait 
formé  le  même  dessein,  pour  affermir  et  pour 
consacrer  tant  de  victoires  rempoitées  sur  les 
Saxons  et  sur  les  autres  peuples  du  Nord.  Car 
si  l'empire  taisait  des  conquêtes  pour  l'Eglise, 
l'Eglise  les  affermissait  à  l'empire.  Et  les  rois 
mêmes  étaient  persuadés  (|ue  leurs  évcipies 
n'auraient  pas  moins  de  gloire ,  mais  qu'ils 
auraient  incomparablement  plus  de  facilité  à 
surmonter  toute  la  résistance  des  peuples  infi- 
dèles, s'ils  les  attaquaient  avec  les  forces  de 
toute  la  clirélienté,  réunie  avec  son  chef,  que 
s'ils  ne  paraissaient  qu'avec  l'éclat  et  le  poids 
de  leur  dignité  [)articulière. 

C'est  donc  à  la  couronne  royale  de  France 
et  à  la  ferveur  des  évoques  français  soutenus 
de  l'autorité  du  siège  apostolique,  que  tous  les 
royaumes  du  Nord  sont  redevables  de  leur 
conversion.  Car  nous  avons  fait  voir  ci-dessus 
que  ce  furent  ces  archevêques  de  Hambourg  en 
(jualitè  de  légats  du  Saint-Siège  qui  créèrent 
une  vingtaine  d'évèehés  dans  le  Danemarck,la 
Norvège,  la  Suède,  les  îles  Orcades  et  d'Islande. 
Innocent  III  donna  une  légation  apostolique  à 
l'archevêque  de  Luden  en  Danemarck  (Re- 
gesto  XV,  epist.  xiv),  pour  travailler  plus  ellica- 
eeinenf  à  la  conversion  des  païens,  enjoignant 
à  l'archevêque  d  Upsal  et  aux  autres  évéques 
de  Suède  et  de  Danemarck,  de  conspirer  avec 
lui  dans  une  si  sainte  entreprise.  «  Hoc  plenius 
et  eflieacius  exequaris,  nos  tibi  vices  nostras 
duximus  commitlendas.  » 

V.  Pierre  Damien  raconte  comment  dès  lu 
moment  que  le  saint  martyr  Donilace  eut  coiii;ii 


DES  MISSIONS  APOSTOLIQUES. 


333 


le  dessein  d'aller  prêcher  aux  infidèles  de  la 
Russie  ,  il  vint  i\  Rome  recevoir  la  mission  dti 
pape  ,  qui  le  consacra  archevêque  des  Russes 
(Baronius,  an.  1008).  «  Romam  pergere  slu- 
duit;  et  ah  aposloiica  sede  consccralionem  ar- 
chieiiiscopatus  accepit  (In  vita  S.  Roniual.,  c. 
xxvM,  xxxix).  »  Il  avait  été  disciple  de  saint  Ro- 
nuiald,  et  le  martyre  qu'il  trouva  aussi  heureu- 
stment  qu'il  l'avait  passionnément  recherché, 
inspira  une  sainte  jalousie  à  ce  divin  maître 
d'aller  chercher  une  pareille  couronne  dans  la 
Hongrie.  Il  en  dtmanda  la  permission  au  pape 
qui  ordonna  deux  autres  de  ses  disci[>les  pour 
archevêques.  «  Licentia  ab  apostolici  sede  su- 
scepta,  et  duobus  e  discipuhs  suis  in  archiepi- 
scopos  consecratis,  cum  viginti  quatuor  fratri- 
bus  iter  ariipiiit.  » 

Saint  Brunon ,  apôtre  de  la  Prusse  ,  fut  pins 
heureux  que  lui  dans  la  poursuite  du  martyre. 
II  avait  obtenu  mission  du  pape  et  avait  été 
sacré  évêque  par  ses  ordres  et  par  ceux  de 
l'empereur,  selon  le  rapport  de  Ditmar,  «  De- 
nedictionem  cum  licentia  domini  papœ  episco- 
palem  ab  eo  petiit  (Baron.,  an.  1008].  d 

Innocent  111  recommanda  à  l'archevêque  de 
Gnesne  quelques  religieux  qui  avaient  recom- 
mencé de  répandre  la  semence  évangéliqne 
dans  la  Prusse  ,  avec  la  permission  du  Saint- 
Siège,  B  de  nostra  licentia  »  et  le  chargea  lui- 
même  des  fonctions  épiscopales  dans  celte  nou- 
velle Eglise ,  jusqu'à  ce  qu'elle  pût  avoir  un 
évêque  propre.  «  Curam  officii  pastoralis  im- 
pendas ,  donec  proprium  possint  episcopum 
oblinere.  » 

La  Livonie  reçut  ses  premiers  missionnaires 
et  son  premier  évêque  de  l'archevêque  de 
Brème  ,  ou  de  Hambourg,  connue  il  a  été  dit 
ci-dessus ,  et  par  conséquent  du  Siège  aposto- 
lique (Baron.,  an.  1186,  n.  20).  L'évêque  de 
Riga  ,  qui  était  le  premier  qui  eût  été  ordonné 
dans  la  Livonie  ,  en  sacra  un  pour  l'Esthonie 
avec  quelques  autres  évéques  d'Allemagne  ;  le 
pape  Innocent  III  le  confirma  (Innocent  III. 
Regist.  XVI,  ep.  cxxvn,  cxxix),  et  l'affranchit 
de  tout  pouvoir  des  métro[iolitains,  ce  qui  était 
d'autant  plus  faisable,  qu'il  n'y  avait  encore 
jamais  été  assujéti. 

Le  pape  Honoré  III  étant  averti  par  les  évo- 
ques de  celte  nouvelle  Eglise  qu'ils  y  trou- 
vaient des  difficultés  insurmontables  à  un  si 
petit  nombre  d'ouvriers,  excita  les  supérieurs 
de  Cîteaux  et  des  autres  ordres  relii;ieux  à  y 
envoyer  des  troupes  auxiliaires  de  leur  corps. 


(Rainald.,  an.  12-20,  n.  38.)  H  permit  aussi  à 
ces  évè(|ucs  de  choisir  entre  les  religieux,  avec 
l'agrénient  de  leurs  su|iérieurs,  ceux  qu'ils 
jugeraient  les  plus  proiires  pour  une  fonction 
si  apostolique.  Quelques  années  après  (Au. 
1223,  n.  38)  il  envoya  l'évêiiue  deModène  pour 
se  joindre  à  tous  ces  apôtres  de  la  Livonie ,  et 
réprima  les  prétentions  de  l'archevêcpie  de 
Blême,  qui  voulait  soumetire  à  son  auloiilé 
tous  les  prélats  de  cette  Eglise  ,  qui  ne  lui  de- 
vait pas  sa  naissance. 

De  la  Livonie  la  lumière  de  la  foi  pénétra 
dans  la  Lithuanie  ,  dont  le  grand-duc,  nommé 
.Mindan ,  mit  ses  états  sous  la  protection  de 
l'Eglise  romaine.  Le  pape  Innocent  IV  l'y  admit 
et  manda  à  ré\êr]ue  de  Culme  de  donner  à  ce 
prince  les  ornements  royaux  au  nom  de  saint 
Pierre,  et  d'ordonner  un  évêque  pour  la  Lithua- 
nie ,  qui  dépondit  immédiatement  du  Saint- 
Siège.  Enfin  il  écrivit  aux  évêques  de  Livonie 
de  communiquer  à  leurs  voisins  les  célestes 
lumières  dont  ils  avaient  eu  le  bonheur  d'être 
éclairés  les  premiers  (Rainald..  an.  12.")l,  n.  45, 
an.  1254,  n.  27).  L'archevêque  de  Livonie  avait 
pris  le  devant  en  ordonnant  le  nouvel  évêque 
de  Lithuanie  et  en  rece^ant  de  lui  le  serment 
d'obéissance.  Mais  le  grand-duc  ayant  désiré 
que  les  églises  de  son  état  fussent  dans  la  dé- 
pendance immédiate  du  Saint-Siège,  ce  même 
pape  dégagea  cet  évêque  du  serment  qu'il  avait 
fait  et  le  fit  relever  immédiatement  de  l'Eglise 
i-omaine. 

Saint  Othon ,  évêque  de  Bamberg,  pour 
mériter  le  titre  gloi  ieux  d'apôtre  de  la  Pomé- 
ranie,  reçut  premièrement  sa  mission  du  Siège 
aposto!i(]ue,  selon  l'abbé  d'Usperg  :  «  Prœdicti 
apostolici  autoritate  et  assensu  roboratus 
(Baron.,  an.  1124,  n.  4).  »  Le  pape  Clenunt  111 
rendit  le  même  témoignage  dans  une  de  ses 
lettres  :  «In  gente  Pomeranica ,  ad  quam  ab 
apostolica  Sede  fuit  transmissus  (Conc,  tom.  x, 
pag.  I"i9).  » 

VI.  Les  relations  des  découvertes  qui  se  sont 
faites  depuis  deux  ou  trois  cents  ans,  dans  les 
Indes  orientales  et  occidenlales  et  des  Eglises 
qui  y  ont  été  fondées ,  ne  nous  font  pas  voir 
moins  de  correspondance  entre  les  évêques 
particuliers  et  le  Saint-Siège,  pour  faire  con- 
courir leur  zèle  et  leur  autorité  à  la  formation 
de  ces  nouvelles  églises. 

Quehiue  puissance  que  les  évêques  crussent 
tenir  de  leur  divine  origine,  de  quelque  per- 
suasion que  les  rois  fuiSeul  prévenus  que  ces 


334        DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-NEUVIÈME. 


pouvoirs  étaient  inséparables  du  caractère  épi- 
scop;il  ;  il  est  certain  néanmoins  que  les  uns 
et  les  autres  ont  toujours  cru  devoir  agir  de 
concert  avec  le  chef,  pour  donner  de  nouveaux 
accroissements  au  corps  de  l'Eglise. 

Ainsi  on  a  toujours  agi  dans  le  même  esprit 
et  dans  les  mêmes  sentiments  de  saint  Mulacliie, 
selon  saint  Bernard,  qu'il  n'était  pas  bon  d'en- 
tre|)rendre  ces  missions  apostoliques  dans  de 
nouveaux  mondes ,  sans  l'influence  du  Siège 
apostolique  ;  «  Visum  sibi  non  tute  satis  acti- 
tari  isla ,  absque  Sedis  apostolicae  autoritate.  » 

Vil.  La  création  qu'il  a  fallu  faire  de  nou- 
veaux évèchés  ,  et  même  de  métropoles  et  de 
priiuaties  dans  ce  nouveau  monde,  le  partage 
même  qu'il  a  été  nécessaire  d'en  faire  pour 
empêcher  que  divers  conquérants  ne  fussent 
un  obstacle  au  progrès  les  uns  des  autres ,  ont 
été  des  secours  qu'on  n'a  pu  attendre  que  du 
vicaire  de  J.-C.  sur  la  terre. 

Au  reste  il  a  encore  bien  paru  dans  ce  cha- 
pitre, 1°  comment  l'érection  des  nouveaux  évè- 
chés dans  les  pays  où  la  lumière  de  l'Evangile 
commençait  à  éclater,  a  été  réservée  ordinai- 
rement au  Saint-Siège  par  les  souverains  tem- 
porels ,  qui  se  sont  fait ,  ou  un  point  d'hon- 


neur, ou  une  matière  de  piété  et  de  religion,  de 
ne  laisser  relever  les  Eglises  de  leurs  Etats  (]ue 
de  l'Eglise  romaine  ;  2°  que  les  évèchés  et  les 
métropoles  ont  été  d'abord  libres  et  comme 
déambulatoires  dans  toute  la  province,  où  l'on 
semait  la  doctrine  de  la  foi,  sans  s'arrêter  ou  se 
fixer  en  aucun  lieu  déterminé  ;  3°  il  y  a  eu  jihi- 
sieurs  provinces  nouvellement  converties  avic 
des  évêques  ,  sans  métropolitains ,  la  police  de 
l'Eglise  se  perfectionnant  par  degrés  ;  4°  les 
fondations  de  l'Eglise  primitive  furent  en  beau- 
coup de  choses  semblables ,  parce  que  telle  est 
la  nature  de  tous  les  nouveaux  états  qui  se  for- 
ment. 

Aussi  Guillaume  de  Neubrige  dit  fort  bien 
dans  sa  préface,  que  la  Grande-Bretagne  n'avait 
jamais  eu  d'archevêque  avant  Augustin ,  et 
qu'il  en  a  été  de  même  de  tous  les  pays  du 
Nord  :  «  Barbarae  vero  nationes  Europaî  etiam 
olim  ad  fidem  Christi  conversœ ,  contenfœ  epi- 
scopis,  de  pallii  prœrogativa  non  curabant.  De- 
nique  Hibernienses,  Norici,  Daniel,  Gothi,  cum 
olim  Christiani  fuisse  ,  et  episcopos  habuisse 
noscanlur,  nostris  temporibus  archiepiscopos 
habuisse  noscuntur  (1).  » 


(1)  Aussitôt  que  le  Saiot-Siége  a  pu  remplacer,  dans  les  pays  de 
mission,  les  vicarrala  aposloHiiues,  par  des  évèchés  et  archevêchés 
titulaires,  il  n'a  pas  manque  de  le  faire.  Ainsi  Grégoire  XVI  et 
Pie  IX  ont  entièrement  régularisé  l'épiscopat  dans  l'Amérique  du 
Nord,  6xé  des  titres  définitifs  et  tracé  des  provinces  ecclésiastiques. 
Cette  immense  région  est  maintenant  divisée  en  neuf  archevêchés  : 
Québec,  Nouvelle-Orléans,  Halifax,  Saint-Louis,  Orégon-City.  Balti- 
more, Cincinnati  ,  New-York,  San-Francisco  ;  et  en  rinquante-six 
évèchés  :  Ottawa,  Bytown,  Kingstown,  Toronto,  Sainl-Boniface,  Lon- 
don.  Sandwich,  Cbatam,  Hamilton.  Montréal,  Sa;nt-Hyacinthe,  Trois- 
Blvières  ,  Arichat  ,  Charlorte-Town  ,  Saint-Jean-de-Terre  Neuve  , 
Hâvre-de-Grâce,  Sainl-Jean-New-Brunswick  ,  Fûrt-Vayne  ,  L&uis- 
ViUe,  Albany,  Charleston,  Ené  ,  Pittsbours,  Richmond,  Savanah, 
"Weeling,  Cleveland,  Covin^ifon  ,  Détroit,  Buffalo,  Dubuque  ,  Mil- 
vaiikie,  Newarck,  Sault-Sainle-Marie,  Vincennes,  Listle-Roch,  Mo- 
bile, Nalchez,  Broocklin,  Burlingion.  Hartfort,  Portland,  Nesqualy, 
Saint- t'aul-de-Miuesota,  Gai  veston,  Monterey,  Natchitoches,  Santa-Fé, 
Boston,  Philadelphie,  Vancouver,  Marysville,  Alton,  Chicago,  Nash- 
Tille. 

Dans  les  Antilles  anglaises.  Pie  IX  érigea  l'archevêché  de  Port- 
d'Eapagne  et  l'évéché  de  Roseau.  En  1863,  ce  pape  créa  pareillement 
l'ârchevéché  de  Port-au-Prince,  dan»  l'ile  de  Haïti,  à  la  suite  d'un 


Concordat  avec  cette  république,  et  y  nomma  un  français,  MgrTestaid 
du  Cosquer. 

Dans  l'Amérique  méridionale,  où  sous  la  domination  espagnole,  des 
diocèses  avaient  été  régulièrement  constitués,  il  n'est  survenu  de 
changement  que  dans  le  Mexiiiiie.  où,  dans  le  consistoire  du  Ifi  mars 
1863.  le  pape  Pie  IX  réorganisa  l'Eglise  mexicaine  et  porta  les  siégea 
épiscopaux  de  dix  à  dix-sept,  dont  trois.  Mexico.  Guadalajara  et  Mi- 
choacan  sont  métropolitains  ;  lesévéchês  sont  :  Queretaro,  TuiancmL'O, 
Léon,  Zamora,  Puebla,  Vera-t:rii7,  Ctnlapa,  Chiapas,  Guadalatara, 
Zacajara,  Oajaca,  Matterey,  Sonora,  Duranilo,  Yucaian.  Dans  ce  con- 
sistoire, Mgr  Monguia,  évéqiie  de  Michoaran,  fut  proclamé  arche- 
vêque de  celte  nouvelle  métropole ,  et  Mgr  Labastida ,  évéque  de 
Puebla,  fut  nommé  archevêque  de  Mexico. 

L'Austrahe  a  vu  également  créer  un  épiscopat  en  titre  dans  ses 
lointains  parages.  Grégoire  XVI  érigea  l'évéché  de  Sydney  que 
Pie  IX,  quelques  années  plus  tard,  éleva  au  rang  de  métropole  avec 
les  sulTragants  de  Penh,  Auckland,  Wellington,  d'Adélaide,  de  Bns- 
bane.  La  terre  de  Van-Diémen  elle-même  a  été  décorée  de  l'évéché 
de  Hobart-Town.  La  Chine.  l'Inde,  l'Afrique.  l'Ecosse  el  autres  lieux 
sont  encore  adni.nistrés  par  des  vicaires  apostoliques,  avec  titres 
d'évéques  tn  partibus,  iP^  Andrk.) 


DES  DÉLÉGUÉS  DU  SIÈGE  APOSTOIJOUE. 


335 


CHAPITRE  SOIXANTIEME. 


1)E   LA    QIAMTÉ   ET   DES   POl  VOIRS    DES    DÉLÉGUÉS   DL'   SIÈGE   APOSTOLIQUE.    DES    ÉVÈQUES 
yUI   SE    DISENT  ÉVÉQUES   PAR    LA   GRACE   DE   DIEU    ET    DU   SAlNT-SlÉGE. 


1.  Celle  délégation  est  nne  accumulation,  ou  une  augmenta- 
lion  de  droits. 

W  Exemples  de  cette  délégation  dès  le  commencement  du 
\«  siècle. 

III.  Exemples  dans  le  xi=  siècle. 

IV.  Exemples  des  xif  et  xiii"  siècles. 

V.  Cet  usage  a  été  approuvé  par  les  conciles  avant  le  con- 
cile de  Trente. 

VI.  Les  évèques  ainsi  délégués  sont  encore  soumis  au  mé- 
tropolitain, auquel  on  peut  appeler. 

VII.  Si  les  évèques  ainsi  délégués  peuvent  s'acquitter  de  ces 
pouvoirs  par  leurs  grands-vicaires. 

VIII.  Enumération  de  tous  les  cas  où  le  concile  de  Trente  a 
revêtu  les  évèques  de  la  délégation  du  Saint-Siège. 

IX.  Quand  les  évèques  ont  commencé  de  se  dire  évèques  par 
la  grâce  du  Saint-Siège. 

X.  Diverses  remarques  sur  cet  usage. 

I.  Cette  qualité  de  délégués  du  Siège  aposto- 
lique n'est  ni  nouvelle,  ni  injurieuse  aux 
évèques  ou  aux  archevêques  qui  en  ont  été  ho- 
norés par  le  concile  de  Trente  en  diverses  ren- 
contres. Elle  leur  est  au  contraire  également 
honorable  et  avantageuse,  puisque  ou  elle  leur 
donne  une  autorité  qu'ils  n'avaient  pas  aupa- 
ravant, ou  elle  confirme  et  environne  d'une 
nouvelle  splendeur  celle  qu'ils  avaient. 

Au  reste,  ce  n'est  pas  ici  une  délégation  ar- 
bitraire du  pape ,  c'est  le  concile  de  Trente 
même;  c'est  le  droit  stable  et  permanent  de 
l'Eglise  qui  leur  donne,  ou  qui  leur  confirme 
tous  ces  pouvoirs,  qui  sont  autant  de  rayons 
de  l'autorité  apostolique. 

II.  L'antiquité  de  cet  usage  paraît  dans  la 
lettre  du  pape  Zozime  à  l'évèque  de  Sa- 
lone,  où  ce  pape  supplée  à  ce  qui  pourrait 
manciuer  d'autorité  à  ce  prélat ,  dans  une  oc- 
currence importante  où  il  fallait  l'étaler  tout 
entière.  «  Igitur  si  quid  autoritati  tuae  quod 
nos  non  opinamur,  aestimas  defuisse,  supjile- 
mus.  Vos  obsistite  talibus  ordinationibus,  su- 
perbiae  et  arrogantiœ  venienti.  Tecum  faciunt 
prœcepta  patrum,  tecum  apostolicae  Sedis  au- 
toritas.  » 

Elle  ne  paraît  pas  moins  clairement  dans  la 
décrétale  du  pape  Boniface  1"  adressée  à  l'ar- 
chevêque de  Narbonne  (Bonifac.  in  Décret., 


c.  4),  pour  appuyer  le  zèle  de  ce  prélat  conire 
l'attentat  d'un  métropolitain  étranger ,  (lui 
avait  osé  ordonner  un  évêque  à  Lodève  ,  à 
l'insu  du  propre  métropolitain  et  contre  la  vo- 
lonté des  citoyens  de  Lodève.  Ce  pape  confesse 
que  l'autorité  propre  de  l'archevêque  de  Nar- 
bonne avait  assez  de  force  ,  pour  venger  l'ou- 
trage fait  aux  canons  et  à  sa  dignité  :  mais 
comme  il  fallait  procéder  contre  un  autre 
métropolitain,  qui  ne  reconnaîtrait  pas  sa  ju- 
ridiction, il  lui  communique  une  délégation 
du  Siège  apostolique,  a  Nostra  autoritate  com- 
munitus,  quod  quidem  facere  sponte  lieberes  , 
etc.  Metropolitani  jure  munitus,  etnostrisprœ- 
ceplionibus  fretus,  ad  locum  accède,  etc.  » 

Je  laisse  les  exemples  de  Célestin,  qui  délé- 
gua saint  Cyrille  pour  présider  en  son  nom  au 
concile  général  d'Ephèse  :  et  ceux  de  s;iint 
Léon  et  de  Gélase,qui  déléguèrent  Anatolius 
et  Acacius,  archevêques  de  Constantino[ile, 
pour  des  causes  qui  semblaient  être  renfer- 
mées dans  les  bornes  de  leur  autorité  ordi- 
naire. Anatolius  même  ne  trouva  pas  bon  que 
saint  Léon  en  usât  de  la  sorte ,  comme  ce  saint 
pape  nous  l'apprend  dans  sa  lettre  LXXVll.  On 
pourrait  prétendre  que  ces  exemples  ne  sont 
pas  tout  à  fait  justes,  et  cela  nous  engagerait 
dans  une  trop  longue  discussion. 

III.  Passons  du  v=  siècle  au  xi%  et  nous  y 
trouverons  le  pape  Nicolas  II  revêtant  Gervais, 
archevêque  de  Reims,  de  l'autorité  du  Saint- 
Siège  ,  pour  une  occasion ,  où  celle  de  métro- 
politain eût  été  à  la  vérité  suffisante  ,  si  on  etit 
déféré  aux  canons;  mais  comme  le  crime  dont 
il  s'agissait  ne  partait  que  d'un  mépris  inso- 
lent des  règles  canoniques  ,  il  était  à  craindre 
que  ceux  qui  en  étaient  coupables  ,  n'eussent 
pas  plus  de  déférence  pour  la  dignité  de  l'ar- 
chevêque. 

L'évèque  de  Beauvais  avait  été  sacré  par 
l'évèque  de  Sentis,  sans  l'ordre  du  métropoli- 
tain. Outre  cela,  l'un  et  l'autre  de  ces  prélats 


336 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTIÈME. 


étaient  accusés  de  simonie.  Le  pape  mande  à 
l'aiclievèque  de  suspendre  ces  deux  prélats, 
jusqu'au  concile  romain,  où  il  les  obli^'^e  de  se 
rendre.  «  Accingimini  igitur  et  fultiis  liac  no- 
stra  autoritate,  omne  epifcopale  officium  sibi 
inleidicite,  etc.  usque  ad  synodum;  ubi  nobis 
et  tibi  digne  satisfaciat  (Du  Cbesnes ,  tom.  4, 
p.  199).  » 

Si  dans  ces  exemples  on  ne  remarque  qu'un 
surcroît  d'autorité,  pour  fortifii-r  encore  da- 
\an'age  les  jHélals  dans  les  matières  propres 
de  leur  juridiction  ordinaire,  en  voici  d'autres 
où  la  déléf-'ation  du  Siège  apostolique  leur 
conuuunique  un  pouvoir  qu'ils  n'axaient  pas. 

Lepa|)eLuceIIl,dansuneassembléegénérale 
où  se  trouvèrent  l'emiiereur,  des  patriarcbes 
et  (les  arcbevèques ,  ayant  fait  plusieurs  or- 
donnances rigoureuses  contre  les  béréticiues, 
élendit  la  juridiction  des  évoques  comme  délé- 
gués du  Siège  apostoli(|ue  sur  ceux  même 
(|ui  ne  relevaientquedu  Siège apostoliipie.  a  Si 
(|ui  fiierint,  quialege  diœcesana^jurisdictionis 
txunpti,  soli  subjaceant  Sedis  apostolicœ  pote- 
slati;  niliiloiniinis  in  bisqua^  sunt  contra  bnere- 
ticos  inslilula,  episcoporrim  subeant  judiciuiu 
et  ois  in  hac  parle,  tanquam  Sedis  apostolicie 
dek'fjalis,  non  obstantibiis  libertatis  suce  privi- 
legiis,  obsequantur  (C.  Ad  abolendam.  De  He- 
reticis).  » 

IV.  Le  i)ape  Innocent  III,  dans  le  concile  gé- 
néral de  Latran,  ordonna  que  si  le  chapitre 
mettait  l'Eglise  catbèdrule  en  interdit,  sans 
une  cause  juste  et  manifeste,  l'évèque  ne  lais- 
serait pas  d'y  célébrer,  et  sur  sa  plainte,  «  ad 
querelam  ipsius,  »  le  métropolitain  connaîtrait 
de  ce  dilfèrend  comme  délégué  du  Siège  apos- 
tolique (C.  Irrefragabili.  De  oftic.  Jud.ordinarii). 
Le  métropolitain  ne  juge  selon  les  canons,  que 
dans  les  causes  d'a|ipel. 

Le  pape  seul  et  ses  légats,  selon  les  décrétales, 
connaissent  des  causes  qu'on  leur  défère  par 
voie  de  plainte.  Il  ètuit  donc  nécessaire  que  le 
pape  déléguât  le  mètroiiolitain.  En  l'an  1243, 
Pierre,  archevêque  de  Rouen,  ayant  demandé 
l'aiipui  du  Saint-Siège  contre  les  oppositions 
qu'il  trouvait  dans  la  visite  de  sa  province,  le 
pape  Innocent  IV  le  revêtit  ])ar  un  rescrit 
spécial,  de  l'autorité  du  Saint  Siège.  «  Sive  au- 
toritiite  tua,  sive  nostra,  quam  tibi  comniit- 
tinms  (Synodic,  Rotomag.,  p.  230).  » 

Le  pape  Boniface  VIll  délégua  les  évoques 
pour  tous  les  jugements  (jiii  rcgardeuL  l,i  clù- 
turu  dos  niuuasteres  exempts,  a  lu  muuaslcriis 


monialium  sibi  ordinario  jure  subjectis,  sua; 
in  iis  vero  quae  ad  Romanam  immédiate  spe- 
ctant  Ecclesiam,  apostolica;  Sedis  autoritate 
(In.  VI.  C.  Periculoso.  De  Statu  regul.).  » 

V.  On  ne  peut  donc  nier  qu'avant  le  concile 
de  Trente,  et  les  papes  et  les  conciles  n'aient 
autorisi'  cette  manière  de  déléguer  les  évoques. 
Le  concile  de  Rouen,  en  1581,  a  reconnu  cette 
vèiité.  «  In  bis  episcopus  censetur  saltem  Sedis 
ai)ostolicœ  autoritate  et  delegatione  defungi, 
sicut  a  generalibus  conciliis  ,  et  pra?sertini 
Tridentino  staluitur.  (Conc.  General.,  tom.  xv, 
p.  8il).  » 

VI.  Les  métropolitains  mêmes  ne  peuvent  pas 
trouver  mauvais  que  cette  délégation  soit 
communiquée  aux  évoques  ,  puisqu'on  ne 
laisse  pas  d'appeler  de  leur  sentence  au  métro- 
politain, s'il  ne  s'agit  que  d'une  matière  dont 
les  évê(]ues  eussent  pu  connaître  par  leur  au- 
torité ordinaire.  C'est  ce  qui  a  été  déclaré  parle 
concile  V  de  Milan  sous  saint  Charles,  en  1S79. 
(Conc.  General.,  tom.  xv,  p.  G89). 

VII.  La  difficulté  est,  si  le  vicaire-général 
peut  connaître  de  ces  sortes  de  causes:  1°  s'il 
s'agit  des  causes  où  l'évèque  a  une  juridiction 
ordinaire,  ce  qui  est  ordinairement  marqué  par 
le  terme  etiam  dans  ie  concile  ;  le  grand-vicaire 
en  peut  connaître;  2°  s'il  s'agit  de  celles  qui 
ne  lui  sont  pas  ordinairement  soumises,  et  où 
il  ne  peut  procéder  que  comme  délégué  du 
pape,  l'évèque  peut  subdèlèguer,  puisque  c'est 
l'avantage  des  délégués  du  prince;  mais  il 
faut  qu'il  le  fasse  par  une  commission  par- 
ticulière; 3°  si  le  droit  marque  que  l'évèque  ne 
connaîtra  que  comme  délégué,  soins,  tantum  , 
il  ne  peut  en  subdéléguer  un  autre,  parce  que 
c'est  sa  seule  personne  qu'on  a  jugée  capable 
de  cette  charge. 

VIII.  Voici  les  cas  où  le  concile  de  Trente  a 
muni  les  évêques  de  la  délégation  apostolique. 
Ainsi  c'est  du  concile  même  que  les  évê- 
ques tiennent  ou  la  concession,  ou  la  con- 
firmation de  ces  pouvoirs.  Je  n'ai  pas  cru 
devoir  omettre  ceux  qui  ne  sont  pas  reçus 
dans  la  France,  parce  qu'ils  sont  contraires  à 
ses  usages.  Cet  ouvrage  contient  les  lois  et  les 
usages  de  |)lusieurs  autres  royaumes,  et  il  est 
toujours  utile  de  ne  pas  ignorer  les  décrets 
d'un  concile  universel.  1°  Ils  peuvent  contrain- 
dre les  abbés  négligents  a  établir  une  leçon 
de  l'Ecriture  dans  les  monastères  (Sess.  v,  c.  i); 
2°  ils  peuvent  [irocéder  contre  les  exempts  qui 
semeullepoisoudellierésie  (Sess.  v,  c.U;,3°ils 


DES  DÉLÉGUÉS  DU  SIÈGE  APOSTOLIQUE. 


337 


peuvent  envoyer  des  vicaires  dans  les  paroisses 
dus  réguliers,  dont  les  curés  sont  dispensés  de 
la  résidence  par  le  Sainl-Siége  Scss.  vi,  c.  i]. 
A"  Ils  peuvent  cbàtier  les  réguliers  et  les 
exempts  [)our  les  crimes  qu'ils  commettent 
hors  du  cloître  (Sess.  vi,  c.  3).  5°  Ils  peuvent 
coiuiaitre  si  quelque  grâce  a  été  obtenue  du 
Saiul-Siége  par  surprise,  pour  diminuer,  ou 
pour  relâcher  les  i)eines  qu'ils  avaient  dé- 
cernées contre  les  criminels.  «  Per  seipsum, 
taiiquamSedisA|)OstulicLe  delegatus,  sumniarie 
cognoïcat.  »  Ces  termes  per  seipsum,  font 
coniiaître  qu'en  ce  cas  révécjue  ne  peut  sub- 
déléguer, comme  il  le  pouvait  ])ar  une  com- 
mission particulière  dans  les  quatre  précédents 
(Sess.  xui,  c.  oj.  6"  Ils  peuvent  corriger  les  dé- 
sordres des  ecclésiastiques,  quelque  privilégiés 
qu'ils  puissent  être,  même  hors  du  temps  de 
la  visite  [Sess.  \i\,  c.  4).  7°  Ils  peuvent  établir  les 
distributions  manuelles  dans  les  chapitres, 
quelque  exemption  qu'ils  puissent  alléguer 
(Sess.  XXI,  c.  3).  S'"  Us  peuvent  forcer  les  curés 
dese  taire  assister  par  autant  de  prêtres  que  leur 
paroisse  en  demande,  ou  si  elle  est  trop  étendue, 
ériger  malgré  eux  de  nouvelles  paroisses,  no- 
nobstimt  toutes  dérogations  canoniques  con- 
traires (Sess.  xxn,  c.  3  etsess.  xxi,  c.  5).  9°  Ils  peu- 
vent visiter  tous  les  ans  toutes  les  abbayes,  les 
prieures,  elles  prévôtés  qui  sont  en  commande 
et  où  la  régularité  n'est  pas  observée,  comme 
aussi  toute  sorte  d'autres  bénéflces,  curés  ou 
non  curés,  exempts  ou  non  exempts  'Ses.  xxi, 
c.  8).  10"  Ils  peuvent  régler  tout  ce  qui  con- 
cerne le  sacrifice  de  la  messe,  et  en  bannir 
tous  les  abus  qui  pourraient  s'y  être  glissés, 
même  dans  les  Eglises  des  exempts,  nonobs- 
tant leurs  exemptions  (Sess.  xxn).  11°  Ils  doi- 
vent examiner  toutes  les  dispenses  qu'on 
obtient  du  Saint-Siège,  et  déclarer  si  elles  ont 
été  impétrées  jiar  surprise.  «Summarie  et  extra 
iudicialiter  cognoscatur  e\i)ressas  preces  sub- 
reptionis  vel  obreplionis  vitio  non  subjacere 
(Sess.  xxii,  c.  r>).  12'  Us  peuvent  visiter  tous  les 
hôpitaux,  les  conttéries,les  lieux  et  assemblées 
de  piété,  (juclque  exemi)tion  qu'on  y  ait,  et 
quoique  l'administration  eu  appartienne  à  des 
laïques,  pourvu  qu'ils  ne  soient  pas  sous  la 
protection  immédiate  des  vois  (Sess.  xxu,  c.  8). 
13°  Us  peuvent  examiner  la  suffisance  et  la  ca- 
pacité des  notaires,  soit  apostoliques,  soit  im- 
[jcriaux  ou  royaux,  et  les  suspendre  de  leur 
ollice,  ou  les  interdire  tout  a  fait  (Sess.  xxu, 
c.  lOj.  li°  Us  doivent  visiter  toutes  les  Eglises 


exemples,  aussi  bien  que  celles  (lui  ne  sont 
de  md  diocèse  ,  s'ils  en  sont  les  plus  pro- 
ches ;  et  si  entre  leurs  diocésains  il  y  en  a 
qui  aient  obtenu  (jnelques  exemptions  ils  ne 
laisseront  i)as  de  les  visiter  pour  la  correc- 
tion des  manirs.  La  congrégation  du  concile 
a  déclaré  (|ue  l'évê(|ue  doit  exprimer,  (}u'il 
visile  ces  Eglises  exemptes,  connue  délégué 
du  Saint-Siège  (Sess.  vu,  c.  8,  et  sess.  xxiv, 
c.  1),  10).  i;,"  Us  doivent  faire  observer  la  clô- 
ture même  aux  monastères  e.xempls  des  reli- 
gieuses, même  à  tous  ceux  qui  sont  immédia- 
tement soumis  au  Saint-Siège  ;  parce  que  le 
concile  lésa  absolument  abandonnés  à  la  ju- 
ridiction et  à  la  conduite  de  évoques  (Sess.  xxv^ 
c.  o,  y,  de  -Monial.).  lli"  Ils  peuvent  connaître 
des  unions  ([u'on  a  laites  des  Eglises  libixs  à 
d'autres  Eglises  asservies  à  des  patrons,  quoi- 
que ces  unions  aient  déjà  été  exécutées  (Sess. 
XXV,  c.  9,  de  Ketorm.).  17°  Us  peuvent  sus- 
pendre, ou  priver  entièrement  de  leurs  béiiélices 
les  clercs  concubinaires,  quelque  exemption 
qu'ils  puissent  alléguer  [Sess.  XXV,  c.  14).  18"  Us 
doivent  soumetlre  à  leur  juridiction  les  mo- 
nastères qui  ne  se  réunissent  pas  en  un  corps 
de  congrégation  dans  le  temps  prescrit  par  le 
concile  de  Trente  (Sess.  xxv,  c.  S  de  Ilegul.). 

Le  concile  provincial  d'Aix  de  l'an  r.S.'j  a 
ramassé  dans  un  chapitre  tous  ces  articles  de 
la  délégation  apostolique  commise  aux  é\è- 
ques  (Conc.  General.,  tom.  xv,  p.  llo3;.  On 
jieut  recourir  à  Fagnan,  de  qui  nous  avoîiS  tiré 
ce  que  nous  venons  d'en  dire  (Fagnan.,  in  1.  i. 
Décret.,  part.  2.  p.  400  et  seq). 

IX.  C'est  encore  une  question  qui  a  quelque 
rapport  à  la  précédente,  de|)uis  quel  temps  et 
à  quelle  occasion  quekjues  évéques  ont  com- 
mencé de  se  dire  évéques  par  la  grâce  de  Dieu 
et  du  Siège  apostolique.  Il  est  vrai  que  dès  le 
teni|is  du  pape  Grégoire  VII  (An.  1081;,  Robeit, 
<]ui  était  vassal  de  l'Eglise  romaine  pour  l'état 
temporel  des  Deux-Siciles ,  prenait  ce  titre. 
«  Ego  Robertus  Dei  gralia  et  sancti  Pétri,  Ap- 
puliœ,  Calabriœ  et  Sicili;^  dux  (Baronius,  an. 
1081.  n.  30).  Mais  il  s'agissait  d'une  princi- 
pauté temporelle,  pour  laquelle  ce  duc  rele- 
vait du  Saint-Siège,  au  lieu  que  les  évéques 
sont  [ninces  de  l'Eglise  et  tiennent  de  J.-C. 
immédiatement  la  divine  origine  de  leur  émi- 
nente  dignité.  Les  premiers  que  je  trouve  avoir 
pris  cette  marque  d'une  dèjjendance  ou  d'une 
correspondance  plus  parliculière  avec  le  Saint- 
Siège  ,   furent  les  évéques  lalins  de  l'ile  de 


Til.  —  To.ME  I. 


22 


338 


DU  PREMIER  ORDRE  DES  CI.ERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTIÈME. 


Chypre.  Car  l'archevêque  de  Nicosie  en  usa  de 
la  sorte  dès  l'an  1251  dans  les  constitutions 
qu'il  publia.  Un  de  ses  successeurs  l'imita  dans 
un  concile  de  l'an  1298.  Un  autre  prélat  du 
même  siège,  prit  le  même  titre,  o  Dei  et  A|)o- 
slolicaî  Sedis  gratia  arcliiepiscopus  (Conc, 
tom.  II,  part,  ii,  p.  2100,  2409,  2432),  dans 
un  concile  où  il  présida  non-seulement  à  ses 
sulfragants  latins  de  la  même  île,  mais  aussi 
aux  évèques  Grecs,  aux  Maronites,  aux  Armé- 
niens ot  aux  supérieurs  spirituels  des  Nesto- 
riens  etdes  Jacobites. 

X.  Ce  fut  peut-être  aussi  la  raison  qui  donna 
commencement  à  cette  coutume,  (jue  cet  ar- 
che^ê(Jue  latin  n'avait  acquis  cette  préémi- 
nence sur  les  évèques  des  Grecs,  des  Maronites 
et  des  Arméniens,  que  par  la  disposition  que 
les  papes  en  avaient  faite.  Les  évêciues  d'Italie 
ne  tardèrent  pas  longtemps  àen  userde  même. 
Les  archevêques  de  Ravcnne  prirent  le  mcnie 
litre  dès  l'an  1310,  1314,  1317,  dans  leurs 
lettres  et  dans  leurs  conciles  (Conc,  tom.  ii, 
part.  M,  p.  1533,  lOOi,  1659,  1C7.5,  1018,  1921, 
1940).  Les  archevêques  de  Narbonne  ne  tar- 
dèi-ent  pas  longtem|)s,  car  en  l'an  1351,  on  les 
voit  revêtus  de  cette  (jualité  dans  leurs  lettres 
et  dans  leur  concile.  L'archevêque  de  Tours 
les  suivit  (le  bien  près  :  savoir  en  l'an  1305. 
L'arclie\è(|ue  de  Salsbourg  en  Allemagne,  prit 
le  même  titre  l'an  1417  (  Conc,  tom.  xii. 
p.  308,  310).. le  ne  m'arrêterai  pas  aux  autres 
archevêques,  qui  ont  voulu  donner  dans  ces 
deux  derniers  siècles  cette  preuve  de  leur  re- 
connaissance envers  le  Saint-Siège;  le  nombre 
en  est  trop  grand  dans  l'Italie,  dans  la  France 
et  dans  l'.Vmériijue  (Conc,  tom.  xv,  p.  147, 
2'.2,  337,  1117,  1120,  1188,  1199,  1433,  1472, 
157i). 

Mais  je  dirai,  1°  que  ce  furent  seulement  ou 
princi])alement  les  archevêques  qui  uni  d'abord 
pris  ce  titre,  comme  on  peut  reconnaître  par 
tous  les  endroits  cités  à  la  marge,  et  par  un 
grand  nombre  d'aulns  qu'on  aurait  pu  y  join- 
dre; 2"  que  cet  usage  a  été  premièrement  dans 
l'Orient,  et  a  passé  de  là  en  Italie,  el  puis  dans  le 
reste  de  l'Occident  ;  3"  que  ce  n'a  point  été  depuis 
que  les  archevêques  et  les  évê(|ues  reçoivent 
leur  vocation  du  pape  après  la  présentation  des 
rois,  que  cet  usage  a  été  introduit,  ni  mêuie 
depuis  queles|)apes  se  réservèrent  en  |)lusieurs 
rencontres  la  provision  des  évcchès;  car  les 
exemples  que  nous  avons  touchés  sont  avant 
ce  temps-là;  4°  qu'il  yavait  bien  plus  de  conve- 


nance que  les  métropolitains  en  usassent  de  la 
sorte,  puisque  leur  autorité  est  comme  une 
partiei|)ation  du  privilège  et  de  la  primauté  ou 
supériorité  de  saint  Pierre  sur  les  évêqnes,  au 
lieu  que  l'épiscopat  est  immédiatement  d'insti- 
tution divine  ;  S°  qu'il  est  ajiparent  que  plu- 
sieurs évèques  ne  pénétrant  pas  la  raison  qui 
avait  fait  prendre  cette  qualité  aux  métropoli- 
tains, etne  la  considérant  quecommeun  témoi- 
gnageou  d'une  correspondance,  ou  d'une  recon- 
naissance plus  grande  envers  le  pape,  ont  voulu 
les  imiter,  surtout  depuis  que  leur  promotion 
se  fait  dans  le  consistoire  par  le  pape,  après  la 
nomination  des  princes;  0°  l'antiquité  fournit 
des  exemples  i)lus  surprenants,  quand  elle  nous 
fait  voir  le  patriarche  Cyrus  d'Alexandrie,  se 
dire  patriarche  ou  pape  d'Alexandrie,  par  la 
volonté  et  le  commandement  des  empereurs. 
«  Satisfactio  facta  a  Cyro  misericordia  Dei  epi- 
scopo,  per  divinam  sanctioncm  benignissimo- 
rum  atquc  triumpliantium  dominorum  nostro- 
rum  locum  obtinente  Apostolic;c  Sedis  hujus 
Alexandiina>  civitatis  (Synodi  vi,  action.  13).  » 

Le  concile  œcuménique  d'Ephèse  se  dit  en 
cent  rencontres  assemblé  par  la  grâce  de  Dieu 
et  par  l'ordre  des  empereurs.  «Sancta  synodus 
congregata  Ephtsi  juxta  decretum  piissimorum 
imperatorum.  »  Ce  qui  n'empêciie  pas  que  le 
concile  ne  fût  assemblé  au  nom  de  J.-C.  et 
par  une  autorité  toute  divine 

C'est  ici  le  lieu  de  placer  la  constitution  de 
l'ordre  de  Cîteaux,  qui  traite  des  évèques  (jui 
sont  montés  de  leur  ordre  à  l'é()iscopat.  Elle  les 
distribue  en  deux  classes  :  savoir  de  ceux  qui 
auraient  été  élevés  à  l'épiscopat  par  la  grâce  du 
Saint-Siège;  et  de  ceux  qui  auraient  été  faits 
évèques  par  une  élection  canonique.  Voici  les 
termes  :  «  llli  quibus  per  Sedis  Apostolica;  gra- 
tiam  scu  j)er  electionem  concordem  canonico- 
runi  alicujus  vacautisEcclesiœ  fuerit  provisum 
vel  providebit,  in  futurum,  de  episcopatus  offi- 
cio  est  (Monast.  Cist.,  pag.  639).  » 

On  peut  inférer  de  là  que  les  évèques  dont 
l'élection  était  partagée  et  renvoyée  à  l'examen 
du  Saint-Siège,  par  le  jugement  oudispense  du- 
quel ils  étaient  conflnués,  sont  ces  sortes  d'évè- 
ques,  iiue  l'on  dit  être  appelés  à  ré]iiscopat  par 
la  grâce  du  Saint-Siège,  et  non  pas  ceux  dont 
l'élection  avait  été  unanime,  (i) 

(1)  Kn  ce  qui  concerne  les  ras  de  la  délégation  apostolique  con- 
férée aux  évéfiucs  mentionnés  dans  l'article  8  du  présent  chapitre, 
les  évé(]ues  ont  vu  agrandir  Itur  juridiction  par  la  suppression  dts 
exempts  qui  n'ont  pas  été  conservés  dans  le  Concordat.  En  I8'M, 
Gréyoïre  XVI,  par  l'organe  de  la  CongrégatioD  des  évèques  el  rc^u- 


LIVRE    DEUXIÈME  '       ■•::       ■,   ;:..hv    ^^ 

Li>'   ■      i    ■     .:  'i'..-  r  I,;'  I 

Oà  il  est  traité  du  second  Ordre  des  Clercs,  savoir  :  des  Chorévêques.  des  Archiprêtres,  des  Vicaires-Généraur, 
des  P;ni!entiers,  des  Officiaux,  des  Curés,  des  Diacres,  des  Ordres  mineurs,  de  la  Tonsure,  des  Habits  des 
Cleics,  du  Célibat,  de  l'Office  divin,  etc. 


CHAPITRE  PREMIER. 


DES    CnOREVEQUES   PENDANT   LES   HUIT    PREMIERS   SIECLES, 


I.  Les  chorévêques  ont  reçu  la  plus  grande  effu-ion  de  Té- 
piscnpal,  et  on  demande  s'ils  n'étaient  point  évoques  eux- 
mê.ues. 

M.  Ils  ne  l'étaient  pas  comme  chorévéquts,  mais  ils  pouvaient 
l'être  d'ailleurs  par  accident.  Preuves  du  concile  de  iNéocésaree. 

III.  Et  de  Laodicée. 

IV.  Et  de  Nicée. 

V.  Ce  qui  convient  avec  le  cannn  du  concile  d'Antioche. 

VI.  Diverses  rétluxions  sur  ce  canon. 

VM.  Explicaiion  du  canon  du  concile  de  Calcédoine,  qui  sem- 
ble f.iire  du  cliorépiscopat  un  nouvel  ordre. 

V;il.  Explication  de  cette  difiîcuUé. 

IX.  Comuieut  il  faut  entendre  ce  canon.  Ce  n'est  que  la  juri- 
diction spirituelle  déléguée  aux  chorévêques  qu'on  y  considère. 


X.  Plusieurs  autres  raisons,  pour  montrer  que  les  chorévf- 
qin;s  n'étaiont  point  évêtiues. 

XI.  Explication   du  canon   du  concile   d'Ancyre,  qui  semble 
leur  permettre  d'ordonner  les  prêtres. 

XII.  Saint  Basile  limite  même  le  pouvoir  qu'ils   avaient  d'or- 
donner les  cleics  mineurs. 

XIII.  Quand  les  chorévêques  ont  paru  dans  l'Occident 

XIV.  Et  par  quelle  occasion.  ::,. 

XV.  Sommaire  des  pouvoirs  des  chorévêques. 

XVI.  Des  chorévêques  au  second  âge  de  l'Eglise.     ' 

ï.  Apres  avoir  considéré  les  trois  ordres  hiérar- 
chiques en  général,  et  avoir  parlé  en  parlicuhei^ 


liers,  publia  ua  statut  en  «îouze  article?,  pour  régler  la  situation  ca- 
Donii]ue  des  cisterciens  français  appelés  Trappistes.  Lariicle  X  est 
ainsi  conçu  :  Qaammi  monasteria  Trappensium  a  JuriMÎictione  fpi- 
scoporum  exempta  sinty  ea  tamen  ob  peculiares  rationeSy  et  donec 
aliter  statuatur ,  jurisdictioni  eorvmdem  episcoporum  subsint,  qui 
procédant  tanquani  Sedis  ApostoUcœ  delegati.En  lS39,Ies  trappistes 
proposèient  à  la  même  congrégation  les  doutes  suivants  :  io  Cum 
in  articulo  X  decernatur^quamvis  monustena  trappensium  a  juris- 
dictionp  episcopoium  exempta  sint,  ea  tamen  ob  pecdiares  rationes, 
jurisdiciioni  eorvindem  episcoporum  subesse  ^  quœritur  in  quo  ea 
jurù'iictio  consistât,  et  qucenam  jam  episcopi  circa  monasteria  e/€j-- 
cete  vale'int  ;  2°  quœnam  sit  abbatum  jurtsdictio;  3o  Uirum  abla- 
tes  potestatem  habeant  excipi:ndi  suorum  monachorum  sacrumeri' 
talcs  coTifcssionPs ,  eumque  atiis  sacerdotibus  mo'vtcf.is  suoT'u.n 
monasleriorum  delpyare  vuleant  abaque  approbatwne  episcoporum  ? 
Le  3  Mai  1839,  Grt-goire  XVI  répondit  par  l'organe  de  la  Sacrée 
CongrégatioD  des  évéques  et  réguliers  :  Ad  prinium  :  Donec  aliter  a 
sancla  Sede  Apvsto  ica  dtceriiatur^  monasteria  et  monachos  st/6- 
jeclos  esse  vùitatioui  et  correciioni  ^ii>C(>poruin,  suivis  constitut.n^ 
nibus  ordinis.  Ad  secundum  :  in  administrât ione  et  regintine  intc- 
rion  moncsterii  abbates  eum  potestatem  hubere  quam  kabenl 
ahbates  Cislercienses,  salva  suhjectiune  ab  epi^copis,  ut  in  pria  o 
dubiOj  servati^qtie  aliis  quœ  in  decreto  sacrœ  conyregntionis prœsc>  i- 
buiilur.  Ad  teriium  :  o/Jir./mtive  in  omnibus  qiioad  monachos;  net/i.- 
tive  quoad  moniales,  pro  quibus  seroelur  articulus  XI  cttati  den-fù 
ejusdem  sacrœ  congregationis.  Cet  article  XI  soumet  à  l'euùère  ju- 
ridiction des  évéques  les  monastères  des  ^eligieu^es  de  la  Trappe, 
Cependant  le  confesseur  ordinaire  sera  uo  rel'gieux  irippisie,  mais  ce 
confesseur  sera  choisi  et  approuvé  par  l'évéque  qui  pourra  déléguer 
pour  confesseurs  extraordinaires  même  des  prêtres  sJculiers.  11  est 
évideot  que  ce  décret  apostolique  s'applique,  en  ce  qui  coucerne  la 
France,  à  tous  les  autres  ordres  religieux  qui  s'y  sont  rétablis  suc- 
cefiflvêm£u% 


Le  Piémont  ayant  été  incorporé  à  la  France  à  l'époque  de  la  révo- 
lution, les  ordres  religieu.^  y  lurent  abolis.  Après  la  restauration  de 
la  monar'  hie  sarde,  on  pensa  à  remettre  les  choses  dans  leur  é;at 
primitif.  En  1819,  le  Saint-Sîége  nomma  le  cardinal  Joseph  Morozzo, 
évèque  de  Novare,  et  Louis  Lambruschini,  archevêque  de  Gènes, 
visiteurs  apostol'qut:s  de  tous  les  monastères  :  ci^m  auctoritate  qua 
générales  cvjusvis  instituti  fruuntur ,  disait  la  bulle  d'institution. 
Tout  pouvoir  leur  était  accurdé  pour  la  réorganisation  canonique  des 
ordres  religieux  et  monastères,  pour  la  nomination  ou  révocation  des 
supérieurs.  Uue  seule  chose  leur  était  interdite,  à  savoir  :  Ne  décréta 
generulia  ordxnnm  constitntionibus  vel  deroyantia  vel  novum  ali~ 
guod  induccntia  iine  ApostoUcœ    Sedis  judicio  proferrent. 

Ea  1836,  le  cardinal  Sierck,  archevêque  de  Malines,  reçut  du 
Saint  Siège  le  mandat  apostolique  déUver  au  titre  abbatial  un 
prieuré  de  Trappistes  situé  dans  son  diocèse  :  Cum  omnibus  juribu^^ 
prioileyaiy  honoribuSj  jurisdictionibus  et  omnibus  quœ  et  aposti- 
Itcis  coitstitutionibus  et  régula  ordinis  ad  ecclesias  abbatiales  et 
abba'es  spectant.  Le  décret  apostolique,  composé  de  huit  articles 
[)Our  régulariser  les  Trappistes  en  Belgique,  qui  forment  une  congré- 
gation spéciale  dépendante  du  père  général  des  Cisterciens  résidani 
a  Rome,  ne  parle  nulleuxeut  de  leur  dépendance  des  évéques,  comn.e 
leurs  frères  de  France.  De  là  nous  concluons  que  les  trappistes  belges 
jouissent  de  l'exemptioa  inhcreuie  à  l'ordre  de  Citeaux,  dont  ils  sont 
membres. 

Enfin,  pour  compléter  nos  recherches  sur  l'extension  de  la  juri- 
diction ép:sco,  aie  que  les  révolutions  modernes  ont  faîte  à  l'égard 
des  religieux,  nous  dirons  que  dès  le  commencement  de  son  pootifi- 
cat,  Pie  IX  créa  une  congrégation  nouvelle,  intitulée  :  super  statu 
regiilarium.  Cette  coDgregjtioQ  porta  plusieurs  décrets  importants 
pour  le  rétablissement  de  la  discipline  dans  les  ordres  monastiques. 
Nous  ne  mentionnerons  ici,  comme  se  rattachant  à  notre  sujet,  que 
celui  du  25  Janvier  1848  prescrivant,  en  vertu  de  la  sainte  obéissance, 
sous  pein'?  de  la  privation   de  toute  diguiié  et  d'inhabileté  à  pouvo.t 


340 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  PREMIER. 


du  premier,  qui  est  l'épiscopat,  nous  remettons 
ce  qui  nous  en  reste  à  expliquer  pour  la  seconde 
partie  de  cet  ouvrage,  où  nous  parlerons  des 
devoirs  des  bénéficiers,  et  surtout  des  évo- 
ques. Nous  aUons  ici  passer  au  second  ordre 
hiérarchique,  et  nous  traiterons  d'abord  des 
chorévêques,  qui  ont  sans  doute  possédé  la  pre- 
mière di^Miité  après  les  évèques,  c'est-à-dire, 
qui  ont  reçu  la  plus  grande  participation  de  la 
plénitude  de  l'épiscopat,  en  sorte  que  la  pre- 
mière question  qui  se  présente  sur  leur  sujet 
est  de  savoir  s'ils  n'étaient  point  ellecLivemeut 
évèques. 

II.  En  effet,  comme  nous  avons  vu  ci-dessui 
que  les  évèques  faisaient  quelquefois  ordonner 
des  évèques  nouveaux  dans  les  grandes  places 
de  leurs  diocèses,  quel(]ues-uns  ont  cru  aussi 
que  les  chorévêques  étaient  efléctivement  des 
évèques,  que  l'évêque  de  la  ville  ordonnait 
dans  de  grands  villages  ou  dans  des  contrées 
de  son  diocèse,  pour  y  être  comme  ses  vice-gé- 
rants et  ses  grands-vicaires. 

Le  concile  de  Nèocèsarée,  après  avoir  dit  que 
les  curés  de  la  campagne  ne  pourront  célébrer 
le  divin  sacrifice  dans  l'église  épiscopale  de  la 
ville,  si  l'évêque  ou  les  prêtres  de  la  ville,  à 
qui  ils  doiven*  céder,  sont  présents,  il  met  en- 
suite une  grande  dilférence  entre  eux  etlec'10- 
révêque,  ordonnant  que  le  cliorévêque  célé- 
brera, c'est-à-dire  qu'il  sera  préféré  à  tous  les 
jjrêtres,  même  à  ceux  de  la  ville,  et  de  l'église 
cathédrale  (Can.  xiii,  xiv). 

«  Chorepiscopi  auteni  sunt  quidem  in  figura 
septuaginta  ,  ut  conmiinistri  autem  propter 
sludiuni  in  jjuuperes,  olferunt  honorati.  »  Une 
ancienne  version  de  ce  canon  connnence  ainsi  : 
a  Vicarii  episcoporum,  quos  Grœci  chorepi- 
scopos  vocant.  »  C'est  une  interprétation  plu- 
tôt (ju'une  version  du  mot  de  cliorévêque  : 
mais  il  est  hors  de  doute  que  ces  chorévêques 


étaient  comme  les  vicaires  forains  des  évêquc?. 

III.  Ils  n'étaient  pourtant  pas  évèques,  si  ce 
n'est  que  quelque  évêque  ordonné  contre  les 
;anons  dans  un  village,  y  fût  toléré,  a  condi- 
tion d'y  vivre  dans  la  même  dépendance  à  l'é- 
gard de  l'évêque  de  la  cilé.ques'il  eût  été  sim- 
plement ordonné  chorévêque.  C'est  ce  qui  se 
peut  recueillir  du  canon  du  concile  de  Laodicée. 
«  Quod  non  oportet  in  villulis,  vel  in  agris 
constiluere  cpiscopos,  sed  visitalorcs, -£fici\uTa;. 
IIos  autem  qui  antebac  ordinati  sunt,  nibil 
agere  sine  cou3cieutia  episcopi  civitalis  (Can. 

LVll).  » 

Ou  peut  conclure  deux  choses  de  ce  canon  : 
1°  Que  les  évèques  ne  devant  point  être  ordon- 
nés dans  les  villages,  et  ks  chorévêques  au 
contraire  ne  devant  être  placés  que  dans  des 
villages,  les  chorévêques  n'étaient  point  évè- 
ques; 2°  qu'il  y  en  avait  néanmoins  fortuitement 
quelques-uns  qui  étaient  évèques,  mais  reculés 
par  une  rétrogradation  canonique  dans  l'ordre 
inférieur  des  chorévêques. 

IV.  Le  concile  de  Nicée  fournit  un  autre 
exemple  d'un  évêque  rabaissé  au  rang  des  cho- 
révêques (Can.  vin).  Si  un  évêque  novatien  se 
réunissait  à  l'Eglise  catholique,  il  était  libre  à 
l'évêque  catholique  de  la  même  ville,  ou  de 
laisser  à  son  collègue  nouveau  le  titre  et  le  nom 
d'évêque,  ou  de  le  placer  dans  le  rang  des 
prêtres,  ou  enfin  de  lui  donner  une  cure,  ou 
une  place  de  chorévêque  à  la  campagne.  «  Nisi 
forte  placuerit  episcopo,  nominis  honore  eum 
censeri.  Si  vero  hoc  ci  minime  [)lacuerit,  pro- 
videbit  ei,  aut  chorepiscopatus,  aut  presbyterii 
locum  ;  ut  in  clero  prorsus  esse  videatur,  ncc 
in  una  civilate  duo  episcopi  probentur  exi- 
ste re.  » 

Ce  canon  montre  encore  que  les  chorévêques 
ne  devaient  pas  êlre  évèques,  puisqu'il  ne  ile- 
vait  pas  y  avoir  deux  évèques  dans  un  évêché; 


en  posséder  désormais,  de  D'admettre  ancun  novice,  daiis  ou^lque 
institut  que  ce  soit  :  Ab^gue  festinwnialibux  litleris  lum  Oviimarii 
orifjinis,  tttm  etiam  Ordinnrii  loci  in  g'/o  postutans  vost  expletum 
dccimum  Quintum  annum  œtati^  suœ,  ultra  annum  morattis  fnerit. 
Par  Tarlicle  second,  il  est  ordonné  que  les  Irttres  testimoniales  des 
évèques  doivent  traiter  de  postulontis  natatibiis,  œtale^  ntoribus, 
vitti^  famti^  conditioner  educntionc,  scientifi,  nn  sit  int/'tisitus,  alloua 
censura  irrer/ularilate  aut  nlitt  aliqiio  impedimento  irretitus,  are 
atieno  gravntuf!^  nel  reddendœ  alicujus  adtninistrationis  rationi 
obnozvis.  Ce  décret  fit  nai'.rc  plusieurs  doutes,  que  la  susdite  con_ 
préealion  résolut  par  une  décision  cénérale  du  1er  mai  1851.  Lo 
Bixième  de  ces  doutes,  relatif  ik  la  France,  est  ainsi  conçu  :  Vtruni 
supn-iores  pu'isint  ad.  hubitum  ipsum  admittere  milites ,  de  quibus 
Ordinarii  affirmant  se  non  posse  in  (iallia  informare^  cum  nuUos 
deleijatos  in  fxrrcilu  hobiant  nfc  paroc/ii  ullam  de  bis  notitiam 
habere  possint  ?  La  conprè^-ation  répondit  aflirnaativement  en  pres- 
crivant pour  ce  c.^s.  qu'au  lieu  des  iulorniations  que  les  évèques 
fiançais  ne  sont  pas  en  mesure  (le  Haire  à  cause  de  l'ab£Cûce  a'au- 


môniers  dans  les  réeinrients,  on  se  contentât  de  tout  autre  informa- 
tion digne  de  foi,  et  qu'alors  avant  d'admettre  à  l'iiabit  rcligicu.x  le 
postulant  soldat,  on  le  laissât  trois  mois  dans  le  couvent  en  habit  sé- 
culier, pour  réprouver  convenablement. 

Déjà  la  célèbre  constitution  d'Innocent  X  du  16  mai  IC-IS,  cutn 
sicut  accepimuSj  terminant  le  ditferent  survenu  entre  l'évêque  de 
Puebla  de  los  Anqeies^  au  Mexique,  et  les  jésuites  de  cette  ville, 
avait  considérablement  diminué  les  exemptions  des  rel*gieux  et 
étendu  la  puissance  épiscopale.  Cette  bulle  nous  donne  de  très-cu- 
rieux détails  sur  les  tréLentions  exagérées  de  ceux  qui  sont  en  cause. 
Ainsi,  ils  croyaient  pouvoir  administrer  le  baptême  solennellenieat, 
marier,  donner  la  communion  pascale,  le  viatique,  l'extrémc-ooction, 
sans  autorisation  de  l'évêque,  â  tous  ceux  qui  étaient  employés  dans 
leurs  prœdia,  metallorum  fodinœ^  saccbari  opificiiiœ  ^  apolkt^ae 
mercium,  macetta  et  toutes  leurs  autres  propriétés^  telles  que  col' 
léges,  jnaisons  de  ville^  maisons  des  chuiu^s,  La  bulle  réduisit  à 
séant  ces  exocbitaucea»  ipi  Aniink,} 


DES  CHOREVftQUES. 


Cr-.nXi' 


i>" 


3'.l 


quoique  par  des  rencontres  singulières  il  ar- 
rivât néanmoins  qu'un  cliorévèijue  fût  aussi 
évêque. 

V.  C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  le  canon 
d'Anlinche  ,  qui  veut  que  les  ctiorcvèques, 
quand  même  ils  auraient  reçu  l'ordinalion 
cpiscopale,  et  ([u'ils  auraient  été  consacrés  évê- 
qucs,  se  contiennent  dans  les  justes  limites  que 
les  canons  leur  ont  prescrites;  qu'ils  ordonnent 
dans  les  besoins  les  clercs  inférieurs;  mais 
qu'ils  se  ganlent  bien  d'ordonner  des  [irètres 
ou  des  diacres,  parce  que  ce  pouvoir  est  abso- 
lument réservé  au\  évèques  des  villes. 

a  Si  (|ui  sunt  in  vicis,  vel  pagis,  qui  dicuntur 
chorepiscopi  ,  etiamsi  episcopi  ordinationem 
nianuumve  impositionem  acceperint,  visum 
est,  ut  suum  niodum  sciant,  et  sibi  subjectas 
Ecclesias  administrent,  earumque  curaetsolli- 
ciludine  contenti  sint.  Constituant  aiitem  le- 
cfores,  bypodiaconos,  et  exorcistas;  et  eorum 
promotione  contenti  sint.  Nec  presbyferum,  nec 
diaconum  ordinare  audeant ,  absque  urbis 
episcopo,  cui  subjicilur  ipse,etregio  (Can.x).  » 

Ces  chorévêques  pouvaient  par  un  hasard  ex- 
traordinaire avoir  été  autrefois  ordonnés  évè- 
ques. et  ensuite  être  descendus  dans  le  rang  des 
chorévêques,  ou  de  la  manière  qui  a  été  expli- 
quée ci-dessus,  ou  par  une  troisième  rencontre, 
S!  n'ayant  pu  se  faire  recevoir  dans  l'Eglise,  à 
laquelleon  les  avait  destinés,  ils  prenaient  une 
occupation  moins  éclatante  dans  quelque  autre 
Eglise. 

VI.  Ce  canon  d'Antioche  demande  encore 
quelques  réflexions. 

i°  Cette  imposition  épiscopale  des  mains, 
XEiscOsoÎM  È-imo-Mv ,  se  pourrait  expliquer  aussi 
de  cette  im|>osition  des  mains,  que  l'évoque 
seul  faisait,  en  instituant  ces  chorévêques,  et 
non  pas  de  celle  que  le  métropolitain  et  tous 
les  évêques  assistants  faisaient  sur  l'évèque 
qu'on  consacrait.  Ainsi  ce  canon  ne  pourrait 
pas  servir  de  preuve,  ponr  appuyer  le  senti- 
ment de  ceux  qui  pensent  que  les  chorévêques 
étaient  évêques. 

2°  Ce  canon  donne,  ou  plutôt  confirme  aux 
chorévêques  le  pouvoir  de  conférer  les  ordres 
mineurs,  en  y  comprenant  même  le  sous-dia- 
conat. Mais  on  ne  pourrait  pas  conclure  de  là 
qu'ils  fussent  évèques;  parce  qu'il  est  indu- 
bitable que  les  ordies  inférieurs  ont  été  souvent 
conlcrés  par  de  simples  prêtres,  et  par  des 
abbés,  avec  la  permi.ssion  des  évèques  et  des 
conciles.  On  en  verra  les  preuves  dans  lu  suite 


de  cet  ouvrage.  Et  ce  que  nous  dirons  dans  un 
des  chapitres  suivants  sur  ces  ordres  mineurs, 
suffira  à  mon  avis,  pour  convaincre  de  celte 
vérité  ceux  qui  se  sont  le  plus  préoccupés  du 
sentiment  contraire. 

3°  L'expression  dont  ce  concile  se  sert  dans 
ce  canon,  pour  défendre  anx  chorévêques  l'or- 
dination des  prêtres  et  des  diacres,  ne  signi- 
fie j)as  ([u'ils  puissent  en  ordonner  avec  agré- 
ment de  révc(iue,  mais  qu'ils  ne  peuvent  en 
ordonner  que  conjointement  avec  l'évèque  , 
avec  lequel  tous  les  prêtres  qui  sont  présents, 
imposent  les  mains  sur  la  tête  des  prêtres  qu'on 
ordonne. 

4°  Un  canon  précédent  de  ce  même  concile 
avait  encore  permis  aux  chorévêques  de  don- 
ner des  lettres  formées  ou  pacifiques,  ce  qui 
n'était  pas  permis  aux  simples  curés  (Can.  vni). 

VII.  Le  canon  du  concile  de  Calcédoine  n'est 
pas  si  embarrassé  en  apparence,  mais  au  fond 
il  me  paraît  plus  difficile  de  le  bien  démêler. 

On  y  défend  les  ordin:itions  siu.  niaques,  et 
on  semble  y  affecter  une  dilTérence  fort  visible 
entres  les  ordres  et  les  offices  (Can.  xu).  La 
vente  des  uns  et  des  autres  y  est  défendue, 
mais  on  commence  par  celle  des  ordres  comme 
la  plu?  abominable,  et  on  passe  ensuite  à  celle 
des  offices.  On  nomme  les  ordres  sacrés  :  «  Si 
qiiis  ordinaverit  per  pecunias  episcopum,  aut 
chorepiscopum,  aut  presbyterum,  aut  diaco- 
num. »  Ou  exprime  en  termes  _  -néranx  les 
moindres  ordres,  «  Vel  quemlibet  ex  his,  qui 
connumerantr.r  in  clero.  »  On  nomme  ensuite 
les  offices,  «  aut  promoverit  per  pecunias  œco- 
nonium,  vel  defensorem,  vel  mansianarium, 
vel  quemquam  qui  est  subjectus  regulœ.  » 

L'ordre  des  chorévêques  est  donc  mis  ici 
entre  les  ordres  sacrés,  comme  tenant  le  milieu 
entre  les  évêques  et  les  prêtres,  au-dessous  des 
évôijues,  au-dessus  des  prêtres.  Les  chorévê- 
ques ne  sont  donc  proprement  ni  évêques,  ni 
prêtres,  puisqu'ils  ont  été  faits  de  prêtres  cho- 
révêques jiar  une  ordination  distincte.  «Si  quis 
ordinaverit  •/.;•. «rc^-TTr,,  episcopum,  chorepisco- 
pum, etc.  »  Enfin  la  charge  des  chorévêques 
n'est  pas  un  office  simplement,  puisqu'on  ne 
les  a  pas  rangés  avec  les  économes  et  les  dé- 
fenseurs qui  sont  pourvus  par  une  seule  pro- 
motion,-rp-.Çâuo'.To  ;  mais  avec  les  évêques,  et 
les  prêtres. 

Ce  seraient  là  les  conséquences  naturelles 
qu'on  tirerait  de  ce  canon,  si  l'on  n'était  arrêté 
par  des  raisons  d'un  fort  grand  poids. 


342 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  PREMIER. 


VIII.  En  effet  il  s'ensuivrait  de  ces  consé- 
quences que  l'ordre  des  choré\êques  serait  un 
ordre  sacré,  et  par  conséquent  d'institution  di- 
vine ;  ce  qui  ne  s'accorde  pas  avec  la  nouveauté 
(les  chorévêques  qui  ne  paraissent  nulle  part 
durant  les  trois  premiers  siècles,  ni  avLC  la 
brièveté  de  leur  durée,  car  nous  en  verrons  la 
suppression  dans  les  Siècles  suivants.  Et  quels 
seraient  les  pouvoirs  extraordinaires  de  ce 
nouvel  ordre?  Tous  ceux  qui  ont  été  touchés 
dans  les  canons  précédents,  et  qui  seront  encore 
peut-être  découverts  dans  la  suite,  peuvent 
être  indubitiiblement  exercés  par  des  prêtres. 

Enfin  tout  ce  qui  a  été  dit  des  trois  ordres 
sacrés  qui  composent  la  hiérarchie  ecclésiasti- 
que, dans  les  chapitres  li,  lu,  lui,  de  la  partie 
jirécédente,  montre  très-évidemment  que  la 
tradition  constante  des  Pères  de  l'une  et  de 
l'antre  Eglise,  n'a  point  connu  d'autres  ordres 
supérieurs  que  l'épiscopat,  la  prêtrise  et  le  dia- 
conat. D'où  il  s'ensuit  que  les  chorévêques  ne 
peuvent  avoir  place  dans  la  hiérarchie  qu'en  se 
confondant  ou  avec  les  évêques,  ou  plutôt  avec 
les  prêtres. 

IX.  Cela  étant  présupposé,  il  faut  dire  que  le 
concile  peutavuir[ilacé  l'ordre  des  chorévêques 
non  pas  avec  lus  officiers  qui  n'exerçaient  qu'une 
juridiction  temporelle,  mais  avec  les  évêques, 
les  prêtres  ni  les  diacres  qui  exercent  les  fonc- 
tions spirituelles  soit  de  l'ordre,  soit  de  la  juri- 
diction. 

Les  chorévêques  étaient  chargés  de  plusieurs 
curés  à  la  campagne,  et  même  de  plusieurs 
cures,  sur  qui  ils  exerçaient  une  juridiction 
déléguée  de  l'évêque.  Or  le  soin  des  âmes,  et 
la  juridiction  spirituelle  ne  peuvent  se  vendre 
à  prix  d'argent,  sans  un  crime  énorme,  et  tout 
semblable  à  celui  d'un  homme  qui  trafique 
des  ordres  sacrés  ;  et  par  conséquent,  sans 
comparaison  ,  plus  di'leslable  que  celui  de 
vendre  les  charges  d'économe,  de  défenseur, 
et  autres  semblables.  II  est  donc  vrai  de  dire, 
que  bien  que  l'imposition  des  mains  qui 
créait  les  chorévêques,  ne  leur  conférât  aucun 
ordre  nouveau,  elle  leur  donnait  néanmoins 
une  juridiction  spirituelle,  inférieure  à  celle 
des  évêques,  et  supérieure  à  celle  des  prêtres, 
qu'on  ne  pouvait  ni  acheter,  ni  vendre,  sans  se 
rendre  coupable  du  môme  crime  que  ceux  qui 
vemlent  non  pas  les  charges  ecclésiastiques, 
mais  les  ordres  sacrés. 

X.  La  qualité  de  visiteur,  nef ioJeutt.î ,  quels 
concile  de  Laodicée   donne  aux  chorévêques. 


n'exprime  pas  mal  celte  juridiction  :  Etnnt 
comme  les  vicaires  forains  de  l'évêque,  ou  les 
doyens  ruraux,  c'était  dans  la  visite  de  leur 
petit  empire  qu'ils  faisaient  éclater  les  marques 
de  leur  juridiction  et  de  leur  charité.  Ce  titre 
mémo  de  visiteur  est  encore  une  preuve  qu'ils 
n'étaient  pas  évêques.  La  majesté  de  l'épiscopat 
aurait  demandé  un  nom  plus  magnifique. 

A  quoi  il  faut  ajouter  encore  cette  remarque, 
que  le  canon  du  concile  d'Antioche  ayant  com- 
mandé que  ce  soit  l'évêque  seul  de  la  Aille  qui 
ordonne  le  chorévêque,  «  Chorepiscopum  or- 
dinet  civitatis  episcopus,  cui  subjcclus  est 
(Can.x);»  il  n'est  pas  même  soutenable  de 
dire,  après  cela,  que  les  chorévêques  fussent 
évêques,  puisque  les  canons  de  Nicée  et  ceux 
d'Antioche  même  (Can.  xix)  veulent  que  pour 
l'ordination  d'un  évoque,  tous  les  évêques  de 
la  province  soient  [irésents,  au  moins  qu'ils  y 
consentent  par  leurs  lettres.  Enfin  ce  canon 
d'Antioche  ne  dit  pas  que  le  chorévêque  sera 
ordonné,  mais  qu'il  sera  fait,  -[ivtaôai,  par  l'évê- 
que de  la  ville  (Can.  x). 

Quand  le  concile  de  Néocésarée  nous  a  dit 
ci-dessus  que  les  chorévêques  représentaient  les 
soixante-dix  disciples,  il  nous  a  donné  sujet  de 
tirer  la  même  conclusion  que  ce  n'étaient  que 
les  prêtres  (Can.  xiv)  :  car  c'est  le  langage  or- 
dinaire de  l'antiquité,  de  dire  que  les  évoques 
ont  succédé  aux  a|)ôlres,  et  les  curés,  ou  les 
prêtres,  aux  soixante-dix  disciples. 

XL  II  n'y  a  plus  que  le  canon  du  concile 
d'Ancyre  qui  peut  former  quehpie  difficulté. 
Le  texte  semble  permettre  aux  chorévêques 
et  aux  prêtres  de  la  cathédrale  d'ordonner  des 
prêtres  avec  la  permission  des  évêques.  a  Cho- 
re[iiscopis  non  licere  presbytères  aut  diaconos 
ordinare.  Sed  neque  presbyteris  civilatis,  nisi 
eis  permittatur  ab  opiscoi)0  per  litteras  in 
aliéna  parochia  (Can.  xiii).  n 

JL  de  Marca  a  tièssulidement  prouvé  que  le 
texte  grec  de  ce  canon  est  corrompu;  en  efTel 
la  version  que  nous  venons  d'en  rapporter, 
qui  est  très-fidèle,  contient  des  absurdités 
étranges.  En  effet,  comment  aurait-on  permis  à 
des  prêtres  d'ordonner  des  prêtres,  puisque  le 
droit  d'ordination  est  le  privilège  le  plus  parti- 
culier des  évoques,  et  le  plus  incommunicable 
à  tous  les  autres  ordres  de  l'Eglise  (Marca,  de 
Concordia,  I.  ii,  c.  li)?  On  ne  peut  au  moins 
nier  que  ces  termes  o  in  aliéna  parochia,  »  ne 
contiennent  un  sens  extravagant,  puisque  les 
évêques  ne  peuvent  ni  rien  permettre,  ni  rien 


DES  ClIORÉVÉQrES.         '  » 


343 


entreprendre  eux-mêmes  dans  les  diocèses  do 
leurs  coufrères. 

Il  faut  donc  corriger  le  texte  grec  sur  les  an- 
ciennes versions  latines,  en  lisant  iv  eV.mtt,  t.i.^v.- 
/.;» ,  a  in  unaquaipie  parochia ,  n  au  lieu  de 
£v  éTÉpa  7îaç*«ta,  a  iu  aliéna  parochia;  »  et  ajou- 
ter ces  deux  mots  ijui  ont  été  retraneliés, 
uT.Jiv  npà~£iv  :  «  aliqnid  agere.  »  Denys  le 
Petit  confirme  une  partie  de  cette  correction 
dans  la  version  qu'il  en  a  donnée.  «  Cliorepi- 
scopis  non  licere  presliyteros  aut  diaconos  or- 
dinare;  sed  nec  presbyteris  civitatis  sine  prœ- 
ccpto  episcopi  ,  vel  litteris  in  unaquaque 
parochia.  »  Mais  la  correction  tout  entière 
paraît  dans  r'EpKome  des  canons  du  pape 
Adrien  I".  a  Ut  cliorepiscopi  presbyterum,  \el 
diaconum  non  ordinent;  nec  presbytcr  aliquid 
agatin  parochia  sine  prœcepto  episcopi.  » 

Le  capitulaire  de  Cliarlemagne  à  Aix-la- 
Chipelle  ,  et  la  collection  d'Isidore  parlent 
encore  plus  clairement;  et  avant  tout  cela 
Ferrand  Diacre,  dans  son  abrégé  des  canons, 
«  Ut  chorepiscopi,  id  est  vicarii  episcoporum, 
nec  presbytères,  nec  diaconos  ordine.it,  nisi 
tantum  subdiaconos.  Ut  presbyteri  civitatis 
sine  jussu  episcopi  nihil  jubeant,  nec  in  una- 
qnacjue  parochia  aliquid  agant  (C.  lxxix  , 
xcu).  » 

XII.  Saint  Basile,  archevêque  de  Césarée  en 
Cappadoce,  laissa  à  ses  chorévê(jues  le  pouvoir 
d'ordonner, ou  d'instituer  les  clercs  inférieurs, 
mais  avec  cette  condition  qu'ils  lui  en  écri- 
raient auparavant,  et  qu'ils  attendraient  son 
consentement  (In  Epist.  ad  Chorep.).  C'était 
une  ancienne  obligation  dont  ils  s'étaient  dis- 
pensés, aussi  bien  que  de  celle  de  bien  exami- 
ner, et  de  faire  examiner  par  les  prêtres  et  les 
diacres  tous  ceux  qu'ils  admettaient  au  minis- 
tère de  l'Eglise.  «  De  inlfgro  liât  a  nubis  exa- 
minalio,  et  si  sint  quidem  digni  nostro  suffra- 
gio,  suseipianlur  :  »  C'était  l'ancienne  cou- 
tume, «Presbyteri  et  diaconi  examinabant, 
referebant  autem  ad  chorepiscopos  ;  quia  a 
vere  testificantibus  susceptis  suflragiis,  et  co- 
nim  admonilis  episcopis,  ita  in  ministrorum 
sacerdotalium  numerum  cooptabint.  a 

Saint  Basile  parle  encore  ailleurs  des  choré- 
vêques  (Basil.,  epist.  clxxxi,  cccxu).  Saint  Atha- 
nase  en  fait  aussi  menlion  (Athanas.,  apol.  n). 
Théodoret  envoya  la  lettre  qu'il  écri\itau  pape 
Léon,  par  deux  de  ses  prêtres  qu'il  appela  en 
même  temps  chorévéques  (Tlieodoret.,  epist. 
exiu^  cxvij. 


Des  gens  savants  ont  cru  que  si  les  curés 
ont  quelquefois  donné  les  ordies  mineurs,  c'a 
été  par  une  effusion  et  une  comunuiication 
des  privilèges  des  chorévéques  aux  cuiés  :  car 
les  cliorévé(|ues  étaient  aussi  curés. 

XIII.  Si  les  chorévéques  n'ont  paru  que  dans 
le  IV  siècle  dans  l'Orient,  comme  il  est  aisé  de 
conclure  de  tdut  ce  que  nous  venons  de  dire, 
il  est  certain  (|u'on  n'a  parlé  d'eux  dans  l'Occi- 
dent (]Me  dans  le  siècle  suivant.  La  lettre  du 
pape  Damase  aux  évèques  d'Atrique ,  sur  la 
matière  des  chorévêiiues ,  est  d'autant  plus 
manifestement  supposée, que  l'Eglise  d'Afrique 
n'eut  certainement  jamais  de  chorévêc|ues  , 
comme  il  est  aisé  de  le  justifier  par  tous  les 
conciles  d'Afrique. 

Ce  fut  en  439 ,  dans  le  concile  de  Riez  en 
France, que  l'Occident  parut  connaître  les  cho- 
révéques. Armentarius,  qui  avait  été  ordonné 
évêque  par  deux  évêques  seulement,  et  sans  le 
consentement  du  métro[>olitain,  y  fut  déposé, 
en  sorte  néanmoins  qu'il  pût  être  fait  chorévê- 
que,  si  quelqu'un  des  évêques  voulait  l'honorer 
de  cette  charge,  de  même  que  le  concile  de 
Nicée  avait  permis  de  donner  la  fonction  de 
chorévéques  aux  évêques  novatiens  qui  revien- 
draient à  l'Eglise,  et  qui  ne  pourraient  pas  de- 
meurer évè(iues,  parce  qu'il  y  avait  déjà  un 
évêque  catholique  dans  la  même  ville.  «  Liceat 
ei  in  una  parocbiarum  suarum  ecclesiam  con- 
cedere,  in  qua  cho^epi^copi  nomine,  ut  idtiu 
canon  Nicctnus  loquitur,  aut  peregrina  com- 
munione  foveatur  (Can.  m).  » 

XIV.  Ce  fut  donc  du  concile  de  Nicée  que 
nous  apprîmes  l'état  des  chorévéques,  et  ce  fut 
premièrement  dans  ce  concile  de  Riez  que 
nous  commençâmes  d'en  emprunter  quelque 
image  ;  mais  en  vérité  ce  ne  fut  ici  qu'une 
ombre  d'un  chorévcque.  Car  ce  concile  ne 
donna  à  Armentarius  qu'une  paroisse  à  la 
campagne,  et  il  lui  délendit  l'ordination  des 
clercs  inférieurs  mêmes.  En  cela  il  était  réduit 
plus  à  fétroit  que  les  chorévéques  de  l'Orient. 
D'autre  part  il  lui  permet  d'administrer  le  sa- 
crement de  confirmation.  Cette  permission  n'a 
point  été  exprimée  dans  les  canons  grecs  ci- 
dessus  rapportés. 

La  lettre  du  grand  saint  Léon  aux  évêques 
des  Gaules  et  d'Allemagne,  touchant  les  choré- 
véques,est  une  pièce  supposée  au  jugementdes 
savants.  Ainsi  on  peut  dire  que  les  chorévéques 
ont  été  très-peu  connus,  ou  presque  entière- 
ment iucouuus  dans  tout  l'Occident  jus(iu'aprè? 


3ii 


DU  SECOND  ORDRE  IiES  CLERCS.  —  CIIAP.TI'.E  DEUXIEME. 


l'an  oOO.  Les  petites  traces  que  nous  y  en  avons 
à  peine  remarquées  se  rendirent  plus  \isibUs 
de  jour  à  autre,  et  enfin  le  nombre  et  la  puis- 
sante des  chorévèques  s'augmenta  si  i'ort  vers 
le  temps  de  Charlemagne,  qu'ils  se  rendirent 
formidables  aux  évèques  mêmes. 

XV.  A|)rès  tout  ce  qui  a  été  dit,  il  est  facile 
de  recueillir  quels  étaient  les  pouvoirs,  et 
quelles  étaient  les  obligations  saintes  des  cho- 
révèques. 

Ils  devaient  veiller  sur  les  prêtres  et  les 
églises  de  la  campagne  ,  faire  la  visite  des 
églises  de  la  contrée,  qui  leur  avait  été  com- 
mise, avoir  un  soin  tout  particulier  des  pau- 
vres, ordonner  les  clercs  mineurs  de  leurs 
Eglises,  après  avoir  reçu  le  témoignage  avanta- 
geux des  prêtres  et  des  diacres  en  leur  faveur, 
et  le  consentement  de  l'évèque. 

Enfin  les  chorévèques  devaient  faire  toutes  les 
fonctions  d'un  grand-vicaire,  sur  qui  l'évêque 
se  rc[)osc  du  soin  et  de  la  conduite  de  toutes 
les  paroisses  de  la  campagne,  ou  au  moins 
d'une  partie.  Car  ce  qui  a  été  dit  de  la  lettre 
de  saint  Casile  aux  chorévèques  et  de  saint  Atlia- 
nase,  qui  nous  a  dit  ailleurs  que  la  Maréotide 
en  Egypte  était  un  pays  où  il  n'y  avait  jamais 
eu  ni  de  curé  ni  de  chorévèque.  sullit  pour  nous 
persuader  qu'il  y  avait  plusieurs  chorévèques 
dans  un  môme  diocèse  et  sous  un  même  évè- 
que. 


Siint  Basile  nous  fait  voir  des  chorévèques 
chargés  iiartlculiè-emenl  du  soin  des  pauvres 
et  des  hôpitaux  (Epist.  ccccxvni,  p.  8).  Et  saint 
Grégoire  de  Nazianzi^,  dans  le  poème  de  sa  vie, 
assure  que  saint  Basile  étant  archevêque  de 
Césarée,  avait  sous  lui  cinquante  chorévèques. 

XVI.  Afin  que  l'on  n'ait  point  à  rne  repro- 
cher d'avoir  passé  le  second  âge  de  l'Eglis'î 
depuis  le  cinquième  siècle  jusqu'au  douzième, 
sans  dire  un  motdeschorévêques,  qui  n'étaient 
pas  cependant  encore  éteints,  j'observerai  ici 
en  passant  que  ces  chorévèques  avaient  beau- 
coup de  rapport  avec  les  archiprèlres  ruraux, 
là  qui  l'on  confiait  le  soin  de  la  surintendance 
du  plusieurs  paroisses. 

C'est  ie  sentiment  d'Isidore  de  Séville,  qui 
appelle  les  chorévèciues  les  vicaires  ruraux  des 
évèques,  qui  sont  chargés  de  la  conduite  des 
église:-  et  des  paroisses  rurales,  avec  pouvoir  d'y 
conférer  les  ordres  mineurs  et  le  sous-diaconat, 
mais  non  pas  le  diaconat,  encore  moins  la  prê- 
trise. 

Voici  comment  cet  auteur  s'exprime.  «  Chore- 
piscoiii,  id  est,  vicarii  e|)iscoporLim  ad  exem- 
pUim  sepluaginla  seniorum  :  tani|uain  sacer- 
dotes,  propter  solliciludinem  pauperum.  Hi 
in  villis  et  vicis  instituli,  gubernant  sibi  com- 
missasEcclL'siiis,  habenlcs  licenliam  consliluere 
leclores,  subdiacoaos,  etc.  (De  oftîc.  Ecciesiar., 
hb.  u,  c.  CJ.  » 


CHAPITRE  DEUXIEME. 


DES  CHOUKVLQUES  SOl'S   L  EMPIKE   DE   ClIARLEMAGNE    ET   DE   SES   DESCENDANTS. 


I.  Les  deux  raisons  qui  Hrent  déclarer  au  pape  et  aux  concilias 
(ic  France  que  les  chorévèques  n'élaient  point  évè(iues,  et  ne 
pouvaient  rien  entreprendre  de  ce  qui  est  propri'  à  l'épiscopal. 

II.  I, 'ignorance  des  canons  et  l'amour  excessif  du  repos  avaient 
porté  les  évêqucsà  se  décharger  entièrement  sur  les  chorévèques. 

III.  Pounpioi  on  leur  pei  niellait  plutôt  l'ordination  des  sous- 
diacres  que  la  consécration  des  vierges. 

IV.  Quoique  l'empereur,  le  pape  et  les  conciles  de  France 
eussent  tâché  d'abolir  les  chorévèques,  on  s'en  servit  encore 
pendant  quelque  temps,  en  Imiilanl  leurs  pouvoirs. 

V.  Supposition  de  la  lettre  du  pape  Nicolas,  qui  les  fait 
événues. 


VI.  VII.  Nouvelles  preuves  de  cette  supposition,  tirées  du 
concile  de  Meaux  et  d'ilmcmar. 

VIII.  Nouvelle  occasion  de  créer  des  chorévèques  pour  les 
évcchés  vacants. 

IX.  Dans  l'Orient  les  chorévèques  furent  enfin  enlièremcnt 
abolis.  Diverses  preuves. 

X.  On  dit  que  depuis  deux  cents  ans  le  patriarche  grec 
d'Alexandrie  gouverne  tout  son  palriarcat  par  des  chorévèques, 
sans  évèques.  Si  cela  esl,  il  est  très-difficile  que  ces  chorévè- 
ques ne  soient  évèques. 

XI.  Réponse  à  quelques  objections. 


DES  CIIORÈVÊQUES  SOUS  CIIAIILEMAGNE. 


3ii 


I.  Sous  Chnrli'maorno  il  s'élcA'a  une  conto?fn- 
tion  t'ntre  Us  piètrus,  les  diacres  el  les  sous- 
diacres  ordonnés  par  les  évêqnes,  et  ceux  ]ni 
avaient  reçu  les  mêmes  onires  et  les  mêmes 
degrés  de  la  main  des  chorévêques.  Cet  em- 
pereur jugea  que  cette  cause  était  assez  impor- 
tante pour  êtrera[)porlée  aujuj^rment  dn  pa[)e, 
aiu|iul  il  envoya  pour  cela  l'archevêque  de 
Salsbonrg  Arnon. 

La  décision  du  pape  soutenue  de  colle  de  no^' 
évcques  françiis  dans  le  concile  de  Kalisbonne, 
fut  que  les  chorévêques  n'étaient  nullement 
évoques,  comme  n'ayant  point  'té  ordonnés, 
ni  pour  un  siège  épifcopal,  ni  (lar  trois  évê- 
ijnes.  «  Quia  neequanidam  epi^cnp.alem  sedem 
civitatis  titulati  eraiit,  nec  canoiiice  a  tribus 
episcopis  ordiuati  (Conc.  Gall.,  tom.  n  ,  p. 
239).  » 

La  conséquence  qui  se  tire  naturellrment  de 
ce  principe  est,  que  les  ordinations  qu'ils 
avaient  laites  devaient  être  réitérées;  enfin  que 
la  confirmation  qu'ils  avaient  donnée,  les  con- 
sécrations qu'ils  avaient  faites  des  vierges,  des 
églises,  des  autels  et  du  chrême  étaient  de 
nulle  valeur,  parce  que  ces  chorévêques  n'a- 
vaient in  mais  été  évè(|nes  et  ne  pourraient 
jamais  l'être,  ni  en  fait  e  les  fonctions. 

«  Ut  hi  qui  a  chorepiscopis  presbyleri,  vel 
diaeoni,  vel  sididiaconi  sunt  ordinati,  nullale- 
nus  in  probyteratus,  aut  diaconatus,  aut  snb- 
diaconatus  oflicio  ministrarepra'sumant.  Simi- 
liter  honiines ,  qui  imperitis  videntur  ah  eis 
esse  confiimati,  vel  vir^ines,  seu  ecciesiœ  sa- 
cratœ,  aut  chrisma  confectum,  seu  altaria  de- 
dicata,  pro  contirmalis,  seu  sacratis,  vel  dedi- 
calis  haud  habeantur;  quia  qu;e  illi  non 
habuerunt,  dare  non  iioluerun't;  quoniam  ex 
bis  eis  quid(|uam  agere  non  licet  ;  quœ  omnia 
summis  pontiflcibus  debentur  et  non  chorepi- 
scojiis,  qui  nec  summi  ponliflees,  vel  episcopi 
fi.erunt,  nec  deinceps  us(iuam  fieri  possunt.  » 

II.  Ce  concile  ajoute  que  les  soixante-dix  disci- 
ples, dont  les  chorévêiiues  et  les  prêtres  tiennent 
la  place,  connue  ne  faisant  qu'un  seul  ordre, 
n'ont  jamais  entrepris  aucune  de  ces  fonctions 
épiscopales.  «  Agenda  non  sunt  a  presbyteris, 
vel  chorepiscopis,  qui  unius  formae  esse  viden- 
tur (Capitul.  Car.  M.,  1.  vu,  c.  iS).  » 

Enfin  ce  concile  délend  de  ciéer  à  l'avenir 
des  chorévêques,  protestant  qu'il  ne  fait  que  re- 
nouveler les  anciennes  défenses  qui  en  avaient 
été  faites  par  les  papes  et  par  les  saints  Pères, 
et  que  ceux  qui  en  avaient  ordonné  ne  l'avaient 


fait  que  par  une  ignorance  grossière  des  canons 
et  par  une;  iàclieté  iiérilleuse;  puis(|u'il  paraît 
par  là  qu'ils  ne  recherchent  rien  tant  que  de  se 
décharger  sur  quel(|u'nn  des  pénibles  travaux 
do  l'cj  iseopat  et  de  jouir  ce[)endant  dans  le 
repos  et  la  mollesse  d'une  vaine  fumée  de  gran- 
deur. 

«  Placuit  ne  chorepiscopi  a  quibusdnm  dein- 
ceps fiant,  (luoniam  hactenus  a  nescienlibiis 
sancloruni  Patrum,  et  maxime  apostolicorum 
décréta,  suis<pie  quietibus  ac  delectationibus 
inba>renlibus  fac'.i  sunt.  Idcirco  et  olim  per- 
sa-pe  et  nosiro  asancfaapostolicaSedefempore 
si.nt  prohibiti,  etc.  (Capitul. ,1.  vi,  c.  110,  2Si; 
1.  vu,  c.  .'ÎIO,  aiS,  ;î-2S,  3-29  ;  ibid.,  p.  -251).  » 

III.  Je  dirai  en  passant  qu'il  y  a  de  quoi  s'é- 
tonner, que  l'on  permette  aux  chorévêques 
d'ordonner  les  moindres  clercs,  au  dessous  des 
soiis-diacres,  et  qu'on  déclare  nulles  les  consé- 
cratii.ns  qu'ils  pourraient  faire  des  vierges.  Il  est 
peut-être  encore  pdus  surprenant  que  l'ordina- 
tion des  chorévêques  se  tais  ail  sur  ceux  qui 
élaienl  déjà  prêtres,  et  se  faisant  par  Pimposi- 
tion  des  mains  de  l'évèque,  qui  était  la  céré- 
monie ordinaire  de  l'ordination  où  l'on  confé- 
rait un  ordre  sacré;  néanmoins  cette  ordination 
soit  ici  déclarée  n'être  qu'une  cérémonie  qui 
n'ajoute  rien  à  la  prêtrise,  et  ne  di>tingue  en 
rien  l'ordre  des  choré\éques  de  celui  des  prê- 
tres. 

Mais  il  est  fort  vraisemblable  que  cette  impo- 
sition des  mains  était  semblable  àcellequ'tn 
fit  sur  Paul  et  Silas  dans  les  .\cfes  des  apôtres, 
quand  on  les  envoya  prêcher.  Car  cette  impo- 
sition des  mains  n'était  nullement  une  ordina- 
tion. Il  faut  faire  le  même  jugement  de  l'ordi- 
nation des  diaconesses,  qui  avait  une  merveil- 
leuse ressemblance  à  celle  des  diacres,  et  était 
très-particulièreuieut  réservée  aux  évêques, 
aussi  bien  que  la  consécration  des  vierges. 
Aussi  autrefois  saint  Basile  et  quelques  conciles, 
qui  sont  rapportés  ailleurs  dans  cet  ouvrage, 
permettaient  aux  chorévêques  l'ordination  des 
clercs  mineurs,  et  leur  défendaient  la  consé- 
cration des  vierges ,  que  les  canons  avaient 
expressément  réservée  aux  évêques.  D'ailleurs 
il  était  d'une  conséquence  dangereuse  de  com- 
muniquer le  pouvoir  de  les  consacrer  à  d'au- 
tres, en  ce  qu'il  pouvait  arriver,  que  celui  à 
qui  on  l'accorderait,  se  servît  de  cette  occa- 
sion pour  établir  un  second  chef  dans  la  même 
Eglise. 

Une  dernière  raison   c'est  que  les  Eglises 


346 


DU  SECOND  ORDIIE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DEUXIÈME. 


avaient  absolument  besoin  d'un  grand  nombre 
de  clercs  constitués  dans  lus  ordres  mineurs. 
Mais  il  n'y  avait  point  de  nécessité  d'accorder 
aux  chorévêques  le  pouvoir  de  consacrer  les 
vierges;  car  outre  que  cette  cérémonie  pouvait 
fort  bien  se  différer  à  l'arrivée  de  révèque,elle 
se  faisait  ordinairement  à  certains  jours  so- 
lennels ,  auxquels  les  évoques  ne  pouvaient 
pas  s'absenter  de  leurs  Eglises. 

IV.  Quelque  autlienticiue  qu'eût  été  la  dé- 
fense du  pa[)e,  de  Charlemagne  et  du  concile 
des  évèques  français,  les  chorévêques  ne  lais- 
sèrent pas  d'être  encore  et  ordonnés  et  honorés 
dans  plusieurs  Eglises  ,  quoiqu'apparemment 
on  ne  leur  laissât  plus  si  audacieusement  usur- 
per ce  qui  était  propre  au  ministère  éjjiscopal. 
Car  dans  le  concile  de  Noyon  les  cliorévôques 
sont  nommés  avant  les  al>bês  et  les  prêtres, 
immédiatement  après  les  évèques  (Conc.  GalL, 
t.  II,  an.  81  i). 

L'empereur  Louis  le  Débonnaire,  en  <S28,  char- 
gea ses  intendants  de  s'informer  delà  conduite 
des  évèques,  et  de  ceux  qui  sont  leurs  aides  et 
leurs  coadjuteurs, c'est-à-dire, des  chorévêques, 
des  archiprêtres,  des  arciiidiacres,  des  vidâmes 
et  des  curés.  «  Deinde  quales  sint  adjutores 
niinisterii  eorum,  id  est,  chorepiscopi,  arclii- 
presbyleri,  archidiaconi,  et  vicedoniini,  et  pre- 
sbyteri  per  parocliias  eorum.  » 

Le  concile  VI  de  Paris,  tenu  en  829,  se  plaint 
des  entreprises  hardies  des  chorévêques,  qui 
imposaient  les  mains  pour  donner  le  Saint- 
Esprit,  c'est-à-dire  qui  confirmaient,  «  Ut  do- 
num Spiritus sancti  per  impositioneni  nianuum 
tradant  (Can.  xxvii]  :  »  quoique  les  Actes  des 
apôtres  témoignent  que  ce  divin  pouvoir  était 
réservé  aux  apôtres  ,  c'est-à-dire  aux  évè(|ues , 
et  que  les  soixante-dix  disciples  qui  figuraient 
les  chorévêques  n'y  ontjamais  aspiré. 

Il  résulte  de  là  que  la  défense  de  créer  des 
chorévêques  ne  tut  pas  observée,  mais  que 
leur  ambition  s'était  bornée  à  donner  la  confir- 
mation ,  sans  prétendre  à  la  collation  des  or- 
dres sacrés.  Ce  qui  est  encore  confirmé  par  la 
suite  du  même  canon,  où  l'ordination  des  cho- 
révêques n'est  pas  im[)rouvée,  pourvu  (ju'onles 
renferme  dans  les  bornes  prescrites  par  les 
canons.  «  Ordinatio  porro  chorcpisLorum  qua- 
liter  fieri  debeat,  et  qualiter  qualesve  ipsi  ordi- 
nationes  jubcntibus  episcopis  suis  lacère  de- 
bi'ant.juracaiionum  li(]uiiiodecernunt(ll)id.).» 
Ce  (|ui  est  laisser  les  cliorevêques  dans  la  pos- 
sesson  où  ils  sont,  selon  les  canons,  de  don- 


ner seulement  les  ordres  au-dessous  du  sous- 
diaconat. 

Le  concile  11  d'Aix-la-Chapelle  (Can.  iv), 
tenu  en  836,  avertit  les  évèques  de  réprimer  la 
sordide  avarice  des  chorévêques,  des  archi- 
prêtres et  des  archidiacres,  dont  ils  se  servaient 
poiu'  la  conduite  de  leur  diocèse.  Le  concile  de 
Meaux  (Can.  xliv)  tenu  en  8io,  interdit  aux 
chorévêques  de  bénir  le  saint  chrême,  de  con- 
firmer, de  consacrer  les  églises,  de  conférer  les 
ordres  qui  demandent  l'imposition  des  mains, 
de  conférer  même  les  ordres  inférieurs,  sans 
la  permission  de  l'évêque ,  qui  leur  est  aussi 
nécessaire  pour  réconcilier  les  pénitents;  «  Ne- 
que  ordines  eccicsiasticos  qui  per  imposilio- 
nein  manustribuuntur,  lioc  est,  nonnisi  usque 
ad  subdiaconatum,  ethocjubente  episcopo.» 

Les  cl!orévê(|ues  reconuiunçaienl  donc  à 
usurper  les  fonctions  épiscopales,  et  la  facilité 
excessive  des  évèques  n'était  peut-être  pas 
moins  blâmable  de  le  permettre  ,  que  leur 
ambition  de  l'entreprendre.  Aussi  ce  canon 
menace  les  évèques  de  déposition,  s'ils  con- 
tinuent de  leur  permettre  ce  qui  ne  peut  leur 
être  licite. 

V.  C'est  ce  qui  nous  donne  un  juste  sujet  de 
nous  inscrire  en  faux  contre  la  première  par- 
tie de  la  lettre  attribuée  au  pape  Nicolas  sur  ce 
snjrt  (An.  8lii).  En  effet  comment  ce  pape  au- 
rait-il pu,  écrivant  à  l'archevêciue  de  Bourges, 
lîoddlphe,  lui  dire  que  les  soixante-dix  disciples 
étaient  indubitablement  évèques,  et  que  par 
conséquent  les  chorévêques  qui  leur  ont  suc- 
cédé en  peuvent  faire  les  fonctions. 

Cette  doctrine  est  diamétralement  opposée 
aux  résolutions  des  papes  et  des  évè(jues  de 
France,  comme  nous  venons  de  voir;  ainsi 
comment  un  pape  si  savant  et  si  rigoureux 
observateur  de  la  tradition,  aurait-il  pu  la  dé- 
biter à  un  évêipie  français? 

VI.  Le  concile  de  Metz,  qui  fut  assemblé  quel- 
ques années  après,  savoir  en  888,  ignore  indu- 
bilaltlement  cette  lettre  de  Nicolas,  ou  dé- 
chirait la  supposition,  quand  il  commandait  de 
consacrer  les  églises  consacrées  par  des  choré- 
vêques, parce  que  les  papes  Damase,  Innocent 
et  Léon  ont  cissè  tout  ce  que  les  chorévêques 
peuvent  usurjier  des  fonctions  propres  à  rèjii- 
scnpat.  «  Ut  basilicœ  a  chorepiscopis  conse- 
cradc  ab  episcopis  consecrentur,  roboratum 
est;  (luiajuxla  décréta  Damasi  pap»,  Innocen- 
tii  et  Leonis,  vacuum  est  atque  inane,  quid- 
quid  in  sumini  sacerdolii    cpiscopi  egerunt 


DES  CHORÉVÉQUES  S'tUS  CHARLEMAGNE. 


3i7 


ministerio  ;  et  quod  ipsi  iidem  sint,  qui  et  pre- 
sbyleri,  «ufflcicnler  invenitiir  fCan.  viiil.  » 

Tous  les  endroits  des  Cipilulairos  de  Cliarle- 
magne,  qui  ont  été  cités  ci-dessus,  témoi- 
gnent encore  tidèlement  combien  toute  la 
France  était  persuadée  du  contraire  de  ce  qui 
est  contenu  dans  cette  prétendue  lettre  du  pape 
Mcolas.  Hincmar  parle  souvent  des  chorévè- 
ques  et  même  de  celui  de  Reims,  qui  ordonna 
prêtre  le  moine  Gottescalc,  contre  les  règles  de 
lEglise.  a  Quique  a  Reniorum  chorepiscoiio, 
qui  tune  erat,  contra  régulas  presbyterordina- 
tus,  etc.  (llincm.,  tom.  n,  p.  2G-2).  » 

VII.  Voici  une  preuve  encore  i>lus  convain- 
cante de  la  fausseté  de  cette  lettre  du  pape 
Nicolas.  Le  même  Hincmar  s'eniportant  avec 
autant  de  force  que  de  justice  contre  les  évè- 
ques  de  son  temps,  qui  ordonnaient  des  choré- 
vêques  et  leur  commettaient  les  fonctions  les 
plus  particulières  du  ministère  épiscopal,  afui 
de  pouvoir  jouir  d'un  repos  peu  convenable  à 
leur  caractère,  ne  leur  oppose  que  l'autorité 
des  souverains  Pontifes  ,  qui  ont  souvent  con- 
damné l'ordre  deschoié\êi[nes. 

a  Sicut  et  quidam  e[)iscopi  eliam  a  longo  prœ- 
cedentibus  temporibus  ,  scandalum  pro  sua 
qniete  et  voluplatibus  in  Ecclesiam  intromise- 
r.mi,  ordinantescborepiscopos,  eteisquae  sum- 
mis  Pontifîcibus  conveniunt  agere  permitten- 
tes;  quos  Apostolica  Sedes  saepius  reprobuvit, 
et  apcstolico  mucrone  recidit,  sicut  in  Decreta- 
libus  eorum,  qui  voluerit  receusere,  inveniel 
(Ibid.,  p.  75C";.  » 

VIII.  Flodoard  nous  apprend  que  le  même 
Hincmar  écrivit  au  pape  Léon  IV  contre  les 
attentats  des  chorévêques,  qui  entreprenaient 
de  conférer  les  ordres  et  la  confîi  nialion  ;  mais 
il  lui  découvrait  en  même  temps  un  abus  into- 
lérable, qui  ne  contribuait  pas  peu  à  conserver 
l'état  des  cliorévcques  après  tant  de  défenses 
canoniqutsden'en  [dus  ordonner.  C'est  qu'après 
la  mort  d'un  évêque,  le  prince  faisait  gouver- 
ner l'Eglise  vacante  par  un  chorévèque,  afin 
de  pouvoir  avec  plus  de  liberté  dissiper  les  biens 
de  cette  Eglise  au  profit  des  séculiers. 

a  Et  quod  terrena  potestas  bac  materia  sœpe 
offenderet,  ut  videlicet  episcopo  quolibet  de- 
functo ,  per  chorepiscopum  solis  pontillcibus 
debitum  ministerium  perageretur,  et  res  ac 
facultates  Eeclesiœ  so^culai  iumusibus  expende- 
rentur  ;  sicut  et  in  nustra  Ecclesia  jam  secundo 
actum  fuisset  (Flodoard.,  1.  ni.  hist.  Rem.  c. 

X).» 


IX.  Dans  l'Orient,  les  chorévêques  ne  reçu- 
rent pas  de  si  violentes  attaques,  parce  qu'ils 
usèrent  plus  modestementdeleurspouvoirs.  Le 
concile  H  de  Nicée  leur  continua  le  droit  de 
créer  des  lecteurs,  avec  la  permission  de  l'évê- 
que.  «Sccundumantii]uamcon?uetudinenicho- 
repiscopos  pra-ceplione  episcopioportetpromo- 
vere  lectores  (Can.  xiv).  » 

Comme  Balsamon  ne  dit  rien  des  chorévê- 
ques en  interprétant  ce  canon ,  on  pourrait 
conjecturer  qu'ils  étaient  abolis  de  son  temps. 

Cela  se  peut  encore  confirmer  par  l'explica- 
tion qu'il  donne  au  canon  lvii  du  concile  de 
Laoditée,  où  il  dit  que  les  périodeutes  ou  visi- 
teurs, dont  il  y  est  parlé,  sont  les  exarques  que 
les  évcques  envoient  pour  observer  et  pour 
fortifier  les  fidèles,  a  Sunt  autem  periodeutic 
qui  hodie  ab  episcopis  promoventur  exarchi. 
Hi  enim  circumcursant,  etdeliclaanimœobser- 
xant,  et  fidèles  perficiunt  (Can.  lvu).  » 

Ces  exarques  avaient  donc  succédé  aux  cho- 
révêques et  ils  étaient  envoyés  par  les  patriar- 
ches, par  les  métropolitains  et  par  lesévêques, 
pour  faire  la  visite  et  informer  les  prélats  des 
désordres  de  leur  diocè-e.  Voici  l'observation 
d'Harménopule  dans  le  Droit  oriental;  a  Chore- 
piscopi  sunt,  qui  nunc  vocantur  ex  irclii ,  sive 
patriarchae  sint,  sive  metropolitani  (lu  Epi- 
tome,  Can.,  sect.  i,  lit.  9].  » 

Si  le  même  Harménopule,  Aristœnus,  Balsa- 
mon et  Zonare  semblent  accorder  aux  choré- 
vêques le  pouvoir  d'ordonner  les  prêtres  et  les 
diacres  avec  la  permission  de  l'évèque,  c'est 
qu'ils  expli(iuent  alors  le  sens  et  la  pratique  des 
canons  des  anciens  conciles  et  non  pas  de  ceux 
de  leur  temps  (In  Can.  xiv  synodi  u  Nica?nae. 
In  Can.  xui  Ancyr.). 

El  effet,  au  temps  des  conciles  tenus  avant  le 
se[)ticme  siècle,  il  y  avait,  par  des  rencontres 
particulières,  des  chorévêques  qui  étaient  évè- 
ques,  et  il  est  hors  de  doute  qu'ils  pouvaient, 
avec  le  consentement  de  l'évèque  diocésain,  or- 
donner des  prêtres.  Mais  au  temps  où  ces  auteurs 
écrivaient,  il  n'y  avait  [dus  du  tout  de  cho- 
révêques en  tout  l'Orient,  comme  Balsamon  le 
dit  en  termes  formels  sur  le  canon  xia  du 
concile  d'Ancyre.  a  Chorepiscoporum  gradus 
onmino  exole\it.  » 

La  collection  des  canons  arabiques  s'est 
fort  étendue  sur  la  création  des  choré'.êques 
et  sur  leurs  pouvoirs,  qui  étaient  en  général 
ceux  d'un  grand-vicaire,  sur  la  police  inté- 
rieure et  extérieure ,  sur  les  peuple? ,  sur  le 


318 


DU  SFXOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DEUXIÈME. 


clergé  et  sur  les  religieux.  Mais  ni  ces  cliorévè- 
qiies  ne  pouvaient  conférer  les  ordres  sacrés , 
ni  leur  durée  ne  peut,  par  cet  argument,  être 
[irolcngée  après  le  dixième  siècle  (Can.  liv, 
usque  ad  GC). 

X.  Il  faudrait  excepter  le  patriarche  d'.Mexan- 
drie,  s'il  est  vrai  (|ue  ce  patriarche  depuis  deux 
cents  ans  ait  éteint  l'ordre  des  évèques  et  gou- 
verne tout  son  ressort  par  le  ministère  des  clio- 
révêques  ,  comme  M.  de  Marca  le  rapporte 
des  lettres  du  patriarche  Cyrille  :  «  In  patriar- 
chatu  Alcxiinch-ino  dcletis  cpiscopis,  foli  cho- 
repiscopi  curam  patriarchœ  in  administratione 
Ecdesiarnm  levant  :  quod  ducenlis  ub  hinc 
nnnis  inductum  fuisse  testatur  CyrilliisAlexan- 
(Iriœ  palriarclia  lis  litleris  quas  in  Valachiu 
scripsit,  ann.  1612  (Liber,  ii  Concord.,  c.  14).  » 

Si  ce  rapport  est  véritable,  il  est  difficile  do 
ne  pas  croire  que  ces  chorévêques  soient  tous 
semblables  à  ceux  dont  les  anciens  canons  par- 
lent, qui  élai(Mit  assez  souvent  honorés  du  carac- 
tère épi?copal.  En  efTcl,  il  est  impossible  que  le 
patriarche  seul  ordonne  tous  les  prêtres  et  tous 
les  diacres,  ou  qu'il  confirme  tous  le?  fidcks 
de  son  patriarcat. 

Il  faut  donc  nécessairement  qu'il  partage  ses 
fonctions  avec  ses  chorévcqucs.  Apres  cela  ce 
ne  sera  plus  qu'un  cliangement  de  nom.  Car 
ceux  qu'il  a|i|i(ll(!  ( horévèques,  sont  véritable- 
ment cvéqucs,  puisqu'ils  ont  le  pouvoir  d'or- 
donner les  prêtres  et  de  confirmer. 

XI.  Je  sais  ipie  des  gens  savants  ont  douté  do 
la  vérité  de  la  cassation  des  chorévêques  ])ar 
le  pape  Léon  III  et  par  les  évêques  de  France. 
Mais  tout  ce  qui  a  été  cité  de  nos  conciles  de 
France  et  des  capitnlaires  de  nos  rois,  m'a  paru 
d'un  côté  si  clair  et  si  convaincant,  et  d'autre 
part  si  certain  et  si  incontestable,  que  je  n'ai 
pu  avoir  aucun  doute  de  ce  qui  nous  a  été 
rapporté  de  la  condanmation  des  chorévêques, 
(I  du  la  déclaration  solennelle  qu'on  fit  (ju'ils 
n'avaient  jamais  été  évêques. 

Il  faudrait  renverser  toute  l'autorité  des  Capi- 
tulair  ■•,  lenue  jus(|u';i  présent  (JOur  inviolable 
et  si  fort  respectée  par  tous  les  doctes,  pour  en 
ariaeiier  et  décréditer  ce  qui  regarde  les  choré- 
vê(]ues. 

Si  Raban  les  favorise,  on  peut  lui  opposer 
llincmar  et  tant  d'autres  savants  évoques,  qui 
furent  présents  aux  conciles  ci-dessus  allégués, 
.le  confesse  que  les  deux  raisons  qu'on  allégua 
liour  exclure  les  chorévêques  du  rang  cl  de 
l'ordre  éiiiscopal,  qu'ils  n'avaient  clé  ordonnés 


ni  par  trois  évèques,  ni  pour  une  église  cathé- 
drale, ne  proposent  rien  qui  soit  absolument 
essentiel  h  l'ordination  épiscopale  ;  mais  elles 
ne  laissent  pas  d'êlre  très-suffisantes  pour 
justifier  que  ce  n'était  nullement  l'intention  tle 
l'Eglise  de  donner  la  commission  extraordi- 
naire de  consacrer  des  évêques,  quand  elle 
ordonnait  des  chorévêques. 

Si  son  desseineûtétéd'ordonner  des  évêques, 
elle  eût  commandé  que  cette  ordination  s:'  fil, 
et  par  trois  évoques,  et  pour  une  ville  épisco- 
pale. 

Comme  l'Eglise  n'a  permis  l'ordination  d'un 
évêque  par  un  évêque  seul  que  dans  les  né- 
cessités très-pressantes,  de  même  que  selon 
l'avis  de  plusieurs  savants  théologiens  elle  n'a 
permis  aux  prêtres  de  donner  la  confirmation 
que  dans  des  rencontres  et  des  besoins  extraor- 
dinaires ;  on  peut  dire  que  dans  ces  occasions 
singulières  le  pouvoir  des  prêtres  pour  confir- 
mer, et  le  jiouvoir  d'un  évêque  pour  ordonner 
seul  un  autre  évêque,  dépendent  d'une  com- 
mission extraoï'dinaire  que  l'Eglise  ou  le  [)ape 
leur  en  donne.  Or  comme  ces  commissions 
extraordinaires  ne  se  donnent  que  dans  des 
nécessités  pressantes,  il  y  a  toujours  lieu  de 
croire  que  ce  n'a  nullement  été  l'intention  de 
l'Eglise  de  donner  cette  commission  extraordi- 
naire à  un  évêqued'en  ordonner  seul  un  autre, 
lorsqu'il  n'y  avait  nulle  nécessité  d'ordonner  un 
nouvel  évêque,  puisque  le  siège  épiscopal  était 
déjà  rempli  :  et  s'il  y  eût  eu  (juelijue  nécessité 
d'ordonner  un  nouvel  évêque,  il  y  avait  en 
même  temps  toute  la  facilité  possible  de  le 
faire  ordonner  par  trois  évêques. 

Quoiqu'on  ne  puisse  nier  que  l'Eglise  n'ait 
permis  et  ne  permette  encore  quelquefois  dans 
les  Indes  à  un  évêque  seul  d'en  ordonner  d'au- 
tres, il  serait  néanmoins  très-dangereux  de  dire 
(lu'un  évêque  seul  eût  ce  pouvoir  sans  aucune 
connnission  extraordinaire  du  pape  ou  de  l'E- 
glise. 

Cette  comparaison  de  la  confirmation  et  de 
l'ordination,  et  la  commission  extraordinaire, 
qui  est  absolument  nécessaire  aux  prêtres  pour 
le  premier,  et  à  un  évêque  seul  pour  le  second 
de  ces  sacrements,  ont  été  avancées  par  lesavant 
M.  Ilallier,  qui  ne  s'éloigne  pas  lui-même  de 
ce  sentiment,  et  cite  pour  cela  le  cardinal  Bel- 
larmin  et  plusieurs  autres  théologiens  (Ilallier, 
de  sacris  Elect.,  SOI,  593)  (t). 

(1]  Les  chorévêques  n'ont  pas  été  tellement   abolis,  qu'il  ne  nous 
ait  été  donné  d'en  voir  un  de  nos  jours  se  trouvant  dans  le  cas  de 


:ir 


DES  ARCmrnÊTRES. 


'  (]'(y 


310 


CHAPITRE  TROISIEMI 


DES   ARCniPRORES  PENrAM  LES  CIXQ  PREMIERS  SIÈCLES. 


I.  L'archiprêlre  était  simplement  appelé  premier  prélre  par 
les  Grecs.  Pourquoi  ? 

II.  C'était  le  plus  ancien  d'ordination  entre  les  prêtres.  On 
gardait  les  rangs  d'antiquité. 

III.  exception  de  saint  Grégoire  de  Nazianze. 

IV.  Cette  pré:é.iiice  paraissait  particulièrement  dans  le  sanc- 
tuaire, où  les  prêtres  étaient  tous  assis  avec  Tévèque. 

V.  La  charge  d'archiprètre  quelquefois  donnée  au  mérite.  11 
était  alors  grand-viaiire,  et  souvent  successeur  de  l'évéque. 

VI.  Dans  l'Eglise  latine  il  y  avait  un  archiprélre  dans  les  ca- 
thédrales. 

Vil.  C'était  le  plus  ancien  des  prêtres.  Preuve  admirable  tirée 
de  saint  Léon.  Chàtimenl  de  ceux  qui  avaient  cédé  leur  rang. 

VIII.  Il  y  a  une  manière  verlueuse  et  d'obligation  de  défendre 
son  rang. 

IX.  Autre  exemple  admirable  tiré  de  la  vie  du  saint  martyr 
F.Vix,  prêtre  de  Noie.  L'archiprètre  succédait  le  plus  souvent  à 
l'évéque. 

X.  .\utres  preuves  qu'il  fallait  conserver  les  ranes  d'antiquité. 

XI.  Cela  s'entend  des  séances  publiques  et  de  cérémonie.  Hors 
de  là  le  plus  grand  était  le  plus  humble. 

XII.  L'archi|irêlre  chargé  du  soin  des  veuves,  des  orphelins 
et  des  passants. 

XUI.  .Mais  au  défaut  de  l'évéque,  ou  absent,  ou  malade,  ou 
occupé  ailleurs,  il  était  chargé  de  tout  le  ministère  de  l'ordre 
épiscopal,  autant  qu'il  peut  être  exercé  par  les  prêtres. 

I.  Quoique  le  mot  d'archiprètre  soit  grec  et 
que  les  Grecs  aient  été  les  plus  passionnés  poul- 
ies titres  spécieux,  il  est  certain  néanmoins 
que  celui  ijue  les  Latins  appelaient  archipièlie 
était  simiilement  nommé  jjar  les  Grecs  premier 
prêtre  ^MTCTTfcopiTsp-.;  (Phot.  Bibliolh.,  cod.  59. 
Juris  Ori.,  1.  ix,  p.  537). 

Dans  un  concile  tenu  contre  saint  Chryso- 
stome,  Arsacius,  qui  fut  depuis  son  successeur, 
est  appelé  de  ce  nom  «pa-oTvpsGpûTsfo;.  Le  même 
titre  se  lit  dans  le  concile  de  Calcédoine  (Conc. 
Calc.,act.  10). 

Les  canons  apostoliques  n'avaient  laissé  que 
la  qualité  de  premier  au  métropolitain  desévê- 
ques  de  chaque  province,  connue  la  plus  simple 
de  toutes  et  imitée  des  lettres  saintes  ,  où  saint 
Pierre  est  appelé  le  premier  des  apôtres.  Ou 


appelait  vraisemblablement  en  ce  temps-là  le 
premier  évêque,  le  preiuier  prêtre  et  le  pre- 
mier diacre  celui  qui  étaitou  leplusconsidéré, 
ou  le  plus  ancien  des  évèques  d'une  province, 
ou  des  prêtres  et  des  diacres  d'unévêché. 

Les  Grecs  commencèrent  à  user  du  terme 
d'archevêques,  mais  ils  ne  l'aiipliiiuèrent  d'a- 
bord qu'aux  exarques  et  aux  patriarches,  non 
plus  que  les  Latins,  qui  usèrent  plus  tard  de  ce 
terme. 

Les  Latins  se  servirent  les  premiers  du  terme 
d'archiprètre.  Celui  d'archidiacre  fut  commun 
aux  deux  Eglises.  Les  .\fricains  ne  purent  souf- 
frir le  terme  d'archevêque,  mais  ils  ne  furent 
pas  si  scrupuleux  pour  les  termes  d'archiprè- 
tres  et  d'archidiacres. 

II.  Il  y  a  toutes  les  apparences  possibles  que 
l'archiprètre  était  ordinairement  le  plus  an- 
cien d'ordination  entre  les  prêtres.  Le  nom  de 
prêtre  venant  de  l'âge  avancé  où  ils  devaient 
être,  le  premier  des  prèties  devait  être  le  iili.s 
âgé.  en  prenant  l'âge  de  l'ordination,  i)uis(ji!e 
le  jour  de  l'ordination  était  célébré,  surtout  par 
les  évê(iues,  comme  le  jour  de  la  naissance. 

Le  concile  de  Nicée  rendit  le  rang  du  sacer- 
doce aux  prêtres  qui  avaient  été  ordonnés  jjar 
le  schisnialique  Mèlèce,  mais  avec  cette  con- 
dition, qu'ils  seraient  toujours  après  tous  ks 
prêtres  ordonnés  par  le  saint  évèque  d'Ale.xan- 
drie  Alexandre.  «  luferiores  tamea  esse  onuii- 
bus  presbyteris,  quos  Alexander  ordinavitin 
quacumque  parœcia  et  Ecclesia.  Aîutsîcj;  eIwi  7:av- 
Twv,  etc.  (Socrat.,  1.  i,  c.  6).  »    .       -;     i  ■-  t  .' 

C'était  donc  la  loi  commune  qu'on  gardât 
les  rangs  de  i'antiquilé  de  l'ordination  entre 
les  prêtres. 

III.  Mais  cette  loi  n'était  pas  sans  exception. 


révéque  schismatique,  mentionné  dans  rarticle  4  du  chapitre  1er  de 
ce  présent  livre,  qui  fut  réduit  au  rang  de  sionple  curé.  En  lT9S,Ie 
P.  Etienne,  ancien  religieux  trinitaire,  tue  élu,  par  l'assemblée  re- 
préseûValive  de  Vauciuse ,  évéque  constitutionnel  de  ce  départe- 
ment. Démissionnaire  à  l'époque  du  Concordat,  il  fut  alors  nommé 
par  l'évéque  d'Avignon,  curé  d'Orange  avec  certaines  prérogatives 
épiscopalcs  qui  l'assimilaient  aux  cbcrévcqoi^s  .^^lûai  ^ji  conserve  en- 
core iti:e   lelire  imsîorute  qu'il  adressa  le  28  juin  lùOy,  loucUant  la 


vaccine,  aux  curés  desservants  et  vicaires  de  Varrondii^emeui 
d'Ornuge.  Le  gouvernement  lui  accordait  un  traitement  de  4,000  fr. 
L'annuaue  du  déj-artement  de  Vauciuse  de  ISOl.  public  par  l'auto- 
r;té  civile,  porte  ce  qui  suit  dans  la  partie  ecclésiasUque  :  Qramj^^ 
l'évéque  Etienne  [François],  curé.  Cette  lettre  pastorale  et  d'autrea 
faits  pcouveot  sufdsamme.Dt  que  l'évéque  constitutionnel,  tombé  au 
r.i'iirde  ciirc,  avait  ccjicnd.nt  d;::ls  l'arrondlEsemeut  d'Oiango  îci^îts 
les  picioi^alives  d'un  chorcvèquc.  (Dr  A.NijHÉ.) 


3o0 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TROISIÈME. 


Ainsi  j'ai  dit  qu'ordinairement  le  plus  ancien 
prèlre  était  reconnu  archidiacre. 

Saint  Grégoire  de  Nazianze  raconte  lui-même 
qu'étant  venu  voir  saint  Basile  après  sa  pro- 
motion à  répiscojiat,  il  refusa  le  premier  rang 
que  Basile  voulait  lui  donner  entre  les  prêtres 
de  son  clergé.  Ce  refus  ne  déplut  pas  à  saint 
Basile,  parce  qu'il  édifia  tout  son  clergé.  «  Cum 
ad  eum  venissem,  cathedrœ  honorem,  insi- 
gnioremque  honoris  locum  inter  presbytères, 
Tov  riv  -îEo^jTï'jwv  77fu7;u.r.oiv,  recusasseni,  non  modo 
hoc  meum  faclum  non  incusavit,  sed  ut  debuit 
comprobavit  (Orat.  xx).  » 

Cela  nous  apprend  qu'un  mérite  aussi  extra- 
ordinaire que  celui  de  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze, pouvait  bien  être  honoré  d'une  préroga- 
tive et  d'une  préférence  contraire  aux  règles 
communes,  mais  que  rien  n'est  plus  glorieux 
aux  personnes  extraordinaires,  que  de  s'assu- 
jetir  aux  lois  communes. 

IV.  Ces  paroles  de  saint  Grégoire  de  Nazianze 
nous  donnent  occasion  de  remarquer  que  cette 
préséance  des  anciens  prêtres  sur  les  plus 
jeunes  se  voyait  particulièrement  dans  le 
sanctuaire,  auprès  de  l'autel,  où  tous  les  prêtres 
avaient  leurs  chaires  arrangées  autour  de 
celle  de  l'évêque,  qui  élait  distinguée  par  ses 
ornements  et  par  son  élévation.  C'est  d'où  est 
venu  le  nom  de  Prebytère. 

Le  concile  d'Ancyre  (Can.i,  ii)  parlnnt  des 
prêtres  qui  avaient  sacrifié  aux  idoles,  mais 
qui  avaient  ensuite  glorieusement  réparé  cette 
faute  par  un  second  combat,  et  par  une  victoire 
signalée,  les  déclare  incapables  de  prêciier,  d'of- 
frir à  l'autel,  et  de  remplir  les  autres  fonctions 
saintes  du  sacerdoce;  mais  il  les  laisse  parlicipei- à 

l'honneur  de  la  chaire.  Xr.;  T;u.r;  -f.%  y.%TX  tt.v  y.7.6;'î;;.v 

[itTéxtiv.  C'est-à-dire  qu'ils  auraient  toujours 
séance  entre  les  prêtres,  et  par  conséquent  au- 
raient droit  aux  distributions,  qui  faisaient 
alors  tous  les  revenus  des  bénéfices. 

C'est  ce  qui  est  signifié  par  ce  terme,  nu-r,-. 
Ainsi  ils  étaient  privés,  non  pas  de  leurs  béné- 
fices, mais  des  fonctions  de  la  prêtrise,  et  par 
conséquentdurangd'archiprêlre,  quand  môme 
ils  seraient  les  plus  anciens.  Car  le  premier 
|irêlre  devait  exercer  le  ministère  sacré  tle 
ruutel,  si  l'évêque  élait  ou  absent,  ou  malade. 
Le  concile  de  Laodicée  défend  aux  prêtres  de 
prévenir  l'évêque,  d'entrer  devant  lui  dans  le 
sanctuaire, et  de  s'asseoir  dans  ce  lieu  émineiit 
qui  s'appelait  pour   cela  Bt^x  ,  le  Tribunal, 

[>/.c'''A',  ■/.'jjil',fi'i7.\  èv   TW  (jAtJ.7.7'., 


V.  Libérât  a  écrit  que  le  bienheureux  Pro- 
térius  fut  élu  archevêque  d'Alexandrie  après 
la  déposition  de  Dioscore  dans  le  concile  de 
Calcédoine,  parce  que  Dioscore  même  l'avait 
fait  son  archiprêtre,  et  lui  avait  commis  la  con- 
duite de  son  Eglise,  lorsqu'il  alla  au  concile  : 
a  In  Proterium  universorum  sententia  decli- 
navit  :  ulique  cui  et  Dioscorus  commendavit 
Ecelesiam,  qui  et  eum  archipresbyterum  fe- 
cerat  (Cap.  xiv).  » 

Conmie  le  premier  prêtre  des  Eglises  grec- 
ques était  véritablement  ce  que  nous  appelions 
archiprêtre  dans  les  cathédrales.  Libérât  qui  a 
parlé  de  l'Eglise  grecque  en  termes  latins, 
nous  apprend  en  même  temps.  1°  Que  les 
évêques  donnaient  quelquefois  au  mérite  la 
dignité  d'archiprètre,  quoiqu'ordinairement 
elle  ne  fût  donnée  qu'à  Tanliquité.  Car  si  Pro- 
térius  ne  fût  arrivé  à  celte  charge  que  par  le 
rang  de  son  ordination,  on  ne  dirait  pas  que 
Dioscore  l'aurait  faitarchi[irêtre. 

2°  Dioscore  le  créa  son  grand-vicaire  pendant 
son  absence,  a  Cui  et  Ecclesiam  commendavit.  » 
Quand  la  dignité  .d'archiprètre  est  donnée  au 
mérite  et  à  l'expérience,  la  fonction  de  grand- 
Aicaire  lui  convient  admirablement. 

3°  De  grand-vicaire  etd'archi|irêlre,  Protérins 
devient  le  successeur  de  Dioscore.  Rien  n'est 
ni  plus  naturel,  ni  plus  juste,  que  de  remplir 
une  charge,  après  en  avoir  exercé  longtemps 
toutes  les  fonctions. 

VI.  Dans  l'Eglise  latine  saint  Jérôme  semble 
nous  assurer  que  toutes  les  calhédraks  avaient 
leurs  archiprétres  (Epist.  ad  Ruslic).  «Singuli 
Ecclesiarum  episcopi,  singuli  archipresbyteri, 
singuli  archidiaconi  ;  et  omnis  ordo  ecclesia- 
slicussuisreclonbus  nitilur.  »  Où  ce  père  nous 
fait  remarquer  que  comme  il  n'y  a  qu'un 
évêque  dans  une  Eglise  et  un  archidiacre, 
ainsi  il  ne  doit  y  avoir  qu'un  archi()rêlre. 

En  eflèt,  l'arthiprétre  étant  le  chef  et  le  pre- 
mier du  collège  des  prêtres,  comme  l'archi- 
diacre l'est  de  tous  les  diocèses,  il  est  visible 
qu'en  ce  sens  il  ne  peut  y  en  avoir  qu'un  pour 
ne  pas  domier  deux  têtes  à  un  corps.  Mais 
comme  les  Eglises  se  sont  multipliées  dans  la 
suite  des  siècles,  on  a  donné  tant  de  fonc- 
tions ditlérentes  et  aux  archi[)rêlres  et  aux  ar- 
chidiacres, (|u'on  a  souvent  été  obligé  de  les 
mulli()lier  dans  une  même  Eglise. 

VII.  Il  est  encore  certain  que  les  archiprêlres 
de  l'Occident  ne  parvenaient  à  cette  dignité 
(|ue   i)ar  l'anliquilé  de  leur  ordination,  parce 


DES  Ar.riIII'RÉTr.ES. 


3.'il 


(luc  li's  l>;itiiis  lurent  curiire  (ilus  jaloux  (]iii; 
les  CiiTcs,  de  faire  obs(  rvcr  avec  nue  iiivioIahK! 
exactiliuie  cette  loi  si  s.iiiite  et  si  luitiirellc!  du 
respect  que  les  jeunes  doivent  à  leurs  anciens 
dans  toute  sorte  de  société  et  de  profession. 

Le  grand  saint  Léon  ayant  appris  que  Dorus, 
évoque  de  Bénévent,  avait  donné  à  un  prêtre 
nouvellement  ordonné  le  premier  rang  et  la 
préséance  sur  tous  les  autres  prêtres  de  son 
Eglise,  et  que  les  deux  plus  anciens  prêtres  y 
avaient  consenti ,  ce  grand  pape  tlt  à  cet  évê- 
que  une  sévère  réprimande  d'avoir  renversé 
l'ordre  canoni(|ue  de  son  clergé,  et  d'avoir 
laissé  prendre  à  un  anibilieux  usurpateur  les 
avantages  qui  n'étaient  dus  qu'à  ceux  que  leur 
âge,  leur  expérience,  leurs  services,  et  leur 
longue  persévérance  rendaient  vénérables. 
«  Cognovimus  apud  te  novo  ambilu  fœdoque 
coUuvio  presbyterii  ordinem  fuisse  turbatum, 
ita  ut  luiius  fesliiia  et  immatura  proxectio, 
qua^dam  eoruni  dejectio  facta  sit,  quos  aelas 
commendabatetnullacii!paminuebat(E|iist.v). 

Ce  saint  pape  déclare  ensuite  que  les  deux 
plus  anciens  prêtres  n'avaient  pas  dû  céder 
leur  primauté,  et  n'avaient  pu  en  la  cédant  re- 
culer ceux  qui  étaient  plus  jeunes  qu'eux.  «  Si 
vero  piiini  secundi(pie  presbyteri  circa  Epicar- 
j)iuni  sibi  prœponendum  tanta  assentatio  fuit, 
etc.  Deformis  et  ignava  snbjectio,  bene  sibi 
consciis  et  non  irritam  facientibusgratiam  Hei 
pnejudicare  non  |iotuit;  ut  prinuilussuos  quo- 
cumque  commercio  in  allerum  transferentes, 
subsequentium  suoruni  minuerent  dignita- 
tem.  » 

Enfin,  pour  punir  la  lâche  complaisance  de 
ces  deux  anciens,  il  ordonne  qu'ils  seront  à 
l'avenir  les  derniers  de  tous  les  prêtres  de  cette 
Eglise, qu'ils  seront  subordonnés  àceluimème 
dont  ils  ont  flatté  l'ambition,  et  que  tous  les 
autres  garderont  inviolabiementle  rang  de  leur 
antiquité.  «  Ca-teris  omnibus  presbyteris  in  eo 
ordine  permanentibus,  quem  unicuique  ordi- 
nationis  suœ  tempus  ascripsit.  » 

11  ne  faut  pas  oublier  ce  qui  paraîtra  encore 
plus  étonnant:  c'est  que  ce  saint  et  savant  pajie 
jugeait  la  lâcheté  de  ces  deux  anciens  prêties 
si  criminelle,  qu'il  assure  qu'à  moins  d'adoucir 
la  rigueur  des  canons,  il  eût  fallu  les  déposer. 
oLicet  privari  etiam  sacerdotio  mererentur.  » 

Vlll.  Il  ne  sera  pas  inutile  de  remarquer  en 
passant  sur  cet  exemple  mémorable  qu'il  y  a 
une  manière  innocente  et  même  vertueuse 
de  défendre  son  rang  et  de  ne  pas  céder  à  lam- 


bition,  aux  intrigues  ou  à  la  violence  de  ceii\ 
(jui  n(!  pi'uvetit  nous  dé|il:icer  sans  dér.ingcr 
les  rneinlires  d'un  corps  régulier  et  canonii|ne, 
et  sans  violer  les  lois  qui  conservent  l'ordre,  la 
paix,  la  heauté  et  la  concorde  de  l'Eglise.  C.v 
n'est  jias  un  amour  déréglé  de  notre  pro[ire 
honneur  qui  doit  nous  donner  du  zèle  et  de 
la  force,  mais  l'amour  de  l'ordre,  de  la  paix, 
des  lois,  et  l'obligation  même  de  conserver  la 
place  que  nous  remplissons  dans  l'Eglise,  avec 
les  mêmes  avantages  que  nous  avons  trouvés 
et  que  nous  devons  transmettre  à  nos  succes- 
seurs. 

C'était  ce  zèle  pur  et  chaste  qui  animait  ce 
saint  pape  et  qui  échauffa  encore  longtemps 
après  la  langue  et  la  plume  du  grand  saint 
Grégoire,  pape,  pour  empêcher  que  l'ambition 
des  évêques  de  Constantinople  ne  dérangeât 
les  trois  anciens  sièges  apostoliques,  en  élevant 
l'évêque  de  Constantinople  au  second  rang,  qui 
n'avait  jamais  été  disputé  à  l'évêque  d'Alexan- 
drie. 

Si  saint  Léon  a  jugé  qu'il  importait  de  main- 
tenir l'ancien  ordre  des  rangs  et  des  séanc  s 
entre  les  prêtres  ou  les  chanoines  d'une  cathé- 
drale ,  que  devait-il  penser  des  préséances  an- 
ciennes entre  les  trois  premières  Eglises  du 
monde? 

IX.  Finissons  cette  digression  par  un  exemple 
qui  ne  sera  pas  moins  merveilleux  que  le  pré- 
cédent. 

L'évêché  de  Noie  étant  vacant,  tout  le  peuple 
souhaitait  avec  une  ardeur  extrême  que  le  saint 
prêtre  Félix  fût  élevé  à  cette  haute  dignité.  Si 
le  mérite  de  cet  illustre  confesseur  était  grand, 
son  humilité  n'était  pas  moindre.  Il  prétendit 
que  Quintus  son  confrère  devait  passer  avant 
lui,  parce  qu'il  était  plus  ancien  prêtre  que 
lui.  il  n'avait  été  ordonné  qu'une  semaine 
avant  lui.  Celte  difï'érence  ,  quelque  petite 
qu'elle  fût,  fut  néanmoins  suffisante  pour 
faire  réussir  sa  poursuite.  Quintus  lui  fut  pré- 
féré et  tut  élu  évêque.  Ainsi  l'antiquité  et  l'âge 
l'emporta  sur  le  mérite  et  sur  les  désirs  du 
peuple. 

Il  est  aisé  de  conclure  de  là,  que  si  le  plus 
ancien  prêtre  était  ordinairement  préféré  aux 
autres,  quand  il  s'agissait  délire  un  évêque, 
on  ne  doit  point  douter  que  ce  même  droit 
n'eût  encore  plus  de  lieu  pour  le  rang  et  la  di- 
gnité d'arcliiprêtre.  Il  est  même  apparent  que 
Quintusétait  archiprêtre  de  Noie.  Si  ni  le  pipe 
Léon,  ni  saintPaulin,  quia  décritcn  vers  la  vie 


352 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TROISIÈME. 


de  saint  Félix,  n'ont  point  employé  le  nom 
d'arclii|(ièlre,  c'est  peut- cire  qu'il  n'était  pas 
encore  en  usage  dans  ces  Eglises.  Mais  quoi 
qu'il  en  soit  du  nom,  la  dignité  du  premier 
prêtre,  et  son  élévation  au-dessus  des  autres 
prêtres  était  dès  lors  lort  rcsiiectée. 

Voici  ks  paroles  de  saint  Paulin  :  «  Felicis 
'  nomontolum  balaliat  ovile,  etc.  Vclul indignas 
non  audet  honore  crescere,  testaliirque  seni 
mage  débita.  Quinto,  quod  prior  ille  gradum 
socii  n'.eruijSL't  honoris  pre.<byler,  liœc  se|iteni 
distabat  sununa  diebus.  Ergo  sub  hoc  etiam 
Félix  antistile  \ixit  presbyler  (Natali  v.  S.  Fc- 
lici).  » 

X.  Le  pape  Gélasc  renouvela  cette  ordon- 
nance ancieiuie  de  IKglise  pour  la  conservation 
des  rangs  d'antiquité  entre  les  prêtres  et  les 
diacres.  «  Nec  cujuslibet  utilitatis  causa,  seu 
])resbyleriuu.  seu  diaconum  bis  pra'ferre,  qui 
anie  iii>os  tiierint  ordinali  ^Epist.  ix).  »  Le  con- 
cile 11  de  Milcve  rapporté  par  Ferrand,  ordonne 
aux  é\èi|ucs  de  prendre  rang  selon  le  temps 
de  leur  ordination,  «rinullus  episcopus  [iriori- 
bus  suis  se  audeat  anteponere.  » 

Le  même  concile  enjoignit  aux  nouveaux 
évoques  de  recevoir  de  leur  consécrateur  des 
lettres  où  tût  inanjué  l'an  et  jour  tie  leur  ordi- 
nation, poui'  finir  toutes  les  conlLslations  qui 
pourraient  naître  sur  les  séances  :  «  Litlerus 
acci[iiantab  ordinatoribus  suis,  manu  eorum 
sul)Scri|ilas,  continentes  coiisuleni  et  diem,  ut 
nullaaltercatiodeposterioribus,velanterioribus 
oriatur(C(>ne.Mel.  ii,  c.  13,  14,  cap.  lxxvui).  » 

XL  Mais  tout  cela  s'entend  des  séances  pu- 
bliques où  l'on  paraît  en  cérémonie,  c'est-à- 
dire  ,  où  c'est  bien  moins  la  personne  que 
la  dignité  qui  paiait.  Car  l'antiquité  même 
passera  avec  beaucoup  de  justice  pour  une 
dignité,  si  l'on  considère  de  près  les  avan- 
tages qu'elle  donne  et  le  respect  qu'elle  s'at- 
tire. Au  lesle  pour  les  séances  particulières, 
les  plus  grands  et  les  plus  saints  évè(jues  ont 
été  ceux  (]ui  ont  fait  gloire  de  s'abaisser  davan- 
tage, parce  (jue  ce  n'est  pins  que  leur  personne 
et  non  leur  dignité  (juiy  est  consiilérée. 

Sidoine  Apollinaire  a  excellemment  repré- 
senté coiniiuînt  le  saint  etcélèbreLou[»,  é\C(iue 
deTroyes.alleclait  de  rendre  toujours  plusd'lion- 
iieur  iju'il  n'en  recevait,  et  s'abaissant  au-des- 
sous de  ses  itdérieurs ,  méritait  que  ses  su- 
périeurs même  se  soumissent  à  lui.  a  Officia 
muttiplieat  piopria,  vitat  aliéna.  Cunique  ipsi 
\icissim  debeal  oceurri,  gialius  habet,  si  sibi 


mutuus  lionor  debeatur  mage,  quam  repon- 
datur.  In  convivio,  ilinere,  conse^su,  inlerio- 
ribus  ccdit,  qiio  lit,  ut  se  illi  volupluosius  lurbi 
postponat  superiorum  (  Sidon.,  1.  vu  ;  episl. 
xm).» 

Tout  cela  s'entend  des  conversations  parti- 
culières, où  l'on  peut  se  dépouiller  de  la  di- 
gnité que  l'on  exerce  en  public,  jiour  obéir  au 
[  récepte  de  l'Apôtre,  «  Honore  invicemprieve- 
nientes.  » 

Le  concile  IV  de  Carlhage  (  Can.  xxxiv  , 
xxxv),  distingua  admirablement  ces  deux  sortes 
de  séances,  lorsqu'ayant  enjoint  aux  évé()ues 
de  ne  laisser  jamais  les  prêtres  debout  pen- 
dant qu'ils  seraient  assis,  et  de  prendre  tou- 
jours séance  au-dessus  tl'eiix  dans  l'Eglise, 
«  L't  episcopus  quolibet  loeo  setlens ,  slare  pre- 
sbyterum  non  |)atiatur;  ut  episco[)Usin  ecclesia 
et  in  consessu  presbyterortun  sublimior  se- 
deat ,  »  il  les  avertit  enlin  que  dans  le  parlicu- 
lier,  ils  doivent  traiter  les  prêtres  comme  leurs 
confrères.  «  Intra  domum  vero  sollegani  se 
presbylerorum  esse  cognoscat.  » 

Xll.  Quant  aux  obligations  des  archiprêtres, 
le  même  concile  IV  de  Cartilage  (Can.  xvii), 
veut  que  les  évoques  se  déchargent  du  soin 
d(;s  veuves,  des  pupilles  et  des  étrangers  sur 
l'archiprêtre  ou  sur  l'archidiacre.  «  Lt  episco- 
pus gubernationem  viduarum  et  pupillorum, 
et  peregrinorum,  non  per  se  ipsum,  sed  per 
arctiii)resbyterum ,  aut  per  arcbidiaconuni 
agat.  » 

Le  soin  des  veuves,  des  orphelins  et  des  pè- 
lerins était  déjà  une  occupation  assez  ini|jor- 
tante.  Mais  ce  canon  nous  montre  clairement 
(jue  les  archiprêtres  et  les  archidiacres  étaient 
les  aides  et  les  ministies  de  luut  le  ministère 
divin  des  évoques. 

C'est  ce  (jui  fait  que  les  canons  se  sont  peu 
expliqués  sur  les  devoirs  des  archiprêtres;  car 
ne  leur  alleclant  rien  en  i)articulier,  ils  les  ont 
laissés  à  la  disiiosition  enlieie  dos  é\êqiU'S, 
pour  cire  employés  par  eii\  dans  toute  reten- 
due des  fonctions  (''piscopalci  qui  |ieu\eul  être 
suppléées  parles  piètres. 

Xill.  Concluons  ce  tliapiire  en  di?ant  que 
si  fous  les  prêtres  d'une.  Eglise  calhédiale 
étai(!iit  par  leur  ordination  asservis  à  celte 
Eglise,  non  pas  pour  y  célébrer  tous  le>  jours 
le  divin  sacrifice,  ou  pour  y  être  les  principaux 
eliantics  des  heures  canoniales,  d'autant  (|ue 
te  n'était  pas  encore  l'usage,  mais  pour  y  être 
employés  par  ré\êque,  dont  ils  étaient  comme 


DES  ARCIIirnETnES. 


353 


les  vicaires.  L'archiprêtre  étnit  comiiii;  le  vi- 
c  lire-gt'iiéial  et  le  curé  en  particulier  de  la 
même  église  cathédrale,  qui  fut  aussi  durant 
quelques  siècles  la  seule  église  de  la  ville. 

11  n'y  avait  que  celte  différence  remar- 
quable ,  que  ces  vicaires  ou  grands-vicaires  ne 
taisaient  rien  qu'au  défaut  de  l'évèque  ou  ab- 
sent, ou  malade,  ou  occupé  ailleurs:  ainsi  il 
fallait  un  ordre  exprès  pour  les  appliquer  ordi- 


nal rement  à  (juoiqne  fonction,  au  lieu  que 
présentement  les  grantls-vicaires  font  ordinai- 
rement tout  ce  <iue  l'évèque  ne  s'est  point 
réservé.  Il  est  vrai  que  le  trou|)eau  des  fidèles 
n'était  pas  alors  si  nombreux  tiu'il  est  main- 
tenant ;  mais  aussi  il  n'est  pas  moins  diffi- 
cile d'augmenter  ce  nombre  que  de  le  gou- 
verner, "ft 


CHAPITRE  QUATRIÈME. 


DES    ARCIUPRETRES   AUX    SIXIEME    ET  SEPTIEME   SIÈCLES. 


I.  diverses  marques  de  la  juridiction  ecclésiastique  et  civile 
même  Jes  arcliiprétres. 

II.  III.  Ils  élaieiit  à  la  campagne,  soit  que  ce  fussent  les  curés 
qui  dominassent  sur  plusieurs  prêtres,  ou  les  doyens  ruraux  qui 
eussent  la  direction  de  plusieurs  curés. 

IV.  Des  arcliiprêtres  des  cathédrales. 

V.  VI.  De  leur  juridiction  et  de  leurs  fonctions. 

I.  Les  archiprêtres  semblent  approcher  le 
plus  des  évéques,  et  ne  pas  permettre  qu'il  y 
ait  rien  entre  eux. 

Les  laïques  s'étaient  ingérés  dans  cette  dignité 
sacrée,  lorsque  la  maison  deClovis  commençait 
à  déchoir.  Le  concile  de  Reims  (Can.xix),  tenu 
en  630,  corrigea  cet  abus  :  «  Ut  in  parochiis 
nnllus  laicorum  arcliipresbyter  pra-pouatur, 
sed  qui  senior  in  ipsis  esse  débet,  clericus 
ordinetur.  » 

Cette  charge  était  apparemment  accompa- 
gnée d'une  grande  autorité,  même  pour  les 
all'aires  civiles,  et  c'est  ce  que  ce  canon  nous 
insinue  par  ces  mots  :  «  Qui  senior  in  ipsis 
esse  débet  :  »  Car  ce  terme  de  senior,  signifiait 
déjà  un  seigneur,  et  c'est  pour  cela  que  les 
laïques  briguaient  cette  dignité. 

Le  concile  de  Cluïlons  (Can.  ii),  tenu  en  CjO, 
défendit  aux  juges  séculiers  de  continuer  les 
courses,  ou  les  visites  qu'ils  avaient  commencé 
de  faire  dans  les  paroisses  de  la  campagne  et 
dans  les  monastères,  s'ils  n'y  étaient  conviés 
par  l'archiprêtre  ou  l'abbé.  «  Si  pn'eslate  qua 
jKiUeiit,  excepta  invitalioiie  abbatis  vel  archi- 
presbyteri  in   ipsa   monusteria    vel   parochias 


aliquid  fortasse  praesumpserint  ,  a  commu- 
nione  omnium  sacerdolum  eos  convenit  se- 
questrari.  » 

Les  archiprêtres,  sans  recourir  au  bras  sécu- 
lier, avaient  une  autorité  légitime  pour  châtier 
les  prêtres,  les  diacres  et  les  autres  clercs,  qui 
étaient  en  faute. 

Le  concile  11  de  Tours  (Can.  xix),tenii  en  507, 
les  condamne  eux-mêmes  à  faire  pénitence 
dans  un  monastère,  s'ils  n'ont  pas  veillé  sur  la 
continence  des  luètres,  des  diacres  et  des  sous- 
diacres  avec  leurs  femmes,  et  s'ils  n'ont  pas 
puni  rigoureusement  toutes  les  fautes  com- 
mises contre  la  pureté  cléricale.  «  llii  vero 
archipresbyteri ,  qui  talem  cautelani  super 
juniores  suos  habere  noluerint,  et  non  eos 
habuerint  studio  distringeudi,  ab  episco()0  suo 
in  civitate  retrudanturin  cellain,ibique  mense 
integro  panem  cum  aqua  manduceut.  » 

Le  synode  d'Auxerre  (Can.  xx),  tenu  en  578, 
impose  un  an  de  pénitence  à  l'archiprêtre  qui 
ne  fait  pas  savoir  a  l'évèque  ou  à  l'archidiacre 
ces  impuretés  criminelles  des  prêtres,  des  dia- 
cres et  des  sous-diacres.  «Si  arc'iipresbyter  hoc 
ejjifcopo  vel  archidiacono  non  innotuerit.  » 

Il  se  peut  faire  que  l'archiprêtre  n'eût  que 
l'obligation  d'avertir  l'évèque  ou  l'archidiacre 
de  ces  fautes  a  Auxerre,elque  dans  la  province 
de  Tours  il  eût  aussi  la  juridiction  de  les  châ- 
tier. Mais  le  même  synode  d'Auxerre  (Can.  xliv 
retranche  de  la  communion  les  laïques  qui 


Tu.  —  loiiË  I. 


23 


3^ 


DE  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  UUATRIEME. 


n'obéiront  pas  aux  avertissements  de  l'archi- 
piétre,  et  les  soumet  outre  cela  à  la  peine  tem- 
porelle que  le  roi  avait  prescrite  pour  ces  déso- 
béissances :  «  Insuper  et  niulctam  ,  quam 
j;lorlosissimus  Doniinus  rex  inslituit,  sustiueat 
i(;an.  XLUi).  » 

Eiilin  ce  synode  excommunie  les  juges  sécu- 
liers qui  leront  outrage  aux  moindres  clercs, 
sans  avoir  clé  requis  par  l'évèque, l'archidiacre 
ou  rarcliiprèlre.  «  Absi]ue  voluntate  episcopi, 
aularchidiacoui,  vel  arcliipi'esbyteri  injuriani 
inlerre  praesumpserit.  » 

II.  11  pariiît  par  tous  ces  canons  que  les  ar- 
chiiirèlres  étaient  à  la  campagne,  et  avaient 
une  assez  grande  juridiction  sur  les  curés  et 
sur  les  autres  ecclésiastiques  de  leur  ressort. 
Lorsque  l'éséque  les  avait  une  fois  institués, 
il  ne  pouvait  plus  les  en  démettre  que  daus  un 
synode  de  ses  |)rélreS,  après  leur  avoir  fait  leur 
l)rocès,  et  c'eût  été  une  détestable  simonie  de 
donner  cette  dignité  aux  présents  ou  à  l'argent, 
plutôt  qu'au  mérite. 

Le  second  concile  de  Tours  (Can.  vu)  est  for- 
mel là-dessus  :«  l'tepiscopusnecabbatem,  nec 
arcliii)resbyterum  sine  omnium  suorum  com- 
presbyterorumetabbatum  consilio  de  loco  suo 
pra'sumat  ejicere,  nei|ue  per  iiraemia  alium 
oïdiuare,  nisi  facto  consilio  tam  abbaluin , 
([uam  presbylerorum  suorum, quem  culpa  aut 
uegligi'Ulia  ejicit,  cum  omnium  presbyterorum 
consilio  refutetur.  » 

III.  (Jrégoire  de  Tours  met  aussi  les  arclii- 
prélresdans  les  paroisses  des  champs  :  «Arclii- 
pre>l)yter  parochiœ  Nemausensis,  etc.  Arclii- 
picsbyter  (|ui  tune  locum  illum  regebat,  etc. 
(Àim  arcliipresbyter  loci  Eulalius  clericos  con- 
vivio  invitasset ,  Edatius  vero  alius  presbyter 
viiluis  ac  pauperibus  reliquis  edulium  j)r,i'|)a- 
raiel,  elc.  Arcliipresbyter  .Meieensis  vici,  etc. 
(Mirol.,  1. 1,  c.  78  ;  lib.  ii,  c.  22.  De  glor.  Confess., 
c.  v.  Vita'  Pcitrum,  c.  ix).  » 

Tous  ces  passages  ne  semblent  placer  les  ar- 
chiprèlres  que  dans  la  campagne,  où  en  gou- 
\ei liant  leur  paroisse  particulière,  ils  avaient 
encore  une  intendance  générale  sur  les  autres 
ijui  leur  étaient  voisines;  à  moins  qu'on  ne  s'i- 
magine, comme  ces  mêmes  endroits  semblent 
aussi  l'insinuer,  que  l'arcliiprêtieélaitlepriiici- 
pal  jiiétre,  ou  le  curé  de  cli.upie  paroisse  (|ui 
de\ail  \eiller  sur  les  autres  prêtres  cl  ecclésias- 
tiques du  même  lieu. 

IV.  En  ellel,  on  ne  ]ieut  douter  {]ue  dans  les 
Eglises  cathédrales  et  dans  tous  les  chapitres 


il  n'y  eût  un  archiprêtre,  qui  était  le  pre- 
mier, le  plus  ancien,  et  le  plus  digne  des 
]irétres. 

Cela  paraît  admirablement  dans  la  lettre 
(|ue  le  pape  Jean  IV  écrivit  après  son  élection, 
et  avant  son  couronnement,  aux  abbés  et  aux 
docteurs  d'Ecosse  ou  d'Irlande.  Bède  l'a  insérée 
dans  son  histoire,  et  on  y  voit  l'arciiiprètre  de 
l'Eglise  romaine  paraître  devant  le  pape  élu, 
<)iii  n'était  que  diacre.  «  Hilarius  arcliipresby- 
ter, et  servans  locum  sanctcC  Sedis  Apostolicae, 
Joannes  Diaconus ,  et  in  nomine  Del  electus, 
Joannes  Primicerius  et  servans  locum  sanctœ 
Sedis  Apostoiicœ,  et  Joannes  servus  Dei,  con- 
siliarius  ejusdem  Apostolicœ  Sedis  (  Redal., 
I.  Il,  c.  19). 

Voilà  ceux  par  qui  fut  souscrite  la  lettre  en- 
voyée en  Irlande  pour  rafferniissement  de  la 
foi  et  de  la  discipline.  Il  est  clair  que  ce  sont 
les  chefs  du  clergé  de  Rome,  c'est-à-dire,  le 
{iremier  des  prêtres  qui  précède  le  pape  élu,  le 
premier  des  diacres,  le  premier  du  bas  clergé 
et  le  premier  des  autres  officiers,  qui  prend  la 
qualité  de  conseiller,  comme  nous  dirons  plus 
bas. 

La  même  chose  paraît  par  le  concile  de  Mé- 
litla  (Can.  v),  qui  ordonne  que  l'évèque  qui  ne 
pourra  pas  assister  au  concile  provincial,  y 
enverra  son  archiprêtre,  ou  le  plus  habile  de 
ses  prêtres.  «  Ad  suam  personam  non  aliter, 
nisi  aut  archipresbyterum  suuin  diriget  :  aut 
si  archipresbylero  impossibilitas  fuerit,  [>re- 
sbyteruinutilem,cujusdignitascum  prudentia 
pateat.  » 

Mais  un  des  canons  suivants  de  ce  concile  a 
un  admirable  rapport  avec  cette  lettre  du 
clergé  de  Rome,  dont  nous  venons  de  parler. 
11  y  est  ordonné  qu'il  y  aura  dans  toutes  les 
églises  cathédrales  un  archiprêtre,  un  archi- 
diacre et  un  primiclerc.  «  l't  omnes  eiiiscopi 
infrn  nostraiii  provinciam  constiluli  in  cathe- 
draiibus  ecclesiis ,  siiiguli  archipresbyterum, 
archidiaconum ,  et  primiclerum  liabere  de- 
beamus  (Can.  x).  » 

V.  S:iint  Isidore,  évêque  de  Séville,  jiarle 
cerlainement  de  ces  arclii prêtres  des  cathédra- 
les, (juand  il  les  déclare  supérieurs  aux  autres 
prêtres  ,  vicaires  de  l'évèque  dans  les  fonctions 
sacrées  du  sacerdoce  et  des  sacrements,  mais 
soumis  à  l'iircliiiliacie,  (juiest  le  vic.iire-général 
pour  tout  l'exercice  de  la  juridiction  épis- 
copale. 

«  Archipresbyter  vero  se  esse  sub   archi- 


DES  ÂRCHIPRËTRES  SOUS  CHARLEMaGNE. 


33r. 


diacono,  ejusque  praeceptis  sicut  episcopi  sui 
sciât  obutlire;  et  quod  spcciiiliter  ad  ejiis  ini- 
iiisleriiiiii  [(crtinet,  super  onines  prtsljyteros 
in  ordiiie  positos  curam  agere,  et  assidue  in 
Ecclesia  slare  :  quando  episcopi  sui  absentia 
contigerit,  ipse  ejus  iiiissarum  soleninia  cele- 
bret,  et  collectas  dicat,  vel  cui  ipse  injunxerit 
(Epist.  ad  Landifridum  episcop.  Cordub.,  pag. 
CIG.)  » 

Vl.  Ce  n'était  peut-être  pas  seulement  pour 
les  fonctions  sacrées  de  l'autel  que  ra!cliii)rètre 
devait  suppléer  au  défaut  de  l'évêque  qui  était, 
ou  absent,  ou  malade. 


Le  grand  saint  Grégoire  ayant  appris  que 
révc(|ue  de  Cagliaii,  Jaiiuarius,  ou  par  négji- 
giiico,  ou  par  inliiinilé,  n'avait  pas  toute  l'ap- 
plication nécessaire  aux  hôpitaux,  chargea 
de  ce  soin  son  économe  et  son  archiprôtre. 
«  OEconomumejusecclesiœ  atque  Epiplianium 
archieiiresbj'terum  comnione,  ut  eadem  xeno- 
docliia  sine  periculo  suo  sollicite  ac  utiliter 
studeantordinare  (L.  ii,  epist.  3-2).  » 

Ce  savant  pape  n'ignorait  pas  que  les  con- 
ciles de  Carthage  avaient  chargé  immédiate- 
ment l'archiprêtre  et  l'archidiacre  du  soin  des 
pauvres. 


CHAPITRE  CINQUIEME. 


DES    ARCHIPRÈTRES     SOUS     CHARLEMAGNE. 


I.  Ressemblances  et  dissemblances  des  chorévjqiies  et  des 
archiprélres.  Couï-Ià  veillaient  sur  tous  les  curés  d'un  diocèse, 
ceux-ci  sur  une  partie  el  sur  un  quartier  seulement. 

II.  Diverses  fonctions  des  archiprêtres. 

m.  L'ariliidJacre  veillait  sur  les  doyens  ou  archiprêtres. 

IV.  Preuves  que  les  doyens  ruraux  étaient  quelquefois  les 
mèrres  que  les  archiprêtres. 

V.  L'évèché  se  divisait  en  doyennés,  et  les  curés  de  chaque 
doyenné  conféraient  ensemble,  une  fois  le  mois,  de  leurs  devoiis. 

VI.  Il  y  avait  des  doyens  laïques,  qui  étaient  des  moniteurs 
publics,  pour  la  correction  des  crimes. 

VII.  I.es  archiprêtres  veillaient  principalement  sur  les  pénitents 
publics. 

VIII.  Nécessité  de  nommer  des  archiprêtres. 

IX.  On  réprime  leurs  premiers  elforts  pour  prendre  les  dé- 
ports des  cures  vacantes,  dont  ils  étaient  chargés. 

X.  Outre  les  archiprêtres  de  la  campagne,  il  y  en  avait  dans 
les  chapitres  des  chanoines. 

XI.  Des  archiprêtres  des  Grecs. 

I.  Les  archiprêtres  suivaient  immédiatement 
après  les  chorévéques;  aussi  ont-ils  été  les  suc- 
cesseurs d'une  partie  de  leur  puissance,  le  reste 
ayant  été  répandu  sur  les  archidiacres,  dont 
nous  parlerons  ensuite. 

Le  capitulaire  de  Louis  le  Débonnaire  les  ap- 
pelle les  aides  et  les  coadjuteurs  des  évêques, 
«  Adjutores  ministerii  eorum  (An.  828,  c.  v).  » 

Le  concile  H  d'Aix-la-Cliapelle,  tenu  en  836, 
condaïune  l'avarice  des  chorévéques,  des  archi- 
prêtres et  des  archidiacres  sur  les  curés  et  sur 


Jeurs  paroissiens.  Ce  qui  montre  qu'ils  exer- 
çaient sur  eux  une  légitime  juridiction,  mais 
qu'ils  en  abusaient  :  «  Comperimus  quorumdam 
episcoiiorum  ministres,  id  est  chorepiscopos , 
archi|)resbyteros  et  archidiaconos,  non  solum 
in  presbjteris,  sed  etiam  in  plebibus,  parochiœ 
suœ  avaritiam  polius  exercere,  quam  utilitati 
ecclesiasticae  dignitatis  inservire ,  populique 
saluli  consulere  (Cap.  iv).  » 

11  est  donc  probable  que  toutes  les  paroisses 
de  la  campagne  étaient  généralementcommises 
aux  soins  d'un  chorévêque ,  d'où  vient  qu'il 
était  appelé,  «  Villanus  episcopus  :  »  mais  que 
les  archiprêtres  avaient  chacun  un  départe- 
ment et  un  certain  nombre  de  cures  à  la  cam- 
pagne, sur  lesquelles  ils  devaient  veiller,  et  ces 
départements  étaient  appelés  doyennés,  pour 
la  raison  que  nous  dirons  en  traitant  ci-dessous 
de  la  dignité  des  doyens. 

En  effet,  il  ne  paraît  jamais  qu'un  chorévêque 
dans  chaque  diocèse,  au  lieu  que  le  capitulaire 
de  Charles  le  Chauve  nous  montre  claiirmcnt 
que  chaque  diocèse  était  divisé  en  plusieurs 
doyennés.  «  Slatuantepiscopi  locaconveiiim'ia 
per  decania«,  sicut  consiituli  sunt  arclii|)ie^by- 
teri  (C.ii)ilul.  Tolosanum,  au.  843,  c.  m).  Mais 


m 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  CINQUIEME. 


en  cet  endroit  il  n'est  parlé  que  des  curés  qui 
sont  éloijinés  de  plus  de  cinq  milles  de  la  ville 
épifcop;ile. 

JE  Le  concile  de  Nantes  (Can.  xi)  veut  que  ce 
soient  les  arcliiprètres  qui  présentent  à  l'évo- 
que ceux  qui  doivent  être  ordonnés.  Mais 
comme  il  ne  parle  que  de  ceux  qui  viennent 
de  la  campagne,  il  paraît  encore  par  là  que  le 
soin  des  paroisses  des  champs  était  partagé 
entre  les  arcliiprètres.  «  Evocandisuntad  civi- 
tattm,  una  cum  archipresbyteriSj  qui  eos  pra?- 
sentare  debent.  b 

Le  capitiilaire  de  l'an  805  (Can.  xxv),  veut 
que  l'arcbiprctre  fasse  faire  le  procès  à  ceux 
qui  sont  les  auteurs  des  maléfices,  sans  qu'il 
leur  en  coûte  la  vie.  «  Yideat  archipresbyter 
diœcesis  illius,  ut  diligentissima  examinatione 
conslringantur  ;  sed  tali  moderatione  fiât  di- 
slrictio,  ne  vitam  perdant.  » 

Le  capitulaire  du  roi  Carloman  (Cap.  vu), 
en  883,  obligeait  les  évêqucs  qui  sortaient  de 
leurs  diocèses,  de  laisser  dans  leur  ville  des 
coadjuteurs  habiles,  et  d'établir  à  la  campagne 
des  prêtres  cai)ables  de  suppléer  àleurabstnce 
et  d'instruire  les  autres  prêtres  :  «  Constituât 
episcopus  presbyteros,  qui  vice  sua  superius 
statuta  perficiant,  ad  quos  alii  presbytiri  ju- 
niores,  et  minus  cauti  suam  causam  référant.  « 
C'était  connue  donner  àdesarchiprêlres  la  qua- 
lité de  grands-vicaires  en  l'absence  del'évêque. 

in.  L'archidiacre  veillait  apparemment  sur 
les  doyens  ruraux,  ou  archiprêtres.  En  voici 
une  preuve. 

Hincmar,  archevêque  de  Reims,  donna  à  ses 
archidiacres  pour  régler  leur  conduite ,  une 
instruction  dont  le  dernier  article  était  de  faire 
élire  un  nouveau  doyen,  si  celui  qui  avait  eu 
cette  charge  ne  s'en  acquittait  pas  comme  il 
devait,  ou  s'il  était  mort  ;  mais  d'user  de  beau- 
couj)  de  circons[)ection  dans  cette  élection  : 
«Si  decanus  in  ministerio  veslro  aut  negligens 
aut  inutilis,  et  incorrigibilis  fueril,  vel  aliqiiis 
eorum  obierit,  non  inconsiderate  decanum 
eligite  (Hincmar,  tom.  i,  p.  741).  » 

IV.  Nous  apprenons  d'un  ancien  règlement, 
qui  est  attribué  au  concile  dAgde,  et  qui  est 
rapporté  par  Réginon,  Rurcliard  et  Gratien, 
que  ces  doyens  sont  les  mêmes  que  les  archi- 
prêtres (Reginn,  1.  i,  p.  291;  Burch.,  1.  xix, 
c.  2G;  Grat.,  d.  i.,  c.  G-4J. 

Ce  règlement,  qui  convient  au  temps  <iue 
nous  lâchons  de  développer,  et  non  pas  à  celui 
du  concile  d'Agde,   ordonne  qu'au  commen- 


cement du  carême  les  pénitents  se  présenfent 
à  la  porte  de  l'Eglise,  où  doivent  être  préstuts 
les  doyens,  c'est-à-dire  les  archiprêtres  des 
paroisses  et  les  prêtres  mêmes,  qui  ont  été  les 
irréprochables  témoins  de  leur  sincère  péni- 
tence. «  Ubi  adesse  debent  dtcani,  id  est,  ar- 
chipresbyteri  parochiarum,  cum  teslibus,  id 
est,  presbyteris  pœnitentium,  qui  eorum  con- 
versationem  diligenter  inspicere  debent.  » 

V.  Tout  le  diocèse  d'un  évêque  était  donc 
|iarlagé  en  doyennés  ou  archiprêtres,  et  les 
évêques  les  plus  zélés  ordonnaient  à  tous  les 
curés  de  chaque  doyenné,  de  s'assembler 
une  fois  le  mois,  pour  conférer  ensemble  des 
obligations  et  des  difficultés  de  leur  ministère. 

Voici  un  article  de  la  constitution  de  Ricul- 
phe,  évêque  de  Soissons  (Cap.  ccii).  «  Ralioni 
quoijuc  proximum  esse  sanximus,  ut  in  unoquo- 
que  mense,  statuta  die,  id  est,  in  calendis 
uniuscujusque  mensis  per  singulas  decanias 
presbyteri  simul  conveniant,  et  de  lus  qufe  in 
eorum  parochiis  accidunt,  sermonem  ha- 
beant.  » 

VI.  Il  y  avait  des  doyens  séculiers,  quoiqu'or- 
dinaircmenl  ils  fussent  prêtres,  et  que  ce  fus- 
sent même  les  arclii(irêtres.  Il  est  certain  que 
dans  les  exemples  précédents  lesdoyensétaient 
des  prêtres,  et  cela  n'est  pas  moins  clair  dans 
ce  chapitre  du  même  Réginon  (L.  i,  c.  213). 
«  Quando  convenerint  presbyteri  ad  convivium, 
decanus,  aut  aliquis  prior  illorum,  versum 
ante  mensam  incipiat,  etc.  » 

Voici  un  autre  décret  rapporté  par  le  même 
Réginon  (L.  ii,  c.  69),  où  on  ne  peut  douter 
que  les  doyens  ne  fussent  des  laïques  très- 
vertueux,  que  l'on  chargeait  du  soin  d'avertir 
et  d'exciter  les  fidèles  aux  devoirs  du  christia- 
nisme, et  d'informer  le  curé  des  crimes  qui  se 
commettaient  dans  la  paroisse.  L'évêque  devait 
prendre  garde  dans  sa  visite,  qu'il  y  eût  de 
de  ces  moniteurs  publics,  ou  de  ces  témoins 
synodaux  dans  chaque  paroisse.  «Si  in  unaqua- 
que  parochia  decani  sunt  per  villas  constituti, 
viri  veraces  et  Deum  timentes,  qui  cœteros  ad- 
moneanl,  ut  ad  ecclesiam  pergant  ad  Matu- 
tinas,  Missam  et  Vesperas,  et  nihil  operis  in 
diebus  feslis  faciant.  Et  si  horum  quis|iiam 
transgressus  fuerit,  presbytère  annuntient  ; 
similiter  et  de  luxuria,  et  omiii  opère  pravo.  » 

VII.  Revenons  aux  arclii|)rêtres,  dont  le 
concile  de  Pavie,  tenu  en  830  (Can.  vi),  nous 
déclare  admirablement  la  nécessité  et  les 
devoirs.   C'était  à  eux  à  exciter  à  la  pénitence 


DES  ARCIIIPnÈTRrS  SOrs  CIIARLEMAGNE. 


Xil 


jiiiblique  tous  ceux  qui  étaient  atteints  de 
crimes  pul)l  es,  et  de  nommer  des  prêtres  ou  des 
curés,  pour  recevoir  les  confessions  des  crimes 
secrets.  «  Oportet  ut  plebium  archipresbyteri 
unumquemque  conveninnt,  quatcnus  tam  ipsi, 
quam  omnesineorum  domibus  commorantes, 
qui  publiée  crimina  perpetrarunt,  publiée  pœ- 
niteant  ;  qui  vero  occulte  deliquerunt,  illis 
confiteantur  quos  episcopi  et  plebium  archi- 
presbyteri idoneos  ad  secretiora  vulnera  men- 
tium  medicos  elegerint.» 

VIII.  Ce  terme  de  Plèbes  dans  ce  canon, 
sigrnifle  une  église  baptismale,  parce  qic  dans 
les  villes  comme  dans  la  campagne  !e  baptême 
ne  s'administrait  que  dans  certaines  églises 
destinées  à  cela  et  non  nas  dans  toutes  les  pa- 
roisses, comme  nous  le  prouverons  plus  bas.  Or 
lesarchiprêlres  rurauxétaient  particulièrement 
chargés  de  ces  églises,  qui  étaient  comme  les 
matrices,  et  de  là  ils  veillaient  sur  les  peuples 
et  sur  les  curés  de  leur  doyenné.  Et  c'est  pour 
cela  que  le  même  concile  commande  absolu- 
ment aux  évéques  de  nommer  des  archiprèlres, 
qui  puissent  les  soulager  en  portant  une  partie 
du  pesant  fardeau  de  l'épiscopat,  dans  l'ins- 
truction des  fidèles,  et  dans  la  direction  des 
curés. 

8  Propter  assiduam  erga  populum  Dei  cu- 
ram,  singulisplebibusarchipresbyterosprôeesse 
volumus,  qui  non  solum  imperiti  vulgi  solli- 
citudinem  gérant,  verum  etiam  eorum  pre- 
sbyterorum  ,  qui  per  minores  titulos  habitant, 
vitam  jugi  circumspectione  custodiant;  et  qua 
unusquisque  industria  divinum  opus  exerceat, 
episcopo  suo  renuntient.  Nec  obtendat  episco- 
pus  non  egere  plebem  archipreshyteris,  quud 
ipse  eam  per  se  gubernare  valeat.  Quia  etsi 
valde  idoneus  est,  decet  tamen  ut  patlatur 
onera  sua,  et  sicut  ipse  matrici  prœest,  ita  ar- 
chipresbyteri praesint  plebibus,  ut  in  nullo 
titubet  ecclesiastica  soUicitudo.  Cuncta  tamen 
ad  episcopum  référant,  nec  aliquid  contra  ejus 
decretum  ordinare  prœsumant.  » 

11  est  manifeste,  dans  le  texte  de  ce  canon,  que 
l'on  met  une  différence  entre  plebem,  qui  est 
Eglise  de  l'archiprètre  et  minores  titulos,  qui 
sont  les  paroisses  et  les  cures  qui  relèvent  de 
l'archiprètre. 

IX.  Le  concile  dePavie  (Can.  v),  en  835,  qui 
fut  tenu  peu  d'années  après,  réprime  d'abord 
l'audace   de  quelques  laïques  qui  s'élevaient 


conire  les  archiprêtres,  parce  qu'ils  avaient  eu 
qut'l(|iio  part,  et  (|u'ils  avaient  contribué  à 
leur  élection  ;  et  il  s'adresse  ensuite  aux  archi- 
prêtres mêmes,  qui  par  une  détestable  cupidité, 
dépouillaient  les  cures  vacantes,  dont  l'admi- 
nistration leur  était  cependant  commise.  «  Tol- 
lenda  est  enim  prava  omnino  consuetudo,  quaî 
in  nonnullis  locis  oriri  cœpit  :  qua  nonnuUi 
archipresbyteri,  vel  aliorum  tilulorum  cu- 
stodes, fruges  vel  aliarum  Ecclesiarum  reditus 
ad  proprias  domos  abducunt.  » 

Voila  peut-être  les  commencements  des 
déports  ou  des  annales  que  les  archiprêtres  ou 
archidiacres  prenaient  sur  les  cures  vacantes,' 
dont  ils  étaient  les  gardes,  et  dont  ils  faisaient 
porter  les  fruits  chez  eux  ;  d'où  vient  peut-être 
ce  terme  de  déport  :  b  Fruges  aliarum  Eccle- 
siarum ad  proprias  domos  abducunt  ;  »  et  dont 
ils  changeaient  la  garde  en  dépouille  ,  c'est-<à- 
dire,  la  conservation  en  pillage.  «  Hujus  expi- 
lationis  tanquam  furti  reos.  » 

X.  Enfin  les  archi pi  êtres  étaient  les  minis- 
tres universels  de  l'évêque  pour  le  gouverne- 
ment spirituel  des  laïiiiies,  des  curés  et  des 
chanoines  même.  C'est  ce  que  Crodogangus  a 
remarqué  dans  sa  règle,  et  ce  que  VaLifride 
Strabon  dit  nettement.  «  Sunt  etiam  archipre- 
sbyteri in  episcopiis  canonicorum  curam  gé- 
rantes (Lib.  de  rébus  Ecclesiast.,  c.  vin,  c. 
ult.).  »  Il  est  vrai  que  ces  archiprêtres  qui  veil- 
laient sur  les  chanoines,  doivent  être  apparem- 
ment distingués  de  ceux  de  la  campagne. 

XI.  Quant  aux  Grecs  ils  avaient  aussi  leurs 
premiers  prêtres,  -:mt'.i:5='5;î:t£:cj;,  qu'ils  appe- 
laient aussi  protopapes,  itpMTCîtâîrTraî.  II  est  parlé 
du  premier  prêtre  dans  le  VIII°  concile  général 
et  du  protopape  dans  Codin  (Act.  2).  Ni  l'un 
ni  l'autre  néanmoins,  ne  répondait  proprement 
à  notre  archiprêtre.  Car  c'étaient  seulement 
les  premiers  d'entre  plusieurs  prêtres  qui 
desservaient  une  église,  ce  que  les  latins  appe- 
laient prêtres  cardinaux,  au  lieu  que  l'archi- 
prètre latin  présidait  à  un  certain  nombre  de 
curés,  de  la  conduite  desquels  il rendaitcompte 
à  l'évêque. 

Le  protopape  du  palais,  dontilestquelquefois 
parlé  dans  Codin,  dans  Zonare ,  dans  Cedre- 
nus  et  dans  les  notices  de  l'empire,  était  aussi 
le  premier  prêtre  de  tout  le  clergé,  qui  faisait 
l'office  dans  la  chapelle  du  palais  impérial. 


3S8 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SIXIÈME. 


CHAPITRE  SIXIE^Œ. 


DES   ARCHIPnÊTRES   DE    LA   VILLE    ET    DE   LA    CAMPAGNE,    DES   DOYENS   RIRAIX  ,    DES    VICAIRES  FORAINS, 
SUIVANT   LES    DROITS   DES    DÉCRÉTALES,    APRÈS    L'aN    MIL. 


I.  Conformilé  dn  droit  nouveau  des  décrélales  avec  l'ancien 
touclianl  les  dignités. 

II.  Divers  règlements  des  conciles  de  ces  derniers  siècles,  tou- 
chant les  pouvoirs  cl  les  devoirs  de  ces  dignités. 

III.  Règleraenls  de  saint  Charles  et  de   ses  conciles  sur  le 
œème  sujet.  Des  vii-aires  forain?  éublis  par  ce  saint  arclievfiiiie. 

IV.  Règlements  des  conciles  de  France,   qui  ont  imité  saint 
Charles. 

V.  Des  conciles  d'Espagne. 

VI.  Combien  la  juriiliclion  contenfieuse  des  archiprèlres  et  des 
doyens  ruraux  était  autrefois  étendue. 

VU.  De  leurs  officiaux.  liaisons  de  diminuer  celte  juridiclion. 
Vlll.  Remarques  de  Fagnan  sur  les  pouvoirs  des  archiprétres 
après  le  concile  de  Trente. 

I.  Les  archiprêtres,  selon  le  droit  nouveau 
des  décrélales,  sont  les  mêmes  qu'ils  étaient 
autrefois.  En  effet  ils  sont  encore  soumis  à  l'ar- 
chidiacre ,  et  doivent  recevoir  ses  ordres  , 
comme  ceux  de  l'évoque  même.  «  Ut  arclii- 
presbyter  sciât  se  subesse  archidiacoiio,  et  cjiis 
prœceplis,  sicut  sui  episcopi  obedire  (Décrétai. 
Gregor.,  1.  i,  t.  xxiv.  De  Officio  Archipresby- 
teri).  » 

Ils  ont  juridiction  sur  les  curés,  et  sur  tous 
les  prêlres,  et  par  une  exacte  assiduité  duns 
l'église,  ils  doivent  célébrer  tous  les  divins  of- 
fices en  l'absence  de  l'évêque,  ou  substituer 
quelque  autre  prêtre  en  leur  place.  C'est  à  eux 
à  réconcilier  les  pénitents  infirmes  avec  l'agré- 
ment de  l'évêque,  et  à  imposer  pénitence  aux 
prêtres.  «  Pœnitenteni  infinnum  consulto  c|)i- 
scopo  reconciliare,  pœnitenliam  cunctis  aliis 
sacerdotibus  injungere.  »  Tout  cela  regarde  les 
archiprêtres  de  la  ville  et  de  l'église  calhédiale 
«  Archipresbyteri  de  urbe.  » 

Dans  le  titre  même  des  décrétales,  «  De  of- 
ficio archipresbyteri,  »  on  passe  aux  archiprê- 
tres ou  doyens  ruraux,  «  Singulae  plèbes  arclii- 
presbyterum  habeant  :  b  Sur  quoi  nous  avons 
déjà  remarqué  ailleurs,  que  le  terme  de  Plèbes, 
signifie  un  assemblage  de  plusieurs  paroisses, 
qui  composent  un  doyenné.  11  doit  y  avoir  au- 
tant d'archiprêtres,  pour  veiller  non-seulement 
sur  les  peuples,  mais  aussi  sur  les  curés.  «  Si- 
cut episcopus  matrici  prœest  Ecclesiae,  ita  ar- 


chipresbyteri proesint  plebibus.  »  Enfin  les  ar- 
cliiprêtres  doivent  informer  l'évêque  de  toutes 
les  affaires  d'un  peu  de  conséquence  :  «Cuncta 
tamen  référant  ad  episcopum  (Ibidem).  » 

Quant  à  leur  inslitutioii  ou  destitution,  le 
pape  Innocent  m  (C.  Ad  hœc.  De  Oflicio  Archi- 
diaconi)  déclare  qu'elle  doit  se  faire  par  un  ju- 
gement concerté  entre  l'évêque  et  l'archidia- 
cre, fiarce  qu'ils  relèvent  de  l'un  et  de  l'autre, 
a  Quœsivisli  ulrum  decani  rurales,  qui  pro 
tempore  staluuntur,  ad  mandatum  tuum  so- 
lum ,  vel  archidiaconi ,  vel  etiani  utriusque 
inslitui  debeant,  vel  deslilui,  si  fuerint  amo- 
vendi.  Ad  hoc  brevlter  respondemus,  quod 
cum  ab  omnibus,  quod  omnes  tangit,  adpro- 
bari  debeat,  et  commune  eorum  decanus 
oflicium  exerceat,  communiter  est  eligendus, 
vel  eliam  amovendus.  » 

La  lettre  xxvii  d'Arnulphe,  évoque  de  Li- 
sieux,  dit  nettement  que  c'est  à  l'archidiacre 
de  présenter  l'archiprêlre  à  l'évêque,  qui  peut 
le  refuser,  s'il  le  juge  indigne  de  cette  charge  ; 
mais  il  ne  peut  instituer  un  archi prêtre  malgré 
l'archidiacre,  parce  que  ce  serait  lui  opposer 
un  autre  archidiacre  dans  son  archidiaconé. 
«  Cum  ei  in  archidiaconatu  suo  alius  quodam- 
modo  archidiaconus  annascatur.  » 

Le  concile  de  Ravenne,  en  tOU,  défenditaux 
archiprêtres,  sous  peine  de  déposition,  de 
donner  la  bénédiction  solennelle  sur  le  peuple, 
de  confirmer  et  de  sacrer  le  saint  chrême. 
«  Nullus  archipresbyter  benedictionem  super 
po|iiilum  det,  non  confirmationem  chrismatis 
faciat,  neque  illud  conficiat.  » 

II.  Le  concile  de  la  province  de  Tours  (Can.  m) 
qui  se  tint  àCliàleau-Gontier,  en  1-2.'3I, ordonna 
aux  patrons,  soit  ecclésiastii|ues,  soit  laïques, 
de  présenter  à  l'archidiacre,  ou  au  doyen  rural, 
ceux  qu'ils  nommeraient  aux  cures  vacantes, 
pour  être  ensuite  par  eux  présentés  à  l'évêque 
ou  à  son  grand-vicaire  ;  ce  qui  est  conforme 
au  concile  de  Nantes  (D.  xxiv,  C.  Quando  épis- 


DES  ARCIIIPRÉ'IRES  DE  LA  VILLE  ET  DE  L.V  CAMPAGNE. 


;i:o 


copus),  qui  veut  que  ce  soient  les  archiprètrcs 
qui  présentent  à  l'évcque  ceux  inii  doivent  être 
ordonné?.  L;i  raison  en  est  (|ue  rarcliiprètro 
éclaire  de  pins  près  tons  les  parliculiers  de  son 
petit  ressort,  et  est  mieux  informé  de  leur  \ie 
et  de  leur  capacité. 

Le  concile  de  la  même  province  (Can.  m,  v), 
qui  se  tint  à  Saumuren  1^253,  char^'ca  les  mêmes 
archiprêtres  ou  doyens  ruraux,  de  veiller  snr 
la  décence  religieuse,  avec  la(iuellc  il  faut  gar- 
der ou  porter  l'eucharistie  et  le  chrême  ;  de 
faire  laver  les  corporaux  par  un  prêtre,  ou  par 
un  diacre  vêtu  d'un  surplis;  et  les  linges 
et  ornements  de  l'autel,  quand  il  serait  néces- 
saire, par  une  vertueuse  fille,  ou  par  quelque 
honnête  matrone. 

Ce  même  concile  leur  enjoignit,  selon  les 
lois  canoniques,  de  prendre  la  prêtrise,  au 
moins  dans  la  première  année  de  leur  promo- 
tion, à  défaut  de  quoi  ils  sont  privés  de  leur 
bénéfice. 

Le  concile  de  Pont-Audemer  (Can.  xxi),  en 
1270,  leur  commande  de  prendre  garde,  sur- 
tout dans  leurs  calendes,  que  fous  les  ecclé- 
siastiques de  leur  ressort  portent  la  tonsure  et 
l'habit  ecclésiastique. 

Le  synode  de  Saintes  (Can.  xv),  en  I3S(), 
ordonne  aux  prêtres  d'avertir  les  doyens  ruraux 
des  crimes  publics  et  scandaleux  qui  se  com- 
mettent, afin  que  les  doyens  en  informent,  ou 
l'archidiacre ,  ou  l'évêque.  «  Peccata  noloria  de 
quibus  scandalum  in  populo  generatur,  signi- 
ficent  sacerdotes  decano,  et  decanus  arclii(]ia- 
cono,  vel  episcopo;  nisi  forte  per  eos  sint 
sopita.  »  En  effet,  si  les  curés  ou  les  doyens  ne 
pouvaient  arrêter  le  cours  de  ces  scandales 
publics ,  et  que  l'évêque  en  fût  averti  par 
d'autres  que  par  eux,  ils  seraient  sujets  aux 
peines  canoniques.  «  Timentes  ne  pœnam  in- 
currant,  si  per  alios  scandalum  deferatnr 
(Can.  Li).  n 

Le  synode  d'Exeter  en  Angleterre  ,  en  l-2s", 
chargea  les  archiprêtres  de  faire  cultiver  les 
terres  et  les  fonds  des  cures  vacantes,  en  se 
faisant  indenuiiser  de  toute  la  dépense.  Pierre, 
archevêque  de  Narbonne ,  manda  à  ses  archi- 
prêtres, environ  l'an  IMl ,  de  ne  point  laisser 
venir  les  abbés  au  concile  provincial  avec  ]ilus 
de  cinq  chevaux  et  un  mulet  de  cliarge  (Conc, 
tom.  H,  part.  2,  p.  1921). 

Dans  les  articles  divers  de  la  réformation  du 
clergé,  qui  furent  dressés  par  le  cardinal  Cain- 
pége,  légat  a  laterc  en  Allemagne ,  en  l'an  1 5-2 1, 


les  archidiacres  cl  les  doyens  ruraux  furent 
chargés  de  veiller  sur  les  bénéflciers,  et  de  les 
contraindre  par  la  saisie  de  leurs  revenus,  de 
faire  toutes  les  réparations  nécessaires  dans  les 
maisons  et  les  fonds  de  leurs  bénéfices.  «  Per 
arcliidiaconos  et  decanos  rurales ,  ac  alios  ad 
qiios  de  jure  et  consuetudine  spectat,  ubi 
négligentes  fuerint ,  per  subtraclioncm  pro- 
ventuum  autoritale  nostra  artius  compellantur 
(Cnn.  u).  » 

Dans  le  synode  d'.\ugsbourg  (Can.  xvin,  xix), 
en  l'an  1330  ,  il  fut  ordonné  que  dans  les  deux 
synodes  qui  se  tiendraient  tous  les  ans,  on 
concerterait  tous  les  points  de  la  réforme  né- 
cessaire du  diocèse,  avec  les  archidiacres  el 
les  doyens  ruraux,  sur  qui  l'évêque  doit  se 
décharger  d'une  partie  de  sa  sollicitude.  «  Et 
quos  vocamus  decanos  rurales,  qui  vocati  sunt 
in  iwrtem  sollicitudinis  e|)iscopalis.  Et  quse  ex 
illoruiu  jiidicio  reformatione  opus  habere 
comperientur,  communi  consilio  emenden- 
iur.  »  Ces  doyens  sont  ensuite  chargés  de 
publier  dans  le  diocèse  les  ordonnances  du 
synode  épiscopal,  et  celles  du  concile  de  la 
province. 

Un  autre  synode  d'Augsbourg  (Can.  n),  en 
iriiS,  ordonna  aux  doyens  ruraux  de  lire  deux 
fois  tous  les  ans  dans  leur  assemblée  des  curés. 
in  Capitula,  les  ordonnances  synodales  du 
diocèse. 

Ce  même  synode  (Can.  vu),  après  avoir  dit 
([ue  ceux  que  les  anciens  appelaient  cliorévê- 
(]ues  dans  l'Eglise  grecque  ,  éùiient  les  mêmes 
qu'on  appelle  présentement  ou  arcbidiacn-s . 
ou  archiprêtres,  (|uoique  dans  le  diocèse  d'Augs- 
bourg on  ne  nommât  archidiacres  que  ceux 
qui  gouvernaient  la  banlieue  de  la  ville  d'Augs- 
bourg, tous  les  autres  portant  la  qualité  de 
doyens  ruraux ,  leur  enjoint  après  cela  de 
tenir  leurs  assemblées  ordinaires  :  «  Capitula 
sua  ruralia,  sicut  hactenus  consuetum  fuit, 
congregent;  »  d'obliger  les  curés  à  instruire 
leurs  paroissiens,  de  ne  consulter  que  d'habiles 
gens  dans  leurs  doutes,  de  ne  point  faire  d'exac- 
tions illicites,  de  faire  deux  fois  l'année  la 
visite  entière  de  toutes  les  paroisses  de  leur 
doyenné ,  et  de  rapporter  au  synode  fous  les 
abus  qu'ils  n'auront  pu  corriger,  ou  si  ce  retar- 
dement leur  paraît  dangereux,  d'en  informer 
au  plus  tôt  l'évêque,  qu'ils  avertiront  aussi 
incessamment  s'ils  viennent  à  s'apercevoir  de 
queliiue  intrusion  dans  les  bénéfices,  ou  de 
(juelquc  dispense,  ou  absolution  subreptice  ; 


3G0 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CIlAriTRE  SIXIÈME. 


enfin  on  les  conjure  de  s'acquitter  de  tous  ces 
devoirs,  avec  la  fidélité  dont  ils  ont  prêté  ser- 
ment à  leur  évèque.  o  Ouos  fulei  jnniinento 
nobis  pracstitae  super  hocadmonennis.  » 

On  les  charge  de  ne  point  soulfrir  qu'on 
expose  d'images  ou  de  statues  à  la  vénération 
publique  des  fidèles ,  qu'elles  n'aient  été  pré- 
sentées à  ré>èque  ou  à  son  vicaire-général, 
de  faire  une  exacte  recherche  de  tous  les  livres 
hérétiques  ou  suspects  d'hérésie  ,  et  de  les 
envoyer  tous  à  l'évêque. 

Le  concile  H  de  Trêves  (Can.  xiii),  en  1549, 
1^  ordonna  (jue  tous  les  curés,  dans  la  première 
année  de  leur  prise  de  possession  ,  prêteraient 
serment  à  leur  doyen  rural ,  seraient  ensuite 
reçus  dans  sa  confraternité,  se  trouveraient 
aux  assemblées  générales  des  curés  une  fois 
l'an,  et  outre  cela  toutes  les  fois  que  le  doyen 
rural  en  indiquerait  une  pour  des  besoins  pres- 
sants. «  Prœstet  juiamentum  decano ,  quo 
prœstito  in  fratrem  recipiatur  ;  et  tenebitur  in 
capitulis  generalibus  et  annalibus,  et  simililer 
t|uando  necessitate  occurrente  decanus  capitu- 
lum  indicit  sub  pœnis  consuelis  comparere.  » 

Le  concile  de  Cambrai  (Art.  3,  c.  vi),  en  1503, 
enjoignit  aux  doyens  de  chrétienté  de  visiter 
tous  les  six  mois,  ou  au  moins  une  fois  tous 
les  ans  toutes  les  écoles  des  \illages,  et  d'en 
faire  leur  rapport  à  l'évêque.  Sur  quoi  je  ne 
puis  in'empêchcr  de  remarquer  que  vraiseni- 
blablunu  ni  on  les  a|)iiilait  doyens  de  chrétienté, 
parce  qu'ils  élaicnt  préi)Osés  à  des  églises  que 
l'on  xiommùi  ph'bes,  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  remarqué  ci-dessus  plusieurs  fois,  églises 
que  l'on  nommait  biqitismales,  parce  que  l'on 
y  baptisait  tous  les  petits  enfants  nés  dans  tout 
le  cours  de  ce  décanat  :  c'est  l'explication  que 
seiuble  porter  avec  soi  le  mot  de  chrétienté  en 
français  ;  c'est  même  l'idée  que  semble  nous  en 
donner  saint  Charles  Borromée,  comme  nous 
verrons  ci-après. 

m.  Les  conciles  de  Milan,  sous  le  grand  saint 
Charles  (Act.  Eccles.  Mediol.,  p.  133,  172,  250, 
311),  obligent  les  archiprêtres  de  faire  l'office 
de  prêtre  assistant,  quand  l'évêque  célèbre 
solennellement,  de  précéder  l'évêque  dans  les 
lieux  où  il  doit  faire  la  visite,  pour  y  disposer 
les  peuples,  d'administrer  l'Eucharistie  aux 
curés  de  la  ville,  quand  ils  sont  frappés  de  la 
peste,  et  à  l'évêque  même  quand  il  est  malade. 
El  quand  saint  Charles  a  défendu  aux  archi- 
prêtres ,  soit  de  la  ville  ,  soit  de  la  cami>agne , 
de  faire  le  baptême  solennel  des  enfants  nés 


dans  la  semaine  devant  Pà(jncs,  ou  devant  la 
Pentecôte,  parce  que  cette  cérémonie  est  réser- 
vée à  l'archevêque  de  Milan,  et  que  ces  enfants 
ne  iloivent  être  baptisés  que  dans  l'église  métro- 
jiolitaine,  il  montre  bien  que  hors  de  cette  ren- 
contre ce  droit  appartenait  à  l'archiprêtre  qui 
pnsidait  aux  églises  baiitismales,  qu'on  appe- 
lait autrefois  Plcbes  (Ibid.,  p.  498). 

Quant  aux  archiprêtres  de  la  campagne ,  les 
mêmes  conciles  de  Milan  leur  enjoignent  de 
visiter  les  curés  malades.  «  Pkhanus  velarchi- 
presbyter,  vel  prœpositus  ;  in  cujus  plebaniae, 
aut  archipresbyteratus,  pra^posituraîve  finibus 
u'i^rotus  habitat  (Acta  Eccles.  Mediol.,  p.  6", 
337.  338.)  »  Dans  la  province  de  Milan,  au 
moins  les  archi|irêlrés  étaient  distingués  des 
prévôtés,  et  on  divii^ait  les  évèchés  en  prévôtés, 
en  sorte  que  toutes  les  cures  de  la  ville  et  de  la 
campagne  devaient  être  incorporées  à  quel- 
qu'une de  ces  prévôtés  sans  en  excepter  celles 
où  étaient  les  archiprêtres,  comme  il  paraît 
par  divers  endroits  des  actes  de  l'Eglise  de 
.Milan. 

Il  paraît  par  là  que  les  archiprêtres  de  celle 
province  étaient  bien  différents  de  ceux  dont 
nous  venons  de  parler,  et  que  c'étaient  peut- 
être  ces  prévôts  qui  approchaient  le  plus  de  nos 
doyens  ruraux. 

Ce  fut  aussi  peut-être  ce  qui  porta  saint  Char- 
les à  établir  les  vicaires  forains  dans  son  pre- 
mier concile  provincial,  et  à  les  charger  de 
toutes  les  fonctions  qu'on  avait  autrefois  com- 
mises aux  archiprêtres,  ou  aux  doyens  ruraux 
(Conc.  I.  Mediol.,  c.  xxix);  à  tenir  leurs  assem- 
blées ou  chapitres  une  fuis  le  mois  ;  à  y  confé- 
rer avec  les  curés  de  leurs  obligations  com- 
numes,  et  des  cas  de  conscience  difficiles;  à 
veiller  sur  la  vie  des  curés,  et  sur  l'administra- 
tion de  leur  paroisse;  enfin  ce  concile  voulut 
que  les  vicaires  forains  fussent  révocables  au 
gré  de  l'évêque  :  «  Hi  autem  vicarii  voluntale 
episcopi  ab  officio  amoveri  semper  possint,  ac 
ëi  maie  administraveriut,  pœnas  dent  ejusdem 
episcopi  judicio.  » 

Quoiiiue  ce  concile  désire  que  la  charge  de 
vicaire  forain  soit  principalementcommise  aux 
archiprêtres  ou  aux  archidiacres,  ou  aux  pré- 
vôts du  diocèse ,  il  est  certain  que  ce  n'était 
alors  qu'une  commission  que  l'évêque  leur 
confiait  et  qu'il  pouvait  révoquer  quand  il  le 
jugeait  à  propos  (Ibidem). 

Saint  Charles  jugea  que  cette  dépendance 
absolue  de  la  volonté  de  l'évêque  les  rendrait 


DES  AnciiiPKrrrr.Ks  dk  i.\  villk  et  de  l.v  cami'agxe. 


3ol 


plus  vigilants  et  plus  exacts  à  remplir  tons  ks 
devoirs  de  leur  charge  :  ce  (|iii  était  d'aiilaiil 
plus  vraisemblable,  qu'il  était  aussi  fort  appa- 
rent que  toutes  les  mêmes  obligations  avaient 
été  autrefois  attachées  à  la  qualité  d'archiprétre 
même  dans  l'Italie  ;  mais  ils  s'en  étaient  reKà- 
chés  parce  qu'ils  possédaient  cette  dignité  en 
litre  d'office. 

On  substitua  donc  aux  archiprêtres  relâchés 
des  vicaires  forains,  dontlacommission  futqiiel- 
quefois  confiée  aux  archiprêtres  mêmes,  de  la 
même  manière  que  nous  verrons,  dans  les  cha- 
pitres suivants,  qu'on  subrogea  les  grands- 
vicaires  et  les  officiaux  aux  archidiacres,  qu'on 
a  souvent  revêtus  eux-mêmes  de  ces  mêmes 
commissions. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  détailler  toutes  les 
fonctions  dont  saint  Ciiarles  chargea  ses  vicai- 
res forains,  à  l'égard  des  conférences,  des  éco- 
les, des  curés,  des  réguliers,  de  tous  les  ecclé- 
siastiques, des  pécheurs  publics  et  scandaleux. 

Ou  peut  s'instruire  de  ce  merveilleux  détail 
dans  la  lecture  des  Actes  de  l'Eglise  de  Milan. 
Je  dirai  seulement  que  dans  les  diocèses  oi^i  la 
dignité  de  doyen  rural  n'est  pas  déterminé- 
ment  attachée  au  curé  de  quelque  paroisse, 
mais  où  elle  dépend  entièrement  du  choix  (|ue 
l'évèciue  fait  de  l'un  d'entre  les  curés,  pour  au- 
tant de  ttmps  qu'il  le  trouve  à  propos,  cesar- 
chiprêlres  sont  les  mômes  eue  les  vicaires  fo- 
rains de  saint  Charles.  11  n'y  aurait  qu'à  exiger 
la  même  infatigable  application  aux  devoirs  du 
ministère  paftoial,  dont  l'evêque  se  repose  sur 
eux,  et  dont  il  leur  demande  compte  plusieurs 
fois  cha(iue  année. 

IV.  Les  conciles  de  Matines  en  1570  et  en 
1C07,  déclarèrent  que  les  archiprêtres  seraient 
établis  au  choix  de  l'évêque,  qui  ne  leur  com- 
mettrait qu'autant  de  paroisses  qu'ils  en  pour- 
raient conmiodément  gouverner,  etqui  les  rap- 
pellerait et  les  changerait  à  sa  volonté.  C'est 
aussi  à  l'évêque,  selon  ces  conciles,  à  régler  les 
procurations  des  doyens  des  chrétientés,  pen- 
dant qu'ils  font  leurs  visites,  si  c'est  la  cou- 
tume qu'ils  en  fassent  (Conc.  gêner.,  tom.  xv. 
pag.  800,  818,  1360).  Us  doivent  faire  leur  as- 
semblée une  foisthique  année. 

Le  concile  de  Reims  de  1583  (Ibidem,  pag. 
913,  914),  obligea  les  doyens  ruraux  de  tenir 
leurs  calendes  au  plus  deux  fois  l'année,  pour 
ne  pas  surcharger  le  clergé  de  dépenses,  d'y 
terminer  amiablement  les  difl'erends  personnels 
entre  les  ecclésiastiques,  de  visiter  les  paroisses 


de  leur  ressort,  enfin  de  rendre  comiite  au 
synode  diocésain  de  l'évêque  de  leurs  calendes 
et  de  leurs  visites. 

I.e  concile  d'Aix,  en  ITiS'i,  (Ibid.,  p.  1181, 
118i),  suivant  pas  à  pas  et  copiant  presque  mol 
à  mot  les  ordonnances  de  saint  Charles,  institua 
les  vicaires  forains  chacun  sur  dix  cures  au 
plus,  avec  les  mêmes  pouvoirs  et  les  mêmes 
obligations,  qu'on  peut  lire  dans  les  actes  de 
l'Eglise  de  Milan. 

Le  concile  de  Toulouse,  en  1590  (Ibid.,  p. 
i  389),  laissa  au  jugement  de  l'évêque,  s'il  était 
à  propos  de  subroger  des  vicaires  forains,  ou 
au  défaut  ou  à  la  négligence  des  archiprêlres 
et  des  archidiacres.  «  Vicarii  quos  foraneos 
vocant,  non  minime  episcopis  esse  consueve- 
runl  levamento.  Videbunt  igitur  ciiiscopi,  an 
archidiaconorum  et  archipresbyteroruni  aul 
penuria,  aul  defectus  vicariorum,  cjusmodi 
operam  requiral.  » 

L'assemblée  du  clergé  de  France  à  Melun  en 
1579,  ordonna  que  les  archiprêtres  ou  vicaires 
forains  rendraient  raison  de  leur  conduite  à 
révê(|ue,  une  fois  tous  les  trois  mois.  «  Tertio 
quolibet  mense  rationem  reddere  tenerentur 
(Conc.  Noviss.  Gall.,  p.  113).  » 

Le  concile  d'Aquilée,.en  1596,  imita  de  près 
la  divine  police  que  saint  Charles  avait  établie 
dans  la  province  de  Milan,  et  institua  des  vicai- 
res forains  avec  les  mômes  droits  et  les  mêmes 
obligations  (Conc.  gênerai.,  t.  xv,  p.  1519). 

V.  Enfin  le  concile  de  Tolède  en  1.566,  nous 
apprend  que  les  évêchés  d'Espagne  étaient 
aussi  divisés  les  uns  en  plusieurs  archidiaconés, 
les  autres  en  plusieurs  archiprêtres.  Les  archi- 
prêtres y  exerçaient  la  juridiction  spirituel'»; 
([ue  le  droit  leur  accorde  (Ibid.,  p.  782). 

C'est  pour  cela  que  le  concile  de  Lérida,  en 
[1^29,  défendit  de  donner  ces  offices  pour  un 
temps  el  avec  charge  de  payer  une  pension 
annuelle.  «  Cum  archiprcsbyteratus  spiritua- 
leni  jurisdictionem  habeat,  distiicte  prohibe- 
mus,  ne  archipresbyteratus  subaliqua  pensione 
ad  terminum  alicui  concedalur  (Constitutiones 
concil.  Tarracon.,  p.  21,  24).  » 

11  est  fait  mention  dans  les  mêmes  conciles 
de  Tarragone  des  doyens  forains,  «  Decani 
foranei,  »  qui  doivent  être  prêtres,  parce  que 
l'évêque  les  coumiet  pour  juger  les  causes 
ecclésiastiques.  «  Quia  non  decet  causas  eccle- 
siaslicas  per  personas  laicas  pertractari ,  ne 
de  cœtero  siut  decani  foranei ,  nlsi  presbyteri, 
vel,  etc.  » 


DU  SECO>D  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SIXIEME. 


VI.  Si  ces  derniers  siècles,  surtout  depuis  cet 
incompnrable  modèle  de  réformation  que  le 
grand  saint  Charles  a  fait  briller  aux  yeux  de 
toute  l'Eglise,  ont  donné  beaucoup  d'étendue  à 
la  juridiction  volontaire  des  arcliipr(Mr('s,  des 
doyens  ruraux  et  des  vicaires  forains,  il  faut 
avouer  aussi  qu'ils  ont  à  proportion  beaucoup 
retranché  de  leur  juridiction  contentieuse. 

Le  concile  de  la  province  de  Tours  (Cap.  iv), 
qui  se  tint  à  Laval  «  ad  vallem  Guidonis  »  en 
1242,  leur  défendit,  aussi  bien  qu'aux  archidia- 
cres, de  juger  des  causes  matrimoniales,  de 
celle  de  la  simonie,  et  enfin  de  celles  où  il 
s'agissait  de  la  déposition,  de  la  dégradation, 
ou  de  la  perte  des  bénéfices,  s'ils  n'avaient  \me 
commission  parliculicre  de  l'évcqiie.  a  Nisi  de 
speciali  mandato  sui  pontificis  nullatenus  co- 
gnoscere  vel  definire  prœsumant  de  causis  ma- 
trimonialibus,  simoniœ,  vel  aliis  qune  degra- 
dalionem,  vel  amissionem  beneficii,  vel  depo- 
sitionem  exigant.  »  Ce  concile  leur  défendit 
aussi  d'avoir  des  officiaux. 

Toutes  ces  défenses  avaient  déjà  été  faites  au 
concile  de  Château  Gonlier  (Can.  vin)  en  4231, 
et  elles  furent  réitérées  dans  celui  de  S.iumur 
en  12.'i3,  où  on  ne  leur  permit  déjuger  et  de 
prononcer  hors  les  villes,  qu'en  propre  per- 
sonne, et  non  pas  par  des  officiaux,  ou  des 
substituts  à  gages:  «Ne  archidiaconi,  archi- 
l)resb\teri,  seu  decani  rurales,  et  alii  minores, 
jurisdictionem  ccclesiasticam  liabentcs ,  extra 
civil, item  officiâtes,  vel  aliocatos  habeant  :  sed 
extra  civitatem  in  propriis  personis  suum  dili- 
genter  ex|)leant  olficium.  » 

Le  concile  de  Langez  (Can.  n,  Spicileg.,  tom. 
II,  p.  229),  en  1278  réitéra  la  même  défense, 
contre  les  officiaux  des  archiprèlres  et  des  ar- 
clùdi.icres,  qui  n'obéissaient  qu'avec  beaucoup 
de  peine  à  ces  décrets. 

Les  ordonnances  synodales  d'Angers  en  1282, 
assignèrent  aux  trois  archidiacres,  aux  trois 
archiprètres,  et  aux  quatre  doyens  ruraux,  en- 
tre lesquels  tout  l'évêché  était  partagé,  deux 
ou  trois  villes,  ou  places  considérables  où  ils 
devaient  rendre  justice,  «  ubi  causas  et  placila 
audirent»  et  déterminèrent  le  nombre  de  leurs 
appariteurs. 

I^e  synode  de  Poitiers,  tenu  en  1280,  nous 
a|)prend  que  celte  longue  résistance  des  archi- 
prèlres à  tant  de  commandements  canoniiiues, 
1  rovenait  d'une  insatiable  avarice,  qui  les  por- 
tait à  établir  divers  tribunaux  de  justice  dans 
leur  ressort,  et  autant  de  vicaires-généraux  ou 


d'officiaux,  pour  instruire  les  procès,  pour 
examiner  les  contrats  et  les  testaments,  et  pour 
juger  même  en  leur  absence  ;  «  .\rchipresbyteri 
lucrum  quierentes  proprium,  non  commodum 
suhjectorum,  etc.  » 

Ce  synode  les  réduit  à  un  seul  tribunal,  ou 
tout  au  plus  à  deux,  si  c'était  une  ancienne 
coutume  qu'ils  en  eussent  plusieurs.  «  In  uno 
loco  tantummodo  sit  contentus,  nisi  sunt  taies, 
qui  vel  quorum  praedecessores  consueverunt 
ab  antiquo  in  duabus  villis,  vel  pluribus  au- 
dientiam  exercere.  Et  illi  duorum  locorum  ad 
hoc  anti(piitusassnetorum  numeriim  non  excé- 
dant (Conc,  tom.  ii,  part,  i,  p.  1 138).  » 

Enfin,  ce  synode  leur  interdit  les  causes  ma- 
jeures, du  mariage,  de  la  simonie,  des  sortilè- 
ges, usures  et  autres  semblables. 

Le  concile  de  Saumur,  en  1294,  découvrit  et 
condamna  l'abus  de  quelques  archiprèlres,  qui 
remettaient,  pourdes  amendes  pécuniairesqu'ils 
s'appropriaient,  les  crimes  énormes  d'adultère, 
de  fornication,  d'inceste,  et  d'autres  dont  ils  ne 
pouvaient  absoudre  :  «  Pro  adulterio,  fornica- 
tione  ,  incestu  ,  et  aliis  excessibus  ,  in  quibus 
dispensare  non  possunt,  a  clericis  et  l.iicis 
pœnam  pecuniariam  contra  canonum  prohibi- 
tionem  exigimt  et  extorquent  (Conc,  tom.  n, 
part.  II,  p.  1396).  » 

VII.  Ce  môme  concile  (Can.  iv,  ibid.),  con- 
damne les  archiprctres,  qui  avaient  des  offi- 
ciaux, pour  examiner  les  contrats  et  les  sceller 
en  leur  absence  :  «  Ne  clericos  cursores  et 
(|uasi  cxploratores  ad  audiendas  confessiones 
contrahentium  de  c;ctero  teneant,  nec  ad  rela- 
tionem  eorum  litteras  sigillent,  ac  si  in  eorum 
procsentia  f.icl;r  fuissent.  » 

Le  synode  deiiayeux,en  1300,  interdit  les 
causes  matrimoniales  à  tous  les  juges  infé- 
rieurs ,  les  réservant  à  l'évèque  seul  (Ibid., 
p.  14Gl).  Enfin,  le  concile  de  Ravenne  (Cap. 
xciv,  cap.  XIII,  ibid.,  p.  106(5)  en  1317,  con- 
damna les  archiprèlres,  et  les  juges  inférieurs, 
qui  entrc|irenaient  de  faire  le  [irocès  à  des  cu- 
rés et  à  d'autres  bénéficiers,  jusqu'à  les  dépo- 
ser ;  ce  qu'il  ^it  avec  vérité  être  très-contraire 
aux  canons,  qui  réservaient  à  l'évoque  seul  la 
déposition. 

Les  canons  que  nous  venons  d'alléguer  nous 
montrent  la  grande  étendue  de  la  juridiction 
contentieuse  des  ai'chiprètrcs,  et  les  justes  rai- 
sons qu'on  eut  ensuite  de  lui  donner  des  bornes 
plus  étroites.  Il  n'est  i)as  hors  d'apparence  que 
les  évoques  leur  avaient  délégué  durant  quel- 


DES  ARCHIPRÉTRES  DE  LA  VILLE  ET  DE  LA  CAMPAGNE. 


363 


qiies  siècles  celte  grande  autorité  ;  qu'une  lon- 
gue durée  de  temps,  et  la  suite  même  de  quel- 
ques siècles,  avait  fait  passer  cette  délégation 
pour  un  droit  commun  et  ordinaire,  et  la  com- 
mission pour  un  otflce  ;  et  que  les  abus  s'y 
étant  ensuite  glissés,  on  révocjua  ces  pouvoirs 
avec  encore  plus  de  justice,  qu'on  ne  les  avait 
accordés. 

Le  concile  de  Pont-Audemcr,  en  1279,  laissa 
aux  archiprèlres  le  pouvoir  de  suspendre  et 
d'excommunier,  pourvu  que  ce  fût  par  écrit, 
a  Decani  rurales  exercentes  jurisdictioneni, 
non  suspendant,  vel  excommunicent,  nisi  in 
scriptis  ^Cotic,  tom.  xi,  part,  i,  p.  1047,  can. 
XVI.  Sydonicum  Rotom.,  p.  243,  253,  254,  259; 
p.  213,  216).  »  Ce  [jouvoir  ne  leur  fut  pas  sous- 
trait par  les  conciles  ci-dessus  rapportés,  parce 
que  la  seule  déposition  semble  leur  y  être  inter- 
dite. On  peut  voir,  dans  la  compilation  qu'on 
vient  de  donner  dts  conciles  et  des  synodes  de 
Rouen,  les  diverses  règles  ou  limites  qu'on 
donna  à  la  juridiction  des  doyens  ruraux.  Il  y 
a  quelque  chose  de  fort  singulier  dans  un 
doyenné  ou  l'abbé  d'Aumale  devait  nommer. 

VIII.  Fagnan  remarque  :  l°que  les  doyennés 
ruraux  ne  peuvent  être  mis  entre  les  dignités, 
non  plus  que  les  prévôtés  et  les  prieurés  qui 
sont  de  même  nature,  et  qui  ont  les  mêmes 
fonctions,  parce  qu'ils  n'ont  nulle  juridiclion. 
a  Non  babent  dignitalem,  cum  non  babeaiit 
praerogativam  super  alios,  vel  jurisdictiouem 
(In  1.  I.  Décrétai.,  par.  t.  xxii,  p.  219,  221).  » 
2°  Les  archiprétrés  sont  à  la  vérité  au  rang  des 
dignités,  mais  n'ayant  point  assez  souvent  de 
charge  d'àmes ,  quoique  selon  le  droit  des  dé- 
crétâtes, il  fallût  avoir  reçu,  ou  recevoir  au 
plutôt  la  prêtrise,  pour  les  posséder  ;  après  le 


concile  de  Trente  (Sess.  xxiv,  c.  xn),  il  suffit 
d'avoir  vingt-di  ux  ans  pour  en  être  pourvu,  et 
il  n'y  a  point  de  nécessité  d'être  prêtre.  3°  L'ar- 
chidiacre est  comme  le  vicaire  de  la  juridiction 
épiscopale,  et  l'archiprêtre  est  le  vicaire  de 
l'évêque  pour  la  célébration  des  sacrements, 
des  offices,  des  cérémonies,  et  des  bénédictions 
sur  le  peuple  (F.ignan.,  ibid.,  1374,  375,  etc.). 
A"  L'aichiprêtre  est  soumis  à  la  juridiction  de 
l'archidiacre,  dans  les  points  où  le  droit,  ou 
bien  la  continue  l'y  ont  assujetti  :  mais  après 
cela  il  est  bien  au-dessus.  5°  Quoique  cela 
n'empêche  pas  que  rarchidiacre  n'ait  encore 
droit  de  visite  et  de  correction  sur  l'archiiirê- 
tre,  même  dans  ses  fonctions  d'archi prêtre. 
G"  Quoique  les  archiprèlres  et  les  archidiacres 
ne  soient  que  les  vicaires  de  lévêque,  ils  le 
sont  pourtant  en  litre  d'ofûce  et  de  dignité  : 
ainsi  ils  ne  sont  pas  révocables.  Il  est  visible 
que  ce  canoniste  ne  parle  que  des  archiprèlres 
des  Eglises  cathédrales.  7°  Enfin,  comme  il 
peut  y  avoir  des  arehi prêtres  qui  aient  charge 
d'âmes,  il  faut,  selon  le  même  décret  du  con- 
cile de  Trente,  que  ceux  qui  en  sont  pourvus, 
aient  atteint  l'âge  de  vingt-cinq  ans. 

Nous  dirons  ci-après  comment  les  archi- 
prèlres et  les  doyens  de  la  campagne  ont  laissé 
échapper  leur  juridiction,  n'ayant  plus  que  le 
droit  de  faire  quelques  corrections  sans  forme 
de  jugement,  et  rapporter  toutes  choses  a  l'é- 
vêque. 8"  J'ajouterai  seulement  ici  que  la  con- 
grégation du  concile  a  adjugé  aux  archiprèlres 
des  Eglises  cathédrales  les  oQrandes  qui  s'y 
font,  parce  que  ce  sont  eux  qui  y  sont  chargés 
du  soin  des  âmes,  et  de  l'administration  des 
sacrements  (Barbosa,  de  Paroch.,  c.  xxv,  n. 
27,  20)  (1). 


(1)  Aujourd'hui  tes  archidiacres,  les  archiprèlres  et  les  doyens  De 
sont  plus  des  dignités,  car  toute  dignité,  comme  on  sait,  a  une  juri- 
dictioa  propre.  Ce  ne  sont  plus  que  des  titres  honorifiques  avec  telles 
attributions  que  l'évêque  accorde.  GéDéralement  les  vicàires-généraui 
sont  archidiacres  d'une  circonscription  déterminée  par  I  evéque,  mais 
ils  n'ont  plus  la  juridiction  volontaire  et  coctentieuse  qae  possédaient 
les  anciens  archidiacres,  iis  n'ont  que  la  juridiction  de  vicaire-2êr.é- 
ra!.  Dans  certains  diocèses,  on  donne  le  litre  d'archiprétre  aux  curés 
d'arrondissemeni,  e:  le  litre  de  doyeu  aux  curés  de  caoton.  Dans 
d'autres,  au  contraire,  les  curés  de  canloo  sont  tous  archiprétrés.  Mais 
ici  encore  ce  sont  des  noms  sonores  sacs  autre  attribution  que  celle 
d'avoir  une  surveillance  générale  sur  leur  arrondissement  ou  canton, 
de  faire  la  correction  frateroelle  aux  prêtres  qui  s'oublient,  et,  en  cas 
de  penêvérajîce  dans  !e  mal,  d'avertir  l'évêque.  L'ariicle  168  des 
statuts  du  diocèse  d'Avignon  donne  une  idée  très-exacte,  croyons- 
nous,  des  droits  accordés  aux  archiprétrés  et  doyens  de  l'Eglise  de 
France,  dans  presque  tous  les  diocèses  :  Decrctorum  synoJ/jlium 
violatores  cum  omni  ckaritate  admoneant  ;  qnos  si  inobedienles 
invenerint,  post  fraternam  et  iteratam  sed  infrncluosom  correctio- 
nem  nobis  denuntient.  De  culpis,  excessihus  et  defectibus  gravis 
momenti  statim  certiores  nos  reddant.  At^tineant  tamen  a  confi' 
ciendis  contra   reo^  processibus^  quos  dicunt  informativos  ad  nor- 


mam  juriSj  douée  a  nobis  licenciam  hnheant.  Invigitabunt  super 
vita,  fide  et  morihus  tum  clerï  fum  populi.  Diligeiiter  inquiretil  de 
canonica  parochorum  re.sidencia,  de  Ver/,i  divini  prœdicutiune,  de 
catechtzandis  pueris.  de  frequentia  et  recta  adminisiratione  sacra- 
mentOTum^  de  visitationc  et  cura  infimwrum,  de  divini  cuitus  de- 
ceniia,  de  sacrœ  supellectilis  et  sacrorum  vasorum  nitore,  de  Eccle- 
siarum  oniatu. 

D'après  le  Concordat  espagnol  de  1^51,  les  chapitres  ont  pour  di- 
gnités le  doyen,  premier  siège  post  pontificalem,  l'archiprêtre,  l'ar- 
chidiacre, le  grand-chantre  et  l'êcolàlre. 

11  est  évident  d'après  cela,  qu'outre  qu'ils  ont  perdu  partout  leur 
juridiction  propre,  le&  archiprétrés  et  les  archidiacres  n'ont  plus  de  lieu 
fixe,  puisqu'icj  ils  sont  dignitaires  du  chapitre.  En  Lombardie.  tous 
les  curés  sont  appelée  archiprétrés.  Dans  quelques  diocèses  de  France, 
ce  titre  n'est  donné  qu'au  curé  de  la  cathédrale.  Ceci  se  rapproclie 
beaucoup  plus  des  anciens  archiprèlres  qui  étaient  toujours  attachés 
au  siège  êpiscopal  pour  remplacer  l'évêque  empêché  dans  les  céré- 
monies publiques  et  l'adminislration  des  sacrements.  Les  archi- 
prèlres d'arrondissement  modernes,  avec  leurs  pentes  attributions, 
sont  les  successeurs  des  vicaires  forains  et  seraient  plus  justement 
appelés  de  ce  nom.  (Dr  André.) 


M 


DU  SKCOM)  Or.DRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SFPTIÉ.ME. 


CHAPITRE   SEPTIEME. 


DES    GRA>DS-\ICAIRES    DES    ÉVÊQIES ,    ET    DES   PÉNITENCIERS   PENDANT    LES    PREMIERS 

SIÈCLES  DE  l'Église. 


I.  Les  chnrévèqiics  étaient  enx-mèmes  les  grands-vicaires  l'c 
l'évêque  iiour  les  paroisses  des  champs. 

II.  Kïemples  des  grands- vicaires.  Leur  modèle  parfait  dans 
saint  Grégoire  de  Nazianze  et  saint  Basile,  cnrnrc  prêtres. 

III.  Grégoire  ne  voulut  point  être  vicaire-général  de  Basile  fait 
évcque. 

IV.  Autre  modèle  des  grands-vicaires  dans  saint  Ctirysostonie. 

V.  Dans  l'Eglise  latine,  saint  Simplicien  fut  grand-vicaire  de 
saint  Ambroise  à  Milan. 

VI.  Saint  Augustin  le  fut  de  Valère,  dans  Hippone. 

VII.  Ce  grand-vicaire  était  en  même  temps  roflicial,  le  péni- 
tencier, le  llicologal,  et  le  curé  de  l'c^'lise  calliédrale. 

VIII.  Les  évéques  exerçaient  alors  eui-mèmes  presque  tou- 
jours toutes  ces  tondions. 

IX.  Les  grands-vicaires  étaient  aussi  comme  les  coadjuteurs, 
et  très-souvent  les  successeurs  des  évéques. 

X.  C'est  à  quoi  tendaient  les  canons,  qui  voulaient  que  les 
évccjues  fussent  choisis  d'entre  les  prêtres  ou  les  diacres. 

xi.  Peinture  d'un  grand-vicaire  parfait  dans  la  pc;sonne  de 
Claudien,  frère  de  saint  Mameil,  évêque  de  Vienne. 

XII.  Preuves  qu'il  exerçait  eu  même  temps  toutes  les  autres 
charges  ci-dessus  nommées. 

XIII.  Des  prèlri'S  rénitenciers,  leur  création  et  leur  eîlinction 
dans  l'Orient,  selon  Socrate. 

XIV.  Ce  qu'en  dit  Snzoniène. 

XV.  S'il  y  en  avait  dans  l'Occident. 

I.  Nous  n'avons  pu  commencer  le  discours 
des  prêtres,  que  par  ceux  qui  ont  tenu  le  plus 
haut  rang  dans  ce  second  oidre  de  l'Eglise.  Ce 
sont  les  grands-vicaires  des  évéques,  que  ces 
prélats  semblent  avoir  rendu  les  dépositaires 
de  leur  autorité  et  les  ministres  universels  de 
leur  sacrée  jui  idiction. 

Les  chorévêques,  dont  il  a  été  parlé  dans  les 
deux  premiers  chapitres  de  ce  livre,  étaient  les 
vicaires-généraux  des  évoques  pour  les  cures 
et  les  paroisses  de  la  cam pagne.  Cresconius  et 
Ferrandus  ont  donné  aux  chorévêques  le  titre 
de  grands-vicaires  de  l'évêque,  «  Chorepiscopi, 
i(i  est,  vicarii  episcoporum.  »  La  collection 
d'Isidore  s'en  explique  de  même  dans  la  version 
du  canon  du  concile  d'Ancyre,  o  Vicarii  episco- 
porum, (|uos  Gra»ci  chorepiscopos  dicunt.  » 

II.  Quant  aux  grands-vicaires  de  la  ville,  ce 
ne  pouvait  être  que  les  prêtres  ou  les  diacres, 
lisarchiprctresou  lesarchidiacresdu  clergé  de 
la  catliédrale.  Nous  pailerons  ensuite  des  ar- 
chidiacres et  des  archiprèlres,  mais  il  [uuldire 


dans  ce  chapitre  ce  qui  regarde  les  grands-vi- 
caires arbitraires,  que  les  évéques  choisissaient 
quelquefois  d'entre  les  prêtres,  et  sur  lesquels 
ils  se  déchargeaient  d'une  grande  partie  de  la 
conduite  de  leur  évêché. 

Tel  fut  saint  Grégoire  de  Nazianze,  quand 
son  père,  le  vieil  évêque  de  Nazianze,  par  le 
poids  de  l'autorité  paternelle,  lui  fit  une  sainte 
violence,  et  l'arracha  de  la  solitude,  pour  venir 
l'assister  dans  le  gouvernement  de  son  Eglise 
(Baron.,  an.  306,  n.  10,  18).  Cet  illustre  théolo- 
gien proleste  qu'il  n'a  jamais  été  évêque  de 
Nazianze,  mais  qu'il  y  fut  comme  l'aide  et  le 
vicaire-général  de  son  iière  (Orat.  ad  Patrem). 
«  Nunc  quidem  cum  prœclaro  parente  curam 
hanc  suscipere  non  recuso,  velut  magnae 
aquilae,  et  altissime  volanti  pullus  non  in- 
commodns  e  propinquo  advolans.  » 

Saint  Basile  suivit  de  bien  près  saint  Gré- 
goire; et  s'étant  réconcilié  avec  Eusèbe,  évêque 
de  Césarée,  il  commença  dès  lors  à  remplir 
toutes  les  fonctions  d'un  excellentgrand-vicaire. 
Saint  Grégoire  (Orat.  ii.  In  laud.  Basilii),  en  a 
fait  une  description  admirable,  où  il  n'a  pas 
appréhendé  de  dire  que  Basile  faisait  toutes  les 
fonctions  les  plus  pénibles  de  l'épiscopat,  et 
que  s'il  n'avait  pas  le  nom  d'évcque,  il  en  avait 
toute  l'autorité. 

«  Adesse,  docere,  dicto  audientem  esse, 
monere  quidvis  denique  illi  esse  consuitor 
bonus,  opitulator  optimus,  divinorum  oracu- 
lorum  explicator,  rerum  agendarum  prœinon- 
strator,  senectutis  suhsidium,  fidei  adminicu- 
lum,  domeslicorum  fidelissimus,  externorum 
ad  res  gerendas  aptissimus  ;  ut  uno  verbo  dicam 
lantam  ejus  benevolentiam  obtinens,  quanlo 
prius  apud  eum  odio  flagrare  videbatur.  Ex 
quo  hoc  assecutus  est,  ut  etiamsi  illi  catliedrae 
honore  secundusesset,  Ecclesia;  tamen  imperio 
potiretur.  Etenim  pro  benevolentia,  quam  con- 
ferebat,  autorilatem  vicissiin  accipiebat  ;  ac 
miius    quidam    erat    inler   eos    concentus. 


DES  CRANDS-VICAIRES  HES  ËVÊQUES. 


3crî 


ncxn?que  potestatis.  Ille  plebem  Hucebaf,  liic 
ductorem  (Orat.  ii,  in  laiicl.  Basilii).)^ 

III.  Voilà  sans  doute  la  peinture  achevée 
d'un  grand -vicaire  parfaitement  accompli, 
éjialement  digne  de  celui  qui  l'a  faite,  et  de 
celui  pour  qui  elle  a  été  faite.  Ces  deux  grands- 
vicaires,  l'un  de  Césarée ,  et  l'autre  de  Nazianze 
avaient  bien  du  rapport.  Ils  étaient  les  ministres 
et  les  exécuteurs  de  toute  la  juridiction,  soit 
volontaire,  soit  contenlieuse  de  leurs  évêques, 
à  qui  ils  laissaient  la  gloire  de  l'épiscopat,  n'en 
prenant  que  les  soins  et  les  travaux. 

Lorsque  saint  Basile  eût  été  créé  évèque  de 
Césarée,  il  voulut  donner  le  premier  rang  entre 
ses  prêtres  à  Gré;.;oire  de  Nazianze,  qui  l'y  était 
venu  visiter  ;  c'est-à-dire  qu'il  voulut  le  créer 
son  grand-vicaire,  et  lui  faire  remplir  la  place 
qu'il  venait  dequitter  (Baron.,  an.  3i  9,  n.  39;. 
En  effet  Giégoire  explique  en  mêmes  termes  le 
poste  que  B  isile  avait  occupé  sous  Eusébe,  et 
celui  qu'il  voulut  lui  faire  remplir,  dès  qu'il 
eut  été  fait  évêque  (Nazianz.  in  laud.  Basilii). 
n  Postea  cum  ad  eum  venisseni  alque  eadein 
de  causa  calhedfce  lionorem  insignioremque 
inter  presbyteros  sedem  repudiassem,  etc.  » 
Grégoire  refusa,  et  Basile  fut  assez  généreux 
pour  ne  p.is  s'offenser  du  refus  de  son  ami. 

Après  que  saint  Basile  eut  consacré  Grégoire 
évêque  de  Sasimes,  et  que  Grégoire  eut  aban- 
donné ce  triste  séjour,  l'ancien  évèque  de  Na- 
zianze son  père,  lui  fît  violence  encore  une  fois 
pour  le  retenir  auprès  de  lui,  comme  son 
vicaire-général  (Baronius,  an.  371,  n.  101,  10(i, 
107).  On  lit  courir  le  bruit  que  saint  Grégoire 
le  théologien  avait  été  évèque  de  Nazianze, 
mais  il  déclara  lui-même  hautement,  qu'il  ne 
l'avait  jamais  été,  quoiqu'il  eût  gouverné  cette 
Eglise  comme  en  passant.  «  Ad  brève  tempus 
pra?fecturam  quasi  hosjiites  accepimus.  » 

IV.  Grégoire  et  Basile  avaient  déjà  été  or- 
donnés prêtres,  quand  ils  furent  chargés  du 
grand  vicariat  de  ces  deux  Eglises,  mais  saint 
Chrysostome  n'étant  encore  que  diacre,  prêchait 
déjà  dans  Antioche,  comme  s'il  eût  été  chargé 
de  la  conduite  de  cette  Eglise  en  l'absence  de 
l'évêque  Flavien  (Baronius,  an.  38-2,  n.  -48,  386, 
n.  43j.  «  Quid  hoc  sit,  fratres  charissimi?  Pastor 
abest,  et  tamen  oves  suum  cum  diligentia  ser- 
vantes ordinem  video.  Profecto  boni  illius 
pastoris  id  quoque  officium  est,  ut  non  modo 
illo  prœsente,  verum  etiam  absente,  ovili  stu- 
diumomneadhibeat.  » 

Quand  cet  incomparable  prédicateur  eut  été 


ordonné  prêtre,  il  soulagea  son  évêque  avec 
encore  bien  plus  de  zèle  et  plus  de  succè-:.  ,Ie 
dirai  ailleurs  que  les  diacres  ne  prêchaient 
point  encore.  Ainsi  saint  Chrysostome  n'a\ait 
pu  le  faire  sans  un  privilège  particulier.  Il  y  a 
même  des  gens  savants  cjui  ont  renversé  la 
chronologie  du  cardinal  Baronius,  et  ont  par 
ce  moyeu  justifié  qu'il  était  déjà  prêtre  quand 
il  commença  à  prèciier  (Baronius,  an.  375, 
n.  i>3). 

V.  On  ne  peut  nier  que  ce  ne  soient  là  les 
trois  modèles  les  [dus  parfaits  que  nous  puis- 
sions proposer  des  grands-vicaires  dans  l'Egli.^e 
orientale.  Il  faut  en  proposer  trois  semblables 
dans  l'Eglise  latine.  Le  premier  sera  saint 
Simplicien,  qui  fut  depuis  le  successeur  de  celui 
dont  il  avait  été  le  grand-vicaire  dans  l'ar- 
chevêché de  Milan,  je  veux  dire  saint  Am- 
broise.  Simplicien  était  prêtre  de  l'Eglise  de 
Rome,  et  le  pape  Damase  l'envoya  pour  assister 
saint  Ambroise  dans  les  commencements  de 
son  épiscopat.  Saint  Ambroise  a  lui-même 
rendu  cet  illustre  témoignage  à  Simi)licien, 
qu'ayant  parcouru  toute  la  terre  pour  n'ignorer 
aucune  de  toutes  les  sciences  qu'on  y  ensei- 
gne, il  lui  proposait  des  doutes  pour  l'instruire 
en  le  consultant. 

Voici  les  termes  de  saint  Ambroise  dans  sa 
lettre  II  à  Simplicien  :  «  Sed  quid  estquod  ipse 
dubites,  aut  a  nobis  requiras,  cum  fidei,  et  ac- 
quirendœ  divinœ  cognitionis  gratia  totum  or- 
bem  peragraveris  :  et  quotidianae  lectioni  no- 
cturnis  ac  diurnis  viciLus  omne  vitœ  hujus 
tempus  deputaveris,  acri  prœsertim  ingénie, 
etiam  inteliigibilia  complectens  ?  » 

VI.  Le  grand  saint  Augustin  ne  fut  fait 
prêtre  par  Valère,  évêque  d'Ilipi  one,  que  pour 
être  fait  d'abord  son  grand-vicaire. 

Possidius  l'insinue  assez  clairement,  quand 
il  dit  que  Valérius,  pressé  de  la  nécessité  pré- 
sente de  son  Eglise,  traita  avec  le  peuple  du 
choix  et  de  l'ordination  d'un  prêtre  ;  qu'il  avait 
souvent  prié  avec  ardeur,  pour  obtenir  du  citl 
un  prêtre  qui  put  suppléer  a  son  défaut,  dans 
la  prédication  de  la  parole  divine,  parce 
qu'étant  grec  de  naissance,  il  n'avait  pas  toute 
la  facilité  que  son  zèle  lui  faisait  désirer  pour 
instruire  son  peuple;  enfin,  qu'il  le  chargea 
d'abord  de  l'office  de  prédicateur,  qui  n'avait 
jusqu'alors  été  exercé  dans  toute  lAfrique  que 
par  les  évêques  (Possid.,  de  vila  Aug.,  iv,  c.  o). 

a  Cum  flagitante  ecclesiastica  necessitate,  de 
providendo,  et  ordmundo  presbytero  civitatis 


V 


366 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEPTIEME. 


i^lebem    Dei  alloqueretur,  etc.  Gratias  agebal 
Deo  suas  exanditas  tuisse  preces,  qnasfre(|uen-  . 
lissime  se  fudisse  narrabat,  ut  sibi  divinitus 
homo  concederetur  talis,  etc.  (Baronius^  an. 
391,  c.  2-2).» 

Toutes  ces  circonstances  conviennent  admira- 
blement à  un  grand-vicaire,  et  saint  Augustin 
comprit  tort  bien  que  c'était  cette  grande  et  im- 
portante charge  dont  on  l'avait  revêtu.  Eneflet, 
dans  la  lettre  qu'il  écrivit  peu  de  temps  après  à 
son  saint  évêque  Valère,pour  lui  demanderau 
moins  trêve  jusqu'à  Pâques,  pour  pouvoir  étu- 
dier un  peu  àloisirlesdivinesEcntures,ety ap- 
prendre lesdivines  vérités  qu'il  devait  annoncer 
au  peuple,  il  témoigne  qu'il  ne  sent  que  trop  le 
poids  d'une  charge  si  périlleuse,  qui  lui  met 
en  main  le  gouvernail  du  navire,  et  lui  donne 
la  première  place  après  l'évèque,  à  quoi  il 
n'aurait  jamais  consenti,  si  on  ne  lui  avait  fait 
violence.  «  Vis  mihi  facta  est,  merito  peccato- 
rum  meorum,  nam  quid  aliud  existimem,  ne- 
scio  ,  ut  secundus  locus  gubernaculorum  mihi 
traderelur,  qui  remum  tenere  non  noveram 

(Episl.   CXLVMl).  » 

VII.  Mais  il  faut  avouer  que  si  cette  qualité 
de  second  pilote,  «secundus  locus  gubernaculo- 
rum, a  ne  convient  pas  mal  à  un  grand-vicaire, 
celle  que  Possidius  a  donnée  à  saint  Augustin 
de  prêtre  de  la  cité,  «  Presbyter  civilatis,  »  ne 
convient  pas  moins  bien  à  un  curé.  Car  comme 
le  chorévèque  était  le  grand-vicaire  de  l'évèque 
pour  les  [)aroisses  de  la  cam()agne,  aussi  le 
prêtre  de  la  ville  était  le  vicaire-général  de 
l'évèque  pour  la  ville. 

1!  n'y  avait  encore  qu'une  église  dans  chaque 
ville,  au  moins  dans  les  villes  qui  n'étaient  pas 
extraordinairement  grandes,  comme  Rome, 
Alexandrie,  Aiitioche,  Constantinople.  C'était  la 
cathédrale  même  dans  les  villes  épisco[)ales. 
Le  curé  ou  le  prêtre  de  cette  église  était  le 
premier  en  dignité  après  l'évèque,  quant  aux 
fonctions  propres  à  l'ordre  de  la  prêtrise  et  à  la 
juridiction  de  l'épiscopat.  Dans  les  petites  villes 
il  n'y  avait  assez  souvent  qu'un  prêtre  avec 
révê(iue. 

Telle  était  peut-être  alors  l'Eglise  d'Hippone. 
Lorsque  dans  le  concile  111  deCarlhage  (Can.  xlv) 
on  traita  du  pouvoir  qu'avait  l'évèque  de  Car- 
tilage, d'enlever  aux  évêques  leurs  prêtres  pour 
en  faire  des  évêques  dans  les  Eglises  qui  les  de- 
mandaient,on  proposa  la  difficulté  des  évoques 
qui  n'auraient  (ju'un  prêtre,  auxquels  on  ne 
pourrait  l'ôter  sans  dureté  :  «  Qui  uuuni  Ua- 


bucrit,  numquid  débet  illi  ipse  unus  presbyter 
auferri  ?  »  11  fut  résolu  que  les  évêques  étant 
sans  comparaison  plus  nécessaires  que  les 
prêtres,  il  faudrait  que  dans  celte  rencontre 
les  évêques  sacrifiassent  leur  intérêt  particu- 
lier au  bien  public.  «  Si  necessarium  episco- 
patui  quis  habet  presbyterum,  et  unum  ba- 
buerit,  etiani  et  ipsum  dare  debebit.  » 

Ce  seul  prêtre  était  donc  alors  et  le  grand- 
vicaire,  et  l'offlcial,  et  le  pénitencier,  et  le 
théologal,  et  le  curé  de  la  ville  ;  on  pourrait 
dire  encore  qu'il  était  comme  le  coadjuteur  de 
l'évèque,  sans  une  entière  assurance,  mais 
avec  beaucoup  d'apparence  qu'il  serait  aussi 
son  successeur. 

Vlll.  Lorsmême  qu'ily  avait  plusieurs  prêtres 
avec  l'évèque  dans  une  cathédrale,  celui  qui 
était  le  premier,  quoiqu'il  ne  portât  pas  toutes 
ces  qualités,  parce  qu'elles  n'étaient  pas  encore 
toutes  en  usage,  en  exerçait  néanmoins  les 
fonctions,  parce  que  ce  sont  les  fonctions  pro- 
pres et  naturelles  des  prêtres,  avec  obligation 
néanmoins  de  ne  les  exercer  que  selon  les 
ordres,  et  dans  une  parfaite  dépendance  de 
l'évèque. 

Nous  dirons,  dans  un  chapitre  suivant,  que 
les  évêques  exerçaient  alors  eux-mêmes  im- 
médiatement presque  tout  le  ministère  sacer- 
dotal, et  remplissaient  par  eux-mêmes  toutes 
les  fonctions  des  curés,  desofficiaux,  des  péni- 
tenciers et  des  tliéologaux.  Ils  administraient 
eux-mêmes  le  baptême,  ils  réconciliaient  les 
pénitents,  ils  célébraient  les  messes  solennelles; 
ils  prêchaient  ;  ils  terminaient  les  procès  entre 
les  clercs,  et  souvent  même  entre  les  laïques. 

Les  prêtres  n'étaient  appliqués  actuellement 
à  ces  sacrés  ministères,  que  lorsque  les  évêques 
étaient  absents,  ou  malades,  ou  accablés  de  la 
multitude  et  du  poids  des  atlaires.  11  n'est  donc 
pas  étrange  que  nous  disions  que  les  grands- 
vicaires  étaient  en  même  temps  curés , 
otliciaux ,  théologaux  et  pénitenciers ,  puis- 
que les  évêques  étaient  efléctivement  eux- 
mêmes  tout  cela,  et  ne  se  déchargeaient  sur 
des  vicaires  que  dans  la  nécessité. 

Il  faut  encore  faire  celte  réflexion,  que 
l'évèque  exerçant  ordinairement  par  lui-même 
toutes  ces  diverses  fonctions,  lorsqu'il  s'en  re- 
posait sur  d'autres,  on  pouvait  bien  dire  avec 
vérité  que  ce  n'étaient  que  des  vicaires,  soit 
généraux  pour  tout  le  ministère  épiscopal, 
soit  ])articuliers  pour  une  partie  seulement 
d'une  charge  si  pénible  et  si  étendue. 


DKS  GRANDS- Vir.MRF.S  DES  ÉVitOl'ES. 


307 


IX.  Si  j'ai  dit  que  les  grancls-vicaiirs  étaient 
aussi  les  coadjutcurs,  et  souvent  les  successeurs 
niiJmes  des  évêques,  je  ne  l'ai  dit  qu'après 
l'avoii'  justifié  par  plusieurs  exemples,  et  par 
celui  de  saint  Augustin  niènie.  (irégnire  tie 
Nazianze  ne  succéda  pas  à  son  père  dans  l'évê- 
clié,  parce  qu'il  y  résista  avec  une  fermeté  in- 
flexible, et  que  Dieu  l'avait  apiielé  à  d'autres 
évèchés.  Basile  et  Chrysostome  furent  évêques 
après  avoir  été  grands-vicaires. 

Si  Chrysostome  ne  fut  jias  évéqueà  Antioche 
même,  c'est  que  l'enipeieur  et  l'Eglise  de  la 
ville  impériale  prévinrent  celle  dAnlioclie. 
Mais  ce  fut  son  grand  vicariat  d'Antioche  qui 
lui  donna  et  le  mérite,  et  la  réputation  dont 
son  enlèvement  fut  la  suite  et  la  récompense. 
Sini[)licien  futévêquede  Milan  après  Ambroise. 
Augustin  le  fut  après  Valère  ;  il  dit  lui-même 
que  la  prêtrise,  c'est-à-dire  ce  grand  vicariat, 
lui  avait  servi  de  degré  pour  monter  à  l'épis- 
copat.  «  Apprehensus  presbyter  faclus  siun,  et 
per  hune  gradum  ad  episcopatum  perveni  (De 
diversis  Serm.  39).  » 

En  effet,  peut-il  y  avoir  un  noviciat  plus  illus- 
tre, ou  un  apprentissage  jilus  juste  et  jdus  na- 
turel, pour  former  des  évêques,  que  le  vicariat 
général  des  fonctions  episcopales  ?  Ce  serait 
obscurcir  une  vérité  si  claire  et  si  constante, 
que  de  la  vouloir  exi)!i(]uer. 

X.  Il  vaut  mieux  remarquer  que  si  les  an- 
ciens canons  des  conciles  et  les  décrétales  des 
papes  ont  si  souvent  ordonné,  qu'on  n'élût  les 
évêques  que  du  nombre  des  piètres  ou  des 
diacres  de  la  même  Eglise,  ce  n'était  pas  sim- 
plement pour  honorer  ces  ordres  éminents,  et 
pour  faire  monter  pur  degrés  ceux  qu'on  élevé 
aux  dignités  ecclésiastiques. 

C'était  principalement  pour  donner  à  l'Eglise 
des  évêques  qui  en  eussent  appris  les  devoirs, 
qui  en  eussent  exercé  les  fonctions,  qui  ne 
fussent  pas  accablés  d'une  charge  qu'ils  avaient 
depuis  longtemps  portée  avec  les  évêques  pré- 
cédents. Et  si  entre  les  prêtres  et  les  diacres 
de  l'Eglise,  on  élisait  celui  qui  était  le  plus 
expérimenté  et  le  plus  capable  d'un  si  divin 
ministère,  comme  les  canons  le  prescrivaient, 
il  est  à  présumer  qu'on  élisait  le  plus  souvent 
celui  qui  avait  fait  la  fonction  de  grund-vicaire. 
La  raison  est  qu'on  présume  que  l'évêque  se 
sert  du  plus  habile  de  ses  piètres,  ou  de  ses 
diacres,  pour  se  décharger  sur  lui  d'une  [Jdrlie 
de  ses  soins. 

Tous  les  prêtres  et  tous  les  diacres  étaient 


aloisoocupés,  non  pasau  chantdesdivinsoffices, 
car  (luoiiju'ils  y  assistassent,  cet  office  était 
délégué  aux  autres  clercs;  mais  à  soulager 
révêi|ue,  ou  dans  l'adminislration  des  sacre- 
ments, ou  dans  la  pré.iication,  ou  dans  les 
jugements  des  procès  entre  les  clercs  et  entre 
les  fidèles;  enfin,  dans  les  fonctions  curiales 
ou  episcopales.  Ainsi  le  clergé  d'un  évêciue  et 
surtout  son  collège  de  prêtres  et  de  diacres, 
était  un  séminaire  d'évêques  pour  l'avenir,  et 
celui  (]ui  y  était  le  plus  employé  et  qui  pouvait 
passer  pour  le  grand-vicaire,  était  le  fruit  le 
plus  mûr  pour  l'épiscopat. 

XI.  Il  est  à  croire  que  le  prêtre  Eradius,  (]ue 
saint  Augustin  prit  pour  son  coadjuteur  et 
pour  son  successeur,  peu  de  temps  avant  sa 
mort,  avait  déjà  été  son  grand-vicaire  pendant 
que  les  besoins  de  son  Eglise  et  de  l'Eglise  uni- 
verselle, l'avaient  forcé  de  s'absenter  de  son 
évêché;  car  saint  Augustin  donnait  sans  doute 
la  princi|«le  autorité  au  plus  capable  d'entre 
ses  prêtres,  et  lui  faisait  acquérir  avec  cela 
l'expérience  qui  était  nécessaire  à  un  évêque. 
Mais  on  ne  peut  mettre  en  doute  que  saint 
Mamert,  évêque  de  Vienne,  n'eût  pris  son  frère 
Claudien  ]iour  son  grand-vicaire,  puisque 
Sidoine  .Apollinaire,  en  parlant  de  Claudien  , 
nous  a  fait  la  peinture  la  ]j1us  achevée  et  la 
plus  finie  qu'on  pût  désirer  d'un  vicaire-géné- 
ral. 

Voici  ce  qu'il  en  dit  :  «  Episcopum  fratrem 
mnjorem  natu  religicsissime  observans,  queni 
diligebat  ut  filium ,  cum  lanquam  patrem 
veneraretur.  Sed  et  ille  suscipiebat  hune  gran- 
diter,  liabens  in  eo  consiliarium  in  judiciis, 
vicarium  in  Ecclesiis,  procuratorem  in  nego- 
tiis,  villicum  in  pra'diis,  tabularium  in  tribu- 
tis,  in  lectionibus  comitem  ,  in  exiiositionibus 
interfiretem,  in  itiueribus  conlubernalem  (,\n. 
Chr.  .490.  Sidon.  1.  i.  e]).  ii.)  » 

Ces  vers  du  même  Sidoine  sur  le  même  su- 
jet, n'expriment  pas  moins  nettement  la  qua- 
lité d'un  prêtre,  qui  est  en  même  temps  grand- 
vicaire  de  son  évêque  : 

Antistes  fuit  ordine  in  secundo, 
Fratrem  fasce  levans  episcopali. 
Nam  de  Ponlilicls  tninore  summi, 
Ille  iusignia  suuipsit,  hic  laboiem. 

XII.  Mais  autant  il  est  clair  que  c'est  là 
une  parfaite  description  d'un  vicaire- général, 
autant  il  est  évident  (jue  c'était  un  vicaire  véri- 
tablement   général,    soulageant    universelle- 


ÎC8 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEPTIÈME. 


m*'nt  son  évrqup  dans  toute  Vélendne  de  son 
niiiiiï^tiTu.  Il  utait  son  olficial,  Coiisiliarius  in 
jiidiciis.  Il  et  lit  son  économe,  Procurator  in 
jieyodis.  Il  était  son  \idame  ou  son  inten- 
dant, Villicusin  prœcliis.  11  était  son  trésorier, 
Tabidarius  in  Irihutis.  11  était  son  théologal , 
In  expositiojiibus  interpi-es.  Il  était  son  péni- 
tencier et  son  vicaire  dans  les  fonctions  de 
l'autel  et  dans  l'administration  des  sacrements, 
Vicarius  in  Ecclesiis.  Enfin  ,  il  était  son  syn- 
celle,  ou  le  témoin  de  ses  plus  secrètes  actions. 
In  ilineribus  contubemalis. 

On  pourrait  ajouter  qu'il  était  le  grand-chan- 
tre et  le  modérateur  des  officiers  de  l'Eglise. 
«  Psalmorum  hic  moderalor  et  plionascu?  ante 
altaria,  fratre  gratulante ,  instructas  docuit 
sonare  classes.  »  11  était  même  le  directeur 
des  parties  diverses  de  l'office,  qu'il  fallait  ap- 
proi'rier  aux  différentes  saisons  de  l'année. 
«  Hic  solemnibns  annuis  paravit,  quae  quo 
tempore  lecla  convenirent.  » 

Gennadius  a  cru  que  Claudien  avait  été  évc- 
que  de  Vienne  (Gennad.,  de  virisilluslr.,  in  Sal- 
\iano).  Il  ne  le  fut  pas,  parce  qu'il  mourut 
avant  son  frère.  M.  de  Marca  croit  que  ce 
n'est  qu'une  faute  des  copistes  ou  des  impri- 
meurs, qui  ont  mis  évèque  au  lieu  de  cho- 
ré\êque  (De  Conc,  liber  ii,  c.  14).  Mais  en  vé- 
rité toutes  les  parties  de  la  descri|)tion  que 
nous  venons  de  faire  avec  Sidoine  Apollinaire, 
conviennent  sans  comparaison  mieux  à  un 
grand-vicaire  qu'à  un  cliorévêque.  En  effet, 
toutes  les  fonctions  dont  nous  venons  de  par- 
ler, attachaient  Claudien  à  la  personne  de  son 
évèque,  à  son  Eglise  et  à  sa  ville,  au  lieu  que 
le  chorévè(jue  était  comme  relégué  aux  pa- 
roisses de  la  campagne. 

Je  ne  sais  même  si  les  chorévêques  étaient 
communs  en  France  en  ce  temps-là ,  car  les 
exemples  en  sont  très-rares,  et  nous  avons  mon- 
tré que  le  concile  de  Riez  n'en  parla  que  par 
occasion,  et  seulement  en  passant,  sans  en 
établiraucun  qui  fût  véritablement  cliorévêque. 

Xlil.  Nous  n'avons  pas  dessein  de  joindre  au 
traité  des  grands-vicaires  en  général,  un  dis- 
cours de  tous  les  vicaires  particuliers  des  évo- 
ques, dans  (juelque  partie  de  leur  sacré  minis- 
tère; mais  nous  n'avons  pas  cru  pouvoir  omet- 
tre ici  le  pénitencier,  parce  que  c'était  une 
fonction  toute  i)ropre  aux  prêtres,  au  lieu  que 
les  autres  vicariats  embrassaient  des  exercices 
dont  les  diacres  et  les  autres  clercs  inférieurs 
pouNaitul  dechur^ei'  les  eséques. 


Socrate  assure  qu'au  temps  de  la  persécution 
de  l'empereur  Dèce,  qui  fut  tres-sanglante, 
les  évèiiues  établirent  dans  leurs  églises  des 
prêtres  pénitenciers,  afin  que  ciux  qui  avaient 
succombé  à  la  crainte  ou  à  la  rigueur  des  tour- 
ments, se  confessassent  à  eux  de  leur  apostasie 
et  en  reçussent  la  pénitence  canonique.  «  Eccle- 
siarum  episcopi  canoni  adjunxerunt,  ut  in  sin- 
gulis  Ecclesiis  presbyter  quidam  poenitentiie 
]irœesset,  quo  qui  post  baptismum  lapsi  fuis- 
sent ,  coram  presbytero  ad  eam  rem  designato 
I)eccata  sua  confiterentui  (Liber  v,  cliap.xix).  » 

La  réconciliation  des  pénitents  publics  avait 
toujours  été  réservée  à  l'évêque  et  le  fut  encore 
depuis,  comme  nous  le  dirons  dans  la  suite. 
C'étaient  aussi  les  évêques  qui  faisaient  les 
lois  ou  les  canons  de  la  pénitence,  qui  impo- 
saient les  pénitences  publiques  et  (|ui  veillaient 
ou  faisaient  veiller  sur  les  pénitents,  afin  d'a- 
bréger ou  de  prolonger  le  temps  de  leur  péni- 
tence à  proportion  de  la  ferveur  avec  laquelle 
ils  s'en  acquittaient.  Cette  police  fut  toujours 
la  même  après  la  création  même  des  péniten- 
ciers. Les  ouvrages  des  Pères ,  les  canons  et 
les  décrets  des  conciles  et  des  papes  en  font  foi. 

Il  résulte  de  là  que  la  charge  du  prêtre 
pénitencier  ne  pouvait  consister  qu'à  écouter 
les  confessions  en  secret  de  tous  ceux  qui 
avaient  souillé  l'innocence  du  baptême,  afin 
de  les  expier  par  des  pénitences  secrètes,  si 
leur  conscience  n'était  chargée  d'aucun  de  ces 
crimes  capitaux  qu'on  ne  lavait  que  dans  les 
eaux  de  la  pénitence  publiipie  ,  ou  bien  de  les 
renvoyer  au  tribunal  de  l'évêque  et  aux  exer- 
cices laborieux  de  la  pénitence  publii]ue,  s'ils 
étaient  atteints  de  quelqu'un  de  ces  crimes 
énormes. 

II  arriva,  sous  le  pontificat  de  Necfarius  dans 
Constantinople,  qu'une  dame,  après  s'être  con- 
fessée au  prêtre  pénitencier,  se  confessa  ensuite 
en  public  d'avoir  péché  avec  un  diacre.  C'était 
sans  doute  contre  l'avis  du  pénitencier  que 
cette  dame  découvrit  en  public  un  crime  si 
scandaleux. 

Etfectivement  quoique  la  pénitence  fût  pu- 
blique en  ces  temps-là,  même  d, s  péchés  se- 
crets, la  confession  en  était  toujours  secrète,  et 
la  pénitence  même  s'en  faisait  en  secret  dans 
foutes  les  conjonctures  ,  ou  si  elle  eût  été  pu- 
blique, elle  eût  tourné  plutôt  au  scandale  qu'à 
l'édification  de  l'Eglise,  ou  elle  eût  donné  su  et 
de  se  douter  du  crime  et  d'en  pouisuivre  la 
vengeance;  euliu  on  y  a\ail  des  é^^aïus  tout 


DES  GRANDS-VICAIRES  DES  ÉvEQUES. 


30(1 


particuliers  pour  ne  pas  exposer  les  fournies  ù 
des  soupçons  et  à  des  déli;uices  qui  eussent  pu 
être  périlleuses. 

XIV.  Toutes  ces  raisons  font  croire  que  le 
pénitencier  était  innocent,  et  tpie  ce  fut  luie 
imprudence  de  cette  dame  qui  excéda  les  me- 
sures sages  et  justes  que  son  confesseur  lui 
avait  prescrites ,  en  confessant  publiquement 
im  crime  secret  et  scandaleux.  Nectarius  ne 
laissa  pas  d'abolir  les  prêtres  pénitenciers  et  la 
pénitence  publique,  même  pour  les  fautes  se- 
crètes, laissant  à  chacun  la  liberté  d'a[>procher 
de  la  connnunion  ,  sans  rendre  compte  de  sa 
conscience  à  d'autres  qu'à  ceux  qu'il  vou- 
drait. 

C'est  comme  il  faut  entendre  Socrate ,  qui 
assure  que  toutes  les  Eglises  orientales  imitè- 
rent celle  de  Constantino[)le  et  abolirent  en 
même  temps  la  pénitence  publique  et  les  prê- 
tres pénitenciers;  comme  il  est  attesté  par  tous 
les  écrivains  ecclésiastiques  de  l'Eglise  grecque 
depuis  ce  temps-là  et  par  l'histoire  même  de 
ce  qui  se  passe  présentement  dans  l'Orient,  que 
les  canons  pénitentiaux  y  ont  toujours  été  et  y 
sont  encore  maintenant  en  vigueur;  que  les 
pénitences  s'y  sont  toujours  données  et  s'y 
donnent  encore  selon  ces  canons,  et  que  ce 
n'est  que  la  pénitence  publique  des  crimes  se- 
crets qui  ne  s'y  pratique  plus  depuis  le  décret 
de  Nectarius  ,  c'est-à-dire  depuis  à  peu  près  la 
fin  du  quatrième  siècle,  comme  elle  ne  se  pra- 
tique plus  dans  l'Occident  depuis  environ  le 
douzième  siècle.  En  effet,  ce  fut  vers  le 
xu'  siècle  que  la  pénitence  publique  fut  pres- 
que universellement  abolie  dans  l'Occident 
pour  toutes  sortes  de  péchés,  comme  elle 
l'avait  été  pour  les  péchés  secrets  vers  le 
\n'  siècle. 

Il  faut  conclure  de  là  que  ce  prêtre  péniten- 
cier avait  tellement  rapport  à  la  pénitence  pu- 
blique, qu'en  abolissant  là  pénitence  publique, 
il  fallait  aussi  l'abohr.  1°  A  moins  de  cela,  entre 
tant  d'Eglises  orientales  il  y  en  aurait  eu  quel- 
qu'une qui  l'aurait  conservé.  -2°  L'occasion  de 
la  persécution  de  Décius  et  de  tant  de  chutes 
qu'elle  causa,  ne  regarde  que  la  pénitence  pu- 
blique. 3°  Le  scandale  que  causa  cette  dame 
par  sa  confession  publique  d'un  crime  secret, 
provenait  aussi  de  la  pénitence  publique  où 
elle  n'avait  pas  suivi  les  règles  de  la  discrétion. 
«  Ulterius  progressa,*»  dit  Socrate.  4°  La  publi- 
cation de  la  pénitence  pour  les  fautes  secrètes 
était  purement  arbitraire;  on  en  dispensait  les 


femmes  dans  les  conjonctures  dangereuses. 
Ainsi  on  jiuuvait  la  supprimer  avec  le  prêtre 
qui  en  avait  la  principale  direction. 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  confession  et  de 
la  |)énilence  des  péchés  en  secret  ;  comme  elle 
est  nécessaire  pour  l'absolution  des  péchés ,  ou 
Nectarius  ne  l'eût  pas  supprimée,  ou  s'il  l'eût 
fait,  il  eût  trouvé  d'étranges  résistances;  et  il 
est  impossible  que  toutes  les  Eglises  d'Orient, 
sans  contester  et  même  sans  délibérer,  eussent 
consenti  à  un  changement  d'une  si  extrême 
conséquence. 

XV.  Sozomène  ajoute  quelques  circonstances 
considérables  à  la  narration  de  Socrate.  11  dit 
qu'on  choisissait  un  pénitencier  (|ui  fût  d'un 
secret  impénétrable,  et  il  est  clair  que  le  secret 
est  l'âme  de  cette  charge,  «  Presbyterum  vitee 
integritate  spectabilem ,  secretorum  tenacem 
et  sapientem  huic  muneri  ])r;efecerunt  ;  »  que 
ces  prêtres  pénitenciers  étaient  encore  en  auto- 
rité dans  les  Eglises  d'Occident ,  et  surtout  à 
Rome.  «  Sollicite  in  Occidentalibus  Ecciesiis, 
et  maxime  in  Romana  servatur  (Liber  vu, 
chap.  m) ,  »  que  cette  dame  l'accusa  d'avoir 
commis  ce  crime  détestable  pendant  qu'elle 
passait  beaucoup  de  temps  dans  l'église  pour  y 
accomplir  la  pénitence  qu'on  lui  avait  imposée. 
Ce  fut  l'occasion  que  prit  Nectarius  d'abolir  la 
pénitence  publique  qui  ordonnait  de  longues 
prières  et  des  prosternements  dans  l'église. 

XVI.  Ce  qu'a  dit  Sozomène  des  Eglises  d'Oc- 
cident, ne  se  doit  pas  entendre  comme  s'il  y 
avait  eu  un  prêtre  pénitencier  dans  les  cathé- 
drales ,  à  qui  la  charge  d'entendre  les  confes- 
sions, de  régler  les  pénitences  et  d'absoudre 
les  pénitents  fût  particulièrement  commise. 
Nous  dirons  dans  la  suite  en  quel  temps  le  vi- 
caire-général de  l'évêque  pour  les  pénitences, 
c'est-à-dire  le  pénitencier,  fut  institué.  Mais 
durant  les  cinq  ou  six  premiers  siècles,  la 
pénitence  publique  n'y  fut  administrée  que 
par  les  évêques ,  ou  par  les  prêtres  qu'ils  délé- 
guaient pour  cela  pendant  leur  absence ,  ou 
leurs  maladies. 

Voici  deux  canons  du  concile  111  de  Car- 
thage  (Can.  xxxi ,  xxxu),  auxquels  toute  la 
police  de  l'Occident  était  conforme.  «  Ut  pœni- 
tentibus  secundum  peccatorum  dilférentiam 
episcopi  arbitrio,  pœnitentia^  tempora  decer- 
nantur.  Ut  presbyter  inconsullo  episcopo  non 
reconciliet  pœnitentem,  nisi  absente  episcopo, 
et  necessitale  cogenie.  » 

Saint    Cyprien  (Liber  xui,  epist.  xiv)   av^it 


Th. 


Tome  I. 


370 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  HUITIÈME. 


autrefois  trouvé  fort  étrange  que  des  prêtres 
eussent  entrepris  de  réconcilier  des  pénitents 
sans  son  ordre  exprès,  «  Quod  non  periculum 
meluere  debemus  de  offensa  Domini,  cum  ali- 
qui  de  prefbyteris ,  nec  Evant^elii,  nec  loci  sui 
niemores,  quod  nunquani  sub  antecessoribus 
faclum  est,  cum  contumelia  et  contemptu 
prarpositi  tolum  sibi  vindicent.  » 

Le  concile  d'Elvire(Can.  xxxii)  ne  permet  qu'à 
peine  aux  prêtres  de  réconcilier  les  pénitents 
à  l'extrémité  de  la  vie,  leur  défendant  de  le 
faire  hors  de  celte  nécessité.  «  Apud  presbyte- 


ru  m  si  quis  gravi  lapsu  in  ruinam  mortis  inci- 
derit,  placuit  afzere  pœnitpitiam  non  debi^re, 
sed  polius  apnd  episcopum.  Cogenle  tanien 
infirniitate,  necesse  est  presbyterum  commu- 
nionem  praestare  debere,  et  diaconum,  si  ei 
jusserit  sacerdos.  » 

Le  diacre  ne  pouvait  avoir  reçu  ni  comman- 
dement ni  permission  de  donner  autre  chose 
que  l'Eucharistie  dont  il  était  le  dispensateur. 
Les  paroles  de  saint  Cyprien  ,  qu'on  cite  pour 
le  même  sujet,  n'en  disent  pas  davantage,  non 
plus  que  ce  canon. 


CHAPITRE  HUITIÈME. 


DES   CRANDS-VICAIRES   ET    DES   OFFICIALX   EN    GÉNlinAL,    ET    DES   GRANDS-VICAIRES   EN   PARTICULlEIl , 
SllVANT    LA   DISCIPLINE   DE   l'ÉGLISE,    APRÈS   l'aN    MIL. 


I.  Dans  les  aticiennos  dccrétales  du  droit  nouveau  il  ne  parait 
point  encore  de  grands-vicaires,  ni  d'ofliciaux. 

II.  i.e  concile  de  l.atran,  sous  Innocent  111,  y  donna  en  quel- 
que façon  commencement. 

III.  Il  y  en  avait  déjà  dans  quelques  diocèses;  et  il  y  en  avait 
[jni  étaient  réguliers. 

IV'.  Ils  furent  universellement  établis  dans  le  treizième  siècle  ; 
comnje  il  parait  par  le  Sexte. 

V.  Ce  ne  furent  d'abord  que  des  commissions. 

VI.  Dés  le  temps  du  concile  de  Vienne  l'officialité  était  un 
oflice  perpétuel. 

VII.  Divers  règlements  des  conciles  sur  les  grands-vicaires  et 
les  ofliciaux. 

VIII.  Des  grands-vicaires  des  chapitres,  peudant  la  viduité  de 
IKïhse. 

IX.  Ordonnances  de  nos  rois  au  sujet  des  grands-vicaires. 

X.  Du  grand  vicariat  de  Pontoise. 

XI.  Divers  règlements  du  concile  de  Trente,  ou  de  la  congré- 
tion  du  concile  sur  les  grands-vicaires. 

I.  Ni  le  décret  de  Gratien,  ni  les  décrétâtes 
Grégoriennes  ne  nous  font  remarquer  quelque 
trace  des  vicaires-généraux  ou  des  officiauxdes 
évêtjues,  tels  qu'on  les  voit  dans  la  police  pré- 
sente de  l'Eglise. 

Il  y  a  des  titres  entiers  dans  les  décrétâtes 
«  de  Otficio  arclii|)iesl)yleri,  et  de  Officio  aiclii- 
diacoiii  ;  H  mais  il  n'y  en  a  point  ni  de  l'oflicial, 
ni  du  grand-vicaire.  Innocent  III  y  dit  en  ter- 
mes formels  que  c'est  l'archidiacre  qui  est  le 
vicaire-général  de  révèipie,  «  Et  ipsiusepiscopi 
vicarius  reperilur  ;  omnem  soUicitudiuem  et 


curam  tam  in  clericis,  quam  in  Ecclesiis  eo- 
rum  inipendendo  (C.  Ad  hœc  De  ofûc.  Archi- 
diac.\  » 

Le  titre  «  de  Officio  vicarii,  »  ne  traite  que 
ijue  des  vicaires,  ou  perpétuels,  ou  amovibles, 
que  les  curés  et  quelques  autres  bénéficiers  in- 
férieurs peuvent  établir  dans  leurs  Eglises  ;  si 
ce  n'est  que  dans  le  chapitre  «  Sua  nobis.  »  Il 
est  parlé  du  vicaire  que  le  pape  laisse  dans 
Rome,  lorsqu'il  s'en  absente,  et  auquel  il  com- 
met le  dépôt  de  sa  juridiction  dans  toute 
l'étendue  de  la  ville.  «  Quoniam  jurisdictio 
vicarii  quem  Romanus  pontifex  in  urbe  reli- 
quit,  non  extenditur  extra  illam,  nisi  ei  sit  spe- 
cialiter  concessum.  »  Mais  cela  ne  regarde  (lue 
le  pontife  romain,  et  le  temps  seulement  qu'il 
est  absent  de  Rome. 

II.  11  est  vrai  que  dans  le  concile  de  Latran, 
sous  le  pape  Innocent  III  (C.  Quoniam.  De  Offi- 
cio Judicis  Ordin.),  il  fut  résolu  que  si  dans 
une  ville  ou  unévêchéily  avait  divers  peuples, 
dont  le  langage,  les  mœurs  et  les  cérémonies 
ecclésiastiques  ne  fussent  pas  les  mêmes,  i(s 
évêques  y  établiraient  auiant  de  vicaires-géné- 
raux qui  fussent  capables  de  satisfaire  à  tous 
leurs  besoins  spirituels.  «  Pontifices  hujiis- 
modi   civitatum    sive    diœcesum    provideant 


:>-*v 


DES  GRANDS-VICAIRES  ET  DES  OFFICfAUX  EN  GÉNÉRAL,  etc. 


371 


viros  idoneos,  qui  secundum  diversitates  ri- 
luuni  et  linguarum ,  divina  illis  officia  cele- 
l)rent,  et  ecclesiastica  sacraineiita  minislrent  : 
instriiendo  eos  verbo  pariler,  et  exemple.  » 
Mais  c'était  une  espèce  toute  particulière,  d'où 
on  peut  conclure  que  hors  de  là  les  évèques 
ne  nommaient  point  de  vicaires-généraux. 

Ce  ne  fut  aussi  que  dans  le  siècle  d'Inno- 
cent III  que  nos  conquêtes  dans  l'Orient  don- 
nèrent occasion  à  ce  mélange  des  Latins  et  des 
Grecs.  Enfin  le  pape  Innocent  III  ,  dans  le 
même  décret ,  permet  à  l'évèque  diocésain 
d'établir  un  évèque  qui  soit  comme  son  vicaire- 
général  pour  les  peuples  d'un  langage  et  d'un 
rite  différents  :  «  Catholicum  prœsulem  consti- 
tuant sibi  vicarium  pontifex  loci.  »  Ce  cas  est 
évidemment  très-singulier. 

Il  faut  avouer  néanmoins  que  le  même  con- 
cile de  Latran  (C.  Inter  cœtera),  exhorta  les 
évèques,  lorsqu'ils  ne  pourraient  point  remplir 
eux-mêmes  toutes  les  fonctions  épiscopales,  de 
prendre  des  aides,  des  prédicateurs  et  des  péni- 
tenciers, pour  instruire,  pour  gouverner  et  pour 
visiter  leur  diocèse  en  leur  nom  et  en  leur 
place.  «  Vice  ipsorum,  cum  per  se  iidem  nequi- 
Terint.  »  Mais  il  faut  conclure  de  là  même  que 
la  coutume  n'en  était  pas  encore  introduite  (Ib.) 

Ce  concile  allègue  tant  de  raisons  différentes 
qui  doivent  exciter  les  évèques  à  instituer  des 
vicaires-généraux,  qu'il  est  fort  vraisemblable 
que  la  plus  grande  partie  des  évèques  s'y  ré- 
solut en  fort  peu  de  temps.  Les  accablements 
d'occupations,  les  infirmités  corporelles,  les 
irruptions  des  ennemis,  l'étendue  des  diocèses, 
le  défaut  de  science  dans  les  prélats,  donnèrent 
occasion  à  celte  ordonnance  générale  du  con- 
cile :  «  Generali  constitulione  sancimus.  » 

III.  Ce  n'est  pasqu'il  n'y  eût  déjà  des  vicaires- 
généraux  dans  quelques  diocèses  particuliers  ; 
puisque  Gilduin,  abbé  de  Saint-Victor  à  Paris, 
étant  vicaire  et  pénitencier  de  l'évèque  de  Paris, 
mit  en  interdit  tout  l'archidiaconé  d'Etienne 
Garlande,  archidiacre  de  Paris. 

Henri,  archevêque  de  Sens,  s'en  plaignit  à 
l'évèque  de  Pans,  qui  défendit  avec  beaucoup 
de  fermeté  la  conduite  de  son  grand-vicaire. 
Voici  les  paroles  de  l'archevêque  de  Sens,  parent 
de  l'archidiacre  :  «  Quod  licet  abbati  sancti 
Victoris  vicario  vestro  rectitudinem  ofTerret,  et 
per  eum  juslitiam  exequi  paratus  esset,  idem 
abbas  super  terram  ejusinterdicti  sententiam 
posuit  (Anno  1131,  Hist.  Univers.,  Paris.,  tom. 
II,  pag.  131).  » 


Dans  l'histoire  des  évèques  de  Verdun  (Spi- 
cil.,tom.  XII,  pag.  313),  nouslisonsque  l'évêiiue 
Alberon,  [lour  fair<'  agréer  au  pape  Innocent  H 
le  changement  qu'il  avait  fait  dans  un  monas- 
tère, en  y  substituant  des  chanoines  réguliers 
de  Prémontré  aux  anciens  moines,  cpii  étaient 
fort  tléréglés,  assura  que  l'abbé  de  ce  monas- 
tère était  toujours  vicaire  de  l'évèque,  ce  qui 
convient  mieux  à  des  clercs  qu'à  des  moines. 
«  Insuper  accedit  ad  hue,  quod  abbas  loci  illius 
vicarius  est  episcopi,  quod  officium  magis  con- 
venit  ordini  clericorum,  quam  monachorum.  » 

Mais  ces  exemples  étaient  peu  communs  en 
ce  temps-là;  et  ce  furent  apparemment  les 
mésintelligences  entre  les  évèques  et  les  archi- 
diacres qui  obligèrent  enfin  les  évoques  de 
créer  les  grands-vicaires,  pour  les  élever  au- 
dessus  des  archidiacres,  et  les  substituer  peu  à 
peu  en  leur  place  pour  l'exercice  de  la  juridic- 
tion épiscopale,  dont  les  archidiacres,  de  sim- 
ples dépositaires,  s'étaient  rendus  comme  les 
propriétaires  absolus. 

IV.  Les  raisons  et  les  autorités  que  nous 
venons  de  toucher,  furent  si  efficaces,  que  le 
titre  a  de  Officio  vicarii  »  dans  le  Sexle,  ne 
parle  uniquement  que  des  grands-vicaires  et 
des  offlciaux  des  évèques.  Ce  fut  donc  dans  le 
xiii'^  siècle  qu'ils  furent  généralement  établis 
dans  tous  les  évêchés.  Le  pape  Innocent  IV  y 
parle  de  l'official  d'un  évèque  diocésain  de  la 
métropole  de  Reims,  qui  avait  des  vicaires  ou 
des  vice-géranls,  et  qui  avait  été  excommunié 
par  l'archevêque  de  Reims. 

Le  pape  Bouiface  VIII  y  détermine  que  l'offi- 
cial ou  le  grand-vicaire,  «  officialis,  aut  vica- 
rius generaiis  episcopi,  »  ne  peut  conférer  les 
bénéfices,  ni  en  priver  ceux  qui  sont  coupables 
sans  un  pouvoir  spécial  de  l'évèque,  quoique 
l'autorité  et  la  juridiction  épiscopale  lui  aient  été 
généralement  confiées  par  sa  commission  : 
«  Licet  in  officialem  episcopi ,  per  commissio- 
nem  ofûcii  generaliter  sibi  factam ,  causarum 
cognitio  transferatur.  d 

V.  Il  est  bon  de  remarquer  :  1°  Que  le  même 
était  officiai  et  grand-vicaire,  parce  que  l'exer- 
cice de  la  juridiction  volontaire  et  contentieuse 
n'était  pas  encore  alors  si  distingué  qu'il  a  été 
depuis. 

-2°  Que  la  pénitencerie  y  était  ordinairement 
jointe.  Car  l'abbé  de  Saint-Victor,  qui  était  vi- 
caire de  l'évêquede  Paris,  comme  nous  venons 
dédire,  et  qui  était  aussi  son  officiai,  puisqu'il 
lança  un  interdit  sur  un  archidiaconé  tout  en- 


37-2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  HriTIÈME, 


tier,  était  aussi  pénitencier,  comme  il  paraît 
par  la  défense  particulière  qu'il  reçut  d'absou- 
dre ceux  qui  avaient  trempé  leurs  mains  dans 
le  sang  innocent  de  Thomas,  prieur  de  Saint- 
Victor  (Hist.  l'nivers.,  Paris.,  tom.  ii,  pag.  i-23  . 

3°  Que  ce  n'étaient  encore  que  des  commis- 
sions arbitraires,  comme  il  paraît  par  tout  ce  qui 
a  été  dit,  quoique  l'officialité  et  la  pénitencerie 
aient  été  ensuite  érigées  en  litre  d'office  perpé- 
tuel, ou  de  bénéfice. 

Le  pape  Innocent  IV,  dans  le  concile  de  Lyon, 
donna  des  bornes  aux  officiaux  des  archevê- 
ques. 

i"  Il  leur  défendit  de  frapper  d'interdit,  de 
suspension  ou  d'excommunication,  les  évoques 
de  la  province,  pendant  le  temps  que  l'arche- 
vêque serait  dans  la  province,  ou  qu'il  n'en 
serait  pas  loin,  «  Quandiu  in  sua  provincia,  vel 
circa  illam  extitit.  «  Ce  respect  étant  dû  à  la 
personne  sacrée  des  évoques,  «  Ob  reverentiam 
pontificalis  officii.  » 

2°  Il  ne  ])ermit  pas  aux  archevêques  d'avoir 
des  officiaux  dans  les  diocèses  de  leurs  sulfra- 
gants,  si  ce  droit  n'était  fondé  sur  une  coutume 
particulière.  «  Nisi  aliud  Remensis  Ecclcsia 
circa  talium  officialiuni  institutionem  de  con- 
sucludine  obtincat  speciali  (C.  Romana.  In 
Sexto.  De  Offic.  Ordinar.).  » 

L'an  t2l8,  l'évêijuc  d'.\uxerre  considérant 
qu'il  n'y  avait  encore  eu  personne  qui  portât  le 
nom  de  vicaire  en  son  absence  :  «  Nec  bacte- 
nus  fuit  ali(]uis  qui  ex  officio  suo  vices  absentis 
agere  teneatiir  :  »  donna  cet  charge  à  son  scho- 
lastique,  le  chargeant  de  tous  ses  offices  dans 
le  chœur,  de  confesser  en  sa  place,  réconcilier 
les  pénitents  publics,  et  enfin  le  faisant  son 
homme-lige  ,  lui  et  ses  successeurs  ,  comme 
chapelains  de  l'évêque  :  «  Scholasticus  vero  et 
capellanus  erit  homo  ligius  episcôpi,  et  ei  fide- 
litatem  faciet,  salva  tamcn  fidelitate  (juain  de- 
betcapitulo,  tanquam  canonicus(GalliaClirist., 
tom.  n,  p.  303).  »  Toutes  ces  circonstances 
me  paraissent  remarquables. 

VI.  Enfin  le  pape  Clément  V,  dans  le  concile 
de  Vienne  (C.  Etsi.  De  Rescriptis.  In  Clément.), 
semble  insinuer  que  l'officialité  était  déjà  un 
office  stable  et  non  pas  une  simple  commission, 
quand  il  déclare  que  l'oificial  principal  de  l'évê- 
que peut  soutenir  la  dignité  de  délégué  du 
pape,  ce  qui  ne  peut  convenir  au  vicaire  fo- 
rain. «  Principalis  olficialis  episcôpi,  etc.  Offi- 
cialis,  Foraneus,  etc.  » 

Le  concile  de  Ravenne,  en  1314,  permit  au 


grand-vicaire,  en  l'absence  de  l'évêque,  de  don- 
ner des  dimissoires  pour  les  ordres. 

Dans  le  concile  d'Avignon  (Can.  u),  en  1326, 
les  vicaires-généraux  de  quelques  évèques  y 
remplirent  leurs  places,  etl'archevcque  d'Arles 
y  assista,  comme  étant  aussi  vicaire-général  de 
l'évêché  d'Avignon  pour  le  temporel  et  pour  le 
S[iirituel.  «  Consentiente  Arelatensi  episcopo  et 
episcopatus  Avenionensis  in  spiritualibus  et 
temporalibus  generali  vicario.  »  On  y  suppose 
que  tous  les  évêques  ont  des  vicaires-généraux 
et  des  officiaux  :  «  Singuli  episcôpi  et  eorura 
officiâtes,  vicarii ,  locum  tenentes,  et  vicem 
gerentes  ipsorum  (Can.  xl,  xliv).  » 

La  même  chose  paraît  dans  le  concile  de 
Londres  (Can.  xv),  en  t3l2.  L'archevêque  de 
Narbonne,  en  1368,  assemblant  son  concile 
provincial ,  adressa  ses  lettres  à  ses  suffra- 
gants,  ou  à  leurs  vicaires-généraux  en  leur 
absence. 

On  ne  peut  donc  douter  que,  depuis  le  con- 
cile de  Lalran,  sous  Innocent  III,  lesgrands-vi- 
caircs  et  les  officiaux  des  évêques  n'aient  été 
établis  dansla  plupartdes  évêchés,  et  que  depuis 
Boniface  VIII,  ce  n'ait  été  une  coutume  univer- 
sellement reçue. 

VII.  Le  concile  de  Salsbourg  (Can.  xxv),  en 
ti20,  témoigne  que  les  cures  ne  peuvent  être 
données  que  par  l'évêque,  ou  par  l'archidiacre 
du  lieu,  ou  par  sou  vicaire.  Dans  le  concile 
provincial  de  Copenhague  en  Danemark  assista 
le  vicaire  perpétuel  de  l'évêque  de  Slesvig,  en 
place  de  son  évêque  malade  et  décrépit. 

Le  concile  de  Tortose  en  Espagne  (Can.  x), 
en  1429,  ordonna  que  les  vicaires-généraux  et 
les  officiaux  des  évêques  seraient  dans  les  or- 
dres sacrés,  et  que  sans  cela  leurs  actes  seraient 
nuls.  «  Perpetuo  ordinamus  edicto ,  vicarios 
générales  aut  principales  officiales  diœcesano- 
rum.  Tel  ordinarioium  ecclesiasticorum,  esse 
debere  in  sacris  ordinibus.  » 

Le  concile  V  de  Milan  (Cap.  xi),  en  iri79, 
souhaita,  1°  Que  les  grands-vicaires  d'un  dio- 
cèse n'y  eussent  pas  pris  naissance,  afin  qu'ils 
fussent  plus  inflexibles,  ou  même  inaccessibles 
aux  attraits  de  la  faveur  ou  de  l'intérêt. 
2°  Qu'ils  n'eussent  aucun  bénéfice  qui  obligeât 
à  la  résidence,  afin  de  répandre  plus  librement 
leurs  soins  sur  tout  le  diocèse.  3°  Enfin,  qu'ils 
eussent  auparavant  prêté  serment  à  l'évêque 
(Acta  Eccles.  Mediol.,  p.  314,  aip.  xvi). 

Le  concile  VI  de  Milan  demanda  que  le  grand- 
vicaire  fût  au  moins  sous-diacre,  selon  le  canon 


DES  GRANDS-VICAIRES  ET  DES  OFFICIAUX  EN  GÉNÉRAL,  f.tc, 


373 


d'un  concile  de  Paris  :  «  Saltem  subdlaconus 
sit.  a 

Le  concile  de  Bordeaux,  en  1583,  ordonna 
que  les  grands-vicaires  déjà  pourvus  se  fissent 
prêtres  dans  la  niéine  année,  et  (ju'à  l'avenir  on 
n'en  choisit  aucun  qui  ne  le  fût.  Le  concile  de 
Tours  (Gap.  xvi),  en  la  même  année,  déclara 
que  les  procureurs  des  abbés,  à  qui  on  donnait 
mal  à  propos  la  qualité  de  grands-vicaires ,  ne 
pourraient  obtenir  par  cette  qualité  aucun  rang 
plus  honorable  ([ue  celui  que  le  temps  de  leur 
profession  leur  donnait. 

VIII.  Le  concile  de  Trente  fSess.  xxiv,  c.  10) 
ordonne  au  chapitre,  huit  jours  après  la  mort 
de  l'évèque ,  d'élire  un  grand-vicaire  ou  un 
officiai,  qui  soit  docteur  ou  licencié  en  droit  ca- 
non, ou  au  moins  qui  soit  capable  des  fonctions 
de  sa  charge  ;  autrement  c'est  au  métropolitain 
à  y  pourvoir,  ou  au  plus  ancien  suffragant,  s'il 
s'agit  de  l'Eglise  métropolitaine.  Le  nouvel 
évoque  se  doit  faire  rendre  compte  de  toute  la 
conduite  des  vicaires  ou  des  officiaux  du  cha- 
pitre, quelque  compte  qu'ils  en  eussent  rendu 
au  chapitre. 

Le  concile  de  Mexique  (L.  i,  tit.  vrn.  §  S',  en 
io8o,  a  inféré  de  là  que  le  concile  de  Trente 
avait  obligé  les  évê(|ues ,  conformément  au 
droit  commun ,  d'avoir  des  grands-vicaires  ou 
des  officiaux  qui  fussent  docteurs  ou  licenciés  : 
«  Quoniam  episcopi,  jure  et  expresse  coiiciiii 
Tridenlini  décrète  tenenturofficialein  vicariuin 
generalem  constituere,  qui  doctor  sit,  vel,  etc. 
(Ibidem).  » 

IX.  L'ordonnance  de  Blois  (Art.  45)  déclare , 
0  Que  nul  ne  pourra  être  vicaire-général ,  ou 
officiai  d'aucun  archevêque  ou  évèque ,  s'il 
n'est  gradué  et  constitué  en  ordre  de  prêtrise. 
Et  ne  pourra  ledit  vicaire  ou  officiai  tenir  aucune 
ferme  de  son  prélat,  soit  du  sceau  ou  autre.  » 
Elle  défend  à  tous  les  officiers  royaux  de  pren- 
dre aucuns  «  vicariats  d'évêques  ou  prélats, 
pour  le  fait  du  temporel,  spirituel,  ou  collation 
des  bénéfices,  de  leurs  évèchés,  abbayes  et 
prieurés,  etc.  (Art.  1 1:2).  » 

L'évèque  de  Grenoble  ayant  nommé  deux  re- 
ligieux dominicains  gradués  pour  ses  grands- 
vicaires,  eu  i(j3'2,  et  le  parlement  leur  ayant 
substitué  le  plus  ancien  chanoine,  jusqu'à  ce 
qu'il  en  eût  nommé  d'autres,  il  se  pourvut  au 
conseil  du  roi,  qui  maintint  les  deux  religieux 
nommés  par  l'évèque. 

L'édit  d  Henri  II,  en  1354,  enjoignit  aux  évê- 
ques  de  ne  prendre  pour  grands-vicaires  que 


des  français  naturels.  On  peut  voir  dans  les 
Actes  et  les  Mémoires  du  clergé,  ce  cjui  fut 
résolu  en  1037  dans  l'assemblée  du  clergé,  tou- 
chant les  diverses  fonctions  des  officiaux  et  des 
grands-vicaires  (Mémoires  du  clergé,  tom.  ii, 
part.  3,  pag.  10,  11). 

X.  Le  vicariat  de  Pontoise  fait  une  espèce 
toute  particulière.  Il  ne  sera  pas  inutile  d'en 
faire  mention  ici  ^Fevret,  I.  m,  c.  iv,  n.  9,  12). 

Si  nous  en  croyons  Chopin,  les  évêques  de 
Paris,  de  Beauvais  et  de  Senlis  ayant  des  pré- 
tentions égales  sur  le  Vexin  français,  dont  Pon- 
toise est  la  capitale ,  le  Saint-Siège  ordonna 
provisionnellement  que  cette  petite  province 
serait  mise  comme  en  dépôt  et  en  séquestre, 
sous  l'archevêque  de  Rouen.  Ainsi  cet  arche- 
vêque établissant  un  grand-vicaire  à  Pontoise, 
ne  se  réserve  aucune  supériorité  sur  lui  (Fe- 
vret,  1.  m,  c.  4,  n.  25).  Au  contraire,  le  vicaire 
confère  de  plein  droit  les  bénéfices  qui  vaquent 
dans  l'étendue  de  son  vicariat,  institue  et  des- 
iilue  les  officiers  qui  en  dépendent,  connaît 
comnii  ordinaire  du  spirituel  et  du  temporel  ; 
les  appellations  se  relèvent  de  lui  au  Saint- 
Siège,  et  sont  jugées  par  des  juges  donnés  m 
partibus  ;  enfin  il  est  perpétuel,  sou  vicariat 
n'expire  point  par  la  mort  de  l'archevêque 
de  Rouen,  qui  ne  peut  aussi  le  dustituer  sans 
abus. 

C'est  ce  que  Chopin  a  avancé  sans  preuve  et 
sans  aucun  fondement  (Chopin.  Polit.,  1.  xxi, 
tit.  4,  n.  20).  Roger  au  contraire  nous  assure, 
en  fan  1190,  que  le  Vexin  français  était  du  dio- 
cèse de  Rouen  ,  et  que  le  roi  Philippe-Auguste 
voulut  que  Gautier,  archevêque  de  Rouen,  qui 
était  d'ailleurs  sujet  du  roi  d.Vngleterre,  lui  en 
prêtât  le  serment  de  fidélité.  «  Rex  Franciae  po- 
stulavit  sibi  fleri  fidelitatcm  a  Vultero  Rotoma- 
gensi  archiepiscopo,  de  illa  parte  archiepisco- 
patus,  quœ  est  in  regno  Francité,  scilicet  de 
Vogesin  le  français.  » 

Le  séquestre,  dont  parle  Chopin,  est  donc  pu- 
rement chimérique  (  Gallia  Christ.,  tom.  i, 
pag.  588).  D'ailleurs  JIM.  de  Sainte-.Marte  nous 
ont  conservé  la  charte  d'Odon,  archevêque  de 
Rouen,  en  1233,  par  laquelle  il  déclare  que  l'ar- 
chidiaconé  de  Pontoise,  qui  était  de  la  colla- 
tion de  nos  rois  :  «  Cujus  arcbidiaconalus  cum 
suis  pertinentiis  ad  eumdem  regem  coUa- 
tio  i)ertinebat  ,  »  ayant  été  résigné  entre  les 
mains  du  roi  saint  Louis,  ce  saint  roi  l'en 
avait  investi  ,  pour  être  possédé  par  lui  et 
])ar  s  s  successeurs ,  avec  toutes  ses  dépen- 


374 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  HUITIÈME. 


(lances  et  sa  juridiction.  «  Arcliidiaconatuni 
Pontisarensem  ex  resignatione  magistri  Hay- 
monis  vacantem,  contulit,  a  nobis  nostrisque 
successoribus  in  perpetuuni  libère  ac  pacifiée 
possidendum,nosqueinvestivitdeeodeni,omnia 
archidiaconatus  jura  et  jurisdictionem  cœtera- 
que  omnia  ad  ipsum  arcbidiaconntum  perti- 
neutia  in  nos  et  Rotomagensem  Ecclesiam  to- 
laliier  transferendo.  »  L'archevêque  s'obligea 
en  même  temps  de  nommer  une  personne  qui 
résiderait  dans  Pontoise,  dans  la  paroisse  de 
NofreDame,  ou  à  saint  Martin,  selon  que  les 
archevêques  jugeraient  à  propos,  et  y  jugerait 
toutes  les  causes  des  habitants  de  Pontoise 
(excepté  celles  d'hérésie  et  de  faux)  avec  appel 
à  l'archevêque  de  Rouen,  ou  à  son  officiai. 
8  Cognoscet  de  omnibus  causis  Burgensium  ad 
forum  occlesiasticum  perlinentibus,  etc.  Ad 
nos,  et  Orficialcm  Rotomagensem  licite  pote- 
runt  appellare.  » 

La  confirmation  de  cet  acte  par  le  chapitre 
de  Rouen ,  est  contenue  dans  l'acte  même. 
Voilà  la  suppression  de  rarcliidiaconé  de  Pon- 
toise, qui  fut  réuni  à  l'Eglise  et  ix  l'archevêché 
de  Rouen  ,  et  l'institution  d'un  officiai  ou  d'un 
grand- vicaire  à  Pontoise,  de  qui  l'on  appelait 
à  l'archevêque  ou  à  l'official  de  Rouen. 

Ce  n'est  pas  le  seul  exemple  (ju'on  pourrait 
alléguer  de  la  suppression  des  arcliidiaconés, 
des  prévôtés  et  des  autres  dignités,  et  de  leur 
réunion  au  corps  de  l'Eglise  cathédrale.  Les 
prévôtés  furent  abolies  en  plusieurs  Eglises, 
à  cause  de  la  vie  toute  séculière,  et  des  violen- 
ces tyranniques  de  plusieurs  prévôts.  Les  la'i- 
(|ues  s'étaient  aussi  quelquefois  saisis  des  archi- 
diaconés,  et  saint  Louis,  pour  éviter  cet  abus, 
peut  avoir  consenti  à.  l'extinction  de  l'archidia- 
coné  de  Pontoise.  Le  Vexin  français  élant  aussi 
fort  distingué  du  duché  de  Normandie,  et  du 
reste  de  l'archevêché  de  Rouen,  semblait  aussi 
demander  un  officiai,  ou  un  grand-vicaire  par- 
ticulier. Enfin,  depuis  l'établissement  et  la  dis- 
tinction des  parlements,  et  surtout  depuis  l'édit 
du  roi  François  I",  qui  enjoignit  aux  archevê- 
(jues  et  aux  évoques  d'avoir  des  grands-vicaires 
et  des  officiaux  différents,  dans  les  endroits  de 
leurs  provinces  et  de  leurs  diocèses  ([ui  relèvent 
de  différents  parlements,  il  a  été  encore  plus 


nécessaire  d'établir  un  officiai  particulier  dans 
Pontoise ,  parce  que  le  Vexin  français  est  du 
parlement  de  Paris. 

Voilà  l'état  ancien,  voilà  la  disposition  pré- 
sente de  ce  grand-vicaire,  fort  contraires  aux 
prétentions  de  Chopin.  On  peut  voir  dans  la 
compilation  des  synodes  et  des  conciles  de 
Rouen,  le  règlement  dressé  en  1633  par  mon- 
seigneur l'archevêque  de  Rouen,  sur  les  pou- 
voirs du  grand-vicaire  de  Pontoise ,  auquel 
souscrivit  celui  qui  était  alors  pourvu  de  ce 
grand  vicariat  (Synod.  Rotom.,  pag.  456).  Je 
passe  aux  grands-vicaires  des  chapitres. 

XI.  Quoique  selon  le  droit  commun  ,  le 
chapitre  jinisse  exercer  immédiatement  par  lui- 
même  la  juridiction  épiscopale  dont  il  est  dépo- 
sitaire, pendant  que  le  siège  est  vacant,  néan- 
moins d'après  le  décret  du  concile  de  Trente 
(Conc.  Trid.,sess.  xxiv,c.  16),  il  ne  la  peut  exer- 
cer que  par  le  grand-vicaire  ou  officiai,  qu'il 
doit  nommer  dans  les  huit  jours  après  la  mort 
de  l'évêque;  à  moins  de  cela  le  métropolitain 
en  nommera  un,  ou  le  plus  ancien  évêque  de 
la  province,  si  c'est  la  métropole  qui  soit  va- 
cante. 

Les  termes  du  concile  ne  permettent  pas  au 
chaiiitre  d'en  nommer  plus  d'un  ;  mais  la  con- 
grégation du  concile,  et  le  pape  même,  ont 
répondu  à  diverses  considtations,  que  dans  les 
Eglises  où  il  y  avait  une  coutume  immémo- 
riale d'en  nommer  deux,  les  chapitres  pour- 
raient encore  en  nommer  deux,  selon  leur 
ancien  usage. 

Cette  même  congrégation  du  concile  a  main- 
tenu aux  chapitres  le  pouvoir  de  révoquer 
leurs  vicaires-généraux,  pourvu  qu'ils  en  nom- 
ment d'autres  avant  huit  jours.  Elle  a  déclaré 
que  le  chapitre  ne  pouvait  exercer  sa  juridiction 
que  par  le  grand-vicaire,  quoi(|u'iI  puisse  con- 
naître par  lui-même  des  justes  causes  de  dé- 
fiance contre  le  grand-vicaire. 

Enfin  elle  a  déclaré  (lue  tout  ce  que  le  con- 
cile de  Trente  a  ordonné  touchant  les  grands- 
vicaires  des  chapitres  ,  ne  regarde  que  les 
chapitres  des  Eglises  cathédrales  ou  métropoli- 
taines ,  sans  y  comprendre  les  Eglises  collé- 
giales ,  dans  lesquelles  on  doit  observer  la 
disposition  du  droit  commun  (i). 


(1)  Le  Concordat  français,  ainsi  que  les  autres  qui  lui  sont  posté- 
rieurs, ne  parle  nullement  des  vicaires-généraux.  C'est  bien  simple, 
quand  on  songe  que  le  droit  et  le  pouvoir  d'en  nommer  est  inhérent 
à  répiscopal.  Les  articles  orjianiques  vinrent  régulariser  civilement 
la  nomination  de  ces  dignitaires  qui  devaient  être  inbcrits  au  budget. 
L'article  21  auiori&a  chaque  évéque  à  nommer  deux   vicaires-géné- 


raux, et  chaque  archevêque,  trois,  qui  devraient  être  âgés  de  trente 
ans,  et  originaires  français.  Le  gouvernement  agrée  leur  nomination. 
11  n'en  est  pas  ainbi  dans  les  autres  états  catholiques,  qui  laisser.t 
aux  évéques  toute  latitude  dans  le  choix  de  leurs  conseillers  et 
auxiliaires.  Là  oii  les  ofticialités  sont  régulièrement  constituées,  le 
vicaire-général  est  officiai.  (Dr  Andhè.) 


DES  OFFICIAIX. 


37o 


CHAPITRE  NEUVIÈME. 


DES  OFFICIAUX. 


I.  L'archevêqne  de  Canlorbéry  avait  un  ofBcial  dans  Londres 
même,  qui  était  un  évéché  de  sa  province. 

II.  A  Cologne  il  y  avait  un  officiai  métropolitain,  ou  des 
appels. 

III.  Si  les  ofBcianx  doivent  être  dans  les  ordres  sacrés,  étran- 
gers ou  du  pays. 

IV.  Divers  règlements  des  conciles  et  des  assemblées  du  clergé 
de  France.  L'évèque  peut  juger  lui-même.  Il  ne  peut  vendre  les 
officialilés.  Il  peut  les  révoquer. 

V.  Divers  règlements  des  rois  et  des  parlements  sur  le  même 
sujet  ;  surtout  sur  la  destitution  des  officiaux. 

VI.  Du  pouvoir  des  évèques  à  rendre  eux-mêmes  la  justice. 

VII.  Les  archidiacres  et  les  ofliciaux  n'ont  jamais  été  parfaite- 
ment et  universellement  juges  ordinaires  et  non  deslituablcs. 

VIII.  Réponse  à  une  apparence  de  contradiction ,  qui  n'est 
effectivement  qu'une  véritable  diversité  de  police  en  divers 
lieux,  et  en  temps  différents. 

I.  Le  chapitre  précédent  nous  a  suffisam- 
ment éclairci  de  l'origiine  des  officiaux  des 
évèi]iies,  et  du  temps  qu'ils  ont  commencé  à 
attirera  eux  les  affaires  de  la  juridiction  con- 
tentieuse,  dont  les  archidiacres  étaient  aupara- 
vant les  dé[)0sitaires  les  plus  ordinaires,  et  les 
plus  universels.  Ce  chapitre  comprendra  quel- 
ques remarques  qui  seront  toutes  propres  aux 
officiaux,  comme  la  fin  du  chapitre  précédent 
n"a  été  que  pour  les  pouvoirs  qui  sont  propres 
et  particuliers  aux  vicaires-généraux. 

Le  concile  de  Cantorbéry  (Can.  iv)  de  l'an 
1293,  ordonna  que  l'official  de  Cantorbéry  ne 
pouvait  s'éloigner  de  Londres  que  peu  sou- 
vent, et  pour  des  causes  considérables,  parce 
que  son  absence  était  fort  préjudiciable,  à 
cause  de  la  multitude  et  de  l'importance  des 
causes,  des  testaments,  des  mariages,  des  ali- 
ments et  des  bénéfices  qu'il  fallait  ou  remplir, 
ou  ôter,  ou  déclarer  vacants.  «  Offlcialis  Can- 
tuariensis  ,  cujus  damnosa  sspius  reputatiu- 
absent ia,  longe  a  civitate  Londoniens!  ne  di- 
vertat,  etc.  » 

On  ne  voit  pas  seulement  ici  l'étendue  de  la 
ji^iridiction  de  l'official,  qui  est  un  sujet  trop 
vaste  pour  nous  y  engager  ;  mais  on  remarque 
que  l'archevêque  de  Cantorbéry  avait  un  offi- 
ciai à  Londres,  contre  les  règles  communes  du 
droit,  par  une  coutume  singulière  à  laquelle 
le  droit  n'a  pas  voulu  déroger,  comme  il  a 


paru  dans  le  chapitre  précédent.  La  provision 
des  bénéfices  montre  que  cet  officiai  était  en 
même  temps  grand-vicaire,  ce  qui  est  encore 
plus  remarquable,  qu'un  archevêque  ait  un 
grand-vicaire  dans  les  diocèses  de  ses  suffra- 
gants. 

II.  Le  concile  de  Cologne  (Can.  ni),  en  1  i-23, 
semble  distinguer  un  officiai  tout  particulier 
pour  les  causes  d'appellation.  «Officialis  noster 
Coloniensis,  qui  fuerit  pro  tempore  in  causis 
appeilationum,  quœ  ad  curiam  nostram  ab  au- 
dientia  suffraganeorum  nostrorum  seu  eorum 
officialium  devolveutur.  »  Au  moins  cet  officiai 
n'étaitchargéquede  la  juridiction  contentieuse. 
Ce  concile  l'oblige  à  observer  dans  les  juge- 
ments tous  les  règlements  d'Innocent  IV  dans 
le  Sexte,  sous  peine  de  suspension. 

III.  Nous  avons  déjà  dit  que  le  concile  de 
Tortose  en  Espagne,  en  14-29,  demande  que  les 
officiaux  et  les  grands-vicaires  qui  y  sont  dis- 
tingués, soient  dans  les  ordres  sacrés,  et  qu'à 
moins  de  cela  leurs  actes  soient  déclarés  nuls.  Le 
concile  de  Tarragone,  en  lli  i,  avait  déjà  fait  le 
même  règlement.  «  Vicarios  vel  officiâtes  prin- 
cipales, nisi  in  sacris  fuerint  ordinibus  consti- 
tuti,  etc.  (Const.  Provinc.  Tarracon.,  pag.  24;.» 

Le  concile  de  Tarragone  (Ibid.,  pag.  21,  22,, 
en  13r)7,  déplora  les  désordres  incroyables  et  les 
excès  auxquels  s'étaient  portés  les  grands-vicai- 
res et  les  officiaux  d'Espagne,  nés  dans  les  pays 
étrangers,  en  vendant  à  prix  d'argent  l'impu- 
nité des  crimes  ;  tournant  à  leur  profit  les  legs 
pieux,  ruinant  les  bénéfices  et  les  fondations 
des  gens  de  bien;  et  enfin  il  ordonna  qu'à  l'a- 
venir les  grands-vicaires  et  officiaux,  soit  les 
principaux,  soit  les  forains,  ne  pourraient  être 
choisis  qu'entre  les  espagnols  naturels,  d'A- 
ragon, de  Valence,  des  îles  Baléares  et  de 
Catalogne,  ou  si  étant  étrangers  de  naissance, 
il  n'étaient  chanoines  des  Eglises  cathédrales 
ou  bénéficiers  dans  ces  mêmes  provinces. 

a  Nisi  extranei  constiluti  vicarii  vel  officiâtes 
principales  essent  canonici  realiter  prœbendati. 


376 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  NEUVIÈME. 


Tel  de  capitulo  ecclesiarum  cathedralium  prin- 
cipatus  etregnonim  prfcdictorum,  et  officiales 
foranei  essent  beneficiali  in  eisdem.  » 

Ce  règlement  n'est  pas  tout  à  fait  contraire  à 
celui  des  conciles  de  Milan  rapporté  dans  le 
précédent  chapitre,  parce  qu'un  officiai  peut 
être  naturel  d'une  province  voisine,  et  il  évi- 
tera les  inconvénients  contraires  qu'on  appré- 
hende de  part  et  d'autre. 

Le  concile  de  Mexique,  en  lo8o,  désire  que 
l'évêque  seul  juge  les  causes  de  mariage  ;  que 
s'il  les  délègue  à  ses  officiaux ,  il  s'en  réserve 
au  moins  la  décision.  «De  iis  episcopos  tantum 
cognoscere  posse,  hœc  synodusstatuit  ac  censet. 
Si  in  aliquo  casu  videatur,  officialibus  conimit- 
tat,  decisione  causœ  sibi  retenta  (Conc.  gêner., 
tom.  XV,  p.  iS-'lo).  » 

IV.  L'assemblée  du  clergé  de  France  à  Melun 
en  ir)79  réglant  lesofficialilés,  déclara  l"que  l'E- 
glise jugeaitd'abord  tous  les  différends,  dans  les 
deux  conciles  provinciaux  qui  se  tenaient  cha- 
que année  ;  mais  que  depuis,  le  nombre  des 
désordres  et  des  procès  s'étant  augmenté,  pour 
ne  pas  laisser  traîner  si  longtemps  les  querel- 
les, les  causes  civiles  et  criminelles  avaient  été 
commises  au  jugement  des  évoques.  Les  évo- 
ques n'ayant  pu  jiorter  eux  seuls  un  fardeau  si 
pesant,  s'en  sont  déchargés  sur  l'official,  qui  n'a 
qu'un  auditoire  avec  l'évêque,  et  de  la  conduite 
duquel  l'évêque  se  doit  toujours  tenir  respon- 
sable. 

0  Ne  tune  plane  se  suo  functum  munere 
existimet  episcopus,  cum  officialem  deputarit 
nisi  ipsum  itidem  videat  suo  etiam  fungi  officio. 
Utriusque  enim  et  suœ  et  officialis  a  se  dépu- 
tât!, probitatis  et  vigilantiœ  ratione  reddilurus 
est  episcopus  .Tterno  judici  (Conc.  novissim. 
Call.,  p.  107,  108,  etc.). 

La  même  assemblée  du  clergé  déclare  2°  (juc 
les  officialités  doivent  être  données  gratui- 
tement,  et  que  l'évêque  doit,  en  donnant 
des  appointements  honnêtes  à  son  officiai, 
empêcher  qu'il  ne  rende  vénale  la  justice  et  la 
liberté  de  pécher,  a  Suas  intérim  partes  per- 
pendat  episcopus,  utoflicialis  juste  non  possit 
conqueri,  quod  suum  sibi  damnosum  sentiat 
officium.  Ita  enim  de  judicandi  munere  gra- 
tuito  loquitur  episcopis  Innocentiuslll.  Ad  hoc 
suut  vobis  redituR  constituti,  ut  ex  ipsis  vos  et 
alii  clcrici  honeste  vivatis.  » 

3°  Que  l'évêque  doit  juger  en  personne  les 
causes  criminelles  et  celles  du  mariage,  ou  les 
conimeltre  seulement  à  son  officiai  principal, 


qui  réside  dans  la  ville  épiscopale;  ou  s'il  a 
encore  un  autre  officiai  dans  quelque  autre 
ville,  à  cause  de  la  diversité  des  parlements,  il 
prendra  soin  de  ne  confier  cette  importante 
charge  qu'à  des  personnes  d'une  grande  ha- 
bileté, et  d'une  probité  avérée,  a  Causas  gra- 
viores,  utputa  matrimoniales  et  criminales, 
secundum  constitutionem  Alexandri  lll  suo 
examini  reservet  episcopus,  aut  ad  summum 
per  officialem  suum ,  in  majori  sede  sui  fori 
constitutum,  tractari  jubeat.  » 

Les  décrets  de  cette  assemblée  générale  du 
clergé  de  France,  à  qui  on  a  tant  de  fois  donné 
le  nom  de  concile,  nous  apprennent  donc  ces 
trois  vérités  importantes  :  1°  Que  les  officialités 
ne  peuvent  être  vendues;  2"  qu'elles  devraient 
être  par  conséquent  révocables  au  gré  de  l'évê- 
que ;  3"  que  l'évêque  peut  et  même  doit  juger 
lui-même  immédiatement  les  causes  majeures, 
c'est-à-dire  de  grande  conséquence,  telles  que 
les  causes  criminelles  et  celles  du  mariage,  et  il 
ne  doit  les  commettre  à  son  officiai  qu'avec 
peine.  Ainsi  c'est  une  pensée  bien  éloignée 
de  la  vérité,  de  dire  que  l'évêque  ne  peut 
exercer  la  juridiction  coutentieuse  que  par  ses 
officiaux. 

Le  concile  de  Rouen  (Ibid.,  p.  20:i,  20G,  .309), 
en  1581,  donna  de  fort  belles  instructions  aux 
officiaux.  Celui  de  Tours,  en  l.')83,  ordonna 
que  les  officiaux  seraient  prêtres-,  et  que  s'ils 
ne  gardaient  avec  exactitude  tous  les  statuts 
de  ce  même  concile,  ils  seraient  d'abord  sus- 
pendus, et  ensuite  privés  de  leur  office.  Enfin 
ce  concile  réserve,  selon  toutes  les  règles  du 
droit,  les  causes  matrimoniales  aux  évêques  et 
à  leurs  officiaux.  D'où  il  paraît  encore  que  les 
officiaux  n'étaient  pas  irrévocables,  et  que  les 
évêques  peuvent  exercer  en  propre  personne 
leur  juridiction  coutentieuse. 

L'assemblée  générale  du  clergé,  en  1606, 
dressa  un  règlement  pour  les  procédures  juri- 
diques en  toutes  les  officialités,  conformément 
aux  saints  décrets^  aux  ordonnances  des  rois, 
et  aux  arrfts  des  Cours  de  Parleme7it,  ayant 
auparavant  ordonné  que  l'official  fût  prêtre 
(Conc.  novissim.  Gai.,  p.  363). 

Le  concile  de  Nurbonne  (Cap.  xlii,  xliii),  en 
1601),  exhorte  les  évêques,  s'ils  ne  peuvent  pas 
eux-mêmes  s'applitjuer  à  faire  justice  aux  par- 
ties, de  nommer  des  officiaux  dont  la  vertu  et 
la  capacité  répondent  à  rim(iorlancc  de  leur 
charge.  «  Si  per  se  ipsos  episcopi,  pluribusde- 
tenti  negotiis,  causas  omnes  audire,  et  jus  di- 


DES  OFFICIAUX. 


377 


cpre  non  possint,  officiales  elignnt  principales, 
aut  foraneos,  uM  vel  esse  taies  soliti,  vel  ut 
instiliiantur,  viderint  necessariiim.  » 

Ce  concile  su pposeclai rement.  1"  que  l'évèque 
peut  exercer  iui-même  sa  juridiction  contcn- 
tieuse,  et  même  qu'il  le  doit,  si  les  autres  occu- 
pations ne  lui  en  sont  pas  un  obstacle.  2°  Qu'il 
y  avait  des  officiaux  forains  en  divers  endroits 
d'un  diocèse,  outre  l'official  qui  avait  son  tri- 
bunal dans  la  ville  épiscopale  ;  et  que  l'évèque 
devait  en  établir  de  nouveaux  dans  les  lieux 
où  il  les  ju^rerait  nécessaires. 

Enfin  ce  concile  délire  que  l'évèque  ne  se 
croie  pas  tellement  déchargé  par  cette  création 
d'officiaux,  qu'il  ne  veille  sur  eux,  et  qu'il  ne 
confère  souvent  avec  eux  des  causes  impor- 
tantes, comme  étant  lui-même  responsable  au 
juge  éternel  de  leur  conduite.  «  Officiales  vero 
pro  quibus  rationem  reddituri  sunt  episcoi>i, 
ut  oflicio  fungantur.  liortcntur  sœpius  ;  et  cum 
illis  agant  de  rébus  civilibus  et  criminalibus, 
quœ  in  curiis  ventilantur  :  ut  qua  fieri  poterit 
meliori  et  expeditiori  ratione,  provideatur.  » 

Au  reste  les  officiaux  forains  doivent  réser- 
ver la  résolution  des  affaires  les  plus  embrouil- 
lées à  l'official  de  la  ville.  On  met  au  nombre 
des  officiaux  forains  ceux  que  les  évèques  sont 
obligés  d'établir  dans  les  parties  de  leur  dio- 
cèse qui  sont  du  ressort  d'un  autre  parlement. 
Ce  qu'on  prétend  être  conforme  aux  canons, 
qui  veulent  que  les  causes  soient  jugées  dans 
les  provinces  mêmes. 

V.  On  peut  lire  dans  les  Mémoires  du  clergé 
de  France  1"  L'arrêt  du  conseil  privé  du  roi,  en 
1037,  en  faveur  de  l'évèque  de  Clermont,  par 
lequel  est  cassé  un  arrêt  du  parlement ,  qui 
défendait  à  cet  évêque  d'exercer  lui-même  la 
juridiction  de  son  officialité. 

2°  La  déclaration  du  roi  Louis  Xlll,  du  13 
octobre  1637,  par  laquelle  les  èvêi]ues  sont 
maintenus  dans  le  droit  de  destituer  et  d'insti- 
tuer leurs  officiaux,  supposant  que  les  évèques 
ne  pourvoiront  aucune  personne  de  leurs  offl- 
cialités  à  titre  onéreux,  au  préjudice  des  saints 
décrets  et  constitutions  canoniques  (Tom.  ri, 
part,  ui,  p.  12,  13). 

Je  cite  quelquefois  les  déclarations  des  années 
1637, 1057,  IG66  et  peut-être  encore  quelques 
autres,  quoiqu'elles  n'aient  jamais  été  enregis- 
trées dans  les  parlements,  parce  que  ce  sont 
des  résolutions ,  non-seulement  prises  par  le 
clergé,  mais  aussi  concertées  dans  le  conseil 
du  roi,  dont  il  y  a  espérance  que  les  agenis  du 


clergé  obtiendront  avec  le  temps  la  vérification 
dans  les  parlements. 

3°  Les  arrêts  du  conseil  et  du  parlement  qui 
confirment  la  destitution  faite  par  les  évèques 
de  leurs  officiaux ,  quoiiju'ils  eussent  exercé 
cette  charge  un  fort  long  espace  de  tem[is,  et 
qu'ils  eussent  été  pourvus  pour  toute  leur  vie. 

4°  L'arrêt  du  parlement,  en  1638,  qui  main- 
tient l'official  nommé  par  le  chapitre  du  Mans, 
pendant  que  le  siège  épiscopal  est  vacant. 

5°  L'arrêt  du  parlement  de  Paris  (Ibid., 
p.  56,  .S8),  en  1619,  en  faveur  de  l'official  de 
Paris  contre  les  archidiacres, et  leurs  officiaux, 
à  qui  on  ne  laisse  que  la  connaissance  des  plus 
pelites  causes,  soit  civiles,  soit  criminelles, 
même  dans  le  cours  de  leurs  visites. 

6°  L'arrêt  du  conseil  privé,  par  lequel  il  est 
permis  aux  archevêques  et  aux  évèques  de  des- 
tituer leiirs  officiaux,  encore  qu'ils  soient  pour- 
vus pour  récompense  de  service,  ou  à  titre 
onéreux,  sans  qu'ils  soient  tenus  de  faire  aucun 
remboursement. 

On  cite  bien  quelques  arrêts  et  on  produit 
quelques  exemples  pour  la  défense  des  offi- 
ciaux, contre  les  évèques  qui  avaient  voulu  les 
destituer.  Mais  ces  arrêts  sont  plus  anciens 
(|ue  ceux  que  nous  venons  de  rapporter  :  et 
si  on  remontait  un  peu  plus  haut,  on  trou- 
verait que  selon  les  termes  du  droit  les  offi- 
ciaux, n'étant  que  les  vicaires  de  l'évèque.  non 
plus  que  les  grands-vicaires,  sont  également 
destituables  i.\cta  Eccl.  MedioL,  Giossano., 
1.  Il,  c.  4). 

En  effet,  c'est  la  pratique  de  foute  l'Italie , 
où  la  même  personne  est  ordinairement  offi- 
ciai et  grand -vicaire.  Saint  Charles  joignit 
à  son  vicaire-général  un  vicaire  criminel  et 
un  vicaire  civil,  pour  les  causes  criminelles 
et  civiles.  Il  donnait  toutes  ces  charges  gratui- 
tement, et  il  entretenait  ceux  qui  en  étaient 
pourvus ,  comme  ses  domestiques  ;  et  par  de 
grands  appointements,  il  les  empêchait  de  ven- 
dre ce  qu'ils  n'avaient  pas  acheté. 

L'exception  de  Charles  du  Moulin  mérite  d'être 
remarquée  :  Que  bien  que  le  grand-vicaire  et 
l'official  soient  destituables  au  gré  de  l'évèque, 
ils  seraient  néanmoins  reçus  en  leur  appel  s'ils 
étaient  innocents,  et  que  leur  révocation  se  fit 
pour  une  cause  ou  dans  une  conjoncture  infa- 
mante. B  Uuces,  episcopi,  nbbates  et  similes 
locorum  Domini  possunt  ad  nutum  revocaro 
officiales  suos,  si  simpliciter  revocant.  Secus, 
si  ex  causa  infamante.  Quia  tune  potesl  appel- 


378 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  NEUVIÈME. 


lari  :  cum  hujusmodi  privatio  fieri  non  possit, 
nisi  ex  causa  vera  et  probata  (In  Régulas  can- 
cell.,  de  infirmis  resignan.,  num.  390).  » 

VI.  On  peut  confirmer  ce  qui  a  été  dit  du 
[louvoir  des  évêques  à  rendre  eux-mêmes  jus- 
tice dans  leurs  officialités,  par  la  décrétale  de 
Boniface  VIII  qui  défend  d'appeler  de  l'offlcial 
à  l'évèque,  parce  que  ce  serait  appeler  de  lui  à 
lui-même,  puisque  Tévêque  et  Tofficial  n'ont 
qu'un  même  tribunal.  «  Non  putamus  illam 
consuetudinem  quantocumque  tempore  de  facto 
servatam,  consonam  rationi,  quod  ab  officiali 
episcopi  ad  eumdem  episcopum  valeat  appel- 
lari  ;  ne  ab  eodcm  ad  se  ipsum,  cum  sil  idem 
auditorium  uiriusque,  appellalio  inlerposita 
\ideatur  (G.  Non  putamus.  In  Sexto).  » 

On  appelle  de  ré\è()ue  au  métropolitain, 
parce  que  ce  sont  deux  tribunaux  dillerents. 
Mais  l'offlcial  ne  jugeant  que  comme  vicaire 
de  l'évèque  et  par  sa  commission,  ce  n'est 
qu'un  même  tribunal ,  dont  on  ne  peut  par 
conséquent  appeler  qu'au  métropolitain.  Or  ce 
ne  serait  pas  un  même  tribunal,  si  l'évèque  ne 
pouvait  jamais  y  juger  en  propre  personne. 

VII.  On  peut  inférer  de  ce  qui  a  été  dit  dans 
ce  cliapilre  et  dans  les  précédents,  que  ni  les 
archidiacres  ni  les  officiaux  n'ont  jamais  éfé 
parfaitement  et  universellement  juges  ordi- 
naires par  office  ,  ([uoiqu'ils  en  aient  quelque- 
fois porté  la  qualité  et  exercé  les  fonctions. 

La  raison  en  est,  que  n'ayant  été  d'abord 
pourvus  que  d'une  commission,  et  non  pasd'un 
titre  d'office  pour  l'exercice  de  la  juridiction 
éi)iscopale,quoi(]ue  la  longueur  du  temps  leur 
ait  donné  occasion  de  se  flatter  eux-mêmes,  et 
d'im[)Oser  au  public,  ou  ([ue  la  coutume  parti- 
culière de  quelques  endroits  les  ait  fait  passer 
pour  ordinaires,  les  évêques  ne  les  ont  jamais 
laissés  jouir  d'une  possession  pacifique;  ils  ont 
souvent  jugé  par  eux-mêmes  les  causes  impor- 
tantes, ils  se  sont  réservé  ce  droit  dans  leurs 
conciles,  ils  ont  créé  de  nouveaux  officiaux,  ils 
ont  opposé  les  officiaux  aux  archidiacres,  ils 
ont  destitué  à  leur  gré  leurs  officiaux  propres; 
enfin  ils  en  ont  assez  fait  pour  se  maintenir 
dans  la  suprême  et  immédiate  autorité  dans 
l'exercice  de  leur  juridiction. 


L'archidiacre  de  Sens  prétendait  que  c'était 
à  lui  à  juger  toutes  les  premières  instances, 
avant  qu'on  pût  recourir  à  l'offlcial  de  l'arche- 
vêque. Mais  le  pape  Honoré  III  rebuta  une  pré- 
tention si  peu  fondée.  «  Asserens  illos  prius 
debere  conveniri  sub  ipso,  quam  coram  offi- 
ciali Senonensis  archiepiscopi,  etc.  Perpetuum 
ei  silentium  imponatis  (C.  Dilecto,  De  offic. 
Archidiaconi).  » 

VllI.  Cette  remarque  a  été  nécessaire  pour 
sauver  une  apparente  contradiction,  lorsque 
nous  avons  si  souvent  fait  passer  les  archidia- 
cres, et  après  eux  les  officiaux,  tantôt  pour 
ordinaires  en  titre  d'offlce,  et  tantôt  pour  sim- 
ples vicaires  par  une  commission  arbitraire 
que  l'évèque  peut  ou  limiter  ou  révoquer  à 
son  gré. 

Nous  nous  sommes  conformés  au  droit  même, 
aux  décrets,  aux  canons  et  aux  ordonnances 
qui  ont  parlé  tantôt  d'une  façon  et  tantôt  d'une 
autre,  sans  mensonge  et  sans  contrariété,  parce 
que  la  chose  était  différente  en  divers  temps  et 
en  divers  lieux  ;  et  (|uel(]ues  tentatives  que  les 
archidiacres  et  les  offlciaux  aient  faites  pour  se 
rendre  ordinaires  et  irrévocables,  quelque  pos- 
session qu'ils  aient  pu  ou  paru  en  avoir,  ce 
n'a  été  que  des  tentatives  heureuses  ou  mal- 
heureuses; l'établissement  de  leur  office  ordi- 
naire n'a  jamais  été  parfait  ni  consommé,  les 
évêques  n'ayant  jamais  laissé  entièrement 
échapper  de  leurs  mains  la  puissance  déjuger 
eux-mêmes  immédiatement,  et  de  révoquer 
leurs  vicaires,  quand  ils  le  jugeraient  juste  et 
nécessaire. 

Enfin,  quoique  dans  le  droit,  les  archidiacres 
à  qui  les  officiaux  ont  succédé  dans  la  juridic- 
tion contentieuse  des  causes  importantes,  soient 
appelés  assez  souvent  ordinaires,  on  trouve 
néanmoins  dans  le  même  droit  ce  décret  mé- 
morable d'Alexandre  III,  qui  leur  ôte  le  pou- 
voir d'excommunier  sans  ordre  de  l'évèque. 
«  Archidiacono  non  videtur  de  ecclesiastica  in- 
stitutione  licere,  nisi  aulorilas  episcoporum  ac- 
cesserit,  in  aliquos  sententiam  promulgare 
(C.  Archidiacono.  De  officio  Archidiaconi)  (1). 


(1)  Les  officiantes  diocésaines  et  métropolitaines  existent-elles  en- 
core dans  l'Eglise  de  France?  On  les  trouve  dans  tous  les  brefs 
diocésains,  quelques  prélats  ont  même  fait  des  règlements  remar- 
q'iahles  sur  ce  point,  mais  tout  se  borne  là,  et  l'on  ne  voit  guère 
qu'elles  fonctionnent.  Pourquoi?  C'est  que  l'Etat  a  varié  beaucoup 
dans  son  appréciation  de  ces  salutaires  institutions.  Dans  son  rapport 
sur  les  articles  organiques,  Portails  disait  :  o  Les  métropolitains  sont 


fl  supérieurs  aux  évêques  ;  ils  jugent,  en  cas  de  recours  ou  d'appel, 
0  les  causes  qui  leur  sont  portées  des  difTérents  diocèses  qui  com- 
0  posent  l'arrondissement  ecclésiastique,  u  11  est  donc  évident  que 
la  pensée  du  gouvernement  de  ISOJ  était  de  reconnaître  la  juridic- 
tion épiscopale  contentieuse  en  matières  purement  ecclésiastiqut-S, 
c'est-â-dirc  les  ol'ticialitès,  car  l'évèque  ne  peut  porter  un  jugement 
qu'à  la  suite  de  débats  contradictoires.  Il  est  certain  que    le   gouver- 


DU  THÉOLOGAL  ET  DU  PÉNITENCIER. 


379 


CHAPITRE  DIXIEME. 


DU    THEOLOGAL    ET    DU    PENITENCIER. 


I,  Institution  d'un  maître  en  grammairej  et  d'un  théologal  par 
les  conciles  M  et  IV  de  Latran, 

II.  Décrets  du  concile  de  Trente  sur  le  même  sujet. 

III-  Décrets  des  conciles  de  Bâle  et  V  de  Latran,  de  la  prag- 
matique et  du  concordat,  conformes  à  ce  qui  fut  depuis  confirmé 
au  concile  de  Trente. 

IV.  Décrets  des  conciles  de  Milan  et  de  saint  Cliarics. 

V.  Le  pénitencier  établi  dans  le  concile  IV  de  Latran. 

VI.  Des  confesseurs  généraux  que  les  évêques  nommaient 
dans  leurs  diocèses,  dans  chaque  doyenné,  pour  les  prêtres, 
pour  les  clercs,  pour  les  relieieuse-.  En  Angleterre. 

VIL  Et  en  France.  Ce  que  c'est  que  prop7nus  sacerdos. 

VIII.  Décrets  du  concile  de  Trente  et  de  saint  Charles  sur  le 
pénitencier. 

IX.  Comment  les  confessions  devinrent  plus  fréquentes ,  et 
comment  on  demanda  des  privilèges  pour  choisir  un  confesseur. 


X.  XL  Des  confesseurs  approuvés  dans  tout  le  diocèse.  Delà 
suréminence  du  pouvoir  épiscopal  dans  la  dispensation  du  sacre- 
ment de  pénitence. 

Xll.  Comment  l'Eglise  faisant  des  pertes  d'un  côté,  les  répare 
avantageusement  de  l'autre.  Des  confessions  et  des  communions 
plus  fréquentes.  Des  petites  pénitences. 

XUL  Pratiques  des  Grecs. 

L  J'ai  réservé  ces  deux  dignités  pour  en  trai- 
ter plus  à  loisir  dans  un  chapitre  à  part,  comme 
leur  importance  le  demande.  Je  commencerai 
par  le  lliéologal. 

Le  concile  111  de  Latran  (Can.  xvni) ,  sous  le 
pape  Alexandre  III,  ordonna,  en  Tan  1179,  que 


nement  déclara  à  Pie  VÎI,  lors  de  son  arrivée  à  Paris  pour  le  sacre, 
que  l'iotention  du  gouvernement  était  de  reconnaître  aux  évêques 
le  droit  de  juger  les  matières  disciplinaires  selon  les  formes  cano- 
niques, c'est-à-dire  par  l'organe  de  l'officialité.  Ce  qui  prouve  ce  que 
nous  avançons,  c'est  que  dans  son  allocution  au  Sacré  Collège,  le 
26  jum  I8u5,  ce  pape  disait  en  parlant  de  son  voyage  à  Paris  :  u  11  a 
fl  été  statué  que  les  évêques  exerceraient  librement  le  pouvoir  qu'ils 
«  ont  de  juger  les  fautes  spirituelles  et  relatives  à  la  discipline  ecclé- 
0  siastique,  et  de  les  punir,  s'il  le  faut,  par  les  peines  canoniques, 
0  que  les  efforts  des  officiers  civils  pour  entraver  d'une  manière  im- 
«  portune  et  injuste  la  juridiction  ecclésiastique  seraient  réprimés,  d 
Mais  pourquoi  donc,  nonobstant  la  pensée  bien  connue  du  gouver- 
nement, garantie  par  l'allocution  pontificale,  VAimanach  ecclésias- 
tique  de  1806  et  années  suivantes  ne  constate-t-il  qu'un  seul  diocèse 
en  France,  celui  de  Paris  ,  avec  officialités  diocésaine  et  métropoli- 
taine? Est-ce  par  la  négligence  des  évêques  ou  par  les  entraves 
secrètes  du  pouvoir  civil?  Nous  ne  savons.  Nous  constatons  seule- 
ment qu'il  n'existait  alors  d'officialité  qu'à  Paris,  et  qu'elle  fonctionna 
pour  prononcer  la  nullité  du  premier  mariage  de  Napoléon. 

Le  gouvernement  de  la  Restauration  pensait  aussi  que  la  loi  du 
11  septembre  1790,  qui  avait  aboli  les  officialités,  n'avait  6tê  à  ces 
tribunaux  ecclésiastiques  que  la  juridiction  conîenlieuse  qui  loucliait 
aux  matières  civiles,  mais  qu'elle  ne  leur  avait  pas  enlevé  le  pouvoir 
de  prononcer  en  matières  purement  disciplinaires.  Ceci  est  tellement 
vrai,  que  le  26  mars  1826,  le  conseil  d'Eiat  déclarait  que  la  loi  de 
1790  n'avait  aboli  que  les  officialités  mixtes,  c'est-à-dire  celles  qui 
étendaient  leur  action  au  civil,  et  que  maintenant  rien  ne  s'opposait 
à  ce  que  les  évêques  ne  les  établissent  pour  le  spirituel  et  la  disci- 
pline, que  c'était  même  le  vœu  de  la  loi.  Quelques  évêques,  notam- 
ment celui  de  Metz,  avaient  publié  des  ordonnances  pour  rétablir 
l'officialité. 

Le  gouvernement  de  Louis-Philippe  vit  les  choses  sous  un  autre 
point  de  vue.  Il  porta  une  ordonnance  royale  le  2  novembre  1835, 
rendue  en  conseil  d'Etat,  pour  déclarer  que  la  qualité  d'official  ne 
donne  aucune  juridiction  reconnue  par  la  loi.  Le  22  février  1837, 
il  décida  encore  que  l'official  capitulaire  n'avait  pas  le  droit  de  porter 
une  sentence  qui  put  être  rendue  exécutoire,  et  que  ce  pouvoir  n'ap- 
partenait qu'au  corps  des  vicaires  capitulaires.  Nous  ne  nous  ar- 
rêterons pas  à  faire  ressortir  l'erreur  de  cette  dernière  décision  ^ 
qui  ne  tend  à  rien  moins  qu'à  violer  tous  les  canons  et  à  bouleverstr 
l'Eglise  de  fond  en  comble.  Qui  ne  voit  en  effet  ici  que  le  pouvoir 
épiscopal,  nécessairement  UN  dans  son  essence,  est  scindé  et  porté 
sur  plusieurs  têtes.  Le  chapitre,  à  la  mort  de  l'évêque,  hérite  de  la 
juridiction  épiscopale.  Mais  il  ne  peut  l'exercer  en  corps.  Il  ne  peut 
l'exercer  que  par  le  moyen  d'un  officiai,  a-'-sisté  de  deux  ou  trois 
vicaires.  Mais  toujours,  mais  partout,  la  juridiction  conteutieuse, 
indivisible  dans  son  essence,  parce  qu  elle  est  inhérente  à  Tévéque, 


a  été  prononcée  par  un  seul  officiai,  et  non  par  le  corps  des  vicaires 
capitulaires.  Aux  yeux  de  l'Eglise,  uue  telle  sentence  serait  nulle, 
parce  qu'un  corps  quelconque  ne  peut  pas  plus  être  officiai  qu'évêque, 
mais  il  faut  un   seul  et  unique  individu. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  même  gouvernement,  persistant  dans  ses 
errements,  annoni;a  encore  dans  une  circulaire  ministérielle  du 
4  octobre  1847,  qu'à  ses  yeux  les  officialités  n'étaient  que  des  tri- 
bunaux irrêyuliers.  Les  choses  en  sont  restées  là.  Cependant  le 
pouvoir  civil  reconnaît  aux  évêques,  articles  organiques  6,  14,  15  et 
autres,  le  droit  de  porter  des  sentences  de  condamnation  sur  toutes 
les  questions  relatives  à  l'administration  diocésaine,  avec  factilté, 
pour  le  condamné,  de  se  pourvoir,  par  appel,  auprès  du  méiropoli- 
tain.  Or,  1  evéque  peut-il  rendre  une  sentence  de  condamnation  sans 
une  procédure  en  règle,  c'est-à-dire  sans  l'officialité?  Et  le  méTo- 
politain  peut-il  prononcer  sur  l'appel,  c'est-à-dire  examiner  tous  les 
documents,  monitions,  sentences,  dépositions  des  témoins,  juge- 
ment, etc.,  sans  avoir  lui-même  son  officialité  métropolitaine?  C'est 
ce  que  personne  ne  pourra  ni  admettre,  ni  comprendre.  Les  évêques 
semblent  avoir  parfaitement  compris  cela,  puisqu'ils  ont  tous,  ainsi 
que  le  constatent  les  brefs  diocésains,  réubli  les  officialités.  Mais 
pourquoi  ces  tribunaux:  ecclésiastiques  sont-ils  généralement  muets  7 
Là  est  toute  la  question.  Les  évêques  ont  tout  à  gagner,  dans  le 
fonctionnement  de  ces  tribunaux.  Car  enfin,  l'officialité  n'est  pas 
autre  chose  que  l'évêque  prononçant  une  sentence  disciplinaire  par 
l'organe  de  ses  officiers.  Un  des  canons  du  concile  provincial  d'Avi- 
gnon de  1849  prescrivit  la  résurrection  des  officialités  dans  toute 
cette  province  ecclésiastique.  Le  25  mars  Î850,  l'archevêque  d'Avi- 
gnon promulgua  une  ordonnance  en  43  articles,  ^lOrta^t  institution 
et  règlement  du  tribunal  de  l'officialité.  Ce  règlement,  plein  de  sa- 
gesse et  d'équité,  est  en  tout  conforme  aux  lois  de  l'Eglise,  ilalheu- 
reuscment  le  43«  et  dernier  article  renverse  de  fond  en  comble  tout 
ce  qu'ont  éubli  les  articles  précédents.  Comme  cet  article  se  trouve 
dans  les  règlements  de  toutes  les  officialités  de  France,  nous  ferions 
une  œuvre  incomplète,  si  nous  ne  le  consignions  ici,  parce  qu'il  est 
de  nature  à  faire  connaître  parfaitement  l'état  des  choses  au 
XlXe  siècle.  Art.  43.  a  Dans  l'état  actuel  de  la  discipline  en  France, 
0  la  révocation  d'un  succursaliste  ou  son  transfert,  sans  son  consen- 
a  tement,  d'une  paroisse  dans  une  autre,  n'étant  pas  une  peine  cano- 
0  nique,  l'appréciation  des  causes  de  la  révocation  ou  du  transfert 
(1  n'e^t  pas  du  ressort  de  l'officialité.  d  Pour  comprendre  tout  ce  qu'il 
y  a  là-dedaus,  nous  renvoyons  le  lecteur  à  la  deuxième  partie  de 
notre  livre  Les  lois  de  l'Egiise  sur  la  nomination^  la  mutation  et 
la  réi'ociition  des  curés.  —  Situation  anormale  de  l'Eglise  de 
Franc. 

En  Italie,  en  Espagne,  en  Portugal,  en  Allemagne,  au  Mexique, 
au  l'érou  et  ailleurs,  les  officialités  fonctionnent  réguhèrement. 

(Dr  André.) 


380 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


dans  toutes  les  églises  cathédrales  on  affecterait 
un  bénéfice  à  un  précepteur  commun,  qui  en- 
seignerait les  clercs  de  la  même  Eglise  et  tons 
les  pauvres  gratuitement  :  et  que  dans  les 
autres  églises  et  dans  les  monastères ,  s'il  y 
avait  eu  autrefois  de  ces  précepteurs  charita- 
bles, on  les  y  rétablirait.  «  Per  unamquamque 
Ecclesiam  catliedralem  ,  magistro,  qui  clericos 
ejusdem  Ecclesiœ  et  scholares  pauperes  gratis 
doceat,  competens  aliquod  beneficium  assigne- 
tur  (Can.  xi).  » 

Cette  ordonnance  fut  mal  exécutée,  ce  qui 
obligea  le  pape  Innocent  111,  non-seulement  de 
la  renouveler,  mais  de  l'augmenter  et  de  lui 
donner  une  bien  plus  grande  étendue  dans  le 
concile  IV  de  Latran,  en  1213. 

Ce  concile  ordonna  donc,  V  que  le  prélat  et 
le  chapitre  éliraient  dans  chaque  église  cathé- 
drale un  maître  de  grammaire,  pour  l'instruc- 
tion des  clercs  ;  2°  qu'on  en  élirait  aussi  un 
dans  les  autres  églises  dont  les  moyens  sufli- 
raient  pour  cela;  3°  que  dans  l'église  métropo- 
litaine on  nommerait  un  théologien  pour  inter- 
préter l'Ecriture  sainte,  et  pour  enseigner  tout 
ce  qui  est  nécessaire  pour  la  conduite  des  âmes. 
«  Sane  metro|)olilana  Ecdesia  theologum  ni- 
hilominus  habeat ,  qui  sacerdotes  et  alios  in 
sacra  pagina  doceat,  et  in  his  pra^sertim  infor- 
mel, qua;  ad  curam  animaruni  spectare  no- 
scuntur.  »  A"  Qu'on  donnera  le  revenu  d'une 
prébende  tant  au  précepteur  qu'au  théologien. 
Non  pas  ijue  ni  l'un  ni  l'autre  deviennent  par 
là  chanoines;  mais  pour  les  faire  jouir  de  ce 
revenu,  tandis  qu'ils  enseigneront,  a  Non  quod 
propter  hoc  efliciaturcanonicus  :  sed  tamdiu  re- 
ditiisipsius  p(;rci[iiat,quandiu  persliterit  in  do- 
cendo  (C.  Quoniam.  de  Magistris).  »  Ce  qui  for- 
tifie merveilleusement  nos  conjectures  précé- 
dentes sur  cette  question  épineuse,  poun|uoi 
le  droit  commun  ne  donne  pas  l'entrée  du 
chapitre  aux  dignités  (C.  Quia  nonnullis.  Ibi- 
dem). 

Enfin  ce  concile  ordonne  que  si  l'Eglise  mé- 
tropolitaine se  trouve  surchargée  de  cette  affec- 
tation de  deux  prébendes,  elle  en  donnera  une 
au  théologal,  et  (juelque  autre  église  de  la  ville 
ou  du  diocèse  en  donnera  une  autre  pour  le 
maître  de  grammaire. 

Le  pape  Honoré  III,  pour  donner  plus  de 
facilité  à  l'exécution  de  ce  décret,  c'est-à-dire, 
afin  (ju'on  trouvât  plus  facilement  au  moins 
un  théologien  pour  chaciue  métropole ,  enjoi- 
gnit aux  chapitres  d'envoyer  les  jeunes  cha- 


noines étudier  dans  les  universités,  et  dispensa 
tant  les  étudiants,  que  ceux  qui  enseignent  la 
théologie,  de  la  résidence  en  leurs  bénéfices 
(C.  Super  spécula.  Ibidem). 

II.  Le  concile  de  Trente  (Sess.  v,  c.  1)  a  con- 
firmé tous  ces  décrets,  en  y  ajoutant  des  arti- 
cles fort  importants.  1°  Le  pape  Innocent  III 
n'ayant  obligé  le  précepteur  de  la  grammaire 
d'enseigner  gratuitement  que  les  clercs,  le  con- 
cile de  Trente  lui  impose  la  même  obligation 
envers  tous  les  pauvres  écoliers,  selon  le  décret 
du  concile  111  de  Lalran. 

2°  Innocent  111  n'avait  établi  le  théologal 
que  dans  les  églises  métropolitaines,  au  lieu 
que  le  concile  de  Trente  veut  qu'on  ait  un 
théologal  dans  toutes  les  églises  cathédrales  et 
même  dans  les  collégiales,  en  lui  assignant  une 
prébende,  si  ce  n'est  que  le  clergé  fût  si  pauvre, 
ou  la  ville  si  petite  et  si  peu  nombreuse,  qu'on 
ne  pût  y  avoir  un  théologien.  Car  en  ce  cas  le 
concile  enjoint  d'y  étiblir  au  moins  un  maître 
de  grammaire  qui  instruise  les  clercs  et  les 
pauvres  écoliers  gratuitement. 

3°  Le  concile  de  Trente  ne  dit  rien  du  gram- 
mairien de  l'église  métropolitaine:  mais  il  y  a 
toutes  les  apiiarences  possibles  qu'il  n'a  point 
prétendu  casser  les  leçons  déjà  établies  par  le 
droit  commun. 

4"  Le  droit  ancien  donnait  une  prébende  au 
granunairien,  le  concile  de  Trente  laisse  à  l'évê- 
que  la  liberté  de  pourvoir  à  sa  subsistance, 
comme  il  le  jugera  à  [iropos,  ou  par  les  reve- 
nus d'un  bénéfice  simple,  ou  par  quelque  sa- 
laire raisonnable. 

5°  Le  concile  de  Trente  ordonne  qu'on  fasse 
une  leçon  de  l'Ecriture  sainte  dans  les  monas- 
tères où  on  le  pourra  commodément,  et  en- 
joint aux  évêques,  comme  délégués  du  Saint- 
Siège,  de  les  y  obliger  i)ar  les  voies  de  droit. 

G"  Le  concile  de  Trente  ordonne  que  la 
même  leçon  se  fasse  dans  les  couvents  des  ré- 
guliers, et  dans  les  universités,  avec  pouvoir 
aux  évê(iues  d'examiner  et  d'approuver  les  pro- 
fesseurs de  théologie,  si  ce  n'est  dans  les  mo- 
nastères. 

Le  droit  commun  donnait  au  théologal  le  re- 
venu d'une  prébende,  pendant  le  temps  qu'il 
enseignait,  sans  en  faire  un  chanoine;  au  lieu 
que  le  concile  de  Trente  aflècte  au  théologal  la 
l)remière  prébende  (lui  viendra  à  vaquer,  au- 
trement que  par  résignation  ,  en  sorte  que  le 
lecteur  en  théologie  en  a  dès  lors  le  titre  et  a 
rang  parmi  les  chanoines  ;  aussi  il  peut  en  être 


DU  THÉOLOGAL  ET  DU  PÉNITENCIER. 


38I 


privé,  s'il  ne  s'acquitte  pas  de  son  devoir. 
«  Pr;rben(la  [jrinio  vacatiiru  ad  eum  usnm 
ipso  facto  perpoluo  conslituta  et  deputata  intel- 
ligatur.  » 

Fagnan  rapporte  plusieurs  résolutions  de  la 
congrégation  du  concile,  par  lesiiuelles  il  est 
décidé  que  c'est  à  l'évcque  à  élire  le  théologal  ; 
que  la  collation  de  la  prébende  théologale  ap- 
partient à  celui  qui  en  était  le  collateur  avant 
le  concile  ;  que  la  théologie  scolastique  peut 
passer  pour  la  leçon  de  l'Ecriture  sainte  dont 
le  concile  a  chargé  le  théologal  ;  enfin  qu'un 
canoniste  peut  suppléer  s'il  ne  se  trouve  point 
de  théologien,  mais  qu'on  doit  faire  toutes  les 
diligences  possibles  pour  avoir  un  théologien 
(Fagnan.,  in  I.  v,  part.  I.  Décrétai.,  pag.  •20-i.) 

Ou  rapporte  aussi  d'autres  résolutions  de  la 
même  congrégation  du  concile  :  savoir,  que  les 
chanoines  et  les  autres  [)rètres  de  la  cathédrale 
sont  obligés  d'assister  aux  leçons  de  théologie 
du  théologal  ;  que  l'évéque  peut  les  y  contrain- 
dre aussi  bien  qu'à  la  leçon  des  cas  de  con- 
science, par  des  amendes  pécuniaires  (Barbosa, 
de  Digni.,  c.  xxviij;  comme  il  peut  encore  con- 
traindre le  théologal  à  faire  ses  leçons,  jusqu'à 
le  priver  de  sa  prébende  s'il  s'opiniàtre  dans  sa 
désobéissance.  Enfin  il  peut,  quand  il  est  ma- 
lade, lui  donner  un  substitut. 

m.  Avant  le  concile  de  Trente  le  pape 
Léon  X  avait  déjà  ordonné,  dans  le  concile  V  de 
Latran  (Sess.  U;,  en  1510,  que  dans  la  France 
et  dans  le  Dauphiné  il  y  aurait  une  prébende 
théologale,  dans  toutes  les  églises  cathédrales 
et  métropolitaines,  affectée  à  un  docteur,  licen- 
cié ou  bachelier  formé  en  théologie,  pour  y 
faire  au  moins  deux  leçons  par  semaine  :  à  quoi 
il  serait  contraint  par  la  privation  des  distribu- 
tions ;  aussi,  pendant  qu'il  enseignerait,  il  serait 
estimé  présent,  et  ne  perdrait  rien  quand  il 
n'assisterait  pas  à  l'office. 

C'est  donc  dans  ce  concile  V  de  Latran  et 
dans  le  concordat  de  la  France,  qu'on  com- 
mença à  rendre  le  théologal  nécessaire  à  tou- 
tes les  cathédrales,  et  àen  faire  un  véritablecha- 
noine,  au  lieu  que  le  droit  commun  n'en  avait 
fait  qu'un  théologien  à  gage. 

Mais  pour  remonter  jusqu'à  la  source,  il  faut 
reconnaître  que  cet  article  du  concordat  est  tiré 
mot  à  mot  de  la  pragmatique  sanction,  au  titre 
De  Collationibus,  et  par  conséquent  du  concile 
de  Bàle.  «Cum  pergeneralisconcilii  slatula  or- 
dinatum  existât,  quodquœlibet  Ecclesia  metro- 
politana  unum  debeat  habere  theologum  :  Or- 


dinal hirc  sancla  synodus,  quod  exfendalni 
liujusiiiodi  ordinalio  ad  Ecclesias  cathédrales." 
C'est  de  la  session  xxxi,  chap.  ni,  du  concile 
de  Bàle,  qu'est  tiré  ce  décret  de  la  pragmatique, 
aussi  bien  que  celui  du  concile  V  de  Latran  et 
de  notre  concordat. 

IV.  Le  concile  Vde  Milan  (.\cta  Eccl.  MedioL, 
pag.  2(i8,  -il."^)),  oblige  le  théologal  de  recevoir 
ordre  de  l'évéque  [)Our  les  leçonsqu'ildoit  faire 
et  pour  les  jours  qu'il  doit  les  faire  ;  il  doit  en- 
seigner dans  le  séminaire,  ou  dans  les  autres 
conununautés  ecclésiastiques ,  si  l'évéque  le 
désire  de  la  sorte  ;  il  doit  interpréter  l'Ecriture 
publiquement  dans  l'église  cathédrale  tous  les 
jours  de  fêles;  enfin  il  doit  résoudre  toutes  les 
difficultés  que  l'évéque  ou  d'autres  lui  propose- 
ront. Saint  Charles  lui  ordonna,  dans  sou  xi' 
synode  diocésain,  de  faire  au  moins  trois  le- 
çons [)ar  semaine,  et  de  prêcher  quelquefois. 
Aussi  il  lui  donna  rang  avant  tous  les  autres 
chanoines  après  les  dignités. 

Outre  la  prébende  du  théologal,  saint  Charles 
en  institua  une  pour  le  docteur  des  canons, 
avec  obligation  de  lire  les  canons  au  clergé  au 
moins  deux  fois  la  semaine  dans  la  salle  de 
l'archevêché  (Gioss.,  1.  xxvi,c.9). 

Je  laisse  tout  ce  que  divers  conciles  provin- 
ciaux ont  résolu  après  le  concile  de  Trente, 
touchant  les  devoirs  du  théologal.  Tout  revient 
presque  à  ce  que  nous  en  avons  dit  (Conc. 
gênerai.,  tom.  xv,  pag.  23,  (JGG,  776,835,  1020, 
1100,  1101,  1163,  1170,  14-i2, 1474,  1779,  1660. 
Edict.  Aurul.,  an.  89;  Edicl.  BIcsen.,  art.  33,  34). 

L'ordonnance  d'Orléans,  art.  8  el  9,  et  celle 
de  Blois,  art.  33  et  34, enjoignent  l'établissement 
du  théologal  et  du  précepteiu'  dans  les  cathé- 
drales où  ily  aura  plus  de  dix  prébendes,  outre 
la  principale  dignité,  et  veulent  que  le  théolo- 
gal prêche  tous  les  jours  de  dimanches  et  de 
fêtes  solennelles,  et  qu'il  fasse  outre  cela  des 
leçons  publiques  d'I^criture  sainte  trois  fois 
la  semaine,  où  les  chanoines  seront  obligés 
d'assister,  sous  peine  d'être  privés  de  leurs  dis- 
tributions. 

V.  Passons  maintenant  au  pénitencier,  qui 
est  le  vicaire-général  de  l'évéque,  pour  l'ad- 
ministration du  sacrement  de  iiénitence.  Outre 
ce  (lue  nous  allons  dire  ici  du  pénitencier,  voyez 
ce  qui  en  a  été  dit  ci-dessus  chapitre  vu,  depuis 
le  nombre  13  jusqu'à  la  fin. 

Le  concile  IV  de  Latran  (Can.  x.  C.  Inter 
ca'tera.  De  majoritate  et  obedientia.  Regist.  13, 
epist.  CCI),  enjoignit  aux  évêques  de  prendre 


382 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


des  aides  el  comme  des  coadjuteurs,  pour 
se  reposer  sur  eux  du  soin  de  la  prédication, 
des  visites,  des  confessions  et  des  pénitences. 
a  Unde  prœcipimustain  in  catliedralibus  eccle- 
siis  viros  idoneos  ordinari,  quos  episcopi  pos- 
sint  coadjutores  et  cooperalores  liabere,  non 
solum  in  prœdicationis  officie,  verum  etiam  in 
audiendis  confessionibus  et  pœnitentiis  injun- 
gendis.» 

Voilà  sans  doute  un  pénitencier  établi , 
comme  grand-vicaire  de  l'évèque,  pour  le  tri- 
bunal de  la  pénitence.  Ce  pape  fait  mention  du 
pénitencier  de  Limoges  dans  une  de  ses  lettres. 
Mais  si  nous  remontons  plus  haut,  nous  trou- 
verons dans  chaque  diocèse  un  confesseur  gé- 
néral qui  était  chargé  des  mêmes  fonctions. 

Le  concile  d'York  (Can.  xvii),  en  1194,  avait 
ordonné  que  si  les  parjures  excommuniés 
étaient  touchés  d'un  salutaire  repentir  de  leur 
crime,  l'évèque,  ou  en  son  absence  le  confes- 
seur général  du  diocèse  ,  lui  imposât  la  péni- 
tence canonique  :  «  Ad  episcopum,  vel  eo 
absente  ad  generalem  diœcesis  confessorem 
transmittantur  ,  ab  eo  pœnitentiam  susce- 
pturi.  » 

Ce  même  concile  avait  aussi  ordonné  que 
dans  les  attaques  imprévues  de  la  mort,  on  ne 
leur  imposerait  pas  la  pénitence,  mais  on  la 
leur  insinuerait  en  leur  enjoignant,  s'ils  recou- 
vraient la  santé,  d'aller  recevoir  la  ])énitence 
de  l'évèque,  ou  en  son  absence  du  confesseur 
général.  «  In  extremis  Inborantibus  insinuanda, 
non  imponenda  est  pœnilentia  ;  eisijue  firmiter 
injungatur,ut  si  vixerint,  episcopum  vel  gene- 
ralem diœcesis  confessorem  absente  episcopo 
adeant,  ut  eis  pœuitentia  competens  injun- 
gatur.  » 

En  1218,  l'évèque  d'Amiens  institua,  comme 
il  a  été  dit.  trois  nouvelles  dignités  dans  sou 
chapitre  el  leur  assigna  leurs  fonctions.  La  pé- 
nitencerie  fut  de  ce  nombre,  et  l'évèque  char- 
gea le  pénitencier  des  confessions  de  tout  le 
diocèse  en  sa  place,  excepté  celles  des  curés, 
des  grands  et  des  barons,  qu'il  se  réserva  ;  il 
voulut  qu'on  lui  rapportât  toutes  les  difficultés 
([ui  se  rencontrent  dans  le  tribunal  de  la  péni- 
tence ;  il  lui  permit  d'adoucir  ou  de  changer 
les  pénitences  imposées  par  les  autres  confes- 
seurs; il  lui  donna  l'intendance  de  l'hôpital. 

((  Pœnitentiarius  loco  nostri  confessiones  au- 
dietde  quacumque  parte  diœcesis  ad  ipsum 
referantur  ;  exceplis  confessionibus  curatorum 
noslrorum,  et  maguatum,  et  barouum,  quas 


nobis  reservamus.  Ad  illum  etiam,  tanquam  ad 
illum  quem  post  nos  in  hoc  officio  proximum 
esse  volumus,  dnbitationes,  si  quœ  émergent 
in  foro  pœnilentiali,  jubemus  reportari.  Pœni- 
teuii;isinjunctas  ab  aliis  confessoribus  relaxare 
poterit,  aut  mutare,  prout  secundum  Deum 
viderit  expedire.  Provisionem  etiam  et  curam 
domus  hospitalaricû  Ambianensis  loco  nostri 
habebit(Spitilegii,  toni.xii,  p.  1G6).  » 

Les  papes  avaient  leurs  pénitenciers  long- 
temps avant  le  concile  IV  de  Latran,  et  il  semble 
que  c'est  sur  le  modèle  des  pénitenciers  du  pape 
que  les  évêques  en  ont  établi  dans  leurs  dio- 
cèses. Bertholde,  prêtre  de  Constance,  raconte 
lui-même  dans  sa  chronique,  ou  dans  la  con- 
tinuation de  celle  d'Ilerman,  qu'en  l'an  1084, 
le  pape  l'ordonna  prêtre,  el  le  fit  en  même 
temps  pénitencier  du  Saint-Siège.  «  Presbyte- 
rum  promovit,  et  polestatem  ad  suscipiendos 
pœnitentes  ex  apostolica  autoritate  concessit.  » 

VI.  Les  ordonnances  d'un  évêque  d'Angle- 
terre, en  i^ll,  portaient  que  l'évèque  nomme- 
rait dans  chaque  chapitre  deux  confesseurs,  à 
qui  tous  les  ecclésiastiques  et  tous  les  bénéfi- 
ciers  se  confesseraient;  qu'on  aurait  recours 
au  pénitencier  dans  les  cas  dont  la  résolution 
paraîtrait  difficile,  ou  si  quelque  prêtre  fai- 
sait dilflcultédese  confessera  l'un  des  deux 
nommés;  enfin  celui  qui  n'aurait  pas  assez 
d'ouverture  de  cœur  pour  le  pénitencier  se 
confesserait  à  l'évèque,  ou  à  un  autre  qu'il  dé- 
léguerait. «  Si  quœ  vero  dubia  fuerint  quœ  per 
eos  expediri  nequeant  :  vel  si  quis  sacerdotum 
eis  ob  aliquam  causam  confiteri  noluerit,  ad 
pœnitentiarum  episcopi  principalem  retraha- 
tur;  si  vero  neutri  eorum  voluerit  revelare 
peccatum,  episcopo  confiteantur,  vel  alicui  au- 
toritate ejus  (Conc.  Angl.,  tom.  ii,  p.  145,  182, 
18-i).  » 

1°  11  y  avait  donc  des  confesseurs  particuliers 
pour  les  ecclésiastiques.  2°  Et  c'étaient  comme 
des  sous-pénitenciers;  ils  recevaient  néanmoins 
leur  juridiction  de  l'évèque.  3"  On  recourait 
au  grand  pénitencier  dans  les  deux  rencontres 
que  nous  venons  de  marquer.  4°  L'évèque  con- 
fessait aussi  quelquefois.  Le  concile  d'Oxford, 
en  1222,  les  y  invite  :  a  In  personis  propriis 
confessionibus  audiendis  interdum  iulersint,  et 
pœnitentiis  injungendis.  n 

Ce  même  concile  (Can.  xviii)  renouvela  l'an- 
cien statut  que  ,  puisque  les  doyens  ruraux  et 
les  autres  bénéficiers  pouvaient  avoir  quelque 
peine  de  se  confesser  à  l'évèque,  l'évèque  nom- 


DU  THÉOLOGAL  ET  DU  PÉNITENCIER. 


383 


nierait  des  confesseurs  dans  tous  les  archidia- 
conés  et  que,  dans  les  chapitres  des  cathédrales 
où  il  y  a  des  chanoines  séculiers,  ils  se  confes- 
seraient à  révè(iue  ou  au  doyen,  ou  à  des  con- 
fesseurs nommés  par  l'évèque  ,  par  le  doyen  et 
par  le  chapitre,  a  Quia  erubescunt  forte  suo 
confiteri  prœlalo,  etc.  In  cathedralibus  Eccle- 
siis,  ubi  sunt  canonici  sœculares,  confiteantur 
ipsi  canonici  episcopo  ,  vel  decano  ,  vel  certis 
personis,  ad  hoc  per  episcopum ,  decanum 
et  capitulum  constitutis.  »  Enfin  ce  concile 
(Can.  XLvi)  donna  des  confesseurs  propres  aux 
religieuses,  o  Confiteantur  moniales  sacerdoti- 
bus  ab  episcopo  deputatis.  » 

Entre  les  articles  dont  l'archidiacre  devait 
s'enquérir  en  faisant  la  visite  dans  levéché  de 
Lincoln ,  nous  remarquons  celui-ci  :  si  dans 
tous  les  archidiaconés  il  y  avait  des  péniten- 
ciers nommés  par  l'évèque.  «  An  in  singulis 
archidiaconatibus  siut  sufficientes  pœnitentia- 
rii  episcopi  (Conc.  An.,  tom.  u.  p.  193,  210, 
246  ,  293,  504,  332  ,  336  ,  405,  498,  721.)  » 

Les  ordonnances  de  l'évèque  de  Coventry,  en 
1237,  et  celles  de  Worcester,  en  1240,  donnent 
des  confesseurs  propres  aux  clercs  dans  chaque 
doyenné;  celles-ci  les  leur  font  élire  dans  le 
synode  et  défendent  aux  chapelains  des  grands 
de  les  confesser  ou  ceux  de  leur  famille,  sans 
la  permission  spéciale  de  l'évè(jue.  Si  quelques- 
uns  se  prétendent  exempts  de  la  juridiction  de 
l'évèque,  qu'ils  fassent  voir  leurs  privilèges; 
celles  de  l'évèque  de  Durham  leur  donnent  le 
nom  de  pénitenciers,  en  l'an  1252;  celles  de 
l'évèque  de  Sarum  portent  les  prêtres  de  se 
confesser  aux  confesseurs  des  clercs  au  temps 
de  carême,  ou  en  autre  temps  s'il  en  est  besoin. 
«  Debent  confiteri  in  quadragesima,  vel  alio 
tempore ,  si  necesse  fuerit.  »  Le  concile  de 
Lambeth,  en  1281,  se  plaignit  de  l'inexécution 
d'un  statut  si  nécessaire  et  si  souvent  réitéré  ; 
il  enjoignit  très-expressément  qu'on  robser\àt 
à  l'avenir,  permettant  néanmoins  aux  mêmes 
ecclésiastiques  de  se  confesser  aux  autres  péni- 
tenciers. «  Possint  si  voluerint,  ad  alios  pœui- 
tenliarios  convolare.  » 

Le  synode  d'Exeter,  en  1287,  voulut  que 
ces  confesseurs  des  clercs  de  chaque  doyenné 
recourussent  au  pénitencier  général  dans  les 
difficultés  importantes,  ou  même  à  l'évèque. 
«  Pœnitentiarii  nostri  generalis  autoritate  in 
omnibus  salva,  ad  cujus  arbilrium  ia  dubiis  et 
gravioribus  recurratur,  nisi  forte  talis  emergat 
arliculus ,  qui  nobis  inconsultis  nequeat  expe- 


diri.  »  Le  même  synode  ajouta  que  les  clercs  qui 
auraient  été  suspendus  pour  quelque  crime 
subiraient  encore  le  tribunal  du  pénitencier 
pour  expier  leur  faute  par  une  pénitence  salu- 
taire. 

Les  ordonnances  de  l'évèque  de  Chichester, 
en  1289,  permettent  au  chapitre  l'élection  des 
deux  prêtres  qui  doivent  confesser  tous  les  ec- 
clésiastiques du  doyenné.  Ce  chapitre  n'est  autre 
à  mon  avis  que  l'assemblée  de  tous  les  curés 
du  doyenné,  à  laquelle  on  donnait  aussi  le  nom 
de  chapitre,  comme  nous  le  montrons  ailleurs. 
L'archevêque  de  Cantorbéry,  Simon  .Mépham, 
après  l'an  i3i!8,  confirma  toute  l'autorité  de  ces 
pénitenciers  de  chaque  doyenné. 

Enfin  les  ordonnances  synodales  de  l'évèque 
d'Ely,  en  1838,  font  foi  qu'on  avait  nommé  des 
pénitenciers  dans  tous  les  doyennés  du  comté 
de  Cambridge,  avec  pouvoir  d'absoudre  des  cas 
réservés  à  l'évèque.  «  Pœnitentiarii  in  singulis 
decanatibus  quibus  concedi  posset  facultas  ab- 
solvendi  in  casibus  episcopo  resei'vatis  per 
littcras  spéciales  domini  episcopi.  » 

C'était  effectivement  le  pouvoir  d'absoudre 
des  cas  réservésà  l'évèque,  qui  était  réservé  au 
pénitencier.  Car  outre  l'obligation  des  curés  et 
des  souspénitenciers  de  recourirau  grand  péni- 
tencier dans  leurs  doutes,  il  est  certain  que  les 
crimes  énormes,  les  crimes  publics,  et  enfin  les 
crimes  qu'il  fallait  expier  par  la  pénitence  pu- 
blique, étaient  réservés  à  l'évèque  ou  à  son 
grand  pénitencier. 

Les  ordonnances  de  l'évèque  de  Chichester 
en  1289  le  disent  clairement.  oEnormia  delicta 
nobis,  vel  pœnitentiario  nostro  ad  hoc  speciali- 
ter  deputato,  prœterquam  in  articulo  morlis, 
reservamus  (Conc.  Angl.,  tom.  ii).  »  Le  synode 
d'Exeter  en  1287.  «  Majora  et  noloria  pœni- 
tentiario nostro  reservet  sacerdos,  et  pœniten- 
tem  sibi  transmiltat,  cum  litteris  causam  de- 
licti,  et  circumstantias  ipsius  continentibus. 
Pœnitentes  iterum  cum  litteris  pœnitentiarii 
absolutionis  et  pœnitentiio  modum  continenti- 
bus, ad  suura  redeant  sacerdolem  (Ibidem, 
p.  303,  336].  » 

Le  pénitencier  renvoyait  donc  les  pénitents 
au  curé  avec  une  lettre  qui  contenait  et  l'ordre 
de  la  pénitence  qu'il  fallait  lui  imposer,  et  le 
pouvoir  de  l'absoudre,  parce  qu'il  était  juste 
que  la  pénitence  publique  se  fit  dans  le  lieu 
même  où  le  crime  avait  été  commis. 

Enfin,  l'évèque  donnait  le  pouvoir  au  grand 
pénitencier  de  prendre  des  aides  au  commen- 


384 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIEME. 


cernent  du  carême,  s'il  y  avait  une  multitude 
trop  grande  de  pénitents  à  recevoir  et  à  récon- 
cilier publiquement.  «  Pœnitentiario  indul- 
genius,  ut  si  in  capile  jejuniiad  suscipiendam 
et  audiendos  publiée  pœnitentes  se  solumsuf- 
ficere  non  crediderit,socium  unum,  vel  plures 
juxla  [)œnitentium  numerum   sibi  adjungat.  » 

Le  concile  de  Londres,  en  1237,  m'est  échappé  : 
Matthieu  Paris  le  rapporte ,  et  Rainaldus  après 
lui;  mais  ce  dernier  s'est  trompé,  quand  il  a 
cru  que  persona  signifiait  le  peuple.  Le  peuple 
se  confessait  aux  curés,  les  bénéficiers  en  titre, 
personcB,  car  c'est  comme  on  les  appelait  |)our 
les  distinguer  des  vicaires,  comme  il  paraît  |jar 
ce  texte  du  ménieconcile.  «  Nunquam  in  plures 
personatus,  YclvicariasunaEcclesiadividatur;» 
les  bénéficiers  titulaires,  dis-je,  se  confessaient 
à  ces  confesseurs  particulièrement  désignés, 
comme  substitués  parrévètjue  selon ceconcile. 
Enfin,  pour  les  cathédrales,  il  y  avait  des  con- 
fesseurs généraux.  «  In  Ecclesiis  cathedralibus 
confessores  institui  prœcipimus  générales.  » 

Quoiqu'un  légat  du  pape  présidât  à  ce  concile, 
il  est  à  croire  que  saint  Edmond  ,  archevêque 
de  Cantorbéry,  y  fut  présent,  lui  qui,  vers  le 
même  temps,  c'est-à-dire  vers  1236,  publia 
ses  oidonnances,  et  y  commanda  (jue  les  grands 
crimes,  surtout  les  notoires,  fussent  réservésaux 
supérieurs.  «  Semper  m.ijora  prajcipue  notoria 
majoribus  reserventur.  »  Il  fit  le  dénombre- 
ment de  ces  cas  réservés.  ><  Sunt  autem  ista 
majora,  homieidia,  sacrilegia,  peccata  contra 
naturam,  incestus,  stupra  virginum  etmonia- 
lium,  et  injectiones  manuum  in  clientes,  nec- 
non  et  in  clericos,  vota  fracta,  et  hujusmodi 
(Conc.  AngL,  tom.  u,  p.  2uij.  » 

Il  ajoute  qu'il  y  a  des  cas  dont  le  pape  seul 
peut  absouih'e,  ou  son  légat,  si  ce  n'est  en 
danger  de  mort,  où  il  faut  les  absoudre,  à  con- 
dition, s'ils  recouvrent  leur  santé,  d'aller  se 
présenter  au  pape,  et  en  attendant,  il  faut  les 
envoyer  à  l'évéque,  ou  à  son  pénitencier.  «  Sunt 
autem  casus  in  quibus  papa  solus  polcst  absol- 
vere,  vel  ejus  legalus.  .\bsolutio  tamen  talium 
in  articido  mortis  nuUi  deneganda  est,  saltem 
conditionalis,  videlicet,  quod  si  convalescant, 
apostolico  conspeclui  se  prœsentent,  niliilo- 
minus  tamen  talium  rei  mittendi  sunt  ad  epi- 
scopum,  vel  ejus  ])œnil('ntiarium.  » 

VU.  Laissons  l'Angleterre  et  passons  aux 
autres  Eglises.  Le  concile  de  Paris,  en  1212 
(Can.  v,  12,  part.  3,  c.  vu),  défendit  aux  clercs 
de  se  coulcsser  a  d'autres  qu'à  leurs  prélats,  ou 


à  un  autre  qu'avec  leur  licence;  il  défendit  aux 
confesseurs  de  confesser  qui  que  ce  fût  sans  la 
permission  du  su[)érieur  et  du  confesseur  pro- 
pre, «  omissis  propriis  sacerdotibus.  » 

Il  enjoignit  aux  évèques  de  donner  de  sages 
et  vertueux  confesseurs  aux  religieuses,  con- 
damnant l'indiscrétion  des  abbesses  et  des 
chapelains,  qui  soutiraient  avec  peine  que  les 
religieuses  se  confessassent  à  d'autres  qu'à 
eux.  «  Abbatissœ  et  capellani  earum  prohibent 
monialibus,  ne  aliis  quam  ipsis  confileantur 
(Part.  IV,  c.  6). 

Enfin,  ce  concile  exhorta  les  évèques  de  faire 
eux-mêmes  souvent  la  fonction  de  confesseur 
et  de  pénitencier.  «  Et  in  propria  persona  fré- 
quenter intersint  confessionibus  audiendiset 
pœnitentiisiujungendis.  » 

Les  ordonnances  synodales  de  Rouen,  vers 
l'an  I23G  (Synodieon.  Rolomag.,  p.  239),  obli- 
gent tous  les  prêtres  à  se  confesser  une  fois 
chaque  année  à  l'archevêque,  ou  au  péniten- 
cier, avec  permission  de  se  confesser  après 
cela  à  d'autres  prêtres,  autant  de  fois  qu'ils 
voudront.  Les  clercs  qui  doivent  prendre  les 
ordres  y  sont  aussi  obligés  de  se  confesser  au- 
paravant à  l'archevêque,  ou  à  un  habile  péni- 
tencier, de  peur  que  par  l'ignorance  de  quel- 
que autre  confesseur,  ils  ne  reçoive  ni  les  ordres 
étant  irréguliers. 

Les  anciens  statuts  synodaux  de  Paris  (Paris, 
j).  27),  ordonnaient  aux  curés  de  se  confesser 
en  Avent  et  en  Carême  aux  confesseurs  désignés 
dans  chaque  doyenné. 

Le  concile  IV  de  Latran.en  12l,"j  (Can.  xxi), 
ordonna  que  tous  les  fidèles  se  confessassent 
au  moins  une  fois  l'an  à  leur  propre  confesseur 
«  proprio  sacerdoti,  »  ou  de  sa  permission  à 
quelque  autre.  La  suite  de  toutes  les  autorités 
que  nous  venons  de  citer,  et  que  nous  citerons 
ci-dessous,  montre  clairement  que  sous  ce 
terme  de  «  proprius  sacerdos,  »  on  peut  com- 
prendre le  curé,  le  pénitencier,  l'évéque  et  le 
pape,  ou  leurs  délégués. 

Le  pape  Innocent  lV(Epist.  x,  c.  16,  17),  ré- 
glant l'état  des  Eglises  greccjues  de  Chypre, 
ordonna  que  les  prêtres  curés,  quoique  mariés, 
recevraient  les  confessions  de  leurs  paroissiens, 
mais  que  l'évéque  pourrait  aussi  commettre 
d'autres  conlesseurs  dans  toutes  les  paroisses, 
comme  ses  pro[>res  substituts,  sans  faire  pré- 
judice aux  curés,  a  Liberum  sit  episcopis  vires 
alios  idoneos  coadjutores  etcooperatores  liabere 
in  audiendis  confessionibus  et  pœnitentiis  in- 


DU  THÉOLOGAL  ET  DU  PÉNITENCIER. 


38.'. 


juiigondis,  ipsisquc  per  eonini  diœcoses  ali- 
sque  sncenloluiii  ipsoruin  piffjiulicio  conimit- 
tere  vices  suas  :cuni  propter  occupalionesinul- 
tiplices  et  occasiones  varias  possit  conlingere, 
quod  nequeant  per  easdem  diœceses  ofUciuni 
suuni  exequi  perse  ipsos.  » 

Ainsi ,  comme  l'évêque  est  véritablement 
B  proprius  sacerdos  »  dans  toutes  les  paroisses 
de  son  diocèse,  ceux  qu'il  délè^'ue  en  sa  place 
pour  confesser,  sont  revêtus  du  même  pouvoir 
et  delà  même  qualité. 

Le  synode  de  Poitiers,  en  1280,  commanda 
aux  abbés  et  aux  abbesses  et  à  leurs  commu- 
nautés, et  à  tous  les  béoéfîciers ,  de  ne  se  con- 
fesser qu'à  l'évêque,  à  ses  pénitenciers,  ou  à 
ceux  qu'il  leur  donnerait  [our  confesseurs; 
défendant  à  qui  que  ce  fût  de  les  absoudre, 
s'il  n'en  avait  le  pouvoir  du  pape,  de  son  légat 
ou  de  l'évêque.  «  Inliibcnuis  ne  aliquis  eos 
absolvat,  nisi  super  hoc  a  Sede  Aposlolica,  vel 
legatis  ejusdem,  vel  a  nobis  habuerit  poijsla- 
lem.  »  11  en  est  de  même  des  chanoines  régu- 
liei"s  ou  séculiers. 

Enfin  il  est  défendu  aux  abbés  et  à  tous  ceux 
qui  ont  charge  d'àme,  d'absoudre  des  cas  réser- 
vés par  le  droit,  et  il  leur  est  ordonné  de  les 
renvoyer  à  révê(|ue  ou  à  ses  pénitenciers. 

Le  synode  de  Nîmes,  en  128i,  permit  aux 
curés  et  aux  prêtres  de  pouvoir  choisir,  pour  se 
confesser,  les  autres  curés  ou  prêtres  de  la 
même  contrée,  surtout  les  archidiacres,  les 
archiprêtres,  les  cordeliers  et  les  jacobins, 
permettant  à  ces  religieux  de  confesser  les 
clercs  et  les  laïques  des  villages  où  ils  vont 
prêcher,  pourvu  qu'ils  avertissent  les  curés 
de  ceux  dont  ils  auraient  ouï  les  confessions, 
qu'ils  traitassent  avec  eux  du  salut  des  malades 
qui  demandaient  leur  assistance,  et  qu'ils 
demandassent  leur  agrément,  qui  ne  leur 
serait  point  refusé  pour  les  confesser. 

Ce  synode  ajoute  une  longue  énumération 
de  plusieurs  grands  crimes  qui  doivent  être 
renvoyés  à  l'évêque ,  et  néanmoins  si  ceux  qui 
s'en  confessent  refusent  de  venir  à  révêijue, 
le  curé  peut  les  absoudre,  pourvu  que  ces 
crimes  soient  secrets.  Car  s'ils  sont  publics, 
l'évêque  seul  peut  en  absoudre,  à  moins  que  ce 
ne  soient  des  vieillards,  ou  des  malades,  ou 
des  moribonds. 

Le  synode  de  Bayeux  (C.  cvni),  en  1300,  en- 
joignit aux  curés,  aux  cliapelains  et  aux  vicaires 
perpétuels  de  se  confesser  au  moins  une  fois 
l'an  à  l'évêque  ou  au  péailencier,  leur  [per- 


mettant dans  le  besoin  de  se  confesser  à  d'autres 
prêtres  habiles,  mais  avec  la  même  obligalioii 
de  se  présenler  une  fois  lan  à  l'évêque  même 
ou  au  pénilencier. 

Le  concile  de  Lavaur  (Can.  xvni),  où  assis- 
tèrent les  évêques  des  trois  provinces,  Narbonne, 
Toulouse  et  Auch,  en  l'an  1308,  permit  aux 
prêtres  de  se  confes?er  avant  de  célébrer  la 
messe,  à  quelque  prêtre  que  ce  fût,  qui  eût 
de  la  capacité.  «  Possit  cuilibet  presbylero  ido- 
neo  sua  peccala  confiteri ,  ut  missae  cum  puri- 
tate  conscienli;e  celebrenlur.  » 

Voilà  les  degrés  par  lesquels  on  se  relâcha  de 
l'ancienne  sévérité  qui  réservait  les  confessions 
des  ecclésiasliques  à  l'évêciue  ou  à  ses  péniten- 
ciers. On  leur  permit  de  se  confessera  d'autre-, 
pourvu  qu'une  fois  chaque  année  ils  décou- 
vrissent l'état  et  les  replis  de  leur  conscience  à 
leur  prélat  ;  enfin  on  leur  permit  de  se  confes- 
ser à  quelque  prêtre  que  ce  fût. 

1!  paraît  par  ce  dernier  texte,  que  ce  relâ- 
chement élait  bien  avantageusement  réparé 
par  la  fréquentation  plus  ordinaire  du  sacre- 
ment de  pénitence  et  par  un  saint  et  nouvel 
empressement  de  se  purifier  davantage  avant 
que  d'apfirocher  du  saint  et  terrible  sacrifice. 
Car  au  temps  que  tous  les  curés  d'un  doyenné 
n'avaient  qu'un  seul  confesseur,  à  peine  pou- 
vaient ils  en  jouir  autant  de  fois  qu'ils  l'eussent 
souhaité. 

Les  ordonnances  synodales  de  l'archevêque 
de  Nicosie ,  en  1313  (Cap.  xsi) ,  enjoignent  aux 
prêtres  d'avoir  chacun  leur  propre  confesseur 
avec  la  licence  de  leur  é\êque  ;  mais  elles  dé- 
fendent au  prêtre  qui  vient  de  se  confesser  de 
devenir  à  l'heure  même  le  confesseur  de  celui 
dont  il  a  été  le  pénitent. 

Le  concile  de  Narbonne,  en  i374  (C.  xxvin), 
permit  à  tous  les  prclres  de  se  confesser  à 
quelque  autre  prêtre  que  ce  fût,  même  non 
curé,  avant  la  célébration  de  la  messe. 

De  là  on  peut  à  peu  près  conclure  le  temps 
des  ordonnances  synodales  de  Paris  attribuées 
à  l'évêque  Guillaume.  Car  puisqu'il  y  est  or- 
donné (C.  vi),  que  les  curés  se  confesseront  au 
moins  deux  fois  l'an,  savoir  en  Avent  et  en 
Carême,  aux  confesseurs  qu'on  avait  nommés 
dans  chaque  doyenné;  cette  coutume  convient 
fort  justement  au  temps  de  Guillaume  de  Cler- 
mont,  qui  fut  évêque  de  Paris  en  1230. 

Les  confessions  n'étaient  pas  sans  doute  alors 
si  ordinaires  pour  les  prêtres,  qu'au  temps 
du  co.-.cile  de  Florence,  quand  les  Latins  dé- 


ni. — 


I. 


•  • 


3SG 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


mandèrent  aux  Grecs  pourquoi  leurs  évoques 
et  leurs  prêtres  ne  se  confessaient  pas  avant 
que  de  dire  la  messe  (Conc.  Gêner.,  tom.  xui, 
p.  523).  Le  concile  de  Frisingue,  en  1440  (Can. 
xxiv),  ne  laissa  pas  d'ordonner  aux  abbés , 
doyens,  prévôts,  arcbidiacres  non  exempts,  de 
se  confesser  à  l'évèque  ou  au  \icaire,  les  moines 
à  leur  abbé,  les  curés  à  leur  doyen;  à  moins 
que  l'évèque  n'eût  donné  quelque  privilège 
parliculier. 

Le  concile  de  Tarragone,  en  13-29  (Const. 
Conc.  Tarrac,  1.  v,  tit.  xvu),  permet  à  tous  les 
prêtres  de  se  confesser  les  uns  aux  autres, 
quand  ils  veulent  dire  la  messe,  et  que  leur 
confesseur  propre  n'est  pas  présent.  «  Indulge- 
Muis,  quod  (juilihet  presbyter  volens  missani 
celebrarej  si  non  liabet  cojiiam  proprii  confes- 
soris ,  possit  cuilibet  piesbytero  idoneo  sua 
puccata  confileri  et  absolutionis  beneficiam 
rccipere.  » 

Le  concile  de  Tarragone,  en  1391,  donna  la 
même  liberté  à  tous  les  prêtres  de  se  confesser 
les  uns  les  autres  pour  célébrer  plus  purement 
l.i  messe,  quoi(|ue  leur  projire  confesseur  fût 
l)iê?ent.  olndultum  ampliantes, etc.  Etiam  ubi 
)iroprius  alluerit  sacerdos ,  quoties  presbyter 
iiiissun  celebiaiidi  propositum  liabuerit,  con- 
lilfiidi  et  de  conléssis  in^icem  absolvendi  ple- 
nariam  concedimus  facultatein.  » 

Ainsi  |)Our  se  tro[)  prêter  à  la  liberté  néces- 
saiie  dans  la  confession,  et  exciter  dans  les 
fiileles  la  pureté  de  conscience  que  requiert 
lui  sacrement  si  respectable,  l'usage  s'était 
iiilioduit  parmi  les  prêtres  de  se  confesser  les 
luis  aux  autres,  sans  autre  approbation  de 
révêijue. 

VIII.  Enfin,  le  concile  de  Trente  (Sess.  xxuf, 
c.  15)  révoqua  l'usage  qui  s'était  introduit  en- 
tre les  prêtres,  de  se  coiifesseï'  les  uns  les  au- 
tres sans  autre  apiirobation  de  l'évèque  ;  mais 
il  ne  les  obligea  i)as  de  venir,  ou  à  l'évèque, 
ou  a  l'un  (le  ses  pénitenciers,  ou  à  un  confes- 
seur général  délégué  par  lui  pour  les  confes- 
sions des  prêtres  ;  il  se  contenta  d'ordonner 
ipi'ils  se  confessassent  à  un  prêtre  approuvé 
par  l'évèque. 

Ainsi  le  concile  de  Trente  (Sess.  xxiv,  c.  8), 
retrancha  cet  article  des  pouvoirs  du  péniten- 
cier, mais  en  même  tciniis  il  érigea  la  péniten- 
cerie  en  titre  de  bénéfice  et  de  dignité, ordonna 
que  dans  toutes  les  cathédrales  où  on  le  pourrait 
coiimiodément.on  aOectàt  la  première  prébende 
qui  NienJiaila  vaquer  au  [lèiiitencier,  qui  serait 


toujours  un  docteur,  ou  licencié  en  théologie 
ou  en  droit  canon,  âgé  de  quarante  ans,  ou 
enfin  le  plus  propre  qui  se  pourrait  trouver 
pour  un  ministère  si  important,  et  qui  pendant 
le  temps  qu'il  s'appliquerait  à  entendre  les 
confessions,  serait  estimé  présent  au  chœur. 

Ces  deux  décrets  du  concile  de  Trente  (Cap 
xu,  cap.  xiu),  furent  confirmés  par  nos  con- 
ciles provinciaux  de  France,  savoir  :  Celui  de 
Bordeaux  en  1583;  celui  de  Tours  en  la  même 
année,  où  il  est  remarqué  qu'en  quelques  égli- 
ses la  pénitencerie  était  déjà  érigée  en  bénéfice 
et  où  on  lui  donne  rang,  mais  le  dernier  rang 
entre  les  dignités  du  chapitre,  si  ce  n'est  où 
elle  aurait  déjà  obtenu  un  rang  plushonoi-able; 
celui  de  Bourges  en  1584;  celui  d'Aixen  1585; 
celui  de  Rouen  en  1581  (C.  xxi  ;  Tit.  de  Cano- 
nicis;  Tit.  de  episcop.  et  Capitulis ,  c.  xxvi) 
qui  déclare  la  pénitencerie  incompatible  avec 
une  cure  et  avec  toute  autre  charge  qui  serait 
un  obstacle  à  la  résidence  et  à  l'assiduité  con- 
tiuuelle dentelle  est  chargée;  celui  de  Bordeaux 
en  10-24  (C.  v,  n.  10). 

Saint  Charles  fit  ordonner  l'institution  des 
pénitenciers  dans  ses  conciles  provinciaux  , 
savoir  :  dans  le  I"  et  le  V  (Acta  Ecoles.  Mediol., 
p.  11,  208,  273,  793).  Mais  cet  admirable  res- 
taurateur de  l'ancienne  discipline  réservant  ses. 
pénitenciers  pour  les  pénitences  publiques,  et 
pour  les  cas  réservés,  nomma  toujours  d'au- 
tres confesseurs  particuliers  pour  les  ecclésias- 
tiques. 

Voici  le  décret  de  son  iV  synode  diocésain. 
«  De  sacerdolibus  confessariis  ,  quos  probatos 
et  in  urbe  et  in  diœcesi  clero  noslro  constitue- 
rimus,  hoc  decernimus,  ut  quos  scilicet  quo- 
tannis  ad  cleri  confessiones  audiendas  a  nobis 
delectos  et  in  tabella  notatos  ei  signitîcaveri- 
mus,  ejusdem  cleri  confessiones audiendi  facul- 
tas  illis  sit,  quoad  alla  hujusmodi  significatio 
anno  sequcnti  per  nos  fiât.  » 

Ainsi  ce  saint  prélat  changeait  tous  les  ans 
les  confesseurs  ou  il  les  continuait  par  une 
nouvelle  ordonnance.  Giossano  raconte  com- 
ment ce  saint  archevêque  institua  et  appointa 
quatre  sous-pénitenciers  pour  les  cas  réservés, 
et  comment  il  faisait  tenir  toutes  les  semaines 
la  congrégation  de  la  |)énitencerie  pour  la  dé- 
cision des  cas  de  conscience  (L.  ii,  c.  9). 

Il  faut  faire  justice  à  l'Eglise  de  France  et  lui 
donner  la  gloire  d'avoir  prévenu  le  concile  de 
Trente:  1°  en  érigeant  la  pénitencerie  en  béné- 
fice et  eu  dignité,  comme  le  concile  de  Tours 


DI'  TIIl':OI.OCAL  ET  DU  PÉNITENCIER. 


387 


vient  fie  nous  l'iipprendro;  2°  en  établissant  des 
théologaux  dans  tontes  les  cathédrales,  au  lieu 
que  le  droit  commun  jusqu'alors  ne  les  avait 
inslilnés  cjne  dans  les  métropolitaines.  Et  pour 
ce  qui  est  des  [lénitenciers,  dès  l'an  1-252,  la 
faculté  de  théologie  de  Paris  avait  résolu  que , 
sans  le  consentement,  et  même  contre  la  vo- 
lonté des  curés,  le  pape  et  ses  pénitenciers, 
révéque  et  ses  pénitenciers  pouvaient  confesser 
et  absoudre  les  paroissiens  (Hist.  Univ.  Paris., 
toni.  m,  p.  249,  316). 

IX.  Pour  écarter  les  difficultés  qu'on  pourrait 
former  sur  ce  qui  a  été  dit  des  confessions  peu 
fréquentes  des  prêtres,  il  faut  remarquer  qu'ils 
ne  célébraient  peut-être  pas  aussi  souvent  qu'ils 
font  aujoind'hui,  et  pour  ceux  que  leur  ardente 
piété  portait  à  célébrer  plus  fréquemment,  il 
est  à  croire  qu'ils  frécjuentaient  aussi  à  pro- 
portion le  sacrement  de  pénitence. 

Les  statuts  de  Hugues  V,  abbé  de  Cluny ,  en 
1200  (Bibl.  Clun.,  p.  llGIj,  portent  qu'on  se 
confessera  toutes  les  semaines.  Les  ordonnances 
de  l'archevêque  de  Cantorbéry,  en  1328  (Conc. 
AngL,  tom.  ii,  p.  -498),  obligèrent  les  prêtres 
de  se  confesser  avant  la  messe,  s'ils  étaient 
tombés  dans  quelque  crime,  condamnant  ceux 
qui  prétendaient  que  la  confession  générale  ou 
en  général,  qui  se  fait  au  commencement  de 
la  messe  ,élail  suffisante  pour  effacer  les  péchés 
mortels. 

I^p  concile  I  de  Milan,  sous  saint  Charles 
(Acta  Eccle.  Med.,  p.  9,793),  ordonna  que  les 
prêtres  se  confessassent  au  moins  une  fois  la 
semaine  ;  mais  ce  saint  archevêque  ordonna 
que  les  confesseurs  par  lui  nonuués  pour  les 
confessions  des  ecclésiastiques  donnassent  tous 
les  trois  mois  des  assurances  aux  vicaires  fo- 
rains que  tous  les  prêtres  de  leur  ressort 
s'étaient  confessés  au  moins  une  fois  la  semaine. 

Le  concile  de  Bordeaux,  en  1583  (C.  v,  lit. 
de  Missa,  c.  xvi),  voulut  que  les  [irêtres  se 
confessassent  toutes  les  semaines.  Celui  de 
Bourges  les  exhorta  à  se  confesser  tous  les 
jours  avant  de  célébrer,  ou  au  moins  toutes 
les  semaines  (Décréta  Ecoles.  Gall.,  1.  ii,  p.  243). 

Les  ordonnances  synodales  du  diocèse  de 
Troyes,  citées  par  Bochel .  obligent  les  prêtres 
de  se  confesser  au  moinfe  une  fois  l'an  à  leur 
évêque ,  ou  à  son  pénitencier,  ou  à  ceux  que 
l'évéque  déléguera  pour  cela;  de  ne  pas  croire 
que  la  confession  générale  qu'ils  font  avant  la 
messe  devant  l'autel  soit  capable  d'effacer  les 
péchés  mortels;  aussi  n'en  doiveut-ils  spécifier 


aucun;  endn,  qu'ils  ne  s'imaginent  pas  pou- 
voir choisir  un  confesseur  à  leur  gré,  parce 
que  cela  n'est  permis  qu'aux  évêques  et  aux 
prélats  exenqits. 

a  Nec  credant  sacerdotes,  quod  nisi  de  licen- 
tia  sui  episcopi ,  possint  pro  volunlate  sua  sibi 
eligereconfessorem,  ijui  suarum  curam  habeant 
animarum.  Hoc  enim  solis  episcopis,  et  qui- 
busdam  aliis  prelatis  exemptis  est  concessum. 
Et  qui  petunt  ab  episcopo  confessores,  debent 
petere  providos  et  honestos.  » 

Il  paraît  delà  quecen'étaitnuUementparun 
motif  intéressé  de  conserver  leur  juridiction, 
que  les  évêques  étaient  si  jaloux  de  conser- 
ver ce  droit  inséparable  de  leur  ministère  apos- 
tolique, de  donner  des  confesseurs  et  des 
directeurs  à  tous  les  divers  ordres  et  à  toutes 
les  sortes  de  personnes  qui  leur  étaient  sou- 
mises; mais  c'était  afin  de  ne  rien  négliger  de 
ce  qui  pouvait  contribuer  à  l'avantage  de  ceux 
que  J.-C.  leur  avait  confiés,  mais  surtout  pour 
ne  pas  commettre  indifléremment  à  toutes  sor- 
tes de  gens  la  direction  spirituelle  de  ceux  du 
salut  descjuels  ils  sont  responsables. 

Or,  ce  que  nous  venons  d'api)rendre  des  or- 
donnances synodales  de  Troyes,  est  entièrement 
conforme  à  la  décrétale  de  Grégoire  IX,  qui 
permit  aux  évêques  et  aux  archevêques  ou  pri- 
mats, et  même  aux  moindres  prélats  exempts, 
de  pouvoir  choisir  à  leur  gré  des  confesseurs 
sages  et  vertueux.  «  Ne  pro  dilatione  pœniten- 
tiœ  periculum  immineat  animirum,  permitti- 
mus  episcopis  et  atiis  superioribus ,  necnoa 
minoribus  prœlatis  exemptis ,  ut  etiam  praeter 
sui  superioris  licentiam,  providum  et  discre- 
tum  sibi  possint  eligere  confessorem  (C.  Ne  pro. 
De  pœnitent.  Bibl.  Prœm.,  p.  653,  686). 

Le  même  Grégoire  IX  défendit  aux  abbés  et 
aux  prévôts  de  l'oidre  de  Prémontré  de  choisir 
des  confesseurs  à  leur  volonté,  sans  l'avis  et  le 
consentement  de  l'abbé  général  et  des  visiteurs, 
de  [)eur  qu'ils  n'en  choisissent  d'ignorants  ou 
de  timides  à  leur  remontrer  leurs  fautes.  Ur- 
bain IV  confirma  ce  même  privilège  à  l'abbé 
de  Prémontré.  Ainsi  l'ancienne  sévérité  du 
droit  sur  ce  point  est  demeurée  parmi  les 
réguliers. 

Boniface  VIII  déclara  que  ce  ne  pouvait 
être  qu'une  coutume  abusive ,  qui  laissait  à 
chacun  la  liberté  périlleuse  de  choisir  son  con- 
fesseur, a  Nulla  quippe  potest  consuetudine 
introduci,  quod  alit|uis  praeter  sui  superioris 
licentiam  possit  sibi  eligere  confessorem,  qui 


388 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


eum  solvere  valeat,  vel  ligare  (C.  Si  Episcopus. 
In  sexto  De  pœuitenliis).  » 

Celle  même  décrt  taie  nous  apprend  que 
l'évêque  doiinail  quelquefois  ce  privilège  de 
pouvoir  choisir  son  confesseur,  mais  il  est  à 
croire  qu'il  ne  le  donnait  qu'à  des  gens  d'une 
probité  connue. 

X.  Il  resuite  de  tout  ce  qui  a  été  dit  dans  ce 
chapitre,  que  ce  n'était  pas  autrefois  l'usage, 
que  l'évêque  approuvât  des  prêtres  en  général 
pour  confesser  dans  tout  son  diocèse ,  si  ce 
n'est  ses  pénitenciers.  Tous  les  autres  ne  rece- 
vaient de  lui  l'approbation  et  la  juridiction  que 
pour  la  portion  du  troupeau  qu'il  voulait  bien 
leur  commettre.  Ainsi  personne  ne  pouvait 
choisir  son  confesseur,  mais  il  le  recevait  de 
l'évêque,  n'appartenant  qu'au  pasteur  divine- 
ment établi  de  discerner  quels  directeurs  il  faut 
destiner  à  tant  de  ditférentes  conditions,  et  de 
partager  à  d'autres  l'autorité  céleste  dont  il  est 
le  dépositaire. 

Après  cela  on  ne  s'étonnera  plus  si,  selon 
les  lois  canoniques,  les  curés  ne  peuvent  ni 
confesser,  ni  absoudre  d'autres  que  leurs  pa- 
roissiens; ni  si  les  piètres  séculiers  qui  ne  sont 
pas  curés  ne  peuvent  ni  confesser  ni  absoudre 
dans  le  diocèse  où  ils  sont  approuvés,  les  fidè- 
les d'un  autre  diocèse;  ni  si  les  réguliers, quoi- 
qu'ils puissent  absoudre  dans  le  diocèse  où  ils 
sont  approuvés,  ceux  qui  viennent  des  autres 
diocèses,  parce  qu'ils  reçoivent  seulement  l'ap- 
[)r(ibation  de  l'évêque  ,  et  tiennent  leur  juri- 
diction du  pape;  ils  ne  les  peuvent  pourtant 
pas  absoudre, quand  iis  viennent  à  eux  par  une 
malice  artificieuse  pour  éviter  la  censure  de 
leur  pro[ire  pasteur;  ils  ne  peuvent  pas  non 
plus  absoudre  les  sujets  de  l'évêque  qui  les  a 
approuvés,  dans  un  autre  diocèse  où  ils  ne  sont 
pas  approuvés;  quoique  les  curés,  parce  qu'ils 
ont  unejuridiction  ordinaire,  puissent  absoudre 
leurs  paroissiens  hors  de  leur  cure  et  même 
hors  du  diocèse. 

La  raison  de  toutes  ces  vérités  est  que  l'évê- 
(jue  seul  est  le  païteur  primitif  de  tout  son 
diocèse,  c'est  à  lui  seul  à  donner  des  pasteurs 
et  des  directeurs  subalternes  à  toutes  les  diver- 
ses parties  de  son  troupeau,  soit  (ju'il  donne 
ou  institue  des  curés,  soit  des  pénitenciers,  soit 
des  confesseurs  délégués  à  telle  et  telle  por- 
tion de  sa  bergerie. 

Il  y  a  des  canonistes  qui  disent  que  l'évêque, 
selon  le  droit  contmim, devrait  aussi  se  confes- 
ser au  niétropolitaui,  celui-ci  au  primat  et  au 


patriarche,  et  ceux-ci  au  pape;  et  que  la  dis- 
tance a  donné  lieu  au  privilège  de  Grégoire  IX 
rapporté  ci-dessus,  qu'ils  peuvent  choisir  un 
confesseur  (Fagnan,  in  1.  v.  Décret.,  p.  140  et 
seqq.). 

Cette  doctrine  a  quelque  chose  qui  paraît 
d'abord  choquant,  et  même  impossible,  d'au- 
tant que  ces  prélats  étant  chargés  du  soin  de 
leurs  Eglises,  et  étant  étroitement  obligés  à  la 
résidence,  il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'ils  puis- 
sent avoir  de  fréquentes  relations  ensemble,  et 
se  confesser  les  uns  aux  autres.  Outre  que  dans 
toute  l'antiquité  il  ne  se  trouve  aucun  vestige 
qui  marque  que  ces  prélats  se  soient  jamais 
confessés  les  uns  aux  autres. 

Cependant  on  trouvera  que  le  sentiment  de 
ces  canonistes  est  très-conforme  à  la  raison,  si 
l'on  se  donne  la  peine  de  bien  peser  ces  vérités 
très-importantes,  savoir:  1°  que  les  évêques 
ont  regardé  les  métropolitains  comme  leurs 
pères ,  et  en  quelque  façon  comme  leurs 
maîtres,  et  qu'ils  ont  fait  gloire  de  leur  rendre 
compte  de  toute  leur  conduite  ;  2°  qu'il  est 
avantageux  et  même  nécessaire  aux  plus  sages 
mêmes,  de  ne  pas  s'abandonner  à  leur  propre 
conduite,  mais  de  prendre  direction  de  ceux 
que  Dieu  leur  a  donnés  pour  supérieurs; 
enfin ,  qu'il  est  probable  que  les  premiers 
évêques  se  regardaient  toujours  comme  comp- 
tables aux  apôtres,  qui  étaient  leurs  pères  en 
J.-C,  ou  à  ceux  de  qui  ils  avaient  reçu  l'im- 
position des  mains. 

XI.  Le  roi  de  France,  Philippe  le  Hardi, 
olitint  du  pape  Grégoire  X  le  privilège  de  choi- 
sir et  de  changer  son  confesseur  à  son  gré,  soit 
i-égulier,  soit  séculier  (Rainald.,  an.  1272, 
n.  89  ;  an.  1278,  n.  37;  an.  1281,  n.  23).  Nico- 
las IH  accorda  le  même  privilège.  Martin  IV  en 
donna  un  semblable  au  roi  de  Suède,  Magnus, 
y  ajoutant  le  pouvoir  de  changer  les  vœux, 
excepté  ceux  du  voyage  de  Jérusalem  et  de  con- 
tinence perpétuelle,  bomface  VUl  en  accorda 
un  pareil  au  roi  d'Angleterre,  Edouard,  y  ajou- 
tant que  ses  domestiques,  soit  laïques  ou  clercs, 
pussent  se  confesser  à  son  chapelain,  quand 
ils  ne  pourraient  le  faire  à  leur  propre  pasteur, 
a  Quando  non  possunt  habere  copiam  proprii 
sacerdotis  (An.  1301,  n.  23).  » 

Dans  les  i)riviléges  précédents  les  cas  réser- 
vés au  Saint-Siège  étaient  exceptés  (An.  1318, 
n.  17).  Jean  XXII  ôta  cette  exceplion  en  faveur 
du  roi  d'Aiménie  et  delà  reine  Jeanne  deSicile, 
y  ajoutant  encore  une  indulgence  pléuière  à 


DT'  TIlKOl.nr.AL  ET  DI'  PÉNITENCIER. 


380 


l'article  de  la  mort.  Le  cardinal  Ximenès,  ar- 
chevêque de  Tolède  ,  permit  aux  prêtres  de 
clioisir  un  confesseur  tel  qu'ils  souhaiteraient, 
avec  pouvoir  de  les  absoudre  de  tous  les  péchés 
même  réservés  à  l'évêque.  Gomecius  dit  que 
cela  parut  alors  fort  nécessaire,  parce  que  les 
privilé^'es  du  Saint-Siège  pour  le  même  sujet 
n'étaient  pas  encore  si  communs  qu'ils  furent 
depuis  (Gomecius,  in  vila  ejus;  l.  i.  Hispan. 
illust.,  tom.  I,  p.  9o0). 

Ce  furent  aussi  apparemment  ces  fréquents 
privilèges  obtenus,  ou  du  pape,  ou  des  évêques, 
pour  avoir  la  liberté  de  choisir  des  confesseurs, 
qui  portèrent  enfin  les  évêques  à  approuver  en 
général  des  confesseurs  pour  tout  leur  diocèse, 
sans  les  limiter  à  une  Eglise,  ou  à  une  partie  de 
leurs  diocésains.  Car  auparavant  on  ne  les 
approuvait  qu'avec  ces  sortes  de  limitations. 

Il  y  a  aussi  apparence  que  les  bons  évêques 
ont  d'ailleurs  apporté  plus  d'exactitude  et  plus 
de  sévérité  dans  l'examen  qu'ils  ont  fait  des 
confesseurs  auxquels  ils  devaient  ensuite  don- 
ner des  pouvoirs  si  étendus. 

La  coutume  s'est  ensuite  établie  parmi  les 
laïques  de  se  confesser  plus  souvent,  et  parmi 
les  confesseurs  approuvés  dans  un  diocèse,  d'en- 
tendre les  confessions,  non-seulement  des  dio- 
césains, mais  aussi  des  étrangers  qui  passaient, 
et  qui  couraient  quelquefois  risque  de  leur  salut, 
si  cette  liberté  leur  était  ôtée.  Cette  coutume  a 
enfin  dérogé  à  la  rigueur  des  canons  précé- 
dents, et  il  est  visible  que  l'Eglise  autorise  ce 
changement,  parce  qu'il  est  avantageux  au  salut 
des  âmes. 

XII.  C'est  ainsi  que  l'Esprit-Saint,  qui  anime 
et  qui  conduit  son  Eglise  avec  une  sagesse  et 
une  bonté  incompréhensibles,  répare  ordinai- 
rement par  de  nouvelles  pratiques  de  piété  les 
relâchements  qui  se  glissent  ailleurs  dans  sa 
discipline. 

Les  fidèles  ont  pris  une  liberté  plus  grande 
et  tout  ensemble  plus  dangereuse  de  choisir 
leurs  confesseurs;  les  évêques  préviennent  les 
disordres  (]ui  en  pourraient  naître,  en  n'ap- 
prouvant et  ne  mettant  au  nombre  des  confes- 
seurs que  ceux  qu'il  sera  toujours  avantageux 
de  choisir.  Cette  conduite  n'est  peut-être  pas 
moins  sûre  que  lorsque,  par  privilège,  ou  du 
pape,  ou  des  évêques,  on  pouvait  choisir  des 
confesseurs  qui  n'étaient  pas  encore  approuvés, 
selon  toutes  les  apparences  possibles  et  selon 
que  plusieurs  théologiens  le  tiennent.  Ainsi  le 
concile  de  Trente  ^Conc.  Trident.,  sess.  xxui, 


c.  i,  o)  a  fort  sagement  révoqué  tous  ces  privi- 
lèges (Fagnan,  in  I.  v.  Décret.,  part.  2,  p.  lia). 

On  peut  raisonner  de  la  même  manière  de 
la  pêmtence,  qui  conmiença  à  se  relâcher  vers 
le  douzième  siècle  entre  les  fidèles,  mais  qui 
en  même  temps  reprit  une  nouvelle  vigueur 
dans  la  multitude  incroyable  de  tant  de  con- 
grégations monastiques,  où  on  admira  et  où 
on  admire  encore  l'union  admirable  de  l'inno- 
cence et  de  la  pénitence;  et  dans  une  infinité 
de  fidèles  et  d'ecclésiastiques  très-saints  qui 
fréquentèrent  le  sacrement  de  pénitence  tout 
autrement  qu'on  n'avait  jamais  fait. 

Pierre  Damien  (L.  i,  epist.  xix),  raconte 
comment  le  saint  et  célèbre  solitaire  Domini- 
que s'étant  confessé  la  veille  de  Noël  à  son 
abbé,  qui  était  encore  jeune  et  sans  expérience, 
au  lieu  de  lui  imposer  pour  pénitence  la  ré- 
citation d'un  psaume ,  lui  ordonna  trente 
psaumes.  «  Cum  sibi  sufficeret  unum  psal- 
numi,  vel  perexiguum  quid  imponere,  prae- 
cepit  ut  pro  his  quae  confessus  fuerat,  triginta 
psalteria  decantaret.  » 

Ce  même  auteur  (L.  ui,  epist.  x),  parle  ail- 
leurs d  un  autre  saint  solitaire  qui,  comme  on 
lui  imposait  trois  ou  quatre  psaumes  pour  pé- 
nitence à  l'heure  de  la  mort,  en  demanda  une 
de  dix  ans,  et  envoya  prier  ses  autres  frères 
du  désert  de  l'accomplir  pour  lui,  ce  qu'ils 
firent  avant  sa  mort  par  ces  échanges  ou  com- 
pensations de  psautiers  et  de  disciplines  qui 
étaient  alors  en  usage. 

Pierre  de  Honestis,  qui  fit  confirmer  par  le 
pape  Pascal  II  la  règle  qu'il  dressa  pour  les 
chanoines  réguliers,  leur  fait  faire  une  confes- 
sion et  une  absolution  conmiunes  et  générales 
dans  le  chapitre  avant  toutes  les  grandes  fêles, 
et  ajoute  que  si  quelqu'un  se  veut  confesser 
en  secret  il  le  pourra  faire  au  prieur,  ou  à  ceux 
qu'il  aura  députés  pour  cela  :  «  Si  quis  aliquid 
private  conûteri  voluerit,  confiteatur  priori, 
vel  presbyteris  per  priorem  ad  hoc  officium 
depulatis  (Regulœ,  lib.  m,  c.  16).  »  Enfin  il  les 
exhorte  à.  remettre  toutes  les  injures  qu'ils 
pourraient  avoir  reçues,  et  ajoute  qu'il  serait 
utile  de  s'acquitter  de  ces  devoirs  de  piété 
tous  les  samedis  et  toutes  les  veilles  de  fêles. 

Les  statuts  des  Chartreux,  compilés  en  1259, 
leur  prescrivaient  de  se  confesser  tous  les  same- 
dis au  prieur,  ou  à  un  député  de  sa  part.  Les 
donnés  et  les  prèbendiers  devaient  se  confesser 
tous  les  premiers  dimanches  du  mois  et  com- 
munier à  N'uël,  à  Pâques  et  à  la  Pentecôte  : 


390 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


«  Prima  quaque  die  Dominica  cujuslibet  men- 
sis  confiteanliir  ;  et  in  Natali  Domini ,  Pa- 
scha,  et  Pentecoste  corpus  Domini  suscipiant 
reverenter  (Statut.  Antiq.,  part.  2,  c.  i,  et 
part.  3,  c.  III.  » 

Les  constitutions  de  Cîteaux  ordonnaient  aux 
ahbés  ,  aux  moines  et  aux  convers  des  ab- 
bayes de  se  confesser  au  moins  une  fois  la  se- 
maine. 0  Abbatts  et  monachi  semel  ad  minus 
in  hebdomada  confiteanlur,  si  copiam  habeant 
confileuiii  :  conversi  vero  qui  in  abbatiis  mo- 
rantur,  idemfaciant  (Nomast.  Cistercien.,  pag. 
3i,  524.)  » 

Les  convers  qui  se  confessaient  une  fois  la 
semaine  ne  communiai''nt  pourtant  que  sept 
fois  cliaque  année,  à  moins  que  l'abbé  n'aug- 
mentât ou  ne  diminuât  le  nombre  de  leurs 
communions.  «  Seiilies  commariicabunt  in 
anno  conversi,  nisi  quem  crtbrius,  aut  rarius 
certade  causa  abbas  accederejudicaverit(Ibid., 
pag.  357).  B 

Ces  confessions  se  faisaient  ordinairement  à 
l'abbé  dans  l'ordre  de  Cîteaux ,  et  au  prieur 
dans  celui  des  Cliarlreux  ;  dans  celui  de  Cîteaux 
tous  étaient  obligés  de  se  confesser  au  moins 
une  fois  l'an  à  l'abbé.  Clément  Vill  a  relâché 
celle  obligation  de  se  confessera  l'abbé.  Celui 
qui  a  écrit  la  vie  de  sainte  Ide,  religieuse  de 
l'ordre  de  Citi\u)x,  a  remarqué  (jue  b^s  novices, 
selon  les  règles  de  cet  ordre,  ne  communiaient 
t[ue  trois  fois  en  toute  l'année  de  leur  noviciat 
(Bdllanil.,  loin.  ii.  Apnlis,  p.  82). 

Cuillaume  de  .Mahmsliury  (pag.  278),  parle 
d'une  abbaye  d'Angleterre  où  les  religieux 
n'eussent  osé  passer  la  nuit  sans  s'être  confessés, 
s'ils  avaient  la  conscience  cliargée  de  quelque 
faute.  «Ul  nullus  rebellionis  contra  priorem, 
vtl  in  se  gravis  criminis  conscius,  pernoctare 
audeat,  delicti  sine  confcssione  reus  (Lib.  i,  de 
vita  sua,  c.  xiii).  »  L'abbé  Cuibert  assure  ([ue 
sa  mère,  qui  était  une  très-vertueuse  dame,  se 
confessait  fort  souvent  aux  prêtres. 

Le  moine  Herman  faisant  l'histoire  des  fré- 
quents miracles  qui  se  faisaient  à  Notre-Dame 
de  Laon,  assure  que  ces  cures  miraculeuses 
n'étaient  que  pour  ceux  qui  s'étaient  confessés 
aux  prêtres,  et  si  c'étaient  des  enfants  tout  petits, 
leurs  parents  se  confessaient  poureux(L.  n,c.G, 
7.  Post  opéra  Guibert.).  «  Nemo  curabatur  nisi 
prius  iieccala  sua  presbytero  suo  confiterelur, 
si  tainen  œtatis  esset  idonea?.  Quod  si  infanlu- 
luserat,  admonebantur  parentes  vice  [>uero- 
iMin  facere  confcssioiiein.  » 


Saint  Bonaventure  instruisant  les  novices  de 
son  ordre,  leur  prescrit  de  se  confesser  à  leur 
supérieur  ou  à  leur  maître  trois  fois  la  semaine, 
ou  plus  souvent,  a  Tribus  vicibus  in  qualibet 
hebdomada,  vel  pluries,  secundum  quod  ne- 
cesse  habuerinl  (Spéculum  disciplinœ,  part,  i, 
c.  9).  » 

Les  premières  constitutions  de  Prémontré 
ordonnaient  que  tous  les  professe  confesseraient 
au  moins  trois  fois  l'an,  à  Noël,  à  Pâques  et  à 
la  Pentecôte,  à  leurs  propres  abbés  ;  à  moins  de 
cela  ils  seraient  privés  de  l'entrée  de  l'église 
pendant  leur  vie,  et  de  la  sépulture  ecclésias- 
tique après  leur  mort  ;  que  les  abbés  pourraient 
commettre  d'autres  confesseurs  en  leur  place,  et 
se  réserver  certains  cas  ;  enfin  que  les  confes- 
sions seraient  nulles,  si  on  affectait  malicieu- 
sement de  se  confesser  à  d'autres  qu'à  l'abbé 
propre  ou  à  ses  délégués  (Biblioth.  Prœmonstr., 
pag.  780). 

Ce  statut  est  formé  sur  la  décrétale  d'Inno- 
cent m,  avec  cette  différence  qu'il  inflige  les 
mêmes  peines  à  ceux  des  profès  qui  ne  feront 
pas  ce  qui  était  de  conseil  pour  le  commun 
des  fidèles.  Car  (luoiqu'lnnocent  111  n'eût  dé- 
cerné des  peines  que  contre  ceux  qui  manque- 
raient à  se  confesser  à  leur  pro|)re  confesseur 
une  fois  chaque  année ,  on  exhortait  encore  les 
fidèles  de  se  confesser  aux  trois  mêmes  grandes 
fêtes,  selon  l'usage  des  siècles  précédents, 
comme  il  paraît  par  un  grand  nombre  de  con- 
ciles provinciaux  et  de  synodes  diocésains.  En- 
fin ce  statut  ne  parle  que  des  confessions  qui 
sont  d'une  obligation  indispensable,  et  non 
pas  de  celles  qui  étaient  remises  à  la  dévotion 
des  particuliers. 

Je  ne  dois  pas  omettre  que  le  concile  de 
Toulouse,  en  1228,  conmiamla  à  tous  les  fidè- 
les de  communier  et  de  se  confesser  trois  fois 
l'année,  à  Noël,  à  Pâques  et  à  la  Pentecôte. 
«Onines  confosionem  peccatorum  faciant  ter 
in  anno  sacerdoti  proprio,  vel  alii  de  mandato 
ipsius,  et  ter  in  anno  sacramentiun  Euchari- 
stiœ  cum  omni  reverenlia  suscejituri.  » 

La  nécessité  de  remédier  à  tant  de  désordres 
(pie  l'hérésie  avait  causés  dans  tout  le  Langue- 
doc, obligea  ce  concile  d'exiger  des  confessions 
et  des  communions  plus  fréquentes  que  n'a- 
vait fait  Innocent  III. 

Abélard  prescrivant  une  règle  aux  religieuses 
du  Paraclet,  leur  ordonne  que  tout  le  couvent 
communie  au  moins  trois  fois  l'année,  à  Ndël, 
à  Pâques  et  à  la  Pentecôte,  coiiinie  les  saints 


DU  THÉOI.OCAL  KT  Df  PÉNITENCIER, 


301 


Pères  l'ont  prescrit  aux  séculiers  mêmes  :  «  Si- 
cut  a  ()atribus  coiistiluluin  est  île  s;poularilHis 
etiam  hominibus  (Epist.  viii,  p.  ICI).  »  Il  leur 
commande  de  faire  précéder  la  confession  de 
trois  jours.  Quant  aux  infirmes,  il  leur  ordonne 
de  communier  et  de  se  confesser  tous  les  huit 
jours. 

On  pourrait  ajouter  beaucoup  d'autres  exem- 
ples et  d'autres  constitutions  semblables;  mais 
en  voilà  assez  pour  faire  connaître  comment 
les  confessions  sont  devenues  plus  fré(]uentes, 
même  entre  les  personnes  les  plus  innocentes 
et  les  plus  vertueuses  ;  comment  on  n'a  imposé 
que  la  récitation  de  quelques  psaumes  à  des 
pénitents  dont  la  vie  était  une  sainte  alliance 
de  la  pénitence  et  de  l'innocence  ;  comment  le 
relâchement  de  la  pénitence  publique  élait 
compensé  par  une  foule  de  pénitents  volontai- 
res; et  enfin  comment,  lorsque  l'on  commença 
de  réduire  l'obligation  de  communier  à  une 
seule  communion  chaque  année  pour  les  sim- 
ples fidèles,  il  s'alluma  d'un  antre  côté  une 
ardeur  admirable  dans  une  infinité  de  fidèles 
et  de  religieux ,  de  communier  et  plus  sou- 
vent et  avec  plus  de  précautions  de  piélé  et  de 
pureté  qu'on  n'avait  Jait  depuis  quelques 
siècles. 


Mil.  Le  père  Goar  nous  fait  voir  dans  son 
Euclio'oge  (p.  109,  670),  (jne  parmi  les  Grecs, 
quoique  la  confession  ne  soit  peut-être  pas  si 
fréquente  que  parmi  les  Latins,  les  plus  éclairés 
d'entre  eux  exhortent  les  évoques,  les  prêtres 
et  les  religieux  de  se  confesser  fréquemment. 
Et  si  la  pénitence  publique  n'y  est  plus  en 
usage  dejjuis  le  temps  de  Neclarius,  ils  ne 
laissent  pas  encore  de  refuser  quelquefois  l'eu- 
charistie durant  un  fort  long  temps  après  l'ab- 
solution des  péchés,  et  durant  ce  temps-là  ces 
fidèles  demi-réconciliés  reçoivent  du  pain 
bénit  et  de  l'eau  bénite  au  lieu  de  l'eucharislie 
aux  jours  des  grandes  fêtes. 

Le  patriarche  Jean  d'Antioche,  qui  vivait 
vers  le  milieu  du  douzième  siècle,  témoigne 
qu'en  son  temps  te  ministère  des  confessions 
et  du  sacrement  avait  été  presque  entièrement 
abandonné  aux  religieux,  tant  leur  piété  était 
exemplaire.  «  Adeo  a  fidelibus  cultus  honora- 
tusque  fuit  monacliorum  ordo,  ut  confessiones 
ac  enuntiationes  peccatorum  ,  consequcn- 
tesque  censurœ  et  absolutiones  ad  monachos 
tranjlatae  sint,  quemadmodum  in  prœsenlia- 
rum  quoquc  fieri  vidcmus  (Cotteler.  Monu- 
ment. Eccl.  Grœc,  tom.  u,  p.  169).  (1). 


(1)  L'office  de  théologal  n'a  plus  aujourd'hui  l'importance  qu'il 
a\ait  avant  l'élablisseoient  des  séminaires.  Car  il  était  alors  le  véri- 
table et  unique  professeur  d'Ecriture  sainte  et  de  tiiéologie.  En 
France,  le  théologal  dans  les  chapitres  n'est  plus  qu'un  titre  hono- 
ri&que,  puisque  chaque  diocèse  a  son  séminaire.  Prévoyant  cepen- 
dant, ou  pour  mieux  dire  craignant  qu'au  sortir  de  la  révolution, 
les  séminaires  ne  passent  se  rétablir  partout,  le  cardina!-lég.it  Ca- 
prara  exigea,  par  un  décret  du  10  avril  1802,  que  dans  chaque  cha- 
pitre il  y  eut  un  canonicat  réservé  pour  le  théologal.  Au  contraire, 
dans  bien  des  diocèses  d'Espagne,  d'Italie  et  même  d'Allemagne, 
oij  il  n'y  a  pas  de  séminaires,  le  théologal  est  encore  revêtu  d'un 
office  sérieux.  Aussi  l'article  13  du  Concordat  autrichien  dit  :  s  Dans 
«  les  églises  métropolitaines  et  épiscopales,  partout  où  ils  manquent, 
c  on  établira  le  plus  tôt  possible  un  pénitencier  et  un  théologal,  et 
«  dans  les  collégiales  un  théologal,  selon  le  mode  prescrit  par  le 
f  saint  concile  de  Trente.  [Sess.  v,  cap.  1  ;  sess.  xxw,  cap.  8  de 
I  Beform.)  Les  évéques  conféreront  lesdites  prébendes  conformé- 
fl  ment  aux  canons  du  même  concile  et  aux  décrets  apostoliques  sur 
«  la  matière,  o  On  sait  qu'aux  termes  du  concile  de  Trente  la  charge 
de  théologal  ne  peut  être  conférée,  comme  les  cures,  que  par  voie 
de  concours. 

De  son  c5té,  le  Concordat  espagnol  prescrit  que  chaque  chapitre, 
outre  les  quatre  dignités  que  nous  avons  mentionnées,  aura  quatre 
offices  à  mettre  au  concours,  savoir  :  le  magistral  ,  le  théologal,  le 
lecteur  et  le  pénitencier.  Les  cathédrales  supprimées  et  réunies  à 


d'autres,  mais  qui  seront  conservées  comme  collégiales,  auront  seu- 
lement, parmi  ces  offices,  le  magistral  et  le  théologal. 

Le  pénitencier  a,  en  France  comme  partout  ailleurs,  une  impo - 
tance  réelle,  et  n'est  pas  comme  le  théologal,  un  titre  vain.  Le  pé- 
nitencier est  chargé  de  donner  l'absolution  de  tous  les  cas  réservés  à 
l'évéque.  Le  décret  apostolique  du  10  avril  1802  dit  :  o  Mais  surtout 
«  que  parmi  les  canonicats,  il  en  établisse  deux  auxquels  soient  ati- 
0  nexées,  comme  le  veut  le  concile  de  Trente,  les  fonctions  de 
o  théologal  et  de  pénitencier,  que  rempliront  fidèlement  ceux  auxquels 
a  ils  ont  été  canoniquement  donnés.  »  La  bulle  du  11  juillet  1817 
donne  le  même  ordre  aux  évéques  qui  seront  nommés  pour  occuper 
les  sièges  nouveaux  qu'elle  érige.  Malgré  ces  prescriptions  formelles, 
nous  crovons  que  tous  les  chapitres  de  France  n'ont  pas  encore  leur 
pénitencier.  Nous  venons  de  voir  que  les  Concordats  autrichien  et 
espagnol  rendent  obligatoire  l'office  de  pénitencier  dans  les  chapi- 
tres. En  Italie,  cette  fonction  est  exactement  remplie.  A  Rome,  le 
cardinal  grand-pénitencier  va  entendre  lui-même  les  confessions  dans 
la  basilique  de  Saint-Pierre,  en  un  des  jours  de  la  semaine  sainte.  En 
instiiuant  canoniquement  son  chapitre  eo  1831,  l'évéque  de  Saint- 
Die  déclara  que  la  bulle  qu'il  avait  reçue  lui  prescrivait  de  nommer, 
selon  les  formes  ordonnées  par  le  concile  de  Trente,  un  chanoine 
pénitencier  et  un  théologal.  Ces  deux  canonicats  ne  peuvent  é're 
donnés  qu'au  concours.  On  voit  que  le  SaiBt-Siége  tient  essentielle- 
ment à  ces  deux  offices,  (Dr  André.) 


392 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CilAI'lTI'.E  ONZIÈME. 


CHAPITRE  ONZIÈME. 


DE  l'administration  DU  SACREMENT  DE  PÉNITENCE  PAR  LES  OCRÉS,   SOCS  L'EMPIRE  DE  CHARIEMAGNE. 


I.  Les  pratiques  essentielles  du  sacrement  de  pénitence  étaient 
comme  elles  avaient  toujours  été,  les  mêmes  qu'à  pi-ésent.  La 
confession  au  prèlre  en  secret,  le  détail  de  tous  les  crimes,  l'im- 
position des  pénileuces,  l'absolution.  Preuves  du  capitulaire  de 
Théodulphe. 

II.  La  pénitence  des  crimes  secrets  ou  publics  se  faisait  en 
secret,  nu  en  public,  selon  la  rigueur  des  canons. 

III.  Nouvelles  preuves  de  ce  qui  a  été  dit,  tirées  des  conciles. 

IV.  Les  livres  pénilenliaux,  qui  n'étaient  pas  conformes  aux 
canons,  condamnés  au  feu. 

V.  Les  curés  étaient  les  ministres  de  la  pénitence  secrète  des 
péchés  secrets,  et  ils  doivent  s'y  régler  par  les  canons,  et  par  la 
coutume  de  l'Eglise,  alors  conforme  aux  canons. 

VI.  Nouvelles  preuves  tirées  d'Hérard,  archevêque  de  Tours. 
Vil.  Et  de  Hincmar.  Exacte  description  des  pratiques  de  la 

pénitence  publique. 

Vlll  Règlements  d'Hincmar  pour  ceux  qui  retombaient  dans 
le  crime  après  la  pénitence  publique,  qui  ne  se  réitérait  point. 

IX.  Des  confessions  générales,  et  des  absolutions  en  général. 

X.  Preuves  de  ce  qui  a  été  dit,  tirées  de  Héginon. 

XI.  Et  des  capitulaires 

XII.  Et  de  Jonas,  évèque  d'Orléans. 

XIII.  Des  confessions  mutuelles  que  les  fidèles  se  faisaient  de 
leurs  fautes  légères. 

XIV.  Si  les  conlessions  fréquentes  despéchis  véniels  au  prêtre 
en  sont  venues. 

I.  Après  les  pénitenciers,  la  plus  grande  par- 
tie du  pouvoir  attaché  à  radininistralion  du 
sacrement  de  pénitence  a  été  communi(iuée 
aux  curés ,  et  on  ne  peut  pas  douter  qu'elle 
n'ait  depuis  toujours  été  une  de  leurs  plus 
importantes  et  en  même  temps  une  de  leurs 
plus  pénibles  fonctions.  11  n'est  pas  hors  de 
propos  de  remonter  aux  précédents  siècles  de 
l'Eglise,  pour  y  reprendre  l'origine  des  règles 
et  des  usages  que  l'on  observe  encore  aujour- 
d'hui sur  celte  matière. 

Les  pratiques  les  plus  essentielles  qui  s'ob- 
servent de  nos  jours  sont  les  mêmes  que  celles 
qui  se  sont  autrefois  observées,  principalement 
(ians  les  viii* ,  ix'  et  \'  siècles.  On  était  obligé 
(le  se  confesser  au  prêtre  de  tous  ses  péchés, 
même  des  plus  secrets,  et  de  leurs  circonstances 
importantes;  de  recevoir  ses  avis,  d'accomplir 
les  peines  salutaires  qu'il  ordonnait,  eniiu  de 
demander  l'absolulion  qui  eff;iyait  les  crimes. 
Tous  ces  articles  sont  exactement  remarqués 
dans  le  capitulaire  de  Théodulphe,  évèque 
d'Orléans ,  à  ses  curés. 


«  Confessio  quam  sacerdotibus  facimus,  hoc 
nobis  adminiculum  affert,  quia  accepto  ab  eis 
salutari  consilio ,  saluberrimis  pœnitentiae 
observationibus,  sive  mutuis  orationibus,  pec- 
calorum  maculas  diluimus.  Confessio  vero 
quam  Deo  facimus  in  hoc  jiivat,  etc.  Confessio- 
nes  dandcC  sunt  de  omnibus  peccatis ,  quae  sive 
in  opère,  sive  in  cogitatione  perpetrantur,  etc. 
Quando  ergo  quis  ad  confessionem  venit,  dili- 
genter  débet  inquiri,  quando,  aut  qua  occa- 
sione  peccalum  perpelraverit,  etc.  Débet  ei 
persuader! ,  ut  et  de  perversis  cogitationibus 
faciat  confessionem  ,  etc.  Nominatim  ei  débet 
sacerdos  unumquodque  vitium  dicere,  et  siiam 
de  eo  confessiunrmaccipere,  etc.  Juxta  modum 
facti  di'bet  ei  pœnitcntia  indicari.  (Cap.  xxx, 
XXXI.  Conc.  Gall.,  lom.  ii,  ad  an.  797).  » 

Le  temps  le  [)lus  propre  et  le  plus  ordinaire 
pour  les  confessions  était  la  semaine  qui  pré- 
cède le  commencement  du  carême,  afin  de 
pouvoir  se  purifier  durant  le  carême  par  des 
œuvres  de  pénitence,  et  se  rendre  digne  de 
participer  au  céleste  banquet  de  l'iminortel 
Agneau  pascal  (Ibid.,  c.  xxxvi). 

o  Hebdomada  una  ante  initium  quadrage- 
simae,  confessiones  sacerdotibus  dandœ  sunt, 
pœnitentia  accipienda,  discordantes  reconci- 
liandi ,  et  omnia  jurgia  sedanda,  etc.  Et  sic 
ingredientes  in  bealœ  quadragesimœ  tempus, 
niundis  et  purificatis  menlibus  ad  sanctum 
pascha  accédant.  » 

H.  Ce  capitulaire  de  Théodulphe  ne  contient 
que  les  anciens  usages  des  siècles  précédents, 
sans  que  ce  prélat  y  ajoute  rien  du  sien. 

Les  curés  se  réglaient  sur  les  canons  et  sur 
les  livres  pénilenliaux,  pour  examiner  les 
pénitents,  et  pour  déterminer  le  temps  et  les 
austérités  de  leurs  pénitences.  Aussi  l'empereur 
Cliarkmagne  les  avertit  de  leur  obligation  à 
bien  savoir  les  canons  et  le  pénitentiel  :  «  Ut 
de  canonibus  doctus  fit  et  suum  pœnitentiale 
bene  sciât  (Ibid.,  p.  233;  ibid.,  an.  813).  »  Le 
concile  II    de  Reims   (Can.  xii,  xvi),  dit   la 


DE  L'ADMINISTRATION  DU  SACREMENT  DE  PÉNITENCE  PAR  LES  CURÉS.        Ô«n 


même  chose:  «  Quomodo  confessiones  recipere, 
et  pœnitentiam  secundum  canonicam  inslitu- 
tionem  pœnitentibiis  deberent  iiulicare.  » 

Toutes  ces  pratiques  si  conformes  à  nos 
usages  préseuls  n'étaient  donc  qu'une  exacte 
observance  des  anciens  canons,  ce  qui  suffit 
pour  justifier  l'antiquité  de  ces  usages  et  leur 
uniformité  dans  tous  les  siècles. 

Si  les  canons  des  pénitences  ne  s'observent 
pas  à  la  rigueur,  cela  même  se  peut  faire  par 
une  sage  condescendance,  cent  fois  autorisée 
par  les  anciens  canons,  qui  remettent  la  su- 
prême disposition  de  toutes  choses,  elles  divers 
tempéraments  de  ces  pénitences,  à  la  sagesse 
d'un  charitable  pasteur.  Cela  se  trouve  décidé 
dans  ce  même  concile  de  Reims (Can.xvi)  :  «Ut 
episcopi  et  presbyteri  examinent,  qualiter  con- 
filenlibus  peccata  dijudicent,  et  tempus  pœni- 
tenlise  constituant.  » 

La  discrétion  du  médecin  spirituel  paraissait 
particulièrement  dans  le  discernement  qu'il 
devait  faire  entre  ceux  qui  devaient  faire  la 
pénitence  en  public  ou  en  secret.  Et  c'est  ce 
qui  est  encore  remarqué  dans  ce  même  concile 
(Can.  xxxi).  «  Ut  discretio  servanda  sit  interpœ- 
nilentcs,  qui  publiée,  et  qui  absconse  pœnitere 
dL-bent.  » 

III.  Leconcilellde  Chàlon  (An.813,can.xxxii) 
déclara  la  même  nécessité  de  faire  une  con- 
fession entière  des  péchés  les  plus  cachés. 
«  Solerli  indagatione  debent  inqiiiri  ipsa  pec- 
cata, ut  ex  utrisque  plena  sit  confcssio,  fcilicet 
ut  et  ea  confiteantur,  quae  percorpusgesta  sunt, 
et  ea  quibus  in  sola  cogitatione  delinquitur.  » 

Si  cette  confession  n'était  absolument  né- 
cessaire, ce  serait  en  vain  que  ce  concile 
(Can.  xxxviu),  aurait  ordonné  avec  des  termes 
si  pressants  que  les  pénitences  fussent  im- 
posées selon  la  rigueur  des  anciens  canons,  et 
non  pas  selon  les  relâchements  de  quelques 
livres  pénitentiaux,  qui  ne  servaient  qu'à 
tromper  les  pécheurs  par  une  mortelle  com- 
plaisance. 

«  Modus  pœnitentice  peccata  sua  confltenti- 
bus  aut  per  antiquorum  canonum  institutionem 
aut  per  sanctarum  Scripturarum  autoritatem, 
aut  per  ecclesiasticam  consuetudinem  imponi 
dcbet  :  repudiatis  ac  penituseliminatis  libellis, 
quos  pœnitentiales  vocant,  quorum  sunt  certi 
errores,  incerti  autores,  de  quibus  recle  dici 
piitest,  mortiflcabant  animas quœ  non  moriun- 
tur,  et  vivificabant  animas  quœ  non  vivebant. 
Qui  dum  pro  peccatis  gravibus  levés  quosdam 


etinusitatos  imponunt  pœnitentiae  modos,  con- 
suunt  pulvillos  sub  omni  cubito  manus,  etc.» 
C'est  aussi  pour  cela  que  ce  même  concile 
de  Cliâlon  (Can.  xxxvii)  oblige  les  confesseurs 
à  une  étude  sérieuse  des  conciles  et  des  canons 
mais  principalement  de  ceux  qui  traitent  des 
remèdes  qu'il  faut  apporter  aux  plaies  spiri- 
tuelles de  l'âme.  «  Cum  igitur  omnia  concilia 
canonum  quae  recipiuntur,  sunt  a  sacerdotibus 
legenda  et  intelligenda,  et  per  ea  sit  eis  viven- 
dnm  et  pra;dicandum  :  necessarium  duximus, 
ut  ea  quœ  ad  fidem  pertinent,  et  ubi  de  extir- 
pandis  vitiis  et  plaiitandis  virtutibus  scribitur, 
h»c  ab  eis  crebro  legantur,  et  bene  intelligan- 
tur,  et  in  populo  praedicentur.  » 

IV.  Le  concile  VI  de  Paris,  tenu  en  829 , 
(Can.  xxxu,  31)  enjoignit  aux  évêques  de  faire 
une  exacte  rechercbe  de  tous  ces  livres  péni- 
tentiaux, qui  par  une  fausse  douceur,  donnaient 
la  mort  aux  pénitents,  de  les  condamner  au 
feu,  et  d'instruire  leurs  prêtres  des  règles 
canoniques  qu'ils  doivent  observer  dans  les 
confessions. 

a  Utenles  quibusdam  codicillis  contra  cano- 
nicam autoritatem  scriptis,  quos  pœnitentiales 
vocant,  et  ob  id  non  vulnera  peccatorum  cu- 
rant, sed  potins  foventes  palpant,  etc.  Unus- 
quisque  episcoporum  in  sua  parochia  eosdem 
erroneos  codices  diligenter  perquirat,  et  in- 
ventes igni  tradat,  etc.  Presbyteri  eiiam  im- 
periti  solerti  studio  ab  epi^copis  suis  instruendi 
sunt  qualiter  et  pœnitentium  peccata  discrète 
inquirere,  eisque  congruum  modum  secun- 
dum canonicam  autoritatem  pœnitentiae  no- 
verint  im[ionere.  Quoniam  hactenus  eorum 
incuria  et  ignorantia  multorum  flagitia  reman- 
scrunt  impunita,  et  hoc  ad  animarum  ruinam 
pertinere  dubium  non  est.» 

Aussi  ce  concile  renouvelle  aussitôt  après  le 
canon  du  concile  d'Ancyre,  qui  punit  une 
détestable  impureté  d  une  pénitence  de  quinze 
années. 

V.  Nous  ferons  voir  dans  la  suite  que  les 
pénitences  publiques  qui  se  faisaient  aussi  pour 
les  péchés  publics  étaient  réservées  aux  é\è- 
ques.  Il  résulte  de  là  que  les  pénitences  canoni- 
ques étaient  également  imposées  aux  péchés 
secrets,  dont  lacoiifessionetla  pénitence  étaient 
réglées  par  les  prêtres.  Il  n'eût  pas  fallu  faire 
aux  prêtres  tant  de  commandements  réitérés 
de  suivre  la  sévérité  des  anciens  canons  dans 
ks  pénitences  qu'ils  imposaient,  si  n'ayant  juri- 
diction que  sur  les  péchés  secrets,  ils  n'eussent 


301 


DU  SECOND  OROrxE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  ONZIÈME. 


j.imais  eu  l'occasion  d'imposer  des  pénitences 
c.iïioni(|ues. 

Ajoutons  que  si  ces  conciles  de  l'âge  moyen 
ordonnent  l'observance  des  anciens  canons 
pcnitentiaux  pour  les  crimes  cachés,  ils  ne 
doutent  nullement  que  dès  les  premiers 
siècles  les  crimes  secrets  étaient  châtiés  des 
mêmes  peines.  Car  ces  conciles  ordonnent  de 
suivre  les  anciens  canons,  mais  non  pas  d'en- 
chérir sur  eux. 

Enfin  une  autre  remarque  qui  n'est  pas  de 
moindre  conséquence,  c'est  que  les  canons  an- 
ciens de  la  pénitence  étaient  encore  en  vigueur 
dans  la  plus  grande  partie  des  Eglises,  et  ce 
n'étaient  que  quelques  particuliers,  qui  par  une 
lâcheté  criminelle  introduisaient  l'impénitence 
ell'impunité  des  crimes,  sous  le  prétexte  imagi- 
naire d'une  conduite  accommodante  envers  les 
jiénitents.  Or  dans  ces  conjonctures,  il  y  a  une 
oMig.ition  indispensable  de  maintenir  la  pureté 
des  lois  et  des  sainlsusagesdcl'Eglise  contre  les 
nouveaux  relâchements. 

Cela  est  manifeste  dans  le  canon  qui  a  été 
elle  du  11°  concile  de  Cliâlon  (Can.xxxviUj,  où. 
les  Pères  commandent  d'imposer  les  pénitences 
S(  !on  les  canons,  et  selon  la  coutume  de  l'Eglise, 
(  t  non  pas  selon  les  pernicieuses  maximes  de 
quelques  nouveaux  flatteurs.  «  Modus  pœni- 
ti  nliœ  aut  per  antiquorum  canonum  inslitu- 
lionem,  aut  per  ccclesiasticam  consueludinem 
iniponi  débet.  » 

La  longue  désaccoutumance  n'avait  donc 
point  encore  prescrit  contre  l'observation  des 
innons  anciens.  Il  y  a  néanmoins  bien  de  l'ap- 
P'.rence  que  ces  relâchements  s'augmentèrent 
..vec  le  temps,  et  qu'on  les  appuya  sur  une 
iiiaximedont  ces  conciles  mêmes  demeuraient 
(i'accord,  que  le  mérite  de  la  pénitence  consiste 
ninjiisenlalongueurqu'enlaferveurdelapéni- 
h  I  ce,  et  que  les  confesseurs  sont  les  modéra- 
liiirs  et  les  arbitres  de  la  modification  qui  se 
p  'lit  faire  des  peines  canoniques.  «  Pœnitenlia 
vrronon  in  multitudine  annorum,  sed  potius 
il  contritione  cordis  et  corporis  est  .Tsti- 
Mi.inda  (Conc.  Paris,  vu,  c.  iO).  » 

VI.  Ces  remarques  m'ont  paru  assez  impor- 
l.iiites  et  assez  liées  les  unes  aux  autres  pour 
ne  lias  les  omettre  et  ne  les  pas  séparer.  Quant 
il  la  distinction  des  péchés  secrets  et  des  pu- 
•  blics,  dont  les  uns  étaient  réservés  à  l'évêque 
(•I  les  autres  étaient  de  la  juridiction  ordinaire 
drs  curés,  voici  ce  qu'eu  ordonna  l'arciii'\êi|Lie 
('.1    ioui>  ilrrartl  :   «  Ut  incesta  oniiiia  jiixta 


modum  culpae,  absque  acceptione  personre  a 
presbyteris  judicentur.  Et  ut  tempore  oppor- 
tuno  publica  crimina  ad  notitiam  episcnpi 
deducantur,  maximeque  in  die  magno  CœiicB 
reconciliandi ,  vel  adhuc  suspendendi  per  pro- 
prium  presbyterum  ad  pracsentiam  episcopi 
deferantur  (Capitul.  Herardi,  c.  xiv,  Conc. 
GalL,  tom.  m,  p.  112).  »  Et  un  peu  plus  bas 
(Cap.  Lix)  :  «  Presbyteri  de  occultis  jussione 
episcopi  [lœnitentes  reconcilient,  et  infirman- 
tes absolvant  et  communicent.  » 

Ces  dernières  paroles  semblent  insinuer  que 
lorsque  la  violence  de  la  maladie  ne  permettait 
pas  de  recourir  à  l'évêque,  le  curé  pouvait 
absoudre  même  des  crimes  publics,  et  par  con- 
séquent réservés  à  l'évêque,  avec  cette  condi- 
tion néanmoins  que  si  le  pénitent  recouvrait 
la  santé,  il  satisferait  à  toutes  les  obligations 
des  pénitents  publics. 

Vil.  Toutes  ces  particularités  ont  été  admi- 
rablement développées  par  l'archevêque  de 
Reims  Hincmar  dans  les  instructions  aux  curés 
(Tom.  ui,  Conc.  GalL,  p.  635),  où  il  en  aioule 
encore  beaucoup  d'autres.  Le  curé  doit  avertir 
les  homicides,  les  adultères,  les  parjures  pu- 
blics, enfin  tous  les  criminels  publics  et  scan- 
daleux de  venir  confesser  leur  crime  devant  le 
doyen  ou  l'archipiêtre  et  les  autres  curés  du 
doyenné,  afin  (ju'on  les  fasse  comparaître  dans 
l'espace  de  quinze  jours  en  jirésence  de  l'évêque, 
pour  recevoir  de  lui  l'imposition  des  mains  et 
la  pénitence  canonique. 

Lorsque  les  curés  de  chaque  doyenné  s'as- 
semblent au  premier  jour  de  chaque  mois,  ils 
doivent  conférer  ensemble  de  la  ferveur  ou  de 
la  tiédeur  de  leurs  pénitents  publics ,  et  en  in- 
former l'évêque,  afin  qu'il  puisse  avec  la  même 
juste  proportion  prolonger  ou  raccourcir  le 
temps  de  leur  pénitence. 

Si  celui  qui  a  commis  un  crime  scandaleux 
diffère  plus  de  quinze  jours  à  se  mettre  eu 
pénitence  après  en  avoir  été  averti  par  son  curé 
et  ensuite  par  l'arcliiprêtre  et  les  autres  curés, 
il  faut  le  retrancher  du  corps  de  l'Eglise,  jus- 
qu'à ce  qu'il  se  soumette  au  joug  d'une  salutaire 
pénitence.  Si  l'évêque  est  averti  d'une  action 
scandaleuse  d'un  paroissien  par  un  autre  que 
par  son  curé,  ce  curé  est  suspendu  et  obligé  de 
jeûner  au  pain  et  à  l'eau  autant  de  jours  (ju'il 
a  difTéré,  par  une  négligence  criminelle,  d'en 
avertir  le  prélat. 

Enfin,  la  pénitence  et  le  divin  viatique  ne 
doivent  jamais  être  refusés  aux  moribonds, 


DE  L'ADMINISTRATION  DU  SACREMENT  DE  PÉNITENCE  PAR  LES  CURÉS.        305 


mais  s'ils  recouvrent  après  cela  leur  santé,  ils 
doivent  acconiplir  la  rigoureuse  pénitence 
prescrite  par  les  canons  et  attendre  après  cela 
la  réconciliation  solennelle. 

0  LU  uiinsijuisijue  sacerdos  maximam  provi- 
dentiam  habeat,  quatenus  si  forte  in  parochia 
sua  pulilicum  homicidium,  aut  aduUerium, 
sive  perjuiinm  ,  vel  (}uodciimque  criniuiale 
peccalnm  publice  perpetraluin  fuerit,  staliui 
hortelnr  euui  quatenus  ad  pœnitentiani  veniat 
coram  decano  et  compresbyteris  suis  ,  et  quid- 
quid  ipsi  inde  invenerint,  vel  egeiint,  lioc 
comministris  nostris ,  magistris  suis,  qui  in 
ci  vitale  degunt,  innotescat  :  ut  intra  quindecim 
dies  ad  nostram  praesenliam  publions  peccalor 
veniat  et  juxla  traditionem  canonicam,  publi- 
cam  pœnitentiam  cuni  manus  impositione  acci- 
piat,  etc.  Et  semper  de  kalendis  in  kalcndis 
mensium,  quando  presbyteri  de  decaniis  simul 
conveniunt,  coUationem  de  pœnitentibus  suis 
habeant,  qualiter  unusquisque  pœnitentiam 
suam  faciat ,  etc.  Si  forte  quis  ad  pœnitentiam 
infra  quindecim  dies  venire  noluerit ,  decer- 
natur,  qualiter  a  cœtu  Ecclesiae ,  donec  ad 
pœnitentiam  redeat,  segregetur.  Et  sciât  quis- 
que  presbyter,  quia  si  per  alium  nobis  cogni- 
tuin  fuerit,  quod  in  sua  parochia  admitlatnr, 
et  tardins  ad  noslram  notiliam  perlatum  fuerit, 
tantos  dies  a  ministerio  suspensus  in  pane  et 
aqua  excommunicatus  morabitur,  etc.  Hoc 
tamen  omnimodis  caveatur,  ut  nemo  pœnilens 
et  cum  devotione  petens,  ultima  pœnitentia, 
vel  ultimo  viatico  defraudelur,  ea  conveniin- 
lia,ut  si  convaluerit,  secundum  ecclesiasticas 
régulas  pœnitentiam  agat,  et  reconcilialionem, 
quantum  Deus  sibi  concesserit,  in  ordine  pœ- 
nitentiam expe'at  et  expectet.  » 

Comme  la  loi  des  pénitences  publiques  pour 
les  crimes  publics  a  été  confirmée  et  renouve- 
lée par  le  concile  de  Trente,  j'ai  cru  qu'il  serait 
utile  de  faire  voir  le  détail  delà  méthode  sainte 
et  merveilleuse  dont  on  l'observait.  On  ne  sau- 
rait assez  admirer  cette  sagesse  incomparable 
de  traiter  de  celte  cure  spirituelle  des  âmes, 
en  tant  d'assemblées,  soit  des  doyens  ruraux, 
soit  des  archidiacres  et  des  autres  membres 
illustres  du  clergé  de  la  ville,  auxquels  les 
doyens  ruraux  devaient  faire  leur  rapport,  et 
qu'ils  devaient  respecter  comme  leurs  maîtres, 
Maffislris  suis, enhn  dans  le  conseil  del'évéque 
diocésain. 

Le  même  Hincmar  fit  des  défenses  très- 
c\presses  à  tous  les  curés  de  recevoir  r.ucun 


présent  des  pécheurs  et  des  pénitents  publics, 
de  crainte  (ju'après  cela  ils  ne  les  épargnas- 
sent, en  différant  d'informer  l'évèque  de  leur 
crime,  ou  ne  gardant  pas  à  leur  égard  les 
mêmes  rigueurs  pendant  le  cours  de  leur  pé- 
nitence. 

VIII.  Il  dit  ailleurs  (Tom.  I,  p.  713,  730,  731), 
qu'il  est  très-difficile  de  se  démêler  de  cette 
question,  comment  il  faut  agir  avec  ceux  qui 
retombent  dans  le  crime,  après  en  avoir  fait 
une  fois  pénitence  publique  et  avoir  été  récon- 
ciliés, puisque  comme  il  n'y  a  qu'un  baptême, 
il  n'y  a  qu'une  pénitence  publique.  «  Sicut 
unum  est  baptisma,  ita  et  una  débet  esse  pœ- 
nitentia, quœ  tamen  publice  agitur.  »  Il  semble 
à  la  fin  (Tom.  ii,  p.  179)  nous  insinuer  qu'on 
ne  leur  donnait  point  l'eucharistie  durant  leur 
vie,  puisqu'ils  ne  pouvaient  la  recevoir  sans 
avoir  été  réconciliés  et  absous  :  mais  qu'à  l'ar- 
ticle de  la  mort  on  leur  accordait  le  céleste 
viatique  du  corps  de  J.-C,  quoiqu'alors  même 
on  eût  de  la  peine  à  débrouiller  cette  difficulté, 
comment  l'eucharistie  effaçait  leurs  péchés  à 
l'article  de  la  mort,  puisque  s'ils  eussent  sur- 
vécu, ils  n'eussent  pu  être  absous  que  par  la 
pénitence  canonique. 

M  Et  sunt  in  nostris  parochiis  plurimi,qui 
post  pœnitentiam  et  reconcilialionem  per  ma- 
nus impositionem,  et  post  communionem  ite- 
rum  labuntur,  non  solumseniel,sed  et  secundo, 
et  tertio.  Quomodo  nobis  de  his  faciendum  sit, 
cum  sicut  prœmisimus,  sine  pœnitentia  com- 
munionem non  accipient  ;  vel  quomodo  qui 
accipiunt  Eucharisliam  et  sic  moriunlur,  abso- 
luti  erunt,  qui  non  essent  absoluti  sine  manus 
impositione,  si  superviverent.  » 

Voilà  un  nœud  qui  paraissait  comme  indis- 
soluble à  ce  savant  prélat,  et  qui  avec  le  temps 
obligea  apparemment  les  évêques  de  réitérer 
les  pénitences  publiques  ,  excepté  celles  qui 
étaient  les  plus  solennelles,  qu'on  commença 
à  distinguer  des  publiques,  et  qui  furent  en- 
suite les  seules  qu'on  jugea  ne  devoir  jamais 
être  réitérées. 

IX.  Voici  un  autre  endroit  du  même  Hinc- 
mar, qui  nous  instiuira  de  beaucoup  d'autres 
singuliirités  de  la  pénitence  publique. 

Hildebold,  évéque  de  Soissons,  sentant  les 
approches  de  la  morL  envoya  sa  confession 
générale  par  écrit  à  plusieurs  évêques,  leur 
demandant  aussi  leur  absolution  par  écrit. 
Hincmar  en  était  un.  Alcuin  demande- aussi 
iiiic  iibsidution  générale  de  ses  péchés  au  pape 


« 


39fi 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  ONZIÈME. 


Adrien  I"  dans  sa  lettre  lxiii.  «  Presbyterum 
tiiuin  ad  me  mittens,  breviculum  confessionis 
tua>  mihi  rcmisisti,  petens  ut  absolutorias  lit- 
teras  tibi  transmiltam.  » 

Hincmar  satisfit  aux  désirs  d'Hildebold  etlui 
envoya  par  le  même  prêtre  de  l'huile  consa- 
crée, afin  qu'il  en  fût  oint  et  qu'il  reçût  en 
même  temps  l'absolution  entière  de  toutes  ses 
fautes,  selon  l'usage  ancien  des  Eglises.  «  Mit- 
tens manu  mea  secutus  majorum  exempta  in 
manus  ipsius  presbyteri,  oleum  sanctificatum, 
ut  etiam  obsequio  meo  per  ejus  mentionem, 
Spiritussancti  gralia,  qui  est  remissio omnium 
pcccatorum  ,  indulgentiam  percipias  omnium 
delictorum  :  consortium  sanctorum  episcopo- 
rum.  » 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  c'est 
que  Hincmar  conseille  à  ce  pieux  évêque  de  ne 
se  pas  contenter  de  cette  confession  générale, 
mais  de  confesser  à  Dieu  et  à  un  prêtre  toutes 
les  fautes  qu'il  a  commises  depuis  sa  plus  ten- 
dre jeunesse  jusqu'au  temps  présent.  «  Ronam 
tuam  devotionem  commoneo,  ut  prœttT  istam 
gi'ueralem  confessionem,  quaeque  ab  ineunte 
aefate,  usque  ad  banc,  in  qua  nunc  degis,  te 
tommisisse  cognoscis  ,  specialiter  ac  sigillatim 
Deo  et  sacerdoti  satagas  coiifiteri.  » 

H  y  avait  donc  alors  deux  sortes  de  confes- 
sions et  d'absolulions  en  usage.  Les  unes  géné- 
rales, c'est-à-dire,  en  termes  généraux,  et  elles 
ne  suffisaient  pas  sans  les  autres,  (jui  descen- 
daient au  détail  et  à  toutes  les  particularités  des 
actions  qu'on  avait  commises.  Et  ce  sont  vrai- 
semblablement ces  confessions  générales  et  ces 
absolutions  générales,  dont  l'usage  nous  est 
resté  dans  les  derniers  jours  de  la  semaine 
sainte. 

X.  Réginon  nous  a  donné  le-  formulaire  des 
articles  dont  l'évêque  doit  s'informer  au  temps 
(le  sa  visite  :  si  les  curés  n'ont  point  reçu  de  pré- 
sents pour  ne  pas  déceler  à  ré\êque  ou  à  ses 
ministres,  les  pécheurs  publics  et  les  inces- 
Itieux  ;  s'ils  n'ont  point  rendu  un  témoignage 
trop  favorable  aux  pénitents  pour  leur  obte- 
nir plus  facilement  l'absoliilion  de  l'évêque 
par  des  vues  d'intérêt,  d'amitié,  ou  de  pa- 
renté; s'ils  ont  convié  leurs  paroissiens  la 
(juatrième  férié  avant  le  carême  à  se  confes- 
ser, et  s'ils  leur  ont  imposé  des  pénitences  pro- 
portionnées à  leurs  fautes,  selon  les  lois  cano- 
iii(pies  :  a  Non  ex  corde  suo,  sed  sicut  in 
pu'nitentiali  scriptum  est  (L.  i,  c.  37,  .'i8,  ol, 
294).  » 


Le  même  Réginon  rapporte  ailleurs  que  le 
premier  jour  du  carême  les  pénitents  qui 
s'étaient  déjà  mis  en  pénitence,  ou  qui  vou- 
laient y  entrer,  devaient  se  présenter  à  l'évêque, 
devant  la  porte  de  l'église,  revêtus  d'un  sac,  en 
présence  des  doyens  ou  archiprètres  ,  et  de 
leurs  curés,  pour  recevoir  le  règlement  de  leur 
pénitence.  «  Ubi  adesse  debent  decani,  id  est, 
archipresbyteri  parochiarum,  cum  teslibus,  id 
est,  presbyteris  pœnitentium,  etc.  » 

Enfin  cet  auteur  nous  apprend  que  tous  les 
fidèles  devaient  se  confesser  au  moins  une  fois 
l'an  le  premier  jour  de  carême.  «  Si  aliquis  ad 
confessionem  non  veniat,  velunavice  in  anno, 
id  est,  in  capite  Quadragesimœ,  elpœnitentiam 
pro  peccatis  suis  suscipiat  (L.  u,  c.  65).  » 

Outre  les  pénitences  publiques,  il  y  avait 
donc  des  pénitences  et  des  confessions  secrètes, 
auxquelles  chaque  fidèle  était  obligé  au  moins 
une  fois  cha(|ue  année  au  commencement 
du  carême,  pour  se  préparer  ensuite  par  le 
jtûne  et  par  la  prière  à  la  communion  de 
Pà(]ues. 

XI.  Toutes  ces  circonstances  particulières  se 
peuvent  encore  remarquer  dans  lescapitulaires 
de  Charlemngne  (Capitul.  Carol.  Magn.,  1.  v, 
c.  52,  5i)  :  les  confessions  et  les  pénitences  pu- 
bliques et  secrètes,  les  absolutions  par  consé- 
quent publiques  ou  occultes,  l'observation  des 
canons  jiénitentiaux,  l'obligation  d'accomplir 
la  pénitence,  si  l'on  revenait  d'une  maladie  où 
l'on  avait  reçu  l'eucharistie,  «  Pœnitentes,  qui 
in  infirmitate  viaticum  pœnilentiaî  acceperint, 
non  se  credant  absolutos  sine  manus  iniposi- 
tione,  si  supervixerint;  »  la  nécessité  de  l'impo- 
sition des  mains  de  l'évêque  ou  du  prêtre,  avec 
sa  |)ermission,  sur  les  pénitents  publics;  la  réser- 
vation des  apostats  de  la  foi  à  l'évêque  (Cap.  lxh, 
LX,  Lxvn);  les  absolutions  solennellesqui  se  don- 
naient le  Jeudi-?aint:  «Quinta  feriaante  Pascha 
eisremittendum,  RomanieEcclesiaeconsuetudo 
demonstral  (L.  vu,  c.  143);  »  la  nécessaire  con- 
descendance d'accorder  aux  pénitents  secrets 
l'absolution  de  leurs  crimes  aussitôt  après  leur 
confession;  ce  qui  se  pratique  encore,  hors  un 
très-petit  nombre  de  cas  où  la  condescendance 
serait  dangereuse ,  bien  loin  d'être  nécessaire. 
(I  Quia  varia  necessitate  praepedimur,  canonum 
statuta  de  reconciliandis  pœnitentibus  pleniter 
observare,  propterea  non  dimitlatur  omuino, 
ut  unusquisque  presbyter  jussione  episcopi,  de 
occullis  tautum,  quia  de  manifestis  episcopis 
semper  convenit,  judicet  et  statim  post  acce- 


DE  L'ADMINISTRATION  DU  SACREMENT  DE  Pl-NITENCE  PAR  LES  CURÉS.        397 


pfam  confessionis  pœnitentiam,  singuli  data 
oratioiie  reconcilienlur  (L.  vi,  c.  203);  »  la  dis- 
cussion exacte  de  tous  les  crimes  et  de  leurs 
circonstances  notables.  «  Qiialiter  primo  pecca- 
tnm  perpetratum  sit,  aut  si  postea  ileratum , 
aul  fréquenter  aclum  sit,  si  sponte,  si  coacte, 
aut  per  ebrietatem,autper  quodiibet  ingeniiim 
factum  sit,  etc.  (L.  vu,  c.  294);  »  lobligaliun 
de  découvrir  quelquefois  les  crimes  des  inrpé- 
nitents,  alin  qu'on  paisse  les  en  convaincre  et 
les  forcer  à  en  faire  pénitence.  «  Omnibus 
fidelibus,  notum  fore  desideremus,  quod  quo- 
rumdam  alienorum  peccatorum  conscii ,  nisi 
ea  emendationis  et  salulis  causa  prodiderint, 
deiimiuant  (Cap.  cccii).  » 

Mais  rien  n'est  plus  souvent  inculqué  dans 
les  ca[)ilulaires,  que  l'obligation  d'imposer  les 
pénitences  selon  les  canons. 

C'est  ce  qui  porta  les  évèciues  les  plus  zélés 
de  ce  lem|is-ià  à  entreprendre  eux-mêmes,  ou 
à  faire  entreprendre  par  des  personnes  sa- 
vantes, une  exacte  compilation  des  canons  et 
des  décisions  des  saints  Pères,  qui  pût  servir  de 
guide  aux  confesseurs  et  qu'on  pût  opposer  à 
une  foule  de  livres  pénitentiaux  ,  dont  les  au- 
teurs étaient  incertains,  mais  dont  les  erreurs 
étaient  et  certaines  et  pernicieuses. 

Je  ne  rapporterai  sur  ce  sujet  qu'un  mot 
delà  lettre  d'Ebbon,  archevêciue  de  Reims, 
à  Halitgarius  ,  évèque  de  Cambrai  ,  pour 
l'exhorter  à  composer  les  six  livres  qu'il  a 
faits  sur  ce  sujet  :  «  De  remediis  peccatorum 
et  ordine  A-el  judiciis  pœnitentiir.  »  Voici  les 
termes  de  cette  lettre.  «  Et  hoc  est  quod  in  hac 
re  valde  me  sollicitât,  quoniam  ita  confusa 
sunt  judicia  pœnitenlium  in  presbylerorum 
nostrorum  opusculis,  atque  diversa  et  inter  se 
discrepantia,  e'  nullius  autoritate  sufFiilta,  ut 
vix  propler  dissonantiam  possint  dissolvi  (Flo- 
doard.  Hist.  Remens;  1.  ii,  c.  17).  » 

XII.  Cette  confusion  des  livres  pénitentiaux, 
jointe  à  l'ignorance  des  curés ,  n'avait  peut- 
être  pas  peu  contribué  à  faire  presque  abolir 
la  pénitence  publique,  ou  au  moins  à  en  inter- 
rompre les  plus  saintes  pratiques  (De  Instit. 
Laicali,  1.  i,c.  10). 

Jonas,  évèque  d'Orléans,  se  plaint  qu'on  ne 
voyait  presque  plus  de  pénitents  publics, qu'on 
ne  les  obligeait  plus  de  renoncer  à  la  malice  et 
aux  emplois  du  siècle,  qu'on  ne  les  séparait 
plus  de  la  compagnie  des  fidèles,  que  le  cilice 
et  les  cendres  n'étaient  plus  a  leur  usage,  que 
les  homicides  mêmes  se  mêlaient  conlusément 


avec  la  troupe  innocente  des  fidèles,  enfin  (|ue 
l'Eglise  était  scandalisée  de  voir  qu'on  se  dis- 
pensât impunément  de  l'obligation  indispen- 
sable d'effacer  l'infamie  des  crimes  publics  par 
une  satisfaction  publique. 

«  Perrari  sunt  hodie,  qui  talem  agant  pœni- 
tentiam ,  qualem  antiquorum  prenitentium 
exempta  et  autoritas  canonica  sancit.  Quis  cin- 
gulum  militiœ  deponit,  et  a  liminibus  eccle- 
siae  arcetur?  Quis  in  cinere  et  cilicio,  etc. 
Nunc  in  cœtu  christiano  idcirco  vix  pœnitens 
agnoscilur,  etc.  Idcirco  a  multis  diversa  flagi- 
tia  perpetrantur  audacler,  etc.  » 

Comme  cela  ne  se  dit  que  des  crimes  publics, 
aussi  on  ne  peut  nier  que  ce  soit  une  nécessité 
indispensable  d'expier  les  crimes  publics  par 
une  satisfaction  publique,  u  Hacc  non  de  occnl- 
tis,  sed  de  manifestis  criminibus  dicta  sunt, 
quœ  dum  publiée  admittuntur,  publica  poéni- 
tentise  satisfactione  diluantur  necesse  est.  »  Et 
plus  bas  :  «  Liquet  quia  de  capitalibus  mani- 
festisque  peccatis  publica  sit  irretractabiliter 
agenda  pœnitentia.  » 

Enfin  ce  savant  prélat  déplore  l'effroyable 
aveuglement  de  ceux  qui,  pour  guérir  les  pro- 
fondes et  mortelles  blessures  de  leurâme,clier- 
chaient  les  plus  ignorants  et  les  plus  rehahés 
d'entre  les  médecins  spirituels,  c'est-à-dire, 
d'entre  les  confesseurs,  afin  que  par  une  péni- 
tence douce,  mais  trompeuse,  ils  couvrissent 
leurs  plaies  au  lieu  de  les  guérir.  «  Quidam 
imperitos  animarum  suarum  medicos  expe- 
tunt,  ut  sibi  ad  volum  suum  pœnitenliœ  teni- 
pora  imponant;  et  peritos  idcirco  déclinant, 
ne  auslerius  pœnitentiœ  eos  addicant.  » 

XllI.  Ajoutons  encore  cette  remarque  du 
même  Jonas,  que  non-seulement  on  doit  se 
confesser  au  prêtre  des  crimes  dont  on  doit 
satisfaire  à  la  justice  divine,  mais  il  a  paru 
aussi  pendant  quelques  siècles  qu'il  était  de  1 1 
piété  des  fidèles,  de  se  confesser  mutuellement 
leurs  fautes  légères,  pour  en  obtenir  le  pardon. 
Quoique  cet  exercice  d'humilité  ne  fût  au  temps 
de  Jonas,  et  ne  soit  presque  plus  en  usage  que 
parmi  les  religieux,  c'était  néanmoins  une  pra- 
tique autrefois  commune  à  tous  les  chrétiens, 
et  qui  nous  est  également  recommandée  à  tous 
dans  les  saintes  lettres. 

«  Moris  est  Ecclesiae  de  gravioribus  peccatis 
sacerdotibus,  per  quos  homines  Deo  reconci- 
liantur,  confessionem  facere  :  de  quotidianis 
vero  et  levibus  quibusque  perrari  sunt,  qui 
invicem  confessionem  faciant,  exceptis  mona- 


3)8 


DU  SECOiNl)  Or.Ur.K  DES  CLERCS.  —  CIIAlMTliE  O.NZIÈME. 


cliis,  qui  iil  (|uoliiiie  faciunt.  Quod  vero  de  le- 
\il)us  et  quulidianis  peccalis  coafissio  niuhia 
fieri  debeat,  seqiientia  manifestant.  Jacobiis 
aposlolus  ait  :  Confilemini  alterulrum  peccata 
vuslra,  et  orate  pro  invicem,  ut  salvemini. 
Hune  locum  Beda  Venerabilis  presbyter  ita 
i-x|ionit.  In  hric  sentcntia  illa  débet  esse  disere- 
lio,  ut  quolidiana  leviaque  peccata  alterutium 
coaequalibus  confiteantur  ,  eorunique  quoti- 
diana  credamus  oratione  salvari.  Porro  gravio- 
ns leprœ  immundiliani  juxta  legem  sact-rdoti 
pandamns,  atque  ad  ejus  arbitrium  qiialiter  et 
quanlo  tempore  jusserit,  puiificarc  curemus 
(Ibid.,  c.  XVI j.  » 

Et  après  avoir  allégué  plusieurs  autres  Pères 
sur  ce  sujet,  il  conclut  que,  comme  nos  fautes 
légères  sont  journalières,  la  confession  que 
nous  en  faisons  réciproiiuenient  entre  nous 
doit  être  aussi  journalière,  a  His  documentis 
colligi  potest,  quod  sicut  quotidie  in  multis 
cffendinnis,  ita  quotidie  de  admissis  confessio- 
nem  alterutrum  facere,  et  orationilius,  eleemo- 
synis,  liumiiitate,  et  contritione  mentis  et  cor- 
poris  ea  debemus  purgare.  » 

Nous  apprenons  de  là  :  1°  L'antiquité  de  ces 
humiliations  et  de  ces  [irosternements ,  qui 
sont  en  usage  parmi  les  moines,  et  dont  la 
pratique  était  aussi  comnuiiie  entre  les  laïques; 
en  sorte  que  les  moines  n'ont  été  que  les  imi- 
tateurs et  les  conservateurs  de  l'ancienne  piété 
des  fidèles. 

2°  L'origine  des  fréquentes  confessions  qui 
se  font  aux  prêtres  des  fautes  légères  par  les 
personnes  les  plus  vertueuses  et  les  plus  inno- 
centes. 

J'ai  parlé  des  fréquentes  confessions  des  fautes 
légères  parce  que  ces  confessions  n'étaient  pas 
inconnues  aux  premiers  siècles. 

Jonas  et  Uede  disent  manifestement  qu'on 
doit  se  confesser  an  prêtre  des  crimes  com- 
mis, mais  qu'il  faut  se  confesser  à  tous  les 
liilèles  des  fautes  légères  selon  le  commande- 
ment de  saint  Jacques,  et  comme  ces  fautes 
sont  journalières,  la  confession  doit  aussi  s'en 
faire  tous  les  jours.  11  y  a  donc  toutes  les  appa- 
rtMices  du  monde  que  c'est  cette  confession  de 
tous  les  jours  ([u'on  commença  de  faire  auv 
prêtres  mêmes,  lorsque  la  piété  des  laïques 
s'élant  ralentie,  ils  m;  furent  [dus  en  état  de 
jiroliler  de  ces  saintes  pratiques. 


XIV.  En  voici  une  preuve  évidente.  Crodo- 
gangns,  évêque  de  Metz,  dans  la  règle  qu'il  a 
donnée  aux  cbaiioines,  leur  ordonne  de  se  con- 
fesser de  leurs  plus  secrètes  tentations  à  leur 
évêque  ou  à  leur  prieur,  puisque  l'apôtre  saint 
Jacques  a  commandé  ces  confessions  mutuelles. 
«  Confitemini  alterutrum  peccata  vestra,  etc. 
Deinceps  cum  aliqua  cogitatio  mala  in  cor, 
suadente  diabolo,  venerit ,  cito  episcopo  vel 
priori  confiteatur,  ut  per  veram  confessionem 
et  p(enitentiam  regnum  Dei  habere  merealur 
(Cap.  xxxi).  » 

On  trouvait  deux  avantages  considérables 
dans  ce  changement.  1°  Le  discernement  des 
fautes  mortelles  et  vénielles  n'est  pas  facile,  et 
il  est  incomparablement  plus  sur  et  plus  reli- 
gieux de  s'en  rapporter  au  jugement  des  pas- 
teurs qu'à  ses  propres  lumières.  2°  Les  prières 
du  prêtre  pour  l'abolition  des  fautes  légères 
sont  infiniment  plus  efficaces  que  celles  des 
laïques,  surtout  si  on  les  considère  comme 
étant  suivies  de  l'absolution. 

Voila  ce  qui  porta  apparemment  les  fidèles 
les  plus  vertueux,  et  exempts  de  crimes,  de  se 
confesser  souvent  aux  [)rêtres,  et  les  jilus  négli- 
gents de  se  confesser  au  moins  trois  fois  cha- 
que année,  enfin  les  religieux  mêmes  de  se 
confesser  une  fois  toutes  les  semaines. 

C'est  ce  qui  est  rapporté  par  Crodogangus  au 
même  endroit  (Cap.  xxxn).  a  Ihecest  ratio  poe- 
nitentiœ  et  confessionis  nostrsc,  quae  coram 
Deo  et  sacerdotibiisejusa  nobis  jiariter  agenda; 
sunt,  id  est,  in  unoquoqueanno  tribus  vicibus, 
id  est,  in  tribus  quadragesimis  suain  confessio- 
nem suo  sacerdoti  faciat,  et  qui  plus  fecerit, 
melius  facit.  Monaclii  in  unoquoque  sabbato 
confessionem  faciant,  cum  bona  voluntate,  epi- 
sco|>o  aut  priori  suo.» 

Au  reste,  quoi  i|  n'en  dise  Jonas,  évêque  d'Or- 
léans, Atton,  évêijue  de  Verceil,  ne  laisse  pas 
d'exiger  des  pénitents  toutes  les  précautions 
des  anciens  pénitents  :  de  ne  point  se  mêler  du 
trafic,  quelque  innocent  qu'il  puisse  être;  de 
ne  point  s'engager  dans  la  milice,  ou  dans  les 
charges;  de  ne  point  plaider,  si  ce  n'est  devant 
les  ecclésiasti(iues  (Capitular.  Alton.,  c.  xcui; 
Spileg.,toni.  vui,  p.  'Si). 


DES  MINIMUMS  liU  SALI'.EMLM  I>i:  l'K.MTINCE,  etc. 


3aç. 


CHAPITRE  DOUZIÈME. 


DES   MINISTRES  DU   SACREMENT   DE   PÉNITENCE,   SIRTOLT  DES   RELIGIEUX,   SOUS  L'eMPIRE 
DE   ClIARLEMAGNE   ET  DE  SES  SUCCESSEURS. 


I.  Diverses  ordonnances  synodales,  qui  ne  laissent  aux  curés 
qne  les  pénitences  des  péchés  secrets,  et  réservent  à  l'évêque 
celles  des  crimes  publics. 

il.  Divers  rè^'lemcnts  des  conciles  sur  le  même  sujet  des  mi- 
iiittres  de  la  lénilence secrète  et  publique. 

III.  Coiuuiencements  des  conlestalioiis  entre  les  évêques  et  les 
reliL'ieux  sur  radminislraliou  de  la  pénitence. 

IV.  Ardeur  des  laïques  et  des  clercs  mêmes  pour  se  confesser 
plutôt  aus  religieux.  Douceur  et  condescendance  des  religieui 
envers  les  péniii  .:U. 

V.  Autres  raisuns  qui  attiraient  la  foule  aux  religieux.  Leur 
sainteté  et  la  nécessité  de  se  confesser  une,  ou  trois  fois  cliaque 
année. 

VI.  Chacun  avait  son  confesseur.  Et  c'était  le  plus  souvent  un 
religieux,  même  parmi  les  Grecs. 

Vil.  Ressemblance  de  la  police  des  Grecs  avec  la  nôtre. 

VIII.  Pouvoir  des  évèqnes  pour  tempérer  la  rigueur  des 
can'ins. 

IX.  Les  abbés  et  les  moines  grecs  confessaient,  quelquefois 
même  sans  être  prêtres;  ce  qui  fut  condamné. 

X.  Les  religieux  prêtres  ne  pouvaient  confesser  sans  la  per- 
mission des  évèqnes. 

XI.  Les  piêties  étant  mariés  dans  l'Orient,  il  fallait  bien  que 
les  religieux  fussent  chargés  des  confessions. 

XII.  Exactitude  des  Grecs  pour  imposer  les  pénitences  selon  les 
canons. 

XIII.  Les  religieui  devaient  recevoir  de  leur  évêque  les  règles 
de  la  confession. 

XIV.  Néces>ilé  d'une  sage  condescendance. 

XV.  Nouvelles  p  l'uves  que  les  reli^'ieux  étaient  les  ministres 
les  plus  rtrdii  a  !!■>  de  la  |  émlence  dans  TUileut.  Les  abbés  s'iu- 
gérjienl  aussi  (pitlquefnis  dans  celte  fcuiction. 

XVI  (In  dijit  aux  reiigieui  d'Orient  l'observation  des  canons 
dans  II  s  l'É'iiitenccs. 

XVII.  Iléllexions  sur  l'abus  des  abbesses,  qui  écoutaient  les 
confessions. 

I.  Nous  avons  tâché  de  remplir  le  chapitre 
précédeiil  de  remarques  uliles  jiotir  h^s  iisaj,^es 
du  siècle  présent  dans  radminislration  de  la 
pénitence.  Il  nous  en  reste  encore  quelques- 
unes  à  faire  sur  les  ministres  de  ce  sacrement, 
qui  ont  été  les  évêques,  les  curés  et  les  re- 
hgieux. 

Alton,  évêque  de  Verceil,  confirme  ce  qui  a 
été  dit,  que  les  curés  devaient  observer  les 
pécheurs  scandaleux,  les  porter  à  la  pénitence 
publique,  en  donner  avis  à  l'évêque,  veiller 
sur  eux  pendant  le  temps  de  la  pénitence,  ne 
les  point  absoudre  sans  le  commandement  de 
l'évêque,  si  ce  n'est  dans  la  nécessité  pressante 
d'une  maladie  dangereuse,  et  alors  même  avoir 


la  permission  de  l'évêque,  et  en  son  absence, 
de  son  chapitre,  a  Quod  si  defuerit,  cardinali- 
bus  primœsedis  intérim suggeratur  (Cap.  xc).b 

Ahyton ,  évêque  de  Mie,  ordonna  à  ses  dio- 
césains qui  entreprenaient  le  pèlerinage  de 
Rome,  de  se  confesser  auparavant  dans  leur 
paroisse,  parce  qu'ils  doivent  être  liés  ou  déliés 
par  leur  évêque,  ou  j)ar  leur  curé,  et  non  pas 
par  des  étrangers.  «  Et  hoc  omnibus  fidèlibus 
denuntiandum,  ut  qui  causa  orationisadlimina 
beatorum  apostolorum  pergere  cupiunt,  domi 
confiteantur  peccata  sua,  et  sic  proficiscanfur. 
Quia  a  proprioepiscoposuo  aut  sacenlote  ligandi 
aut  exsolvendisunt,  non  ab  extraneo  ;Capitular. 
Ahytonis,  c.  xviii;  Spicileg.,  tom.,  vi,  |).  «90;.  >> 

Rathérius,  évêque  de  Vérone,  avertissait  ses 
curés  que  leurs  pouvoirs  étaient  restreints  aux 
péchés  secrets,  les  crimes  publics  étant  réservés 
à  l'évêque  (Spicileg.,  tom.  ii,  p.  265).  «  De  oc- 
cultis  peccatis  pœnitentiam  vos  dare  posse 
scitote.  de  publicis  ad  nos  référendum  agno- 
scite  (Cap.  xxxvi).  » 

Le  livre  des  offices  divins,  attribué  à  Alcuin, 
ne  met  pas  le  pouvoir  d'absoudre  des  péchés 
entre  les  droits  et  les  fonctions  des  prêtres, 
parce  qu'il  ne  parle  que  de  la  pénitence  pu- 
blique ;  mais  il  réserve  à  l'évêque  l'absolution 
publique  et  solennelle  du  Jeudi-saint.  «  Epi- 
scopi  habentpotestatem  ligandi atque  solvendi. 
Per  ipsos  quoque  publica  populi  absolutio  in 
die  CœnaeDoniini  solemni  more  peragitur.  » 

Au  contraire  Réginon  (L.  i,  c.  29.ï,  296)  rend 
ce  pouvoir  commun  aux  évêques  et  aux  prê- 
tres, parce  qu'il  parle  indifïéremment  de  toutes 
sortes  de  péchés.  11  veut  même  qu'en  leur 
absence  le  diacre  qui  ne  peut  absoudre  donne 
la  communion  à  ceux  qui  sont  dans  une  iné- 
vitable extrémité.  «  Si  autem  nécessitas 
evenerit,  et  presbyler  non  fuerit  prœsens, 
diaconus  suscipiat  pœnitentein  ad  sauLtani 
cominunionem.  »  Ce  sont,  comme  nous  avons 
expliqué  ailleurs,  les  Pères  et  les  canons  an- 


AW 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DOUZIÈME. 


ciens  qui  permettent  au  diacre  la  réconciliation 
des  |)  nileiits  moribonds  en  l'absence  de  l'évê- 
que  et  des  prêtres. 

II.  Le  concile  de  Pavie  tenu  en  850  semble 
réserver  le  pouvoir  d'absoudre  des  pécliés 
même  secrets,  à  ceux  que  les  évêques  et  les 
archiprêtres  estimeront  capables  d'une  charge 
si  importante  et  si  périlleuse.  Car  après  avoir 
ordonné  aux  archiprêtres  de  convier  à  la  péni- 
tence publique  tous  ceux  qui  sont  atteints  d'un 
crime  public,  il  vient  ensuite  aux  péchés 
secrels.  o  Qui  vero  occulte  deliquerunt,  illis 
conflleantur,  quos  episcopi  et  plebium  archi- 
presbyteri  idoneos  ad  secretiora  vulnera  men- 
tium  medicos  elegeriat.  o 

Ce  canon  ajoute  que  si  ces  prêtres  rencon- 
trent quelques  difficultés  dont  ils  ne  puissent  se 
démêler,  ils  doivent  consulter  leur  évêque, 
qui  pourra  aussi  dans  ces  doutes  prendre 
conseil  de  deux  ou  trois  autres  évêques,  ou  de 
son  métropolitain,  ou  enfin  du  synode  pro- 
vincial, dans  les  cas  les  plus  embarrassés  et 
pour  les  crimes  les  plus  scandaleux.  «  Siqui- 
dem  diffamatum  certae  personœ  scelus  est, 
melropolitani  et  provincialis  synodi  palam 
sentenlia  requiratur.  » 

Ce  même  concile  (Can.  vu),  défend  absolu- 
ment aux  curés  de  réconcilier  les  pénitents 
publics,  hors  le  cas  d'extrême  nécessité,  parce 
que  la  plénitude  du  Saint-Esprit  et  la  puissance 
des  clefs  a  été  premièrement  donnée  auxapôlres, 
c'est-à-dire  aux  évêques. 

«  Sicut  nec  chritmatis  confectio,  vel  puel- 
larum  consecratio,  ita  nec  pœnitentium  recon- 
ciliittio  ullatenus  a  presbyleris  Geri  debnit  ; 
([uia  solis  episcopis  Apostolorum  vicem  tenen- 
tibus,  per  manus  impositionem  specialiter  in 
Ecclesia  conceditur,  quod  tune  Apostolis  ad 
ipsos  Domino  dicente  concessum  est  :  Acci|iite 
Spir  itiim  sancluiM,  quorum  remisi-ritis  peccata, 
remitluntur  eis,  et  quorum  retinuerilis,  re- 
tenta sunt.  » 

Le  concile  d'Aix-la-Chapelle,  tenu  en  816 
(Can.  xxvu),  ne  permet  aux  prêtres  d'entrer 
dans  les  monastères  des  religieuses  que  pour 
le  peu  de  temps  qui  est  nécessaire  pour  célé- 
brer la  sainte  messe;  que  si  elles  veulent  se 
confesser,  elles  doivent  le  faire  dans  l'église  : 
«  Si  qua  igitur  peccata  sua  sacerdoti  confileri 
voluerit,  id  in  ecclesia  facial,  ut  ab  aliis  videa- 
lur,  sicut  in  dictis  sanctorum  Palrum  conline- 
tur,  exceplis  infirmis,  quibus  in  douubus  id 
fucere  neccs^c  est.  » 


Le  concile  VI  de  Paris,  tenu  en  829  (C.  xxix), 
défend  aux  évêques  de  faire  absenter  les  curés 
de  leurs  paroisses,  de  peur  que  leurs  parois- 
siens ne  meurent  sans  confession  ou  sans  bap- 
tême. «  Ne  homines  sine  confessione,  et  infan- 
tes sine  baptismatis  regenerationemoriantnr.  » 
Ce  même  concile  (Cap.  xxxii),  après  avoir  con- 
damné les  livres  pénitenliaux  ,  qui  n'étaient 
pas  conformes  à  la  sainteté  rigoureuse  des 
canons,  «  Codicillis  contra  canonicam  autori- 
tatem  scripsit,  quos  pœnitentiales  vocant,  » 
charge  les  évêques  d'instruire  les  prêtres  des 
règles  canoniques  qu'ils  devaient  observer  dans 
l'imposition  des  pénitences,  a  Presbyteri  eliam 
imperiti  solerti  studio  ab  episcopis  suis  in- 
struendi  sunt,  qualiter  et  confilentium  peccata 
discrète  inquirere,  eisque  congruum  mudum 
secundum  canonicam  autoritatem  pœniten- 
ticE  noverint  imponere.  » 

Enfin,  le  concile  de  Meaux,  tenu  en  845 
(Can.  XLiv),  défend  aux  chorévêques  mêmes  de 
s'ingérer  dans  les  fonctions  du  sacrement  de 
pénitence  au  delà  des  bornes  qui  leur  auront 
été  prescrites  par  l'évêque.  «Impositioniautem 
pœnitentia;  aut  pœnitentium  reconciliationi 
per  parochiam,  secundum  mandatum  episcopi 
sui  inserviat.  » 

Il  paraît  donc  clairement  de  ces  canons, 
1°  que  les  prêtres  étaient  les  ministres  ordi- 
naires du  sacrement  de  pénitence  pour  les  pé- 
chés secrets;  •l"  que  les  évêques  s'étaient  ré- 
servé les  crimes  publics  elles  pénitences  publi- 
ques; 3°  que  cette  réservation  ne  s'était  pas  faite 
comme  en  réduisant  a  l'étroit  une  puissance 
plus  étendue,  qui  eût  été  autrefois  accordée 
aux  prêtres,  mais  en  ne  leur  communiquant 
d'abord  qu'une  partie  de  cette  plénitude  de 
puissance  et  de  cette  abondance  du  Saint-Es- 
prit que  les  apôtres  seuls  avaient  reçue,  et 
qu'ils  avaient  transmise  aux  évêques;  4°  dans 
rexlrème  nécessité,  les  prêtres  réconciliaient  les 
pénitents  publics,  et  absolvaient  des  cas  réser- 
vés ,  mais  avec  obligation  de  les  renvoyer 
aux  évoques,  s'ils  recouvraient  leur  première 
santé. 

Ce  qui  montre  que,  bien  que  les  évêques 
limitent  les  pouvoirs  des  prêtres,  soit  pour  les 
sujets,  soit  pour  les  crimes,  ces  limitations  ne 
regardent  que  l'exercice  et  l'application  d'un 
pouvoir  qui  est  inséparable  de  l'ordination  des 
prêtres  :  c'est  l'exercice  même  de  ce  pouvoir 
d'absoudre  des  péchés,  qui  ne  fut  permis  aux 
prèlrcs  dès  les  premier  siècles   qu'avec  des  li- 


DES  MINISTRES  DU  SACUEMEiNT  DE  PÉNITENCE,  etc. 


loi 


mites  fort  étroites,  et  beaucoup  plus  étroites 
((ue  dans  les  siècles  suivants. 

III.  Les  reli^ieuxavaienl  commencé  de  rece- 
voir les  confessions  des  relijrieuses  et  des  l;iï- 
ijues  mêmes.  Le  même  concile  VI  de  Paris 
condamna  cet  usage,  et  ne  leur  permit  que  les 
confissions  des  autres  religieux  de  leur  mon;is- 
tère.  Les  ecclésiastiques  mêmes  préféraient 
quelquefois  les  religieux,  pour  leur  découvrir 
les  replis  de  leur  conscience,  et  recevoir  d'eux  la 
pénitence  et  l'absolution  de  leurs  fautes.  Après 
cela,  on  ne  peut  pas  douter  que  les  laïques  ne 
vinssent  en  foule  se  confei-ser  aux  leligieux. 
Ce  concile  désapprouve  toutes  ces  pratiques,  et 
déclare  que  les  prêtres  religieux  ne  peuvent 
en  aucune  façon  recevoir  les  confessions  ,  ou 
remettre  les  péchés  d'autres  que  des  autres 
moines. 

«  Si  sacerdotibus  sanctimoniales  peccata  sua 
confiteri  voluerint,  id  nunnisi  in  Ecclesia  co- 
ram  sancto  altari,  aslanlibus  baud  i)rocul  te- 
stibus  faciant.  Nulle  modo  quippe  videtur 
nobis  convenire,  ut  monachus  relicfo  moiia- 
sterio  suo,  idcino  sanctimonia'ium  mon.-isteria 
adeat,  ut  confitentibus  peccata  sua  modum 
pœnitentiae  imponat.  Nec  eliam  illud  vidttur 
nobis  congruiim,  ut  cletici  et  laici  episcopo- 
rum  et  presbyterurum  canonicoiuui  judicia 
déclinantes,  monasleria  monacboium  expe- 
tant,  ut  ibi  sacerdotilius  mon.icbis  confessio- 
n(  m  peccatorum  suorum  fatiant;  pnîsertini 
cum  eisdeni  sacerdotibus  monacbis  id  facere 
fas  non  sit,  exceplis  bis  duntaxat.  qui  snb  mo- 
naslico  ordine  secum  in  monasieriis  degunt. 
lUisnamque  est  coiifessio  peccatorum  facienda, 
a  quibus  subinde  et  modus  pœnitenlia?,  et  con- 
silium  salutis  capiaiur,  et  a  quibus  post  tem- 
pera pœnitentiseperacta,  secundum  canonicam 
institulionem,  si  episcopus  jusserit,  reconci- 
liatio  mereatur  (An.  829,  c.  xlvi).  » 

Voilà  les  commencements  de  ces  longues 
contestations  entre  les  évéques  et  les  curés 
d'une  part,  et  les  religieux  de  l'autre.  On  ne 
peut  douter  que  les  évéques  ne  pussent  décla- 
rer nulles  les  confessions  faites  aux  religieux, 
et  les  absolutions  données  ou  reçues  contre 
leurs  défenses,  jniisque  nous  venons  de  voir 
que  les  prêtres  n'avaient  de  pouvoir  dans  la 
dispensation  de  ce  sacrement,  qu'autant  qu'il 
plaisait  à  l'évèquc  de  b  ur  en  accorder. 

IV.  Ce  concile  remarque  que  les  clercs  et  les 
laïquis  ne  chercbaienl  à  se  confesser  aux  prê- 
tres religieux  que  pour  éviter  la  sévérité  de 

Th.  —  Tome  I. 


leurs  évéques  ou  de  leurs  curés,  o  Episcopo- 
rum  .-lUt  presbyterorum  carionicorum  judicia 
déclinantes.  »  Il  n'est  jias  bors  d'apiareiiee 
que  les  religieux  usaient  de  plus  de  douceur 
et  de  clémence  envers  h  s  pénitents,  jiuiscjue 
Jean  de  Paris,  dans  son  mémorial  des  histoires, 
raconte  que  saint  Odilon  V.  abbé  de  Cluny, 
ré|iondait  à  Ceux  qui  biùiiaii  nt  son  excessi\e 
indulgence  envers  les  péniltnts,  (ju'il  aimait 
niitux  être  condamné  d'un  excès  de  clémence 
que  dune  excessive  dureté.  «  Ipseque  cum 
reprebenderetur  ex  eo ,  quod  iii  lœnitentts 
misericordior  justo  es?e  viilen  lur,  respondit  : 
Si  damnandiis  sim,  malo  damnaii  de  miseri- 
cordia,  quam  de  dui  ilia  vel  crudelitate.  » 

J'ai  voulu  rap|iorter  cet  exemple  de  saint 
Odilon,  pour  montrer  que  les  excès  de  douceur 
envers  les  pénitents  ne  sont  pas  toujours  pré- 
venus de  l'ignorance,  ou  du  relâchement^  nu 
de  la  cupidité  des  confesseurs,  puisque  ce  saint 
et  illustre  abbé  est  même  hors  d'atteinte  et  au- 
dessus  de  toutes  ces  accusations.  Mais  de  quel- 
que cause  que  partît  celte  indulgence  des  reli- 
gieux prêtres,  il  est  certain  qu'elle  leur  attirait 
une  grande  multitude  de  pénitents. 

Pierre  Damien  rapporte  la  même  chose  dans 
la  vie  de  saint  Odilon  qu'il  a  écrite,  et  quoi(pril 
se  soit  lui-même  signalé  par  son  inflexible  sé- 
vérité dans  la  matière  même  des  pénitences, 
il  ne  se  donnait  pas  néanmoins  la  liberté  de 
censurer  cette  conduite  irrégulière  d'un  si 
saint  et  si  religieux  abbé.  Ce  qui  nous  apprend 
que  les  amaleuis  de  la  plus  sévère  discipline 
ont  des  mesures  à  garder  et  ne  doivent  pas 
toujours  s'emporter  contre  ceux  dont  la  con- 
duite est  plus  douce  et  n'est  pourtant  pas  relâ- 
chée, parce  qu'elle  tend  aussi  à  corrigerles  re- 
lâchements. 

Voici  les  paroles  de  Pierre  Damien.  o  In  pro- 
mutgandis  porro  judiciis  ac  modis  pœnitentiœ 
praefigendis,  fam  [lius  erat,  ettanla  mœrentibus 
humanitate  compatiens,  ut  nequaquam  distri- 
ctum  Patris  impeiirim,  sed  maternum  polius 
exhilieret  afléctum.  L'ndese  reprehendenlibiis, 
hiijusmodi  verbis,  sohbat  eleganter  alludere. 
Etiamsi  damnaudus  sim,  inquit,  malo  tamen 
de  misericordia,  quam  ex  duritia  vel  crudeli- 
tate damnari.  » 

V.  Mais  outre  cette  indulgence,  il  faut  demeu- 
rer d'accord  qu'il  y  av.iit  encore  deux  raisons 
qui  [louxaient  porter  les  fidèles  à  choisir  un 
médecin  spirituel  entre  les  religieux.  La  pre- 
mière est  la  sainteté  de  quelques  religieux  illus- 

36 


402 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHVPITRE  DOUZIÈME. 


très.  L'autre  e=l  la  coutume  dès  lors  louable, 
que  cb  icun  eût  son  confesseur.  Cir  il  était 
impossible  que  les  laïques  trouvassent  clia- 
cun  leur  confesseur  dans  ce  petit  nombre  de 
curés  ou  de  prêtres  hors  des  cloîtres. 

Je  ne  sais  si  ce  serait  de  ces  confesseurs  qu'il 
est  parlé  dans  la  vie  du  célèbre  martyr  saint 
Euloge  de  Cordoue,  lorsqu'il  est  dit  que  les 
persécuteurs  poursuivaient  les  confesseurs,  les 
évoques  ,  les  filles  dévotes  ;  «  Confessores  , 
sacerdotes,  devotas  (Surius,  die  ii  Mart.,  cap. 
l.")).  » 

Mais  il  est  certain  que  tous  les  fidèles  étant 
oblifïés  de  se  confesser  trois  fois  cbaijue  année, 
selon  Crodogangus,  qui  a  été  cité  ci-dessus,  ou 
au  moins  une  fois  chaque  année  au  commen- 
cement du  carême,  selon  Réginon,  «  Si  aliquis 
ad  confessionem  non  veniat,  vel  una  vice  in 
anno,  id  est  in  capite  Quadrage<im;i?,  et  pœni- 
tentiam  pro  peccatis  suis  suscipiat  (L.  u,  cap. 
6.j),  »  il  était  difficile  que  le  petit  nombre  des 
curés  ou  des  prêtres  fût  suffisant  pour  l.i  mul- 
titude innombrable  des  fidèles;  ainsi  pbisieurs 
furent  dans  la  nécessité  de  recourir  aux  moines 
pour  se  confesser. 

Hmcmar,  archevêque  de  Reims,  faisant  par- 
ler dans  une  de  ses  lettres  cet  Etienne,  dont  le 
mariage  donna  sujet  à  tant  de  contestations  , 
n'oublie  pas  de  lui  f.iire  prendre  avis  de  son 
confesseur.  «In  me  reversus,  et  sciens  quid 
fecerim,  ad  confessorem  miîum  perrexi ,  et 
consilium  ejus  (|u;esivi,  etc.  Qui  ostendit  iiiihi 
librum  quem,  ut  spero,  canones  a|)i)ellavil,  et 
legit  corani  me,  (luoniam,  etc.  (Tom.  ii,  [lag. 
C18).  » 

Bernoldus,  au  rapport  du  même  llincmar, 
étant  atteint  d'une  grande  maladie,  demanda 
avec  eniju-esseiiienl  son  confesseur  :  «  Ut  quan- 
tocius  currerent  et  confessorem  suum  velo- 
citer  ad  se  venire  rog  irenl  fibid.,  p.  SO.")).  » 

VI.  Il  n'était  pas  moins  ordinaire  chez  les 
Grecs  d'avoir  un  confesseur  propre  elalfecté,  et 
de  le  clioisir  plutôt  entre  les  religieux  qu'entre 
les  ecclésiastiques. 

Dans  rai'tion  ix  du  concile  VllI  général,  le 
protospatliaire  Tliéodore  confesse  qu'il  avait 
commis  im  parjure  contre  le  saint  patriarche 
Ignace,  mais  (lu'il  s'en  était  confessé  à  un 
moine  cub)nnaire,  qui  avait  passé  (piaranle 
ans  sur  une  colonne;  qu'il  ne  savait  pas  s'il 
était  prêtre,  mais  (pi'il  était  abbé,  et  qu'il  lui 
avait  donné  la  pi'MJlence  lie  son  crime.  «Char- 
tularius  erat,  et  tonsus  est,  et  fecit  in  columiia 


quadraginta  annos;  si  sacerdos  erat,  nescio, 
sed  abbas  erat,  et  babebam  fidem  in  homi- 
nem.  »  Il  est  indubitable  que  si  cet  abbé  n'était 
pas  prêtre,  il  ne  pouvait  absoudre  ce  péni- 
tent. 

Dilsamon  nous  a  conservé  les  réponses  d'un 
synode  de  Constantinople  sous  le  patriarche 
Nicolas,  et  sous  rem|)ereur  Alexis  Comnène, 
aux  interrogations  de  quel(]ues  religieux  entre 
lesquelles  je  remarque  celle-ci  :  Si  l'on  doit 
observer  la  collection  des  canons  faite  par  le 
patriarche  Jean  le  Jeûneur  dans  l'imposilion 
des  pénitences?  «  An  oporteat,  ut  vult  canoni- 
cum  Jejunatoris, canonice  se  gerere?»  Le  con- 
cile répondit  que  les  relâchements  de  ce  livre 
pénilentiel  avaient  causé  la  perte  de  plusieurs 
âmes.  «  Hoc  jus  cauonicum  Jejunatoris,  nimia 
indulgenlia  usum  multos  perdidit.  »  A  quoi 
Balsamon  ajoute  cette  réflexion  :  «  Videmus 
ergo  quod  permulti  ex  monachis  ,  (jui  homi- 
num  peccatorura  confessiones  audiunt,  cum 
eo  jure  canonico  se  canonice  gerunt.  » 

Vil.  Il  faut  de  l.i  conclure  :  t°  que  les  moi- 
nes orientaux  étaient  beaucoup  occupés  à  écou- 
ter les  confessions;  2°  que  dans  leurs  doutes  ils 
avaient  recours  auxoracles  vivants  de  la  vérité, 
c'est-à-dire  aux  évêques  et  aux  conciles;  3° 
qu'il  y  avait  dans  l'Orient  aussi  bien  que  dans 
l'Occident  des  livres  pénitentiaux  qui  ne  ser- 
vaient qu'cà  autoriser  la  mollesse  et  l'impunité 
des  crimes  ;  i"  ipie  i^lusieurs  d'entre  les  reli- 
gieux conformaient  leur  conduite  à  ces  auteurs 
relâchés;  mais  iju'il  y  en  avait  aussi  [ilusieurs 
qui  aimaient  mieux  apprendre  des  évèiiues  les 
régies  sincères  et  exactes  de  la  direction  des 
âmes  ;  5°  que  les  auteurs  de  cette  direction 
relâchée  sont  quelquefois  ceux  dont  la  vie  est 
la  plus  éloignée  de  toutes  sortes  de  relâche- 
ments, tel  (|u'étail  ce  célèbre  Jean  le  Jeûneur. 

Vlll.  Il  est  vrai  néanmoins  que  le  même 
Balsamon  remarque  ailleurs  que  les  conciles 
ont  laissé  aux  évêques  un  suprême  pouvoir  de 
modérer  les  rigueurs  des  canons  et  des  péni- 
tences, non-seulement  en  faveur  de  ceux  qui, 
liar  la  ferveur  de  leur  charité,  méritaient  qu'on 
leur  iliiuiuuâl  le  temits  de  leur  pénitence, 
mais  aussi  par  une  condescendance  nécessaire 
[lour  ceux  dont  les  faiblesses  ne  sont  pas  capa- 
Idcs  de  l'ancienne  sévérité  des  pénitences  cano- 
niques (In  Can.  en  Conc.  TrulL).  D'où  il  infère 
(]ue  le  confesseur  doit  être  instruit,  non-seule- 
ment des  canons,  mais  aussi  des  coutumes  qui 
sont  plus  accommodantes,  et  traiter  les  faibles 


DES  MINISTRES  DU  SACREMENT  DE  PÉNITENCE,  etc. 


403 


selon  ces  accommodements  de  la  coutume  ou 
de  la  compassion,  puisque  c'est  de  quoi  ils  sont 
susceptibles. 

Ce  sont  les  termes  du  dernier  canmi  du  con- 
cile in  Trullo:  «Nosenini  utraquescire  opor- 
tet  ;  et  (juje  sunt  simimi  juris,  et  quœ  suiitcoii- 

SUetudinis  :  -k  zri  à/.f.psii;,  xaî  Ta  Tr; ouMEÔcia;.  lu  iis 

autem  qui  exhenia  non  adniittutit,  sequi  for- 
mam  traditam ,  queniadmodum  sanctus  nos 
docet  Basilius.  » 

Balsamon  a  observé  que  ce  n'était  pas  sans 
raison  que  quelques-uns  avaient  lu  ces  ternies. 

Ta  ifi%  (rju.7rœ6£Îa«  au  licU  de  CeUX-cl,  Ta  -.r.',  <j-j/=6i{i;, 

parce  que  ces  coutumes  sont  toujours  compa- 
tissantes et  accommodées  à  la  faiblesse  de  ceux 
qui  ne  sont  pas  susceptibles  d'un  droit  liiiou- 
reux. 

IX.  Quant  aux  abbés,  le  même  Balsamon  In 
Can.  VII  Synodi  vu),  reconnaît  ailleurs  (jue, 
par  la  permission  des  évèques  qui  leur  avaient 
conféré  la  prêtrise,  ils  écoutaient  les  confessions, 
non-seulement  de  leurs  religieux, mais  aussi  des 
personnes  séculièi'es  ;  ce  (ju'ils  ne  pouvaient  pas 
s'ils  n'étaient  pas  ordonnés  prêtres,  quoique 
quelques-uns  de  ceux  qui  n'étaient  pas  [)rètres 
s'ingérassent  dans  ce  divin  ministère.  «  Nota 
quod  qui  sine  episcopali  permissione  hominura 
confessiones  excipiunt  sacrati  monaclii,  maie 
faciunt,  multo  autem  magis  non  sacrati.  li 
enim  nec  cum  permissione  episcopi  possunt 
taie  quidquam  exercere.  » 

Ainsi,  suivant  Balsamon  (In  Can.  vi  Synodi 
Carthag.),  un  synode  déclara  qu'il  fallait  abso- 
lument être  prêtre  pour  être  élu  abbé  d'un 
monastère,  dont  les  constitutions  oblij^eaient  le 
supérieur  de  confesser  ses  religieux.  Car  il  y 
avait  plusieurs  monastères  dont  les  abbés  n'é- 
taient pas  prêtres  (ïsomasvoi  àv.Epoi)  ;  aussi  Balsa- 
mon assure  qu'ils  ne  confessaient  pas,  non  plus 
que  les  supérieurs  des  monastères. 

X.  Cet  auteur  conclut  au  même  endroit,  que 
si,  selon  les  canons  de  Cartbage,  un  prêtre  ne 
peut  réconcilier  un  pénitent  pressé  d'une  dan- 
gereuse maladie,  qu'avec  la  permission  de 
l'évéque  :  à  plus  forte  raison  il  ne  pourra  rece- 
voir les  confessions  des  personnes  saines  sans 
la  permission  de  l'évéque,  à  qui  le  pouvoir  des 
clefs  a  été  confié. 

«  Non  potest  sacerdos  eum  reconciliare ,  sed 
débet  interrogare  episcopum,  qui  obtinet  locum 
Apostoli,  et  accepit  a  Deo  potestatem  ligandi  et 
solvendi  et  cum  ejus  permissione  facere  recon- 
ciliationtm,  etc.  Si  ergo  nec extremam  quidem 


reconciliationem  dat  sacerdos  absque  episco- 
ludi  permissione,  ut  ([ui  non  liabeat  facultafcni 
ligandi  et  solvendi,  muilo  magis  nec  sani  con- 
lessionem  accipiet  (In  can.  vu  Carthag.).  » 

Après  cela  Balsamon  ajoute  que  le  patriarche 
Michel  décerna  la  peine  de  déposition  contre 
les  prêtres  qui  confessaient  sans  la  permission 
de  l'évéque. 

Ces  permissions,  également  nécessaires  aux 
prêtres  pour  remettre  les  péchés,  n'étaient 
jamais  refusées  aux  religieux,  si  nous  croyons 
ce  que  le  même  Balsamon  ajoute,  que  c'étaient 
les  seuls  prêtres  religieux  h  qui  les  fidèles  se 
confessaient;  ce  qui  était  une  décharge  et  un 
soulagement  pour  les  évêipits  et  pour  les  curés  ; 
mais  c'était  en  même  temps  un  fardeau  très- 
pesant  et  très-périlleux  pour  les  religieux.  Il 
faut  croire  que  c'a  été  par  un  em|witement  de 
zèle  ou  d'intérêt  que  Balsamon  a  dit  que  ce 
n'avait  été  que  par  les  charmes  d'une  longue 
hypocrisie  que  les  moines  s'étaient  attiré  tout 
ce  crédit  (Supplem.,  p.  1123). 

«  Hominum  autem  confessiones  non  suscipere 
sacerdotes  ,  sed  solos  monachos  sacerdoles  ini- 
(luum  est.  Puto  autem  «juod  ex  hypocrisi  hoc 
ab  eis  usurpatum  sit.  Et  propterea  tarde 
omnino,  nolo  enim  dicere  nullo  modo,  quis 
episcopo  vel  sacerdoti,  qui  non  sit  monachus 
suam  confessiouem  crédit.  Quod  (juidein  sa- 
cerdolibus  et  episcopis  est  bealissimum,  mo- 
nachis  autem  periculosissimum.  » 

Il  semble  que  Balsamon  n'ignorait  pas  le 
correctif  de  ce  désordre,  puisqu'il  ajoute  que  la 
puissance  des  clefs  doit  être  commise  à  ceux 
(|ui  en  sont  les  plus  dignes.  Ainsi  les  curés  et 
les  autres  prêtres  n'ont  qu'à  vivre  plus  régu- 
lièrement que  les  réguliers  même  ,  et  ils 
acquerront  bientôt  la  confiance  de  tous  les 
fidèles. 

XI.  Au  reste  il  était  bien  difficile  que  dans 
l'Eglise  orientale,  où  les  prêtres  étaient  ordi- 
nairement mariés  et  embarrassés  dans  le  gou- 
vernement de  leur  famille,  les  laïques  eussent 
pour  eux  la  même  ouverture  de  cœur  et  la 
même  confiance  que  pour  les  religieux. 

Aussi  Zonare  ne  met  au  rang  des  pères  spi- 
rituels que  le  patriarche ,  les  évèques  et  les 
moines,  quand  il  se  plaint  de  leur  lâche  com- 
plaisance pour  la  mollesse  affectée  des  séculiers 
dans  leur  barbe  et  leur  chevelure.  aNon  patriar- 
cha?,  non  alii  pra»:-ules.  non  monachi  demum, 
quos  parentiun  spiritalium  loco,  tam  insigniter 
inverecundi  homines  habere  se  profitentur,  non 


40i 


DU  SECOND  ORDHE  DES  CLERCS.  —  CHAPITKE  DOUZIEME. 


quisqiiain  omnino  est,  qui  bœc  prohibeat  (In 
Can.  Tnill.  00).  « 

XIF.  Harménopule  raconte,  dans  son  Epitome 
descanoiis,  (ju'iin  soldat  qni  était  coupable  d'un 
homicide  volontaire,  ayant  été  absous  par  son 
évêque  après  une  pénitence  fort  légère  et  de 
fort  peu  de  temps,  le  concile  tenu  sous  le  pa- 
triarche Luc  (St-ctione  iv,  tit.  3),  renvoya  ce 
soldat  dans  la  carrière  des  pénitences  cano- 
niques et  suspendit  l'évêque  de  son  ministère, 
lui  faisant  savoir  (jue  si  les  canons  laissent  aux 
évêques  le  pouvoir  de  tempérer  la  sévérité  des 
peines  par  une  sage  condescendance,  ils  ne  leur 
pernielttnt  pourtant  pas  de  su  liisser  aller  à 
une  excessive  facilité  et  à  une  complaisance 
mortelle.  «  Non  tamen  ut  cilra  explorationem 
et  nimia  commiseratione  uterenlur.  » 

Il  témoigne  aussi  que  le  patriarche  Nicolas 
se  déclara  contre  le  livre  pénitenliel  de  Jean 
le  Jeûneur,  dont  l'extrême  indulgence  causa 
la  ruine  spirituelle  de  jikisieurs  personnes. 
«  Scriptum  ilkid  cinonum  Jejunatoris,  quod 
nimiam  lenit.iteni  adliibeat,  multos  perdidit 
(Ibid.,  tit.  IV).  » 

En  effet,  s'il  n'est  pas  permis,  dans  les  ren- 
contres particulières,  d'user  d'une  excessive 
indulgence,  et  de  lier  avec  des  filets  d'araignée 
ceux  ([u'il  faut  serrer  avec  des  câbles,  comme 
il  fut  dit  dans  le  synode  du  patriarche  Luc, 
dont  nous  venons  de  parler,  «  Antistitibus  qui- 
dem  licet  canonicas  pœnas  augere,  vel  mi- 
nuere  :  aranearum  aulem  filis  ligare ,  quœ 
debent  tribus  rudentibus  alligari ,  non  conces- 
sum  est,  »  il  est  bien  moins  licite  de  publier 
des  lois  et  des  règles  générales,  qui  autorisent 
ces  lâches  acconnnodements  (Juris  Ori.,  tom. 
I,  p.  225). 

Quoi(jue  Balsamon  ait  paru  assez  exact  dans 
l'observation  des  canons  et  des  lois,  on  ne  laissa 
pas  de  l'accuser  de  trop  de  complaisance  et  de 
trop  de  facilité  dans  ses  résolutions  [<.m  e(;  Ti-iv 
à^igtla;  £xou.Eva).  Ce  fut  le  Sentiment  de  Jean  , 
évèijue  de  Cilre,  dans  ses  réponses  à  Cabasilas. 
A[)rès  cela  on  ne  i)eut  douter  qu'il  ne  soit  tou- 
jiiursresté(|iiel(|ue  différend  entre  lesseclateurs 
mêmes  d'uni!  ligonreuse  discipline,  et  qu'il  ne 
failleencore  bien  prendre  garde  de  condanmer 
ceux  dont  les  maximes  ne  conviennent  pas  par- 
faitfinenl  avec  les  noires  (Ibid.,  p.  3.33). 

XIII.  Le  plus  sûr  pour  les  religieux  était  de 
suivre  l(!S  vcsligcis  de  leurévèque,  et  de  recevoir 
de  lui  U;s  règles  aussi  bien  que  1 1  |>uissance  de 
Conftïser.  Aussi    le   saint   ndii-ieux   Tliéodose 


ayant  consulté  sur  plusieurs  difficultés  le  car- 
topliylace  Nicéphure,  d'abord  il  reçut  de  lui 
cette  instruction  nécessaire  : 

«  .'E'iuum  est  et  jusium,  ut  praesulem  tuum 
Corinlhiaî  Ecclesiœ  ponlificem  interroges,  et 
ab  eo  discas,  nihilque  sine  ejus  sententia  circa 
salutt-m  animarum  facias  :  sed  nec  confessiones 
suscipias,  aut  gratiam  concilies  pœnitentibus  , 
nisi  accepta  ab  eo  venia.  Hoc  enim  vult  apo- 
stolica,  et  canonica  Patrum  institutio  (Ibid., 
p.  341).  » 

Ce  cartophylace  proteste  que  toutes  les  déci- 
sions qu'il  donnera  aux  doutes  proposés,  sont 
tirées  des  canons  :  mais  ()ue  lien  n'est  |)lus 
opposé  aux  canons  ,  il  pouvait  ajouter  au  droit 
di\in,  que  de  voir  des  religieux  recevoir  les 
confissions  des  la'iques ,  quoiqu'ils  ne  soient 
pas  prêtres,  cette  coutume,  quoique  fort  éten- 
due, ne  pouvant  autoriser  un  désordre  et  un 
renversement  si  visible. 

«  Monaclii  autem  non  sacerdotes,  qui  aliquo- 
rum  confessiones  su5ci|iiunt,  ligantes  atque 
solventes,  sciant  se  contra  canones  id  facere. 
Sancti  Patres  enini  nec  sacerdotes  volunt  sine 
jussu  antijtilis  regionisconciliare  pœnitentibus 
gratiaiu ,  ut  et  canon  synodi  Carlhaginensis 
déclarât.  Nunc  vero  nescio  quomodo  ea  sper- 
nitur  constitulio  (Ibid.,  p.  3i2).  » 

XIV.  iMais  après  avoir  exhorté  ce  religieux  à 
lire  soigneusement  les  canons,  et  à  consulter 
dans  ses  doutes  son  métropolitain,  il  ne  laisse 
pas  de  lui  confesser  que  le  pénitenliel  de  Jean 
le  Jeûneur  a  été  formé  par  cet  esprit  d'une 
sage  et  charitable  condescendance,  que  saint 
Basile  a  tant  estimé,  et  que  les  canons  mêmes 
recommandent  si  souvent,  parce  qu'il  faut  tou- 
jours ménager  la  rigueur  des  lois,  avec  les 
tempéraments  de  la  coutume. 

«Qnoil  attiiiet  ad  édita  a  JohanneJejunatore, 
consuetiulinem  recepinius,adeo  uljuxtaunius- 
cujusque  vires  jiœnitentias  dispensemiis.  Cuin 
enim  Basilius  moiieat,  etc.,  non  miruin  si  Jo- 
liannes  Jujunatorex  canonis  hujus  (lersiiasione 
juxta  datam  sibi  si)iiitalem  gratiam  quidpiam 
iimovarit,  ad  ulilitatem  prorsus  divinam 
(Ibid.,  p.  343,  344).» 

Quciique  dans  les  rencontres  particulières  on 
doive  user  de  condt  scendance,  selon  Ks  règles 
de  Jean  le  Jeûneur,  cela  n'empêche  pas  que 
généralement  il  ne  faille  s'attachera  une  étude 
sérieuse  et  a  une  religieuse  observance  des 
caïKiiis.  c(  Aillia'reniliini  ergo  est  lis  (pi;e  syno- 
dice   promulgata  et  confirmata  sunt;   deinde 


DES  MINISTRES  DU  SACUtMKNT  DE  PÉMTEiNCE,  etc. 


40:-> 


cti.im  et  perfonarum  et  ttinponini  morunique 
qiialitite  dispensatio  facienda,  magno  Basilio 
permittttite.  » 

Voila  la  concorde  qu'on  peut  mettre  entre 
cesopiiiionsdiversts  sur  la  compilaiiondeJean 
le  Jeûneur,  et  sur  les  conduitt-s  rigoureuses 
des  uns,  et  accommodantes  di  s  autres,  les  uns 
et  les  autres  néanmoins  ayant  une  passion  sin- 
cère,et  faisant  leurs eflorts  [)Ourrélude  et  pour 
Tobserxance  des  anciennes  lois  canonitjues. 

Aussi  ce  même  chartopbylace  conclut  excel- 
lemment son  discours,  en  disant  que  rien  n'est 
plus  indigne  de  la  profession  des  religieux  et 
des  confesseurs  que  de  s'excuser  en  di>ant 
que  les  hommes  ne  peuvent  pas  seulement 
souffrir  qu'on  leur  parle  de  l'observation  des 
canons  ;  parce  que  ceux  qui  ne  reçoivent  pas 
les  canons  ne  méritent  pas  le  nom  de  cLrétiens. 
«  Caeterum  tua  virtute  illud  indigiium  est, 
quod  dicis  :  Homines  ne  audilu  quidem  cano- 
uica  pr accepta  ferre.  Qui  enim  ea  non  admit- 
tunt,  nullo  modo  sunt  ebristianorum  partium 
(Ibid.,  p.  343.  3-14).  » 

XV.  Il  était  si  ordinaire  dans  l'Orient  que 
les  confesseurs  fussent  presque  toujours  cboisis 
d'entre  les  moines,  que  le  patriarche  d'Alexan- 
drie Marc,  demandant  au  savant  Ba^amon, 
patriarche  d'Antioche,  l'éclaircissement  de 
quelijues  difficullés  sur  la  discipline  de  l'Eglise, 
il  lui  demanda  si  les  prêtres  séculiers  pou\  aient 
confesser  avec  la  permission  de  ^é^êque.  Bal- 
samon  répondit  excellemment  que  les  divins 
Carions  qui  donnaient  ce  droit  aux  prêtres 
avec  le  bon  plaisir  de  lévèque,  étaient  plus 
anciens  que  l'état  monastique  même,  et  qu'ils 
donnaient  ce  pouvoir  aux  prêtres  séculiers, 
sans  faire  nulle  mention  des  moines  (Ibid., 
p.  372,>.au'.i;  U:=b;,  luterrog.  19). 

11  est  clair  de  là  que  l'on  ne  se  confessait 
presque  plus  qu'aux  religieux,  puisqu'on  met- 
tait en  doute  si  les  prêties  séculiers  pouvait  nt 
entendre  les  confessions,  et  qu'il  fallait  n  mon- 
ter jusqu'aux  anciens  canons  pour  soutenir  le 
droit  des  prêtres  et  des  curés. 

Voici  une  autre  demande  du  même  patriarche 
Marc,  encore  plus  surprenante  (Interrog.  .34;. 
Si  lorsque  les  abbesses  demandent  aux  é\ê- 
ques  le  pouvoir  d'entendre  les  confessions  de 
leurs  religieuses,  on  duit  le  leur  accorder  ? 
Balsamon  répond  que  les  abbés  mêmes  qui  ne 
sont  pas  piètres  ne  peuvent  pas  confesser,  et 
qu'à  plus  forte  raison  ce  pouvoir  doit  être  refusé 
aux  abbesses  (Ibid.,  p.  381). 


Cette  interrogation  n'aurait  jamais  été  formée 
si  les  abbesses  n'eussent  jamais  fait  d'aussi 
téméraires  entreprises,  et  si  elles  n'yeussent  été 
in\iléi  s  par  l'exemple  extravagant  de  quebjues 
abbés  et  de  quelques  moines,  qui  ne  laissaient 
pas  de  confesser,  quoiqu'ils  n'eussent  pas  été 
honorés  de  la  préirise.  Nous  allons  voir  dans 
les  Capitulaires  une  pareille  témérité  dans 
quelques  abbesses. 

Dans  le  même  corps  du  droit  oriental,  on 
peut  encore  lire  le  formulaire  delà  permission 
et  des  instructions  que  les  évêques  donnaient 
aux  confesseurs,  en  leur  reconuiiandant  l'ob- 
servance exacte  des  canons,  accompagnée 
néanmoins  de  cette  charitable  discrétion  quien 
dispense  dans  les  besoins  pressants.  Or  ce  for- 
mulaire n'est  adressé  qu'aux  religieux,  d'oii 
on  peut  conjecturer  avec  (juelque  raison  que 
c'était  à  eux  qu'on  se  confessait  ordinairement 
(Ibid.,  p.  437). 

On  peut  encore  bien  juger  que  les  confessions 
étaient  fréquentes  dans  l'Orient,  de  ce  que  le 
même  Bals. mon,  après  avoir  dit  que  quelques- 
uns  estimaient  que  le.-  jeunes  enfants  de  l'un 
et  de  l'autre  sexe  devaient  se  confesser  à  l'âge 
de  douze  ou  de  quatorze  ans,  qui  est  leur  âge 
de  puberté,  déclare  néanmoins  que  sa  propre 
expérience  et  les  décisions  synodalts  lui  ont 
persuadé  qu'il  fallait  les  faire  confesser  à  l'âge 
de  sept  ans  (Ibid.,  p.  386).  11  allègue  un  concile 
de  Con>tantiiiople,  qui  traita  comme  bigame  et 
irrégulier  un  clerc  qui,  après  avoir  épousé 
une  fille  âgée  de  sept  ans,  en  avait  encore 
épousé  une  autre  apièslamort  de  la  j'rtmière. 
Car  ce  concile  jugea  que  la  fille,  a  ràgedese[>t 
ans,  fsl  susceptible  de  passion,  et  pouvait  cesser 
d'être  fille. 

XVI.  Quelques  plaintes  qu'on  ait  faites  eu 
Orient  de  ce  que  les  séculiers  ne  se  confes- 
saient plus  qu'à  des  n  ligieux,  c'est  peut-être  à 
ces  religieux  qu'on  a  l'obligation  de  la  vigueur 
où  les  canons  pénitentiaux  sont  encore  dans 
l'Eglise  grecque,  tant  pour  les  pénitences 
secrètes  que  pour  les  publiques  ;  au  lieu  qu'elle 
est  presque  entièrement  abolie  parmi  les 
Latins. 

Les  moines  véritablement  se  sont  aussi  em- 
ployés aux  confessions  dans  l'Occident,  comme 
il  paraît  par  siint  Romuald,  qui  donna  po  ir 
pénitence  à  l'empereur  Othon  d'aller  à  pied  au 
Mont-Gargan.et  aprèsceladese  faire  lui-même 
religieux  Petrus  Damianus,  in  vita  sancti 
Romualdi). 


406 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TREIZIÈME. 


Mais  il  est  très-certain,  commiî  on  le  peut 
assez  jup^er  des  canons  qui  ont  été  cités  dans 
les  chapitres  précédents,  que  c'étaient  les  curés, 
les  prêtres  séculiers  et  les  évè^ues  qui  étaient 
les  plus  ordinaires  ministres  du  sacrement  de 
pénitence  dans  l'Eglise  occidentale. 

XVII.  Ce  que  j'ai  avancé  des  confessions  que 
les  religieuses  faisaient  à  quelques  abbesses 
dans  l'Occident,  aussi  bien  que  dans  l'Orient, 
se  justifie  p;ir  les  capitulaires  de  Cliarleniagne, 
qui  défendent  aux  abbesses  de  s'ingérer  à 
l'avenir  dans  les  fonctions  sacerdotales  qu'elles 
avaient  usurpées,  de  donner  la  bénédiction, 
d'imposer  les  mains,  en  faisant  le  signe  de  la 
croix  sur  la  tête  des  hommes,  et  de  voiler  les 
vierges. 

Ces  bénédictions  et  ces  impositions  des  mains 
imitaient  vraisemblablement  celles  qui  ac- 
compagnent le  sacrement  de  la  pénitence,  et  si 
les  abbesses  téméraires  et  audacieuses  se  don- 
naient cette  liberté  sur  les  séculiers,  on  ne  peut 
douter  qu'elles  n'en  usassent  aussi  envers  leurs 
religieuses.  «  Audilum  est  aliquas  abbalissas 
contra  morem  sandre  Dei  Ecc'esiœ  benedi- 
ctiones  et  manus  impositiones,  et  signacula  san- 
ctîccrucis super  cipita  virorumdare,  necnon  et 
velare  virgines  cum  benediclione  sacerdotali, 


quod  omnino  a  vobis  sanctissimi  Patres  in  ve- 
stris  parochiis  illis  interdicendum  esse  scitote 
['Capital.,  1. 1,  c,  76).  » 

Les  abbesses  avaient  succédé  aux  diaconesses  ; 
les  diaconesses  n'avaient  jamais  rien  entrepris 
de  seiiil)lal)le  ,  puisque  les  diacres  mêmes 
n'avaient  jamais  eu  le  pouvoir  d'absoudre  les 
péchés.  Les  abbés  ont  quelquefois  reçu  les 
confessions, (pioiqu'ils  ne  fussent  point  prêtres. 
Mais  ces  abus  ne  devaient  point  servir  à  ré- 
veiller l'ambition  des  abbesses.  Toutes  ces  en- 
fre|)rises  irrégulières  furent  justement  con- 
damnées. 

Voici  une  pratique  au  contraire  Irès-louable. 
Les  saints  Pères,  après  l'apôtre  saint  Jacques, 
ont  exhorté  les  laïques  de  s'humilier  en  se  con- 
fessant mutuellement  leurs  fautes,  et  de  prier 
les  uns  ])our  les  autres;  c'est  ce  qui  se  pratique 
encore  dans  les  cloîtres.  Les  moines  et  les  ab- 
besses mêmes  avaient  peut-être  cru  pouvoir 
écouter  ces  sortes  de  confessions,  y  donner  des 
avis  salutaires,  et  prier  pour  ceux  qui  end)ras- 
saicnt  ces  religieuses  prati(]uesdhnniilité  pour 
expier  les  fautes  légères  et  journalières,  sans 
prétendre  que  ce  fût  une  confession,  ou  une 
absolution  sacramentelle. 


CHAPITRE  TREIZIEME. 


ou    l'on    TUAlfE    DES   C\S   RÉSERVÉS,    A   L  0CC.\S10N    DU   PE.MTENCIER,    ET    PREMIÈREMENT 
DE    CEUX   yUI    SONT   RÉSERVÉS   AU    PAPE,    APRÈS   l'AS    MIL. 


I.  Les  granJs  crimes  étaient  réservés  aux  évèques,  et  les 
évêques  en  réservèrent  eux-mêmes  quelques-uns  des  plus 
énormes  au  pape.  Divers  exemples  de  cela. 

II.  Les  conciles  où  les  évèques  firent  cette  réservation  de  cas 
énormes  au  Saint-Siège,  pour  en  donner  plus  d'horreur. 

m.  Cette  réservation  des  cas  ne  tendait  à  rien  moins  qu'a 
une  augmentation  d'autorité  et  d'empire. 

IV.  Quelles  espèces  furent  réservées. 

V.  Les  papes  relilchent  eux-mêmes  quelque  chose  de  la  ri- 
gueur de  ces  réservations. 

VI.  Les  pénitents  faisaient  eflectivcment  le  voyage  de  Home, 
et  c'était  la  une  partie  de  h  pénitence. 

VII.  Nouvelles  preuves  de  tout  ce  qui  vient  d'être  avancé. 
VIU.  Nouvelles  preuves  que  les  évêques  ont  commencé  ces 

réservations  de  crimes  au  pape,  et  que  les  pénitents  allaient  en 
personne  à  Rome, 


IX.  Les  coupables  des  crimes  réservés  au  pape  devaient  pre- 
mièrement venir  à  l'évèque. 

X.  On  continue  de  renvoyer  au  pape  les  cas  les  plus  énormes. 

XI.  Quand  on  a  cessé  d'aller  à  Rome. 

XII.  Réponse  à  une  objection. 


1.  Nous  avons  remar(iué  ci-dessus  trois  fonc- 
tions principales  des  pénitenciers,  et  nous  n'en 
avons  éclairci  que  la  première,  tpii  est  celle  de 
recevoir  les  confessions  des  bénéliciers  de  quel- 
ques parties  du  diocèse,  si  c'étaient  des  sous- 
|)énitenciers;ou  de  tous  les  diocésains  en  géné- 
ral, en  suppléant  au  défaut  de  l'évèque,  ou 


DES  CAS  RÉSERVÉS  AV  PAI'E. 


407 


abspiit,  ou  occupé  ailleiir.>,  s'il  s'at;issait  du 
grand-pciiitciuicr.  Il  nous  reste  à  tiaitcr  des 
deux  autres  fonctions,  savoir,  d'absoudre  des 
cas  réservés,  et  d'imposer  les  pénitences  publi- 
ques. 

Commentant  par  les  cas  réserves,  nous  re- 
marquerons d'abord  que  l'on  ne  distinguait 
pas  encore  les  cas  réservés  au  pape  d'avec  ceux 
qui  sont  réservés  à  l'évéque,  lors()ue  les  évo- 
ques commencèrent  eux-mêmes  de  renvoyer 
au  jiape,  ou  la  décision  des  cas  les  plus  embar- 
rassants, ou  l'absolution  des  crimes  les  plus 
énormes,  et  qui  par  conséquent  avaient  été 
jus(|u'alors  réservés  à  leur  juiidiction. 

Entre  les  épîties  du  pape  Alexantlie  11 ,  il  y 
en  a  plusieurs ,  où  il  paraît  que  les  pénitents 
qui  étaient  tombés  dans  de  grands  crimes,  jiar- 
ticuliértnient  le?  liomicides,  étaient  envoyés  au 
pape,  ou  y  allaient  de  leur  propre  mou\tmeiit, 
pour  y  recevoir  de  lui  la  pénitence  et  l'absolu- 
tion de  leurs  crin)es. 

Le  concile  de  Limoges,  tenu  en  103 i,  rap- 
porte aussi  divers  exem|)les  des  honucidts  et 
autres  criminels,  renvoyés  par  les  éxèques  au 
pape,  comme  nous  dirons  ci-dessous. 

Le  pieux  et  généreux  Ives  de  Cbarlres  pro- 
testa bien  contre  l'absolution  qu'un  cardinal 
prétendait  donner  à  un  gentillionune,  encore 
impénitent,  et  qui  avait  été  excommunié, 
comme  coupable  d'adultère  public  (Lpist.  xxrx, 
XXX,  XXXI,  xxxin,  xxxvi  ;  mais  ajirès  que  la 
femme  de  ce  gentilhomme  lût  morte,  h  es  voyant 
qu'il  lui  faisait  de  nouvelles  instances  pour  être 
absous,  quoiqu'il  ne  congédiât  point  son  infâme 
concubine,  il  l'envoya  au  pape  avec  des  lettres 
qui  exposaient  son  crime,  et  qui  remettaient 
le  tout  à  la  décision  du  Saint-Siège.  «  Dtdi  ei 
litteras,  seriern  cau=a>  cjus  continentes  ad  Domi- 
num  papam  ,  ut  cognita  veritale ,  quod  inde 
vellet  ordinaret ,  et  mibi  remandaret.  Hoc  re- 
sponsuniex|)ecto,ncc  aliter  mutabosentenliam, 
nisi  aut  ex  ore  cjus  audiam ,  aul  ex  litteris  in- 
telligam  (Episl.  xcvui).  » 

Uuoique  ce  prélat  s'attendît,  selon  la  coutume, 
que  le  pape  lui  renvoyât  le  pénitent ,  avec  la 
résolution  de  la  conduite  qu'il  devait  tenir  en 
son  endroit  :  «  Quod  ytUet,  ordinaret,  et  mibi 
remandaret;  »  néanmoins  c  était  en  réseiver 
au  pape  labsolution,  puisqu'il  ne  devait  ou  la 
donner,  ou  la  suspendre  que  par  ses  ordres. 

Voici  un  exemple  d'une  autre  natuie.  où  le 
même  saint  prélat  envoya  au  pape  Pa^cal  II 
im  pénitent  pour  y  être  déchargé  d'une  paitie 


de  sa  pénil<'nce,  selon  le  jugement  et  la  sagesse 
du  Saint-Siège. 

l'n  gentilhomme,  par  un  outrage  inouï, a\ait 
nuitilé  un  prêtre,  religieux  de  Bonneval.  Ives, 
évèijiie  de  Chartres,  lui   imposa  quatorze  ans 
de  pénitence,  avec  défense  île  porter  les  armes. 
Il  se  soumit  à  une  si  juste  rigueur;  maisquel(|ue 
temps  après,  il  lit  toutes  les  inslaiices  possibles 
afin  (ju'on  lui  permit  l'usage  des  aimes  contre 
(|Utl(|ues  ennemis  qu'il  aiipréheudail.  Ives  le. 
remit  au  i)a[ie,  afin  ipie  les  tra\aux  du  pèleri-     • 
nage  de  Rome  ser\issent  a  exjiier  en  partie  son     , 
crime ,  et  le  disposassent  à  mériter  quelque 
indulgence  du  Siège  a]iostoli<|ue. 

«  lîeseï  vantes  itaque  banc  indiilgentiam  apo- 
slolicœ  moderationi ,  ad  Apostolornm  liniina 
eum  duxerimus  :  qiiatenus  et  faligalione  iti- 
neris  liujus  pcecaliim  suum  diluât,  et  apud 
pietatis  vestrœ  viscera, ''miseiicordiam  quam 
Dcus  vobis  inspiraverit,  iuMuiat  (Epist.  clx).  » 

II.  Le  ]iape  Innocent  II  dèltndit  bien,  dans 
le  concile  de  Reims,  en  1131  (Can.  xiii),  que  les 
évèques  mêmes  ne  levassent  point  lanathème 
dont  ceux  qui  ont  traité  avec  outrage  les  clercs  et 
les  moines  sont  liés,  jusiju'a  ce  que  les  crimi- 
nels se  fussent  pièsentés  au  pape,  et  que  le 
pape  eût  mandé  aux  évoques  comment  ils 
devaient  en  user.  «  N'ullus  e])iscoporum  illuni 
prœsumat  absolvcre ,  donec  aposlolico  con- 
spectui  prsesentetur,  et  ejus  mandatum  susci- 
piat.  » 

Mais  nous  avons  déjà  vu,  et  nous  verrons 
encore  ci-dessous ,  que  ce  furent  les  évêques 
qui ,  ne  pouvant  réprimer  l'insolence  sacrilège 
de  ces  persécuteurs  des  clercs,  résolurent  de 
ne  plus  les  absoudre  et  de  les  renvoyer  tous  au 
pape.  La  résolution  même  de  ce  concile  partait 
de  la  bouche  et  du  consentement  de  tous  les 
évèques. 

Aussi  Guillaume  de  Neubiige  dit  qu'en 
lli-2,  les  évèques  d'Angleteire  ne  trouvant 
jioiiit  d'autie  moyen  d'arrêter  une  si  hoirible 
violence,  firent  le  même  décret  (Chronica  Nor- 
man., an.  1142,  Paris). 

Ce  cation  du  concile  de  Reims  (Conc.  Rem., 
1.  1,  c.  10,  can.  xvu.  An.  114-2),  hit  conlirmè 
dans  le  concile  11  de  Latran,  en  1139  (Conc. 
Later.  II,  c.  xix,  xx),  sous  le  même  jaipe,  aussi 
bienque  lautre,  où  1  ab^olution  des  incendiaires 
est  défendue  aux  évêques  tt  aux  archevêques, 
jusiiu'à  ce  que  les  coiqiables  aient  servi  dans 
les  exi)édilions  saintes ,  ou  dans  les  croisades 
de  Jeiusaleiii  ou  d'Espagne  l'espace  d'un  an. 


108 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  THEIZIÈME. 


«  Pœnitentia  detur,  ut  Hierosolymis,  aut  in 
Hispania  in  servitio  Dei  per  integruni  annum 
pennancat.  Si  quis  aiilem  arohiepiscupus  vl4 
episcopus  lioc  relaxaverit,  damniiiii  restituât, 
et  per  annum  ab  episcopali  oflicio  abstineat.  » 

Il  ne  faut  |)as  omettre  la  conclusion  remar- 
quable (le  ce  canon ,  [)ar  laquelle  le  pape  ou 
les  conciles  de  Reims  et  de  Latran  déclarent , 
(|ue  par  là  ils  n'empêchent  pas  que  les  rois  et 
les  princes  ne  fassent  justice  de  ces  incen- 
diaires, avec  l'avis  des  évèques.  «  Sane  re^nbus 
et  principibus  faciendœjustitiae  facultatemcon- 
sultis  arcbiepiscopis  etepiscopis  non  ne^'amus.  » 

Cette  clause  suppose  que  la  justice  royale 
épargnait  ceux  que  l'Eglise  avait  déjà  mis  en 
pénitence,  par  un  droit  de  prévention,  fondé 
sur  la  piété  et  la  clémence  des  princes  chré- 
tiens, et  sur  l'usage  ancien  dès  le  règne  de 
Charlemagne  ,  comme  nous  avons  dit  ailleurs. 
Or,  (juoiqu'en  haine  des  incendiaires,  ce 
canon  semble  les  abandonner  à  la  justice  des 
princes,  néanmoins  le  conseil  des  évèques, 
qu'on  les  invile  à  suivre,  ne  peut  rien  faire 
cramdre  de  sanglant. 

Il  faut  rapporter  à  la  même  maxime  ce  qui 
est  raconté  par  Guillaume  de  Neubrige,  que 
le  roi  Henri  11,  d'Angleterre,  renvoya  au  juge- 
ment du  pape  les  détestables  assassins  du 
saint  et  illustre  martyr,  Tuomas,  archevêque 
de  Caiitorbéry  ,  afin  qu'il  leur  imposât  la  péni- 
tence publique,  ce  qu  il  lit  en  les  envoyant 
avec  les  croises  de  la  Palestine. 

a  Parcendum  eis  duxit,  et  tam  famée  suœ, 
qiiam  illorum  saluti  prospiciens,  Sedi  eos  Apo- 
slolicE  ad  suscipiendum  solemneni  pœuiten- 
liam  praesentari  prœcepil.  Quod  et  factum  est. 
Naui  stimulante  conscientia  Romam  profi  cti , 
ad  agendam  iiœuiteiitiam  a  sinumo  ()ontilice 
Jerosolymam  sunt  profecti ,  etc.  (L.  u,  c.  23).  » 

L'assassinat  exécrable  d'un  si  grand  pontife 
était  sans  doute  réservé  an  pape ,  et  le  roi  y  eut 
égard,  ou  en  fit  semblant.  Nous  apprenons  d'un 
concile  de  Limoges  que  saint  O.lilon  consulta 
le  pape  au  sujet  d'un  de  ses  leligieux,  qui 
n'était  entré  dans  Cluny  que  pour  expier  le 
meurtre  détestable  qu'il  avait  commis  contre 
la  personne  sacrée  d'un  évoque.  Le  pape  lui 
écrivit  que,  bien  loin  de  le  présenter  aux 
ordres,  il  ne  devait  pas  même  lui  permettre 
de  communier  qu'à  l'article  de  la  mort  (Bibl. 
Clun.,  p.  338). 

ill.  Ces  exemples  donnent  fondement  à  deux 
remarques  importantes. 


La  première  est  :  que  l'esprit  et  l'intention  de 
l'Efilise  ,  dans  cet  usage  de  réserver  des  cas  an 
pa|ie,  ou  a  révè(]ue,  n'élaii  nullement  de  signa- 
ler leur  juidiclion  et  L-ur  autorité  dominante 
sur  ce'\e  des  prêtres  ,  en  leur  réservant  l'abso- 
lution des  ciimfS  notables.  C'était  bien  plutôt 
pour  opposer  des  obstacles  plus  invincibles  à 
l'impunité  des  crimes,  et  pour  procurer  des 
pénitences  et  des  satisfactions  plus  propor- 
tionnées à  leur  énormité. 

Qu'on  repasse  sur  tous  les  exemples  précé- 
dents, on  verra  clairement  qu'on  envoie  les 
pénitents  au  pape ,  afin  qu'il  leur  impose  la 
liénitence  publique,  ou  iju'il  l'augmente,  ou 
qu'il  l'adoucisse  par  l'effusion  des  trésors  de  la 
clémence  apostolique,  ou  en  vue  des  pénibles 
travaux  d'un  si  long  pèlerinage;  enfin  le  pape 
renvoyait  ordinairement  ces  pénitents  à  leur 
évêque ,  pour  être  absous.  Aussi  quand  les 
évèques  se  sont  plaintsde  lafacililé  avec  laquelle 
on  déliait  à  Rome  ceux  qu'ils  avaient  liés  ,  ils 
n'avaient  égard  qu'à  l'impénitencede  ceux  qui 
extorquaient  ces  absolutions. 

IV.  L'autre  remarque  est  :  que  les  évèques 
ne  crurent  pas  pouvoir  autrement  faire  respec- 
ter la  cléricalure,  qu'en  remettant  au  pape 
seul  l'absolution  des  outrages  faits  aux  ecclé- 
siastiques. 

Voici  comme  Matthieu  Paris  parle  du  con- 
cile de  Londres,  en  1142.  «  NuUns  lionor  vel 
reverentia  ferebalur  Dei  Ecciesiae,  vel  ejus 
ordinalis  a  prœJonibus  sceleratis;  sed  aeque 
clerici  et  laici  capiebantur,  redimebantur,  et 
in  vinculis  tenebantur.  Sancitiun  est  ergo  ibi, 
et  generaliter  consliluluin  ,  ne  ab  alio  quam  a 
pap  1  possit  absolvi ,  qui ,  etc.  » 

Robert  du  .Mont  dit  (|u'après  ce  décret  les 
clercs  commencèrent  un  peu  à  respirer.  «  Unde 
clericis  aliqnantulum  serenitatis  vix  illuxit.  » 
Tous  les  historiens  d'Angleterre  disent  qn'au- 
])aravant  les  meurtres  en  étaient  très-fréquents, 
parce  qu'ils  étaient  imi)unis  selon  les  lois  civiles 
d'Angleterre,  dont  nous  dirons  ailleurs  la  rai- 
son. 

Les  incendies  n'étaient  pas  moins  fréquents 
([lie  les  attentats  sacrilèges  contre  la  personne 
des  clercs  ;  ainsi  on  les  réserva  au  pape.  Dans 
le  même  canon,  «  Qui  Ecclesiam  violaverit, 
etc.  »  Et  avant  cela,  le  pape  Innocent  II,  dans 
les  conciles  de  Reims  et  de  Latran,  avait  envoyé 
à  la  croisade  les  incendiaires,  comme  nous 
venons  de  dire.  Les  guerres,  qui  étaient  alori 
très-ordinaires  entre  les  parliculiers  mêmes, 


DES  CAS  RÉSERVÉS  AU  PAPE. 


409 


comme  l'on  sait,  donnaient  occasion  à  ces  vio- 
lences étranges.  On  tâcha  d'abolir  ces  guerres 
pnrticnlièrus,  et  on  comLimna  sous  des  peints 
extraordinaires  cet  excès  comme  le  plus  perni- 
cieux. 

Les  croisades  de  la  Palestine  et  pour  l'Espagne 
étaient  d'une  part  d'une  extrême  consé([uence 
pour  la  clirélienté.  Le  pape  les  imposait  pour 
pénitence  des  plus  grands  crimes.  Ainsi  il  se 
réserva  le  pouvoir  d'en  ab-oudre,  ou  d'en  dis- 
penser. Tous  ces  canons  furent  renouvelés  d  ins 
le  concile  de  Reims,  sous  Eugène  111,  en  i  148. 
Nous  allons  voir  aussi  ci-dessous  la  simonie 
réservée  au  pape.  C'est  depuis  cette  inondation 
de  clercs  simoniatjues  et  incontinents  au  temps 
de  Grégoire  VII ,  que  la  simonie  commença  à 
être  réservée  au  pape.  En  efTet,  le  Saint-Siège 
seul  remédia  à  ce  désordre  etfroyable. 

V.  Mais  Alexandre  III,  consulté  par  l'évêque 
de  Siguenza  en  E-^pagne,  fut  obligé  d'apporter 
quelque  tempérament  à  la  rigueur  de  ces 
réservations  de  cas,  en  permettant  aux  évêques 
d'absoudre  non-seulement  les  malades  ,  à  con- 
dition qu'après  leur  santé  recouvrée,  ils  feraient 
le  voyage  de  Rome,  mais  au<si  les  femmes,  les 
enfants  et  les  vieillards.  «  Statut  vero  femineo, 
et  pueris  ,  ac  senibus  super  hoc  satis  te  credi- 
mus  posse  libère  dispensare(Append.  111.  Conc. 
Later.,  par.  ult.,  c.  ult.).  » 

VI.  Ce  décret  nous  fournit  une  réflexion  fort 
utile.  C'est  que  ceux  qui  voulaient  être  absous 
de  ces  cas  réservés  au  Saint-Père,  faisaient 
effeclivement  le  pèlerinage  de  Rome  comme 
pénitents.  Cela  est  clair,  puisque  le  pape  per- 
met à  l'évêque  d'absoudre  ceux  à  qui  leur  sexe, 
leur  âge,  ou  leur  infirmité  ne  permettent  pas 
d'entreprendre  ce  voyage.  En  efTet,  ce  pèleri- 
nage même  passait  pour  une  partie  considé- 
rable de  la  pénitence,  et  rendait  le  pénitent 
plus  digne  de  la  dispense,  ou  de  l'indulgence 
du  Siège  apostolique. 

Ce  fut  sous  ce  même  pape  que  saint  Lau- 
rent ,  archevêque  de  Dublin ,  en  Irlande  ,  ren- 
voya à  Rome  en  un  même  temps  jusqu'à  cent 
cinquante  de  ses  prêtres ,  convaincus  d'incon- 
tinence ,  quoiqu'il  put  bien  les  absoudre  lui- 
même  ,  comme  le  témoigne  l'auteur  de  sa  vie. 
«  Licet  tanquam  arcliiepiscopus  posset ,  lamen 
nolebat  absolvere ,  sed  ad  Romanain  Ecclesiam 
absolvendos  deslinabat  (Raronius,  an.  1179, 
n.  34).  » 

VII.  Toutes  ces  remarques  se  peuvent  véri- 
fier par  un  canon  du  concile  d'Avignon,  en 


1209  (Can.  xiu),  où  les  évêques  des  quatre  pro- 
vinces de  Vienne,  d'Arles,  d'Embrun  et  d'Aix 
étaient  assemblés  avec  les  légats  du  pape.  Il  y 
est  ordonné  (|ue  pour  opposer  une  digue  plus 
foite  aux  [)arjures  et  au  mépris  tles  censures 
ecclésiastiques,  ceux  qui  auront  été  convaincus 
de  parjure,  ou  qui  auront  passé  six  mois  sans 
se  faire  absoudre  de  l'excomuiunication ,  ne 
pourront  à  l'avenir  être  absous  que  par  le  pajic, 
qu'ils  iront  eux-mêmes  recevoir  leur  absolution 
à  Rome;  et  si  ce  sont  dc-s  bénéficiers,  lisseront 
privés  de  leur  bénéfice,  sans  pouvoir  y  être 
rétablis  par  autre  que  par  le  pape,  ou  par  ses 
légats. 

«  Contra  publiée  perjuros,  seu  convictos  de 
perjurio,  et  eos  qui  perlinaciter  in  excommu- 
nicatione  per  sex  menses  permanserint,  pro  eo 
quod  faciles  sunt  homines  ad  perjuria  et  ad 
censuram  ecclesiasticam  contemnendam  ,  spe- 
cialem  et  novum  canonem  promulgimus  ,  sci- 
licet,  ut  nulli  episcoporum  liceat  liujusmodi 
analhemalizatos  absolvere,  sed  ad  Sedem  apo- 
stolicam,  sicut  sacrilegi  et  incendiarii ,  absol- 
vendi  mittantur.  Perjuris  vero  praeter  aliam 
satisfactionem,  dictam  Sedem  in  praesentia  visi- 
tare  injungitur.  Si  forte  clerici  fuerint,  in 
utroque  casu  ab  officio  etbeneficioecclesiastico 
re(iellantur;  ad  quorum  neutrum  restitui  va- 
leant  nisi  per  Summum  Ponlilîcem,  vel  ipsius 
legaium.  » 

Il  est  visible  que  ce  furent  les  évêques  qui 
firent  ces  réservations  de  cas  énormes  au  pape, 
et  qu'on  en  allait  recevoir  l'abolition  à  Rome. 

Hildebert,  évèque  du  Mans,  fut  consulté 
par  un  autre  évêque  sur  le  rétablissement  d'un 
prêtre  qui  avait  frappé  d'une  pierre,  et  tué 
de  ce  coup  un  voleur  qui  était  près  de  le 
tuer,  et  qui  avait  jiour  cela  été  suspendu 
depuis  sept  ans.  11  lui  répondit  (|ue  ce  n'était 
pas  son  avis  que  ce  prêtre  put  jamais  être  réta- 
bli dans  les  fonctions  sacerdotales  ;  mais  que  si 
ce  cas  était  arrivé  dans  son  diocèse,  il  aurait 
renvoyé  ce  prêtre  au  pape,  pour  apprendre  et 
pour  recevoir  du  S  ége  apostolique  une  réso- 
lution [)lus  certaine.  «  Si  siinilealiquid  in  coni- 
missa  mihi  parochia  coiitigisset,  reum  ad 
apostolicam  misissem  audieotiam,  quatenus 
ex  consilio  illius,  et  ego  instriierer,  et  peccator 
de  relormitione  sententiam  susciperet  certio- 
rem  (Epist.  lx).  » 

Guillaume,  évêque  d'Auxerre,  qui  fut  élu 
en  1206,  ramena  au  devoir  quelques  seigneurs 
rebelles   par   la  pénitence  publique,  par  des 


410 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS. 


CHAPITRE  TREIZIEME, 


amendes  pécuniaires,  par  le  pèlerinage  de 
Rome,  pour  aller  demander  l'absolution  du 
pape,  et  par  cet  exemple  il  donna  la  terrciu-  à 
tous  les  autres. 

«  Ejus  et  infantimi  cdomuit  supcrbiam, 
quos  taliter  publicam  subire  pœniteutiam, 
cum  pecuniarum  cmendatione  coegit,  hoc 
addito  quod  ipsi  Scdcm  a[)oslolicam  ])ro  abso- 
lutione  sua  nibilominus  adierunl,  quo  non 
inunerito  caeteri  terreri  poluerunt,  ne  similia 
contra  eum  altentarent  (Hib.  JISS.  tom.  i, 
p.  480,  487).  » 

VIII.  11  est  donc  certain  que  ce  furent  les 
évè(iues  (jui  cuvoycrcut  les  iirnitents  à  Romic, 
pour  y  rece\oir  du  |pa|ie  ou  la  conliruialion , 
ou  l'augmentation ,  ou  l'adoucissement  tie  la 
pénitence  qu'ils  leur  avaient  imiwsée,  ou  cntin 
l'absoluliou  des  crimes  éuoiines  dont  ils  étaient 
convaincus. 

C'est  ce  (jue  nous  apprenons  encore  excel- 
lemment du  concile  11  de  Limoges,  en  l'Mi  , 
où  l'on  justilia  la  conduite  du  pajie  qui  avait 
al)S0us  un  comte  excormnunié  par  son  évoque, 
par  la  réponse  du  pnjie  mèjue  à  cet  évoque, 
au([uel  il  si'  iilaignuit  de  ne  l'avoir  pas  averti 
de  l'excommunication  qu'il  avait  lancée,  et  il 
révoquait  ensuite  cette  absolution  donnée  par 
surprise. 

Les  évèques  de  ce  concile  concluent  de  là  : 
que  c'est  leur  faute  de  n'informer  pas  le  pape 
de  ceux  qu'iisjugentnedevoir  pas  être  absous; 
que  c'est  une  maxime  constante  que  si  les  évo- 
ques envoient  au  pape  les  pénitents,  il  peut 
ou  augmenter  leur  pénitence,  ou  la  diminuer, 
parce  que  l'autorité  principale  des  jugements 
ecclésiastiques  réside  dans  le  Siège  apostolique. 
Que  s'ils  lui  envoient  ceux  qui  sont  chargés  de 
crimes  énormes,  parce  qu'ils  hésitent  eux- 
mêmes  sur  la  pénitence  qu'il  faut  leur  im()0scr, 
le  pape  lient  remédier  à  ces  plaies  mortelles, 
selon  (|u'il  le  juge  à  proj)os;  mais  (lu'enlin  ces 
absolutions  <]u'on  surprend  par  de  mauvais 
artilices  sont  nulles,  et  il  n'est  jamais  permis 
aux  diocésains  d'aller  à  Rome  demander  ou 
l'absolution,  ou  la  |iénitence  de  leurs  crimes, 
sans  l'agrément  de  leur  évêque. 

«  Aiiostolicus  absque  culpa  est,  et  polius  nos 
culpaliiles  stunus  ,  nisi  litlcrisnostrisei  notum 
facianuis,  de  quibus  nolumus,  utabsolvanlur. 
Cum  ergo  taies  dece|ierint  apostolicum,  ut 
frauduknter  absohantur  ab  eo,  irrda  est  illa 
absolulio,  ideoque  nec  ab  eo,  nec  a  nobis  con- 
firmanda,  etc.  Hoc  ab  ipsis  apostolicis  Romanis 


et  cœteris  Patribus  cautum  tenemus ,  ut  paro- 
cliiano  suo  episcopus  si  pœniiinliam  imponit, 
eumque  papœ  dirigit,  ut  judicet  ulrum  sit,  an 
non  pœnitentia  digna  pro  tali  reatn,  polest 
eam  confirmare  autoritas  paiw,  aut  levigare, 
aut  super  adjicere.  Judicium  eiiim  toliusEccle- 
siœ  maxime  in  apostolica  Romaua  Sede  constat. 
Item  si  epipco|)us  parocbianum  siuun  cum 
testibus  vel  lilteris  apostolico  ad  pa'uitentiam 
accipiendam  direxerit,  ut  nniltoties  pro  gra- 
vissimis  ficri  solit  realibus,  in  quibus  ejiiscopi 
ad  dign;im  ba'sitant  pu'uiteiiliam  inqjonen- 
dam  ;  hic  talis  liccnler  a  jiapa  remedium 
suniere  jiolest.  Nam  inccinsulto  ejiiscoiio  suo, 
ab  Ajuistolico  iiteniteutiam  et  absoluliouem 
nemini  accipere  licet.  » 

Le  concile  de  Séligenstadt,  en  I0">2,  défendit 
aux  [lériitents  d'aller  a  Rome  sans  la  permission 
de  leur  évêque,  et  leur  ordonna  d'accomplir 
premièrement  la  pénitence  de  leur  crime  sur 
les  lieux  mêmes,  et  ensuite  prendre  les  lettres 
de  leur  évêque,  pour  aller  à  Rome. 

«  Decrevit  synodus,  ut  nullus  Romam  eat, 
Jiisi  cum  licentia  sui  episcojii,  vel  ejus  vicarii, 
etc.  Muiti  tanla  (alluiitur  stultilia,  ut  pœniten- 
tiam  a  sacerdotibus  suis  accipere  noiint,  in  hoc 
maxime  confisi,  ut  Romam  euntibus  apostoli- 
cus  omnia  sibi  diniitlat  jieccata.  Sancto  visum 
est  concilio  ,  ut  talis  indulgenlia  illis  non  pro- 
sit  :  sed  prius  juxta  modum  delicti  pœnitentiam 
sibi  dntam  a  suis  sacerdotibus  adimpleant,  et 
tune  Romam  ire  si  velint,  ab  episcopo  licen- 
liam  et  li Itéras  accipiant.  » 

11  était  impossible  que  les  évèques  envoyassent 
aussi  souvent,  comme  le  concile  de  Limoges  le 
confesse,  a  ut  nniltoties  fieri  solet,»  que  la 
coutume  ne  s'établît  enlin  d'envoyer  à  Rome 
les  pénit+ints  atteints  des  plus  grands  crimes, 
et  que  la  coutume  ne  se  revêtît  avec  le  temps 
de  l'autorité  des  lois,  comme  il  est  effective- 
ment arrivé  dans  la  suite.  Nous  avons  vu  les 
canons  des  conciles  (jiù  ont  réservé  certains 
ciis  énormes  au  pape. 

Ce  sont  là  certainement  les  deux  fondements 
de  ces  réservations  de  cas  au  pape,  savoir  : 
1"  L'us;ige  qu'avaient  introduit  les  évèques  eux- 
mêmes  d'envoyer  à  Rome  les  pénitents  de  leurs 
diocèses,  quand  ils  étaient  coupables  de  cer- 
tains péchés.  Cet  usage  ayant  passé  en  cou- 
tume, il  s'est  formé  dans  la  suite  de  cette 
coutume  une  loi  et  une  nécessité  de  le  faire  en 
jiareils  cas. 

-2"  Le  consentement  exprès  des  évèques  donné 


DES  CAS  RÉSERVÉS  AU  PAPE. 


III 


dans  un  concile,  où  ils  ont  anrté  (jue  l'absolu- 
tion (li3  cerl;iins  pùctiés  devait  (■tru  rcservéi;  au 
souverain  pontife  à  cause  de  leur  énorniité,  et 
qu'il  fallait  envoyer  à  Rome  ceux  qui  en 
seraient  coupables  pour  s'en  faire  absoudre  par 
le  vicaire  de  J.-G. 

A  l'exception  des  péchés  qui  sont  compris 
dans  l'une  de  ces  deux  circonstances,  les  évè- 
ques  ont  nu  droit  universel  d'absoudre  de  toutes 
sortes  de  crimes.  Et  c'est  là  le  fondement  de  la 
dislinclion  que  les  canonistes  mettent  entre  les 
dispenses  et  les  absolutions,  quand  ils  disent 
que  les  évêques  ne  peuvent  donner  aucune 
dispense,  si  elle  ne  leur  est  expressément  |(er- 
mise  par  le  droit;  mais  (ju'ils  peuvent  absoudre 
de  toutes  sortes  de  crimes,  s'ils  ne  sont  expres- 
sément réservés.  Parce  que  le  caractère  épisco- 
pal  contient  une  i)aissance  tout  entière  de 
remettre  les  péchés  ,  mais  non  pas  de  relâcher 
les  lois  ecclésiastiques  (Fagnan,  inl.  i.  Décret., 
par.  2,  p.  208).  Il  faut  cependant  convenir  que 
le  concile  de  Trente  a  reconnu  que  le  pa[)e 
avait  le  droit  réservé  d'absoudre  des  grands 
crimes  à  cause  du  souverain  pouvoir  qu'il 
exerce  dans  l'Eglise.  «MeritoPontifices.Maximi, 
pro  suprema  potestate  sibi  in  Ecclesia  universa 
tradita,  causas  aliquas  criminum  gravioressuo 
potnerunt  peculiari  judicio  reservare.  » 

Il  se  pourrait  bien  faire  que  quelques-uns  de 
ces  cas  qui  sont  réservés  au  Saint-Siège,  dans 
l'extravagante  de  Paul  II,  auraient  été  réservés 
par  les  papes  mêmes  (Extravag.  Comm.,  I.  v, 
lit.  IX,  c.  3).  Mais  en  les  examinant  de  près  et 
en  détail ,  on  trouvera  que  ce  n'est  que  l'intérêt 
général  de  toute  l'Eglise  et  de  tous  les  évêques 
qui  les  y  a  portés;  comme  les  violements  auda- 
cieux de  la  liberté  et  de  l'immunité  ecclésias- 
tique, ou  les  considérations  particulières  et 
très-équitables  de  l'Eglise  romaine  et  de  son 
patrimoine.  Enfin  |)Our  ces  espèces  mêmes  par- 
ticulières ,  ou  peut  dire  que  ce  n'est  que  le 
consentement  des  évêques  qui  en  a  affei  uii  la 
réservation  au  pape.  Car  le  crime  d'hérésie  se 
trouve  dans  les  cas  réservés  au  pape  dans  cette 
extravagante. 

Le  concile  de  Tours,  en  1.jS3,  demanda  au 
pape  qu'il  rendît  aux  évêques  le  pouvoir  d'ab- 
soudre de  l'hérésie,  et  de  réconcilier  les  héré- 
tiques. L'assemblée  du  clergé,  en  1583  (lu 
proeni.),  résolut  de  faire  la  même  demande  au 
pape,  selon  le  rapport  de  duTaix.  Le  concile  de 
Rouen  ,  en  1581 ,  avait  fait  la  même  demande, 
protestant  que  cela  était  entièrement  néces- 


saire pour  faciliter  la  conversion  des  hérétiques 
eu  l'ranccî.  Le  pape  répondit  ([ue  cette  licence 
s'accorderait  selon  les  bi;soins  de  la  province, 
à  celui  (ju'on  estimerait  le  i)lus  pro|)re. 

Nos  prélats  français  ne  laissent  pas  d'en  absou- 
dre sans  que  le  Saint-Siège  y  trouve  à  redire 
(Du  Taix,  p.  8;îi.  Tant  il  est  vrai  que  la  charité, 
la  concorde  et  la  bonne  intelligence  entre  le 
pa[ie  et  les  évêijues  est  comme  le  sceau  et  la 
loi  de  toutes  les  lois  ecclésiastiques.  De  là  vient 
que  les  statuts  que  nous  avons  cités  ordonnent 
que,  pour  les  cas  mêmes  qni  sont  réserves  au 
I)a|)e .  les  confesseurs  doivent  premièrement 
envoyer  les  pénitents  à  révê(jue. 

IX.  Delà  vient  (jue  le  concile  d'Arles,  en  1271 
(Can.  xu),  après  avoir  fait  une  longue  énumé- 
ration  des  crimes  les  plus  atroces,  ordonne  que 
ceux  qui  s'en  seront  confessés  seront  envoyés 
à  l'èvèque,  qui  les  absoudra,  si  le  droit  le  lui 
permet,  ou  les  enverra  au  pape  avec  des  lettres 
de  sa  part.  «  Transmitlantur  absolvendi  per 
ipsos  e[iiscopos,  si  iil  eis  de  jure  coni])etit,  alio- 
quin  cum  eorum  lilleris  ad  Sedeni  apostolicam 
transmUt.uilur.  » 

Le  canon  suivant  contient  encore  une  longue 
suite  de  divers  crimes,  dont  l'absolution  est 
réservée  à  l'évêque.  D'où  vient  que  le  premier 
de  ces  canons  parle  avec  doute,  et  ne  distingue 
pas  nettement  les  cas  réservés  au  pape  d'avec 
ceux  qui  ne  sont  réservés  qu'à  l'évêque ,  si  ce 
n'est  qu'il  y  avait  quelque  diversité  de  senti- 
ments et  de  pratiques,  et  que  quelques  évêques 
absolvaient  de  certains  crimes  que  d'autres 
renvoyaient  au  pape.  L'hérésie  en  pourrait  être 
un  exemple,  car  elle  y  tient  le  premier  rang. 
Mais  l'évêque  était  le  juge  immédiat,  selon  ce 
canon  ,  de  ceux  qu'il  fallait  envoyer  à  Rome. 

Le  synode  de  Bayeux,  en  1300,  fait  le  dénom- 
brement de  plusieurs  cas  réservés  au  pape, 
mais  dont  l'évêque  peut  absoudre  les  ignorants, 
les  enfants ,  les  femmes ,  les  moines ,  les  vieil- 
lards. Dans  les  constitutions  synodales  de  Paris 
il  y  a  plusieurs  statuts  où  ceux  qui  sont  cou- 
pables des  cas  réservés  au  pape  doivent  être 
premièrement  envoyés  à  l'évêque. 

L'évêque  était  aussi  quelquefois  constitué  par 
le  Saint-Siège  comme  inspecteur,  et  comme 
l'exécuteur  de  la  pénitence  que  le  pape  avait 
imposée,  afin  qu'elle  fût  accomplie  avec  toute 
l'exactitude  possible.  On  en  peut  voir  un  exem- 
ple dans  le  pape  Jean  XXII,  qui  renvoya  à 
l'évêque  d'.\riano  celui  qui  avait  tué  un  évè- 
que,  après  l'avoir  absous  de  l'excommunica- 


413 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TREIZIÈME. 


lion ,  et  lui  avoir  imposé  une  Irès-rigoureuse 
pénitence  (Rainalfl.,  an.  1319,  n.  13). 

X.  L'an  1391,  les  cas  réservés  au  pnpe  n'étaient 
pas  encore  si  précisément  déteimims  (|n"il  ne 
restât  encore  quelque  trace  de  lantienne  pra- 
ti(juede  lui  ren^oyer,  ou  à  ses  légats,  les  crimes 
les  plus  emb.irrassés. 

Jean  Juvén.il  des  l'rsins  raconte,  dans  la  vie 
de  Charles  VI ,  roi  de  France ,  qu'en  cette 
année-là  les  faux  témoins  qui  avaient  déposé 
contre  le  prévôt  des  marchands  de  Paris,  s'étant 
confessés  de  leur  ciimc  a  leur  curé,  il  les  ren- 
Toya  au  pénitencier;  le  pénitencier  n'o.«ant  les 
absoudre,  les  envoya  à  l'évêque;  l'évèque  leur 
dit  que  le  cas  de  soi  était  si  grand  et  si  mau- 
Tais,  qu'il  craignait  bien  de  les  absoudre.  Il 
les  renvoya  donc  au  cardinal  légat  qui  était  cà 
Paris. 

L'archevêque  de  Cantorbéry  ne  fut  pas  si 
respectueux,  en  l'an  1423,  quand  il  jiublia  une 
indulgence  plénière  pour  tous  ceux  qui  visi- 
teraient son  église  cathédrale,  comme  pour  le 
jubilé  de  Rome,  et  quand  il  nomma  des  péni- 
tenciers pour  absoudre  de  toutes  sortes  de 
crimes  (Rainald.,  an.  1423,  n.  21).  C'est  de  quoi 
le  pape  Martin  V  lui  fit  une  réprimande  fort 
sévère  par  l'évèque  de  Trieste,  son  nonce  : 
a  Temeritale  consiniili  instituisse  [lœnilintia- 
rios,  qui  confluentes  ad  eos  generaliler  ab 
omnibus  jieccatis  absolverent.  » 

XL  Je  voudrais  bien  pouvoir  à  peu  près 
délerminer  le  temps  où  l'on  a  cessé  d'aller  à 
Rome  pour  être  absous  des  cas  réservés  au 
pape. 

Je  dirai  seulement  que  Gerson  souhaitait  fort 
qu'on  facililàtces  absolutions,  en  donnant  ce 
pouvoii'  à  des  confesseurs  sur  les  lieux.  «  Sal- 
tem  det  tatultattm  pajia  absolvendi  transgres- 
sores  superioribus  monasteriorum  et  ecclesia- 
rum,  ut  quando  dtderit  Dominus  spirilum 
conipunctionis,  in\eniant  prom|itum  reme- 
dium,   et  non   in  desperationis   praecipitium 


ruant,  pro  difficultate  papam  vel  curiam  suam 
adeundi  (Gerson.,  tim.  ii,  p.  409). 

Nous  avons  déjà  dit  que  h  s  papes  avaient 
pourvu  à  cet  inconvénient,  en  permettant  que 
les  moribonds,  les  finîmes,  les  vieillards,  les 
enfants,  les  infirmes  fussent  absous  par  les 
confesseurs  orditiairi  s.  Ce  fui  une  autre  manière 
de  faciliter  ces  absolutions,  en  déléguant  pour 
cela  des  confesseurs  sur  les  lieux  ,  avec  tout  le 
pouvoir  nécessaire.  Mais  il  faut  avouer  qu'en 
accordant  ce  qu'un  mouvement  de  piété  faisait 
demander  à  Gerson,  et  en  facilitant  l'absolution 
de  ces  grands  crimes ,  on  ruina  ce  reste  de 
l'ancienne  pénitence,  on  rompit  le  frein  qui 
arrêtait  les  pécheurs,  et  on  détruisit  la  piinci- 
pale  raison  qui  avait  donné  fondement  à  ces 
réservts. 

XII.  On  peut  lire  dans  les  actes  de  l'Eglise 
de  Milan  une  compilation  exacte  de  tous  les  cas 
réservés  au  pape,  on  y  en  remarquera  une  fort 
grande  partie,  auxquels  on  n'a  nul  égard  en 
France;  et  c'est  encore  une  preuve  é\idente 
que  ce  fut  le  commun  consentement  du  pape 
et  des  évèi[ues  qui  fit  cette  distinction  de  cas 
réservés. 

Cette  bonne  intelligence  des  évèques  avec  le 
pape,  que  nous  avons  justifiée  par  cette  déduc- 
ti(in  historique  selon  la  suiie  des  temps,  n'em- 
pêche pas  que,  selon  que  le  concile  de  Trente  l'a 
défini  (Sess.  xiv,  c.  7),  le  pape  n'ait  l'autorité 
de  se  réserver  des  cas  plus  importants,  comme 
les  évèques  s'en  réservent  dans  leurs  diocèses. 
Au  contraire  cette  puissance  est  d'autant  plus 
ferme  et  plus  inébranlable  qu'elle  est  reconnue 
et  soutenue  par  les  évèques  mêmes. 

Nous  n'avons  rien  dit  dans  ce  chapitre  pour 
combattre  ce  droit,  mais  nous  avons  fait  voir 
comment  il  s'est  développé,  et  cou. ment  l'usage 
et  l'exercice  en  a  été  é  abli  avec  le  consente- 
ment et  la  joie  commune  des  évèques,  lorsque 
l'uli'ité  ou  la  nécessité  de  l'Eglise  universelle 
l'a  demandé (1). 


(1)  La  réGerve  des  péchés  graves,  extérieurs,  consoœmés.  mortels 
et  certains  commis  par  des  personnes  adultes,  est  encore  en  vigueur 
dans  l  Eglise,  sans  aucune  altération.  La  célèbre  bulle  nuctoiein 
Fidei,  promulguée  par  Pie  \'I  à  la  fin  du  xviiif  siècle,  s'exprime 
ainsi  en  condamnant  une  proposiiion  du  synode  de  Pistoia,  tenu  par 
révèque  Ricci  :  propo^ilio  synodi  asserens  reservationem  casuum 
nunc  teniporis,  aliud  non  esse  quam  improvidum  Iigamen  pro  infe- 
Tioribus  sacerdotibus,  et  sonum  sensu  vacuum  pro  pœnitenlibus  as- 
suetis  non  aamodum  curare  banc  reservaiionem,  falsa^  tcmcruna, 
matp  sonniis,  pprniciosa,  coiicitio  Tridentino  contraria,  snperiùris 
hiprarrlticœ  polfstntis  tœsiva. 

11  y  a  une  légère  discordance  dans  quelques  diocèses  pour  le 
nombre  des  cas  réservés  au  pape.  Les  uns  n'en  admettent  que  cinq, 
les  évèques  absolvant  pour  les  restants;  les  autres  en  fixent  huit,  c'est 
ta  plus  grande  partie.  Apres  une   élude  approfondie  de  cette  matière 


dans  les  canonistes.  nous  déclarons,  en  ce  qui  nous  concerne,  em- 
brasser cette  dernière  opinion  comme  la  flus  généralement  admise  et 
la  plus  sûre.  Voici  donc  les  huit  cas  réserves  actuellement  au  souve 
rain  pontife  :  lo  la  simonie  réelle  et  consommée  dans  la  collation 
des  saints  ordres  ou  des  bénéfices  ;  2o  le  meurtre  ou  la  mutilation 
d'une  personne  consacrée  à  Dieu  ;  .'io  la  falsification  ou  la  supposition 
des  bulles  ou  décrets  du  Saint-Siége  ;  4o  le  vol  dans  une  église  avec 
efTraction  ;  5o  l'incendie  volontaire  d'une  église  ou  d'une  maison 
quelconque  ;  60  l'usurpalion  et  la  détention  des  biens  ecclésiastiques; 
70  l'acte  par  lequel  un  prêtre  criminel  O'-erail  absoudre  son  ou  sa 
complice  entraillé  au  mal  par  suite  de  sollicitation  dans  le  tribunal 
de  la  pénitence  ;  80  la  fausse  accusation  de  sollicitation  portée  au 
supérieur  ecclésiastique  contre  un  prêtre  innocent,  soit  qu'on  la 
fasse  soi-même,  soit  qu'on  se  serve  d'un  autre.  Ces  deux  derniers 
cas  ont  été  réservés  par  la  bulle  de  Benoit  XIV,  sacramentum  pœnt- 


DES  CAS  RÉSERVÉS  A  L'ÉVÉQUE. 


«3 


CHAPITRE  QUATORZIÈME. 


DES  CAS  RÉSERVÉS   A   L'É\TÊQCE. 


I.  Différence  considérable  entre  les  cas  réservés  au  pape  et 
aux  évèques.  Les  évèques  furent  pendant  les  premiers  siècles 
les  seuls  minislres  ordinaires  du  sacrement  de  pénitence,  au 
moins  de  la  pénitence  publique. 

II.  Les  évèiiues  ne  se  réservèrent  d'abord  que  les  crimes 
énormes  et  puDlirs. 

111   Réservation  en  particulier  d'un  crime  scandaleux. 

IV.  Progrès  de  la  réservation  des  cas  jusqu'au  quinzième 
siècle. 

V.  Ou  envoyait  à  l'évêque  ou  au  pénitencier  tous  les  coupa- 
bles des  cas  réservés,  afin  qu'il  fit  le  discernement  de  ceux  qui 
étaient  réservés  au  pape. 

VI.  11  fallait  porter  des  lettres,  et  du  curé  à  l'évêque,  et  de 
l'évêque  au  pape. 

VU   Réservation  de  cas  entre  les  abbés  et  les  chanoines. 

VIII.  Divers  sentiments  et  diverses  pratiques,  sur  l'avis  de 
Gerson,  de  ne  point  réserver  de  crime  secret.  Résolution  du 
concile  de  Trente  et  des  conciles  de  saint  Charles. 

I.  Quoique  le  concile  de  Trente  ait  parlé  dans 

le  même  chapitre  (Sess.  xiv,  c.  7),  et  presque 
en  mêmes  termes,  de  la  puissance  du  pape  à  se 
réserver  des  cas  et  de  celle  des  évèques,  il  f.iut 
confesser  néanmoins  qu'il  y  a  une  extrême 
différence. 

En  effet,  comme  le  Fils  de  Dieu  donna  la 
puissance  de  lier  et  de  délier  aux  a|iôlres  et 
aux  évèques  qui  sont  leurs  successeurs,  en 
mêmes  termes  qu'à  saint  Pierre  et  à  ses  succes- 
seurs; il  faut  aussi  avouer  de  bonne  foi  que, 
duraut  plusieurs  siècles,  les  évèques  ont  joui 
chacun  dans  leur  diocèse  de  cette  puissance 
tout  entière ,  sans  qu'il  y  eût  aucune  espèce 
de  crime  qtii  fût  réservé  à  un  tribunal  supé- 
rieur. 

Il  y  avait  bien  des  causes  majeures  qui  ne  se 
pouvaient  juger,  au  moins  en  seconde  instance, 
que  par  le  Siège  apostolique  ;  mais  elles  ne 
regardaient  pas  le  tribunal  de  la  pénitence, 
dont  nous  parions  présentement.  Ce  n'a  été 
qu'après  plusieurs  siècles  que  les  é\è  jues 
mêmes  ont  jugé  nécessaire  de  renvoyer  au  ju- 
gement du  i)remier  Siège  la  pénitence  et  l'ab- 
solution de  certains  crimes  énormes,  tant  pour 

tentiœ^  promulguée  aux  calendes  de  juin  1741.  Les  sept  premiers 
cas  sont  en  outre  frappés  de  l'excommunication  majeure,  tp^o  farta 
incurrenda^  et  réservée  au  pape.  (Dr  ANDRÉ.) 


les  raisons  alléguées  dans  le  chapitre  précédent, 
que  pour  honorer  le  privilège  de  Pierre,  à  (|iii 
le  Fils  de  Dieu  donna  les  clefs  inystérieiises  de 
son  Eglise,  non-seulement  avec  les  autres  apô- 
tres, miiis  aussi  en  pirticulier  pour  en  user 
avec  une  autorité  singulière  et  emineiite  au- 
dessus  des  autres  apôtres,  selon  que  les  diver- 
ses révolutions  du  temps  et  les  différents  besoins 
de  son  Eglise  le  demanderaient. 

Mais  quant  aux  évèques,  il  est  certain  que 
non  seulement  leur  puissance  d'absoudre  fut 
sans  bornes  dans  les  premiers  siècles  et  qu'il 
n'y  eut  alors  aucune  rèservaliou  de  cas  ou  de 
crimes  au  tribunal  pènitenciel  du  pape  ;  mais  il 
est  même  comme  constant  que  ce  furent  les 
évèques  seuls  qui  furent  les  ministres  ordinai- 
res du  sacrement  de  pénitence,  et  que  ce  ne  fut 
qu'en  leur  absence,  ou  par  un  mandement  spé- 
cial de  leur  part,  que  les  prêtres  en  exercèrent 
les  fonctions.  On  ne  [leut  nier  ipie  la  réconci- 
liation des  pénitents  ()ublics  ne  leur  ait  tou- 
jours été  réservée,  aussi  bien  que  la  consécra- 
tion (les  vierges  et  la  dédie  ice  des  autels, 
comme  il  paraît  par  tous  les  anciens  canons  des 
conciles  et  par  les  décrets  des  papes. 

Lors  donc  que  la  multitude  accablante  de 
leurs  occupations  saintes,  et  la  fréquentation 
plus  ordinaire  du  sacrement  de  pèmience  par 
les  fidèles  les  a  obligés  d'abandonner  presque 
entièrement  ce  divin  ministère  aux  prêtres, 
s'ils  se  sont  réservé  quelques  cas  dont  ils 
])uissent  eux  seuls  décerner  la  pénitence  et 
donner  l'abolition  ,  ils  n'ont  fait  que  retenir 
une  petite  partie  de  cette  puissance  toute  di- 
vine qu'ils  avaient  durant  plusieurs  siècles 
[lossèdèe  et  exercée  tout  entière  par  eux- 
mêmes. 

Ainsi  la  réservation  des  cas  au  pape  n'a  [iii 
se  faire  que  par  un  rttrancliement  du  pouvoir 
ancien  des  évèques.  au  lieu  (|ue  la  réservation 
des  cas  à  l'évêque  n'rst  nullrineut  une  dimi- 
nution du  pouvoir  des  prêtres;  ce  sont  au  con- 


4U 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATORZIÈME. 


traire  des  restes  et  comme  des  réserves  bien 
petites  de  l'ancienne  autorité  des  évoques  à 
réconcilier  les  pénitents. 

II.  Or,  comme  dans  tous  les  siècles  passés 
l'administration  de  la  pénitence  publique  a  été 
réservée  aux  évèques.  comme  elle  l'est  encore 
et  que  la  pénitence  publique  ne  se  faisait  que 
pour  des  crimes  énormes  et  même  dans  les 
siècles  moyens  imiir  des  crimes  publics,  ce 
furent  aussi  ces  crimes  énormes  et  scandaleux 
qui  ont  été  réservés  aux  évcques  depuis  cinq  ou 
six  cents  ans. 

Voici  comme  en  parle  le  concile  II  de  Li- 
moges en  1031.  «  Trcsbyteri  de  ignolis  causis, 
episcopi  de  notis  excommunicare  est,  ne  epi- 
scopi  ^ilescat  potestas.  «  Ce  font  [iresque  les 
mêmes  termes  de  la  lettre  synodale  de  Ralhé- 
rius,  évêque  de  Vérone.  «  De  occultis  peccatis 
pœnitentiam  vos  dare  posse  scitote,  de  publicis 
ad  nos  référendum  esse  agnoscite.  » 

Le  concile  de  Londres,  en  1102  (Can.  xxviii. 
Malmesburg.,  p.  229),  réserva  aux  évoques  les 
impuretés  abominables  qui  clioquentla  nature 
pour  les  personnes  séculières. 

Etienne,  évêiiue  de  Paris,  se  réserva,  en  l'an 
ll.'iO,  par  un  mandement  particulier,  le  juge- 
ment et  la  pénitence  du  meiirtrc  commis 
contre  la  personne  du  saint  et  illustre  Thomas, 
prieur  de  Saint-Victor,  il  en  écrivit  à  ses  arclii- 
prètres,  afin  qu'ils  publiassent  son  mande- 
ment. 

B  Mandamus  vobis,  quatenus  unusquisque 
vestrum  in  suoarclii]iresbyteratu  probibeat,  ut 
nullus  omnino  presbyter,  nec  de  sa^culo,  nec 
de  religione,  nec  abbas,  nec  canonicus,  nec 
monacbus  inclusus  :  nec  ercmita,  nec  etiam 
abbas  sancli  Victoris  liujus  excommunicationis 
reum  ad  se  proconfessione  venientem  suscipiat, 
neque  absohitionem  bujus  cul[ia'  tribuat,  aut 
pœnitentiam  injungat.  Quia  ego  de  toto  reatu 
mihi  soli  absolutionem  et  pœnitentiam  reser- 
vavi.  Hoc  quo(|ue  iira'cipimus  ut  presbUeri, 
quando  cxcomnmnic  anl,  banc  nostram  [irolii- 
bilionem  omnibus  dicanl.  »  Sur  (juoi  nous 
allons  faire  (lueUiues  jemaiijues  imiioitaiiles 
(Conc.  Genev.,  t.  x,  p.  27.'..  Adde  Synodic.  Ro- 
tomag.,  p.  2U,  208,  .301,  302.  Synodic.  Paris., 
p.  K,  32,  I7C),  170,  ISO,  et  seiiq.). 

111.  ['rduièrrmenl,  ce  jntlat  se  réserve  sin- 
gulièrement à  lui  seul  le  pouvoir  d'absoudre 
d'un  crime  a[ircs  (ju'il  a  été  commis.  Comme 
ce  meurtre  avait  scandalisé  tovite  la  ^ille,  les 
canons  mêmes  lui  en  réservaient  le  jugement 


Ainsi  son  mandement  n'était  qu'une  promul- 
gation, et  un  renouvellement  des  anciens  ca- 
nons. 

2°  Ce  prélat  distingue  cette  excommunication 
particulière  des  excommunications  générales 
que  les  curés  jiubliaient  à  leur  prône.  Ainsi  le 
pouvoir  des  curés  pour  excommunier  était 
limité  dès  lors  à  ces  excommunications  généra- 
les qui  se  lisent  au  prône,  au  lieu  que  l'évèque 
excommunie  [lourles  crimes  particuliers  et  les 
criminels  en  particulier.  Et  c'est  peut-être 
aussi  le  sens  de  ce  canon  du  concile  de  Limo- 
ges. «  Presbyteri  de  ignotis  causis,  episcopi  de 
notis  excommunicare  est.  » 

3°  L'évèque  Etienne  suppose  que  les  abbés, 
les  moines,  les  ermites  et  les  reclus  imposaient 
quelquefois  la  pénitence  et  donnaient  l'absolu- 
tion aux  pénitents  qui  s'adressaient  à  eux. 
Autrement  il  ne  leur  aurait  pas  fait  celte  dé- 
fense iiarticulière.  Cela  ne  se  faisait  que  par  le 
consentement  au  moins  tacite  des  évèques,  et 
c'était  un  reste  de  l'ancienne  pratique,  non- 
seulement  d'aller  consulter  les  abbés  et  les  reli- 
gieux célèbres  pour  la  résolution  des  difficultés 
épineuses,  mais  d'aller  aussi  expier  les  crimes 
qu'on  avait  commis  sous  leur  sageetcbaritable 
conduite. 

i"  Les  plus  sages  d'entre  les  abbés  ren- 
voyaient à  l'évèque  la  discussion  des  cas  les 
plus  embarrassés.  Saint  Bernard  (Episl.  lxxvi), 
renvoya  au  jugement  de  l'évèque  celui  qui, 
après  avoir  été  religieux,  s'était  marié  en  face 
de  l'Eglise,  quoiqu'un  autre  abbé  le  lui  eût 
envojé  à  lui  comme  ,à  une  vive  source  de  lu- 
mière. 

IV.  11  était  de  la  sagesse  des  prêtres  de  ren- 
voyer à  l'évèque  non-seulement  les  crimes 
publics,  qui  lui  étaient  réservés  par  le  droit, 
comme  étant  les  seuls  administrateurs  de  la 
])énitence  publiciue,  mais  aussi  les  [dus  grands 
d'entre  les  crimes  secrets.  C'est  à  quoi  les  obli- 
gea Eudes  de  Sully,  évêque  de  Paris,  vers 
l'an  1200.  «  Sacerdotes  majora  reservent  ma- 
joribus,  in  conftssionibus,  sicut  bomicidia, 
sacrilegia,  peccala  contra  natuiam,  incestus, 
et  slupra  virginum ,  injectiones  nianuuui  in 
paientes,  votafractaet  hujusmodi,  etc.  (Synod. 
Paris.).  » 

La  jilupart  de  ces  crimes  sont  ordinairement 
très-secrets.  J'ai  dit  que  ces  mêmes  ordonnan- 
ces synodales  veulent  aussi  qu'on  envoie  pre- 
mièriment  à  l'évèque  ceux  qui  sont  tombés 
dans  les  crimes  réservés  au  pape. 


DES  CAS  UÉSERVÉS  MX  ÉV1^UUES. 


415 


Le  concile  d'Yorck,  en  ll9i,  avait  déjà  or- 
donné aux  cnrés  d'evcoininiiiiior  tous  les  di- 
nnuclies  les  parjures,  et  d'y  ajouter  la  solennité 
du  son  des  cloclies  et  des  cliandelles  éteintes 
trois  fois  chviue  année  ;  enfin  de  les  renvoyer 
à  l'évèque  ou  au  pénitencier,  s'ils  recouraient 
au  remède  salutaire  di;  la  pénitence.  «  Eos  sin- 
gulis  diebus  Dominicis  excouiniunicatos  de- 
nuntiet,  etc.  Ad  episcopuni,  vel  generaleni 
diœcesis  confessorem  transmittantur,  etc.  » 

Le  concile  de  Londres,  en  i-2(M»,  augmenta  le 
nombre  des  cas  réservés  et  en  donna  la  raison, 
aussi  bien  que  des  exconunnnicalions  géné- 
rales; c'était  pour  réprimer  l'audace  et  l'impu- 
nité de  ces  crimes  énormes. 

a  Ad  reprimendam  multorum  malitiam  hic 
duximus  adnectendum ,  ut  singulis  annis  in 
génère  solemniter  excommunicentur  sorliarii, 
perjuri  supra  sacramenta ,  incendiarii,  fures 
atrociores,  raptores.  Ita  ut  qui  scienter  in  dis- 
pendium  cujuslibet  pejeraverint ,  non  absol- 
vantur,  nec  eis  pœnitentia  injungalur,  nisi  ab 
episcopo  diœcesano,  vel  ejus  autoritate  ;  prœ- 
teniuam  in  articulo  niortis,  et  tune  eis  injun- 
gatur,  quod  ex  quo  convaluerint,  episcopuni 
adeant,  ab  eo,  vel  ejus  autontate  pœnitenti  un 
suscepturi  (Rogerius  Hoveden. ,  pag.  750, 
808).  » 

Ces  réservations  se  trouvent  bien  autrement 
multipliées  dans  le  sy  ode  de  Saintes,  en  l'SSiO, 
aussi  bien  que  dans  celui  de  Nîmes,  en  l'28i.  Le 
concile  de  Lambeth,  en  Angleterre,  en  1-281 
(Can.  xiv),  réserve  à  l'évèque  les  homicides 
volontaires,  soit  publies,  soit  secrets.  «  Absolu- 
tionem  ab  homicidio  voluntario,  tam  publico, 
quam  occulto;  solis  episcoiiis  extra  necessitatis 
articulum  reservamus.  » 

Ce  qui  suit  semble  ne  rien  réserver  à  l'égard 
du  pape.  «  Per  quod  minorum  intendimus  ro- 
frienare  audaciam,  et  non  inaj(jrum  reverentiic 
in  aliquo  derogare.  »  Mais  ce  môme  canon 
(Can.  vin),  réserve  tacitement  à  l'évèque  tous 
les  crimes  fort  scandaleux,  en  les  condamnant 
à  la  pénitence  publique.  «  Cum  juxta  sacros 
canones  peccata  graviora  ut  incestus,  et  similia, 
quœ  vulgatissima  suo  scandalo  totam  commo- 
vent  civitatem,  sint  solemni  pœnitentia  casti- 
ganda,  etc.  » 

Le  concile  de  Ravenne  (Can.  vni),  en  158(3, 
fait  un  long  dénombrement  des  cas  réservés 
aux  évêques,  mais  il  les  renferme  enfin  sous 
ces  deux  espèces  :  de  ceux  que  le  droit  ou  la 
coutume  générale,  et  des  autres  qu'une  cou- 


tume particulière  leur  a  réservés.  «In  quibus 
deeonsiietudine  generali,  vel  speciali  episcopis 
reservatur  confessio.  » 

On  ne  peut  donner  d'explication  plus  solide 
à  ces  paroles  (ju'en  disant  que  les  crimes 
publics  ont  été  réservés  aux  évêques  par  la 
coutume;  générale  ,  fondée  sur  les  anciens 
canons,  [)arce  qu'il  faut  les  expier  par  la  péni- 
tence publi([ue,  et  que  les  péchés  secrets  sont 
quelipiefois  réservés  à  l'évèque  par  un  usage 
ou  un  mandement  particulier,  à  cause  de  leur 
énormité. 

En  effet,  il  est  peu  probable  que  ces  péchés 
secrets  réservés  à  l'évé(|ue  soient  un  reste  de  la 
plus  ancienne  discipline,  qui  les  soumettait 
aussi  à  la  pénitence  publique.  La  l'aison  en  est 
que,  depuis  le  vi*"  ou  \n'  siècle  la  pénitence 
publitjue  n'a  été  que  pour  les  crimes  publics. 
(;'est  la  même  différence  de  deux  sortes  de 
cas  réservés  à  l'évèque  ,  qui  est  niarcjuée 
dans  ces  paroles  du  synode  d'Excester  ,  en 
1287  (Can.  v).  «  Majora  et  notoria  pœnitenliario 
nostro  reservent.  » 

V.  Dans  ce  synode,  aussi  bien  que  dans 
plusieurs  autres  et  dans  les  conciles,  les  cas 
réservés  au  pape  et  à  l'évèque  sont  fort  souvent 
ra]iportés  avec  confusion,  sans  distinguer  les 
uns  des  autres,  parce  que  les  évêques  faisaient 
le  discernement  des  crimes  et  des  pénitents. 
«  ni  mitten  li  snut  ad  episco|)imi,  ut  ipse  quos 
absolvere  poterit,  absolvat;  quos  vero  absolvere 
non  poterit,  ad  papam  mittat  absohendos.  » 
L'évè(|ue  de  Chichester,  en  son  synode  de  l'an 
1-281)  (Can.  xxvn),  se  réserva  tous  les  grands 
crimes.  «  Enormia  delicta  nobis  vel  pœniten- 
tiario  nostro  reservamus.  » 

Le  concile  d'Avignon,  en  1320,  déclare  plu- 
sieurs cas  réservés  à  l'évèque,  ou  par  le  droit 
ou  pu-  la  coutume,  ou  par  un  statut  synodal 
ou  provincial,  a  A  jure,  consuetudine,  vel  sfa- 
tuto  provinciali,  vel  synodali.  »  Le  concile  de 
Lavaur,  en  1308,  obligea  les  évè(|ues  de  com- 
niuniipier  la  puissance  d'absoudre  des  cas  ré- 
servés à  autant  de  confesseurs  qu'il  sera  né- 
cessaire pour  l'utilité  de  leur  diocèse. 

Le  concile  d'Arles  (Can.  CLX),  (jue  les  compi- 
lateurs ont  placé  en  1200,  nous  apprend  que 
les  évèijues  avaient  accoutumé  d'envoyer  des 
(lénitenciers  [lendant  le  carême  dans  les  pa- 
roisses de  la  cam[)agne,  pour  absoudre  les 
femmes  et  les  infirmes  des  cas  réservés  ;  mais 
il  condamne  le  mauvais  artifice  de  quelques 
paroissiens  qui,  se  confessant  entièrement  à  ces 


■UG 


DU  SECOiND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATORZIÈME. 


pénitenciers,  évitaient  de  se  confesser  à  leur 
curé,  «  proprio  sacerdoti.  »  Aussi  il  défi  nd 
ensuite  à  ces  pénitenciers  d'entendre  les  con- 
fessions entières ,  s'ils  n'en  ont  une  permission 
de  réAèijue  et  du  cnié  :  «  Nisi  de  niandato 
pra?lati  et  licentia  curati.  » 

Le  concile  d'Arles  (Can.  xii),  en  1275,  après 
une  longue  énumération  des  cas  réservés,  ren- 
voie tous  ceux  qui  en  sont  coupables  à  l'évé- 
que  ,  afin  qu'il  délie  les  uns,  et  envoie  les 
antres  au  pape  avec  des  lettres  de  sa  part. 
«  Transniitiantur  alisohendi  jier  ipsos  epifco- 
pos,  si  id  eis  de  jure  coin{)(tit  :  alioqni  ciini 
eorum  lilteris  ad  Stdem  Ai)Ostolicam  transinit- 
tantur.  »  Mais  après  cela  ce  concile  fuit  un 
autre  dénombrement  de  cas  réservés  à  l'évo- 
que et  à  ses  pénitenciers,  si  ce  n'est  pour  les 
vieillards  et  les  inliiines.  En  tout  cela  on  n'a 
pas  égard  aux  péchés  publics  seulement,  mais 
on  réserve  les  grands  crimes,  même  secrets^ 
aussi  bien  que  dans  le  concile  de  Nicosie,  en 
4298.  «  Majora  e[)iscopis  peccata  reserventur.  » 

VI.  Le  concile  de  Salsbourg,  en  l-iiO,  défen- 
dit aux  curés  de  recevoir  à  la  participation  des 
sacrements  ceux  (ju'ils  avaient  envoyés  à  l'évê- 
que  pour  les  cas  réservés,  s'ils  n'avaient  rap- 
porté les  lettres  de  sa  part,  qui  fissent  foi  de 
leur  absolution,  et  qui  continssent  la  pénitence 
qui  leur  avait  été  imposée,  et  s'ils  n'avaient 
auparavant  accompli  cette  pénitence  au  moins 
en  [lartie. 

Il  est  encore  remarquable  dans  ce  canon  que 
le  pénitent  devait  porter  à  l'évéque  des  lettres 
de  son  confe^stur,  où  le  récit  de  son  crime  lût 
contenu  avec  toiifes  ses  circonstances.  Nous 
avons  ci-dessus  cité  d'autres  canons  (Can.  xi), 
où  on  aurait  pu  remarquer  les  mêmes  parti- 
cularités. 

Le  concile  de  Tortose,  en  1-429  (Can.  xvii), 
défendit  aux  [)rêtres  séculiers  d'entendre  les 
confessions  sans  la  licence  de  l'évéque,  ou  de 
ses  grands-vicaires,  ou  du  curé  dans  sa  pa- 
roisse; mais  que  ni  eux  ni  les  religieux  n'en- 
treprissent point  d'absoudre  des  cas  réserve  s  à 
l'évoque,  s'ils  n'avaient  un  écrit  de  lui  qui 
contînt  de  quel  cas  ils  pouvaient  absoudre.  Car 
l'évéque  ne  donnait  souvent  le  pouvoir  de  re- 
mettre que  quelques  cas  réservés,  et  non  pas 
les  autres. 

VII.  Les  statuts  de  Cluny,  comiiilés  sous 
l'abbé  Henry,  qui  fut  élu  en  l.'irs,  réfcrvenl  à 
l'abbé  et  aux  provinciaux  de  Cluny  quelques 
cas  atroces,  aussi  bien  que  le  pouvoir  de  nom- 


mer des  confesseurs  et  des  pénitenciers  pour 
les  religieux  de  l'ordre  ;  surtout  l'abbé  se  ré- 
serve )'ab?olution  du  crime  de  ceux  qui  seraient 
allés  à  Rome  sans  sa  permission  (Bibl.  Clu- 
niac,  1344,  loTo,  1398,  1599).  Le  pape  Alexan- 
dre 111  permit  aux  abbés  de  l'ordre  de  Pré- 
montréd'iibsoudre  leurs  sujets  de  toutes  sortes 
de  crimes,  en  réservant  seulement  les  atr'oces 
au  métropolitain  ou  au  pape,  quand  ils  sont 
publics.  «Majoribus  et  difficilibus  criminibus, 
quœ  manifesta  fuerint,  metropolitario,  vel  Ro- 
mano  pontifici  reservatis  (Bibl.  Piœmonstrat. 
pag.  <.3>,634).» 

Innocent  III,  dans  une  décrétaIe(C.Cumolim. 
De  prœscript.  Fagnan.  Ibid  ),  juge  (juuri  abbé 
a  pu  prescrire  contre  l'évéque  le  droit  d'absou- 
dre des  moindres  crimes.  Ce  qui  est  une  preuve 
qu'il  n'aurait  |iu  prescrire  le  pouvoir  d'absou- 
dre des  cas  réservés  à  l'évéque,  à  moins  d'avoir 
la  juridiction  comme  épiscopale ,  et  d'être 
connue  de  nul  diocèse  ,  ainsi  ()u'il  a  été  déclaré 
j)arla  congrégation  des  réguliers. 

Dans  le  livre  des  anciennes  définitions  de  Cî- 
tcaux(Dist.  VI,  c.  4),  il  est  ordonné  aux  reli- 
gieux de  se  confesser  une  fois  la  semaine  à 
leurs  confesseurs  ordinaires,  et  une  fois  tous 
les  ans  à  l'abbé;  et  enfin  autant  de  fois  à 
l'abbé  qu'ils  ont  commis  de  crimes  qui  lui 
soient  réservés. 

Gerson  donnant  son  avis  sur  un  statut  des 
Chartreux,  i\\ù  réserve  aux  supérieurs  l'abso- 
lution de  toutes  les  fautes  criminelles,  citlpa 
gravis;  il  témoigne  qu'il  n'approuverait  point 
qir'on  réservât  tous  les  picliés  mortels,  ni 
même  qu'on  rés-ervàt  ceux  qui  sont  secrets,  si 
ce  n'est  fort  rarement;  parce  que  cette  ré- 
servation semble  en  être  une  publication. 
«  Confessio  sacramentalis  de  occultis  laro  et 
caulissime  débet  rcmiiti  ad  superiores  (Gerson., 
tom.  Il,  pag.  316,  318,  332,  3  4,  031).  » 

Je  laisse  les  auti-es  avis  de  Gerson  sur  la  ré- 
servation des  cas  en  général  :  il  insiste  parti- 
culièrement à  laisser  aux  curés  le  pouvoir  de 
remettr'e  tous  les  péchés  seci'ets. 

VIll.  Les  évêques  ne  se  sont  pas  rendus  à  ce 
conseil  de  Gerson.  Car  le  concile  de  Freisingen, 
en  1440  (Can.  xxiv),  réserve  tous  les  crimes 
extraordinaires,  «  quemquam  enormibus  cri- 
minibus  irretitum.  » 

Le  concile  de  Soissons,  en  1436,  exhorte  les 
évê(|ues  de  ne  couniuuiiqrrer  qu'à  un  i)e'tit 
nombre  de  r-eligieux  choisis  leurs  cas  réservés, 
et  même  de  ne  les  communiquer  [las  tous. 


DES  CAS  RÉSER\'ÉS  A  L'ÉVÊQUE. 


417 


mais  seulement  qnelqiies-uns.  Mais  le  cardi- 
nal Camjiége,  réfoi niant  l'hgiise  d'Allema};ne, 
en  l'an  1324,  en  qualité  de  légat  a  laltre , 
ordonna  que  pour  éviter  les  frais  et  la  ditlaïua- 
tion  des  [lénittnts,  tous  les  confesseurs  auraient 
le  pouvoir  d'absoudre  les  laïques  de  toutes  sor- 
tes de  crimes  secrets,  quoii]irils  eufst-nt  clé 
réservés  par  les  éNéques,  excepté  les  héréliques, 
les  homicides  et  les  exconmmniés,  qui  seraient 
ren\oyés  à  l'évèque;  laissant  au  reste  les  clercs 
au  même  état  qu'ils  étaient  auparavant. 

«  Constituimus  ut  deinceps  quilibet  confes- 
sor  absolvere  possit  laicos  contritos  et  confes- 
ses aquibuscumque  peccatis  occultisquantum- 
cumque  gravibus,  etenormibus,  quae  ordinarii 
suae  autoritati  reservaverant,  exceptis  dnn- 
taxat  homicidis,  hœreticis  et  excommunicatis, 
ad  episcopum,  vel  ejus  vicarium  mittendis. 
Quod  autem  ad  clericos,  nihil  quod  hcc  statu- 
tum,  intelligatur  innovatum  Can.  ix).  » 

Dans  le  concile  de  Cologne,  en  1336  (Part. 
VII,  c.  37) ,  l'archevêque  ayant  considéré  les 
suites  périlleuses  de  la  réservation  des  crimes 
cachés,  donna  le  pouvoir  d'en  absoudre  à  tous 
les  curés.  Le  synode  d'Augsbourg,  en  1548  (Can. 
xix),  renouvela  le  déciet  du  cardinal  Campége. 
Le  concile  de  Cologne,  en  1549  Can.  xxxvi\ 
donna  la  qualité  de  pénitenciers  à  un  grand 
nombre  de  bénéficiers  et  de  religieux,  à  qui 
l'archevêque  donna  le  pouvoir  d'absoudre  des 
cas  réservés.  Slais  aussi  le  concile  de  Trente 
(Sess.  XIV,  c.  7),  autorisant  le  pouvoir  du 
pape  et  des  évêques  à  se  réserver  des  cas,  ne  le 
limite  point  aux  péchés  publics,  maisaux  péchés 
énormes,  o  Atrociora  queedam  et  graviora  cri- 
mina.  » 

Ainsi  les  avis  de  Gerson,  quoique  fort  sages 
et  même  jugés  nécessaires  par  quelques  con- 
ciles, n'ont  pas  paru  au  concile  de  Trente  néces- 
saires, ou  utiles  a  toute  l'Eglise. 


Le  premier  concile  de  Milan,  sous  saint  Char- 
les, (lelermina  tous  les  cas  que  les  évèques  de 
la  province  se  réseï  valent  pour  en  arrêter  la 
licence  dt mesurée,  «  ad  eorum  licentiam  rese- 
candam,  »  sans  avoir  égard  à  la  notoriété  des 
ciimes.  Le  IIP  concile  de  Milan  défendit  aux 
réguliers  d'en  absoudre,  protestant  que  le  pape 
même  avait  déclaré  qu'ils  ne  le  pouvaient  par 
leurs  privilèges.  «  Quemadmodum  a  sancta  Sede 
Aposlolica  declaratum  est,  id  eis  non  licere(Acta 
Eccles.  Mediol.,  p.  11,  93,  7t)S}. 

Saint  Charles  dit  dans  ses  instructions  que 
c'est  Grégoire  Xlll  qui  fit  celte  déclaration  de 
l'avis  de  la  congrégation  du  concile  de  Trente. 
Pie  11  avait  autrefois  accordé  le  privilège  de  se 
faire  absoudre  des  cas  réservés  aux  évèques  à 
une  congrégation  portugaise  qui  s'était  consa- 
crée au  rachat  des  esclaves  (Rainald.,  an.  1462, 
n.  40  \  Les  derniers  papes  ont  révoqué  tous  ces 
pouvoirs. 

11  paraît  de  là  que  les  plus  sages  conseils  ne 
sont  pas  propres  à  tous  les  temps,  et  que,  si 
Gerson  et  quelques  conciles  particuliers  ont  eu 
raison  de  désirer  qu'on  ne  réservât  que  les 
crimes  publics,  ou  qu'on  donnât  le  pouvoir 
d'en  absoudre  à  un  grand  nombre  de  confes- 
seurs, ni  saint  Charles,  ni  ses  conciles  provin- 
ciaux, ni  enfla  le  concile  de  Trente  (Can.  xj, 
n'ont  pas  jugé  cette  conduite  utile  en  ces  der- 
niers temps.  Le  concile  V  de  Milan  jugea  même 
qu'il  fallait  quelquefois  changer  les  espèces  des 
cas  réservés,  et  il  ordonna  que  l'évèque  les 
promulguât  à  la  fin  de  chaque  synode. 

Quant  aux  cas  et  aux  excommunications  que 
le  droit  et  les  décrétales  ont  réservés  au  pape 
ou  aux  évêques,  on  peut  les  lire  dans  les  actes 
de  l'Eglise  de  Milan,  où  on  les  a  recueillis  avec 
grand  soin  (Acta  Eccles.  Mediol.,  p.  988  et 
seq.)(l). 


(1)  Chaque  évêque  a  soin  aujourd'hui  d'insérer  dans  les  statuts 
syoodaus  les  cas  q-ji  lui  sont  réservés.  Ils  se  réduisent  à  peu  près 
aux  mêmes  chefs  pour  tous  les  d:ocèses.  Il  y  en  a  qui  sont  s^éciule- 
mtnl  réservés,  d'autres  ne  le  sent  que  sin.piev<f7a.  Dans  les  pre- 
miers on  trouve  généralement  l'apostasie,  rhérésie,  le  sdûame  eilê- 


rieurement  professé,  sollicitatio  ad  tnrpia  contra  seitum  decalogi 
praeceptum  ex  pane  sacerdotis  m  uibunali  pœniienliœ,  \el  extra  tri- 
bunal, occasione,  piœtextu  aut  simulaucne  confessionis,  le  commerce 
sacrilège  avec  une  personne  consacrée  à  Dieu. 

(Dr  Anlre. 


Th.  —  ToMK  I. 


27 


il8 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUINZIÈME. 


CHAPITRE  QUINZIÈME. 


DES   INDILGENCES. 


I.  Exemples  anciens  des  indulgences  données  par  le  pape, 
par  les  évèques  et  par  les  curés,  d'un  commun  concert. 

II.  Les  évèques  se  donnaient  réciproquement  les  uns  aux 
antres  le  pouvoir  de  faire  quelque  crke  aux  pénitents. 

III.  IV,  L'abus  (lu'on  lit  de  ce  pouvoir  porta  le  concile  IV  de 
Latran  à  le  liuiiler  à  quarante  jours  ;  le  pape  n'en  donnait  pas 
alors  ordinairemeul  davantage.  Au  jour  de  la  Dédicace  on  don- 
nait un  an  d'indulgence.  Pourquoi  et  comment'? 

V.  Les  évèques  révoquent  aussi  les  pouvoirs  qu'ils  avaient  ac- 
cordés de  donner  des  indulgences. 

VL  ProL'rès  des  indulgences  jusqu'au  concile  de  Constance. 

Vil.  Seutiuienls  de  quelques  grands  hommes  sur  la  juste  me- 
sure de  donner  les  indulgences.  L'ancien  usage  des  indulgences 
demande  cette  modération. 

VIII  Les  premières  indulgences  plénières  furent  des  remises 
pléinères,  non-seulement  des  peines  par  lesquelles  nous  salis- 
faisons  en  celte  vie,  mais  de  celles  par  lesquelles  on  les  expie 
dans  le  purgatoire. 

IX.  Depuis  longtemps  les  papes  et  les  conciles  conspirent  i 
modérer  les  concessions  des  indulgences. 

I.  Je  n'entrt>preii(ls  pas  de  parler  des  indiil- 
"ciices  a  toiul,  je  ne  touclierai  niie  la  question 
qui  regarde  le  droit  du  pape  et  des  évèques  à 
se  les  réserver.  Cette  matière  est  si  liée  avec 
celle  des  cliapities  précédents,  que  je  n'ai  pu 
l'en  séparer. 

Un  évêiiiie  d'Italie  ayant  envoyé  au  pape 
Alexandre  H  un  prêtre  (pii  avait  tué  un  autre 
prêtre,  pour  recevoir  de  lui  la  pénitence  iiro- 
portionnée  à  un  si  exécrable  attentat,  ce  pape  lui 
imposa  d'abord  quatorze  ans  de  pénitence,  ce 
(|ui  n'était  que  la  moitié  de  celle  que  les  canons 
prescrivaient,  et  alin  qu'on  veillât  sur  ce  |iéni- 
tent,  il  ordonna  à  l'évèque  de  le  renfermer 
dans  (pielque  inonasière ,  lui  permellant ,  à 
lui  et  à  l'abbé  ,  de  relâcher  (pielque  chose 
de  celle  pénitence  après  les  trois  premières 
années  ,  si  la  ferveur  du  |iénitent  mérilait 
celte  condescendance.  «  Et  si  lihi,  V(  1  abbali 
videtur  sibi  remittere,  si  hune  observasse  pœni- 
tentiain  videris,  posl  1res  annos  liceal  (Epist. 

XXIX).  I) 

On  voit  danscetexemplecnmtiii'nt,en  même 
temps  que  les  évê(|ues  conspirent  pour  envoyer 
au  pipi!  les  péiiileiits  coupablrs  de<  iiiijiii'lés 
les  plus  énormes,  afin  qu'il  ré^^làt  leur  péni- 
tence,  d'oi'i   vint  la  |)rati(iue  de  réserver  les 


cas  ;  l'usage  plus  fréquent  des  indulgences 
commença  aussi  à  s'introduire.  Car  dans  celte 
espèce,  le  jiape  Alexandre  II  remit  d'abord  la 
moitié  de  la  pénitence  ,  qu'il  dit  lui-même 
avoir  dû  ètrede  vingt-luiitans.  Ensuite  le  pape 
permet  à  l'évêipie  et  même  à  l'abbé  du  monas- 
tère oîi  ce  pénitent  sera  renfermé,  deiiminner 
encore  quelque  chose  des  rigueurs  et  du  temps 
de  celte  pénitence. 

Ainsi  le  pouvoir  des  évèques  à  donner  ces 
sortes  d'indu'gences  demeura  bien  plus  limité; 
et  on  peut  dire  qu'ils  le  limitèrent  eux-mêmes. 
En  effet,  les  évèques  s'étant  remis  au  pape  de 
toute  la  pénitence  de  ces  insignes  pénitents,  ils 
se  dépouillaient  eux-mêmes  de  leur  autorité  : 
et  le  pape  ayant  une  fois  imposé  la  pénitence, 
les  évèques  ne  pouvaient  plus  en  relâcher 
qu'une  partie  par  sa  permission. 

Le  prêtre  dont  nous  parlons  avait  été  envoyé 
à  Home  par  son  évèque,  afin  que  le  pape  réglât 
sa  iiéniteiice  :  «  Ad  judicium  canonicœ  pœni- 
tentitu  suscipiendum.  »  Voici  unexem[)le  dilTé- 
rcnt  d'un  homme  infortuné  qui  avait  donné 
occasion  à  la  mort  de  son  frère  sans  y  penser. 
Les  évèques  de  Périgueux  et  de  Toulouse,  et 
l'abbé  Hugues  lui  imposèrent  une  pénitence 
canoniiiue.  «Cui  licct  condignam  religiovestra 
injiinxerit  et  laudabilem  pœnitentiam.  »  Mais 
ce  pénitent  élant  allé  à  Rome,  le  même  pape 
Alexandre  II  lui  en  ordonna  une  autre  apparem- 
ment phis  douce.  «  Circa  emn  misericoriliae 
viscera_e\hibentes(Epi-t.  xxx),»  et  permit  àces 
mêmes  prélats  de  la  diminuer  encore  si  le  pé- 
nitent manquait  de  forces  ou  de  courage  pour 
l'accoinplir  entièrement.  «  Hiec  omnia  illi  ita 
injunximus,  ut  si  inlirmitatem  ejus  hœc  mi- 
nime ferre  possc  providentia  veslra  prœsense- 
ril,  liicntiam  habeat  miscrendi ,  prout  pla- 
cuerit.  » 

Il  y  a  bien  plus  de  sujet  de  s'élonner  de  ce 
(|iie  ce  même  pape  ayantimposé  une  pénitence 
de  sept  ans  à  un  père  infortuné  (jui  avait  tué 
son  propre  fils   contre   sa  volonté,  et  lui  en 


DES  INDULGENCES. 


419 


ayant,  ?elon  la  coufiime,  déferniinô  toutes  les 
austérités  en  détail,  permit  à  la  fin  que  non- 
seulement  l'évèque ,  mais  aussi  un  prêtre 
vertueux  pût  les  modérer.  «  Si  quis  autem 
episcopus,  vel  religiosus  presbyler  causa  pie- 
talis  ali(]uid  sibi  relaxare  voluerit,  hoe  ei  ;ipo- 
stiilica  autoriliite  concedimus  (Eiiist.  xxxvii).  » 

On  connaît  par  ces  exem[)les,  que  les  prêtres 
mêmes  ou  les  curés  et  les  abbés  avaient  quel- 
que part  au  pouvoir  de  relài  her  quelque  chose 
des  pénitences  décernées  par  le  pape  même. 

II.  Les  évêques  en  usaient  entre  eux  de  la 
même  manière.  Car  Tévèque  de  Séez  ayant  ré- 
glé la  pénitence  dun  cruel  assassin  qui  avait 
ôté  la  vie  à  trois  hommes  qui  allaient  au  Mont- 
Saiiit-Miiliel,  lui  donna  en  même  tenii>s  des 
letrrts,  par  lesquelles  il  permettait  à  (juel(|ue 
évêque  que  ce  fût  de  remettre  quelque  chose 
de  cette  pénitence.  «  Cui  ex  more  pœniteniia 
injuncta.  commonilorias  litteras  sibi  tradidit^ 
ut  si  quis  episcopus  pietate  motus  misericor- 
diam  ci  vellet  impendere,  potistattm  habere, 
quantum  vellet,  ipsi  ignoscere  'Epist.  ix).  » 

Voilà  ce  que  nous  apprenons  d'une  lettre  du 
savant  aiche\êque  de  Canlorbéry  Lanfianc, 
qui  donne  cet  avis  à  Thomas,  archevêque 
d'York. 

Le  pape  Grégoire  \II  (L.  i,  epist.  30  se),  con- 
tenta de  prier  l'archeNêque  de  SaUbourg  de 
faire  quflque  grâce  en  ^ue  du  ]ièlerinage  de 
Rome.  «  Pro  amore  sancti  Pétri,  cujus  iimina 
pra>sentium  portitor  requisivit,  studtat  Religio 
tua  viï-ceia  pielatis  sibi  aj  erire  in  quantum 
cum  salule  anim;esua>  vidttur  tibi  pusse  fragi- 
litali  sua?  condescendere.  quatenus  non  p.(eni- 
teateum  tanti  itineris  laborem  subiisse,  etc.  d 

L'archevêque  de  Rouen  et  plusieurs  autres 
évêques  ayant  été  révérer  la  sainte  tunique  de 
Notre -Seigneur  à  Argenteuil ,  en  l'an  tluC 
(Synodicon.  Rotom.,  pag.  149),  y  donnèrent 
l'indulgence  d'un  an,  pour  les  grands  cii- 
mes,  à  ceux  qui  \iendrait.nt  y  faire  leurs  dévo- 
tions; ils  lemirent  la  moitié  de  la  pénitence 
imposée  [lour  des  fautes  légères;  entiu  ils  re- 
lâcbèient  toute  la  jtnitence  à  ceux  qui  par 
leur  négligence  auraient  laissé  mouiir  leurs 
enfants  au-dtssous  de  l'âge  de  sept  ans,  excepté 
le  jeûne  du  vtudrtdi,  dmt  ilspeimirint  n  ême 
que  les  prêtres  pufstnl  faire  grâce  aux  péni- 
tents (|ui  iraient  à  l'église. 

Baroi  iiis  menti e  ([u  en  1117 le  jape  Alexan- 
dre II!  n'en  accoîda  j  as  tant  à  aux  qui  \isite- 
raient  l'Eglise  qu'il  ^fcnaitde  dédier  :  «Anmim 


unum  de  criminalibns,  septimam  parleni  ve- 
nialium  reia\a\it  Raronius,  an.  1177).  » 

III.  Il  est  iuiiul  itablf  (|ue  la  modération  des 
évêques  à  donner  des  indulgences  devait  alors 
être  fort  grande,  puisque  le  (lape  leur  don- 
nait, et  qu'ils  se  donnait  nt  récipioquiuient  les 
uns  aux  autres  la  liberté  de  relâcher  une  par- 
tie des  péniltuces  qu'ils  avaitut  imposées  aux 
pénittuts. 

Cette  sage  retenue  s'était  apparemment  dissi- 
pée quand  le  ceneile  IV  de  Latian,  sous  Inno- 
cent lll.enran  12lo(Can.  lxm), voyant  quel'ex- 
cessive  laciiité  de  d(  nner  les  induigt  neesji  tait 
les  clefs  spirituelles  de  l'Eglise  dans  le  mépris, 
et  détruisait  toute  la  vigueur  et  la  discipline  de 
la  pénitence  :  «  Quia  per  indiscretas  et  super- 
tluas  indulgentias,  quas  quidam  Ecclesiarum 
pra^lati  facere  non  venntur,  et  claves  Ecclesiae 
contemnunlur.et  pœnitentialissati>facti(jener- 
vatur  :  »  Il  ordonna  que  les  é^èques  ne  [lour- 
raient  donner  qu'une  année  d'indulgences, 
le  jour  propre  qu'ils  consacraient  une  église; 
qu'ils  n'en  pouri aient  dt  nnei-  que  quaiante 
jours,  |)ourl'anni\ersaiiede  la  dédicace;  «qua- 
draginta  dies  de  injunctis  pœnitentiis  indulta 
remissio  non  excédai.  » 

Enfin  ce  même  concile  ordonne,  que  pour 
toutes  les  autres  occasions  pareilles,  les  évê- 
ques n'en  pouriaitnt  pas  donner  plus  de  qua- 
rante jours,  pui^qne  le  pa[)e  même  gardait 
alois  la  II  ême  modération,  et  ne  passait  pas 
au  delà  de  ces  bornes,  quoiqu'il  ait  la  pléni- 
tude de  puis?ance.  «  Cum  Romanus  pontifex 
qui  pleniludimm  oLtintt  puttstatis,  hoc  in  ta- 
libus  moderamen  consue\erit  observare.  » 

IV.  Ce  règlement  passa  en  droit  commun, 
puisqu'il  fut  mis  dans  les  décrétâtes,  et  qu'il 
fut  renouvelé  par  le  pape  Bouiface  VIII ,  qui 
défendit  aux  évêques  d'excéder  le  nombre  de 
jours  prescrit  par  le  concile  général ,  dans  les 
indulgences  qu'ils  donneiaiuit.  «Indulgi  nlia', 
qua>  ab  uno,  vel  ]iluiibiis  episcopis,  in  Eccle- 
siarum dedicalionibus,  vel  aliis  quibuscumque 
ca.-ibus  conceduntur,  Aires  non  obtint  nt,  si 
statutum  excesserint  coneilii  gen(ralis(C.  Cum 
ex  eo.  De  poenitent.  C.  Indulgenlia^  in  Sexto. 
De  remissionibus.i  » 

Il  e^t  ceitain  que  ce  nombre  de  quarante 
jours  fut  aflecté  à  l'usage  des  indulgences, 
paice  (|u'il  axait  été  aflecté  à  celui  des  péni- 
tt  nces.  Ou  imposait  aux  iiénitiuts  publies  un 
eeitain  nombre  de  carénées  à  jeûner  en  une 
même  année,  ou  m  plusieurs.  L'indulgence  de 


420 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUINZIÈME. 


quarante  jours  était  la  remise  d'un  de  ces  ca- 
rêmes. 

La  raison  de  la  concession  d'un  an  d'indul- 
gence au  jour  de  la  dédicace  d'une  église, 
était  probablement  pour  obliger  les  mêmes 
pénitents  à  l'anniversaire  de  la  même  dédicace, 
où  on  leur  faisait  encore  queUiue  remise  pour 
l'année  suivante.  En  voici  une  preuve  admira- 
ble, tirée  du  mandement  de  Ponce,  archevêque 
d'Arles,  en  l'an  mil,  où  nous  apprenons  le  dé- 
tail des  peines  canoniques  remises  en  cette 
année  (Spicilegii,  toni.  vi,  pag.  4"27,  441, 
442). 

Ce  fut  à  la  dédicace  de  l'église  de  Montma- 
jour  que  fut  faite  cette  concession.  «  Si  talis 
est,  qui  per  indictam  sibi  pœuitentiam  non  in- 
troeat  in  ecclesiam,  nec  connnunioiiem  corpo- 
ris  Cliristi,  nec  osculum  jjacis  accipiat,  nec  ca- 
pillos  sibi  toodeat  aut  radat,  nec  linum  vesliat, 
nec  feria  secunda,  autquarta,  aut  sexta  aliqnid 
guftet  pra'ter  panem  et  aquam  :  liic  si  ad  di- 
ctam  ecclesiam  venerit  in  die  Dedicationis,  aut 
semel  in  anno,  et  adjutorium  dederit  ad  opéra 
Ecclesiœ  ex  parte  Donnni  nostri  Jesu  Cbiisli  et 
ex  noslra,  sit  absolutus  de  terlia  parte  mnjo- 
rum  peccatorum  unde  pœnitentiam  habet  ac- 
ccplam  usque  ad  ipsum  diem  revertentis  anni, 
et  liabcal  licoiiliain  intrandi  in  lotis  eccle^ias 
per  totum  ipsnm  aniium,  communicandi  et 
pacem  accipiendi,  et  tondendi,  et  radendi,  et 
lini  vesliendi ,  excepto  quadragesimali  tem- 
porc,  et  jejuniis  de  quatuor  temporibus.  Et  si 
tresdies  de  septimana  sunt  ei  veiati  per  pœni- 
tenliam,  unum  reddimus  ei,  ut  comelal  et 
bibat,  quod  ei  Deus  dederit,  duos  alios  jejunet  : 
et  si  duo,  unum  reddinms  ei;  et  si  unns,  il- 
lum  reddimus  ei,  tali  tenore,  ut  pa«cat  très 
paupores.  Dtnique  illos  qui  de  minoribus  pcc- 
catis  sunt  confessi,  et  b:ibeiit  pœniLcntiarii  ac- 
ceplam,  si  venerint  ad  Dedicalion.  m  ecclesiœ, 
aut  semel  in  anno,  cum  adjutoiio  ad  opi-ra 
Ecclesia',  absohinuis  deuiia  inedietale  accepta' 
pœnitentiœ,  usque  ad  unum  annum.  Omni 
anno  abf(dulio  quœ  facta  fuit  in  Dedicatione, 
celebiabilur  unuua  recursione,  si  venerint  |i(e- 
nilentes.  » 

On  voit  clairement  dans  ce  passage  qu'on 
distinguait  les  pénitences  des  grands  ciimes 
et  des  nidiiidres;  qu'on  relâchait  une  année  de 
la  peniience,  i)aice  qu'on  \oulait  convier  les 
pénitents  à  revenir  à  l'anniversaire  de  la  Dé- 
dicace, atin  d'y  obtenir  la  même  remise  des 
peines  canoni(iues;  eulin  que  ces  indulgences 


n'étaient  point  plénières,  non-seulement  parce 
qu'elles  ne  remettaient  qu'une  année  de  la  pé- 
nitence, mais  parce  que  pendant  celte  année 
même  de  remise,  on  devait  encore  accomplir 
une  partie  des  peines  i    posées. 

V.  Ce  fut  sans  doute  ce  concile  IV  de  Latran 
qui  limita  à  quarante  jours  le  pouvoir  que  les 
évêques  avaient  de  donner  des  indulgences,  et 
il  y  fut  obligé,  par  la  profusion  indiscrète  que 
les  évêijues  en  faisaient  souvent,  ce  qui  n'était 
rien  moms  que  détruire  entièrement  toute  la 
vigueur  des  canons  pénitentiaux,  et  de  la  péni- 
tence même. 

Les  évêques  en  usèrent  de  même  envers  ceux 
à  qui  ils  avaient  auparavant  accoutumé  de 
confier  le  pouvoir  d'adoucir  les  pénitences 
canoni(iues,  révoquant  ce  pouvoir,  à  cause  de 
l'abus  qu'on  en  avait  fait. 

C'est  ce  que  nous  apprenons  du  concile  de 
Salsbûurg,  en  1274  (Can.  Lxn),  qui  révoqua 
toute  l'autorité  que  les  archevêques  et  évêques 
précédents  avaient  donnée  aux  moines  de  faire 
des  remises  des  pénitences  canoniques,  «  re- 
missionibus  et  indulgentiis  faciendis,  »  à  cause 
de  l'abus  qu'on  en  faisait,  a  Fratrum  aliqui 
potestate  sibi  tradita  sunt  abusi.  »  Ce  concile 
suspemlit  toutes  les  indulgences  et  toutes  les 
rouises  faites  jusqu'alors  par  les  évêques  pré- 
cédents, ou  par  d'autres,  jusqu'à  ce  que  l'évê- 
que  présent  les  eût  examinées,  et  ensuite  con- 
tirmées. 

Le  concile  de  Ravenne,  en  1314  (Can.  xx), 
fit  la  même  révocation  de  toutes  les  indul- 
gences, que  les  prédicateurs  avaient  publiées 
avec  permission  des  évêques  ou  du  pape,  au 
delà  même  des  bornes  qui  sont  prescrites 
aux  évê(]ues;  ce  qui  tournait  enfin  au  mé- 
pris de  l'épiscopat.  Or  c'étaient  des  personnes 
puissantes  qui  contraignaient  les  évêques 
à  donner  ces  pouvoirs  aux  prédicateurs. 
«  Quia  iiropter  iiotentiam  imporluuitatem , 
nos  et  alii  provinciales  e[)iscopi  nouimllis  per- 
sonis  religiosis  concessimus,  ut  indulgentias, 
ipiando  pra'dicarent,  vel  alias,  possent  annun- 
ti.ue,  etc.  » 

VI.  Le  concile  de  Ravenne,  en  1317  (Can.  xxii), 
donna  à  tous  ceux  qui  étaient  venus  au  concile, 
ou  (|ui  avaient  tavaille  pour  sa  tenue,  (juarante 
jours  d'indulgence  pour  cliacjue  jour  qu'ils  y 
avaient  travaillé.  Le  concile  d'Avignon,  en  1326 
(Can.  iv),  donna  dix  jours  d'indulgence  à  ceux 
<|ni  feraient  une  inclination  de  la  tête,  lorsqu'on 
prononcerait  le  nom  adorable  de  Jésus.  Le  con- 


DES  INDULGENCES. 


m 


cile  de  Béziers,  en  1351  (Can.  i),  en  accorda 
autant,  l'un  et  l'autre  de  ces  conciles  témoi- 
gnant vouloir  seconder  le  décret  de  Grégoire  X, 
qui  avait  exhorté  les  fidèles  à  ce  devoir  de 
piété,  surtout  durant  la  messe. 

Le  concile  de  Lavaur,  en  1368  (Can.  lxxxvii), 
et  celui  de  Narbonne,  en  1394  (Can.  xxvu),  et 
celui  de  Cologne,  en  1423  (Can.  x),  en  accor- 
dèrent de  plusieurs  jours  pour  des  exercices 
semblables  de  piété.  Le  concile  de  Pise,  en 
1409  (Sess.  XXIII ),  donna  indulgence  plé- 
nière  à  tous  ceux  qui  avaient  assisté,  ou  qui 
adhéreraient  au  concile  :  «  Indulgentiam  ple- 
nariam  a  pœna  et  culpa  semel  in  \ita.  "  Le 
pape  y  en  accorda  autant  à  l'article  de  la 
mort. 

Le  pape  Martin  V  donna  la  même  indulgence 
plénière  à  tous  ceux  qui  adhéreraient  au  con- 
cile de  Constance.  (Sess.  cdl).  Ainsi  ce  sont  les 
papes  et  les  conciles  généraux  qui  donnent  des 
indulgences  plénières,  les  évêques  et  même 
les  conciles  provinciaux  n't  n  donnent  que  de 
quelques  jours,  au  plus  de  quarante.  L'arche- 
vêque de  Cnntorbéry,  en  1123,  ayant  publié 
une  indulgence  plénière  pour  tous  ceux  qui 
visiteraient  son  église  cathédrale,  toute  stm- 
blable  à  celle  du  jubilé  de  Rnme,  le  pape 
Martin  V  lui  en  fit  une  correction  fraternelle. 
(Rainald.,  an.  1423.  n.  21.) 

VIL  Le  cardinal  Cusan  étant  légat  en  Alle- 
magne, assura  dans  le  concile  de  Magdebourg, 
en  1450,  que  le  Saint-Siège  ne  se  servait  point 
de  ces  termes,  en  donnant  des  indulgences, 
0  a  pœna  et  a  culpa,  »  mais  bien  de  ceux-ci, 
«omnium  peccatorum  remissionem  ;  »  que 
les  canons  décernant  sept  ans  de  pénitence 
pour  chaque  péché  mortel,  et  même  quatorze 
ans  pour  ceux  qui  sont  plus  énormi  s,  il  était 
très-avantageux  de  satisfaire  à  ces  obligations, 
et  de  se  décharger  des  peines  du  purgatoir-e, 
qui  y  répondent,  par  le  moyen  des  indul- 
gences (Rainai.,  an.  1460.  n.  10.). 

Le  cardinal  Cajelan,  en  1517.  fit  un  traité 
des  indulgences,  où  il  conclut  enfin  de  la  même 
manière  :  «  Est  i^ilur  ecclesiastica  indulgen- 
tia  absolutio  a  poeniientia  injuncta  in  foro  pœ- 
nilentiali  (Rairja'd.,  an.  151".  n.  76.  79  et  an. 
1318.  n.  118).  »  11  y  confessa  aussi  (jue  le  pape 
n'en  pouvait  accorder  que  pour  de  justes 
causes  et  avec  une  juste  mesure,  selon  les  be- 
soins et  la  proportion  des  dispositions  et  des 
mérites,  mais  ([u'il  fallait  toujours  présunur 
en  faveur  du  juge,  s'il  n'y  avait  une  injustice 


tonte  vj.mIjIc  :  «  Pra'suiiiitiir  de  jure  pro  judice 
st'm|iei-,  iiisi  uKiiiifeste  appareat  eri'or,  suppo- 
nens  non  ex  causa  légitima  datani  tantam  in- 
dulgentiam.  a 

Enfin,  ce  savant  cardinal  réfuta  la  préten- 
tion fiivole  des  ennemis  de  l'Eglise,  que  les 
peines  canoniques,  et  par  consé(iuciit  les  in- 
dulgences, ne  sont  que  pour  les  péchés  pu- 
blics; et  il  fit  voir  qu'on  iiniiosail  pour  les 
péchés  secrets  les  pénitences  canoniques  pour 
être  pratiquées  en  secret. 

Ce  fut  donc  avec  beaucoup  de  raison  que  le 
concile  1  de  Milan  ordonna  aux  confesseurs  de 
représenter  aux  pénitents  les  peines  que  les 
canons  décernaient  contre  ces  sortes  de  crimes. 
Car  celte  pratique  sert  au  moins  à  conserver 
encore  le  souvenir  des  pénitences  crnoniques, 
et  l'idée  propre  de  la  nature  des  indulgences 
(Act.  Eccles.  Mediol.,  p.  M.). 

Elle  sert  aussi  à  faire  comprendre  comment 
les  évêques  et  les  Mmples  prêtres  ont  pu  don- 
ner dts  indulgences;  parce  qu'ils  ont  pu  re- 
lâcher une  parlie  dts  ]  eiiits  décernées  j  ar  les 
carions  en  vue  de  la  ferveur  avtc  laquelle  ks 
pénitents  s'y  sounK  liaient.  Mais  con  me  les 
prêtres  n'onl  administré  le  facnnunt  de  péni- 
tence que  par  la  mission  eu  par  la  délégation 
des  évêques,  qui  sont  les  pasteurs  primitifs, 
institués  par  J.-C.  sur  chaque  diocèse,  Its  évê- 
ques ont  été  aussi  les  ministres  et  les  dispen- 
sateurs ordinaires  des  indulgences. 

Les  canons  permettaient  aux  évêques  d'adou- 
cir les  peines  et  les  austérités  imposées  aux 
pénitents,  si  leur  ardente  charité  pouvait  les 
compenser  avec  avantage;  mais  ils  ne  leur 
permettaient  pas  de  les  remettre  entièrement. 
Ainsi  les  évêques  n'ont  j;iniais  eu  le  ]iouvoir 
de  donner  des  indulgences  plénières. 

VllI.  Les  premières  indulgences  plénières 
que  les  papes  aient  données  ont  été  celles  des 
croisades,  pour  animer  les  fidèles  à  la  conquête 
de  la  Terre  sainte.  Mais  ne  pourrait  -  on  ftas 
dire  que  les  travaux  de  cette  pénible  et  sainte 
milice  pouvaient  égaler  les  austéiités  et  les 
rigueurs  de  la  plus  longue  pénitence?  Ainsi 
il  n'y  eut  peut-être  jamais  de  ri  mise  ou  d'in- 
dulgence moins  plénière  que  celle  qui  passe 
pour  la  première  et  le  modèle  des  indulgences 
plénières. 

C'est  peut-être  en  ce  sens  que  Gerson  a  dit 
qu'à  peine  on  donnait  indulgence  ijlénière 
pour  le  passage  de  la  Terre  sainte.  «  Uiide 
plena  indulgentia    vix  solebat  dari  passagi'o 


i^ 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEIZIÈME. 


Terrae  sanctee.  »  (Tom.  2.  p.  3-27.)  Baronius 
dit  qu'avant  les  guerres  de  la  Terre  sainte  les 
papes  ne  donnaient  jamais  plus  d  un  an  d  in- 
dulgence (Baronius,  an.  Il"",  n.  49.). 

On  peut  faire  le  même  jugement  des  imlul- 
gences  plénières,  qui  se  gagnaient  des  lors  en 
allant  adorer  J.-C.  sur  le  tombeau  des  princes 
des  Apôtres.  Les  travaux  de  ce  long  pèlerinage, 
les  prières,  les  aumônes  et  les  autres  exercices 
de  piété,  dont  il  était  accompagné,  donnaient 
un  juste  fondement  de  dire  que  l'indulgence 
même  du  jubilé  ne  remettait  la  peine  des  pé- 
chés qu'en  parlie;  comme  les  anciens  canons 
donnaient  la  liberté  aux  évoques  de  relâcher 
le  reste  des  peines  canoniques,  quand  les  péni- 
tents avaient  commencé  de  s'y  soumettre  avec 
un  amour  si  fervent  et  une  joie  si  sainte,  qu'on 
devait  présumer  que  c'étaient  moins  des  peines 
à  leur  égard,  que  des  plaisirs. 

L'abbé  d'L'sperg  raconte  comment  Pascal  11, 
l'an  1 1 16,  donna  (juarante  jours  d'indulgence  à 
ceux  qui  visiteraient  les  tombeaux  des  Aiiôtres. 
Ain^i  celte  indulgence  même  ne  fut  [las 
d'abord   plénière  (Baron.,  an.   1110,   n.   6.) 


C'était  donc  avec  raison  que  le  pape  Inno- 
cent III,  limitant  à  quarante,  jours  lesinlul- 
gences  des  évolues,  prolestail  que  les  poiitités 
romains  n'excédaient  pas  eux  -  mêmes  cette 
mesure  dans  les  indulgences  qu'ils  donnaient 
pour  les  anniversaires  des  dédicaces  et  autres 
sujets  semblables.  Ainsi  Gerson  a  grande  rai- 
son de  conclure  que  la  dispensalion  des  indul- 
gences doit  être  réglée  par  la  raison,  par  les 
vues  des  besoins  de  l'Eglise,  pour  l'édilicalion 
des  tidèles  et  avec  de  sages  iiroiwrtions  (Ibid., 
ubi  supra). 

IX.  Aussi  Sixte  IV,  dans  les  Extravagances 
communes,  tâcha  de  molérer  les  excessives 
libéralités  d'indulgence  (Extrav.  com.,  l.  v.  tit. 
IX.  c.  'S).  Clément  Vlll  suivit  un  exemple  si 
louable  (Baron.,  an.  847.).  Le  concile  de  Trente 
(Conc.  Trident.,  sess.  23.)  a  souhaité  qu'on  en 
retranchât  tous  les  abus,  et  qu'on  n'en  usât 
plus  qu'avec  la  modération  des  premiers  siè- 
cles, a  Moderationem  juxta  veterem  et  pro- 
batam  in  Ecclesia  consuetudinem  adhiberi 
cupil.  »  (1). 


{!)  Le  pape  Benoit  XIV,  dans  son  savant  traité  de  synodo  diœce-  Siège  n'a  fait  de  telles  concessions.  Une  étude  approfondie  de  celte 

sana^  lib.  XIII,  cap.  18,  et  avec  lui.  tous  les  canonistes  et  les  théolo-  matière,  dans  les  sources  authentiques,  prouve  en  effet  que  les  papes 

giens  les  plus  éminents,  disent  que   les  indulgences   accordées  pour  n'accordent  des  indulgences  que  pour  UQ  petit  nombre  d'années, 
des  aulUers  d'années  sont  de  pures  lictions,  et  que  jamais  le  Saint-  (Dr  ANDRE.) 


CHAPITRE  SEIZIEME. 


DE    LA   PENITENCE    PLBLIQIE    .\PRES    L  AN    MIL. 


1.  Eiemplcs  illustres  de  la  pénitence  publique  de  plusieurs 
grands  princes  avant  leur  mori,  en  France,  en  Angleterre  et  en 
Espapne. 

H.  Divers  exemples  de  la  péuilenre  publii|ue  imposée  par  le 
pape  Innnci'utll  ,i)uiestcnmiiie  le  père  du  droit  canon  nouveau. 

III.  lieni  xions  sur  ces  exemples,  qui  monlient  clairement  que 
la  pénilcncc  publique  n'a  pu  s'effacer  tout  à  fait  dans  ces  der- 
niers siècles. 

IV.  Exemples  des  pénitences  publiques  imposées  par  les  suc- 
cesseur; d'innocent  111. 

V.  Ce  n'est  que  pour  les  crimes  secrets  que  quelques-uns  ont 
ensoi^Mié  que  les  pénilcnees  étaient  arbitraires.  Preuves  tirées 
des  déci étales,  où  les  papes  imposent  toujours  des  pénitences 
publiques  pour  les  péchés  publics. 

VI.  Les  évèqucs  et  les  conciles  particuliers  imposaient  aussi 
des  pénitences  publiques  aux  péchés  publics.  Preuves  jusqu'au 
concile  de  Trente.  •        , 


VII.  Le  concile  de  Trente  ordonne  la  pénitence  publique  aux 
pécheurs  pnb'ics,  avec  permission  k  l'évèqne  d'en  dispenser.  Les 
conciles  de  Milan,  et  ceux  de  France  tenus  après  le  concile  de 
Trenle  eonfiriuent  ce  décret. 

VIII.  Do|iuis  le  concile  de  Trente  les  prèlrcs  peuvent  imposer 
des  pénitences  publiques. 

IX.  Les  princes  mêmes  avaient  demandé  le  rétablissement  de 
la  pénitence  publique. 

X.  Couformilé  de  l'Eghse  grecque  avec  la  latine. 

I.  Comme  c'est  principalement  stn-  le  péni- 
tencit  r  (|ue  l'évèqne  s'est  toujours  reposé  du 
soin  des  pénitences  publiques,  c'est  ici  le  lieu 
d'eu  parler.  Je  ne  sais  si  l'on  pourrait  mettre 
entre  les  pénitences  publiques,  ou  demi-publi- 


DE  LA  PENITENCE  PUBLIUIE. 


•i23 


qiies,  celles  que  les   grands  mêmes  faisaient 
qucI(]iiefois  à  l'article  de  la  moi  t. 

L'abbé  Siiger  raconte  que  Louis  le  Gros , 
roi  de  France,  étant  pressé  des  atteintes  de  la 
nioit,  se  confessa  publiquement  à  une  assem- 
blée d'évèqucs,  d'abbés  et  de  prêtres,  et  reçut 
ensuite  l'eucharistie  :  «  Convocat  episcopos  et 
abbates,  et  multos  Ecciesiœ  sacerdoles,  qu;erit, 
rcjecto  pudure  omni,  coram  devotissime  con- 
fileri,  etc.  (Du  Chesne,  tom.  iv,  p.  320).  »  11  en 
échappa  alors,  mais  une  rechute  l'ayant  enfin 
réduit  à  l'extrémité,  il  se  confessa  encore  à 
Lévêque  dePaiis  et  à  l'abbé  de  Saint- Victor, 
qui  était  son  confesseur  ordinaire,  «  Cui  fimi- 
liarius  confitebalur;  »  il  voulut  être  mis  sur  la 
cendre  et  y  mourir  (Baron.,  an.  1136). 

On  eût  pu  mettre  au  rang  des  pénilences  pu- 
bliques l'action  que  le  roi  de  France,  Phi- 
lippe 1",  avait  eu  la  pensée  de  faire  et  à  laquelle 
le  saint  abbé  de  Chmy,  Hugues,  l'avait  forle- 
ment  exhorté,  de  quitter  son  sceptre  et  sa  cou- 
ronne et  de  se  retirer  dans  le  monastère  de 
Cluny,  si  cette  généreuse  resolution  avait  été 
exécutée. 

Cet  abbé  assure  dans  la  lettre  qu'il  écri\it  à 
ce  roi,  qu'on  avait  appelé  l'abbaye  de  Cluny, 
l'asile  des  péniienls.  «  Quam  patres  nostri  asi- 
lum  pœnitentium  nominaverunt  (Spicileg., 
tom.  n,  p.  401j;»  que  le  rui  Philippe  même  lui 
avait  autrefois  demandé  s'il  y  a\ail  jaunis  eu 
un  roi  qui  se  fût  fait  moine  :  «  0  ma.iiiie  amice, 
recordamini,  quia  me  aliquando  inlerrngaslis  : 
An  aliquis  unquam  de  regibus  faclus  fuerit 
monacbus,  »  et  qu'il  lui  avait  répondu  que  le 
roi  Contran,  après  avoir  renoncé  aux  \aiues 
grandeurs  du  monde,  avait  embrassé  la  vie 
monastique,  et  qu'il  ne  pouvait  lui-même  faire 
une  sincère  pénitence  ni  plus  sûrement,  ni 
plus  facilement  que  par  une  glorieuse  et  sainte 
retraite  dans  le  cloître,  où  il  serait  reçu  et 
servi  en  roi,  et  où  l'état  monastique  lui  st;r\i- 
rait  de  degré  [lour  s'élever  à  un  royaume  céleste 
et  éternel. 

«  Mutale  vitam,  corrigite  mores,  appropiu- 
quate  Ueo  per  veram  pœnilenliam  et  coiiver- 
sionem  perfectam.Quum  videlicet  pœnitentiarn 
vel  conversionem,  née  faciliori,  utcredinnis, 
nec  certiori  via  potestis  apprehendere,  quam, 
quod  midlum  voluinus  et  optamus,  niona- 
chica  protessione.  Et  nos  parali  surnus,  vos  ut 
regein  habere,  ut  regem  tractare  ,  ut  régi 
servire;  et  pro  vobis  régi  regum  devolius 
supiilicare.  ut  vos  propter  se  ex  rege  nioua- 


liiuni .  e\  niiinaco  lu  regem  per  se  restilLiat.  » 

Le  prêtre  BerloMe  raconte  en  l'an  109-2, 
qu'Alphonse,  roi  d'Espagne,  vivait  connue  un 
religieux  de  (Juny,  «  In  convtrsatione  abba- 
tis  Cluniacensis  obedienliarius  ;  »  et  qu'il  eût 
quitté  le  sceptre  pour  prendre  l'habit  monas- 
tique à  Cluny  ,  si  l'abbé  de  (;!uny  n'eût  estimé 
Iilus  avantageux  à  l'hglise  de  le  retenir  sur  un 
trône  qu'il  remplissait  si  saintement.  «  Qui 
etiam  jamdudum  se  ibidem  monachum  fecis- 
set,  si  dominus  abbas  ad  lempus  eum  sub  sae- 
culaii  habitu  retiuere  nonsaliusjudicaret.  » 

Matthieu  Paris  raconte  comment  l'évêque  de 
Chester,  en  Angleterre,  avant  sa  moit,  se  con- 
lessa  de  tous  ses  crimes  devant  tous  les  abbés 
et  tous  les  prieurs  de  Normandie  qu'il  put 
assembler,  demanda  pour  [lénilence  les  peines 
du  purgatoire  jusqu'au  jour  du  jugement,  et 
voulut  mourir  dans  l'habit  même  des  religieux 
qu'il  avait  injustement  persécutes  (Anno  ll<.»8). 
Cuilaume  de  Malmesbury  raconte  la  mort  de 
Henri  I,  roi  d'Angleterre,  d'une  manière  fort 
semblable;  il  se  confessa  publitiueinent  devant 
tous  les  évèques,  et  reçut  leur  absolution 
durant  trois  jours.  «  Tertio  eum  et  |ier  tri- 
duuin  absolvimus.  » 

Le  jeune  roi  Henri,  fils  de  Henri  H,  roi 
d'Angleterre,  confessa  publiiiuementses  impié- 
tés précédentes,  se  mit  une  corde  au  cou,  et 
voulut  qu'elle  servît  a  le  traîner  de  son  lit  sur 
la  cendre.  «  Convocatis  episcojiis  et  viris  reli- 
giosis  qui  adeiant,  pnmum  secreto,  deinde 
coiam  omnibus  sua  confessus  peccata,  pœni- 
tenliam  et  suorum  recepit  absolutionem  pecca- 
toruni,  etc.  Ligalo  fune  in  collo  suo,  dixit 
episcopis  :  Trahite  me,  etc.  Et  fecerunt  sicut 
prœcepit,  etc.  (Histor.  Novella,  1.  i,  p.  nsj.  » 

C'est  ce  qu'en  dit  Roger  (p.  0-20,  «oi),  qui 
fait  ensuite  un  récit  presque  semblable  de 
llenii  il  même,  «  Fecit  se  deferri  in  ecdesiam 
aille  allare ,  et  ibi  conimunionem  corporis  et 
sanguinis  Doniiui  dévote  suscepit,  conlitens 
iKCcala  sua  et  ab  episcopis  et  clero  absoiutus 
obnt.  » 

C  etjit  la  coutume  des  anciens  pénitents 
illustres,  soit  évèques,  ou  rois,  ou  autres,  non- 
seulement  de  mourir  sur  le  ciliée  et  la  cendi'e, 
mais  de  venir  recevoir  les  derniers  sacremenls 
dans  1  Eglise,  et  d'y  recevoir  l'abjolutiuii  ou 
l'absoute  de  plusieurs  évèques  qui  s'y  trouvaient 
[irésents  a  leur  pénitence  publique.  Les  absoutes 
sont  deineuiéis  aux  obsè  pies. 

Le  mèine  Koger  parlant  ensuite  de  Richard, 


42i 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEIZIÈME. 


roi  d'Angleterre,  fils  et  successeur  de  Henri  II, 
et  nous  représentant  la  pénitence  piibli(]ue 
qu'il  fit  devant  les  évêines  étant  en  parf;iile 
santé,  l'an  1100,  nous  donne  sujet  de  f.iire 
cette  réflexion,  que  ces  pénitences  publiques 
qu'on  faisait  aux  approches  de  la  mort,  étaient 
les  mêmes  qu'on  avait  toujours  faites,  et  qu'on 
faisait  encore,  sans  être  menacé  d'aucune 
maladie. 

«  Convocatis  in  unum  universis  archiepisco- 
pis  et  episcopis  suis,  nucius  procidens  ad  pedes 
eorum,  vitœ  suœ  fœdilatem  coram  illis  Deo  con- 
fiterinon  erubuit.  Vêpres  enim  libidinum  ex- 
cesserantcaput  illius,  etc.  A  prœdiclis  episcopis 
pœnitentiam  recepil,  et  ab  illa  hora  deinceps 
factusest  vir  timens  Deum,  etc.  (Id.,p.  681).  » 

Enfin,  Roger  rapporte  ailleurs  le  décret  du 
concile  d'York,  en  1195,  qui  porte  que  les 
auteurs  des  parjures,  alors  si  communs  et  si 
pernicieux,  iraient  recevoir  la  pénitence  de 
i'évêque ,  ou  du  confesseur  général  du  diocèse, 
c'est-à-dire  du  pénitencier;  qu'à  l'extrémité  de 
la  vie  on  leur  insinuerait  seulement  la  péni- 
tence, mais  on  leur  ordonnerait,  s'ils  recou- 
vraient la  santé,  d'aller  recevoir  la  pénitence 
de  révêijue  ou  du  pénitencier.  «  In  extremis 
laborantibusinsinuauda,  non  imponenda  pœni- 
tentia  est,  eisque  firmiter  injungatur,  ut  si 
vixerint,  episcopum  vel  generalem  diœcesis 
confessorem  adeant,  ut  eis  pœnitentia  compe- 
tens  imponalur.  » 

J'aurais  pu  joindre  à  ces  exemples  des  rois 
d'Angleterre ,  celui  de  Suenon,  roi  de  Dme- 
mark,  rapporté  par  Saxon  le  grammairien, 
dans  son  X°  livre.  La  colère  avait  transporté 
ce  prince  à  une  horrible  cru  uité  contre  (juel- 
ques-uns  de  ses  seigneurs.  Le  généieuv évolue 
de  Ro^kild,  Guillauine  ,  persuadé  qu'il  avait 
trouvé  un  autre  Théodose,  lui  fermi  la  porte 
de  l'Eglise.  Ce  roi  répondit  à  la  bonne  opinion 
que  le  prélat  avait  de  lui,  et  fit  la  pénitence 
publique  de  son  crime  d'une  manière  si  édi- 
fiante, que  les  historiens  ont  élé  forcés  de 
confesser  que  cette  humiliation  volontaire  a 
été  le  plus  haut  comble  de  sa  gloire.  Baronius 
met  la  mort  de  ce  roi  en  10G7. 

Le  roi  Eric,  de  Danemark,  expia  par  le 
voyage  de  la  Palestine,  les  meurtres  qu'il  avait 
commis  dans  le  transport  de  sa  fureur,  excitée 
par  un  joueur  de  lulh,  dont  il  avait  voulu 
éprouver  la  périlleuse  habileté.  C'est  le  même 
Sixon  le  grammairien  qui  rapporte  cela  dans 
le  livre  XIP. 


Les  rois  d'Espigne  n'ont  pas  donné  des  témoi- 
gnages moins  illustres  de  leur  piété,  dans  les 
extrémités  de  la  vie.  Roderic,  archevêque  de 
Tolède,  raconte  comment  le  roi  Ramir  fit  sa 
confession  publique  aux  évêques  et  aux  ab- 
bés, reçut  l'Eucharistie,  se  dépouilla  de  son 
royaume,  et  mourut  ensuite.  «  Facta  confes- 
sione  episcopis  et  abbatibus  qui  secum  aderant 
(Rodericus,  1.  v,  c.  8.  1.  vi,  c.  -il.  Mariana, 
1.  IX,  c.  5).  » 

Le  roi  Ferdinand  suivit  les  mêmes  traces. 
«  Vocatis  episcopis  et  abbdibus,  et  viris  reli- 
giosis,  una  cum  eis  fecit  ad  ecclesiam  se 
deferri,  etc.  Exutus  regalibus  ornamentis,  pro 
venia  exorabat,  et  recepta  ab  episcopis  pœni- 
tentia, et  grdtia  ultiiTit-e  unctionis,  indutus  cili- 
cio  et  conspersus  cinere ,  duobus  diebus  in 
pœnitentia  atque  lacrymis  supervixit.  » 

Je  ne  m'arrêterai  p  is  à  une  infinité  d'autres 
exemples  jjareils  et  plus  récents  de  pénitents 
qui  ont  fini  par  se  faire  enterrer  avec  1  habit 
de  quelque  religion  réformée,  pour  rendre  au 
moins  ce  dernier  respect  à  la  pénitence  publi- 
que, dans  laquelle  on  souhaiterait  avoir  vécu, 
et  des  précieuses  dépouilles  de  laquelle  on 
tâche  au  moins  de  se  revêtir  avant  la  mort. 

11.  Je  passe  à  la  pénitence  publique,  dont 
l'usage  n'a  jamais  été  entièrement  aboli  pour 
les  fautes  publicjues  ;  on  en  a  vu  dans  ces  der- 
niers siècles  mêmes  des  exemples  illustres,  et 
les  lois  ecclésiastiques  ont  toujours  tendu  à  la 
conserver,  ou  à  la  réiablir. 

Matthieu  Paris  représente  la  confession  et  la 
pénitence  pubique  de  Henri  II,  roi  d'Angle- 
terre, pour  avoir  donné  occasion  à  la  mort  de 
saint  Thomas  de  Gant  nbéry  par  quelques  pa- 
rolesinconsidérées;  «AbeiiiscOi)isquitunc  prae- 
sentes  erant,  absolutionem  petiil,  carnenique 
suam  nudain  disciplinœ  virgarum  supponens, 
a  singulis  viris  religiosis,  quorum  multitudo 
magna  convenerat ,  ictus  ternos ,  aut  quinos 
excepit  (Paris.,  an.  117). 

Le  pape  Innoeent  III  décerna  une  pénitence 
publi(iue  à  l'écossais,  qui  avait  coupé  la  langue 
à  un  évêque,  ordonnant  outre  la  satisfaction  et 
la  discipline  à  la  porte  de  l'Eglise,  plusieurs 
jeûnes  et  la  croisade  pour  trois  ans,  sans  pou- 
voir jamais  porter  les  armes  contre  les  chré- 
tiens, «  arma  de  ca'tero  contra  christianos 
minime  assumpturus  :  »  enfin  permettant  aux 
évêques  de  relâcher  quelque  chose  des  ji-ùnes 
qu'il  lui  avait  prescrits.  «  Nisi  forte  per  indul- 
genliam  alicujus  discreti  pontiûcis,  vel  propter 


DE  LA  PÉXITENCE  PUBLIQUE. 


423 


debilitatem  corporis ,  vel  propler  fervoreni 
aestitis  hœc  ab>tioeatia  teinperelur  (Rainald., 
an.  li>02,  n.  10,  11).» 

L'évèque  des  Orcades  avait  envoyé  ce  péni- 
tent au  pape,  le  pape  le  lui  renvoya  avec  ce 
règlement  de  pénitence  ,  afin  qu'il  la  lui  fit 
observer.  «  Injunctam  sibi  pœnitentiani  cum 
facias  observare.  » 

En  la  même  année  ce  pape  imposa  une  péni- 
tence presque  semblable  à  celui  qui  avait  tué  sa 
fille  et  sa  femme,  y  étant  comme  forcé  par  les 
Sarrasins  pendant  une  famine;  mais  ce  pape  y 
ajouta  ces  deux  ou  trois  points  renvtrqu  ibies, 
de  ne  pouvoir  jamiis  se  mirier,  de  n'assister 
jamais  à  des  spectacles  publics  et  de  dire  cent 
fois  le  jour  l'oraison  dominicale,  en  faisant 
autant  de  génuflexions.  «  Sine  spe  conjugii 
perpetuo  perseveret  ;  et  publicis  luJis  nun- 
quam  intersit;  Orationem  Dominicam  cenlum 
vicibus  dicit  in  die,  ac  loties  genuflectat.  » 

Enfin,  ce  fut  la  même  année  que  ce  pape 
écrivit  à  l'archevêque  de  Lyon  de  renfermer 
dans  un  monastère  les  clercs  complices  d'un 
crime  qui  méritait  la  pénitence  publique. 

L'année  suivante  ce  pape  imposa  des  peines 
et  des  conditions  encore  plus  sévères  à  ceux 
qui  avaient  tué  l'évèque  de  Wirsbourg  ;  de  ne 
porter  jamais  les  armes  que  contre  les  Sarra- 
sins, si  ce  n'est  pour  défendre  leur  vie  :  «  Nun- 
quam  de  cœtero,  nisi  contra  Saracenos,  vel  ad 
defensionem  vilae  suae  armis  utantur;  »  de 
n'assi?ter  jamais  à  des  spectacles  publics,  de 
ne  pouvoir  se  remarier  après  la  mort  de  leurs 
femmes,  «  ad  publica  speclacula  non  accédant, 
et  conjugati  non  contrahant  post  mortem  uxo- 
rum;  »  de  jeûner  trois  carêmes  chai|ue  année, 
avant  Noël, avant  Pâques  et  après  la  Pentecôte, 
enfin  de  ne  communier  qu'à  l'article  de  la 
mort.  «  Corpus  Dommi  nisi  in  ultimo  mortis 
articulo  recipere  non  preesumant  (Rainald., 
an.  1-203,  n.  45,  46).  » 

111.  Comme  ce  pape  passe  avec  raison  pour 
le  père  du  droit  canon  nouveau  et  que  la  |)lus 
grande  partie  des  décrétales,  qui  règlent  depuis 
cinq  cents  ans  la  discipline  de  l'Eglise,  sont 
émanées  de  sa  savante  plume,  on  peut  conclure 
de  là,  que  la  pénitence  publique  ne  peut  pas 
avoir  été  effacée  des  mœurs,  ou  au  moins  des 
lois  de  l'Eglise  dans  ces  derniers  siècles.  Aussi 
les  résolutions  que  nous  venons  de  rapporter 
de  ce  pape,  contiennent  les  points  les  plus 
importants  de  l'ancienne  sévérité  de  la  péni- 
tence. 


C'étiil  1°  De  ne  pouvoir  plus  porter  les  armes. 
2°  De  ne  pouvoir  se  trouver  aux  spîcticles,  aux 
festiiis,ou  auxdivertisseuKmts  publics.  3°  D'être 
obligé  à  une  continence  perpéluelle.  Et  c'est 
de  là  que  sont  venus  ces  empêchements  du 
mariage,  qui  empêchent  de  lecnntracter,  mais 
qui  ne  le  rompent  pas  après  qu'il  est  contracté. 
Ce  sont  des  crimes  énormes ,  et  ceux  qui  en 
sont  coup  ibles,  ne  peuvent  plus  se  marier  après 
la  mort  de  leurs  femmes.  -4°  Déjeuner  plusieurs 
carêmes  chaque  année.  Ce  sont  ces  quarante 
jours  de  pénitence  qu'on  imposait  ordinaire- 
ment aux  pénitents,  et  (jue  les  évoques  et  les 
papes  mêmes  remettaient  aussi  plus  ordin  lire- 
ment  par  leurs  indulgences.  D'où  il  est  bon  de 
remarquer  en  passant,  que  les  pipes  ne  don- 
nant le  plus  souvent  que  cette  indulgence,  ou 
cette  remise  d'un  carême,  et  les  évètjues  n'en 
donnant  jamais  davantage,  c'était  une  admi- 
rable retenue,  dans  la  dispensation  du  trésor 
spirituel  des  indulgences,  puisqu'eu  ce  temps- 
là  la  règle  était  d'imposer  sept  ans  de  pénitence 
pour  chaque  péché  mortel.  5°  D'être  enfermé 
dans  des  monastères  pour  y  faire  pénitence. 
(j"  Les  disciplines  dont  il  a  été  parlé,  sont  les 
restes  de  cet  échange  des  peines  canoniques, 
qui  se  lit  au  temps  de  Pierre  Damien,  et  de 
Dominique  le  Cuirassé.  7°  Ces  prières  si  souvent 
réitérées  qu'on  imposait  aux  pénitents,  [leuvent 
servir  à  fermer  la  bouche  à  ceux  qui  n'ont  pas 
assez  de  respect  pour  les  rosaires  et  pour  les 
chapelets,  dont  l'usage  a  depuis  été  si  commun 
et  si  salutaire  à  tous  les  fidèles,  mais  si  néces- 
saire à  ceux  qui  ne  savent  pas  même  lire  les 
psaumes.  8°  Ce  pape  renvoyant  aux  évèques  les 
pénitents  qu'ils  lui  ont  envoyés,  leur  permet 
de  rem  ttre  une  partie  des  pénitences  qu'il 
leur  a  imposées.  Cette  déférence  mutuelle  est 
le  lien  indissoluble  de  la  concorde  et  de  l'unité 
de  l'épiscopat.  11  n'est  pas  étrange  que  les  indul- 
gences du  pape  aient  été  publiées  par  toute 
l'Eglise,  puisque  le  pape  témoignait  aussi  tant 
de  déférence  pour  les  évêques. 

l\.  Le  pape  Honoré  111,  successeur  d'Inno- 
cent 111,  prescrivit  une  pénit-^nce  toute  sem- 
blable aux  déte4ables  parricides  de  l'évèque 
du  Puy,  en  l'an  1-2-20,  ajoutant  seulement  cette 
circonstance  nouvelle  et  remarquable,  que  si 
après  avoir  jeûné  trois  carêmes  avec  les  morti- 
ficitions  et  les  humiliations  qu'il  leur  avait 
ordonnées,  ils  entraient  dans  l'ordre  des  Char- 
treux, ou  de  Cîteaux,  ils  seraient  quittes  du 
reste  de  leur  pénitence.  «  Si  post  très  Quadra- 


436 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEIZIÈME. 


gesimas  prfpdicto  modoperactasad  Cartljusit'n- 
sem,  vfl  Cisterciensem  ordinem  Iransierit, 
erit  a  supradicta  pfrniteulia  excusatus  (Rai- 
nakl.,  an.  l'2-2(),  n.  ;jOj.  » 

L'an  li>2:>  ,  ce  pape  décerna  presque  les 
mêmes  peines  contre  ceux  qui  traiteraient  avec 
outrage  les  cardinaux  (Hainald.,  an.  l-2-2.">, 
n.  53;  an.  1220,  n.  48;  12-28,  n.  2.j;  4235, 
n.  19).  Le  pape  Grégoire  IX,  (pii  publia  les 
cinq  livres  des  décrélales  du  droit  nouveau  de 
l'Eglise,  ordonna  une  pénitence  presque  sembla- 
ble à  celles  d'Innocent  111,  a  un  prince  du  sang 
royal  dePortugal,  en  l'an  1239. 11  y  ajouta  l'ubsti- 
neuce  de  la  viande  tous  les  samedis,  si  ce  n'est 
que  le  jour  de  Koël  tombât  un  samedi  (Hai- 
nald., an.  1239,  n.  01,  etc.,  an.  1240,  n.  30,  37.) 

Les  annales  de  l'Eglise  ne  nous  ont  conservé 
que  les  exemples  des  plus  grands  crimes,  dont 
la  pénitence  publique  et  solennelle  a  été  réglée 
par  les  papes,  parce  que  les  pénitents  recou- 
raient eux-mêmes  à  Home,  ou  parce  que  les 
évêques  les  y  envoyaient;  comme  il  est  aisé  de 
rein:in|uer  dans  les  exemples  que  je  viens  de 
rapporter,  ou  entin  parce  (jue  le  pajie  se  réser- 
vait les  grandes  causes. 

L'an  1240,  le  duc  de  Lancitie  ayant  fait 
étrangler  le  Seolastique  de  Hreslau,  l'arcbevê- 
que  de  Gnesne  le  mit  à  la  pénitence  publique, 
et  lui  donna  enfin  l'absolution,  mais  à  condi- 
tion qu'il  lu  ferait  conlirmer  |)ar  le  |)a|)e. 

L'an  1252,  le  jiape  Innocent  IV  donna  tous 
les  pouvoirs  apostoli(|ues  à  l'évêque  d'Avignon 
pour  l'absolution  des  cas  réservés  au  Sainl-Siége 
et  pour  dispenser  des  vœux,  excepté  celui  de 
religion ,  et  avec  cette  restriction ,  que  les 
crimes  les  plus  énormes  seraient  réservés  au 
Saint-Siège.  «  lllos  (luorum  fueril  gravis  et 
eiiormis  excessus,  mil  tas  ad  Sedrm  Apostoli- 
cam  absolvendos.  »  Simon  de  Monifort  obtint 
enfin  l'absolution  du  pape,  a|)res  s'être  volon- 
tiiiiement  laissé  enfermer  dans  une  rigoureuse 
prison  (Hainald.,  n.  30). 

Clemi-nt  V  délia  (aiillainue  de  Nogaret  qui 
avait  conuuis  des  excès  si  inouis  contre  la  per- 
sonne de  Boniface  Vlll,  en  lui  imposant  pour 
pèmtence  les  pehuiniiges  de  Notre-Dame  de 
Vaiivcrl,  de  Hocamailour,  du  Puy,de  Huu- 
Idgiiesur-mer,  de  Chartres,  de  Saint-Gilles,  de 
Montmajour,  de  Saint-Jacques,  et  ensuite  de 
liorter  les  armes  oulre-mer  (Hainald.,  an.  1273, 
n.  42,  43;  an.  1311,  n.  10;  an.  1319,  n.  13; 
an.  1330,  n.  52;  au.  1339,  n.  08;  an.  1J45, 
n.  13;  au.  1391,  a.  4). 


Ces  pèlerinages  commençaient  à  être  substi- 
tués à  d'autres  austérilés  qu'on  avait  autrefois 
estimées  plus  utiles. 

Jean  XXll,  en  l'an  1319,  réglant  la  pénitence 
de  l'infâme  parricide  d'un  évêque,  outre  les 
fustigations  ordinaires  aux  portes  de  l'église, 
déclara  sa  postérité  incapable  de  bénéfices, 
jusqu'à  la  quatrième  génération  ;  l'obligea  de 
aire  trois  fois  le  iièlerinage  de  Rome,  une 
fois  celui  de  Compostelle,  de  jeûner  tous  les 
vendredis  au  pain  et  à  l'eau  et  de  s'abstenir  de 
viande  tous  les  mercredis,  laissant  à  son  évê- 
que diocésain  de  lui  imposer  d'autres  peines. 

Ce  sont  là  à  peu  près  les  (loints  les  plus  con- 
sidérables des  pénitences  im[)0sées  après  l'an 
mil  trois  cent  ,  dont  nous  nous  contenterons 
de  citer  les  endroits  dans  les  Annales  ecclésias- 
tiques de  Hainaldus,  sans  qu'il  y  soit  plus  parlé, 
ni  de  ne  pouvoir  plus  se  marier,  ni  de  n'assis- 
ter jamais  aux  divertissements,  ou  aux  spec- 
tacles publics ,  ni  de  ne  plus  porter  les  armes 
que  contre  les  infidèles,  ni  de  se  retirer  dans 
un  monastère,  ni  de  ne  participer  à  l'Eucha- 
ristie qu'a  l'article  de  la  mort. 

V.  Il  ne  se  peut  rien  ajouter  à  la  diligence 
avec  laipielle  le  père  Morin  a  fait  voir  que, 
dansleXIlP  siècle,  le  plus  grand  nombre  des 
docteurs  et  des  pénitenciers  mêmes  étaient 
persuadés  que  les  pénitences  étaient  arbitraires 
à  la  discrétion  du  confesseur,  qui  devait  tou- 
jours proposer  les  pénitences  canoniques  sans 
toutefois  y  astreindre  les  pénitents  i,De  Pœuit., 
1.  X,  c.  2o',  52). 

Mais  ce  savant  homme  remarque  excellem- 
ment. 1°  Que  les  papes  imposaient  toujours  les 
pénitences  conformément  aux  canons,  lors- 
(pi'ils  étaient  consultes,  ou  que  les  pénitents 
venaient  se  jeter  à  leurs  pieds.  «  Sunuui  pon- 
tiflces  interrogati  de  pœnitentia  variis  crimini- 
bus  imponenda,  secundum  antiques  canones 
respondere  ad  bue  soltbant.  » 

2°  Que  les  plus  habiles  docteurs  enseignaient 
que  la  doctrine  ties  pénitences  arbitraires  ne 
pouvait  avoir  lieu  que  pour  les  péchés  secrets, 
et  non  pas  pour  ceux  qui  sont  publics.  «  Insi- 
gnes et  célèbres  doctores,  illas  pœnitenliarum 
relaxationes  de  ciiiniiiibus  occultis  esse  iiiter- 
prelandas,  non  de  publicis  prsedicabant  etscri- 
bebant.  » 

Ces  deux  remarques  se  justifient  jiar  les 
décrélales  de  Grégoire  IX,  publiées  environ 
l'an  1230,  pour  servir  de  règle  aux  jugements 
ecclésiastiques,  tant   pour   les   péuitenceries. 


DE  LA  PÉNITENCE  PLT.LIQUE. 


427 


que  pour  les  officialilés.  Le  pape  CIouilmiI  111, 
et  (lit  consulte  sur  les  prêtres  grecs  qui  sont 
maries,  s'il  fuit  leur  iinp()<er  la  pénitence 
piihliijue  pour  leurs  euTiuls  étouUés,  «  l'truni 
pœnitentia  publica  sit  imponenda;  »  répou  lit 
que,  si  par  leur  négligence  les  enfants  avaient 
été  étoutré»  dans  le  lit,  il  fallait  leur  imposer 
une  pénitence  plus  grande  qu'aux  laïques, 
mais  non  pas  [jublique,  si  ce  n'est  que  la  faute 
fût  |utl)li(iue.  »  Uraviorquain  laicis,  nu:i  tauien 
publica,  nisi  id  in  pnblicum  veniat,  pœnilenlia 
débet  iniponi  (Décret.,  1.  v,  tii.  38,  c.  vu).  » 
Que  si  les  enfants  étaient  trouvés  morts  dans 
le  berceau,  avec  quelque  fuite  de  leur  part, 
mais  secrète,  le  pénitencier  leur  imposerait 
une  péuilence  arbitraire.  «  Si  e.v  incuria  ipso- 
rum  morlui  inveniantur  in  cunis,  et  illiid  fue- 
rit  occultum,  eis  |)œnitentia  pro  arbitrio 
pœnitentiarii  imponitur.  » 

Vodà  manifestement  la  pénitence  [lublique 
et  canoniiiue  pour  les  crimes  publics,  et  la 
pénitence  arbitraire  selon  le jugementdu  péni- 
tencier pour  les  ciimes  occultes. 

En  un  autre  endroit  un  calomniateur  est 
condamné  à  sept  ans  de  pénitence,  selon  le 
décret  de  Burchard,  s'il  a  causé  la  mort  à 
quel|u'un,  à  jeûner  trois  carêmes,  s'il  lui  a 
seulement  fait  perdre  quelque  membre.  «  Se- 
ptem  sequenlibus  annis  pœnileas,  etc.  Per  très 
debes  Quadragesimas  pœnitere,  etc.  (L.v,  tit.  1, 
c.  8;  tit.  [i,  c.  Il;  tit.  2(i,  c.  2;  tit.  28,  C.  ii,  i).  » 
Ailleurs  la  pénitence  est  imposée  à  celui  ijui 
aurait  tué  un  voleur,  selon  le  pénitentiel  ro- 
main, qu'on  sait  avoir  été  dressé  au  temps  des 
pénitences  canoniques. 

Les  blaspbémateurs  sont  soumis  par  le  pape 
Grégoire  IX,  à  une  pénitence  publique  à  la 
porte  de  l'église.  Celui  qui  a  ravi  la  vie  a  un 
prêtre,  est  condamné  à  une  pénitence  de  douze 
ans  selon  les  canons,  sans  pouvoir  jamais  pré- 
tendre après  cela,  ni  à  la  milice,  ni  au  mariage. 
«  Qui  presbyteium  occiderit,  XII  annorum 
pœnitentia  ci  secnnduiu  canones  imiionatiir, 
etc.  Convictus,  usijue  ad  ultiiuuin  tempus  vil.e 
suœ,  militiae  cmgulo  careat,  et  absque  spe 
conjiigii  maneat.  » 

Voila  l'ancienne  rigueur  d'interdire  [tour 
toujours  la  milice  et  le  mariage.  La  maxime 
générale  y  est  établie,  que  des  corrections  se- 
crètes ne  suffisent  point  pour  des  crimes  publics. 
«  Manifesta  |ieccata  non  sunt  occulta  corre- 
ctione  purganda  (L.  v,  tit.  30,  (j,  1,  12).  » 

Euflu  les  prêtres  qui  découvrent  le  secret  de 


la  confession,  sont  déposés  et  renvoyés  dans 
des  iiiDiiasteres  pour  y  passer  le  reste  de  leurs 
jours  dans  les  larmes  et  dans  la  pénitence. 
«  Ad  agendaui  perpet  lani  p i-ndentiain  in 
aretuin  monasterium  detruiiendum.  » 

Li;  pape  Grégoire  VII  a  été  peut-être  un  des 
preniii;rs  (|iii  ait  permis  la  milice  aux  [lénitents 
pour  la  défense  de  la  justice,  et  pir  l'avis  des 
prélats.  Ce  fut  dans  un  concde  romain, 
en  lUTs.  «  Arma  deponat,  ulteriusque  non 
ferai,  nisi  consilio  e|iiscoporuin  pro  defen- 
denda  jnstitia.  »  Les  fâcheuses  conjonctures  où 
il  se  trouva  l'y  forcèrent,  et  depuis  la  milice 
même  des  croisades  tint  lieu  de  pénitence. 

YI.  Les  évèqiies  suivaient  certainement  les 
exemples  et  les  règles  si  saintes  du  siège  aposto- 
lique. Outre  les  allégations  précédentes,  où  les 
papes  commettent  presque  toujours  les  évèques 
pour  l'exécution  de  leurs  sentences.  Inno- 
cent 111  écrivit  à  .\bsalon,  arclievéïpie  de  Lu- 
den,  dans  le  Septentrion,  pour  miintenir 
l'ancienne  coutume,  que  les  grands-vicaires 
des  évèques  faisant  la  visite,  assemblaient  le 
synode  des  curés  du  voisinage,  y  citaient  les 
personnes  scandaleuses,  et  leur  imposaient 
une  pénitence  publique  IRainald.,  an.  llus, 
n.  71,. 

L'an  1223,  l'archevêque  de  Cantorbery  et  les 
évèques  de  sa  province  tirent  ce  décret,  que 
celle  qu'on  aurait  convaincue  de  s'être  aban- 
donnée à  un  prêtre,  serait  conlaïunée  à  la 
pénitence  p  iblique,  comme  pour  un  double 
adultère.  «  Publicam  agat  pœuitentiain  et 
solemnem,  taiiquun  pro  duplici  adullerio  jiu- 
niatur  ^Matth;eus  Paris).  »  L'évèque  de  Coven- 
tiy,  en  li37,  condamna  les  curés  à  subir 
eiix-mèiiies  la  peine  des  crimes  publics  (ju'ils 
toléreraient.  «Si  sacerdotes  sustineant  in  paro- 
chiis  suis  publiées  fornicatores,  vel  usurarios, 
vel  aliquod  inortale  peccaluni  manifestum , 
punientur  tanquam  pro  propriis  i)eccalis  ^Couc. 
Angl.,  lom.  11,  p.  212,  193,  276).  » 

Les  archidiacres  étaient  particulièrement 
chargés  de  la  recherche  des  pécheurs  publics, 
et  il  leur  fut  défendu  par  les  conslitulions  du 
légat  Othon,  de  les  expier  par  de  simples 
amendes.  «  Ne  pro  niortali  cl  notorio  crimine, 
vel  de  quo  scandalum  generalur,  pecuniani  a 
delinquente  recipianl.  » 

Le  concile  de  Lambcth ,  en  1281  (Conc. 
Angl.,  tom.  Il,  p.  332,  370,  430),  déplora  le 
relaeliement  de  son  temps,  où  la  |jenitence 
publique   pour  les    crimes    scandaleux  était 


428 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEIZIEME. 


comme  éteinte.  «Cum  juxiafacroscanonespcc- 
cata  graviora,  quae  ■viilgatissima  suo  scandalo 
totam  commoventcivitatfm,sint?olcmni  [œni- 
fentia  castiganda,  f|uoiumdain  t.nmen  ncgli- 
gentia  id  agente,  bujiii^modi  pœiiitenlia\idetur 
quasi  in  oblivioncm  tradila,  et  crevisi^e  pcr 
conseqiiens  aiidacia  liuju.'mcdi  horrinda  faci- 
nora  et  flagitia  perpelrandi.  Qiiociica  pra'ci- 
pimus,  ut  luijusmodi  pcrnitentia  soUmnis  de 
cœtero  impoiiatur  secundum  canonicas  san- 
ctioncs.  » 

Le  synode  d'Exeter,  en  128",  défendit  de 
changer  la  pénitence  publique  en  amendes 
pécuniaires,  à  moins  que  pouré^itc^  le  scan- 
dale, on  ne  fût  obligé  d  en  user  autrement,  c  Si 
laicus  con\ictus  fuerit  super  crimine,  propter 
quod  sit  ei  publica  ]iœnitentia  injungenda, 
illam  non  in  pecuniariam  commutet,  nisi 
scandalum,  \el  alla  honesta  causa  exegerit 
aliter  ordinare.  » 

Le  synode  de  Winchester,  en  1308,  ordonne 
de  même  qu'on  impose  les  pénitences  pu- 
bliques ou  solennelles  aux  laïques  pour  les 
crimes  publics,  qu'on  suspende  les  clercs  pour 
les  mêmes  crimes,  qu'on  renvoie  les  uns  et 
les  autres  au  pénitencier,  qui  les  renverra  au 
curé,  avec  des  lettres  qui  contiendront  tous  les 
articles  de  leur  pénitence,  afin  qu'il  puisse 
rendre  compte  au  pénitencier  de  quelle  manière 
ils  s'en  sont  ac(iuitlés. 

a  Statuimus,  ut  si  aliquis  laicus  de  enormi 
convictus  crimine,  propter  quod  ei  de  jure 
pœna  publica  indici  debeat,  aut  solemnis, 
po'na  ipsa  nuUatenus  commutetur,  nisi  forte 
propter  majorem  pœnitentia-  frucfum ,  vel 
considerata  delinqiicntis  persona,  is  qui  juri- 
diitioni  praest,  aliter  viderit  dispensandum. 
Clericos  quoijue  de  simiiibus  convielos  crimi- 
nibus ,  vel  confessos  suspendi  volumus,  et 
ipsam  suspensiontm  absque  nostra  conscicniia 
minime  relaxari,  et  tam  clericos,  quam  laicos 
hujusmodi  ad  noslros  pœnilentiarios  milti  volu- 
mus, pro  recipienda  condigna  pn^nitentia  de 
commissis  ,  et  eum  ipsorum  pœnitentiariorum 
lilteris  injunctam  eis  pœnitentiam  continen- 
tibus,  ad  suum  reverti  presbylerum  ,  ut  eis  de 
peracta  pa'iiitenlia  possit  opportunis  tempori- 
bus  testinionium  pei  bibere.  » 

Le  concile  de  Cologne,  en  1310,  défen- 
dit selon  les  canons  anciens ,  d'imposer  la 
pénitence  publique  aux  ecclésiastiques ,  sup- 
posant (jne  l'usage  en  était  commun  pour  les 
laïques.  «  Ne  pœnilentia  publica  clericis  impo- 


nalur,  cum  ex  talihus  infâmes  reddantur.  » 

On  rapporte  des  conciles  provinciaux  de 
Sens  en  1432  et  en  1406,  où  on  ordonne  d'im- 
poser des  pénitences  publiques  pourles  pécbés 
publics.  Le  synode  de  Langres  en  1j04  défend 
aux  curés  et  à  leurs  vicaires  d'imposer  des 
pénitences  publiques  et  solennelles,  parce  que 
c'est  à  révoque  ou  à  ses  pénitenciers  que  ce 
pouvoir  est  réservé  ;  les  autres  pénitences,  quoi- 
(]u"elles  dussent  être  réglées  sur  les  canons, 
sont  néarimoins  arbilrairts.  o  Caveant  curati, 
aut  eorum  vicarii,  ne  imponant  pœnitentias 
soUmnes,  aut  publicas,  lictt  pro  quolibet  pec- 
cato  mortali  esset  regulariter  septennis  pœni- 
lentia injungenda  ,  imien  bodie  omnes  pœni- 
tentire  sacerdotis  arbitrio  sunt  taxanda;  (Bochel 
Décréta  Eccles.  Cal!.,  p.  228,  234).  » 

Les  ordonnances  synodales  de  Langres  en 
1421  ,  réservent  l'injonction  des  pénitences 
])ubliques  à  l'évèque  ou  à  son  pénitencier,  veu- 
lent que  ces  pénitents  publics  se  présentent  à 
l'église  le  jour  des  cendres,  et  chargent  les 
curés  de  veiller  sur  laccomplifsement  de  leur 
pénitence.  «  Cum  sint  nounulli  quibus  est 
pœnitentia  soif  mnis  per  eiiiscopum,  seu  ejus 
vieaiium,  in  sua  Lirgonensi  Ecclesia  injun- 
genda, sicut  pro  inlanlibus  oppressis,  aut  alias 
perditis,  culpa  parentum,  dummodo  notorium 
sit,  etc.  » 

Les  ordonnances  synodales  d'Etienne  Pon- 
elier,  qui  fut  fait  évoque  de  Paris  en  1303  et 
fut  transféré  à  l'archevêché  de  Sens  en  1319, 
défendaient  aux  curés  et  aux  prêtres  d'imposer 
des  pénitences  publiques  aux  ecclésiasticiues  et 
aux  personnes  mariées,  sans  en  avoir  pris  l'avis 
de  l'évèque  ou  des  grands-vicaires,  de  peur  de 
jeter  les  clercs  dans  le  mépris,  et  de  causer  du 
trouble  entre  les  personnes  mariées.  «  Pres- 
byteris  prohibemus  publicam  pœnitentiam  in- 
jungere  viris  ecclesiasticis,  et  etiam  uxoratis, 
absque  nostro,  aut  vicariorum  nostrorum  con- 
silio,  ne  ordo  clericalis  vileseat,  et  matrimonia 
scandalizentur.  Imo  aliœ  secretœ  imponantur 
pœnitenti;c  salutares,  etc.  (Synod.  Paris.,  pag. 
179,  182).  B 

Les  prêtres  pouvaient  donc  imposer  des  péni- 
tences publiques  à  d'autres  qu'à  des  clercs  et  à 
des  hommes  mariés.  Il  est  néanmoins  dit  en- 
suite (|ue  les  péchés  publics  ne  doivent  pas 
s'ex])ier  seuhnunt  par  des  corrections  secrè- 
tes. «  Seitntes  quod  manifesta  ptccata  non 
sunt  occulta  correctione  purganda.  » 

Il  y  a  quelque  apparence  de  contradiction 


DE  LA  PÉNITENCE  PUBLIQUE. 


429 


entre  ces  deux  propositions,  et  je  n'en  vois  pas 
pas  trop  bien  la  concorde.  H  se  peut  faire  que 
la  seconde  proposition  suit  la  règle  générale,  et 
que  la  première  en  soit  une  exception,  ou  que 
kl  correction  publique  soit  diU'érente  de  la  péni- 
tence publique.  Car  les  |)éclieurs  publics  a  ([Lii, 
par  une  sage  et  nécessaire  condescendance,  on 
relàclie  selon  les  canons  la  pénitence  publi(|ne, 
ne  laissent  pas  de  se  corriger  et  de  paraître  en 
public  s'être  corrigés,  et  satisfaire  enfin  au 
public  qu'ils  avaient  scandalisé  ,  lors(iu'ils 
accomplissent  fidèlement  les  pénitences  secrè- 
tes qu'on  leur  impose. 

La  pénitence  se  fait  en  secret,  mais  le  cban- 
gement  de  vie  est  public  et  le  scandale  est 
réparé.  S.  Tiiomas  a  remarqué  lui-même,  que 
lorsque  l'imposition  de  la  pénitence  publique 
fut  permise  aux  prêtres,  la  pénitence  solen- 
nelle qui  ne  se  faisait  que  pour  des  crimes 
extrêmement  a'roces  et  scamlaleux,  fut  réser- 
vée aux  évêques  (In  1.  iv  Sentent.,  d.  1  i,  ([.  1). 

Comme  on  ne  peut  pas  raisonnablement 
douter  que  les  synodes  et  les  ordonnances  syno- 
dales des  autres  provinces  ne  fussent  confor- 
mes à  celles  que  nous  venons  de  rapporter ,  il 
faut  conclure  :  1°  Que  la  pénitence  publique  a 
été  et  ordonnée  et  pratiquée  pour  les  crimes  pu- 
blics jusque  dans  le  (piinzième  siècle  de  l'Eglise. 
Ainsi  le  concile  de  Trente,  qui  a  été  tenu  dans 
le  seizième  siècle,  n'a  fait  que  confirmer  un 
saint  usage  de  i'Eglise  quêtant  de  siècles  avaient 
bien  pu  obscurcir,  mais  non  abolir  entière- 
ment. 

2°  Les  ritui'ls  particuliers  des  diocèses  eu  ont 
toujours  conservé  le  souvenir  et  l'obligation 
même  présente.  Je  ne  rapporterai  que  ce  qui  est 
porté  dans  le  rituel  romain  ;  «  Pro  peccatis  oc- 
cultis  quamvis  gravibus,  manifestam  pœniten- 
tiam  non  imponant,  etc.  Videat  sacerdosneeos 
absolvat,  qui  publicum  scandalum  dederunt, 
nisi  publiée  satisfaciant  et  scandalum  tollant 
(Tit.  De  Sacram.  pœnitent.).  » 

3°  La  pratique  dont  les  synodes  de  Langres 
viennent  de  parler,  et  qui  est  encore  si  univer- 
selle, de  mettre  en  pénitence  le  jour  des  Cen- 
dres les  mères  qui  ont  par  mégarde  étouffé 
leurs  enfants,  et  de  les  absoudre  le  Jeudi-saint, 
la  pratique  des  absoutes  générales  dans  la 
Sem.iine -sainte,  ces  pratiques,  dis-je,  beau- 
coup plus  anciennes  ijue  le  concile  de  Trente, 
montrent  évidemment  qu'au  temps  de  ce  con- 
cile la  pénitence  publique  n'était  pas  encore 
tout  à  fait  éteinte. 


4°  Quoi(|u'on  ait  distingué  autrefois  la  péni- 
tence solennelle  de  la  |)éuitcnce  publique,  p  irce 
([ue  celie-la  était  plus  éclatante,  et  n'étaitor- 
donnée  que  pour  des  crimes  extrêmement  scan- 
daleux, on  a  pu  néanmoins  remarquer  dans  les 
témoignages  que  j'ai  cités,  (pi'ou  les  avait  enfin 
confondues;  et  on  regardait  la  pénitence  sol- 
lenuelle  comme  véritablement  sacramentelle, 
comme  il  paraît  i)ar  le  synode  d'Exeter,  en 
1"287.  «  Soleinnis  pœnilentia,  (|ua'  sacramenta- 
lis  est,  in  aliain  nullatemus  commutetur 
(Conc.  Angl.,  tom.  u,  pag.  376).  » 

.V  Quoi(iue  pour  les  crimes  moindres  et  se- 
crets on  fût  persuadé  dans  ces  derniers  siècles, 
que  les  pénitences  étaient  arbitraires  ;  néan- 
moins pour  les  grands  crimes  (jui  étaient  réser- 
vés à  l'évêque,  et  pour  les  crimes  publics,  on 
convenailencore(ju'il  fallait  imposer  une  peine 
conforme  aux  canons. 

L'abbé  d'Usperg  n'a  pas  oublié  cet  article  en- 
tre ceux  que  le  saint  apôtre  des  Poméraniens, 
Othon,  évêque  de  Bamberg,  établit  dans  cette 
nouvelle  église,  en  l'an  il2i,  savoir  que  les 
fidèles  se  confessassent  à  leurs  curés  en  santé  et 
en  maladie,  miis  que  pour  les  grands  crimes 
ils  fissent  la  pénitence  qui  est  prescrite  par  les 
canons.  «  Injiinxit  ut  dum  sani  sunt,  venianl 
ad  sacerdotes,  et  confileantur  peccata  sua,  etc. 
Injunxit  etiamutde  perjuriis,  de  adulteriis,  de 
bomicidiis  et  de  cseteris  criminalibus,  secun- 
dum  canonum  instituta  poenitentiam  agant.  » 
Le  concile  de  Cologne,  en  1336,  (Part.  7, 
c.  xxxvui),  dit  la  même  cbose  en  peu  de  mots. 
«  In  publicis  vero  criminibus,  quemadmodum 
necesse  est,  ita  jubemus  ad  canones  antiquos 
publicœ  pœnitentiœ  regredi.  » 

On  a  pu  remarquer  divers  décrets,  où  il  est 
permis  à  l'évêque,  pour  éviter  le  scandale,  et 
pour  d'autres  raisons  importantes,  de  remettre 
la  pénitence  publique,  et  d'en  imposer  une  se- 
crète. C'est  ce  qui  a  été  encore  renouvelé  par 
le  concile  de  Trente ,  comme  nous  Talions 
dire. 

VIL  Car  ce  concile  ordonne  expressément 
qu'on  impose  des  pénitences  publiques  pour 
les  pécbés  publics  et  scandaleux,  si  ce  n'est  que 
l'évêque  juge  qu'une  pénitence  secrète  soit  plus 
utile  pour  l'édification  de  TK^ilise.  «  Episcopus 
tamen  publiée  lioc  fiœnitentiœ  genus  in  aliud 
secretum  poterit  commulare,  quando  ita  magis 
judicaverit  expedire  (Sess.  xxiv.  c.  8).  »  Le 
concile  ordonne  ensuite  l'établissement  d"un 
pénitencier  dans  les  cathédrales  pournous  ap- 


430 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SEIZIÈME. 


prendre  que  c'e^t  sur  lui  que  l'évêque  se  re- 
pose principalement  des  pénitences  publiques, 
aussi  bien  que  des  cns  réseivés. 

Saint  Cbarles  publia  ce  décret  dans  ses  con- 
ciles jirovinciaux,  où  il  obliç:ea  les  confesseurs 
d'inifioser  des  pénitences  publuiues  aux  pé- 
cbeurs  publics,  a\ec  défense  d'en  dispenser 
s'ils  n'en  avaient  le  pouvoir  de  l'évêque  (Acta 
Eecles.  Mediol.,  pap.  5,  tl.  42,  93,  525,  "18, 
774).  En  effet  le  ccmcile  de  Trente  dans  le  cha- 
pitre que  j'ai  cite,  ne  réser\e  pnnt  à  l'évêque 
l'iniposilion  des  pénitences  publiques,  nais 
bien  la  di^pense.  l,e  concile  III  de  Milan  et  le 
Synode  XI  diocésain  de  ce  saint  taelieieiit 
néanmoins  de  renouveler  l'ancien  usage,  où 
les  cui'és  détf'raienl  à  ^é^è(|ue  les  pécheurs  pu- 
blics, [)our  èlre  mis  en  pénitence  au  commen- 
cement du  carême,  et  réconcibés  le  jeudi 
absolu.  Saint  Charles  renouvela  toutes  ces 
ordonnances  dans  ses  instructions  aux  confes- 
seurs. 

En  France,  l'assemblée  de  Melun,  en  ]"19, 
les  conciles  de  Reims,  en  t58l  et  t.')83  , 
celui  de  Tours,  en  1.^83,  celui  de  Bordiaux, 
en  1583,  celui  de  Bourges,  en  1584,  celui 
dAix  en  t.'i85  (Conc.  gêner.,  tom.  xv,  ]>ag. 
2(i3,  383,  514,  590,  724,  72.^,  793,  9.o6, 
108'J,  1218),  ont  confirmé  et  promulgué  ce 
même  décret  du  concile  de  Trente.  Celui  de 
Matines,  en  1570,  en  a  l'ait  autant.  L'assemblée 
du  clergé  de  France  ,  en  1055,  lit  imprimer  et 
publier  les  instructions  de  saint  Cbarles  aux 
confesseurs.  Monseigneur  l'aicbevêque  de  Pa- 
ris les  lit  encore  pul)lier  en  1072,  ordonnant  à 
ses  missionnaires  de  s'y  conformer.  F.ignan  est 
d'avis,  avec  plusieurs  aiileuis  «pi'il  elle,  uilre 
autres  Suaiès  et  Bcllaimin,  (|ue  les  eonfes- 
seuT's  peuvent  et  doivent  ordonner  des  jié- 
nitenees  |iubli()ues  pour  les  crimes  imblics 
(Fagnan.,  in  I.  v.  Dient.,  part,  u,  j^ag.  102). 
Il  ajdute  que  la  emgrégation  du  concile 
mit  une  fois  cette  (|ueslion  en  délibéialion. 
Ouoiepie  la  (lupai  I  des  eardinatix  crussent  qnc! 
les  confesseurs  et  surtout  les  [lénileneic  rs , 
S(  Ion  le  droit  cou  uuin  ,  |ou^ aient  et  devaient 
le  faire,  néanmoins  ils  hésitèrent  si  le  con- 
cile de  Trente  les  y  obligeait  et  aimèrent  mieux 
ne  rien  résoudre  pour  ne  pas  jeter  dans  le 
trouble  la  conscience  des  conl(!Ssei)rs  et  des 
pénilt'iits. 

\  III.  Il  est  dune  tciiaiir  que  (pioique  les  dé- 
erélahs  ir  ('mes,  (jui  lent  le  corps  du  droit 
nouveau,  eussiul  ièser\é  a  re\ê(|ue,  ou  à  sorr 


grand  pénitencier,  les  pénitences  publiques; 
de]irris  le  concile  de  Tr'errte  (lies  ont  été  aban- 
données à  la  disposition  dts  confesseurs  ordi- 
naires (Décrétai.  Gregor.,  1.  i,  tit.  31,  c.  xvi  ; 
1.  ri,  lit.  26,  c.  xviir  ;  1.  v,  ti(.  31,  e.  xri).  Cela 
paraîtra  encore  plus  surpn  nant  si  l'on  consi- 
dère que  non -seulement  les  pénitents  qui 
avaient  la  conscience  cbar-gée  de  quelque  grand 
crime  alléctaient  ordiriauement  de  se  confes- 
ser aux  é\êques,  ainsi  qu'il  est  justifié  par  les 
fréquents  ex(  mples  qu'on  £n  trouve  dans  Ma- 
thieu Paris,  Roger,  Guillaume  de  Malmesbnry 
et  arilr-is  historié  1rs  ;  mais  l'instincl  et  l'ardeur 
de  leirr  (liété  les  poussaient  assez  souvent  à 
r-econrir  au  Saint-Siège,  comme  il  a  paru  par 
tant  d'exi  mides  rapportés  dansée  clia|iitre  (Pa- 
ris., an.  1152,  1188,  1220;  Rogerius.  pag.  12i, 
178,  457,  620,  654,  681,  756;  llist.  illust.,  t.  n. 
pag.  85,  101,  138,  46'.). 

C'est  peut-être  ce  qui  a  achevé  d'effacer  pres- 
e|ue  teniles  les  traces  de  la  pénitence  publique. 
Car  les  curés  et  ks  antres  prêtres  sur  qui  les 
évêe|ues  s'en  sont  déchargés  ajirès  le  concile 
de  Ti'enle,  n'ont  tu  ni  cette  vigueur  intrépide, 
ni  ee'tte  autorité  éminente,  qrri  est  propre  aux 
éxê(|ues,  e-t  qui  est  nécessaire  pour  assojélir  les 
grands  et  illuslres  crimirrels  à  des  pénitences 
humiliantes,  qrri  les  cou^r•ent  d'une  contusion 
salulaire,  afin  de  leur  procurer  errsuite  une 
gloire  iuimentelle. 

Mais  ein  ne  .s'étonnera  jilus  que  le  concile  de 
Trente  ait  laissé  aux  piètres  l'imposition  des 
pénitences  publieiiies,  si  l'on  considèr'e  ce  que 
le  père  Mor  in  a  justifié,  que  depuis  quatre  ou 
cinq  cents  ans.  les  sclrolastiques  enseignaient 
qrre  la  ,=(ule  pénitence  solennelle  était  r'êservée 
à  l'évêeirre  et  neirr  la  jie  nitenee  jiublie|rie.  On 
ajipelait  seilenru  lie,  celle  qui  s'imposait  j)Our 
les  crimes  extrêmement  searidaleirx.  Le  senti- 
ment de  ces  deicleiirs  ne  s'éleiignait  |ias  beau- 
coup de  l'usage  qui  s'était  intioduil  dans  les 
Fjjlises  et  ejui  s'y  yiratiqnail  kius  les  yeux  et 
sous  la  conelnile  de  ces  doeteurs,  qui  avaient 
aeceuiniodé  kiu'  eloe:trine  à  cet  usage.  Quel- 
e|ues  éxêqoes  voyant  le  principe  de  ce  relâ- 
ehi  ment,  se  sont  réservés  àerrx-mênies l'inipo- 
silion des  pénitence'S  pnbliepies. 

I\.  l'eu  avarrl  le  concile  de  Tr'e  nte,  l'Aile ma- 
grre  et  la  France  témoignèrent  beaucoup  d'ar- 
eleiir'  |onr'  la  conser-vatie>n  (Ui  le'  rétablissement 
eh'  la  peiiiteriee  iirdjliejiie.  l-'.nlre  le's  e'e  ut  griefs 
(|ue'  le  eor|is  de  l'e'Uipir'e  pieiposa  élans  la  diète 
ele  NirunJjerg  en  1522,  eirr  loua  l'usage  de  la 


DE  LA  PÉNITENCE  prRLIQl'E. 


■4,11 


pénitence  publique  qui  s'imposait  encore  aux 
grands  crinit  s  (jui  faisaient  les  cas  réservés  à 
révèqiie  ;  mais  ou  se  plaignit  des  amendes 
pécuniaires  que  l'avarice  y  introduisait  (Gol- 
dast.  Const.  Imper.,  tom.  i,  p.  474). 

«  Hactcnus  servata  est  consuetudo  ,  quod 
homicidii  similiumque  facinorutn  .  ([nos  casus 
episcopis  reservatos  vocant ,  rci ,  piracla  in 
aurem  confessione  ,  publicam  pœnitentiam 
subire  coguntur.  Qufo  quidem  pœnitentia'  for- 
ma, non  usquequai|ue  iniprobaiida  fortt,  ut- 
pote  quae  ad  primitivre  Ecclesiœ  inslituta  quam 
proxi(ne  accederet  :  si  maie  ofllciosi  officiales 
pecuniae  summnm  non  extorquèrent  (].  i.vi  .  » 

Les  ambassadeurs  du  roi  de  France  Charles  IX 
et  ceux  de  l'empereur  se  joipfnirent  au  concile 
de  Trente  en  lo(J3  pour  faire  plusieurs  propo- 
sitions, entre  lesquelles  était  celle  de  rétablir 
la  pénitence  publique.  «  In  Ecclesia  propler 
graves  et  publicas  offensas  ])ublica  pœnitentia 
restituatur  'Mémoires  du  clergé,  p.  373.  Gol- 
dast.  Const.  Imper.,  tom.  ni,  p.  571).  » 

Enfin  les  rituels  propres  d'une  grande  partie 
des  diocèses  du  royaume,  onlonnent  les  péni- 
tences publiques  pour  les  pécliés  publics,  aussi 
bien  que  les  o.-donnances  synodales  de  la  plu- 
part de  nos  |)rélats,  a|)rès  le  concile  de  Treute. 
J'en  pourrais  dire  autant  des  constitutions  syno- 
dales et  des  décrets  des  conciles  d'Italie,  d'Alle- 
magne et  d'Espagne ,  depuis  le  concile  de 
Trente. 

X.  Disons  un  mot  de  l'Eglise  grecque,  pour 
faire  voir  son  uniformité  avec  l'Eglise  latine 
dans  les  po'uts  les  plus  essentiels.  Siméon,  ar- 
chevêque de  Thessalonique,  déclare  :  1°  Que  le 
pouvoir  de  confesser  et  d'absoudre  n'appartient 
originairement  ([u'aux  évéques,  et  (jue  les  piè- 
tres ne  l'exercent  qu'en  leur  absence,  dans  la 
nécessité  et  avec  leur  licence.  «  Adeo  sacratis- 
simum  est,  ut  solis  episcopis  conveniat,  non 
autem  [iresbyteris  ,  quiinadmodum  cauones 
loquuntur.  Eo  autem  oflkio  funguntur  presby- 
teri  urgente  necessitate,  cum  licentia  episcopi, 
illoque  absente,  non  présente,  etc.  Si  presby- 
terorum  hoc  esset  proprium,  non  darentur 
illis  licentiœ  et  mandatum  ad  excipiendas  con- 
fessiones.  » 

2°  Que  les  grandscrimes  demeurent  toujours 
réservés  à  lévêque,  aussi  bien  que  ceux  qu'on 
ne  peut  démêler  sans  quehjue  difficulté.  «  Cri- 
mina  lanien  majora  vilotisunllldei  abnegatio, 
homicidium  et  personarum  sacratarum  lapsus 
ad  episcopuni  referre  oportet,  et  alla  (jua^cum- 


(|ue  l'uuiunt  et  excedunt  cognitioncm  susci- 
pientis  confessionem  ;  omnia  quoijue  agere  cum 
episcopi  consilio.  » 

3°  Il  se  plaint  avec  justice  de  ce  que  les 
moines,  qui  n'avaient  reçu  aucun  ordre  sacré, 
ne  laissaient  pas  quelquefois  de  faire  la  fonction 
de  directeurs  et  de  confesseurs. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  sur  celte  matière;  elle 
demanderait  plusieurs  chapitres,  si  j'entrepre- 
nais de  remonler  jus(|u'à  la  source  et  de  mon- 
trer connnent  dès  les  premiers  siècles,  les  soli- 
taires sans  ordres  et  peut-être  même  sans 
littérature,  mais  fort  versés  dans  la  science  des 
saints,  devenaient  souvent  les  directeurs  et  les 
pères  spirituels,  c'est  à-dire,  selon  le  style  des 
Grecs,  les  confesseurs  des  personnes  séculières, 
qui  allaient  les  chercher  dans  leurs  retraites  : 
quoique  ce  ne  fussent  point  vraiment  des  confes- 
sions. 

H  est  plus  dificile  de  trouver  des  vestiges  de 
la  pénitence  publique  dans  l'Orient ,  depuis 
que  Nectariiis  l'eût  abolie,  à  moins  qu'on 
n'envisage  comme  les  monuments  d'une  péni- 
tence publique,  les  monastères  que  faisait  bâtir 
l'empereur  Jlichel,  pour  avoir  fait  mourir  son 
prédécesseur  l'empereur  Romain.  Mais  Glycas, 
qui  rapporte  cela,  ne  craint  pas  de  dire  que 
cette  pénitence  ne  peut  lui  avoir  été  utile , 
puisqu'il  ne  laissa  pas  l'empire  qu'il  avait 
usurpé,  ni  ne  se  sépara  [)as  de  l'impératrice 
Zoé,  femme  de  Romain,  (|ni  avait  été  et  l'atlrait 
et  la  récompense  de  son  parricide  (Xn.  103i. 
Glycas,  Annal.,  [larl  iv,  p.  31.">).  Cedrenus  en  dit 
autant,  et  il  parle  ailleurs  d'un  autre,  qui 
quittaeffectivementrempire  qu'il  avait  usurpé; 
mais  comme  il  ne  le  fit  que  lorsqu'il  ne  pou- 
vait plus  le  retenir,  il  doute  si  cette  pénitence 
a  été  salutaire  (Cedren.,  tom.  ii,  p.  738,  80.')). 

Alexis  Comnène,  qui  prit  l'empire  l'an  1080, 
surNicéphore  Botoniate.fit  une  pénitence  bien 
plus  régulière  et  qui  peut  passer  pour  miracu- 
leuse même  entre  les  pénitences  publiques 
(An.  1080.  Alexiados,  1.  ui,  p.  81,  82).  II 
convoqua  le  patriarche  et  plusieurs  évèijues, 
avec  quelques  saints  religieux  ;  il  se  présenta  à 
eux  en  habit  de  criminel ,  leur  confessa  son 
crime  avec  toutes  ses  ciiconstances  ;  ils  le  con- 
damnèrent lui  et  tous  ses  complices,  a  jeûner, 
à  coucher  sur  la  terre,  au  ciliée  et  à  toutes  les 
autres  austérités  ordinaires  de  la  j)énitence. 
Leurs  femmes  voulurent  être  participantes  de 
leur  douleur  et  de  leur  peine,  quoiqu'elles 
n'eussent  point  eu  de  part  à  leur  crime.  Tout 


432 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME. 


le  palais  était  un  théâtre  de  deuil  et  de  péni- 
tence publique.  L'empereur  jiorta  le  cilice  sous 
la  pourpre  et  coucha  quarante  jours  à  terre, 
n'ayant  qu'une  pierre  pour  chevet. 

Toutes  ces  circonstances  sont  fort  semblables 
à  celles  de  la  pénitence  qui  se  pratiquait  en 
même  temps  dans  l'Occident  et  dont  nous 
avons  ci-dessus  entassé  tant  d'exemples. 

La  part  que  les  femmes  prenaient  à  la  péni- 
tence de  leurs  maris,  quoiqu'elles  fussent  inno- 
centes de  leur  crime,  a  beaucoup  de  rapport 


aux  pratiques  de  l'ancienne  Eglise,  et  elle  m'a 
raiiptlé  la  mémoire  de  l'illustre  défens^eur  de 
l'Eglise,  Simon,  comte  de  Crefpy,  qui  alla  de- 
mander la  pénitence  canonique  à  Grégoire  VII. 
Ce  pape  la  lui  imposa,  mais  en  même  temps  il 
se  chargea  lui  même  d'une  partie,  chargea 
du  reste  deux  excelknls  religieux  qui  étaient 
présents  et  rendant  au  comte  les  armes  dont  il 
l'avait  dépouillé,  il  le  renvoya  à  sa  première 
fonction  de  défendre  l'Eglise  contre  ses  enne- 
mis. 


CHAPITRE  DIX-SEPTIEME. 


DES    ARCHIDIACRES  PENDANT  LES   CINQ   PREMIERS  SIECLES  DE   L  EGLISE. 


I.  Aniiqnilé  des  ardiidiacres  dars  rOcoident. 

II.  Ce  n'élail  )iaf  l'anliqujlé,  n'a  s  le  niéiile  et  la  capacité  qui 
les  élevait  k  celle  dignité. 

III.  Celte  vaste  capacité  était  nécessaire  pour  une  puissance 
aussi  élendiie  que  la  leur. 

IV.  1,'évéque  Domniait  son  archidiacre. 

V.  Il  ne  pouvait  pourtant  pas  le  dépouiller  sans  cause. 

VI.  L'ardiidiacoué  était  quelquefois  un  office  pour  un  temps 
seulement. 

VII.  L'archidiacre  était  chargé  de  l'educalion  et  de  l'instruc- 
tion des  jeunes  clercs. 

VIII.  Il  était  chargé  de  toutes  les  affaires  et  de  tous  les  biens 
temporels  de  l'Kglise. 

IX.  ^cs  pouvoirs  dans  l'ordination  des  clercs  mineurs,  et  dans 
celle  des  prèlres  mêmes. 

X.  Il  avait  le  som  des  veuves  et  des  pauvres. 

XI.  Réponse  à  une  objection,  si  l'archidiaconé  était  électif  ou 
collatif. 

XII.  Si  îi  Conslantinopic  le  plus  ancien  diacre  était  ;  rchidia- 
cre.  Si  l'archidiacre  ;£lius  ayant  élé  ordonné  piètre,  fut  rétabli 
dans  l'exercice  de  son  aichidiaconé. 

XIII.  En  quel  pouvoir  et  en  quelle  considération  étaient  les 
archidiacres  en  Orient. 

XIV.  Ils  y  étaient  aussi  les  ministres  et  les  vicaires-généraux 
des  évéques. 

XV.  Ils  y  avaient  aussi  du  pouvoir  dans  les  ordinations. 

I.  Il  lût  fallu  mettre  les  archidiacres  immé- 
diatement après  Us  évêques,  dont  ils  exer- 
çaient la  juridiction  sur  les  prêtres,  les  curés 
et  les  aithiprêtres  n  ênie  ,  mais  nous  avons 
voulu  lier  ensemble  tous  les  bénéfices  et  toutes 
les  dignités  qui  ont  liaison  avec  la  prêtrise, 
comme  nous  avions  joint  tous  les  divers  degrés 
de  l'épiscopat. 

On  ne  peut  mettre  en  doute  que  la  dignité 


des  archidiacres  ne  soit  très-ancienne  dans 
l'Eglise.  Comme  il  y  avait  plusieurs  diacres 
dans  toutes  les  cathédrales,  il  y  avait  aussi 
nécessairement  un  premier  diacre  ou  un  archi- 
diacre. Saint  Jérôme  (Epist.  ad  Rusticum) 
semble  donner  trois  chefs  subalternes  les  uns 
aux  autres  :  l'évêque  est  le  chef  de  tout  son  dio- 
cèse, l'archiprêtre  l'est  des  prêtres,  l'archi- 
diacre des  diacres  et  de  tous  les  clercs  infé- 
rieurs. «  Singuli  Ecclesiarum  episcojii,  singuli 
archipre^byteri,  singuli  archidiaconi.  Et  omnis 
ordo  ecclesiasticus  suis  rectoribus  nilitur.  » 

Optai,  évoque  de  Rlilève,  dit  que  ce  fut  l'ar- 
chidiacre Cécilien  qui  fit  cette  correction  si 
nécessaire  et  si  charitable  à  la  dame  Lucille  et 
dont  les  suites  furent  néanmoins  si  funestes, 
parce  qu'elle  donna  occasion  au  schisme  des 
donatistes.  «  Cum  Lucilla  correptiont m  archi- 
diaconi Cscciliani  ferre  non  possit  (Lib.  i).  » 

Sévère  Sulpice  (Dialog.  2)  parle  de  l'archi- 
diacre de  saint  Martin  et  du  commandement 
que  ce  saint  évoque  lui  fit  de  donner  des 
habits  à  \w  [lauvre,  auquel  il  donna  lui-même 
les  siens  propres  ,  jiarce  que  l'archidiacre 
n'avait  pas  obéi  assez  prompfi  ment. 

II.  Au  reste,  ce  n'était  rien  moins  que  l'âge 
et  l'antiquité  qui  servait  de  degié  pour  monter 
à  cette  dignité.  Le  seul  nom  des  prêtres  lesfai 
considérer  comme  les  anciens  et  les  sénateurs 


DES  ARCHIDIACRES  PENDANT  LES  CINQ  PREMIERS  SIÈCLES. 


-433 


de  l'Eglise  :  Ainsi  il  est  fort  juste  ijue  IVige 
fasse  les  arclii|)rètres.  iMais  le  terme  propre  du 
diaconat  donnant  à  connaître  que  c'est  un  mi- 
nistère, l'habileté  (;t  la  grande  capacité  doivent 
faire  le  mérite  des  archidiacres. 

C'est  ce  que  saint  Jérôme  (Epist.  ad  Eva- 
griuni)  a  excellemment  remari|né .  lorsqu'il 
dit  que  dans  l'Eglise  d'Alexandrie  les  prêtres 
élisaient  un  évèipie  de  leiu-  corps  de  la  même 
manière  (]ue  si  les  diacres  choisissaient  le  plus 
habile  d'entre  eux  pour  en  faire  leur  archi- 
diacre. «  Quomodo  si  exercitus  faciat  impera- 
lorem;  aut  diaconi  eligant  de  se,  quem  iiidu- 
strium  noverint,  et  archidiaconum  vocent.  » 

Sidoine  Apollinaire  (L.  iv.  Epist.  xxv)  par- 
lant du  saint  archidiacre  Jean,  qui  fut  élu  évè- 
que  de  Chàlon  ,  dit,  qu'on  l'avait  longtemps 
arrêté  dans  l'archidiaconé  sans  l'élever  à  la 
prêtrise,  parce  qu'on  ne  pouvait  pas  facilement 
en  rencontrer  un  autre  qui  remplit  si  digne- 
ment la  charge  pénible  et  importante  d'archi- 
diacre, a  In  quo  archidiaconi  seu  gradu  ,  seu 
ministerio ,  multum  retentus  propter  indu- 
striam,  diu  dignitate  non  potuit  augeri,  ne  po- 
testate  posset  absolvi.  » 

Quelques-uns  ont  cru  néanmoins  que  Jean 
était  prêtre  quand  il  fut  élu  évèque,  parce  que 
cet  auteur  le  met  au  second  ordre  du  sacer- 
doce :  «  Secundi  ordinis  sacerdotem.  »  Au  lieu 
que  les  diacres  étaient  dans  le  troisième  rang 
du  sacerdoce,  comme  nous  l'avons  dit  ci-dessus. 
Mais  il  se  pouvait  Jaire  qu'on  eût  dès  lors  con- 
fondu les  prêtres  et  les  diacres  dans  le  second 
ordre,  comme  c'est  l'usage  présent. 

III.  Cette  grande  capacité  était  absolument 
nécessaire  à  l'archidiacre,  parce  qu'il  était  l'œil 
et  la  main  de  l'évêque,  son  ministre  et  son 
vicaire-général  ])our  toute  la  juridiction  con- 
tentieuse  et  pour  l'administration  du  temporel. 
Sidoine  Apollinaire  vient  de  le  dire.  Jean,  ar- 
chidiacre de  Chàlon  ,  n'avait  point  été  élevé  h 
la  prêtrise ,  de  peur  que  cette  augmentation 
d'honneur  ne  fût  une  diminution  de  puissance. 
«  Diu  dignitate  non  potuit  augeri,  ne  potestate 
posset  absolvi.  » 

Anatolius,  évêque  de  Constantinoplé,  vou- 
lant se  défaire  de  l'archidiacre  .-Etius  dont 
la  vertu  incorruptible  l'incommodait ,  le  fit 
prêtre.  C'était  cet  intrépide  défenseur  du  pa- 
triarche Flavien.  Saint  Léon,  pape,  se  plaignit 
hautement  de  celte  injustice  dans  les  lettres 
qu'il  écrivit  à.  l'empereur  et  à  Anatolius 
même.  Il  leur  Ht  voir  que  c'était  une  malice 

Th.  —  Tome  I. 


étudiée  de  vouloir  rabaisser  un  ecclésiastique 
en  l'élevant.  «  Non  inveniens  in  eo,  quod 
argueret  in  fide,  quod  improbaretin  moribus  : 
dejectionem  innocentis  per  speciem  prove- 
ctionis  impievit.  » 

L'autorité  de  l'archidiacre,  selon  ce  pape, 
consistait  en  ce  qu'il  était  chargé  de  toutes  les 
affaires  de  l'Eglise.  «  Quem  quia  ecclesiasticis 
negotiis  pnrposuit  (Epist.  lvu,  lviui.  »  On  sait 
que  saint  Laurent,  diacre  ou  archidiacre  du 
pape  Sixte ,  distribua  aux  pauvres  tous  les 
trésors  de  l'Eglise  dont  il  avait  la  dispensation. 
Nous  parlerons  de  ce  droit  plus  à  propos  et 
plus  au  long  ailleurs. 

IV.  Mais  les  actes  de  cet  illustre  martyr  rap- 
portés par  saint  Ambroise,  nous  apprennent 
une  autre  vérité  qui  est  de  conséquence  :  C'est 
que  la  nomination  de  l'archidiacre  dépendait 
de  la  volonté  de  l'évêque  seul. 

Les  paroles  dont  usa  saint  Laurent  envers  le 
pape  Sixte  en  sont  une  preuve  manifeste.  Il 
le  conjura  avec  toutes  les  instances  possibles 
et  avec  l'ardeur  d'un  invincible  martyr  de  le 
prendre  pour  le  compagnon  de  son  martyre, 
comme  il  l'avait  choisi  autrefois  pour  être  son 
ministre  dans  le  sacrifice  non  sanglant;  dcjus- 
tifierdans  cette  occasion  le  jugement  et  le  choix 
qu'il  avait  autrefois  fait  de  lui.  «  Experire , 
utrum  idoneum  ministrum  elegeris,  cui  com- 
misisti  Dominici  sanguinis  dispensationem , 
etc.  Offer  quem  eruisti,  ut  securus  judicii  tui, 
comitatu  nobili  pervenias  ad  coronam  ,  etc. 
Vide  ne  periclitetur  judicium  tuum  (Bâronius, 
an.  '201,  n.  7;  Ambros.  L.  i.  Offlc,  c.  Al; 
Sozoml.,  L  vin,  c.  9).  » 

Puisque  l'archidiacre  était  le  ministre  et  le 
vicaire  universel  de  l'évêque ,  l'élection  n'en 
pouvait  appartenir  qu'à  lui.  Ainsi  lorsque  saint 
Jérôme  a  dit  ci-dessus  que  les  prêtres  élisaient 
un  évêque  de  leur  collège  à  Alexandrie,  comme 
si  les  diacres  élisaient  un  archidiacre  ;  c'est  une 
comparaison  et  une  supposition  tout  ensemble. 
Eu  effet  il  ne  dit  pas  que  les  diacres  élisent, 
mais  que  c'est  comme  s'ils  élisaient  un  archi- 
diacre. Sozomène  dit  que  saint  Chrysostome 
avait  établi  Sérapion  son  archidiacre. 

V.  Quoique  l'évêque  choisit  son  archidiacre, 
il  ne  pouvait  pourtant  pas  le  dégrader  sans  rai- 
son et  sans  forme  de  justice.  L'exemple  de  l'ar- 
chidiacre .-Etius  en  est  une  preuve. 

Le  pape  saint  Léon  intéressa  l'empereur  et 
l'imiiératrice  pour  lui  faire  rendre  justice  par 
le  patriarche   Anatolius,   qui   n'avait    pu  le 

28 


434 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME, 


surprendre  dans  la  moindre  faute  du  monde 
et  ne  l'avait  fait  monter  à  un  plus  haut  ranj,' 
que  pour  l'humilier.  Anatolius  ohéit  au  pape 
et  déposa  le  nouvel  archidiacre  André,  comme 
fauteur  des  Eutychicns  (Epist.  vu).  Le  pape  lui 
manda  de  rétablir  dans  leurs  ordres  ceux  (|ui 
souscriraient  sincèrement  à  la  condamnation 
d'Eufyche,  mais  de  ne  donner  les  premières 
dignités  qu'à  ceux  qui  auraient  toujours  été 
fermes  dans  la  foi.  «  His  tantum  ad  otiiciorum 
primatum  admissis,  (juos  ab  omni  errore  libe- 
ros  luisseconstiterit.  » 

La  loi  générale  de  l'Eglise  devait  avoir  lieu 
pour  les  archidiacres,  aussi  bien  que  pour  tous 
les  autres  bénéficiers  de  l'Eglise;  ce  devait  être 
la  raison,  la  justice,  le  mérite  ou  le  démé- 
rite et  non  |)as  la  passion  ,  ou  le  caprice 
(jui  les  élevât,  ou  qui  les  rabaissât.  Ce  point 
important  sera  traité  plus  au  long  en  son 
lieu. 

VI.  11  faut  avouer  néanmoins  que  la  loi 
ecclésiastiiiue  ne  <lemandail  pas  ([uc  les  arciii- 
diacres  passassent  toute  leur  vie  dans  ce  minis- 
tère. Cela  est  clair  dans  le  saint  archidiacre  de 
Chàion,  que  nous  avons  dit  n'avoir  été  si  long- 
temps arrêté  dans  l'exercice  do  l'archidiacuné  , 
tpie  parce  que  l'on  ne  pouvait  pas  même  l'éle- 
ver plus  haut,  hors  de  Tépiscopat,  sans  dimi- 
nuer beaucoup  de  son  autorité  et  de  ses  droits. 
Sidoine  Apollinaire  n'eût  pas  dû  alléguer  celte 
raison,  si  c'eût  été  une  loi  et  une  coutume  gé- 
nérale (|ue  l'archidiacre  ne  quittât  cet  oflice 
ou  cette  dignité  (ju'avee  la  vie. 

Le  ijape  saint  Léon  ne  reprocha  point  non  plus 
à  An.itolius  d'avoir  ôté  à  ^'Etius  une  dignité 
dans  l.Kiuelle  il  devait  consommer  sa  vie,  mais 
de  lavoir  tait  avec  une  malignité  aitilicieuse 
pour  se  défaire  d'un  Iroj)  ài)re  adversaire  des 
Eulychiens  et  jiour  substituer  à  sa  place  un 
houMue  trop  justement  suspect  de  ne  les  pas 
ha'ir. 

Nous  verrons  ailleurs  des  exemples  encore 
évidents  de  cette  vérité,  ((ue  l'archidiaconé 
n'était  (ju'une  administration  qu'on  pouvait 
quitter  et  dont  on  pouvait  être  dépouillé  même 
sans  crime,  mais  non  pas  sans  raison,  ou  contre 
les  règles  de  la  raison  et  de  la  justice. 

Vil.  Revenons  aux  fonctions  et  aux  autres 
pouvoirs  de  l'archidiacre;  il  était  le  supérieur, 
le  directeur,  le  maire  des  clercs  iiilV'iieiirs,  et 
sa  maison  était  une  école  sainte;  de  piété  et  de 
doctrine!  pour  leur  insliuction.  Optât  assure 
que  Majorin,  (jui  fut  depuis  le  grand  adversaire 


de  Cécilien,  avait  été  autrefois  son  disciple,  pen- 
dant <|u'il  n'était  encore  que  lecteur,  et  que 
Cécilien  était  archidiacre.  «  Majorinus  (jui  lector 
in  diacono  Cœciliani  luerat  (Lib.  i).  « 

Paulin,  (jui  a  écrit  la  vie  de  saint  Anibroise, 
étant  encore  au  nombre  des  clercs  mineurs  et 
servant  de  notaire  ou  de  secrétaire  à  saint  Ani- 
broise, était  sous  la  conduite  du  diacre  Castus. 
Il  l'assure  lui-même,  «  Ego  visuni  retuli  Casto 
diacono,  sub  cujus  cura  degebam.  »  Le  con- 
cile IV  de  Carthage  charge  l'archidiacre  d'ins- 
truire les  clercs  mineurs  de  la  sainteté  de  leur 
]irol'ession.  «  Ostiarius  postquam  ab  archidia- 
cono  fuerit  inslructus,  qualiter  in  domo  Dei 
debeat  conversari,  etc.  » 

VIII.  Lorsijue  saint  Léon  dit  qu'Anatolius 
avait  donné  à  son  archidiacre  a  dispensa- 
lionem  totius  causre  et  curœ  ecclesiasticae  , 
(Epist.  Lvu)  »  il  semble  connnettre  aux  archidia- 
cres toute  la  juridiction  des  affaires  ecclésias- 
tiques, «  causiE,  »  et  tout  le  soin  du  bien 
feni|)orel,  «  Curœ  ecclesiasticœ  (Epist.  cxvii, 
cxvui).  » 

Quand  Théodoret,  évêquc  de  Cyr,  après 
avoir  imploré  la  protection  du  pape  saint  Léon 
contre  la  violence  de  ceux  qui  l'opprimaient, 
écrit  â  l'archidiacre  de  l'Eglise  de  Rome,  pour 
l'obliger  d'intéresser  le  pape  dans  la  défense  de 
la  loi,  et  des  défenseurs  de  la  foi  dans  l'Orient, 
ne  fait-il  pas  voir  quel  cr('nlit  avaient  les  archi- 
diacres dans  les  plus  grandes  alfaires  de  l'E- 
glise? 

Enfui,  lorsque  le  concile  1"  de  Tolède 
(Can.  xx),  après  avoir  fait  plusieurs  stiiluls 
pour  régler  la  discipline  de  l'Eglise,  ordonne  à 
l'archidiacre  de  veiller  â  ce  que  les  évècjues 
présents  ou  absents  en  soientbien  informés,  et 
qu'ils  les  observent  et  les  fassent  exactement 
observer  aux  curés  :  «  Ilujusmodi  constitutio- 
nem  scmper  meminerit  archidiaconus ,  vel 
pncsentibus ,  vel  abseutibus  episcoiiis  sug- 
gerendam  ,  ut  eam  episcopi  custodiant ,  et 
piesbyteri  non  relincjuant  :  »  ce  sont  là  cer- 
tainement des  marques  d'une  autorité  fort 
étendue. 

IX.  Le  concile  IV  de  Carthage  (Can.  v,  vi,  ixi 
explique  (jnelques  fonctions  de  l'archidiacre 
dans  l'ordination  ()ue  l'évèque  fait  des  clercs 
mineurs,  en  commençant  ])ar  le  sous-diacre. 
C'est  lui  qui  leur  met  en  main  les  instruments 
sacrés  ijui  sont  les  mar(|ues  de  leur  ordination. 
Saint  Jérôme  dit  quelque  chose  de  plus  dans 
sa  lettre  à  Evagrlus  ;  savoir,   qu'à  Rome  les 


DES  ARCHIDIACRES  PENDANT  LES  CINQ  PREMIERS  SIÈCLES, 


433 


prêtres  mêmes  étaient  ordonnés  sur  le  témoi- 
gnage du  diacre,  c'est-à-dire  de  l'archidiacre. 
«  Sed  dicis,  Quomodo  Ronia;  ad  tes^timonium 
diaconi  presbyter  ordinatur  ?  »  Saint  Jérôme 
n'a[)prouve  pas  cet  usage,  c'est  peut-être  parce 
que  les  diacres  en  avaient  pris  occasion  de  s'éle- 
ver insolemment  au-dessus  des  prêtres. 

Au  fond  ,  ce  n'était  autre  chose  qu'une  in- 
formation que  l'archidiacre  avait  faite  de  la  vie 
de  ceux  qu'il  présentait  à  l'ordination,  comme 
étant  l'œil  de  l'évèque  et  le  ministre  de  sa  juri- 
diction. Les  lu'iques,  les  moindres  clercs  ren- 
daient témoignage  du  mérite  ou  du  démérite 
de  ceux  (ju'on  allait  ordonner;  l'archidiacre 
prenait  le  résultat  de  ces  attestations,  et  propo- 
sait à  l'évèque  ceux  en  faveur  desquels  le  pu- 
blic s'était  déclaré. 

C'est  encore  l'archidiacre,  dans  le  pontifical 
romain,  qui  présente  à  l'évèque  ceux  qu'un  ri- 
goureux examen  a  fait  connaître  n'être  pas 
indignes  de  l'ordination.  Si  cet  examen  rigou- 
reux n'a  pas  précédé,  il  ne  faut  pas  s'en  pren- 
dre à  cette  rubrique  du  pontiflcal,  mais  à  la 
négligence  des  pasteurs. 

X.  Le  même  concile  de  Carthage(Can.  xvii\ 
veut  que  l'évèque  se  repose  sur  l'archiprêtre 
ou  sur  l'archidiacre  du  soin  des  veuves,  des 
pupilles  et  des  passants.  Le  canon  a  été  rap- 
porté dans  le  chapitre  des  archi prêtres.  Les 
diacres  furent  en  ell'et  d'abord  commis  par  les 
apôtres,  pour  se  décharger  sur  eux  de  cette 
portion  de  la  charité  pastorale.  Saint  Jérôme  a 
bien  su  en  prendre  occasion  de  rabaisser  les 
diacres  au-dessous  des  prêtres.  «  Quis  patiatur, 
mensarum  et  viduarum  minister  ut  supra  eos 
se  tumidus  eil'erat,  ad  quorum  preces  Christi 
corpus  sanguisque  conficitur  (Epist.  ad  Eva- 
grium).  » 

XL  11  ne  nous  reste  qu'une  objection  à  ré- 
soudre sur  la  nomination  de  l'archidiacre. 

La  réponse  d'Anatolius  au  pape  Léon,  qui 
nous  a  été  donnée  par  Holsténius,  semble  dire 
qu'après  la  promotion  d'.^itius  à  la  prêtrise, 
André  lui  avait  été  substitué  plutôt  par  son 
rang  et  son  antiquité,  que  par  le  choix  d'Ana- 
tolius. «  Andréas  qui  non  provectus  a  nobis, 
sed  gradu  faciente,  archidiaconi  dignitate 
fuerat  honoratus,  ab  Ecclesia  separatus  est, 
etc.  (CoUect.Rom.,  j».  134).»  Et  au  contraire,  le 
pape  Léon  écrivant  a  Anatolius,  semble  rendre 
ladignitéd'archidiacre  élective.  «Elccto  primi- 
tus  et  probato,  (jui  archidiaconi  oiûcium  possit 
iraplere  (Epist.  lxxi).  » 


H  n'est  ]ias  fort  malaisé  de  dissiper  ces  petits 

nuages.  Saint  Léon  ne  parle  qu'à  Anatolius,  et 
lui  mande  de  commencer  par  élire  un  archi- 
diacre capable  de  remplir  une  si  grande  di- 
gnité. Les  canons  ne  parlent  i)lus  dans  le  cin- 
(juiènie  siècle  que  de  l'élection  des  évcques,  et 
entre  les  bénéficiers  des  Eglises  cathédrales,  de 
celle  des  économes,  comme  nous  le  dirons, 
en  parlant  des  économes.  Au  reste  il  paraît 
par  les  lettres  du  pape  Léon,  qu'il  était  bien 
persuadé  que  c'était  Anatolius  seul  (\u\  avait 
nommé  l'archidiacre  .\ndré  ,  parce  que  c'était 
la  coutume  universelle ,  au  moins  de  l'Oc- 
cident. 

L'archidiacre  ayant  une  délégation  générale 
de  la  juridiction  de  l'évèque,  il  n'est  presque 
pas  même  concevable  qu'un  autre  que  l'évèque 
puisse  le  revêtir  de  cette  dignité. 

XII.  Quant  à  la  réponse  d'Anatolius,  si  ce 
n'est  point  une  défaite  pour  couvrir  sa  faute,  il 
faudrait  dire  que  la  coutume  de  l'Orient  (car 
nous  n'avons  parlé  jusqu'à  présent  que  de 
l'Occident),  ou  au  moins  de  Constantinople, 
aurait  été  de  placer  le  plus  ancien  des  diacres 
dans  le  siège  de  l'archidiacre.  Le  jiape  Léon 
aurait  pu  ignorer  cette  particularité,  mais 
Anatolius  n'aurait  pas  moins  été  justement 
blâmé  d'avoir  laissé  parvenir  à  cet  éminent 
degré  un  diacre  infecté  de  l'erreur  ou  de  la 
communion  des  hérétiques.  Mais  ce  qui  paraît 
de  plus  singulier  dans  cette  réponse  d'Anatolius 
au  pape,  c'est  qu'Anatolius  assure  le  pape 
qu'il  a  déposé  André  et  rétabli  .lîtius,  quoique 
])rêtre,  dans  sa  première  dignité.  «Et  reveren- 
dus  quidem  sacrosanctcC  no.-trae  Ecclesiœ  pre- 
sbyter ^tius  in  priore  loco  atque  honore  eccle- 
siastico  nobis  est  restitutus  ;  omne  quod  epi- 
fcopii  nostri  est,  modeste  faciens  ipse  respon- 
sum.  »  C'est  dire  seulement  qu'.'Etius,  quoique 
prêtre,  a  été  rétabli  dans  sa  dignité,  et  dans 
toute  l'autorité  de  l'archidiacre. 

11  est  si  nouveau,  dans  l'ancienne  Eglise, 
qu'un  ()rêtre  soit  archidiacre,  ou  qu'un  archi- 
diacre soit  prêtre,  que  nonobstant  toute  la 
claitéde  ces  paroles,  j'ai  (leine  à  mêle  per- 
suader. Mais  outre  l'évidence  des  termes,  Ana- 
tolius, après  avoir  dit  qu'il  a  rétabli  ^tius,  et 
qu'il  a  déposé  André,  ne  dit  point  qu'il  en 
ait  choisi  un  autre.  Le  pape  saint  Léon  semblait 
même  avoir  proposé  à  Anatolius  cet  expé- 
dient, de  laisser  encore  exercer  l'arcliidiaconé 
à  .-Etius ,  quoique  prêtre ,  plutôt  que  de  le 
confier  à  un  partisan  de  la  nouvelle  hérésie. 


43G 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME. 


Ce  texte  est  fort  corrompu,  mais  le  meilleur 
sens  qu'on  en  puisse  tirer  me  semble  être  tel, 
et  il  est  fortifié  par  la  déférence  qu'eut  Ana- 
tolius  pour  le  désir  du  pape.  «  Nam  apud 
catliolicum  episcopum  eiiamsi  crat  utcumque 
decus  sacerdotale,  sacerdotiarchidiaconus  pro- 
pter  fidei  reverentiam  debuit  prœmitti,  potius- 
quam  locum  catbolici  nequissimus  haerelicus 
obtineret.  »  Enfin  ces  termes  mêmes  d'Anato- 
lius  :  ((Omne  quod  episcopii  nostri  est,  modeste 
faciens  ipse  responsum,»  contiennent  la  prin- 
cipale cbaryede  l'archidiacre,  qui  était  d'expé- 
dier toutes  les  affaires  de  l'officialité,  ou  de  la 
juridiction  contentieuse  du  diocèse. 

XIII.  Continuons  le  discours  des  archidiacres 
dans  l'Orient.  Saint  Chrysostome  écrivant  au 
pape  Innocent  après  sa  déposition,  se  plaignit 
de  l'archevêque  d'Alexandrie  Théophile,  qui 
ayant  gagné  son  archidiacre,  lui  avait  par  son 
moyen  débauché  tout  son  clergé.  «  Vocato  ar- 
chidiacono  meo,  quasi  Ecclesia  jam  viduata 
esset,  ac  episcopum  non  haberet,  clerum  om- 
nem  per  illum  sibi  adjunxit.  » 

On  voit  par  là  quelle  était  la  puissance  de 
l'archidiacre,  surtout  quand  l'Eglise  était 
vacante.  Le  concile  de  Calcédoine,  écrivant  au 
clergé  d'Alexandrie,  après  la  déposition  de 
Dioscore,  adressa  sa  lettre  à  Charmosynus, 
prêtre  et  économe,  à  Euthalius,  archidiacre, 
et  aux  autres  clercs.  C'étaient  les  deux  princi- 
paux administrateurs  des  évêchés  vacants, 
l'économe  pour  le  temporel,  l'archidiacre 
pour  le  spirituel. 

On  lut  dans  ce  même  concile  (Action  x)  les 
actes  d'un  concile  de  Béryth,  tenu  peu  aupara- 
vant au  sujet  d'Ibas,  évêque  d'Edesse,  où  il  est 
dit  que  Maras,  diacre  d'Edesse,  avait  été  excom- 
munié par  son  jjropre  archidiacre,  pour  avoir 
outragé  un  prêtre.  On  y  lut  aussi  un  concile 
d'Antioche,  sous  Domnus,  où  il  est  parlé  de 
l'archidiacre  Isaac.  Mais  c'est  une  faute  de  la 
version  latine  ;  car  il  est  nommé  deux  fois 
dans  le  grec,  archilecteur,  Afy.iajapwSy.,-,  qu'on 
traduit   en  latin,   a  Primicerius  lectorum.  » 


Enfin  l'archidiacre  de  Constantinople  ^ïtius 
paraît  dans  toutes  les  sessions  du  concile, 
comme  en  étant  le  promoteur;  et  dans  le 
nombre  de  six  cent  trente  évêques,  il  y  eut 
plusieurs  archidiacres  qui  tenaient  la  place  de 
leurs  évêques,  et  souscrivirent  en  leur  nom. 

XIV.  Les  archidiacres  dans  l'Orient  étaient 
aussi  bien  que  dans  l'Occident  les  agents  et  les 
ministres  universels  des  évêques.  Saint  Jérôme 
écrivant  contre  les  erreurs  de  Jean,  évêque  de 
Jérusalem,  dit  que  ce  prélat  envoya  son  archi- 
diacre pour  imposer  silence  à  saint  Epiphane, 
lorsqu'il  prêchait  dans  l'églisedu  Saint-Sépulcre 
contre  les  origénistes.  Jean,  évêque  d'Antioche, 
étant  cité  par  trois  évêques  du  concile  d'Ephèse 
afin  de  venir  se  présenter  au  concile  ,  fit  ré- 
ponse par  son  archidiacre,  et  sa  réponse  fut  un 
refus. 

Isidore  de  Damielte  écrivit  à  Lucius,  archi- 
diacre de  Damiette,  que  les  diacres  étant 
comme  les  yeux  de  leur  évêque,  il  devait  être 
lui-même  tout  œil,  et  ne  pas  laisser  souiller  la 
pureté,  et  obscurcir  l'éclat  de  son  Eglise  par 
des  ordinations  simoniaques.  «  Si  venerandi 
allaris  diaconi  episcopi  oculi  sunt,  cum  tu  Dei 
permissu  ipsis  praîsis  totus  oculus  ,  ôxoç  d!feaX(j.ô; 
esse  debes,  quemadmodum  animalia  illa  plu- 
rimis  oculis  prœdita  (L.  i,  epist.  29).  » 

XV.  Ce  n'est  peut-être  pas  sans  raison  que  ce 
Père  exhorte  un  archidiacre  à  s'opposer  avec 
zèle  aux  ordinations  simoniaques.  Car  l'archi- 
diacre avait  peut-être  autant  de  crédit  aux  or- 
dinations dans  l'Orient  que  dans  l'Occident. 
On  accusa  autrefois  Ibas,  évêque  d'Edesse,  d'a- 
voir voulu  faire  la  promotion  d'un  évêque  très- 
indigne  de  ce  divin  caractère,  et  de  n'en  avoir 
été  empêché  que  par  son  archidiacre.  «  Tenta- 
vit  eum  ordinare  episcopum,  et  prohibitus  ab 
eo  qui  tune  archidiaconus  erat,  indignatus 
est  (Concil.  Gall.,  act.  10).  C'est  apparemment 
de  l'archidiacre  qu'on  doit  entendre  la  lettre 
écrite  par  le  comte  Jean  à  l'empereur  Théodose 
le  Jeune,  où  il  parle  du  premier  diacre  d'E- 
phèse, ■JTpOT&Sia'xovou, 


DES  ARCHIDIACRES  DES  SEPTIÈME,  HUITIÈME  ET  NEUVIÈME  SIÈCLES.  437 


>* 


CHAPITRE  DIX-HUITIÈME. 


DES  ARCHIDUCRES   DANS   LES  SEPTIÈME,    HUITIÈME   ET   NEUVIÈME  SIÈCLES. 


I.  L'archidiacre^était  !e  vicaire-général  de  l'évèqtie,  et  exerçait 
toute  sa  juridiction,  soit  volontaire,  soit  conlentieuse.  Preuve. 

II.  III.  Autres  preuves.  Il  exerçait  même  la  charge  de  l'éco- 
nome et  du  chantre. 

IV.  V.  \'l.  Sa  juridiction  particulière  sur  les  causes  des  clercs. 

VII.  Sa  maison  était  l'école  de  tous  les  clercs  inférieurs. 

VIII.  La  grande  habileté  qui  était  nécessaire  à  un  archidiacre. 

IX.  Sa  juridiction  sur  les  curés,  et  sur  les  archiprètres  même. 

X.  XI.  Il  n'y  avait  qu'un  archidiacre  dans  les  cathédrales. 
Canon  contraire  du  synode  d'Auxerre. 

I.  Les  archidiacres  ont  été,  dans  ce  second 
âge  de  l'Eglise,  les  grands-vicaires,  et  en  même 
temps  les  otticiaux  des  évèques  dans  tout 
l'exercice  de  leur  juridiction  volontaire  ou 
conlentieuse. 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Léger,  évèque 
d'Autun,  le  dit  formellement  en  parlant  de  ce 
saint,  alors  archidiacre  de  Poitiers,  à  qui  il 
donne  aussi  toute  la  science  du  droit  civil  et 
canonique,  toute  l'éloquence,  et  enfin  toute  la 
sainteté  et  l'intégrité  nécessaires  pour  un  si 
important  ministère. 

«  Infra  viginti  annos  ad  otficium  electus  est 
diaconatus,  atque  ab  ipso  pontifice  consecratus. 
Deinde  non  mullo  exacto  tempore  archidiaco- 
nus  etfectus,  omnibus  ejus  diœcesis  Ecclesiis 
ab  eodem  pontifice  pra;fectus  atque  pnflatus 
est.  Erat  enim  egregie  facundus ,  prudentia 
providus,  Dei  zelo  et  amore  fervidus,  Scri- 
pturœ  divinœ,  tum  etiam  pontificii  juris  et 
civilis  cognilione,  pêne  omnes  ejus  parochiœ 
quam  administrandam  susceperat,  habitalores 
antecedebat.  Et  brevi  quidem  temporis  spatio 
sub  illo  anlistite  magnam  pacem  Pictavensi 
solo  regiininis  sui  providenlia  conciliavit  (Du 
Chesne,  Histor.  Franc,  tom.  i,  pag.  618).  » 

II.  Cette  admirable  peinture  d'un  archi- 
diacre ne  répond  pas  mal  à  la  description 
qu'Isidore  de  Séville  nous  a  laissée  de  ses  ver- 
tus et  de  ses  pouvoirs.  «  Archidiaconus  im- 
perat  subdiaconis  et  levitis.  Quis  levilarum 
apostoluin  et  Evangelium  légat,  quis  preces 
dicat  seu  responsoria  in  Doininicis  diebus  aut 
solemnitatibus  decantet.  Solliciludo  quoque 
parœciarum,  etordinatio,  et  jurgia  adejusdem 


pertinent  curam.  Pro  reparandis  diœcesanis 
basilicis  ipse  suggerit  sacerdoti  :  ipse  inquirit 
parœcias  :cumjussione  episcopi,etornamenta, 
vel  res  basilicarum  et  parœciarum  gesta,  et 
libertatum  ecclesiasticarum  episcopo  idem  re- 
fert.  Collectam  pecuniam  de  communione  ipse 
accipit,  et  episcopo  defert  et  clericis  partes  pro- 
prias idem  distribuit.  Ab  archidiacono  nun- 
tiantur  episcopo  excessus  diaconorum.  Ipse 
denuntiat  sacerdoti  in  sacrario  jejuniorum 
dies  atque  solemnitatum,  et  ab  ipso  publiée  in 
ecclesia  prœdicantur.  Quando  vero  archidia- 
conus absens  est,  vicem  ejus  diaconus  sequens 
adimplet  (Epist.  ad  Luidfredum,  pag.  615).  » 

Outre  les  fonctions  du  grand-vicaire  et  de 
l'official,  voilà  l'archidiacre  encore  chargé  de 
celles  de  l'économe  et  du  chantre ,  au  moins  en 
partie.  Mais  ces  paroles  d'Isidore  nous  font 
clairement  voir  que  toute  la  juridiction  épis- 
copale,  tant  pour  le  spirituel  que  pour  le  tem- 
porel, lui  était  entièrement  confiée,  aussi  bien 
que  la  visite  et  la  surintendance  des  paroisses 
de  la  campagne. 

m.  Venantius  Fortunatus,  écrivant  à  l'archi- 
diacre de  Meaux,  ne  met  point  de  bornes  à  sa 
charge  de  vicaire-général  de  l'évéque  : 

Det  tibi  larga  Deus,  qui  curam  mente  fideli 
De  grege  pontificis,  magne  minister,  habes. 

(Poemat.,  1.  m.) 

C'est-à-dire  qu'il  était  le  ministre  universel 
de  l'évêque  dans  toute  l'étendue  de  son  empire 
sacerdotal.  Aussi  un  évèque  de  France  ne  crut 
pas  devoir  demander  pour  lui  au  pape  saint 
Grégoire  l'usage  des  dalmatiques,  qui  n'était 
pas  encore  très-commun,  qu'il  ne  le  demandât 
aussi  pour  son  archidiacre,  ce  que  ce  pape  ac- 
corda à  l'un  et  à  l'autre.  «  Petita  concediinus, 
atque  te  et  archidiaconum  tuum  dalmaticarum 
usu  decorandos  esse  concedinuis,  easdemque 
dalmaticas  transmisimus  (L.  vu,  ep.  csii).  » 

L'histoire  de  l'archidiacre  arien  qui  ferma  la 


438 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-HUITIÈME. 


bouche  à  l'évêque  d'Antioche  Mélèce,  pour 
reniptcher  de  faire  une  profession  de  foi  ca- 
tboliijue,  montre  a^sez  quel  accès  et  quel  pou- 
voir avait  Tarcliidiacre  auprès  de  Tévè  jue, 
comme  celle  de  saint  Jean  l'aumônier  montre 
son  autorité  sur  tous  les  clercs.  Ce  saint  pa- 
triarche d'Alexandrie  (In.  vila  ejus,  c.  xvi) 
étant  à  l'autel,  se  fit  montrer  par  son  archidia- 
cre un  diacre  irréconciliable  avec  son  ennemi, 
et  le  força  de  se  réconcilier  à  l'heure  même 
publiquement,  avant  que  de  recevoir  le  corps 
adorable  de  l'hostie  d'amour  et  de  paix.  L'évê- 
que fit  ce  que  l'archidiacre  avait  inutilement 
tenté. 

IV.  Mais  voici  bien  d'autres  preuves  pour 
justifier  cette  pleine  juridiction  de  l'archidiacre 
sur  tous  les  clercs.  Les  iuj;es  séculiers  ne  pou- 
vaient connaître  des  causes  entre  les  clercs  et 
les  laïques  sans  l'archidiacre,  ou  une  autre  di- 
{i;nité  (lu  chapitre.  Voici  ce  qu'en  dit  le  concile 
d'Auxerre  (C.  xlhi,  Antis.  4,  c.  xx)  :  «  Qure- 
cumque  causatio  quoties  inter  saecularem  et 
cicricum  vertifur,  absciue  presbytero  aut  archi- 
diacono,  vel  si  cpiis  esse  prœpositus  Ecclesia; 
dignoscitur  judex  publicus  audire  negolium 
non  pr.Tsumat.  »  Mais  les  ecclésiastiques  ou  les 
curés  (jui  desservaient  les  paroisses  situées 
dans  les  maisons  des  grands,  s'ils  n'étaient  par- 
faitement obéissants  à  l'archidiacre,  «  Ab  ar- 
ciiidiacono  civilalis  admoniti,  »  étaient  châtiés 
selon  leurs  démérites,  «corriganUn- secunchun 
ecclesiasticam  disciplinam  (Ibid.,  c.  xxvi).  » 
Si  l'archiprètre,  i)ar  une  complaisance  lâche 
et  criminelle,  n'avertissait  pas  l'évêque  ou 
l'archidiacre  de  l'incontinence  des  prêtres,  ou 
des  autres  clercs  majeurs,  il  était  suspendu 
pour  un  an  de  la  conuiiunion  :  «  Et  archipre- 
sbyler  hoc  episcopo  aut  archidiacono  non  in- 
notucrit,  si  scit  (Antisiodor.,  c.  xx,  xxni).  » 

On  décerne  aussi  des  peines  très-sévères 
contre  les  abbés  qui  ne  puniront  pas  les  désor- 
dres scandaleux  de  leurs  religieux,  ou  qui  n'en 
avertiront  pas  l'évêque  ou  l'archidiacre  :  «  Aut 
episcopo,  aut  archidiacono  non  innotuerit.  » 

Enfin,  si  les  seigneurs  des  villages  où  les  pa- 
roisses étaient  situées,  empêchaient  les  archi- 
diacres d'exercer  leur  juridiction  sur  les  curés 
et  autres  ecclésiasliiiues  de  ces  paroisses,  le 
concile  de  Châlon,  tenu  en  050  (Can.  xiv),  les 
frappe  d'analiième.  «  Et  jani  nec  ipsos  clericos, 
qui  ad  ipsa  oratoria,  dcserviunt,  ah  archidia- 
cono coerceri  permitlanl,  etc.  Quod  si  (juis 
coulradixerit,  conunuuione  j)rivetur.  » 


V.  Le  concile  I  de  Mâcon  (Can.  vui)  ne  per- 
met pas  aux  clercs  de  plaider  entre  eux  devant 
un  autre  tribunal  que  celui  de  l'évêque,  des 
|)rêtres  ou  de  l'archidiacre  :  «  Omne  negotium 
clericorum,  aut  in  episcopi  sui,  aut  in  presby- 
terorum  vel  archidiaconi  prsesentia  finiatur.  » 
Mais  comme  la  juridiction  de  l'évêque  s'éten- 
dait sur  toutes  les  personnes  misérables,  le  con- 
cile II  de  Mâcon  défendit  aux  juges  publics  de 
connaître  des  causes  des  veuves  etdes  pupilles, 
sans  être  assistés  de  l'évêque  ou  de  l'archidia- 
cre, ou  de  quelques  prêtres.  «  Docernimus,  ut 
judices  non  prius  viduas  aut  pupillos  conve- 
niant.  quam  episcopo  nunctiarint,  cujus  sub 
velamine  degunt.  Uuod  si  episcopus  prsesens 
non  fuerit;  archidiacono  vel  presbytero  cuidam 
ejus,  ut  pariter  sedentes,  communi  delibera- 
tione  causiseorum  terminos  figanl,  ita  juste  ac 
recte,  ut  deincepsdetaUbus  antedictœ  personœ 
non  conquassentur  (Can.  xii).  » 

Le  concile  V  d'Orléans  (Can.  xx),  ordonna 
que  l'archidiacre,  ou  le  prévôt  de  l'Eglise,  visi- 
terait les  prisons  tous  les  jours  de  dimanche, 
pour  s'informer  de  l'état  et  des  besoins  de  tous 
les  prisonniers,  afin  que  l'évêque  ne  les  laissât 
])as  manciuer  de  ce  qui  leur  était  nécessaire. 
«  Ab  archidiacono,  seu  pneposito  Ecclesiœ  sin- 
gulis  diebus  Dominicis  requirantur.  » 

Ce  prévôt  ne  me  paraît  autre  que  l'archiprè- 
tre, et  on  en  peut  tirer  une  conjecture  du  ca- 
non XX  du  concile  IV  d'Orléans,  confronté  avec 
le  canon  xlui  du  synode  d'Auxerre.  Car  ce 
dernier  nomme  l'archiprètre  au  lieu  du  prévôt 
qui  est  nommé  dans  l'autre.  Mais  cependant 
cette  qualité  de  prévôt,  «  prnepositus,  »  s'intro- 
duisait dans  les  églises. 

VI.  Or  c'était  principalement  sur  tous  les 
clercs  inférieurs  que  l'arciiidiacre  faisait  écla- 
ter les  marques  de  son  autorité,  comme  sur  ses 
vassaux,  (pii  tenaient  de  lui  comme  une  por- 
tion et  un  (lémend)rement  du  diaconat.  Le  con- 
cile d'Agde  (Can.  xx)  lui  permet  de  couper  les 
cheveux  aux  clercs  qui  les  porteront  trop  longs, 
malgré  toute  leur  résistance.  «  Clerici  qui 
comam  nutriunt,  ab  archidiacono,  etiamsi  no- 
luerint,  inviti  detondeantur.  » 

VII.  Tous  les  clercs  inférieurs  étaient  non- 
seulement  leurs  sujets,  mais  aussi  leurs  disci- 
ples, car  les  archidiacres  étaient  toujours  les 
plus  habiles  du  clergé  :  et  h^ur  maison  était 
l'école  de  tous  les  jeunes  ecclésiastiques. 

La  science  et  la  [iratique  se  trouvaient  heu- 
reusement réunies  dans  les  archidiacres,  et 


DES  ARCHIDIACRES  DES  SEPTIÈME,  HUITIÈME  ET  NEUVIÈME  SIÈCLES.  ^39 


tous  ii's  clercs  avaient  en  leur  personne  non- 
seulement  un  maître,  mais  im  modèle  \ivaiit 
de  toutes  les  vertus  cléricales.  «Scias  me  eiiiis- 
sum  al>  arcliiiliaoono  et  itra'ceptorc,  etc..  »  dit 
Grégoire  de  Tours  (llistoria,  1.  vi,  c.  xxxvi). 
Et  en  un  antre  endroit,  a  Erat  arclndiaconus 
Joaimes  noniine,  valde  religiosus,  et  in  aidii- 
diaconatu  suo  stutiiuin  docendi  parvulos  Iia- 
bens   (Mirac,  I.   i,   c.  lxxvih.   Vita' l'alruni, 

c.  IX).  1) 

llréyoire  de  Tours,  parlant  ailleurs  de  l'ar- 
chidiacre de  Bourses,  le  fait  paraître  connne 
le  supérieur  de  la  communauté,  où  tous  les 
diacres  et  les  autres  moindres  clercs  vivaient 
et  mangeaient  ensemble  ;  en  sorte  que  cet  ar- 
chidiacre ne  pouvait  souffrir  les  austérités  ex- 
traordinaires de  l'un  d'eux,  croyant  que  celte 
singularité  blessait  les  lois  et  la  bienséance  de 
la  vie  commune.  Enfin  Bède  nous  apprend  ipie 
l'archidiacre  de  Rome,  Boniface,  pouvait  ré- 
pandre les  torrents  de  sa  profonde  érudition, 
non-seulement  sur  le  clergé  de  Rome,  mais 
aussi  sur  tous  les  étrangers  cpii  y  accouraient 
de  toutes  parts,  comme  à  la  partie  et  à  la  source 
de  la  science,  aussi  bien  que  de  la  discipline  de 
l'Eglise. 

«  Veniens  Romam  Wilfridus,  et  orationibus 
ac  meditationi  rerum  ecclesiasticarum  quoti- 
diana  mancipatus  instantia,  pervenit  ad  ami- 
citiam  viri  sanctissimi  ac  doctissimi,  Bonifacii 
videlicet  arcliidiaconi ,  qui  etiam  consiliarius 
erat  apostolici  papae;  cujus  magisterio,  quatuor 
evangeliorum  libres  ex  ordine  didicit,  compu- 
tum  pascluc  rationabilem,  et  alia  niulta,  quœ 
in  patria  nequiverat,  ecclesiasticis  disciplinis 
accommoda,  eodem  magistro  tradente  percepit. 
(Hist.,  I.  v,  c.  xx).  B 

VIII.  C'est  cette  habileté  extraordinaire  des 
diacres  et  des  archidiacres  qui  les  a  si  souvent 
élevés  au  souverain  pontificat,  connne  saint 
Léon,  saint  Grégoire,  Boniface  et  tant  d'autres. 
C'est  ce  qui  leur  a  donné  la  qualité  et  la  charge 
de  promoteur  dans  les  conciles  généraux  et  na- 
tionaux, comme  il  parait  par  le  canon  iv  du 
concile  IV  de  Tolède. 

C'est  ce  qui  a  fait  faire  ce  règlement  au  con- 
cile d'Agde  (Can.  xxni),que  si  l'archidiacre  n'a 
pas  toutes  les  lumières,  ni  cette  humeur  agis- 
sante que  sa  charge  demande,  l'évéque  lui  lais- 
sera le  nom  et  le  rang  qu'il  a,  mais  il  donnera 
le  maniement  des  affaires  à  celui  qu'il  jugera 
le  plus  propre.  «  Sane  si  officium  archidiaco- 
nalus  propter  siinpliciorem  naturam  implere. 


aut  expi'dire  neciuivcril.  ille  loci  sui  nonicn  li;- 
ncat  ;  et  ordinationi  Ecclesia',  (puin  clcgi'rit 
('pisco|Mis,  pra'|ionatur.  » 

IX.  C'est  encore  la  même  raison  (jui  ayant 
fait  remettre  toute  la  juridiction  do  l'évéque 
entre  les  mains  de  l'archidiacre,  l'a  aussi  élevé 
au-dessris  (les  prêtres  mêmes,  et  surtout  sur  ceux 
de  la  cam[iagne.  Le  concile  m  Trtillo  (Can.  vu) 
ne  donne  la  préséance  aux  diacres  sur  les 
prêtres  (|ue  lorsqu'ils  tiendront  la  place  de  leur 
patriarche  ou  de  leur  métropolitain,  qui  leur 
aura  commis  quel<iue  aU'aire  importante. 

«  Statuinuis,  ut  diaconus  etiamsi  in  digni- 
tate,  id  est  in  quovis  sit  officio  ecclesiastico, 
£■/ av.wrxooTi  tojt' c'sTtv  oo'jiz'M,  ante  presbyteruni  ne 
scdeat ,  prœterquam  si  proprii  patriarche,  vel 
metropolitani  vicem  gerens,  adsit  in  alia  cixi- 
tate,  super  aliquo  capite  ;  tune  enim  ut  locum 
illius  implens  honorabitur.» 

Nous  parlerons  plus  bas  de  ces  offices,  que 
les  Grecs  mêmes  nonunaient  de  ce  nom  d'of- 
fices. Mais  ce  n'est  pas  de  la  préséance  dont  je 
veux  ici  parler,  c'est  de  la  supériorité  efl'ective 
et  tle  la  juridiction  (jue  l'archidiacre,  comme 
grand-vicaire  et  vice-gérant  universel  de  l'é- 
vé([ue  ,  exerçait  sur  les  ])rêtres,  et  sur  l'archi- 
prêtre  même,  comme  nous  l'avons  déjà  montré 
par  tant  de  preuves  dans  ce  chapitre,  et  connne 
Isidore  le  dit  eu  termes  précis  :  «  Archipre- 
sbyter  vero  se  esse  sub  archidiacouo,  ejusque 
jirieceptis,  sicut  episcopi  sui,  sciât  obedire  (Epist. 
ad  Luidfredum,  p.  OiU.)  » 

X.  On  a  pu  i-emarquer  jusqu'à  présent  qu'il 
n'y  avait  qu'un  archidiacre,  et  qu'il  n'y  en  avait 
que  dans  les  églises  cathédrales.  Le  concile  de 
Mérida  (Can.  x),  l'a  dit  si  formellement  qu'il 
n'y  a  pas  de  réplique.  Il  ne  pouvait  y  avoir 
qu'un  premier  entre  les  diacres ,  aussi  bien 
qu'entre  les  prêtres  ;  et  c'était  celui  qu'on 
appelait  archidiacre  et  archiprètre.  Le  concile 
d'Agde  suppose  bien  qu'il  n'y  en  a  qu'un,  lors- 
qu'il lui  substitue,  non  pas  un  autre  archidiacre, 
mais  un  autre  diacre  au  choix  de  l'évéque.  Les 
saints  i)apes  Léon  et  Grégoire  n'eussent  pas  eu 
sujet  de  faire  tant  de  plaintes  de  la  promotion 
malicieuse  et  oflensante  de  l'archidiacre  à  la 
jirétrise,  si  les  évèques  eussent  pu  se  donner 
plusieurs  archidiacres. 

XI.  C'est  ce  qui  nie  fait  un  peu  douter  du 
canon  vi  du  synode  d'Auxerre,  où  il  est  parlé 
de  l'archidiacre,  et  même  de  l'archisous-diacre 
d'une  simple  paroisse.  L'un  est  aussi  extraordi- 
naire que  l'autre  est  inouï,  à  moins  que  ce  fût 


4-iO 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  DIX-NEUVIÈME. 


une  coutume  particulière  et  très-singulière  du 
diocèse  d'Auxerre  de  donner  ces  noms  au  pre- 
mier d'entre  les  diacres  et  au  premier  des 
sous-diacres  d'une  paroisse.  En  ce  cas  on  pour- 


rait autoriser  cet  usage  par  celui  des  monas- 
tères orientaux ,  oii  saint  Jean  Climaiiue  donne 
plusieurs  fois  le  nom  d'archidiacre  au  premier 
des  diacres  (Scaliger  iv). 


CHAPITRE  DIX-NEUVIEME. 


DES  ARCHIDIACRES   SOLS   L  EMPIRE   DE   CHARLEMAGNE. 


I.  Divers  pouvoirs  des  archidiacres  sur  les  curés,  pour  la  vi- 
Bite,  pour  le  synode. 

II.  Leurs  exactions  souvent  condamniies. 

III.  Pourquoi  les  laïques  se  saisirent  quelquefois  des  archi- 
diacoués. 

IV.  Instructions  excellentes  d'Hincmar  à  ses  archidiacres,  sur- 
tout au  temps  de  leurs  visites,  ou  avec  l'évéque,  ou  seuls. 

V.  Défenses  de  rien  exiger. 

VI.  Et  d'unir  ou  désunir  les  bénéBces  de  la  campagne. 

VII.  Et  de  se  laisser  corrompre  par  présents,  pour  dissimuler 
les  crimes  des  pénitents,  des  clercs  et  des  curés. 

VIII.  Il  donne  le  nom  de  prêtres  aux  archidiacres. 

IX.  Les  arthiprètrcs  mêmes  étaient  soumis  à  l'archidiacre. 

X.  Les  archidiacres  promoteurs  des  conciles.  Des  archidiacres 
religieux. 

XL  Les  archidiacres  parmi  les  Grecs  n'avaient  point  Je  juri- 
diction sur  les  prêtres. 

XII.  La  délégation  de  la  juridiction  épiscopale  étant  longtemps 
continuée,  est  devenue  ordinaire. 

I.  Les  archidiacres  sont  placés  avant  les 
prêtres,  c'est-à-dire  avant  les  curés  ,  parce 
qu'ils  exerçaient  déjà  sur  eux,  une  juridiction 
ordinaire,  (luoique  déléguée  par  l'évêtiue. 

C'était  à  l'archiiliacre  de  convoquer  les  curés 
et  les  autres  ecclésiasti(|ues  avec  le  comte,  c'est- 
à-dire  le  gouverneur  du  pays,  pour  se  trouver 
au  synode  de  l'évéque.  «  De  presbyteris  et 
clericis  sic  ordinanuis,  ut  archidiacouus  epi- 
scopi  eos  ad  synodum  commoneat ,  una  cum 
comité  (Conc.  GalL,  t.  ii,  p.  5).  »  Le  capitulaire 
de  Louis  le  Délioniiaire  leur  donne  la  (jualilé 
de  coadjuteurs  du  minislère  épiscopal,  aussi 
bien  qu'aux  chorévêques  et  aux  archii)rétres. 
(Ibid.,  p.   iOd). 

II.  Le  concile  de  Châlon,  tenu  en  SI.")  (Can. 
xv)  montre  bien  qu'ils  étaient  d'ordinaire  com- 
mis par  les  évêques  pour  faire  la  visite  des 
paroisses  de  la  campagne  :  «  quod  ab  eis  epi- 
scopisinjungilur,  hoc  per  parochias  suas  cxer- 


cere  studeant ,  nihil  per  cupidilatem  et  avari- 
tiam  prœsumentes.  » 

Cette  autorité  que  les  évêques  donnaient  aux 
archidiacres  sur  les  curés  et  sur  les  paroisses, 
dégénérait  souvent  en  une  tyrannie  peu  sup- 
portable, et  en  infâme?  exactions,  et  c'est  ce 
qui  est  condamné  i)ar  ce  même  concile  :  «  Di- 
ctum  est  etiam,  quod  in  plerisque  locis  archi- 
diaconi  super  presbytères  parochianos  (juam- 
dam  exerceant  dominationem,  et  ab  eis  censiis 
exigant;  quod  magis  ad  tyrannideiu,  (juam  ad 
rectitudinis  ordinem  pertinet.  » 

Le  concile  VI  de  Paris,  tenu  en  829  (Can. 
xxv) ,  lit  de  nouvelles  instances  aux  évêques 
contre  l'avarice  et  les  exactions  des  archi- 
diacres sur  les  cures  et  sur  les  curés  :  «  Com- 
perimus  quorumdam  episcoporum  ministros 
non  sol  uni  in  presbyteris,  sed  etiam  in  |)lebibus 
])arochiie  sutc  avaritiam  poli  us  exercere,  quam 
utilitati  ecclesiasticœ  dignitatis  inservire ,  etc. 
Stutiiimiis  ut  unus([uis(jae  episcoporum  super 
archidiaconis  suis  deinceps  vigilantiorem  cu- 
rani  adhibeat;  quoniam  propter  eorum  avari- 
tiam et  monim  imiiroititatem  multi  scandali- 
zanlurelministeriumsacerdotaleviluperatur.» 

Le  concile  II  d'Aix-la-Chapelle,  tenu  en  836 
(Can.  iv),  usa  ])re?que  des  mêmes  termes, 
enveloppant  tlans  la  même  censure  les  ciioré- 
vêques  et  les  archiprêtres,  avec  les  archidia- 
cres, comme  complices  de  la  même  avarice. 

111.  Ce  n'est  pas  sans  beaucoup  de  vraisem- 
blance qu'on  a  cru  que  les  laKiues  mêmes  ne 
s'étaient  portés  à  ce  comble  d'imprudence,  de 
s'emparer  des  archidiaconés,  que  [jour  exercer 
ces   cruelles   rapines    sur    les   paroisses   des 


DES  ARCHIDIACHES  SOTS  CHARLEMAGNE. 


m 


cliain|is.  C'est  cet  abus  que  CliLirloniagne  coii- 
(launia  dans  un  de  ses  capitulaires.  «  Il  laici 
non  sint  pnriiositi  nionasliMioruni  inlraniona- 
steria,  ncc  arcliidiaconi  sint  laici  (Ca|)ilul. 
Carol.  Mag.,  1.  i,  c.  IIG;  lom.  ii,  Conc.  Gall., 
can.  xv).  » 

IV.  De  ce  qui  a  été  rapporté  il  résulte  que  les 
frais  ou  les  profits  des  archidiacres  n'étaient 
point  encore  réglés.  Hincniar  donna  une  excel- 
lente instruction  à  ses  deux  archidiacres,  où  il 
leur  recommande  de  ne  point  être  à  charge 
aux  curés  quand  ils  feront  leurs  visites,  ou 
seuls,  ou  avec  l'évèque;  de  ne  point  se  faire 
accompagner  d'un  nombre  excessif  ou  d'hom- 
mes, ou  de  chevaux;  de  ne  point  s'arrêter 
longtemps  dans  la  même  paroisse  ;  et  s'il  y  a 
quelque  nécessité  inévitable  de  s'y  arrêter  un 
peu  plus  longtemps,  de  faire  contribuer  les 
paroisses  voisines  à  leur  dépense;  de  ne  point 
faire  leurs  visites  pour  épargner  leur  revenu, 
en  vivant  aux  frais  des  paroisses,  mais  de  mettre 
tout  leur  soin  à  répandre  la  parole  divine,  et 
de  faire  éclater  partout  une  vie  et  une  con- 
duite encore  plus  édifiante  que  leur  prédica- 
tion. 

a  Qnando  rusticanas  parochias  vobis  com- 
missas,  vel  mecum,  vel  per  vos  circuitis,  sicut 
et  ego,  non  graves  silis  presbyteris  in  paratis 
qua^-endis  :  neque  diicatis  superflue  vobiscura 
homines,  vel  vestros  proprios,  vel  pro[)in- 
quos  vestros,  per  quos  illos  gravetis,  in 
cibo ,  et  pota ,  et  fodro  ad  caballos.  Xec  diu 
in  mansionibus  ipsorum  presbylerorimi  immo- 
remini  ;  et  si  nécessitas  evenerit ,  ut  in  aliquo 
loco  immorari  debeatis,  sic  disponite  victualia 
vestra  per  circummanentes  presbyferos,  ut 
nemini  graves  sitis,  et  non  oliosi  et  infru- 
cluosi  stipendia  ecclcsiaslica  insumatis,  sicut 
nec  ego  gravis  sum  presbyteris,  per  quos 
parochias  circumeo,  etc.  Ut  non  occasione 
victus  parochias  circumeatis ,  quatenus  alio- 
rum  sti[)endiis  viventes,  vestra  stipendia  con- 
servetis,  sed  verbo  et  exemplo  iustruatis  non 
solum  presbyteros,  sed  et  laicos  (Conc.  Gall., 
tom.  ui,  p.  64-2).  » 

V.  Il  leur  défend  ensuite  très-expressément 
d'exiger  des  curés  aucuns  présents,  soit  en 
argent,  soit  en  espèces,  non  pas  même  sous 
le  vain  prétexte  d'eulogie  ;  non-seulement 
lorsqu'ils  feront  leurs  visites,  nriis  aussi  au 
temps  du  synode,  ou  dans  les  occasions  diver- 
ses qui  obligent  les  curés  de  venir  à  l'évêché. 
«  Ne  ad  quamcumque  rem  denarios  apud  pre- 


sbyteros postuletis,  neque  quando  adsynodiim 
venerint,  eulogias  exigatis;  »  sans  leur  défen- 
dre néanmoins  de  recevoir  ce  qu'on  leur  donne 
volontairement. 

VI.  Les  défenses  suivantes  font  voir  jusques 
oii  le  pouvoir  des  archidiacres  s'était  étendu. 

Il  ne  leur  permet  plus  d'unir  deux  paroisses 
en  une ,  ni  de  désunir  les  chapelles,  ou  les 
succursales  de  la  paroisse  à  la(]uelle  elles  ont 
été  attachées,  ni  de  donner  permission  d'avoir 
des  chapelles  domestiques.  Au  contraire  il  leur 
ordonne  de  lui  dresser  un  état  de  toutes  les 
paroisses  qui  ont  eu  des  annexes  et  de  tous  les 
oratoires  domestiques  qui  ont  été  bâtis  jusqu'au 
temps  présent. 

Vil.  11  leur  ordonne  ensuite  à  eux  et  aux 
curés  de  ne  point  se  laisser  corrom])re  par  des 
présents,  pour  flatter  les  pénitents  dans  leurs 
désordres ,  soit  avant  la  réconciliation  ,  soit 
après  et  de  l'avertir  de  la  rechute  déplorable 
de  ceux  qui  après  avoir  reçu  la  réconciliation 
solennelle  retombaient  dans  leurs  premiers 
dérèglements,  afin  qu'il  leur  prescrive  la  con- 
duite qu'ils  doivent  tenir  â  leur  égard.  Leur 
sévérité  ne  doit  pas  être  moins  incorruptible 
pour  les  clercs  qu'ils  présenteront  aux  ordres, 
de  la  vie  et  de  la  capacité  desquels  ils  sont  res- 
ponsables. 

Enfin  il  leur  enjoint  de  l'informer  de  quelle 
manière  les  curés  observent  les  ordonnances 
qu'il  leur  a  prescrites,  surtout  pour  la  portion 
des  revenus  de  l'Eglise  qui  est  destinée  aux 
pauvres,  et  de  remjjlir  la  place  des  doyens  qui 
sont  incorrigibles  dans  leur  relâchement,  ou 
qui  sont  morts,  soit  en  lui  en  déférant  leclioix, 
s'il  est  proche,  ou  s'il  est  éloigné  en  faisant  pro- 
céder aune  élection,  dont  ils  lui  demanderont 
la  confirmation. 

VIII.  Voilà  les  saintes  et  exactes  instructions 
de  Hincniar  à  ses  archidiacres, iiiii  nous  ap|iren- 
nent  eu  même  temps  leurs  obligations  et  leurs 
pouvoirs;  et  dont  nous  aurions  sujet  d'être  en- 
tièrement satisfaits,  si  nous  avions  pu  y  décou- 
vrir la  raison  pour  laquelle  il  semble  donner 
la  qualité  de  prêtres  à  ses  archidiacres.  «  Gon- 
tario  et  Adhelardo  archidiaconibus  presbyte- 
ris. »  On  ne  peut  (las  dire  qu'il  faut  lire  ,  «  et 
presbyteris,  »  par  la  raison  qu'il  parle  toujours 
des  archidiacres.  Il  est  difficile  de  soutenir  que 
ce  fussent  des  prêtres  qui  fissent  la  fonction  des 
archidiacres,  parce  que  l'usage  de  l'Eglise  était 
encore  alors  fort  contraire. 

IX.  Les  curés  et  les  archiprêtres  même  ne 


4i2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


laissaient  pas  d'être  soumis  à  la  juridiction  de 
l'archidiacre,  qui  n'était  que  diacre.  Cela  n'a 
que  trop  pariidansce  que  nous  venons  de  remar- 
quer des  instructions  de  llineniar,  et  surtoutdu 
pouvoir  qu'avait  l'archidiacre  de  déposer  les 
archipnMres  ou  les  doyens  qui  ne  se  corri- 
geaient pas  de  leurs relàcliLinents.  «Si  decaïuis 
in  ministerio  vestro,autnegligens,  aut  inulilis, 
aut  incorrigibilis  fuerit  ,  non  inconsiderate 
decanum  cligite.  » 

Cela  paraît  encore  dans  des  capitulaircs  de 
Gautier,  évèque  d'Orléans,  «  l't  per  archidia- 
conos  vita,  intellectus  et  doctrina  cardinalium 
presbyterorum  invcstigetur  {Cap.  xiu). 

X.  Le  concilell  deSoissons,  etceluideFrioul 
sous  le  patriarche  Paulin,  nous  font  voir  les 
archidiacres  dans  la  fonction  ancienne  de  pro- 
moteurs des  conciles.  Dans  celui  de  Soissons 
c'est  le  substitut  de  l'archidiacre  qui  tient  sa 
place,  «  locum  servans  archidiaconi.  »  Loup, 
abbé  de  Ferrières,  écrit  des  lettres  à  l'suard, 
abbé  et  archidiacre. 

Cela  montre  que  cette  charge  était  quelque- 
fois remplie  par  des  religieux.  C'est  ce  qui  se 
voit  encore  dans  le  VHP  concile  général 
(Act.  9),  où  on  lit  une  déclaration  de  Jose|)li, 
moine,  archidiacre  et  vicaire-général  du  pa- 
triarche d'Alexandrie.  «  Joseph,  monachus 
archidiaconus  et  vicarius  patriarcha?,  etc.  »  La 
règle  des  chanoines  dressée  par  Crodogandus, 
évêque  de  Metz,  semble  confondre  l'archidiacre, 
le  prévôt  et  le  primicier  des  monastères,  où  les 
clercs  vivaient  en  communauté  (C.  x). 

XL  L'Eglise  grecque  avait  aussi  ses  archidia- 
cres, mais  elle  ne  leur  donnait  pas  cette  juri- 
diction si  ample  sur  les  prêtres  et  sur  les 
curés.  Ce  n'était  que  dans  les  offices  divins  et 


dans  la  célébration  des  mystères,  que  les  archi- 
diacres faisaient  éclater  leur  prééminence  sur 
le  cartophylace  et  le  exocataccles,  dont  nous 
pailcrons  jilus  bas.  Hors  de  là  toute  la  juridic- 
tion était  réservée  au  cartophylace.  Aussi  l'ar- 
chidiaconé  parmi  les  Grecs  n'est  pas,  if/.'-vTi/.'.M^ 
mais  seulement  ^vv"-'",  c'est-à-dire  (jue  c'est 
une  charge  sans  juridiction. 

De  la  Jean,  évêque  de  Cilre,  dans  ses  répon- 
ses à  Cabasilas  tire  une  autre  différence  entre 
ces  deux  sortes  de  charges  (Juris  Ori.,  1.  v, 
p.  329).  L'archidiaconé  n'étant  qu'un  office 
sans  autorité,  il  ne  peut  être  donné  qu'au  plus 
ancien  des  diacres  :  si  c'était  une  dignité 
accon)])agnée  de  juridiction,  révèi|ue  en  dis- 
poserait en  faveur  de  qui  il  voudrait,  puisque 
c'est  à  révêi|ue  à  choisir  ceux  auxquels  il  doit 
confier  le  dépôt  de  son  eniiiire  et  de  sa  juridic- 
tion. 

Xll.  Après  ce  qui  a  été  dit,  il  est  aisé  de  re- 
marquer que  la  grande  juridiction  des  archi- 
diacres, surtout  sur  les  prêtres  et  les  archi- 
prêtres,  n'est  devenue  ordinaire  ,  que  parce 
qu'elle  avait  été  très-longtemps  déléguée  sans 
aucune  limitation. 

L'archidiacre  faisait  la  visite  avec  l'évoque  ; 
il  la  fit  depuis  seul ,  quand  l'évêque  ne  put 
s'acquitter  de  ce  devoir.  Il  exécutait  les  ordres 
de  l'évêque  dans  les  paroisses  et  il  exerçait  la 
juridiction  épiscopale  sur  les  curés  et  sur  les 
archiprêtres  même,  comme  délégué  de  l'évê- 
que. L'évêque  étant  absent,  il  continuait  do 
l'exercer  ;  enfin  il  l'exerça,  le  siège  épiscopal 
étant  vacant ,  parce  que  la  délégation  étant 
devenue  ordinaire  et  perpétuelle,  c'était  aussi 
dès  lors  une  autorité  et  une  juridiction  ordi- 
naires. 


CHAPITRE  VINGTIEME. 


DES    ARCHIDIACRES    APRES     LAN     MIL. 


I.  Les  archidiacres  sont  encore  les  yeux  et  les  mains  de  l'é- 
vtqiie,  selon  les  droits  des  décrétâtes. 

II.  Bani;  et  prééiiiiiiencc  des  archidiacres  sur  toutes  les  autres 
dignités  au-dessous  de  l'épiscopat. 


III.  Pourquoi  il  n'y  eut  plus  d'archidiacres  dans  le  clergé  de 
lloiiif!  et  (le  Constanliiinple. 

IV.  Me  leur  nh.igalion  d'être  diacres. 

V.  De  leur  élévation  à  la  prêtrise.  D'où  vient  ce  changement. 


DES  ARCHIDIACRES  APRÈS  L'AN  MIL. 


443 


VI.  De  leur  juriilictioii  conlenticnse. 

VU.  Si  cette  jm-itliction  était  ordinaire  ou  déléguée  :  si  elle 
était  fondée  sur  le  droit  ou  sur  la  coutume. 

VIII.  Etendue  de  cette  juridiction. 

IX.  Abus  de  cette  juridution  si  vaste,  qui  donne  occasion  à  la 
création  des  grands-  vicaires  et  des  ofliciaus  des  évèqucs. 

X.  Révocations  et  liiuilations  des  pouvoirs  des  archidiacres, 
pour  les  transférer  à  des  grands-vicaires  amovibles,  ou  a  des 
ofliciau.x,  dont  la  commission  s'est  eulin  changée  eu  office.  Cas- 
sation des  ofllciaux  des  archidiacres. 

XI.  Règlements  du  concile  de  Treule,  des  assemblées  du  clergé 
et  des  parlements  de  Fraucc  il  ce  sujet. 

XII.  Sommaire  de  tout  ce  qui  a  été  dit. 

.XIll.  Exemple  merveUleux  d'un  saint  archidiacre. 

I.  Les  archidiacres,  dans  le  droit  nouveau, 
n'ont  rien  perdu  de  leur  ancien  éclat,  puis- 
qu'ils y  possèdent  encore,  dans  les  décrétales 
grégoriennes,  Téminenle  qualité  de  vicaires- 
généraux  des  évoques;  «  Archidiaconus  post 
episcopuin  sciât  se  vicarium  esse  ejus  in  omni- 
bus (Décrétai.  Gregor.,  1.  i ,  tit.  -23,  c.  xvii).  » 
Le  pape  Innocent  III  leur  confirnie  ce  titre, 
«  Secundum  Roniini  ordinis  constitutionem, 
major  post  episcopum  ,  et  ipsius  episcopi  vica- 
rius  reperitur  ;  »  et  celte  glorieuse  qualité  est 
accompagnée  de  toute  la  juridiction  qu'elle 
peut  faire  comprendre  :  «  Oinnem  curam  in 
clero,  tam  in  urbe  positorum,  quam  eorum, 
qui  per  parochias  habilare  noscuntur,  ad  se 
pertinere  sciât,  sive  de  eortiin  coaversitione  , 
sive  de  honore,  et  restauratione  ecclesiarum, 
sive  doctrina,  etc.  et  delinquentiuni  rationem 
coram  Deo  redditurus  est.  » 

Ils  doivent  encore  s'y  considérer,  comme  les 
yeux  et  les  mains  de  leur  évèque,  auquel  ils 
étaient  aussi  attachés  par  serment  de  fidélité, 
comme  nous  l'apprend  saint  Fulbert,  évèque 
de  Chartres.  «  Lisiardus  archidiaconus,  ctun 
esse  deberet  oculus  episcopi  sui,  dispensator 
pauperum  ,  cutechizator  insipientium  ,  etc. 
factus  est  quasi  clavus  in  oculutn ,  etc.  Quid 
dicemus  de  juramento  fidelitatis,  quod  ita  con- 
taminât, ut  episcopo  suo,  non  corde,  nec 
verbo,  nec  opère  fidelis  existât  (Epist.  xxxiv).  » 
Hildebert,  évèque  du  Mans  (Epist.  lv),  n'ose 
entreprendre  de  recommander  à  l'évoque  de 
Clermont  celui  dont  il  avait  lui-même  fait 
l'œil  de  son  Eglise,  «  Qtiem  fecistis  ultro  non 
quodlibet  membrum  corporis  Ecclesiœ,  sed 
oculum.  »  Le  concile  de  Trente  se  sert  du 
même  terme,  «  Archidiaconi,  qui  oculi  dicun- 
tur  episcopi  (Conc.  Trident.,  sess.  xxiv,c.  l'a).» 
Comme  il  y  avait  très-souvent  plusieurs 
archidiacres  dans  un  même  évêché ,  on  don- 
nait le  nom  de  grand  archidiacre  à  celui  de  la 
ville,  pour  le  distinguer  des  autres  archidiacres, 


qui  partageaient  entre  eux  tout  l'évèché.  Or, 
quoi([ue  ce  fût  principalement  au  grand  archi- 
diacre que  ces  prérogatives  singulières  fussent 
attribuées,  elles  leur  étaient  néanmoins  com- 
munes ta  tous,  et  il  ne  paraît  pas  qu'un  archi- 
diacre ait  exercé  son  empire  sur  les  autres 
(Syrmund.,  in  I.  ii,  epist.  8,  GeoU'r.Vind.). 

II.  L'archidiacre  de  Cantorbéry  signa  avant 
tous  les  abhés  au  concile  do  Londres,  en  107."». 
«  Hoc  sancitum  est  coram  duobus  archiepisco- 
pis,  et  tredecim  episcopis,  et  Aschenillo  arclii- 
diacono,  et  viginti  uno  abl)atii)us(Conc.,  toni.  x, 
p.  :f  IS,  .'(M),  3011).  »  Dans  celui  de  Winchester,  les 
abbés  eurent  le  dessus.  «  Legatus   sevocavit 
episcopos,  mox  abbalos,  postiomo  archidia- 
coni vocati  (Pag.    1021).  »    Dans  l'élection  de 
l'évèque  de  Chàlons,  en  1080,  les  archidiacres 
signèrent  avant  les  archiptètres.  Aubert  Mirée 
a  publié  une  inhuité  de  Chartres,  où  ils  sous- 
crivirent avant  les  doyens,  les  prévôts  et  les 
chantres  (liai.,  de  Ec.  Hier.,'I.  iv,  c.  3,  art.  vi). 
Le  pape  Clément  V,  dans  sa  bulle  de  convo- 
cation ponr  le  concile  de  Vienne,  adressée  en 
Angleterre    en   1300,   nomme  les  abbés,  les 
prieurs,  les  doyens,  les  prévôts,  les   archi- 
prêtres  avant  les  archidiacres.  L'archevêque  de 
Cuitorbéry  les  nomma  ensuite  en  même  rang 
(Conc,  tom.  n,  pir.  %  p.  1303,  15b2,  1333). 

L'archevêque  de  Ravenne  garda  le  même 
ordre  en  même  temps.  Les  conciles  de  Milan 
sous  saint  Charles  ne  laissèrent  pas  de  recon- 
naître (jue  l'archidiaconé  est  la  première  di- 
gnité de  l'Eglise  après  l'épiscopat.  «Archidia- 
conus cujusque  catliedralis  Ecclesiae  ,  si  ea 
Ecclesia  archidiaconum  habeat  ;  sin  minus,  is, 
qui  proximum  post  episcopum  in  ea  Ecclesia 
dignitatis  gradum  habet,  etc.  (Conc.  tom.  xv, 
pag.  263,  1407). 

Le  concile  d'Aquilée  s'expliqua  en  mêmes 
termes  en  1306.  «  Dignitas  quœ  principalis  est 
post  episcopalem.  »  Dans  l'Eglise  grecque  au 
temps  du  concile  II  de  Lyon,  c'est-cà-dire  en 
1274,  l'archidiacre  est  nommé  avant  tout  le 
clergé,  avant  les  économes,  les  défenseurs  et 
les  plus  relevées  dignités  (Conc.  tom.  xi,  par.  1, 
p.  960,073). 

D'où  il  paraît  que  le  rang  des  archidiacres 
n'a  pas  toujours  été  le  même,  ni  dans  toutes 
les  églises,  ni  dans  la  même  église  en  divers 
temps;  quoique  leur  juridiction  demeurât  la 
même  ,  et  qu'ils  exerçassent  une  domination 
canonique  sur  ceux  là  qui  ils  ne  disputaient 
plus  la  préséance. 


444 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


On  pourra  bien  juger  de  l'éminence  de  cette 
dignité,  si  l'on  considère  qu'Etienne  de  Gar- 
lande,  grand -maître  et  grand -sénéchal  de 
France,  tenait  à  liouneur  d'être  archidiacre  de 
Paris.  Saint  Bernard,  avec  autant  de  justice 
que  de  zèle,  blâme  ce  monstrueux  assemblage 
de  dignités  incompatibles  ;  mais  les  termes 
dont  il  se  sert  ne  laisseront  pas  de  nous  faire 
voir  quelle  était  alors  l'élévation  des  archidia- 
cres. «  Sic  subliuiatum  honoribus  ecclesia- 
slicis,  ut  nec  episcopis  inferior  videatur  ;  sic 
implicatum  militaribus  officiis,  ut  prœferatur 
et  (lucibus  (Kpist.  Lxxvni;.  » 

Philippe,  frère  du  roi  Louis  Vil,  fut  archi- 
diacre de  Paris  et  il  ne  crut  pas  que  le  rang 
d'archidiacre  pût  obscurcir  la  gloire  de  son 
sang  royal. 

ni.  Ce  n'est  pas  sans  raison  qu'on  demande 
pouniuoi  et  depuis  quel  temps  il  n'y  a  plus 
d'archidiacres  dans  l'Eglise  romaine  (Conc.  x, 
pag.  \loS). 

Ciaconius  dit  que  Grégoire  VII ,  qui  était 
archidiacre  de  Rome  avant  sa  promotion,  donna 
son  archidiaconé  à  un  nommé  Jean  ,  qui  se 
jeta  ensuite  dans  le  parti  de  l'antipape  Clé- 
ment m,  et  par  son  infâme  révolte  flétrit  poiu- 
jamais  la  dignité  dont  il  était  revêtu.  «  l'ost 
quem  nullum  prœterea  in  Romana  Ecclesia 
archidiacoMum  esse  observari,  »  dit  Ciaconius. 
C(!t  auteur  se  troin[ie,  |)uis(iue  Guillaume  de 
Malmesbury  assure  que  dans  le  concile  de  Bary 
saint  Anselme  fut  placé  auprès  de  l'archidiacre 
de  Borne,  au-devant  du  pa|ie.  «  Sedere  jussus 
juxta  Homauum  archidiaconum.  »  II  est  vrai 
qu'il  n'eu  est  plus  guère  parlé  aj)rès  cela.  Le 
premier  des  diacres  prit  la  place,  de  même 
que  le  vice-chancelier  a  succédé  au  chancelier 
dont  on  ne  parle  iilus  dans  la  même  Eglise 
romaine.  Il  se  pourrait  bien  faire  que  les  dia- 
cres cardinaux,  étant  déjà  montés  à  une  grande 
élévation,  hissent  bien  aises  de  n'avoir  plus 
d'archidiacres  au-dessus  d'eux. 

L'Eglise  de  (;onslanlino|ile,  peu  de  temps 
après,  se  passa  aussi  d'archidiacre.  La  raison 
pouvait  en  être  ,  que  le  cartopbylace  en 
faisait  toutes  les  fonctions  et  en  avait  tous  les 
honneurs  et  tous  les  avantages,  ([uoiquil  ne  fût 
que  diacre. 

Dans  les  souscriptions  du  concile  de  Florence, 
le  [;rand  carlopli\lace  était  aussi  archiiliacre 
(Conc.  tom.  xui,  p.  .S-23j.  C'était  parce  que  le 
clergé  du  palais  im|)érial  avait  un  archidiacre 
avec  letiuel  l'archidiacre  de   l'Eglise  eût  été 


continuellement  aux  prises.  «  Olim  quidem 
Ecclesia  suum  habebat  archidiaconum,  nunc 
vero  nequaquam.  Sed  habetillumclerusimpe- 
ratoris.  »  Ce  sont  les  paroles  de  Codin  (Codin., 
c.  XVII,  n.  38,39). 

Ces  deux  clergés,  l'un  du  palais  impérial,  et 
l'autre  de  l'Eglise  patriarcale,  se  trouvent  distin- 
gués dans  la  lettre  que  l'Eglise  grecque  écrivit 
au  pape  Grégoire  X  en  1-274,  et  il  n'y  est 
jiarlé  d'archidiacre  que  dans  le  clergé  impérial, 
quoiijue  dans  la  réponse  du  pape  il  paraisse 
deux  archidiacres  différents  (Conc.  tom.  ii, 
par.  2,  p.  90).  Le  secrétaire  de  ce  pape  n'était 
peut-être  pas  bien  informé  de  cette  singularité 
du  clergé  de  Constantinople.  Le  même  Codin 
remar(iue  que  le  clergé  de  l'Eglise  n'avait 
point  non  plus  de  premier  psalmiste,  «  pro- 
topsaltes,  »  quoique  le  clergé  impérial  en  eût 
un  ,  et  que  c'était  quelquefois  la  même  per- 
sonne qui  était  pourvue  de  deux  dignités  de 
même  nom  dans  les  deux  clergés,  de  l'Eglise  et 
du  palais. 

Enfin  i)0ur  ne  rien  omettre  de  ce  qui  peut  ser- 
vir à  lever  cette  difficulté,  le  même  Codin  dit 
ailleurs  que  l'empereur  choisissait  toujours 
l'archidiacre  de  son  palais  parmi  les  exoca- 
tacèles,  qui  étaient  comme  les  cardinaux  du 
patriarche  de  Constantinople  (Codinus,  c.  ix, 
n.  0).  C'est  pourquoi  l'archidiacre  ])orte  la 
chasuble  qui  est  propre  aux  i)rêfres,  au  jour  et 
à  la  cérémonie  solennelle  de  l'adoration  de  la 
Croix. 

Les  exocatacèles  furent  d'abord  des  curésj 
ou  des  prêtres,  qui  avaient  la  conduite  d'une 
Eglise  et  du  clergé.  Le  patriarche  souffrant  avec 
peine  qu'ils  ne  l'assistassent  point  aux  grandes 
fêtes,  parce  qu'ils  ne  pouvaient  pas  (juitter 
leurs  Eglises,  il  résolut  de  substituer  les  diacres 
en  leur  place,  ce  (iu'ilfit,etilleur  laissa  l'usage 
de  la  chasuble  sacerdotale,  dont  ils  avaient  joui 
pendant  qu'ils  étaient  prêtres.  C'était  parmi 
ces  exocatacèles  seulement  que  l'empereur 
choisissait  son  archidiacre. 

Dans  les  Eglises  de  l'Occident  les  évêchésont 
été  (juclquefois  divisés  enarchidiaconés  (Spicii., 
tom.  vui,  p.  ITS).  Henri  de  Hutingdon,  archi- 
diacre (le  Lincoln  raconte  lui-même  coimnent 
Henri,  (|ui  i>assa  en  Angleterre  avec  Guillaume 
IeConi|uérant,  ety  futfait  évèquede  Dorcester, 
ayant  t'ait  transférer  son  siège  à  Lincoln,  y 
forma  son  cha|)itre,  et  ayant  sept  petites  pro- 
vinces dans  son  diocèce,  y  établit  autant  d'ar- 
chidiacres, comme  autant  de  grands-vicaires  et 


DES  ARCHIDIACRES  APRÈS  L'AN  MIL. 


-i3-! 


d'ofOciaux  :  a  Septem  archiiliaconos  septein 
provinciis  (]iiibus  prœerat  imposuit.  »  Le  pre- 
mier élait  CL'hii  lie  Lincoln,  les  autres  prenaient 
leur  nom  de  la  \ille  capitale  de  leur  [irovince. 

IV.  Une  dignité  aussi  éclatante  que  celle  des 
archidiacres  était  autrefois  tombée  dans  un  si 
déplorable  avilissement,  qu'il  fallut  ordonner 
dans  le  concile  de  Bourges,  en  l'an  1031 
(Can.  iv),  qu'on  ne  pourrait  être  archidiacre 
sans  être  diacre.  «  L't  archidiaconatum  nuUus 
habeat,  nisi  diaconus  efticialur.  »  Ce  qui  fut 
contirnié  dans  le  concile  de  Clermont  sous 
Urbain  II  (Can.  m),  et  dans  celui  de  Latran 
sous  Calixle  II,  en  112-2  (Can.  n). 

Le  concile  de  Londres,  en  1127,  renouvela  la 
même  ordonnance,  enjoignant  aux  évèques  de 
dégrader  ceux  qui  s'opiniàtreraient  à  ne  pas 
recevoir  le  diaconat,  a  Nullus  in  decanum, 
nisi  presbyter,  nuUus  in  archidiaconum,  nisi 
diaconus  constituatur.  Quod  si  quis  ad  hos 
honores  infrapr;edictosordinesjam  designatus 
est,  moneatur  ab  episcopo  ad  ordines  accedere. 
Quod  si  refugerit,  eadem  ad  quam  designatus 
fuerit,  careat  dignitate.  »  Ce  qui  fut  confirmé 
dans  le  concile  11  de  Latran,  sous  Innocent  II, 
en  1139,  et  dans  celui  de  Reims  sous  Eugènelll, 
en  1148. 

Le  concile  de  Saumur,  en  1253  [Can.  x). 
réitéra  la  même  loi  pour  les  archidiacres  et 
les  archiprètres,  ou  doyens  ruraux,  leur  don- 
nant un  an  de  terme  pour  se  faire  ordonner. 
«  Ad  prœdictos  ordines  infra  annum  susci- 
piendos  per  subtractionem  beneficiorum  com- 
pellantur  (Can.  v,  can.  ix';.  » 

La  règle  ecclésiastique  était  donc,  originel- 
lement, que  les  archiprètres  fussent  élus 
d'entre  les  prêtres,  et  les  archidiacres  d'entre 
les  diacres.  Ce  fut  par  dispense  qu'on  soullVit 
qu'ils  fussent  pourvus  de  ces  dignités,  avant 
que  d'en  avoir  reeuet  exercé  les  ordres,  pourvu 
qu'ils  les  reçussent  sans  retardement.  Enfin  le 
dernier  effet  de  la  condescendance  a  été  de 
leur  donner  une  année  entière  pour  se  faire 
ordonner. 

Le  pape  Alexandre  III,  dans  le  concile  111  de 
Latran.  en  1177,  ordonna  que  les  doyens  et  les 
archidiacres  qui  ont  charge  d'àmes,  ne  pour- 
raient être  élus  avant  l'âge  de  vingt-cinq  ans, 
et  seraient  privés  de  leur  dignité  s'ils  ne  se 
faisaient  ordonner  dans  le  temps  marqué  par 
les  canons.  «  Prœfixo  a  canonibus  tempore.  » 
Il  est  donc  vraisemblable  que  l'intervalle  d'une 
année  avait  déjà  été  déterminé  pour  cela. 


V.  11  est  vrai  aussi  ipi'on  ne  pouvait  pas  con- 
traindre les  archidiacres  à  recevoir  la  prêtrise, 
(pieicpie  autorité  (|u'ils  exerçassent  sur  les 
jirèlres.  Nous  avons  ailleurs  rapporté  les 
exemples  de  l'antiquité  sur  ce  sujet;  en  voici 
un  mémorable  de  ces  derniers  siècles.  Pierre 
de  lîlois  ayant  été  fait  archidiacre  de  Londres, 
et  son  évéque  le  pressant  de  souffrir  qu'on 
relevât  au  sacerdoce,  il  s'en  excusa  par  une 
lettre  pleine  de  doctrine  et  de  piété. 

Il  n'y  oublie  pas  les  exemples  des  papes 
Léon  I"  et  saint  Grégoire,  (jui  s'opposèrent  si 
vigoureusement  à  la  violence  de  deux  prélats 
qui  voulaient  forcerleurs  archidiacres  à  monter 
au  rang  des  prêtres.  11  n'oublie  pas  non  plus  la 
raison  pressante  de  ces  deux  papes,  que  c'était 
rabaisser  ces  archidiacres  sous  une  trompeuse 
apparence  de  les  élever,  puisque  par  un  mer- 
veilleux désordre  de  l'ordre  même,  les  prêtres 
étaient  soumis  à  l'archidiacre  :  «  Porro  digni- 
tatis  turbato  ordine  archiiliaconi  hodie  presby- 
teris  prééminent,  et  in  eos  vim  et  potestatem 
suae  jurisdictionis  exercent.  Eapropter  archi- 
diaconum in  presbylerum  promoveri,  non  est 
honorem  ejusaugeri,sedminui  (Epist.cxxiii).» 

;\lais  il  paraît  clairement  que  c'était  l'im- 
pression sainte  d'une  très-profonde  hiuuililé, 
qui  éloignait  ce  savant  et  pieux  archidiacre  de 
la  dignité  éminente  du  sacerdoce,  et  qui  le 
faisait  résoudre  à  imiter  plutôt  la  modestie  de 
tant  de  saints  diacres  qui  vieillissaient  dans  le 
diaconat,  et  du  pape  Célestin  même,  qui  avait 
exercé  pendant  l'espace  de  soixante  et  cinq  ans 
le  ministère  des  diacres  avant  que  d'être  jiorté 
sur  le  trône  apostoliijue. 

«  Vidimus  cjuam  plures  in  Ecclesia  Romana 
in  ordine  diaconat'us  usque  ad  ;etatem  decre- 
pitam  et  exhalationem  extremi  spiritus  minis- 
Irasse.  Certe  dominus  Cœlestinus,  qui  hodie 
sedet.  sicut  ex  ipsius  ore  fréquenter  acce[)i,  in 
officio  levitœ  sexaginta  quimiue  annos  exple- 
verat,  antequam  ipsum  Dominus  in  summi 
pontificatus  apicem  sublimasset.  » 

Pierre  de  Blois  a  laissé  échapper  dans  cette 
lettre  aussi  bien  que  nous  dans  le  chapitre  vu, 
le  témoignage  de  saint  Jérôme  dans  le  xvni° 
chapitre  de  son  conmientaire  sur  Ezéchiel, 
touchant  l'aversion  que  les  archidiacres  avaient 
déjà  de  la  prêtrise,  qu'ils  regardaient  comme 
ime  dégradation.  «  Certe  qui  primus  fuerit 
nnnistroriuu,  quia  per  singula  concionatur  in 
jioiailos,  et  a  pontiUcis  latere  non  recedit,  in- 
juriani  putat,  si  presbyter  ordinatur.  » 


446 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


11  paraît  néanmoins,  par  une  autre  lettre  de 
Pierre  de  Blois,  qu'il  se  laissa  enfin  fléchir  par 
les  prières  de  ses  amis  à  accepter  la  prêtrise,  et 
ainsi  il  résulte,  et  des  instances  de  l'évêque  de 
Londres  et  du  consentement  de  Pierre  de  Blois, 
que  la  prêtrise  n'était  pins  incompatible  avec 
l'archidiaconé  (Epist.  cxsxix). 

Hincmar,  archevêque  de  Reims,  avait  peut- 
être  donné  l'exemple  d'une  innovation  si  rai- 
sonnable, puisque  nous  lisons  dans  ses  ouvrages 
qu'il  adressait  la  publication  et  l'exécution  de 
ses  ordonnances  à  ses  archidiacres  prêtres, 
«  Cunthario  et   Odelhardo,    archidiaconibus 


fondé  dans  un  nouvel  évêché,  érigé  par  Ur- 
bain VllI. 

C'est  ce  qu'il  faut  entendre  des  archidiacres 
qui  ont  charge  d'ùmcs  et  qui  doivent  être  âgés 
de  vingt-cinq  ans,  selon  le  concile  de  Trente 
(Sess.  XXIV,  c.  12);  qui  doivent  enfin,  selon 
le  même  concile,  autant  qu'il  se  peut,  être 
docteurs  en  théologie,  ou  licenciés  en  droit 
canon.  Mais  puisqu'il  y  a  des  archidiaconés  qui 
n'ont  nulle  charge  d'âmes,  comme  ce  concile 
se  contente  qu'ils  aient  l'âge  de  vingt-deux  ans, 
il  est  clair  qu'il  ne  les  oblige,  ni  à  être  prêtres, 
ni   à   être  docteurs,  non  plus  que  toutes  les 


presbyteris.  »  Il  les  avait  peut-être  honorés  du     autres  dignités  sans  charge  d'âmes.  La  chose  a 


sacerdoce,  sans  les  dépouiller  de  l'archidia 
coné,  dans  la  persuasion  qu'étant  prêtres  ils 
exerçaient  avec  plus  de  bienséance  leur  auto- 
rité sur  les  autres  prêtres.  En  effet,  Flodoard 
parlant  de  ces  deux  mêmes  archidiacres  prê- 
tres, Gonthaire  et  Odelhard ,  à  (|ui  Hincmar 
adressa  ses  ordonnances,  les  appelle  archiprê- 
tres. 

Ce  changement  a  pu  venir  de  ce  que  les  archi- 
diacres, par  une  longue  prescription,  commen- 
(.-aienl  à  devenir  ordinaires  et  à  n'être  plus 
considérés  comme  de  simples  vicaires  de  l'évê- 


été  ainsi  résolue  par  la  congrégation  du  con- 
cile (Barbosa,  deDignit.,  c.  v,  n.  7,  8,  9,  40). 

Les  archidiacres  d'Espagne  sont  presque  tous 
de  celte  nature.  Il  y  a  des  églises  dans  l'Italie 
où  les  archiprctres  précèdent  les  archidiacres, 
et  on  se  laissera  persuader  sans  peine  que  la 
coutume  et  la  prescription  ont  pu  autoriser  ce 
désordre,  qui  semble  mettre  les  choses  dans 
l'ordre. 

Vl.  H  est  temps  de  passer  à  la  juridiction  des 
archidiacres.  Le  concile  d'Auch,  en  1008,  ne 
peut  donner  d'exemption  aux  églises  de  Saint- 


que.  H  n'était  pas  étrange  qu'un  diacre  lût  dé-     Orieus,  qu'en  donnant  à  celui  qui  en  avait  la 


légué  et  devint  l'exécuteur  des  ordres  et  de  la 
juridiction  de  l'évêcpie  sur  les  prêtres,  mais 
il  |)araissait  un  peu  surprenant  qu'un  diacre 
fût  devenu  h;  supérieur  et  le  juge  de  ceux  que 
le  sacerdoce  relevait  si  fort  au-dessus  de  lui. 

Ouconnuençadoncâdonnerlaprêtriseauxar- 
chidiacres,  à  les  y  exhorter  ;  enfin  ou  en  est  venu 
jus()u'à  les  y  contraindre,  |)our  ne  pas  tomber 
dans  ce  renversement  si  \isible,  de  mettre  au- 
dessus  des  prêtres  un  ordre  qui  eslsi  lortau-des- 
sousd'eux.  En  effet,  l'archidiaconé  n'étant  plus 
uneconunission,  mais  une  dignité,  et  la  plus 
grande  de  toutes  les  dignités  après  l'épiscopat, 
disent  les  canonistes,  a  Archidiaconalem  digni- 
latem  de  jure  conununi  post  episcopalem  esse 
majorem  dignitatumcpiacunique  alia  in  Eccle- 
sia  Dei,  et  per  consequens  niajorem  abbatiali  :  » 
ceux  (jui  en  sont  pourvus  doivent  se  faire  iirê- 
tres  dans  l'année  ;  à  moins  de  cela  leur  archi- 
diaconatest  vacant  (Bellarm.  et  Fagnan,  in  1.  i 
Décret.,  par.  ii,  pag.  HH,  -219). 

Inlitteriscollatiunisexstyloconsuevitapponi 
clausula,  ut  provisusteneatur  infra  annum  in 
prcsbyterum  ordinari  ;  aliocpiin  archidiacona- 
tus  eo  ipso  vacare  censeatur,  dit  Fagnan,  et  il 
le    prouve  par  l'exemple  d'un    archidiaconé 


conduite,  les  mêmes  pouvoirs  des  archidiacres 
sur  les  églises,  sur  les  clercs  et  sur  les  péni- 
tents. «  Vices  arcbidiaconi ,  super  Ecclesias  et 
clericos  tcneat,  et  ipse  si  lapsi  fuerint,  justi- 
tiam  l'aciat  (Conc,  tom.  ix,  p.  ll9o).  » 

Saint  Anselme,  archevê(iue  de  Cantorbéry, 
écrivait  â  son  archidiacre  comme  à  l'exécuteur 
né  et  universel  des  canons,  (|ue  selon  les 
décrets  du  dernier  concile  (Conc.,  tom.  x, 
p.  731,  733),  il  devait  imposer  aux  pécheurs 
des  pénitences  proportionnées  à  leur  crime,  à 
leur  âge,  à  leur  état  et  à  leur  ferveur.  «  Pœni- 
tentiam  secundum  vestram  discretionem  dabi- 
tis,  considérantes  »latem,  peccati  diuturni- 
talem ,  et  utrum  habcant  uxores,  an  non  :  et 
secundum  (juod  videatis  eos  pœniterc,  etdein- 
ceps  integram  correptionem  jjromittere.  »  Il 
n'exempte  pas  les  prêtres  de  cette  juridiction. 
En  etfet,  cet  archidiacre  ayant  trouvé  une 
opiniâtre  résistance  dans  quel(|ues  prêtres,  cou- 
pables d'une  attache  danmable  à  des  femmes, 
et  les  ayant  excommuniés  :  «  Convocatis  secum 
pluribus  rcligiosis  et  obedientibus  sacerdoti- 
bus,  gladio  excommunicationis  eos  percnssit,  » 
le  saint  archevêque  confirma  l'exconununica- 
tion  (Anselm.,  1.  ni,  epist.  02,  112). 


DES  ARCHIDIACRES  APRÈS  L'AN  MIL. 


^■i- 


Le  concile  de  Londres  ,  en  1108  (Can.  viii), 
déposa  les  arcliidiacres  (|iii  veiniaieiit  aux  prê- 
tres incontinents  l'inipunilé  de  leurs  crimes. 
Le  pape  Calixte  11  accorda  au  chapitre  de 
Besançon  que  les  arcliiprètres  et  les  archi- 
diacres ne  [)ussent  interdire  leurs  églises,  leurs 
prêtres  et  leurs  ecclésiastiques,  sans  le  consen- 
tement de  l'évèque  et  du  chapitre  :  «  Prœter 
arciiiepiscopi  et  totiuscapituli  vestri  commune 
consilium  [Conc.,tom.  x,  p.  835,  iOWi,  14'20).)) 
Le  pa[)e  Eugène  111  chargea  l'ahhé  Suger  de 
la  cause  d'un  curé  que  l'archidiacre  avait  privé 
de  sa  cure. 

Le  concile  de  Tours,  en  ilG3(Can.  lsxi.x  , 
blâma  extrêmement  les  évoques  et  les  archi- 
diacres (jui  faisaient  exercer  leurjusticeet  leur 
juridiction  par  des  doyens  ruraux,  ou  des  archi- 
prètres ,  comme  par  des  gens  à  gages  :  «  Quo- 
niam  in  (juihusdam  eiiiscopatibus  decani  qui- 
dam ,  vel  archipreshyteri  ad  agemlas  vices 
episcoporum,  seu  archidiaconorum ,  et  termi- 
nandas  causas  ecclesiasticas,  constituuntursub 
annuo  pretio,  etc.  »  Les  archidiacres  passaient 
déjà  pour  ordinaires,  puisqu'ils  déléguaient. 
Enfin  ce  concile  enjoint  aux  doyens  ruraux 
d'avertir  ou  révê(]ue,  ou  l'arcliidiacre,  des 
excès  des  ecclésiastiques  incorrigibles. 

11  est  vrai  que  tous  les  archidiacres  n'avaient 
peut-être  pas  la  même  étendue  de  juridiction, 
et  peut-être  même  qu'ils  n'avaient  pas  tous 
charge  d'âmes.  Car  l'archidiacre  d'Amiens  pré- 
tendant (piil  n'avait  point  de  charge  d'âmes, 
le  pape  Honoré  III  jugea  le  contraire  par  des 
preuves  convaincantes,  savoir  :  que  la  coutume 
l'avait  mis  en  possession  de  suspendre,  d'ex- 
communier et  d'absoudre  les  prêtres,  d'inter- 
dire les  églises,  de  visiter,  de  prendre  les 
procurations. 

«  Sed  cum  iu  jure  confessus  fuerit,  quod 
archidiaconus  Ambiauensis  de  consuetudiue 
suspendit,  excommunicat,  et  absolvit  presby- 
tères et  priores,  et  parochiales  Ecclesias  inter- 
dicit,  necnon  archidiaconatus  visitât,  et 
inquirit,  quœ  viderit,  inquirenda,  et  procu- 
rationes  ratione  visitationis  recipit,  evidenter 
apparet ,  quod  curam  habet  animarum  ad- 
nexam  (C.  Dudum.  de  Electione).  » 

VII.  Tous  les  archidiacres  n'avaient  donc  pas 
la  même  juridiction,  et  celui  d'Amiens  ne 
l'avaitque  par  la  coutume-  cdeconsuetudine.» 
Carc'étail  la  coutume  prescrite  depuis  plusieurs 
siècles,  qui  avait  changé  la  délégation  de  l'évè- 
que en  titre  d'ofûce,  et  le  vicariat  en  dignité. 


Cela  n'était  pas  de  même  partout,  car  Alexan- 
dre III  manda  à  révê(iue  de  Worcester,  en 
Angleterre,  (pie  l'archidiacre  ne  pouvait  ex- 
communier, sans  une  commission  particulière 
de  révê(|ue  :  «  Archidiacono  non  videtur  de 
ecclesiastica  instilutione  licere,  nisi  autoritas 
episcoporum  accesserit,  in  aliiiuos  senteiitiam 
])romulgare  (C.  Archidiacon.  De  Officio  Archi- 
diaconi,.  »  Ce  que  la  rubricpie  exprime  en  ces 
termes  :  «  .\rciiidiaconiis  de  jure  commiini 
non  i)olest  excommunicare.  » 

C'était  donc  la  coutume  qui  avait  fait  en 
plusieurs  Eglises  des  juges  ordinaires,  de  ceux 
que  le  droit  commun  ne  faisait  considérer  que 
comme  les  vicaires  de  l'évèque.  Le  pape 
Honoré  111  ne  donna  à  l'archidiacre  de  Sens 
qu'autant  de  juridiction  sur  les  monastères, 
que  la  coutume  lui  en  avait  acquis,  «  de  paci- 
fica  sic  olitenta  cousuetudiiie.  » 

Il  y  avait  sans  doute  des  lieux  où  l'usage 
avait  établi  la  juridiction  de  l'archidiacre  sur 
les  monastères,  puisqu'il  fallut  que  le  Saint- 
Siège  réprimât  l'excessive  hardiesse  d'un  ar- 
chidiacre, qui  prétendait  continuer  son  an- 
cienne juridiction  sur  l'évèque  même  d'un 
monastère  de  sa  domination,  après  qu'il  eut 
été  érigé  enévècbé(C.  Cum  inferior.  de  Major, 
et  Obedientia). 

Le  synode  d'Exeter,  en  1287  (Conc.  lom.ii, 
parc.  2,  p.  i-20i;,  reconnaît  une  juridiction  or- 
dinaire dans  les  archidiacres  et  leurs  offlciaux. 
«  Singulis  archidiaconis,  eorum  officialibus, 
ac  cieteris  jurisdictionem  habentibus  ordina- 
riam,  districte  iiraecipimus,  etc.  »  En  130i, 
l'évèque  de  Paris  étant  mort,  les  archidiacres 
contestèrent  au  chaiiitre  la  juridiction.  Jean 
de  Salisbury  parle  d'un  archidiacre  d'York 
qui  suspendit  un  prêtre,  parce  que  le  siège 
é[iiscopal  était  vacant.  «  Eo  quod  sedes  Ebora- 
censis  tune  temporis  vacabat  (Hist.  univers, 
part.  I,  tom.  i,  p.  71,Joan.  Salisb.).  » 

Les  archidiacres  y  avaient  donc  peut-être  la 
conduite  du  diocèse  vacant,  au  moins  ])Our  la 
juridiction  contentieuse.  Les  archidiacres 
avaient  leur  cour  et  leur  justice,  aussi  bien  que 
ré\êque  ;  voici  ce  qu'on  lit  dans  les  articles  de 
la  réformation  du  clergé  de  Liège,  en  1446. 
«  Si  citatus  ex  officio  ad  curiam  nostram,  vel 
alicujus archidiaconorum, etc.  (Conc.  tom.,xiii, 
p.  131.'^)'.  » 

MIL  Les  crimes  publics  étaient  particu- 
lièrement la  matière  de  la  juridiction  et  de  la 
correction  des  archidiacres. 


"(■ 


Ai» 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


La  seule  diffamation,  sans  preuve  convain- 
cante, suflifait  pourdonnerlieu  à  la  correction 
et  à  la  iiurgalion  canonique.  On  suspendait  de 
leur  charge  les  archidiacres  ou  leurs  olTiciaux, 
(|ui  ne  s'acquittaient  pas  de  ce  devoir,  comme 
il  parait  dans  les  constitutions  de  saint  Edmond, 
archevêque  deCantorbéry  en  1236.  Alexandre, 
évè(jue  de  Coventry  en  Angleterre,  déclare  à 
ses  archidiacres,  qu'ils  se  rendent  eux-mêmes 
coupables  et  punissables  de  tous  les  crimes 
publics,  qu'ils  n'auront  pas  punis.  «  Ego  vobis 
dico,  quod  si  possim  in  ali(|ua  parochia  in- 
venirealiquem  hujusmodi  publiée  peccantem, 
puniam.  1an(|uam  peccatum.  vel  archidiaconi, 
vel  iiersouff,  vel  sacerdotis  ((]onc.,  tom.  ii, 
part.  1,  p.  509,  51S).  » 

Le  concile  de  Cologne,  en  l'an  i.^iSC,  après 
avoir  excité  les  doyens  des  chapitres  à  la  sévère 
correction  de  leurs  chanoines  abandonnés  à 
des  crimes  publics  :  «  l'ercussores,  aleatores, 
scorta  foventes  :  aut  aliis  publicis  criminibus 
irretitos  ,  »  proteste  néanmoins  (|u'il  ne  veut 
pas  déroger  à  la  coutume  de  quelques  Eglises, 
où  le  jugement  de  ces  causes  est  réservé  aux 
archiriiacres,  pourvu  que  les  archidiacres,  à  la 
réquisition  des  doyens,  s'acquittent  exactement 
de  leur  devoir.  «Consuetudiniquœ  in  aliquibus 
Ecclosiis  est,  ut  causiB  disciplinse  pcr  diaconos 
judicentur,  niliil  pntjudicamus,  modo  tamen 
diaconi  ad  reciuisitionem  ikcani  suo  oflicio 
graviter  et  strenue  incumbant  ac  salisfaciant 
(Conc,  tom.  xiv,  p.  ."«14,  u,")")).» 

Ce  même  concile  nous  apprend  ailleurs,  que 
c'avait  été  une  ancienne  coutume,  (jue  de 
(juatre  en  quatre  ans,  c'est-à-dire,  toutes  les 
années  bissextiles,  les  archidiacres  allassent 
faire  leur  visite  universelle,  pour  la  punition 
canoni(iue  des  crimes  publics,  en  recevant  les 
dépositions  des  témoins  jurés,  qui  étaient 
juridi(iuement  établis  par  l'évèipie,  pour  veiller 
sur  chaque  paroisse.  «Ex  vetustissima  quadam 
ii)(|uirendorum  criminum  formula  reliclum 
est,  ut  archidiaconi  anno  bissextili  circumeant, 
etpeccatacnormia  emendcnt.  » 

Une  si  louable  prati(pic  avait  dégénéré  en 
un  tralic  honteux,  et  la  correction  des  crimes 
ne  consistait  plus  qu'à  exiger  des  amendes 
pécuniaires. 

IX.  Ce  fut  cette  avarice  des  archidiacres,  qui 
obligea  les  évèques  à  révoquer  la  juridiction 
(|u'ils  leur  avaient  confiée,  et  de  créer  d'autres 
ofllciaux  et  d'autres  grands-vicaires,  qui  exer- 
çassent leur  juridiction  par  simple  commission, 


in  la  manière  que  les  archidiacres  mêmes 
rayaient  autrefois  exercée. 

L'audace  de  quelques  archidiacres ,  qui 
s'élevaient  insolemment  contre  leurs  projires 
évèques,  ne  contribua  pas  moins  à  ce  change- 
ment. Ce  fut  ce  qui  donna  naissance  aux 
grands-vicaires,  tels  qu'ils  sont  encore  dans 
l'Eglise,  et  aux  oificiaux,  (|ui  n'eurent  aussi 
d'abord  que  desimpies  commissions, quoiqu'ils 
se  soient  depuis  érigés  en  titre  d'offices,  comme 
les  archidiacres. 

L'archidiacre  de  Paris,  Thibaud,mitcn  inter- 
dit tout  son  archidiaconé,  et  commença  à  faire 
bruire  les  foudres  de  l'excommunication  contre 
ceux  (|ui  y  avaient  volé  un  chanoine,  sans  en 
avoir  donné  avis  à  l'évèque  Etienne,  quoiqu'il 
fût  alors  dans  l'archidiaconé  même.  L'évèque 
relâcha  l'interdit  ;  l'archidiacre  en  appela  au 
pape  Innocent  IL  Peu  de  temps  après,  le  saint 
homme  Thomas,  prieur  de  Saint-Victor,  vicaire 
et  |)énitencier  de  l'évèque,  fut  assassiné  par  les 
parents  de  l'archidiacre,  sur  qui  le  soupçon  en 
rejaillit  (An.  1131.  Hist.  univers.  Paris.,  tom.  u, 
p.  121,  131,  etc.). 

Le  même  évèque  de  Paris,  Eti:  une,  ne  trouva 
pas  plus  de  docilité  dans  l'esprit  de  son  autre 
archidiacre  Etienne  de  Garlande,  dont  l'archi- 
diaconé avait  été  soumis  à  l'interdit  par  son 
vicaire  Gilduin,  abbé  de  Saint-Victor  (An.  1132). 
Il  y  avait  longtemps  que  saint  Fulbert,  évêque 
de  Chartres,  écrivant  au  clergé  de  Paris,  avait 
déploré  les  révoltes  scandaleuses  de  l'archi- 
diacre Lisiard  contre  son  évêque  :  «  Cum  deberet 
esse  oculus  episcopi,  factus  est  episcoiio  suo 
clavus  in  oculum,  prœdo  pauperibus,  etc. 
(Fulbert.,  epist.  xxxiv).» 

X.  Les  évèques  n'opiwsèrent  pas  seulement  à 
l'audace  des  archidiacres  la  création  de  leurs 
nouveaux  grands-vicaires  et  de  leurs  officiaux  ; 
mais  ils  défendirent  aux  archidiacres  de  faire 
aucun  exercice  de  juridiction  dans  les  lieux 
où  l'évèque  serait  présent.  Voici  le  décret  du 
concile  de  Saumur,  de  l'an  1253  (Can.  vu). 
«  Prohibemus  ne  quis  archidiaconus,  archi- 
prosbyter,  aut  alii  ininores  prœlati  jurisdi- 
ctionem  ecclesiasticam  habentes,  causas ,  au- 
diant,  seu  placita  teneant,  prœsentibusepiscopis 
suis,  sed  longe  ah  ipsis  faciant  super  his,  quod 
viderint  expedire.» 

Ils  défendirent  aux  archidiacres  d'avoir  des 
officiaux  hors  de  la  ville  épiscopale,  afln  qu'ils 
ne  rendissent  justice  à  la  campagne  qu'en 
propre  personne.  C'est  ce  qui  fut  ordonné  dans 


DES  ARCHIDIACHES  APRKS  L'AN  MIL. 


449 


les  concile?  (le  ClKilcan-rionlier,  en  l'23l  iCaii. 
xii);  de  Tours,  en  1-230  (Can,  vin);  de  Laval, 
en  1342  (Can.  iv)  :  «  Nec  officiales  liabere, 
exce[ito  civitalis  arcliidiacono.  cui  pcrmilliuiiis 
officiales  in  civitale  soluninioiio  ,  et  lum  extra  , 
etc.  Ne  extra  civilatem  officiales ,  seu  aliocatos 
liabeanl,  sed  extra  civitatem  in  |iroj)riis  per- 
sonis  suis  dilii^enter  expleant  oflicium.  »  Les 
procédures  de  ces  officiaux  à  la  campagne  y 
furent  à  l'avenir  déclarées  nulles. 

L'autorité  des  arciiidiacres  était  donc  ordi- 
naire, puisqu'ils  déléguaient,  et  puisque  ces 
canons  mêmes  leur  permettent  encore  de  délé- 
guer des  officiaux  dans  la  ville  même.  Le  con- 
cile de  Bourges,  en  1280  (Can.  iv),  renouvela 
ce  décret  des  conciles  de  la  province  de  Tours, 
en  y  ajoutant  cette  limitation  que  les  archidia- 
cres pourraient  continuer  d'avoir  des  officiaux 
à  la  campagne  même,  dans  les  diocèses  où 
cette  coutume  avait  prescrit.  «  Nisi  qualenus 
de  anfiqua  ,  prtcsci  ipta  et  approbata  consuetu- 
dine  fueiit  obtenlum.  » 

Les  articles  de  la  réformation  du  clergé  de 
Liège,  en  1446.  défendirent  aux  archidiacres 
et  aux  doyens  ruraux  de  commettre  à  d'autres 
la  sentence  définitive  des  procès,  quoiqu'ils  en 
pussent  commettre  les  instructions.  La  même 
défense  fut  faite  à  l'official  de  l'évèque.  Le  con- 
cile I  de  Cologne,  en  1.536  (Conc,  tom.  xvii. 
p.  1318).  suppose  que  les  archidiacres  ont 
encore  des  ofticiaux  à  la  campagne  .  et  l'arclie- 
vèque  s'y  réserve  le  droit  de  corriger  leurs 
pratiques  simoniaques  .  après  avoir  pris  l'a- 
vis des  archidiacres  mêmes  :  «  Archiepisco- 
pali  autoritate.  communicato  tamen  cum 
archidiaconis  nostris.  ut  par  est,  consilio, 
quoad  ejus  fieri  poterit  ,  corrigere  (Conc. , 
tom.  XIV,  p.  ^Çi~ ,  .516,  f64).  » 

C'est  apparemment  de  ces  officiaux  qu'il  faut 
entendre  le  décret  du  même  concile,  qui  leur 
défend  d'établir  leur  tribunal  et  d'exercer  leur 
justice  dans  les  églises.  Enfin ,  ce  concile 
exhorte  les  archidiacres  à  ne  remplir  les 
charges  de  leurs  officiaux  et  des  doyens  ruraux 
que  de  personnes  également  vertueuses  et  sa- 
vantes. «  Ne  uUos  inidoneos  officiales,  aut  deca- 
nos  rurales  deligant,  aut  admiltant.  » 

Pierre  de  Blois,  étant  archidiacre  de  Bathe, 
en  Angleterre,  se  plaignit  à  son  évêque  de  ce 
qu'il  avait  suspendu  son  vice-archidiacre,  sans 
forme  de  procès.  «  Vice-archidiaconum  meum. 
cum  omni  satisfactioni ,  et  justitiae  se  olferret, 
in    mei   nominis    contumeliam    suspendistis 


(Rpist.  1.VI1;.))  Ce  qu'il  montre  fMre  contre  les 
décrets  du  concile  de  Latraii ,  (pii  ne  permet- 
tait pas  aux  évêques  d'excommunier  ou  de 
suspendre  les  archidiacres  ou  leurs  officiaux, 
si  ce  n't  st  i)ar  les  formes  canoniipies  de  la  jus- 
tice. D'où  il  résulte  encore  que  les  archidiacres 
étaient  ordinaires. 

Mais  il  est  foi  t  i)robable  que  l'Angleterre  révo- 
qua enfin  ces  officialités  des  archidiacres,  aussi 
bien  que  la  Fiance.  Pour  l'Allemagne ,  on 
croira  sans  peine  que  les  évè(]ues  n'ont  pas  été 
fâchés  d'y  avoir  un  fort  grand  nombre  de  per- 
sonnes sur  lesquelles  ils  pussent  se  décharger 
des  fonctions  pénibles  de  leur  ministère. 

Ce  ne  fut  pas  seulement  par  la  création  de 
leurs  vicaires  et  de  leurs  officiaux  propres  que 
les  évêques  rentrèrent  dans  l'exercice  de  leur 
juridiction  et  par  la  révocation  d'une  partie  de 
ceux  des  archidiacres;  mais  ce  fut  principale- 
ment en  leur  interdisant,  et  en  réservant  à  la 
cour  épiscopale  les  causes  des  mariages  et 
toutes  les  autres  causes  de  grande  importance, 
dont  les  archidiacres  avaient  auparavant  connu. 
Le  pape  Innocent  III  répondit  à  la  consulta- 
tion de  l'archidiacre  de  Bourges,  sur  une  cause 
de  mariage,  dont  il  était  juge  en  l'absence  de 
l'archevêque.  «  Cum  matrimonialis  causa  in 
tua  prœsenlia  tractaretur,  archiepisco(io  in 
remotis  agente(C.  Litteras  de  restitut.  spoliât.).  » 

Le  concile  de  Londres,  en  1-237  (Can  xxiii),  ne 
suppose  pas  seulement,  comme  la  décrétale 
d'Innocent,  que  ce  n'était  qu'en  l'absence  de 
l'évèque  que  les  archidiacres  terminaient  les 
causes  matrimoniales  ;  mais  aussi  que  ce  n'est 
que  la  coutume  ou  le  privilège  qui  leur  a 
donné  cette  autorité  en  quelques  endroits,  et  il 
ordonne  en  même  temps  qu'ils  ne  pourront  à 
l'avenir  terminer  ces  sortes  de  causes  qu'après 
avoir  pris  conseil  de  l'évèque.  «Si  qui  abbates, 
archidiaconi,  vel  decani,  habent  ex  privilegio, 
vel  consuetudine  a|iprobata,  quod  de  matrimo- 
nialibus  causis  cognoscant,  etc.,  ad  deflnitivam 
sententiam  non  procédant,  nisi  habita  prius 
deliberalionecumdiœcesanoepiscopodiligenti, 
ipsiusque  reijuisito  concilio  et  obtento.  » 

Le  concile  de  Laval,  en  124-2  (Cun.  iv),  passa 
plus  avant,  et  défendit  absolument  aux  archi- 
diacres de  connaître  des  causes  de  mariage, 
de  simonie,  et  de  toutes  celles  qui  vont  à  la 
dégradation,  ou  à  la  perte  des  bénéfices.  «  Ar- 
chidiaconi de  causis  matrimonialibus,  sin'oniae, 
et  aliis  quse  degradationem,  vel  amissionem 
beneflcii ,  vel  deposilionem  exigant  ,  nisi  de 


Tn.  —  Tome  I. 


29 


450 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


spécial!  mandafn  sui  pontificis,  nullatenus  co- 
gnoscert;,  vel  (lilliiiiro  pr;csiiinant.  » 

Ce  canon  même  semble  dire  que  ce  n'a  été 
que  par  usurpation  que  les  archidiacres  se  sont 
mêlés  par  le  passé,  de  ces  grandes  causes. 
«  Falcem  suam  in  alienam  messem  millenles.  » 
Mais  cela  se  peut  bien  entendre  de  la  manière 
dont  nous  avons  dit  qu'imperceptiblement  la 
délégation  s'était  changée  en  puissance  ordi- 
naire par  la  longue  révolution  des  temps.  Le 
concile  de  Saumur,  en  1253,  confirma  ce 
décret  en  mêmes  termes,  déclarant  nulles  toutes 
les  sentences  contraires. 

Le  concile  de  Bude,  en  Hongrie,  en  l'an  t^Td 
(Can.xxxvui),  ordonna  que  les  archidiacres  de 
Hongrie  et  de  Pologne  ne  fussent  choisis  que  |)ar- 
mi  les  plus  habiles  en  droit  canon,  ou  au  moins 
qu'ils  l'étudiassent  l'espace  de  trois  années,  afin 
d'acquérir  la  capacité  qui  leur  est  nécessaire 
pour  décider  des  causes  du  mariage,  et  plusieurs 
autres  de  grande  conséquence,  dont  le  droit  et 
la  coutume  les  a  rendus  juges  en  plusieurs 
Eglises,  a  Cum  tam  de  jure,  quam  de  generali 
consueludine,  multarum  Ecclesiarum  archi- 
diaconi,  jurisdictionem  habeant  causas  matri- 
moniales et  plei-asi|ue  alias  audiendi,  exami- 
nandi  alcjue  decidendi  :  slaluimus,  quod  in 
regno  Ilungariœ  et  provincia  Poloniœ,  etc.  » 

Comme  les  Eglises  de  Hongrie  et  de  Pologne 
n'étaient  pas  fort  anciennes,  aussi  les  archi- 
diacres n'avaient  pas  encore  mérité,  par  leurs 
licencieuses  entreprises,  (]ue  les  évêques  retran- 
chassent une  [)artie  de  leurs  pouvoirs.  Ainsi  on 
y  lisait  encore  que  le  droit  et  la  coutume  géné- 
rale donnaient  cette  juridiction  aux  archi- 
diacres, |)arce  que  le  droit  les  avait  établis 
vicaires  des  évêques,  et  la  coutume  presque 
générale ,  «  multarum  ecclesiarum  ,  »  avait 
changé  cette  commission  en  titre  et  en  office. 

XI.  Le  concile  de  la  province  d'Aucli,  en  1320 
(Can.  iv),  et  celui  de  Lavaur,  en  1308  (Gan.  xxv), 
cassèrent  toutes  les  sentences  (]ue  les  archidia- 
cres auraient  pu  prononcer  sur  les  causes  de 
mariage  ou  de  fian(;ailles,  sans  une  délégation 
l)articnlière  de  révè(|ue.  Le  concile  de  Lavaur 
en  excepta  ceux  qui  étaient  fontlés  en  privilège, 
ou  en  coutume  prescrite.  «  Nisi  de  pniKscripta 
légitima  consueludine,  aut  privilégie  aliud  sit 
obtentum.  » 

Mais  enfin  le  concile  de  Trente  (Sess.  xxiv, 
c.  20  de  ReL),  suivant  la  pente  que  l'Eglise 
gallicatK!  avait  donnée  à  la  disciiiline  ecclésias- 
ti<pie,  défendit  la  connaissance  de  toutes  les 


causes  matrimoniales  et  criminelles  aux  archi- 
diacres et  aux  doyens,  même  dans  le  cours  de 
leur  visite,  les  réservant  absolument  à  l'évê- 
que  :  «Causœ  matrimoniales  et  criminales,  non 
decani,  archidiaconi,  aut  aliorum  inferiorum 
judicio,  eliam  visitando,  sed  episcopi  tantuni 
examini,  et  jurisdictioni  relinquantur.» 

Le  concile  de  Malines,  en  1570,  et  celui  de 
Mexique,  en  1383  (Conc.  tom.  xv,  pag.  809, 
12.33),  renouvelèrent  ce  décret,  et  ce  dernier 
ajouta  que  l'évèque  ne  pourrait  pas  commettre 
à  son  ofticial  même  les  décisions  des  causes  où 
il  s'agit  de  divorce  et  de  séparation  de  lit. 

L'assemblée  du  clergé  de  France  à  Melun,  en 
1379  (Conc.  novissim.  Gall.,  pag.  108,  109),  fit 
ce  règlement,  que  les  évoques  seuls  jugeraient 
les  causes  matrimoniales  et  criminelles,  que 
tout  au  plus  ils  pourraient  les  déléguer  à  leur 
officiai  :  «  Causas  graviores,  utputa  matrimo- 
niales et  criminales,  secunduni  constitutionem 
Alexandri  111,  suo  examini  reservet  episcopus, 
aut  ad  summum  per  officialeni  suuni  in  ma- 
jori  sede  sui  fori  constilutum,  tractari  ju- 
beat.  »  Que  si  l'archidiacre,  ou  quelque  autre 
juge  inférieur  prétend  en  pouvoir  juger  de 
droit,  «  id  sibi  suo  jure  licere  contendat,  »  ou 
à  cause  de  la  diversité  des  parlements,  ou  pour 
quelque  autre  raison  extrinsèque ,  l'évèque 
prendra  soin  que  ces  juges  aient  toute  la  suffi- 
sance nécessaire  pour  débrouiller  des  matières 
si  embarrassées. 

Ainsi,  (|uoiqu'on  ait  tâché  d'anéantir  pres- 
que toute  la  juridiction  contentieuse  des  arclii- 
diacres,  il  a  été  impossible  dans  la  France 
même  d'empêcher  (ju'il  n'en  restât  encore  des 
mar(|ues  fort  considérables.  Le  cardinal  de 
Lorraine,  dans  son  concile  de  Reims,  en  1564 
(('onc.  tom.  XV,  pag.  90,  912),  assura  qu'il  s'é- 
tait réservé  à  lui  seul  dans  son  diocèse  le  pou- 
voir d'excommunier. 

Le  concile  de  Reims,  en  1383,  chargea  les 
doyens  ruraux  et  les  archidiacres  de  faire 
tous  les  trois  mois  des  perquisitions  contre  les 
crimes  énormes,  et  d'en  envoyer  les  informa- 
tions au  promoteur,  qui  en  poursuivra  la 
punition  canonique,  sans  préjudicier  à  la  juri- 
diction des  archidiacres.  «  Nec  tamen  archi- 
diaconorum  jurisdictioni  pra'judicium  uUum 
afferal.  » 

Un  arrêt  du  conseil  de  l'an  1013,  du  30  mars, 
fit  défense  aux  archidiacres  de  Tréguier  de 
prendre  connaissance  des  causes  matrimo- 
niales, circonstances  et  dépendances  d'icelles. 


DES  ARCHIDIACRES  APRÈS  L'AN  MIL. 


431 


de  ne  délivrer  aucunes  nionitions.  excommu- 
nications ni  absolutions  d'iceiles,  sans  la  per- 
mission expresse  de  l"évè(iue  de  Tréiinier,  et  à 
eux  enjoint  do  faire  leur  \isile  en  personne, 
aux  peines  du  droit.  L'arrêt  du  parlement  du 
17  mai  IG18  (Mémoires  du  Clergé,  tom.  n, 
part.  3,  pag.  i9),  défendit  à  l'arcliidiacre  de 
Bourges  par  provision,  «faisant  sa  visite,  de  ne 
connaître  que  des  cas  et  ctioses  légères,  et  non 
autres.  » 

L'arrêt  du  parlement  du  l'.i  janvier  1GI9 
défendit  aux  archidiacres  de  Paris  et  à  leurs  of- 
ficiaux  de  connaître  des  causes  matrimoniales, 
circonstances  et  dépendances,  décerner  nioni- 
tions, ou  absolutions  sans  permission  de  l'évê- 
que  de  Paris,  ne  connaître  des  causes  qui  se- 
ront de  conséquence,  ni  des  criminelles, 
même  pendant  leurs  visites,  si  elles  ne  sont 
légères  :  enjoint  à  eux  de  porteries  verbaux  de 
leurs  visites  à  lofficialité  de  Paris. 

En  tout  cela  il  ne  paraît  à  la  vérité  que  de 
fort  légères  traces  de  cette  ancienne  étendue 
de  la  juridiction  des  archidiacres,  mais  en 
voici  d'autres  où  l'autorité  qu'ils  possédaient 
dans  les  siècles  passés  n'est  pas  si  effacée. 

L'arrêt  du  grand  conseil  du  18  juillet  1033, 
confirmant  la  transaction  faite  entre  l'évêque 
de  Chartres  et  ses  quatre  archidiacres  ,  or- 
donna «  que  deux  des  archidiacres  assisteraient 
alternativement  l'évêque  lorsqu'il  ferait  l'of- 
fice pontificalement,  et  à  toutes  les  heures  de 
l'office  ;  feraient  leurs  visites  entières  tous  les 
deux  ans  en  personne ,  et  deux  mois  après  en 
enverraient  les  verbaux  et  ceux  des  doyens 
ruraux  au  greffe  de  l'évêque.  Le  grand  archi- 
diacre aura  deux  sièges  pour  l'exercice  de  sa 
jm-idiclion  et  deux  officiaux  seulement.  L'ar- 
chidiacre de  Blois  aura  un  seul  officiai  à  Blois. 
Les  archidiacres  et  leurs  officiaux  auront  juri- 
diction et  prendront  connaissance  de  toutes 
causes  civiles,  ecclésiastiques,  fors  des  causes  des 
mariages  qui  seront  contractés.  Ne  pourront 
donner  dispense  de  bans  pour  mariage,  sinon 
en  cas  de  nécessité  urgente  ;  que  les  mariages 
commencés  ne  pussent  être  différés  sans  incon- 
vénient et  péril  notable.  Connaîtront  de  toutes 
les  causes  criminelles  en  leurs  archidiaconés, 
s'ils  n'ont  été  prévenus  par  l'official  de  l'évê- 
que, fors  des  crimes  d'hérésie  et  sortilège. 
On  appellera  de  toutes  les  sentences  des  archi- 
diacres et  de  leurs  officiaux  à  l'évêque  ,  ou  à 
son  officiai.  L'évêque  faisant  sa  visite  se  fera 
une  fois  tous  les  ans  présenter  par  les  archidia- 


cres les  registres  et  papiers  de  leursjuridictions 
ordinaires,  civile  et  criminelle,  et  les  sceaux; 
les  jiourra  retenir  cinq  jours  pendant  lesquels 
il  pourra  y  exercer,  ou  faire  exercer  par  ses 
vicaires  toute  juridiction  civile  et  criminelle 
Ibid.,  pag.  51).  » 

A  ces  éclatantes  manjues  de  l'ancienne  au- 
torité des  archidiacres,  restées  dans  quelques 
églises,  ajoutons  l'arrêt  du  parlement  de  Dijon 
en  faveur  de  l'archidiacre  de  Beaune,  en  l()39, 
le  12  août,  par  lequel  «  il  est  maintenu  en  l'exer- 
cice de  la  juridiction  ecclésiastique  conten- 
tiouse  dans  son  archidiaconé,  tant  pour  les  cau- 
ses matrimoniales  [)étiloires  de  dîmes  et 
autres,  pour  lesquelles  les  personnes  laïques  et 
séculières  pouvaient  être  convenues  par-devant 
le  juge  d'église  ,  que  pour  les  causes  criminel- 
les contre  les  ecclésiasti(|ues  :  pourra  ledit  ar- 
chidiacre établir  les  officiers  de  sa  juridiction, 
et  décerner  monitoires  sauf  la  prévention  à 
l'official  d'Autun  (Fevret,  de  l'Abus,  l.  iv,  c.  3, 
n.  23).  » 

Chopin  assure  que  l'official  de  Paris  fut  main- 
tenu dans  le  même  droit  de  prévention  sur 
l'archidiacre  (L.  i.  de  Polit.,  tom.  vui,  n.  2). 

Tout  ceci  a  été  rapporté  des  jugements  des 
cours  séculières,  pour  faire  voir  les  droits  dont 
les  archidiacres  étaient  en  possession,  où  ils 
ont  été  maintenus  par  ces  arrêts,  et  dont  nous 
avons  découvert  les  origines  dans  l'entasse- 
ment dotant  de  canons  et  de  tantdedécrélales, 
qui  ont  grossi  ce  chapitre. 

XII.  Concluons  que  l'archidiacre  à  qui  In-  ' 
nocent  III  a  donné  rang  entre  les  juges  ordi- 
naires (Regist.  XIV,  epist.  43),  a  été  regardé 
durant  plusieurs  siècles  comme  le  vicaire-gé- 
néral de  l'évêque,  mais  vicaire  perpétuel  et 
non  amovible.  «  Vicarius  non  ab  episcopo  as- 
sumptus,  sed  a  jure  datus,  »  comme  parlent 
les  canonistes,  et  cette  qualité  le  rendait  dépo- 
sitaire de  toute  la  juridiction  même  conten- 
tieuse  de  ré\êque,  comme  celle  du  premier 
diacre  lui  donnait  une  grande  prééminence 
dans  les  offices  ecclésiastiques  (Fagnan,  in  1.  i, 
part.  2,  pag.  377,  378). 

Les  évêques  ayant  choisi,  après  l'an  mil,  d'au- 
tres vicaires-généraux  révocables  a  leur  gré,  et 
des  officiaux,  ont  peu  à  peu  dépouillé  les  ar- 
chidiacres de  cette  grande  étendue  d'autorité 
dont  ils  avaient  si  longtemps  joui,  en  sorteque 
les  canonistes  les  ont  réduits  à  imposer  des 
peines  légères,  «  ut  modicani  pœnam  possit 
imponere,  vel  ad  modicum  tempus  suspen- 


4o2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-UNIÈME. 


dere  ;  »  mais  ils  n'ont  pu  entièrement  effacer 
l'éclat  d'une  si  grande  di^niité. 

Le  concile  de  Trente  (Sess.  xxiv,  c.  11)  ne 
souffre  point  encore  d'archidiacre  qui  ne  soit 
docteur,  ou  licencié  en  lliéologie,  ou  en  droit 
canon.  Nous  parlerons  ailleurs  de  la  \isile  des 
archidiacres,  de  leur  droit  d'instituer  les  béné- 
ficiers  ,  de  leur  procuration ,  de  leur  synode  et 
de  leur  obligation  à  prêcher. 

Il  ne  faut  pas  omettre  cette  dernière  remarque 
que  Charles  du  Moulin  a  reconnue  lui-même  , 
que  les  archidiaconés  n'avaient  été  au  commen- 
cement que  des  administrations  qui  s'étaient 
ensuite  érigées  en  titre  doflice.  «  Hoc  verum, 
quando  erant  adminislrationes,  sed  postquam 
conversœ  sunt  in  titulos,  quisijue  jus  suum  ad 
l'aclum  et  lucrum  Iraxit,  et  adniinislrationem 
neglexil (Inc.  vu.Tituli.Deoffic.  archiiliaconi  .» 

De  là  \ient  cette  infinie  diversité  entre  les 
archidiacres  de  différentes  églises,  qui  n'ont 
toujours  que  les  pouvoirs  que  les  évêques  leur 
ont  autrefois  commis,  et  que  la  coutume  leur 
a  confirmés  ;  comme  les  évêques  en  ont  usé 
diversement,  les  pouvoirs  des  archidiacres  n'ont 
pu  être  les  mêmes  partout ,  et  il  y  en  a  eu 
quel(iues-uns  qui  sont  demeurés  sans  charge 
d'âmes  et  sans  juridiction. 

Le  chapitre  Gravem  de  excessibtis  prœla- 
torum,  montre  que  les  archidiacres  prêtaient 


foi  et  hommage  aux  évêques.  Ainsi  les  évêques, 
dit  A.  Costa  ,  étaient  comme  les  seigneurs  de 
liefs,  qui  limitent  comme  il  leur  plaît  les  droits 
et  les  pouvoirs  de  leurs  vassaux.  «  Nam  ut  in 
beneficiis  sœcularibus,  qu;e  vulgo  feudadicun- 
tur,  vassallus  nil  habet ,  quod  non  ncceperit  a 
domino,  sic,  etc.  (In  Tit.  xxui.  De  offic.  archi- 
diaeoni).  » 

Xlll.  Je  finirai  ce  chapitre  en  proposant 
l'exemple  d'un  saint  archidiacre  de  Troyes, 
nommé  Maurice.  Il  faisait  ses  visites  à  pied, 
prêchant  avec  un  zèle  admirable  dans  tous  les 
villages,  et  joignant  la  fonction  de  missionnaire 
apostolique  à  celle  d'archidiacre  Cantiprat.  1. 1, 
c.  I ,  n.  l).  11  quitta  son  archidiaconé  pour 
aller  servir  une  abbaye  de  filles  à  la  campagne, 
et  faire  la  mission  au  voisinage.  «  Circuibat 
diœcesin  pedes,  et  cam  in  solo  baculo  praedi- 
calionis  officio  visitabat,  etc.  »  Il  passa  de  ces 
fonctions  apostoliques  à  l'évêché  du  Mans .  qui 
lui  fut  déféré  par  le  pré\ôt  et  le  doyen  de  celle 
Eglise,  qui  avaient  été  élus  dans  un  partage  de 
voix. 

Nous  avons  dit  ailleurs  que  les  archidiacres 
succédaient  très-souvent  aux  évêques.  C'était  la 
juste  récompense  de  leur  vertu,  si  leur  vie  et 
leur  conduite  avait  été  semblable  à  celle  de 
l'archidiacre  Maurice  (1). 


(1)  Le  gouvernement  en  France  ne  reconnaît  pas  le  titre  d'archi- 
diacre. Il  n'admet  que  des  vicaires-généraux.  Les  évêques  eux- 
mêmes,  en  réublissant  le  titre  d'arcbidiacre,  autrefois  accompagné 
de  pouvoirs  considérables  et  d'une  juridiction  réelle,  ont  eu  som  de 
n'en  faire  qu'un  titre  honorifique  sans  droits  particuliers.  In  très  ar- 
chidiaconatus,  dit  le  titre  vingtième  des  statuts  synodaux  d'Avignon 
de  1B51  :  a  Avenionensera  diœcesim  describendam  censuimus...  ar- 
u  cbidiaconatus  dignitate  gaudebunt  vicarii  noslri  générales.  Eorum  au- 
«  tem  facultates  et  praerogativœ  non  liraitantur  ad  archidiaconatum 
0  cujus  titulus  UDicuique  competit,  sed  in  totum  diœcesim  extenden- 
tur.  f»  Cette  dernière  clause  prouve  seule  que  les   titulaires  ne  sont 


que  des  vicaires-généraux  et  non  des  archidiacres.  En  leur  qua- 
lité de  vicaires-généraux,  ils  sont  révocables  et  voient  expirer  leurs 
pouvoirs  à  la  mort  de  l'évéque,  tandis  que  les  vrais  archidiacres  sont 
inamovibles  et  survivent  à  l'évéque.  Il  en  est  de  même  à  Paris  et 
dans  d'autres  diocèses.  Et  en  cela  nous  pensons  que  les  évêques 
agissent  sagement,  afin  d'éviter  le  retour  des  abus  des  anciens  archi- 
diacres, qui  s'étaient  créé  une  puissance  presque  rivale  de  celle  de 
l'évéque  lui-même.  Placés  par  le  concordat  espagnol  à  la  tête  des 
chapitres,  les  archidiacres  en  Espagne  sont  des  dignitaires  réels  et 
non  honorifiques.  (Dr  Andrk.) 


CHAPITRE  VINGT-UNIEME. 


DES   CURÉS  PENDANT   LES  PREMIERS   SIÈCLES   DE   L  EGLISE.    DE   L  ORIGINE   DES  PAROISSES. 


I.  Les  Ecritures  du  Nouveau  Testament  ne  parlent  que  des  ni  dans  les  villes,  hors  la  calliédrale,  pendant  les  trois  premiers 
églises  des  villes.  Cela  avait  plus  de  ressemblance  avec  la  police  siècles.  Preuves  tirées  de  saint  Ignace. 

(le  l'Ancien  Testament.  III-  De  saint  Justin. 

II.  Preuves  qu'il  n'y  eut  point  de  paroisses  dans  la  campagne,  IV.  Des  canons  apostoliques. 


DE  L'ORIGINE  DES  PAROISSES. 


453 


V.  D'Eijsèbe. 

VI.  Du  pape  Innocent  I,  sous  lequel  on  ne  célébrait  pas  encore 
le  sacrilice  dans  les  paroisses  de  la  ville.  Raisons  de  cela.  Du 
levain  consacré  que  le  pape  y  envoyait. 

VU.  Pourquoi  ne  disail-on  qu'une  messe  commune  à  tous  les 
prêtres  ? 

VIII.  L'évêque  faisait  presque  toutes  les  fonctions  sacerdotales 
lui-même. 

IX.  Nouvelle  preuve  de  ce  qui  a  été  dit  du  pain  levé  et  con- 
sacré. 

.\.  Autre  preuve. 

XI.  Antiquité  des  titres,  ou  des  paroisses,  dans  la  ville  de 
Rome. 

XII.  Réponse  à  une  objection  tirée  de  la  vie  du  pape  Damase. 
Quand  on  a  commencé  de  célébrer  le  sacrifice  à  Rome  dans  les 
paroisses  de  la  ville. 


I.  Tout  ce  que  nous  avons  dit  jusqu'à  pré- 
sent des  prêtres  et  des  diacres,  ne  semble  re- 
garder que  ceu.iL  qui  étaient  résidants  avec 
l'évêque  dans  la  capitale  du  diocèse  ou  de  la 
province.  Il  n'a  rien  paru  encore  qui  puisse 
appartenir  aux  paroisses  particulières  de  la 
campagne,  ni  même  à  celle  de  la  ville.  .Vinsi 
il  y  a  de  l'apparence  qu'il  n'y  eut  point  du  tout 
de  paroisses  durant  les  deux  on  trois  premiers 
siècles,  ni  dans  lacaïupagne,  ni  dans  les  villes, 
on  qu'elles  furent  très-rares. 

Les  Actes  des  apôtres,  les  Epîtres  de  saint 
Paul,  le  livre  de  l'Apocalypse,  ne  nous  entre- 
tiennent que  lies  Eglises  des  villes  considéra- 
bles et  des  évéques  ou  des  prêtres  qui  y  rési- 
daient, sans  nous  parler  jamais  des  églises  ou 
des  prêtres  des  paroisses  de  la  campagne.  Saint 
Paul  écrit  à  Titc  qu'il  l'a  laissé  à  Crète  pour 
ordonner  des  prêtres  dans  les  villes.  «  Ut  con- 
stituât per  civitatos  presbyteros  (Tit.  ii,  v.  .%).  » 

La  cause  api>arente  de  la  confusion  du  nom 
entre  les  évêijues  et  les  prêtres,  c'est  que  ne 
mettant  des  prêtres  que  dans  les  villes,  et  n'y  en 
mettant  ordinairement  qu'un,  il  fallait  l'ordon- 
ner évêque.  Car  il  est  hors  de  doute  que  dans 
les  commencements  on  ne  fournissait  qu'avec 
peine  toutes  les  villes  d'un  prêtre  ou  d'un  évê- 
que, et  qu'il  eût  été  impossible  d'en  envoyer 
dans  tous  les  villages  de  la  campagne. 

Le  nombre  des  ouvriers  était  très-petit,  mais 
leur  charité  et  leur  capacité  était  infinie.  Ainsi 
en  les  distribuant  dans  les  villes,  leur  doctrine 
se  répandait  bientôt  dans  tous  les  lieux  voisins. 
L'Eglise  naissante  imita  en  beaucoup  de  choses 
la  synagogue.  Les  prêtres  et  les  léviles  n'avaient 
pas  été  dispersés  dans  tous  les  villages  :  MoiVe, 
par  l'ordre  reçu  de  Dieu,  les  avait  distribués 
dans  un  noiubre  considérable  de  bonnes  villes 
et  en  avait  destiné  le  plus  grand  nombre  jiour 
assister  le  souverain  pontife  dans  la  ville  capi- 


tale de  l'Etat.  11  ne  faut  pas  trouver  étrange  si 
les  apôtres  et  les  hommes  apostoliipies  du  pre- 
mier et  du  second  siècle,  gardèrent  quelques 
traces  de  cette  |)olice. 

II.  Saint  Ignace  n'adresse  ses  lettres  qu'aux 
églises  des  grandes  villes;  il  parle  toujours  des 
évéques,  des  prêtres  et  des  di;icres_,  comme  de 
personnes  inséparablement  unies;  il  ne  fait 
jamais  nulle  mention,  ni  desprêtresde  la  cain- 
pagne,  ni  des  églises  des  villes  où  l'évêque  ne 
réside  iioint.On  peut  faire  les  mêmes  réflexions 
sur  les  lettres  de  saint  Cyprien,  dont  il  y  en  a 
un  très-grand  nombre  qui  sont  adressées  aux 
prêtres  et  aux  diacres  de  Carthage  ;  mais  il  n'y 
en  a  aucune  qui  soit  écrite  à  ceux  de  la  cam- 
pagne, ou  qui  en  fasse  mention.  Il  y  en  a  aussi 
plusieurs  écrites  aux  prêtres  et  aux  diacres  des 
autres  villes,  mais  il  paraît  toujours  que  c'étaient 
des  villes  épiscopales. 

Il  est  vrai  qu'il  y  en  a  une  écrite  aux  prêtres, 
aux  diacres  et  au  peuple  de  Furnes,  où  il 
n'est  point  parlé  de  leur  évêque  (L.  i,  epist.  ix); 
mais  il  se  pouvait  faire  que  l'évêque  de  cette 
ville  fût  mort  ou  absent;  car  quelle  apparence 
y  a-t-il  qu'il  y  eût  plusieurs  prêtres  et  plusieurs 
diacres  dans  un  village? 

III.  Saint  Justin  (Apol.  v)  dit  nettement  que 
le  jour  du  dimanche  ceux  de  la  ville  et  de  la 
campagne  s'assemblaient  en  un  même  lieu, 
où  on  célébrait  le  sacrifice  de  f Eucharistie; 
que  ceux  qui  étaient  présents,  communiaient, 
et  que  les  diacres  |)ortaient  la  communion  aux 
absents.  «  Solis  de  omnium  qui  in  urbibus  vel 
in  agris  degunt,  in  eumdein  locum  convenlus 
sit,  etc.  Prœpositus  preces  et  eucharistias  facit, 
etc.  Distributio  fit  cuique  pnesenti,  absentibus 
per  diaconos  mittitur.  » 

Cette  pratique  d'envoyer  l'Eucharistie  aux 
absents  servira  à  éclaircir  ce  que  nous  dirons 
ensuite  de  l'usage  de  l'Eglise  romaine. 

IV.  Les  canons  apostoliques  ne  nous  donnent 
non  plus  aucun  sujet  apparent  de  conjecturer 
qu'il  y  eût  des  paroisses,  ou  dans  la  campagne, 
ou  dans  les  villes  mêmes,  hors  de  l'église  où 
l'évêque  résidait.  Les  prêtres  et  les  diacres  n'y 
sont  jamais  sépares  de  ré\ê(|ue.  L'évêque  y  est 
chargé  du  soin  et  du  salut  des  fidèles,  o  Dumini 
populus  ipsi  commissus  est.  »  C'est  lui  qui  en 
doit  rendre  compte  au  souverain  Pasteur,  «  Pro 
auimabus  eorimi  hic  redditurus  est  rationem.  » 
Les  prêtres  et  les  diacres  ne  peuvent  rien  faire 
sans  son  ordre  ,  «  Sine  sententia  episcopi  nihil 
agere  pertentent  ^Cau.  Ap.  xlj.  »  L'évêque  doit 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-UNIÈME. 


454 

veiller  sur  tout  ce  qui  regarde  sa  paroisse  et 
les  \illages,  «  Qua?  parochiœ  propriœ  compe- 
tunt,  et  \illis  quœ  sub  ea  sunt  (Can.  xv).  »  Où 

le  mot  (le  paroisse  ^af.iz'.a  tt,  r.i.'^K/Xl.  /m  -.n.:%  y.Mja'.;, 

signiiie  tout  le  diocèse  de  l'évêque  ,  et  surtout 
la  ville  capitale  dout  les  villages  dépendent. 

Cela  paraît  encore  par  un  autre  canon,  qui 
défend  aux  prêtres  et  à  tons  les  autres  clercs 
de  passer  de  leur  paroisse  à  une  autre,  c'est-à- 
dire  de  leur  diocèse  en  un  autre,  sans  le  con- 
sentement de  leur  évêque.  Mais  le  plus  remar- 
quable de  ces  canons,  pour  le  sujet  que  nous 
traitons,  est  celui  qui  punit  d'une  juste  dépo- 
sition les  prêtres  et  les  clercs  qui  feront  des 
assemblées  séparées ,  et  autres  que  celles  où 
l'évêque  préside,  ou  qui  dresseront  un  autre 
autel  que  celui  où  il  sacrifie,  et  opposant  autel 
à  autel,  formeront  un  schisme  détestable.  «  Si 
quis  presbNter  contemnens  episcopum  suum  , 
seorsum  congregationem  fecerit,  et  alterum 
altare  fecerit,  deponatur  quasi  principatus 
amalor  existens,  similiter  et  reliqui  clerici 
[Can.  xxxu).  » 

Toutes  ces  expressions  marquent  évidem- 
ment que  dans  un  diocèse  il  n'y  avait  qu'une 
église,  où  l'on  s'assemblait  avec  l'évêque,  et 
où  était  l'autel  où  l'évèciue  sacrifiait,  ou  bien 
un  prêtre  par  son  ordre.  S'il  y  eût  eu  plusieurs 
paroisses  dans  la  ville  et  a  la  campagne,  où 
les  peu|iles  se  fussent  assemblés  et  où  les  prê- 
tres eussent  célébré,  on  n'eût  jamais  usé  de 
ces  expressions  pour  signifier  le  schisme,  et 
on  n'eût  jamais  dit  que  faire  des  assemblées 
autres  que  celles  où  l'évêque  se  trouve,  et 
dresser  un  autel  différent  de  celui  où  il  célèbre, 
c'était  s'élever  contre  lui ,  et  diviser  l'Eglise. 

Eusèbe  nous  fournit  sur  le  même  sujet  plu- 
sieurs conjectures  qui  n'ont  ()as  moins  de  vrai- 
semblance. Denys,  évêque  de  Corinlhe,  écrit 
au  pape  Soter  pour  le  remercier  de  ses  libéra- 
lités envers  les  pauvres ,  et  il  témoigne  que 
c'était  la  coutume  de  l'Eglise  romaine,  dès  sa 
naissance,  d'assister  toutes  les  Eglises  qui  étaient 

dans  chaque   ville    :    £>'.xV.T,aisi.i;  -.%<.%  r.oXXaï;,  t»;;  xitx 
T:icixv  iT-J/iv.    (L.  IV  Hist.  C.  XXIll). 

Les  églises  n'étaient  donc  que  dans  les  villes. 
Le  pape  Corneille  écrivant  à  Fabius,  évêque 
(l'Antioclie  ,  dit  qu'il  y  avait  à  Rome  quarante- 
quatre  prêtres,  sept  diacres,  autant  de  sous- 
diacres,  cuire  les  ministres  inférieurs  les  veu- 
ves et  les  malades  <iue  l'Eglise  nourris.'sait 
(L.  VI,  c.  i3).  Outre  ces  prêtres  qui  résidaient 
a  Home,  ce  pape  eût  aussi  [larlé  de  ceux  de  la 


campagne  et  des  villages,  puisque  l'évêque  eût 
aussi  été  chargé  de  leur  conduite  et  de  leur 
nourriture. 

Denys,  évêijue  d'Alexandrie,  nous  fait  remar- 
quer la  coutume  de  la  loi  de  toutes  les  églises, 
de  réserver  aux  évêques  la  réconciliation  des 
pénitents,  et  de  ne  l'accorder  aux  prêtres  qu'en 
l'absence  des  évêques ,  ou  lorsque  les  malades 
étaient  à  l'extrémité  iL.  vi,  c.  \'\  .  Cela  nous 
apprend  que  les  pénitences  publiques  ne  se 
faisaient  que  dans  les  villes  où  étaient  les  évê- 
ques, et  cette  coutume  \ient  vraisemblablement 
de  ce  que  durant  ces  prenners  siècles  toutes  les 
églises  étaient  dans  les  villes. 

Eusèbe,  qui  rapporte  tout  cela,  dit  qu'après 
la  mort  des  tyrans  qui  avaient  fait  abattre 
toutes  nos  églises,  on  commença  à  les  rebâ- 
tir dans  toutes  les  villes.  «  0(itatissimum  spe- 
ctaculum  priebebatur,  dedicationum  sciiicet 
festivitas  per  singulas  urbes,  et  oralorium  re- 
cens conslructorum  consecraliones  iy.t.wM  h-^-.t.\ 
■/.■X.-3.  r.ù.ù;.  (L.  X,  c).  »  Le  même  Eusèbe  faisant 
la  description  de  la  magnifique  structure  du 
temple  de  Tyr,  n'y  met  qu'un  autel  au  milieu 
du  sanctuaire,  «  Post  hœc  sanctorum,  altare 
videlicet  in  medio  constiluit  (L.  x,  c.  ij.  » 

Cela  sert  à  nous  faire  remarquer  l'unité  du 
sacerdoce  dans  chaque  diocèse,  où  comme  il 
n'y  avait  (]u'un  évêque,  il  n'y  avait  aussi  (ju'une 
église  et  un  autel  où  l'évêque  célébrait  assisté 
de  tous  les  prêtres,  qui  recevaient  l'Eucharistie 
de  sa  main,  et  qui  ne  célébraient  eux-mêmes 
qu'en  son  absence,  ou  par  son  commande- 
ment. 

Vl.Le  pape  Innocent  I",  écrivantàDécentius, 
évêque  d'Eugubio,  remaniue  expressément  que 
de  son  temps  même  ,  c'est-à-dire  au  commen- 
cement du  V'  siècle,  il  n'y  avait  point  encore 
de  paroisses  dans  la  campagne  de  Rome,  mais 
que  toutes  les  églises  qu'il  appelle  litres,  étaient 
dans  l'enceinte  de  la  ville,  où  il  y  avait  des 
prêtres,  aussi  bien  que  dans  les  cimetières 
sacrés;  mais  que  les  jirêtres  des  cimetières 
avaient  le  droit  et  la  permission  de  célébrer 
les  sacrements,  au  lieu  que  les  prêtres  de  la 
ville  n'ayant  pas  ce  droit,  l'évêque  leur  envoyai! 
de  son  église  le  sacrement,  qu'il  appelle  |)ain 
levé,  «  Fermentum,  »  afin  que  ce  soit  un 
témoignage  de  leur  comnmnionavec  l'évêque. 
Voici  ses  paroles  :  «  De  fermento  vero  quod 
die  Dominica  per  tilulos  nùtlimus,  superflue 
nos  consulere  voluisti,  cum  omnes  Kcclesi;e 
nostrx  inlra  civitatem  sintconslilula'.  Quarum 


DE  L'ORIGINE  DES  PAROISSES. 


45b 


presbyteri  quia  die  propter  plebem  sibl  credi- 
tam  nobiscum  convenire  non  possunt,  idcirco 
fermentiini  a  nobis  coiifectuni  per  acolylhos 
accii>iunt,  ut?e  a  nostra  coininiuiione  maxime 
illa  die  non  judicent  séparâtes.  Quod  per  paro- 
chias  fieri  dt'bere  non  pnlo,  quianeclonge  por- 
tandasunt  sacramenta  ,  nec  nos  per  cœmeteria 
diversa  constitutis  presbyteris  destinamns,  et 
presbyteri  eorum  conficiendorum  jus  habeant 
atque  licentiam  (Innoc.  I,  ep.  i  ad  Décent.).  » 

11  y  a  peu  d'apparence  que  ce  levain  mysté- 
rieux fût  une  espèce  de  pain  bénit,  semblable  à 
celui  qui  est  à  cette  heure  en  usage.  Car  quel 
inconvénient  y  aurait-il  de  le  porter  de  la  ville 
aux  paroisses  de  la  campagne,  puisque  les 
lettres  que  saint  Paulin  écrivait  à  saint  Augus- 
tin et  à  Alipe,  nous  a[)prennent  qu'il  leur  en- 
voyait des  pains  d'ilalie  en  Afrique  ,  pour 
marque  de  communion,  joint  à  cela  que  ce 
pain  bénit  a  été  inconnu  à  l'ancienne  Eglise 
latine  et  qu'il  n'y  en  paraît  aucun  vestige  durant 
les  huit  premiers  siècles  ? 

II  est  donc  plus  vraisemblable  que  c'était 
l'eucharistie  même  que  l'évèque  seul  consacrait 
et  envoyait  ensuite  aux  prêtres  des  paroisses 
de  la  ville  qui  n'avaient  pas  pu  assister  à  sa 
messe  et  recevoir  la  connnunion  de  sa  main 
comme  les  autres  prêtres.  Eusèbe  nous  apprend 
que  les  papes  du  second  siècle  envoyaient 
l'eucharistie  aux  évèques  des  provinces  les  ]ihis 
éloignées,  pour  témoignage  de  leur  commu- 
nion (Euseb.,I.  v,  c.  24).  Le  canon  xiv  du  con- 
cile de  Laodicée  défend  d'envoyer  l'eucharistie 
en  façon  d'eulogie,  d'un  évèché  à  im  autre.  Le 
martyr  Lucien,  après  avoir  célébré  et  comnui- 
nié  ,  envoya  la  communion  aux  absents. 
Baronius  a  rapporté  ses  actes  en  l'an  311. 

Il  n'est  nullement  étrange  que  l'Eucharistie 
soit  appelée,  pain  levé,  «  Fermentum,  »  parce 
qu'il  n'est  pas  hors  d'a[iparence  qu'en  ce 
temps-là  l'Eglise  latine  même  se  servait  de  pain 
levé  pour  le  sacrifice.  Il  y  en  a  beaucoup 
d'autres  preuves  que  j'omets.  Et  pour  ne  pas 
nous  embarrasser  dans  cette  question,  l'Eucha- 
ristie serait  toujours  un  levain  mystérieux  et 
saint,  qui  nous  lierait  tous  et  nous  incorpore- 
rait au  Fils  de  Dieu,  pour  n'être  tous  qu'un 
corps  et  un  pain  céleste,  comme  dit  saint  Paul, 
«  Unus  jianis ,  ununi  corpus  multi  sumus, 
omnes  qui  de  uno  pane  parlicipanuis  (I  Cor. 
X,  17).  » 

VIL  II  ne  faut  pas  non  jikis  être  surpris,  si 
on  avance  qu'il  ne  se  disait  qu'une  messe,  à 


laquelle  tous  les  autres  prêtres  assistaient  et 
communiaient,  et  après  laquelle  on  envoyait 
la  communion  aux  prêtres  des  paroisses,  qui 
n'avaient  pu  y  assister.  Car  il  est  constant  que 
dans  ces  premiers  siècles,  comme  il  n'y  avait 
qu'un  autel  et  une  église,  il  ne  se  disait  aussi 
qu'une  messe,  célébrée  par  l'évèque  assisté  de 
tout  son  clergé,  et  où  tous  les  prêtres  mêmes 
communiaient  de  sa  main. 

Quand  on  commença  à  ériger  des  paroisses 
dans  la  ville  de  Rome,  les  prêtres  qui  en 
étaient  chargés  continuèrent  à  recevoir  la 
communion  de  la  main  de  leur  évêque,  mais 
il  fallait  pour  cela  que  les  acolytes  la  leur  por- 
tassent. Cette  pratique  tenait  les  prêtres  dans 
une  plus  grande  dépendance  de  leur  evèque  et 
ne  les  exposait  pas  au  danger  d'élever  autel 
contre  autel  ou  de  former  des  schismes.  Les 
prêtres  des  cimetières  n'étaient  pas  dans  ce 
danger,  parce  qu'il  n'y  avait  point  de  peuples 
qui  leur  fût  soumis  et  (iiû  fût  attaché  à  ces 
cimetières.  Ainsi  on  leur  permettait  de  célé- 
brer. 

VIII.  Dans  ces  commencements  l'évèque  seul 
baptisait  ordinairement,  lui  seul  réconciliait 
les  pénitents  à  l'autel,  lui  seul  célébrait  le  sacri- 
flce,  ou  celui  d'entre  les  prêtres  qu'il  substi- 
tuait et  qu'il  commettait  pour  cela.  Delà  vient 
qu'il  n'y  avait  qu'une  église  et  une  fontaine 
sacrée  où  l'on  ba|itisait  dans  les  plus  grandes 
villes,  ce  qui  est  encore  en  usage  dans  l'Italie. 
De  là  venait  aussi  qu'il  n'y  avait  qu'un  autel 
où  l'on  sacrifiait. 

IX.  Les  paroles  du  livre  pontifical,  dans  la 
vie  du  pape  Melcliiade,  semblent  nous  fournir 
une  preuve  convaincante  de  l'explication  que 
nous  avons  donnée  à  la  lettre  d'Innocent  I". 
Elles  disent  formellement  que  ce  pain  levé 
n'était  autre  chose  que  les  offrandes  ou  obla- 
tions  consacrées  par  l'évèque,  que  l'on  distri- 
buait par  les  autres  Eglises.  «  Hic  fecil,  ut  obla- 
tiones  consecratse  per  Ecclesias  ex  consecratu 
e|)isco[iidirigerenlur,  quod  declaratur  fermen- 
tum.» Il  est  difficile  d'expliquer  autrement 
que  de  l'Eucharistie,  des  termes  aussi  évidents 
que  ceux-ci.  «  Oblationes  consecratœ  ex  conse- 
cratu episcopi  (Damas.,  in  vita  Melch.).  » 

X.  Au  moins  on  ne  peut  nier  qu'au  temps  des 
pajies  Melchiade  et  Innocent,  c'est-à-dire  durant 
fout  le  quatrième  siècle,  toutes  les  paroisses 
de  Rome  ne  fussent  renfermées  dans  la  ville, 
et  qu'il  ne  soit  très-constant  qu'il  n'y  en  avait 
aucune  dans  la  campagne. 


456 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-UNIÈME. 


Sans  doute,  Décentius,  évèque  d'Eugubio,  en 
avait  à  la  campagne ,  puisqu'il  consultait  le 
pape  Innocent,  s'il  fallait  leur  envoyer  le 
même  sacrement  tous  les  dimanches.  Mais  on 
peut  croire  qu'elles  étaient  fort  nouvelles  dans 
l'évèclié  d'Eugubio,  puisqu'il  n'y  en  avait  point 
encore  dans  celui  de  Rome,  et  que  ré\è(iue 
d'Eugubio  doutait  encore  s'il  fallait  [lerniettre 
aux  prêtres  de  ces  paroisses  des  champs  de 
célébrer  eux-mêmes  le  sacrifice  :  ce  que  le 
pape  semble  lui  conseiller,  à  l'exemple  des 
prêtres  des  cimetières  près  de  Rome,  à  qui 
le  pape  permettait,  «  conficere  sacranienla,  » 
qui  sont  des  termes  propres,  non  ]ias  au  [lain 
bénit,  mais  à  l'Eucharistie. 

Aussi  le  pape  Melchiade  ne  dit  pas  que  ce  fût 
du  levain,  ou  du  iiaiii  levé,  mais  qu'on  le  déclarait 
tel,  «  Quod  declaralur  fermentum  ;  »  couune 
s'il  disait  que  ce  pain  consacré  que  l'évêque 
envoie  aux  curés  comme  le  lien  chî  leiu-  com- 
munion est  considéré  de  la  même  manière 
que  le  levain  nécessaire  à  ce  pain  céleste  qui 
est  le  corps  mêmedeJ.-C. 

XI.  Ce  ne  serait  pas  tirer  nos  conjectures  de 
trop  loin,  si  nous  disions  encore  que  lesparoisses 
de  la  ville  de  Rome  étaient  assez  nouvelles  dans 
le  quatrième  siècle,  puisijuil  n'y  en  avait  point 
encore  dans  la  campagne.  Mais  le  même  livre 
I)ontifical,  attribué  au  pape  Damase,  met  un 
grand  obstacle  à  cette  prétention.  En  effet,  il 
assure  que  le  pape  Evariste,  qui  était  assis  sur 
le  Siège  de  saint  Pierre  an  commencement  du 
second  siècle,  distribua  à  ses  prêtres  les  titres 
de  la  ville  de  Rome.  «  Hic  titulos  in  urbe 
Roma  divisil  presbyteris.»  Que  ces  titres  fussent 
des  églises,  on  n'en  peut  douter,  puisque  le  nom 
de  titre  est  encore  en  usage  dans  le  même 
sens,  outre  que  le  pape  Pie  le  dit  clairement 
dans  sa  lettre  à  Juste,  évêque  de  Vienne  :  «  An- 
tequam  Roma  exiisses,  soror  nostra  Eu[>repia 
titulum  donuis  suœ  paupeiibus  assignavit,  ubi 
nunc  cum  pauperibus  nostris  commorantes, 
missas  agimus.  » 

Le  cardinal  Raronins  (An.  112,  n.  i,  o,  (i)  a 
fait  voir  par  les  paroles  de  saint  Ambroise,  de 
saint  Augustin,  de  saint  Crcgoire,  et  même  du 
droit  civil,  nous  poiu'iions  y  ajouter  phisieurs 
autorités  de  Cassiodore  qui  en  font  aussi  foi, 
que  l'on  apiiropriait  les  maisons  ou  les  terres 
au  fisc  du  prince,  en  y  att.icliant  un  voile, 
ou  une  enseigne,  avec  son  image  ou  son  nom 
(Cassiod. ,1.  IV, ep.  XIV,  l..^).TIléodose commanda 
que  les  temples  des  païens  fussent  adjugés  aux 


chrétiens,  en  y  attachant  une  croix:  «  Collocato 
in  eis  venerando  Christianœ  religionis  signo 
(Epist.  vu.  Cod.Theodos.,I.2,tit.  14,  leg.  1).  » 

Il  n'est  pas  aisé  de  se  persuader  que  dans  le 
second  siècle  on  ait  osé  irriter  les  persécuteurs 
de  notre  religion  en  mettant  des  croix  sur  les 
maisons.  Ainsi  il  faudrait  se  réduire  à  l'autre 
raison  du  cardinal  Raronius,  qu'on  donna  à 
ces  Eglises  le  nom  de  titres,  parce  que  les 
prêtres  qui  en  étaient  chargés  en  tiraient  leur 
nom  et  leur  titre.  On  pourrait  encore  dire  que 
l'on  attachait  véritablement  à  ces  églises  quel- 
que marque  de  notre  religion,  mais  qu'elle 
était  telle  que  les  ()aïens  ne  pouvaient  s'en 
défier,  quoiqueles  fidèles  fussent  bien  informés 
de  ce  qu'elle  signifiait.  Aussi  est-il  certain  que 
les  grammairiens  mêmes,  el  les  professeurs  des 
arts  libéraux,  ou  autres,  avaicntaussi  des  titres, 
ou  des  enseignes  qui  faisaient  connaîli'e  le  lieu 
de  leur  demeure  et  de  leur  profession.  Enfin, 
le  même  livre  pontifical,  dans  la  vie  du  pape 
Denis,  dit  expressément  que  ce  pape  distribua 
à  ses  prêtres  les  églises,  les  cimetièrts  et  les 
paroisses  :  «  Hic  presbyteris  Ecclesias  divisit,  el 
cœmeteria,  parochiasque  et  diœceses  cons- 
tiluit.  » 

Il  est  assez  probable  que  la  persécution  ayant 
mis  en  fuite  tous  les  prêtres,  et  ayant  peut-être 
même  renversé  leurs  églises,  ce  pape  fit  une 
nouvelle  distribution  de  paroisses  dans  la 
ville.  Le  nombre  de  ces  paroisses  n'est  remar- 
(|ué  i}ue  dans  la  vie  du  pape  Marcel,  dont  le 
même  auteur  dit,  qu'il  institua  vingt-cinq  titres 
dans  la  ville  de  Rome, qu'il  fitservirpar  autant 
de  prêtres.  «  Hic  viginti  quinque  titulos  in 
urbe  Roma  constituit,  (juasi  diœceses,  propter 
baptisuuun  et  pa'uiteutiam  multorum,  qui 
convertebantur  ex  paganis,  et  pro|iter  sepul- 
turasmartyrum.  Hic  ordinavit  viginti  quinque 
presbytères  in  urbe  Roma,  episcopos  per  di- 
versa  loca  viginti  unum.  » 

Ces  paroles  montrent  clairement  qu'il  n'y 
avait  ni  titres,  ni  églises,  ni  paroisses,  ni 
prêtres  dans  la  campagne  de  Rome,  mais  que 
tout  cela  était  renfermé  dans  la  ville.  Elles  font 
voir  encore  que  ces  Eglises  servaient  aux 
li;iptêmes,  aux  enterrements,  aux  exercices  des 
pénitents,  mais  il  n'est  point  marqué  qu'on  y 
célébrât  la  messe.  » 

Enfin  il  faut  y  remaniuer  ce  qui  paraît  aussi 
dans  la  plu|iart  de  ces  discours  abrégés  de  la 
vie  (les  anciens  papes,  qu'ils  y  ordonnent  très- 
peu  de  prêtres,  et  (lu'ils  y  consacrent  presque 


CONTINUATION  DE  LORKHNE  DES  PAROISSES. 


i.û 


aiilant  et  quelqiiefoi.-;  plus  d*évè(jues  (lue  de 
prêtres.  La  cause  en  est  claire,  en  ce  qu'ils  ne 
de\ aient  fournir  de  jjrùtres  qu'à  la  seule  >il!e 
de  Konie,  au  lieu  qu'ils  de\aient  donner  des 
évêques  à  un  fort  grand  nombre  de  provinces. 
Il  est  même  certain  que  dèsccspreiniers  siècles 
il  y  availdesévèques  dans  toutes  les  plus  petites 
villes  d  Italie  et  de  l'Orient,  et  qu'on  pouvait 
par  consé(]uent  se  jiasser  plus  facilement  des 
paroisses  île  la  campagne. 

XII.  11  ne  nous  reste  jikis  qu'à  dire  im  mot 
de  ce  que  le  même  aideur  rapporte  dans  la  vie 
du  pape  Sirice.  «  Kic  constiluit,  ut  nuUus 
presbyter  missas  celebraret  per  omnem  Iieb- 
domadam,  nisi  consecratum  episcopi  loci  desi- 
gnati  susciperet,  declaralum  quod  nominatur 
fermentum.» 

Peut-on  après  cela  nier  que  les  prêtres  des 
paroisses  ne  célébrassent  eux-mêmes  la  messe? 
Mais  ileslàcroire  qu'ils  avaient  acquis  ce  droit 
dans  cet  intervalle  de  temps  qui  s'était  écoulé 
depuis  Mekhiade  jusqu'à  Sirice,  c'est-à-dire 
qui  faisait  la  plus  grande  partie  du  quatrième 
siècle.  Ainsi  ces  prêtres  étant  en  possession  de 
célébrer  eux-mêmes  la  messe  dans  leur  pa- 
roisse, ils  croyaient  se  pouvoir  passer  de  ce 
pain  consacré  que  l'évêque  avait  auparavant 
coutume  de  leur  envoyer. 


Ce  pape,  pour  conserver  cette  marque  de  l;i 
dépendance  de  ces  prêtres,  de  leur  soumission, 
et  de  leur  communion  à  l'égard  de  leur  é\ê- 
que,  onloune  qu'ils  contumeronl  de  recevoir 
ce  pain  sacré,  qui  est  appelé  levain,  «  Declara- 
tum,  quod  nominatur  fermentum  ;  »  parce 
que,  selon  le  texte  formel  de  l'Evangile,  et 
selon  les  interprétations  de  saint  Chrysostome 
et  d'Origène,  la  vérité  évangélique  est  comme 
un  levain  céleste,  qui  se  mêlant  a\ec  nos  âmes, 
leiu'  communique  ses  divines  qualités. 

Le  père  Sirmond  a  fort  bien  traité  tout  ce 
qui  regarde  ce  pain,  ou  ce  levain  mystérieux, 
et  a  fait  voir  que  c'était  l'eucharistie  même 
(Sirmond.,  de  Azymo,  c.  v). 

Cette  décrélale  de  Sirice  ne  pourrait  s'en- 
tendre que  des  prêtres  des  cimetières  de  Rome, 
mais  il  vaut  mieux  l'entendre  des  prêtres  des 
paroisses  des  autres  évêcliés.  Ce  qui  semble 
être  marqué  dans  ces  paroles,  «  Episcopi  loci 
désignât!.  » 

Innocent,  qui  succéda  à  Anastase  ^successeur 
de  Sirice,  nous  a  appris  ci-dessus  que  les 
prêtres  des  paroisses  dans  Rome  ne  célébraient 
pas  encore  des  messes  particulières. 


CHAPITRE  VINCtT-DEUXIÈME. 


CONTINUATION    DE    L  ORIGINE    ET    DE    LANTIQLITÉ    DES   PAROISSES. 


I.  Dans  la  ville  d'Alexandrie  il  y  avait  plusieurs  paroisses,  et 
dans  chscime  plusieurs  prêtres,  dont  le  premier  était  le  curé. 

II.  L'évêque  d'Alexandrie,  assemblant  tous  ses  curés,  faisait  un 
synode  où.  avec  les  évêques  qui  se  trouvaient  dans  Alexandrie, 
il  condamnait  les  erreurs  nouvelles.  Nécessité  de  bien  établir  la 
dépendance  des  curés  à  l'ésard  de  l'évêque. 

III.  Saint  Athanasc  met  aussi  des  cures  et  des  curés  dans  la 
campagne  d'Alexandrie. 

IV.  On  ne  disait  point  la  messe  dans  les  paroisses  de  la  ville 
d'Alexandrie.  Preuves  tirées  de  saint  Athauase. 

V.  Autre  preuve  tirée  de  saint  Léon,  pape,  qui  commence  à 
faire  célébrer  deux  messes  dans  Alexandrie,  aux  jours  plus  so- 
lennels. 

VI.  L'Eglise  grecque  conserve  encore  quelques  traces  de  cette 
ancienne  unité  de  messe. 


VII.  Le  nombre  des  fidèles  n'était  pas  autrefois  si  grand  qu'à 
présent. 

VllL  Objections  contre  ce  qui  a  été  dit. 

IX.  liépouse  aux  objections. 

X.  Conclusion  de  cette  matière.  Les  Juifs  n'avaient  qu'un 
temple  et  un  sacrifice.  Les  Gentils  n'avaient  pas  de  temples  dans 
tous  les  villages. 

I.  L'Eglise  d'Alexandrie  a  été  comme  la  fille 
aînée  de  celle  de  Rome  :  aussi  a-t-elle  été  la 
seconde  Eglise  du  monde.  11  y  aura  sans  doute 
de  grands  ra[iports  entre  la  mère  et  la  fille. 
Aussi  saint  Epipbane   nous  assure-t-il  qu'au 


458 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-DEUXIÈME. 


commencement  du  quatrième  siècle  il  y  avait 
dans  Alexandrie  plusieurs  églises  qui  étaient 
toutes  soumises  à  l'archevêque,  dont  chacune 
avait  un  prêtre  (jui  la  frouvernait.  o  Etenini 
(|uotquot  Aléxandriic  CatlioliCcT  communionis 
ecclesiœ  sunt  ,  uni  archiepiscopo  subjeclœ , 
suus  cuique  pra^positus  est  presbyter,  qui 
ecclesiastica  niunera  iis  administret  (Epipli., 
hœr.  i.xix,  n.  1,  et  haeresi.  lxviii,  n.  9).  »  Les 
rues  et  les  maisons  voisines  de  chaque  église  et 
qui  en  étaient  comme  le  ressort,  s'appelaient 
Laures,  ).ajpa't  ou  \i.^ok  :  et  c'est  d'où  tirèrent 
leur  nom  ces  sortes  de  monastères  dont  les 
cellules  étaient  séparées  de  même  façon  par  des 
rues.  Il  y  avait  j)lusieurs  prêtres  dans  chacune 

de    ces    églises    :    -ùj.Ù  Tjii.7:-.-f.Gvj-i-M  y.ifs'îy.i'nz-r.-i  i/.- 

xXraiav.  Mais  il  y  en  avait  un  qui  en  était  le  pré- 
sident, i;  irfO'IaraTo. 

Saint  Epiphane  nomme  sept  ou  huit  de  ces 
églises  et  dit  qu'il  y  en  avait  plusieurs  autres. 
Il  dit  qu'Arius  était  recteur  ou  curé  d'une  de 
ces  paroisses,  Colluihus  d'une  autre;  Carponas 
et  Sarmatas  étaient  aussi  recteurs  ,  chacun  de 
son  église  :  que  ces  prêtres  r^itandirent  le 
venin  de  leurs  erreurs  dans  les  prédications 
qu'ils  faisaient  au  peuple  aux  jours  d'assem- 
blée ,  qu'ainsi  ils  partagèrent  les  esprits  et 
eurent  chacun  leurs  sectateurs,  dont  les  uns 
s'appelèrent  Colluthiens,  les  autres  ariens; 
(}u'Arius  gagna  à  son  parti  sept  i)rêtres,  douze 
diacres,  sept  cents  vierges;  qu'enfin  l'arche- 
vêque Alexandre  ayant  assemblé  ses  prêtres  et 
quelques    évêques    qui    se    trouvèrent    dans 

Alexandrie,    (;jy.7.';xÏT«i     Ti    TTpea&jTT.ptov  ,     xa't    âXXfj; 

Tivâç  ÈitiTOOTTcu;  ,  et  ayant  examiné  la  chose  au- 
tant qu'elle  le  méritait ,  excommunia  Arius 
et  le  bannit  de  la  ville,  ce  qui  fit  que  tous  ses 
partisans  se  séparèrent  de  l'Eglise. 

II.  De  ce  récit  de  saint  Epiphane  nous  appre- 
nons, 1°  Que  l'Eglise  avait  eu  beaucoup  de  rai- 
son de  munir  et  de  précautionner  l'aulorité 
des  évêques  contre  les  entreprises  des  prêtres 
et  de  mettre  tout  en  usage  pour  retenir  ceux- 
ci  dans  une  exacte  dépendance,  puisijue  nous 
voyons  (jne  la  ])remière  et  la  plus  pernicieuse 
des  grandes  hérésies  qui  ont  combattu  l'Eglise, 
a  été  l'onnée  par  un  j)rêlre  ambitieux  et  ama- 
teur (le  lindf'penilance. 

2°  Que  la  ville  d'Alexandrie  étant  après  Rome 
la  ]ilus  grande  \ille  du  monde  et  y  ayant  peut- 
être  un  nombre  de  lidèifs  encore  plus  grauil 
(pi'à  Rome,  parce  que  la  foi  avait  commencé 
plus  toi  et  s'était  jilus  étendue  dans  l'Orient  :  il 


y  avait  aussi  un  grand  nombre  de  paroisses 
dans  cette  ville  et  plusieurs  prêtres  dans  chaiiue 
paroisse,  au  lieu  que  dans  Rome  il  n'y  en  avait 
qu'un  dans  chacune. 

.'i°  Que  de  ces  prêtres  d'une  même  paroisse, 
il  y  en  avait  un  qui  y  avait  la  principale  auto- 
rité, tels  qu'étaient  Arius  et  Collutlius. 

i"  Qu'il  n'est  parlé  d'aucune  paroisse,  ni 
d'aucune  église  aux  champs,  mais  que  toutes 
les  paroisses,  aussi  bien  que  tous  les  prêtres 
étaient  dans  Alexandrie,  aussi  bien  que  dans 
Rome. 

5°  Qu'Alexandre,  archevêque  d'Alexandrie, 
pour  condamner  la  doctrine  et  la  personne 
d'Arius,  assembla  son  collège  de  prêtres,  «  r.^i- 
oZ-jH-m-',  avec  quelques  évêques  qui  se  rencon- 
trèrent dans  Alexandrie,  et  que  ce  fut  de  ce 
synode  que  fut  lancée  la  première  foudre  contre 
les  Ariens. 

Il  y  a  de  l'apparence  que  ce  collège  sacerdo- 
tal, (jui  est  appelé  presbytère,  comprend  aussi 
les  diacres  qui  assistaient  aux  synodes  en 
Orient,  aussi  bien  que  dans  l'Occident,  comme 
nous  l'avons  déjà  fait  remar(]uer  et  comme  il  est 
aisé  de  le  justifier  par  l'Eglise  romaine,  où  les 
assemblées  pareilles  étaient  aussi  nommées 
«  Presbyterium  ,  »  et  où  les  diacres  aussi  se 
trouvaient  (Siricii,  ep.  ii). 

Quoiqu'il  en  soit  des  diacres,  il  est  au  moins 
certain  par  cet  endroit,  (lue  l'êvêque  avait  ses 
curés  et  ses  prêtres  faisait  un  synode  où  on 
traitait  les  plus  grandes  causes,  oîi  on  condam- 
nait les  hérésies  et  où  l'on  excommuniait  leurs 
auteurs.  Si  dans  cette  rencontre  l'archevêque 
Alexandre  ne  se  donna  pas  le  loisir  de  convo- 
quer les  évêques  de  la  province,  ce  fut  appa- 
remment afin  que  le  remède  à  un  si  grand  mal 
fût  d'autant  plus  efficace  qu'il  serait  plus 
promi)t  :  et  parce  que  la  coutume  d'Alexandrie 
était  de  ne  pas  attendre  les  évêques  de  la  pro- 
vince même  pour  l'élection  d'un  archevêiiue  ; 
mais  d'y  i)ourvoir  d'abord  pour  prévenir  les 
factions  et  le  schisme. 

(^est  la  remarque  de  saint  Epiphane  au 
même  endroit  :  «  Cum  hœc  sit  consuetudo 
Alexandriœ,  ut  post  episcopi  mortem  successor 
non  diiitiiis  differatur  ,  sed  subinde  pacis 
tncnda'  gratia  subrogelur,  ne  aliis  hune,  aliis 
iilniii  aniplr'ctentibus,  jurgia  in  vulgus  et  con- 
Iciilidues  e\islaiil  flbid.,  n.  II).» 

N'oilà  ce  (|iie  veut  dire  saint  .lérôme,  (juand 
il  assure  que  les  prêtres  d'Alexandrie  prenaient 
aussitôt  l'un  d'entre  eux  pour  le  faire  monter 


CONTINUATION  DE  LORIGINE  DES  l'AROlSSES. 


ir.y 


sur  le  trône  vacant ,  sans  attendre  tous  les 
évèqiies  do  la  province,  mais  non  pas  sans 
employer  des  évèques  à  la  consécration  de  celui 
qu'ils  avaient  élu,  puisqu'il  y  avait  toujours  des 
évèques  dans  une  aussi  grande  et  aussi  puissante 
ville  qu'Alexandrie,  comme  il  paraît  ici  par 
ceux  qu'Alexandre  assembla  avec  ses  prêtres 
pour  la  condamnation  de  l'arianisme. 

Le  nom  de  paroisse  ne  se  lit  jjoint  dans  cet 
endroit  de  saint  Epipliane ,  non  jikis  que  celui 
de  curé  ;  mais  ce  que  nous  appelons  paroisse 
y  est  nommé  simplement  église  ou  laure ,  et 
le  nom  de  prêtre  y  signifie  le  recteur  ou  le  curé 
de  la  paroisse.  Saint  Atlianase  fait  lui-même 
mention  de  ces  laures  dans  sa  lettre  aux 
solitaires. 

III.  Mais  le  même  saint  Atbanase  nous  en- 
seigne que  dans  la  campagne  même  d'Alexan- 
drie, et  dans  les  plus  grands  villages,  il  y  avait 
des  églises  et  des  prêtres.  «  Mareotes  ager  /«sx 
est  Alexaudria^,  quo  in  loco  episcopus  nunquam 
fuit,  imo  ne  cliorepiscopus  quidem  ;  sed  uni- 
versee  ejus  loci  Ecclesiœ  episcopo  Alexandrino 
subjacenf,  ita  tamenutsingulipagi,  wiy.^'. ,  suos 
prcsbyteros  liabeant.  Sunt  auteni  pagi  isti 
maximi  decem  numéro,  aut  aliquanto  plures. 
Pagus  autem  in  quo  Ischyras  habitat,  minimus 
est,  et  paucissimorum  liominum  ,  adeo  ut  non 
ibi,  sed  in  proximo  pago  ecclesia  sit  constituta 
(Athan.,  apol.  2).  » 

Il  y  avait  donc  des  cures  et  des  curés  dans 
les  grands  villages,  aî-^ioTi? xùai;,  dont  les  petits 
villages  relevaient.  Mais  l'importance  serait  de 
savoir  si  ces  paroisses  champêtres  étaient  plus 
anciennes  que  l'empire  de  Constantin.  C'est  un 
doute  que  je  ne  puis  encore  résoudre.  Nous  en 
dirons  quelque  chose  plus  bas  en  son  lieu  ; 
mais  nous  ne  dirons  peut-être  rien  de  bien 
convaincant. 

IV.  Il  faut  nous  en  consoler,  en  empruntant 
du  même  saint  Athanase  l'éclaircissement  d'un 
autre  point  qui  n'est  pas  moins  important.  On 
accusa  ce  saint  archevêque  d'avoir  fait  célébrer 
les  assemblées  et  le  sacrifice  dans  une  église 
d'Alexandrie  ,  que  l'empereur  Constantin  lui 
faisait  bâtir,  avant  qu'elle  fût  dédiée,  et  même 
avant  qu'elle  fût  achevée. 

11  ne  nie  pas  que  cela  ne  fût,  dans  son  apo- 
logie à  l'empereur,  mais  il  dit  qu'il  y  a  été 
forcé  par  la  violence,  ou  plutôt  par  la  ferveur 
et  la  piété  d'une  multitude  infinie  de  fiilèles, 
qui  ne  pouvant  pas  assister  tous  ensemble  au 
diviu  sacrifice  à  la  fêle  de  Pàtiues  dans  les 


autres  églises  d'Alexandrie,  parce  qu'elles 
n'étaient  pas  assez  s])a(ieu?es  itourlescnnterii 
tous,  forcèrent  l'archevêque  de  célébrer  dans 
celle-ci,  qui  était  déjà  plus  vaste  que  les  autres. 
«  Cum  Ecclesiœ  paucte  parvœque  essent,  ma- 
gnoque  tumultu  posceretur,  ut  in  magna  Ec- 
clesia conventuscelebrareutur.  »  L'archevêque, 
avant  que  de  consentir  à  leur  demande,  les 
conjura  de  s'assembler  plutôt  dans  les  aiitres 
églises,  quoiqu'ils  dussent  y  être  pressés, 
«  Etiam  cum  compressione  et  affliclione  in  aliis 
Ecclesiis  cœlus  agerent.»  Maislepeufile  ne  juit 
s'y  résoudre,  et  il  menaçait  d'aller  célébrer  la 
fête  au  milieu  des  champs,  parce  que  plusieurs 
femmes  et  enfants  avaient  pensé  être  étouffés 
dans  la  foule  ,  aux  dernières  fêtes  de  la  Pente- 
côte (Apolog.  ad  Constantium). 

Cela  nous  apprend  qu'aux  jours  mêmes  des 
jtlus  grandes  fêtes,  on  ne  disait  dans  Alexan- 
drie qu'une  seule  messe  dans  la  plus  grande 
église ,  et  qu'il  est  très-certain  que  les  prêtres, 
ou  curés  des  paroisses  particulières  n'y  disaient 
nullement  la  messe,  comme  nous  l'avons  déjà 
observé  de  la  ville  et  des  églises  de  Rome  en 
même  temps.  S'il  en  restait  encore  quelque 
doute,  il  serait  très-certainement  levé  par  les 
paroles  suivantes  du  même  saint  Atbanase,  oi'i 
il  montre  combien  on  était  alors  persuadé  qu'il 
fallait  ([ue  toute  la  multitude  des  fidèles  enten- 
dît ensemble  une  même  messe,  et  ue  fît  qu'une 
seule  hostie  qui  s'immolât  avec  J.-C.  sans  se 
diviser  et  se  répandre  en  diverses  églises. 

«  Quid  ergo  rectius  putas,  parficulatim  et 
divise  una  cum  periculo  elisionis  populum 
synaxes  facere,  an  potius  ut  in  locum  omnium 
bene  capacem  conveniat  et  unam  eamdemque 
sine  dissonantia  vocem  reddat?Certe  id  rectius 
est,  cum  id  concordiam  unanimis  ninltitudinis 
ostendat,  et  Deum  ad  exandiendum  promptio- 
reni  babeat.  Nam  si  pro  ipsius  Salvatoris  pacto 
in  consensu  duorum  quodcumque  petierint . 
Cet  :  (juid  igitur  fulurum,  ubi  ex  tôt  tantisque 
populis  in  unum  congregatis  una  vox  respon- 
deatur,  acclamautium  Amen?  Quis  non  intcr 
felicia  prœdicet ,  cum  videat  tatitam  multitu- 
dinem  in  unum  locum  convenire?  Quid  gaudii 
ibi  ex  niutuo  iuvicem  couspeclu,  anlea  solilis 
in  diversa  loca  dispertiri?  » 

V.  Baronius  rapporte  cela  à  l'an  3-""iO.  Si  les 
choses  étaient  en  cet  éUit  lorsque  l'empire  était 
depuis  si  longtemjis  déclaré  pour  l'Eglise,  que 
faut-il  juger  des  temps  de  la  persécution?  Il 
faut  avouer  néanmoins  (jue  ce  n'était  pas  tant 


460 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-DEUXIÈME. 


la  crainte  des  persécuteurs  qui  causait  cette 
coutume  de  ne  célébrer  la  messe  qu'une  fois 
en  un  jour  dans  chaque  ville,  que  le  désir  et 
la  nécessité  de  conserver  l'unité  dans  l'Ej^^lisc, 
et  la  dépendance  extrême  que  doivent  avoir 
tous  les  prêtres  de  leur  évêque. 

Nous  en  tirons  une  preuve  encore  plus  cer- 
taine de  la  lettre  du  pape  Léon  I"  à  Dioscore, 
archevêque  d'Alexandrie  (Epist.  lxxxi),  où  il 
lui  ordonne  de  faire  célébrer  une  seconde 
mes5e  dans  la  même  basilique  aux  jours  de 
grande  fête,  lorsqu'il  y  aura  encore  une  grande 
multitude  de  peuple  qui  n'aura  pu  entrer  et 
assister  à  la  première  :  parce  qu'il  n'est  jias 
juste  de  garder  l'ancienne  coutume  d'une 
messe  pour  chaque  jour  dans  une  église  aux 
dépens  de  la  piété  de  tant  de  fidèles. 

«  Illud  volumus  custodiri,  utcum  solenmior 
festivilas  conventum  populi  numerosioris  in- 
dixerit,  et  ad  eam  tanfa  multitudo  convenerit, 
quam  recipere  basilica  simul  una  non  possit, 
sacrificii  oblatio  indubitaiiter  iteretur,  ne  bis 
tantum  admissisad  liane  devotionem  qui  primi 
advcnerint ,  videantur  bi  ,  qui  i)Ostinodum 
confluxiiint,  non  recepti.  Cum  j)lenum  piela- 
lis  al(iue  rationis  sit,  ut  quoties  basilicam,  in 
qua  agitur,  prœsentia  novœ  plebis  impleverit, 
toties  sacrifioiuni  subsequens  offeratur.  Necesse 
est  autem  ,  ut  quœdam  pars  populi  sua  devo- 
tione  privetur,  si  unius  tantum  missœ  more 
servato,  sacrificium  offerre  non  i)0ssint,  nisi 
qui  i)rima  diei  parle  convenerint.  » 

VI.  Ces  paroles  du  pape  Léon,  «  unius  sacri- 
ficii more  servato,  »  montrent  manifestement 
(jue  c'était  un  ancien  usage  dans  le  patriarcat 
d'Alexandrie,  de  ne  célébrer  qu'une  messe  [)ar 
jour,  dans  les  plus  grandes  villes  mêmes,  et 
aux  jours  des  fêtes  les  plus  solennelles.  L'Eglise 
grecque  observe  encore  la  même  coutume  et 
on  n'y  dit  qu'une  messe  en  un  jour  dans  chaque 
église,  ce  qui  fait  justement  douter  si  l'ordon- 
nance du  pape  Léon  fut  suivie  dans  Alexandrie, 
et  s'ils  n'aimèrent  pas  mieux  célébrer  plusieurs 
messes  en  différentes  églises,  comme  les  Grecs 
le  i)rati(jaent  encore  aujourd'hui. 

Vil.  Cet  usage  de  l'ancienne  Eglise  i)araîtra 
moins  étrange  si  l'on  considère,  1°  Qu'il  s'en 
faillit  boaucou|>  ([ue  tous  les  idolâtres  fus- 
serit  convertis,  et  (jue  le  nondjre  des  lidèlcs 
fût  aussi  grand  ijuil  l'est  à  cette  heure.  2°  Que 
les  chrétiens  alors  ne  recevaient  très-souvent 
le  baptême  ijuc  vers  la  (in  de  leur  vie,  ou  dans 
un  âge  fort  avancé;  ainsi  ils  ne  pouvaient  pas 


même  assister  à  la  messe  des  fidèles.  3°  Que  les 
pénitents  même  étaient  distingués  des  autres 
fidèles,  et  n'assistaient  pas  non  plus  à  la  messe 
des  fidèles. 

VIII.  Après  tout,  on  ne  peut  nier  qu'il  n'y 
ait  quelques  preuves  assez  vraisemblables, 
pour  nous  faire  croire  qu'il  y  avait  quelques 
églises  paroissiales  et  des  curés,  non-seulement 
dans  les  villes,  mais  aussi  dans  la  campagne 
(Apost.,  can.  xxxvi).  Il  est  défendu  aux  évêques, 
par  un  canon  apostolique,  de  faire  des  ordina- 
tions dans  les  villes  on  villages,  77-:>.e..;  ■/.%•.  y_Mp!r.ç,qui 
sont  hors  de  leur  diocèse.  Ils  en  faisaient  donc 
dans  les  villes  et  villages  de  leur  obéissance. 
Or  faire  des  ordinations,  x-'ipoToviaç  m'.e'aôn.dansle 
style  ancien,  est  la  même  chose  que  donner 
des  cures  ou  d'autres  bénéfices. 

Le  concile  d'Elvire  (Can.  Lvni),  distingue 
l'église  cathédrale,  «  locusinquo  prima  cathe- 
dra constilula  est  episcopatus,  »  des  autres  où 
on  donnait  aussi  des  lettres  de  communion.  Il 
parle  en  un  autre  endroit  (Can.  lxxvii)  d'un 
diacre  qui  gouverne  une  église,  «  Si  quis  dia- 
conus  regens  plebem.  »  Enfin,  Gardas  dit 
qu'en  quelques  manuscrits  anciens  on  trouve 
à  la  fin  de  ce  concile  les  sousciiptions  de  trente- 
six  prêtres,  avec  le  nom  des  villages  dont  ils 
avaient  la  conduite.  Mais  ces  souscriptions  sont 
très-suspecles.  Car  on  devrait  plutôt  avoir  trou- 
vé celles  des  évêques,  et  il  n'y  a  presque  pas 
d'exemples  où  les  prêtres  aient  souscrit  avecle 
nom  de  leurs  églises  particulières. 

IX.  Saint  Cyprien  (L.  i,  cp.  8)  distingue  le 
clergé  de  la  ville  des  autres  clercs  du  diocèse. 
«  Clericis  urbicis.  »  Dans  un  autre  endroit 
(L.  IV,  ep.  10)  il  y  admet  le  prêtre  Numidicus, 
illustre  |)ar  sa  confession,  «  Ut  Numidicus  |)re- 
sbyler  adscribalur  presbylerorum  Carlhaginen- 
sium  numéro,  et  nobiscum  sedeat  in  clero , 
luce  clarissima  confessionis  illuslris.  » 

Ces  preuves  ne  sont  pas  sans  quelque  vrai- 
semblance, mais  aussi  elles  ne  sont  ni  con- 
vaincantes, ni  comparables  au  nombre  et  à  la 
force  de  celles  du  parti  contraire.  Eusèbe  dit 
dans  la  harangue  prononcée  à  la  dédicace  de 
la  magnifique  église  de  Tyr,  que  la  gloire  de 
J.-C.  et  sa  divine  iiuissance  éclatait  admirable- 
ment il. ms  celle  inîinilêde  temples  magnifiques 
et  de  basiliques  qu'on  voyait  dans  les  villes  et 
dans  la  cam|)agne  :  /.oX  y.wfav,  x-,1  itoui;.  (Hist.,  1.  x, 
c.  i).  Mais  il  esl  certain  iiue  cela  regarde  le 
t.'mps  (jui  suivit  l'Emjiire  et  la  conversion  de 
Constantin.    Saint    Cyiirieii     traite    Carthage 


DES  P(U'VOinS  ET  OliLICATKlNS  ItES  Cl'RES. 


461 


comme  une  autre  Ronie  dans  l'Afiliiue ,  et  il 
relève  son  clergé  à  proportion  sur  le  clergé  des 
autres  villes  épiscopales. 

Le  canon  du  concile  d'Elvire  doits'e\pli(iner 
duniélropolitain,  qui  est  véritablement  «  prima! 
cathedra'  episcopus.  »  L'autre  canon  du  même 
concile  parle  peut-être  d'un  diacre  qui  gouver- 
nait une  église  pendant  l'absence  de  l'évèque 
et  du  prêtre,  ou  pendant  l'interrègne.  Le  canon 
de  Sardique  'Can.  vu)  défend  de  mettre  des 
évéques  dans  des  villages  et  dans  de  petites 
villes  où  un  prêtre  suffit.  «  Non  est  danda 
licentia  ordinandi  episcopum  in  vico  aliquo , 
vel  modica  civitate,  cui  sufficit  unus  presbyter.  » 

Ce  prêtre  était  apparemment  le  pasteur  d'une 
petite  ville  ou  d'un  bourg  ;  mais  du  temps  du 
concile  de  Sardique  ,  la  foi  était  répandue 
presque  partout  l'empire.  L'on  ne  peut,  par  le 
moyen  des  canons  des  apôtres,  marquer  préci- 
sément ce  qui  est  arrivé  à  ce  sujet,  ni  en  flxer 
l'époque;  la  raison  est  que  le  temps  auquel 
cette  collection  a  été  faite  n'est  pas  certain. 

On  ne  sait  qu'une  chose,  ou  du  moins  on 
présume  que  celte  collection  des  canons  des 
apôtres,  aussi  bien  que  celle  des  constitutions 
apostoliques,  a  été  commencée  dans  les  quatre 
premiers  siècles  de  l'Eglise,  et  qu'elle  a  été 


ensuite  journellement  nngmrntée.  Mais  on 
ignore  dans  (|uel  temps  cluuiue  canon  a  été 
fait  ,  ou  de  quelle  Eglise  ils  ont  passé  en 
Orient. 

Plusieurs  conjecturent  avec  assez  de  funde- 
ment  la  même  chose  sur  les  canons  du  concile 
d'Elvire,  qui  marquent  que  la  collection  des 
canons  d'Espagne  avait  été  faite  vers  le  com- 
mencement du  quatrième  siècle.  Mais  il  est 
temps  de  reprendre  la  suite  de  la  matière  que 
nous  traitons. 

X.  Il  faut  donc  conclure  que  les  paroisses  de 
la  campagne  n'ont  commencé  qu'au  quatrième 
siècle,  qu'elles  n'ont  |>as  commence  partout  en 
même  temps,  que  celles  des  villes  sont  plus 
anciennes,  mais  qu'elles  n'étaient  que  dans  les 
plus  grandes  \illes,  et  qu'au  connnencement 
on  n'y  célébrait  point  la  messe. 

Si  l'on  considère  le  Vieux  Testament,  il  n'y 
avait  qu'un  temple  et  un  lieu  des  sacrifices  pour 
toute  la  religion  judaique.  Si  l'on  considère  la 
gentilité,  il  n'y  a  nulle  preuve,  et  il  n'est  pas 
même  vraisemblable  qu'il  y  eût  des  temples  et 
des  prêtres  dans  tous  les  villages.  Ainsi  il  est 
moins  étonnant  que  l'Eglise  dans  ses  commen- 
cements eût  quelque  chose  d'approchant  de 
cela  dans  sa  police  extérieure. 


CHAPITRE    VINGT-TROISIEME. 


LES   POnOIRS   ET   LES   OBLIGATIONS   DES   CLREs   PENDANT   LES   HL'IT   PREMIERS   SIECLES. 


I.  Les  curés  de  la  ville  faisaient  le  sénat  et  le  conseil  de  l'é- 
vèque ;  dans  leur  synode  on  traitait  les  plus  grandes  affaires,  et 
il  s'y  trouvait  souvent  des  évéques. 

II.  Les  évéques  administraient  le  sacrement  de  pénitence,  et 
les  prêtres  l'administraient  en  leur  absence,  ou  à  leur  défaut. 

III.  Les  évéques  baptisaient  ordinairement. 

IV.  La  pénitence  secrète  était  administrée  par  les  prêtres. 
Preuves  tirées  de  la  vie  de  saint  Ambroise. 

V.  Autres  preuves  des  conciles  d'Afrique. 

VI.  Us  administraient  aussi  la  pénitence  publique  en  quelques 
rencontres. 

VII.  Dans  l'Eglise  de  Rome  les  prêtres  ne  confirmaient  pas. 

VIII.  Ils  le  faisaient  peut-être  ailleurs. 

IX.  Le  pouvoir  que  les  évéques  leur  en  donnaient  honore 
autant  l'épiscopat  que  de  réserver  aux  évéques  seuls  le  pou- 
voir de  confirmer. 

X.  Les  curés  pouvaient  excommunier. 


XI.  S'ils  ont  pu  donner  les  moindres  ordres. 

XII.  On  passe  à  l'Eglise  grecque.  Combien  l'ordre  des  curés 
approche  de  celui  des  évéques. 

XIII.  Ils  pouvaient  excommunier. 

XIV.  Le  baptême  solennel  était  réserré  à  l'évèque,  s'il  était 
présent. 

XV.  Diverses  preuves  que  les  prê'res  ou  les  curés  ont  eu 
pari  au  pouvoir  de  confirmer. 

XVI.  De  prêcher  et  de  remettre  les  péchés. 

XVII.  XVllI.  XIX.  XX.  XXI.  Des  droits  et  devoirs  des  curés 
et  des  prêtres  aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.  Où  il 
est  aussi  parlé  des  diacres. 

1.  Ce  qui  a  été  dit  dans  les  deux  chapitres 
précédents,  pourrait  suffire  pour  faire  connaître 
les  pouvoirs  et  les  obligations  des  curés.  Nous 


462  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-TROISIÈME. 


n'avons  même  \ni  [)arler  des  grands-vicaires 
et  des  nrciiiprètres  sans  parler  des  devoirs  et 
des  pouvoirs  des  curés,  parce  que  ces  offices 
étaient  alors  exercés  par  la  même  personne. 

Saint  Augustin  a  été,  selon  Possidius,  «  Pre- 
sbyter  civitatis,  »  le  curé  de  la  ville  d'Hi])pone 
avant  que  d'en  être  évèque.  Il  faut  dire  de 
même  de  Sirnpiicien  et  de  Claudien,  de  saint 
Basile  et  de  saint  Grégoire  de  Nazianze. 

Les  curés  des  paroisses  de  la  ville  faisaient  le 
conseil  de  révèi]ue  et  le  clergé  de  la  cathé- 
drale, comme  dans  rp]glise  de  Rome,  on  voit 
encore  les  prêtres  et  les  diacres  cardinaux  des 
titres,  c'est-à-dire ,  des  églises  paroissiales  de 
Rome,  composer  ce  collège  auguste  et  ce  cori- 
sisloire,  qui  fait  le  conseil  du  pape. 

C'étaient  les  curés  qui  étaient  convoqués  par 
révêque,  avec  les  autres  évoques  qui  se  pou- 
vaient rencontrer  dans  la  ville,  comme  il  s'en 
rencontrait  toujours  dans  les  grandes  villes  qui 
composaient  ce  synode,  où  se  formaient  les  dé- 
crets qui  réglaient  et  la  foi  et  la  discipline  de 
l'Eglise. 

Nous  venons  de  voir  comment  Alexandre, 
évèque  d'Alexandrie  ,  assembla  son  synode , 
«  Presbyterium;  »  ses  curés  s'y  assemblèrent 
avec  quel(|ues  évèques  qui  étaient  alors  fortui- 
tement à  Alexandrie.  On  y  condamna  l'iièrésie 
d'xVrius.  Le  pape  Sirice  (Epist.  n),  pour  con- 
damner rbèrésiar(|ue  Jovinien,  assembla  aussi 
ses  prêtres  et  ses  diacres.  «  Facto  presbyterio, 
coristitit  doctriii;e  noslne  esse  contraria.  Om- 
nium nostruni,  tani  presbyterorum,  et  diaco- 
norum,  quam  etiam  totius  cleri  una  suscitata 
fuit  sententia.  » 

Toutes  les  lettres  des  papes  et  les  conciles 
romains  de  tous  les  siècles,  font  foi  que  c'était 
la  discipline  constante  de  cette  Eglise,  qui 
étant  la  plus  ancienne,  la  pins  èminente,  et  la 
mère  des  autres,  bun-  servait  de  modèle  à 
toutes,  et  nous  sert  de  preuve  de  ce  que  nous 
devons  penser  des  autres. 

II.  Les  canons  d'Elvire  nous  font  descendre 
dans  le  diHail  de  l'administration  des  sacre- 
ments, ce  qui  fait  plus  particulièrement  l'occu- 
pation et  le  devoir  des  curés.  Or  ce  concile  dé- 
clare (Can.  xxxu)  que  c'est  à  l'évêquecà  donner 
la  pénitence  et  la  communion,  et  que  les  prê- 
tres et  les  diacres  ne  peuvent  administrer  ces 
sacrements  que  dans  la  nécessité  et  par  le  com- 
mandement de  l'èvêque.  «  Apud  prcsbylerum, 
si  ([uis  gravi  lapsu  in  ruinam  morlis  ceciderit, 
plaçait  agerc  pœnilentiam  non  debere  ;  sed 


potins  apud  episcopum.  Cogente  tamen  infir- 
mitate,  necesse  est  presbylerum  communio- 
nem  prœstare  debere,  et  diaconum,  si  ei  jusse- 
rit  sacerdos.  » 

Cela  se  doit  néanmoins  entendre  des  temps 
et  des  lieux  où  il  n'y  avait  point  d'autre  église 
paroissiale  que  la  cathédrale  même.  C'est  aussi 
le  sens  du  canon  du  concile  d'Arles,  que  les 
prêtres  ne  fassent  rien  sans  l'aveu  de  leur 
évèque.  «  Ut  presbyteri  sine  conscientia  epi- 
scoporum  nihilfaciant  (Can.  xix).  » 

En  effet,  quand  il  y  eut  des  paroisses  à  la 
campagne,  les  curés  y  célébrèrent  la  messe  et 
administrèrent  les  sacrements,  et  quand  il  y  en 
eut  dans  la  ville,  ils  y  administrèrent  le  bap- 
tême et  la  pénitence.  Les  preuves  en  ont  été 
alléguées  dans  le  cha|)itre  précédent,  où  le 
pape  Marcel  a  établi  vingt-cinq  titres  dans 
Rome  :  «  Propter  Baplismum  et  Pœnitentiam 
multorum  ,  qui  convertebantur  ex  paganis,  et 
propter  sepulluras  martyrum.  » 

Cette  pénitence  était  apparenunent  celle  qui 
ne  peut  être  séparée  du  baptême  des  adultes, 
et  cette  charge  que  les  curés  avaient  du  bap- 
tême, n'était  peut-être  antre  chose  (|ue  le  soin 
d'instruire  et  de  purifier  par  quelques  épreuves 
les  pénitents  qu'on  préparait  au  baptême.  Car 
comme  on  ne  baptisait  qu'à  Pâques  et  à  la  Pen- 
tecôte, et  que  le  baptême  solennel  était  ordi- 
nairement réservé  à  l'èvêque,  on  ne  peut  s'i- 
maginer que  ce  fût  encore  l'occupation  des 
curés.  Il  n'y  avait  que  le  baptême  et  la  péni- 
tence qu'il  fallait  administrer  dans  les  besoins 
imprévus  et  dans  les  nécessités  pressantes  qui 
pussent  faire  l'occupation  des  cuns. 

m.  Comme  on  ne  séparait  point  ordinaire- 
ment dans  les  premiers  siècles  les  trois  sacre- 
ments du  liai)tême,  de  la  confirmation  et  de 
reucharistie,  l'èvêque  étant  le  seul  qui  pût 
régulièrement  donner  la  confirmation,  aussi 
élait-il  le  plus  souvent  le  ministre  du  baptême. 
Pour  en  demeurer  pleinement  convaincu,  il 
ne  faut  que  lire  ce  que  Paulin  a  écrit  de  saint 
And)roise,  évèque  de  Milan.  Cet  incomparable 
prélat  s'occupait  avec  une  assiduité  si  infati- 
gable à  l'administration  du  saint  baptême  , 
qu'après  sa  mort  cinq  évêques  ement  île  la 
peine  d'en  faire  autant  tous  ensemble  (|u'il  en 
faisait  lui  seul.  «  In  rébus  divinis  implendis 
fortissimus  in  tantum,  ut  quod  implere  solitus 
erat  circa  baplizandos  ,  (juinque  postea  epi- 
sco|)i,  a  tempore  quo  decessit,  vix  implerent 
(Surins,  die  i.  April.,  c.  19).  » 


DES  POrVOIUS  ET  (IBLKÎATIONS  DES  CURÉS. 


4(i3 


Ce  n'étaient  donc  (jne  des  évè(|ues  qui  s";\t;- 
quittaient  commiinémenl  des  fonctions  péni- 
bles du  bai>tème.  Car  il  ne  faul  pas  se  per- 
suader que  ce  ne  fût  que  la  cérémonie  du  bap- 
tême qui  occupât  ces  grands  évoques  ;  autre- 
ment ils  eussent  pu,  et  peut-être  eussent-ils  dû 
dire  avec  saint  Paul  :  qu'ils  n'avaient  pas  reçu 
l'apostolat,  ou  l'épiscopat  pour  administrer  le 
baptême,  mais  pour  annoncer  l'Evangile. 

Comme  ceux  qui  demandaient  le  baptême 
étaient  très-souvent  des  adultes,  des  savants  du 
siècle,  des  gentils  ou  des  béréfiques  convertis , 
il  fallait  achever  de  les  convaincre,  de  les  con- 
vertir, de  les  instruire  ;  il  fallait  les  purifier 
par  de  longues  prières,  par  des  jeûnes,  par 
d'autres  mortifications  ;  il  fallait  enfin  les 
éprouver  longtemps,  et  tout  cela  n'était  dis- 
proportionné ni  à  la  capacité,  ni  à  la  dignité 
des  prélats  apostoliques.  Mais  saint  Ambroise 
était  souvent  appelé  ailleurs  par  les  |ires?ants 
besoins  de  l'Eglise  et  de  l'Etat.  Il  fallait  un 
nombre  de  prêtres  et  de  curés  pour  suppléer 
à  son  absence. 

IV.  Quant  au  sacrement  de  pénitence ,  le 
même  auteur  de  sa  vie  témoigne  qu'il  écoutait 
les  confessions  secrètes  avec  un  secret  invio- 
lable, donnant  en  cela  l'exemple  a  tous  les  au- 
tres prélats.  «  Causas  criminum,  quas  illi  con- 
fitebantur,  nulli  nisi  Domino  soli  apud  queni 
intercedebat,  loquebatur;  bonum  relincjuens 
exemplum  posteris  sacerdotibus,  ut  interces- 
sores.  ajiud  Deum  sint  magis,  quam  accusa- 
tores  apud  bomines  (Ibid.,  c.  ii).  »  Ces  confes- 
sions secrètes  avaient  aussi  rapport  avec  la 
pénitence  publique.  «  Siquidem  quotiescum- 
que  illi  aliquis  ob  percipiendam  pœnitentiam 
lapsus  suos  confessus  esset,  ita  flebat,  ut  et 
illum  flere  compelleret.  b 

Tous  ceux  qui  venaient  se  confesser  n'a- 
vaient i^as  commis  ces  crimes  capitaux  qu'il 
fallait  effacer  par  les  rigueurs  de  la  pénitence 
publique.  Aux  autres  on  n'imposait  que  des 
satisfactions  particulières.  Ainsi  on  peut  dire 
que  les  curés  et  les  prêtres  recevaient  aussi  les 
confessions  secrètes,  remettaient  les  crimes  et 
imposaient  des  satisfactions  secrètes,  s'il  n'y 
avait  point  de  crime  canonique,  et,  s'il  y  en 
avait,  ils  renvoyaient  les  pénitents  à  l'évèque. 

A  peine  peut-on  douter  de  cette  vérité.  En 
effet  les  laïques  ne  savaient  pas  précisément 
quels  étaient  les  crimes  inex[)iables  autrement 
que  par  la  pénitence  canonique.  Le  nombre  et 
les  espèces  de  ces  crimes  changeaient  au  gré 


des  évêques  et  des  conciles.  On  ne  se  mettait 
pas  eu  pciiic  (liiisiruirc  les  laïques  de  ces  chan- 
gements, [KHUMi  (|ue  les  évêques  et  les  prêtres 
en  lussent  informés,  afin  de  ne  lier  et  de  ne 
délier  les  consciences  de  ceux  qui  viendraient 
se  confesser  généralement  de  tous  leurs  cri- 
mes (lu'en  se  conformant  à  ces  décrets. 

V.  Mais  en  voici  une  preuve  fort  claire  dans 
le  concile  II  de  Carthage  (Can.  m.  iv),  où  un 
évêque  dit  que  dans  un  concile  précédent  il 
avait  été  défendu  aux  prêtres  de  s'ingérer  dans 
l'administration  de  la  confirmation,  ou  la  ré- 
conciliation des  pénitents,  ou  la  consécration 
des  vierges.  «  Memini  pra'terito  concilio  fuisse 
statutum,  ut  chrisma,  vel  reconciliatio  pœni- 
tentiam, necnon  et  puellarum  consecratio  a 
I)resbyteris  non  fiant.  »  Tous  les  évêques  ré- 
jiondirent  et  conclurent  avec  une  modification 
importante,  que  les  prêtres  ne  confirmeraient 
point  les  nouveaux  baptisés,  ne  consacreraient 
point  les  vierges,  et  ne  feraient  point  la  récon- 
ciliation publique  des  pénitents  à  la  messe. 
«  Cbrismatis  coufectio  et  puellarum  consecra- 
tio, a  presbyteris  non  liant.  Vel  reconciliare 
quemquam  ia  i>ublica  missa  presbytero  non 
licere;  boc  omnibus  placet.  » 

On  y  ajouta  celte  exception,  que  si  un  péni- 
tent demandait  à  être  réconcilié  dans  une  dan- 
gereuse maladie,  pendant  l'absence  de  l'évèque 
le  prêtre  pourrait  l'absoudre,  aprèsen  avoirreçu 
permission  de  l'évèque.  «  Si  quisquam  in 
periculo  consli tutus,  se  reconciliari  divinis 
altaribus  petierit,  si  episcopus  absens  fuerit, 
débet  utique  presbyter  consulere  episcopum,  et 
sic  periclitantem  ejus  pra?cepto  reconciliare.  » 

C'était  donc  aussi  l'évèque  qui  administrait 
le  sacrement  de  la  réconciliation  aux  malades; 
le  prêtre  ou  le  curé  ne  le  faisait  qu'en  son 
absence,  et  alors  même  il  fallait  que  l'évèque 
en  fût  averti,  et  en  donnât  la  permission.  .Mais 
cela  ne  s'entendait  que  des  pénitents  publics 
qui  expiaient  un  crime  capital,  et  qu'il  eût 
fallu  solennellement  réconcilier  à  la  messe,  et 
lorsque  l'évèque,  quoiqu'absent,  n'était  pas 
fort  éloigné.  En  effet,  lorsqu'il  passait  les 
mers,  ou  qu'il  traversait  plusieurs  provinces 
pour  assister  au  concile  universel,  il  faut  bien 
dire  que  le  prêtre,  ou  l'archiprêlre,  ou  le  curé 
avait  une  entière  délégation  de  lui,  pour  délier 
les  pénitents  et  les  excommuniés  ,  au  moins 
dans  ces  pressantes  et  périlleuses  extrémités. 

VI.  Le  concile  111  de  Carthage  (Can.  xxxii, 
xxxvi),  se  relâcha  encore  davantage,  et  permit 


464 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-TROISIÈME. 


aux  prêtres  de  réconcilier  les  pénitents  pressés 
par  (nielqiie  nécessilé,  sans  attemlre  la  permis- 
sion de  révè(|ue  absent.  «  Ut  [)resbyter  incon- 
sulto  cpiscopo  non  reconcilict  pœnitentem,  nisi 
absente  episcopo  et  necessitate  cogente.  »  Ce 
même  concile  permit  aux  évcques  de  laisser 
consacrer  les  vierges  par  les  prêtres,  mais  non 
pas  de  leur  laisser  faire  la  consécration  du 
chrême.  «  Ut  presbyterinconsulto episcopo  vir- 
gines  non  consecret,  chrisma  vero  nunquam 
conficial.  » 

H  fallait  une  permission  expresse  pour  pou- 
voir consacrer  les  vierges,  il  n'en  fallait  point 
pour  réconcilier  les  pénitents  pressés  en  l'ab- 
sence de  l'évèque  :  Il  raison  en  est  manifeste. 
L'absolution  des  crimes  est  d'une  nécessité  [dus 
pressante.  Mais  ces  canons  ne  permettent  jamais 
aux  prêtres  de  bénir  le  chrême.  Ils  ne  leur  dé- 
fendent jamais  de  donner  la  confirmation  , 
mais  seulement  d'entreprendre  la  consécration 
du  chrême.  On  pourrait  en  tirer  celte  conjec- 
ture, que  les  Africains  suivaient  peut-être  la 
pratique  des  Grecs,  de  regarder  le  saint  chrême 
comme  le  sacrement  même,  que  les  prêtres  pou- 
vaient dispenser,  iiuoiiju'ils  ne  pussent  le  con- 
sacrer, comme  les diicres  dis|)ensaicnt  l'eucha- 
ristie, quoi(ju'ils  n'eussent  pas  le  pouvoir  de 
faire  la  consécration  du  pain  céleste.  En  Es[)a- 
gne,  on  suivait  le  même  lat)gage  dans  les  .con- 
ciles, et  peut-être  aussi  le  même  usage. 

Voici  un  canon  du  concile  I  de  Tolède  (Can.  xx), 
auijuel  il  n'y  a  ])res(iue  pas  de  répartie:  «Quani- 
vis  pêne  ubicjue  custodiatur,  ut  absque  epi- 
scopo chrisma  nemo  conflciat  ;  tamen  quia  in 
aliquibus  îocis,  vel  provinciis  presbyteridicun- 
tur  chrisma eonficere,  i»lacuitexhocdienullum 
alium  nisi  episcopum  chrisma  facere,  et  per 
diœcesim  destinare.  Statutum  est  diaconum 
non  chrisma  facere,  sed  presbyterum  absente 
episcopo;  prœsente  vero,  si  ab  ipso  fuerit  prœ- 
ccptum.  » 

VII.  Le  pape  Innocent  I",  dans  sa  lettre  à 
l'évoque  d'Eugubio,  dit  clairement  que  les  prê- 
tres ba|)tisaieiit  et  a|iiiliquaient  le  chrême  sur 
la  tête  des  nouveaux  baptisés,  mais  qu'ils  ne 
pouvaient  en  oindre  leur  front,  parce  que  c'est 
celte  chrisination  qui  fait  le  sacrement  de  la 
confirmation,  qui  est  réservé  aux  évèques.  Cette 
doctrine  l'a  enfin  emporté  dans  tout  lOccident. 
Ce  pajte  déclare  ensuite  les  iirèlres  ministres 
ordinairement  de  l'Extrême-Onction,  parce  que 
les  cv^Miues  sont  assez  occupés  ailleurs.  «  Quia 
episcopi  aliis  occupalionibus  impediti,  ad  om- 


nes  languidos  ire  non  possunt  (Epist.  i,  c.  3, 
8).  »  Les  autres  j),ipes  ont  tous  ensuite  déclaré 
les  évêques  les  seuls  ministres  de  la  confir- 
mation. 

VIII.  Mais  je  ne  sais  si  les  royaumes  particu- 
liers de  l'Occident  même  se  réduisirent  sitôt  à 
cette  pratique. 

Le  concile  de  Riez,  en  439,  permit  à  Armen- 
tarius  de  confwmer,  après  avoir  déclaré  que 
son  ordination  irrégulière  n'avait  pu  lui  don- 
ner rang  entre  les  évêques.  Mais  on  sait  que 
dans  ces  premiers  siècles  on  ne  se  mettait  pas 
en  peine  de  distinguer  bien  exactement  les  or- 
dinations invalides  ou  illégitimes,  parce  qu'on 
se  contentait  d'interdire  les  fonctions  de  l'ordre 
pour  jamais  et  sans  ressource.  Les  deux  pre- 
miers canons  d'un  concile  d'Orange  ont  paru  à 
des  gens  doctes  donner  le  pouvoir  de  confir- 
mer à  des  prêtres,  avec  la  |)ermission  des  évê- 
ques. 

L'intelligence  de  ces  deux  canons  a  tellement 
brouillé  les  savants,  et  leurs  contestations  y 
ont  répandu  tant  d'obscurité,  au  lieu  de  la 
lumière  que  nous  devions  plus  justement  eu 
attendre,  que  j'ai  cru  ne  devoir  pis  m'y  arrêter 
surtout  ne  devant  parler  de  cette  matière  que 
par  accident  et  en  passant.  Martin,  évoque  de 
Drague,  laisse  encore  le  pouvoir  de  confirmer 
aux  prêtres  :  «  Presbyter  prœsente  episcopo  in- 
fantes non  signet,  nisi  forte  ab  episcopo  fuerit 
illi  prœceptum  (Can.  lu).  »  Et  le  concile  de 
Barcelone  (Can.  u)  :  «  Cum  chrisma  presbyteris 
diœcesanis  pro  neophylis  confirmandis  dalur, 
nihil  pro  liquoris  prelio  accipiatur.  » 

Je  ne  parle  ici  qu'en  doutant  et  je  con- 
fesse que  des  gens  très-savants  sont  d'un  avis 
contraire. 

IX.  Ce  ne  serait  peut-être  pas  diminuer  l'au- 
torité des  évètiues  de  se  persuader  qu'ils 
auraient  pu  communiquer  aux  prêtres  une 
puissance  qui  leur  est  propre  et  naturelle.  Si 
on  croit  assez  connnunénient  (jue  le  pape  peut 
donner  ce  pouvoir  aux  prêtres,  ce  n'est  pas 
obscurcir  l'autorité  des  évêques  de  dire  qu'ils 
ont  usé  autrefois  de  la  même  puissance  de 
confirmer  par  le  ministère  emprunté  des  prê- 
tres. Ces  sortes  de  sentiments  se  doivent 
régler  sur  les  usages  publics  et  autorisés  des 
Eglises. 

Si  les  docteurs  de  l'école  croient  ordinaire- 
ment que  le  pape  saint  Grégoire  permit  aux  prê- 
tres de  Sardaigne  de  donner  la  confirmation  , 
pourquoi  ne  croira-t-on  pas  que  les  conciles 


DES  POLVOIHS  ET  OBLIGATIONS  DES  CURES. 


463 


provinciaux  ont  pu  donner  le  même  pouvoir 
aux  curés?  Les  papes  donnaieiil  jieii  de  dis- 
penses dans  les  six  ou  sept  premiers  siècles,  que 
les  conciles  provinciaux  ne  donnassent  aussi. 

M.  de  Marca  et  M.  Godeau  ont  écrit  que  les 
curés  pouvaient  donner  la  confirmation  aux 
hérétiques  qui  se  convertissaient  à  larticle  de 
la  mort,  et  ils  citent  le  canon  n  du  concile 
d'Orange  et  le  xvi  décelai  d'Epone,  qui  leur 
donnent  ce  pouvoir.  Or  ces  deux  prélats 
n'étaient  point  d'humeur  à  avilir  l'épiscopat. 

X.  Laissons  cette  matière  qui  n'est  [las  de 
notre  sujet  et  qui  nous  mènerait  trop  loin  .  et 
disons  que  si  les  prêtres  n'avaient  pas  autrefois 
la  même  étendue  de  pouvoirs  qu'ils  ont  présen- 
tement en  quelques  rencontres,  ils  en  avaient 
en  d'autres  une  bien  plus  grande  :  puisqu'ils 
pouvaient  frapper  les  coupables  de  la  foudre 
terrible  de  l'excommunication. 

Saint  Jérôme  le  dit  nettement  :  «  Mihi  ante 
presbyterum  sedere  non  licet  ;  illi,  si  peccavero 
licet  tradere  me  satanœ,  in  interilum  carnis, 
ut  spirilus  salvus  sit  ^Epist.  ad  Heliod.j.  » 

Saint  Augustin  reconnaît  ce  même  pouvoir 
dans  le  clergé  et  dans  les  bénéOciers  qui  étaient 
eu  dignité.  «  De  ipsa  congregatione  laicorum, 
sive  ab  episcopo,  sive  a  clero,  sive  a  quocumque 
prreposito,  cui  est  potestas,  eximitur  (Conc. 
Parmen.  .  » 

Il  parle  ailleurs  d'un  prêtre  qui  avait  excom- 
munié son  diacre  et  son  sous-diacre.  «  Propter 
reprobos  et  perverses  mores  a  presbytero  suo 
excommunicatus  L.  ni,  c.  2,  epist.  cclv).  » 
C'était  sans  doute  un  curé  qui  avaitexercé  cette 
juste  sévérité  :  mais  on  pourrait  dire  que  cette 
autorité  aurait  été  déléguée  par  l'évêque  :  c'est 
ce  que  je  n'entreprends  pas  d'examiner.  Il 
serait  toujours  vraisemblable  que  cette  déléga- 
tion aurait  été  plus  ordinaire. 

XI.  Le  pape  Gélase  a  réprimé  dans  une  de 
ses  lettres  quelques  entreprises  des  curés.  11  y 
remarque  aussi  (juelques-uns  de  leurs  pouvoirs. 
Il  leur  déclare  qu'ils  ne  peuvent  pas  faire  des 
sous-diacres  ou  des  acolytes  sans  l'évêque.  «  Nec 
sibi  meminerint  ulla  ratione  concedi ,  sine 
summo  poutitice  subdiaconum,  aut  acolythum 
jus  habere  faciendi  ^Epist.  iXj.  »  Le  concile  IV 
de  Carthage  donna  au  curé  le  pouvoir  de  créer 
des  psalmistes  ou  des  chantres.  «  Psalmista,  id 
est,  cantor  potest  absque  scientia  episcopi,  sola 
jussione  presbyteri  ,  ofticium  suscipere  can- 
tandi  ;  dicente  sibi  presbytero  ,  vide  ,  ut  quod 
orecantas,  corde  credas,  etc.  (Can.  x.)  » 

Th.  —  Tome  I. 


Cependant  les  chantres  étaient  dans  le  rang 
des  clercs  inférieurs,  non -seulement  dans 
l'Orient,  mais  aussi  dans  l'Afrique.  Témoin  le 
concile  111  de  Carthage  (Can.  xxij,  «  clericorum 
nonien  etiam  lectores  et  psalniistœ  et  ostiarii 
retineut.  b  Saint  Grégoire,  pape  (L.  i[ ,  epist. 
Liv,  can.  xvm;,  en  dit  autant  :  «  Presbyteros, 
diaconos,  subdiaconos,  cantores,  lectores,  cle- 
ricos  appeliamus.  »  Le  concile  de  Jlérida .  eu 
GOl),  permit  aux  curés  d'augmenter  le  nombre 
des  clercs  selon  leurs  besoins  et  selon  leurs 
revenus.  «  Ut  omnes  parochiani  presbyteri , 
juxta  et  in  rébus  sibi  a  Deo  creditis  senliunt 
habere  virtutem ,  de  Ecclesiae  suae  familia  cle- 
ricos  sibi  faclant.  » 

C'est  peut-être  pour  cela  que  le  pape  Gélase 
n'a  défendu  ci-dessus  aux  curés  que  de  faire 
des  acolytes  et  des  sous-diacres  sans  l'évêque. 
On  ne  peut  nier  que  les  chorévêques  n'aient 
donné  les  ordresmineurs;ce[)endant  ce  n'étaient 
que  des  iirêtres.  Le  concile  Vil  général  donna 
un  privilège  aux  abbés ,  dont  il  sera  parlé 
ailleurs. 

Xll.  Quant  à  l'Eglise  grecque  ,  les  canons 
apostoliques  Can.  xlix  ,  l)  font  les  prêtres 
ministres  du  baptême  ;  mais  ce  n'est  pas  sans 
déi)endance  de  l'évêque,  puisqu'ils  défendent 
aux  prêtres  de  rien  faire  sans  l'agrément  de 
l'évêque.  «  Presbyteri  et  diaconi,  prœter  epi- 
scopum  nihil  agere  pertentent.  »  Le  concile  de 
Gangres  (Can.  xl,  can.  vi)  condamna  toutes  les 
assemblées  scbismatiques  que  les  laïques  te- 
naient sans  la  présence  d'un  prêtre  qui  en  eût 
ordre  de  l'évêque.  «  Non  conveniente  presbytero 
de  episcojii  senteniia.  » 

Le  concile  de  Nicêe  (Can.  uij  recevant  les 
novatiens  convertis  dans  le  même  rang  et 
dans  les  mêmes  ordres  qu'ils  avaient  eus  dans 
leur  secte,  voulut  que,  s'il  y  avait  déjà  un 
évêque  catholique  dans  la  même  ville ,  il  don- 
nât à  ce  prélat  nouvellement  converti  ,  ou 
une  place  de  chorévêque,  ou  celle  d'un  prêlre, 
c'est-à-dire  d'un  curé  ;  ou  qu'il  le  laissât 
jouir  du  nom  et  des  honneurs  des  évêques. 
«  Providebit  ei,  aut  choreiiiscopatus.  aut  pres- 
byterii  locum.  »  S'il  n'y  avait  point  d'évêque 
catholique  dans  la  même  ville,  l'évêque  nova- 
tien  demeurait  évêque  après  sa  conversion. 

Il  paraît  donc  par  là  que  les  évêquts  étaient 
quelquefois  réduits  au  rang  et  à  Lofflce  des 
curés,  aussi  bien  qu'à  celui  de  chorévêques, 
sans  qu'on  crût  deshonorer  ni  l'évêque ,  ni 
l'épiscopat.   Ce    n'était   que    mettre    dans  la 

30 


466 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  YIXCT-TROISIÈME. 


seconde  place  celui  (lu'on  ne  pouvait  placer 
dans  la  première  ,  parce  qu'elle  se  trouvait 
remplie.  Sur  quoi  il  est  bon  de  se  ressouvenir 
de  ce  qui  fut  déclaré  dans  le  concile  de  Calcé- 
doine, qu'on  ne  pouvait  punir  un  évècjue  cou- 
pable ,  en  le  faisant  rétrograder  dans  l'ordre 
des  prêtres  (Conc.  Calced.,  act.  i  elcan.  xxix). 
Le  pape  Célestin  envoyant  un  de  ses  prêtres  en 
qualité  de  légat  au  concile  d'Epbèse,  l'appelle 
son  confrère  :  «  Compresbyterum  meum  Plii- 
lippum  iConc.  Ephes.,  act.  2,  3).  »  Le  concile 
général  d'Epbèse  même,  écrivant  au  clergé  de 
Conslantinople ,  rend  le  même  bonneur  aux 
prêtres.  «  Couipresbyteris.  » 

.\in.  Mais  si  le  concile  de  Nicée  (Conc.  Nie, 
can.  v)  rebaussa  la  dignité  des  curés,  il  ne 
confirma  pas  la  juridiction  que  nous  leur  avons 
vu  donner  ,  de  lancer  l'excommunication  et 
d'exercer  une  juridiction  contentieuse.  Ce  n'est 
que  des  évêques  que  ce  concile  ordonne  que 
les  sentences  d'excomnnmication  (iii'ils  auront 
prononcées  seront  rcsi)ectées  par  les  autres 
évêques,  jusqu'à  ce  que  le  concile  iirovincial 
les  ait  révoquées. 

Tous  les  autres  conciles  ont  suivi  ce  même 
règlement;  ainsi  les  sentences  prononcées  par 
les  curés,  à  moins  qu'elles  ne  fussent  confirmées 
par  leur  évê(|ue ,  n'avaient  ni  le  poids  ni  la 
vigueur  de  celles  des  évêques  (Cou.  Antb.,  c.  0). 

Il  y  a  pourtant  quelque  apparence  qu'elles 
étaient  ordinairement  conlirmées  par  l'évêque, 
et  peut-être  que  son  silence  suffisait  pour  cela. 
Timotbée,  arcbevèque  d'Alexandrie,  parle  d'un 
lecteur  {|ue  les  prêtres  avaient  déposé  pour  un 
crime  d'impureté  (In  lonnnonitorio  ajuid  Bal- 
sam.,  c.  v).  Le  même  prélat,  dans  sa  lettre  à 
l'évêque  Menas,  loue  le  zèle  des  prêtres  d'un 
■village  (pii  avaient  excommunié  une  dame 
(|ui  ne  voulait  ni  faire  pénitence  de  ses  fautes, 
ni  les  réparer. 

XiV^.  Le  baptême  solennel  n'était  pas  moins 
réservé  aux  évêcpies  dans  l'Orient  que  dans 
l'Occident.  Entre  les  diverses  pièces  qui  regar- 
daient la  i>er?onne  d'Ibas,  évêque  d'Edesse  ,  et 
(|ui  furent  lues  dans  le  concile  de  Calcédoine, 
on  remari|ue  la  demande  que  firent  les  clercs 
de  son  Eglise  ,  (|u'on  l'y  renvoyât  ])our  la  fête 
de  Pâques,  afin  (pi'il  pût  y  faire  toutes  les  ins- 
tructions nécessaires  aux  catliécumènes,  etieur 
administrer  le  sacrement  de  la  céleste  régéné- 
ration. «  Cuni  nullus  sit,  qui  ecclesiœ  adesse 
pra'valeat,  et  maxime  IVstivitate  salutit'era  im- 
minente,   in  qua  et   jiropter  catecliismos,  et 


projiler  eos  qui  digni  sunt  sancto  baptismale  , 
0i)us  est  ejus  prœsentia.  » 

Quoique  l'évêque  fût  encore  alors  le  ministre 
ordinaire  du  l)aptême  solennel  qui  se  donnait 
la  Vieille  de  Pàcjues,  de  la  Pentecôte  et  de  VE\n- 
pbanie,  selon  les  différents  usages  de  diverses 
Eglises,  il  fallait  l)ien  que  les  [uêtres  s'acquit- 
tassent de  ce  devoir,  et  en  son  absence  dans  sa 
catbédrale,  et  dans  tous  les  autres  lieux  de  son 
diocèse  où  il  ne  pouvait  pas  être  présent  ;  et 
enfin  dans  une  iiiliuitéde  nécessités  pressantes 
et  imprévues. 

XV.  Pour  ce  qui  est  de  la  conOrmalion,  il  ne 
paraît  pas  que  les  Grecs  aient  réservé  autre 
cbose  à  l'évêque  que  la  consécration  duclirême 
qu'ils  considéraient  comme  plein  d'une  fécon- 
dité céleste  de  communiquer  le  Saint-Esprit. 
Saint  Denis  témoigne  que,  bien  que  ce  soit  un 
prêtre  qui  baptise,  qui  fasse  les  onctions  du 
chrême  et  qui  consacre  l'Eucharistie,  la  gloire 
et  la  princi|)ale  autorité  en  appartiennent  tou- 
jours à  l'évêque  (|ui  a  ordonné  le  prêtre,  qui 
a  consacré  le  chrême,  (pu  a  sacré  l'autel  sur 
lequel  on  célèbre  les  divins  mystères. 

-Vinsi  cet  auteiu'  ne  réserve  à  l'évêque  que 
l'ordination  des  clercs  majeurs,  la  consécration 
du  chrême,  ladédicace  des  églises  et  des  autels. 
«  Licetenini  a  sacerdotibus  veneranda  (|u;edam 
sacramenta  conficiantur;  nun(|uam  tamen  sa- 
cerdos  divinam  illam  regenerationem  sine 
divinissimo  illo  unguento  consummabit  neque 
divinœ  communionis  mysteriaconsecrabit;  nisi 
communionis  sacramenta  divinissimo  altari 
fuerint  imposita  :  quia  ne  sacerdos  quideni 
crit ,  nisi  pontiliciis  iniliationibus  ad  sort(Mn 
islam  fuerit  proinolus.  Qua|)ropter  lex  divina 
hierarchicorum  ordinum  sanclilîcalioneni,  et 
unguentidivini  consecrationeni,  sacramque  al- 
tans  benediclioiiem,  perlicientibus  divinorum 
pontificum  virtutibus  singulariter  attribuit 
(llierarcli.  Eccles.,  c.  v).  » 

11  est  difficile  que  cet  auteur  ignorât  les  pra- 
tiques de  l'Eglise  grecque  en  son  temps , 
surtout  dans  une  matière  aussi  publique  et 
aussi  importante  (]ue  celle-ci.  Le  fidèle  inter- 
prète de  saint  Denis,  saint  Maxime,  parle  d'une 
manière  qui  fortifie  ces  mêmes  sentiments,  et 
ne  réserve  à  l'autorité  é|)isco|)ale  que  les  trois 
mêmes  choses. 

Saint  (^lirysostome  dit  bien  que  Philippe  ne 
put  donner  le  Saint-Esprit  aux  Samaritains 
(lu'il  avait  baptisés,  parce  (prit  n'était  que  dia- 
cre, et  que  ce  i)ouvoir  était  propre  aux  apô- 


DKS  POUVOIRS  ET  OIîLICATIONS  DES  crUÉS. 


467 


1res  :  «  Doniini  hoc  soloruin  apostolonim 
erat  (Hoinil.  xviu  ia  Acla).  »  Mais  alors  les 
apôtres  représentaient  les  évèques  et  aussi  les 
prèlres  qui  leur  ont  succétié  il'une  manière 
tout  autre  que  les  diacres,  quoique  beaucoup 
inférieure  à  celle  des  évoques. 

Ce  même  Père  dit  ailleurs  ([ue  saint  Paul  a 
souvent  compris  les  prêtres  dans  les  évoques, 
parce  que  les  évèques  ne  sont  distingués  des 
.  prêtres  (jne  par  l'ortlination.  «  Non  enini  mul- 
tuni  distant.  Nain  et  prcsljyteris  Ecclesiœ  cura 
pennissa  est  et  niagislerium.  Et  quae  de  epi- 
scopis  dixil,  etiain  [)resbyteiis  congruunt.  Sola 
quippeordinationesuperioresilli  suntilloni.  u 
in  Ep.  I  ad  Tiniotli.).  » 

Saint  Epiphane  se  trouva  dans  une  obligation 
indispensable  de  faire  valoir  les  avantages  essen- 
tiels de  l'évèque  sur  les  prêtres,  lorsqu'il  écri- 
vait contre  l'hérésie  d'^^irius,  qui  confondait 
ces  deux  ordres  sacrés.  Il  ne  distingue  néan- 
moins l'évèque  du  prêtre,  que  par  le  pouvoir 
d'ordonner  et  d'engendrer  des  pères  à  l'Eglise 
(Haeresi.  vu).  J'en  ai  rapporté  ci-dessus  les  pa- 
roles au  long.  «  Episco|)orum  ordo  ad  gignen- 
dos  patres  praecipue  pertinet.  » 

Les  deux  autres  diUérences  que  saint  Denis 
mettaient,  contiennent  deux  pouvoirs  des  évè- 
ques qui  ne  sont  pas  tout  a  fait  incommuni- 
cables aux  prêtres;  mais  le  pouvoir  d'ordonner 
des  diacres,  des  prêtres  et  des  évèques  est  telle- 
ment propre  à  l'èpiscopat,  qu'il  est  absolument 
incommunicable  à  d'autres  qu'à  des  évèques. 
Saint  Jérôme  a  dit  aussi  ((ue  la  seule  puissance 
d'ordonner  distinguait  l'èpiscopat  de  la  prê- 
trise. 

Alors  il  parlait  de  l'aveu  des  deux  Eglises. 
En  un  autre  endroit  il  confesse  que  lesévêi)ues 
seuls  donnen' la  confirmation,  etalors  ilsemble 
avoir  plus  d'égard  à  l'Eglise  de  Rome.  Aussi  il 
y  ajoute  que  cela  s'estainsi  fait,  non  par  aucune 
loi  essentielle,  «  Non  ad  legis  necessitatem,  » 
mais  pour  honorer  l'èpiscopat. 

Enfin  l'auteur  des  constitutions  apostoliques 
insinue  bien  (]ue  c'était  ordinaireineiit  l'évè- 
que qui  donnait  la  confirmation ,  puisijue  c'é- 
tait lui  aussi  qui  baptisait  ordinairement.  Mais 
décrivant  ailleurs  toutes  les  cérémonies  qu'il 
faut  observer  en  conférant  le  baptême  et  la 
confirmation,  il  s'adresse  à  l'évèque  et  au  prê- 
tre (L.  ni,  c.  16;  1.  vu,  c,  26). 

XVI.  Saint  Chrysostome  nous  avait  un  peu 
auparavant  appris  que  la  charge  d'enseigner 
âiSa5>ixx;a,  avait  aussi  été  confiée  aux  prêtres.  Or 


ce  qui  a  été  dit  du  |)Ouvoir  que  les  curés 
avaient  d'excommunier,  nous  fait  connaître  que 
les  curés  avaient  aussi  ([uelque  part  aux  clefs 
etau  tribunal  de  la  pénitence.  Si  jusqu'à  Novat 
les  évè(|ues  exeicèrenl  seuls,  ou  presque  seuls 
celte  puissance  des  clefs,  au  moins  depuis  No- 
vat, ils  s'en  rejiosèrent  en  parlie  sur  les  (irèlres 
pénitenciers,  au\(|uels  ils  comnuuHi|uèreut  en 
parlie  leur  pouvoir.  El  depuis  l'extinction  des 
l)rêlres  pènilenciers  par  Neclarius,  si  la  jièni- 
tence  publique  tut  abolie,  ou  ne  pouvait  plus 
la  réserver  aux  évèciues. 

XVU.  C'est  ici  le  lieu  de  parler  des  fonctions 
des  prêtres  dans  les  sixième  et  se|)tième  siècles, 
sur  quoi  il  faut  d'abord  observer  que  l'on  avait 
encore  conservé  pour  lors  dans  l'Eglise  cette 
ancienne  discipline,  suivant  laquelle  les  fonc- 
tions sacerdotales  étaient  toutes  réservées  à 
l'évèque,  lorsqu'il  était  |)rèsent;  mais  que  celte 
discipline  tombait  de  jour  en  jour,  moins  par 
la  négligence  des  évèques  que  par  l'impossibi- 
lité de  tout  faire  par  eux-mêmes,  à  cause  du 
prodigieux  accroissement  que  l'Eglise  prenait 
de  jour  à  autre. 

Les  prêtres  se  virent  obligés  de  célébrer  plus 
souvent  qu'auparavant,  sans  pouvoir  le  faire  au 
même  autel  où  l'évèque  avait  célébré  le  même 
jour  :  c'est  la  disposition  expresse  du  canon x 
du  synode  d'Auxerre  de  l'année  578  :  «  Non 
licet  in  ullario  ubi  episcopus  missas  dixerit,  ut 
presbyter  in  illa  die  missas  dicat.  » 

L'évèque  pouvait  donc  célébrer  au  même  au- 
tel après  le  prêtre,  ce  qui  n'était  pas  permis  au 
prêtre  après  l'évèque.  Disposition  qui  a  encore 
lieu  parmi  nous,  et  suivant  laquelle  un  prèlre 
ne  peut  célébrer  au  même  aulel  après  l'évè- 
que sans  lui  en  avoir  demandé  la  pernus- 
sion. 

Ce  même  canon  du  concile  d'Auxerre  établit 
à  tous  les  prêtres  une  autre  défense  générale 
de  dire  en  un  même  jour  plusieurs  messes  sur 
le  même  aulel.  «  Non  licet  super  uno  altario 
in  una  die  duas  missas  dicere.  » 

Ces  deux  décisions  du  canon  x  du  synode 
d'Auxerre  s'observent  encore  chez  les  Grecs,  ou 
du  moins  à  l'égard  de  la  seconde.  «  Non  licet 
sujier  uno  altario  in  una  die  duas  missas  di- 
cere ;  »  elle  se  duil  entendre  avec  ce  lempèra- 
ment,  qu'un  seul  et  même  prêtre  puisse  quel- 
([uelois  offrir  deux  fois  en  un  même  jour  le 
saint  sacrifice  de  l'autel,  mais  dans  deux  égli- 
ses dilférentes ,  ainsi  qu'il  se  pratique  par 
])lusieurs  curés. 


468 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VIXGT-TROISIÈME. 


Grégoire  de  Tours  nous  en  fournit  un  exem- 
ple dans  la  personne  du  prêtre  Séverin,  qui  cé- 
iiiirait  tous  les  dimanches  la  mes«e  dans  deux 
éfilises  dillérentes,  qui  étaient  éloignées  de  dix 
lieues  l'une  de   l'autre   (De    gloria  Confess., 

C.  LVl). 

L'explication  que  je  fais  du  concile  d'Auxerre 
n'en  force  pas  le  sens  naturel,  qnoi(|u"on  en 
puisse  donner  un  autre,  comme  on  pourra  le 
voir  par  ce  qui  suit. 

Le  concile  de  Riez,  tenu  en  439  (Can.  v), 
nous  apprend  qu'on  commença  d'abord  par 
permettre  aux  prêtres  d'aller  dans  les  villes  et 
dans  les  cami»agnes  y  donner  la  hénéiiiclion 
dans  les  maisons.  «  Visum  est  omni  presljytero 
per  familias,  per  agros,  per  privatas  domo?, 
pro  desiderio  lideliuni ,  facultatem  lieuedi- 
ctionis  aperire,  quod  nonnullas  jam  provincias 
liabere  succurrit.  » 

Les  prêtres  ne  pouvaient  donc  [)as  encore, 
lors  de  ce  concile;,  donner  la  bénédiction  dans 
les  églises,  non  plus  qu'y  recex'oir  les  péni- 
tents. Cela  se  trouve  expressément  défendu 
dans  le  concile  d'Agde  ,  tenu  en  l'an  .'jiUi 
(Can.  XLiv)  :  «  Renedictionem  super  i)lebeni  in 
ecclesia  fundere ,  aut  pœnitentem  in  ecelesia 
benedicere  presbyter  ]ieiiitus  non  licebit.» 

Le  concile  premier  d'Orange,  tenu  l'an  iil 
(Can.  i),  avait  permis  aux  prêtres,  en  l'absence 
de  l'évêque,  d'administrer  les  saintes  huiles,  et 
la  bénédiction  aux  hérétiques  qui  se  convertis- 
saient à  l'heure  de  la  mort  :  bénédictions  cpie 
d'habiles  interprètes  croyent  être  le  sacrement 
de  conlirmation.  «  Ihcreticos  in  mortis  discri- 
mine positos,  si  catholici  esse  desiderant,  si 
desit  episcopus,  a  presbyteris  cum  chrismate  et 
benedictioue  consignari  placuit.  » 

Les  plus  anciens  canons  avaient  jicrmis  aux 
prêtres,  en  l'absence  de  l'évêque,  de  réconcilier 
les  pénitents  lorsqu'ils  étaient  en  danger  de 
mort.  Le  concile  premier  d'Orléans  (Can.  xxvi) 
ptirmettait  aussi  aux  prêtres,  en  l'absence  de 
l'évêque,  d'offrir  le  saint  sacrifice  de  la  messe, 
mais  non  lias  de  bénir  le  peuple. 

XVllI.  Peu  de  temps  après  les  prêtres  se  trou- 
vèrent être  en  quelques  lieux  les  ministres  or- 
dinaires de  la  i)ériifeuce  publique,  et  ce  fut 
peut-être  ce  (|ui  causa  le  désordre  aucjuel  le 
concile  troisième  de  Tolède,  tenu  en  l'an  liS\). 
tâcha  de  remédier.  En  etVet  les  prêtres,  moins 
zélés  pour  la  sévérité  de  la  disci|)line  «jue  n'a- 
vaient été  lesévêques,  accordaient  la  |iéniteuce 
et  la  réconciliation  autant  de  fois  que  les  pé- 


cheurs la  demandaient,  abus  que  déplore  ce 
concile  dans  les  canons xi et  xn  en  ces  termes: 
«  rt  quoliescumcpie  peccare  libuerit,  toties  a 
presbyteris  se  reconciliari  expostulent.  » 

Cette  réconciliation  trop  souvent  réitérée 
|)rouvait  dans  le  pécheur  un  défaut  de  péni- 
tence; et  pour  arrêter  cet  abus  ce  concile  réta- 
blit l'ancienne  discipline  des  canons  sur  la  pé- 
nitence publique,  en  ces  termes  :  «  Quicumque 
ab  episcopo  vel  presbytero  sanus  vel  infirmus 
ixenitentiam  postulat,  etc.  » 

Il  est  donc  vraisemblable  que  la  discipline 
de  l'Eglise  n'a  commencé  à  changer  que  lor.s- 
qu'a  la  solennité  de  Pfuiues  il  se  trouva  tant  de 
chrétiens  à  ba|)tiser  ou  à  réconcilier  que  les 
évc(]ues  ne  pouvant  y  suffire,  étaient  obligés 
de  conununi()uer  leur  pouvoir  aux  prêtres  :  ce 
qui  est  prouvé  par  les  canons  de  l'Eglise  ro- 
maine, envoyés  en  France,  et  que  le  père  Si- 
mon a  insérés  dans  les  conciles  de  France. 

«  Pasclue  tempore,  presbyter  et  diaconusper 
parochias  dare  remissioncm  peccatorum ,  et 
ministerium  implere  consueverunt  etiam  ]>rœ- 
senle  episcopo,  in  fontem  (juoqiie  illi  descen- 
dunt,  illi  in  officio  suut.  Reliquis  vero  tempo- 
ribus  ubi  œgritudinis  nécessitas  compellit, 
speciùliter  presbytero  licentia  est  per  salutaris 
aquœ  gratiam  indulgcntiam  dare  [leccutorum 
(Conc.  Gall.,  tom.  i,  pag.  589).  » 

Xl.X.  On  commença  vers  ce  même  temps  à 
n'admettre  que  les  prêtres  dans  les  conciles,  et 
à  en  exclure  les  diacres,  qui  avaient  aupara- 
vant toujours  assisté  debout  derrière  les  chaires 
des  évêiiue*  et  des  iirètres. 

Suivant  la  disposition  du  concile  d'Agde, 
les  prêtres  et  les  diacres,  envoyés  i)ar  les  évê- 
([ues,  souscrivirent  après  les  évêques.  Les  dia- 
cres assistèrent  au  concile  de  Rome,  tenu  sous 
(irégoire  le  Grand  (Grog.  Mag.,1.  ni,  epist.  xriv); 
mais  il  n'y  eut  que  les  évêques  et  les  prêtres 
qui  souscrivirent,  (luoique  les  diacres  eus- 
sent souscrit  dans  les  (dus  anciens  conciles  de 
Rome. 

Ce  tut  le  concile  de  Mérida  (Emer.  Concil., 
can.  n),  qui  ôta  aux  évêques  le  |iouvoir  de  dé- 
léguer les  diacres,  pour  assister  aux  conciles  à 
leur  place,  lorsqu'ils  ne  pouvaient  y  aller;  et 
voici  la  raison  qu'il  en  rend  :  «  Diaconus  enim, 
(juia  presbyteris  junior  esse  videtur,  sedere 
(um  episcoi)is  in  conciiio  nulla  ratione  permit- 
litui'.  Il 

Cela  obligea  les  évê(jues  à  envoyer  dans  la 
suite  aux  conciles  des   prêtres  à  leur  place  ; 


DES  POUVOIRS  ET  OBLIGATIONS  DES  CURÉS. 


469 


mais  f<;  canon,  commn  je  le  dir.ii  ci-après,  ne 
t'iit  point  (lu  tout  observé,  et  on  continua  d'en- 
voyer des  diacres  aux  conciles  à  la  place  des 
évèiines  cpii  ne  pouvaient  y  assister.  Voyez  l'en- 
droit où  nous  parlons  des  chapitres  des  églises 
cathédrales. 

X.\.  ('/est  ici  le  lieu  de  parler  des  diacres, 
après  avoir  parlé  des  fonctions  des  prêtres. 

Baronius  remarque  dans  ses  Annales  que 
Dieu-Donné  fut  le  premier  sous-diacre  qui  fut 
créé  pape,  et  que  ce  fut  le  premier  exemple 
i[u'on  puisse  découvrir  d'un  choix  pareil;  d'au- 
tant plus  que  la  loi  ccclésiasti(iue  ordonne  que 
les  évèques  soient  élus  du  corps  des  prêtres  ou 
des  diacres  (Baronius,  an.  (il  i,  n.  1).  Je  dirai 
ailleurs  dans  quel  temi)S  le  sous-diaconat  fut 
mis  au  nombre  des  ordres  sacrés,  et  qu'il  fut 
par  conséquent  permis  d'élire  les  évèques  du 
nombre  des  sous-diacres.  Mais  l'élection  tie 
Dieu-Donné  ne  fui  suivie  d'aucune  autre  sem- 
blable. 

Cet  auteur  rapporte  aussi  qu'en  649  saint 
Martin  pape  écrivit  une  épître  synodale,  avec  le 
concile  de  Rome,  adressée  aux  évèques  de  toute 
l'Eglise,  aux  prêtres,  aux  diacres  et  aux  ab- 
bés. Ce  même  pape  ayant  nommé  Jean,  arche- 
vèc|ue  de  Philadelpliie;  pour  son  vicaire  apos- 
tolique dans  tout  l'Orient,  il  lui  enjoignit  de 
consacrer  des  évèques,  des  prêtres  et  des  dia- 
cres dans  toutes  les  églises  du  [jatriarcat  d'An- 
tioche  et  de  Jérusalem,  à  qui  la  fureur  des 
Sarrasins  avaient  enlevé  leur  pasteur,  ou  que 
les  évèques  monothélites  tâchaient  de  s'as- 
sujélir.  Le  livre  de  la  vie  des  papes  en  abrégé, 
que  l'on  cite  ordinairement  sous  le  nom  d'Anas- 
tase,  bibliothécaire,  n'omet  jamais  (en  parlant 
des  pa[)es)  de  rapporter  les  ordinations  qu'ils 
ont  faites  pendant  leur  vie  ;  mais  il  ne  leur  fait 
jamais  ordonner  que  des  évèques,  des  prêtres 
et  des  diacres,  et  il  ne  dit  point  cpraucun  pape 
ait  conféré  les  ordres  mineurs  (Baron.,  an.  (JW, 
n.  25,  60). 

Dans  l'élection  qui  fut  faite,  en  71 1,  de  Ger- 
main au  patriarcat  de  Constantinople,  les  prê- 
tres elles  diacres  contribuèrent  à  son  élection, 
comme  faisant  un  corps  séparé  des  autres 
clercs  (Baron.,  an.  68i,  n.  1;  705,  n.  1;  731, 
n.  1). 

L'iiistoire  de  la  propagation  de  la  foi  dans 
r.\llemagne,  en  738  et  73tV^j}0US  fait  voir  des 
évèques  et  des  prêtres  qui  sèment  et  qui  mois- 
sonnent ce  champ  spirituel;  mais  Bède  nous 
apprend  que  les  diacres  furent  aussi  les  coopé- 


rateurs  de  ce  ministère  apostolique  dans  l'An- 
gleterre, quand  il  dit  que  le  prédicateur  Ced 
n'eut  pas  plutôt  été  ordonné  évê(]ue.  qu'il  or- 
donna des  |)rètres  et  des  diacres,  pour  se  dé- 
charger sur  eux  d'une  partie  des  fonctions  apos- 
toliques (Baron.,  an.  655,  n.  1). 

Le  pape  Zacharie,  en  7i-2,  recommandant  à 
son  légat  Boniface  la  réformntion  de  France , 
le  charge  particulièrement  de  la  purger  de 
tous  les  évê(|ues,  des  |)rèlres  et  des  diacres  (jui 
seraient  atteints  de  ([uehiue  irrégularité  crimi- 
nelle (Baron.,  an.  742,  n.  7,  15,  -27^.  Les  règle- 
ments que  Boniface  fit  faire  dans  les  conciles 
de  Leptines  et  de  Soissons,  jiour  avancer  cette 
réforme,  étaient singulièrementcoucertés  pour 
les  prêtres  et  les  diacres. 

Lt!  même  pape  Zacharie,  écrivant  à  l'Eglise 
gallicane,  pour  autoriser  son  légat,  fit  cette 
adresse  remarquable  :  «  Universis  episcopis, 
presbyteris,  diaconibus,  ducibus^  comitibus, 
omnibusque  Deum  timentibus  perGallias  (Id., 
an.  71-2,  n.  1,  18,  19)  ;  »  où  l'on  voit  tout  le 
corps  du  clergé  placé  avant  les  seigneurs  et 
com()Osè  d'èvêques,  de  prêtres  et  de  diacres, 
sans  qu'il  y  soit  parlé  des  clercs  inférieurs.  Le 
même  pape  prescrivant  une  inviolable  conti- 
nence aux  veuves  des  clercs  majeurs,  ne  parle 
que  de  la  veuve  d'un  prêtre  ou  d'un  diacre, 
«  Presbyterani ,  diaconam  ;  »  ce  qui  nous 
montre  que  la  loi  du  célibat  n'était  encore  ri- 
goureusement observée,  ni  même  exigée,  que 
des  évèques,  des  prêtres  et  des  diacres  et  de 
leurs  épouses,  même  durant  leur  veuvage. 

Ce  pape  envoya  en  7-i'p  au  clergé  et  aux 
princes  de  France  un  capitulaire  de  réforma- 
lion,  ou  un  sommaire  de  divers  articles  tirés 
des  anciens  canons  (|ui  ne  contiennent  que  les 
règlements  les  plus  im[)ortants  pour  la  con- 
duite des  évèques,  des  prêtres  et  des  diacres. 
Et  écrivant  à  son  légat  Boniface,  en  7i8,  il  lui 
donne  l'idée  de  l'Eglise  gallicane.  «  Conforta 
orthodoxos  episcopos,  sacerdotes  atque  levitas, 
cœterosque  clericos,  religiosos.  abbates  et  mo- 
nachos.  pariterque  religiosissimos  duces  (Ibid., 
an.  7-47,  n.  2;  748,  n.  7).  »  Les  lettres  de  ce 
pape,  en  la  même  année,  se  trouvent  adres- 
sées aux  évèques,  aux  prêtres  et  aux  diacres, 
et  non  point  aux  autres  clercs. 

X\l.  En  voilà  assez  pour  ne  plus  douter  : 
r  Que  ces  trois  ordres  sacrés  n'aient  encore 
été  d.ms  la  même  considération  qu'ils  étaient 
pendant  les  premiers  siècles. 

2°  Que  la  qualité  de  prêtre  et  de  diacre  n'ait 


470 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-QUATRIÈME. 


été  un  titre  non-seulement  d'ordre,  mais  de 
bénéfice  et  de  dignité,  aussi  bien  que  l'épis- 
copat. 

3°  Que  tous  les  curés  ne  fussent  encore  dé- 
signés par  le  nom  de  prêtre. 

4°  Que  tous  les  prêtres  d'im  diocèse,  d'une 
province  ou  d'un  royaume  ne  fissent  un  corps 
illustre  et  éclatant  avec  et  après  celui  des  évo- 
ques. 

Ty°  Que  les  diacres  n'eussent  encore  bi'aucoup 
de  part,  et  beaucoup  plus  que  dans  les  siècles 
suivants,  dans  le  maniement  des  affaires  ecclé- 
siasliqufs,  dans  l'adininistration  de  la  fiarole 
divine  et  des  sacrements,  dans  l'exercice  de  la 
juridiction  épiscojiale. 

0°  Qu'on  ne  mit  une  différence  comme  infi- 
nie entre  ces  trois  ordres,  dont  l'institution  est 
certainement  divine  et  les  autres  ordres  infé- 
rieurs, dont  l'Eglise  a  sagement  institué  les 
divers  exercices,  comme  un  nécessaire  ajipren- 


tissage  pour  nous  préparer  à  loisir  au  divin 
sacerdoce. 

Les  plus  importants  de  ces  privilèges  parti- 
culiers des  iJièlres  et  des  di;icres  seront  éclair- 
cis  plus  à  loisir  dans  la  suite  de  cet  ouvrage. 
Je  ne  me  suis  point  arrêté  à  la  présence  des 
diacres  et  des  prêtres  aux  conciles,  parce  que 
les  Eglises  n'ont  point  eu  en  ce  point  une  par- 
faite conformité  entre  elles. 

'liais  il  ne  faut  pas  oublier  que  le  concile 
d'Arles,  en  554,  défendit  aux  curés  de  ne  plus 
entreprendre  de  déjioser  des  diacres  ou  des 
sous-diiicres  sans  l'aveu  de  l'évèque  ;  ils  pou- 
vaient donc  encore  le  faire  après  en  avoir  averti 
révê(iue,  et  ils  pouvaient  à  l'insu  même  de  l'é- 
vèque, déposer  les  clercs  inférieurs  au-dessous 
du  sous-diaconat.  «  Ut  presbyler,  diaconum 
vel  subdiaconum  de  ordine  deponere,  nescio 
episcopo  suo  non  prœsumat,  etc.  » 


CHAPITRE  VINGT-TROISIEME. 


DES  CURES  SOUS  L  EMPIRE  DE  CHARLEMAGNE, 


I.  Les  curés  tiennent  le  rang  des  septante  disciples  et  des  en- 
fants d'Aaron,  qui  représentent  les  évéques. 

II.  Leurs  occupations,  la  lecture,  la  prière,  le  travail  des 
mains,  la  prédication,  les  instructions  familières. 

m.  Les  confessions. 

IV.  Sommaire  de  leurs  pouvoirs  et  de  leurs  devoirs,  surtout 
dans  l'administration  des  sacrements. 

V.  Pourquoi  on  leur  défend  de  recevoir  les  paroissiens  des 
autres  curés.  Les  oCfraudjs,  les  dimes,  leur  pouvoir  d'excom- 
munier. 

VL  Instruction  d'Ilincmar  aux  curés.  La  mission  des  septante, 
à  qui  les  curés  succèdent,  venait  immédiatement  du  Fils  de 
Dieu.  .Mais  le  pouvoir  de  remettre  les  pecliés  ne  fut  immédiate- 
ment donné  qu'aux  apùlres.  Les  disciples  furent  envoyés  par  les 
apôtres  après  la  résurrection  de  Jésus-Christ. 

VU.  Pourquoi  Hiiicmar  rabaisse  presque  l'évèque  de  Laon  au 
rang  des  cliorévèques. 

VIII.  Du  pouvoir  de  confirmer. 

IX.  Sentiments  des  Grecs. 

\.  Les  jjrètres  ou  les  curés  tiennent  le  premier 
rang  après  les  évêijues,  s'il  est  vrai,  (■(uiiiiie  le 
dit  excellemment  Tbéodiilpbe,  évêque  dOr- 
lèans,  (ju(!  comme  les  évê(|ues  sont  les  véi  ita- 
bles  successeurs  des  apôtres,  ainsi  les  curés 


sont  entrés  dans  la  place  et  la  fonction  des  dis- 
ciples; et  que  si  les  évêques  ont  été  figurés  pur 
la  i)ersoniie  du  grand-prêtre  Aaron,  les  curés 
étaient  en  même  temps  représentés  par  celle 
de  ses  enfants. 

.  Ce  savant  évêque  parlant  à  ses  curés  dans 
sou  capitulaire,  c'est-à-dire  dans  l'instnictidu 
qu'il  leur  donne,  le  dit  expressément  :  «Scitole 
vesirum  gradum  nostro  gradui  secundum  et 
peue  coiijunctum  esse.  Sicul  enim  e|>iscopi 
Ajioslolorum  in  ccclesia,  ita  niiiiirum  |iresby- 
ti'ii  ca'terorum  discipulorum  Domini  vicem 
teiienl  :  et  illi  tenenl  grailum  sunimi  pontificis 
Aaron,  isti  vero  filiorum  ejus.  » 

II.  il  leur  repriisente  ensuite  que,  pour  ne 
j)as  iirofaner  une  dignité  si  sainte  et  la  céleste 
onction  dont  leurs  mains  ont  été  consacrées  : 
«  Mcinoies  sacitc  quaui  in  maiiibus  accepistis 
iiiutionis,  n  ils  doivent  s'occuper  continuelle- 
ment de  lu  lecture  des  saints  livres  et  de  la 


DES  CURÉS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


m 


[iriere  :  «  Oporlet  et  vos  assiduitatem  liabere 
legeiitli,  el  iiistaiitiain  orandi  ;  »  (ju'ils  doivent 
faire  siiccéiler  à  la  lecture  et  a  la  prière  le  tra- 
\ail  des  mains,  tant  |)Our  éviter  loisiveté,  que 
jiour  morlifier  leurs  passions  :  «  Sed  et  si 
(]u;mdo  a  Ljctione  cessatur,  débet  inanuum 
operatiosubsequi  (Cap.  ii,  m)  ;  »  qu'ils  ne  peu- 
vent en  façon  quelconque  s'excuser  d'instruire 
les  peuples,  soit  par  des  prédications  étudiées, 
ou  par  des  instructions  familières  ou  des  cor- 
rections charitables. 

«  Hortamiir  vos  paratos  esse  ad  docendas  plè- 
bes. Qui  Scripturas  scit,  Scripturas  pravlicet. 
Qui  nescit,  salteni  hoc  quod  nolissimuni  est, 
plebibus  dicat,  ut  déclinent  a  nialo  et  faciant 
bonum.  NuUus  ergo  se  excusare  poterit,  quod 
non  babeat  linguam,  unde  possitaliquema?,li- 
ficare.  Mox  enim  ut  quemlibet  errantem  vide- 
nt, prout  potest  et  valet,  aut  arguendo,  aut 
obsecraudo,  aut  iucrepando,  ab  errore  retra- 
hat  (Cap.  xxvui).  » 

III.  Les  confessions,  qui  commencèrent  à 
être  beaucoup  plus  fréquentes,  faisaient  encore 
une  partie  de  l'occupation  des  prêtres. 

Ainsi  ce  savant  prélat,  qui  n'avait  pas  entre- 
pris de  faire  des  ordonnances  nouvelles,  mais 
de  renouveler  et  d'inculquer  à  ses  curés  les 
anciennes  lois  et  les  pratiques  saintes  de 
l'Eglise,  ordonne  qu'on  se  confesse,  non-seu- 
lement des  actions  mauvaises,  mais  aussi  des 
pensées  et  des  mouvements  déréglés  de  l'àme, 
et  que  les  curés  interrogent  leurs  pénitents  sur 
leurs  plus  secrètes  [lensées .  et  sur  toutes  les 
violations  qu'ils  peuvent  avoir  faites  de  la  loi 
divine  ,  en  s'abandonnant  aux  huit  vices  capi- 
taux. 

«  Confessiones  dandae  sunt  de  omnibus  pec- 
catis,  qu8B  sive  in  opère,  sive  in  cogitatione 
perpetrantur.  Quando  ergo  quis  ad  confessio- 
neni  veuit,  débet  diligenter  inquiri,  quomodo 
aut  qua  occasione  peccatum  perpetraverit , 
quod  [)eregisse  se  confitetur,  et  juxta  niodum 
facti  débet  ei  pœuilentia  indicari.  Débet  ei  per- 
suadere,  ut  et  de  perversis  cogitalionibusfaciat 
confessionem.  Débet  ei  etiani  injungi,  ut  de 
octo  principalibus  viliis  faciat  suam  confessio- 
nem, et  nomioalim  débet  ei  sacerdos  unum- 
quodque  vilium  dicere,  et  suam  de  eo  confes- 
sionem accipere  (Cap.  sxxi).  » 

IV.  Le  concile  II  d'AixlaCha|)elle  iCan.  \], 
tenu  en  tj3lj,  a  exprimé  les  pouvoirs  et  les  obli- 
gations des  curés  en  peu  de  termes,  mais  en 
sorte  que  rien  ne  lui  est  échappé.  Ils  sont  véri- 


tablement prélats  dans  l'Eglise  :  «  Qui  pra?sunt 
Ecclesia'  Cliristi.  »  Ils  sont  les  aides  et  les  coo- 
pér.iteurs  des  évéques  :  «  Cooperatores  operis 
nostriessenoscuntur.  »  Ils  participent  au  même 
pouvoir  de  sacrifier  l'Agneau  immortel  :  «  In 
divini  corporis  et  sanguinis  eonfectione  con- 
sortes  cumepiscopissuut.  »  Ils  sont  chargés  du 
salut  et  du  soin  des  fidèles,  depuis  le  moment 
de  leur  naissance,  jusqu'au  jour  de  leur  sépul- 
ture; ils  doivent  les  instruire  par  leurs  prédi- 
cations :  «  Presbyterorum  ministerium  esse 
videtur,  ut  in  doctrina  prœ'sint  populis,  et  in 
doctrina  pnedicandi.  »  Us  doivent  leur  donner 
le  Ba|)téme,  les  disposer  à  la  Confirmation,  leur 
apprendre  après  cela  l'oraison  dominicale  et  le 
symbole  :  «  Post  acceptum  sacrum  ba[itisma 
sine  manus  impositione  episcopi  non  remaneat, 
ac  deinde  imbuatur  scire  orationem  dominicam 
atque  symbolum.  » 

Ce  qui  fait  connaître  tju'on  ne  faisait  nulle 
difficulté  de  donner  la  Confirmation  aux  petits 
enfants  aussitôt  après  le  Baptême,  avant  qu'ils 
eussent  pu  apprendre  la  prière  des  fidèles  et  le 
symbole  de  la  foi. 

Après  cela  les  curés  doivent  corriger  les  vices 
de  leurs  paroissiens,  les  réconcilier  dans  leurs 
maladies,  leur  donner  lExtréme-Onction  et 
l'Eucharistie,  enfin  la  sépulture  chrétienne. 
«  Postea  vero  qualiter  vivere  debeat.  doceatur. 
Si  forte  vitiosus  vel  criminosus  apparuerit, 
qualiter  corrigatur,  provideat.  Si  autem  infir- 
mitate  depressus  fuerit ,  ne  confessione  atque 
oratione  sacerdotali,  necnon  unctione  sacrifi- 
cati  olei ,  per  ejus  negligentiam  careat.  Deni- 
que  sifinem  urgentem  perspexeril,  commendet 
animam  christianam  Domino  Deo  suo.  more 
sacerdotali,  cum  acceptione  sacne  Communio- 
nis,  corpusque  sepulturœ  non  ut  mos  est  gen- 
tilium,  sed  sicut  christianorum.  » 

Outre  cette  dernière  remarque  que  l'on  n'at- 
tend pas  l'extrémité  de  la  vie,  pour  donner 
l'Extrême-Onction,  et  que  le  céleste  viatique 
de  l'Eucharistie  est  réservé  après  l'Extrême- 
Onction,  comme  la  consommation  de  la  vie 
chrétienne,  il  faut  encore  considérer,  dans  cette 
suite  des  fonctions  du  curé,  l'uniformité  de 
l'esprit  et  de  la  conduite  de  l'Eglise  dans  l'espace 
de  tant  de  siècles.  C'étaient  véritablement  des 
pratiques  très-anciennes  que  ce  prélat  publiait, 
et  ce  sont  encore  les  mêmes  usages  qui  sont 
religieusement  observés  par  toute  la  terre. 

"V".  Nous  pourrions  faire  les  mêmes  observa- 
tions sur  les  constitutions  synodales  d'Hérard, 


472 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-QUATRIÈME. 


archevêque  de  Tours ,  qui  portent  aussi  le  nom 
de  capitulaires  (Cap.  xxix).  Nous  nous  conten- 
terons d'en  remarquer  ([ueliiues  points  consi- 
dérables. Il  y  est  délendu  aux  curés  de  recevoir 
à  la  messe  aucun  paroissien  des  autres  curés, 
si  ce  n'est  ceux  qui  voyagent ,  ou  qui  viennent 
plaider  leur  cause  devant  les  juges.  «  Ut  nullus 
presbyter  alterius  parœcianum,  nisi  in  itinere 
fuerit,  vel  placitum  ibi  liabuerit,  absque  licen- 
tia  sui  iiresbyteri  ad  missani  reci[)iat^  velsolli- 
cifare  prœsumat.  » 

On  se  mettait  autrefois  en  peine  pour  empê- 
cher que  les  clercs  d'un  diocèse  ne  fussent 
reçus  dans  un  autre,  sans  la  permission  de  leur 
cvêqne  (Conc.  Gall.,  tom.  m,  p.  3].  Maintenant 
cette  police  s'étend  sur  tous  les  fidèles,  non-seu- 
lement pour  les  fixer  dans  leur  diocèse,  mais 
pour  les  renfermer  dans  leur  propre  paroisse 
sans  qu'ils  puissent  passer  d'une  paroisse  à  une 
autre  du  même  diocèse  pour  paiticiper  aux 
sacrements.  Les  lettres  formées  ou  pacifiques 
des  anciens  ne  tendaient  pas  à  cela.  Nous  ver- 
rons dans  la  suite  la  raison  de  cette  innovation. 
On  exige  les  oblations  et  les  dîmes  avec  [tlus  de 
rigueur,  et  il  importait  de  ne  pas  souffrir  que 
les  sujets  d'un  curé  recevant  les  sacrements 
d'un  autre,  frustrassent  leur  |iropre  pasteur  des 
justes  reconnaissances  qu'ils  lui  devaient. 

Il  pouvait  y  avoir  encore  une  autre  raison  de 
cette  eon(hiite.  C'était  d'empêcher  que  ceux  qui 
avaient  été  privés  par  leur  curé  de  la  partici- 
pation aux  sacrements,  n'y  fussent  admis,  ou 
même  ne  fussent  reçus  à  la  messe  par  un  autre 
curé.  C'est  ce  qui  se  peut  remarquer  dans  les 
mêmes  constitutions  synodales  de  l'archevêque 
Ilérard  :  «  De  bis  quos  presbyter  excomnumi- 
caverit,  ut  alius  eos  non  recipiat  (Cap.  cxxi);  » 
car  les  pénitents  publics  étaient  exclus  de  la 
célébration  du  divin  sacrifice,  ils  n'étaient  con- 
nus que  dans  leur  paroisse. 

Le  curé  avait  aussi  ordre  de  l'évèque  de  pri- 
ver de  la  présence  du  sacrifice  et  même  de 
l'entrée  de  l'église  (|uelques  scélérats  insignes, 
et  entre  autres  ceux  qui  conservaient  des  ini- 
mitiés et  des  discordes  scandaleuses,  selon  les 
mêmes  conslitulious,  «  Discordes  pellanlur  ab 
ecclesia,(lonecad  pacemredeaut(ll)iil.,e.  1-20).  » 

Nous  parlerons  plus  au  long  dans  la  suite  du 
pouvoir  lies  curés  dans  la  matière  des  excom- 
numieations  et  des  iiéniteiices  (Capitul.,  1.  xi, 
c.  162).  Ce  que  nous  venons  de  dire  suffit  pour 
connaître  (pielle  doit  être  l'assiduité  des  curés 
dans  leur  église,  et  avec  combien  de  raison  les 


capitulaires  défendent  aux  évêques  et  aux  sei- 
gneurs laïques  de  faire  absenter  les  curés,  par 
quelques  commissions  que  ce  soit:  «  Ne  indis- 
crète per  diversa  miltantur  loca  presbyteri, 
nec  ab  episcopis,  nec  ab  aliis  praelatis,  nec 
etiam  a  laicis.  » 

VI.  llinemar  recommande  aux  curés,  dans 
l'instruction  ({u'il  leur  adresse,  de  bien  ap- 
jirendre  les  quarante  homélies  de  saint  Gré- 
goire sur  les  évangiles,  et  entre  autres  celle  qui 
])arle  de  la  mission  des  septante  disciples,  aux- 
quels ils  ont  succédé.  «  Ut  cognoscat  se  ad  for- 
mam  septuaginta  duorum  discipuiorum  in  mi- 
nisterio  ecclesiastico  esse  promotum  (Hincm., 
tom.  I,  p.  72).  » 

Ceux  qui  ont  pensé  que  l'autorité  des  curés 
était  fondée  sur  le  droit  divin,  ont  pu  ajipuyer 
leur  opinion  sur  ces  textes  des  anciens  Pères. 
En  effet  ce  fut  le  Fils  de  Dieu  même  qui  en- 
voya les  seplante  disciples.  Mais  si  la  prédi- 
cation leur  fut  commise,  on  ne  peut  pas  prou- 
ver avec  la  même  évidence  quel'administration 
des  sacrements  et  la  jMiissance  des  clefs  leuraient 
été  innuédiatement  confiées.  Le  texte  des  évan- 
giles montre  clairement  que  J.-C.  ne  donna 
inunédiatement  la  puissance  des  clefs  qu'à 
saint  Pierre  et  à  ses  autres  apôtres.  Ainsi  ce 
fut  apparemment  d'eux  que  les  autres  disci- 
ples les  reçurent  dans  leur  ordination  pour 
aller  fonder  et  gouverner  des  églises. 

Le  môme  Hincmar,  dans  un  autre  endroit^ 
voulant  prouver  qu'on  ne  devait  élire  les  évê- 
ques ([ue  de  l'ordre  des  prêtres,  qui  est  le  plus 
proche  du  souverain  i)onlificat,  fait  voir  que 
les  apôtres  ayant  à  remplir  une  place  vacante 
dans  leur  sacré  collège ,  ne  crurent  le  pou- 
voir faire  légitimement  qu'en  faisant  mon- 
ter sur  ce  trône  éminent  un  des  disciples  : 
«  Oportet  ex  his  viris,  qui  nobiscum  congregati 
sont  omni  tempore,  (juo  intravit,  et  exivit 
inter  nos  Doniinus  .lesus,  testem  resurrectionis 
nobiscum  fieri  unum  ex  istis  (Tom.  u,  p.  202).  » 
D'oi'i  il  conclut  qu'il  faut  aussi  toujours  faire 
surcéiier  à  un  évéciue  décédé  le  meilleur  de 
tous  les  prêtres.  «  Quicumque  sacerdotum  op- 
tinuis  putarelur.  » 

Le  nom  de  «  .Sacerdotcs  »  était  déjà  commun 
à  tous  les  prêtres  au  temps  de  Hincmar,  qui 
les  appelle  «  Secundi  ordinis  saeerdotes.  »  Il 
reconnaît  (jue  dans  les  premiers  siècles  les 
noms  d'évêque  et  de  prêtre  étaient  souvent 
confondus,  quoique  les  pouvoirs  fussent  diffé- 
rents.  La  raison  est ,  que  l'un  de  ces  noms 


DES  CURES  SOUS  CHARLEMAGNE. 


173 


étant  tiré  de  l'âge  accompagné  irune  grande 
malurilé  de  sagesse,  et  l'autre  de  la  vigilance 
pastorale  :  comme  ces  deux  qualités  étaient 
communes  aux  évèques  et  aux  [)rélre?,  quoi- 
qu'on divers  degrés,  les  noms  aussi  leur  étaient 
communs,  et  il  a  fallu  plus  d'un  siècle  pour 
aftecier  à  chacun  de  ces  deux  ordres  le  nom 
qui  lui  était  le  plus  pro[)re  et  qui  pouvait 
mieux  le  distinguer. 

«  Tametsi  prirnis  Ecclesiae  temporibus.  ulri- 
(juc  preslnteri,  utrique  vocabantur  episcopi  ; 
quorum  uni  sapienliœ  maturitatem.  alleri  in- 
dustriam  curœ  pastoralis  significant  :  (juorum 
licet  in  quibusdam  sint  discreta  officia  digni- 
tatum;  uno  nomine  sacrœ  regulœ  comprelien- 
dunt.  Nulli,  inquiunt,  sacerdoti  suos  liceat  ca- 
nones  ignorare  (Ibid.,  p.  213).  » 

Aussi  le  même  Hincmar  fait  foi  que  l'usage 
était  encore  que  les  évoques  appelassent  les 
prêtres  leurs  confrères.  Voici  comme  il  écrit  à 
son  neveu  Hincmar,  évèque  de  Laou  :  «  Frater 
Clarentius  communis  compresbvter  uoster 
(Pag.  330.  Ibidem).  «  Il  dit  ailleurs  que  dans 
le  formulaire  de  l'ordination  des  prêtres,  ils 
sont  comparés  aux  septante  vieillards  qui  fu- 
rent remplis  de  l'Esprit  du  ciel  pour  soulager 
Moïse  dans  le  gouvernement  du  peuide;  aux 
enfants  d'.\aron,  Eléazar  et  Illiamar,  sur  qui 
Aaron  se  reposait  de  ses  importantes  fonctions; 
et  aux  septante  disciples,  que  les  a|]ùtres  en- 
voyèrent pour  prècber  la  foi,  comme  en  exé- 
cution de  la  mission  qu'ils  avaient  reçue  de 
J.-C.  même  :  «  Hac  providentia,  Domine, 
Apostolis  Filii  lui  doctoribus  tidei  comités  ail- 
didisti,  quibus  illi  orbein  tolum  secundis  pric- 
dicatoribus  iniplevcrunt  (Pag.  416).  » 

Cette  expression  de  l'ancien  [lontifical  est 
très-délicate ,  et  elle  dislingue  les  choses  avec 
une  extrême  justesse.  C'est  le  Fils  de  Dieu  qui 
a  institué  l'ordre  des  prêtres  et  qui  les  a  donnés 
comme  des  assistants  et  des  aides  nécessaires  à 
ses  apôtres,  mais  ce  sont  les  apôtres  qui  ont 
envoyé  les  disciples,  c'est-à-dire  que  ce  sont 
les  évêques  qui  doivent  envoyer  les  prêtres  et 
les  appliquer  à  leur  sacré  ministère. 

Et  c'est  en  ce  sens  qu'il  faut  prendre  ce  que 
dit  en  un  autre  endroit  ce  savant  prélat,  que 
J.-C.  a  donné  à  tous  les  apôtres,  c'esl-ià-direaux 
évoques,  la  puissance  de  lier  et  de  délier  après 
l'avoir  donnée  sé[iarément  à  saint  Pierre;  et  que 
c'est  en  suite  de  cette  divine  institution  que  ce 
pouvoir  est  continué  aux  évéques  et  aux  prêtres 
dans  les  siècles  suivants  de  l'Eglise.  «  Solvendi 


ac  ligandi  potestas  ,  quamvis  soli  Petro  data 
videatur  a  Domino,  tamen  et  caeteris  absque 
dubitatione  Apostolis  dalur,  quibus  postresur- 
rcctionis  triunipbum  insulilavil  et  dixit  omni- 
bus, Accipite  Spiritnm  sancluni,  etc.  Necnon 
etiam  nunc  in  cpisco[)is  ac  |iresbyteris  omni 
Ecclesiœ  officium  idem  cunmiillitur  P.  4(iO).  » 
11  ne  dit  pas,  et  le  texte  de  l'Ecriture  ne  lui 
permettait  pas  de  dire  que  J.-C.  eût  immédia- 
tement donné  aux  septante  disciples,  ou  aux 
prêtres  la  puissance  des  clefs  ,  que  quelques- 
uns  resserrent  dans  le  pouvoir  d'excommunier; 
mais  il  dit  avec  une  exacte  précision  (|ue  les 
clefs  ont  été  données  par  le  Fils  de  Dieu  immé- 
diatement à  saint  Pierre,  immédiatement  à 
tous  les  apôtres,  c'est-à-dire  à  tous  les  évêques, 
et  qu'elles  ont  été  aussi  données  aux  prêtres 
par  l'entremise  des  évêques  dans  la  personne 
desquels  ils  étaient  compris. 

VII.  Il  est  plus  difficile  de  bien  comprendre 
ce  que  le  même  Hincmar  a  voulu  dire  quand 
il  a  reproché  à  l'évêque  de  Laon,  son  neveu, 
que  n'ayant  été  ordonné  évêque  (]ue  dans  une 
paroisse  du  diocèse  de  Reims,  il  n'était  presque 
pas  différent  d'un  chorévêque ,  si  ce  n'est  en 
ce  qu'il  avait  été  ordonné  par  trois  évêques  au 
lieu  que  les  chorévêques  ne  sont  ordonnés  que 
par  un  seul.  «  El  excepte  quod  a  pluribus 
episcopis  es  ordinatus,  pêne  vicarium  episco- 
puni,  queni  Grœci  cborepiscopum  vocant ,  de- 
bueras  te  cognoscere  (Pag.  60-2.  Ibidem;.» 

Xous  avons  assez  montré  qu'Hincmar  ne 
doutait  pas  que  les  chorévêques  ne  fussent  de 
simples  prêtres.  Ce  n'est  donc  qu'une  exagéra- 
tion dont  il  a  usé  pour  humilier  le  jeune  Hinc- 
mar par  cette  mortification  qui  le  rabaissait 
au-dessous  de  tous  les  autres  évctpies,  en  ce  que 
n'ayant  pas  été  ordonné  évêque  dans  une  cité 
comme  les  canons  le  prescrivent,  il  était  en  ce 
point  égalé  aux  chorévêques,  c'est-à-dire  aux 
curés,  ou  aux  archiprêtres. 

VIII.  Le  moine  de  Corbie,  Ratram,  répondant 
aux  invectives  des  Grecs  contre  l'Eglise  latine  , 
sur  la  défense  faite  aux  prêtres  de  donner  le 
sacrement  de  la  confirmation  ,  use  d'une  ma- 
nière d'argumenter  merveilleuse.  Car  il  con- 
clut que  les  prêtres  ne  peuvent  point  donner 
le  Saint-Esjirit  de  ce  que  le  pouvoir  de  remet- 
tre les  péchés  n'a  été  accordé  qu'aux  a|iôtres. 
«  Ergo  si  remissio  peccatorum  per  Spiritum 
sanctum  contribuitur,  et  hoc  nuuuis  Apostolis 
specialiter  constat  esse  donatum,  quibus  insuf- 
flavi  et  dixil  :  Accipite  Spiritum  sanctum^  quo- 


474 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-CINQUIÈME. 


niiii  reinist'ritis  peccata,  etc.,  jure  solis  episco- 
]iH  hœc  gralia  reservatur  quos  in  Ecclesia 
constat  Aposlolonim  succcssionern  et  mini- 
sleriiim  sorlitos  (Adv.  Opposita  Grœc,  1.  iv, 
c.  7).  » 

Il  y  a  quelque  vraisemblance  dans  ce  raifon- 
nenient,  savoir  iiuo  le  Saint-Esprit  ayant  été 
particulièrement  conmiuniqué  aux  apôtres  par 
le  divin  souffle  de  .l.-C.  ressuscité,  le  pouvoir 
(le  lionner  le  Saint-Esprit  peut  avoir  été  ré- 
servé aux  apôlres,  c'est-à-dire  aux  évèque». 
Mais  n'y  aurait-il  pas  aussi  un  juste  fondement 
d'ar^ïumenler  de  la  sorte,  si  les  apôlres  ou  les 
évê(iues  ayant  seuls  reçu  immédiatement  avec 
le  Saint-Esprit  le  pouvoir  de  remettre  les  |)é- 
chés,  le  communiquent  néanmoins  aux  prêtres, 
pour  les  renilre  ministres  du  sacrement  de  pé- 
nitence, pouniuoi  ne  pourront-ils  pas  aussi 
les  rendre  ministres  de  celui  de  la  confirma- 
lion,  par  une  semlilahle  communication  de 
leur  privilège?  Ratram  ne  se  fût  peut-être  |>is 
mis  en  peine  de  s'opposer  à  ce  raisonnement, 
puisque  son  dessein  n'était  pas  de  combattre 
les  Grecs,  mais  de  défendre  les  évèques  latins, 
ou  les  papes ,  qui  eussent  peut-être  bien  jui, 
mais  qui  ne  jugeaient  pas  à  propos  de  donner 
ce  p(nivoir  aux  prêtres. 

I\.  Zonarc  dit  qu'on  a  donné  des  chaires 


éminentes  aux  prêtres,  et  qu'on  les  a  fait  asseoir 
dans  l'église  avec  les  évoques  :  «  Simtd  cum 
episcopo  sedere  jnssi,  »  pour  témoigner  par  là 
(|u'ils  étaient  leurs  assistants  et  leurs  coopé- 
raleurs,  et  qu'ils  avaient  intendance  sur  les 
peuples.  «  Ut  per  eam  sic  in  alto  sitam  catlie- 
dram,  ipsi  pariter  inducantur ,  popnlum  cum 
providentia  inspicere,  [io|iuli(iue  mores  com- 
ponere,  tanquam  dati  coUaburatores  episcopo 

Cette  prééminence  et  le  pouvoir  de  donner 
la  conlirmalion,  que  les  évoques  grecs  avaient 
accordés  aux  prêtres,  sont  deux  niar(|ues  fort 
illustres  de  la  haute  considération  où  les  pi'êtres 
étaient  dans  l'Eglise  orientale.  On  peut  y  ajou- 
ter ce  (|ue  Balsamon  confirme,  que  ceux  qui 
étaient  déposés  pour  leurs  crimes  de  l'épisco- 
]iat,  i)Ouvaient  bien  être  réduits  à  l'ordre  et  au 
ministère  des  diacres,  mais  non  pas  à  celui  des 
prêtres,  tant  on  mettait  peu  de  différence  entre 
la  sainteté  des  prêtres  et  celle  des  évoques 
(Balsani.,  pag.  781). 

En  ce  point  l'Eglise  latine  usait  de  la  même 
conduite,  et  lorsque  le  pape  Benoît  V  fut  dé- 
])o?é,  on  le  dépouilla  non-seulement  du  ponfi- 
licat,  mais  aussi  de  la  prêtrise  pour  le  rabaisser 
au  rang  des  diacres,  comme  on  peut  voir  dans 
Luitprand. 


CHAPITRE  VINGT-CINQUIÈME. 


DIVERSES    REMARQUES   SUR    LES    CURÉS;    LEURS    DROITS   ET   DEVOIRS   SOUS    L  EMPIRE    DE    CHARLEMAGNE 

ET   SES   SUCCESSEURS. 


I.  De  l'oliligation  d'assister  à  h  messe  de   [laroissc  et  ù  la 
prédication. 
H.  lin  quel  cas  on  pouvait  céléiu-cr  liors  ilc  l'Eglise. 

III.  Ilefï  autels  porlatifs. 

IV.  Des  pavillons  bénits  par  l'évéqne  pour  y  célébrer. 
V    Des  confréries  et  de  leurs  règlements. 

VI.  Des  eulopies. 
VII    Du  pain  bénit. 

VIII.  Des  paroisses  dont  les  curés  étaient  moines. 

IX.  Des  curés  prinnlifs. 

X.  I>e  In  division  et  de  riiiiion  des  curés. 

XI.  Des  nations  iulidéles,  premièrement  converties  à  la  foi, 
gouvernées  par  les  prêtres. 


I.  Il  nous  resti;  à  remarquer  sur  les  curés  ce 
(|iii  s'est  passé  à  leur  égard  dans  et;  moyen 
âge  de  l'Eglise,  et  qui  a  donné  lieu  à  la  disci- 
pline (jui  s'est  introduite  à  leur  sujet  dans  les 
siècles  suivants. 

Le  concile  de  Pavie  de  l'an  !So.j  (Can.  iv)  con- 
damne l'iiiéligion  des  personnes  riches  et 
puissantes,  (|ui  ayant  des  églises  i)rès  de  leurs 
maisons,  «juvladomos  suas  basilieas  haliLiit,  » 
ne  venaient  point  aux  grandes  églises  pour  y 


DIVP:K.SES  REMAr.QlKS  SLIl  LES  CURÉS. 


47Ô 


unlfMulri!  l;i  pnrole  ilo  IHcii,  (|ii'oii  leur  eùl 
aiiressée,  s'ils  y  eussent  été  présents ,  pour  les 
exhorter  à  ne  point  oppiinier  les  pauvres  :  au 
lieu  que  les  pauvres  seuls  assistant  aux  ser- 
mons, on  n'y  parlait  ([ue  pour  le?  alîerniir  dans 
une  constante  patience  contre  les  oppressions 
des  riches.  «  Et  dum  soli  afûicti  et  panperes 
veniiuit.  qiiid  allud  quam  ut  mala  |iatienter 
ferant,  illis  [)r;cdicanduni  est.  Si  auteni  divjtes 
qui  pauperilms  injuriam  facere  soliti  sunt, 
venire  non  renuerent ,  admoneri  utique  pos- 
senf,  etc.  » 

Tliéodul[)lie,  dans  ses  capitulaires,  donne 
sur  ce  sujet  plusieurs  avis  fort  considérables. 
i"  Qu'on  ne  manjxe  point  avant  la  fin  du  divin 
service,  aux  jours  de  fête  et  de  dimanche. 
«  Admonendus  est  po[)ulus,  ut  ante  publicum 
peractum  officium  ,  ad  cibum  non  accédât  ». 

2°  Que  les  prêtres  qui  diront  des  messes  en 
particulier  dans  les  églises  ou  dans  les  ora- 
toires, les  disent  si  secrètement  et  de  si  bonne 
heure  avant  tierce,  que  personne  ne  puisse 
s'exempter  de  venir  à  la  grand'messe.  «  Ut 
missœ  quae  in  dies  dominicos  peculiares  a 
sacerdotibus  fîunt ,  non  ita  per  pubiico  fiant, 
ut  per  eas  populus  a  publicis  missarum  solem- 
nitatibus,  quae  hora  tertia  canonice  fiunt , 
abstrahatur.  »  Et  [dus  bas  :  «  Sacerdotes  per 
oratoria  nequaquani  missas,  nisi  tam  caute 
ante  secundam  horam  célèbrent,  ut  populus  a 
publicis  solemnitatibus  non  abstrahatur  (Cap. 

XLV,  XLVl).  » 

3°  Que  c'est  une  coutume  très-dangereuse, 
«  pessimus  usus  est,  »  de  se  contenter  d'ime 
messe  basse  les  dimanches  et  les  fêtes,  et  même 
d'une  messe  des  morls. 

-i°  Que  tous  les  prêtres  de  la  ville,  et  même 
ceux  qui  ne  sont  pas  loin  de  la  ville,  doivent 
se  trouver  à  la  messe  solennelle  avec  tout  le 
peuple,  sans  en  excepter  qui  que  ce  puisse 
être,  hors  les  religieuses.  «  Sed  sive  sacer- 
dotes, qui  in  circuitu  urbis,  aut  in  eadem 
urbe  sunt,  sive  populus,  in  unum  ad  publicam 
missaium  celebrationtm  conveniaut.  « 

Cette  ordonnance  de  Théodulphe  rend  en- 
core bien  plus  probable  ce  que  nous  avons 
dit  dans  les  parties  précédentes  de  l'origine 
des  jiaroisses,  et  de  la  messe  qui  s'y  célébrait. 

Les  capitulaires  de  Charlemagne  (L.  i,  c.  147, 
148,  et  1.  V,  c.  49,  50),  défendirent  aux  curés 
de  recevoir  à  la  messe  les  paroissiens  d'une 
autre  paroisse,  si  ce  n'est  les  passants,  ou 
ceux  qui  viennent  aux  audiences  des  juges. 


«  Ut  nulliis  prcsbyter  alterius  parochiainnn. 
nisi  in  itinere  fuerit,  vel  placitiun  ibi  hahuerit. 
ad  missam  recipiat.  »  Le  canon  suivant  défend 
aux  curés  de  dire  la  messe  dans  une  autre  jia- 
roisse  que  la  leur,  si  ce  n'est  en  voyageant,  et 
de  recevoir  les  dîmes  qui  sont  dues  aux  autres 
curés.  «.Nulius  presbyter  in  alterius  parocliia 
missam  cantare  prœsumat,  nisi  in  itinere  fue- 
rit, nec  decimam  ad  alterum  pertinenteni 
recipere  pra-sumat.  » 

Ce  même  canon  est  exprimé  ailleurs  avec 
une  autre  clause  :  «  Ut  nuUus  presbyter  in 
alterius  presbyteri  parochia ,  eo  inconsulto 
missam  cantare  praîsumat,  nisi  in  itinere  fue- 
rit. »  Ce  qui  semblerait  dire  que  la  permis- 
sion du  curé  du  lieu  n'était  pas  nécessaire  aux 
prêtres  passants  pour  célébrer  la  messe.  Mais 
il  faut  remarquer  que  la  raison  et  le  fonde- 
ment de  ces  précautions  étaient  pour  empêcher 
les  curés  d'usurper  les  dîmes  des  autres  curés, 
en  recevant  leurs  paroissiens  a  la  messe  ou 
célébrant  la  messe  dans  leur  paroisse. 

Cela  est  encore  assez  clairement  insinué  dans 
cet  autre  canon.  «  Ut  nuUus  presbyter  alterius 
parochianum  ,  nisi  in  itinere  fuerit ,  nec  deci- 
mam ad  alterum  pertinenteni  audeat  recipere 
iCapit.,  I.  V,  c.  115).  »  C'est  pour  cela  qu'Hé- 
rard,  archevêcjue  de  Tours,  défendit  aux  curés 
de  solliciter  les  i)aroissiens  des  autres.  «  NuUus 
presbyter  alterius  parochianum  ad  missam  re- 
cipiat, vel  sollicitare  prœsumat  Can.  xxix).  » 
Le  concile  II  de  Chàlon,  en  813  ^C.  xix,  c.  2), 
déclara  la  conséquence  de  donner  les  dîmes  à 
l'église  où  on  entend  la  messe  :  «  Décimas  dent, 
ubi  per  tolum  annicirculum  missas  audiunt.  » 
Le  concile  de  Nantes  renouvela  la  même  dé- 
fense. 

Mais  ce  concile  considéra  outre  cela  l'obliga- 
tion des  paroissiens  à  se  tenir  étroitement  unis 
à  leurs  curés  comme  à  leurs  pasteurs  et  leurs 
pères.  Ainsi  ce  concile  voulutcjue chaque  curé, 
avant  ijue  de  commencer  la  messe  ,  demandât 
s'il  n'y  avait  point  de  jiaroissien  étranger  qui  eût 
de  l'éloignement  de  son  curé,  et  que  s'il  s'en 
trouvait  quelques-uns  parmi  son  troupeau,  il 
les  renvoyât  à  leur  propre  pasteur.  «  Ut  Domi- 
nicis  et  festis  diebus  presbyteri,  antequam 
missas  célèbrent,  interrogent,  si  alterius  paro- 
chianus  in  ecclesia  sit ,  qui  i)roprio  contempto 
presbytère,  ibi  missam  audire  velit.  Quem  si 
invenerit,  statiui  ab  ecclesia  ejiciant,  et  ad 
suam  parocliiam  redire  com()ellant  (Can.  u).  » 
Ou  puu^ait  encore  considérer  une  autre  rai- 


476 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERC  <.  —  CHAPITRE  VINGT-CINQUIÈME. 


sou,  savoir,  la  communion,  qni  avait  tant  île 
rapport  à  la  messe,  et  a  lacjuelle  on  ne  pouvait 
être  admis  (jue  par  le  jiropre  pasteur  (|ui  i)ou- 
vait  distinguer  les  brebis  des  boucs ,  les  tidélt  s 
des  pénitents,  les  justes  des  impies.  C'est  ce 
qui  est  touché  dans  les  Capitulaires  L.  vi, 
c.  456;  Addit.  iv,  Ti  .  "  Slatutum  est,utunus- 
quisque  clericus  ,  vel  laicus,  non  communicet 
in  aliéna  plèbe  sine  litteris  episcopi  sui.  »  Cela 
est  tiré  d'un  concile  de  Carthage,  et  c'est  un 
vestij^'c  de  l'ancienne  discipline  qui  excluait  les 
pénitents  mêmes  de  la  messe  et  faisait  rejiarder 
la  seule  assistance  a  la  messe  comme  une  espèce 
de  communion. 

II.  Le  concile  VI  de  Paris  en  8-29  ;Can.  xi.viij. 
fit  de  sanglantes  invectives  contre  les  prêtres 
qui  se  laissaient  persuader  de  dire  la  messe 
dans  des  jardins,  ou  dans  les  maisons  des  par- 
ticuliers ,  ou  même  dans  des  chapelles  sans  la 
permission  de  l'évèque,  «  in  horfis,  et  domibus, 
vel  certe  ;rdiculis,  «  permettant  néanmoins 
dans  la  nécessité,  lorsqu'on  est  en  voyage  et 
qu'on  est  fort  éloigné  de  toutes  les  églises  ,  de 
célébrer  dans  la  campagne  sur  des  autels  con- 
sacrés par  les  évoques.  «  Excepto  quando  in 
itincre  pergitur,  et  locus  basilicœ  procul  est , 
et  id  in  altariluis  ab  ei>iscopo  consecratis,  fieri 
nécessitas  compellit,  ne  jjupulus  Dei  sine  mis- 
sarum  celebralione,  et  corporis  et  sanguinis 
Uominici  perceptione  maneat.  » 

III.  Ces  autels  portatifs  ou  ces  tables  de 
marbre  consacrées  pur  l'évèque  étaient  donc 
déjà  en  usage.  Hincmar  nous  apprend  que  ces 
tables  étaient  de  marbre  ou  de  (|uelque  pierre 
noire,  que  l'évèque  les  consacrait,  ([u'on  s'en 
servait  dans  les  chapelles  qui  ne  devaient  ja- 
mais être  consacrées  et  dans  les  églises  mêmes 
(jui  n'étaient  i)as  encore  dans  l'état  qu'il  fallait 
pour  en  faire  la  dédicace. 

«  Si  nécessitas  ])oposcerit,  donec  Ecclesia, 
vel  altaria  consecrentur,  vel  in  caiiellis  etinm 
(jua;  consecrationem  non  merentui',  tabulam 
quisquc  presbyter,  cui  necessarium  iuerit,  de 
marmore,  vel  nigra  ])etra,  aut  litio  honestis- 
simo  secunduni  suam  possiliilitateiu  bonesti; 
alVectatam  babeat,  et  nobis  ad  consccrandum 
afl'eral ,  (jnam  secum  ,  cum  expedierit  déferai , 
in  qua  sacra  mysteria  secundiuii  rilum  eiclc- 
siasticum  agere  \aleat  iConcil.  (Jall. ,  loui.  ui, 
p.  (iJ(i;  Hincmar,  tom.  i,  p.  7.'5-2).  » 

Il  y  a  de  l'apparence  (jue  ce  furent  là  les 
deux  raisons  ipii  duniiérent  commencement  a 
ces  |)icrres  consacrées,  (]ui  servent  d'autel  et 


qui  se  transportent  facilement.  La  première, 
pour  n'être  pas  privé  du  fruit  des  saints  mys- 
tères, quand  on  est  engagé  en  voyageant  dans 
de  grandes  campagnes.  La  seconde,  i)Our  pou- 
voir célébrer  le  divin  sacrifice  dans  les  oratoi- 
res domesti(]ues,  ou  dans  les  cha|)elles  dont  on 
ne  faisait  jamais  de  dédicace.  «  Capelhe  quœ 
consecrationem  non  merentur.  » 

Comme  les  évêques  ne  pouvaient  pas  même 
se  rendre  dans  toutes  ces  chapelles  ou  dans 
tous  ces  oratoires,  [)Our  y  consacrer  des  autels, 
les  prêtres  se  donnèrent  quelquefois  la  liberté 
d'offrir  les  terribles  mystères  sur  des  autels 
(]ui  n'étaient  pas  consacrés.  On  remédia  à  ce 
désordre  par  l'usage  de  ces  tables  consacrées. 
Voici  ce  qu'on  en  lit  dans  les  capitulaires  de 
Cliarlemagne.  «  Plaçait ,  ut  in  locis  non  con- 
secratis missarum  celebraliones  fieri  non  de- 
beant,  nisi  causa  longinqui  iUneris,vel  hostili- 
latis  ;  et  id  in  altaribiis  ab  episcopo  consecratis 
lieri  nécessitas  compellal  (  (^apitulare  Car. 
Magn.,  1.  VI,  c.  iOo;  1.  vu,  c.  99,  312,  334).» 

IV.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  qne  pour  con- 
server plus  religieusement  les  marques  de  la 
souveraineté  de  l'épiscopat  et  de  la  plénitude 
du  sacerdoce,  (|ui  réside  dans  les  évêques,  on 
ne  se  contenta  pas  d'obliger  les  prêtres  à  ne 
célébrer  que  sur  les  autels  consacrés  par  les 
évêques  :  on  ordonna  aussi  que  les  pavillons 
dans  lesquels  on  célébrait  (piand  on  se  trouvait 
en  campagne,  fussent  aussi  consacrés  par  les 
évêques,  aussi  bien  que  les  vêtements  sacerdo- 
taux, les  corporaux,  les  pâlies,  les  vases  sacrés, 
a  Sunt  etiam  ab  episcopis  consecrandaet  be- 
ncdicenda  cori)orales,  palhe,  ac  alla  vestimenta 
sacerdotalia,  etc.  Sacriûcia  otferre  nuUo  modo 
licet,  nisi  in  locis  Deo  ab  episcopo  dicalis,  nisi 
causa  hostilitatis  aut  suuuikb  necessitatis  ;  et 
hoc  non  in  mansionibus,  aut  in  domibus  non 
sacratis,  sed  in  tabernaculis  dcilicalis  ab  e[)i- 
scojjis  (Ca|iitul;ire  Car.  Magn.,  1.  vu,  c.  '.VM).  » 
Le  concile  de  Mayence  de  l'an  888  (Can.  ix), 
permit  néanmoins  de  célébrer  dans  la  cam- 
pagne  à    découvert  ou   dans   des    pavillons , 
sans  (ju'il  fût  nécessaire  qu'ils  fussent  consa- 
ciés  :  «  In  itinere,  positis,  si  ecclesia  defuerit, 
sub  divo,  seu  in  tentoriis,  etc.  »  Ce  même  con- 
cile nous  apprend  encore  que  la  fureur  des 
Normands  ayant  brûlé  une  inlimlé  d'églises, 
on  fut  contraint  de  célébrer  dans  des  chapelles 
eu  atlcuilant  (|ue  les  églises  fussi'nt  ré|iarées. 
«  lu  capellis  nussas  intérim  celebrare,  liceat. 
douée  ipsœ  ecclesiae  restaurari  ipieanl.  » 


UIVEKSKS  HEMAliUUES  SI  11  l.KS  CURES, 


Il  ne  faut  pas  ilouter  (nicdiiraiilce  lonj;  intcr- 
vallt'  pliisit'iiis  (le  ces  cliapcUi's,  (itii  n'avaii'iit 
élé  toiil  au  plus  (]iie  des  annexes,  lUMleviiissont 
enfin  dos  éi; lises  paroissiales. 

V.  Uevenous  aux  éj;lises  paroissiales,  dans 
losiiuelles  Hincmar  nous  a|ipienil  qu'on  avait 
déjà  établi  des  confréries  :  «  Ut  de  collec- 
tis  ,  ipias  jieldonias  ,  vel  confratrias  vulgo 
vocant  (Hincmar.,  tom.  i,  p.  "lo).  » 

11  leur  prescrivit  des  règles  fort  saintes  :  de 
ne  former  et  n'entretenir  leur  pieuse  société 
(|ue  pour  les  exercices  d'une  fervente  relif^ion, 
pour  les  offrandes  qu'ils  faisaient  à  l'autel,  i)our 
les  aumônes,  pour  les  prières  et  les  sacrifices, 
afin  d'assister  les  morts  ;  il  leur  ordonna  de 
n'offrir  à  l'autel  que  le  pain  et  le  vin  qui  pou- 
vaient être  employés  au  sacrifice  ;  s'ils  voulaient 
en  offrir  une  plus  t^rande  (piantité  qu'ils  le 
fissent  en  particulier  pour  soulager  les  minis- 
tres de  l'autel, ou  pour  en  faire  une  distribution 
an  peuple. 

«  In  oinni  obsequio  religionisconjungantur, 
videlicet  in  oblatione,  in  luminaribus,  in  obla- 
tionibus  nuiluis,  in  exequiis  defunctorum,  in 
eleemosynis  et  CiTteris  pietatis  officiis.  Ita  ut 
(lui  candelam  ofl'erre  voluerit,  sive  specialiter, 
sive  generaliler,  aut  anfe  missam,  aut  inter 
missam ,  anioquam  evangelium  legatur,  ad 
altare  déférant.  Oblationem  autem  unam  tan- 
tumiuodo  oblalam  et  offertorium  pro  se  suisque 
omnibus  conjunctis  et  familiaribus  otlerat.  Si 
plus  de  vino  voluerit  in  bulticula,  vel  canna, 
aut  plures  oblatas,  aut  ante  missam,  aut  post 
missam  presbytero  vel  ministro  illius  tribuat, 
utide  populus  in  eleemosyna  et  benedictione 
illius  eulogias  accipiat,  vel  presbyter  supple- 
menlum  aliquod  habeal.  » 

Il  leur  délcpd  absolument  toutes  sortes  de 
festins  ou  de  divertissements,  parce  cpie  l'ivro- 
gnerie elles  meurtres  en  étaient  les  suites  aussi 
ordinaires  que  déplorables.  S'il  survient  (|uel- 
que  nécessité  d'assembler  tous  les  confrères, 
comme  par  exemple  pour  réconcilier  un  fils 
avec  son  père  :  «Conventus  autem  talium  con- 
fratrum,  si  necesse  fuerit,  ut  simul  conve- 
niant,  »  ils  ne  pourront  s'assembler  qu'en  la 
présence  du  curé  qui  leur  fera  quelque  exhor- 
tation de  piété,  leur  donnera  des  eulogies,  et 
après  avoir  mangé  un  morceau  de  pain,  et  bu 
une  fois  seulement,  il  les  obligera  à  se  retirer. 
«  Qui  voluerint  eulogias,  a  presbylero  accipiant, 
et  panem  tanturn  frangentes,  singuli  singulos 
Libères  accipiant.  » 


VI.  Ce  ([ue  nous  venons  de  toucher  (!n  pas- 
sant des  eulogies,  nK'rile  bien  cpuî  nous  nous 
arrêtions  un  peu  pour  en  découvrir  l'origine. 

lliiicMiar  \ienl  de  nous  dire  que  les  fidèles 
ne  doivent  ollVir  a  l'autel  (pie  les  petits  pains, 
préparés  avec  soin  pour  le  sacrifice,  qu'on  api)e- 
lait  pour  ce  sujet  oblatas ,  et  qu'on  nomma 
ensuite  par  corruption  oublies^  et  autant  de 
vin  qu'il  en  faut  pour  la  célébration  des  mys- 
tères; mais  qu'on  pouvait  en  otVrir  aux  i)rètres 
en  |)articulier  une  plus  grande  quantité ,  qui 
servirait,  ou  a  soulager  la  i)auvreté  des  curés, 
ou  à  donner  des  eulogies  au  peuple  :  «  Unde 
pojmlus  in  eleemosyna  et  benedictione  illius 
eulogias  acci|iiat.» 

Ces  eulogies  étaient  donc  une  charitable  libé- 
ralité (ju'on  faisait  au  peuple,  du  painetdu  vin 
qui  avaient  été  offerts  en  particulier  au  prêtre. 
Hincmar  nous  a  ditencore(]iie,  lorsque  les  con- 
fréries s'assemblaient,  le  curé  pouvait  leur 
donner  des  eulogies,  afin  qu'ils  pussentse  sé|)a- 
rer  ajuès  avoir  mangé  un  i)eu  de  pain,  et  bu 
une  fois  seulement.  Cela  revient  à  cette  distri- 
bution charitable  des  restes  du  pain  et  du  vin 
des  otfrandes. 

Vil.  Le  concile  de  Nantes ,  dont  on  ne  sait 
pas  précisément  l'époque,  mais  qui  fut  tenu 
quelque  temps  après  la  mort  de  llineniar,  nous 
ap]irend  bien  plus  exactement  l'usage  de  ces 
eulogies  et  les  règles  qu'on  y  observait,  car  ces 
soites  de  cérémonies  religieuses  se  perfection- 
nent peu  à  peu.  Le  curé  devait  conserver  le 
reste  des  pains  qui  avaient  été  offerts  à  l'autel 
par  le  peuple  et  qui  n'avaient  pas  été  consacrés, 
ou  bien  i)rendre  de  son  propre  pain  et  en  bénir 
les  itarticules,  afin  de  les  distribuer  tous  les 
jours  de  dimanche  et  de  fête,  à  tous  ceux  qui  ne 
communient  pas. 

«  Ut  de  oblationibus,  quœ  offerantur  a  populo 
et  consecrationi  super  sunt,  vel  de  panibus, 
quoK  oUerunt  fidèles  ad  ecclesiam,  vel  certe  de 
suis,  i)resbyter  convenienter  partes  incisas  ha- 
bcat  in  vase  nitido,  ut  post  missarum  solemnia 
(lui  communicare  non  fuerunt  rat! ,  eulogias 
omni  die  Dominico  et  in  diebus  festis  exinde 
accipiant(Can.  is).  » 

Suit  dans  le  même  canon  la  collecte  que  le 
prêtre  doit  dire  pour  bénir  les  eulogies,  afin 
que  les  fidèles  en  tirent  du  secours  contre  les 
maladies  du  corps  et  les  tentations  de  l'esprit, 
par  la  toute-puissance  de  Celui  qui  est  le  pain 
de  vie. 

Ce  concile  (Can.  xv),  répète  un  peu  après  tous 


478 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VlNGT-CIXQUlEME. 


les  rèy-lemcnts  que  nous  avons  ci-ilcssus  rap- 
porlés  de  llincniar  pour  lus  confréries ,  après 
en  avoir  retranché  ce  qui  regarde  ceseulogies. 
En  eflet,  dans  l'intervalle,  l'usage  eu  avait  un 
[)eu  cliangé. 

Le  concile  de  Nantes  en  donne  à  tous  les  fidè- 
les ([ui  ne  coiuuuniient  pas  toutes  les  fêtes  et 
tous  les  diniaiiclies,  et  veut(ju'on  y  emploie  les 
pains  même  et  les  offrandes  qui  avaient  été 
présentées  à  l'autel  par  le  peuple,  et  ne  dit  pas 
un  seul  mot  du  vin.  En  tous  ces  points-là,  le 
décret  du  concile  et  l'usage  qu'il  introduit  est 
différent  de  celui  de  Hincmar.  On  peut  dire 
néanmoins  (]ue  Hincmar  a  donné  cnmmence- 
ment  au  pain  bénit,  iiuoique  la  suite  des  années 
ait  ajouté  (jiiehpie  nouvelle  perfection  à  ce  qu'il 
en  avait  éhauciié. 

Si  les  caiiituiairos  qu'on  attribue  à  Hincmar 
sont  véritablement  de  lui,  comme  tout  ce  canon 
du  concile  de  Nantes  s'y  trouve  inséré  en 
mêmes  termes,  il  faudra  croire  que  tous  ces 
usages  du  pain  bénit  avaient  cours  dès  le  temi)S 
de  Hincmar  (Con.  Gall.,  tom.  m,  p.  619).  Mais 
il  y  a  une  contradiction  tout  apparente  entre 
ce  canon  du  concile  de  Nantes,  et  l'article  de 
Hincmar  sur  les  confréries. 

Le  terme  d'eulogies  avait  été  assez  fré(pient 
avant  le  temps  d'IIincmar,  mais  la  signification 
en  était  très-différente.  Ce  n'étaient  ordinaire- 
mont  que  1(;S  présents  (jue  les  inférieurs  fai- 
saient a  leurs  supérieiu's.  Le  concile  de  Meaux 
de  l'an  84.">  (Can.  xlv),  exhorte  les  curés  à  faire 
(iuel(|ues  petits  i)résents  à  leurs  évèques.  «  Decet 
presbyteros  cum  voluntariis  eulogiis  tempore 
congruo  visitare  et  colère  suos  episcopos.  » 

La  lettre  altrihuée  au  pape  Léon  IV  pour  les 
évèques  de  Rretagne  laisse  à  la  liberté  des 
curés  d'a|)porter  aux  évèques  des  eulogies  en 
venant  au  synode.  «  De  eulogiis  ad  sacra  con- 
cilia deferendis  niliil  invenimus  a  majoribus 
tiîrminatum  ,  sed  sicut  unicpiiipie  presbytero 
l)la(uerit  [Couc.  (iall.,  tom.  m,  p.  Gi2).  » 

Hincmar  même  défend  à  ses  archidiacres 
d'(!xiger  d(!S  eulogies  des  curés.  Flodoard  dit 
([ue  saint  Uigobeit,  archevèipie  de  Reims,  en- 
voyait souvent  des  eulogies  à  Pépin  le  Gros  : 
«  Cui  culngias  pro  benedictione  crebro  solebat 
miltere  (l'Iodor.,  I.  ii,  c.  11  ;  1.  m,  c.  3).  »  Il 
raconte  aussi  comment  le  pape  Formose  envoya 
au  roi  Charles  un  pain  bénit,  comme  il  avait 
témoigné  le  désirer.  «  Quem  peterat,  ei  panem 
bcncdicinm  pro  pignore  mittens.  » 

Voila  le  terme  propre  du  pain  bénit,  mais  un 


peu  différent  de  celui  qui  est  enfin  demeuré  seul 
en  usage. 

VIII.  Il  faut  encore  revenir  aux  paroisses,  et 
remarquer  qu'il  y  en  avait  déjà  dont  les  curés 
étaient  des  moines. 

Nous  avons  déjà  dit  ailleurs  que  le  pape  Gré- 
goire III  établit  dans  l'église  de  Saint-Pierre  à 
Rome,  une  congrégation  de  moines,  pour  y 
chanter  durant  le  jour  et  la  nuit  la  divine  psal- 
modie, car  les  messes  y  étaient  célébrées  par 
des  prêtres  liebdomadiers.  «  Ut  a  monachis 
vigilia^  celebrarentur,  et  a  presbyteris  hebdo- 
madariis  missarum  solenmia.  »  Voilà  ce  qu'en 
dit  Anastase  le  bibliothécaire  dans  la  vie  de  ce 
pape. 

On  peut  conjecturer  de  là  que  l'on  ne  con- 
fiait pas  encore  alors  des  cures  à  des  religieux. 
Mais  deiiuis,  comme  les  moines  se  familiari- 
sèrent peu  à  peu  avec  les  fonctions  cléricales, 
on  les  chargea  enfin  du  gouvernement  des 
cures,  à  con<lition  d'en  être  investis  par  l'évê- 
que,  de  lui  en  rendre  compte  ou  à  son  grand- 
vicaire  et  d'assister  au  synode  diocésain. 

C'est  le  décret  du  concile  de  Mayence  de 
l'an  847  (Can.  xiv),  sous  l'archevêque  Raban. 
«  Nullus  monachorum  parochias  Ecclesiarum 
accipere  pra?sumat,  sine  consensu  cpiscopi.  De 
i()sis  vero  tilulis  in  quibus  conslituti  fuerint, 
rationein  episcopo  vel  ejus  vicario  reddant  ;  et 
convocati  ad  synodum  veniant.  » 

Nous  n'avons  pas  beaucoup  d'exemples  de 
cette  prati([ue;  ce  canon  suppose  néanmoins 
(jii'ils  n'étaient  pas  si  rares  dans  la  province  de 
Mayence.  Raban,  qui  avait  été  moine,  avait 
peut-être  travaillé  à  les  multiplier,  et  peut-être 
même  que  l'ancien  archevêque  de  Mayence, 
saint  Boniface,  avait  dès  lors  jeté  les  fonde- 
ments de  cette  ()olice  :  car  il  était  aussi  reli- 
gieux et  il  avait  tiré  des  secours  considérables 
de  beaucoup  de  saints  religieux  pour  la  con- 
version (le  l'Allemagne. 

Puis(iue  Augustin  et  les  autres  premiers  évè- 
ques des  Anglais  furent  des  moines,  poiwquoi 
ne  croiia-t-on  pas  que  les  moines  furent  aussi 
(jucliiuefois  curés'? 

Si  l'on  voulait  remonter  encore  plus  haut, 
on  pourrait  s'imaginer  avec  (piel(|ue  vraisem- 
blance (|ue  saint  Jérôme  était  lui-même  curé 
de  l'église  de  Delhléem,  qui  était  ime  paroisse, 
ou  quand  on  prétendrait  que  c'était  un  monas- 
tère, il  faudrait  toujours  demeurer  d'accord 
(pi'on  y  exerçait  les  fonctions  curiales.  Voici 
ce  que  Sévère  Sulpice  en  écrit  :  «  Inde  digres- 


DIVERSES  REMAUQUKS  Sl'R  LES  CIRES. 


.i79 


piii!  Rcthliiiem  oppiilum  iielii,  occlosiam  loci 
illiiis  Ilidoiiyimis  piisbyler  regil.  Nain  pnro- 
cliia  est  episi'opi  .  (jui  Hierosolymain  tcnct 
(l)ial.  I,  c.  7).  » 

Mais  puisiiue  saint  Jérôme  ,  quoique  prêtre  , 
lie  voulut  jamais  célébrer  la  messe,  comment 
aurait-il  été  curé?  11  est  donc  bien  pUis  pro- 
bable qu'Eusèbe,  évè(iue  de  Verceil,  (pii  com- 
posa tout  son  clergé  de  moines,  leur  confia 
aussi  ses  cures.  Au  moins  on  ne  peut  nier  ((ue 
tous  les  curés  que  saint  Augustin  tira  de  son 
séminaire  ne  fussent  comme  des  chanoines 
réguliers,  ayant  renoncé  à  toute  propriété.  Mais 
cela  fut  sans  suite. 

IX.  Les  exemples  sont  bien  ])lus  fré(|uents 
des  moines  ou  des  abbés,  qui  étaient  curés  pri- 
mitifs, ayant  sous  leur  conduite  et  en  leur  dé- 
pendance les  curés  titulaires.  Saint  Meinverc, 
évèque  de  Paderborn ,  fonda  une  paroisse 
nouvelle  dans  Paderborn,  sur  le  fonds  (ju'il 
axail  donné  à  ua  monastère.  Aussi  la  donna- 
t-il  au  monastère.  «  Eidem  monaslerio  pro- 
prielario  jure  possidendam  eam  delega\il 
(Surins,  die  Junii,  c.  slu).  » 

11  faut  néanmoins  confesser  qu'entre  les 
curés  titulaires,  il  y  en  a  eu  de  primitifs  et  de 
subalternes  avant  que  les  religieux  prisFcnt  ces 
qualités.  Le  concile  II  d'Aix-la-Cliapelle,  de 
l'an  836  (Can.  x),  ordonne  qu'il  y  ait  un  prêtre 
d;\us  chaque  église,  quand  il  devrait  être  sou- 
mis au  jirêtre,  c'est-à-dire  au  curé  d'une  autre 
église.  «  Unicuique  ecclesiœ  suus  provideatur 
ab  episcopis  presbyter,  ut  per  se  eam  tenere 
possit,  aut  etiam  priori  presbytère  subjugatus, 
ministerium  sacerdotale  perficere  possit.  » 

Nous  examinerons  ailleurs  si  ce  prêtre  ou 
curé  primitif,  qui  est  ici  appelé  Prior,  était 
nommé  [irieur,  en  sorte  que  le  litre  de  prieuré 
soit  provenu  de  là.  Il  nous  suftit  ici  de  consi- 
dérer, qu'ayant  un  autre  curé  qui  relevait  de 
lui,  on  pouvait  lui  donner  le  nom  et  le  rang  de 
curé  primitif. 

On  ne  peut  pas  répondre  que  ce  prêtre  subal- 
terne n'était  qu'un  chapelain  destiné  simple- 
ment à  offrir  le  sacrifice  dans  une  chapelle, 
puis(]ue  ce  concile,  dans  le  même  canon,  pré- 
vient cette  défaite  en  disant  que,  quand  un 
prêtre  pourrait  dire  la  messe  en  plusieurs  égli- 
ses, il  ne  pourrait  pas  lui  seul  administrer  le 
Baptême,  la  Pénitence  et  la  Communion  à 
tous  ceux  qui  sont  répandus  en  tant  de  lieux, 
et  qui  sont  quehjuefois  dans  des  besoins  fort 
pressants.  Ce  qui  montre  qu'il  y  a  une  néces- 


sité  absolue  d'avoir   un   prêtre   dans  cha(|ue 
église. 

«  Quanquam  missarum  cdebrationes  per 
onnies  ecelesias  sibi  commi.-sas  agere  postent, 
perspexinuis  ca'iera  officia,  ([UiC  ad  divinum 
cullum  pertinent,  propter  impossibilitatem  et 
multiludinem  ecclesiarum,  quodanmiodo  ne- 
glectu  eiapsa.  Simiiitcr et  pra'vidmlia' in  bapti- 
smale inlirmorum,  et  in  confessione  quieren- 
tium  ,  et  in  communione  periclitantiuni  , 
])erplura  remansisse.  Ideo([ue  congruenlius 
omnibus  videtur,  cuique  congruere  ecclesiœ, 
jtroprium  habere  presbyterum.  » 

Lorsqu'une  église  qui  n'avait  été  qu'une 
annexe,  ou  même  une  chapelle  dépendante  de 
l'église  paroissiale,  ou  peut-être  même  (lu'elle 
n'avait  point  eu  de  prêtre  que  le  curé  de  la 
paroisse  qui  y  venait  quelquefois  célébrer, 
était  elle-même  érigée  en  paroisse  et  en  église 
matrice,  rien  n'était  plus  raisonnable  que  de 
conserver  à  l'ancien  curé  (luehiues  marques  de 
son  ancienne  autorité,  et  c'est  la  plus  considé- 
rable, et  peut-être  la  plus  juste  espèce  des  curés 
primitifs. 

On  pourrait  compter  pour  une  seconde  espèce 
de  curés  primitifs  ceux  à  qui  les  évêijues  asser- 
vissaient  en  façon  de  cha[iellcs  d'autres  parois- 
ses anciennes.  Mais  comme  les  évèijues  ne  pou- 
vaient faire  ce  renversement  sans  abuser  de 
leur  autorité  et  sans  blesser  les  canons,  nous 
ne  pouvons  pas  donner  rang  entre  les  curés 
primitifs  à  ceux  qui  n'étaient  tiue  des  usurpa- 
teurs. 

Voici  l'instruction  queHincmar,  afchevêque 
de  Reims,  donnait  aux  évêques  qu'il  ordon- 
nait. «  Principales  ecelesias  aliis  ecclesiis  loco 
capellarum  non  subjiciat,  quia  secundum  sa- 
cros  canones  non  licet  e|iiscopis  jiarochiam 
antiquitus  constitutam  inconsulte  confundere 
atque  dividere  (Conc.  Gall.,  tom.  u,  p.  0()0i.  » 

Il  n'est  pas  même  probable  que  l'on  ail  attri- 
bué les  droits  des  curés  primitifs  à  tous  les 
curés  dont  la  paroisse  était  partagée,  et  du 
démembrement  de  laquelle  on  formait  une 
autre  paroisse. 

Le  concile  de  Toulouse,  en  Si.ï  (Can.  vu), 
après  avoir  donné  aux  évêques  toutes  les  pré- 
cautions qu'il  faut  observer  dans  cette  division 
d'une  cure  en  deux,  ne  donne  aucun  pouvoir 
à  l'ancien  curé  sur  le  pasteur  de  la  paroisse 
nouvellement  érigée ,  se  contentant  de  le 
décharger  d'une  partie  des  contributions  aux- 
quelles  il  était  assujéti ,  et  d'en  charger  le 


480 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-CINQUIÈME. 


nouveau  curé.  «  De  dispensa  quoque  débita  ab 
illd  minus  accipiant,  et  alleri,  qui  quod  di\i- 
ditur  a  parocliia,  suscipit,  sub  iiac  eadem  nien- 
sura  iinponant.  » 

Au  couliaire  le  concile  de  Nantes  ne  désap- 
prouve pas  qu"un  seul  curé  possède  les  droits 
et  la  supériorité  de  curé  primitif  sur  plusieurs 
autres  églises,  dans  chacune  desquelles  il  éta- 
blit des  prêtres  pour  y  célébrer  tous  les  jours 
les  ofûces  divins  et  l'auguste  sacrifice.  «NuUus 
{iresbyter  plures  prœsumat  habere  ecclesias, 
iiisi  forte  alios  [iresbyteros  sub  se  in  imafinaqut; 
habeat,  qui  nocturnum  atque  diurnumofliciuiii 
solemniter  adimpleant,  et  missarum  celebra- 
tiones  quotidianis  expleant  caeremoniis  (Can. 
VIII  ).  » 

C'était  encore  un  légitime  fondement  à  un 
curé  de  tenir  en  sa  dépendance  une  autre 
paroisse,  lorsqu'il  l'avait  lui-même  réparée 
après  une  entière  désolation  et  qu'il  y  avait 
dressé  un  autel  avec  la  permission  de  l'évêque. 
C'est  ce  qu'en  insinue  Ilincniar  :  «  Quidam 
presbyteri  prœter  ecclesiam,  in  qua  titulati 
sunt,  etiam  cnpellas  habent,  et  quidam  etiam 
veteres  ecclesias  restaurant,  aut  allaria  no\a 
construunt  propter  loci  convenientiam ,  etc. 
(Conc.  Gall.,  tom,  m.  p.  C36).  » 

Ce  sont  là  les  incidents  divers  qui  ont  donné 
lieu  aux  curés  primitifs,  lorsqu'une  chapelle 
ou  une  annexe  qui  avait  toujours  relevé  d'une 
cure  était  elle-même  érigée  en  cure,  ou  lors- 
que révêi|ue  |)artiigeait  une  cure  trop  étendue 
en  deux,  ou  enfin  lorsqu'un  curé  rétablissait 
des  cures  et  des  églises  voisines  qui  avaient  été 
détruites.  Il  ne  nous  reste  plus  qu'un  mot  à 
dire  de  la  division  ou  de  l'union  des  cures 
par  les  évêques. 

X.  Le  concile  de  Toulouse,  tenu  en  Si.'J 
(Can.  vil),  permet  aux  évêques  de  créer  de 
nouvelles  paroisses  et  de  diviser  les  anciennes, 
pourvu  que  cela  se  fasse  avec  le  conseil  des 
chanoines,  «  Mature  consilio  canonico,  tra- 
ctent; »  sans  aucun  mélange  d'intérêt  ou  d'ava- 
rice, «  sine  intenlione  lucri  :  »  par  le  seul 
motif  de  la  nécessité  des  peuples,  «  si  nécessi- 
tas populi  exegerit  »  ,  lors(iue  la  distance  des 
lieux  est  fort  grande  et  les  chemins  difficiles, 
ou  que  les  femmes  et  les  enfants  ne  peuvent 
pas  se  rendre  à  la  iirincipale  église.  «  Si  loiigi- 
tudo  ilineris,  aut  periculum  aqua',  etc.  Etsi 
mulierum,  vel  infantium,  aut  debilium  imbo 
cillitas  ad  ecclesiam  priucipalem  non  i)ossit 
occurrere.  » 


Le  concile  de  Meaux,  tenu  en  Si-'j  (Can  liv}, 
recommande  aux  évêques  de  maintenir  les 
paroisses  de  la  ville  et  des  faubrurgs  dans  leur 
ancienne  disposition,  et  de  n'y  rien  changer 
par  une  légèreté  inconsidérée.  «  Ut  titulos  car- 
dinales in  urbibus  vel  suburbiis  constilutos, 
episcopi  canonice  et  honeste,  sine  retractatione 
ordinent  et  disponant.  » 

Ilincmar  prescrit  les  mêmes  lois  à  ses  archi- 
diacres touchant  les  i)aroisses  de  la  campagne: 
qu'ils  ne  se  laissent  point  fléchir  ni  par  pré- 
sents, ni  par  prières  pour  unir  ou  pour  diviser 
les  cures,  ou  pour  les  soumettre  les  unes  aux 
autres  contre  leur  ancienne  liberté,  a  Expresse 
vobis  in  nomine  Christi  priccipio.  ut  ruslicanas 
parochias  pro  alicujus  amicitia,  vel  petitione, 
aut  pro  aliquo  pretio,  non  praesumatis  confun- 
dere.  dividere.  Neque  ecclesias  illas  qua;  ex 
antiquo  habere  presbyteros  solite  fiierunt,  aliis 
ecclesiis  quasi  loco  capellarum  subjiciatis(Conc. 
gall,  t.  m.  p.  Gi3;  Ilincmar,  1. 1,  p.  710).  » 

Ce  dernier  règlement  de  Ilincmar  semble 
supposer  que  les  archidiacres  avaient  le  pou- 
voir d'unir  deux  cures  en  une,  ou  d'en  diviser 
une  en  deux,  puisqu'il  se  contente  de  leur  dé- 
fendre de  rien  faire  de  semblable  par  des  inté- 
rêts humains. 

Le  concile  de  Meaux  n'avait  aussi  convié  les 
évêques  qu'à  une  conservation  constante  et 
uniforme  des  paroisses  de  la  ville  et  des  fau- 
bourgs. Il  se  peut  faire  qu'en  quelques  pro- 
vinces ce  fut  un  usage  reçu  que  les  évêques 
donnassent  ce  pouvoir  à  leurs  archidiacres. 
Le  concile  de  Toulouse  a  supposé  bien  mani- 
festement que  ce  droit  n'a|ip:irtenait  qu'à 
l'évêque,  qui  n'en  devait  user  lui-même  qu'a- 
vec une  extrême  circonspection. 

XI.  Il  ne  faut  pas  omettre  un  des  principaux 
avantages  des  curés.  C'est  (|u'ils  ont  été  quel- 
quefois les  premiers  fondateurs  des  églises 
nouvelles  dans  les  pays  du  nord,  et  parmi  les 
nations  barbares,  à  qui  on  n'osait  pas  encore 
confier  un  évêché.  Saint  Vilkhad  fut  le  i)re- 
mier  évêque  deRrême,  mais  lui-même,  comme 
prêtre  ou  curé,  avait  déjà  exercé  dans  le  même 
pays  les  fonctions  curiales,  pour  apprivoiser 
ces  barbares  et  les  accoutumer  au  respect  qui 
est  dû  à  la  majesté  pontificale. 

Voici  ce  qu'en  dit  l'auteur  de  sa  vie  :  «  Pri- 
luis  in  ea  diœcesi  sedcm  obtinuit  pontificalem; 
quod  iamen  jamdiu  prolongatum  fuerat,  quia 
gens  credulitali  divin;c  resistens  cum  presby- 
teros aliquoties  secuin  nianere  vix  compulsa 


DES  CURÉS.  LEUR  ORIGIiNE  ET  JURIDICTION. 


481 


sineret,  episcopali  auloritalo  im'iiiiue  rciii  pa- 
liebatur.  Hac  ila(Hie  île  causa  sepU'in  aniiis 
prias  in  eatU'in  j^'esbyler  est  deiKoratus  paio- 
chia;  vocalus  tamen  episcopus,  et  secunduin 
qnod  poterat,  euneta  pra^sidenlis  poiestato  ordi- 
nans  (Calcul.  lîened,  t.  m.  part,  ii,  pag.  iO*)).» 

Ce  saint  prêtre  n'étant  encore  que  curé  por- 
tait le  nom  d  évoque,  ce  qui  est  à  remarquer  à 
cause  de  plusieurs  autres  qu'on  a  honorés  de 
ce  même  nom,  quoiqu'ils  n'en  eussent  jamais 
reçu  la  consécration. 

L'histoire  ecclésiastique  d'Adam,  chanoine 
de  Brème,  nous  a  appris  que  le  saint  religieux 
de  Corbie  Ansgarius,  avant  d'être  fait  arche- 
vêque de  Hambourg  ou  de  Brème,  avait  prêché 


pendant  lonulcnips  n'éiant  encore  que  prêtre 
dans  le  même  pays.  Il  en  dit  autant  de  Rim- 
bert,  son  compagnon  et  son  successeur,  et 
d'Adalgarius,  successeur  de  Riud)ert. 

Tous  ces  saints  archevêques  employèrent 
des  jtrêtres  ou  des  cures  pour  la  conversion 
des  peuples  intidèles  du  Nonl,  avant  d'y  pou- 
voir ordonner  tics  évciiues. 

Adam  le  dit  clairement  en  parlant  d'Adalga- 
rius.  «  Sedit  didlcili  tempore  barbaricie  vasta- 
tionis,  nec  tamen  legationis  suœ  ad  gentes 
studium  omisit.  Verum  sicut  decessores  su! 
presbyteros  ad  hoc  opus  constitutos  et  ipse  ha- 
bere  curavit  (1).  » 


(1)  A  tous  les  témoignages  que  le  savant  Thomassin  a  apportés 
pour  prouver  que  sous  Charlemagne  les  moines  pouvaient  être  curés, 
nous  en  ajouterons  un  bien  précis  qui  établira  que  dès  la  fin  du 
vie  siècle,  00  trouvait  des  paroisses  rurales  dirigées  par  des  moines. 
Le  concile  tenu  à  Màcon  eu  585  nous  en  fournit  la  preuve.  Après 
s'cire  élevé  contre  l'audace  de  ceux  qui   o  montaient   au   saint   autel 

■  et  célébraient  les  sacrés  mystères,  étant  souillés  par  les  salesattraits 
u  des  voluptés  charnelles,  u  saint  Véran,évéque  de  Cavaillon,  dans  la 
province  d'Arles,  termina  son  discours  par  ces  mots,  que  nous  ont 
conservés  Labbe,  Sirmond  et  autres  :  «  Vous  savez  que  dans  les  dio- 

■  cèses  de  vos  béatitudes,  il  existe  de  nombreuses  congrégations  de 
•  moines,  vivant  sous  la  discipline  des  anciens  Pères  j  or,  je  pense 
"  q-ie  l'on  pourrait  choisir  parmi  eux  les  hommes  les  plus  fervents 
0  pour  remplir  les  charges  des  clercs  ;  car  un  petit  nombre  bien 
n  choisi  est  plus  utile  dans  l'Eglise  qu'une  noaibreuse  multitude 
a  d'évaporés,  o 

Les  curés  primitifs  qui  ont  existé  jusqu'à  la  révolution  étaient  gé- 
néralement des  religieux  ou  des  chapitres  qui  faisaient  administrer 
la  paroisse  dont  ils  étaient  titulaires  par  un  vicaire  perpétuel.  Ainsi, 
la  paroisse  de  Vaucluse,  alors  du  diocèse  de  Cavaillon  et  aujourd  hui 
de  celui  d'Avignon,  ayant  été  dans  le  xie  siècle  confiée  aux  religieux 
de  l'abbaye  de  Saint-Victor  de  Marseille,  qui  y  établirent  un  prieuré, 
ftit  administrée  de  la  sorte  à  partir  de  1590,  époque  à  laquelle  les 
religieux  abandonnèrent  ce  lieu.  Nous  trouvons  un  document  de 
1673  par  lequel  o  messire  honoré  Giraud,  religieux-capiscol,  prieur- 
o  majeur  claustrier  du  monastère  de  Sainct-Victor-lez-Marseille,  et, 
o  en  cette  qualité,  prieur  du  prieuré  de  Notre-Dame  et  Saiuct-Véran 

■  de  Vaucluse,  »  nomme,  en  sa  qualité  de  curé  primitif  dudit  Vau- 
cluse, messire  Pierre  Allibert  pour  vicaire  perpétuel,  o  Ledit  vicaire 
a  perpétuel  s'engage  de  servir  honorablement  ladite  église  in  divinis, 
<  pourvoir  îceLle  d'un  prescheur  en  temps  de   caresme,  faire  bruslcr 


a  une  lampe  audevant  le  grand  autel,  payer  la  cotte  qui  est  due  pour 
a  ledict  prioré,  defi'rayer  monseigneur  l'cvesque  de  Cavaillon  ou  son 
a  vicaire,  et  leur  train  faisant  visite  audict  heu.  Ledict  vicaire  n'est 
Il  tenu  ni  à  la  fourniture  ni  à  l'entretien  des  ornements  de  l'église,  b 
Le  vicaire  perpétuel  jouissait  des  terres,  prés,  jardins,  dîmes  en  vin, 
huile,  légumes,  chanvre,  agneaux,  chevreaux,  feuille  de  mûriers,  et 
payait  une  rente  annuelle  au  curé  primitif  résidant  à  Marseille.  Le 
chapitre  de  Carpentras  était  en  corps  curé  primitif  de  la  cathédrale 
et  nommait  deux  curés  amovibles  ou  vicaires,  pour  faire  les  fonctions 
pastorales.  «  Nous  avons  élu,  lisons-uous  dans  le  Liber  A's  conclu- 
a  sionum  capituti,  le  24  avril  1726,  unanimement  M.  Antoine  La- 
Q  baume,  prêtre  bénéficier  de  notre  église,  pour  remplir  les  fônctioui 
«  de  curé  en  remplacement  de  celui  qui  est  décédé.  M.  le  chanoine 
a  administrateur  le  présentera  à  monseigneur  l'évéque  pour  le  prier 
0  de  l'approuver.  »  Nous  trouvons  plus  loin  que  par  suite  de  certaines 
prétentions  exprimées  par  les  deux  curés,  le  chapitre  présenta  contre 
eux  un  mémoire  à  l'évoque,  pour  démontrer  que  les  deux  prêtres 
qui  exerçaient  les  fonctions  curiales  n'étaient  pas  curés,  mais  les 
simples  vicaires  amovibles  du  chapitre,  qui  les  confirmait  tous  leg 
ans,  et  que  le  chapitre  était  seul  curé  depuis  sa  fondation  au  xf  siècle; 
que  chaque  année  ils  se  présentaient  pour  recevoir  la  desserte  de  la 
paroisse  ;  i^ne  le  chapitre  seul  possédait  les  registres  paroissiaux; 
que  lesdits  vicaires  étaient  nourris  en  une  table  commune  avec  les 
raansionnaires  de  l'église;  que  Barbosa  est  formel  là-dessus  lorsqu'il 
dit  :  n  Rector  et  parochus  is  dicitur  qui  suo  nomine  sin:;ulariter,  non 
Q  autem  cum  aliis  ad  regimen  ecclesiae  parochialis  assumitur.  o 

Ces  documents  feront  parfaitement  comprendre  ce  qu'étaient  les 
curés  primitifs,  les  vicaires  perpétuels  et  les  vicaires  amovibles.  Les 
vicaires  perpétuels,  qui  étaient  inamovibles,  se  trouvaient  en  généraJ 
dans  les  paroisses  où  le  curé  primitif  ne  résidait  pas. 

(Dr  André.) 


CHAPITRE  VINGT-SIXIEME. 


DES   CURÉS.    DE    LEUR   DIVINE    ORIGINE.    DE    LEUR    ANCIENNE  JURIDICTION,    DEPUIS   L  .4N    MIL 

JUSQUES   A   PRÉSENT. 


I.  Les  théologiens  de  Paris  tiennent  que   les  curés  sont  de 
droit  divin.  Senlinie nts  el  paroles  de  Gerson. 
1!   Censures  de  la  faculté  de  tliéologie  de  Paris. 
m.  Fondement  de  cette  doctrine  dans  les  Ecritures. 

Tii.  —  Tome  1. 


IV.  Sentiments  d'Alnuliin  et  de  Major. 

V.  Sentiments  de  Pelrus  Aurelius,  que  l'origine  divine  des 
curés  est  réunie  k  celle  de  i'épiscopat.  Preuves  tirées  de  l'E- 
criture. 

31 


^ 


482 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


VI.  Du  pouvoir  qu'avaient  autrefois  les  curés  d'excommunier, 
selon  Jeslliéoloiçiens.  lesdécrélales  des  papes  et  les  conciles. 

VU.  Explication  d'une  décrélale  d'Alexandre  111.  Quand  et  com- 
nienl  ce  imuvoir  est  échappé  aux  curés. 

VIII.  Comment  les  cardinaux  l'ont  conservé. 

IX.  Des  curés  primitifs. 

X.  De  leurs  droits,  et  de  leur  obligation  à  n'avoir  que  des  vi- 
caires perpétuels. 

XI.  De  l'érection  des  nouvelles  cures,  et  du  pouvoir  des  évè- 
ques  pour  leur  faire  avoir  des  revenus  suffisants. 

XII.  l'arlage  nécessaire  des  paroisses  et  des  quartiers,  ou  des 
familles  dans  une  même  ville. 

I.  La  (Jii,fnilé  des  curés  semble  aA'oir  été  por- 
tée jusqu'à  son  comble  par  les  tbéologriens  de 
Paris,  quand  ils  ont  établi  cette  doctrine,  que 
les  curés  étant  les  successeurs  des  septante 
disciples,  composaient  un  second  ordre  de  jiré- 
lats  qui  tenaient  immédiatement  de  J. -G.  l'auto- 
rité d'exercer  les  fondions  hiérarcbiijues,  de 
purifier  par  la  coneclion,  d'éclairer  (lar  la  pré- 
dication et  de  iieilectionner  par  l'administra- 
tion des  sacrements. 

a  Qui  dicuntur  successores  septuaginta  duo- 
rtini  discipulorum,  et  dicuntur  prœlati  secundi 
ordinis,  dignilatis,  vel  honoris,  quales  sunt 
cniati,  (juibusex  statu  et  ordinario  jure  con- 
veniimt  très  aclus  liierarcliici,  i)rimarie,  essen- 
lialiter,  et  immédiate  a  Gliristo  :  (jui  sunt 
pmgare  per  correclionem,  illtiminare  per  do- 
ctrinam  et  praulicalionem,  iierficere  per  sacra- 
mentiinim  minislralionem  (Gerson.,  tom.  i, 
p.  l.'JTj.  i> 

Voilà  les  propres  termes  et  la  doctrine  de 
Gerson  ,  (jui  en  découvre  le  fondement  dans 
rEvaiif^'iJe  même,  oii  il  est  remarquable  (jue 
quand  J.-C.  donne  les  clefs  et  la  souveraine 
autorité,  ce  n'est  i)as  aux  apôtres  seuls,  mais 
aux  septante  disciples  (ju'il  adresse  sa  parole. 
En  effet,  les  Pères  ont  reconnu  que  les  septante 
disci[iles  étaient  aussi  relevés  de  la  (jualité  au- 
j;u.ste  d'aiiùtics.  '<  Se()tuaginta  et  ipsi  apostoli 
nominati  smil,  »  dit  Origène  (Orig.  in  Epist.  ad 
Rom.,  c.  xvi).  Saint  Chrysostome  en  dit  autant: 
<<  Erant  et  alii  apostoli,  ut  septuaginta  (Cliry- 
sost.,  in  I.  (Àirinlli.,  boni,  xxxvui).  « 

II.  Gerson  ajoiilcau  même  endroit  la  doctrine 
di:  la  l'.Hiilli'  même  de  théologie  de  Paris, 
laipiclic,  en  I  SON,  ceiisiiiaiiuelipies  propositions 
fausses  et  léméiaires  d'un  (■ofdelii;r  nommé 
Jean  Corel,  et  l'obligea  de  souscrire  à  ces  deux 
proiiositiiins  (jui  élaienl  comme  le  contre-i)oi- 
son  de  celles  (|u'il  avait  avancées:  «Domini 
ciiiati  sunt  in  ecclesia  minores  pnelati,  <'t  hic- 
r:ucba'  ex  primaria  institiitione  Ghrisli,  (juibus 
competit  ex  statu  jus  pr;edicaiidi,  jus  confes- 
siones  audiendi,  jus  saeramenta  ccclesiastica 


ministrandi,  jus  sepulturas  dandi,  jus  insnper 
décimas  et  alla  jura  parochialia  reeipiendi. 
Item  jus  pra'dicandi  et  confessandi  compelimt 
prœlatis  etcnratis  priucipaliteretessentialiter  : 
et  mendicantibus  de  per  accidens,  ex  privile- 
gio,  etc.  » 

A  cette  censure  on  peut  joindre  celle  de 
l'an  1 120,  contre  un  jacobin  nommé  Jean  Sar- 
razin,  qu'on  obligea  de  souscrire  à  ces  propo- 
sitions. «  Omnes  potestatesjurisdictionis  Eccle- 
sia\  ali;€  a  papali  potestate,  sunt  ab  ipso  Christo, 
([iiantum  ad  instilutionem,  et  collationem  pri- 
mariam  :  a  papa  autem  et  ab  ecclesia  quantum 
ad  limitationem  et  dispensationem  ministeria- 
lem.  llujusmodi  iiotcstates  sunt  de  jure  divino, 
et  immédiate  instituta'  a  Deo.  Ex  textti  Evan- 
gelii  etdoctrina  Apostolorum  habetur  expresse, 
.\postolis  et  discipulis  a  Christo  missis  autorita- 
tem  jurisdictionis  fuisse  coUatam.  Dicere  infe- 
liorum  pradatorum  poteslatem  jurisdictionis, 
sive  sint  episcopi,  sixe  sint  curati,  esse  immé- 
diate a  Deo,  evangelicœ  et  apostolicae  consonat 
veritati.  » 

III.  C'était  donc  la  doctrine  de  la  plus  célèbre 
Université  de  l'Eglise,  que  l'état  et  l'autorité 
des  curés  est  d'institution  divine  et  que  leur 
juridiction  est  émanée  immédiatement  de  J.-C, 
(|ui  donna  sans  doute  une  mission  immédiate 
aux  sc)itante  disciples  qu'il  avait  lui-même 
choisis,  aussi  bien  que  les  ajjôtres,  et  à  qui 
en  les  envoyant,  il  avait  aussi  fait  part  de  sa 
divine  juridiction.  Or,  avant  ces  décrets  des 
théologiens  de  Paris,  et  avant  même  la  nais- 
.sance  de  cette  florissante  Université,  c'était  la 
doctrine  constante  des  conciles  et  des  Pères, 
(jue  les  curés  avaient  succédé  aux  sej^tante  dis- 
ciples comiue  les  évêques  avaient  rem])li  la 
place  des  a|)ôtres. 

Gerson  n"a  jias  oublié  cette  raison  fondamen- 
tale à  laipielle  il  ajoute  encore  celle-ci,  tirée  de 
la  mêmt!  doctrine  des  Pères,  que  les  curés 
suicèdent  aux  lévites  de  la  synagogue  ,  (|ui 
avaient  aussi  une  origine  toute  divine.  «  Slatus 
(iiratorum  succedit  slatui  sejituaginta  duorum 
(iiscii>uloruiu  Christi,  ipioad  kgem  novam,  et 
tlginatus  est  in  anti(jLia  lege  jier  le\ilas.  Ac 
jii'oinde  slatus  curalorum  est  de  institutione 
(Iliristi  et  apostoloruiu  suorum  ,  a  iiriiicipio 
fiuiiialionis  Kcclesiie  (Tom.  i,  p.  191).  » 

Je  dirai  en  passant  ce  que  ce  [lieux  théologien 
enseigne  au  même  endroit  à  la  gloire  des  mêmes 
curés,  que  c'est  vraiment  un  état  de  iierfeclion, 
et  même  d'une  perfection  abondante,   puis- 


DES  CURÉS.  LEUR  ORIGINE  ET  JURIDICTION. 


483 


qu'elle  doit  se  répandre  comme  mie  riclie 
source  sur  tant  d'âmes,  a  Status  curatorum  est 
status  perteclionis  non  tantuni  ac'(|uironda',  sed 
etiam  exercendœ,  cum  sibi  compctat  tam  ol)li- 
gatio  ,  quam  autoritas  reducendi  animas  ad 
Deum,  seeundum  liierarcliicos  aetus,  qui  pur- 
gare,  illuminare,  perlicere  nominantur.  » 

IV.  Almain  et  Major  ont  suivi  de  bien  près 
Gerson.  Voici  les  termes  du  premier.  (|ui  vou- 
drait que  les  curés,  conmie  successeurs  des  sep- 
tante disciples,  qui  furentconvoqués  au  concile 
des  a|)ôtres,  fussent  aussi  appelés  au  concile 
général  de  l'Eglise,  pour  y  avoir  voix  consul- 
tative. «  Multitudinem  discipulorum  convoca- 
verunt  (actuum  G],  ex  quo  sequitiir.  quod  non 
soluinde  statu  episcoporum.  (|ui  Apostolis  suc- 
cedunt,  sunt  vocandi  ad  concilium  ad  liaben- 
dam  vocem  deliberativam  ,  sed  etiam  de  statu 
curatorum,  qui  succedunt  discipulis  (Gerson., 
tom.  I,  p.  700).  » 

Major  s'explique  plus  précisément  en  ces 
termes  :  «  Tam  episcopi ,  quam  curati  sunt  de 
jure  divino,  quemadmodum  Romanus  jiontifex; 
nec  aliquis  prorsus  homo  potest  illud  jus,  et 
illas  potestates  toUere  de  ecclesia  plusquam 
summum  pontiflcatum  ;  licet  Pelrus  Paludanus 
et  Joannes  de  Turrecremata  teneant  oppositum. 
Sed  hoc  quod  ipsi  tenent,  censuil  in  fide  hœre- 
sim  facultas  nostra  (Major,  in  iv,  d.  24,  (}.  3).» 

Le  savant  Petrus  Aurelius  a  fort  bien  remar- 
qué que  le  point  qui  a  été  jugé  hérétique  par 
la  faculté  est  de  dire  que  l'on  puisse  anéantir 
et  abolir  tout  l'épiscopat  de  l'Eglise  (Tom.  i , 
p.  loo). 

V.  Mais  quant  à  l'institution  divine  de  l'état 
des  curés,  le  même  Petrus  Aurelius  a  excel- 
lemment expliqué  le  juste  tempérament  (jue 
nous  pouvons  prendre  d^ns  une  tjuestion  aussi 
délicate ,  et  qui  intéresse  si  fort  les  évè(iues 
mêmes,  pour  conserver  les  sentiments  respec- 
tueux que  nous  devons  avoir  pour  ces  deux 
ordres  tout  divins,  et  pour  la  doctrine  de  la 
plus  célèbre  faculté  de  l'Eglise. 

En  effet,  ce  savant  théologien  faisant  l'apolo- 
gie d'une  censure  des  théologiens  de  Paris  sur 
ces  mêmes  matières,  après  avoir  dit  que  c'est 
une  doctrine  très  -  probable  de  dire  que  les 
curés sontd'instilution divine,  «Si  parochorum 
munus  divina^  institulionis  est,  ijuod  certe 
probabilissinuim  est,  etc.  ^Petrus  Aurel.,  tom. 
II,  p.  225),  »  il  dit  qu'au  moins  il  faut  reconnaître 
(]iie  l'état  des  curés  est  d'une  institution  et 
d'une  origine  divine, entant  qu'il  est  renfermé 


dans  l'épiscopat,  comme  dans  la  source  et  la 
])lonilude  du  sacerdoce,  de  kupielle  l'état  des 
curés  est  comme  un  ruisseau  émané  d'une 
fontaine  qui  coule  et  (pii  se  répand  toujours 
sans  aucune  diminution,  de  même  que  le  divin 
Esprit  fut  connnuiii(pié  aux  soixante-et-dix 
coaiijuteurs  que  Dieu  donna  à  Moïse,  sans  que 
Moïse  perdît  rien  de  sa  plénitude.  Or,  comme 
la  source  et  les  ruisseaux  sont  d'une  même 
nature,  ainsi  l'autorité  et  la  juridiction  des 
évèques  et  des  curés  est  la  même  et  est  toute 
divine,  parce  que  c'est  la  même  que  celle  du 
Fils  de  Dieu. 

«  Parochorum  officium  si  minus  institutionis 
divincT  seorsum  in  se  est,  at  est  in  episcopo; 
quia  in  episcopo  inchisuni  a  Cliristo  est ,  ut  in 
fonte  ac  plenitudine  ecclesiasticœ  et  hierar- 
chicre  potestatis,  cujus  parochialis  potestas  est 
decidua  pars,  ab  episcopo  in  parocluini,  ut  a 
fonte  in  rivum  transfusa,  sine  detrimento  ta- 
men  aut  imminutione ,  eo  modo  quo  res  spiri- 
tuales  transfunduntur  et  commiinicantur.  ut  e 
septuaginta  senioribus  .Moysis  spiritu  imbutis, 
illibata  Moysis  plenitudine,  facile  inlelligilur, 
etc.  De  potestate  jurisdictionis  agimus,  etc. 
Ministrorum  potestas  sic  ab  episcopo  tluens, 
divinœ  est ,  non  human;e  institutionis,  quia 
eadem  rivi  est,  qua;  fontis  natura,  eadem  vis 
causa?  principalis  et  instrument!,  eadem  mi- 
nistrorum regiorum  et  régis  potestas ,  quae 
comparatio  est  sancti  Thomœ.  » 

Ce  n'est  pas  sans  raison  que  ce  théologien 
appuie  une  doctrine  si  avantageuse  à  l'état  des 
curés  sur  l'autorité  de  saint  Thomas,  qui  les 
regarde  comme  le  second  ordre  des  princes  de 
l'Eglise  et  comme  remplissant  la  place  des 
septante  disciples  à  qui  J.-C.  même  communi- 
qua la  mission  et  la  juridiction  dont  il  honorait 
les  apôtres.  «  Ideo  baptizare  pertinet  ad  mino- 
res principes  Ecclesia' ,  id  est,  ad  presbyteros, 
qui  tenent  locum  septuaginta  duorum  discipu- 
lorum Cliristi  ;  ut  dicit  Glossa  Lucaî  10  (S.  Tho- 
mas ,  ;J ,  p.  q.  G"  ;  art.  -2,  ad.  -2  et  i,  2 ,  q.  188, 
art.  4  .  » 

L'autre  comparaison  des  soixante-et-douze 
vieillards  qui  reçurent  une  portion  de  res])rit 
et  (kl  pouvoir  céleste  de  Moïse  peut  avoir  été 
empruntée  du  savant  Fulbert,  évêque  de  Char- 
tres, dont  voici  les  paroles  : 

«  Moyses  dux  poi)uli  secundis  adjutoribus 
septuaginta  viris  de  eodem  populo  sustentaba- 
tur.  perquos  forma  prcsbyterorum  exprimitur. 
(jui   nunc   in   Ecclesia    novissima    ponlilicale 


481 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


omis  in  se  siiscipientes,  regendis  populis  invi- 
frilaiit.  Porro  sviiiiens  de  spiritii  lloysis  illis 
septun^nnta  seiiiorihiis  dédit,  per  qnos  popu- 
lum  sibi  coinniissum  i)er  quadraginta  annos 
jndiea\il,  quia  dii\  iiosler  Dominus-lesus  Cliii- 
stus  disci|(iiiis  fiuos  ad  iira'dic:di(inis  olficiiiin 
missurus  erat  in  niundnm.  spiritalium  dona 
cliarisniatnm  infiidit  Fulbert.,  epist.  n).  » 

Ce  pieux  prélat  ajoute  excellemment  que, 
selon  la  coutume  de  son  Eglise  et  de  i)lu5ieurs 
autres  Eglises  voisines,  Févcque  donnait  à  tous 
ceux  qu'il  ordonnait  prêtres  une  hostie  consa- 
crée, afin  ([u'ils  en  consumassent  ime  portion 
chaque  jour  durant  les  quarante  jours  qui  sui- 
vaient leur  ordination,  pour  leur  marquer  par 
cette  coiumunion  du  eorpsde.l.-C.lacomnuuii- 

■  cation  de  rEs[>rit  divin  du  même  Fils  de  Dieu, 
dont  il  les  avait  rendus  participants.  «  Cibum 
Doiuinicum  [lontifex  novis  EcclesiiC  cultoribus 

■  distribuit,  (|U()S  su;e  pasturalis  cur;e  vicarios 
adjutores  ad  erudiendam  plebeni  sibi  coinmis- 
sam  constituit,  etc.  » 

VI.  Je  passe  au  iiouvoird'excomnnuiier,  ([vii 
est  une  des  plus  évidentes  preuves  de  la  juri- 
diction dont  les  curés  ont  joui  durant  plusieurs 
siècles.  Saint  Tlionias  reconnaît  lui-même  que 
les  curés  avaient  encore  ce  pouvoir  en  certains 
cas,  non-seulement  i)ar  une  commission  ])arti- 
culière  des  évê(pies,  mais  jjar  leur  autorité  or- 
dinaire, et  (|u'il  \  a  des  théologiens  (jiii  le 
leur  accordaient  encore  sans  restriction. 

«  Soli  episcopi  propria  autoritatc,  et  majores 
pr;elati,  secundum  connnuniorem  oiiinionem, 

■  possunt  excomnnmicare.  Sed  |iresb\leri  jiaro- 
chiaks  iionnisi  ex  commissione  eis  facta,  vel 
in  certis  casibus.  sicut  in  furto,  et  rapina,  et 
hujusniudi,  in  ipiibus  est  eis  a  jure  concessum, 
(pioil  exconununicare  possint.  Alii  autemdixe- 
runt,  i|uod  cliam  sacerdotes  parochiales  jiossimt 
exconununicare.  Sed   lua'dieta  opinio  est  ra- 

•   tionabilior    (S.  Thomas   su|ipli nient.,  q.  ii, 

■  art.  I  j.  » 

Si  nous  reprenons  la  chose  de  |ilus  haut  , 
nous  trouverons  unt;  bien  plus  grande  éten- 
due de  pouvoir  dans  les  curés  pour  frafiper  de 
rexcommunication,  non-seulement  les  laïqu(  s, 
mais  aussi  les  clercs  de  leur  dépenilance. 

Le  pa|)e  Alexandie  lll  manda  a  levêque  de 
Florence  île  l'aire  respecter  les  cxcommunica- 
li(iMScllesin(erdilsdesescur(''Sipian(l  la  canscen 
était  juste  et  ciuoniiiue.  u  Mandaunis,  (|uatenus 

■  si  ipiiuidii  |ilrlKuius  saiicli  l'etii  in  clericos  vel 
laieos  païa'iianus  sues  interdicii,  vel  exconi- 


municationis  sententiam  rationabiliter  tulerit, 
ipsani  facias  inviolabiliter  observari,  et  eam 
sine  congrua  satisfactione,  et  abs(jue  ejusdem 
plebani  conscientia  non  relaxes.  » 

Cet  évc(|ue  avait  apparemment  quelque  rc- 
])ugnance  à  soutenir  ces  censures  fulminées 
par  ses  curés  (C.  CumabEcclesiarum.  DeOfficio 
ordinaiii  ).  Le  pape  ne  fait  pas  un  nouveau 
droit,  mais  il  coufirnie  celui  (|ui  avait  cours  et 
il  maintient  le  pouvoir  des  ciu'és. 

Le  pape  Honoré  III  oblige  les  prêtres  et  tous 
les  clercs  des  chapelles  qui  relèvent  d'une  pa- 
roisse de  déférer  respectueusement  aux  sen- 
tences d'exconuiiunication  ,  d'interdit  et  de 
sus|)ension  que  le  curé  ou  prêtre  cardinal  de 
la  paroisse  pourra  lancer  sur  eux  ou  sur  leurs 
églises.  Il  Correctionem  ipsius  cardinalis  reci- 
pientes  humiliter,  et  excommimicalionis,  in- 
ti'rdicti,  suspensionis  sentenlias,  quas  tulerit 
in  eos,  et  Ecclesias  eorunidem,  inviolabiliter 
observantes  (C.  His  (jua\  De  Majoritate  et  Obe- 
dientia).  » 

Ces  décrétâtes  font  encore  partie  du  droit 
canonique  nouveau.  Le  concile  de  Limoges, 
en  lu:Jl  ,  avait  reconnu  le  même  pouvoir  des 
curés,  mais  il  avait  resserré  leurs  exconununi- 
calions  aux  crimes  occultes,  réservant  ceux  qui 
sont  publics  aux  évêques  :  ce  (|ui  était  ne  per- 
luettre  aux  curés  que  la  juridiction  intérieure 
du  tribunal  de  la  Pénitence.  «  Presbyteri  de 
ignotis  causis,  e|)iscopi  de  notis  exconununi- 
care est  (Conc,  tom.  ix,  p.  902).  » 

C'est  justement  ce  que  Ratbérius,  évêcpie  de 
Vérone  ,  mandait  à  ses  curés  dans  sa  lettre  sy- 
nodale :  «  De  occultis  peccatis  pœnitenliam 
vos  (lare  posse  scitote  ;  de  imblicis  ad  nos  réfé- 
rendum agnoscite  (Ibidem,  ]>ag.  1274).  »  C'é- 
tait en  effet  la  pratique  constante  de  l'Eglise 
depuis  plusieurs  siècles  que  le  droit  d'imposer 
les  pénitences  publiques  était  réservé  aux 
évc(}ues. 

11  y  a  donc  sujet  de  s'étonner  comment  ce 
|i(iuvoir  d'excommunier,  ce  qui  ne  se  peut  que 
]ioi*ir  des  crimes  publics ,  était  enfin  tombé 
entre  les  mains  des  curés. 

Ils  en  jouissaient  dans  la  France  même, 
connue  il  paraît  par  une  lettre  du  pape 
.\kxandre  111  (|ui  fut  écrite  à  l'occasion  d'une 
excommunication  témérairement  lancée  par  le 
curé  (lu  fauboiu-g  de  Reims,  sur  des  écoliers 
(]ui  s'étaient  dduné  une  sainte  liberté  de  re- 
])rendie  ses  divertissements  scandaleux.  Le 
pape  loue  rarebevcque  d'avoir   relâché  cette 


DES  CURÉS.  LEUR  ORIGINE  ET  JURIDICTION. 


485 


exconimiiiiication  coninic  portée  coiitri'  Imites 
les  règles  et  alisoliinionl  insoutenable.  «  Absijue 
conscicntia  lUMiiensis  arcliicpiscopi  et  oflieia- 
linm  siiorum,  in  ipsos,  non  ci'atos,  née  con- 
fesses exconiiniinicationis  senlenfiain  [iromul- 
gavit,  quam  idem  archiepiscopus  fecit ,  proiit 
debuit,  relaxari  ;Conc.,  tom.  x,  p.  128.'i  .  » 

Comme  cenx  iiui  favorisaient  la  juridiction 
des  curés  ne  mancjuaient  pas  de  preuves,  aussi 
ceux  qui  la  leur  disputaient  ou  qui  la  bornaient 
dans  les  limites  que  nous  avons  remari|uées 
avec  saint  Tbomas,  soutenaient  leur  sentiment 
par  des  autorités  et  des  raisons  qui  n'étaient 
pas  de  moindre  poids. 

Le  concile  de  Tours,  en  1239  (Can.  v),  défen- 
dit aux  prêtres  des  paroisses  d"user  du  glaive 
de  l'excommimicalion  si  ce  n'était  par  la  délé- 
gation du  prélat  :  «  Interdicimus  universis 
presbyteris  Ecclesiaruni  parocliialium,  ut  pro 
jure  suo  vel  Ecclesiœ  suœ  in  spiritaii,  paro- 
chianos  suos  autoritate  propria  excomnumi- 
care  présumant.  Quod  si  fecerint ,  sententiam 
decernimus  esse  nuUam.  »  Comme  ce  canon 
ne  regarde  que  les  prêtres  ([ui  sont  comme  les 
aides  et  les  coopéraleurs  des  curés  dans  une 
môme  paroisse  ,  le  suivant  regarde  les  curés 
même  en  personne.  «  Quod  redores,  seu  curati 
parocliialium  Ecclesiarum  ,  parocliianos  suos 
autoritate  propria  excommunicare  non  pos- 
sunt  pro  jure  suo  (Can,  vi).  » 

Il  faut  néanmoins  avouer  (|u'on  peut  dire, 
avec  toute  la  vraisemblance  possible,  ([ue  ces 
canons  défendent  seulement  aux  curés  et  aux 
prêtres  de  paroisse  d'excommunier  leurs  pa- 
roissiens pour  leurs  [irojires  intérêts,  «  (iro 
jure  suo,  vel  Ecclesia^  suœ  in  spiritaii.  »  Il  était 
à  craindre  que  la  passion  et  l'intérêt  ne  se 
couvrissent  de  lapparence  trompeuse  du  zèle. 
On  inférerait  donc  i)lutot  de  là  que  bors  de  cette 
conjoncture  délicate  ils  pouvaient  .  de  leur 
propre  autorité,  décerner  des  excommunica- 
tions. Mais  si  ce  pouvoir  est  donné  au  curé, 
l'accordera-t-on  aussi  aux  autres  prêtres,  ou 
chapelains  ,  qui  travaillent  sous  ses  ordres 
dans  sa  cure?  C'est  pourtant  d'eux  (\ue  parle  le 
premier  de  ces  canons. 

Le  synode  de  Nîmes,  en  1284  (Conc,  tom.  i, 
part.  I,  p.  122i  ,  sup])Ose  que  les  curés  et  tous 
les  jirétres  mêmes  de  la  paroisse  peuvent  inter- 
dire aux  paroissiens  l'entrée  de  l'église  sans 
la  permission  particulière  de  l'évêque.  «  Quia 
diximus,  quod  sacerdotes  et  rectores  Ecclesia- 
rum possunt  proferre  sententiam  interdicti , 


attendant,  <[uod  sive  nnndato  uostro,  sive  au- 
toritate i)n)pria  sententiam  interdicti  proferre 
xoluerint,  ijisam  in  scriptis  |)roferanl  in  liiinc 
modiim  ;  cum  ego  rector  vel  capellanus  talis 
Ecclesiœ,  etc.  » 

Le  synode  d'Exeter,  en  12S7  ;Conc.  Angl., 
tom.  Il,  pag.  38i),  permit  aux  curés  et  h  tous 
leurs  vicaires  ou  coadjuteurs,  non  seulement 
d'interdire  ,  mais  aussi  d'excommunier  tous 
ceux  qui  retenaient  ou  les  dîmes  ,  ou  les 
offrandes  ,  ou  les  autres  droits  dont  il  était 
notoire  «lue  l'Eglise  était  dans  une  légitime 
possession.  «  Licebit  Ecclesiaruni  recloribus, 
vicariis  et  parocbiarum  capellanis,  pro  mortua- 
riis,decimis,  ublationibus,  et  instaure  Eccle.*iîC, 
et  aliis  juribus  Ecclesiœ  suœ  injuste  detentis, 
in  quorum  possessione  notorium  est  suas  Ec- 
clesias  extitisse;  i)er  semetipsos.  Irina  tamen 
monilione  pi  a-missa ,  nominatim  suspendere 
et  excommunicare  detentores,  cum  inboc  casu 
non  injuriam  suam  ,  nec  sibi  debitum  ,  sed 
Ecclesiœ  suœjwtius  prosequi  videantur.  » 

VIL  Les  canonistes  nouveaux  ont  jugé  que 
le  curé  dont  parle  le  pape  Alexandre  111 ,  dans 
le  chapitre  Cion  ah  ecclesiarum  ,  ci-dessus 
rapporté,  n'avait  juridiction  contentieuse  que 
parce  que  le  privilège  ou  la  coutume  la  lui  avait 
acipiise  Fagnan.,  in  I.  i  décret.,  part,  n,  pag. 
435;  ;  mais  il  y  a  un  juste  sujet  de  se  défier  que 
ce  ne  soit  une  défaite  sans  fondement  et  sans 
preuve.  11  y  a  bien  plus  de  sincérité  à  avouer 
franchement  que  les  curés  ont  été  pendant  un 
temps  considérable  en  possession  de  la  juridic- 
tion contentieuse  ,  et  qu'enfin  elle  leur  est 
échappée .  ce  «lui  n'a  fait  ([ue  les  réduire  au 
premier  état  où  ils  avaient  été  dans  les  pre- 
miers siècles. 

En  effet,  nous  avons  fait  voir  ci-dessus,  que 
l'administration  de  la  pénitence  publique  et  de 
la  juridiction  externe  était  tellement  réservée 
aux  évoques,  que  dans  tous  les  canons  et  dans 
tous  les  décrets  anciens,  la  réconciliation  des 
pénitents  est  mise  au  même  rang  que  la  con- 
sécration des  autels  et  des  vierges,  et  l'ordina- 
tion des  clercs,  c'est-à-dire  entre  les  fondions 
qui  sont  propres  et  particulières  aux  évêques. 

Lorscjue  les  archidiacres ,  les  doyens  ruraux 
et  tant  d'autres  prélats  inférieurs  se  donnèrent 
une  juridiction  ordinaire,  n'en  ayant  eu  aupa- 
ravant que  par  des  délégations  extraordin.iires, 
et  qu'ils  créèrent  des  offlciaiix  dans  la  ville  it 
à  la  campagne,  i!  est  vraisemblable  que  les 
curés  prirent  eu  même  teuiiu  la  même  liberté, 


486 


DU  SECOiND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SIXIÈME. 


se  fondant  ou  sur  la  négligence,  ou  sur  le  con- 
senlenienl  tacite  des  évèques. 

Si  le  silence  et  la  tolérance  des  évèques  don- 
nèrent lieu ,  vers  l'an  mil,  à  la  création  do  tant 
d'officiaux  de  chaque  arcliidiacre,  et  dus  doyens 
ruraux,  pourquoi  ne  croirons-nous  pas  que  les 
curés  prirent  aussi  quelque  part  à  ce  démem- 
brement de  la  juridiction  épiscopale  ?  .\ussi  en 
même  temps  que  les  évèques  opposèrent  leurs 
officiaux  et  leurs  grands-vicaires  à  cette  licen- 
cieuse multi]ilication  de  prélats  subalternes  et 
de  leurs  officiaux,  et  par  ce  moyen  firent  ren- 
trer tous  les  ruisseaux  dans  la  source  primi- 
tive de  la  juridiction  ;  en  même  temps  les  curés 
virent  disparaître  leur  juridiction  contenlieuse, 
dont  il  resta  peu  de  vestiges  aiirès  l'an  mil  trois 
cent. 

C'eût  été  une  défaite  bien  plus  apparente  de 
dire  que  le  curé  dont  il  est  parlé  dans  ce  cha- 
pitre Cum  ab  Ecclesiariim^  n'était  jias  un  sim- 
ple curé,  mais  un  archiprètre  ayant  plusieurs 
prêtres  sous  sa  conduite ,  et  c'est  pour  cela 
qu'il  est  appelé  plebanus.  Ce  sont  de  ceux 
qu'on  ajipelait  prêtres  cardinaux,  comme  étant 
curés  en  chef,  et  présidant  à  une  communauté 
de  prêtres  et  d'ecclésiastiques ,  sur  qui  ils 
exerçaient  un  petit  empire,  et  de  qui  ils  rece- 
vaient un  serment  ou  une  promesse  d'obéis- 
sance. 

Arnauld  de  Bresse  avait  porté  jusqucs  dans 
Rome  l'esprit  contagieux  du  schisme,  et  y  avait 
fait  révolter  tous  ces  prêtres  contre  leur  archi- 
prètre. 

Le  pape  Eugène  III  (Epistol.  iv,  v,  Conc, 
tom.  V,  pag.  lOiO),  écrivit  au  clergé  de  Rome, 
et  à  l'archiprétrc  de  Saint-Marc,  pour  établir 
l'unité  dans  toutes  ces  Eglises  particulières,  et 
pour  obliger  ces  chapelains  de  faire  profession 
d'obéissance  à  leur  prêtre  cardnial,  selon  l'an- 
cienne coutume.  «  Hoc  effecit  humani  generis 
inimicus  ]ier  Arnaldum  schismaticum  ipiasi 
[ler  membrum  proprium,  ut  (juidaui  cajullaiii 
imitatem  Ecclesiac  dividentes,  cardinalibus  at- 
(|ue  archipresbyteris  suis  obodientiam  et  rcve- 
rcntiam  |iromiltere  etexbibcre  dcbitam  contra- 
dicant,  etc.  Mandamus  ut  secundum  anli([uam 
et  rationabilem  consuctudinem  vostric  Eccle- 
si;c  obedientiam  promittere  nuUatenus  contra- 
dicnnt,  etc.  » 

Ces  lettres  font  foi  que  ce  n'étaient  pas  seu- 
lement les  prêtres  inférieurs  de  la  même  pa- 
roisse, mais  aussi  ceux  des  chapelles  qui  en 
relevaient ,  (lui  devaient  faire  cette  profession 


d'obéissance  à  leur  archiprètre.  A  moins  de 
cela  il  pouvait  prononcer  contre  eux  une  sen- 
tence canonique.  Ainsi  ces  archiprêtres  exer- 
çaient une  juridiction  contenlieuse.  «  Si  ve- 
slris  monitis  super  hoc  obedire  contempserit, 
sententiam  quam  in  ipsum  et  pricfatam  Eccle- 
siam  de  Pinea  juste  luleritis,  nos  autore  Dec 
ratam  liabebimus.  » 

Le  pape  Honoré  III,  trouvant  que  cette  sen- 
tence de  son  prédécesseur  avait  été  mal  obser- 
vée, ordonna  de  nouveau  que  les  prêtres  et  les 
clercs  des  chapelles  qui  relevaient  du  prêtre 
cardinal  de  Saint-Laurent  lui  rendraient  obéis- 
sance, et  pourraient  être  par  lui  soumis  aux 
]iL'ines  canoniques  de  l'interdit,  de  la  suspen- 
sion et  de  l'excommunication.  «  Manualem 
obedientiam  ,  reverentiam  et  honorificentiani 
omneniexhibeant,etcorrectionemipsiushumi- 
liter  recipientes,  excommunicationis,  interdicti, 
vel  suspensionis  sententias,quas  tulerit  in  eos, 
et  Ecclesias  eorunidtm  ,  inviolabiliter  obser- 
vantes (C.  His  qua\  De  majoritate  et  obedien- 
tia).  »  Ce  pape  se  réserve  la  fulmination  de  ces 
censures  (juand  l'église  de  Saint-Laurent  sera 
vacante. 

Voilà  sans  doute  des  curés  qui  exercent  une 
juridiction  contenlieuse.  On  pourrait  penser  la 
même  chose  de  ceux  dont  [)arle  Roniface  VIII, 
et  qui  avaient  plusieurs  chapelains  sous  leur 
puissance,  a  Nisi  e;pdem  ecclesia^  fuerint  ple- 
bania>,  sub  se  capellas  habentes,  in  quibus 
instituanturclerici  perpetui,  netiuentesab  ipsis 
absque  rationabili  causa  amoveri  (C.  Stalu- 
tum.  In  sexto.  Ne  clerici  vel  Mon.).  »  Comme  ces 
chapelains  n'étaient  pas  amovibles  au  gré  du 
curé  iirimitif,  il  pouvait  apparemment  leur 
faire  leur  procès. 

Vlfl.  Maisje  reviens  aux  prêlres  cardinaux 
de  Rome,  qui  n'étant  que  les  curés  primitifs 
des  titres,  ou  des  paroisses,  sont  en  possession 
de  la  juridiction  épiscopale,  dans  leurs  titres 
et  dans  les  chapelles  qui  en  dépendent.  Ce 
droit  est  fondé  sur  le  chapitre  His  quœ,  dont 
nous  venons  de  parler.  La  congrégation  du 
concile  l'a  confirmé.  (Fagnan.,  in  1.  i,  jiart.  n. 
Décret.,  pag.  504).  Sixte  V,  en  d.->S",  donna  la 
même  juridiction  comme  épiscopale  aux  dia- 
cres cardinaux;  et  jiar  conpé(iuent  le  pouvoir 
de  visiter,  d'interdire  et  d'excomnujnier. 

L'origine  dt;  ce  droit  ne  vient  pas  précisé- 
ment du  cardinalat,  mais  de  la  qualité  de  curé, 
et  de  curé  |irimitif,  dominant  sur  plusieurs 
prêtres  et  sur  plusieurs  chapelles.  La  communi- 


DES  CURES.  LEI'R  oniClNE  ET  JURIDICTION. 


487 


cation  de  ce  droit  .aux  diacres  pourrait  l)ieii 
venir  du  cardinalat,  dont  on  a  \oulu  rendre 
les  avantaf,'!  s  connnuns  à  tous  les  membres 
du  sacré  coliéf;e.  Mais  il  se  pourrait  l'aire  ipie 
caserait  aussi  un  reste  de  l'ancienne  juridic- 
tion des  diacres,  ou  des  archidiacres.  Ainsi  le 
sini;ulier  avanta^'e  des  cardinaux  aurait  été  de 
s'être  conservés  dans  la  possession  de  la  juri- 
diction dont  les  curés  ont  joui  durant  quel- 
ques siècles,  et  dont  les  autres  curés  ont  été 
enfin  dépouillés. 

Si  cette  juridiction  est  appelée  |iar  les  ca- 
nonistes  épiscoiiale,  ou  comme  épiscopale, 
c'est  parce  qu'ayant  élé  éteinte  dans  tous  les 
autres  curés  de  l'Eglise,  el  ne  brillant  presque 
plus  que  dans  les  évèques,  on  s'est  persuadé 
qu'elle  avait  été  accordée  aux  cardinaux  , 
comme  une  participation  de  l'épiscopat. 

On  ne  peut  aussi  nier  que  toute  juridiction 
ne  soit  ou  épiscopale  ou  comme  épiscopale, 
puisque  la  source  et  la  plénitude  de  la  juridic- 
tion est  dans  l'épiscopat,  et  c'est  de  celte  fon- 
taine que  les  anciens  curés  empruntèrent  la  juri- 
diction dont  il  n'est  demeuré  que  ces  restes 
mémorables  dans  l'Eglise  de  Rome. 

IX.  Nous  avons  parlé  ailleurs  des  curés 
primitifs,  outre  ceux  (jui  ont  été  les  ]dus 
ordinaires  dans  les  chapitres  ou  dans  les  mo- 
nastères auxquels  les  cures  furent  souvent 
données  |>our  leur  dotation,  ou  pour  augmen- 
tation de  dot. 

Le  pape  Alexandre  III  nous  en  fait  remar- 
quer une  autre  espèce  bien  plus  naturelle  dans 
la  décrétale  Ad  audientiam.  De  œdficaitdis 
ecclesiis.  C'est  lorsqu'une  cure  est  trop  éten- 
due et  les  écarts  trop  éloignés  de  l'église  pa- 
roissiale. L'évèque  peut  y  faire  bâtir  une  se- 
conde église  et  y  mettre  un  curé,  qui  sera 
présenté  par  l'ancien  curé  :  «  Ad  pra^senta- 
tionem  rectoris  eccksiœ  majoris,  »  avec  l'a- 
grément des  fondateurs:  «  Cum  canonico  fun- 
datoris  assensu.  »  L'évèque  assignera  une 
portion  des  fonds  au  nouveau  curé  :  «  Obven- 
tiones  ecclesia?ticas  percepturum  ;  »  il  réser- 
vera les  droits  lionorifi(}ues  à  l'ancien  curé  : 
M  Providens  tamen  ,  ut  compelens  in  ea  honor 
pro  facullate  loci  eccle«i;e  matrici  servetur.  » 
Enfin,  quelque  résistance  que  lasse  l'ancien 
curé,  préférant  ses  intérêts  à  ceux  de  l'Eglise, 
l'évèque  passera  oulie.  «Tu  nihilominus  facias 
idem  opus  ad  perfeclionem  deduci.  »  Les 
chapitres  suivants  des  vicaires  regardent  aussi 
les  curés  primitifs. 


X.  .Mais  il  ne  faut  pas  omettre  la  déclaration 
du  roi  Louis  XIII,  en  l(>2i),  article|!l2,  qui 
porte  ijue  «  les  cures  (jui  sont  à  présent  unies 
aux  abbayes,  prieiu'és,  églises  catliédrales  ou 
collégiales,  seront  dorénavant  tenues  à  part,  et 
à  titre  de  vicaire  pirpétuel,  sans  qu'à  l'avenir 
lesdites  Eglises  puissent  iirétendre  sur  icelks 
cures  autres  droits  ([u'iionoraires  (Mémoires  du 
clergé,  tom.  c,  p.  -201).  » 

La  déclaration  du  roi  Louis  XIV,  en  l(j,V.), 
article  20,  porte  tpie  «  les  archevêques  et  évè- 
ques ordonneront  aux  abbés,  prieurs,  cha- 
pitres et  autres  ecclésia.-tiques,  qui  jouissent 
des  droits  des  curés  primilifs.  es  jiaroisses  qui 
sont  desservies  par  curés  amovibles,  de  leur 
nonuuer  dans  certains  temps  des  prêtres  de 
la  (jualité  reiiuise ,  jiour  être  par  eux  insti- 
tués vicaires  perpétuels.  » 

Ces  ordonnancessont  entièrement  conformes 
à  la  décrétale  (jue  nous  venons  de  rapporter, 
et  elles  furent  faites  à  la  demande  du  clergé. 
Les  assemblées  du  clergé,  en  1G2.'),  1633  et 
lOi.'j,  s'expliquèrent  sur  ces  droits  honoraires 
des  curés  primitifs,  auxquels  elles  défendirent 
d'exercer  aucune  fonction  curiale,  de  prêcher, 
confesser,  administrer  les  sacrements,  et  pu- 
blier des  bans,  s'ils  n'étaient  approuvés  par  le 
diocésain  :  si  premièrement  ils  n'ont  été  pour 
cet  elTet  approuvés  par  l'évèque,  ou  par  sou 
grand-vicaire. 

XL  Le  concile  de  Trente  (Sess.  xxi,  c.  4,  .">. 
Sess.  XXIV,  c.  13),  se  conformant  à  la  décrétale 
Ad  audientiam  d'Alexandre  111 ,  a  conlirmé 
aux  évèques  le  pouvoir  d'ériger  de  nou- 
velles cures,  où  ils  les  jugeront  nécessaires, 
même  sans  le  consentement  des  anciens  curés, 
et  de  leur  assigner  un  revenu,  soit  en  parta- 
geant le  revenu  ancien,  soit  en  obligeant  les 
paroissiens  d'y  contribuer,  soit  en  unissant 
d'autres  cures,  ou  d'autres  bénéfices. 

Le  jiape  Célestin  111,  dans  le  cha[utre  Sicut. 
De  cxcessi/ms  Prœlatorum ,  dit  excellemment 
que  comme  l'union  des  évêchés  est  réservée 
au  ]>ape,  aussi  l'union  des  cures  est  du  droit 
des  évèques.  «  Sicut  nuire  episcopatus,  atque 
poteslati  subjicere  alien;e  ad  summum  ponti- 
licem  pertinere  dignoscitur  ;  ita  episcopi  et 
ecelesiarum  suœ  diœcesis  unio  et  subjectio 
earumdem.  » 

L'article  IG  de  l'ordonnance  d'Orléans,  les 
22  el  23  de  celle  de  Blois,  et  le  27  de  celle  de 
Melun  autorisèrent  ce  pouvoir  des  évèques. 
Le  IS  de  celle  de  lan  IGOd,  et  le  11  de  celle 


488 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SEPTIÈME. 


de  1629,  confirmèrent  le  même  droit,  sans 
excepter  les  bénétices  réguliers,  pourvu  que 
ce  ne  fussent  pas  les  offices  claustraux. 

XII.  Le  même  concile  de  Trente  (Sess.  xxiv, 
c.  13)  a  ordonné  ([ue  dans  les  villes  et  les  lieux 
où  il  n'y  avait  point  de  paroisses,  l'évcqucy  en 
établira,  et  dans  les  lieux  oii  il  y  en  a  plusieurs, 
mais  sans  aucun  partage,  en  sorte  que  tous  les 
curés  peuvent  indifféremment  administrer  les 
sacrements  à  tous  ceux  qui  les  demandent , 
l'évêque  fera  les  partages  ,  et  assignera  à 
cbaciiie  curé  sa  portion  du  troupeau,  auquel 
seul  il  i)0urra  licitement  administrer  les  sacre- 
ments. 

a  Mandat  sancta  synodusepiscopis,  protutiori 


animarum  eis  commissarum  salute  ,  ut  di- 
stiucto  populo  in  cerlas  dislinctasqne  parocliias, 
unicuiiiue  perpetiuim  suum  iieculiaremqiie 
parocbum  assignent,  qui  eas  cognoscerevaleat, 
et  a  quo  solo  licite  sacramenta  suscipiant  :  aut 
alio  utilinri  modo,  prout  loci  qualitas.  excgerit, 
provideant.  » 

La  congrégation  du  concile  déclara  à  l'évêque 
d'A(iuila  en  Italie,  en  l'an  1578,  que  ce  décret 
du  concile  .n'apportait  aucun  cliangemenl  à  la 
police  de  sa  ville,  où  les  cures  n'étaient  pas 
l)arlMgées  ]iar  rues  et  par  quartiers,  mais  par 
fauiilies  ;  parce  qu'il  sutlit  que  chaque  famille 
ait  son  propre  pasteur  (Barbosa,  de  Offic.  Parce., 
part.  I,  c.  I,  n.  24)  (1). 


(1)  Le  concordat  français   de  1802  porte  :    .  Art.  9.   Les  évéques 

•  feront  une  nouvelle  circonscription  des  paroisses  de  leurs  diocèses, 
o  iiui  n'aura  d'effet  que  d'après  le  consentement  du  gouvernen-.ent. 
.  Art.  10.  Les  évéques  nommeront  aux  cures.  Leur  choix  ne  pourra 
t  tomber  que  sur  des  personnes  agréés  par  le  gouvernement. 
-  Art.  11.  Le  gouvernement  assurera  un  traitement  convenable  aux 
0  évéques  et  aux  rurés  dont  les  diocèses  et  les  paroisses  seront  com- 

•  pris  dans  la  circonscription  nouvelle.  »  Pourquoi,  contrairemeut  à 
ces  arlules  bien  clairs  du  concordat,  le  ministère  pastoral  en  France 
est-il  constitué  en  dehors  des  lois  de  l'Eglise,  et  comme  on  ne  le 
trouve  nulle  part  dans  l'univers  catholique  ?  Nous  sommes  obligé  de 
renvoyer  les  lecteurs  au  livre  spécial  que  nous  avons  publié  en  18G1 
sous  ce  litre  :  Les  lois  de  l'Eglise  sur  la  nominalion,  la  mutation 
et  la  réuoration  des  curés.  —  Silunlion  anormale  de  l'Eglise  de 
France.  Nous  avons  prouvé  qu'en  France,  comme  partout  ailleurs, 
la  nomination  aux  cures  doit  se  faire  par  voie  de  concours,  selon  les 
prescriptions  du  concile  de  Trente  ;  que  Pie  IX  a  rigoureusement 
prescrit  ce  mode  de  nomination  dans  tous  ses  concordats,  Autriche, 


Espagne,  Amérique  méridionale  ;  que  l'Eglise  de  France  n'a  aucun 
droit  de  se  mettre  contre  le  droit  universel  et  imprescriptible  ;  qu'en 
France,  comme  partout  ailleurs,  tous  les  curés  sont  inamovibles,  et 
qu'ils  ne  peuvent  être  changés  ou  révoqués  que  pour  des  griefs  prévus 
dans  les  saints  canons  et  après  des  débats  contradictoires  j  que  l'état 
des  choses  en  France  a  mis  le  ministère  pastoral  à  la  merci  de  la 
bureaucratie  civile,  et  menace  la  religion  d'une  perte  inévitable  si 
un  prompt  remède  n'est  apporté  à  un  si  grand  mal.  Nous  avons  ap- 
puyé notre  thèse  sur  des  documents  de  la  pins  haute  importance. 
Nous  avons  hâte  de  dire  que  notre  livre,  qui  a  cauï.é  une  profonde 
sensation  au  sein  du  clergé,  n'a  été  ni  condamné,  ni  combattu,  ni 
attaqué,  ni  réfuté.  Nous  pouvons  même  ajouter  que  des  indices  favo- 
rables font  présager  que  ce  livre,  où  toutes  les  plaies  ont  été  mises 
à  nu  avec  courage,  inaugurera  une  ère  nouvelle  pour  le  ministère 
pastoral.  La  question  importante  des  curés  dans  l'Eglise  de  France 
au  iue  siècle,  ayant  donc  été  traitée  à  fond  dans  ce  livre,  nous  ne 
pouvons  nous  répéter  ici.  (Dr  André.) 


CHAPITRE   VINGT-SEPTIEME. 


DES   VICAIRES  PERPÉTl'ELS    ET  AMOVIBLES,    APRÈS   l'aN    MIL. 


I.  Collusion  dangereuse  de  ceux  qui  ayant  une  cure  en  tilre, 
prenaient  la  vieillie  d'un  aulre. 

II.  Les  conciles  d'Angleterre  déclarés  contre  ces  abus. 

III.  Les  vicaires  obligés  à  la  résidence. 

IV.  Les  évèiiues  et  les  communautés  religieuses  tenaient  des 
vicaires  dans  les  paroisses  unies  à  leur  mense. 

V.  L'abus  des  viciires  amovibles  avait  lieu  en  France,  où  il 
est  aussi  condamné  par  plusieurs  conciles,  surtout  par  ceux  d'.\vi- 
gnon,  dont  le  voisinage  était  plus  sujet  à  ce  désordre. 

VI.  Iléllesions  importantes  sur  ces  canons. 

vil.  L'Allemagne  n'était  pas  exempte  de  ces  abus. 

VIII.  Autres  espèces  de  vicaires. 

IX.  L'amovibililé  des  cures  prnvenue  de  ce  que  les  commu- 
nautés ecclésiastiiiues  en  avaient  usé  comme  des  offices  claus- 
traux, qui  devaient  être  amovibles. 

X.  Le  concile  de  Trente  veut  que  les  vicaires  soient  per- 
pétuels. 


XI.  La  congrégation  du  concile  le  demande  aussi. 

XII.  Les  ordonnances  de  nos  rois  le  veulent  aussi. 

I.  La  cupidité  insatiable  d'entasser  des  béné- 
fices les  uns  sur  les  autres  suggéra  deux  arll- 
ficieux  déguisements,  pour  éluder  la  vigueur 
des  canons  contre  un  abus  si  déplorable.  Le 
premier  fut  de  se  faire  donner  le  vicariat  d'un 
bénéfice  en  ayant  déjà  un  autre,  avec  la  même 
charge  d'âmes.  Les  titres  de  ces  deux  bénéfices 
étaient  incompatibles;  mais  on  prétendait  qu'il 
n'y  avait  nulle  incompatibilité  entre  le  tilre  de 
l'un  et  le  vicariat  de  l'autre.  Le  second  artifice 


DES  VICAIRES  PERPÉTUELS  ET  AMOVIBLES. 


iSl) 


fut  de  pren>lre  à  ferme  le  second  bénéfice,  avec 
ch.ir^'c  (l'on  payer  une  pension  fort  médiocre 
au  litulaire.  Nous  développerons  ici  et  dans  le 
chapitre  suivant  tous  les  détours  de  cette  arti- 
ficieuse collusion  et  les  salutaires  remèdes  ([ne 
la  vi^nlance  infalifrable  des  p.istenrs  y  apporta. 

11.  Le  concile  de  Londres,  en  1-237  (Gan.  x), 
ordonna  qu'on  ne  pourrait  admettre  de  vicaire 
qui  ne  fût  prêtre,  ou  qui  étant  déjà  diacre  ne 
pût  être  ordoimé  prêtre  aux  premiers  quatre- 
temps;  qui  ne  renonçât  à  tous  les  autres  béné- 
fices qui  avaient  charge  d'âmes,  et  enfin  qui 
ne  promît  de  faire  une  résidence  continuelle 
dans  l'église  dont  on  le  faisait  vicaire.  «  Qui 
renuntians  beneficiis  aliis,  si  qu;c  habet,  cu- 
ram  animarum  habentia,  juret  residentiam  ibi 
facere,  ac  eam  facial  continue  corporalem.  » 

Celait  faire  un  vicaire  perpétuel  et  titulaire, 
l'obligeant  à  une  perpétuelle  résidence  et  à  ne 
posséder  aucim  autre  bénéfice  qui  fût  chargé 
de  la  conduite  des  âmes.  Or,  les  prélats  ne  dis- 
simulèrent pas  dans  ce  même  canon  les  rai- 
sons ((ni  les  portaient  à  toutes  ces  précautions. 
C'est  que  les  curés  d'une  paroisse  en  prenaient 
encore  une  autre  sous  le  titre  Iromfieur  de 
vicaire,  n'en  faisant  (ju'une  fort  petite  pension 
à  celui  qui  portait  le  nom  de  curé.  «  Sic  eludi- 
tur  ille  dolus,  quo  sa^pe,  assignato  alicui, 
nomine  personatus,  modico,  sinuilate  dabatur 
alii  ecclesia,  sub  ficto  Domine  vicari;e,  qui 
timens  alla  bénéficia  perdere,  metuebat  eam 
recipere  ut  persona.  » 

Le  titulaire  d'un  bénéfice  est  donc  celui  qui 
est  ici  appelé  Persona  ,  et  par  ce  nom  est 
distingué  du  vicaire.  Or  ce  canon  rendant  le 
vicariat  perpétuel  et  le  déclarant  également  in- 
compatible avec  d'autres  cures,  il  en  fait  en 
quelque  façon  un  bénéfice  en  litre.  Enfin  ce 
canon  ordonne  que  quant  à  ceux  qui  ont  été 
faits  vicaires  |)ar  le  passé  avant  que  d'être  prê- 
tres, ils  le  seront  dans  l'année  sons  peine  de 
privation.  <(  Intra  annum  onlineulnr.  »  La 
raison  est,  que  le  nom  même  de  vicaire  les 
avertit  de  leur  obligation  à  servir  le  curé  et 
son  église,  «  cum  vicarii  teneantur  personis  et 
ecclesiis  deservire.  » 

Toutes  ces  résolutions  sont  parfaitement 
conformes  aux  décisions  du  pape  Alexandre  111 
dans  le  titre  de  officio  vicarii,  (|ui  sont  toutes 
adressées  aux  prélats  d'Angleterre.  En  effet 
ce  pape  prive  de  la  vicairie  celui  qui  a  ob- 
tenu une  cure,  ne  permet  pas  à  une  même 
personne  d'avoir  plusieurs  vicairies;  déclare 


quesi  un  curé  a  pris  un  vicaire  et  lui  a  assigné 
une  |Kirlion  congrue  de  l'avis  de  révêcjue  , 
celui  tpii  lui  succcde  dans  la  cure  ne  peut  ni 
éloigner  le  vicaire,  ni  dimiinur  la  pension. 

111.  Ce  même  concile  '(^au.  xn)  condamne 
encore  d'autres  abus,  (|ui  n'étaient  pas  uu}ins 
dommageables  à  l'Eglise.  Celui  qui  était  obligé 
de  se  défaire  d'une  cure^  parce  (ju'il  en  avait 
une  autre,  en  résignait  le  titre  et  s'en  faisait 
donner  le  vicariat;  ce  qui  n'était  qu'une  illu- 
sion trompeuse.  «  Cedit  quis  aliquando  perso- 
natui,  et  ab  instituto  iuibi  recipit  postmodum 
vicariam.  Quod  fieri  non  prœsumitur  sine 
fraude.  »  On  donnait  une  même  cure  à  |)lu- 
sieurs  personnes  ensemble  sous  cet  api>arent 
prétexte  (|u'il  y  avait  plusieurs  patrons  :  ce  (jui 
faisait  une  multitude  monstrueuse  de  têtes  en 
un  seul  corps.  «  Non  uni  tantumdatur  ecclesia, 
sed  phuibus,  pra-textu  plurium  patronorum  ; 
ut  sinl  plura  capita  in  eodem  corpore,  quasi 
monstrum.  » 

Les  curés  prenaient  des  vicaires  pour  un 
temps  et  se  donnaient  cependant  la  damnable 
liberté  de  ne  point  résider,  de  ne  s'engager 
point  dans  la  prêtrise  et  de  ne  porter  pas  même 
l'habit  de  la  cléricature.  «  Ecclesia  s;epe  manet, 
dum  nec  persona,  nec  saltem  vicarius  inveni- 
tur  periieluus,  sed  ali(]uis  forte  simplex  sacer- 
dos,  qui  nec  jus  habet,  nec  etiam  juris  imagi- 
nem  in  eadera.  El  si  moraiu  forsitan  ibi 
traliat,  non  est  sacerdos,  nec  habitu  clericus 
sed  miles.  » 

Ce  concile  condamne  tous  ces  intolérables 
abus,  surtout  celui  de  partager  une  église  entre 
plusieurs  curés  ou  vicaires,  «  Ut  nnmiuam 
deinceps  in  plures  personatus,  vel  vicarias  una 
Ecclesia  dividalur;  »  si  ce  n'est  où  l'ancienne 
coutume  l'a  prescrit  de  la  sorte,  et  alors  même 
l'évêque  aura  soin  de  partager  tellement  et  le 
revenu  et  les  quartiers  de  la  paroisse,  qu'il  y 
ail  presque  aussi  véritablement  deux  paroisses 
(|iie  deux  cin-ês.  »  Nisi  forsitan  sic  inslilutum 
fuerit  al)  antique,  ubi  est  per  loci  epifco|iiMn 
providendum,  quod  tani  reditus,  quani  paro- 
chia  congruis  inter  eos  portionibus  et  regioni- 
bus.  »  Il  faut  suppléer  le  mot  «  dividalur.  » 

LesynodedeWorcester,  en  l2iO(Can.xxxviii), 
obligea  également  les  curés  et  les  vicaires  à  la 
résidence.  «  Vicarii  in  ecclesiis  suis  onniino 
resideant,  omni  occasione  cessante.  Rectores 
etiam  ecclesiarum  sine  liceutia  episcopi  nuUa- 
teiuis  se  absentent.  »  Voilà  la  diflérence  des 
uns  et  des  autres.  Les  curés  peuvent  avoir  des 


490 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SEPTIÈME. 


raisons  légitimos  de  s'absenter  avec  la  i)er- 
niifsion  de  révêque  :  les  vicaires  n'en  peuvent 
|)oint  avoir.  Ce  même  synode  (Can.  xi.i), 
olilij,^e  les  reIif,Meux  de  présenter  à  l'évèque 
des  vicaires  pour  les  églises  (|u'ils  ont:  «  Ee- 
clesiis  quas  liabent  in  proprios  usus,  »  et  de 
leur  assigner  des  revenus  suffisants. 

IV.  Le  concile  de  Londres,  en  1208,  nous 
apprend  que  les  décrets  du  concile,  tenu  en  la 
même  ville  en  1237,  dout  nous  venons  de  faire 
le  récit,  avaient  été  peu  religiieusement  ob- 
servés. Aussi  ils  y  sont  tous  renouvelés  sous 
peine  de  priver  les  contrevenants  de  leurs  vi- 
caires, et  avec  ordre  aux  archidiacres  de  tenir  la 
main  à  l'extirpalion  de  ces  vicaires  irréguliers. 
C'est  apparemment  aux  religieux  que  ce  même 
concile  (Can.  ix)  semble  s'en  prendre,  (|uand 
il  se  plaint  avec  tant  de  raison  de  ce  que  les 
églises  sont  destituées  de  vicaires,  ou  de  ce  que 
les  vicaires  sont  si  pauvres  qu'ils  ne  peuvent 
satisfaire  à  leurs  charges,  a  Aut  si  vicariuni 
instituant^  ita  modicam  ibidcTU  relinquuiit 
frueluum  ])ortionem,  quod  non  possunt  sibi 
sufficere,  et  archidiaconorum,  et  alia  incum- 
lientia  sibi  onera  supportare  (Can.  xxin).  »  Enfin 
si  les  moines  man(|uent  à  leur  devoir,  l'évèque 
doit  suppléer  en  l'espace  de  six  mois. 

Ce  n'étaient  pas  les  moines  seuls,  mais  aussi 
les  évê(pies([ui  avaient  des  églises  pai'oissiales, 
dont  ils  reliraient  les  revenus,  en  assignant 
une  portion  congrue  aux  curés,  ou  aux  vicaires. 
(À'  concile  les  oblige  d'entretenir  les  maisons 
l)Our  recevoir  les  hôtes,  a  Ut  episcopi,  qui  ec- 
clesias  in  proprios  usus  habent,  etc.  »  Ainsi 
ces  évêques  nonmiaient  aussi  des  vicaires  à 
ces  églises,  au  lieu  de  curés,  mais  des  vicaires 
perpétuels,  connue  il  paraît  que  c'était  l'esprit 
et  rinlenlion  de  tous  ces  conciles. 

V.  On  peut  juger  sans  témérité  (|ue  la  France 
n'était  pas  exempte  des  abus  qui  régnaientdans 
l'Angleterre,  et  qu'elle  n'était  pas  aussi  moins 
zélée  pour  en  jiréparer  les  remèdes.  Le  concile 
d'Avrancbc,  en  1 172,  condamna  l'abus  de  com- 
mettre les  paroisses  à  des  vicaires  annuels. 
«  Ecclesia^  vicariisanniiis  committantur.  «  Le 
concile  de  la  province  de  liordeaux,  à  Cognac, 
en  1238  se  déclara  j'our  la  même  incompati- 
bilité d'une  cure  eu  litre  et  du  vicariat  d'une 
autre.  «  De  CMpellanis  eeclesiiu'um  parocliia- 
lium,  (jui  aliam  accipient  vicariam,  cense- 
mus,  ut  si  monitione  pra'inissa  noluerint  ad 
iiilitulatam  redire,  sine  remedio  illis  au- 
feratur.  » 


.Si  ce  canon  (Can.  v)  s'entendait  non  pas  des 
curés,  mais  des  chapelains  qui  servent  dans  la 
cure,  et  (jui  n'ont  été  ordonnés  cjuc  pour  y 
servir,  ce  qui  est  marqué  par  ce  mot  intitula- 
tam  ,  l'exactitude  en  est  encore  plus  meiveil- 
leuse.  Mais  c'est  descurés  qu'il  faut  l'entendre. 
Ce  môme  concile  (Can.  iv),  ne  permet  point 
aux  archiprètres,  aux  doyens  et  aux  archi- 
diacres de  substituer  des  vicaires  en  leur  place 
pendant  leur  absence,  si  ce  n'est  pour  une 
cause  juste,  et  avec  l'agrément  de  l'évèque, 
qu'ils  sont  absents.  «  Nisi  exjusta  causa  ab- 
sentes fuQrint,  quo  casu  poterunt  cum  con- 
sensu  episcopi  vicarios  ordinare.  » 

(À's  derniers  vicaires  étaient  sans  doute  pour 
un  temps,  savoir,  pendant  l'absence  des  archi- 
prètres ,  ou  des  archidiacres.  Il  pouvait  y  en 
avoir  de  semblables  dans  les  cm-es  pour  la 
même  raison,  ou  pendant  qu'elles  étaient 
vacantes.  C'est  comme  il  faut  entendre  le  canon 
du  concile  de  Pont-Audemer  en  1279.  «  Ut  ca- 
pellani,  quibus  ecclesia'  comniittunturad  tem- 
pus,  super  litteratura,  conversatioueatqueordi- 
nalione sua  diligenterexaminentur  (Can.  xix).  » 

Le  synode  de  Baveux,  en  1300,  voulut  ([ue  le 
vicaire  perpétuel  venant  à  mourir,  on  n'en  créât 
plus  de  nouveau,  mais  que  le  curé  servît  en 
personne  :  «  Vicario  perpetuo  cedente,  vicaria 
personatui  accrescat,  et  ex  tune  persona  illius 
Ecclesiœ  non  per  vicariuni,  sed  per  seipsum  ibi 
deserviat.  » 

Le  concile  d'Avignon,  en  1326  (Cap.  ci),  or- 
donna que  dansles  églises  que  les  moines  gou- 
vernaient, les  jirieurs  nommassent  avant  six 
mois  des  vicaiies  perpétuels,  et  qu'à  moins  de 
cela  les  évêques  en  établissent  eux-mêmes,  et 
leur  assignassent  une  portion  congrue.  «  In 
singulis  Ecclesiis  per  monachos  solitis,  gubcr- 
nari,  infra  sex  menses,  priores  earum  suis 
diœcesanis  ad  curam  animarum  perpeluos 
pr<!sbyteros  repr;esentent  (Can.  xxix).  » 

Mais  le  concile  d'.Vrles,  en  l'an  I2(i0,  nous 
apiu'end  bien  plus  nettement  l'état  des  cures 
et  des  vicaires  en  ces  contrées  de  la  France. 
Les  paroisses  étaient  presque  toutes  gouver- 
nées par  des  moines,  qui  les  desservaient  eux- 
mêmes  et  en  rendaient  compte  à  l'évèque  ;  mais 
depuis  ayant  commencé  à  ne  ])lus  résider,  àii'y 
mettre  (jue  des  vicaires  à  teiii|is,  et  les  laisser 
même  (|uelquefois  sans  vicaires,  ce  concile 
(Can.  v)  obligea  les  religieux,  ou  d'y  résider 
eu  personne,  ou  d'y  mettre  des  vicaires  |)erpé- 
tuels,  avec  une  honnête  pension  ;  voulant  qu'à 


DES  VICAIRES  PErxrÉTlEI.S  ET  AMOVIliLES. 


401 


moins  de  cela,  rév('(}ue  y  établit  lui-nitMiie 
des  vicaires  perpétuels.  «Quia  major  pars  eccle- 
siarum  ])arociiialiuin  luijus  provincia\  ad  nio- 
nachoruuivelcouventuuui  rej^ularium  pertiucl 
prioratuSjde  iiuoruui  coliegiis  aliqui  consuerant 
in  ipsis  ecclesiis  continue  residere,  et  de  ipsis 
rationem  reddere  pra'hitis  ;  Nunc  autem,  etc. 
Vicario  perpetuo  per  pra'latum  instiluto,  etc.  » 

VI.  De  ce  canon  il  résulte  clairement  :  1°  Que 
dès  lors  on  ne  souffrait  point  d'autres  vicaires 
que  des  vicaires  perpétuels,  et  qu'on  traitait 
de  Mercenaires  tous  ceux  qu'on  mettait  pour 
un  temps.  Car  c'est  ainsi  qu'ils  sont  nommés 
dans  ce  canon  du  concile  d'Arles  :  «  NuUo  sa- 
cerdote  relicto,  alicubi  mercenario.  »  2"  Si  l'on 
souffrait  des  vicaires  à  gages  et  pour  un  temps 
c'était  dans  une  grande  nécessité,  et  avec  une 
extrême  circonspection,  pour  un  peu  de  temps, 
seulement,  afin  d'y  en  instituer  un  perpétuel 
au  plus  tôt,  comme  on  voit  dans  la  fin  du  même 
canon  :  a  Nec  ultra  mercenariis,  nisi  bonis  et 
expertis,  et  hoc  ad  tempus,  et  ex  causa  doniini- 
carum  ovium  regimina  committantur.  »  3°  Que 
si  dans  quelques  provinces  on  ne  voit  que  des 
vicaires  au  lieu  de  curés,  c'est  que  ces  paroisses 
avaient  été  entre  les  mains  des  moines,  qui 
demeuraient  curés  primitifs  en  nommant  des 
vicaires  perpétuels.  Ce  qui  est  clair  dans  ce 
même  canon.  A"  Les  moines  mêmes,  ou  les 
chanoines  réguliers  avaient  eux-mêmesdesservi 
ces  paroisses  ,  et  ce  canon  leur  en  laisse  encore 
la  liberté.  5"  On  y  voit  encore  quels  sont  les 
prieurés- cures.  Car  ces  cures  relevaient  des 
prieurs  conventuels.  «Major  pars  parochialium 
ecclesiarum  hujus  provincitc  ad  monachorum 
vel  conventuum  regularium  perlinet  prio- 
ralus.  » 

Il  ne  résulte  pas  moins  clairement  des  autres 
canons  ci-devant  allégués.  0°  Que  ces  vicairies 
perpétuelles  étaient  vraiment  des  titres  de 
bénéfices  incompatibles  avec  d'autres  sem- 
blables vicairies,  ou  d'autres  cures.  7°  On  ne 
créait  que  dans  l'extrême  nécessité  des  vicaires 
perpétuels  où  il  y  avait  des  curés,  et  on  con- 
fondait le  vicariat  avec  la  cure  le  plus  tôt  qu'on 
pouvait.  8°  Ainsi  il  y  avait  deux  sortes  de 
vicaires  perpétuels,  les  uns  pour  aiderles  curés. 
les  autres  tenant  lieu  de  curés.  9°  On  ne  per- 
mettait pas  partout  aux  moines  d'exercer  eux- 
mêmes  la  cure,  comme  il  paraît  par  le  concile 
d'Arles  (|ui  le  permet,  et  celui  d'Avignon  qui 
ne  le  souffre  point. 

Tous  les  vicaires  perpétuels  ne  viennent  pas 


des  paroisses  ai)an(lonnées  aux  moines.  Les 
évèi|ues  en  instituaient  aussi  au  lieu  de  curés 
dans  celles  qui  étaient  i)his  particulièrement 
affectées  à  leur  crosse.  Outre  le  canon  qui  en  a 
été  rapporté,  en  voici  une  autre  preuve.  Le 
cardinal  légal  Oiluii.  |inlicaiit  les  églises  de 
Cliy|)re  en  lil.s.  onlonna  auv  évèciiies  d'établir 
des  cliuiielains  perpétuels  dans  toutes  les  pa- 
roisses de  la  ville  et  de  la  campagne.  «  In  aliis 
parochiis,  tam  civitatum  (|uam  diœcesum,  ido- 
nei  et  perpetui  instituanlur  presbyleri  ;  »  et 
un  peu  avant  :  «  Pnecipimus  tam  archiepi- 
scopo,  quam  episcopis,  ut  in  suis  ecclesiis  ma- 
gistros  capellanos,  qui  curam  teneantur  agere 
animarum,  instituant,  quos  perpetuo  volumus 
in  suis  remanere  officiis  (Conc,  tom.  ii.  par.  u, 
pag.  :2i02).  »  Ce  n'étaient  donc  que  des  vicaires 
perpétuels ,  soit  dans  les  églises  cathédrales, 
soit  dans  les  autres  paroisses. 

Ce  n'est  pas  seulement  une  différence  de 
nom  :  il  y  en  a  toujours  eu  une  essentielle 
entre  les  curés  et  les  vicaires  perpétuels  ;  c'est 
que  les  vicaires  perpétuels  n'avaient  qu'une 
portion  congrue,  au  lieu  iiue  les  curés  jouis- 
saient des  dîmes  et  de  tous  les  autres  droits  de 
leur  dignité.  Aussi  ce  légat,  aussitôt  après,  or- 
donne une  portion  plus  grande  que  par  le 
passé,  pour  ces  vicaires  de  Chypre  ;  et  dans  la 
plupart  des  canons  ci-dessus  allégués,  il  est 
parlé  des  portions  congrues  en  même  temps 
que  des  vicaires. 

Je  ne  parlerai  point  des  vicaires  que  les  cha- 
noines de  Lyon  étaient  obligés  d'avoir  par  leurs 
statuts,  dès  l'an  1-2.j1,  soit  qu'ils  fussent  prê- 
tres ou  diacres,  ou  sous-diacres,  pour  officier 
en  leur  absence  (Ibid.,  p.  '2o36). 

Vil.  Laissons  la  France  et  l'Angleterre,  et 
passons  en  Allemagne.  Le  concile  deSalzbourg 
en  1274  (Can.  vni,  ix,  x),  reprit  avec  une  juste 
sévérité  les  curés  qui  faisaient  desservir  leurs 
églises  par  des  vicaires  à  gages  et  révocables, 
les  obligeant  de  résider  eux-mêmes,  et  ordon- 
nant que  dans  les  bénéfices  mêmes  que  l'on 
desservait  par  des  vicaires,  on  présentât  à  l'é- 
vêque  des  vicaires  qu'il  put  rendre  perpétuels, 
et  à  qui  il  put  assigner  une  pension  suffisante 
sur  les  revenus  de  l'Eglise.  «  Episcojio  prœsen- 
tenlur,  (jui  ipsos  in  hujusmodi  ^icariis  perpé- 
tuel, et  sufficientem  de  ecclesiarum  reditibus 
eis  constituât  portionem.  » 

Le  concile  de  Vurtzbourg  en  1287  (Can.  xvi, 
xvii\  commanda  aux  curés  qui  avaient  des 
chapelles  dépendantes  de  leur  cure,  d'y  entre- 


40-2 


Dl'  SECOND  ORDUE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-SEPTIÈME. 


tenir  un  vicaire  qui  y  résidât  et  administrât 
les  sacrements  à  leurs  paroissiens,  et  quant 
aux  abbrs  ou  aux  prieurs  qui  laisseraient  un 
mois  durant  les  cures  de  leur  dépendance  sans 
vicaires,  il  les  suspendit  de  leur  office,  réser- 
vant à  l'évêque  le  droit  d'y  pourvoir. 

Le  concile  de  Cologne,  en  1310  (Can.  vti), 
trouva  mauvais  que  dans  quelques  chapitres 
on  permît  ta  des  vicaires  de  célébrer  dans  leur 
semaine  le  divin  sacrifice  au  grand  autel  , 
et  d'assister  aux  autres  heures,  et  qu'on  les 
emi)èchàl  de  lire  les  leçons,  ou  de  chanter  les 
versets  à  matines,  qui  étaient  par  cet  abus 
fort  souvent  ai)andonnées.  «  Pra^(i[)imns  deca- 
nis  ut  vicariis  injungant  deinceps  versus  can- 
iarc  et  lecliones  légère,  etc.  Absurdum  est 
quod  majora  et  solemniora  i)ermiltantur,  et 
minora  denegentur.  » 

Il  est  visible  que  cela  s'entend  des  vicaires 
des  chapitres.  Le  concile  de  Rude,  en  1-279 
(Can.  x),  défendit  aux  archidiacres  et  aux  curés 
de  prendre  des  laïques  ou  des  clercs  mariés 
pour  leurs  vicaires.  Le  concile  de  Salzbourg, 
en  11-20  (Can.v,  viii),  abolitabsolumenl  l'usage 
des  vicaires  amovibles:  «Nullus  adinittatur.or- 
dinandus,  vel  promovendus  ad  ordinem  su|)er 
vicaria,  nisi  sil  pcrpt'tua  vicaria,  a  qua  non 
possit  ad  inordiuatum  placitiun  anioveri.  » 

Les  vicairies  perpétuelles  étaient,  selon  les 
termes  propres  de  ce  canon,  un  titre  de  béné- 
fice sur  leipicl  ou  pouvait  être  ordonné.  Ce 
même  concile  ilédara  les  curés  dignes  d'être 
déposés,  s'ils  ne  donnaient  à  leurs  vicaires  une 
portion  suffisante  des  fruits  de  leur  église.  Le 
synode  de  Cologne,  en  11-23  (Cap.  vu),  défendit 
aux  curés  et  aux  vicaires  perpétuels,  sous  peine 
d'excommunication,  de  prendre  des  religieux 
mendiants,  ou  non  mendiants  pour  leurs  vi- 
caires, ou  pour  leurs ctiapelains  pendant  (ju'ils 
pourraient  en  avoir  d'autres. 

Vlll.  On  pourrait  mettre  au  nombre  des  vi- 
caires amovibles  les  prêtres,  qui,  bien  qu'ils  ne 
fussent  en  façon  (juelconque  bénéticiers,  étaient 
néanmoins  contraints  par  les  évoques,  sous 
pL'iiie  de  susiicnsiou,  de  rendre  tous  les  services 
possibles  aux  paroisses,  et  de  se  contenter  d'un 
fort  médiocre  salaire.  On  rencontre  un  grand 
nombre  de  règlements  sur  ce  sujet  dans  les 
conciles  d'Angielerre.  «  Capcllani  (piitnmque 
non  beneficiati,  i)rtesertim  idonei ,  ciiris  ani- 
manun  etecclcsiis,  seu  pirochiaiibns  caprllis, 
niodcralis  sibi  conslilutis  salii'iis,  aille  onuiia 
ofliciari  etintendere  teneantur,  etc.,  sub  poena 


suspensionis  ab  officio,  etc.  (Conc.  gênerai., 
tom.  II.  part,  u,  p.  193f)).  » 

Quint  aux  vicaires  ou  coadjuteurs  des  cha- 
noines, le  concile  de  Cologne,  en  153(>,  ne 
nous  iiermet  jias  de  douter  qu'ils  ne  fussent 
véritablement  titulaires  et  bénéflciers,  puisque 
ce  concile  les  prive  des  distributions  et  même 
des  gros  fruits,  s'ils  n'assistent  en  surplis  aux 
offices,  en  la  place  des  chanoines  absents  ou 
malades,  dont  ils  sont  les  coadjuteurs.  «  Cujus 
vices  gèrent,  nisi  canonicisadjutores  accédant? 
Ilorum  nimirum  vice,  qui  vel  adversa  valetu- 
dinc  detenli,  vel  negotiis  necessariis  avocat!, 
interesse  non  possunt  (Part.  3,  c.  ii).  » 

Il  y  a  même  en  France  des  églises  où  les  vi- 
caires sont  perpétuels  et  non  amovibles.  Il  en 
est  aussi  où  les  vicaires  des  chanoines  sont 
amovibles,  quoiqu'ils  iierçoivent  les  fruits  de 
leur  bénéfice,  et  ne  soient  pas  privés  des  dis- 
tributions manuelles. 

L\.  11  parait  clairement,  par  ce  qui  a  été  dit, 
que  l'esprit  et  l'intention  de  l'Eglise  a  toujours 
été  (jne  les  églises  fussent  desservies  par  des 
vicaires  perpétuels,  ou  par  des  curés  non  amo- 
vibles. 

llihain  111  veut  que  les  églises  des  moines 
aient  des  curés,  ou  des  chapelains,  ou  des  vi- 
caires que  les  moines  puissent  présenter  à  l'é- 
vêque, mais  qu'ils  ne  pourront  destituer,  ce 
pouvoir  étant  réservé  à  l'évêque,  qui  le  pourra 
|)ar  un  jugement  canoni(]ue.  «  In  eccicsiis  ubi 
monachi  habitant,  [lopulusper  monachum  non 
regatur;  sedcapellanus,  qui  [lopulum  regat,  ab 
episcopo  ])er  consilium  monachorum  instilua- 
tur;  ita  ut  ex  soliusepiscopi  arbitrio,  timordi- 
nalio  ejus,  quam  deposilio,  et  totius  vitac  pen- 
deat  conversatio  (Extra.  De  statu  monachorum, 
c.  i).» 

Il  se  pourrait  bien  faire  que  l'origine  de 
l'amovibilité  des  curés  vînt  de  ces  cures  qu'on 
donna,  au  tein|is  de  Ciiarlemagneetaux  siècles 
suivants,  aux  monastères  des  moines  ou  des 
chanoines,  pour  leur  entretien  et  pour  leur 
subsistance  temporelle.  Les  supérieurs  de  ces 
coniniunaulés  regardèrent  ces  cures  comme 
des  offices  claustraux,  où  le  meilleur  est  effec- 
tivement, conformément  à  la  règle,  de  n'avoir 
cpie  (les  oflicicrs  amovibles.  Ainsi  les  curés  ou 
les  vicaires  que  les  abbés  niellaient  dans  ces 
ciiri's,  soit  iiioincs  ou  chanoines,  furent  révo- 
cables au  gré  des  abbés;  et  (piand  on  obligea 
les  abbés  de  nommer  des  curés  ou  des  vicaires 
(jui    fussent    simplement   prêtres,    ils  conli- 


DES  VICAIRES  PKRPÉTL'ELS  ET  AMOVIBLES. 


493 


nuèrent  d'en  nietlrc  d'amovibles,  jiisi|u';i  ce 
que  les  papes  et  les  conciles  en  uenKuulL'renl 
de  periH'Inels. 

On  a  bien  pu  reinaniuiT  dans  les  aulmiti's 
précédentes  d'autres  raisons  de  cette  aTno\i- 
bilité.  Mais  celle-ci  semble  avoir  été  la  plus  fré- 
quente. Les  curés  ou  vicaires  amovililes  qui 
restent  sont  de  cette  nature.  Le  concile  de 
Trente  et  les  déclarations  de  nos  rois,  dont  nous 
allons  parler,  ne  regardent  encore  presque 
que  les  cures  ou  vicairies  amovibles  de  cette 
espèce. 

Au  fond  raniovibilitc  des  offices  claustraux 
était  |ilus  avantageuse  <|ue  la  perpétuité.  Mais 
l'Eglise  en  a  jngé  autrement  i)Our  les  béné- 
fices. 

X.  Enfin,  le  concile  de  Trente  ordonne  aux 
évèques  de  faire  établir  des  vicaires  perpétuels, 
si  le  bien  de  quehiue  église  ne  les  porte  à  en 
souiTrir  d'amovildes  dans  toutes  les  paroisses 
(|ui  sont  unies  à  des  chapitres  ou  ci  des  monas- 
tères, ou  à  des  communautés,  et  de  leur  faire 
assigner  un  revenu  honnête. 

«  Bénéficia  curata,  qna'  catliedralibus,  coUe- 
giatis,  seu  aliis  ecclesiis  vel  monasteriis,  beiie- 
ficiis,  seu  coUegiis,  aut  piis  locis  perpetuo 
unita  et  annexa  reperiuntur,  etc.,  per  idoneos 
vicarios  eliam  perpétues,  nisi  ordinariis  pro 
bono  ecclesiarum  regimine  aliter  expedire  vi- 
debitur,  animarum  cura  exerceatur ,  etc. 
(Sess.  vu,  c.  7.  Sess.  xxi,  c.  16).  » 

Ce  concile  (Sess.  xxiv,  c.  13)  permet  ailleurs 
aux  évêques  de  donner  des  vicaires  pour  nn 
temps  aux  curés  qui  ont  de  la  piété,  mais  qui 
manquent  de  science,  «  Coadjutores  aut  vica- 
rios pro  tempore  deputare.  » 

Comme  la  cause  pour  la(|uelle  ces  vicaires 
étaient  donnés  à  ces  curés  était  temporelle,  il 
s'ensuit  de  là  que  ces  vicaires  n'étaient  aussi 
que  temporels.  On  pouvait  cependant  les  con- 
sidérer dans  un  sens  connue  [)er|iétuels,  en  ce 
que  les  curés  à  qui  ils  étaient  donnés  n'avaient 
pas  le  pouvoir  de  les  renvoyer  tant  que  la 
cause  poiu'  laquelle  on  avait  établi  ces  vicaires 
subsistait. 

Ce  concile  enjoignit  aux  évêques  de  distin- 
guer les  cures  dans  les  lieux  où  elles  n'étaient 
pas  distinguées  et  d'y  mettre  des  curés  jn'opres 
et  perpétuels.  «  Uistiucto  iio|iu]o  in  certas  pro- 
priasque  ]iar<ichias,  unicnit|ue  suum  perpe- 
tuum  pcculiaienniue    parochum  assignent.  » 

Enfin  ce  concile  (Sess.  xxv,  c.  iC),  défendit 
de  ne  plus  changer  à  l'avenir  en  bénéfices  sim- 


ples les  bénéfices  curés,  en  créant  un  vicaire 
perpétuel  avec  ])ortion  congrue.  «  Bénéficia 
(|ua'  curam  animarum  ex  prinhTva  eorum 
inslitutione,  aut  aliter  quomodocuin(|iie  reti- 
nent,  illa  deincei)S  in  simplex  beneficium 
etiani  assignata  vicario  i)eri)etuo  congrua  por- 
tione,  non  converlantur.  »  Et  i|uant  aux  vicai- 
ries perpétuelles  qui  ont. été  par  le  passé  for- 
mées du  démembrement  des  cures,  les  évèques 
useront  de  toute  leur  autorité  pour  leur  faire 
donner  une  portion  convenable. 

XL  La  congrégation  du  concile  a  déclaré 
que  les  vicaires  perpétuels  étaient  obligés  de 
résider  dans  les  maisons  paroissiales,  au  rap- 
port de  Fagnan  Fagnan,  in  1.  r.  Décret.,  part,  u, 
p.  380),  qui  propose  en  même  temps  la  ques- 
tion si  les  chapitres  des  églises  cathédrales 
ou  collégiales  sont  obligés  de  mettre  des 
vicaires  perpétuels  sur  qui  ils  puissent  se  dé- 
charger de  la  cure  des  làmes  ?  Et  il  répond  : 

1"  Qu'ils  y  sont  obligés  pour  les  cures  qui 
leur  sont  unies,  puisque  les  chanoines  qui  ont 
des  cures  unies  à  leur  dignité  ou  à  leur  pré- 
bende sont  contr.iinis  d'y  mettre  un  vicaire  ])er- 
pétuel,  selon  le  chapitre  Extirpandœ,  §  Qui 
vcru  :  Perpeluum  et  idoneinn  habeat  vicarium  ; 
et  que  Boniface  VIII  oblige  les  moines  de  ne 
mettre  c]ue  des  vicaires  perpétuels  dans  les 
paioifses  qui  relèvent  d'eux  :  «  Cum  sint  per- 
petui,  et  nisi  per  episcopos  et  ex  causa  rationa- 
bili,  ne(]ueant  amoveri  (In  sexto  de  Capellis 
-Monaeli.,  c.  1)  ;  ce  qui  est  confirmé  par  le  con- 
cile de  Trente  déjà  cité  (Sess.  vn,  c.  7). 

-1"  Que  si  les  cures  sont  dans  la  même  église, 
les  chapitresqni  sont  chargés  du  soin  des  âmes 
peuvent  nommer  des  vicaires  amovibles  et 
s'en  décharger  sur  eux,  mais  qu'il  serait  à  sou- 
haiter que  le  pape  lit  un  règlement  pour  les 
contraindre  à  ne  nommer  que  des  vicaires  per- 
pétuels, afin  que  cette  paroisse  eût  un  pasteur 
propre  et  particulier,  un  époux  unique  et  per- 
])étuel,  qui  fût  airectionné  à  ses  intérêts,  au 
lieu  que  les  vicaires  amovibles  sont  comme 
lies  mercenaires  et  sans  affection,  sans  stabilité, 
miiins  respectés  et  par  conséquent  moins  utiles. 
Enfin,  le  concile  de  Trente  favorise  clairement 
les  vicaires  perpétuels. 

Xll.  L'ordonnance  de  Louis  XIll,  en  10-29 
[S.v\..  1-2),  confirma  le  décret  du  concile  de 
Trente  ci-dessus  allégué.  Les  cures  qui  sont  à 
présent  unies  aux  afibayes,  prieurés,  églises 
cathédrales  ou  collégiales  seront  dorénavant 
tenues  à  part  et  à  titre  de  vicariat  perpétuel. 


494 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  YINGT-HUITIÉME. 


La  déclaration  de  Tan  1057  (Art.  20.  Mémoi- 
res du  dev'^é,  toni.  i,  p.  201),  n>st  pas  moins 
formelle  :  «  Les  archevêques  et  évêques  ordonne- 
ront aux  abbés,  prieurs,  chapitres  et  autres  ec- 
clésiastiques qui  jouissent  des  droits  des  curés 
primitifs  es  paroisses  qui  sont  desservies  par 
curés  amovibles,  de  leur  nommer  dans  cer- 
tain temps  des  préti\^s  de  la  qualité  requise, 
pour  être  par  eux  institués  vicaires  perpétuels, 
El  en  défaut  de  ladite  nomination  et  ledit  temps 
passé,  institueront  lesdites  cures  des  vicaires 


])erpétuels,  etc.  »  Cette  déclaration  fut  donnée 
sur  les  remontrances  du  clergé. 

Si  je  cite  quelquefois  l'édit  de  1629,  publié 
et  registre  au  parlement  de  Paris  et  rendu  par 
le  roi  tenant  son  lit  de  justice,  c'est  parce  qu'il 
contient  des  choses  qui  s'accordent  fort  avec 
les  ])remiers  points  de  la  discipline.  Je  sais 
bien  que  cet  édit  n'a  eu  depuis  d'autorité  que 
dans  les  cas  qui  ont  été  par  arrêts  du  |>arlement 
et  du  grand  conseil  conllrmés  pour  servir  de 
règlements  et  de  jurisprudence  certaine  (1). 


(1)  Comme  il  n'y  a  plus  en  France  de  curés  primitifs,  par  une  con- 
séquence nécessaire,  il  n'y  a  plus  de  vicaires  perpétuels.  Un  fait 
ressort  victorieusement  de  tout  ce  qu'on  vient  de  lire,  à  savoir  que 
le  pouvoir  civil  n'était  pas  moins  vigilant  que  l'Eglise  à  constituer  et 
à  exiger  l'inamovibilité  des  curés.  Aux  édits  de  nos  rois  allégués 
par  Thomassio,  nous  ajouterons  l'ordre  formel  donné  par  le  roi  de 
France  à  l'évêque  de  Qiiébec,  en  Canada,  pour  rendre  inamovibles 
tous  les  curés,  u  M.  de  Ponl'^banrain,  ministre  d'Etat,  dit  De  Latour 
«  dans  les  Mémoires  sur  la  vie  de  M.  de  Lnval^  éncque  de  Québec,  lui 
*  a  plusieurs  fois  écrit  que  l'intention  du  roi  était  qu'on  fixàtpeu  à  peu 
"  toutes  les  cures,  u  Une  étude  rétléchie  des  articles  organiques  de  1802 
n'en  fait  pas  sortir  la  mobilité  des  curés  ruraux,  dits  impropremeniSHC- 
cursalistes.  Le  3Ie  dit  ;  «  Les  vicaires  et  desservants  exerceront  leur 
■  ministère  sous  la  surveillance  et  direction  des  curés.  —  Ils  seront 
M  approuvés  par  l'évêque  et  révocables  par  lui.  n  Le  mot  de  desser- 


vants ne  peut  indiquer  ici  que  des  prêtres  auxiliaires,  puisqu'ils  sont 
placés  après  les  vicaires.  Quant  aux  articles,  après  plusieurs  protesta- 
tions, le  Saint-Siège  les  déclara,  en  1817,  abrogés,  —  abrogantur^ 
comme  a  faits  à  l'insu  du  souverain  pontife,  et  contenant  en  outre 
0  des  choses  contraires  à  la  doctrine  et  aux  lois  de  l'Eglise,  o  Voir 
cette  décision  dans  Ferraris,  tome  il,  col.  875.  Pour  tranquilliser  les 
consciences,  le  gouvernement  ferait  peut-être  bien  de  revoir  et  mo- 
difier ces  articles,  que  le  Saint-Siège  désapprouve.  Les  Mémoires  du 
cardinal  Consalvi  qui  paraissent  au  moment  de  la  rédaction  de  cette 
note  (juin  1864)  donnent  de  forts  curieux  détails  sur  la  manière  sub- 
reptice  que  le  gouvernement  employa  pour  la  publication  de  cea 
articles  que  le  cardinal  Consalvi  qui,  comme  on  sait,  négocia  le  Con- 
cordat, qualifie  de  fruits  véritables  de  l'église  Constitutionnelle. 
s  Ces  lois,  ajoute-t-il,  renversaient  à  peu  près  le  nouvel  édifice  que 
a  nous  avions  pris  tant  de  peine  à  élever.  ■  (Dr  André.) 


CHAPITRE  VINGT-HUITIEME. 


DES   BÉNÉFICES  DONNÉS   A   FERME   A   DES   ECCLÉSIASTIQUES. 


I.  Les  ecclésiastiques,  pour  posséder  plusieurs  bénéfices,  en 
prenaient  un  en  titre,  l'autre  à  ferme. 

II.  Les  laïques  ne  pouvant  posséder  les  bénéfices  en  titre,  en 
briguaient  la  ferme.  Ces  abus  condamnés  par  les  conciles. 

III.  Ces  fermes  comprenaient  le  spirituel  des  bénéfices. 

IV.  Il  y  avait  néanmoins  des  raisons  justes  d'alTermcr  les 
églises. 

V.  Ces  fermes,  défendues  absolument  aux  laïques,  compre- 
naient le  temporel  des  bénéfices. 

VI.  On  commence  à  se  relâcher  en  faveur  des  fermiers 
laïques. 

VII.  Dans  l'Italie,  ces  abus  avaient  été  inconnus.  En  France, 
on  soulTrit  les  fermiers  laïques,  quand  ou  n'appréhenda  plus 
que  de  fermiers  ils  devinssent,  cnmuie  autrefois,  des  usurpateurs. 

VIII.  Pendant  les  iiremiers  siècles,  les  fermes  de  l'Eglise  n'é- 
taient données  qu'à  des  clercs. 

IX.  Pourquoi  il  a  été  nécessaire  de  traiter  ici  celle  matière. 

I.  Le  concile  de  Londres  en  1237  (Can.  ix),  dé- 
couvre le  malicieux  artifice  de  ceu.v  qui  se  fai- 
saient nommer  fermiers  perptiliiels  des  jilus 
rielics  é^'lises,  de  iieurde  se  faire  dépouiller  de 
leurs  autres  bénélices,  s'ils  s'en  faisaient  pour- 


voir en  titre  ;  jouissant  cependant  de  touile  re- 
venu et  ne  laissant  au  titulaire  qu'une  fort 
petite  pension. 

C'était  un  étrange  renversement  qui  faisait 
du  titulaire  en  apjjarence  un  pensionnaire  ef- 
fectif et  (lu  fermier  imaginaire  un  véritable  bé- 
nélicier.  "  .\udi\iinus  quod  vacante  ])injj,ui  ec- 
clesia,  qiiam  quidam  optabat  habere,  nec 
tamen  audebat  eam  recipere,  ut  persona,  ne 
aliis  ip«o  jure  beneficiis  ])rivarctur  ;  cailide 
procuravit,  ulccclesia  illa  sibi  ad  firmani  per- 
])etuo  traderetur  :  ita  quod  modicum  qiiid 
iiide  solveret  alii  nomine  personattis,  sibique 
totum  reliquum  retineret.  » 

II.  Les  laïques  ne  pouvant  posséder  des  béné- 
fices s'en  faisaient  déclarer  fermiers,  et  sous  ce 
prétexte  ils  juui.ssaitnt  des  revenus  de  l'Eglise. 

Ce  concile  de  Londres  (Can.  viii),   pour  re- 


DES  BÉNÉFICES  AFFEEiMÉS  AUX  ECCLÉSIASTIQUES. 


iO.'i 


médier  à  ces  abus,  résolut  qu'on  no  (ionnerait 
jamais  à  des  Iniques  la  leruie  des  luMiélices  : 
«  Ciiui  laicis  d.iri  ecclesiasad  linuas,  siliieiiiliis 
inlionestuin,  etc.,  »  et  qu'on  ne  la  donnerait  aux 
ecclésiastii|ues  mêmes  que  pourcinc}  ans,  sans 
pouvoir  la  leur  renouveler  qu'après  avoir  été 
tenue  par  quelque  autre.  «  Nec  laicis  unquam, 
nec  personis  etiam  ecclesiasticis  ultra  ([uin- 
quenniuin  ecclesi;e  ad  firmam  concedanlur, 
nec  finito  (juinquennio  renoventur  eisdeiu, 
nisi  prius  ipsasliabuerint  alii  médiate.  » 

Enliii  il  fut  résolu  que  ces  fermes  ne  se  don- 
neraient (ju'avec  l'agrément  de  l'évèque  et  de 
l'archidiacre.  Le  synode  de  Worcester,  en  1240, 
renouvela  ce  décret. 

Le  concile  de  la  province  de  Bordeaux  à  Co- 
gnac, en  1260  (Can.  xui),  défendit  aux  curés 
d'une  paroisse  d'en  prendre  une  autre  à  ferme, 
sous  peine  d'être  privés  de  leur  bénélice,  si  ce 
n'avait  été  par  ordre  de  l'évèque  qu'ils  s'en 
fussent  chargés.  «  Recfores  parocbialiuni  cc- 
clesiarum  alias  ecclesiasad  firmam  non  jinesu- 
mant  recipere,  vel  tenere,  sub  pœnaproprii  be- 
nefieii  amissionis,  nisi  hoc  procedcretde  nostra 
licentia  speciali.  » 

111.  11  parait  d'abord  fort  probable  que  ces 
lois  ecclésiastiques  se  doivent  entendre  bien 
moins  des  terres,  des  fonds  et  des  iiefs  d'une 
église,  que  des  églises  mômes,  des  offrandes, 
des  prémices,  des  dimes,  et  de  tout  ce  que  nous 
appelons  le  casuel  ;  car  il  n'est  parlé  ici  que  des 
cures  dont  ce  casuel  est  le  principal  revenu.  Les 
laïques  sont  absolument  exclus  de  ces  fermes. 
Or  ils  semblent  plus  capables  que  les  clercs 
de  tenir  la  ferme  des  terres  et  des  fonds.  On 
permet  aux  ecclésiastiques  de  tenir  ces  fermes 
pour  cinq  ans;  à  peine  devrait-on  leur  i)rocurer 
une  si  longue  diversion,  et  comme  une  aliéna- 
tion des  clioses  saintes,  en  s'appliquant  à  la 
culture  des  terres. 

Le  concile  de  Londres,  en  1208  (Can.  xxi), 
semble  nous  confirmer  dans  cette  pensée,  lors- 
([u'il  défend  de  donner  à  ferme  les  dignités, 
les  offices,  les  doyennés  et  les  revenus  de  la 
juridiction  ecclésiastique,  de  la  pénitencerie, 
de  l'autel  et  des  sacrements.  «  Ne  dignitates , 
\el  officia,  puta  decanatus,  vel  proventus  ex 
ecclesiaslicae ,  velspiritualisjurisdictionis  exer- 
citio,  son  ex  pœnitentia,  vel  altari.  vel  sacra- 
mentis  aliis  quibuslibet  yenieutes,  nullo  modo 
concedautur  ad  firmam.  » 

Ce  même  concile  (Can.xLiv)  ordonna  de  nou- 
velles peines  contre  ceux  qui  donneraient  à 


ferme  des  églises  à  des  laïtiues.  ou  pour  plus 
tle  cin(i  ans  à  des  ecclésiastiques,  ou  même  aux 
patrons  des  mêmes  églises  dont  il  est  encore 
plus  à  craindre  qu'ils  ne  se  rendent  pro|)rié- 
taires.  Mais  il  y  fut  surtout  déleiulu  de  donner 
a  ferme  à  des  moines  soit  des  maisons,  soit  des 
églises  ou  des  fonds  :  «  Mauerium,  ccclesiam, 
possessiones,  vel  alia  quœlibet  bona;  »  parce 
que  ce  serait  engager  les  moines,  contre  leur 
profession ,  à  une  espèce  de  négoce.  «  .\d  fir- 
mam,  quœ  mercationis  instar  habet,  etc.  »  Il 
paraît  dans  ce  canon  qu'on  y  dislingue  les 
églises  d'avec  les  maisons ,  les  fonds  et  les  ter- 
res. Le  concile  de  Bude,  en  1279  (Can.  lxv), 
étendit  cette  défense  aux  clianoines  réguliers: 
«  Ne  nionaclii ,  vel  canonici  regulares,  eccle- 
sias  ad  firmam  recipiant ,  vel  condncant.  » 

IV.  11  y  avait  néanmoins  des  raisons  justes 
et  canonicjues  d'all'ermer  les  églises.  Le  con- 
cile de  la  province  de  Cantorbéry,  à  Lambeth, 
en  1281  Can.  xv),  condamne  les  fermes,  si  ce 
n'est  [)our  des  causes  nécessaires  et  ajjpronvées 
par  l'évèque:  «Nisi  ex  causis  necessariis,  per 
suos  cpiscopos  approbatis.  »  Alors  même  on  ne 
peut  alfermer  les  églises  qu'à  des  ecclésiasti- 
ques vertueux  et  sujets  à  la  juridiction  de 
l'évèque,  sans  souffrir  que  par  une  collusion 
criminelle  les  laïques  se  servent  du  nom  d'un 
clerc.  Enfin  on  doit,  dans  le  contrat,  réserver 
une  bonne  partie  du  revenu  de  l'Eglise  pour 
les  pauvres,  au  jugement  de  l'évèque.  «  Pin- 
guis  portio.  juri  consona,  secundum  arbitrium 
cpiscopi  assignetur,  sub  testimonio  quatuor 
fidelium  parochianorum  eisdem  fideliter  ero- 
ganda  pauperibus.  » 

Le  concile  de  Rennes,  en  1273  Can.  ii),  avait 
fait  le  même  statut  et  avait  chargé  les  fermiers 
de  l'hospitalité.  «  Nulla  parocbialis  ecclesia 
concedatur  ad  firmam,  nisi  juxta  diœcesani 
arbitrium  firmario  tanUx  portio  relinquatur, 
c]uod  Cbrisli  pauperibus  valcat  condecens  lio- 
spitalitas  exbiberi.»  Le  concile  de  Cliàteau-Con- 
lier,  en  12.31  (Can.  v),  avait  seulement  réservé 
une  portion  convenable  au  chapelain  :  «  Si 
aliqua  necessitate  contingat,  quod  aliqua  eccle- 
sia alicui  tradatur  ad  firmam,  talis  portio  fru- 
cluum  ecclesi:e  reservetur  capellano,  quod  ex 
eo  valeat  sustentari.  »  ^ 

Le  concile  de  Langeais,  en  Touraine,  en  1278 
(Can.  vni),  voulut  que  ce  fût  l'évèque  qui  réglât 
le  prix  de  la  ferme  quand  il  le  jugerait  néces- 
saire :  «  Nec  tune  ad  arbitrium  rectoris  eccle- 
sicc  taxabilur  Arma,  sed  ad  judiciuni  diœce- 


496 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-HUITIÈME. 


sani.  »  Les  ordonnances  synodales  de  Rouen, 
enl'an  12  i.i  (Synod .  Rotoni . ,  p.  i2,"25  i' .  permirent 
aux  chapelains  et  aux  curés  d'avoir  encore  une 
église  à  ferme  :  «  Ne  plusquam  unam  habeat 
ad  firmam,  »  pour  une  cause  raisonnable,  et 
avec  la  permission  de  l'évèque  :  «  Ex  causa 
necessaria  ,  de  nostra  licenlia  speciali.  » 

Le  synode  de  Nîmes,  en  15Si  (Cap.  xxi),  nous 
apprend  quelle  peut  être  cette  nécessité  d'af- 
fermer les  revenus  futurs  d'une  église  ;  savoir, 
si  le  prieur  ou  le  recteur  doit  aller  étudier  en 
théologie  ;  alors  même  la  ciu'e  ne  peut  être 
donnée  à  ferme,  ni  à  des  réguliers,  ni  à  des 
laïques,  ni  sans  le  consentement  de  l'évcque. 
«  Nisi  prior,  seu  rector  illius  ecclesia^  ad  stu- 
dium  theologiic  ire  voluerit.  »  Le  synode  d'Exe- 
ler,  en  1-2S7,  après  avoir  fait  la  même  défense 
de  ne  point  affermer  l'exercice  de  la  juridic- 
tion ecclésiastique,  les  dignités,  les  offices,  les 
sacrements,  ne  reconnaît  aucune  juste  cause 
d'affermer  les  églises,  si  ce  n'est  la  longue 
absence  du  bénéficier  pour  des  raisons  cano- 
niques :  «  Longa^  iiercgrinationis  forsitan,  vel 
studii  causa.  B-Le  synode  de  Cbicbester,  en 
1280,  ne  condamne  pas  toutes  les  fermes, 
mais  seulement  celles  qui  se  font  aux  religieux. 
aux  patrons  et  aux  laïques.  Le  synode  de 
Saintes  excommunie  ceux  qui  afferment  les 
églises  sans  la  permission  de  l'évèque. 

Le  synode  de  Rayeux,  en  LJOO  (Cap.  xlvui, 
M.ix,  L,  xcNUi";,  condamna  fous  les  alTerme- 
ments  faits  sans  la  ]>ermission  spéciale  de 
l'évèque,  et  ne  permit  aux  curés  d'une  paroisse 
de  prendre  la  ferme  d'une  autre  que  lorsqu'il 
aurait  un  vicaire  perpétuel  dans  la  sienne. 
Enfin  il  défendit  aux  archidiacres  de  vendre 
ou  d'affermer  les  doyennés  ruraux,  parce  que 
c'était  vendre  la  juridiction,  (luoique  les  doyens 
dussent  rendre  compte  à  l'archidiacre  des 
amendes  pécuniaires.  «  Ita  tamen  quod  de 
emendis  jurati  superioribus  respondebunt.  » 

V.  Mais  il  faut  enfin  demeurer  d'accord  que 
ces  défenses  comprenaient  aussi  les  maisons, 
les  fonds,  les  terres,  les  dîmes  et  tous  les  autres 
biens  des  églises  paroissiales  qu'on  ne  pou- 
vait jamais  affermer  à  des  laïques,  et  qu'on  ne 
pouvait  affermer  à  des  clercs  (pie  pour  cinq 
ans,  et  avec  le  gré  de  l'évèfjue. 

Le  synode  d'Exeter,  en  liST  (Cap.  xxv),  se 
plaint  de  ce  que  les  laïques,  sous  le  nom  de 
baillis,  affermaient  et  habitaient  les  maisons 
des  églises  avec  leurs  femmes  et  leurs  enfants, 
ce  (pii  était  également  scandaleux  et  domma- 


geable à  l'église.  «  Eccleslas  laicis  concedi  ad 
firmnni.  sub  nomine  ballivorum,  in  quarnm 
domibus  prapsumunt  cum  uxoribus  et  familia 
habitare,  in  grave  scandalum  et  dispendium 
ecclesiarnm.  »  Ce  qui  est  ensuite  défendu  pour 
les  (limes  même,  pour  les  terres  franches  de 
l'Eglise,  et  pour  tous  les  fonds  patrimoniaux 
des  paroisses.  «  Inferdiccntes,  ut  terra  libéra 
ecclesiarum,  decima\  velqua-que  alla  ad  cccle- 
sias  pertinentia,  propter  pericula,  qua*  de  fa- 
cili  exinde  possunt  contingere,  sub  aimuo  censu 
ad  firmam  laicorum  non  eoncedantur.» 

Le  concile  de  Compiègne  en  13-29,  (Can.  iv), 
fit  la  même  défense  aux  prieurs  et  aux  reli- 
gieux :  «  Ne  jura,  reditus,  aut  possessiones 
ecclesia^,  alicul  ad  vitam  seu  aliquod  non  mo- 
dicum  tempus,  pecunia  exinde  recepta,  quovis 
modo  concédât,  sine  consensu  diœcesani.  »  Le 
concile  de  Lambeth,  dans  la  province  de  Can- 
torbéry,  en  1330  (Can.  vui)  ;  «  Nullus  clericus 
aliquod  beneficium  ecclesiasficum  alicui  laico 
tradat  ad  firmam,  nec  etiam  frucfus  decima- 
rum, ante separationem  earumdem,  eis  vendere 
prœsumat.  n  Le  clerc  qu'un  autre  bénéfi- 
cier constitue  son  iirocureur  général,  dans  son 
bénéfice,  pendant  son  absence,  doit  être 
présenté  à  l'archidiacre  et  à  l'assemblée  du 
doyenné.  «  Archidiacono  et  ca[iitulo  pnesen- 
tetur.  » 

Le  pape  Benoît,  en  1339,  défendit  aux  cha- 
noines réguliers  de  Saint-.\ugustin  d'affermer 
leurs  terres  sans  cause  nécessaire,  ou  fort  utile, 
et  sans  beaucoup  de  formalités  et  de  précau- 
tions qu'il  leur  pro|)ose.  «  Sine  causa  neces- 
saria, vel  utili,  loca  su;e  administrationi  coni- 
missa  vel  proventus  locorum  ipsorum  ad  firmam 
tradere,  vel  locare  non  prœsumant.  » 

Le  concile  de  Londres,  en  1342  (Can.  m), 
découvrit  et  condamna  la  collusion  artificieuse 
dont  on  usait,  en  insérant  dans  le  bail  le  nom 
d'un  clerc  avec  celui  d'un  laïque,  qui  était  le 
seul  fermier  effectif,  et  occupait  avec  sa  famille 
les  maisons  de  l'Eglise,  au  scandale  des  parois- 
siens. «  In  ecclesiarum  mansis  et  domibus 
cum  uxoribus  morautur,  etc.  Unde  scandala 
jiulhilaut,  etc.  » 

VI.  Le  concile  de  Narbonne  en  1374  (Can.  vu), 
sembla  tolérer  ces  fermes  ou  bailliages,  pourvu 
qu'on  ne  les  accortiàl  point  à  \ie,  ni  pour  un 
temps  déterminé.  «  Nullus  nostrum,  nec  pra?- 
latus,  ca])itnlum,  vel  singularis  persona,  bal- 
livias,  scribanias,  seu  alia  officia,  ad  nos,  seu 
dignifates  vel  bénéficia  uostra  spectanlia  possil 


DES  BÉNÉFICES  AFFEUMÉS  MX  ECCLÉSIASTIQUES. 


497 


de  c.Ttero  nlicni  concedere  ad  vitam  ojiis,  sed 
ad  bene|ilaciluiii  duntaxat  concedeiitis.  » 

Le  concile  général  de  Constance  ordonna  que 
les  cardinaux  qui  possédaient  en  commende  des 
abbayes,  ou  dos  prieurés  conventuels  de  douze 
religieux,  y  nommeraient  un  vicaire-général 
pour  le  spirituel  et  pour  le  temporel;  dans  les 
autres  moins  nombreux  ils  auraient  un  vicaire 
pour  le  spirituel,  et  en  gouverneraient  le  tem- 
porel par  d"autres  personnes  qui  seraient  ecclé- 
siastiques, autant  qu'il  serait  possible.  «  Quan- 
tum poterunt,  per  ecciesiasticas  personas  hoc 
laciaut.  »  Enfin,  qu'ils  ne  pourraient  atfermcr 
leurs  bénéfices  à  des  laïques.  «  NuUi  autein 
laico  monasteria,  aut  bénéficia  liujusmoili  lo- 
cent,  aut  ad  firmam,  et  arrendamentum  dent 
(Conc.  Gêner.,  tom.  xii,  pag,  1433).  » 

Voilà  des  adoucissements  à  l'ancienne  sévé- 
rité contre  lesfermierslaiques.  En  voici  encore 
d'autres:  Les  constitutions  synodales  de  l'arche- 
vêque de  Dublin  en  Irlande,  en  1318,  ne  blâ- 
ment pas  les  fermes  données  à  des  laïques  et  à 
des  ecclésiastiques  conjointement.  «  Concessio 
vel  Arma  facta  laicis  de  bonis  quibuscumque 
ecclesiasticis  sine  assistentia  clericoruni,  est  ipso 
jure  nuUa  Conc,  tom.  xiv,  pag.  389,  4-28  . 

Le  concile  de  Bourges,  en  15-28,  défend  seu- 
lement d'afiermer  les  amendes  et  le  droit  du 
sceau  des  évéques.  «  Emenda'imposteruin  non 
dentur  ad  firmam  ;  nec  etiam  jus  sigilli  domi- 
norum  prcElatorum.  » 

Le  concile  11  de  Cologne,  en  1319  ibid.,  jiag. 
642,  64.3),  ne  défendit  non  plus  que  d'afîermer 
la  juridiction,  ou  de  donner  à  prix  d'argent  les 
charges  de  ceux  qui  l'exercent.  «  Ne  quis 
pnelafus  cujuscumque  sit  dignitatis  ,  suam 
jurisdictionem  et  munera  ulli  commissario, 
seu  coUeetori,  licet  ecclesiastico,  plus  oflerenti, 
pro  pecunia,  aut  pro  certo  annuo  censu,  coin- 
mittat,  vel  vendat,  sub  pcena  excommunica- 
tionis.  B 

Ce  concile  permit  ouvertement  de  louer  à 
des  laboureurs  laïques  les  terres  de  l'Eglise. 
a  Possuntcolouissaecularibusecclesiarum  [)rœ- 
dia  sub  annuo  censu  locari.  » 

Le  même  concile  permit  aux  chapitres  et  aux 
monastères  d'abandonner  tous  les  revenus  et 
tous  les  fonds  d'une  paroisse  à  un  curé,  en  se 
réservant  seulement  une  pension  médiocre  : 
«  pro  moderato  censu,  »  pourvu  qu'il  restât  un 
honnête  entretien  au  curé.  «  Ut  ei  supersit 
honestus  ac  sufficiens  victus  et  vestitus.  » 

Ce  dernier  article,  que  j'ai  trouvé  à  propos 


de  rapporter  dans  celendroit,  peut  passer  pour 
un  affermeiuent  de  tous  les  revenus  d'une 
église  paroissiale  fait  par  les  curés  primitifs 
au  curé  en  titre. 

Enfin  le  cardinal  Polus,  dans  les  articles  de 
la  rél'ormation  du  clergé  d'Angleterre,  en  1330 
(Ibid.,  p.  1733),  renouvela  les  anciennes 
constitutions  des  conciles  d'Angleterre  ,  de  ne 
plus  afTermer  les  dignités,  les  offices,  les  archi- 
diaconés  et  l'exercice  de  la  juridiction  épisco- 
pale ,  «  Ut  dignitates  ,  vel  officia ,  decanatus  , 
arcliidiaconatus,  siveproventusexjurisdictionis 
spiritualis  exercitio  provenientes  nullo  modo 
locentur,  seu  dentur  ad  firmam  ;  »  comme 
aussi  de  ne  plus  atïermer  les  bénéfices  (]ue  pour 
un  an,  sans  l'agrément  de  l'évèque  :  «  Reliqua 
bénéficia  ultra  anni  spalium,  sine  ulta  iuno- 
vationis  spe,  ad  locationem,  seu  tirmam  conce- 
dere  nemini  liceat ,  pr;cter  ordinarii  consen- 
sum;»  maisil  ne  donna  plusd'exclusion  générale 
aux  fermiers  laïques.  Il  ne  les  admit  aussi 
qu'avec  des  limitations,  et  cela  montre  que  ce 
changement  s'introduisait  peu  à  peu  dans  la 
police  de  l'Eglise. 

Enfin  le  concile  de  Narbonne,  en  1607  (Cap. 
xxxu),  ne  fit  plus  de  difficulté  sur  les  bénéfices 
affermés  à  des  laïques,  pourvu  que  l'on  ne 
chargeât  pas  le  fermier  des  services  et  des  offi- 
ces qu'il  faut  faire  célébrer  dans  l'église,  mais 
que  le  bénéficier  réservât  une  partie  des  fruits 
pour  un  prêtre  qu'il  présentera  à  l'ordinaire. 
«  Beneficiarii  fruclus  beneficii  laicis,  aut  aliis 
quibuscumque  arrentando,  non  apponantclau- 
sulam,  quod  rentarii  Ecclesi.-p  servitium  facere 
per  seipsos,  aut  per  alios  teneantur,  sed  pen- 
sionem  ah  episcopo  pro  deservientibus  Eccle- 
sia3  designandam  reservabunt;  et  presbyteros 
pro  servitio  faciendo  per  episcopum  approban- 
dos  i)r;csentabunt,  etc.  » 

Il  est  visible  qu'on  admet  indifféremment  ici 
des  fermiers  laïques  ou  ecclésiastiques,  pourvu 
que  lévêque  règle  lui-même  la  portion  con- 
grue du  prêtre  qui  remplit  les  charges  du 
bénéficier  absent. 

Les  anciennes  prohibitions  contre  les  fermes 
faites  à  des  laïques  se  sont  réduites  aux  emphy- 
téoses  qui  se  font  pour  un  trop  long  temps  et 
sans  le  consentement  de  l'évèque. 

Le  concile  de  Bordeaux,  en  1390  Cap.  m), 
reconnut  combien  les  afférmements  et  les  baux 
emphytéotiques  étaient  dangereux  à  l'Eglise  et 
contraires  aux  anciens  canons.  «  Beneficiorum, 
ecclesiasticarumque  rerum  locatiunes.  in  em. 


Th.  —  TcME  1. 


32 


498 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS. 


CHAPITRE  VLNGT-liUITlÉME. 


phyleosin  concessiones,  etc.  sanctissiinis  cano- 
num  constitutionibus  contrarix,  Jamnosuui 
successoribus  prœjudicium ,  el  cerlum  eccle- 
si.T  detrimentum  non  raro  afferre  consueve- 
runt.  »  Ainsi  ce  concile  délcnd  les  eniphyléoses 
et  les  arrentenients  pour  un  temps  trop  long, 
si  l'évêque  ne  les  juge  utiles  à  l'Eglise.  «  Nemo 
beneflciorum  bona  in  eniphyteosin  concédât, 
vel  ad  longum  tempus  locet,  ni  evidens  Eccle- 
sia;  utilitas  episcopi  judicio  aliud  postulant.  » 

Paul  II  avait  cassé  tous  les  baux  et  atlVrine- 
ments  au  delà  de  trois  ans  Extrav.  Ambitiosae, 
sess.  XXV,  c.  2).  Le  concile  de  Trente  cassa 
toutes  les  fermes  données  depuis  trente  ans 
pour  un  longtemps,  c'cît-à-dire  jiour  vingt- 
neuf  ans. 

VII.  L'on  ne  doit  pas  être  surpris  si  jusqu'à 
présent  nous  n'avons  rien  dit  de  l'Italie.  La 
raison  en  est  que  toutes  ces  précautions  n'y 
étaient  pas  nécessaires,  et  on  y  affermait  libre- 
ment les  dîmes  el  les  autres  biens  ecclésiasti- 
ques. 

innocent  III  manda  à  une  abbaye  d'Angle- 
terre qu'ils  pouvaient  affermer  leurs  dîmes 
selon  leur  ancienne  coutume,  pourvu  que  ce 
ne  fût  pas  les  aliéner,  ou  les  donner  en  fief, 
nonobstant  le  statut  contraire  des  évèques 
d'Angleterre,  a  Ita  tîimen  quod  bujusmodi  loca- 
tio  ad  feudum  ,  vel  alienationem  non  videatur 
extendit  (C.  Yestne  De  locato  et  conducto).  » 

Ce  pape,  en  s'écartantdans  cette  décision  des 
statuts  des  conciles,  non-seulement  d'Angle- 
terre, mais  aussi  de  France  et  d'Allemagne, 
avait  sa  raison,  quoique  ces  conciles  eussent 
aussi  la  leur;  car  ce  qui  est  convenable  et 
avantageux  en  général,  peut  être  désavanta- 
geux dans  certains  endroits  par  rapport  aux 
circonstances. 

Ainsi  ce  pape  avait  raison  en  considérant  la 
chose  en  général;  mais  les  évèques  d'Angle- 
terre, de  France  et  d'Allemagne,  par  rapport 
à  eux,  avaient  des  raisons  particulières  de  ne 
pas  suivre  la  décision  de  cette  décrétale.  Per- 
suadés qu'ils  étaient,  par  une  funeste  expé- 
rience, que  les  laïques,  de  fermiers  devenaient 
ordinairement  ou  pro|)riétaires  ,  ou  feuda- 
taircs,  et  qu'ils  avaient  saisi  une  infinité  de 
biens,  et  de  dîmes  qu'on  appelait  inféodées, 
parce  qu'ils  en  avaient  fait  des  fiefs,  ils  ne 
crurent  pas  devoir  déférer  à  cette  décrétale 
du  pape,  et  continuèrent  de  réitérer  ks  dé- 
fenses dont  nous  venons  de  parler. 

Ce  ne  fut  donc  qu'après  la  déroute  de  l'em- 


pire de  Charleniagne ,  et  après  les  violentes 
usurpations  que  les  laïques  firent  des  biens 
de  l'Eglise,  qu'elle  fut  obligée  de  se  munir  de 
toutes  ces  sages  précautions.  Comme  ce  dé- 
sordre ne  passa  pas  jusque  dans  l'Italie,  ni 
dans  l'Espagne,  aussi  on  n'y  usa  point  de  la 
même  circonspection.  Enfin,  lorsque  dans  la 
France  même,  l'xVngleterre  et  l'Allemagne, 
cette  longue  séparation  entre  les  personnes 
laïques  et  les  biens  de  l'Eglise  eut  accoutumé 
les  laïques  à  ne  plus  rien  prétendre  sur  les 
biens  des  Eglises,  on  n'a  plus  fait  de  difficulté 
de  leur  en  confier  les  fermes. 

VIII.  Il  ne  sera  pas  inutile  de  le  répéter  en- 
core une  fois.  Saint  Augustin  même,  qui  était 
de  tous  les  saints  prélats  qui  fiu'ent  jamais,  le 
plus  détaché  des  biens  de  la  terre  et  le  plus 
absorbé  dans  l'étude  de  la  vérité ,  ne  confia 
néanmoins  jamais  qu'à  des  ecclésiastiques  le 
maniement  du  temporel  de  l'Eglise.  «  Domus 
ecclesiie  curam,  omnemque  substantiam  ad 
vices  valeutioribus  clericis  delegabat ,  et  cre- 
debat  (Cap.  xxiv).  »  C'est  ce  qu'en  dit  Possidius 
dans  la  vie  de  cet  incomparable  prélat. 

Le  grand  saint  Grégoire  en  usa  de  même, 
écartant  toujours  les  laïques  de  toute  inten- 
dance sur  le  patrimoine  de  l'Eglise ,  et  ne 
leur  laissant  pour  leur  partage  que  les  armes 
et  le  labourage.  «  Nemo  laicorum  quodlibet 
palatii  ministerium,  vel  ecclesiasticum  patri- 
monium  procurabat ,  sed  omnia  ecclesiastici 
juris  munia  ecclesiastici  viri  subibant,  nimi- 
rum  laicis  ad  armorum  solam  militiam,  vel 
agrorum  curam  continuam  deputatis  (Jean. 
Diac,  in  vita  Greg.,  M.  l.  ii,  c.  [o].  » 

Si  cette  conduite  eût  toujours  été  observée, 
comme  il  est  apparent  qu'elle  l'était  au  ienqis 
de  ces  deux  grandes  lumières  de  l'Eglise,  on 
n'eût  ijeut-être  pas  vu  ni  tant  d'oisiveté  parmi 
les  ecclésiastiques  des  petits  ordres,  ni  tant  de 
pillages  du  patrimoine  de  J.-C.  par  les  laïques. 

Nous  ne  laisserons  pas  de  louer  dans  la  suite 
le  zèle  de  saint  Chrysostome  d'avoir  voulu  éta- 
blir que  les  laïques  reçussent  tous  les  reve- 
nus de  l'Eglise,  et  se  chargeassent  du  soin  de 
nourrir  le  clergé,  qui  ne  s'occupait  pour  lors 
(]ue  des  choses  célestes,  et  s'attachait  unique- 
ment à  conduire  les  chrétiens  dans  la  voie 
du  salut.  Mais  comme  ce  jirojet  avait  son 
bon  et  son  mauvais,  la  discipline  de  l'Eglise 
a  changé  là-dessus  par  rapport  aux  circons- 
tances des  temps. 

IX.  Ce  chapitre   ne   passera  pas  pour  une 


DES  DIACRES  PENDANT  LES  CINQ  PREMIERS  SIÈCLES. 


499 


digression,  si  on  en  considère  le  commence- 
ment et  h  fin,  car  je  ne  m'y  suis  engagé  que 
pour  développer  une  espèce  de  commerides 
qui  s'était  introduite  dans  les  cures,  sous  le 
nom  de  ferme  ;  et  je  le  finis  en  montrant  que, 
pendant  plus  de  six  cents  ans  ujjrès  la  nais- 
sance de  l'Eglise  et  depuis  environ  cinq  ou  six 
cents  ans  avant  notre  siècle,  l'administration 
des  biens  temporels  de  l'Eglise  était  une  occu- 
pation propre  et  affectée  aux  ecclésiastiques, 
sous  le  même  nom  de  fermiers,  qui  pouvaient 


bien  passer  pour  bénéficiers,  puisque  les  béné- 
ficiers  titulaires  n'étaient  assez  souvent  que 
leurs  pensionnaires. 

Ajoutez  à  cela  que  ces  ecclésiastiques,  à  (jui 
tant  de  conciles  viennent  de  permettre  qu'on 
atfermàt  le  spirituel  ou  le  temporel  des  béné- 
fices pour  cinq  ans,  et  qu'après  quelque  inter- 
ruption on  pût  encore  le  leur  affermer;  ces 
ecclésiastiques,  dis-je,  pouvaient  certainement 
passer  pour  des  vicaires. 


CHAPITRE  VINGT-NEU  VIÊME . 


DES    DIACRES    PENDANT    LES    CINQ    PREMIERS    SIÈCLES. 


I.  Les  diacres  s'élevaient  au-dessus  des  prêtres,  à  cause  de 
leur  petit  nombre.  Saint  Jérôme  leur  reproclie  l'occasion  de  leur 
institution,  pour  assister  les  veuves. 

IL  Ce  ['ère  relève  ailleurs  l'ordre  des  diacres,  et  le  reconnaît 
divinement  institué  pour  le  sacriBce. 

III.  Preuves  que  l'assistance  des  veuves  ne  fut  que  l'occasion, 
et  non  pas  la  cause  d'instituer  les  diacres. 

IV.  Saint  Jérôme  leur  donne  le  pouvoir  de  baptiser. 

V.  Du  nombre  des  sept  diacres  à  Rome. 

VI.  L'autre  raison  de  l'orgueil  des  diacres  était  leur  grand  cré- 
dit auprès  de  l'évêque. 

VII.  Du  pouvoir  que  les  diacres  avaient  de  baptiser. 

VIII.  Et  de  réconcilier  les  pénitents  dans  l'extrémité,  en  leur 
donnant  l'Eucharistie. 

IX.  Preuves  qu'on  réconciliait  les  pénitents  immédiatement 
par  l'Eucharistie,  au  défaut  des  prêtres,  et  dans  l'extrémité. 

X.  On  défend  aux  diacres  de  ne  plus  célébrer  la  messe. 

XI.  On  les  limite  et  on  les  rabaisse  en  divers  articles. 

XII.  Durant  les  cinq  premiers  siècles,  ni  les  diacres,  ni  même 
les  archidiacres  n'ont  jamais  exercé  aucune  juridiction  sur  les 
prêtres. 

XIU.  Obligation  des  diacres  d'instruire  et  d'encourager  les  fai- 
bles, surtout  dans  les  occasions  du  martyre. 

XiV.  Règlements  de  l'Eglise  grecque  sur  les  devoirs  des 
diacres. 

XV.  De  la  juridiction  des  diacres  sous  l'évêque,  comparée  à 
celle  de  J.-C.  sous  son  Père. 

XVI.  De  leur  pouvoir  de  prêcher  et  de  lire  l'Evangile. 

1.  Saint  Jérôme  ne  crut  pas  pouvoir  répri- 
mer l'orgueil  et  l'insolence  de  quelques  dia- 
cres de  son  temps  qui  s'élevaient  avec  une  va- 
nité insupportable  au-dessus  des  prêtres,  qu'en 
leur  faisant  voir  leur  origine  et  celle  des  prê- 
tres (Hierou.,  epist.  ad  Evagrium).  Les  diacres, 
dans  leur  première  institution,  ne  paraissent 
que  pour  prendre  soin  de  la  nourriture  des 


veuves  et  des  pauvres  :  «  Mensarum  et  vidua- 
rum  minister.  » 

Les  prêtres,  au  contraire,  dans  les  divines 
Ecritures,  sont  presque  confondus  avec  les  apô- 
tres et  les  évèques.  Saint  Jean  prend  le  nom  de 
prêtre  dans  ses  lettres  :  «  Presbyter  Electa'  Do- 
minfE  presbyter  Caio  carissimo.  »  Saint  Pierre 
se  dit  le  confrère  des  prêtres  :  «  Presbytères  in 
vobis  precor  compresbyter  et  testis  passionum 
Christi.  »  Saint  Paul,  parlant  à  tous  les  prêtres 
d'une  Eglise,  les  traite  tous  comiue  des  évè- 
ques :  «  Attendite  vobis,  et  cuncto  gregi,  in  que 
vos  posuit  Spiritus  sanctus  episcopos,  etc. 
(Actor.  c.  20).  » 

Après  cela  saint  Jérôme  tâche  de  découvrir 
d'où  peut  être  venue  cette  vanité  si  déraison- 
nable des  diacres,  et  il  dit  premièrement  que 
cela  peut  être  provenu  de  leur  petit  nombre, 
au  lieu  que  la  multitude  des  prêtres  les  avait 
exposés  au  mépris.  «  Quid  paucitatem,  de  qua 
ortum  est  supercilium  in  leges  Ecclesiae  vin- 
dicas?  Omne  quod  rarum  est,  plus  appetitur. 
Diaconos  paucilas  honorabiles  ,  presbytères 
turba  contemptibiles  facit.  » 

II.  Saint  Jérôme  n'a  pas  laissé  ailleurs  de  té- 
moigner une  haute  estime  pour  l'ordre  des 
diacres.  Il  les  met  au  troisième  degré  du  sacer- 
doce. «  In  tertio  gradu  (Epist.  ad  Hetiod.).» 
Il  les  unit  toujours  aux  évoques  et  aux  prêtres. 


5!;o 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-NEUVIÈME. 


comme  tompos.tiit  avec  eux  le  clergé  ininiitit, 
di\iiieiiieiil  institué,  .\insi  il  dit  ,-i  Jovinieii , 
qu'ùler  la  différence  du  clergé  et  des  laïques, 
c'est  renverser  la  hiérarcliie  de  l'Eglise.  «  Si 
tollis  Ofdinem  tabeniaculi,  templi,  Ecclesi;p, 
necquiquam  episcopi,  frustra  presbyteri,  sine 
causa  diaconi  (L.  ii,  Advers.  Jovin.).  »  11  les 
engage  dans  le  même  lieu  d'une  incorruptible 
continence,  en  vue  des  fonctions  sacerdotales  : 
«  Non  milii  irascantur,  sed  Scripturis  sanctis, 
imo  episco|)is,  et  iiresbyteris,  et  diaconis,  et 
universo  choro  sacerdotali  et  levitico,  qui  se 
noverunt  liostias  otVerre  non  posse,  si  operi 
serviant  conjugali  (In  Apolog.  advers.  Jovin.).  » 

11  reconnaît  donc  que  les  diacres  sont  insti- 
tués origuKiirement  pour  le  ministère  sacré 
du  sacrifice,  puisque  c'est  pour  cela  qu'il  leur 
impose  le  joug  de  la  continence  et  qu'il  les 
compare  aux  lévites  du  vieux  Testament,  dont 
l'établissement  divin  avait  aussi  pour  but  le 
service  des  autels.  C'est  ce  qu'il  confesse  dans 
la  lettre  même  à  Evagrius  :  «  Et  ut  scianuis 
traditiones  apostolicas  sumplas  de  veteri  Testa- 
mento,  quod  Aaron,  et  filii  ejus,  atque  levit;e 
fuerunt,  hoc  sibiepiscopi,  et  presbyteri,  et  dia- 
coni vindicent  in  Ecclesia  Epist.  ad  Eva- 
grium).  » 

Les  diacres  seraient  beaucoup  au-dessous  des 
lévites  par  leur  institution,  si  leur  ordre  n'a- 
vait été  établi  que  pour  la  nourriture  des  veu- 
ves. Saint  Jérôme  les  met,  avec  les  évoques  et 
les  prêtres,  au  plus  haut  comble  des  dignités 
ecclésiastiques.  «  Ecclesia  multis  gradibus  cou- 
sisten.s,  ad  ultimum  diaconis,  presbyteris,  epi- 
scopis  linitur  (Adv.  Lucifer.).  » 

III.  Il  faut  donc  accorder  ce  savant  Père  avec 
lui-même,  en  disant  que  ce  n'est  pas  la  tin  prin- 
cipale de  la  i)remière  institution  des  diacres, 
niais  l'occasion  qui  les  a  fait  naître  qu'il  leur 
oppose,  afin  de  rabattre  un  peu  les  sentiments 
trop  élevés  qu'ils  avaient  de  leur  état. 

Les  apôtres  [irirenl  véritablement  occasion 
de  faire  élire  des  diacres,  de  la  nécessité  où  ils 
se  trouvaient  de  se  décharger  du  soin  de  la 
nourriture  des  pauvres.  Ils  se  déchargèrent 
aussi  en  même  temps  sur  eux  du  service  de 
l'autel  et  en  partie  même  du  ministère  de  la 
parole  divine,  puisqu'alors  la  table  sacrée  et  la 
table  comnuuie  n'étaient  i)oint  encore  sê|)arées, 
et  ([ue  saint  Etienne,  le  premier  des  diacres^ 
commença  d'abord  à  prêcher  l'Evangile  avec 
celte  ferveur  admirable  i|iii  mit  sur  sa  tête  la 
première  couronne  des  mar  Ijrs. 


Les  apôtres  unirent  même  ces  deux  fonc- 
tions d'assister  les  sacrificateurs  à  l'autel  et 
de  prêcher  l'Evangile  à  l'ordre  et  à  l'état  des 
diacres.  Mais  comme  ce  n'était  pas  là  la  néces- 
sité dont  ils  étaient  le  i)lus  pressés,  ils  ne  se 
crurent  forcés  d'élire  des  diacres  qu'afin  de 
se  reposer  sur  eux  du  soin  du  temporel  de  l'E- 
glise, et  de  la  nourriture  des  pauvres. 

IV.  Aussi  saint  Jérôme  donne  aux  diacres 
le  pouvoir  de  baptiser,  avec  la  permission  de 
l'évêque,  et  le  chrême  qu'ils  doivent  recevoir 
de  lui;  ce  qu'il  justifie  i>ar  l'exemple  de  Phi- 
lippe, diacre,  qui  avait  baptisé  les  Samaritains, 
et  n'avait  pu  les  bajifiser  sans  leur  donner  le 
Sainl-Ksiirit.  «  Inde  venit,  ut  sine  chrismatc  et 
episcopi  jussione,  neque  presbyter,  neque  dia- 
conusjus  habeant  baptizandi  (Adv.  Lucifer.).» 
Or,  le  baptême  ne  pouvait  être  administré 
dans  ces  premiers  siècles  sans  donner  des  ins- 
tructions aux  catéchumènes.  Aussi  le  diacre 
Philippe  avait  premièrtment  converti  les  Sa- 
maritains, et  ensuite  il  les  baptisa. 

V.  Après  avoir  purgé  et  saint  Jérôme  et  les 
diacres  mêmes  de  ce  reproche  qui  regardait 
la  tin  et  le  but  de  leur  institution,  il  faut  venir 
au  second  point  que  ce  Père  a  touché  ;  savoir 
le  petit  nombre  des  diacres  et  l'excessive  mul- 
titude des  prêtres.  Au  moins  à  Rome,  cela  était 
de  la  sorte  :  il  n'y  avait  (|ne  sept  diacres,  et  le 
nombre  des  prêtres  n'était  jwint  déterminé. 

La  lettre  que  le  pape  Corneille  écrivit  vers  le 
milieu  du  troisième  siècle,  et  qui  est  rapportée 
par  Eusèbe  ,  fait  foi  (|u'il  y  avait  alors  à  Rome 
quarante-quatre  prêtres  ,  sept  diacres  ,  sept 
sous-iliacres;  et  que  (piant  aux  ordres  infé- 
rieurs le  nombre  en  était  fort  grand  (L.  vi, 
c.  W).  Il  ne  faut  pas  douter  qu'en  cela  l'Eglise 
romaine  prétendait  imiter  les  apôtres  qui  n'or- 
donnèrent que  sept  diacres.  Les  autres  Eglises 
ne  s'attachèrent  pas  si  scrupuleusement  à  ce 
nombre. 

L'Eglise  d'Edessc,  dont  il  est  jorlé  dans  l'ac- 
tion X  du  concile  de  Calcédoine,  avait  quinze 
prêtrcis  et  trente-huit  diacres.  Justinien  mit 
dans  l'Eglise  de  Constantino()le  jus(]u'à  cent 
diacres.  Aussi  saint  Jérôme  ne  se  plaint (|ue  de 
l'Eglise  de  Rome  où  les  diacres  axaient  (juel- 
quefois  pris  la  hardiesse  de  mettre  les  prêtres 
au-dessous  il'eux.  Encore  confesse-t-il  (]ue  dans 
les  églises  de  Rome  même  les  prêtres  étaient 
assis  et  les  diacres  debout.  «  Cfeterum  etiani  in 
Ecclesia  Roma»  presbyteri  sedent,  et  stant  dia- 
coiù.  » 


DES  DIACRES  PENDANT  LES  CINO  PREMIERS  SIÈCLES. 


501 


Ce  n'était  donc  que  hors  de  l'église  et  en 
l'absence  de  l'évèque  que  les  diacres  s'en  f.ii- 
saieiit  accroire,  parce  que  la  présence  de  révo- 
que faisait  respecter  les  prèlres  et  contenait  les 
diacres  dans  le  devoir.  C'est  ce  qu'en  dit  saint 
Jérôme  dans  la  même  lettre  à  Evagrius  :  «  Licet 
paulatim  incrcbrescentibus  vitiis  inter  presby- 
teros,  absente  episcopo,  sedere  diaconuni  vide- 
rini  ;  et  in  domeslicis  conviviis  bcuedictiones 
presbyteris  dare.  »  Le  concile  d'Arles  (Can.  xu; 
se  déclara  contre  les  entreprises  ambitieuses 
de  ces  diacres.  «  De  diaconibus  urbicis,  ut  non 
aliquid  per  se  prœsumant,  sed  honor  presbyte- 
ris reservetur.  » 

VI.  Mais  c'est  de  l'auteur  des  questions  de 
l'un  et  de  l'autre  Testament,  qu'on  attribue  à 
saint  Augustin,  que  nous  devons  apprendre 
l'antre  raison  de  cet  orgueil  des  diacres.  C'était 
le  grand  crédit  qu'ils  avaient  auprès  de  l'évè- 
que, étant  ses  mains,  ses  yeux  ,  se?  ministres, 
ses  agents,  ses  confidents,  et  ainsi  étant  comme 
les  instruments  par  lesquels  il  distribuait  toutes 
ses  grâces.  C'est  pour  cela  qu'on  faisait  la  cour 
aux  diacres  pendant  que  les  prêtres  demeu- 
raient sans  crédit  et  sans  autoi  ité.  Tous  ces  su- 
jets de  vanité  et  de  faste  étaient  incomparable- 
ment plus  grands  à  Rome  ([u'ailleurs  ,  à  cause 
de  cette  multitude  infinie  de  grandes  aD'aires 
qui  se  portaient  au  Saint-Siège. 

«  Immemores  elatione  mentis,  et  quod  vi- 
deant  Romanœ  Ecclesiœ  se  esse  ministros,  non 
considérant,  quid  illis  a  Deo  decretum  sit,  et 
(|uid  debeant  custodire.  Sed  tollunt  hœc  de 
memoria  assidu;p  stationes  domestica?,  et  offi- 
cialitas,  qua?  per  suggesliones  malas,  seu  bonas, 
nunc  plurimum  polest.  Aul  timetur,  ne  maie 
suggérant;  aut  emuntur,  ut  prœstent.  Hi  sunt 
qui  faciunt  eos  ordinis  sui  non  considerare 
rationem  ;  quippe  cum  videant  non  sic  deferri 
sacerdotibus,  ac  per  hoc  anteferri  se  putant. 
(Qu^st.  loi).  » 

VII.  Venons  aux  devoirs  et  aux  obligations 
des  diacres  et  remettons  en  un  autre  lieu  j)lus 
propre  la  troisième  raison  sur  laquelle  étaient 
fondées  les  contestations  que  les  diacres  fai- 
saient pour  la  préséance,  savoir  le  maniement 
(in  trinpore!  (jui  leur  était  très-souvent  confié. 

S.iint  Jérôme  nous  a  déjà  fait  remarquer 
quelques-uns  de  et  s  devoirs  des  diacres.  Il 
nous  a  appris  que  le  diacre  baptisait  avec  la 
permission  de  lévèijue.  Le  concile  d'Elvire 
(Can.  Lxxvn)  le  dit  aussi,  et  il  semble  même 
supposer  que  l'on  confiait  des  paroisses  à  des 


diacres.  «  Si  quis  diaconus  regens  plebem, 
sine  episcopo,  vel  presbylcro  alicjuos  baptiza- 
verit ,  eos  per  benediclionem  ,  episcopus  perfi- 
cere  debebit.  » 

Ce  concile  semble  donner  le  pouvoir  de  con- 
firmer aux  prêtres,  mais  non  pas  aux  diacres, 
puisqu'il  ne  renvoie  pour  être  confirmés  par 
l'évèque  que  ceux  qui  ont  été  baptisés  par  le  dia- 
cre seul.  Saint  Jérôme  ne  le  donnait  ni  à  l'un  ni 
à  l'autre  dans  le  livre  cité  ci-dessus.  «  Non  abnuo 
banc  esse  Ecclesiarum  consuetudinem,  ut  ad 
eos  qui  longe  in  minoribus  urbibus  per  pre- 
sbyteros  et  diaconos  liaptizati  sunt,  episcopus  ad 
invocationem  sancli  Spirilus  manuin  impositu- 
rus  excurrat  (Adv.  Lucif.).  » 

Il  se  peut  faire  qu'en  divers  temps  et  en  di- 
vers lieux  on  ait  suivi  des  pratiques  différentes. 
Au  reste,  le  même  saint  Jérôme  dit  au  même 
endroit  que  le  diacre  llilaire,  qui  s'était  rendu 
le  chef  des  schismatiques  lucifériens,  ne  pou- 
vait pas  même  donner  le  baptême  puisqu'on 
ne  peut  le  donner  sans  l'eucharistie  et  qu'un 
diacre  ne  peut  ni  consacrer  l'eucharislie,  ni 
ordonner  des  é\èques  ou  des  prêtres  pour  la 
consacrer.  «Hilarius  cum  diaconus  de  Ecclesia 
recesserit,  neque  Eucharistiam  conficere  potest, 
episcopos  et  presbytères  non  habens,  neque 
baptisma  sine  Eucharistia  tradere.  » 

Cette  contradiction  apparente  se  peut  lever, 
en  disant  que  c'est  du  baptême  solennel  que 
saint  Jérôme  parle^  qui  ne  pouvait  effectivement 
être  donné  par  les  diacres,  parce  qu'on  le 
donnait  avec  la  solennité  de  la  messe  :  ou  bien 
d'un  baptême  accompagné  de  toutes  ses  per- 
fections et  suites  naturelles,  qui  étaient  la  con- 
firmation et  l'eucharistie,  qu'on  donnait  alors 
ensemble  pour  l'ordinaire,  quoiciue  dans  les 
nécessités  pressantes  on  donnât  le  baptême 
seul. 

VIII.  On  serait  bien  plus  surpris  d'apprendre 
que  les  diacres  ont  autrefois  réconcilié  les  pé- 
nitents en  l'absence  des  évêques  et  des  prêtres, 
si  nous  ne  devions  être  persuadés  qu'il  est 
plus  probable  qu'ils  ne  le  faisaient  qu'en  don- 
nant l'eucharistie,  dont  leur  ordre  et  la  pra- 
tique des  premiers  siècles  les  rendaient  dispen- 
sateurs. Le  même  concile  d'Elvire  (Can.  xxxii) 
le  dit  si  clairement,  qu'on  n'en  peut  douter  : 
«  Cogente  infirmitale  necesse  est  prisbyterum 
communionem  pra-stare  debere,  et  diaconum, 
si  ei  jusserit  saceulos.  » 

Ce  canon  parle  de  ceux  que  l'évèque  a  mis 
en   pénitence  et  qui  se  trouvent  subitement 


302 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-NEUVIÈME. 


accablés  de  quelque  maladie  violente,  qui  ne 
leur  permet  pas  d'attendre  ce  dernier  viatique 
de  la  main  de  l'évêque.  Ainsi  c'avait  toujours 
été  l'évêque  qui  avait  été  le  principal  ministre 
de  la  pénitence  et  qui  avait  même  commencé 
de  prier  pour  la  rémission  des  péchés,  dont  on 
devnit  faire  pénitence. 

On  y)Ourrait  ajouter  ce  que  le  père  Morin  a 
justifié  par  les  anciens  sacramentaires,  que  les 
prières  dont  l'évêque  usait  en  mettant  un  pé- 
nitent à  la  pénitence,  étaient  les  mêmes,  ou 
avaient  le  même  sens  que  celles  qui  donnaient 
la  dernière  absolution  à  la  fin  de  la  péni- 
tence. 

Enfin  c'était  toujours  l'évêque  qui  avait  per- 
mis et  au  prêtre  et  au  diacre  de  réconcilier  le 
pénitent  dans  le  c;is  de  l'extrême  nécessité. 
Saint  Cyprien  ne  parle  aussi  que  de  ceux  que 
l'évêque  avait  admis  à  la  pénitence,  quand  il 
dit  que  les  diacres  doivent  les  réconcilier,  si 
une  maladie  violente  et  imprévue  les  réduit  à 
l'extrémité.  «  Si  urgere  exitus  cœperit,  apud 
diaconum  exomologesin  facere  delicti  sui  pos- 
sint,  ut  manu  eis  in  pœnitentiam  imposita, 
veniant  ad  Dominum  cum  pace ,  quam  dari 
martyres  litteris  ad  nos  factis  desideraveruiit 
(Cyprian.,  ep.  xui).  » 

Le  concile  I"  de  Tolède  (Can.  ii)  renvoie  au 
rang  des  sous-diacres  les  diacres  qui  ont  été  or- 
donnés par  surprise,  après  avoir  fait  la  péni- 
tence publique,  en  sorte  qu'ils  ne  puissent  plus 
ni  imposer  les  mains,  ni  toucher  les  vases 
sacrés.  «  Ita  ut  manum  non  imponant.  »  Celte 
imposition  des  mains  n'était  pas  celle  qui  est 
liropre  aux  prêtres  et  aux  évêques,  quand  ils 
administrent  le  sacrement  de  pénitence  ;  mais 
n'étant  qu'une  cérémonie,  elle  tendait  à  même 
fin,  et  préparait  les  pénitents  à  la  réception  de 
l'eucharistie. 

IX.  Si  les  théologiens  permettent  encore  aux 
prêtres  de  célébrer  dans  certaines  nécessités, 
en  tâchant  d'effacer  auparavant  le  crime  dont 
ils  se  sentent  atteints,  par  un  clîort  d'une  dou- 
leur et  d'une  charité  sincère,  pourquoi  trou- 
vera-t-on  étrange  qu'on  permît  aux  diacres  de 
donner  l'eucharistie  aux  pénitents,  réduits  à 
l'extrémité  de  leur  vie,  s'il  était  impossible  de 
recourir  à  un  prêtre? 

Ensèbe  (L.  vi,  c.  -ii)  raconte  l'histoire  adini- 
rahle  du  vieillard  Sérai)ion  qui  n'avait  encore 
pu  obtenir  l'absolution  d'un  crime  d'idolàlric  ; 
mais  qui  étant  pressé  des  approches  de  la 
mort,  envoya  quérir  le  prèlre  ;  mais  le  prêtre 


n'ayant  pu  venir,  parce  qu'il  était  malade,  il  lui 
envoya  l'eucharistie  par  un  jeune  enfant;  le 
vieillard  l'ayant  reçue ,  rendit  l'esprit  en 
paix.  C'était  le  saint  et  savant  Denis,  évèque 
d'Alexandrie,  qui  racontait  cette  histoire  avec 
ajiprobation  et  avec  joie,  parce  que  c'était  lui- 
même  qui  avait  fait  cette  ordonnance  qu'on 
ne  refusât  jamais  la  réconciliation  aux  mori- 
bonds. 

H  faut  donc  croire  qu'il  y  a  eu  une  infinité 
d'exemples  semblables,  où  les  prêtres  ne  pou- 
vant aller  donner  l'absolution  à  ceux  qui 
étaient  prêts  de  mourir,  leur  envoyaient  la  com- 
munion par  des  clercs,  mais  surtout  par  les 
diacres. 

C'est  vraisemblablement  le  sens  de  ces  deux 
canons  du  concile  IV  deCarthage  (Can.  lxxvu, 
Lxxvui),  qui  veut  qu'on  donne  le  viatique  aux 
pénitents ,  surpris  d'une  violente  maladie , 
mais  que  s'ils  reviennent  en  santé,  on  les  oblige 
de  se  soumettre  à  l'imposition  des  mains,  et 
aux  rigueurs  ordinaires  de  la  pénitence.  «  Pœ- 
nitenles  qui  in  infirmitatesunt,  viaticum  acci- 
jtiant.  Pœnitentes  qui  in  infirmitate  viaticum 
Eueharistiœ  acceperint,  non  se  credant  abso- 
lutos,  sine  inanus  impositione,  si  supervixe- 
rint.  »  Par  là  il  est  évident  que  le  viatique  est 
l'eucharislie  ,  qu'on  ne  la  refuse  jamais  aux 
mourants,  (ju'on  la  leur  donnaitquoique,  faute 
de  prêtre,  ils  n'eussent  pas  été  absous  de  leurs 
péchés  et  qu'ils  dussent  encore  s'en  faire 
absoudre,  s'ils  recouvraient  la  santé.  C'est  ma- 
nifestement le  sens  de  ces  paroles  :  «  Qui  infir- 
mitate viaticum  pœnitentiai  acceperint,  non  se 
credant  absolutos,  sine  manus  impositione,  si 
supervixerint.  » 

On  peut  encore  rapporter  à  cela  même  le 
canon  suivant,  qui  veut  qu'on  communie  après 
leur  mort  avec  les  pénitents  qu'une  tempête, 
ou  quelque  autre  accident  inopiné  aura  privés 
de  toute  l'assistance  spirituelle  de  l'Eglise.  «  Si 
casu  in  itinere,  vel  in  mari  mortui  fuerint,  ul)i 
eis  suhveniri  non  possit,  memoria  corum 
et  orationibus  et  oblationibus  commendetur 
(Can.  Lxxix).  On  eût  sans  doute  communie 
durant  leur  vie  avec  ceux  avec  lesiiuels  on 
connnuniait  après  leur  mort. 

\.  Je  ne  dirai  |)as  ici  que  les  diacres  ont 
anliefois  célébré  le  divin  sacrifice.  C'était  un 
abus  insupimrlable,  que  les  conciles  condam- 
nèrent d'abord.  Le  concile  1"  d'Arles  (C.  xv)  : 
«  l)(!  diaconibns,  (|no-cognoviiiuis  nujltis  locis 
dUViii'.  plaeiiit  iiiîinnie  lii  ri  debere.  »  Le  enn- 


DES  DIACRES  PENDANT  LES  CINQ  PREMIEHS  SIÈCLES. 


S03 


cile  IV  de  Cartilage  (Can.  iv),  rcmarq'ia  ([ne 
révoque  seul  imposait  les  mains  au  diacre 
dans  son  ordination,  au  lieu  que  tous  les  prê- 
tres présents  imposaient  aussi  les  mains  sur  la 
tète  des  prêtres  qu'on  ordonne^  parce  que  le 
diacre  n'est  pas  ordonné  pour  le  sacerdoce, 
mais  pour  le  ministère.  «  Quia  non  ad  sacer- 
dotium,  seil  ad  ministerium  consecratur.  » 

Crtte  usurpation  sacrilège  que  les  diacres 
avaient  faite  de  célébrer  la  messe,  ne  laissait 
pas  de  faire  voir  la  vaste  étendue  de  leurs  pou- 
voirs. Car  suppléant  en  l'absence  des  évéques 
et  des  prêtres  en  tant  d'autres  fonctions  sacrées 
et  une  partie  assez  considérable  de  la  messe 
devant  être  i)rouoncée  jiareux^  ils  crurent  faci- 
lement pouvoir  aussi  otfiir  le  sacrifice  en  l'ab- 
sence des  sacrificateurs. 

XL  Cependant  ce  même  concile  de  Cartliage 
se  crut  obligé  d'arrêter  les  entreprises  des 
diacres  en  bien  d'autres  choses.  Ils  prétendaient 
être  ministres  de  l'évêque,  mais  non  pas  des 
prêtres.  Ce  concile  (Can.xsxvu,  xxxviii,  xssix, 
XL)  leur  apprend  qu'ils  le  sont  aussi  des  prê- 
tres. «  Diaconus  ita  se  presbyteri,  ut  episcopi 
ministrum  noverit.  »  On  leur  défend  de  don- 
ner l'eucharistie  au  peuple  en  la  présence  d'un 
prêtre,  si  le  prêtre  ne  leur  commande.  «  Ut 
diaconus  praesente  prcsbytero  Eucharistiam 
corporis  Christi,  populo  si  nécessitas  cogat , 
jussus  eroget.  »  On  leur  défend  de  s'as- 
seoir en  la  présence  des  prêtres  s'ils  ne  leur 
commandent  de  le  faire,  non-seulement  dans 
l'église,  mais  en  quelque  lieu  que  ce  puisse 
être.  «  Ut  diaconus  quolibet  loco  jubente  pre- 
sbylero  sedeat.  » 

Enfin ,  on  leur  défend  de  parler  dans  les 
assemblées  des  prêtres  si  on  ne  les  interroge  : 
«  Ut  diaconus  in  conventu  presbyterorum.  in- 
lerrogalus  loquatur.  » 

Le  pape  Gélase  réduisit  les  diacres  encore 
plus  à  l'étroit.  Car  non-seulement  il  leur  dé- 
fendit toutes  les  fonctions  que  rantiquité  a 
réservées  aux  évêques  et  aux  prêtres,  «  quœ 
primis  ordinibus  proprie  decrevit  antiquitas 
(Epist.  IX),  mais  même  de  baptiser,  si  ce  n'est 
dans  la  nécessité  et  en  l'absence  des  prêtres , 
de  s'asseoir  dans  le  presbytère  pendant  la  célé- 
bration des  mystères,  ou  pendant  qu'on  y  traite 
des  affaires  de  l'Eglise  ;  enfin  ,  de  donner  l'eu- 
charistie, si  ce  n'est  en  l'absence  des  prêtres  et 
des  évêques. 

XII.  Je  ne  puis  suspendre  plus  longtemps 
une  observation  importante,  qui  eût  été  plus 


propre  aux  chapitres  xvii.  xvm,  xix  etxx,  si  les 
preuves  n'en  cusseiil  été  nécessairement  réser- 
vées à  celui-ci,  |iaicc  i]u'elles  en  sont  la  ma- 
tière. C'est  qu'entre  tant  de  canons  et  tant  de 
faits,  qui  regardent  les  diacres  et  les  archidia- 
cres ,  il  n'a  point  paru  que  les  archidiacres 
aient  eu  aucune  juridiction  sur  les  prêtres ,  ni 
même  qu'ils  aient  eu  la  i)réséance  au-dessus 
d'eux.  Saint  Jérôme  n'aurait  pas  oublié  de  dire 
que  c'était  un  renversement  insupportable  de 
voir  un  archidiacre  précéder ,  dominer  et 
excommunier  les  prêtres.  11  n'aurait  pas  oublié 
de  dire  que  l'insolence  des  diacres  se  fondait 
sur  l'empire  de  l'archidiacre  sur  les  prêtres. 

L'auteur  des  ([uestions  des  deux  Testaments 
ne  se  plaint  que  du  crédit  que  les  diacres 
avaient  auprès  du  pontife,  des  respects  que  cela 
leur  attirait  et  de  la  considération  que  cela  leur 
donnait  au-dessus  des  ]irêtres;  il  se  fût  plaint 
phis  justement,  s'il  eût  vu  un  archidiacre,  qui 
n'était  enfin  ([u'un  diacre,  faire  éclater  les 
marques  de  sa  juridiction  et  les  foudres  mêmes 
des  censures  ecclésiastiques  sur  la  tête  des  prê- 
tres. 

Le  concile  IV  de  Carthage  et  le  pape  Gélase 
qui  ont  travaillé  à  réprimer  le  faste  et  les  en- 
treprises audacieuses  des  diacres  eussent  fait 
apjtaremment  ([uelque  réflexion  sur  cette  do- 
mination des  archidiacres  ,  si  elle  eût  déjà  été 
telle  qu'elle  fut  depuis. 

Il  est  donc  extrêmement  probable  que  les 
archidiacres,  durant  ces  cinq  premiers  siècles, 
n'ont  pris  séance  au-dessus  des  prêtres  que 
lorsqu'ils  ont  représenté  la  personne  des  évê- 
ques dans  les  conciles,  qu'ils  ont  exercé  une 
juridiction  ordinaire  sur  les  diacres  et  les 
autres  clercs  inférieurs ,  que  les  évêques  ne 
leur  ont  guère  délégué  leur  juridiction  sur  des 
prêtres  ,  au  moins  qu'ils  n'ont  jamais  eu  de 
juridiction  ordinaire  sur  eux,  pendant  ce  pre- 
mier âge  de  l'Eglise.  En  effet  si  cela  eût  été, 
comment  n'aurait-on  point  excepté  l'archidia- 
cre de  la  défense  générale  faite  aux  diacres  de 
s'asseoir  dans  le  presbytère,  pendant  qu'on  y 
traite  des  affaires  de  l'Eglise,  ou  même  de  s'as- 
seoir quelque  part  que  ce  fût  en  présence  des 
prêtres,  sans  leur  commandement? 

Xlll.  Je  finirai  les  devoirs  des  diacres  par 
l'obligation  qu'ils  avaient  d'instruire  et  de  for- 
tifier les  ignorants  et  les  faibles.  Saint  Cyprien 
a  protesté  que  c'avait  toujours  été  la  fonction 
des  diacres  de  visiter  les  prisons,  afin  d'y  assis- 
ter les  martyrs  par  leurs  instructions  et  par 


504 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  VINGT-NEUVIÈME. 


leurs  ferventes  exhortations.  «  In  praeteritum 
semper  sub  antecessoribus  nostris  factum  est , 
ut  diaconi  adcarceres  comnieantes,  martyrum 
desideria  consiliis  suis  et  Scripturarum  prœ- 
ceptis  gubernarent.  » 

L'illustre  diacre  Abibus  embrasa  d'un  feu 
céleste  tous  ces  bieiilieureux  martyrs  que  la 
persécution  de  Licinius  avait  jetés  dans  les  pri- 
sons d'Edesse,  ou  qu'elle  menaçait  d'un  rigou- 
reux supplice.  «  Abibo  universum  imminebat 
periculum.  Is  enim  obibatcivitalem,  et  divinas 
cunctos  docens  Scripturas,  et  maguo  animo 
confirnians  ad  pietatem  (Baronius,  an.  316, 
n.  48,  5-2,  1-2).  »  Enfin  il  fut  lui-même  con- 
damné au  feu,  où  ayant  ouvert  la  bouche  et 
reçu  les  flammes,  il  rendit  à  Dieu  son  âme  tout 
embrasée  d'un  fuu  encore  plus  dévorant.  «  lu 
ignem  injicitur,  et  cum  aperto  ore  flammam 
accepisset,  apud  eum  qui  dederat,  spiritum 
deposuit.  » 

C'est  ce  que  Baronius  rapporte  de  ses  actes  ; 
à  quoi  il  ajoute  qu'on  peut  se  ressouvenir  sur 
ce  sujet  de  ce  qu'a  écrit  Lucien  :  qu'il  avait 
souvent  oui  dire  comme  une  chose  certaine, 
que  le  supplice  du  feu  était  le  plus  court  de 
tous,  parce  qu'il  n'y  a  qu'à  ouvrir  la  bouche, 
et  aussitôt  on  rend  l'àme.  La  même  persécu- 
tion de  Licinius  couronna  le  diacre  Ammon, 
avec  quarante  vierges  ses  disciples,  à  Andri- 
nople  en  Macédoine.  «  Hœ  Christum  secutœ 
sub  institutione  Ammonis  diaconi,  earum  ma- 
gistri.  » 

Eusèbe  a  donné  rang  entre  les  martyrs  de 
la  Palestine  au  saint  vieillard  Valens,  diacre  de 
Jérusalem,  qui  savait  toute  l'Ecriture  par  cœur, 
et  la  récitait  par  mémoire  dans  tous  les  endroits 
qu'on  pouvait  désirer  avec  la  même  facilité  que 
s'il  l'eût  lue.  «  Tantam  Scripturarum  meino- 
riam  in  pectus  suum  iucluserat,  ut  si  quando 
aliquem  locum  citare  vellet,  perinde  expedite 
illud  posset  absque  scripto  efûcere,  atquc  ex 
scripto  légère  (Baron.,  an.  308).  » 

XIV.  Nous  voilà  tombés  dans  l'Eglise  grecque  ; 
nous  ajouterons  brièvement  ce  qui  nous  en 
reste  à  dire.  Le  concile  deNéocésarée  (Can.  xv) 
ne  voulut  pas  qu'on  ordonnât  plus  de  sept 
diacres,  qu('1(|ue  grande  que  fût  une  ville, 
parce  que  ce  nombre  a  été  fixé  dans  les  Actes 
des  Apôtres.  Le  concile  de  Laodicée  (Can.  xx) 
défendit  aux  diacres  de  s'asseoir  en  présence 
d'un  iirétre,  s'il  ne  les  en  prie  ,  à  condition  (pu; 
les  sous-diacres  et  les  autres  clircs  inférieurs 
rendront  le  même  honneur  au  diacre. 


Le  concile  de  Nicée  (Can.  xvnii  défendit  aux 
diacres  de  donner  la  communion  aux  prêtres, 
de  toucher  à  l'Eucharislie  avant  les  évêques , 
de  communier  eux-mêmes  avant  les  prélres  , 
ou  de  s'asseoir  au  milieu  d'eux.  Le  concile 
d'Ancyre  (Can.  ii)  défend  aux  diacres  déposés, 
de  plus  offrir  i-/a<fÉpEw  le  pain  et  le  vin  à  la  messe, 
et  d'y  prêcher,  xT.oûasciv.  Mais  cette  oblation  s'en- 
tend de  celle  qui  se  fait  avant  la  consécration  ; 
et  celte  prédication  n'est  autre  chose  que  la 
récitation  que  le  diacre  fait  à  haute  voix  de 
quelques  prières  ou  de  quelques  exhortations, 
comme  des  préfaces  et  de  l'évangile. 

Les  constitutions  apostoliques  avaient  fort 
exactement  réglé  les  obligations  et  les  pouvoirs 
des  diacres.  «  Diaconus  non  benedicit,  nequc 
dat  benedictionem,  accipit  vero  a  presbytère. 
Non  baptizat ,  non  offert.  Oblalione  vero  a 
presbytero,  aut  episcopo  facta  ,  ipse  diaconus 
dat  populo,  non  tanquamsacerdos,sed  ianquam 
qui  ministrat,  presbyteris,  etc.  Diaconus excoui- 
municat  hypodiaconum,  lectorem,  cantoreni 
(L.  viii,  c.  28).  » 

On  voit  par  là  que  les  diacres  ont  été  plus 
limités  dans  l'Orient  que  dans  l'Occident,  quant 
à  l'administration  des  sacrements  ;  mais  quant 
à  la  juridiction,  elle  n'était  peul-être  pas  moins 
grande.  En  effet,  outre  ce  pouvoir  qu'on  vient 
de  leur  donner  d'excommunier  les  sous-diacres 
et  les  autres  clercs  mineurs,  les  mêmes  consti- 
tutions leur  commettent  le  jugement  de  toutes 
les  moindres  affaires,  ne  réservant  à  l'évêque 
que  celles  qui  sont  de  quelque  importance. 

XV.  Les  paroles  admirables  de  cet  endroit 
des  constitutions  ,  sont  vraiment  dignes  de 
r<;fprit  et  de  la  sainteté  des  premiers  siècles,  et 
de  cette  idée  toute  divine  que  saint  Paul  et  saint 
Ignace  avaient  tracée  de  la  hiérarchie  ecclésias- 
tique, imitant  d'aussi  près  qu'il  est  possible  les 
processions,  les  rapports,  et  les  retours  inef- 
fables des  personnes  divines.  Le  diacre  est  à 
l'évêque  ce  que  J.-C.  est  à  son  Père  ;  il  est  son 
œil  et  son  bras  ;  il  emprunte  tout  et  reçoit  tout 
de  lui  ;  il  exécute  tout  en  son  nom  et  par  ses 
ordres;  il  lui  rapporte  toute  lagloire  de  ce  qu'il 
y  a  de  |ilus  grand. 

«  Diaconus  (piidem  de  reomniad  episcopum 
nfciat,  ut  Christus  ad  Palrem.  Verum  (jua;- 
cuniipie  pott'st,  facta  ab  episcopo  potestate  , 
nioderelur  pcr  se,  sicnt  Christus  potestitem 
crcaniii  etprovidendi  a  Pâtre  accepif.  Qiiœvero 
majora  sunt  ,  episcopus  judicet.  Ca'ti  rum  ait 
diaccMUS  cpifeopi  amis,  et  oculus,  cl  item  l'S, 


DES  SOLS-DIACRES  ET  DES  CLERCS. 


oOo 


cor  et  anima.  Ne  episcopiis  sollicitiulinemiilta- 
iiim  reriini,  serl  graviorum  tantum  iirj^eatur 
(L.  II,  c.  U).  » 

Il  y  avait  nn  tribunal  commun  où  l'évêque 
rendait  justice,  accompagné  des  prêtres  et  des 
diicres  :  «  Assist^ant  jndicio  diaconi  et  presby- 
teri;  qui  citra  acceptionem  personarum,  tan- 
qnam    homines    Dei ,   juste  judicent    ilbid., 

c.  XLVU).  » 

Comme  il  ne  fallait  embarrasser  ni  ce  tribu- 
nal ni  l'évêque  de  cent  petites  affaires,  on  en 
abandonnait  la  résolution  aux  diacres.  Et  c'est 
encore  une  preuve  que  les  archidiacres  n'exer- 
çaient encore  aucune  juridiction,  ni  aucune 
supériorité  sur  les  prêtres  :  car  c'eût  été  visi- 
blement le  principal  point  qu'il  eût  fallu  réser- 
ver à  l'évêque ,  ou  à  son  consistoire. 

XVI.  Nous  avons  [larlé  des  exhortations  que 
les  diacres  faisaient  surtout  dans  les  occasions 
du  martyre  dont  la  gloire  semblait  leur  être 
réservée,  comme  il  est  notoire  par  ces  illustres 
exemples  d'Etienne  dans  la  Palestine,  de  Vin- 
cent en  Espagne,  de  Laurent  à  Rome.  Quant 
aux  prédications  en  forme,  quoiqu'ils  en 
eussent  fait  autrefois  en  marchant  sur  les  glo- 
rieux vestiges  d'Etienne,  néanmoins  l'auteur 


des  cnuunentaires  sur  les  épîtresde  saint  Paul, 
atti'ibnés  a  saint  Ambroise.  dont  il  était  con- 
temporain, remarque  fort  bien  qu'au  temps  de 
la  naissance  des  églises,  la  prédication  était  jier- 
mise  à  tous  ;  mais  que  de  son  temps  les  dia- 
cres mêmes  ne  prêchaient  plus  en  public. 
«  Hinc  ergo  est,  unde  nunc  neque  diaconi  in 
populo  prsedicant,  neque  clerici ,  vel  laici  ba- 
ptizant  In  Epist.  ad  Eplies.  c.  iv).  » 

L  i  récitation  de  l'évangile  par  le  diacre , 
passait  pour  une  prédication,  et  néanmoins  à 
•Mexandric  elle  était  réservée  h  l'archidiacre, 
en  quelques  endroits  à  des  prêtres,  quebiuefois 
à  des  évêques,  si  nous  en  croyons  Sozomène. 
«  Sacrum  codicem  Evangeliorum  legit  Alexan- 
dri;e  solus  archidiaconus ,  ajiud  alios  vero 
diaconi,  in  multis  etiam  Ecclesiis  soli  sacer- 
dotes,  diebus  autem  solemnibus  episcopi,  ut 
Constantinopoii  prima  séria  Resurrcctionis 
Dominicœ  (L.  vu,  c.  19).  »  Il  eût  pu  ajouter 
(jue  dans  les  églises  d'Afrique,  les  lecteurs 
mêmes  récitaient  l'évangile. 

On  peut  rapporter  ici  ce  qui  a  été  dit  ci- 
dessus  des  diacres,  à  la  fin  du  chapitre  xxiii, 
de  ce  livre. 


CHAPITRE  TRENTIEME. 


DES  SOIS-DIACRES   ET   DES   AUTRES   CLERCS  MINEURS,   PENDANT   LES   CINQ   PREMIERS   SIECLES. 


I.  Les  canons  et  les  cnnstitutions  apostoliques  ne  parlent  que 
de  l'ordre  des  sous-diacres  et  des  lecteurs.  Les  exorcistes  et  les 
chantres  y  sont  aussi  connus. 

II.  Saint  Ignace  et  saint  Epiphane  en  ajoutent  d'autres,  comme 
les  portiers,  les  fossoyeurs,  les  interprètes. 

III.  Divers  règlements  des  conciles  de  Laodicée  et  d'Antioche. 

IV.  Diverses  réflexions  sur  ces  autorités.  Institution  et  utdité 
de  ces  ordres.  Ce  sont  des  démembrements  du  diaconat. 

V.  Dans  rKsIise  latine,  TertuUien  parle  des  lecteurs  et  des 
exorcistes.  Le  pape  Corneille  y  ajoute  les  acolytes  et  les 
portiers. 

VL  VH.  On  parvenait  à  la  dignité  des  lecteurs  par  quelques 
préludes  du  martyre.  Les  lecteurs  lisaient  l'Evangile  en  Afrique. 

VIII.  Des  acolytes  et  des  exorcistes.  Délibération  du  clergé 
sur  la  promotion  des  clercs. 

IX.  Antiquité  de  nos  quatre  ordres  mineurs  dans  l'Eglise  ro- 
maine. 

X.  Le  (-oncile  IV  de  Carlhage  règle  toutes  les  ordinations. 


XL  Eminence  de  l'ordre  des  lecteurs  par-dessus  les  autres  or- 
dres inférieurs. 

XIL  On  montait  à  ces  ordres  mineurs,  et  de  là  aux  supérieurs, 
par  les  degrés  du  martyre. 

XIII,  Les  plus  grands  seigneurs  de  l'Empire  se  croyaient  ho- 
norés des  miiindres  degrés  de  la  cléricature,  sans  penser  aux 
revenus  des  bénéfices. 

I.  Les  canons  apostolitjues,  après  avoir  dé- 
posé les  évêques,  les  prêlres  et  les  diacres  qui 
déshonoreront  leur  sacré  ministère  par  le  jeu 
des  dés  ou  l'ivrognerie,  suspendent  de  leurs 
fonctions  pour  les  mêmes  excès  les  sous-diacres, 
les  lecteurs,  et  les  chantres  (Can.  xliii,  lxviii'. 
Ou  y  nomme  souvent  les  clercs  inférieurs  eu 


506 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTIÈME. 


général ,  mais  on  n'en  particularise  aucune 
autre  espèce. 

Les  constitutions  apostoliques  expliquent 
toutes  les  cérémonies  de  l'ordination  des  prê- 
tres, des  diacres,  des  diaconesses,  des  sous-dia- 
cres, des  lecteurs  (L.  viu,  cap.  16,  17,  19,  ï2l, 
et  cap.  xxviii,  xxix).  Elles  font  mention  des 
chantres  ;  mais  elles  ne  parlent  point  de  leur 
ordination  :  elles  avertissent  qu'il  n'y  a  point 
d'ordination  pour  les  confesseurs  et  pour  les 
exorcistes.  «  Confessor  non  fit  ordinatione; 
Hoc  enim  voluntatis  est  et  tolerantia?,  etc. 
Exorcista  non  fit  ordinatione,  cerlare  enim 
proprcemio  exorcista',  liberœ  voluntatis  est,  ac 
I>ei  gratiœ.  » 

On  y  ajoute  que  si  l'Ejilise  a  besoin  d'eux, 
on  pourra  les  ordonner  diacres,  prêtres  et  évê- 
(jues.  On  y  parle  des  portiers  comme  d'un 
office,  non  pas  comme  d'un  ordre.  On  n'y 
trouve  pas  un  seul  mot  des  acolytes.  Enfin  on 
ne  fait  part  des  distributions  qu'aux  évêques, 
aux  prêtres,  aux  diacres,  sous-diacres,  lecteurs, 
chantres,  diaconesses.  Ainsi  des  quah-e  ordres 
mineurs  des  Latins,  on  ne  reconnaît  dans  les 
canons  et  les  constitutions  apostoliques  (jne 
les  lecteurs,  et  on  n'y  trouve  ni  les  exorcistes, 
ni  les  acolytes,  ni  les  portiers. 

Ce  n'est  pas  qu'on  pût  se  passer  de  ces  fonc- 
tions, mais  on  les  commettait  ou  aux  sous-dia- 
cres, ou  aux  diaconesses,  ou  à  des  laïques. 
Quant  à  celle  des  exorcistes,  il  y  a  de  l'aiipa- 
reuce  que  les  prêtres  et  les  diacres  l'exerçaient. 
Aussi  Eusèbe,  dans  son  petit  traité  des  martyrs 
de  la  Palestine,  fait  mention  de  Romain  diacre 
et  exorciste  de  l'Et^lisc  de  Césarée,  en  Palestine. 

IL  Mais  comme  on  ne  peut  fixer  aucun 
temps  certain,  ni  à  ces  canons,  ni  à  ces  consti- 
tutions apostoliques,  et  qu'on  sait  seulement 
que  c'était  un  code  des  canons  et  un  rituel  fort 
accrédité  dans  les  Eglises  orientales  des  trois 
ou  quatre  premiers  siècles ,  ce  que  nous  ve- 
nons d'en  rapporter  ne  peut  nous  fournir  une 
épo<iue  certaine  de  l'anlitiuité  de  ces  ordres. 

Saint  Ignace  parle  dans  sa  lettre  à  ceux 
d'Antioche ,  d'une  manière  plus  approciianle 
des  usages  de  l'Eglise  latine  :  il  noinnie  tous 
nos  ordres  mineurs,  excepté  les  acolytes,  mais 
il  y  ajoute  aussi  les  fossoyeurs.  «  Saluto  hjpo- 
diaconos;  lectores,  canlores,  janitores,  labo- 
rantes,  exorcistas.  » 

Ceux  que  ce  saint  'appelle  «  laborantcs  ,  » 
«Tf.oiT»'-,  sont  sans  doute  les  fossoyeurs  qui  s'oc- 
i-upenl  à  enterrer  les  morts,  puisquesaint  Epi- 


phane  en  a  donné  Ini-mème  l'explication,  après 
leur  avoir  donné  place  entre  les  clercs.  Après 
aNoir  nommé  les  évêiiues,  les  prêtres,  les  dia- 
cres, les  sous-diacres,  les  lecteurs  et  les  diaco- 
nesses ,  voici  comment  il  parle  [des  autres  : 
«  Postea  sequuntur  exorcistsp..  et  linguarum 
interprètes,  tam  in  lectionibus,  quam  in  con- 
cionibus.  Sequuntur  laborantcs,  qui  mortuo- 
rum  corpora  curant.  Tum  janitores,  et  omnis 
séries,  km  r.  -râra  eùTc;;»  (In  Exposit.  tidei  Catho. 
cap.  XXI  ).»  Ces  interprètes  et  les  fossoyeurs 
n'étaient  certainement  que  des  officiers. 

Ce  saint  mettait  peut-être  aussi  dans  le  même 
rang  de  simples  officiers  les  exorcistes,  et  les 
portiers.  On  pourrait  douter  s'il  n'y  mettait 
point  aussi  les  lecteurs.  En  effet  après  avoir  dit 
(jue  l'ordre  des  lecteurs  pouvait  être  donné  aux 
bigames  mêmes,  il  ajoute  que  cela  ne  doit  sur- 
prendre personne,  puis(|ue  les  lecteurs  ne  sont 
pas  de  l'ordre  sacerdotal,  mais  ils  sont  comme 
les  secrétaires  de  la  parole  divine.  «  Quippe 
lector  non  saccrdos  est ,  scd  verbi  divin! 
scriba.  » 

111.  Le  concile  de  Laodicée,  après  avoir  dé- 
fendu aux  diacres  de  s'asseoir  devant  un  prêtre, 
s'il  ne  le  leur  commande,  oblige  les  sous- 
diacres,  ûTmpsTO;,  et  les  autres  clercs  de  rendre  la 
même  déférence  au  diacre.  Il  défend  aux  sous- 
diacres  d'entrer  dans  la  sacristie  et  d'y  loucher 
aux  vases  sacrés  (Can.  xx).  11  appelle  la  sacristie 
rh  !ii^.-M-ny.>j-',  apparemment  parce  que  le  diacre  en 
avait  l'intendance  (Can.  xxi).  Une  leur  permet 
pas  non  plus  de  porter  l'étole,  «siovov,  ni  de  s'éloi- 
gner tant  soit  peu  de  la  porte  du  chœur,  qu'ils 
doivent  garder.  Ainsi  les  sous-diacres  sont  ré- 
duits aux  oflices  des  ordres  mineurs  (Can.  xxu, 
XLUi).  11  défend  aussi  aux  lecteurs  et  aux  chan- 
tres de  prendre  des  étoles  pendant  qu'ils  lisent 
ou  (|u"ils  chantent  dans  l'église.  Il  ne  (>ermet 
piiint  à  tous  ces  ministres  sacrés,  ni  aux  exor- 
cistes, ni  aux  portiers,  qu'il  y  ajoute,  d'entrer 
dans  les  cabarets  (Can.  xxm).  Enfin  ce  concile 
défend  aux  sous-diacres  de  donner  la  paix,  et  de 
bénir  le  calice  :  ce  sont  les  fonctions  des  diacres 
à  la  messe  (Can.xxiv,  xxv). 

Le  concile  d'Antioche  permet  aux  chorévê- 
ques  d'ordonner  des  lecteurs,  des  sous-diacres 
et  des  exorcistes.  On  lut  un  acte  du  clergé 
d'Edesse,  dans  le  concile  de  Calcédoine,  où 
|)lusieurs  sous-diacres  avaientsouscril après  les 
diacres  et  les  prêtres  (Act.  tO).  Saint  Denis, 
dans  sa  hiérarchie  ecclésiastique,  fait  mention 
de  (|url(pii'S-nns  <ie  ces  ordres  uiiiieLU'S. 


DES  SOrS-DIACRES  ET  DES  CLEKCS. 


m 


IV.  Après  cette  induction  d'autorités ,  il  y 
a  certainement  lieu  de  faire  les  réllexions  sui- 
vantes. 

L'Ecriture  ne  nous  proposant  que  les  évêques, 
les  prêtres  et  les  diacres,  autant  qu'il  est  cons- 
tant que  ces  ordres  sont  d'institution  divine, 
autant  il  est  apparent  que  les  autres  n'ont  pas 
le  même  avantage.  Aussi  tous  les  conciles  et 
tous  les  Pères  conviennent  unanimement  et 
invariablement  des  trois  ordres  supérieurs  et 
disconviennent  entièrement  des  autres.  Les 
uns  en  ajoutent  que  la  postérité  n'a  pas  recon- 
nus, les  autres  en  retranclient  que  les  siècles 
suivants  ont  autorisés. 

Ceux  qui  ont  été  le  plus  universellement 
reconnus,  sont  les  sous-diacres  et  les  lecteurs, 
puis  les  exorcistes  et  les  ctiantres,  enfin  les  por- 
tiers. Les  acolytes  n'ont  point  paru  dans  tons 
ces  monuments  de  l'Eglise  grecque.  Ils  n'y  ont 
pas  été  plus  connus  dans  les  siècles  suivants. 
Eusèbe  nomme  les  acolytes  après  les  prêtres  et 
les  diacres  qui  suivirent  les  évêques  au  con- 
cile de  Nicée  (Euseb.,  De  vitaConst..  1.  m,  c.  8). 
Mais  ce  n'est,  dans  le  texte  grec,  qu'un  terme 
général,  qui  marque  tous  ceux  de  la  compagnie 
et  de  la  suite  de  l'évêque.  Socrate  dit  qu'à 
Alexandrie  on  faisait  des  lecteurs,  même  d'en- 
tre les  catéchumènes  (Socrat.,  1.  v,  c.  21).  En 
cela  il  n'est  pas  à  croire.  Mais  on  ne  peut  nier 
que  le  concile  de  Laodicée  n'ait  aboli  l'abus 
des  laïques,  qui  faisaient  l'office  de  chantres 
(Conc.  Laod.,  c.  xv). 

On  ne  peut  marquer  au  vrai  aucun  temps 
certain  où  ces  ordres  aient  commencé.  Il  y  a 
foules  les  apparences  possibles,  que  ce  n'ont  été 
que  des  démembrements  du  diaconat,  qui  se 
sont  faits  successivement  les  uns  après  les 
autres,  selon  les  besoins  nouveaux  de  l'Efilise. 
Ainsi  nous  avons  observé  ci-dessus  que  l'on 
peut  dire,  en  un  sens  fort  véritable,  que  tous 
ces  ordres  mineurs  sont  d'institution  divine 
dans  leur  origine,  c'est-à-dire  dans  le  diaconat, 
dont  ils  sont  comme  les  ruisseaux  et  les  écou- 
lements; car  le  diaconat  étant  la  plénitude  du 
luinistère  sacerdotal,  tous  ces  ordres  mineurs 
en  sont-comme  des  participations. 

On  peut  inférer  de  là  qu'on  a  été  bien  per- 
suadé que  le  diaconat  avait  un  rapport  essen- 
tiel au  sacrifice  divin  de  l'Eglise  dans  son  ori- 
gine, puisque  tous  ces  moindres  ordres  ont 
une  relation  primitive  et  originelle  au  même 
sacrifice. 

Tous  ces  ordres  mineurs  étaient  comme  un 


long  npprentissnge  où  l'on  se  formait  pour  pou- 
voir ensuite  monter  au  diaconat,  et  aux  autres 
ordres  supérieurs. 

La  dignité  de  confesseur  n'était  pas  un  ordre, 
et  néanmoins  elle  servait  de  degré  |)0ur  mon- 
ter au  diaconat. 

Comme  ces  ordres  mineurs  étaient  originai- 
rement des  offices  qu'il  fallait  exercer,  et  (juc 
tous  n'étaient  ni  ])ropres,  ni  nécessaires  aux 
mêmes  exercices,  aussi  on  ne  les  donnait  pas 
tous  à  la  même  personne. 

11  y  a  même  des  preuves  convaincantes  qu'on 
a  quelquefois  omis  tous  les  ordres  mineurs,  et 
qu'on  a  d'abord  donné  le  diaconat  à  un  laïque. 
Nous  parlerons  plus  au  long  de  cela  dans  la 
suite.  Passons  à  l'Eglise  latine. 

V.  Terlullien  met  les  e.xorcismes  entre  les 
fonctions  propres  aux  clercs.  «  Exorcisnios 
agere.  »  Il  parle  aussi  des  lecteurs  dans  le  même 
endroit.  «  Hodie  diaconus,  qui  cras  lector.  » 
C'est  un  renversement  de  discipline  qu'il  re- 
jiroche  aux  hérétiques,  de  rabaisser  sans  raison 
les  diacres  à  l'office  et  au  rang  des  lecteurs 
(De  PrcPscript.,  c.  xli).  Saint  Cy|irien  envoya 
des  lettres  au  pape  Corneille  par  un  sous-diacre 
et  un  acolyte. 

Le  clergé  de  Rome  lui  en  envoya  par  un 
autre  sous-diacre.  11  en  reçut  d'autres  de  Lucius 
envoyées  par  un  sous-diacre  et  trois  acolytes 
(L.ii,  ep.  10;  1.  in,(|)..%,  '].  Dans  une  lettre  à  son 
clergé,  il  leur  mande  qu'il  a  recompensé  la  fidé- 
lité vigoureuse  de  deux  célèbres  confesseurs,  en 
faisant  l'un  lecteur ,  qu'il  avait  déjà  fait  lire 
dans  l'église  aux  jours  de  Pâques,  et  ordonnant 
l'autre  sous-diacre,  auquel  il  avait  déjà  donné 
la  charge  d'instruire  les  catéchumènes ,  avec 
les  prêtres,  les  docteurs  et  les  lecteurs,  a  Cum 
presbyteris,  doctoribus,  lectoribus,  doctorem 
audientium  constiluimus  (L.  m,  c.  22).  » 

VI.  Les  lecteurs  dans  l'Eglise  d'Afrique  an- 
nonçaient la  paix  au  peuple  et  lisaient  l'évangile 
dans  l'église.  Saint  Cyprien  prit  de  là  occasion 
d'élever  à  la  dignité  des  lecteurs  ceux  dont  la 
constance  avait  surmonté  la  cruauté  des  enne- 
mis de  J.-C.  et  de  son  Evangile.  11  était  bien 
juste  que  ceux  qui  avaient  sacrifié  leur  vie  à  la 
défense  de  l'Evangile,  le  lussent  avec  gloire 
dans  le  temps  du  sacrifice.  Voici  ce  que  ce  saint 
évêque  dit  du  jeune  confesseur  Aurélius  : 

«  Merebatur  talis  clerico"  ordinationis  ulte- 
riores  gradus,  et  incremenla  majora,  non  de 
annis  suis,  sed  de  meritis  apstirnandus.  Sed  in- 
térim placuit,  ut  ab  officio  lectionis  incipial; 


508 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTIEME. 


quia  et  nihil  mapis  congruit  yoci,  quae  Domi- 
num  gloriofa  pnTdicatione  confessa  est,  qiiam 
celebrnndis  tlivinis  leclionibus  personarc;  pnst 
verba  sublimia,  qu,T  Christi  martyrium  prolo- 
cula  sunt ,  Evangeliiini  Cbiisfi  légère ,  unde 
martyres  fiunt,  ad  piilpitum  post  Catastam  \e- 
nire,  etc.  Dominico  legil,  intérim  vobis  auspi- 
catiis  est  pacem,  dum  dedical  lectionem  (L.  ii, 
ep.  o).  » 

Voilà  par  quels  degrés  on  s'élevait  à  ces 
ordres,  qui  n'étaient  eux-mêmes  que  des  degrés 
pour  parvenir  aux  ordres  supérieurs.  Les  con- 
stitutions apostoliques  faisaient  d'un  confesseur 
un  diacre  ;  saint  Cyprien  se  contente  d'en  faire 
un  lecteur.  Mais  il  confesse  en  même  temps 
que  le  témoignage  illustre  qu'il  avait  rendu  à 
J.-C.  et  ce  courage  invincible  avec  lecpiel  il 
l'avait  confessé ,  eussent  bien  mérité  un  rang 
plus  éminent.  Il  y  a  de  l'apparence  que  l'âge 
de  ce  généreux  confesseur  ne  souffrait  pas 
encore  une  plus  liante  élévation. 

Vil.  Le  même  saint  Cyprien  parle  en  un 
autre  endroit  du  généreux  Célérinus,  qui  avait 
souffert  la  prison  et  iilusieurs  autres  supplices 
durant  dix-neuf  jours  et  avec  une  constance 
inébranlable  ;  et  il  dit  que  ce  sont  ceux-là  qu'il 
faut  honorer  de  la  cléricature  :  «  Ut  qui  snbli- 
miter  Cliristnm  confessi  essent,  clerum  [xisl- 
modum  Christi  ministeriis  ecclesiasticis  ador- 
narent  (  L.  ni,  epist.  22);  »  qu'ayant  si 
glorieusement  soutenu  la  vérité  de  l'Evangile  , 
ils  méritent  d'en  être  les  lecteurs  et  les  pré- 
dicateurs :  «  Légat  prœceptaEvangelii  Domini, 
quœ  fortiter  ac  fidelitersequitur.  Vox  Dominum 
confessa,  in  lus  quotidie,  qufc  Doniinus  locntus 
est,  audiatur  :  «  que  la  lecture  qu'ils  font  de 
l'évangile,  étant  soutenue  de  l'exemple  qu'ils 
ont  donné  d'une  vertu  et  d'une  fermeté  intré- 
pide, fait  une  impression  merveilleuse  dans  les 
esprits.  «  Nihil  est  in  quo  magis  confesser  fra- 
tribns  prosit,  cpiam  ut  dum  evangelica  leclio 
de  orc  ejus  auditur,  leetoris  (idem,  quisquis 
audierit,  imitetur.  » 

Enfin,  saint  Cyprien  ordonne  à  ces  deux  lec- 
teurs les  mêmes  distributions  que  celles  (|u'on 
donnait  aux  prêtres.  Ce  qui  fait  voir  (pu! 
c'étaient  vérilabltment  des  bénéfices,  et  (pidn 
ne  parvenait  aux  bénéfices  non  plus  ipi'anv 
ordres,  (jue  par  des  épreuves  de  vertu  et  de 
piété. 

VIII.  Les  acolytes  servaient  à  |)orler  les 
lettres  ecclésiastii]ues  cpie  les  évêi|ues  s'écii- 
vaient  les  uns  aux  autres,  pour  s'entreconiimi- 


niquer  les  affaires  importantes  de  l'Eglise,  où 
le  secret  était  extrêmement  nécessaire  en  un 
temps  où  les  ennemis  du  nom  chrétien  ne 
cherchaient  qu'à  profaner  nos  mystères  (L.  u, 
epist.  8,  fO;  1.  ni,  epist.  7,  M,  24). 

Saint  Cyprien  parle  en  divers  endroits  des 
acolytes  et  leur  donne  cette  fonction.  Il  paraît 
par  plusieurs  lettres  du  même  saint  Cyprien, 
(ju'il  n'ordonnait  ces  clercs  mineurs  qu'après 
en  avoir  consulté  son  clergé,  et  qu'il  leur  fai- 
sait faire  quelque  fonction  de  l'ordre  avant  ijue 
de  le  leur  conférer,  afin  de  voir  s'ils  en  étaient 
capables. 

Voici  comme  il  écrit  à  ses  prêtres  et  à  ses 
diacres;  «  Fecisse  me  sciatis  lectorem  Satu- 
rum  ;  et  hypodiaconum  Optatum  confessorem 
qtios  jam  pridem  communi  consilio,  clero 
proxiino  feceramus,  quando  aiit  Saturo  die  Pas- 
cliœ semel  atque  iterum  lectionem  dedimus, aut 
Optato,cnm  presbyferis,  doctoribus,  lectoribus, 
doetorem  audientium  constituimus,  examinan- 
tes, an  congrucrent  illis  oinnia,  quœ  essedebe- 
rent  in  his,  qui  ad  clerum  parabantur  (L.  ni, 
epist.  22).  » 

Lesautres  ordres  mineurs  ne  paraissent  point 
dans  saint  Cyprien;  ainsi  on  peut  croire  que  la 
fonclion  des  portiers  était  exercée  par  des 
laïipies,  puisqu'il  faisait  lire  les  Ecritures  à 
ceux  qu'il  n'avait  pas  encore  ordonnés  lecteurs, 
mais  qu'il  y  destinait.  Et  quant  à  la  fonction 
des  exorcistes,  il  pouvait  en  commettre  la  fonc- 
tion aux  clercs  des  autres  ordres,  et  même  des 
ordres  supérieurs. 

IX.  C'était  au  même  temps  de  saint  Cyprien, 
([ue  le  pape  Corneille  écrivit  cette  belle  lettre 
qui  nous  a  été  conservée  par  Eusèbe,  et  où  il 
assure  qu'il  y  avait  dans  le  clergé  de  Rome 
<]uaraute-(|uatre  prêtres,  fejit  diacres,  sept  sous- 
diacres  ,  quarante-deux  acolytes  et  cinquante- 
deux  tant  exorcistes  que  lecteurs  et  portiers 
Eusebius,  1.  VI,  c.  A3]. 

Ce  sont  là  certainement  les  mêmes  ordres 
mineurs  de  l'Eglise  romaine  qui  subsistent 
encore  dans  toute  l'Eglise  d'Occident  avec  tant 
(le  gloire  et  avec  une  si  juste  et  si  particulière 
(•(inliance  de  leur  antiquité. 

Si  le  pape  Corneille  écrivait  de  la  sorte  au 
milieu  (lu  troisième  siècle,  et  s'il  exposait  l'état 
liréfcnt  de  sou  Eglise,  sans  qu'on  y  eût  fait 
auiMiie  innovation,  il  est  visible  que  l'établis- 
si  nient  de  ces  mêmes  ordres  mineurs  était 
iriiiie  Irès-giande  anliquih''  dans  la  première 
Ei;li^e(lii  nioiule.  Le  concile  d'Elvire  ne  nomme 


DES  SOUS-DIACRES  ET  DES  CLERCS. 


5G9 


que  les  sous-diacrcs  et  les  autres  clercs  en  géné- 
rai, après  les  évèques,  les  prêtres  et  les  diacres. 

\.  Mais  c'a  été  le  concile  IV  de  Carlhage 
iCan.  V,  M,  VII,  VIII,  ix,  x),  qui  nous  a  le  plus 
expressément  marqué  tous  les  ordres,  soit  supé- 
rieurs ou  inférieurs,  et  les  cérémonies  les  plus 
essentielles  de  toutes  les  ordinations.  Les  trois 
ordres  supérieurs  s'y  donnent  par  l'imposition 
des  mains.  On  y  déclare  que  le  sous-diacre  ne 
reçoit  point  l'imposition  des  mains,  et  que 
c'est  pour  cela  qu'on  lui  donne  la  patène  et  le 
calice  vide.  Suivent  les  quatre  ordres  mineurs, 
les  mêmes  que  le  pape  Corneille  vient  de  nom- 
mer dans  l'Eglise  romaine.  Leur  ordination  se 
fait  aussi  par  l'attouchement  de  quelques  instru- 
ments propres  à  leur  ministère.  Mais  on  ajoute 
aux  autres  quatre  ordres  inférieurs  celui  des 
chantres,  comme  si  l'.\frique  eût  voulu  tenir 
aussi  quelque  chose  de  l'Eglise  grecque. 

11  est  vrai  que  ce  concile  permet  aux  prêtres 
d'établir  des  chantres  sans  eu  avertir  l'évéque: 
ce  qui  donnerait  sujet  de  croire  que  c'était 
plutôt  un  office  qu'un  ordre.  Aussi  est-il  appelé 
«  Offlcium  cantandi.  »  Mais  ces  ordres  mineurs 
ne  sont  peut-être  originairement  que  des 
offices  :  et  on  ne  peut  au  moins  nier  que  les 
chantres  ne  fussent  clercs  et  du  corps  du  clergé, 
puisque  le  concile  III  de  Carthage  (Can.  xxi}, 
l'avait  déclaré  en  termes  formels.  «  Clericorum 
nomen  etiam  lectores,  et  psalmistœ,  et  ostiarii 
retinent.  » 

Saint  Augustin  parle  en  quelque  endroit  des 
exorcistes,  lorsqu'il  dit  que  le  démon  n'appré- 
hendait pas  tant  les  exorcistes  que  les  dona- 
tistes  craignaient  la  lecture  des  actes  de  la  jus- 
tification de  Cécilien.  «  Quando  enim  daemon 
sic  exorcistam  timeret,  quomodo  timuerunt, 
ne  illa  legerentur  (Conc.  Donat.  post  Collât.. 
c.  xxvi).  » 

Ce  fut  peut-être  le  même  saint  .Vugustin  qui 
fit  ordonner  au  IV"  concile  de  Carthage  (Can. 
xc,  xcii),  que  les  exorcistes  imposeraient  tous 
les  jours  les  mains  aux  énergumènes.  et  pren- 
draient soin  de  leur  nourriture.  «  Onuii  die 
exorcistae  energumenis  manus  imponant.  Ener- 
gumenis  in  domo  Dei  assideutibus.  vicfus(|uo- 
tidiauus  per  exorcistas  opportuno  tempore  mi- 
nistrelur.  » 

XI.  Je  finirai  ce  chapitre  par  ces  trois  ré- 
flexions, qui  ne  sont  pas  de  peu  de  consé- 
(juence.  La  première  est ,  (ju'entre  tous  les 
ordies  mineurs,  celui  des  lecteurs  était  le  pkis 
considéré  et  le  plus  nécessaire.  On  ne  nomme 


i[uel(|uefois  que  les  lecteurs  dans  les  monu- 
ments ecclésiastiques  de  l'Orient,  et  on  com- 
pr>nd  sous  ce  nom  tous  les  clercs  inférieurs. 
Cela  [)U'aît  dans  la  protestation  que  tout  le 
clergé  de  Constantinople  publia  contre  Ne- 
slorius  :  «  Obtestor.  ut  hanc  scliedam  ei)isco- 
pis,  presbyteris,  diaconis  ,  lectoribus ,  necnon 
et  laicis  ostendant    Coiail.   Ephes.,   part.    1, 

c.   XIII,.  B 

Les  deux  jeunes  princes  du  sang  impérial  de 
Constantin  Gallus  et  Julien,  ayant  embrassé 
l'état  ecclésiasti(]ue,  furent  d'abord  faits  lec- 
teurs. Quelques  Eglises  avaient  un  archilecteur, 
ij/.;avx-p/ù(rrr.;,  commc  il  se  Voit  daus  un  concile 
d'Antioche,  dont  les  Actes  furent  lus  dans  l'ac- 
tion 14  du  concile  de  Calcédoine.  Ce  qui  sem- 
ble marquer  que  les  lecteurs  faisaient  un  corps 
qui  avait  un  chef,  auquel  apparemment  tous 
les  autres  clercs  inférieurs  obéissaient. 

Enfin  ce  n'était  pas  un  petit  avantage  des 
lecteurs,  d'être  les  gardiens  des  livres  des  Ecri- 
tures saintes,  dont  on  leur  confiait  le  dépôt. 
C'est  ceciui  paraît  dans  les  Actes  de  la  persécu- 
tion en  Afrique,  où  plusieurs  évêques,  à  qui 
les  ministres  de  la  fureur  sacrilège  des  tyrans, 
demandaient  les  Ecritures  saintes  pour  les  brû- 
ler, répondirent  que  c'étaient  les  lecteurs  qui 
en  étaient  les  dépositaires  :  «Scripturaslectores 
habent  fBaron.,  an.  303,  n.  7,  1-2,  13;.  » 

Xll.  11  est  visible  que  les  lecteurs  en  étaient 
plus  souvent  exposés  aux  occasions  du  martyre  : 
mais  c'est  à  quoi  leur  ordre  même  et  leur  mi- 
nistère les  préparait  ;  car  c'était  [jrincipalement 
par  la  constance  dans  les  persécutions,  et  par 
iiueltjues  épreuves  du  martyre  que  les  laïques 
arrivaient  a  la  cléricature  et  que  les  clercs  mi- 
neurs méritaient  qu'on  les  élevât  aux  ordres 
sacrés. 

Outre  les  exemples  qui  ont  été  rapportés  ci- 
dessus  de  saint  Cyprien,  et  ([ui  ]iourraient  pas- 
ser pour  des  faits  particuliers  et  desetfets  sin- 
guliers du  zèle  de  cet  illustre  martyr,  voici  la 
règle  générale  que  Terlullien  propose,  comme 
étant  universellement  pratiquée  de  son  temjis 
dans  toute  l'Eglise.  Il  est  vrai  que  TertuUien 
était  déjà  empoisonné  des  folies  et  des  illusions 
des  muntanistes,  quand  il  niait  (lu'ou  put  fuir 
dans  la  persécution;  mais  les  preuves  dont  il  se 
sert  pour  appuyer  le  mensonge,  ne  laisseraient 
pas  de  nous  convaincre  de  cette  vérité. 

En  effet  il  représente  aux  serviteurs  de  Dieu, 
que  ne  pouvant  parvenir  aux  degrés  [jIus  émi- 
nents  de  rEg':i:e,  que  par  quelque  victoire  sur 


SIO 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTIÈME. 


les  persécuteurs  de  l'Eglise,  ils  ne  doivent  jias 
même  penser  à  s'enfuir.  D'où  il  conclut  ([ue 
les  chefs  de  la  milice  sainte  de  l'Eglise,  les 
évêques,  les  prêtres  et  les  diacres,  doivent  en- 
core avoir  bien  plus  d'horreur,  ou  de  honte  de 
la  fuite.  «  Hoc  sentire  et  facere  omnem  servum 
Dei  oportet,  etiam  niinoris  loci,  ut  majoris  fieri 
])Ossit,  si  quem  yraduin  in  persecutionis  tole- 
rantia  ascenderit.  Sed  cum  ipsi  autores,  id  est 
ipsi  diaconi,  et  presbyteri,  et  episcopi  fugiunt, 
cjuomodo  laicus  intelligere  poterit,  qua  ratione 
diclum,  decivitate  fugite  in  civitatem  (De  fuga 
il)  persecut.,  c.  ix).  » 

Voilà  les  degrés  par  lesquels  on  montait 
alors  aux  ordres  et  aux  bénéfices,  ou  aux  ordres 
et  aux  bénéfices  supérieurs.  «  Si  quem  gradum 
in  persecutionis  tolerantia  ascenderit.  »  En 
ellV't,  si  saint  Cy[)rien  remarquait  qu'il  sied 
bien  de  faire  lire  l'évangile  dans  l'église  à  celui 
qui  a  déjà  versé  une  partie  de  son  sang  pour 
l'Evangile,  ne  croyait-on  pas  avec  autant  de 
vérité  que  la  lecture  publique  de  l'évangile, 
et  en  général  toutes  les  fonctions  des  ordres 
qui  ont  (juehiue  relation  au  divin  sacrifice  de 
r.\gnuau  céleste,  sont  autant  d'engagements  à 
sacrifier  sa  propre  vie  pour  la  défense  des  di- 
vines Lettres,  et  pour  la  gloire  de  l'Agneau  qui 
s'immole  tous  les  jours  pour  nous  (L.  viu, 
c.  6). 

Eiisèbe  raconte  aussi  que  les  prisons  n'étaient 
quelquefois  |)leines  que  d'évèques,  de  piètres, 
de  diacres,  de  lecteurs  et  d'exorcistes,  qui  fai- 
saient de  la  prison  le  temple  le  |)lus  saint  et  le 
plus  auguste  qui  fût  jamais.  «Quippe  cum  car- 
ct'ies  olim  homicidis  de|nitafis  tune  episcopis, 
presbvteris,  diaconibus,  lectoribus  atque  exor- 
cislis  complerentur,  etc.  » 

Le  concile  IV  de  Cartliage  renouvela  cette 
ancienne  maxime  de  donner  les  ordres  comme 
le  prix  d'une  vertu  et  d'une  générosité  con- 


sommées. 0  Clericuiii  inler  tentationes.  Officio 
suoincnbantem,  gradibus  sublimandum  (Conc. 
Cart.  IV,  can.  xli.).  »  C'étaientles  degrés  de  ces 
siècles  d'or. 

XIII.  Voilà  la  seconde  réflexion  qui  s'est 
trouvée  n'être  qu'une  suite  de  la  première.  Nous 
pouvons  en  dire  autant  de  la  troisième,  car 
nous  avons  déjà  dit  que  les  deux  jeunes  princes 
de  la  famille  impériale  du  grand  Constantin 
se  crurent  honorés  d'être  associés  à  la  clérica- 
ture,  en  recevant  l'ordre  et  faisant  la  fonction 
des  lecteurs.  Ce  n'étaient  pas  les  grands  reve- 
nus de  ces  bénéfices  qui  donnaient  à  ces  ordres 
un  éclat  capable  d'éblouir  et  d'attirer  les  plus 
grands  princes  de  la  terre.  Tout  le  revenu  con- 
sistait en  distributions  et  en  espèces,  à  quoi 
ces  princes  n'eussent  pas  voulu  toucher. 

Ce  n'est  donc  que  la  sainteté  et  la  ma- 
jesté du  sacerdoce,  et  l'éclat  qui  s'en  répandait 
jusque  sur  les  moindres  ordres  du  clergé,  qui 
donnait  de  l'estime,  du  respect  et  de  l'amour 
aux  plus  grands  princes  du  monde  qui  s'en 
estimaient  honorés.  C'est  ce  qu'en  dit  Sozo- 
mène,  qui  remarque  que  ces  deux  princes 
firent  un  étude  sérieuse  des  Ecritures  avant  de 
recevoir  la  cléricature  (L.  v,  c.  2). 

Saint  Grégoire  de  Nazianze  assure  que  le 
rang  et  la  fonction  de  lecteurs  parut  à  ces  deux 
princes  quelque  chose  de  plus  éclatant  et  de 
plus  glorieux  que  la  pourpre  même  de  l'em- 
pire. 0  Quin  etiam  in  cleri  ordinem  seipsos 
cooptarunt,  adeo  ut  divinos  quoque  libros 
plebi  lectitarent,  non  minus  id  sibi  amplum  et 
honorificum  esse  exislimantes ,  quam  aliiid 
quidvis,  imo  omnium  ornamentorum  maxi- 
mum prœstantissimunique,  pielatem  esse  exi- 
stimanles  (Orat.  i.  in  Julian.).  »  Les  suites  ne 
répondirent  pas  à  ces  commencements,  mais 
cela  ne  peut  préjudicier  aux  vérités  constantes 
que  nous  venons  d'avancer. 


DES  SOUS-ltlACKliS  ET  DES  LECTEURS. 


SU 


CHAPITRE  TRENTE-UNIEME. 


DES   SOUS-DIACRES,    DES    LECTEURS   ET    DES   AUTRES   ORDRES   INFERIEURS,    AUX    SIXIÈME, 

SEPTIÈME    ET    HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  Les  clercs  mineurs  mêmes  travaillaient  au  salut  des  âmes, 
et  s'élevaient  par  là  aus  ordres  supérieurs. 

II.  Les  sous-diacres  touchaient  les  vases  sacrés,  et  présen- 
taient les  offrandes  au  diacre;  c'est  pour  cela  que  saint  Grégoire 
les  obligea  au  célibat. 

III.  Il  distinguait  pourtant  bien  les  sous-diacres  des  diacres,  à 
cause  du  sacerdoce  dont  ceux-ci  sont  participants. 

IV.  V.  Règles  admirables  de  saint  Isidore  :  de  la  science,  de 
la  piété,  de  l'abstinence  et  des  jeûnes  des  chantres  et  des  lecteurs. 

VI.  Vil.  Le  chant  de  l'Eglise  romaine  fut  porté  en  Angleterre 
par  deux  saints  et  savants  évêques,  et  par  un  archidiacre  de 
Rome. 

VIII.  Nouvelles  preuves  que  les  plus  saints  et  les  plus  savants 
évéques  ont  aimé  et  cultivé  le  chant,  comme  un  moyen  propre 
pour  convertir  les  âmes. 

IX.  Saint  Grégoire  pape  enseigna  lui-même  le  chant,  compila 
les  livres  du  chant  ecclésiastique,  envoya  des  chantres  par  tout 
l'Occident. 

X  Oans  la  France,  les  chantres  n'étaient  ni  moins  savants,  ni 
moins  pieux,  ni  moins  élevés  en  dignité. 
XI.  Ecole  des  chantres.  Nombre  des  chantres  à  Constantinople. 

I.  Les  sous-diacres,  les  acolytes,  les  lecteurs 
et  les  autres  moindres  béuéficiers  ne  laissaient 
pas  de  s'appliquer  à  la  conversion  des  âmes,  et 
de  monter,  par  ces  honorables  dey;rés,  aux 
ordres  supérieurs. 

C'est  ce  que  saint  Grégoire  témoigne  d'un 
acolyte  écrivant  à  un  évêque  de  Corse  ;  «  La- 
tronem  praesentium  acolythum  feoiinus,  quem 
ad  obsequia  vestra  transmisimus,  ut  si  in  lii- 
crandis  aniinabus  amplius  servierit,  proticere 
amplius  possit  (L.  vu,  epist.  -2).  » 

Saint  Isidore  regarde  les  lecteurs  et  les  chan- 
tres comme  des  prédicateurs  qui  instruisent 
les  peuples  par  la  lecture  des  saints  Livres,  et 
les  animent  à  la  vertu  par  la  douceur  de  leur 
chant.  «  Lectores  a  legendo  et  |)salmi.>t;E  a  psal- 
mis  canendis  vocati  :  illi  enim  prtedicant  po- 
pulis,  quid  sequanttir;  isti  canunt  ut  excitent 
ad  compunctionem  animos  audientium.  » 

Ce  Père  parle  ensuite  de  deux  sortes  de 
chantres,  sans  remarquer  néanmoins  si  on  les 
distinguait  dans  l'Eglise  :  «  Prsecentor,  qui 
\ocem  prœmittit  in  cantu.  Succeutor,  qui  sub- 
sequenter  canendo  respondet.  » 

IL  Je  ne  m'arrêterai  pas  à  rapporter  toutes 
les  fonctions  que  ce   Père  assigne  à  chaque 


ordre,  elles  sont  les  mêmes  que  nous  les  voyons 
encore  à  présent.  11  donne  aux  sous-diacres  la 
charge  de  recevoir  les  offrandes  des  fidèles,  et  de 
les  remettre  entre  les  mains  des  diacres,  pour 
être  offertes  sur  l'autel.  «  Oblaliones  in  templo 
Dei  a  fidelibus  ipsi  suscipiunt  ;  et  levitis  super- 
ponendas  altaribus  deferunt  i  Ibidem; .  » 

C'est  apparemment  ce  qui  éleva  peu  à  peu  le 
sous-diaconat  au  rang  des  ordres  sacrés,  et  ce 
qui  obligea  saint  Grégoire  d'assujétir  indis- 
pensablement  les  sous-diacres  à  la  loi  de  la 
continence,  comme  nous  dirons  plus  bas  en 
parlant  du  célibat.  Isidore  nous  l'apprend 
ainsi  :  «  Isli  vasa  quoque  corporis  et  sangtiinis 
Cliristi  diaconibus  ad  altare  ofîerunt.  De  qui- 
bus  quidem  placuit  Patribus,  ut  quia  sacra 
mysleria  contrectant,  casti  sint,  et  continentes 
abuxoribus;  juxta  illiid,  mundainini  qui  ferlis 
vasa  Domini  ^De  Eccles.  Oltic,  1.  u,  c.  10).  » 

III.  Saint  Grégoire  ne  laissa  pas  de  mettre 
une  grande  différence  entre  le  sous-diaconat 
et  les  ordres  sacrés  qui  se  donnent  par  l'iin|)0- 
sition  des  mains. 

Jean  Diacre  remarque  dans  la  vie  de  ce  pape 
qu'il  fil  ehàlier  un  sous-diacre  coupable  de  la 
même  peine  infamante  que  si  c'eût  été  un 
laïque;  au  lieu  que  si  c'eût  été  un  diacre,  il  se 
fût  contenté  de  le  déposer  de  son  ministère. 
«  Quia  subdiaconus  imposilionein  nianus  qua 
carere  potuisset,  non  babuit,  non  sacerdotio, 
sed  officio  caruit,  et  tanquam  rêvera  infamis 
meruit  verberibus  castigari.  Quod  enim  esset 
diacouo  gradum  amittere,  hoc  fuit  subdiacono 
lama-  plenitudine  caruisse  (L.  iv,  c.  31;.»  11 
parle  du  diaconat  comme  d'une  portion  du  sa- 
cerdoce, du  sous-diaconat  comme  d'un  office. 

IV.  Le  même  Isidore  tâche  encore  de  faire 
du  lecteur  un  prédicateur,  et  il  veut  que  sa 
lecture,  par  la  savante  variété  des  tons,  des  ac- 
cents et  des  affections  fasse  également  paraître 
et  répandre  dans  son  auditoire  sa  science  et  sa 
pieté.  «  Sunt  enim  lectores,  qui  verbum  Dei 


>l^2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CFIAPITKE  TRENTE-UNIÈME. 


piœdicant,  etc.  Qui  promovelur  ad  Imnc  i:ra- 
durn,  erit  doctrina  et  libris  imbutus,  sensuum- 
(juc  ac  verboruin  sciencia  perornatus,  etc.  Ut 
ad  inlellecluin  oniniuni  mentes  sensusijtie  pro- 
nioveat,  discernen<lo  jrenera  pronunciationis, 
alque  exprimendo  omnium  sententiarum  pro- 
prios  affectus.  modo  indicantis  voce,  modo  do- 
lenlis ,  modo  increpantis.  modo  exhorlantis 
(De  Eccles.  Offic.,  1.  ii,  c.  11).  » 

11  était  difficile  (jue  les  lecteurs  s'acquittas- 
sent de  cette  cliarjie  en  la  manière  que  ce  Père 
le  demande,  sans  une  intelligence  au  moins 
médiocre  des  Ecritures,  et  sans  un  zèle  véri- 
table du  salut  du  prochain. 

V.  Le  chantre  doit  autant  chanter  du  cœur 
que  de  la  bouche,  pour  inspirer  par  les  oreilles, 
dans  le  cœur  des  fidèles,  les  mouvements 
d'une  piété  et  d'une  componction  sincères. 
«  Vox  ejus  christianam  simplicitatem  demon- 
stret,  in  ipsa  modulatione,  quœ  non  musica 
vel  théâtral!  arte  redoleat,  sed  qu»  compunctio- 
nem  ma^is  audientibus  faciat  (Ibid.  c.  \i).  » 

C'était  pour  cela  que  les  anciens  se  prépa- 
raient au  clianl  par  le  jeûne,  par  l'abstinence, 
et  en  ne  mangeant  ordinairement  que  des  lé- 
}{umes  pour  donner  plus  de  force  à  leur  voix. 
(I  Aniiqui  enim  [iridié  (luam  cantandum  er.it, 
cibis  abstiiiebant  ;  psallentes  tamen  lej;umine 
in  causa  vocis  assidue  utebanlur.  Unde  et  can- 
lori's  apiid  (îentiles  Fabarii  dicti  sunt.  » 

VI.  Rède  nous  apprend  dans  son  Histoire 
d'Angleterre,  ([ue  l'Ejflise  d'York,  en  l'absence 
de  l'évèque,  fut  longtemps  frouvernée  par  le 
diacre  Jaccjues,  dont  la  science,  la  sainteté  et 
les  prédications  enlevèrent  au  démon  un  riche 
butin,  et  un  j^rand  nombre  de  personnes  qu'il 
hiptisa  ilurant  la  persécution.  Et  la  paix  ayant 
été  ensuite  rendue  à  l'Ef^lise,  comme  il  avait 
ranfc  entre  les  excellents  chantres,  il  ne  fut 
^uère  moins  utile  à  édifier  les  fidèles  par  son 
chant  et  |)ar  sa  piété. 

«  Reliciuerat  l'aulinus  in  Ecclesia  sua  Ebo- 
raci  .lacobum  diaconum,  virum  utique  eccle- 
siasticum  et  sanctum,  (|ui  multo  ex  bine  teni- 
pore  in  Ecclesia  inanens,  magnas  antiquo  hosti 
praîdas  docendo  etbaptizando  eripuit.  Qui  quo- 
niiuu  cantandi  in  ecclesia  erat  [leritissimus , 
recui)erata  ]iostm()duin  pace,  in  Provincia  cre- 
scente  numéro  fidelium,  etiam  magister  eccle. 
sia?tica'  canlionis,  juxta  morem  Romanoriim, 
seu  Cantuariorum,  mullis  cœpit  existere  (L.  ii, 
c.  ult.).  » 

Le  célèbre  Théodore,  archevêque  de  Cantor- 


béry,  réjiandit  dans  toute  l'Angleterre  ce  trésor 
de  la  science  et  du  chant  ecclésiastique,  con- 
forme aux  usages  de  Rome.  «  Et  quicumque 
leclioiiibus  sacris  cuperent  erudiri ,  haberent 
in  promptu  magistros  qui  docerent  :  et  sonos 
cantandi  in  ecclesia  ,  quos  eatenus  in  cantia 
tantum  noveraiit,  ab  hoc  tempore  per  omnes 
Anglorum  ecclesias  discere  cœperunt  (L.  iv, 
c.  2).  » 

Le  promoteur  de  cette  communication  du 
chant  de  Rome  et  de  Cantorbéry  par  toute 
l'Angleterre  fut  le  saint  et  illustre  évêque  Wil- 
frid,  (]ui  fut  si  zélé  pour  la  foi  et  la  discipline 
catholiques.  «  Qui  primus  inler  e|)iscopos,  qui 
de  Anglorum  gente  essent,  catholicum  vivendi 
morem  Ecclesiis  Anglorum  tradere  didicit.  » 

VU.  Le  même  archevêque  Théodore  vit  as- 
sister à  un  de  ses  synodes  Jean,  archichantre 
de  l'église  de  Saint-Pierre  et  abbé  du  monastère 
de  Saint-Martin  à  Rome,  que  le  pape  Agathon 
avait  envoyé  en  Angleterre  pour  s'instruire  et 
pour  l'informer  ensuite  de  la  pureté  de  la  foi 
des  Anglais  et  pour  y  enseigner  aux  monastères 
le  chant  de  l'Eglise  romaine. 

«  Intererat  huic  synodo,  pariterque  Calho- 
licœ  fidei  décréta  flrmabat  vir  venerabilis  Joan- 
nes,  archicantor  ecclesi;psancti  Pétri,  et  abbas 
monasterii  R.  Martini,  qui  nuper  venerat  a 
Roma,  duce  reverendissimo  abbate  Biscopo, 
quatenus  in  monasterio  suo  cursum  canendi 
aniumm,  sicut  ad  sanctum  Petrum  Rom;e 
agebatur,  edoceret.  Egitque  abbas  Joannes,  ut 
jussionem  acceperat  pontificis,  et  ordinem  vi- 
delicet,  ritumque  canendi  etiegendi,  viva  voce 
prœfati  monasterii  cantores  edocendo,  et  ea 
qu;e  totius  ainii  circulus  in  celebratione  die- 
rum  lestorum  poscebat,  etiam  lilteris  man- 
dando  :  qu;e  hactenus  in  eodem  monasterio 
servata.  et  a  multis  jam  sunt  circumqua(|ue 
transcripta.  Non  solum  autem  idem  Jo.uines 
i|isius  monasterii  fratres  docebat,  verum  de 
onmibus  pêne  ejusdem  provinciœ  monasteriis, 
ad  audiendum  eum,  qui  cantandi  erant  periti, 
confluebant  (L.  iv,  c.  48).  » 

Ce  passage  de  Bède  nous  fournit  les  réflexions 
suivantes  : 

Voilà  un  archichcmtre  dans  l'église  de  Saint- 
Pierre  de  Rome  qui  était  en  même  tem|>s  abbé 
d'un  monastère  de  Rome.  Cette  dignité  était 
donc  im|iorlante,  ce  qui  paraît  encore  |)ar  le 
soin  que  le  pape  lui  avait  donné  d'examiner 
l'état  de  l'Eglise  et  de  la  foi  en  Angleterre. 
«  Non  solum  autem  idem  Joannes  ipsius  mo- 


DES  SOUS-DIACRES  ET  DES  LECTEURS. 


513 


nasterii  fratrcs  docebat,  etc.  Excepio  cantandi 
vel  legt'iuli  munere,  in  mand.itis  acceperat  al) 
apostolico  papa,  ut  ciijus  osset  fidei  Aiigloiuin 
Ecclesia  diligenter  edisceret,  Komanu]ue  re- 
diens  referre.  » 

On  tint  pour  cela  un  synode  en  Angleterre  : 
il  y  assista  et  en  prit  les  actes  pour  ks  [wrter 
à  Rome.  Cela  nous  conflrme  dans  la  pensée 
que  les  lecteurs  et  les  chantres,  en  ces  siècles, 
étaient  souvent  très- habiles  dans  toutes  les 
sciences  saintes.  Il  est  probable  que  les  dignités 
de  chantre  ou  archichantre  commencèrent  en 
même  temps  dans  les  autres  églises,  à  l'imita- 
tion de  Rome. 

Un  abbé  d'un  monastère  était  membre  et 
tenait  une  dignité  du  chapitre  de  Saint-Pierre 
de  Rome. 

Le  chant,  l'ordre  des  offices  et  toutes  les 
cérémonies  romaines  furent  communiquées  à 
l'Eglise  anglicane,  qui,  ne  faisant  que  de  re- 
naître pour  ainsi  dire  de  ses  cendres,  ne  pou- 
vait pas  encore  avoir  eu  le  temps  de  se  donner 
à  elle-même  tous  ces  avantages,  avec  cette 
perfection  qui  éclatait  dans  la  plus  ancienne 
et  la  première  de  toutes  les  Eglises. 

Vlil.  Le  même  Bède  parle  ailleurs  d'un  reli- 
gieux anglais  qui  avait  reçu  du  ciel  un  don 
miraculeux  de  faire  des  vers  sur  les  choses 
saintes,  et  de  chanter  si  mélodieusement  que 
plusieurs  en  étant  touchés  quitt. lient  le  monde 
pour  gagner  le  ciel.  «  Cujus  carniinibns  mul- 
torum  sa?pe  animi  ad  contemptum  sa^culi,  et 
ad  appetitum  sunt  vitœ  cœleslis  accensi  (L.  iv, 
G.  24).  » 

Cela  montre  qu'on  ne  se  trompait  pas  à  cul- 
tiver le  chant  dans  les  seules  vues  d'enflammer 
la  piété.  Aussi  le  même  auteur  dit  que  saint 
W'ilfrid,  étant  encore  jeune  religieux,  résolut 
d'aller  apprendre  à  Rome  la  pureté  de  la  vertu, 
de  la  foi  et  du  chant.  «  In  monasterio  cum  ali- 
quot  annos  Deo  serviret,  animadvertit  adole- 
scens  animi  sagacis ,  minime  perfectam  esse 
virtutis  viam,  quse  tradebatur  a  Scolis  ;  propo- 
suitque  animo  venire  Romam,  et  qui  ad  Se- 
dem  Apostolicam  ritus  ecclesiastici,  sive  mo- 
nasteriales  servarentur,  videre  (L.  v,  c.  20).  » 

Le  successeur  de  saint  Wilfiid,  dans  l'éjjis- 
copat,  ne  fut  pas  moins  curieux  du  chant  que 
lui,  ni  moins  persuadé  de  l'importance  de  cette 
occupation  tonte  céleste  des  ecclésiastiques, 
qui  leur  fait  déjà  sur  la  terre  goûter  Us  saints 
plaisirs,  et  faire  les  fonctions  des  bienheureux. 
Ce  fut  Acca,  qui  ne  crut  pas  que  l'olfice  de 


chantre  déshonorât  l'épiscopat ,  ou  pût  êde 
malséant  à  un  homme  consonuné  dans  la 
vertu  et  dans  les  lettres  saintes.  «  Nam  et  ipse 
epifcopiis  Acca  cantor  erat  iierilissimus,  quo- 
modo  etiam  in  lilteris  sanctis  doctissimus,  in 
ecclesiasticœ  quoque  institutionis  regnlis  for- 
tissiinus,  etc.  (C.  xxi).  »  Il  avait  été  à  Rome, 
étant  jeune,  avec  saint  Wilfrid ,  «  Romam  ve- 
niens,  multa  iltic,  qua?  in  patria  necpiiverat, 
Ecclesiœ  sanctae  institutionis  ulilia  didicit.  » 
Mais  il  fît  depuis  venir  dans  son  église,  et  y 
conserva  l'espace  de  douze  années,  un  excel- 
lent chantre,  qui  avait  été  di?ci[tle  des  dis- 
ciples de  saint  Grégoire  Je  Grand,  à  Cantor- 
béry  :  «  Cantorem  quoque  egregium  ,  qui  a 
successoribus  discipulorum  beati  papœ  Grego- 
rii  in  Cantia  fuerat  cantandi  sonos  edoclus,  ad 
se  suosque  instituendos  accersiit,  ac  per  annos 
duodecim  tenuit.  » 

IX.  Il  est  donc  vrai  que  les  mêmes  disciples 
de  saint  Grégoire,  pape,  qui  furent  les  ajiôtres 
de  l'Angleterre,  y  furent  aussi  les  instituteurs 
et  les  premiers  maîtres  du  chant  ecclésiastique; 
et  après  avoir  appris  aux  Anglais  a  connaître 
Dieu,  ils  leur  enseignèrent  aussi  à  chanter  ses 
louanges.  Saint  Grégoire  lui  même,  qui  a  été 
le  plus  admiiable  théologien  qui  ait  jamais 
rempli  le  siège  de  Pierre,  ne  croyait  pas  s'a- 
baisser trop,  ou  avilir  la  première  dignité  de 
l'Eglise,  et  la  majesté  du  royal  sacerdoce,  en 
enseignant  le  chaut  aux  jeunts  chantres  de 
l'Eglise. 

M  Propter  musicœ  compunctionem  dulcedinis 
antiphonarium  centonem,  cantorum  studio- 
sissimus,  nimis  utiliter  compilavit  :  scholam 
quoque  cantorum,  quœ  haclenus  eisdem  insti- 
tulionibus  in  sancta  Romana  Ecclesia  modu- 
latur,  constituit,  etc.  Usque  hodie  lectus  ejus, 
in  que  recubans  modulabatur ,  et  flagellum 
ipsius  ,  quo  pueris  minabatur  ,  veneratione 
congiua,  cum  authentico  antiphonaiio  reser- 
vatur  (Jean  Diac,  in  ejus  vita,  1.  ii,  c.  6).  » 

Le  même  Jean  Diacre  dit  ensuite  que  les 
Français  et  les  Allemands  ont  tâché  d'imiter 
la  douceur  du  chant  grégorien ,  mais  qu'ils 
n'ont  pu  en  atteindre  la  perfection  à  cause  des 
additions  qu'ils  y  ont  faites,  et  que  leur  voix 
n'a  pu  s'adoucir  jusqu'au  point  qu'il  fallait. 
«  Hnjus  modulationis  dulcedinem  inter  alias 
Europae  gentes  Geimaiii  seu  Galli  discere,  cre- 
broque  rediscere  insigniter  potuerunt  ;  incor- 
ruptam  vero  ,  tam  levilate  animi ,  quia  non- 
nuUa  de  proprio  Gregorianis  cantibus  nuscue- 


Th.  —  TouE  L 


33 


5U 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-DEUXIÈME. 


nint,  quam  ferilate  quoque  naturali,  servare 
minime  potiierunt  (C.  7,  8.  Ibid.j.  » 

Cet  auteur  n'a  pu  parler  que  de  son  temps 
ou  de  celui  qui  l'avait  précédé.  Il  ajoute  que 
ce  fut  à  l'occasion  de  la  mission  d'Augustin  en 
Angleterre ,  que  saint  Grégoire  commença  à 
faire  part  à  tout  l'Occident  de  la  sainte  suavité 
du  chant  romain.  «  Hujus  Gregorii  tempore 
cum  Augustino  lune  Brilannias  adeunle,  per 
Occidenlem  quoque  Romanae  institntionis  can- 
tores  dispersi,  barbaros  insigniter  docuerunt.» 

X.  Grégoire,  évêque  de  Tours,  ne  donne  ni 
moins  de  piété,  ni  moins  de  science  à  ses 
chantres.  «  Unus  ex  clericis  meis  Armentarius 
nomine,  bene  eruditus  in  spiritualibus  scrip- 
luris,  cui  tam  facile  erat  sonorum  modulatio- 
nes  appendere,  ut  eum  non  putares  hoc  medi- 
tari,  sed  scribere,  in  servitio  valde  strenuus, 
et  in  commisso  fidtdis  (Mirac,  1.  i,  c.  33).  » 

Il  fait  voir  ailleurs  ce  que  nous  avons  déjà 
dit,  que  les  chantres  n'étaient  plus  ce  qu'ils 
avaient  été,  c'est-à-dire  que  ce  n'étaient  pas  seu- 


lement des  jeunes  enfants  ou  des  jeunes  clercs, 
m.iis  que  c'étaient  des  prêtres,  des  ahbés,  des 
évèques,  saint  Grégoire  nous  oblige  presque  à 
dire  des  papes,  qui  faisaient  gloire  de  chanter 
et  d'apprendre  à  chanter  dans  l'église  de  la 
terre  ce  (jue  les  anges  et  les  saints  chantent 
dans  le  ciel.  «  Valentinus  igitur  cantor,  qui 
tune  presbyter  habebatur,  etc.  (Vitic  Patruni, 
c.  vi).  » 

XI.  Mais  outre  ces  dignités  de  chantres  ouar- 
chichanlres,  qui  étaient  plutôt  des  offices  que 
des  ordres,  il  y  avait  toujours  un  nombre  con- 
sidérable de  jeunes  clercs,  dont  les  uns  étaient 
simplement  chantres,  les  autres  lecteurs,  sous- 
diacres,  portiers.  L'empereur  Jusiinien  défen- 
dit ,  par  une  de  ses  constitutions  nouvelles , 
qu'il  y  eût  dans  la  grande  église  de  Constanti- 
nople  plusde  quatre-vingt-dix  sous-diacres,  cent 
dix  lecteurs,  vingt-cinq  chantres  et  cent  por- 
tiers ;  et  il  régla  aussi  avec  proportion  leur 
nombre  dans  les  autres  églises  (Nov.  ui,  c.  i). 


CHAPITRE  TRENTE-DEUXIEME. 


DES   SOUS-DIACRES  ET  DES  AUTRES   CLERCS   INFÉRIEURS   SOUS   L  EMPIRE   DE   CHARLEMAGNE. 


I.  Le  concile  Vil  condamne  les  clercs,  lesquels  étant  simple- 
ment tonsurés,  sans  avoir  reçu  l'ordre  de  lecteur,  lisaient  dans 
l'église. 

II.  La  tonsure  monastique  ne  surfisait  pas  non  plus  pour  être 
lecteur;  mais  les  abbés  prêtres  et  bénis  pouvaient  donner  l'ordre 
de  lecteur  à  leurs  religieux. 

III.  Ces  lecteurs  qui  lisaient  sans  l'ordre,  étaient  peut-être 
ceux  que  leurs  parents  avaient  habillés  de  noir,  en  leur  coupant 
les  cheveux. 

IV.  Dans  l'Arménie,  les  lecteurs  et  les  chantres  avaient  été 
des  laïques  sans  tonsure. 

V.  Au  temps  de  Balsamon,  les  chantres  et  les  portiers  étaient 
des  laïques. 

VI.  En  quelle  vénération  étaient  les  clercs  inférieurs  dans 
l'Eglise  latine.  Lois  de  Charlemagne  pour  cela. 

VU.  Les  ordres  rameurs  se  donnaient  encore  séparément. 
Vlll.  Des  lecteurs  et  des  sous-diacres  oblationuaires. 
I.\.  Des  domestiques  et  des  portiers. 

!.  Le  Vil"'  concile  général  condamna  une 
pratique  irrégulière  qui  s'était  glissée  dans  l'E- 
glise; c'est  que  les  clercs,  après  avoir  été  ton- 
surés, sans  avoir  reçu  l'imposition  des  mains 


de  l'évêque,  lisaient  publiquement  les  livres 
sacrés.  Les  religieux  prétendaient  aussi  que 
l'exercice  et  la  fonction  de  lecteur  était  insé- 
parable de  leur  tonsure  religieuse. 

Ce  concile  (Can.  xix)  abolit  encore  cette 
prétention  ,  permettant  seulement  aux  abbés 
qui  sont  prêtres  et  qui  ont  été  bénis  par  l'é- 
vêque, d'imposer  les  mains  à  leurs  religieux 
pour  les  ordonner  lecteurs,  comme  les  anciens 
canons  avaient  permis  aux  chorévêques  d'or- 
donner des  lecteurs  avec  la  permission  de  l'é- 
vêque. 

«  Et  quoniam  videmus  sine  manus  imposi- 
tione  a  parvula  œtate  tonsuram  cleri  qnosdam 
accipientes  nondum  ab  episcopo  manus  ini[io- 
sitiune  percepla,  super  ambonem  irregulariler 
in  collecta  legentes  ;  praecipirnus  amodo  id 
minime  fieri.  Idipsum  quoque  conservandum 


DES  SOUS-DÎACRES  ET  DES  CLERCS  LNFÉRIEURS. 


515 


est  inter  monachos.  Lectoris  autem  manus 
imposilionem  licentia  est  iiniciiique  abbati  in 
proprio  nionasterio  solumniodo  fiiciendi  ;  si 
duntaxat  abbali  manus  iin[)ositio  facta  nasca- 
tur  ab  episcopo  secundum  niorem  praeficiun- 
dorum  abbatuni  ,  dum  constet  illum  esse 
presbyttTuni.  Simili  modo  secundum  anti- 
quam  cousuetudiiiem  cborepiscopos  prœce- 
plione  episcopi  oportet  promovere  lectores.  » 

H.  Il  est  donc  permis  non-seulement  aux 
chorévèques ,  qui  n'étaient  que  des  prêtres, 
mais  aussi  aux  abbés  bénis  qui  sont  prêtres, 
d'ordonner  des  lecteurs,  pourvu  qu'ils  ne  con- 
fèrent cette  dignité  qu'à  leurs  religieux  ;  et  il 
est  défendu  aux  clercs  qui  n'ont  reçu  que  la 
tonsure,  de  lire  publiquement  dans  l'église, 
s'ils  n'ont  reçu  l'ordination  des  lecteurs  par 
l'imposition  des  mains  de  l'évèque. 

Ce  dernier  abus  était  apparemment  provenu 
de  ce  que,  durant  l'espace  de  plusieurs  siècles, 
il  n'y  avait  point  de  clerc  qui  n'eût  reçu  quel- 
qu'un des  ordres  inférieurs,  et  c'était  le  lec- 
torat  qui  était  le  plus  ordinairement  conféré 
avec  la  tonsure  :  ainsi  ce  n'était  presque  qu'une 
même  chose  d'être  tonsuré  et  d'être  clerc,  et 
d'être  lecteur.  11  arriva  de  là  que  lorsqu'on 
commença  de  séparer  la  tonsure  ou  la  clérica- 
ture  des  ordres  mineurs,  les  clercs  simples  se 
persuadèrent  facilement  qu'ils  pouvaient  faire 
l'office  de  lecteurs. 

Quant  aux  religieux,  ils  crurent  aussi  fort 
longtemps  que  la  tonsure  monastique  était 
équivalente  à  la  cléricature,  et  qu'elle  pouvait 
paraître  suffisante  pour  exercer  les  offices  des 
ordres  inférieurs.  En  effet,  nous  avons  mon- 
tré ailleurs  que  la  profession  monastique  a 
souvent  tenu  lieu  des  ordres  inférieurs  pour 
être  élevé  ensuite  au  diaconat  et  au  sacerdoce. 

C'était  donc  alors  aux  abbés  à  donner  ces 
offices  des  ordres  inférieurs  à  ceux  de  leurs 
religieux  qu'ils  en  jugeaient  les  plus  dignes; 
et  ce  qui  ne  se  faisait  peut-être  d'abord  que 
par  un  commandement ,  se  fit  ensuite  avec 
cérémonie,  et  avec  une  imitation  plus  expresse 
des  ordinations  é[)iscopales. 

Balsamon  reconnaît  bien  que  Photius  met 
les  moines  au  rang  des  clercs  dans  son  Nomo- 
canon  (ri' voaozivcvov),  et  qu'il  justifieson  sentiment 
par  le  canon  de  Laodicée  :  «  Nota ,  patriarcha 
quidem  qui  hoc  Nomocanonum  composuit, 
doclurus  quinam  sint  clerici,  transmisil  sta- 
tim  ad  XXIV  Canonem  synodl  Laodicenae,  qui 
etiam  monachos  clcricis  conuuuurat.  »  Mais  il 


ne  peut  se  résoudre  à  suivre  cette  doctrine  de 
Photius,  et  il  tâche  d'en  faire  voir  les  inconvé- 
nients, dont  celui-ci  n'est  pas  le  moindre,  que 
si  la  tonsure  suffit  pour  faire  que  les  moines 
soient  lecteurs,  il  s'ensuivra  que  pour  être  lec- 
teur il  suffira  que  le  religieux  ait  été  tonsuré 
par  un  autre  religieux  prêtre,  quoiqu'il  ne  soit 
pas  abbé,  et  qu'il  n'ait  pas  reçu  ce  pouvoir  de 
l'évèque  :  ce  qui  est  opposé  au  canon  ci-dessus 
allégué  du  Vil'  concile  général.  11  s'ensuivrait 
que  les  religieuses  auraient  le  même  droit, 
puisqu'elles  ont  aussi  la  tonsure  monastique. 

«  Si  datum  fuerit  ex  sola  tonsura  monachos 
esse  lectores,  monachi  indistincte  lectoris  mu- 
nia  omnino  exercebunt,  etiamsi  a  monachis 
sacerdotibus  tonsi  fuerint,  qui  nec  sunt  anli- 
stites  monasteriorum,  nec  ab  episcopis  faculla- 
tem  acceperunt.  Quod  absurdum  est.  Porro 
autem  monachis  quoque  feminis  hoc  conce- 
detur  propter  tonsuram.  Quod  est  absurdis- 
simum  (In  Nomocan.  Phot.,  tit.  i,  c.  31).» 

Le  même  Balsamon  propose  ailleurs  un 
autre  doute  qui  partageait  les  sentiments  des 
canonistes  :  savoir  si  les  abbés,  outre  leur  or- 
dination, ou  la  bénédiction  qu'ils  reçoivent  de 
l'évèque,  ont  encore  besoin  d'une  permission 
particulière  de  sa  part  pour  ordonner  des  lec- 
teurs dans  leurs  monastères. 

Quelques-uns  croyaient  que  cette  permission 
était  nécessaire  ,  parce  que  le  pouvoir  d'or- 
donner est  réservé  aux  évêques;  et  les  autres 
prêtres  ne  pouvant  pas  ordonner  des  lecteurs, 
même  avec  la  permission  des  évêques  :  «  Cum 
nuUus  sacerdos  possit  lectorem  ordinare  , 
etiamsi  ei  ab  antistite  hoc  permissum  fuerit 
(In  Can.  xix.  Synod.  TrulL),  »  c'est  toujours 
un  privilège  assez  singulier  des  abbés  de  pou- 
voir le  faire  avec  la  permission  de  l'évèque. 
Balsamon  est  pourtant  d'avis  que  cette  permis- 
sion expresse  n'est  plus  nécessaire,  mais  qu'elle 
est  renfermée  dans  l'ordination,  ou  dans  la 
bénédiction  même  de  l'abbé  par  l'évèque  ; 
puisque  le  canon  xiv  du  concile  Vil  donne 
en  général  ce  droit  à  tous  les  abbés.  «  Ego 
vero  intelligo  hoc  monasteriorum  prœfeclis 
indistincte  a  canone  concessum  esse.  » 

III.  Cet  auteur  dit  au  même  endroit  que  ce 
pouvoir  a  été  donné  aux  abbés,  parce  qu'il  ne 
leur  est  pas  facile,  ni  à  leurs  religieux,  à  cause 
de  léloignement  de  leurs  monastères,  de  venir 
dans  les  villes  pour  demander  cette  ordination 
des  lecteurs  aux  éNèques. 

Il  sera  peut-être  encore  plus  utile  de  remar- 


516  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-DEUXIÈME. 


qucr,  avec  le  môme  Balsamon,  que  ces  jeunes 
lecteurs  qui  sont  cassés  dans  ce  même  canon, 
ne  sont  peut-être  pas  ceux  que  l'évêque  aurait 
tonsurés,  sans  les  faire  lecteurs  par  l'iniposi- 
tion  des  mains,  parce  que  rimposition  des 
mains  de  l'évèque  n'était  autre  que  celle  qu'il 
leur  faisait  en  leur  coupant  les  cheveux  en 
forme  de  croix.  Mais  c'étaient  des  enfants  tout 
petits,  que  leurs  parents  liabillaient  de  noir 
dès  lors  et  consacraient  à  Dieu  en  leur  coupant 
les  cheveux. 

Ce  canon  ne  soullie  jilus  que  ces  enfants  qui 
n'avaient  été  ni  tonsures  ni  ordonnés  lecteurs 
par  l'évêiiue,  fassent  roffice  de  lecteur  dans 
l'église.  «  Uuoniam  videnius  nonnullos  a  pue- 
ris  nigris  vestibus  indutos,  tanquam  Dec  con- 
secratos,  tonsuraque  suseepta ,  non  per  sui 
cpiseojii  manuum  imiiosilionem  audentes  , 
postquam  ad  aitatem  pervenerint,  divinas  Scri- 
pturas  in  snggestu  légère,  non  canonice,  etc.  » 
IV.  Le  concile  in  Trullo  (Can.  xxxui)  avait 
déjà  condamné  la  pratique  des  Fglises  d'Ar- 
ménie ,  où  la  fonction  des  lecteurs  et  des 
chantres  était  exercée  par  ceux  qui  n'avaient 
jamais  reçu  la  tonsure  de  l'évèque.  «  Scriptu- 
ras  nulli  liceat  in  suggestu  recitare,  nisi  is  sa- 
cerdotali  tonsura  nsus  fuerit,  et  benedictionem 
a  suu  paslori'  c  uionice  susceperit.  »  D'où  il  est 
encore  manifeste  i|ue  l'évèque  créait  des  lec- 
teurs par  la  lonsuie  même,  qui  était  accompa- 
gnée de  l'imposition  des  mains,  et  de  la  béné- 
diction en  forme  de  croix. 

Bilsamon  dit  encore  plus  nettement  sur  ce 
canon,  que  (pioiiiue  ce  ne  fût  pas  son  avis, 
c'était  celui  de  plusieurs  autres  que  la  tonsure 
monacale  tenait  lieu  de  la  cléricale,  et  don- 
nait le  même  droit  de  lire  dans  l'église.  «  Sed 
et  mouaehos  (|ui  non  liabent  episcopales  coro- 
nas,  sed  monachieam  tonsuram,dieunt(|uidam 
posse  in  suggestu  légère  Apostolum  et  reliqua, 
queinadmodum  et  clerici,  tanquam  monacha- 
lis  tonsura  utique  sufficiat  pro  tonsura  cléri- 
cal i.  » 

Ceux-ci  étaient  mieux  fondés  sur  l'ancienne 
discipline,  l'opinion  de  Biilsamon  était  ()lus  con- 
forme à  la  police  de  son  siècle,  et  aux  intentions 
des  évoques  de  son  tenqis. 

V.  Le  même  l'alsamon  dislingue  les  ordres 
et  les  offices  des  chantres  et  des  lecteurs  et  dit 
que  les  chantres  de  son  temps  n'étaient  que 
des  cunufiues ,  ce  qui  n'était  pas  de  la  sorte 
dans  les  siècles  passés.  «  Nota  (]uod  olim  can- 
toiiim  ordo  non  ex  eunucliis  solum,  iil  ho  lie 


fit,  constituebatur,  sed  ex  iis  qui  non  eranl 
ejusmodi  (In  Can.  iv,  Synod.  Trull.)  »  Il  ajoute 
que  les  lecteurs  lisaient  les  livres  saints  après 
(|ue  les  matines  étaient  finies.  «  Ut  in  ambone 
divinas  Seripturas  legerent  post  finilnm  ma- 
tutinum  (Nemocan.,  tit.  i,  c.  31).  » 

Il  remarque  ailleurs  que  les  exorcistes  et  les 
])ortiers  étaient  aussi  dans  le  rang  des  clercs, 
et  jouissaient  des  mêmes  privilèges,  mais  que 
l'église  de  son  temps  avait  d'autres  portiers  qui 
n'étaient  plus  du  corps  des  ecclésinstiques  :  ce 
qui  montre  que  ces  offices  étaient  déjà  com- 
muniqués à  des  laïques.  Zonare  était  entré  dans 
les  mêmes  sentiments  que  Balsamon  sur  l'ordi- 
nation des  lecteurs  par  les  abbés  (In  Can.  xiv, 
synod.  7). 

VI.  Quant  à  l'Eglise  latine,  il  y  a  peu  de 
chose  à  ajouter  à  ce  que  nous  en  avons  dit  ci- 
dessus.  Le  rang  honorabb  qu'on  y  donnait 
encore  aux  clercs  inférieurs,  paraît  excellem- 
ment dans  une  lettre  du  pape  Adrien.  Ce  pape 
parlant  des  quatre  envoyés  de  Chirlemagne 
vers  le  Siège  apostolique,  il  donne  la  qualité  de 
religieux  à  un  abbé  et  à  deux  diacres,  et  celle 
de  magnifique  à  un  portier,  «  magnificum  ostia- 
rium.  » 

Le  concile  II  de  Reims,  de  l'an  813  (Conc. 
Call.,  tom.  n,  p.  122,  t23],  avertit  tous  ks 
clercs  mineurs  que  leur  profession  est  une 
milice,  par  laquelle  ils  se  sont  engagés  à  com- 
battre pour  la  cause  de  Dieu,  «  Deo  n)ililare.  » 
Il  y  est  marqué  en  particulier  que  l'olfice  de 
sous-diacre  est  de  lire  à  l'autel  les  épîtres  de 
saint  Paul,  comme  celui  du  diacre  est  de  lire 
l'évangile  (Can.  ni,  iv,  v). 

L'empereur  Charlemagne  (Capitul.,  1.  vu, 
c.  30H)  conunanda  à  tous  ses  sujets,  en  quelque 
èminente  digintè  qu'ils  pussent  être  élevés,  de 
révérer  avec  les  plus  profonds  respects  les 
moindres  ecclésiastiques  et  de  leur  obéir  comme 
à  Dieu  même  dont  ils  sont  les  vicaires,  protes- 
tant (]u'il  ne  croirait  jamais  que  ceux  qui  ne 
sont  pus  fidèles  à  Dieu,  ou  qui  ne  veulent  pas 
se  soumettre  à  tous  ceux  qui  sont  revêtus  de 
(|uelques  rayons  du  royal  sacerdoce  de  J.-C. 
pussent  jamais  garder  la  foi  et  la  soumission 
tju'ils  doivent  aux  princes  de  la  terre. 

«  Vohmius  atque  praecipimus,  ut  omnessuis 
sacerdotibus,  tam  m.ijoris  ordinis,  ijuam  et  in- 
ferioris,  a  minimo  usque  ad  maximum,  ut 
snnuno  Deo,  cnjus  vice  in  Ecclesia  legitione 
fuiiguntur  obedientes  existant.  Nam  nullo 
p.uto  agnoscere  possumus,  qualiter  nobis  fide- 


DES  SOUS-DIACIIES  ET  DES  CLEKCS  INFERIEURS. 


517 


les  existcre  possiint,  qui  Dco  infidèles  et  suis 
facerdotibus  iiiobedientes  exiileriiit;  aul  qu:i- 
liler  riobis  obedieiiles,  nostrisqiie  Illiui^tli>  ac 
le{,'atis  obtempérantes  erunt,  qui  illis  in  Dei 
cansis  et  Ecclesiarum  utilit.itibus  non  obtem- 
pérant. ;) 

Ce  pieux  et  admirable  prince  n'excepte  pas 
même  ses  propres  enfants,  auxquels  il  proteste 
aussi  bien  qu'à  tous  ses  seigneurs  qu'il  inter- 
dira son  palais  et  sa  communion  ,  s"ils  ne  s'en 
rendent  dignes  par  leur  respect  et  leur  obéis- 
sance envers  les  ministres  des  autels.  «  Qui 
autem  in  his,  quod  absit,  aul  négligentes,  aut 
inobedientes  fuerint  inventi,  sciant  se  nec  in 
nostro  imperio  honores  retinere,  licet  eliam 
lilii  nostri  fuerint,  nec  in  palalio  locum,  neiiue 
nobiscum  aut  cum  nostris  societatcm  ,  aut 
communionem  uUam  liabere,  sed  magis  sub 
magna  districlione  et  aridilute  pœnas  luere.  » 

VII.  On  a  pu  observer  dans  ce  qui  a  été  dit 
que  l'ancienne  police  subsistiit  encore  de  ne 
conférerles  ordres  mineurs  que  successivement 
les  uns  après  les  autres,  et  de  ne  les  conférer 
pas  tous  à  la  même  personne ,  puisqu'elle  ne 
pouvait  pas  les  exercer  tous  ensemble.  Les  por- 
tiers dont  nous  avons  parlé  étaient  sini|)lement 
liortiers;  les  lecteurs  n'avaient  point  d'autre 
ordre  inférieur,  puisqu'il  n'était  ni  nécessaire, 
ni  même  possible  qu'ilsen  fissent  les  fonctions. 
Saint  Bernard,  qui  fut  depuis  évéque  d'Hildes- 
lieim,  fut  d'abord  créé  exorciste,  afin  que  celle 
dignité  excitât  son  zèle  pour  en  mériter  une 
plus  relevée  (Surius,  die  xx  Nov.). 

Vlli.  Le  lectorat  était  celui  de  tous  les  moin- 
dres ordres  qui  était  le  plus  ordinairenunt 
conféré,  parce  que  c'était  celui  qui  pouvait  i)lus 
facilement  être  exercé  par  les  jeunes  enfants 
qui  se  dévouaient  à  la  milice  ecclésiastique.  Le 
sous-diaconal  était  le  plus  relevé;  entre  les 
sous-diacres,  celui  qui  était  commis  pour  por- 


ter les  oblations  à  l'autel,  élait  le  ilief  de  tons 
les  autres.  Le  pape  (jiégoirc  111  (l('|)utail  un 
jirètre  |iour  aller  célébier  le  divin  sacrifice 
dans  les  cimetières  aux  jours  solennels,  et  y 
faisait  porter  les  offrandes  par  un  sous-diacre 
qui  empruntait  son  nom  de  cette  fonction. 
«  Et  oblationes  de  patriarchio  per  oblaliona- 
rium  deportarentur  ad  celebrandas  missas 
(Anastas.  Bibl.,  in  ejus  vita).  » 

C'est  ce  qu'en  dit  Anastase,  bibliothécaire, 
dans  la  vie  de  ce  pape,  et  il  remarque  lui- 
même  ailleurs  que  le  premier  des  sous-diacres 
que  les  Grecs  appelaient  domestique  des  sous- 
diacres,  était  appelé  par  les  Latins  oblationaire. 
«  Primum  subdiaconorum  Grœci  Domesticum 
vocant,  quera  Romani  Oblationarium.  »  Cette 
qualité  d'oblationaire  est  néanmoins  aussi  attri- 
buée à  un  diacre  dans  le  concile  romain  ,  qui 
canonisa  saint  Udalric.  «  Johannes  diaconus  et 
oblalionariiis  '  Anno  99o. — Act.  -2,  synod.  8).  » 

IX.  La  qualité  de  domeslique  parmi  les  Grecs 
signifie  le  chef  et  le  président  d'un  corps.  Curo- 
palute  et  les  autres  Grecs  jiarlent  souvent  du 
général  de  la  soldatesque ,  qu'ils  appellent 
«  Domesticum  scholarum  (Du  Cliesne  ,  Hist. 
Franc,  tom.  ii,  p.  71-2,  713).  »  Le  titre  de  por- 
tier dont  nous  avons  parlé  ci-dessus  pourrait 
aussi  être  pris  pour  un  office  dans  le  palais 
imjiérial.  Il  nous  resle  deux  lettres  de  Frota- 
rius,  évêque  de  Tout,  écrites  au  premier  por- 
tier du  sacré  palais.  «  Illustrissimo  viro,  et 
toto  atfectu  colendo  ac  desiderando  Gerungo  , 
summo  sacri  palatii  ostiario,  Frolharius  episco- 
pus,  etc.  » 

Ainsi  le  titre  de  magnifique,  dont  il  a  été 
parlé  ci-dessus,  pourrait  avoir  été  donné  à  un 
officier  du  palais,  ou  à  un  portier  du  clergé  du 
palais,  dont  les  prérogatives  singulières  trou- 
veront un  chapitre  à  part  dans  la  suite  de  ce 
livre. 


518 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  TRENTE-TROISIÈME. 


CHAPITRE  TRENTE-TROISIÈME. 


DO   DIACONAT,    DD   SOCS-DIACONAT,  ET  DES   AUTRES   ORDRES   INFÉRIEURS,   APRÈS   LAN   MIL 

jusqu'à   PRÉSENT. 


I.  Tous  ces  ordres  conservent  encore  dans  les  plus  saintes 
lois  de  l'Eglise  leur  élévation  ancienne,  et  la  qualité  dî  bénéfice. 

II.  Le  diaconat  conserve  encore  son  ancienne  prérogative.  Le 
sous-diaconat  commença  sous  Urbain  11  a  s'approcher  davantage 
des  ordres  sacrés. 

III.  Innocent  111  acheva  de  le  mettre  au  rang  des  ordres 
sacrés. 

IV.  Les  théologiens  avaient  jugé  que  l'Eglise  avait  institué 
les  ordres  mineurs. 

V.  Saint  Boniface  les  renferme  tous  dans  le  diaconat. 

VI.  C'est  le  sens  du  concile  de  Trente. 

Vil.  Les  diacres  ont  longtemps  exercé  quelques  fonctions  sa- 
cerdotales. 

Vin.  On  a  quelquefois  donné  des  églises  à  conduire  k  des 
diacres. 

IX.  On  a  passé  quelquefois  sa  vie  dans  le  diaconat. 

X.  Diversités  entre  les  Grecs  et  les  Latins  dans  les  ordres 
mineurs. 

XL  Relâchement  des  Latins  en  les  donnant  tous  ensemble,  et 
n'en  exigeant  pas  l'ciercice.  Le  concile  de  Trente  y  remédie. 

XII.  Ce  concile  travaille  aussi  à  en  refaire  autant  des  béné- 
fices. Les  autres  conciles  le  secondent. 

XIII.  Des  universités  et  des  séminaires. 

XIV.  Autres  oflices  au-dessous  des  ordres  mineurs, 

XV.  Des  marguilliers, 

XVI.  Du  béuélice  de  l'eau  bénite. 

XVU.  Offices  encore  plus  bas  donnés  à  des  clercs. 

I.  La  longue  révolution  des  siècles  et  la  muta- 
bilité inévitable  de  la  discipline  ecclésiastique  , 
n'a  pu  encore  altérer  la  vérité  constante  de  ces 
deux  maximes  que  nous  avons  avancées  ci- 
dessus,  savoir  que  le  diaconat  possède  un  rang 
et  une  éniinence  toute  particulière  aAcc  1  epis- 
copat  et  la  prêtrise  au-dessus  des  autres  ordres 
et  que  tous  les  ordres,  tant  supérieurs  qu'infé- 
rieurs, doivent  être  en  même  temps  considérés 
comme  des  bénéfices.  Ce  sont  les  deux  points 
que  nous  tâcherons  d'éclaircir  dans  ce  cha- 
pitre. 

IL  Quant  au  premier,  savoir  que  le  diaconat  a 
été  encore  considéré  comme  une  portion  illiisti  e 
du  sacerdoce  ctde  la  hiérarchie  diviiiemenl  ins- 
tituée, c'est  ce  que  nous  remarquons  encore 
dans  le  concile  de  Limoges,  en  1031,  où  se 
trouvèrent  les  évêqucs,  les  prêtres  et  lesdiacrcs. 
0  Convenerunt  omnes  simul  episcopi,  cuin 
presbyleris  et  diaconibus.  »  Le  concile  de 
Bénévent,  en  lO."}!,  voulut  que  les  évêques  ne 


fussent  choisis  que  d'entre  ceux  qui  seraient 
déjà  dans  les  ordres  sacrés,  c'est-à-dire  dans  la 
prêtrise  ou  le  diaconat,  qui  sont  les  seuls  ordres 
de  l'Eglise  primitive.  Néanmoins  dans  la  néces- 
sité et  avec  la  dispense  du  pape  ou  du  métro- 
politain, ce  concile  permet  de  les  élire  d'entre 
les  sous-diacres. 

Ce  décret  n'est  rapporté  que  fort  imparfaite- 
ment dans  la  dernière  édition  des  conciles, 
mais  il  se  trouve  entier  dans  le  décret  d'Ives 
de  Chartres,  sous  le  nom  du  concile  de  Déné- 
vent,  et  dans  celui  de  Gratien,  sous  le  nom  du 
pape  Urbain,  c'est-à-dire  d'Urbain  II,  qui  pré- 
sida à  ce  concile. 

«  Nullus  in  episcopum  eligatur,  nisi  in  sacris 
ordinibus  religiose  vivens  fuerit  inventus. 
Sacros  autem  ordines  dicimus  diaconatum  et 
presbyteralum.  Hoc  siquidem  solos  primiliva 
legilur  habuisse  Ecclesia  subdiaconos vero  quia 
etipsi  altaribus  ministrant,  opportunitate  exi- 
gente  concedimus,  si  tamen  spectatce  sint  reli- 
gionis  et  scientiae.  Quod  ipsum  non  sine 
Romani  pontificis,  vel  metropoiilani  licentia 
fieri  concedimus  (Ivo,  p.  v,  c.  7;  Gratian.,  d.  lx, 
c.  4-).  » 

Le  pape  Innocent  III  rapporte  ce  décret  dans 
une  de  ses  décrétales,  et  il  l'attribue  au  pape 
Urbain  I",  mais  c'est  une  faute  des  copistes. 
(;ar  c'est  Urbain  II  qui  présidait  au  concile  de 
Bénévent.  Et  quand  Innocent  III  parle  en  ces 
termes  :  «  Urbanus  ad  statum  primitivae  Eccle- 
sia' se  referens,  etc.  (C.  A  multis.  De  setate  et 
(jualit.  praeflc.),  »  il  fait  assez  connaître  que 
c'est  d'Urbain  II  qu'il  parle;  car  Urbain  I" 
n'avait  pas  besoin  de  remonter  jusqu'aux  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  puisqu'il  en  était  lui- 
même  une  brillante  lumière. 

Innocent  III  tâche,  dans  celte  décrétale,  de 
nous  jiersuader  cjuT'ibain  II  avait  déjà  reconnu 
le  sous-diaconat  entre  les  ordres  sacrés;  ce 
(pi'il  prouve  par  ses  pro|)res  paroles  :  «  Cum 
hoilie  subdiaconalus  inter  sacros  ordines  com- 


DU  DIACONAT,  DU  SOUS-DIACONAT,  etc. 


519 


putetur,  sicut  Urbanus  papa  II  sub  bis  vcibis 
expressit  :  Qui  in  sacris  ordinibus,  presbyterahi, 
diaconatu,  siibdiaconatu  sunt  po?ili.  » 

Mais  les  termes  formels  d'Urbain  II  et  du 
concile  de  Bénévent  semblent  signifier  le  con- 
traire :  «  Sacros  ordines  presbyteratum  dici- 
mus  et  diaconatum.  Hos  siquidem  solos  primi- 
tiva  Ecclesia  legitur  habuisse.  »  Enfin  ne 
permettant  d'élever  les  sous-diacres  à  l'épis- 
copat  que  par  dispense,  c'est  une  preuve  qu'il 
ne  leur  donnait  pas  encore  rang  entre  les  ordres 
sacrés,  puisque  la  règle  générale  dont  il  s'a.^'is- 
sait,  et  dont  on  dispensait  dans  la  nécessité 
pour  les  sous-diacres ,  était  qu'on  ne  pût  être 
élu  évêque,  si  l'on  n'était  déjà  dans  les  ordres 
sacrés. 

III.  Ce  fut  donc  proprement  Innocent  III  qui 
donna  l'élévation  et  le  rang  d'ordre  sacré  au 
sous-diaconat,  lorsque  dans  la  même  décré- 
tale  il  ne  voulut  plus  qu'il  fût  besoin  de  dis- 
pense, pour  faire  un  évêque  d'un  sous-diacre. 
a  Slatuimus,  ut  subdiaconus  in  episcopum 
valeat  libère  eligi .  sicut  diaconus ,  vel  sacer- 
dos.  » 

En  effet  la  loi  subsistant  de  ne  prendre  les 
évêques  que  d'entre  les  ordres  sacrés,  et  Inno- 
cent III  ordonnant  qu'on  pourrait  librement 
les  prendre  d'entre  les  sous-diacres,  aussi  bien 
que  d'entre  les  diacres  et  les  prêtres ,  c'est 
manifestement  mettre  le  sous-diaconat  au  rang 
des  ordres  sacrés.  Si  ce  pape  cherche  les  fon- 
dements de  cet  établissement  au  temps  et  avant 
le  temps  d'Urbain  II ,  c'est  peut-être  pour  ne 
pas  se  donner  la  gloire  de  cet  établissement, 
ou  pour  lui  donner  plus  de  poids,  en  faisant 
remonter  son  origine  à  un  temps  plus  reculé. 
En  efTet,  dans  une  autre  décrétale  ce  pape 
étend  aux  sous-diacres  le  privilège  des  diacres, 
quant  à  l'état  de  servitude,  confessant  qu'avant 
lui  cela  était  autrement,  et  que  les  sous-diacres 
ordonnés  sans  le  consentement  de  celui  dont 
ils  étaient  esclaves  étaient  renvoyés  dans 
leur  première  servitude.  «  De  subdiaconali 
ordine,  quia  de  eo  non  fit  mentio  in  Patriun 
statulis  expresse,  videtur  nobis,  quod  etiscum 
diaconat i  gradu ,  privilegio  gaudet  eodem 
(C.  Miramur.  De  servis  non  ordin.).  » 

Ce  pape  ajoute  avec  beaucoup  d'adresse  ^\ue 
quoique  le  sous-diaconat  ne  fût  pas  un  ordre 
sacré  dans  l'ancienne  Eglise,  il  l'était  indubi- 
tablement de  son  temps,  depuis  les  constitutions 
de  Grégoire  et  d'Urbain.  «  Nam  licet  sacer  ordo 
non  reputaretur  in  Ecclesia  primitiva ,  tamen 


a  Constilutione  Gregorii  atque  Urbani,  secun- 
dum  moderna  tempora  sacer  gradus  esse 
minime  dubitatur.  » 

.Saint  Grégoire  le  Grand  I",  mit  en  vigueur 
et  en  exécution  la  loi  précédente  de  Léon 
pour  le  célibat  des  soiisdiacres.  Mais  ce  ne  fut 
])as  cela  qui  fit  compter  entre  les  ordres  sacrés 
le  sous-diaconat.  Ni  le  pape  Urbain  II,  ni  le  con- 
cile de  Bénévent,  n'eussent  pas  parlé  comme  ils 
ont  fait,  si  depuis  cinq  cents  ans  le  sous-diaconat 
eût  été  un  ordre  sacré.  Ils  n'eussent  pas  dé- 
fendu de  faire  d'un  sous-diacre  un  évêque,  si  ce 
n'est  dans  la  nécessité,  et  avec  dispense  du 
canon  qui  réserve  cet  avantage  aux  ordres 
sacrés,  si  depuis  cinq  cents  ans  le  sous-diaconat 
eût  été  de  ce  nombre. 

C'estdonc  le  sens,  et  l'intention  d'Innocent  III 
de  dire  que  s'il  a  mis  le  sous-diaconat  entre  les 
ordres  sacrés,  s'il  a  permis  d'élire  des  évêques 
d'entre  les  sous-diacres,  s'il  a  communiqué  aux 
sous-diacres  les  franchises  desdiacres, il  n"a  rien 
fait  de  surprenant,  puisque  saintGrégoire  obli- 
geant les  sous-diacres  à  la  continence, et  Urbain  II 
voulant  bien  qu'on  en  fît  des  évêques,  au  moins 
par  dispense,  ils  avaient  déjà  jeté  les  fonde- 
ments de  cette  nouvelle  élévation  du  sous- 
diaconat. 

IV.  Le  maître  des  sentences  dit  nettement 
que  c'est  l'Eglise  qui  a  institué  les  sous-diacres  : 
«  Levitas  ab  Apostolis  ordinatos  legimus,  sub- 
diaconos  vero  et  acolylhos  procedentetempore 
Ecclesia  sibi  constituit  (L.  iv,  d.  2i).  »  Saint 
Thomas  dit  excellemment  que  l'Eglise  primi- 
tive n'eut  que  trois  ordres,  des  évêques,  des 
prêtres  et  des  minisires,  c'est-à-diredes  diacres, 
tous  les  ordres  mineurs  étantencore  renfermés 
dans  le  diaconat.  «  In  primiliva  enim  Ecclesia 
solum  erant  très  ordines,  ut  dicit  Dionysius, 
scilicetepiscoporum,  presbyterorum,  et  mini- 
£trorum,et  non  dividebanlur  per  diverses  gra- 
dus, sed  omnia  erant  in  uno  ordine,  propter 
paucitatem  ministrorum,  et  propter  novitatem 
Ecclesiœ(In.  c.  ni,  episl.  i.  ad  Timotli.)» 

Hugues  de  Saint-Victor,  qui  écrivait  après 
Urbain  II  etavant  Innocent  III,  se  tient  unique- 
ment au  décret  d'Urbain  II,  dont  il  ne  fait  que 
copier  les  paroles,  et  nie  par  conséquent  que  le 
sous-diaconat  soit  un  ordre  sacré.  «  Sacros  au- 
tem  ordmesdiaconatuselpresbyteratus  tantum 
appellandos  consent  ;  quia  hos  sulos  primitiva 
legitur  Ecclesia  habuisse  (De  Sacraïuent.,  1.  ii, 
part.  3,c.  1.3).  »  Piûlippe,  abbé  de  Bonne  Espé- 
rance, en  ditau'ant:  «Presbyter  et  diaconus 


520  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-TROISIÈME. 


sacris  ordinibus  dicuntur  insigniti,  etc.  Sunt 
prœlcr  i?tos  alii,  etc.  Non  tamen  conim  sacri 
ordines  appellantur  (De  Continent.,  c.  cvii).  » 

V.  Saint  Bonavenlureadilfort  excellemment 
que  le  sous-diaconat  et  Its  quatre  autres  ordres 
mineurs  ne  laissent  pas  d'être  de  la  première 
antiquité,  et  même  d'être  d'institution  divine, 
en  tant  qu'ils  sont  renfermés  originairement 
dans  le  diaconat,  et  qu'ils  en  ont  été  comme 
démembrés  dans  la  suite  des  siècles,  qui  déve- 
loppe admirablement  et  déploie  pour  ainsi  dire 
les  divines  semences  que  le  Fils  de  Dieu  même 
a  répandues  dans  la  fondation  de  son  Eglise. 
«  Fuerunt  et  alii  ordines,  sed  implicite  daban- 
tur,  in  impositione  manuum,  quoniam  manus 
est  organum  organorum.  Ratio  autem  qiiare 
non  distinguebantur,  erat  propter  pancitatcm 
ministrantium  et  propter  paucitatem  tidelium. 
Ideo  oportebat,  quod  omnia  officia  darentur 
uni  (In.  IV,  d.  24,  art.  2,  q.  1).  » 

Saint  Thomas  est  dans  le  même  sentiment  : 
»  In  priniitiva  Ecclesia  propter  paucitatem 
miiiistrorum  omnia  inferiora  ministeria  dia- 
conis  committebantur,  ut  palet  per  Dionysium, 
etc.  Nihilominus  erant  ou)nes  pracdictœ  jiote- 
states,  sed  implicite  in  una  diaconi  potestate  ; 
sed  postfa  amiilialiis  est  cultus  divinus,  et 
Eccle;ia  quod  implicite  habebat  in  uno  online, 
explicite  tradidil  diversis  (Ibidem,  q.  ii,  art.  1).  » 

VI.  C'est  peut-être  le  véritable  sens  du  canon 
du  concile  de  Trente  (Sess.  23,  can.  vi),  qui 
porte  qu'il  y  a  dans  l'Eglise  une  divine  hiérar- 
chie divinement  instituée,  et  composée  d'évc- 
qiies,  de  prêtres  et  de  ministres,  allierarchiam 
divina  ordinatione  institutam,  quœ  constat  ex 
episcopis,  presbyteris  et  ministris.  » 

Il  paraît  effectivement  que  ces  ministres  ne 
sont  autres  que  les  diacres,  comme  contenant 
en  eux-  mêmes  la  plénitude,  et  comme  l'essence 
de  cette  portion  du  sacerdoce,  qui  se  répand 
ensuite  dans  tous  les  ordres  inférieurs. 

Vil.  Ce  n'est  pas  une  petite  marque  de  la 
vénération  singulière  qu'on  avait  pour  les 
diacres,  que  le  long  usage  où  on  les  a  laissés, 
(juoiiiu'il  s'y  mêlât  aussi  de  l'abus,  d'adminis- 
trer la  pénitence,  d'entendre  les  confessions,  de 
faire  les  réconciliations  des  pénitents  en  l'absence 
des  prêtres  ci  des  évèiiues.  Je  ne  parlerai  que 
de  ce  (]u\  s'est  passé  après  l'an  mil. 

Le  concile  d'York,  en  IIOS  (Can.  iv),  leur 
laisse  ce  pouvoir  dans  la  nécessité:  «  l'I  non- 
nisi  suinma  urgente  nec(  ssitate  diaconus 
baplizet,  vel  corpus  Christi  cuiquam  erogel, 


vel  pœnitentiamconfitenti  imponat.»  Le  concile 
de  Londres,  l'an  1200  (Can.  ni)  :  «  N(m  liceat 
diaconibus  biptizare  vel  pœnilentias  dare,  nisi 
diiplici  necessitate,  videlicet,  quia  sacerdos  non 
pottst,  vel  absens  est,  vel,  stulte,  non  vult,  et 
mors  imminet  puero,  vel  œgro.  » 

Cela  est  réitéré  en  mêmes  ternies  dans  les 
constitutions  de  saint  Edmond,  archevêque  de 
Cantorbéry,  vers  l'an  1236.  Le  synode  de  Wor- 
cester  (Can.  xii),  en  1240,  ordonna  que  les 
curéseussenttantde  prêtres  dans  leurs  jiaroisses 
qu'on  ne  se  vît  jamais  réduit  à  la  nécessité  de 
recevoir  des  diacres,  ce  qu'ils  ne  peuvent 
donner.  «  Diaconi  (juandoque  confessiones  au- 
diunt,  et  alla  tractant  sacramenla,  quae  solis 
sacerdotibus  sunt  commissa.  Quod  ne  de  cœ- 
tero  fiai.  »  Le  synode  d'Exeter,  en  1287 
(Can.  xxi),  fit  encore  la  même  itrohibition. 

Cette  pratique  n'était  pas  moins  commune 
en  France.  Les  constitutions  d'Eudes  de  Sully, 
évê(|ue  de  Paris,  défendentaux  diacres  d'enten- 
lire  les  confessions,  si  ce  n'est  dans  l'extrême  né- 
cessité, puisqu'ils  ne  peuvent  absoudre.  «  Nec 
diaconi  ullo  modo  audiant  confessiones,  nisi 
in  arctissima  necessitate,  claves  enim  non  ha- 
bent,  necpossuntabsolvere(Can.  lvi,  Spiciieg., 
toin.  il,  pag.  220).  » 

Les  constitutions  synodales  d'Angers,  en 
1273,  condamnent  les  curés  qui  laissaient 
usurper  à  leurs  diacres  plusieurs  fonctions 
sacerdotales.  «  Qui  sine  necessitatis  articulo 
confessiones  audiunt,  etabsolvunt  indifferenter 
corpusque  Dominicuin  infirmis  deferunt  et 
ministrant,  qutc  facere  non  possunt,  nisi  in 
necessitatis  articulo.  » 

Le  synode  de  Poitiers,  en  1280  (Can.  v],  dé- 
clare nulles  les  absolutions  des  diacres.  «  Abii- 
sum  erroneum  eradicari  volentes,  inliibenins 
ne  diaconi  confessiones  audiant,  et  ne  in  foro 
pœiiitentiali  absolvant,  cum  cerlum  sit,  ipsos 
al)S(jlvere  non  posse,  cum  claves  non  lia- 
beau  t,  etc.  » 

Le  synode  de  Nîmes,  en  1284,  permettait  aux 
simples  clercs  même  d'absoudre  les  excom- 
numics  dans  l'extrémité  de  la  vie.  «  In  uiortis 
articulo  (|iiilibet  excommunicatus  absolvi 
potest,  eliam  a  simplici  sacerdole,vel  clerico.  i> 

Si  l'un  joint  a  ce  i|ue  nous  venons  de  dire, 
tout  ce  (]ui  a  été  dit  ailleurs  des  réconciliations 
des  (téniteiits,  qui  se  faisaient  par  l'entremise 
(les  diacres,  dès  le  t(-inps  de  saint  (>prieii  ,  on 
liouveraijuedurautrespaee  de  dui/e  cents  ans 
les  diacres  ont  cNercé  plusieurs  fonctionssucer- 


DU  DIACONAT,  DU  SOUS-DIACONAT,  etc. 


5-21 


dotales,  quelquefois  avec  une  usurpation  in- 
soutenable, quelquefois  par  la  permission  des 
conciles  et  des  synodes  dans  l'extrême  né- 
cessité, en  sorte  que  même  dans  l'extrême 
nécessité  les  absolutions  qu'ils  donnaient 
n'étaient  nnllemenl sacramentelles,  parce  (^l'ils 
n'ont  pas  les  clefs  :  «  Claves  non  Labent^  nec 
possunt  absohere.  » 

VIII.  11  n'est  pas  surprenant  après  cela  qu'on 
donnât  des  Eglises  à  des  diacres.  Le  pai)e 
Adrien  IV,  en  iio9,  écrivant  à  l'empereur 
Frédéric  I",  l'assure  que  c'a  été  particulière- 
ment à  sa  recommandation,  qu'ayant  fait 
sous-diacre  de  l'Eglise  romaine  Guy,  fils  du 
comte  Guy  de  Blanderat,  il  lui  a  donné  un 
titre  etune  église,  comme  s'il  eût  été  diacre. 
«  Tanqiiam  si  in  diaconum  jam  fueral  ordina- 
tus,  Ecclesiam  ei  specialiter  assignavimus,  etc. 
Cum  a  Sede  Apostolica  in  subdiaconum  sil 
promotus,  etei  tanquam  si  jam  diaconusesset, 
a  nobissit  Ecclesia  specialiter  assignata  (Baron, 
an.  1159,  n.  3).  » 

Les  titres  des  c  udiiiaux  diacres  à  Rome  sont 
encore  des  monuments  éternels  de  la  plus  an- 
cienne discipline  de  l'Eglise,  qui  confiait  des 
Eglises  à  des  diacres.  C'étaient  ces  églises  qui 
étaient  ap|)ellées  Diaconia,  parce  qu'on  y  four- 
nissait aux  nécessités  des  pauvres. 

IX.  Ce  n'est  pas  aussi  une  légère  preuve  de 
l'élévation  du  diaconat,  que  plusieurs  ecclésias- 
tiques d'un  mérite  singulier  y  bornaient  toutes 
leurs  prétentions,  et  y  passaient  toute  leur  vie. 
Pierre  de  Blois  raconte  comme  le  papeCélestin 
avait  déjà  passé  soixante-cinq  ans  dans  le 
degré  et  les  fonctions  du  diaconat,  lorsqu'il  fut 
élevé  au  comble  de  la  dignité  aposloliciue,  et 
qu'à  Rome  ces  exemples  étaient  ordinaires  des 
diacres  vénérables  par  leur  extrême  vieillesse, 
et  encore  plus  par  leur  admirable  modestie. 

a  Vidimus  comi>lures  in  Ecclesia  Komana  in 
ordine  diaconatus  usque  ad  decrepitam  getalem 
et  exaltalionem  extremi  spirilus  niinistrasse. 
Certe  dominus  Cœlestinus  qui  hodiesedet,  sicut 
ex  ipsius  ore  fréquenter  accepi,  in  offlcio  levila? 
sexaginta  quinque  annos  expleverat,  anle- 
quam  ipsum  Dominus  in  sunimi  pontilicalus 
apicem   sublliiiasset    (Petrus    Blesens.,    e|iist. 

CXXIll).  n 

On  ne  doutera  pas  après  cela  que  le  diaconat 
n'ait  encore  passé  pour  un  bénéfice,  puisqu'on 
voit  des  titres  et  des  églises  paroissiales  ré- 
servées à  des  diacres  ,  et  puisque  ces  diacres 
autrefois,  pour  ne  pas  passer  d'un  bénéfice  à 


un  autre,  passaient  toute  leur  vie  dans  le  mi- 
nistère du  diaconat.  Enfin  c'est  à  cela  même 
qu'il  faut  rapporter  ce  qui  a  été  dit,  que  les 
évêques  devaient  être  clioisis  d'entre  les  prêtres, 
ou  d'enire  les  diacres,  parce  que  c'étaient  des 
dignités  dans  li  squelles  les  i)lus  |)ieux  ecclé- 
siasti(jues  bornaient  souvent  leur  espérance  et 
leur  vie. 

Depuis  que  le  sous-diaconat  fut  mis  au  nombre 
des  onires  sacrés,  on  eut  aussi  la  liberté  de 
jirendre  des  évêques  du  corps  des  sous-diacres, 
et  il  est  apparent  que  par  la  même  raison  plu- 
sieurs saints  ecclésiastiques  étant  moulés  jus- 
qu'au sous-diaconat,  renoncèrent  à  toutes  les 
|)ensées  d'une  plus  liante  élévation. 

X.  Je  passe  aux  autres  ordres  inférieurs  avec 
le  même  l'ieraî  de  Blois,  qui  nous  apprend 
que  ce  sont  autant  de  degrés  que  la  suite  des 
siècles  a  élevés,  pour  faire  monter  et  pour  pré- 
parer les  jeunes  clercs  audiaconat.  «Productior 
est  ascensus  ad  diaconatus  gradum  niuic, 
«liiam  in  primitiva  Ecclesia.  In  qua  qui  tantum 
lidelis  erat,  diaconus  fiebtt,  vel  sacerdos.  In- 
troducti  sunt  postea  quidem  minorum  ordi- 
num  gradus,  per  quos  tanquam  per  cantica 
graduum,  ascendilur  ad  sacerdotium  (Serin. 

XLVIIJ.» 

Aussi  les  Grecs  n'ont  pas  toujours  eu  la 
même  conformité  pour  ces  ordres  mineurs 
que  pour  les  autres  avec  l'Eglise  romaine. 

Quand  le  pape  Innocent  IV  travailla  à  les  ré- 
unir parfiitementavec  les  Latins,  il  les  obligea  de 
conférer  à  l'avenir  trois  de  nos  ordres  mineurs, 
qu'ils  avaient  jusqu'alors  négligés.  «Praecipimus 
(|und  episcopi  Gra:'ci  septem  ordines  secun- 
duni  morem  Ecclesi.'C  Romana>  de  ca'tero  confé- 
rant, cum  hue  usque  très  de  minoribns  circa  or- 
dinandosneglexissc,  vel  prœlerm'.sisse  dicantur 
(Epist.  X,  Rainald.,  an.l2iru,n.9).))  Maiscomme 
ce  pape  ne  veut  pas  qu'on  su[>plée  ces  ordres 
mineurs  à  ceux  qui  par  le  passé  ne  les  ont  pas 
reçus,  il  montre  bien  en  quel  rang  il  les  met  ; 
car  il  n'eût  pas  parlé  de  la  sorte  des  ordres 
majeurs. 

Au  reste  il  eût  été  fort  désirable  que  les 
(irccs,  surtout  ceux  de  l'île  de  Chypre,  pour 
qui  ce  statut  fut  fait,  et  qui  vivaient  parmi  les 
Latins,  se  fussent  conformés  en  ce  point  à  la 
discipline  de  l'Eglise  romaine.  En  effet,  quoi- 
que l'unité  de  la  foi,  et  la  solidité  de  la  chanté 
ne  soit  pas  incompatible  avec  cette  diversité  de 
cérémonies,  il  est  néanmoins  très-certain  que 
Il  malice,  ou  l'inconsidération  des  hommes 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-TROISIÈME. 


charnels  et  préoccupés  en  a  fait  la  cause,  ou  le 
prétexte  de  plusieurs  funestes  divisions.  La 
célébration  de  la  fête  de  Pâques,  et  la  consé- 
cration des  pains  azymes  en  sont  des  preuves 
mémorables. 

Arcudius  dit  que  les  Grecs  ont  incorporé  ces 
trois  ordres  mineurs,  dont  parle  Innocent  IV, 
savoir  des  acolytes,  des  exorcistes  et  des  [lor- 
tiers,  avec  les  autres  ordres;  et  qu'ainsi  ils  ne 
les  ont  pas  tout  à  fait  mis  en  oubli,  et  que  si  ce 
pape  eût  été  plus  précisément  informé  de  la 
vérité  du  fait,  il  eût  peut-être  donné  un  autre 
résolution  (Arcud.,  de  sacr.  Ordin.,lib.  vi,  c.U). 
Cet  auteur  montre  qu'entre  un  grand  nombre 
d'ofliciers  de  l'Eglise  grecque,  ceux  qu'ils 
appellent  les  députés,  depiitati,  Js-cùTàTci,  sont 
les  mêmes  que  nos  acolytes,  et  exercent  les 
mêmes  fonctions.  Siméon  de  Thessalonicjue 
donne  cette  charge  aux  lecteurs,  et  semble 
partager  entre  les  lecteurs  et  les  sous-diacres  les 
fonctions  de  nos  ordres  mineurs. 

XL  Les  Latins  ont  à  la  vérité  conservé  cette 
distinction  des  ordres  mineurs,  mais  ils  n'en 
ont  pas  peu  terni  le  lustre,  en  les  donnant  tous 
ensemble,  ce  qui  était  comme  les  confondre 
tous  en  un. 

Le  concile  de  Lambeth  en  Angleterre,  en 
1281  (Can.  v),  enjoignit  aux  évêijues  de  ne 
plus  conférer  en  un  même  jour  à  la  même 
jiersonne,  les  (|uatre  ordres  mineurs,  avec  un 
ordre  sacré,  de  donner  tout  au  plus  deux 
ordres  mineurs  à  la  fois,  et  d'imiter  ])liitôt  les 
églises  où  les  ordres  mineurs  se  donnaient 
encore  séparément.  «  Pro  sacramenti  reveren- 
tia  dentur  aliquoties  combinati,  elc.  In  non- 
nullis  aliis  provinciis  (juatuor  minores  ordines 
non  simul  faciliter  conceduntur.  » 

On  avait  donc  commencé  de  les  donnerions 
ensemble  avant  l'an  1300,  l'abus  se  rendit  bientôt 
universel,  non-seulement  de  les  conférer  tous 
ensemble,  mais  de  n'en  réserver  que  le  nom,  et 
en  conunetlre  toutes  les  fondions  à  des  laïques. 
C'est  de  quoi  se  plaignait  le  concile  1"  de  Co- 
logne, en  lo30  :  «  Il  pra?ter  nomen  nihil  in  Ec- 
clesia  retinuerint,  illorum(|ue  loco  tenues  ali- 
quot  homines  jaici,  etc.  (Part,  ni,  c.  31).» 

Le  concile  de  Trente  enjoignit  auxéxêijucs 
de  ne  plus  conférer  les  ordres  mineurs  (|ue 
S(''|iarénient,  et  à  des  intervalles  raisoimables, 
pour  donner  le  loisir  d'exercer  les  fonctions 
saintes  de  chacun  de  ces  ordres  :  u  Per  tempo- 
runi  inlerstilia  couferantur,  ut  eo  accuratius, 
(luanluui  sit  luijus  disciplinée  pondus  possint 


edoceri,  ac  in  unoquoque  munere  juxta  pra»- 
scriiitum  episcopi  se  exerceant  (Conc.  Trident., 
Sess.  xxui,  c.  I).  »  Comme  ce  concile  permet  à 
l'évêquede  dispenser  de  ces  intersiices  :  «  Nisi 
aliud  ei)iscopo  expedire  magis  videretur,  »  la 
facilité  de  ces  dispenses  a  rendu  entièrement 
inutile  le  décret  du  concile. 

XII.  Mais  ce  fut  pour  ériger  ces  ordres  mi- 
neurs en  titre  de  bénéfice,  pour  attacher  ceux 
qui  en  seraient  honorés  à  une  église,  pour  leur 
alfecter  des  revenus  certains,  et  pour  les  lier 
d'autant  |ilus  étroitement  à  l'exercice  continuel 
de  leurs  fonctions,  (jue  le  concile  de  Trente  se 
porta  avec  plus  de  zèle. 

«Exerceanl  sein  ea,  cui  adscripti  erunt  ec- 
desia ,  etc.  Curent  praelati  in  ecclesiis  cathe- 
dralibus,  coUegiatis,  et  parochialibus,  hnjus- 
modi  functiones  restituendas ,  et  ex  aliqua 
jiaite  redituum  aliquorum  simplicium  benefi- 
ciorum ,  \el  fabricae  ecclesiœ  si  proventus 
suppetant,  aut  utriusque  illorum  ,  eas  fun- 
ctiones exercentibusassignent.  Unibussi  négli- 
gentes fuerint,  ordinarii  judicio,  aut  ex  parte 
muictari,  aut  in  totum  privari  possint  (Sess. 
xxui,  C.2).  » 

Ces  statuts  furent  renouvelés  dans  le  concile 
de  Reims,  en  1564,  (Cap.  x,  xi);  dans  le  I"  de 
Milan,  en  1563,  dans  le  IV"  de  Milan,  en  1376 
(Cap.  vm);  où  les  revenus  que  les  églises  parti- 
culières avaient  assignés  à  des  laïtiues  pour 
ces  sortes  de  fonctions  furent  destinés  à  l'ave- 
nir des  clercs  qui  s'acquitteraient  des  mêmes 
charges.  Le  concile  V  de  Milan  (Cap.  m) 
proposa  à  ces  clercs  des  derniers  ordres 
l'exemple  de  tant  d'excellents  ecclésiastiques 
de  l'anticjuité,  qui  passaient  toute  la  carrière 
d'une  vie  très-sainte  dans  l'exercice  d'un  seul 
ordre  mineur,  sans  aspirer  à  un  degré  plus 
relevé. 

XIII.  La  fondation  de  tant  d'universités,  de- 
puis environ  cinq  cents  ans,  semble  avoir  avan- 
tageusement répare  la  perte  que  l'Eglise  avait 
faite,  par  la  négligence  et  par  l'interruption 
des  fonctions  de  ces  ordres.  Mais  afin  que  ce 
remède  lût  efficace,  il  eût  fallu  que  toutes  les 
écoles  des  universités  eussent  toujours  été  au- 
tant d'écoles  de  piété,  aussi  bien  que  de  science, 
ainsi  qu'elles  avaient  été  dans  la  ferveur  de 
leiu's  premiers  commencements. 

Le  concile  de  Trente  a  remédié  à  tout  en  ré- 
tablissant d'un  côté  l'exercice  de  toutes  les  fonc- 
tions des  ordres  mineurs,  et  de  l'autre  en  enjoi- 
gnant atous  ks  évêques  d'érigerdes séminaires. 


DU  DIACONAT,  DU  SOUS-DIACONAT,  etc. 


523 


Car  la  première  ardeur  de  la  piété  s'élaiit 
ralentie  dans  les  anciens  séminaires,  qui  n'é- 
taient autres  que  les  écoles  des  universités,  il 
a  fallu  substituer  d'autres  séminaires,  où,  sans 
négliger  la  science,  on  ait  une  infatigable  ap- 
plication à  la  piété,  de  même  que  dans  les  uni- 
versités, sans  négliger  la  piété,  on  cultive  les 
sciences  avec  une  attention  merveilleuse. 

XIV.  Il  y  a  d'autres  offices  qui  n'ont  pas  mé- 
rité d'avoir  rang  entre  les  ordres,  mais  dont 
les  fonctions  sont  néanmoins  presque  les 
mêmes.  Le  synode  de  Cologne,  en  1300,  dési- 
rait que  les  sonneurs  de  cloches  aient  quelque 
teinture  des  lettres  afm  de  pouvoir  servir  la 
messe  eu  surplis.  «  Campanarii  nisi  litterali  ne 
assumantur,  qui  in  defectu  respondentis  ad 
altare  cum  camisislineis  assistant.  » 

Le  concile  de  Cologne,  en  1.310  (Cap.  xviij, 
renouvela  la  même  ordonnance.  Le  concile  de 
Cologne,  en  1.536  (Cap.  xvi),  veut  qu'ils  soient 
vêtus  de  l'habit  ecclésiastique  et  d'un  surplis 
quand  ils  allumeront  les  cierges,  et  qu'ils  ser- 
viront à  l'autel.  Le  concile  II  de  Cologne,  en 
1349,  les  confond  avec  les  gardes  des  églises,  et 
avec  les  marguilliers  :  «  Custodes,  campana- 
rios,  quos  alii  matricularios  vocant  ;»  et  il  leur 
défend  de  laisser  croître  leur  barbe,  ou  de  pa- 
raître dans  l'église  sans  surplis,  quand  ils  s'y 
acquittent  de  leur  ministère  (Part.  3,  c.  xxxi, 
cap.  xni).  Le  concile  de  Cambrai,  en  1363,  leur 
donne  les  mêmes  noms  et  les  mêmes  charges  : 
«  Matricularii  et  custodes  ecclesiarum,  etc.  » 

Les  décrétales  grégoriennes  traitent  en  deux 
titres  divers  des  offices  du  sacristain,  et  du 
garde  de  l'église  (de  Offlcio  Sacrista'.  De  Offi- 
cie Custodis,  part.  7,  cap.  x).  Ils  sont  chargés 
des  ornements  et  des  lampes  de  l'église,  le 
dernier  doit  sonner  les  cloches  :  l'un  et  l'autre 
est  également  soumis  aux  ordres  et  a  la  juri- 
diction de  l'archidiacre.  Ce  sont  ces  sortes  d'of- 
fices et  leurs  appointements,  que  les  derniers 
conciles  ont  souhaité  être  affectés  aux  clercs 
des  ordres  mineurs,  et  érigés  eu  manière  de 
bénéfice. 

XV.  Ce  statut  ne  tend  qu'cà  rétablir  les  cho- 
ses dans  leur  première  nature.  Originairement 
tous  ces  offices  n'étaient  confiés  qu  a  des  clercs 
et  c'étaient  souvent  des  bénéfices  qu'on  accorda 
ensuite  quelquefois  à  des  laïques  d'obscure 
condition  ,  à  cause  de  l'insuffisance  des  reve- 
nus. Voici  une  preuve  merveilleuse  de  tout 
cela,  empruntée  de  l'histoire  des  évêques 
d'Auxerre,  ou  les  marguilliers  sont  destinés  à 


sonner  les  cloches  et  à  d'autres  offices  sembla- 
bles; ils  sont  en  partie  clercs,  en  partie  laïques, 
les  uns  et  les  autres  bénéficiors,  mais  les  bé- 
néfices des  laïques  sont  si  petits  qu'ils  passent 
plutôt  pour  des  appointements. 

«  Sacrista  providere  tenetur  et  e.xhibere  cle- 
ricum  unum  malricularium,  et  alios,  qui  cam- 
panas  pulsare  valeant,  etc.  E|)iscopus  prœter 
illos  instituit  très  matricularios,  unum  videli- 
cetclericum,  quem  attitulavit  altari  sanctœ cru- 
els ineadem  ecclesia,  ut  ibi  serviret  in  officio 
sacerdolis  :  medietatem  beneficii  ejusdem  alta- 
ris  illi  matriculariœ  perpetuo  jure  annectens, 
cum  centum  solidis,  etc.,  et  duos  laicos,  qui- 
bus  siugulis  deceni  libras  in  reditibus  assigna- 
vit ,  etc.  (Bibl.  MMSS.  Labbœi  ,  tom.  i, 
pag.  48").  » 

Un  de  ces  marguilliers  était  donc  prêtre,  les 
autres  étaient  clercs  mineurs,  il  y  en  avait  de 
laïques  ;  à  la  fin  ils  furent  tous  laïques,  qu'on 
revêtait  néanmoins  du  surplis,  comme  il  a 
paru  dans  les  citations  précédentes.  Il  est  éton- 
nant comment  les  marguilliers  laïques  ont  pu, 
d'une  naissance  si  basse,  monter  à  un  si  haut 
point  de  puissance,  où  on  les  voit  présentement 
élevés  dans  les  églises  et  les  villes  les  plus  flo- 
rissantes de  la  chrétienté.  Si  l'on  n'aime  mieux 
entrer  dans  des  sentiments  de  joie,  et  d'actions 
de  grâces  à  Dieu,  de  ce  que  les  personnes  de 
la  qualité  la  plus  éminente  veulent  bien  hono- 
rer ces  sortes  de  charges,  qui  sont  les  moindres 
de  l'Eglise,  la  joie  sera  parfaite,  si  considérant 
l'origine  de  ces  charges,  ils  prennent  une 
sainte  résolution  de  demeurer  dans  la  dépen- 
dance entière  des  curés  et  des  évêques  mêmes 
(Fevret,  de  l'Abus,  I.  iv,  c.vii). 

XVI.  En  effet  nous  venons  de  voir  que  ces 
charges, ou  ces  bénéficesde  marguilliers  étaient 
de  la  collation  des  évêques,  des  curés  ou  des 
autres  ecclésiastiques,  aussi  bien  que  le  béné- 
fice de  l'eau  bénite  en  Angleterre,  que  les 
curés  ou  leurs  vicaires  donnaient  à  un  pauvre 
clerc,  pour  l'aider  à  ses  études. 

Voici  ce  qu'on  lit  dans  les  ordonnances  syno- 
dales d'un  évêque  d'Angleterre,  en  1236. 
a  Personœ,  vel  vicarii  dabunt  beneficium  aqua? 
benedicta?,  clerico  pauperi  scholari,  ita  quod 
veuiat  omnibus  solemnibus  diebus  ad  eccle- 
siam  serviendum,  de  qua  habet  dictum  bene- 
ficium (Concil.  Angl.,  tom.  ii,  pag.  379,  304).» 

Le  peuple  prétendait  nommer  à  ces  bénéfi- 
ces, dont  les  revenus  ne  consistaient  qu'en  des 
aumônes  charitables,  que  des  particuliers  leur 


521 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-TROISIÈME. 


faisaient,  quand  on  leur  portait  de  Teau  bénite. 
Mais  le  synode  dExeler,  en  1287,  confirma 
ce  droit  aux  curés,  ou  à  leurs  vicaires,  voulut 
qu'on  pût  contraindre  les  laïques  à  ne  pas  refu- 
ser ces  libéralités  si  justes,  «  nioneantur,  et  si 
necesse  fuerit ,  com|iellantur,  »  ordonna  que 
les  paroisses  des  villes  mêmes  fonderaient  de 
semblables  bénéfices,  (|ui  avaient  été  des  fruits 
très-excellents  de  la  cbarité  de  leurs  ancêtres. 
M  A  nostris  ..  ajoribus  s;epe  audivimus  recilari, 
bénéficia  aquœ  benedictae  intuitu  chaiilatis 
fuisse  ab  initio  institula,  ut  ex  eoium  proven- 
tibus  paujieres  clerici  exliiberentur  in  scbolis  : 
ibidem  taliter  proficerent,  ut  aptiores  fièrent 
ad  majora.  « 

L'évêque  de  Coventry,  dans  ses  ordonnances 
synodales,  en  1237,  avait  fondé  ces  bénéfices 
pour  la  même  fin  :  «  Quia  plerique  scbolares 
carent  necessariis,  quorum  scientia  mulli  ]ier 
gratiam  Dei  poterunt  aedificari  ;  vohuniis  ut 
sciiuiares  feiant  aquam  benedictam  per  villas 
rurales,  si  sint  qui  postulent  etindigeant  (Ibid. 
pag.  209,645).  » 

Guillaume  de  Courtenay,  en  1393,  employa 
les  excommunications  et  les  interdits ,  (jour 
maintenir  dans  (|uelques  |)aroisses  une  cou- 
tume si  louable,  répandue  jusqu'alors  dans 
toute  l'Angleterre.  «  De  consuetudine  lauda- 
bili  légitime  pra-seripta,  {|uasi  ubique  p(  r  to- 
luni  regnum  Anglue,  per  ciericos  aquaj  baju- 
los,  ex  donalione  rectorum  tt  \icariorum, 
parociiianorum  sumptibus  sustentandosdeferri 
cuusuevit.  » 

XVII.  11  y  a  quelque  chose  de  plus  étonnant 
dans  la  cléricature  des  ]dus  bas  ofticiers.  tels 
(jue  sont  les  estaflers  et  les  palelrenicrs.  (]ar 
dans  le  concile  de  Latran,  sous  le  pape  Léon  X 


en  loU  (Sess.  ix\  il  est  fait  menlion  des  pale- 
freniers, à  qui  l'on  iiermet  d'user  de  soutanes 
un  peu  plus  courtes,  s'ils  sont  clercs,  pourvu 
qu'ils  ne  soient  pas  prêtres,  à  cause  de  l'agita- 
tion pénible  et  continuelle,  à  laquelle  leur 
profession  les  oblige.  «  Paiafifenaiii  quia  in  as- 
siduo  sunt  motu ,  ministerioque  funguntur 
laboriosiore,  brevioribus  ac  niagis  expedilis 
\estibus  uti  possunt  etiamsi  fuerint  clerici; 
dummodo  in  presbyteratus  ordine  non  sint 
conslituti  :  ila  tamen  ut  ab  honestate  non  di- 
scedaiit,  sed  ila  vivant,  ut  mores  Ecclesiasticis 
suis  ordinibus  non  discn-pent.  » 

On  sera  peut-être  moins  choqué  de  cette  ap- 
jiarence  d'inrlécence,  qui  surprend  d'abord,  si 
l'on  consiilère  que  saint  Grégoire  le  Grand 
avait  absolument  banni  du  palais  pontifical 
tous  les  la'iqucs,  et  en  avait  réservé  tous  les 
offices  à  des  clercs,  comme  nous  avons  dit  ail- 
leurs; et  que  dès  la  naissance  de  l'tglise  les 
ordres  inférieurs  ont  été  confiés  à  des  gens 
maiiés,  qui  pouvaient  en  même  temps  être  en- 
gagés, eux  et  leurs  enfants,  aux  métiers  les  plus 
^ils,  mais  innocents,  et  par  conséquent  agréa- 
bles aux  yeux  de  Celui  à  qui  rien  n'est  vil, 
rien  n'est  désagréable  que  le  péché. 

On  sera  encore  moins  surpris  de  ce  que  Gios- 
san  rapporte  de  saint  Charles  Borromée  ,  (jue 
ce  digue  prélat  chassa  les  Iaïi|ues  du  nombre 
des  chantres  et  des  musiciens  de  son  église,  et 
qu'il  voulut  que  tous  les  chantres  portassent 
des  surplis  dans  l'église,  et  fissent  leurs  fonc- 
tions dans  cet  habit  :  ce  qui  se  rapporte  assez  à 
ce  que  nous  avons  dit  ailleurs,  que  les  chantres 
étaient  clercs  dans  la  primitive  Eglise  (L.  vui, 
c.  n).  (t). 


(1)  Rome,  coranie  on  sait,  est  la  gardienoe  fidèle  de  la  discipline. 
C'est  la  seule  Eglise  du  monde  cù  il  y  ait  encore  des  diacres  dans 
tout  l'éclat  de  leur  puissance  et  de  leurs  prérogatives,  avec  titres  dé- 
terminés pour  leurs  diaconies.  Dans  le  Sacré-Collége  il  y  a  toujours 
quatorze  cardinaux-diacres,  qui  ne  sont  bien  réellement  que  diacres. 
Ils  ont  dans  leurs  diaconies  respectives  une  juridiction  qi:aai  épisco- 
pale  ;  ils  ont  le  droit  de  visite,  d'excommunication,  de  suspense  et 
d'interdit  dans  le  ressort  de  leur  église  titulaire.  Ils  peuvent  intenter 
une  procédure  canonique  contre  les  membres  du  clergé  qui  dessert, 
leurs  diaconies  ;  ils  ont  la  collation  de  tous  les  beiéfices  qui  s'y  trou- 
vent, canonicals  ou  cures  ;  ils  peuvent  recevoir  et  valider  la  permuta- 
lion  ou  la  résignation  de  ces  bénéfices,  et  faire  accomplir  par  un 
vicaire  tous  les  actes  qui  demandent  le  pouvoir  de  l'ordre.  Les  car- 
dinaux-diacres ont  voix  active  dans   le  conclave  et  peuvent  être  élus 


papes,  quoique  n'étant  que  dans  l'ordre  du  diaconat.  Témoins  Inno- 
cent m  et  Grégoire  XI.  Ils  exercent  le  pouvoir  de  leur  ordre  lorsque 
le  souverain  pontife  officie  solennellement,  et,  revêtus  de  la  dalma- 
tique,  de  la  mitre  et  de  la  bague  précieuse,  ils  entourent  au  trône  le 
vicaire  de  Jésus-Christ.  Lts  églises  de  Rome  qui  portent  le  titre  de 
diaconies  sont  :  Sainte-Marie  i>i  Vm  /aïû,  Sainte-Marie  înAquiro^ 
SaiuLs-Côrae  et  Damien,  Saint-Nicolas  m  Tarcere ,  Sainte-Marie  ad 
Martyres,  Saint-Adrien  m  Camjo  Voccino  ,  Sainte-Marie  in  Cos- 
mefiin  y  Sainte-Marie  in  Domnica^  Saint-Césaire ,  Saint-Ange  in 
Peschcna^  Sainls-Vite  et  Modeste,  Sainte-Marie  delln  Scnla,  Saint- 
Georges  tn  Veliibro^  Sainte-Agathe  al/a  xuburra,  Saint-Eiistache.  Le 
cardinal-diacre  Jacques  Aotonelli  est  sans  contredit  le  plus  célèbre 
priucc  de  L'Eglise  de  nos  jours. 

(Dr  AndrË.) 


DES  CLERCS  A  SIMPLE  TONSURE. 


CHAPITRE  TRENTE-IKTATRIEME. 


s'il   y   avait    des   clercs    a    simple    TONSl  RE    SANS    ORDRES    ET   SANS    FONCTION, 
PENDANT    LES   CINQ   PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  Puile  (les  questions  qui  se  présentent. 

II.  Qu'il  n'y  avait  point  de  clercs  à  simple  tonsure  sans  ordre 
et  sans  office. 

III  Autre  preuve  tirée  du  concile  de  Nicée  et  de  saint  Basile, 
deux  sortes  de  clercs.  Distinction  du  clergé  et  du  canon. 

IV.  Preuves  des  autres  conciles  grecs. 

V.  Le  concile  de  Calcédoine  distingue  les  clercs  et  les  offi- 
ciers, l'ordination  de  ceux-là,  la  promotion  de  ceux-ci. 

VI.  VII.  Dans  l'Eglise  latine  il  en  élait  de  même.  Preuves  ti- 
rées de  saint  Cvprien.  Les  clercs  ne  sont  clercs,  et  ne  sont 
exempts  que  par  l'ordination  et  pour  le  service  des  autels. 

VIII.  Preuves  tirées  des  lettres  des  papes.  Le  pape  Corneille 
ne  compte  que  des  clercs  ordonnés  entre  ses  clercs  et  ses  béné- 
ficiers. 

IX.  Sirice  n'admet  personne  dans  le  clergé  que  par  quelqu'un 
des  ordres  mineurs. 

X.  Les  ordres  mineurs  n'ont  été  institués  que  pour  servir  de 
préparation  aux  ordres  sacrés. 

XI.  Les  irrégularités  donnent  l'exclusion  des  ordres  et  de  la 
cléricature,  comme  n'étant  qu'une  même  ctiose. 

XII.  Il  y  avait  aussi  parmi  les  Latms  des  offices  sacrés  équiva- 
lant aux  ordres  mineurs,  et  donnant  aussi  entrée  dans  la  cléri- 
cature. Pieuves  du  pape  Gélase  et  des  conciles  de  Carihage. 

XIII.  Nouvelles  preuves  des  conciles  de  Cartilage. 

L  II  sera  bon  d'éclaircir  d'abord  trois  points 
importants  touchant  ces  ordres  inférieur.-,  et 
les  bénéfices  qui  en  étaient  inséparables.  On  de- 
mande 1°  si  dans  ces  cinq  preiniers  siècles  de  l'E- 
glise ily  a  en  des  clercs  qui  n'eussentreçu  aucun 
ordre.  2°  Si  l'on  donnait  en  même  temps  tous 
les  ordres  mineurs  à  la  même  personne,  et  si 
on  les  donnait  tous,  au  moins  successivement, 
à  ceux  qu'on  faisait  monter  jusqu'au  comble 
de  la  dignité  sacerdotale.  3°  Si  on  montait  tou- 
jours par  degrés  aux  ordres  sacrés,  et  quels  en 
étaient  les  interstices. 

II.  Nous  traiterons  dans  ce  chapitre  la  pre- 
mière de  ces  trois  questions,  et  nous  ferons 
voir  tine  quoiqu'il  y  eiit  des  clercs  sans  aucun 
ordre,  il  n'y  en  avait  point  sans  quelque  office  ; 
et  par  conséquent  on  peut  dire  en  quelque 
sens  qu'il  n'y  en  avait  jioint  sans  quelque  ordre, 
puifi|iie  l'on  ne  dislin;;uait  pas  toujours  ces 
offices  des  ordres  mineurs,  et  on  regardait  sou- 
vent les  ordres  mineurs  comme  des  offices  ius- 
tihiés  pour  la  décharge  et  le  soulagement  des 
diacres,  qui  eussent  été  accablés  du  poids  du 
ministère  universel  de  l'Eglise. 


Saint  Ignace  dans  ses  lettres,  Clément  dans 
ses  constitutions  apostoliques,  et  saint  Epi- 
ptiane  dans  son  exposition  de  la  foi  calholiijue, 
font  mention  de  queli|ues  officiers  qui  ne  par- 
ticipent nullement  aux  ordres,  et  qui  néan- 
moins étant  attachés  au  service  de  l'Eglise, 
sont  as^ociés  au  clergé.  Tels  sont  les  fossoyeurs, 
les  portiers,  les  interprètes  :  «  Laborantes  qui 
mortuoruin  corpora  curant,  custodes  sacro- 
ruin  veslibulorum ,  linguarum  interprètes.  » 
C'étaient  des  officiers  agrégés  au  clergé,  sans 
avoir  reçu  aucune  ordination  véritable. 

m.  Le  concile  de  Nicée  (Can.  xvii)  ordonne 
que  les  clercs  qui  s'attacheront  à  des  trafics 
infâmes  et  usuraires  soient  dégradés  de  la 
cléricature  ,  et  rayés  du  canon  .  c'est-à-dire  de 
la  niatiicule  et  du  catalogue  des  bénéficiers 
iini  reçoivent  leur  subsistance  de  l'Eglise. 
T'.j  /.";./, pc j ,  x.al  Toj  /.xvivo;.  Cfux  qui  avaicut  reçu 
quehiue  ordre  ,  étaient  dans  le  clergé  ,  les 
autres  officiers  de  l'Eglise  étaient  dans  le 
canon. 

Siint  Rasile  déclare  que  les  peines  décernées 
dans  les  canons  contre  les  clercs  en  général, 
comprennent  également  les  deux  sortes  de 
clercs  qui  sont  ordinaires  dans  l'Eglise.  Les 
uns  selon  ce  Père,  sont  =•<  [îi6iiw,  «  in  gradn,  » 
en  dignité.  Les  autres  sont  dans  un  office  qui 
se  donne  sans  imposition  des  mains,  it  ù-cçea'.^ 
a/.£if07o<T;™,  «  in  ministerio,  quod  sine  manuum 
imposilione  datur  (  Epist.  ad  Ain|)hiioc.  , 
c.  Ll).  » 

Ralsamon  explique  ce  canon  i!e  saint  Basile 
dans  le  même  sens  que  nous ,  en  sorte  (]ue  les 
prêtres,  les  diacres  et  les  sous-diacres  soient 
dans  le  premier  rang,  parce  qu'ils  sont  ordon- 
nés par  l'imposition  des  mains;  les  lecteurs, les 
chantres ,  les  portiers,  et  autres  semblables, 
«  Lectures, canlores,janilores, et  similcs,  »  sont 
dans  le  second,  parce  que  leur  ordination  se 
fait  par  une  simple  bénédiction,  sans  imposi- 
tion des  mains. 


'i-2(i 


Dr  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-QUATRIÈME. 


Saint  Basile  a  confondu  dans  ce  second  rang 
les  clercs  des  ordres  mineurs,  avec  ceux  (jui 
sont  simplement  officiers,  parce  qu'il  a  regardé 
les  ordres  mineurs  comme  des  offices  qui  ne 
sont  pas  dans  ce  premier  rang  d'autorité,  où 
une  institution  toute  divine  a  élevé  les  évêques, 
les  prêtres  et  les  diacres.  En  tout  cela  il  ne 
paraît  aucim  clerc  sans  ordre,  ou  sans  office, 
car  quand  saint  Basile  n'ayant  nommé  que  des 
officiers,  ajoute  :  et  autres  semblables,  il  ne 
peut  entendre  (|ue  d'autres  officiers. 

IV.  Le  concile  de  Laodicée  (Can.  xxiv)  dé- 
fendant à  tous  les  clercs,  et  aux  moines  d'en- 
trer dans  les  tnvernes  ,  nomme  les  prêtres,  les 
diacres,  les  sous-diacres,  les  lecteurs,  les  chan- 
tres ,  les  exorcistes  ,  les  portiers ,  et  ajoute  im- 
médiatement a|)rès  les  moines.  Par  là  il  témoi- 
gne certainement  qu'il  n'y  avait  point  d'autres 
clercs  que  ceux  (|u"il  a  nommés. 

Le  concile  I"  de  Constantinople  (Can.  iv)  dé- 
clare nulles  toutes  ordinations  faites  par  Maxime, 
usurpateur  du  siège  épiscopal  de  cette  ville 
impériale;  et  il  semble  renfermer  tous  les 
clercs  dans  ce  terme  d'ordination,  ou  d'impo- 
sition des  mains,  qiioi<]u'on  n'imposât  pas  les 
mains  à  tous  les  clercs  inféi  leurs. 

Dans  les  actes  du  concile  d'Ephèse  (Conc. 
Ei)hes.,  part,  i,  c.  13),  on  trouve  une  protesta- 
tion du  clergé  de  Constantinople ,  contre  les 
erreurs  de  Neslorius,  où  le  clergé  est  désigné 
par  les  évêques,  les  prêtres,  les  diacres,  les 
lecteurs  ;  et  inuuédiatement  après  on  parle  des 
laïques.  Ce  qui  marque  qu'entre  les  lecteurs 
et  les  laïijues  il  n'y  avait  point  d'autres  ecclé- 
siasticpies. 

V.  Le  canon  ii  du  concile  de  Calcédoine , 
pour  bannir  la  simonie  de  tout  le  clergé,  ne 
se  sert  que  du  terme  d'imposition  des  mains, 
xe'.poTovia,  pour  les  véritables  clcrcs  ;  et  de  celui 
de  promotion,  irfofSoXf,,  pour  les  officiers.  Dans 
le  premier  rang  il  nomme  les  évêques  ;  les 
chorévèques,  les  prêtres,  les  diacres,  et  tous 
les  autres  qui  sont  comptés  entre  les  clercs, 

71   ËTîpov  Tivà    TMv   Èv   xAxpw   xaTapi6jj.ou(J.Évâ)V.   Et   dSHS  le 

second  rang  il  nomme  les  économes,  les  défen- 
seurs, les  mansionnaires,  et  en  général  tous 
ceux  qui  sont  dans  le  canon,  t,  w.w;  Tiva  nû  xaMovoç. 
Ainsi  ce  concile  distingue  les  clercs  d'avec  ceux 
qui  étaient  dans  le  canon,  c'est-à-dire  d'avec 
les  officiers  qui  étaient  bénéficiers,  puisqu'ils 
étaient  inscrits  dans  la  matricule  de  ceux  que 
l'Eglise  nourrissait. 
Les  clercs  étaient  donc  tous  bénéficiers,  mais 


fous  les  bénéficiers  n'étaient  pas  clercs, en  pre- 
nant le  nom  de  clerc  dans  cette  signification 
précise  du  concile  de  Calcédoine  qui  n'en  re- 
connaît point  d'autres  que  ceux  qui  étaient 
dans  les  ordres.  Mais  tant  les  clercs  que  les 
bénéficiers,  étaient  asservis  à  leur  office,  et 
c'était  une  chose  inouïe  qu'il  y  eût  des  clercs 
sans  ordre  et  sans  office. 

Il  est  bien  vrai  que  quelques-uns  de  ces  offi- 
ces étaient  quelquefois  donnés  à  des  clercs.  Les 
économes  étaient  ordinairement  prêtres,  on 
trouve  même  des  prêtres  défenseurs  :  mais 
cela  n'était  pas  toujours  de  la  sorte.  11  y  a  eu 
des  économes  laïques.  11  y  a  eu  des  défenseurs, 
des  notait  es,  des  sacristains,  ou  gardes  des 
tombeaux  des  martyrs  qui  n'avaient  aucun  au- 
tre ordre,  et  qui  néanmoins  étaient  associés  au 
clergé,  et  jouissaient  de  tous  les  privilèges  et 
des  avantages  des  bénéficiers  ,  comme  nous  le 
ferons  voir  dans  la  suite  de  ce  livre. 

VL  La  chose  n'est  pas  moins  certaine,  ni 
moins  évidente  dans  l'Eglise  latine.  Tout  ce 
qui  en  a  été  dit  dans  le  chapitre  i)récédent,  n'a 
pu  nous  faire  apercevoir  le  moindre  vestige 
d'un  clerc  sans  office  et  sans  ordre.  Mais  outre 
cela  saint  Cyprien  dit  en  termes  formels,  (|ue 
tous  les  clercs  sont  appliqués  à  un  ministère, 
qui  les  attache  au  service  des  autels.  «  Cuncti 
in  dericali  minislerio  constituti,  nonnisi  allari 
et  sacrificiis  deservire,  et  precibus  atque  ora- 
tionibus  vacare  debent  (L.  i,  epist.  ix).  »  Et 
c'est  de  cette  assiduité  qu'il  faut  avoir  au  ser- 
vice des  autels  que  ce  Père  fait  dépendre  le 
privilège  des  clercs,  d'être  exempt  des  tutelles 
et  des  autres  charges,  qui  sont  comme  autant 
de  liens  qui  attachent  au  monde  les  personnes 
séculières. 

VII.  Le  même  saint  Cyprien  écrivant  à  son 
clergé  et  à  son  peu()le,  au  sujet  de  l'ordre  de 
lecteur  qu'il  avait  conféré  au  jeune  Aurélius 
comme  le  prix  de  son  illustre  confession,  mon- 
tre clairement  qu'on  n'entrait  dans  le  clergé 
que  par  l'ordination.  «  In  ordinandis  clericis 
solemus  vos  ante  consulere,  etc.  Merebatur 
talisclericœ  ordinafionis  ulteriores  gradus.etc. 
Intérim  placuit,  ut  ab  olficio  lectionis  incipiat 
(L.  H ,  epist.  v).  »  Selon  ce  langage  on  fait  des 
clercs  quand  on  les  ordonne;  et  le  premier 
vestibule  de  la  clèricature,  c'est  l'ordre  des 
lecteurs. 

Saint  Cyprien  parlant  encore  ailleurs  d'un 
autre  confisseur  non  moins  admirable,  dit 
qu'il  a  été  juste  de  l'honorer  du  minL-tère  de 


DES  CLERCS  A   SIMPLE   TONSCRE. 


K27 


l'Eglise,  et  de  l'associer  an  clergé,  en  le  faisant 
lecteur:  «  Ut  qui  sublimiter  Cliristum  contessi 
essent,cleruni  postinoiiuni  Ciinsti  ecclesiasticis 
ministeriis  honorarent  (L.  iv,  c.  5).  »  Les 
clercs  simples  du  siècle  présent  participent 
aussi  peu  au  ministère  de  l'Eglise  qu'à  l'ordi- 
nation. 

VIII.  Mais  que  peut-on  désirer  de  plus  con- 
vaincant que  la  lettre  du  pape  Corneille  rap- 
portée par  Eusèbe,  où  le  p;ipe  fait  le  dénom- 
brement de  tous  les  clercs  de  l'Eglise  romaine, 
et  de  tous  les  autres  qui  tiraient  leur  subsistance 
des  trésors  inépuisables  de  l'opulence  et  de  la 
charité  de  cette  Eglise?  Il  marque  le  nombre 
précis  des  prêtres,  des  diacres,  des  sous-diacres, 
des  acolytes,  des  exorcistes,  des  lecteurs,  et  des 
portiers  ;  et  après  cela  il  passe  immédiatement 
aux  veuves,  aux  pauvres,  et  aux  malades. 

11  est  donc  certain  que  tous  les  clercs  y 
avaient  quelque  ordre  et  quelque  office.  Et  il 
n'est  pas  moins  certain  que  s'il  y  en  avait  eu 
d'autres,  ils  auraient  été  incapables  des  distri- 
butions et  des  bénéfices  de  l'Eglise,  puisque 
ce  pape  les  omet  entièrement  ,  n'ayant  pas 
omis  le  nombre  des  veuves,  et  des  autres  pau- 
vres. 

IX.  La  lettre  du  pape  Sirice  ne  parle  pas 
moins  clairement.  Ce  pape  déclare  que  ceux 
qui  se  destinent  à  l'état  ecclésiastique  doivent 
dès  leur  enfance  se  faire  baptiser,  et  recevoir 
l'ordre  des  lecteurs.  Et  quoi  qu'ils  choisissent 
ensuite  le  mariage, ils  pourront  passer  à  l'ordre 
des  acolytes,  et  des  sous-diacres.  «  Quicumque 
se  Ecclesiœ  vovit  obsequiis,  a  sua  infantia  ante 
pubertatis  annos  baptizari,  et  lectorum  débet 
ministerio  sociari.  »  Quant  à  ceux  qui  dans  un 
âge  plus  avancé ,  se  veulent  consacrer  à  Dieu  , 
ce  pape  veut  qu'aussitôt  après  avoir  reçu  le 
baptême,  i's  soient  mis  au  rang  des  lecteurs, 
ou  des  exorcistes.  «  Eoquo  baptizatur  tempore, 
statim  lectorum  ,  aut  exorcistarum  numéro 
societur  (Ep.  i,  c.  9,  10).  » 

C'était  encore  un  langage  inconnu,  de  dire 
qu'il  fallait  entrer  dans  le  clergé  par  la  ton- 
sure, sans  ordre,  et  sans  s'asservir  à  quelque 
Eglise.  On  ne  peut  pas  désirer  des  expressions 
plus  claires  et  plus  précises  pour  faire  entendre 
qu'on  n'entre  dans  l'ordre  des  clercs  que  par 
quelqu'un  des  ordres  inférieurs. 

X.  En  tffet,  ces  ordres  inférieurs  n'ont  été 
institués  que  pour  servir  de  noviciat  pour  les 
ordres  sacrés.  C'est  manifestement  ce  que  ce 
pape   vient  de  nous  dire,  et  c'est  nous  dire 


aussi  fort  clairement,  qu'il  n'y  en  avait  point 
d'autre,  pour  ne  pas  passer  précipitamment 
des  impuretés  de  la  vie  du  siècle,  à  ce  qu'il 
y  a  iIl'  plus  saint  et  de  plus  relevé  dans  l'E- 
giisc. 

Ce  i)ape  dit  ensuite  que  comme  les  clercs  ne 
peuvent  pas  faire  la  pénitence  luibliijue,  aussi 
les  pénitents  publics  ne  peuvent  jamais  pré- 
tendre à  la  cléricature,  parce  qu'ayant  une 
fois  souillé  leurs  mains  de  queli]ue  crime , 
quelque  soin  qu'ils  aient  eu  de  les  laver,  et  de 
les  blanchir  par  la  pénitence,  ils  ne  doivent 
jamais  approcher  des  autels,  ni  toucher  aux 
choses  saintes.  «  Quamvis  sint  oumium  pec- 
catorum  contagione  mundati  ,  nuUa  tamen 
debent  gerendoruni  sacramentorum  instru- 
menta suscipere,qui  dudum  fuerint  vasa  vitio- 
rum  (Ibid.,  c.  xiv,  xv).  » 

Si  par  une  ignorance  grossière  des  canons, 
on  a  élevé  un  pénitent,  ou  un  bigame  à  la 
dignité  des  clercs,  ce  pape,  par  condescendance, 
leur  permet  d'exercer  l'ordre  qu'ils  ont  reçu, 
sans  pouvoir  jamais  monter  plus  haut.  «Adem- 
pta  sibi  omni  spe  promotionis,  in  hoc  quo 
invenietur  ordine  .  perpétua  stabilitate  per- 
maneat.  » 

XI.  Ainsi  la  cléricature  et  l'ordre  n'étaient 
qu'une  même  chose,  et  les  irrégularités  ne 
donnaient  l'exclusion  de  la  cléricature,  que 
parce  qu'elles  avaient  quelque  incompatibilité 
avec  les  ordres.  C'est  de  quoi  le  pape  Inno- 
cent demeure  d'accord  avec  Sirice  son  prédé- 
cesseur. 

Ce  pape  marque  les  irrégularités  qui  empê- 
chent que  les  laïques  ne  soient  ordonnés,  c'est- 
à-dire  qu'ils  ne  soient  faits  clercs.  «  De  laicis 
quos  canones  ordinare  prohibeant ,  etc.  Nec 
enim  cierici  nasci,  sed  fleri  possunt,  et  Nec 
cito  quilibet  leclor,citoacolylhus  fiât  (Epist.iv, 
c.  3  et  o).  »  Il  dit  ailleurs,  que  ceux  qui  ont  été 
ordonnés  par  les  hérétiques,  «  Ordinatos  ab 
hereticis,  »  ne  peuvent  point  tenir  le  même 
rang  dans  l'Eglise  (Epist.  xxu,  c.  3). 

Saint  Léon,  dans  sa  lettre  à  Ruslii]ue  évèque 
de  Narbonne,  dit  que  les  laïques  et  les  lecteurs 
se  peuvent  marier  ;  mais  que  les  diacres,  les 
prêtres,  et  les  évêques  sont  obligés  à  la  conti- 
nence. «Cum  essent  laici.sive  leclores  :Cap.  v).» 
11  est  manifeste  que  par  les  lectturs  il  entend 
tous  les  clercs  inférieurs  ;  et  qu'entre  les  laïques 
et  l'élat  des  ordres  inférieurs,  il  n'y  avait  point 
de  milieu. 

Enfin    le  pape  Gélase  ordonne   que  si  les 


528 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-CINQUIÈME. 


mciiies  doivent  entrer  dans  la  cléricatiire,  il 
f  lul  premièrement  examiner  s'ils  ne  sont  fioiiit 
alteints  de  quelque  irrégularité  :  s'ils  en  sont 
exempts,  il  faut  d'abord  leur  donner  l'office 
du  lecteur,  ou  de  notaire  ,  ou  de  défenseur; 
trois  mois  après  les  faire  acolytes, et  par  degrés 
les  faire  monter  où  les  besoins  de  l'Eglise,  et 
leurs  vertus  les  appellent.  «  Continuo  ledor, 
aul  notarius,  aut  cerle  defensor  elfectus.  post 
ires  menses  acolylhus  existât  (Epist.  ix).  » 

XII.  Voilà  une  preuve  de  ce  qui  a  déjà  été 
rrmaniué  dans  l'Eglise  grecque  ;  que  si  l'on 
ne  conférait  pas  un  ordre,  au  moins  on  donnait 
un  office  à  tous  ceux  qu'on  incorporait  au 
clergé.  Ce  pa[ie  ne  voulait  parler  que  de  l'en- 
trée à  la  cléricature  :  »  Si  quis  ad  cléricale 
miMius  accédât  ;  »  et  il  y  fait  entrer  aussi  bien 
{)ar  la  charge  de  notaire,  ou  de  défenseur,  qne 
par  l'ordre  des  lecteurs.  On  peut  donc  avouer 
dans  l'Eglise  latine  ,  aussi  bien  que  dans  la 
grec(iue,  qu'il  y  avait  des  clercs  sans  aucun 
ordre  ;  mais  qu'il  n'y  en  avait  point  sans  un 
office  qui  Tasservissait  à  l'Eglise  et  l'y  occupait 
saintement. 

Cela  se  confirme  par  le  concile  HI  de  C;.r- 
thage ,  (jui  nous  a  appris  dans  le  chapitre  pré- 
cédent,que  Il  s  chantres  étaient  au  nombre  des 
clercs.  Le  concile  IV  de  Carthage  nous  y  a 
appris  aussi  que  les  prêtres  pou\aicnt  établir 
des  chantres  sans  la  i)articipati()n  des  évèques , 
et  par  là  on  juge  que  c'était  plutôt  un  olfice. 


qu'un  ordre  ,  quoi(iu'on  en  parlât  souvent 
comme  d'un  ordre,  et  qu'on  mît  les  chantres 
au  nombre  des  clercs  de  même  (]ue  s'ils  avaient 
reçu  l'un  des  quatre  ordres  mineurs. 

Xlll,  Le  concile  III  de  Carthage  (Can.  m) 
veut  que  l'évèque  ,  avant  l'ordination  des  évè- 
ques et  des  clercs ,  leur  lise  les  canons  qui 
regardent  les  ordres ,  afin  qu'il  ne  s'y  passe 
rien  qui  blesse  la  sainteté  des  lois  ecclésiasti- 
ques. «  Placuit  ut  ordinandis  episcopis,  vel 
clericis ,  prius  ab  nrdinatoribus  suis  décréta 
concilioruui  auribus  eorum  incuiccntur,  ne  se 
ali(|uid  contra  .'tatutaconcilii  fecisseasseranl.» 
Et  ailleurs  :  «Clerici,qui  ordinantur ,  etc,  » 
Ces  expressions  font  voir  qu'on  n'entrait  dans 
la  cléiicalure  ()ue  par  l'ordination  (Can,  xlix). 

Le  concile  IV  de  Carthage  (Caii.  u,  ui,  etc.) 
nous  apprend  la  forme  ^\^\e  l'on  observait  dans 
l'.Vt'riiiue  jiour  les  ordinations  des  évèques,  des 
l)rètres,des  diacres, sous-diacres,  acolytes,  exor- 
cistes, lecteurs,  portiers  ;  et  il  passe  ensuite 
aux  psalmisles,  aux  vierges  consacrées  à  Dieu, 
aux  veuves,  et  aux  religieuses.  S'il  y  avait  eu 
des  clercs  à  simple  tonsure ,  ce  concile  n'eiit 
pu  se  disi)en.ser  d'en  parler. 

Le  concile  I  de  Tolède  (Can,  x)  ne  permet 
pas  que  les  personnes  engagées  en  quelque 
servitude  soient  ordonnées  et  mises  au  rang 
des  clercs,  «  Clericos  non  ordinandos,  »  sans 
le  consentement  de  celui  dont  ils  relèvent. 


CHAPITRE   TRENTE-CINQUIÈME. 


SI   LON    DONNAIT   TOLS    LES    ORDRES    MINEURS   ENSEMBLE,    ET   AUX   MEMES   PERSONNES, 
D.iNS    LES    CINQ    PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  Pourquoi  l'on  traite  ici  cette  question. 

II.  On  donnait  séparément  les  ordres  [nineurs,  et  on  en  omet- 
tait souvent  quelqu'un.  Preuves.  On  les  donnait  alors  comme  des 
oflices,  que  tous  ne  pouvaient  p  s  exercer. 

III.  Après  on  les  a  donnés  comme  des  dignités,  comme  des 
ornemenis,  comme  des  marques  de  religion,  et  des  ruisseaux  de 
sainteté. 

IV.  Preuves  que  dans  l'Eplise  grecque  on  ne  donnait  pas  les 
ordres  mineurs  tous  ensemble,  ni  tous  à  la  niéuie  personne. 

V.  Preuves  pour  l'Eglise  latine.  Du  décret  du  pape  Sylvestre. 


VI.  Du  pape  Sirice. 

VII.  Du  pape  Innocent. 

VIII.  Du  pape  Gélase.  On  omettait  quelquefois  quelqnes-uns 
de  ces  nrilres,  surtout  celui  des  portiers. 

IX.  Objection  d'un  décret  du  pape  Zozime,  et  la  réponse, 

X.  Exemple  tiré  de  Sidoine  Apollinaire.  On  n'était  point  alors 
ordonné  per  sntium,  quand  on  sardait  de  fort  longs  inlerstices, 
quoiqu'on  omit  quelqu'un  des  ordres  mineurs. 

XI.  Exemple  de  samt  Hilaire  de  Poitiers,  et  de  saint  Martin 
de  Tours. 


nES  ORDRES  MINEURS. 


529 


XII.  Saint  Arabroise  veut  qu'on  proportionne  les  petits  orjres 
au  génie  et  à  la  rapacité  des  particuliers. 

XIII.  Celle  raison  les  faisait  quelquefois  tous  omettre. 

XIV.  Exemple  de  saint  Ambroise  même. 

XV.  On  lui  donna  les  ordres  mineurs,  sans  avoir  dessein  de 
les  lui  faire  exercer. 

1.  11  eût  peut-être  été  assez  naturel  de  parler 
(le  la  Itnisure  et  de  l'habit  propre  aux  clercs, 
imnicdiatenient  ai)rès  la  question  traitée  dans 
le  chapitre  précédent.  Car  s'il  eût  paru,  comme 
il  paraîtra  clairement  dans  un  des  chapitres 
suivants,  que  pendant  les  quatre  premiers  siè- 
cles les  clercs  ne  se  distingnaient  des  laïques 
ni  par  la  tonsure  ni  par  leurs  habits ,  on  ei'it 
bien  pu  conclure  de  là  qu'il  n"y  avait  point 
alors  de  clercs  à  simple  tonsure,  puisque  ce 
n'a  été  que  dans  les  siècles  suivants  qu'il  s'est 
introduit  une  espèce  particulière  de  clercs, 
qui  ne  sont  tels  que  par  la  tonsure  et  par  l'habit 
ecclésiastique. 

Mais  nous  avons  jugé  plus  à  propos  de  ne 
point  séparer  les  trois  questions  qui  ont  été 
proposées  au  commencement  du  chapitre  pré- 
cédent, à  cause  de  l'cvlrèine  liaison  qu'elles 
ont  entre  elles,  et  parce  qu'il  serait  difficile  d'y 
revenir  après  nous  être  étendus  sur  la  tonsure 
et  sur  riiabit  ecclésiastique. 

Nous  examinerons  donc  ici  les  deux  autres 
questions  proposées,  puis  nous  passerons  à 
celle  de  l'habit  et  de  la  tonsure  des  clercs. 

II.  Si  nous  repassons  sur  tout  ce  qui  a  été 
dit  dans  le  chapitre  précédent,  nous  trouve- 
rons évidemment  que  la  question  du  chapitre 
présent  y  a  été  décidée  par  avance.  En  etTet,  si 
les  ordres  mineurs  étaient  originairement  des 
offices,  comme  on  ne  pouvait  pas  les  exer- 
cer tous  ensemble,  il  eût  été  inutile  de  les  con- 
férer toujours  tous  ensemble  à  une  même  per- 
sonne. Si  c'étaient  des  offices  où  l'on  s'exerçait 
comme  dans  un  noviciat  pour  se  purifier  et  se 
préparer  aux  ordres  supérieurs,  auxquels  il  ne 
fallait  pas  se  précipiter  en  sortant  de  la  fange 
du  siècle,  le  long  exercice  de  quelques-uns 
de  ces  ordres  ou  même  d'un  seul  pouvait  suf- 
fire pour  cela.  Erifin,  chaque  particulier  n'a 
pas  toujours  toute  l'aptitude  ni  toutes  les  qua- 
lités nécessaires  pour  exercer  ces  quatre  ordres 
divers.  Les  plus  jeunes  sont  d'autant  plus  pro- 
pres à  cire  lecteurs,  qu'ils  le  sont  moins  à  faire 
les  fonctions  des  acolytes,  des  portiers  ou  des 
exorcistes.  Et  au  contraire,  ceux  qui  ont  l'âge 
et  la  force  pour  les  fonctions  plus  pénibles  de 
ces  autres  ordres,  manquent  souvent  de  la  dis- 
position qu'il  faut  pour  être  lecteurs. 


m.  Quchpie  palpables  que  soient  ces  rai- 
sons, elles  n'ont  lieu  (|ue  pour  les  premiers 
siècles,  où  ces  ordres  étaient  considérés  comme 
des  offices  efTectirs,  (]u'il  fallait  exercer  avec 
une  extrême  assiduité.  Elles  n'ont  pas  la  même 
vigueur  pour  les  derniers  siècles,  où  les  fonc- 
tions en  ayant  été  presque  oubliées,  ces  ordres 
ont  été  regardés  comme  des  dignités  saintes, 
comme    des   ornements  sacrés,    comme   des 
marques  vénérables  de    l'antiquité    ecclésias- 
litpie,   comme  des  liens  et  des  engagements 
sacrés,  qui  nous  lieut  très-étroitement,  et  en 
des  manières  différentes,  à  l'Epouse  de  J.-C, 
connue  des  protestations   humbles  de    notre 
vénération  et  de  nos  sincères  respects  pour 
tous  les  moindres  services  qui  se  peuvent  ren- 
dre à  l'Eglise  comme  des  ruisseaux  de  grâce  et 
de  sanctification  pour  tous  ceux  qui  touchent, 
pour  ainsi  parler,  aux  franges  et  aux  extrémi- 
tés de  la  robe  du  grand  Pontife  du  ciel  et  de 
la  terre.  Car,  soit  que  ces  ordres  aient  été  ins- 
titués de  J.-C.  immédiatement  par  lui-même 
ou  par  l'entremise  de  son  Eglise,  qui  est  un 
autre  lui-même,  conjointement  avec  le  diaco- 
nat ou  séparément ,  ce  sont  des  rayons  et  des 
participations  du   divin    sacerdoce   du  Grand 
Prêtre  éternel,  et  il  en  coule  des  ruisseaux  de 
grâce  et  de  sainteté,  non-seuletnent  sur  ceux 
qui  les  reçoivent  et  les  exercent,  mais  aussi, 
quoique  moins  abondanuuent,   sur  ceux  qui 
les  reçoivent  simplement  avec  cette  profonde 
vénération  qui  est  due  à  Celui  qui  est  la  gran- 
deur même,  et  dont  les  moindres  participations 
sont  des  grandeurs  excessives  pour  nous. 

Le  concile  de  Trente  a  tâché  de  rétablir  les 
fonctions  de  ces  ordres  :  aussi  a-t-il  désiré  en 
même  temps  qu'on  ne  les  conférât  que  sépa- 
rément. 

Nous  dirons  ensuite  que  dans  les  premiers 
siècles  même  on  les  a  quelquefois  conférés 
sans  dessein  de  les  faire  exercer,  et  néanmoins 
avec  une  pleine  confiance  que,  sans  déshono- 
rer la  sainteté  de  ces  ordres,  on  honorait  et  on 
sanctifiait  ceux  à  qui  on  les  conférait. 

IV.  Mais  il  faut  venir  aux  preuves  histori- 
ques et  aux  canons,  ou  aux  déci'ets  qui  confir- 
ment ces  vérités. 

Les  constitutions  apostoliques  permettent, 
comme  il  a  été  dit  ci-dessus,  de  donner  le  dia- 
conat et  les  autres  ordres  supérieurs  à  un  con- 
fesseur, ou  à  un  exorciste,  quoi(|u'il  y  soit  dé- 
claré que  ce  n'est  point  un  ordre  qui  les  a 
faits  confesseurs  ou  exorcistes.  Si  l'on  pouvait 


Th.  —  Tome  L 


34 


530 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-CINQUIÈME. 


passer  aux  ordres  sacrés  sans  aucun  des  ordres 
inférieurs,  qui  doute  qu'on  ne  iiùt  recevoir 
quelques-uns  des  ordres  inférieurs,  et  omettre 
les  autres? 

Et  puisque  les  Grecs  n'ont  pas  mis  et  ne  met- 
tent point  encore  au  nombre  des  ordres  mi- 
neurs, ni  nos  acolytes,  ni  nos  portiers,  on  ne 
peut  non  plus  douter  que  l'on  n'ait  ju^^é  que 
quelques-uns  de  ces  ordres  inférieurs  (jou- 
taient être  omis,  sans  rien  omettre  de  ce  qui 
est  essentiel  à  l'ordination. 

V.  Le  décret  du  pape  Sylvestre  dans  un  con- 
cile romain  semble  d'abord  nous  être  contraire 
et  il  ne  l'est  néanmoins  pas.  En  voici  les  pa- 
roles, qui  marquent  la  succession  de  tous  les 
ordres  mineurs  :  «Si  cpiis  desiderat  in  Ecilesia 
militare ,  aut  proCcere,  sit  prias  ostiarius, 
lector,  exorcista,  per  tempora  quœ  episcopus 
constituerit.  Deindo  acolylbus  annis  quinque, 
subdiaconus  annis  iiuincjue,  cuslos  martyrnm 
annis  quinque,  diaconus  annis  quinque,  pre- 
sbyter  annis  tribus,  etc.  » 

Les  actes  de  ce  synode  romain  ne  sont  pas 
au  goût  des  critiques,  ils  sont  néanmoins  de 
quelque  antiquité,  ayant  été  cités  il  y  a  envi- 
ron neuf  cents  ans.  Quoiqu'il  en  soit,  ce  décret 
n'exprime  pas  nettement  qu'il  faille  nécessai- 
rement passer  i)ar  les  trois  premiers  ordres;  il 
en  laisse  peut-élre  la  disposition  à  révé(]ue. 
L'ordre  du  sacristain  y  est  mis  après  le  sous- 
diaconat,  avec  un  interstice  de  cin(|  ans  ;  ainsi 
il  est  en  plus  grande  considération  (|ue  les 
quatre  ou  cinq  ordri'S  mineurs.  Or  cet  ordre 
ou  cet  office  a  été  aboli,  et  il  l'a  été  bientôt 
après,  comme  nous  allons  voir,  par  les  décré- 
tales  des  papes  du  même  siècle.  On  peut  donc 
conclure  de  la  que  les  quatre  ordres  mineurs 
ne  peuvent  pas  passer  dans  ce  décret  pour  être 
d'une  plu.-i  jurande  nécessité. 

Au  reste,  ces  gardes  des  uiartyrs  n'étaient 
autres  que  les  sacristains  de  leurs  églises,  ([u'on 
a|ipclait  Martyrin. 

M.  Mais  on  ne  peut  rien  demander  de  plus 
clairet  de  plus  convaincant  que  la  décrétale  du 
pape  Sirice  (Ep.  i,  c.  9. 10),  ([ui  veut  que  ceux 
qui  se  consacrent  dès  leur  enfince  à  l'état 
ecclésiastique  soient  d'abord  ordonnés  lec- 
teurs :  «  Lectorum  débet  ministerio  sociari  ;  » 
(]ue  jusqu'à  l'âge  de  trente  ans  cai  les  fasse 
acolytes  et  sous-diacres  :  «  Ab  accessu  adoles- 
centiœ  usque  ad  tricesinuun  œtatis  annuni 
acolytbus  et  subdiaconus  esse  debebit.  »  Ajirès 
cela  on  les  élèvera  au  diaconat  :  «  Post  quœ  ad 


diaconii  gradum  accédât.  »  Des  quatre  ordres 
mineurs,  ce  pa[)e  en  fait  omettre  deux.  Il  ne 
donne  aux  jeunes  enfants  que  l'ordre  de  lec- 
teurs, parce  que  c'est  le  seul  dont  ils  pouvaient 
remplir  la  fonction.  Comment  leur  eût-il  fait 
donner  l'ordre  des  acolytes,  qui  demandait  un 
âge  plus  avancé  et  plus  de  forces? 

Si  ce  sont  des  personnes  âgées  qui  désirent 
de  passer  de  la  dissipation  et  de  la  corruption 
du  siècle  au  sacré  repos  et  à  la  milice  toute 
sainte  du  clergé,  ce  pape  ordonne  qu'aussitôt 
après  leur  baptême  ils  soient  mis  aux  rangs 
des  lecteurs  ou  des  exorcistes,  et  deux  ans  après 
à  celui  des  acolytes  et  des  sous-diacres,  d'où 
ils  passeront  cinq  ans  après  au  diaconat.  «  Sta- 
tim  lectorum  aut  exorcislarum  numéro  socie- 
lur.  Qui  dum  initiatus  fuerit,  expleto  biennio, 
per  quinquennium  alius  acolytus  et  subdiaco- 
nus fiât  ;  et  sic  ad  diaeonalimi  ]irovebatur.  » 

Connue  les  personnes  un  peu  âgées  n'étaient 
pas  toujours  propres  à  l'office  des  lecteurs,  ce 
pape  leur  donne  le  cboix  de  l'ordre  des  lecteurs 
ou  de  celui  des  exorcistes.  Mais  il  paraît  aussi 
clairement  que  des  quatre  ordres  mineurs,  il 
ne  leur  en  propose  que  deux,  qu'ils  doivent 
prendre  et  exercer  successivement. 

VIL  C'était  alors  vraisemblablement  la  pra- 
tique de  l'Eglise  romaine,  connue  il  paraît  par 
la  décrétale  du  pape  Innocent  I"  (Ep.  iv,  c.  3) 
lorsqu'il  prescrit  (lar  quels  degrés  il  faut  arri- 
ver aux  ordres  sacrés,  et  combien  doit  être 
long  l'apprentissage  des  ordres  mineurs.  «  Nec 
cito  quilibet  lector,  cito  acolylbus,  cilo  diaco- 
nus, cito  sacerdos  fiât.  Quia  in  minoribus  offi- 
ciis  si  diu  perdurent,  et  vita  eorum  pariter  et 
obsequia  comprobantur.  » 

Voilà  encore  deux  ordres  mineurs  seulement 
remarqués,  et  les  deux  mêmes  ;  mais  avec 
cette  condition  iju'on  y  exercera  et  ([u'on  y 
éprouvera  fort  longtemjis  ceux  qu'on  destinera 
à  (le  plus  liautes  dignités.  «  In  minoribus  offi- 
ciis  si  diu  ])erdurent.  » 

(;e  pape  n'a  pas  déterminé  le  temps,  parce 
qu'il  a  suivi  de  fort  |)rès  Sirice,  dont  la  décré- 
tale avait  déterminé  les  intervalles  canoniques 
lies  ordres.  Mais  au  fond,  il  était  bien  jikis  iin- 
j)ortant  et  plus  sûr  d'arrêter  durant  l'espace  de 
sej)t  années,  dans  les  exercices  des  exorcistes, 
des  acolytes  et  des  sous-diacres,  les  personnes 
\\n  peu  âgées  qui  as[)iraient  au  diaconat, 
comme  a  fait  le  pape  Sirice,  que  de  leur  faire 
parcourir  en  beaucoup  moins  de  temps  tous 
ces  mêmes  ordres,  et  encore  deux  autres.  Et 


DES  ORDRES  MINEURS. 


531 


quant  ù  ceux  qu'on  faisait  lecteurs  dès  leur 
enfance,  il  ne  faut  i)as  non  plus  avoir  éjiard  à 
l'oniission  de  deux  ordres  mineurs,  mais  aux 
longues  épreuves  par  où  on  les  faisait  passer 
jusqu'tà  l'âge  de  trente  ans,  où  on  les  ordonnait 
diacres. 

VIII.  Le  pape  Gélase  nous  a  déjà  dit  que  si 
uu  religieux,  exempt  de  crime,  devait  être  or- 
donné, il  fallait  commencer  par  le  faire  lecteur 
ou  notaire,  ou  défenseur  ;  trois  mois  après  aco- 
lyte; au  sixième  mois  sous-diacre;  au  neu- 
vième diacre,  et  à  la  fin  de  l'an  prêtre.  «  Con- 
tinno  lector,  vel  notarius,  vel  certe  defensor 
effectus,  post  très  menses  existât  acolytlius, 
mense  sexto  subdiaconus,  etc.   Epist.  ix.)  » 

Voilà  l'onlre  des  exorcistes  et  des  portiers 
omis  :  voilà  le  choix  donné  de  prendre  l'ordre 
des  lecteurs,  ou  l'office  de  notaire,  ou  de  dé- 
fenseur. Ni  Sirice,  ni  Innocent,  ni  Gélase  n'o- 
mettent point  l'ordre  des  acolytes  :  ils  omet- 
tent tous  trois  celui  des  portiers.  C'est  une 
manpie  qu'on  avait  donné  dès  lors  cet  office  à 
des  laïques. 

IX.  Il  est  vrai  que  le  pape  Zozime  (Epist.  ii.) 
semble  exii^er  i[u'on  passe  par  tous  les  ordres. 
«  Adsuescat  in  Uomini  castris,  in  lectorum  jiri- 
rnitus  gradu  divini  rudimenta  servitii  :  nec  ilii 
vile  sit  exorcistani,  acolytlinm,  snb'liaconutn, 
diacoiiuin  per  ordinein  lieri.  »  Mais  outre  (|ue 
ce  pape  omet  aussi  l'ordre  des  portiers,  il  n'im- 
pose pas  une  nécessité  absolue  de  passer  i)ar 
tous  ces  degrés  :  il  vent  seulement  ([u'on  soit 
disposé  à  suivre  la  conduite  des  évêques,  et  les 
règlements  anciens  de  l'Eglise,  auxquels  il  s'en 
rapporte.  «Nec  hoc  saltu,sed  slatutisinajoruni 
ordinatione  temporibus.  »  Or  les  décrets  que 
nous  venons  de  citer  ont  condamné  comme  un 
vol  précipité,  saltimi,  non  [las  l'omission  de 
quelque  ordre  inférieur,  mais  l'irruption  faite 
dans  les  ordres  sacrés,  sans  avoir  exercé  quel- 
ques-uns des  ordres  mineurs  durant  ce  long 
espace  de  temps  fixé  jiar  les  lois  de  l'Eglise. 

X.  Ainsi  on  ne  peut  pas  accuser  de  cette  pré- 
cipitation si  contraire  aux  canons,  ce  célèbre 
archidiacre,  qui  tutenfin  faitévèque  de  Chàlon, 
mais  cjui  ayant  été  faitlecteur  dès  son  enfance, 
était  enfin  parvenu  à  cet  archidiaconé,  comme 
le  raconte  Sidoine  Apollinaire.  «  Lector  hic 
primum,sic  minister  altaris,  idque  ab  infantia. 
Post  laborum,  temporumque  processu  archi- 
diaconus  (L.  iv,  epist.  xxv).  »  Ce  n'était  pas  un 
saut,  ou  une  inqiéluosité,  c'était  une  marche  fort 


lente,  fort  sage  et  fort  vertueuse,  d'avoir  depuis 
sa  plus  tendre  enfance  exercé  l'office  de  lecteur 
et  s'être  enfin  élevé  à  la  dignité  d'archidiacre. 

(hi  n'a  appelé  les  ordinations  pei'  saltutn, 
lorsqu'il  y  avait  omission  de  (|uelque  ordre 
inléiii'ur,  cpTaprès  que  ces  onlres  inférieurs 
n'ont  plus  été  des  offices  longs  et  effectifs,  mais 
des  dignités  honoraires  et  sans  fonction.  Quand 
quelqu'un  avait  exercé  l'office  de  lecteur  ou 
d'acolyte,  un  fort  grand  nombre  d'années,  on 
ne  lui  faisait  pas  un  procès  s'il  était  fait  sous- 
diacre  sans  avoir  été  portier  ou  exorciste;  mais 
quand  on  n'a  plus  traité  ces  ordres  mineurs 
que  comme  des  cérémonies  religieuses,  on  a 
fait  scrupule  d'en  omettre  aucun,  (>arce  que  la 
même  raison  du  respect  et  de  la  vénération 
religieuse  les  embrasse  tous  également. 

A  peine  les  pouvait-on  exercer  tous,  même 
successivement  ;  ainsi  on  ne  les  prenait  pas  tous 
quand  on  les  prenait  pour  les  exercer  :  maison 
doit  les  respecter  tous,  et  en  attendre  quebiue 
degré  de  sanctification  ;  ainsi  on  doit  les  re- 
cevoir tous  dans  la  discipline  nouvelle  de 
l'Eglise,  qui  est  toujours  sainte  et  apostolique. 

XL  Sévère  Sulpice  assiu'e  que  saint  Hilaire 
voulut  d'abord  donner  le  diaconat  à  saint  Mar- 
tin, qui  fut  depuis  archevêque  de  Tours  ;  mais 
que  n'ayant  pu  surmonter  sa  résistance,  il  le  fit 
premièrement  exorciste,  |(ersuadé  qu'il  était 
que  saint  Martin  n'oserait  refuser  un  ordre  qui 
semblait  [ilutôt  l'humilier  que  l'élever.  Il  ne  se 
trompa  point,  saint  Martin  jugea  que  ce  serait 
man(iuer  d'humilité  que  de  refuser  la  fonction 
d'exorciste. 

«  Tentavit  Hilarius  imposito  diaconii  officio, 
sibi  eum  artiusimplicare,  et  ministerio  \mcire 
divino.  Sed  cum  sœpissime  restilisset,  indi- 
gnum  se  esse  vociterans,  intellexit  vir  allions 
ingeiiii,  hoc  eum  modo  constringi,  si  id  ai 
olficii  im[toneret,  in  quo  (juidam  locus  injuriae 
videretur.  Itaque  exorcislam  eum  esse  prœ- 
cepit.  Quam  ille  ordinationem  ne  despexisse 
tau(iuam  humiliorem  videretur,  non  repu- 
diavit  (L.  de  vila  B.  Martini).  » 

Cet  exemple  seul  pniuTaitêtre  suffisant,  pour 
nous  convaincre  qu'il  ne  tint  pas  à  saint  Hi- 
laire, qu'il  ne  donnât  le  diaconatà  saint  Martin 
sans  lui  avoir  auparavant  conféré  aucun  des 
ordres  inférieurs,  (ju'il  lui  donna  le  seul  ordre 
d'evorciste  séparément,  et  qu'après  cela  saint 
Mirtin  fut  encore  plus  disposé  à  passer  immé- 
diatement aux  ordres  sacrés. 


532 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-CINQUIÈME. 


A  l'égard  de  ce  que  Sévère  croit  que  ce  fut 
par  mépiis  que  l'on  ordonna  Martin  exorciste, 
sans  ado|)ter  son  opinion,  je  pense  que  c'est 
parce  qu'il  était  d'usage  pour  lors,  quand  il  se 
trouvait  di's  personnes  recomniandables  par 
leur  mérite  et  par  leur  piété,  de  leur  conférer 
tout  d'un  couple  diaconat,  sans  les  faire  passer 
par  les  ordres  mineurs.  Cette  induction  se  tire 
des  termes  luèmes  de  Sévère,  et  du  fait,  ou  du 
moins  de  ce  qu'a  tenté  de  faire  l'évèque 
Hilaire,  d'aut.uit  qu'il  n'est  pas  vraisemblable 
qu'il  eut  voulu  rien  entreprendre  contre  la 
disposition  des  canons  ou  contre  l'usage. 

XII.  Saint  Ambroise  nous  fournira  et  des 
preuves  dans  ses  écrits,  et  un  exemi>le  dans 
sa  personne  de  ce  que  nous  avançons  dans  ce 
chapitre. 

Cet  admirable  et  éloquent  prélat  a  excel- 
lemment représenté  dans  ses  offices,  que  tous 
n'étant  jjas  également  propres  à  toutes  les  fonc- 
tions des  ordres  mineurs,  il  ne  fallait  charger 
chaque  [)articulit'r(iue  de  l'ordre  et  de  la  fonction 
dont  il  était  le  plus  capable,  puisque  ce  ne  sont 
pas  seulement  des  titres,  ou  des  dignités,  dont 
on  veut  les  honorer,  mais  des  fonctions  saintes 
et  nécessaires  qu'on  veut  leur  faire  remplir. 

0  Alius  dislinguendœ  lectioni  aptior,  alius 
psalmo  gralior,  alius  exorcizandis,  (pii  malo 
laborant  spiritu,  soUicitior;  alius  sacrario  op- 
portuniorhabetur.  Hœc  omniaspectet  sacerdos 
et  quid  (■iii(|uecongruat,  id  officii  deputet.  Quo 
etenim  unumqucmque  suum  ducit  ingenium, 
aut  quod  officium  decet,  id  majore  implet  gra- 
tia  (L.  I,  c.  -4-4).)) 

XIII.  De  ces  exemples,  il  faut  tirer  deux 
conclusions  conformes  à  la  règle  que  saint 
Ambroise  vient  de  donner.  La  première,  que 
l'on  proportionnait  ceux  des  ordres  mineurs 
qu'on  conférait,  à  ceux(|ui  devaient  lesexercer. 
Ainsi  saint  Hilaire  jugea  que  saint  Martin 
n'était  plus  en  àj^e  d'être  ordonné  lecteur,  il  le 
fit  exorciste.  La  seconde  est,  que  les  évètpies 
jugeaient  même  qu'il  y  avait  des  personnes  si 
éminentesen  vertu,  ipi'il  fallait  d'abord  les  por- 
ter aux  ordres  sacrés.  Saint  Hilaire  eut  passion 
de  faire  saint  Martin  de  laïque  diacre. 

La  chose  était  si  fortement  établie  dans  la 
créance  des  hommes,  (|ue  la  seule  raison  t|ui 
rempêclia  de  refuser  l'ordre  d'exorcist(;,  c'est 
parce  que  cette  ordination  était  dans  l'estime 


des  hommes  comme  humiliante  et  injurieuse 
à  une  personne  de  son  rang. 

XIV.  Finissons  par  l'exemple  même  de  saint 
Ambroise,  dont  Paulin,  qui  a  écrit  sa  vie,  ra- 
conte qu'en  huit  jours  il  fut  ba|)tisé,  il  reçut  et 
exerça  tous  les  ordres.  «  Baptizatus  itaque  fer- 
tur  omnia  ecclesiastica  officia  implesse,  atque 
ocfava  die  episcopus  ordinatus  est.  » 

Paulin  aurait  peut-être  pu  nous  délivrer  de 
la  peine  de  deviner  quels  ordres  saint  Ambroise 
reçut  avant  répiscojiat,  puisqu'il  se  passa  six 
jouis  entiers  entre  son  bai>tênie,  et  son  ordina- 
tion |iour  l'épiscopat.  Ce  qu'il  y  a  de  [dus 
certain,  c'est  qu'il  reçut  le  diaconat  et  la 
prêtrise. 

En  effet,  comme  ce  sont  incontestablement 
les  ordres  les  plus  nécessaires  et  les  plus  es- 
sentiels avant  ré[iiscopat,  Paulin  n'aurait  pas 
dit  qu'il  avait  exercé  tous  les  offices  sacrés,  si 
les  deux  plus  éminents  avaient  été  omis. 
Quant  aux  autres,  les  décrétales  ci-dessus 
alléguées  ont  fait  assez  connaître  que  l'on 
commençait  par  l'ordre  des  lecteurs,  puis  on 
passait  à  celui  des  exorcistes  ;  de  là  on  montait 
à  celui  des  acolytes,  et  on  arrivait  enfin  à  celui 
des  sous-diacres.  Mais  c'est  deviner,  de  dire  que 
saint  Ambroise  les  exerça  tous,  et  en  même 
ordre. 

XV.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  singulier  dans  cet 
exemple  illustre  d'un  des  plus  grands  et  des 
plus  saints  évêques  de  l'Eglise,  c'est  qu'il  reçut 
au  moins  quelques-uns  des  ordres  mineurs,  et  il 
ne  les  reçut  pas  pour  les  exercer,  parce  que  ce 
n'est  pas  les  exercer,  que  de  ne  les  exercer 
qu'une  fois  ou  deux.  Si  c'est  une  pure  formalité, 
quoique  religieuse,  de  recevoir  ces  ordres  mi- 
neurs sans  les  exercer  ;  c'est  aussi  une  jiure 
formalité  de  ne  les  exercer  qu'une  ou  deux  fois. 
L'intention  de  l'Eglise  était  de  les  faire  exercer 
longtemps,  pour  se  purifier  aussi  longtemps 
avant  d'approcher  de  l'hostie  sainte  et  céleste 
de  nos  autels.  Saint  Ambroise  ne  laissa  pas 
d'être  mis  au  nombre  des  néo|)liytes  faits  évo- 
ques, quoi(|u'il  eût  peut-être  reçu  tous  les  ordres 
mineurs  en  huit  jours. 

Voilà  donc  un  exemple  de  l'omission  que  les 
derniers  siècles  ont  fait  des  exercices  des  ordres 
mineurs.  Mais  plût  à  Dieu  ([u'on  n'eût  fait  cette 
omission  que  pour  des  Ambroises  ! 


DES  INTERSTICES  DES  ORDRES. 


533 


CHAPITRE  TRENTE-SIXIEME. 


DES   INTERSTICES   DES   ORDRES,    ET   SI   L  ON   N  OMETTAIT  JAMAIS  AUCUN   DES  ORDRES   MAJEURS 
PENDANT   LES   CINQ  PREMIERS  SIÈCLES   DE   L'ÉGLISE. 


I.  Liaison  de  ces  malières. 

II.  Le  concile  de  Sardique  décide  la  nécessité  d'observer  les 
inlerslices,  et  de  n'omeltre  aucun  des  ordres  mineurs. 

III.  Longueur  des  inlerstices. 

IV.  Le  temps  en  est  marqué  par  le  pape  Sirice  pour  les 
jeunes  gens. 

V.  Pour  les  personnes  plus  âgées. 

VI.  Pour  les  moines.  Ce  temps  était  trop  long. 

Vil.  Zozime  confirme  la  même  longueur  des  inlerslices. 

VIII.  Ces  papes  permettaient  d'omettre  quelques-uns  des  or- 
dres mineurs,  mais  non  pas  de  réduire  le  temps  des  interstices. 

IX.  Le  pape  Gélase  commença  à  se  relâcher  dans  une  ei- 
trême  nécessité,  et  avec  des  précautions  merveilleuses. 

X.  Jusqu'où  se  relâcha  ce  pape. 

XI.  Observation  des  inlerstices  dans  l'Orient.  Si  on  y  a  omis 
le  diaconat  avant  la  prêtrise,  ou  la  prêtrise  avant  l'épiscopat. 

XII-  Ischyras  condamné  pour  avoir  été  fait  évéque,  sans  avoir 
été  prêtre. 

XIII.  Que  saint  Basile  fut  ordonné  diacre  avant  d'être  fait 
prètne. 

XIV.  Divers  exemples  de  ceuï  qu'on  prétend  avoir  été  ordon- 
nés prêtres  sans  le  diaconat. 

XV.  On  répond    que  le  diaconat  avait  précédé,  et  on  le 
prouve  par  des  esemples. 

XVI.  De  l'ordination  de  saint  Grégoire  Thaumaturge  absent. 

XVII.  Autres  ordinations  d'èvêques,  en  omettant  la  prêtrise. 
Et  la  réponse. 

XVIII.  Si  le  Fils  de  Dieu  a  exercé  tous  les  ordres. 

XIX.  Dans  l'Eglise  latine  on  n'a  donné   la  prêtrise  qu'à  des 
diacres,  ni  l'épiscopat  qu'à  des  prêtres.  Réponse  aux  objections. 

XX.  Preuve  tirée  de  Photius. 


I.  Nous  navons  pu  démêler  la  question 
précédente  sans  entamer  celle-ci,  tant  elles 
ont  de  rapport  et  de  connexion  entre  elles. 
C'est  la  troisième  que  nous  nous  étions  \n-o- 
posée,  comme  une  suite  de  celle  qui  regardait 
les  clercs  à  simple  tonsure. 

Elle  contient  deux  articles,  dont  le  premier 
est  des  intervalles  de  temps,  ou  des  interstices 
qu'il  fallait  laisser  couler  selon  les  lois  canoni- 
ques, entre  les  ordresdivers  qu'on  recevait,  soit 
majeurs,  soit  mineurs  ;  le  second  est  de  l'omis- 
sion des  ordres  majeurs,  savoir,  si  l'on  a  jamais 
ordonné,  ou  des  évèques  qui  ne  fussent  pas 
déj;i  prêtres,  ou  des  prêtres  à  (jui  le  diaconat 
n'eût  jamais  été  conféré. 

II.  Le  concile  de  Sardi(iue(Can.  xiii),  semble 
résoudre  la  question,  quand  il  ordonne  qu'on 
ne  consacrera  point  d'évêquequi  n'ait  fait  au- 


paravant l'office  de  lecteur,  de  diacre  et  de 
prêtre,  et  qui  ne  soit  monté  par  un  progrès 
modeste  et  réglé,  d'un  degré  à  l'autre.  «  Ut 
non  prius  ordinetur  eiiiscopus,  nisi  ante  et 
lectoris  munere,  et  olficio  diaconi,  aut  presby- 
teri  fuerit  perfunctus  :  et  ita  per  singulos  gra- 
dnssi  dignusfuerit,  ascendatadculmen  episco- 
patus.  » 

J'ai  cru  que  ce  terme  aut  avait  la  même  si- 
gnification ijue  la  conjonction  e^  selon  l'usage 
fi  équent  de  queli|ues  siècles.  La  cliose  est  évi- 
dente dans  le  texte  grec  de  ce  même  canon 
(Can.  \],  où  se  trouve  la  même  particule  con- 
jonctive, qui  avait  précédé,  pour  faire  succédtr 
l'ordre  de  diacre  à  celui  de  lecteur.  KxI  ivi-p'waroj, 
y.%\ ^•.%/.i-m, /.v.  TCjEirpjTsfcj. IKùt  été ridîcule  de  faire 
un  canon  exprès  pour  faire  monter  par  degrés 
à  répisi;opat,  et  omettre,  ou  relâcher  dans  ce 
même  canon  le  principal  et  le  plus  important 
de  ces  degrés,  qui  est  la  prêtrise. 

Si  ce  canon  a  été  fait  contre  le  fameux 
Ischyras,  que  les  Ariens  avaient  fait  évéque, 
sans  qu'il  eût  jamais  été  prêtre,  il  y  avait  une 
nécessité  toute  particulière  d'y  ex[)rimer  que 
les  évêques  ne  pouvaient  être  évèques,  s'ils 
n'avaient  auparavant  été  ordonnés  prêtres. 

III.  Il  est  donc  certain  que  ce  canon  décide 
les  deux  articles  de  la  question  proposée,  en 
déclarant  que  les  intervalles  des  ordres  doivent 
être  gardés,  et  que  ni  le  diaconat  ne  peut  être 
omis  avant  la  prêtrise,  ni  la  prêtrise  avant 
l'épiscopat. 

Le  temps  de  ces  interstices  n'y  est  pas  à  la 
vérité  marqué,  mais  il  est  remarqué  qu'il  doit 
être  long,  et  qu'on  y  doit  faire  de  longues 
épreuves  de  la  foi,  de  la  modestie,  et  de  toutes 
les  vertus  (jui  doivent  accompagner  le  sacer- 
doce. «  Potcst  enim  lier  bas  proiuotiones,  quee 
liabebiuit  utiiiue  longum  tem|)us,  probari  qua 
fide  sit.  quave  modestia,  qua  gravilate  et  vere- 
cumiia.  » 

Ces  interstices  sont  principalement  néces- 


534 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SIXIÈME. 


saires  avant  les  ordres  sacrés,  parce  que  c'est 
des  trois  ordres  sacrés  qu'il  faut  entendre  (|ue 
les  néopliytes  sont  exclus  par  l'Apôtre.  «  Con- 
veniens  non  est,  nec  ratio,  vel  disci|)Iina  pati- 
tur,  ut  tenereet  leviterordinetur,  aiit  c|iisco|ms 
aut  presbvler,  aut  diaconus,  qui  neopliytus 
est.  »  Or  ce  n'est  que  par  les  exercices  d'un 
long  apprentissage  dans  les  ordres  précédents, 
qu'on  évite  le  blànie  et  l'irrégularité  des  néo- 
phytes, en  recevant  les  ordres  suivants.  «  Ili 
quorum  per  longuni  tenipus  exaniinata  sit 
vila,  et  mérita  fuerint  com|>robata.  » 

IV.  Le  pape  Sirice  détermine  plus  précisé- 
ment le  temps  des  interstices,  et  ce  n'est  que  la 
praliiiue  réunie  qu'il  nous  apprend  ;  la  même 
apparemment  que  le  concile  de  Sardique  sup- 
posait être  connue  de  tout  le  monde.  11  veut 
que  dès  l'enfance  on  se  fasse  baptiser,  et  (]u'on 
reçoive  l'ordre  des  lecteurs  avant  l'âge  de  pu- 
berté. «  Quicum(pieseEcclesi?p  vovitobseciuiis, 
ab  infantia,  anle  pubcrtatis  annos  baplizari,  et 
lectorum  débet  ministerio  sociari.  »  Depuis 
l'âge  de  puberté  jusqu'à  l'âge  de  trente  ans, 
soit  qu'on  se  marie,  ou  non,  il  veut  qu'on  re- 
çoive les  ordres,  et  qu'on  exerce  les  fonctions 
d'acolyte  et  de  sous-diacre.  «  Qui  ab  accessu 
adolescenlia;  uscjuc  ad  tricesimum  œtatis  an- 
num,  una  uxore  contentus,  etc.,  acolythus  et 
subdiaconus  esse   debebit  (Epist.  i,  c.  9).  » 

11  f.iut  donc  exercer  selon  ce  pape  l'office 
de  lecteur,  depuis  l'enfance  jusqu'à  l'âge  de 
pubeité  ;  et  celui  d'acolyte  ou  de  sous-diacre 
depuis  la  puberté  jusqu'à  l'âge  de  trente  ans. 
Ce  sont  à  peu  près  vingt  ans  de  pré|iaralion 
avant  le  diaconat.  Entre  le  diaconat  et  la  prê- 
trise, il  y  a  cinq  ans  d'intervalle.  «  Post  quaî 
ad  diaconi  gradum  accédât,  ubi  si  ultra  (luin- 
que  annos  lauilabilittr  ministrarit,  congrue 
presbyterium  consequetur.  »  Après  vingt-cinq 
ans  d'épreuves  (|ui  ont  précédé  la  prêtrise,  il 
en  reste  encore  dix  avant  cpie  de  parvenir  à 
l'épiscopat.  «  Exinde  post  decennium  episco- 
palem  catliedram  poterit  adipisci  :  si  tamen 
per  liiEC  tempora  inlegritas  fldei  ac  vitœ  ejus 
fuerit  approbata.  » 

V.  Voilà  ce  qu'on  exigeait  de  ceux  qui  se 
consacraient  dés  leur  enfance  à  l'état  ecclésias- 
ticjue.  On  ne  pouvait  |)as  attendre  les  mêmes 
exercices  de  trente-cinq  ans  de  ceux  qui  ne 
pensaient  à  se  lier  à  la  cléricature  que  dans 
un  âge  LUI  peu  avancé.  Aussi  ce  pape  use  d'une 
grande  modération  à  leur  égard.  11  se  contente 
qu'ils  exercent  l'espace  de  deux  ans  l'ordre  des 


lecteurs  ou  des  exorcistes,  a  Qui  vero  jam 
a'tate  grandœvus,  etc.  Eo  quo  baiiti/.alur  tem- 
pore,  slalim  lectorum,  aut  exoreislarum  nu- 
méro societur  (Ibid.  c.  x).  » 

A|)rès  Cl  s  deux  années  expirées,  ils  rece- 
vront l'ordre  des  acolytes  et  des  sous-diacres, 
pour  les  exercer  l'espace  de  cinq  ans  :«  Expleto 
biennio,  per  qninquenniuni  aliud  acolythus 
et  subdiaconus  fiât,  et  sic  ad  diaconatum  pro- 
vebatur.  » 

Voilà  sept  ans  d'interstice  avant  le  diaconat, 
pour  les  personnes  âgées  même,  en  f.iveur  des- 
quelles on  adoucissait  certainement  la  sévérité 
des  lois  de  l'Eglise. 

VI.  La  sainteté  éprouvée  dans  un  monastère 
méritait  bien  aussi  qu'on  tempérât  la  rigueur 
des  canons,  et  qu'on  accourcît  le  tem|)S  des 
interstices.  Ce  pape  n'en  relâche  pourtant 
guère;  car  il  ordonne  qu'on  ménage  les  ordres 
mineurs  aux  moines  jusqu'à  l'âge  de  trente 
ans.  Alors  on  les  fera  diacres ,  après  quoi  on 
leur  conlèrera  la  prêtrise.  Mais  du  diaconat  à 
la  prêtrise,  et  de  la  prêtrise  à  l'épiscopat,  il 
veut  absolument  qu'on  garde  les  mômes  in- 
terstices de  cinq  et  de  dix  ans,  qui  ont  déjà  été 
nianiués.  «  Ita  ut  qui  intra  tricesimum  œtatis 
annum  sunl  digni,  in  niinoribus  per  gradus 
sirigulos,  crescente  tempore  ,  [iromoveantur 
ordinibus  :  et  sic  ad  diaconatus,  vel  presby- 
terii  insignia  ,  niaturœ  œtatis  consecratione 
perveniant.  Nec  staiim  saitu  ad  e|)iscopatus 
culmen  ascendant,  nisi  in  his  eadem,  quœ  sin- 
gulis  dignitatibus  superius  pncfiximus,  tem- 
pora fuerint  custodita  (Cap.  xui).  »  C'est-à-dire 
qu'il  exige  encore  cinq  ans  d'intervalle  entre 
le  diaconat  et  la  prêtrise,  et  le  double  entre  la 
prêtrise  et  l'épiscopat. 

C'est  ce  qui  est  marqué  par  ces  paroles  : 
«  Maturœ  œtatis  consecratione  ,  »  parce  qu'il 
fallait  alors  être  âgé  de  trente  ans  pour  le  dia- 
conat, de  trente-cinq  pour  la  prêtrise,  et  de 
quarante-cinq  pour  l'épiscopat. 

Voilà  une  confirmation  bien  claire  de  ce 
que  nous  avons  dit  dans  le  chapitre  précédent, 
que  les  ordinations  irrégulières  per  salttim, 
étaient  alors  celles  où  l'on  ne  gardait  point  les 
interstices  canoniques,  pour  exercer  à  loisir 
les  fonctions  de  chaque  ordre. 

VII.  Le  pape  Zozime  n'exige  pas  moins  ri- 
goureusement cette  démarche  lente  et  mesu- 
rée dans  un  chemin  si  glissant  et  si  dangereux. 
Il  s'en  tient  au  temps  réglé  par  ses  prédéces- 
seurs,  en  sorte   qu'on  n'arrive  à  la  prêtrise 


DES  INTERSTICES  DES  ORDRES. 


535 


qu'à  lin  âge  qui  approche  de  la  vieillesse . 
puisque  le  nom  même  des  prêtres  nous  dé- 
clare que  ce  sont  les  anciens  et  les  sénateurs 
de  l'Egrlise.  «  Nec  vile  sit  exorcistani .  acoly- 
thuni,  subdiaconum,  diaconum  per  ordineni 
fieri  ;  nec  hoc  saltu,  sed  statutis  majoruin  or- 
dinafione  leniporibus.  ,Iam  vero  ad  presbyterii 
fastiginm  taiis  accédai^  ut  et  nomen  œlas  ini- 
pleat  (Epist.  i).  » 

Ce  saint  pape  témoigne  au  même  endroit 
que  l'amljition  de  quelques  évêques  était  la 
cause  de  tous  les  abus  qui  se  commettaient  en 
cette  matière. 

La  passion  démesurée  d'avoir  un  clergé  fort 
nombreux  et  d'étendre  les  limites  de  leur 
diocèse  les  portait  à  donner  les  ordres  avec 
une  facilité  et  une  préci[)itation  très-dange- 
reuse. L'exactitude  et  la  sévérité  n'est  nulle 
part  plus  nécessaire  que  dans  la  collation  des 
ordres;  rien  n'avilit  tant  le  sacerdoce  que 
la  multitude  superflue  de  clercs  et  de  prê- 
tres. Tout  ce  qui  devient  commun  perd  son 
prix. 

«  Facit  hoc  nimia  remissio  consacerdotura 
nostrorum  qui  pompam  multitudinis  qu;T- 
runt,  et  putant  ex  hac  turba  aliquid  sibi  di- 
gnitatis  ac(iuiri ,  etc.  Parochias  extendi  cu- 
piunt.  Quibus  aliud  prapstare  non  possunt  , 
divinos  honores  largiuntur  ;  quod  oportet  di- 
stricti  semper  esse  judicii.  Rarum  est  enim, 
omne  quod  magnimi  est.  » 

Voilà  les  saintes  maximes  de  l'Eglise  pour  les 
ordinations.  On  doit  y  apporter  beaucoup  de 
sévérité  pour  l'observance  des  insterstices. 
«  Oportet  districli  semper  esse  judicii.  »  On 
doit  être  persuadé  que  le  trop  grand  nombre 
de  clercs  en  diminuera  l'estime  et  la  vénéra- 
tion, a  Rarum  omne  quod  magnum  est.  »  La 
succession  de  tant  d'ordres  les  uns  après  les 
autres^  et  ces  lenteurs  affectées  dans  les  inter- 
valles, sont  des  marques  certaines  que  l'Eglise 
en  a  voulu  rendre  l'abord  difficile  et  le  pro- 
grès lent  et  mesuré. 

Aussi  ce  pape  demande  que,  si  dès  l'enfance 
on  s'est  consacré  à  la  cléricature.  on  passe  dans 
les  exercices  des  lecteurs  jusqu'à  l'âge  de  vingt 
ans  :  si  c'est  dans  un  âge  un  peu  plus  avancé 
qu'on  se  veut  engager  dans  l'état  ecclésiasti- 
que, qu'aussitôt  après  le  baptême  on  prenne 
l'ordre  de  lecteur  ou  dexorciste,  qu'on  l'exerce 
l'espace  de  cinq  ans  ;  qu'on  passe  ensuite 
quatre  années  dans  les  fonctions  d'acolyte  ou 
de  sous-diacre  ;  on  recevra  après  cela  le  diaco- 


nat, et  on  l'exercera  cinq  ans  pour  passer  en- 
suite à  la  prêtrise  et  à  l'épiscopat. 

«  Si  ab  iufantia  ecdesiasticis  ministeriis  no- 
men tk'derit ,  inter  lectores  us(|ue  ad  vicesi- 
iiiiiin  œtatis  annum  continuata  observalione 
perduret.  Si  major  jam  et  grandaevus  accesse- 
rit,  ita  taiiien  ut  post  ba[)ti<minn  statim  se 
divina'  milili;p  desideret  mancipari,  sive  inter 
lectores ,  sive  inter  exorcist;is  quinquennio 
teneatur.  Exinde  acolylhus  vel  subdiaconus 
quatuor  annis,  et  sic  ad  benedictionem  diaco- 
natus  accédât,  in  quo  ordine  quinque  annis 
hœrere  debebit.  » 

VIII.  11  semble  que  ces  papes  fassent  deux 
classes  des  ordres  mineurs,  mettant  les  lec- 
teurs et  les  exorcistes  dans  la  première  ;  les 
acolytes  et  les  sous-diacres  dans  la  seconde;  et 
ne  parlant  point  des  portiers,  mais  mettant 
toujours  le  sous-diaconat  au  rang  des  ordres 
mineurs. 

Bien  loin  de  donner  ces  ordres  mineurs  tous 
ensemble,  ils  veulent  qu'on  n'arrive  à  ceux  de 
la  seconde  classe  que  par  de  longues  épreuves 
et  un  long  exercice  des  fonctions  de  ceux  de 
la  première.  Enfin  ils  donnent  toujours  l'al- 
ternative de  prendre  l'un  ou  l'autre  des  deux 
ordres  de  chaque  classe;  ainsi  l'omission  de 
quelqu'un  de  ces  ordres  mineurs  n'a  rien  de 
dangereux,  ou  d'irrégulier  ;  mais  l'omission, 
ou  raccourcissement  du  temps  des  interstices, 
est  un  défaut  qui  leur  paraît  insupportable. 

La  raison  en  est  évidente  :  11  importe  peu 
qu'on  emploie  un  grand  nombre  d'années 
dans  les  exercices  des  ordres  mineurs,  sans  en 
omettre  aucun,  pour  se  préparer  dignement 
aux  ordres  sacrés  :  mais  il  importe  extrême- 
ment (]ue  ce  grand  nombre  d'années  soit  fidè- 
lement employé  sans  en  rien  diminuer,  soit 
dans  les  fonctions  de  tous  ces  ordres,  soit  de 
quelques-uns  seulement.  En  etiet,  ces  papes 
avaient  déjà  presque  retranché  les  fonctions 
du  portier.  Celles  des  exorcistes  ne  pouvaient 
être  que  rares.  Le  pape  Célestin  écrivit  une 
lettre  fort  pressante  aux  évêques  des  Gaules, 
sur  la  nécessité  de  ces  interstices  (Ep.  ii,  c.  3). 

IX.  Le  pape  Gélase  a  été  le  premier  qui  se 
soit  relâché  de  cette  inflexible  sévérité,  mais  il 
ne  l'a  fait  que  dans  une  nécessité  si  pressante, 
et  avec  des  précautions  si  sages,  qu'on  peut 
dire  que  sa  condescendance  même  conserve 
tout  l'esprit  des  canons  et  toute  la  rigueur  de 
ses  prédécesseurs. 

11  proteste  d'abord  qu'il  ne  souffre  la  dirai- 


536 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SIXIÈME. 


nution  des  interstices  que  dans  l'inévitable  né- 
cessité de  donner  des  minisires  à  des  églises 
qui  en  sont  entièrement  destituées.  «  Ecclesiis 
quœ  cunctis  sunt  privatfe  ministris,  vel  suf- 
ficientjbus  usque  adeo  dispoliatœ  servitiis  ut 
plebibus  ad  se  pertinenlibus  divina  munera 
supplerc  non  valeant.  » 

II  déclare  ensuite  que  la  dispense  qu'on  ac- 
corde en  faveur  de  ces  éylises  désolées  ne 
pourra  préjudicier  à  l'observation  exacte  des 
anciens  décrets  ,  liors  de  ces  cas  extraordi- 
naires. «  Priscis  pro  sui  reverentia  nianen- 
tibus  constitutis,  quœ  ubi  nulia  vel  rerum,  vel 
temporum  iieruryel  angustia,  regulariter  con- 
venit  custodiri.  » 

Enfin  il  proteste  que  ce  n'est  pas  une  nou- 
velle loi  qu'il  |iropose,  mais  une  dispense  qu'il 
donne;  que  toutes  I.s  autres  Eglises  s'en  tien- 
dront à  la  rigueur  des  anciens  décrets,  et  que 
les  Eglises  mêmes  à  ([ui  celte  dispense  n'a  pu 
être  refusée  dans  cette  nécessité  extrême,  re- 
prendront la  rigoureuse  observance  des  an- 
ciens décrets  dès  qu'elles  seront  délivrées  de 
cette  fàclieuse  nécessité. 

«  Quie  eatenus  indulgenda  credidimus,  ut 
illis  Ecclesiis,  qu:e  infestatione  bellorum,  vel 
nulla  penitus,  vel  exigua  remanserunt  mini- 
steria,  renovenlur.  Quatenus  lus  Deo  propitio 
restitutis,  in  ceclesiasticis  gradibussubrogandis 
canonum  paternorum  vêtus  forma  servetur  : 
nec  contra  eos  ulla  ratione  prœvaleat ,  quod 
pro  accidentis  detectus  remedio  providetur^ 
non  adversus  scita  majorum  nova  lege  propo- 
nitur  :  c;pteris  Ecclesiis  ab  bac  occasione  ces- 
santibus  ;  quas  non  simili  clade  vaslutas,  pri- 
stinam  faciendis  ordinationibus  convenit  tenere 
sentenliam.  » 

X.  -Après  tant  de  sages  précautions,  ce  pape 
permet  de  dispenser  les  moines  de  la  plus  grande 
partie  du  temps  des  interstices  canoniques,  en 
leur  faisant  prendre  et  exercer  seulement  du- 
rant trois  mois  l'ordre  et  l'office  de  lecteur,  ou 
de  nolnire  ou  de  défenseur  :  trois  autres  mois 
celui  d'acolyte;  trois  autres  mois  celui  de  sous- 
diacre  et  autant  de  temps  celui  de  diacre,  en 
sorte  qu'à  la  fin  de  l'année  on  les  ordonne 
prêtres.  «  Nono  mcnse  diaconus,  completoque 
anno  sit  presbyter  (Epist.  ix).  » 

Outre  la  nécessité  des  Eglises  qu'il  fallait 
pourvoir  de  ministres,  ce  pape  considérait  en- 
core que  les  longues  austérités  de  la  vie  claus- 
trale pouvaient  bien  tenir  lieu  d'interstices  à 
ces  religieux.  «  Cui  tamen  quod  annorum  in- 


terstitia  fuerant  collatura  ,  sancli  proposili 
sponte  suscepta  doceatur  prœslitisse  devotio.  » 
C'est-à-dire  qu'en  ne  prenant  que  les  plus  fer- 
vents et  les  plus  vertueux  d'entre  les  religieux 
pour  les  élever  aux  ordres,  on  trouvait  en  eux 
une  juste  compensation  de  ces  interstices  ca- 
noniques dont  on  les  dispensait. 

Aus^i  ce  pape  voulant  étendi'e  cette  dispense 
aux  laïi|ues,  il  exige  premièrement  qu'on  n'en 
ordonne  point  que  d'une  vertu  éprouvée ,  et 
(]ui  ayent  déjà  acquis  ce  degré  de  piété,  et 
celle  pureté  de  vie  où  l'on  tâclie  d'ariiver  par 
les  interstices.  «  Tanto  magis  ijuod  sacris  aptum 
possit  esse  servitiis,  in  eoruni  qu;rrendum  est 
institutis,  quantum  de  teuipore  ,  quo  fuerant 
hœc  assequenda ,  decerpitur:  ut  morum  ha- 
bere  doceatur  boc  probitas ,  quod  prolixior 
consueludo  non  conlulit.  » 

Il  exige  secondement,  qu'au  lieu  d'une  année 
qu'on  avait  destinée  aux  interstices  des  reli- 
gieux, on  prenne  dix-buil  mois  pour  les  laïques 
avant  que  de  les  élever  à  la  prêtrise,  jmisqu'il 
faut  mettre  quelque  différence  entre  les  i)er- 
sonnes  séculières,  et  celles  qui  se  sont  déjà 
consacrées  à  une  sainte  retraite.  «  Quorum 
lironiolionibus  super  anni  metas  sex  menses 
niliiloininus  subroganius  :  quoniam  distare 
convenit  inter  personam  divino  cultui  dedi- 
tim,  et  de  laicorum  conversatione  venieu- 
tem.  » 

XI.  Nous  avons  sujet  de  croire  que  la  même 
loi  des  interstices  était  rigoureusement  obser- 
vée dans  l'Orient.  Théodure,  diacre  d'Alexan- 
diie,  protesta  dans  sa  requête  au  concile  de 
(^akédoine,  qu'après  avoir  re(;u  la  cléricature 
dans  l'Eglise  d'Alexandrie ,  il  avait  attendu 
•piinze  ans  dans  l'esiiérance  d'un  ordre  su|)é- 
rieur.  «  (Juindeciin  annos  in  eodem  clero 
permansi ,  sperans  et  majorem  lionorem  me- 
reri  (Conc.  Calced.,  act.  3).  » 

Saint  Crégoire  de  Nazianze  assure  que  saint 
Atbanase  passa  par  tous  les  degrés  des  ordres 
avant  que  de  parvenir  à  l'épiscopat  (Orat.  i.  in 
Laudem  Allumas.).  On  sait  ([ue  saint  Basile 
fut  lecteur;  (jne  saint  Cbrysostome  fut  lecteur 
et  diacre  avant  que  d'être  évêque.  Mais  comme 
il  y  en  a  qui  croient  que  saint  Basile  reçut 
Tordre  de  la  prêtrise,  sans  avoir  jamais  reçu 
celui  (lu  diaconat,  il  faut  examiner  cet  excnqile 
et  (luebiues  autres  qu'on  rapporte,  pour  nous 
persuader  q'ie  l'on  a  (pielquefois  omis  le  dia- 
conat avant  la  préirise ,  et  la  prêtrise  même 
avant  l'épiscopat.  Comme  les  preuves  en  sont 


DES  INTERSTICES  DES  ORDRES. 


S37 


plus  violentes  clans  rEjj:li=e  grecque,  nouscom- 
niemerons  par  elle. 

XII.  Nous  pourrions  attribuer  à  l'Eglise  grec- 
que le  concile  de  Sirdique,  puisque  les  canons 
en  furent  répandus  enfin  et  autorisés  dans 
rOrient,  et  que  c'est  la  version  grecque  de  ces 
canons  qui  nous  a  plus  clairement  découvert 
ci-tlessus  la  nécessité  indispensable  de  passer 
par  le  diaconat  et  la  prêtrise,  avant  que  d'at- 
teindre à  l'épifcopat.  Le  canon  de  ce  concile  fut 
fait  parliculièrenient  contre  l'infâme  accusa- 
teur de  saint  Allianase,  Ischyras,  que  les  ariens 
voulurent  accréditer  en  le  faisant  évoque, 
quoiqu'il  n'eût  jamais  été  prêtre. 

Saint  Atlianase  protesta  bautement  que 
c'était  un  attentat  contre  toutes  les  lois  de 
l'église,  et  qu'Ischyras  ,  après  sa  prétendue 
oniination.  était  aussi  peu  évèque  que  prêtre  : 
a  Honiintui  ,  qui  ne  presbyler  (]uidem  erat, 
pnpter  majorum  traditionem  ,  episcopum  sci- 
licet  appellaverunt;  non  quidem  ignari ,  ne 
quidein  ipsi.  quam  boc  absurdum  esset,  sed 
promissis  redeniptœ  calumniaî  adacti  et  eliani 
il'ud  siisliiienduni  putaverunt,  etc.  Inanc  ille 
nomen  episcopi  detiuet,  etc.  Atbanas.  Apul.  u; 
Tbeodoret.,  1.  n,  c  8;  Socrat.,  lib.  i.  c.  20.)  » 

La  lettre  synodale  du  concile  de  Sardiijue, 
rapiiortée  par  Théodoret.  fait  la  même  jjrotes- 
tation  de  la  nullité  de  i'épiscopat  d'Iscbyras, 
qui  n'avait  point  été  précédé  de  la  prêtrise. 
On  ne  peut  aussi  nier  que  l'impie  Timotbée, 
qui  se  fit  ordonner  évêque  d'.\le\andrie,  après 
la  mort  inbumaine  du  bienheureux  martyr 
Protérius,  n'ait  été  ordonné  évêque  sans  avoir 
jamais  été  prêtre.  Mais  ce  fut  aussi  une  des 
raisons  pourquoi  le  concile  des  évoques  d'E- 
gypte déclara  que  son  ordination  était  nulle. 
«  Episcopus  sine  manus  impositione  existens, 
sed  neque  priorem  habens  presbyteratus  ordi- 
nem  (Conc.  Calced.,  part,  ni,  c.  22).  » 

Ces  exemples  n'auraient  pas  été  le  sujet  de 
l'horreur  et  de  l'indignation  des  Pères  et  des 
conciles,  si  l'on  n'avait  été  bien  persuadé  qu'il 
était  d'une  nécessité  indispensable  d'être  prê- 
tre avant  que  d'être  fait  évèque. 

Théodoret  a  rapporté  la  lettre  synodale  du 
concile  d'illyrie,  aux  Eglises  d'Asie,  où  il  est 
décidé  qu'on  ne  doit  élire  les  évèques  que 
d'entre  les  prêtres,  ni  les  prêtres  et  les  diacres 
que  d'entre  les  clercs  (Théodoret.,  I.  iv,  c.  8; 
Hieron.,  epist.  Lxxxr.  Saint  Jérôme  a  écrit 
dans  une  de  ses  lettres  que  dans  Alexandrie  la 
coutume  avait  été,  depuis  saint  Marc  jusqu'à 


I'épiscopat  d'Héraclas  et  de  Denys,  que  les 
prêtres  élisaient  l'un  d'entre  eux  pour  évê- 
que. 

Xlll.  Si  saint  Grégoire  de  Nazianze  ne  parle 
que  du  lectorat,  de  la  prêtrise  et  de  I'épiscopat 
de  saint  Basile,  il  n'en  faut  pas  conclure  qu'il 
n'a  jamais  été  diacre.  Socrale  parle  de  son 
ordination  au  diaconat  (Orat.  xx).  Le  silence 
de  saint  Grégoire  de  iNazianze  n'est  pas  une 
preuve  suffisante  pour  une  chose  de  si  grande 
conséquence.  11  peut  avoir  omis  le  diaconat, 
ou  parce  qu'il  l'exerça  très-peu  de  temps,  ou 
parce  qu'il  le  reçut  conjointement  avec  la  prê- 
trise, comme  nous  avons  dit  ci-devant,  que 
saint  .\mbroise  reçut  tous  les  ordres  et  I'épis- 
copat même  en  six  ou  sei)t  jours.  Le  progrès 
ordinaire,  même  des  grands  hommes,  était  de 
passer  du  lectorat  ,  c'est-à-dire  des  ordres 
niiuturs,  au  diaconat. 

Palladius  raconte  comme  saint  Chrysostome 
fut  ordonné  lecteur  après  son  baptême  et 
qu'ayant  ensuite  passé  six  ans  dans  la  solitude, 
il  revint  àAntioclie,  ou  Mélèce  l'ordonna  diacre 
(Paliad.,  in  \ita  Chrysoslom.,  c.  v,  xvl.  lien  dit 
autant  d'un  nonnné  Constance,  qui  fut  lecteur 
dès  son  enfance  et  puis  diacre. 

Il  est  vrai  que  Socrate  s'est  mépris,  quand  il 
a  dit  dans  son  livre  vi.  chapitre  m,  que  ce 
Basile  qui  fut  ordonné  diacre  par  Mélèce ,  et 
qui  fut  depuis  évêque  de  Césarée,  en  Cappa- 
doce,  était  l'ami  intime  de  saint  Chrysostome. 
Mais  sa  méprise  n'est  qu'en  ce  qu'il  confond 
l'ami  de  saint  Chrysostome  avec  l'évêque  de 
Césarée.  Ce  sont  évidemment  deux  Basile  diffé- 
rents; mais  le  diaconat  conféré  par  Mélèce 
peut  certainement  convenir  et  à  l'un  et  à 
l'autre,  et  si  l'on  examine  les  époques  de  tous 
ces  prélats,  il  ne  s'y  trouvera  rien  (jui  soit  in- 
com[iatible. 

11  est  au  reste  d'une  assez  grande  consé- 
quence de  ne  |ias  laisser  monter  saint  Basile  à 
la  prêtrise  autrement  que  par  le  diaconat,  pour 
ne  pas  laisser  échapper  ce  passage  de  Socrate, 
s'il  peut  servir  à  cela.  Mais  ce  n'est  pas  pour 
une  fois  que  Socrate  a  voulu  nous  assurer  du 
diaconat  de  saint  Basile.  U  en  parle  encore 
plus  positivement  dans  le  livre  iv,  chapitre 
XXVI,  ou  après  avoir  touché  les  combats  de 
saint  Grégoire  et  de  saint  Basile  contre  les 
ariens  il  use  de  ces  paroles  :  «  Ac  Basilius 
quidcm  primum  a  Meletio  Antiocbenfe  urbis 
episcopo  ad  officium  diaconi  promotus,  inde 
ad  patriœ  suse,  Csesareœ  scilicet  Cappadociae 


538 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SIXIÈME. 


episcopatum  evectus,  Ecclesiarum  curam  sus- 
cepit.  » 

Cet  endroit  regarde  uniquement  le  grand 
saint  Basile  et  n'a  nul  rapport  avec  l'ami  parti- 
culier de  saint  Clirysostome.  Aussi  saint  Basile 
donna  les  ordres  comme  il  les  avait  reçus,  et 
étant  venu  chercher  dans  un  monastère  un 
excellent  religieux  pour  le  faire  prêtre,  il  le  fit 
premièrement  diacre  '  Dorotlieus,  docirina  i  ; 
Coteler,  Monum.  Eccles.  Gnecœ,  p.  102). 

\IV.  Si  nous  en  croyons  Tliéodoret  dans  son 
histoire  religieuse  (Hist.  rel.,  c.  xiii) ,  Fiavien, 
évoque  d'Antioche,  ayant  été  informé  de  la 
sainteté  tout  extraordinaire  du  solitaire  Macé- 
donius,  il  le  fit  venir  à  Antioclie,  comme  pour 
l'obliger  de  se  justifier  de  quelque  accusation, 
le  fit  assister  à  sa  messe,  pendant  laquelle  il 
l'ordonna  prêtre,  sans  l'avoir  averti  de  rien. 
Tc.;;UfsO(jivÈ-Y)caTax=-y£i.  Ce  bon  hon)me  ayant  appris 
son  ordination  de  ceux  qui  étaient  ])résents  ,  il 
les  chargea  d'injures,  voulut  frapper  révè(iue 
même  de  son  hàlon,  et  s'en  retourna  dans  sa 
solitude ,  ayant  le  cœur  percé  de  douleur. 
Comme  on  le  pressait  le  dimanche  suivant  de 
se  trouver  à  la  cêlchralion  des  saints  mystères, 
il  refusa  en  demandant  si  on  voulait  encore 
une  fois  le  faire  prêtre,  npopàxxssaai  TCpEuiiûTspov. 

Un  autre  solitaire  ,  nommé  Acepsimas  , 
ayant  prédit  qu'il  devait  mourir  après  cin- 
quante jours,  l'évêque  du  lieu  vint  pour  l'or- 
donner prêtre  ;  il  i)rotesla  (ju'il  n'y  consentait 
que  parce  qu'il  savait  bien  que  la  mort  le  déli- 
vrerait bientôt  d'une  si  pesante  et  si  périlleuse 
charge  (Ibid.  c.  xv,  xvi).  Il  reçut  l'ordre  de  prê- 
trise, et  mourut.  C'est  là  encore  un  exemple 
des  ordres  donnés  à  des  personnes  saintes, 
sans  dessein  et  sans  espérance  qu'ils  les  exer- 
çassent jamais. 

L'histoire  du  saint  reclus  Salamane  est  encore 
plus  étrange.  Il  menait  une  vie  très-pénitente 
dans  une  cellule  murée  de  tous  côtés,  sans 
porte  et  sans  fenêtre.  L'évê(iue  de  la  ville  voi- 
sine fit  faire  une  ouverture  à  la  muraille,  lui 
imposa  par  là  les  mains  et  l'ordonna  prêtre. 
Mais  après  cela  n'ayant  pu  tirer  de  lui  une 
seule  parole,  il  fit  refermer  le  trou,  et  s'en 
retourna. 

Nous  pourrions  ajouter  l'exemple  du  saint 
anachorète  Abraham  ,  que  l'évêque  du  lieu 
obligea  de  sortir  de  sa  cellule,  de  recevoir  le 
sacerdoce  et  de  prendre  la  conduite  d'ime  pa- 
roisse. «  Educens  eum  de  cellula  efiiscopus  in 
civitatem  introduxit;  ibique  per  impositionem 


manuum  preshyter  ordinatus,  etc.  (Vita  Pa- 
trum,  fiosveid.,  p.  tid;.  »  Oiigène  passant  par 
la  l'ulcstine,  n'étant  encore  (juc  laïque,  fut  or- 
donné prêtre  parles  évêques  du  pays,  au  rap- 
port d'Eusèbe  (Eusehius.,  1.  vi,  c.  23). 

XV.  Mais  quelque  pressants  que  semblent 
ces  exemples,  ils  n'ont  rien  de  convaincant. 
Car  il  n'y  en  a  pas  un  seul  où  en  termes  for- 
mels on  marque  l'omission  du  diaconat.  On 
peut  donc  croire,  et  c'est  le  plus  sûr,  que  dans 
les  dilfi'reuls  endroits  de  la  même  messe,  qui 
sont  désignés  poiu'  cela,  on  donnait  première- 
ment le  diaconat,  et  ensuite  la  prêtrise,  quoi- 
que les  auteurs  u'ayent  parlé  (pie  de  la  prê- 
trise, parce  qu'on  sait  bien  (|ue  le  diaconat  est 
un  degré  |iar  lequel  il  y  faut  monter. 

Pour  justifier  cette  réponse,  je  rapporterai 
l'exemple  de  saint  E[)ipliane,  lequel  ayant  pro- 
testé plusieurs  fois  à  l'évêque  Pappus  qu'il 
n'était  pas  encore  clerc,  cet  évêciue  ne  laissa 
pas,  dans  la  célébration  d'une  seule  messe,  de 
l'ordonner  diacre,  prêtre  et  évêque  (Vita  Epi- 
phan.  apud  Surium,  Maii  die  xn,  c.  3).  «  Eum 
itaque  ordinal  diaconum  ;  et  rursus  dat  ei 
pacem,  et  ipsum  ordinal  presbyterum.  Rursus 
sit  cousequcntia,  et  eum  ordinal  episcopum.  » 
Le  terme  de  «  consequentia  »  iwXou6ia  ,  signifie 
la  continuation  de  la  messe. 

Si  la  vie  de  saint  Epiphane  n'est  pas  à  l'é- 
preuve des  critiques,  voici  un  autre  exemple 
du  même  sujet,  où  les  plus  sévères  censeurs 
ne  trouveront  rien  à  redire.  Saint  Epiiihane 
nous  apprend  lui-même  qu'il  conféra  le  dia- 
conat et  la  prêtrise  à  Paulinien,  frère  de  saint 
Jérôme,  en  une  seule  messe.  «  Ignorantem 
eum,  et  nullam  penitus  habentem  suspicionem, 
per  multos  diaconos  apprehendi  jussimus,  et 
tencri  os  ejus,  etc.  Et  primum  diaconum  ordi- 
uavimus,  et  compellentes  eum  ministrare,  etc. 
Et  eum  ministraret  in  sanctis  sacrificiis  rursus 
euni,ingenti  difficultate,  lento  ore  ejus,  ordina- 
vimus  presbyterum  (Epist.  lx,  inter  Epist.  Hie- 
ron.).  » 

Saint  Jérôme  ne  laisse  pas  de  dire  que  son 
frère  fut  ordonné  y)rêtre  par  saintEpiphane.  Et 
saint  Eiiiiihane  dit  lui-même  qu'on  n'avait 
besoin  que  d'un  prêtre  dans  ce  monastère  où  il 
ordonna  Paulinien  premièrement  diacre,  et 
puis  iirêtre. 

11  faut  donc  conclure  qu'on  ne  laissait  pas  de 
donner  le  diaconat,  (pioiqu'on  n'eût  besoin 
que  d'un  prêtre,  et  de  conférer  la  iirétrise  à 
ceux  qu'on  voulait  en  même  temps  faire  évè- 


DES  INTERSTICES  DES  ORDKES. 


539 


ques.  Enfin,  ipiand  on  aurait  (|uel(]iiofois  omis 
le  diaconat,  ou  la  prêtrise,  ce  stMaicnt  des  laits, 
et  non  i)as  des  lois;  ce  seraient  ijeul-èlrc  (!(  s 
abus ,  et  non  pas  des  exemples.  Tliooiloicl 
témoigne  lui-même,  en  racontant  ITiisloire  du 
solitaire  Macédonius,  (jue  ce  récit  ne  plaira  |ias 
à  tout  le  monde. 

XVI.  Il  faut  a  [ii'u  près  dire  la  même  chose 
d'une  autre  sorte  d'exemples,  aussi  jieu  imi- 
tables. 

Saint  Grégoire  de  Nysse  semble  dire  dans  la 
vie  de  saint  C.régoircTliaumaturge,  (ju'il  fut  or- 
donné évèqiie  de  Néocésarée  par  IMiediiie, 
évéque  d'Amasée,  quoiqu'il  fût  éloigné  de  lui 
de  l'espicc  de  trois  journées.  On  conte  aussi, 
que  Daniel  Styiite  fut  ordonné  prêtre  |)ar 
Gennadiu^,  patriarche  de  Constantinople,  pres- 
que en  la  même  manière.  Ce  sont  des  faits 
paiticuliers  (pii  tiennent  be:iucou|)  du  merveil- 
leux, mais  qui  n'ont  rien  d'imitable.  Les  lois 
l'emporteront  toujours  sur  les  exemples,  et  les 
exemples  seront  toujours  au  moins  douteux 
et  suspects  quand  ils  seront  contraires  aux  lois. 

Il  faut  ajouter  à  cela  que  la  prière  de  l'he- 
dinc  ne  fut  que  comme  une  destination  de 
Grégoire  au  sacerdoce,  qu'il  lui  conféra  ensuite 
lui-même  en  supidéant  toutes  les  cérémonies 
saintes  qui  avaient  manqué.  C'est  le  sens  de 
ces  paroles  de  saint  Grégoire  de  Nysse,  dans  la 
vie  qu'il  a  écrite  de  saint  Grégoire  le  Thau- 
maturge.    nxvTwv  Ttbv  v&u.caâ>v  £v  auTw  T£X£(j7aTwv.    Ce 

père  se  sert  presque  des  mêmes  termes,  pour 
décrire  la  consécration  d'Alexandre  le  char- 
bonnier, que  le  même  Grégoire  le  Thauma- 
turge ordonna  évèque. 

XVII.  Laissons  celte  digression  pour  revenir 
aux  autres  ordinations,  qu'on  prétend  avoir 
été  faites  avec  omission  de  l'un  des  ordres 
hiérarchiques.  On  nous  propose  les  exem- 
ples de  saint  Barnabe,  de  Silas,  de  Barsabas, 
de  Tite,  de  Timolhée,  et  de  tant  d'autres 
hommes  aposloliijues  qu'on  croit  avoir  été  tout 
d'un  coup  ordonnés  évoques,  sans  passer  par  le 
diaconat,  ni  même  par  la  prêtrise.  11  est  aisé 
de  répondre  que  ce  ne  sont  que  des  conjec- 
tures, puisque  les  saintes  lettres  ne  disent  rien 
sur  ce  sujet  de  clair  et  de  [)récis. 

C'est  donc  le  meilleur  pour  ne  point  s'égarer, 
de  se  tenir  dans  le  sentiment  commun  et  de 
croire  que  l'usage  de  l'Eglise  est  le  plus  fidèle 
interprète  des  institutions  apostoliques.  Or 
nous  avons  vu  dans  l'Eglise  grecque,  et  nous 
Talions  ,voir  encore   bien    plus    évidemment 


dans  l'Eglise  latine,  qu'on  n'a  donné  la  prê- 
lris(;  (pi'a  des  diacres,  ni  l'épiscopat  qu'à  des 
pleins. 

S  il  se  trouvait  des  personnes  qui  ne  fussent 
pas  pleinement  satisfaites  de  celte  réponse,  il 
n(!  leur  en  resterait  point  d'autre  pour  résou- 
dre cette  difficulté,  que  de  dire  (|ue  les  apôtres, 
dans  ces  premiers  commencements,  avaient 
t\u  'Iquefois  commnniciué  le  sacerdoce  en  la 
même  manière  qu'ils  l'avaient  reçu  eux-mêmes 
du  Fils  de  Dieu,  c'est-à-direqu'ils  en  avaient  tout 
d'un  coup  répandu  toute  laiilénitude,  en  don- 
nant répi;copalaceux(|ui  n'avaient  reçu  aucun 
des  ordies  inférieurs.  Mais  outre  que  cette  doc- 
trine est  hardie,  et  cpie  par  cette  raison  nous 
ne  |iou\ons  nous  résoudre  à  la  suivre,  il  ne 
nous  paraît  nullement  nécessaire  de  rien  ajou- 
ter à  la  solution  (|ue  nous  avons  a|iportée. 

XVIII.  Je  ne  puis  passer  sous  silence  l'ima- 
gination ingénieuse  d'un  auteur  grec,  rapporté 
par  Bosveidus  de  l'ancienne  traduction  latine  de 
Ji  an,  sous-diacre  de  l'Eglise  romaine  (Rosveid. 
Vitœ  Pair.,  p.  698).  Il  n'est  rien  de  mieux  ima- 
giné que  ce  que  cet  auteur  dit,  pour  montrer 
(]ue  le  Fils  de  Dieu  a  exercé  sur  la  terre  toutes 
les  fonctions  des  ordres.  «  Factus  est  lector, 
acci|)iens  libruin  legit  in  synagoga.  Factus  est 
subiliaconus,  faciens  nani{|ue  de  fune  flagel- 
lum,  oinnes  ejecit  de  templo,  oves  et  boves, 
etc.  Factus  est  diaconus.  Pr;ccingens  namque 
se  linteo,  lavit  pedes  discipulorum.  Factus  est 
presbyter,  et  resedit  in  medio  magistrorum 
docens.  Factus  est  episcopus.  Et  accipiens 
panem  benedixit  ac  fregit.  » 

Une  critique  rigoureuse  ne  serait  pas  de  sai- 
son pour  des  choses  si  bien  imaginées  :  mais 
il  serait  bien  aisé  aussi,  en  prenant  cette  façon 
de  raisonner,  de  faire  passer  tous  les  hommes 
apostoliques  par  tous  les  ordres. 

XIX.  Finissons  ce  chapitre  par  la  constance 
de  l'Eglise  latine  à  ne  donner  l'épiscopat  qu'à 
des  ])rêtres,  ni  la  prêtrise  qu'a  des  diacres. 

Les  décrets  qui  ont  été  allégués  dans  ce  cha- 
pitre et  dans  les  précédents,  des  papes  Sirice, 
Innocent,  Zozime,  Célestin,  Gélase,  ont  gardé 
une  uniformité  admirable  en  ce  point.  Ils  ont 
donné  le  choix  et  l'alternative  de  tous  les 
ordres  inférieurs  en  y  comprenant  même  le 
sous-diaconat,  il  n'y  en  a  aucun,  dont  ils  n'ayent 
toléré  l'omission  en  particulier  ;  mais  pour  les 
trois  ordres  suiiérieurs,  il  ont  toujours  très- 
nettement  décidé  qu'on  n'en  pouvait  omettre 
aucun. 


MO 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SIXIÈME. 


Les  lois  étaient  si  claires,  les  exemples  même 
(le  saint  Ambroise  et  de  P.iulinien,  frère  de 
saint  Jérôme,  étaient  si  évidents,  il  ne  faut  pas 
se  laisser  entraîner  dans  un  sentiment  con- 
traire ,  par  des  conjectures  fondées  sur  des 
suppositions  arbitraires.  Saint  Paulin,  après 
avoir  dit  que  le  bienheureux  martyr  Félix  avait 
été  premièrement  lecteur ,  puis  exorciste,  le 
fait  aussitôt  monter  au  sacerdoce. 

Il  ne  serait  ni  nouveau,  ni  surprenant  qu'on 
eût  exprimé  le  diaconat  et  la  prêtrise  par  le 
sacerdoce,  comme  il  a  été  dit  ci-devant.  11  y  a 
bien  plus  de  difficulté  dans  ce  que  saint  Paulin 
raconte  de  lui-même,  qu'il  fut  fait  prêtre  par 
la  violence  (luetout  le  peuple  de  lîarcelone  lui 
fit,  quoiqu'il  eût  toujours  souhaité  de  com- 
mencer par  l'ordre  le  plus  bas,  et  par  l'office  le 
plus  humble  de  l'Eglise.  «  Repentina  vi  multi- 
tudinis  corrcplus ,  et  |)resbyleratu  iniliatus 
sum,  fateor  inxitus;  non  fastidio  loci;  quia  et 
ab  œditui  noniine  et  offlcio  optavi  sacram  inci- 
pere  servituteni  (Carm.  iv).  »  Possidius  en  dit 
presque  autant  de  saint  Augustin  :  «  Soitbat  lai- 
cus  ab  eistantumEcclesiis,  quœ  non  habebant 
episcopos ,  suam  abslinere  |)i;efenti;un,  etc. 
Euin  ergo  tenuerunt,  episcopoordinandum  in- 
tulerunt,  etc.  Factus  ergo  presbyter,  etc.  » 
Pontiiis  dit  (pie  saint  Cyprien  fut  ordonné  i)rê- 
tre  et  évéque  sans  |iarler  des  autres  ordres. 
«  Presbylerium  et  sacerdotiuni  simul  accepit 
(Epist.  ad  SeviMiim).  » 

Si  saint  Cvprien  reçut  en  même  temps  la 
prêtrise  et  l'épiscopat,  pourquoi  ne  croira-t-on 
pas  qu'on  recevait  aussi  le  diaconat  et  la  prê- 
trise dans  une  même  messe?  Et  si  suint  Cyprien 
fut  ordonné  prêtre  et  aussitôt  après  évêqne, 
pourquoi  ne  dirons-nous  pas  de  même  de  Céci- 
lien,  évêqne  de  la  même  ville  de  Carlhage, 
(pioiijue  Oiilat,  évêque  de  Milève,  dise  simple- 
ment qu'étant  diacre  il  fut  ordonné  évêcpie. 
0  SuIVragio  tolius  populi  CiTcilianus  eligilur,  et 
manus  imponcnte  Felice  Aptungilano  episco- 
pus  ordinatur  (L.  i).  » 

Cécilien  lui-même  voyant  que  les  donatistes 
décriaient  son  ordination  conune  nulle,  les 
conviait  de  le  venir  ordonner,  puiscjue  selon 
leur  pensée  il  n'était  encore  que  diacre,  a  Ite- 
rum  a  CiPciliano  mandatum  est,  ut  si  felix  in 
se,  sicut  illi  arbitraiiaiitni-,  niliil  coriluiisset, 
ipsi  tanquam  adliuc  diaconum  ordinarcnt 
Cœcilianum.  » 

Mais  en  tout  cela  il  n'y  a  rien  qui  dise  affir- 
mativement ([ue  le  diacre  Cécilien  ne  hil  point 


ordonné  prêtre  dans  la  même  solennité  où 
immédiatement  après  il  fut  ordonné  évêque. 
Ces  exem|des  et  ces  arguments  négatifs,  fondés 
sur  le  silence,  ne  peuvent  balancer  ni  les  ca- 
nons et  les  décrets  positifs ,  qui  ordonnent 
très-expressément  et  très-clairement  de  ne 
jamais  omettre  aucun  des  ordres  supérieurs, 
cpiand  on  passe  à  ceux  qui  sont  plus  élevés,  ni 
les  exemples  contraires  où  il  a  été  expressément 
remarqué  que  quoiqu'on  eût  élu  un  diacre 
évêque,  on  lui  donnait  la  prêtrise,  et  quoiqu'on 
eût  élu  un  laïque  prêtre,  on  lui  conférait  le 
diaconat. 

Saint  Jérôme  est  encore  un  de  ceux  qu'on 
s'imagine  avoir  été  ordonné  prêtre,  sans  passer 
par  le  diaconat.  Cela  est  d'autant  moins  vrai- 
semblable, que  ce  savant  Père  i»arlant  du  prêtre 
Népolien,  dit  qu'il  avait  été  ordonné  prêtre 
a|)rès  avoir  i)assé  par  tous  les  ordres  et  par 
tous  les  degrés  ordinaires.  «Fit clericus,  et  per 
solitos  gradus  presbyter  ordinatur  (Epist.  ad 
Heliodor.).  » 

XX.  Photius  raconte  à  la  vérité  qu'il  y  avait 
des  pays  dans  l'Orient  où  il  était  libre  et  indif- 
férent de  conférer  l'épiscopat  à  des  prêtres  ou 
à  des  diacres  sans  les  faire  prêtres.  «  Si  quis 
apud  nos  presby  terii  consecrationem  prœteriens, 
episcopi  honore  diaconum  alTecerit,  utpolequi 
maxime  dellipierit,  condemnalur.  Quibusdam 
vero  jiari  ducitur  loco,  e  presbytère  provehere 
cpiscopiun,  et  e  diacono,  médium  transilienti- 
bus  ordinem,  ab  ei)iscoi)i  abripere  dignitatem 
(Barouius,  an.  801,  n.  Ai).  » 

Photius  n'aurait  pas  parlé  de  la  sorte,  si  étant 
aussi  versé  (pi'il  était  dans  la  lecture  de  l'anti- 
quité, il  eût  reconnu  que  les  anciens  Pères  de 
l'une  ou  de  l'autre  Eglise  ne  désapprouvaient 
pas,  et  pratiquaient  eux-mêtncs  quelquefois 
cette  sorte  d'ordinations  désultoires.  Ce  ne  fut 
que  fort  tard  (jue  les  Crées  reprochèrent  aux 
Latins  ces  ordinations  désordonnées  de  faire  des 
évèiiues  qui  n'eussent  jamais  été  prêtres  et  des 
prêtres  à  qui  on  n'eût  jamais  conféré  le  diaco- 
nat. Mais  par  ces  reproches  injustes,  les  Grecs 
ne  laissèrent  fias  de  faire  voir  combien  kur 
Eglise  avait  toujours  été  éloignée  de  cette  pra- 
tique, et  pour  ce  qui  regarde  les  Latins,  ils  se 
lavèrent  sans  peine  de  cette  fausse  accusa- 
tion [l). 


(1)  Le  concile  de  Trente  a  prescrit  que  les  interstices  entre  chaque 
ordre  sacré  devaient  être  d'un  an.  Pour  les  ordres  mineurs,  il  suffit 
qu'ils  soient  d'une  ordination  générale  à  une  autre.  Les  évèques  ont 
le  pouvoir  de  dispenser  leurs  sujets  des  interstices.  Grégoire  XIU  accorda 


DR  LA  TONSURE  CLÉRICALE. 


511 


CHAPITRE   TRENTE-SEPTIEME. 


DE   LA   TONSURE   CLÉRICALE   PENDANT  LES   CINQ   PREMIERS  SIÈCLES. 


I.  Liaison  des  matières  traitées  et  à  traiter. 

II.  Durant  les  quatre  ou  cinq  premiers  siècles  on  n'obligeait 
les  clercs  qu'à  pniler  les  cheveux  courts.  Le  temps  des  persé- 
cutions ne  souffrait  ni  la  couronne,  ni  aucune  singularité.  Saint 
Pierre  n'ordonna  rien  de  plus. 

m.  Ni  saint  Paul,  ni  le  pape  Anicel,  quoiqu'on  ait  pris  de  là 
occasion  de  rendre  celui-ci  auteur  de  la  couronne  des  clercs. 

IV.  Jusrement  d'Amalarius  sur  cela,  approuvé  par  Baronius. 
Comment  on  peut  atlribuer  à  ces  apôtres  et  à  l'Eglise  romaine 
la  tonsure  et  la  couronne  des  clercs. 

V.  Preuves  d'Optat,  qu'on  ne  portait  point  encore  de  conronne. 

VI.  Autre  preuve  tirée  de  saint  Jérôme. 

VII.  Preuves  tirées  des  auteurs  profanes. 

VIII.  Exemples  de  nos  saints  évéques. 

IX.  Quelle  était  la  couronne  des  évéques  par  laquelle  on  les 
conjurait. 

X.  Preuves  tirées  du  concile  IV  de  Cartilage. 

XI.  Usage  des  moines  de  porter  les  cheveux  longs. 

XII.  D'autres  moines  plus  mortifiés;  s'en  rasent  une  partie  pour 
se  rendre  méprisables  au  monde,  et  le  clergé  les  imite. 

XIII.  La  couronne  n'a  donc  commencé  qu'au  cinquième  siècle. 

XIV.  Sommaire  de  la  discipline  des  Eglises  grecques  sur  cette 
matière. 


L  Les  trois  questions  que  nous  venons  de 
résoudre  n'avaient  été  excitées  qu'à  l'occasion 
de  celle  qui  concernait  les  clercs  à  simple  ton- 
sure, sans  ordre  et  sans  office.  11  faut  revenir  à 
la  même  question,  et  conûrmer  ce  qui  en  a  été 
dit  par  cette  considération  nouvelle  et  impor- 
tante, qu'il  n'y  avait  point  encore  dans  les 
quatre  ou  cinq  premiers  siècles  de  tonsure,  ou 
d'habit  propre  aux  clercs,  qui  les  distinguât 
généralement  des  laïques.  11  résulte  manifeste- 
ment de  là  qu'on  ne  peut  pas  même  penser 
qu'il  y  eût  des  clercs  qui  ne  fussent  clercs  que 
par  la  réception  de  la  tonsure  et  de  l'habit 
ecclésiasticiue. 

Ce  sont  donc  là  les  deux  sujets  que  nous 
avons  à  traiter  présentement.  Après  avoir  parlé 
des  habits  communs  des  clercs,  nous  ne  pour- 
rons nous  dispenser  de  dire  quelque  chose  de 


ceux  qui  n'étaient  en  usage  que  dans  l'Eglise. 
Nous  commencerons  par  ce  moyen  de  faire 
connaître  les  devoirs  en  général  des  ecclésias- 
tiiiues,  en  les  obli:.'eant  de  se  distinguer  par 
la  modestie  de  leurs  cheveux  et  de  leurs  habits. 
Cela  nous  engagera  à  traiter  de  deux  autres 
obligations  des  clercs,  au  moins  de  ceux  qui 
sont  dans  les  ordres  mnjeurs,  savoir  de  la  réci- 
tation de  l'office  divin  et  du  célibat. 

Après  avoir  éclairci  ces  quitre  devoirs  qui 
sont  communs  à  tous  les  bénéficiers,  nous  des- 
cendrons à  une  division  plus  jiarliculière  de 
tous  les  bénéfices  par  les  offices  et  les  églises 
oii  ils  sont  attachés,  n'ayant  jusqu'à  présent 
considéré  (]iie  celle  ()ui  vient  des  ordres. 

11.  Nous  disons  donc  qu'il  est  bien  plus  pro- 
bable, selon  le  savant  M.  Kallier,  de  qui  nous 
faisons  gloire  de  suivre  ici  les  sentiments,  que 
durant  les  quatre  ou  cinq  premiers  siècles,  les 
clercs  n'eurent  qu'une  obligation  encore  plus 
particulière  que  les  autres  fidèles,  de  ne  point 
porter  les  cheveux  trop  longs;  mais  qu'on  ne 
parlait  point  encore  ni  de  porter  une  couronne, 
ni  de  raser  une  partie  de  la  tète.  Quelle  appa- 
rence y  a-t-il  que  les  ecclésiastiques  affectassent 
une  marque  si  publique  de  leur  état  et  de  leur 
profession  en  un  temps,  oit  au  contraire  ils 
étaient  le  plus  souvent  obligés  de  se  cacher 
pour  ne  pas  attirer  sur  eux  et  sur  toute  l'Eglise 
l'orage  d'une  sanglante  persécution. 

Si  Grégoire  de  Tours  dit  que  ce  fut  saint 
Pierre  qui  obligea  les  chrétiens  de  couper  leurs 
cheveux  :  «  Petrus  apostolus  ad  humilitatem 
docendam,  caput  desuper  tonderi  instituit;  »  il 
parle  généralement  de  tous  les  fidèles  ,  et  non 
pas  des  ecclésiastiques  seuls.  Aussi  cette  obliga- 


aux  rel'.gieuï  de  la  compagnie  de  Jésus  le  privilège  de  pouvoir  se 
faire  ordonoer  sans  garder  les  interstices,  même  pour  la  prêtrise, 
même  sans  avoir  eu  le  temps  d'exercer  l'ordre  précèdent,  en  toiu 
temps  et  par  tout  évcque  quelconque  en  communion  avec  te  Saint- 
Siège.  Clément  VIlî,  par  la  coDstilution  Batio  postoraîis^  accorda 
cette  faveur  aux  Frères-Mineurs.  Au  commencement  du  xvius  siècle, 
Benoit  XllI  publia  la  constitution  Preliosus  pour  communiquer  ce 
privilège  aux  Frères-Précheurs  et  à  quelques  autres  ordres.  Enfin, 
voulant  mettre  un  terme  à  ces  concessions,  Benoit  XIV  fit  paraître  la 
constitution  Impositif  déclarant  que  parmi  tes  réguliers  U  n'y  avait 


que  ceux  qui  étaient  nommément   désignés  dans  les  bulles  de  ses 
prédécesseurs  qui  pourraient  jouir  de  ces  privilèges. 

La  dispense  des  interstices  des  ordres  mineurs  n'exige  qu'une  rai- 
son quelconque  laissée  à  la  prudence  de  l'évèque,  de  façon  que  dans 
la  même  ordination,  un  clerc  peut  recevoir  les  quatre  ordres  mi- 
neurs. Pour  dispenser  des  interstices  entre  les  ordres  sacrés,  il  faut, 
disent  tous  les  canonistes,  «  causam  necessitatis  aut  utilitatis  Eccle- 
siœ.  o  Le  vicaire  capltulaire  a  le  pouvoir  d'accorder  dispense  des 
interstices.  (Dr  André.) 


542 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SEPTIÈME. 


tion  ne  regarde  que  la  modestie  des  cheveux, 
sans  dire  un  seul  mot,  ni  d'eu  raser  une  partie, 
ni  d'en  former  une  couronne  (De  gloria  Mart., 
1.  I,  c.  28  . 

m.  11  eut  pu  dire  que  saint  Paul  avait  lait 
la  même  ordonnance  avec  encore  plus  de  cer- 
titude T  Corinlli.  ii,  1  i'.  Car  ce  divin  apôtre, 
parlant  aussi  à  tous  les  tidôles,  leur  remontrait 
ce  que  la  nature  même  nous  apprend  :  Qu'il 
est  aussi  honteux  aux  lionimes  de  nourrir  une 
grande  chevelure,  (ju'il  est  glorieux  aux  fenimes 
de  le  faire.  «  Nec  ipsa  natura  vos  docet,  quod 
vir  quidem  si  comam  nutriat,  ignominia  est 
ilH.  Mulier  vero  si  comiun  nutriat,  gloiia  est 
illi.  »  Le  livre  pontifical  attribué  à  Damase, 
approprie   plus    particulièrement    aux    clercs 
cette  obligation,  et  en  fait  un  décret  du  pape 
Anicet.  «  Constiluil,  ut  ciericus  comam  non 
nutriat  sccundum  |)r;eceptum  apostolicum.  » 
Autant  que  ce  récit  et  ce  décret  ont  de  vrai- 
semblance par  la  conformité  qu'ils  ont  avec  la 
discipline  dece  temps-là,  iMiis(jne,  comme  nous 
l'avons  vu,  cette  obligation  n'allait  pas  alors 
pins  loin,  et  que  d'ailleurs  on  sait  bien  qu'une 
partie  des  devoirs  (|ui  avaient  été  au  connnen- 
cement  comnmns  à  tous  les  fidèles  devinrent, 
pai'  leur  négligence,  avec  le  tcmiis,  jiroprcs  et 
particuliers  aux  clercs  :  autant  est  éloigné  de 
la  vraisemblance  même  l'autre  décret,  qu'on 
attribue  au  même  Anicet,  pai'  lequel  les  clercs 
eussent  dès  lors  lité  obligés  à  raser  une  parlie 
de  leurs  cheveux  en  forme  de  couronne.  «  Ut 
juxta  Aposlolum  comam  non  nutriant,  sed  desu- 
jier  cajint  in  uioduni  spluerie  radani;  quiasicut 
discreti  esse  in  conversatione  debent,  ita  et  in 
tonsura  et  in  hibitu  discreti  debent  apparere.  » 
Cela  est  tiré  d'une  leltce  de  ce  jiape  aux  é\ê- 
ques  des  Gaules.  On  est  maintenant  persuadé 
de  la  supposition  de  toutes  ces  lettres  fausse- 
ment attribuées  aux  pajies  qui  ont  vécu  avant 
Sirice.  Mais  on  voit  bien  que  le  fabricateur  de 
cette  lettre  prétendue  d'Anicet  a  pris  occasion 
de  ce  qui  est  dit  dans  l'abiégé  de  sa  vie,  comme 
nous  l'avons  rapporté,  que  ce  pape  enjoignit 
aux  clercs  de  couper  les  cheveux;  d'y  ajouter 
qu'ils  en  raseront  ime  parlie  pour  faire  une 
espèce  de  couronne.  De  même  que  saint  Pierre 
ayant  seulement  ordonné,  selon  Crégoire  de 
Tours,  qu'on  portât  les  cheveux  courts,  «Caput 
desupiu-  tonderi,  »  on  lui  a  faussement  atliibué 
l'institution  de  la  couronne  cléricale. 

IV.  Amalarius  a  parlé  fort  sagement,  quand 
il  a  écrit  que  ceux  qui  font  saint  Pierre  l'auteur 


de  la  couronne  cléricale,  ne  sont  pas  d'une  si 
grande  autorité  qu'il  faille  les  en  croire  sur 
leur  parole.  Mais  qu'il  est  certain  que  c'est 
(|uel(|u"un  de  ses  successeurs;  enfin  que  c'est 
l'Eglise  romaine  qui  a  autorisé  cet  usage. 

Voici  ses  paroles  rapportées  et  approuvées 
par  le  cardinal  Baronius.  «  Interrogatur  ab  ali- 
«luibus,  quis  primus  tonsus  sit  more  nostro? 
Legi  in  Epistola  cnjusdam  \iri,  Petrus.  Sed 
quia  non  tantœ  autoritatis  est,  ut  ex  illa  fir- 
mare  valeamus  nostram  sententiam,  maluimus 
eam  silentio  prœterire.  Non  tamen  abs  re  est, 
si  dixerimus  illum,  vel  ali(|uem  ejus  successo- 
rem  primo  fuisse  lonsum  nostro  more,  quo- 
niani  ab  illa  Ecclesia  sumptus  est  talis  usus, 
in  qua  illi  sederunt  Baronius,  an.  Christ,  lvui, 
n.  13(1;  Amalarius,  de  div.  Offlc,  c.  v).  » 

Ce  que  le  même  Amalarius  ajoute,  est  d'une 
sagesse  encore  plus  grande,  savoir  :  qu'il  ne 
faut  pas  se  donner  la  gêne  pour  trouver  dans 
les  décrets  de  quehiue  i)ape  l'institution  de  la 
tonsure  et  de  la  couronne  cléricale,  puiscjne 
l'Eglise  |)rati(|ue  tant  d'autres  choses,  dont  on 
ne  ])i'ut  trouver  ni  le  commencement,  ni  l'au- 
teur, et  dont  on  ne  doit  [lointclierchirr  d'autre 
plus  solide  fondement  que  l'autorité  inébran- 
labl(!  et  élernelle  de  l'Eglise  même  dans  tous 
les  siècles.  «  Sed  quid  ad  nos,  cum  mulla  aga- 
mus  ex  consuetudine  prœsentis  Ecclesia;,  quo- 
rum autores  non  [)erferuntur  sptcialittr.  »  Et  il 
est  vnii  (|ue  dansées  sortes  de  choses  mêmes, 
on  aime  naturellement  de  s'appuyer  sur  l'auto- 
rité (les  grandes  églises  (|ui  donnent  toujours 
certainement  du  jjoids  et  du  crédit  aux  choses 
mêmes,  dont  la  première  oiigine  ne  vient  jias 
d'elles. 

V.  On  peut  dire  néanmoins  qu'on  ne  s'est  pas 
tout-à-fait  trompé,  lorsque  dans  les  siècles  sui- 
vants on  a  attribué  à  saint  Pierre  et  à  saint 
Paul  linslitution  de  la  tonsure  cléricale,  puis- 
(pie  CCS  bienheureux  apôtres  ont  obligé  les 
liilèles,  et  encore  plus  par  conséiiuent  les  ecclé- 
siastiijues,  à  une  grande  modestie  dans  les 
cheveux,  et  que  la  tonsure  clei  icale  des  (|uatre 
ou  cinq  premiers  siècles  n'a  élé  autre  chose. 
Ceux  ()ui  leur  ont  attribué  une  couronne  de 
cheveux  rasés,  ont  fait  parler  aux  premiers 
siècles  le  langage  de  leur  temps. 

Si  les  clercs  eussent  porté  dans  le  quatrième 
siècle  une  tonsure  cléricale,  non-seulement  en 
coupant  leurs  cheveux,  ce  que  nous  accordons, 
et  ce  qui  leur  était  commun  avec  les  plus  ver- 
tueux d'entre  les  fidèles,  et  avec  ceux  mêmes 


DE  LA  TONSURE  CLERICALE. 


113 


d'entre  les  païens  qui  faisaient  gloire  de  modes- 
tie; mais  en  se  faisant  aussi  raser  le  haut  de  la 
tête,  en  quoi  consiste  principalement  la  ton- 
sure cléricale;  Opiat,  évè(]ue  de  Milève,  n'eut 
pas  re()roclié  au.v  donatistes  d'avoir,  par  une 
violence  et  un  emportement  étrange,  outragé 
nos  prêtres  et  nos  évê(|ues  en  leur  rasant  la 
tète.  «  Dicite  ubi  vobis  inandafum  sit,  radere 
capita  sacerdotibus,  cuni  e  contrario  tôt  sint 
exempta  proposita  fieri  non  debere.  » 

Je  ne  sais  si  les  donatistes  rasaient  les  prêtres 
et  les  évèques  catboliques,  pour  les  exposer 
simplement  à  la  risée  et  au  mépris,  ou  pour  les 
mettre  en  pénitence,  sachant  bien  que  la  péni- 
tence était  inconciliable  avec  lacléricature.  Mais 
Optât  ne  se  fût  pas  expliijué  de  la  sorte,  si  nos 
ecclésiastiques  eussent  déjà  eu  une  partie  de 
la  tète  rasée. 

VL  Ce  Père  semble  faire  allusion  à  la  loi  de 
Moïse,  où  il  est  défendu  aux  prêtres  de  se  raser 
la  tète,  aussi  bien  que  de  porter  les  cheveux 
trop  longs.  «  Caput  suuni  non  radent,  neque 
coniam  nutrient,  sed  attondebunl  capita  sua.  » 
C'était  justement  l'usage  des  ecclésiastiques 
dans  ces  iiremiers  siècles.  Aussi  saint  Jérôme 
expliquant  ces  paroles  de  la  loi  dans  ses  com- 
menlaires  sur  Ezéchiel,  parle  d'une  manière 
qui  fait  bien  connaître  que  les  clercs  se  con- 
formaient alors  d'autant  plus  volontiers  à  cet 
usage  de  la  synagogue,  qu'on  ne  pouvait  alors 
s'en  éloigner,  qu'en  s'approcbant  des  manières 
superstitieuses  des  idolâtres. 

«  Perspicue  demonslratur,  nec  rasis  capiti- 
l)us,  sicut  sacerdotes  culloresque  Isidis  atqne 
Serapis,  nos  esse  debere  :  nec  rursus  comam 
demittere,  quod  proprie  luxuriosorum  est,  bar- 
barorumque  et  mililantium;  sed  ut  lionestus 
habilus  sacerdolum  facie  demonstrelur.  Disci- 
mus  nec  calvilium  novacula  esse  faciendum, 
nec  ita  ad  pressum  fondendum  caput,  ut  raso- 
riun  similes  esse  videanuir;  sed  in  fautnm  ca- 
pillos  esse  demittendos,  ut  opertum  sit  caput 
(In  c.  XLiv.  Ezéchiel).  » 

11  ne  se  peut  rien  dire  de  plus  précis,  ni  de 
plus  clair  pour  faire  connaître  que  l'Eglise  ob- 
servait encore  la  même  pratique  qui  était  mar- 
quée dans  la  loi  de  Moïse  :  ([u'elle  ne  voulait 
point  qu'on  se  rasât  la  tête,  ni  même  qu'on 
coupât  les  cheveux  de  si  près  par  la  tonsure  : 
«  Nec  ita  ad  |)ressum  tondeadum  caput,  »  que 
la  tête  ne  fût  pas  couverte. 

VU.  Ammien  Marcellin  dit  bien  qu'on  fit 
mourir,  sous  l'empire  de  Julien  l'Apostat,  un 


chrétien  nonmié  Diodore,  parce  qu'ayant  le 
soin  de  bâtir  une  église,  il  coupait  les  cheveux 
à  plusieurs  enfants.  «  Quod  dum  ledificandœ 
pra'esset  Ecclesi;e,  cirros  [tnerorum  licentius 
detondebat,  id  (|uoqii(.'  ad  eorum  cullum  existi- 
nums  perlinere  (Anun.  Marcel.,  1.  xxii).  »  11  y  a 
peu  d'apparence  que  ce  Diodore  fût  évêque.  II 
disposait  peut-être  ces  enfants  â  la  ctéricature 
en  les  tondant,  mais  il  ne  leiu-  faisait  point  de 
couronne.  Lucien,  dans  un  de  ses  dialogues, 
fait  paraître  un  de  nos  clercs  avec  les  cheveux 
courts,  mais  il  ne  parle  point  de  la  couronne 
(Dialog.  Philopatris).  Nous  dirons  un  peu  plus 
bas,  «lue  dès  (]ue  les  moines  parurent  dans 
l'Afrique  et  ailleurs  avec  h;urs  têtes  rasées,  on 
leur  fit  cent  insultes. 

On  ne  lit  rien  de  semblable  dans  l'histoire  de 
nos  martyrs,  au  teni[)s  des  persécutions.  C'est 
donc  une  preuve,  que  ni  [)Our  les  cheveux,  ni 
pour  les  habits,  ils  n'atrectaienl  aucune  singu- 
larité qui  les  distinguât  des  autres  hommes,  au 
moins  de  ceux  qui  aimaient  la  modestie. 

Vlll.  Les  histoires  |)articulières  de  nos  évè- 
ques ne  nous  les  représentent  (loint  autrement 
([u'avec  des  cheveux  et  des  babils  modestes. 
Le  poète  Prudence  parlant  de  saint  Cyprien  au 
connnencement  de  sa  conversion  ,  dit  qu'il 
coupa  ses  grands  cheveux,  il  commença  à  les 
porter  fort  courts,  et  ensuite  il  fut  fait  évè(|ue. 
«  Jamque  figura  alla  est,  quam  quœ  fuit  oris, 
et  nitoris.  Dutlua  ca;saries  compescitur,  ad  brè- 
ves capillos,  etc.  His  igitur  merilis  dignissimus 
usque  episcopale  provehitur  solium  doctor  (De 
Coronis.  Ilymno.  1-2).  » 

Sidoine  Ai)ollinaire  parlant  du  saint  prêtre 
Claudien,  remarque  seulement  qu'il  ne  laissait 
|)as  croître  ses  cheveux,  ni  sa  barbe.  «  Licet  cri- 
men  barbanniue  non  |>ascerel  (L.  i  v,  ep.  ii,  xsi  v).  » 
En  un  antre  endroit,  faisant  la  iieinture  d'un 
honune  de  ([ualité,  dont  la  vertu  porta  les  ci- 
toyens à  le  faire  prêtre  par  force,  il  dit  seule- 
ment qu'il  avait  la  chevelure  courte  et  la  barbe 
longue.  «  Coma  brevis,  barba  prolixa.  » 

Le  prêtre  Constance,  dont  la  vie  de  saint  Ger. 
main.  évê(|ued'Auxerre,  dit  que  saint  Amateur, 
évêque  de  la  même  ville,  ayant  appris  du  ciel 
que  Germain  devait  lui  succéder,  demanda  au 
gouverneur  de  la  province  le  pouvoir  de  le  ton- 
surer.  «  Licentiam  tribuas  Germanu  m  tonsu- 
rare.  »  Ce  qu'ayant  obtenu  ,  il  prit  de  force 
Germain,  qui  gouvernait  le  pays  en  (jualité  de 
du(,',  et  lui  coupa  les  cheveux.  «  Germauum 
apprehendit,  et  invocato  nomiue  Domini,  cae- 


544 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-SEPTIÈME. 


sariem  cjiis  c.ipiti  detraliens,  liabitu  religionis, 
rejectis  s;cculanbus  oniamentis,  eum  i)roiiio- 
tionis  honore  induit  (Surius,  die  31.  April.).  » 
Cet  évêiiue  tonsura  Germain  ,  mais  il  n'est 
point  parié  de  couronne.  Et  il  le  tonsura 
comme  le  principal  auteur  de  cette  sainte  vio- 
lence (|u'un  autre  n'eût  osé  avouer. 

Hors  de  ces  rencontres  particulières,  chacun 
se  coupait  ou  se  faisait  couper  les  cheveux. 

IX.  Il  est  vrai  qu'on  conjurait  souvent  les 
anciens  év("(|ues  par  leur  couronne. 

Saint  Augustin  le  dit  en  parlant  aux  évêques 
donatistes.  «  Per  coronam  nostram  nos  adju- 
rant vestri,  per  coronam  vestram  vos  adjurant 
nostri  (Ejiist.  cxlvu).»  Et  saint  Jérôme  écrivant 
à  saint  Auj^tustin  :  «  Fratres  tuos,  ut  mco  no- 
mine  saintes,  precor  coronam  luam(Ep.  xxvi).  » 
Et  saint  Paulin  écrivant  à  Alype  :  «  Ad  vene- 
randum  socium  coronœ  tuœ,  patrem  nostrum 
Aurelium  ita  scripsimus  (E|iist.  xxxv).  »  Et  Si- 
doine Apollinaire  à  l'évèque  Léonce  :  «  Auto- 
ritas  coronœ  imv  (Sidon.,  I.  vi,  epist.  m).  »  Et 
révè(|ue  Paschasin  au  pape  Léon  :  «  Jiibere 
dignata  est  corona  veslra  L.  vu,  epist.  vin).  » 
Les  évêques  du  concile  de  Tarragone  dans  leur 
lettre  au  pape  Ililaire  :  «  Drbita  coronœ  vestnc 
obse(iuia  déférentes  (Epist.  ii).  » 

Le  concile  de  Vannes,  en  453,  adressant  ses 
ordonnances  aux  évêques,  il  les  traite  comme 
les  têtes  couronnées  du  sacerdoce.  «  Incolunie 
regnum  et  coronam  vestram  Ecclesite  su;e  Deus 
protegat.  » 

Si  cette  couronne  eût  été  celle  qui  est  com- 
mune à  tous  les  ecclésiastiques  depuis  plus  de 
mille  ans,  surtout  à  ceux  des  ordres  supé- 
rieurs, on  ne  l'aurait  pas  regardée  dans  ce  con- 
cile comme  une  mar(|ue  de  royauté,  Reijniim 
et  coronam.  On  ne  l'aurait  pas  réservée  aux 
évêques  seuls  dans  tous  ces  témoignages  qui 
ont  été  cités,  et  une  infniité  d'autres  qu'on  y 
eût  pu  ajouter.  Il  est  donc  hien  plus  apiiarent 
que  c'est  la  royauté  spirituelle  du  sacerdoce  de 
J.-C.  qui  éclate  avec  plus  de  gloire  dans  les 
évêques  qu'on  voulait  remarquer  par  cette 
couronne. 

X.  Le  concile  IV  de  Carthage  (Can.  xliv.),  ne 
commande  aux  clercs  i|ue  la  modestie  dans  les 
cheveux,  c'est-à-dire  (|u'il  leur  ordonne  de  les 
porter  fort  courts.  «  Clericus  nec  coniam  nu- 
Iriat,  et  liarham  radat.  » 

Ce  concile  n'eût  pas  manqué  de  faire  la  des- 
cription de  la  cérémonie  de  la  tonsure  cléri- 
cale et  de  la  couronne,  si  elle  eût  des  lors  été 


en  usage,  puisqu'il  a  fait  une  description  si 
exacte  des  cérémonies  de  l'ordination  non-seu- 
lement des  clercs  supérieurs,  mais  des  infé- 
rieurs aussi,  et  même  des  psalmistes.  Passons 
des  clercs  aux  moines,  afin  de  repasser  des 
moines  aux  clercs,  après  avoir  trouvé  l'origine 
de  la  couronne. 

XI.  Les  moines  mêmes  s'étudièrent  d'abord 
à  une  modération  qui  était  propre  à  leur  état. 
Saint  Jérôme  se  moiiue  de  ces  histoires  fabu- 
leuses, qui  racontaient  que  le  chef  des  soli- 
taires Paul  avait  porté  des  cheveux  pendant 
jusqu'à  terre  :  «  Crinilum  calcaneo  tenus 
hnminem  (In  vila  Pauli).  »  Ce  Père  louait 
saint  Hilarion  de  ce  qu'il  coupait  ses  cheveux 
une  fois  l'an,  au  temps  de  Pâques.  «  Capillum 
semel  in  anno  die  Paschœ  tonderet(In  vita  Hi- 
larion., r])ist.  xxu).  »  Il  inveclive  ailleurs  contre 
des  moines  extravagants,  qui  avaient  de  grands 
cheveux  comme  des  femmes,  la  barbe  à  pro- 
portion et  les  pieds  uns.  «  Viros  fnge,  quibus 
feniinei  contra  A|)oslolum  crines  :  hircorum 
barba,  nudi  in  patientia  frigoris  pedes.» 

Saint  Augustin  ne  censtu-a  jias  avec  moins 
d'aigreur  les  longs  cheveux  de  certains  moines 
vains  et  fainéants,  qui  voulaient  par  ce  singu- 
lier ornement  de  leur  tête,  s'ac(iuérir  de  la 
vénération  ,  et  passer  |)our  des  hommes  ex- 
traordinaires. «  Venalem  circumferentes  hy- 
pocrisim,  liment  ne  vilior  habeatur  tonsa  san- 
clitas,  ut  videlicet  quieos  videt,  aniiquos  illos, 
quos  legimus,  cogitet,  Samuelem,  et  reliques, 
qui  non  tondebantur  (De  opère  Mona.  c.  xxxi).  » 

Ces  blâmes  et  ces  louanges  nous  font  égale- 
ment voir  qu'on  n'exigeait  des  moines  mêmes 
lû  la  couronne,  ni  de  raser  leiu'  tête,  mais  seu- 
lement de  couper  souvent  leurs  cheveux,  et  de 
n'y  affecter  ni  de  la  propreté,  ni  de  la  singu- 
larité. 

XII.  Mais  comme  la  vanité  de  ces  moines 
amateurs  de  leurs  longs  cheveux  avait  scanda- 
lisé l'Eglise,  il  s'en  éleva  d'autres  qui  l'édifiè- 
rent beaucoup  par  le  mépris  qu'ils  firent  de 
ces  ornements  afl'ectés,  et  jiar  le  plaisir  (|u'ils 
prirent  à  se  faire  mépriser  du  monde,  en  cou- 
|)ant  ou  rasant  une  partie  de  leurs  cheveux, 
avec  une  difformité  qui  blessait  les  yeux  des 
âmes  charnelles,  mais  qui  paraissait  belle  et 
édifiante  aux  yeux  de  l'humilité  chrétienne. 

Saint  Paulin  a  fait  une  peintme  admirable 
de  ces  têtes  demi-rasées,  (lui  cherchaient  à  se 
rendre  méprisables,  et  qui  en  étaient  d'autant 
l^lus  vénérables  aux  âmes  vraiment  détrom- 


DE  LA  TONSIIU-:  CI.EIUCALE. 


Si3 


pées  (les  illusions  du  siècle,  et  lorlemLiil  per- 
suadées  des  vériti'sde  l'Evaiijiile  et  de  la  gloire, 
lie  la  croix.  Il  tut  lui  iiièiiie  un  teiii[)S  de  ce 
nombre,  et  voici  aussi  connue  il  en  parle. 
«  Couservuli  et  conipallidi  uostri,  liorrentihus 
ciliciis  luuniles,  sagulis  palliali,  veste  succin- 
cli,  casta  inforinilale  ca|iillurn  ad  culeni  ca;si  : 
et  iiia'([ualitcr  seniitonsi ,  et  dcsiitula  IVoiîte 
pra'rasi,  et  liouorabililerde5pical)iles(Epist.  vu 
et  iv).  » 

Quand  ce  Père  désire  ailleurs  que  ses  péchés 
représentés  par  les  cheveux,  soient  non  |ias 
coupés  à  demi,  mais  comme  rasés  :  «  Non  ac- 
cisione  medii  tondeanlur,  sed  ad  vivum  quasi 
novacula  radente  perimantur,  b  il  ne  fait  nul- 
lement allusion  à  la  couronne  rasée,  mais  à  la 
longueur  des  cheveux,  dont  on  coui>ait  la  moi- 
tié. C'est  évidemment  le  sens  de  ces  paroles, 
«  accisione  medii  tondeantur.  »  Salvien  témoi- 
gne qu'aussitôt  que  ces  saints  religieux  parurent 
dans  rAtri(]ue  et  surtout  à  Carthage  avec  cette 
manière  nouvelle  et  dilTorme  de  couper  et  de 
raser  leurs  cheveux,  ils  furent  traités  avec  in- 
jure et  avec  outrage  de  la  part  des  infidèles. 

Cet  auteur  dit  t[ue  ce  fut  en  partie  pour  cela 
que  la  colère  du  ciel  éclata  sur  l'Afrique.  «  Non 
sine  causa  ilaque  istud  fuit,  cjuod  inter  Africa' 
civitates,  et  maxime  intra  Cartliaginis  muros 
pallialum,  et  pallidum,  et  recisis  fluentium  co- 
marum  jubis  usque  ad  cutem  tonsuni  videre, 
tam  infelix  ille  populus,  quam  inlidelis,  sine 
convitio  atque  execratione  vix  poterat  (De  gu- 
bernatione  Del,  1.  viii  .  » 

Si  après  rétablissement  de  l'Empire  chré- 
tien, et  lors  même  que  la  religion  chrétienne 
dominait  dans  le  monde  avec  le  plus  d'éclat,  ces 
singularités  de  nos  moines  attiraient  sur  eux 
tant  d'insultes,  que  serait-il  arrivé,  et  quelle 
tempête  n'aurions-nous  pas  vu  fondre  sur 
nous,  si  au  temps  des  empereurs  païens  tout  le 
clergé  se  fût  distingué  par  une  tonsure  et  une 
couronne  rasée? 

XIII.  Et  au  contraire,  si  pendant  les  trois 
premiers  siècles  le  clergé  n'a  fait  gloire  (jue 
d'une  grande  modestie  dans  les  cheveux ,  on 
n'a  nul  sujet  de  faire  aucun  changement  sur 
ce  point  pendant  tout  le  (|uatrième  siècle. 
Aussi  on  n'en  voit  aucune  trace  ni  dans  les 
conciles  ni  dans  les  Pères.  Ce  n'a  été  qu'au 
commencement  du  sixième  siècle  ou  à  la  fin 
du  cinquième,  que  la  couronne  cléricale  parut 
évidenunent  introduite. 

Ce  fut  en  ce  temps-là  que  naquit  saint  Ni/ior 


avec  un  filet  de  clieveux  autour  de  sa  tète,  en 
façon  de  la  couronne  des  clercs,  dit  Crégoire 
de  Tours,  ce  qui  fut  im  présage  de  la  dignité 
poiilificalt;  ;i  lai]iU'll(!  le  ciel  le  destinait. 

Ce  fut  donc  dans  le  cin(|uièni('  sicilc  (\uf  la 
pralique  de  la  couronne  cléricale  telle  qu'elle 
est  encore  préscnteniiut,  couuuença  à  prendre 
cours  dans  l'Eglise.  Or  il  ne  se  jiassa  rii  n  dans 
ce  siècle  qui  ait  pu  vraisemblablement  doiuier 
commencement  à  cette  pratique,  que  le  désir 
d'imiter  la  sainteté  et  toutes  les  vertus  de  la 
vie  monastique,  dont  nos  prélats  furent  alors 
animés. 

Nous  dirons  dans  la  suite  qu'une  grande 
paitie  des  évéques  fut  tirée  des  cloîtres,  qu'ils 
affectèrent  de  prendre  les  mêmes  habits  (jue 
les  moines;  enfin  ils  s'appliquèrent  à  trans- 
planter dans  le  clergé  toutes  les  vertus  monas- 
tiques. 

Rien  n'est  donc  plus  probable  que  de  dire 
qu'en  ce  temps-là  se  fit  ce  changement  dans  le 
clergé,  par  une  très  louable  passion  d'imiter 
la  mortification  et  l'humilité  des  plus  saints 
religieux,  et  le  mépris  ([u'iis  faisaient  des  ajus- 
tements et  des  vanilés  du  siècle. 

Les  chapitres  suivants  feront  voir  comme 
nos  i^rélats  empruntèrent  en  même  temps  une 
partie  des  habits  monasti(jues,  par  le  même 
amour  de  l'humilité  et  de  la  croix. 

XIV.  Il  est  temps  de  venir  à  l'Eglise  grecque. 
Clément,  dans  les  constitutions  apostoliciues,  y 
exhorte  tous  les  fidèles  à  la  modestie  des  che- 
veux. «  Non  capillum  nutriens,  nec  pexus,  nec 
comatus  [L.  i,  c.  m).  »  Ensèbe,  parlant  de  saint 
Jaci[ues,  apôtre  et  évèque  de  Jérusalem ,  dit 
que  le  rasoir  ne  passa  jamais  sur  sa  tète.  Hr.jiv  i-i 

zi.;  xîvxXt.v  àjTOÙ  eux  ivsp^r,  (Eusèb..  1.  XXV,    C.  XXIl). 

Clément  d'Alexandrie  se  conforme  aux  con- 
stitutions apostoliques.  «  Virorum  sit  rasum 
caput,  nisi  forte  pilos  crispos  habent;  barba 
aulem  hirsuta  (Ptïdag.  I.  2-j,  c.  11).  » 

C'était  la  pratique  des  chrétiens  grecs  de 
porter  la  barbe  grande  et  les  cheveux  courts. 
Ce  fut  ce  qui  anima  le  zèle  de  saint  Epipliane 
contre  des  moines  hérétiques,  qui  faisaient 
tout  le  contraire  par  une  folle  passion  de  sin- 
gularité. "  Hi  barbam,  formam  viri  resecant; 
capillos  autem  capitis  sappe  nutriunt.  Et  de 
barba  quidem  in  Constitutionibus  Apostolo- 
rum  dicit  divina  Scriptura,  ac  doctriua  :  Ne 
corrum|ia5.  hoc  est.  ne  seces  barb;e  pilos,  ne- 
que  meretriciuscultusassumatur.Hœresi.  80).  » 
L'Ecriture  nous  apprend  que  c'est  une  marque 


Th. 


Tome  I. 


33 


U6 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS. 


CHAPITRE  TRENTE-SEPTIÈME. 


de  deuil  d'avoir  les  cheveix  et  le  poil  de  la 
barbe  rasés.  «  Omne  caput  calvitiuni,  et  om- 
nis  barba  rasa  erit.  » 

Isuïe,  Jéréniie  et  Ezéeliiel  parlant  de  la  sorle 
pour  exprimer  une  extrême  affliction,  saint 
Jérôme  l'exjdiquede  la  sorte:  «  Apiid  antiques 
barbîP  capiti5(iMe  rasnra,  lucfus  indieinm  fuit 
(Hiereni.  c.  XLViii).  »  La  raison  est  que  dans  le 
deuil  on  se  distingue  eu  faisant  le  contraire  des 
autres.  Ainsi  saint  Clirysostome  dit  qu'on  por- 
tait de  longs  cheveux  dans  le  deuil  aux  lieux 
où  le  reste  du  monde  liîs  portait  courts,  et 
qu'on  les  y  portait  courts  où  le  reste  du  monde 
les  iiorfait  longs.  »  Inler  nos  fientes  inulti  nu- 
tiiunt  coniam,  Job  totondit.  Quare?  Id  uimi- 
rum  proiiosilum  est  ei,  qui  fiel,  ut  contrariam 
in  formani  constituât  liabilum.  Lbi  enim  lio- 
noiatui' coma,  signum  tlelns  est  londeri  ;  ubi 
vero  tondetur,  sigruun  flelus  est  non  tonderi. 
Ubique  cnini  asianlibus  contraria  sumitur 
forma  (Sermo  m,  de  Propbela  Job).  » 

Les  clercs  se  conformèrent  donc  d'abord  aux 
laïcs  dans  l'Orient,  et  évitèrent  seulement 
d'avoir  les  cbe\eux  longs.  Le  pape  Damase  dit 
que  le  philosophe  cyni(|ue  Maxime  ne  rem- 
porta de  la  prétention  qu'il  avait  à  l'évcclié  de 
Constaulinople  que  la  honte  de  s'être  fait  cou- 


per ses  grands  cheveux  pour  y  parvenir.  «  Ut 
amputatis  capillis,  jacturam  capitis  sustineret 
(Orat.  II).  0  Saint  Grégoire  de  Nazianze  en  dit 
autant. 

Depuis  les  moines  se  rasèrent  la  tête,  comme 
faisant  profession  de  deuil  et  de  pénitence.  So- 
crate  dit  que  Julien  l'Aposlat,  voulant  contre- 
faire le  moine,  se  fit  ra«er  la  tète.  Les  clercs 
firent  définis  gloire  d'imiter  les  moines.  Je  ne 
sais  si  ceux  qui  ont  porté  les  cheveux  longs 
|iarmi  eux  l'ont  fait  fiour  se  rendre  dissem- 
blables aux  séculiers  qui  les  portaient  courts, 
selon  saint  Chrysostome.  Mais  je  sais  bien  que 
le  saint  évoque  des  Scythes,  Théotime,  porta 
toujours  de  longs  cheveux,  selon  Sozomène, 
tenant  cela  de  la  jibilosophie,  dont  il  avait  fait 
profession.  «  Aiunt  quod  in  coma  nntrienda 
perseveraverit,  pliilosophi;e  studium,  uti  cœpe- 
rat,  prosecutus  (Sozom.,  1.  vu,  c.  25).  »  Cette 
lihilosophie  consistait  à  faire  le  contraire  de  ce 
(jue  le  monde  fait. 

Finissons  par  saint  Denis,  qui  a  décrit  dans 
sa  hiérarchie  ecclésiastique  la  cérémonie  de  la 
vêlure  et  de  la  tonsure  d'un  moine,  mais  sans 
dire  un  seul  mot  de  la  couronne,  dont  il  n'eût 
pas  oublié  de  développer  ks  significations  mys- 
térieuses (Cap.  vi). 


FIN   DU  TOME  PREMIER. 


TABLE   DES    MATIERES 


CONTENUES  DMS  LE  PREMIER  VOLUME. 


Avertissement  sur  cette  nouvelle  édition. 
AvtRTissF.MENT  de  Tédilion  de  1723. 
Vie  du  père  Louis  Thomassin. 
Catalogl'e  des  ouvrages  du  père  Thomassin. 


I      Eloges  ou  Jugements  que  plusieurs  auteurs  ont  portés 
V  du  père  Tboujassin  et  de  ses  ouvrages.  x.tl 

VI!      Préface  du  père  Ttiomassm.  xsm 


PREMIERE    PARTIE 

QUI  TRAITE  :  1°  DU  PRE.MIER  ORDRE  DES   CLERCS.  —  2"  DU  SECOND  ORDRE. 
—  3°  DES  CONGREGATIONS  MONASTIQUES. 


LIVRE  PREMIER. 

Où  il  est  traité  du  premier  ordre  des  Clercs,  c'est-à-dire,  des  Evêques,  de  leur  origme, 
progrès,  droits,  privilèges,  fonctions,  obligations,  etc.,  etc 


Chapitre  Premier.—  De  l'épiscopat  en  général,  qui  est 
la  pléuilude  et  la  souveraineté  spirituelle  du  sacerdoce. 

Chap.  h.  —  On  justiDe,  par  les  saints  Pères,  que  l'épis- 
copat est  la  plénitude  et  la  souveraineté  spirituelle  du 
sacerdoce. 

ChaP.  m.  —  Des  titres  de  métropolitain,  d'archevêque, 
d"esarquc  de  diocèse,  de  patriarche  et  de  pape. 

Chap.  IV.  —  Que  les  titres  glorieux  de  pape,  d'apotre, 
de  prélat  apostolique,  de  siège  apostolique,  ont  été  au- 
trefois communs  à  tous  les  évèques,  et  qu'ils  ont  été 
néanmoins  singulièrement  attribués  au  poutife  romain. 

Chap.  V.  —  L'union  et  la  coirespondance  des  papes  avec 
les  empereurs,  les  rois  et  les  évèques  de  Fiance,  éga- 
lement glorieuse  et  avantageuse  au,\  uns  et  aux  autres, 
pendant  le  règne  de  Charlemagne  et  de  ses  descendants. 

Chap.  VI.  —  Si,  après  le  dixième  siècle  de  l'Eglise,  le 
pape  a  exercé  une  iuridicliim  immédiate  dans  tous  les 
diocèses  particuliers  de  l'Eglise  universelle,  saus  le  con- 
sentement des  evêques  diocésains. 

Chap.  VII.  —  Des  patriarches  anciens  en  général  pendant 
les  ciaq  premiers  siècles  de  l'Eglise. 


CiiAP.  VIII.  —  Des  trois  patriarches  anciens  en  particu- 

1  lier,  savoir  :  de  Rome,   d'Alexandrie   et  d'Antioche, 

pendant  les  cinq  premiers  siècles  de  l'Eglise. 

Chap.  IX —  Des  patriarches  anciens  de  Rome,  d'Alesan- 

3  dric,  d'Antioche,  de  Jérusalem  et   de  Constantinople. 

Les  pouvoirs  et  les  privilèges  des  patriarches,  aux  six, 

11  sept  et  huitième  siècles. 

Chap.  X.  —  Des  patriarches  de  Constantinople  pendant 

les  cinq  premiers  siècles. 
Chap.  XI.  —  De  la  contestation  qui  s'éleva  sur  le  titre  de 
17  patriarche  œcuinénii|ue  entre  le  pape  saint  Grégoire  et 

Jean  le  Jeiincur,  évèque  de  Constantinople. 
Chap.  Xll.  —  Du  patriarche  de  Jérusalem   pendant  les 
cinq  premiers  siècles. 
20      Cu.vp.  XIII.  —  Des  patriarches  anciens,   selon  les  senti- 
ment? des  Grecs  du  Moyeu  Age. 
Chap.  XIV.  —  Des  anciens  patriarches,  selon  les  senti- 
ments des  Latins  du  .Moyen  Age. 
30      Chap.  NV.— Des  patriarches  grecs  en  général  depuis  l'an  md. 
Chap.  XVI.  —  Des  patriarches  en  particulier  depuis  Tan 
43  mil. 


46 

56 
60 

ô'* 

74 

80 

83 
83 

97 


548 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Chap.  XVU.  —  Des  Irnis  exarques  d'Ephèse,  d'Héracléc 

el  de  Césarée,  pendant  les  cinq  premiers  siècles. 
Chap.  XVIII.  —  Des  exarques  ou  primais  de  Chypre  el 

de  Tliessalonique,  pendant  les  cinq  premiers  siècles. 
CcAP.  Xl.\.  —  l'es  archevêques  ou  exarques,  ou  primats 
d'Acridc,  de   Sirmich ,  de   Thessalonique ,   etc.,    aux 
sixième,  septième  et  huitième  siècles. 
Cbap.  XX.  —  De  l'archevêque  de  Carthase,  des  pouvoirs 
des  patriarches,  exarques,  ou  archevêques,  dans  les  cinq 
premiers  siècles.  _ 
Chap.  XXI.  —  Des  exarqnes,  primats  on  petits  patriar- 
ches, d'Héracléc,  d'Ephèse,   de  Césarée,  de  Carthage, 
d'.\quilée,  de  Grade,   des  Golhs,  des  Lombards,   des 
Français,  etc.,  des  catholiques,  des  jacobites,  des  nes- 
loriens,  des  cophtes,  etc.,  aux  sixième,  seplième  et 
huitième  siècles. 
Chap.  XXII.  —  Des  patriarches  nouveaux  des  Latins  aux 

huitième,  neuvième  el  dixième  siècles. 
Chap.  XXIll.  —  Des  patriarches  de  Grade,  de  Venise, 

d'Aquiléeetdes  Rulgares  après  l'an  mil. 
Chap.  XXIV.  —  Des  patriarches  catholiques,  nu  primats 
de  r.\sie,  qui  se  sont  élevés  dans  les  siècles  moyens,  par 
le  démembrement  des  patriarcats  d'.^nlioche  et  de  Jé- 
rusalem. 
Chap.  XXV.  —  Des  autres  patriarches  de  l'Europe  et  de 
l'Afrique  qui  ont  dénieuibré  les  patriarcats  de  Coustan- 
tinople  et  d'Alexandrie. 
Chap.  XXVL  —  Des  patriarches  latins  en  Orient. 
Chap   XXVIl.  —  Des  évèques  titulaires. 
Chap.  XXVllI.  —  De  l'origine  des  évèques  titulaires. 
Chap.  XXIX.  —  Uépouse  à  quelques  difiîcultés  sur   la 
pluralité  des  évèques  en  une  mèine  ville,  et  sur  l'ordi- 
nation des  évèques  pour  des  lieux  peu  habités.  De  la 
pluralité  des  curés  en  une  même  paroisse. 
Chap.  XXX. —  Des  archevêques,  ou  primats,  ou  vicaires 
apostohqncs  d'Espagne  et  de  France,  depuis  l'an  500 
jusqu'en  900. 
Chap.  XXXI.  — Continualion  des  primats  en  France,  en 

Allemagne  et  en  Angleterre. 
Chap.  XXXII.  —  Remarques  générales  sur  les  primats  ou 

vicaires  apostoliques,  et  leurs  pouvoirs. 
Chap.  XXXIll  —  Des  primats  ou  exarques  dans  l'Occident 
et  dans  l'Orient  sous  l'empire  de  Charlemagne  et  de  ses 
successeurs. 
GuAP.  XXXIV.  —  Dc.5  primats,  depuis  l'an  mil  jusqu'à 

présent,  et  prcmiêrenient  de  celui  de  Lyon. 
Chap.  XXXV.  —  De  la  primatie  de  Bourges;  de  celles  de 

Bordeaux,  de  Narbonne  et  de  Vienne. 
Chap   XXXVI.  —  Des  primats  d'Angleterre  el  d'Irlande. 
Chap.  XXXVII.  —  Des  primats  d'Allemagne,  d'Italie,  de 

Danemark,  de  Pologne  el  de  Hongrie. 
Chap.  XXXVIII.  —  Des  primats  d  Espagne. 
Chap.  XXXIX.  —  De  la  création  des  nouvelles  méiropoles 

dans  les  cinq  premiers  siècles. 
Chap.  XL.  —  Des  pouvoirs  et  des  devoirs  des  métropo- 
litains pendant  les  cinq  premiers  siècles. 
Chap.  XI. L—  De.;  métropolitains  de  France,  d'Angleterre 
et  d'Allemagne,   aux  sixième,  seplième    et   huitième 
siècles. 


CuAP.  XLII. —  Des  métropolitains  d'Espagne,  et  des  pays 
102  éloignés.  224 

Chap.  Xl.lll.  —  Des  métropolitains  en  général,  leur  insti- 
lOi  tution,  leurs  droits  et  leurs  devoirs,  sous  l'empire  de 

Charlemagne  el  ses  successeurs.  De  quelques  métropoles 
en  particulier.  227 

109      Chap.  XLIV.  —  De  quelques  autres  métropolitains   en 
particulier.  Du  rang  des  méiropoles  grecques.  Des  évè- 
ques prololrones  dans  chaque  province.  236 
III      Chap.  XLV.  —  De  l'érection  des  nouvelles  méiropoles, 

depuis  l'an  mil  jusqu'à  présent.  ^  241 

Chap.  XLVI. —  Des[iouvoirsel  des  devoirs  des  métropo- 
litains en  général,  el  de  leur  mutuelle  communication 
avec  leurs  sull'raganls.  En  particulier  de  leur  juridiction 
sur  les  sujets  de  leurs  sulTragants  selon  le  droit  des  dé- 
IIG  crétales.  2.^6 

Chap.  XLVII.  —  Des  pouvoirs  du  métropolitain  sur  les 
1 19  sulTraganls,  selon  le  droit  des  déerélales.  Pouvoirs  siu- 

gulieis  des  archevêques  de  Cantorbéry.  2()1 

121  Chap.  XLVIII.  —  Des  causes  de  l'allaihlissemenl  de  l'auto- 
rité el  de  la  juridiction  des  métropolitains  dans  ces 
derniers  siècles.  Pouvoirs  des  métropolitains  après  le 
concile  de  Trente.  266 

123      Chap.  XLIX.  —  De  l'ancien  el  du  protolrone  entre  les 

évèques  de  la  même  province.  273 

CflAP.  L.  —  Les  évèques  sont  de  droit  divin,  el  institués 
131  par  Jésus-Christ  ;  ils  sont  successeurs  des  apùtres,  el 

136  en  ipielque  sens  même  de  saint  Pierre.  278 

146      Chap.  LL —  La  prééminence  el  l'antiquité  des  trois  or- 
151  dres  hiérarchiques,  et  des  trois  premiers  bénélices  de 

l'Eglise,  l'épiscop.il,  la  prêtrise,   le  diaconat,  selon  les 
Pères  grecs.  283 

Chap.  LU.  —  Suite  de  la  prééminence  el  antiquité  des 
1.j9  trois  ordres  hiérarchiques,  et  des  trois  premiers  bénéfices 

de  l'Eglise,  l'épiscopal,   la  prêtrise,  le  diaconat,  selon 
les  Pères  latins.  288 

162      Chap.  LUI.  —  Suite  de  la  même  excellence  des  trois  or- 
dres supérieurs,  et  des  trois  premiers  bénéfices,  selon 
166  les  Pères  latins  et  grecs.  295 

Chap.  LIV.  —  De  l'érection  des  nouveaux  évêchés  aux 

170  cinq  premiers  siècles.  299 

Chap.  LV.  —  Des  évèques  et  des  évêchés  nouveaux, 

surtout    dans   les  pays  nouvellement   convertis,  aux 

173  sixième,  seplième  et  huitième  siècles.  303 

Chap.  LVL  —  Des  évèques  el  de  l'élahhssement  des  nou- 
ISO  veaux  évêchés  sous  1  empire  de  Charlemagne  et  ses  suc- 

cesseurs. 310 

186      Chap.  LVH   —  De  l'institution  des  nouveaux  évêchés  en 
193  France,  de  leur  union,  division  el  translation  depuis  l'an 

mil  jusques  à  présent  317 

200      Chap.  LVlll. —  De  l'érection  des  nouveaux  évêchés  hors 
203  de  la  Fiance,  après  l'an  mil.  324 

Chap.  LIX. —  Des  missions  apostoliques,  pour  la  conver- 
209  sion  des  infidèles,  après  l'an  mil.  331 

Chap.  I.X.  —  De  la  qualité  el  des  pouvoirs  des  délégués 
213  du  siège  apostolique.  Des  évèques  qui  se  disent  évèques 

par  la  grâce  de  Dieu  et  du  Sainl-Siége.  33q 

220 


LIVRE  DEUXIEME. 

Où  il  est  traité  du  second  ordre  des  Clercs,  savoir  :  des  Chorévêques,  des  Archiprêtres,  des  Vicaires-Généraux, 
des  Pénitenciers,  des  Officiaux,  des  Curés,  des  Diacres,  des  Ordres  mineurs,  de  la  Tonsure,  des  Habits  des 
clercs,  du  Célibat,  de  l'Office  divin,  etc. 


CHAPnnK  pRF.MiKR. —  Des  chorévêques pemlant  les  huit 
premiers  siècles. 


CiiAp.  II.  —  Des  chorévêques  sous  l'empire  de  Charle- 
■i'-i'J  magne  et  de  ses  descendants.  344 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


519 


r.HAP.  m.  —  Des  archiprèlres  peudaut  les  cinq  premiers 

siècles.  349 

Chap.  IV.  —  Des  archiprèlres  aux  siiième  et  septième 

siècles.  353 

Chap.  V.  —  Des  archiprèlres  sous  Charlemagne.  333 

CiiAP.  VI.  —  Des  archiprèlres  de  la  ville  el  de  la  campa- 
gne, des  doyens  ruraux,  des  vicaires  forains,  suivanl 
les  droils  des  décrélales,  après  l'an  mil.  338 

CriAP.  VII. —  Des  grands-vicaires  des  évèqucs,  el  des  pé- 
nitenciers peudanl  les  premiers  siècles  de  l'Eglise.  364 
Chap.  Vill.  —  Des  grands-vicaires  el  des  ofliciaux  en 
général,  el  des  grands-vicaires  en  particulier,  suivanl  la 
discipline  de  l'Eglise,  après  l'an  mil.  3"5 
Chap.  IX.  —  Des  officiau-t.  375 
Chap.  X.  —  Du  théologal  el  du  pénitencier.                       379 
Cuap.  XI.  —  De  l'administration  du  sacrement  de  péni- 
tence par  les  curés,  sous  l'empire  de  Charlemagiie.  392 
Chap.  XII.  —  Des  ministres  du  sacrement  de  pénitence, 
surtout  des  religieux,  sous  l'empire  de  Charlemagne  et 
de  ses  successeurs.  399 
Chap.  XIII.  —  Où  l'on  traite  des  cas  réservés,  à  l'occa- 
sion du  pénitencier,  et  premièrement  de  ceux  qui  sont 
1      réservés  au  pape,  après  l'an  mil.  406 
Chap.  XIV.  —  Des  cas  réservés  à  l'évèque.  413 
Chap.  XV.  —  Des  indulgences.                                         418 
Chap.  XVI.  —  De  la  pénitence  publique  après  l'an  md.       422 
Chap.  XVII.  —  Des  archidiacres  pendant  les  cinq  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise.                                                   432 
Chap.  XVlll.  —  Des  archidiacres  dans  les  septième,  hui- 
tième et  neuvième  siècles.  4.'17 
Chap.  XIX.  —  Des  archidiacres  sous  l'empire  de  C.harle- 

magnc.  440 

Chap.  XX.  — Des  archidiacres  après  l'an  mil.  442 

Chap.  XXI.  —  Des  curés  pendant  les  premiers  siècles  de 

l'Eglise.  De  l'origine  des  paroisses.  432 

Chap.  XXII.  —  Continuation  de  l'origine  cl  de  l'antiquité 
des  paroisses.  457 


Chap.  XXUI.  —  Les  pouvoirs  el  les  obligations  des  curés 
pendant  les  huit  premiers  siècles. 

Chap.  XXIV. —  Des  curés  sous  l'empire  de  Charlemagne. 

Chap.  .XXV.  —  Diverses  remarques  sur  les  curés;  leurs 
droils  et  devoirs  sous  l'empi'e  de  Charlemagne  el  ses 
successeurs. 

Chap.  XXVI.  —  Des  curés.  De  leur  divine  origine.  De  leur 
ancienne  juridiction,  depuis  l'an  mil  jusques  à  présent. 

Chap.  XXVII.  —  Des  vicaires  perpétuels  el  amovibles, 
après  l'an  mil. 

Ch\p.  XXVIII.   —  Des  bénéfices  donnés  à  ferme  à  des 
ecclésiastiques. 

Chap.  XXIX.  —  Des  diacres  pendant  les  cinq  premiers 
siècles 

Chap.  XXX. —  Des  sous-diacres  el  des  autres  clercs  mi- 
neurs, pendant  lescinq  premiers  siècles. 

l'.HAP.  XXXI.  —  Des  sous-d'.acres,  des  lecteurs  el  des 
autres  ordres  inférieurs,  aux  sixième,  septième  et  hui- 
tième siècles 

Chap.  XXXII.  —  Dessous-diacres  eldes  autres  clercs  in- 
férieurs sous  l'empire  de  Charlemagne. 

Chap.  XXXIIl.  —  Du  diaconat,  du  sous-diaconat,  et  des 
autres  ordres  inférieurs,  après  l'an  mil  jusqu'à  présent. 

Chap.  .XXXIV.  —  S'il  y  avait  des  clercs  à  simple  tonsure 
sans  ordres  et  sans  fonction,  pendant  les  cinq  premiers 
siècles. 

Chap.  XXXV.  —  Si  l'on  donnait  tous  les  ordres  mineurs 
ensemble,  el  aux  mêmes  personnes,  dans  les  cinq  pre- 
miers siècles. 

Chap.  XXXVl.  —  Des  interstices  des  ordres,  et  si  l'on 
n'omettait  jamais  des  ordres  majeurs  pendant  les  cinq 
premiers  siècles  de  l'Eglise. 

Chap.  XXXVII.  —  De  la  tonsure  cléricale  pendant  les 
cinq  premiers  siècles. 


461 
470 


474 


481 


488 


494 


499 


oit 


511 


518 


325 


528 


533 


541 


FIN    DE    LA    T.\BLE    DES    MATIERES. 


Bar-le-Duc.  —  Typographie  Louis  GcÉBiiN,  rue  de  la  Rochelle,  49-51. 


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